Mme la présidente. L'amendement n° I-1, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Après l'article 163 quatervicies du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... . - Les cotisations dépendance versées en complément des cotisations de base ou des primes sur les contrats d'épargne retraite mentionnés à l'article 163 quatervicies sont déductibles du revenu net global dans les mêmes conditions que les cotisations de base ou les primes sur ces contrats d'épargne retraite.
« Les limites mentionnées au 2 du I de l'article 163 quatervicies incluent les cotisations ou primes versées sur les contrats dépendance mentionnés au premier alinéa. »
II. La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si vous le permettez, madame la présidente, je présenterai également l'amendement n° I-2.
Mme la présidente. L'amendement n° I-2, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. - Le a du 2 du I de l'article 163 quatervicies est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les membres d'un couple marié soumis à imposition commune, ou les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil, peuvent déduire les cotisations ou primes mentionnées au 1, dans une limite annuelle égale au total des montants déductibles pour chaque membre du couple ou chaque partenaire du pacte. »
B. - Le 2° de l'article 83 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les membres d'un couple marié soumis à imposition commune, ou les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil, peuvent déduire les cotisations ou primes mentionnées au premier alinéa, dans une limite annuelle égale au total des montants déductibles pour chaque membre du couple ou chaque partenaire du pacte en application des dispositions des deuxième et troisième alinéas ; »
C. - Le 1° du II de l'article 154 bis est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les membres d'un couple marié soumis à imposition commune, ou les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil, peuvent déduire les cotisations ou primes mentionnées au deuxième alinéa du I dans une limite annuelle égale au total des montants déductibles pour chaque membre du couple ou chaque partenaire du pacte en application des dispositions des cinq premiers alinéas ; »
D. - Le I de l'article 154 bis-0 A est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les membres d'un couple marié soumis à imposition commune, ou les partenaires liés par un pacte civil de solidarité défini à l'article 515-1 du code civil, peuvent déduire les cotisations ou primes mentionnées au premier alinéa, dans une limite annuelle égale au total des sommes déductibles pour chaque membre du couple ou partenaire du pacte en application des dispositions des deuxièmes à cinquième alinéas ; »
II. La perte de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Veuillez poursuive, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° I-1 vise à permettre la déductibilité fiscale des cotisations complémentaires d'assurance dépendance à un contrat d'épargne retraite, et ce dans les mêmes conditions que les cotisations de base aux régimes d'épargne retraite.
En d'autres termes, le même plafond de déductibilité fiscale que celui qui est aujourd'hui en vigueur pour l'épargne retraite s'appliquerait pour les cotisations d'épargne retraite, mais aussi les surprimes et les cotisations dépendance.
Monsieur le ministre, la commission insiste sur cet amendement, qui vise à envoyer un signal et à montrer que la couverture individuelle du risque de dépendance est un besoin croissant, de même nature que l'épargne retraite.
Nous avons imaginé cette disposition lors de la présentation du rapport d'information sur l'épargne retraite que j'ai eu le plaisir et l'honneur de soumettre à la commission voilà quelques semaines.
Quant à l'amendement n° I-2, il vise à une meilleure utilisation du plafond de déductibilité de l'impôt sur le revenu des versements en matière d'épargne retraite. Il s'agit de créer un plafond mutualisé pour les couples mariés et assimilés. Cette « familialisation » du plafond par foyer fiscal consisterait en l'addition des droits individuels de déduction dont dispose chacun des deux conjoints.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour ce qui est de l'amendement n° I-2, monsieur le rapporteur général, je n'ai pas d'objection de fond à formuler. Il me semble néanmoins préférable de l'examiner dans la seconde partie de la loi de finances.
J'émettrai en revanche une objection sur l'amendement n° I-1. Comme vous le savez, nous avons à coeur de développer le plan d'épargne pour la retraite populaire, le PERP. Nous craignons que l'ajout d'un volet sur la dépendance, à plafond constant, ne se fasse au détriment du volet retraite, ou vice-versa, et ne nous permette pas d'atteindre les provisionnements escomptés.
Il suffirait, me direz-vous, de remonter le plafond, mais c'est un autre sujet. Par ailleurs, la mission Gisserot sur le financement de la dépendance, problème majeur sur lequel nous devons progresser, est actuellement en cours.
Au bénéfice de ces explications, monsieur le rapporteur général, je vous propose de retirer cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur général, les amendements nos I-1 et I-2 sont-ils maintenus ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission accepte bien volontiers de reporter ces deux amendements en seconde partie de la loi de finances. Nous verrons d'ici là si nous sommes pleinement convaincus par les indications données par le ministre en ce qui concerne l'amendement n° I-1.
S'agissant de l'amendement n° I-2, je remercie vivement le Gouvernement de sa proposition. L'inscription en seconde partie est une bonne façon d'ouvrir des droits au titre des revenus de 2007 et donc de les traduire concrètement dans le calcul de l'impôt sur le revenu à acquitter en 2008. Dès lors, cette disposition n'aura pas d'incidence sur le solde de la loi de finances pour 2007.
En conséquence, je retire les deux amendements. Nous redéposerons en seconde partie, certainement, l'amendement n° I-2 et, peut-être - nous allons en discuter -, l'amendement n° I-1.
Mme la présidente. Les amendements nos I-1 et I-2 sont retirés.
Je suis saisie de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-187, présenté par M. P. Dominati et Mme Desmarescaux, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé
I - Les articles 885 A à 885 Z du code général des impôts sont abrogés.
II- Les pertes de recettes pour l'État du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet amendement concerne le principe même de l'impôt de solidarité sur la fortune. Chaque session budgétaire est l'occasion d'y revenir et vous avez indiqué au cours de la discussion générale, monsieur le ministre, que nous étions confrontés à deux projets, en cette année préélectorale, l'un de droite, l'autre de gauche.
Vous avez également indiqué que le Gouvernement pouvait s'enorgueillir d'une baisse de la fiscalité. Or, en ce qui concerne cet impôt, pour la seule année en cours, les recettes fiscales ont augmenté d'environ 17 %, ce qui représente 250 millions d'euros, tandis que le nombre d'assujettis supplémentaires s'établissait à quelque 50 000 !
Pour ma part, concernant cet impôt, j'ai du mal à percevoir la nuance entre un projet de droite et un projet de gauche, en tout cas depuis quelques années.
Bien sûr, alors que nous sommes à la veille d'une année électorale, nous n'allons pas ouvrir un débat de fond sur un sujet tabou comme celui-ci. Je voudrais toutefois savoir si vous envisagez d'aménager le principe même de l'ISF, d'autant que plusieurs formations politiques ont indiqué que cela devrait être fait au cours de la prochaine mandature présidentielle.
J'aimerais également connaître, dans la perspective des élections législatives, vos estimations concernant le nombre d'assujettis supplémentaires en 2007. Les objectifs du Gouvernement visent-ils à la même progression qu'en 2006 ?
Mme la présidente. L'amendement n° I-63, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les biens professionnels définis aux articles 885 N à 885 Q sont pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.
« Lorsque le patrimoine comprend des biens professionnels, le plancher à partir duquel le tarif de l'impôt est applicable est porté à 900 000 euros. »
II. - Après l'article 885 U du même code, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... . - Les biens professionnels sont inclus dans les bases de l'impôt pour 50 % de leur valeur. Le taux d'intégration varie pour chaque contribuable en fonction de l'évolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée des sociétés et entreprises où sont situés les biens professionnels qu'ils possèdent sur la base suivante :
EVOLUTION DU RATIO Masse salariale/valeur ajoutée |
POURCENTAGE Taux d'intégration |
Egale ou supérieure à une évolution de 2 points |
15 |
Egale ou supérieure à une évolution de 1 point |
35 |
Egale à 1 |
50 |
Entre 1 et -1 |
65 |
Entre -1 et -2 |
85 |
Entre -2 et -3 |
100 |
Entre -3 et -4 et au-delà |
125 |
« Un décret d'application visera à prévenir les tentatives d'utiliser ce système de modulation pour essayer de diminuer de façon injustifiée la contribution de l'impôt de solidarité sur la fortune. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Notre amendement vise à procéder à une réforme relativement importante de l'impôt de solidarité sur la fortune. Nous avons, comme vous, monsieur le ministre, le souci de l'efficacité, mais nous n'empruntons pas les mêmes voies.
On peut se demander si l'une des pistes à explorer en matière d'impôt de solidarité sur la fortune ne serait pas l'imposition par catégorie de patrimoine. Cette solution est déjà utilisée, mais de manière peu satisfaisante, du fait de l'exemption des actifs professionnels, situation que nous considérons comme illogique et que notre amendement vise donc à corriger.
Plusieurs raisons militent pour une telle modification.
Tout d'abord, la composition du patrimoine des personnes imposées à l'ISF laisse clairement apparaître que, plus le patrimoine est important, moins il est matériel et foncier, plus il est mobilier. Or l'exemption des actifs professionnels se double d'un large dispositif fiscal : crédit d'impôt applicable aux dividendes, taux préférentiels d'imposition des plus-values de cession, attribution de dividendes, etc.
Tout cela conduit d'ailleurs certaines entreprises dont les parts sociales sont essentiellement détenues par des actionnaires issus de la même famille à de « douloureux » choix de gestion... Il est donc légitime de soulager les conseils d'administration en question de ces choix cornéliens en décidant, enfin, de traiter tout le monde de la même manière, actionnaires majoritaires et minoritaires, qu'ils soient ou non adhérents à un pacte d'actionnaires.
C'est la première motivation de cet amendement.
Par ailleurs, reprenant les termes d'une proposition de loi que nous avions déposée voilà quelques années sur le sujet, nous préconisons un traitement individualisé de la matière fiscale en prévoyant un allégement de la contribution fiscale dès lors que les entreprises où les parts sociales sont détenues mettront en oeuvre une politique positive en termes d'emploi et/ou de répartition de la valeur ajoutée.
A contrario, toute entreprise qui poussera les feux de la financiarisation verra ses actionnaires pénalisés par le biais d'une plus grande intégration des actifs concernés dans l'assiette d'imposition.
C'est un moyen parmi d'autres de donner à notre système de prélèvements une nouvelle pertinence puisqu'il tend à favoriser de manière effective l'investissement productif et l'emploi.
Mme la présidente. L'amendement n° I-151 rectifié, présenté par MM. César, Beaumont, J. Blanc, Mortemousque, Pointereau, Cornu, Doublet et Bailly et Mme Gousseau, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans le deuxième alinéa de l'article 793 bis du code général des impôts, le montant : « 76 000 euros » est remplacé par le montant : « 120 000 euros ».
II. - Dans les troisième et dernier alinéas de l'article 885 H du code général des impôts, le montant : « 76 000 euros » est remplacé par le montant : « 120 000 euros ».
III. - Les pertes de recettes résultant pour l'État des I et II ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Adeline Gousseau.
Mme Adeline Gousseau. L'article 793 bis du code général des impôts définit les seuils au-delà desquels l'exonération des droits de mutation à titre gratuit portant sur un bien rural donné à bail à long terme n'est plus des trois quarts mais de la moitié.
Ce seuil a été fixé en 1983 à 500 000 francs, aujourd'hui converti à 76 000 euros, sans revalorisation depuis cette date. Il a également été repris tel quel à l'article 885 H du code général des impôts, qui prévoit une exonération partielle d'ISF pour les biens donnés par bail à long terme.
Ce seuil mériterait à tout le moins d'être revalorisé. En outre, l'amélioration du dispositif inciterait les propriétaires à consentir des baux à long terme en dépit d'une rentabilité locative faible, compte tenu de la valeur très importante du capital foncier agricole et viticole.
C'est pourquoi il est proposé de porter le montant du seuil à 120 000 euros.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-62 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° I-106 est présenté par MM. Massion, Masseret, Angels et Auban, Mme Bricq, MM. Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 885 I bis du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-62.
M. Thierry Foucaud. Cet amendement vise à supprimer une disposition fiscale introduite par la loi pour l'initiative économique, dite « loi Dutreil ».
En effet, cette disposition tendant à valider ce que l'on appelle les « pactes d'actionnaires » nuit à l'efficacité et au rendement de l'ISF sans que soit apportée une preuve tangible de son utilité au regard de la situation de l'emploi.
On se souviendra d'ailleurs que, à l'époque de la discussion de la loi Dutreil, on visait aussi à donner du sens à l'attachement des actionnaires à leur patrimoine mobilier en les engageant, sous réserve de la détention de longue durée de tel ou tel titre, à conserver leur bien pour être exemptés du paiement de l'impôt de solidarité sur la fortune.
L'état de l'emploi industriel dans notre pays depuis l'adoption de la loi pour l'initiative économique atteste la grande « efficacité » d'une mesure dont tout le monde sait pertinemment qu'elle n'a profité qu'au MEDEF et à quelques groupes ou dynasties présents dans nos activités économiques !
La disposition prévue à l'article 885 I bis du code général des impôts permet à plusieurs personnes d'une même famille d'optimiser leur propriété pour échapper aux foudres de l'ISF.
Par principe, vous le savez, nous sommes opposés à toute mesure qui tourne le dos à l'idée même de justice fiscale. Or cet article du code général des impôts en est une, particulièrement significative.
Au demeurant, nous nous interrogeons sur l'évaluation de sa portée. Alors même que le produit de l'impôt de solidarité sur la fortune ne cesse d'augmenter du fait de la flambée des prix de l'immobilier et de la bonne santé des marchés financiers, le coût de la réduction prévue par l'article 885 I bis continue de stagner lamentablement entre 55 millions et 60 millions d'euros.
Cela signifie que, sur les quelque 400 000 contribuables concernés, la majeure partie, si ce n'est la quasi-totalité, n'a pas sollicité ce dispositif qui ne touche que 2 500 à 3 000 contribuables, même si chacun d'entre eux bénéficie en moyenne de 20 000 euros de remise d'impôt.
Voilà qui illustre parfaitement l'inanité de la mesure que l'on nous a « vendue » en 2003. C'est beaucoup pour chacun des contribuables concernés, mais c'est peu au regard des objectifs qui ont été fixés, et en tout cas parfaitement inutile pour préserver l'emploi et l'investissement !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Massion, pour présenter l'amendement n° I-106.
M. Marc Massion. Cet amendement tend à remettre en cause les cadeaux fiscaux accordés en matière d'impôt de solidarité sur la fortune par le Gouvernement et sa majorité, notamment à l'occasion du vote de la loi pour l'initiative économique.
Il vise, plus précisément, la possibilité d'échapper à l'ISF dans le cadre d'un « pacte d'actionnaires » représentant 20 % seulement des droits d'une société, dont est membre une personne exerçant dans la société sa fonction principale. Présenté comme un dispositif visant à « exonérer l'outil de travail », alors que tel a toujours été le cas, ce mécanisme permet, en fait, d'échapper à l'ISF dans des conditions particulièrement souples...
Il serait intéressant de savoir quel a été, jusqu'à présent, le coût exact de cette mesure ! Si des éléments chiffrés existent, il faudrait nous les fournir. Il ne suffit pas de dire que le rendement de l'ISF a augmenté, car cela signifie seulement que les fortunes progressent. On peut s'en réjouir mais, si le dispositif de l'ISF n'avait pas été affaibli, son rendement progresserait davantage encore.
Le mécanisme dit du « pacte d'actionnaires » traduisant bien, sous le prétexte de l'emploi, le souci de votre majorité de réduire l'ISF, nous proposons l'abrogation de ce dispositif.
Mme la présidente. L'amendement n° I-107, présenté par MM. Massion, Masseret, Angels et Auban, Mme Bricq, MM. Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 885 I ter du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Marc Massion.
M. Marc Massion. Ce que nous remettons ici en cause, toujours au chapitre des cadeaux fiscaux accordés en matière d'impôt de solidarité sur la fortune par le Gouvernement et sa majorité, concerne cette fois les placements en capital au sein de PME.
La disposition visée permet d'exonérer d'ISF les placements en capital au sein de PME, qu'elles soient installées en France ou à l'étranger, plus précisément dans les autres pays de l'Union européenne.
Ce champ particulièrement large, s'il est imposé par la réglementation communautaire pour toute aide fiscale particulière, souligne cependant le décalage existant entre le discours de la majorité sur des dispositions fiscales censées lutter contre les délocalisations d'entreprises hors du territoire national et la réalité de ses cadeaux fiscaux.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de supprimer cette disposition.
Mme la présidente. L'amendement n° I-108, présenté par MM. Massion, Masseret, Angels et Auban, Mme Bricq, MM. Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Marc, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 885 I quater du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Marc Massion.
M. Marc Massion. Cet amendement vise à remettre en cause l'un des derniers cadeaux accordés par la majorité, en parallèle au bouclier fiscal, à moins de 1 % des contribuables français redevables de l'ISF.
L'article 4 du projet de loi de finances permet en effet à un contribuable de bénéficier d'un abattement des trois quarts de la valeur réelle de ses placements dans une ou plusieurs entreprises à la condition qu'il y exerce ou y ait exercé des fonctions de salarié ou de mandataire social.
Plus grave, cette exonération est accordée pour les titres détenus depuis plus de trois ans par un mandataire social ou un salarié qui quitte une entreprise pour partir à la retraite. Très directement, ce dispositif vise les salariés, et surtout les mandataires sociaux, ayant acquis des titres à travers des mécanismes tels que les stock options.
Malgré la multiplication des scandales depuis 2002, le Gouvernement refuse non seulement de moraliser réellement ces dispositifs, mais il offre en plus à leurs bénéficiaires de nouveaux cadeaux fiscaux. C'est pourquoi nous proposons de supprimer cette disposition.
Mme la présidente. L'amendement n° I-3 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- L'article 885 J du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Jusqu'au 31 décembre 2008, la condition de durée d'au moins quinze ans n'est pas requise pour les contrats et plans créés par les articles 108 et 109 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites lorsque le souscripteur y adhère moins de quinze années avant l'âge donnant droit à la liquidation d'une retraite à taux plein. »
II.- La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement a trait, comme le suivant, aux rentes d'épargne retraite.
Nous proposons que, en cas de souscription d'un contrat d'épargne retraite avant le 31 décembre 2008, la condition des quinze années de versements successifs avant le départ à la retraite du souscripteur ne soit pas exigée.
Mme la présidente. L'amendement n° I-4, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Dans l'article 885 J du code général des impôts, après les mots : « et dont l'entrée en jouissance intervient » sont insérés les mots : «, au plus tôt, »
II.- La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le présent amendement vise à préciser que la rente d'épargne retraite peut être versée « au plus tôt » à compter de la date de liquidation de la pension du redevable.
Mme la présidente. L'amendement n° I-188, présenté par MM. P. Dominati et Adnot et Mme Desmarescaux, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Dans le second alinéa de l'article 885 S du code général des impôts, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 100 % ».
II - La perte de recettes résultant pour l'État des dispositions du I de cet article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet amendement vise à exonérer la résidence principale du calcul de l'ISF.
Nous avons eu l'occasion d'aborder ce sujet au cours de multiples débats. L'an dernier encore, une discussion s'était engagée entre le rapporteur général et le Gouvernement afin de faire passer le plafond de 20 % à 30 %. De nombreux élus de circonscriptions urbaines et de la région d'Île-de-France, aussi bien à l'Assemblée nationale que dans cette enceinte, se sont également exprimés très fermement sur ce point.
À l'heure où doit se tenir une consultation importante pour le pays, pour laquelle de nombreux citoyens auront à se déterminer, j'aimerais savoir si le Gouvernement compte prendre l'initiative d'exonérer la résidence principale du paiement de l'ISF.
Mme la présidente. L'amendement n° I-189, présenté par M. P. Dominati et Mme Desmarescaux, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - L'article L. 186 du livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En ce qui concerne l'impôt sur la fortune, le droit de reprise de l'administration s'exerce pendant trois ans à partir du jour du fait générateur de l'impôt. »
II - La perte de recettes résultant pour l'État des dispositions du I de cet article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet amendement tend à modifier le délai de prescription. Un tel dispositif répondrait à un engagement pris par le Gouvernement au cours du débat budgétaire de l'année dernière.
M. le ministre, abondant dans le sens de mon intervention, elle-même relayée par d'autres membres de la majorité, avait annoncé que des discussions sur ce point allaient s'engager très prochainement. J'aimerais savoir où en sont ces discussions et s'il est désormais possible de ramener le délai de prescription de dix ans à trois ans.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans la circonstance présente, je n'ai pas l'intention de me prêter à un débat de fond sur l'ISF. Nous pourrons le conduire en d'autres lieux et à d'autres moments.
Qu'on ne s'y trompe pas : à mes yeux, ce débat est essentiel, car nous avons besoin de retenir sur notre sol les richesses, les centres de décision, l'énergie, le dynamisme, afin d'avoir une économie capable d'apporter en termes d'emplois et d'investissements des solutions aux problèmes que rencontre notre pays.
Pour autant, dans la mesure où il s'agit du dernier projet de loi de finances de la législature et compte tenu des positions de principe qui se sont depuis longtemps figées, il ne paraît pas utile de rappeler ici les mérites ou les aspects négatifs de cet impôt. En outre, M. le ministre n'est certainement pas mandaté pour prendre des positions stratégiques sur le sujet.
Dès lors, la commission ne peut que demander le retrait de l'amendement no I-187 et le rejet de l'amendement n° I-63.
En ce qui concerne l'amendement n° I-151, elle sollicite l'avis du Gouvernement.
Par ailleurs, la commission est résolument défavorable aux amendements nos I-62, I-106, I-107 et I-108.
La commission demande le retrait de l'amendement n° I-188
Enfin, s'agissant de l'amendement n° I-189, la commission ne peut que réitérer sa position constante : depuis plusieurs années, elle cherche en effet à ramener le délai de reprise de dix ans, non pas à trois ans, mais à six ans.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ma position rejoint celle de M. Marini : chacun peut comprendre qu'en cette période proche de la fin de la législature et à quelques mois d'une échéance présidentielle, il n'est pas forcément opportun de revenir sur la question de l'ISF. En la matière, beaucoup de choses ont pu être dites tout au long des cinq années passées.
Je suggère que nous continuions à travailler dans la sérénité.
En outre, comme l'a indiqué M. le rapporteur général, je n'ai pas reçu de mandat particulier pour faire bouger les lignes à cet égard. Certains le déploreront, d'autres s'en réjouiront...
S'agissant des différents amendements, j'indique tout d'abord que le Gouvernement est favorable à l'amendement nos I-3 rectifié. Ce nouvel assouplissement - nouveau parce que nous en avons déjà réalisé quelques-uns - a du sens, dès lors qu'il est clairement limité dans le temps. Je lève donc le gage.
Le Gouvernement est également favorable à l'amendement n° I-4, car cette mesure présente l'avantage de clarifier le régime fiscal applicable. Par conséquent, je lève également le gage.
Mme la présidente. Il s'agit donc des amendements nos I-3 rectifié bis et I-4 rectifié.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. En revanche, le Gouvernement émet, pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure, un avis défavorable tant sur l'amendement n° I-187 que sur l'amendement n° I-63, qui s'écartent en quelque sorte symétriquement de la ligne que je crois devoir suivre en cette fin d'année 2006.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l'amendement no I-151, car son adoption nous ferait entrer dans une dynamique qui ne serait pas en cohérence avec ce que nous avons indiqué en préambule.
Enfin, le Gouvernement est totalement défavorable aux amendements identiques nos I-62 et I-106, ainsi qu'aux amendements nos I-107, I-108, I-188 et I-189.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Massion, pour explication de vote.
M. Marc Massion. Nous connaissons l'hostilité profonde du ministre, du rapporteur général, de la majorité de la commission des finances et de la majorité de cette assemblée à l'égard de l'impôt sur la fortune. Néanmoins, à l'exception de M. Dassault hier, personne n'est jamais allé jusqu'au bout de la logique en en proposant purement et simplement la suppression.
Vous préférez procéder par petites touches. En adoptant par-ci par-là de petites dispositions dans les projets de loi de finances, vous réduisez l'impôt sur la fortune. Pourtant, il y a une question que j'aimerais vous poser et qui reste en suspens : si vous supprimiez l'ISF, par quel impôt, par quelle taxe ou par quelle recette remplaceriez-vous son produit ? Je serais curieux d'entendre les partisans de la suppression de cet impôt nous répondre là-dessus.
Mme Nicole Bricq. Lundi alors ?
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Pour répondre à l'appel du président Arthuis, je serai bref. J'aimerais cependant faire deux observations, l'une porte sur l'amendement n° I-188, l'autre sur l'amendement n° I-189.
Dans l'objet de l'amendement n° I-188, M. Dominati pose une question de façon angoissée, et je ne voudrais pas qu'il passe le week-end dans l'angoisse parce qu'il n'aurait pas obtenu de réponse (Sourires) : « Doit-on considérer comme fortunée une famille ayant deux enfants, qui a fait le choix d'acquérir un appartement de 70 à 100 mètres carrés à Paris ? ».
Mon cher collègue, la réponse est oui ! Pour acheter un appartement de 70 à 100 mètres carrés à Paris, qui coûte au minimum entre 500 000 euros et 1 million d'euros, il faut être fortuné !
Évidemment, on peut disserter à l'infini sur la notion de richesse, d'autant qu'aucun texte de loi n'a jamais fixé le seuil de la « richesse » ! Ainsi, on peut toujours dire de quelqu'un, même s'il est riche, qu'il est moins riche que ceux qui sont plus riches que lui ou, inversement, qu'il est plus riche que ceux qui sont moins riches que lui ! En tout cas, il est certainement plus riche que les pauvres !
Habitant Paris, je sais que seule une certaine catégorie de revenus dispose de la possibilité d'acheter un bien immobilier dans la capitale.
M. Roger Karoutchi. Mais c'est votre résidence secondaire ou votre résidence principale ?
M. Michel Charasse. Mon cher collègue, la question de la résidence principale ou secondaire se pose, mais c'est un autre problème. Là, nous parlons de la question de savoir si les gens qui achètent actuellement des appartements à Paris sont riches ou non. Quand on voit à quels prix ces appartements se vendent aujourd'hui, il est clair qu'ils sont au moins très aisés !
S'agissant de l'amendement n° I-189, je redis une fois de plus que, lorsque nous avons réinstauré l'impôt sur la fortune, en 1988 - et l'impôt actuel est dû à ma plume -, mes services et moi avons commis une erreur en ce qui concerne le délai de prescription. Notre intention de départ était bien de prévoir trois ans.
M. Philippe Marini, rapporteur général. À tout péché miséricorde !
M. Michel Charasse. Monsieur le rapporteur général, c'est au moins la dixième fois que je le dis dans cet hémicycle.
Pour quiconque connaît la charge de travail des services fiscaux, il n'est pas normal de persister à laisser ce délai de dix ans. En outre, tout le monde sait que, dans de nombreux cas, l'administration fiscale a des difficultés pour rechercher ceux qui auraient dû remplir une déclaration et qui ne l'ont pas fait, lesquels restent toujours dans l'incertitude lorsqu'ils ne savent pas s'ils évaluent correctement leurs biens.
Monsieur le ministre, je souhaite vraiment que l'on sorte de cette discussion. Après tout, l'administration doit pouvoir disposer des moyens d'effectuer les contrôles nécessaires, mais un délai de dix ans dans ce cas de figure est beaucoup trop long.
J'ajoute que l'on a retenu le délai de dix ans en se référant à un article du code général des impôts certes relatif à l'impôt sur la fortune, mais qui concerne les droits de succession. Or en matière de droits de succession, le délai de répétition est de dix ans.
Comme nous travaillions à l'époque sur toute une série d'articles du code général des impôts relatifs aux règles d'évaluation en matière de droits de succession, nous avions ajouté celui-ci à la liste alors que ce n'était pas du tout l'intention du gouvernement auquel j'appartenais à l'époque !
Par conséquent, nous devons arriver à sortir de cette difficulté, d'autant que de plus en plus de personnes franchissent le seuil de l'ISF, notamment à cause de leur résidence principale, et ne le savent pas toujours.
M. Roger Karoutchi. Ah ! Voilà !
M. Michel Charasse. Pour conclure, je dirai à M. Dominati que l'amendement qu'il a déposé au sujet des propriétaires d'un appartement à Paris me fait penser au « quatre tiers » de César dans Marius de Pagnol. Celui qui a fait remarquer à César qu'il divisait la recette du Picon-grenadine en quatre tiers et qu'il y en avait un de trop s'est entendu répondre : « imbécile, ça dépend de la grandeur des tiers ! »
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je ne reviendrai pas sur tout ce qu'a dit M. Charasse.
Si j'ai bien compris, nous ne toucherons à rien avant les élections. Je comprends que l'ISF mérite un débat national et qu'il nous faille attendre pour l'avoir.
Quoi qu'il en soit, monsieur Charasse, - et je ne sais pas si M. Dominati se souciait, en déposant son amendement, de ceux qui acquièrent à l'heure actuelle un appartement de 100 mètres carrés à Paris - le problème est simple, et vous le savez bien : en Île-de-France sur les neuf dernières années, l'augmentation moyenne des prix de l'immobilier est d'environ 100 % ; à Paris, elle atteint 130 % !
Cela signifie qu'une personne qui a acheté il y a neuf ans un appartement de 90 mètres carrés, mais avec les moyens financiers de l'époque, quand les prix de l'immobilier étaient inférieurs de 120 % à 130 % à ceux qui sont actuellement pratiqués, est aujourd'hui assujettie à l'ISF alors qu'elle ne dispose pas forcément d'une fortune considérable.
Vous répondez à ces personnes, monsieur Charasse : vous n'étiez pas riches à l'époque, maintenant vous l'êtes sans le savoir, vendez votre appartement afin de pouvoir acquitter cet impôt ! Ça devient très compliqué.
Certes, monsieur le ministre, la solution ne peut sans doute pas être trouvée dans l'immédiat. Il est néanmoins anormal qu'une personne ayant acheté un appartement de 90 mètres carrés il y a dix ans se retrouve aujourd'hui assujettie à l'ISF quand ses revenus sont moyens, voire modeste, alors que, dans le même temps, les collectivités locales, de droite et de gauche, perçoivent, au titre des droits de mutation, des sommes considérables en raison de la hausse de l'immobilier. Ces particuliers ou ces ménages qui, eux, ne se sont pas enrichis se trouvent de ce fait dans des situations parfois difficiles.
Par conséquent, il faudra bien sûr engager un débat sur ce sujet après les élections. Mais la solution n'est-elle pas de prendre en compte, dans le calcul de l'ISF, l'évolution des prix de l'immobilier ?
Il n'est pas très juste qu'un particulier, qui n'est pas responsable de l'évolution des prix de l'immobilier dans le secteur où il habite, qui ne s'est pas enrichi pour autant en étant propriétaire d'un appartement, voie sa collectivité percevoir des droits de mutation considérables !
M. Michel Charasse. Je rappelle qu'autrefois le barème était indexé et qu'à la suite de vos mauvaises manoeuvres il ne l'est plus !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. J'ai bien noté que l'heure n'était pas à un débat sur l'ISF, mais les amendements déposés par le groupe socialiste et par nos collègues nous ont tout de même donné l'occasion d'évoquer rapidement ce sujet.
Je veux simplement rappeler quelques chiffres, car on parle rarement des inégalités en matière de patrimoine. Pourtant elles se sont fantastiquement accrues. En 1992, les 25 % de ménages les plus riches déclaraient à l'INSEE détenir dix-sept fois plus de patrimoine que les 25 % les plus pauvres. En 2004, ils détenaient vingt-cinq fois plus. Méditez ce chiffre, mes chers collègues. Cela vient s'ajouter aux inégalités des revenus, qui ont, elles aussi, décuplé.
Il est curieux que la comptabilité nationale, jusqu'à présent, ne prenne pas en compte l'enrichissement né de l'accroissement des actifs. Il n'y a donc pas de taxation sur le revenu supplémentaire de ces actifs. En conséquence, l'ISF n'est qu'un juste retour des choses par rapport à l'augmentation du patrimoine.
Quant à M. Karoutchi, qui s'est laissé aller à quelques considérations sur les droits de mutation perçus par les collectivités locales en raison de l'explosion du prix de l'immobilier, je lui ferai une suggestion : pourquoi ne pas se servir de ces droits de mutation pour faire davantage de péréquation horizontale qu'on ne le fait aujourd'hui ?
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. Roger Karoutchi. Il faut le dire au maire de Paris !
M. Philippe Dominati. Oui, dites-le à M. Delanoë !
Mme Nicole Bricq. En tout cas, le groupe socialiste a des idées sur les droits de mutation.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je remercie Mmes et MM. les sénateurs d'avoir eu la courtoisie de dire qu'ils ne voulaient pas allonger le débat. Cependant, à chaque fois, on le rallonge d'un quart d'heure ! (Sourires.)
Nous en sommes à évoquer la fiscalité locale, la péréquation des droits de mutation et chacun ajoute sa contribution - majeure.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes ici pour débattre !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous avez considérablement enrichi le débat, puisque j'avais prévu exceptionnellement d'être un peu en « creux » pour satisfaire à la demande de M. Jean Arthuis.
Car le seul, finalement, dans cette affaire, qui ait respecté la consigne de M. Jean Arthuis, c'est moi, ce qui est tout de même un comble puisque je ne suis pas réputé être le moins bavard de nous tous ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai dit le tiers du quart de ce que j'aurais dû dire, monsieur le ministre ! (Rires.) Je me suis mis un boeuf sur la langue !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous avez raison, monsieur le rapporteur général, j'ai été très injuste : de ce point de vue, vous avez été exemplaire, comme toujours !
Alors que la Haute Assemblée va se prononcer dans quelques instants sur ces amendements, je précise simplement, madame la présidente, que le Gouvernement demande un scrutin public sur l'amendement n° I-189.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Excusez-moi de rallonger un peu le débat, mais je tiens à prendre la parole à mon tour pour explication de vote, même si j'ai déjà eu largement le plaisir aujourd'hui de m'exprimer sur la question de l'ISF et de m'opposer à M. le ministre.
Parlons un peu des évaluations de recettes assez déterminantes dans le débat dès qu'il est question de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Je tiens à rappeler quelques chiffres. S'agissant de la loi de finances pour 2006, compte tenu notamment de la valorisation constante de ce que l'on peut appeler le « patrimoine papier », grâce à la bonne santé des marchés boursiers et à la flambée des prix de l'immobilier, les prévisions de recettes ont été réévaluées. Elles passent en effet aujourd'hui à 3 640 millions d'euros et le projet de loi de finances pour 2007 prévoit 3 846 millions d'euros. Et dire, chers collègues, que l'évaluation initiale de 2005 était de 2 700 millions d'euros !
Apparemment, malgré tout ce que l'on peut entendre et contrairement à ce qui a été dit cet après-midi, ces données montrent - ce qui présente le plus grand intérêt - que, manifestement, tous les contribuables assujettis à l'ISF n'ont pas quitté le territoire national et qu'il existe dans notre pays des gens pour qui la croissance veut encore dire quelque chose !
L'augmentation du nombre des contribuables assujettis à l'ISF est significative, mon ami M. Bernard Vera l'a rappelé en soulignant que dans certains quartiers de Paris beaucoup de personnes paient cet impôt.
Il faut mettre en regard de cette importante augmentation du nombre de redevables le fait que, comme nous l'avons dit au cours de nos interventions, quelque 8,6 millions de personnes touchent la prime pour l'emploi. Ce sont autant de nos concitoyens qui se trouvent à des niveaux de salaire extrêmement bas.
À ce stade du débat, il convient cependant de s'interroger sur le poids réel de l'impôt concerné quant à la rentabilité des placements en question.
Peut-on ici oublier de souligner que le poids de l'ISF représente environ quatre dixièmes de point de la valeur des patrimoines imposables, c'est-à-dire, au pire, 3 % ou 4 % de la rentabilité annuelle de ce patrimoine ?
Dois-je rappeler que, lorsque l'on est actionnaire minoritaire d'une entreprise, on tire encore parti, aujourd'hui, de l'existence du crédit d'impôt qui s'est avantageusement substitué à l'avoir fiscal, dont le montant vient souvent en contrepartie de celui de l'impôt sur la fortune ?
N'y a-t-il pas dans notre pays des contribuables qui s'acquittent ainsi aisément de leur cotisation à l'ISF ? Je voulais également insister sur ce point, après les propos que j'ai tenus tout à l'heure en présentant mes deux amendements.
Le contentieux de l'ISF le prouve d'ailleurs de manière récurrente.
Le fait que le produit de cet impôt augmente montre donc la valorisation des actifs imposés, et pas uniquement l'évolution de la progressivité.
Je vous demande donc de réfléchir, mes chers collègues, et de voter en faveur de nos amendements auxquels M. le ministre s'est opposé il y a quelques instants.
Mme la présidente. Monsieur Dominati, l'amendement n° I-187 est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° I-187 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° I-63.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Madame Gousseau, l'amendement n° I-151 rectifié est-il maintenu ?
Mme Adeline Gousseau. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° I-151 rectifié est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos I-62 et I-106.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 4.
Je mets aux voix l'amendement n° I-4 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 4.
Monsieur Dominati, l'amendement n° I-188 est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Madame la présidente, je sais que nous devons aller vite, mais je suis surpris par les réponses succinctes du Gouvernement - M. le ministre en est convenu lui-même. Il n'a fait aucun commentaire sur les débats suscités par ces amendements et s'est simplement contenté d'indiquer qu'il émettait un avis favorable, ou défavorable.
S'agissant de l'amendement n° I-189, M. le rapporteur général avait fait une suggestion sur le délai de prescription pour la résidence principale. Puis M. Charasse a indiqué quel était le sens de la réforme entreprise en 1989, et il a pris finalement une position plus libérale que le Gouvernement ! J'ai donc eu le sentiment que le Gouvernement était un peu en difficulté. M. le ministre nous a indiqué qu'il demandait un scrutin public sur l'amendement n° I-189, mais sans pour l'instant exprimer quelle était l'intention du Gouvernement.
Je suis disposé à reporter le débat sur la résidence principale à la prochaine législature, mais j'ai trop connu au cours de la dernière législature d'engagements sans cesse reportés. Je ne voudrais pas me retrouver devant les électeurs parisiens en juin sans pouvoir leur apporter de réponse précise.
Puisque j'étais prêt à réduire le délai de six ans pour le ramener à trois ans, comme le souhaitait M. le rapporteur général, je voudrais connaître l'intention du Gouvernement sur l'amendement n° I-189 et sa demande de scrutin public ? En tout état de cause, je maintiendrai ou je retirerai mon amendement en fonction de la réponse que m'apportera M. le ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cet amendement, comme les autres, s'inscrit dans un débat global et la discussion du projet de loi de finances n'est pas forcément le moment le plus opportun pour engager ce débat si l'on veut qu'il se déroule dans la sérénité. Les positions sont restées figées sur ce sujet pendant un certain nombre d'années. Il faut donc continuer de travailler.
D'ailleurs, j'observe que rien n'est simple puisque à gauche on peut avoir des positions assez proches de la droite...
Mme Nicole Bricq. Sur quel sujet ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... et à droite des positions assez éloignées de la gauche. Finalement, tout cela n'est pas facile.
Je suis donc défavorable à l'amendement de M. Dominati, qui, par ailleurs, a apporté une information, laquelle n'a rien à voir avec l'amendement, sur son propre parcours biographique. J'ai cru comprendre qu'il souhaitait se retrouver devant les électeurs en juin. Or, que je sache, il n'y a pas d'élections sénatoriales en juin. (Sourires.) Il y a donc là, pour les amateurs de politique parisienne, matière à réflexion, mais cela ne me regarde pas.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Peut-être songe-t-il à la présidentielle ?
Mme la présidente. Monsieur Dominati, qu'en est-il de l'amendement n° I-188 ?
M. Philippe Dominati. Je le maintiens, madame la présidente. Le Sénat se prononcera donc sur la demande d'exonération de la résidence principale concernant l'ISF.
Quant à l'amendement n° I-189, je tiens quand même à rappeler à M. le ministre que cet amendement fait suite à un engagement qu'il a pris devant notre assemblée au cours du dernier débat budgétaire ; ce n'est pas moi qui ai pris cet engagement, c'est lui. Si d'autres raisons l'ont fait évoluer sur ce sujet, c'est son problème. Par ailleurs, s'il s'intéresse assez peu aux événements de la politique parisienne qui doivent intervenir en juin prochain, puisqu'il a d'autres responsabilités que moi, je souligne qu'il fut un temps où il nourrissait des ambitions pour la région d'Île-de-France - mais c'est un autre sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais rappeler la position de la commission s'agissant de la résidence principale.
Nous sommes favorables à une augmentation de la décote, c'est-à-dire de la réduction de la valeur vénale, décote qui est actuellement de 20 %, grâce à l'action menée par M. Jean Arthuis lorsqu'il était membre du Gouvernement.
Compte tenu de l'augmentation des prix de l'immobilier, il nous paraît souhaitable - ce point a fait l'objet, à plusieurs reprises, d'amendements déposés par la commission - de porter cette décote à 30 % ou 40 %.
Nous ne souhaitons pas l'exonération totale de la résidence principale pour deux raisons principales que je me permets de rappeler afin d'éclairer nos débats.
D'abord, ce n'est pas souhaitable pour une raison de constitutionnalité, car on ne peut pas traiter de façon totalement préférentielle un actif au sein d'un patrimoine. Il ne serait pas admissible qu'une personne disposant d'un patrimoine transfère, en quelque sorte, l'essentiel de la valeur de ce patrimoine sur sa résidence principale. Ce comportement, même s'il n'était pas très fréquent, serait de nature à faire ressortir le caractère inconstitutionnel d'une disposition qui viserait à l'exonération totale de la résidence principale.
Je ne cesse de répéter cet argument à beaucoup de mes amis politiques, qui, souvent, ne veulent pas l'entendre. Je comprends que, en tant qu'élus parisiens, ils soient soumis aux pressions d'ailleurs parfaitement explicables de leurs électeurs. Mais tant que l'ISF existe, à mon avis, il n'est pas possible, constitutionnellement parlant, de promettre une exonération de la résidence principale.
Ensuite, l'exonération de la résidence principale ne m'apparaît pas comme la meilleure solution pour dynamiser l'économie. J'ai personnellement la conviction que l'ISF est un facteur négatif de compétitivité de notre pays et qu'il faudra y revenir. Mais y revenir uniquement en faveur de l'immobilier parisien ne serait pas de bonne politique, je le répète, en termes de réveil des énergies et de dynamisme économique.
Je comprends donc très bien les raisons ayant pu inspirer nos collègues parisiens, qui sont soumis à la pression quotidienne d'une bonne partie de l'électorat des classes moyennes sur ce sujet. Mais la commission, en tant que telle, ne peut pas soutenir, pour des raisons de fond et non pas seulement d'opportunité ou de procédure, l'amendement qui a été présenté par M. Philippe Dominati.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le sujet est très délicat.
L'assiette de l'ISF est constituée par l'actif net, c'est-à-dire la valeur du patrimoine diminuée de l'endettement. On peut ainsi avoir un actif qui fait l'objet d'une décote de 20 %, 30 % ou 40 % et un endettement de 100 %. Il faudra donc être très vigilant dans le dosage de cette décote et, à mon avis, on s'apercevra rapidement que la voie est difficile à emprunter. Il faudra vraiment reprendre ce débat au mois de juin prochain. C'est peut-être l'échéance à laquelle vous pensiez, monsieur Dominati ? (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote, sur l'amendement n° I-189.
Mme Nicole Bricq. Je n'ai pas compris à quoi M. le ministre faisait allusion s'agissant de sa demande de scrutin public et de l'amendement n° I-189.
En effet, concernant le délai de prescription, nous n'avons aucun état d'âme dans la mesure où, notamment depuis le boom de l'immobilier, tous les contribuables connaissent à peu près le seuil justifiant la déclaration patrimoniale à l'ISF. Pour l'ignorer, il ne faut vraiment ni lire la presse, ni écouter la radio, ni regarder la télévision, ni, surtout, se rendre à la perception des impôts.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Comment connaît-on la valeur de son bien ?
Mme Nicole Bricq. J'en profite d'ailleurs au passage, monsieur le ministre, pour vous complimenter sur les efforts exceptionnels accomplis par votre administration en termes d'accueil et d'information depuis quelques années.
Mme Nicole Bricq. Aujourd'hui, le contribuable qui possède un bien immobilier, notamment à Paris, monsieur Dominati, sait très bien quel est le seuil fixé pour l'ISF et s'il doit faire une déclaration. Donc, le délai de prescription de dix ans m'apparaît tout à fait justifié, d'autant qu'il est toujours possible, en cas de difficulté, de s'arranger avec l'administration fiscale pour échelonner les rappels fiscaux sur une plus longue durée.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-189.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 58 :
Nombre de votants | 322 |
Nombre de suffrages exprimés | 289 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 145 |
Pour l'adoption | 2 |
Contre | 287 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° I-213 rectifié ter, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les droits d'enregistrement et assimilés et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la sixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. »
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. En matière d'impôt, les délais de prescription peuvent varier de trois à dix ans selon la cause de la reprise.
En effet, le délai de prescription de droit commun de dix ans, fixé à l'article L. 186 du livre des procédures fiscales, s'applique en cas d'absence de déclaration annuelle ou d'omission de bien devant figurer dans celle-ci.
Dans le cadre d'une mauvaise évaluation, le délai de reprise est réduit à trois ans. Cette disposition s'applique également en matière de biens professionnels, mais uniquement pour les biens taxés.
Cette situation s'avère pénalisante pour le contribuable qui pourra devoir à l'administration fiscale un arriéré de dix années complété des pénalités et intérêts de retard. Eu égard, notamment, aux fluctuations de l'immobilier, une première déclaration peut donc s'avérer délicate.
Afin d'harmoniser les délais de prescription, il est proposé qu'en matière de droits d'enregistrement et assimilés le délai de prescription soit ramené à six ans.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans la mesure où cet amendement est plus large que l'amendement précédent, que j'ai voté, personnellement, j'y suis favorable.
Quant à la commission, elle ne peut qu'y être favorable puisqu'elle a elle-même souvent préconisé que le délai de reprise soit de six ans. Nous sommes donc toujours dans le même débat.
M. Roger Karoutchi. Non, de grâce, pas deux fois le même débat ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous m'en faites voir de toutes les couleurs, aujourd'hui !
Mon problème est que le débat que vous soulevez, monsieur Jégou, à travers cet amendement, est d'une grande justesse. C'est un débat de fond majeur sur lequel nous avons les uns et les autres un avis bien arrêté, et pourtant je vais malheureusement vous demander d'arrêter ! (Sourires.)
Objectivement, mesdames, messieurs les sénateurs, nous pourrions traiter ce sujet en profondeur en y consacrant de nombreuses heures avant de nous accorder sur une position commune, si tant est que nous y parvenions.
Mais encore faudrait-il que j'aie un mandat pour cela : ce n'est pas le cas. Je n'en ai pas plus aujourd'hui que l'année dernière ou que voilà deux ans. À ma connaissance, les années antérieures, mes prédécesseurs n'en avaient pas non plus. N'est-ce pas, monsieur Lambert ? (Sourires.)
M. Alain Lambert. C'est parce qu'ils avaient confiance en leur successeur ! (Mêmes mouvements.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est pourquoi, monsieur Jégou, je vous suggère de remisez par-devers vous (Sourires) cet amendement, ainsi que nous l'avons nous-mêmes fait. Vous pourrez ensuite soumettre cette proposition à débat à l'occasion de l'élection présidentielle.
En effet, c'est une occasion unique de revenir devant les électeurs et de savoir ce qu'ils souhaitent réellement : au mois de juin, comme disait M. Dominati, mais pour les élections législatives, et au mois de mai...
M. Roger Karoutchi. Au mois d'avril !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le sénateur, il y aura tout de même deux tours. Je m'empresse de le préciser. (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Certes, mais cette proposition pourrait figurer dans un programme de premier tour !
M. Roger Karoutchi. Oui, je m'en souviens !
M. Philippe Marini, rapporteur général. D'autant qu'il ne faut pas trop charger la barque pour le programme du premier tour !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Dans ce contexte, monsieur Jégou, je vous serais très reconnaissant si vous acceptiez de retirer cet amendement. Je vous le demande avec beaucoup d'insistance. Ce serait véritablement très aimable à vous.
Mme la présidente. Monsieur Jégou, l'amendement n° I-213 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Jégou. Je le reconnais, M. le ministre fait preuve de beaucoup de gentillesse.
M. Jean-Jacques Jégou. Mais il y a un problème. M. le ministre nous dit qu'il n'a aucun mandat pour soutenir ce dispositif.
Or, pour ma part, non seulement je n'ai aucun mandat pour faire le contraire, mais en plus M. le rapporteur général, que j'estime beaucoup, a émis un avis favorable sur cet amendement...
M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est vrai qu'il ne m'a pas beaucoup aidé sur ce point ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Jégou. ...et M. le président de la commission des finances me fait de grands sourires.
Vous imaginez, madame la présidente, dans quel état je me trouve.
Mme la présidente. Je comprends, monsieur Jégou. (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Jacques Jégou. Dans la mesure où M. le président de la commission des finances a demandé la parole, je voudrais lui souhaiter...
M. Jean-Jacques Jégou. ...bien du plaisir. J'aimerais qu'il m'explique, éventuellement par des signes, même sémaphoriques, ce que je dois faire.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est une situation tout à fait déchirante.
Nous devrons, me semble-t-il, prendre quelques jours pour modifier la rédaction de cet amendement. En effet, à la vérité, les droits d'enregistrement et les autres impositions assimilées sont visés non pas par l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, mais par son article L. 180. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans ce cas, il faut rectifier cet amendement ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Par ailleurs, le délai de prescription qui est fixé à dix ans concerne l'absence de déclaration. En revanche, dès lors qu'il y a une déclaration d'ISF ou de mutation, le droit de reprise de l'administration s'exerce pendant trois ans. Ne nous méprenons donc pas. Le délai de dix ans vise exclusivement les absences de déclaration.
Par conséquent, nous devons faire preuve de prudence. Faire une déclaration fiscale avec une assiette insuffisante, ce n'est tout de même pas la même chose que de totalement omettre d'effectuer sa déclaration !
C'est pourquoi M. Jégou devrait peut-être éviter de faire sanctionner cet amendement, qui mérite infiniment mieux. Peut-être pourrait-il le présenter à un autre moment ?
Mme la présidente. Qu'en est-il de l'amendement n° I-213 rectifié ter, monsieur Jégou ?
M. Jean-Jacques Jégou. Je viens d'entendre des arguments techniques extrêmement forts. (Sourires.) Dans ces conditions, compte tenu surtout de l'autorité du président de la commission des finances, je peux effectivement retirer provisoirement cet amendement.
Mme Nicole Bricq. Tout est dans le « provisoirement » !
Mme la présidente. L'amendement n° I-213 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° I-5, présenté par MM. Marini et Lambert, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Après l'article 778 du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. 778 bis - La donation-partage consentie en application de l'article 1076-1 du code civil est soumise au tarif en ligne directe sur l'intégralité de la valeur du bien donné. »
II - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame la présidente, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos I-5, I-6 et I-7.
Ces trois amendements sont cosignés par notre collègue Alain Lambert, qui présentera lui-même une autre séquence d'amendements. Nous pouvons le dire, l'ensemble forme un tout.
Monsieur le ministre, la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a substantiellement réformé le droit civil, notamment le droit des successions, afin d'adapter les textes à l'évolution des modes de vie et de la société.
Or cette loi, qui a fait l'objet de travaux particulièrement approfondis de la part de notre assemblée, conserve un caractère largement virtuel tant que son accompagnement fiscal n'a pas été institué.
Nous ne saurions critiquer cette situation, puisqu'une loi définissant des droits et obligations sur le plan civil n'a pas vocation à traiter de la fiscalité, qui relève des lois de finances. Or nous débattons actuellement du projet de loi de finances ; nous devons donc assurer la complémentarité pour permettre au dispositif que nous avons adopté au mois de juin dernier de ne pas demeurer virtuel.
Pour ma part, avec l'aide d'Alain Lambert, j'ai choisi d'appeler votre attention sur trois dispositions qui me semblent particulièrement significatives.
D'abord, l'amendement n° I-5 vise à clarifier les conditions dans lesquelles une donation-partage peut s'effectuer en présence d'enfants issus de plusieurs unions, c'est-à-dire ayant pour parent seulement l'un des deux époux parties à la succession. Il s'agit de faire en sorte que les donateurs puissent non seulement répartir leurs biens entre leurs enfants communs, mais également faire participer à la répartition des enfants issus d'unions différentes.
Pour assurer ce processus, il est logique que le taux de taxation en ligne directe soit accessible à tous les enfants, quelle que soit leur filiation.
Ensuite, l'amendement n° I-6 tend à faciliter la donation-partage transgénérationnelle. Nous le savons, dans notre société vieillissante, il y a de plus en plus de personnes très âgées dont les descendants immédiats, qui sont également âgés, ne sont plus dans l'activité. Ainsi, ces personnes peuvent librement choisir de transmettre leurs biens directement non pas à la génération qui les suit, mais à la génération postérieure. C'est la donation-partage transgénérationnelle.
Cette forme de donation constitue un progrès social. Elle a été facilitée par la loi du 23 juin 2006, qui autorise tout ascendant à faire la distribution et le partage de ses biens entre des descendants de degrés différents, qu'ils soient ou non ses héritiers présomptifs.
Là encore, pour que ce dispositif particulièrement utile soit opérationnel, des conséquences fiscales doivent être tirées. Il convient d'établir la taxation en fonction du lien de parenté dégagé par la renonciation partielle ou totale de l'enfant qui est à l'échelon intermédiaire à la donation.
La formule que nous préconisons est bien de nature à répondre aux objectifs de la loi du 23 juin 2006.
Enfin, le dispositif que l'amendement n° I-7 renvoie à l'introduction dans le code civil de la possibilité pour un héritier réservataire présomptif de renoncer par anticipation à exercer une action en réduction à l'encontre d'une libéralité dans une succession non ouverte.
À partir du 1er janvier 2007, un héritier pourra par avance renoncer à exercer cette action, dans le cadre d'un pacte successoral.
Prenons l'exemple tout à fait concret d'un père de deux enfants dont l'un serait handicapé et ne disposerait d'aucun revenu. En l'état actuel du droit, ce père ne peut disposer en faveur de l'enfant handicapé que de la quotité disponible, ce qui peut être ressenti comme une injustice.
Dorénavant, et selon la loi du 23 juin 2006, le père pourra disposer de façon certaine en faveur de son fils handicapé soit de la totalité de son patrimoine, si l'autre enfant a renoncé à exercer une action pour atteinte totale à sa réserve, soit d'une portion supérieure aux deux tiers du patrimoine, si la renonciation n'a été que partielle.
Cet amendement est destiné à assurer l'accompagnement fiscal de ce nouveau dispositif.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° I-237, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa de l'amendement n° I-5, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cette disposition cesse de s'appliquer si le bien donné fait l'objet d'une nouvelle donation entre vifs, de la part de celui qui en a été bénéficiaire, et au profit de l'un de ses ascendants, lorsque cette donation intervient moins de dix ans après la première donation. Dans ce cas, la première donation est soumise à une nouvelle taxation au tarif normal de la taxation des donations destinées à un bénéficiaire appartenant à une branche collatérale du donateur. »
Ce sous-amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-6, présenté par MM. Marini et Lambert, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Le I de l'article 779 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de donation-partage faite à des descendants de degrés différents, les droits sont liquidés en fonction du lien de parenté entre l'ascendant donateur et les descendants allotis. Chaque enfant bénéficie d'un abattement de 50 000 euros et chaque petit-enfant d'un abattement de 30 000 euros ».
II.- La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement est défendu.
L'amendement n° I-7, présenté par MM. Marini et Lambert, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Après l'article 789 du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. 789 bis - Conformément aux dispositions de l'article 930-1 du code civil, la renonciation anticipée à exercer toute action en réduction ne constitue pas une libéralité et ne donne pas lieu à taxation au titre des droits de mutation à titre gratuit ».
II.- La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement est défendu.
Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le rapporteur général, sur le fond de l'amendement n° I-5, cosigné par M. Lambert, il me semble que le droit actuel permet de répondre à la question. Mais, si vous avez des doutes, je ne vois aucun inconvénient à émettre un avis favorable. Toutefois, pour une question de forme, je souhaite que vous le retiriez, afin de le déposer de nouveau lors de l'examen du collectif budgétaire.
Je serai d'accord, à cette occasion, pour consacrer du temps à tous ces amendements relatifs aux successions, dont beaucoup me semblent susceptibles d'être adoptés, afin de donner une cohérence d'ensemble à ces questions. Je le dis sans préjuger des amendements qui suivent et que vous avez déposés, monsieur Lambert. Mais si vous souhaitez que ces propositions soient examinées dans le cadre du présent projet de loi de finances, cela ne me pose aucun problème. Nous y reviendrons alors lundi prochain, car il est déjà dix-neuf heures trente !
Pour des raisons identiques, monsieur Marini, et vous le constatez, sur le fond, nous sommes tout à fait en phase, je vous fais la même proposition pour les amendements nos°I-6 et I-7, auxquels je suis favorable, mais qui doivent être affinés sur le plan technique et dont la rédaction peut, me semble-t-il, être améliorée.
Si vous en étiez d'accord, nous pourrions utiliser le temps qui nous reste avant l'examen du collectif budgétaire pour y travailler.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je remercie vivement M. le ministre pour ses ouvertures. Toutefois, madame la présidente, avant d'accomplir le geste formel de retrait, j'aurais souhaité que le cosignataire et, dans une très large mesure, l'inspirateur de ces amendements, M. Alain Lambert, qui est infiniment compétent sur ces sujets, puisse s'exprimer.
Cela étant dit, monsieur le ministre, je trouve extrêmement positif que, sur le fond du sujet, vous acceptiez de venir à notre rencontre en nous invitant, d'ici à l'examen du collectif budgétaire, à améliorer, si nécessaire, les rédactions, en liaison avec vos services.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Lambert.
M. Alain Lambert. Je remercie M. le rapporteur général de sa délicatesse.
L'objectif que nous poursuivons avec le rapporteur général vise, en effet, à faire figurer dans la loi de finances les dispositions fiscales de tout texte technique. Si nous voulons être crédibles et faire adopter ce principe par tous les ministères gestionnaires, nous devons tenir parole et introduire effectivement dans la loi fiscale ces différentes dispositions.
Suivant les recommandations du président de la commission des finances, c'est ainsi que nous avons voulu traduire dans la loi fiscale la loi civile qui a été adoptée le 23 juin dernier.
Monsieur le ministre, je comprends tout à fait, comme le rapporteur général l'a très bien dit, la nécessité d'approfondir, sur un plan technique, la rédaction de ces amendements. Je me rallie à sa proposition.
En ce qui me concerne, que ce soit pendant la discussion de ce projet loi de finances ou lors de l'examen du collectif, je tiens beaucoup à ce que cette traduction fiscale soit opérée avant la fin de l'année. À défaut, nous serions moins bien placés pour inviter nos collègues à attendre des lois de finances pour y intégrer des dispositions fiscales.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je remercie Alain Lambert et je salue sa démarche de cohérence, à savoir profiter du premier rendez-vous de la loi de finances pour introduire les dispositions fiscales qu'appellent certaines des lois que nous votons au cours de l'année. Ce principe est excellent.
Dois-je comprendre, monsieur le ministre, que vous vous engagez à examiner les trois amendements cosignés par M. le rapporteur général et M. Alain Lambert en loi de finances rectificative ? Il m'a semblé que c'était aussi le sort que vous envisagiez de réserver aux quatorze amendements déposés par M. Alain Lambert. Lundi matin, reprendrons-nous la discussion à l'amendement n° I-32 ou considérons-nous, dès ce soir, par souci de cohérence, que les trois amendements de M. Marini cosignés par M. Lambert et les quatorze amendements de M. Lambert seront examinés lors de la discussion de la loi de finances rectificative ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Soyons clairs, car je souhaite qu'il n'y ait aucune ambiguïté dans mes propos. Je prends devant vous l'engagement d'examiner de façon approfondie l'ensemble de ces amendements relatifs aux successions. Toutefois, la rédaction de certains d'entre eux pouvant être améliorée, et souhaitant que nous ayons un souci de cohérence sur ces questions, je propose effectivement, monsieur le président de la commission, que nous les examinions ensemble à l'occasion du collectif.
Je proposerais volontiers, il est vrai, que les trois premiers, comme ceux de M. Lambert qui suivent, donnent lieu à un retrait pour réexamen lors du collectif. Cela ne veut pas dire pour autant que je serai favorable à toutes ces propositions, mais l'objectif reste naturellement de faire bouger les lignes de manière très positive.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur général, accédez-vous à la demande de M. le ministre ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, madame la présidente, je retire mes amendements.
Mme la présidente. Les amendements nos I-5, I-6 et I-7 sont retirés.
Monsieur Lambert, en est-il de même pour les amendements nos I-32 à I-45 ?
M. Alain Lambert. Je suis désolé, madame la présidente. J'ai bien entendu l'appel qui m'a été fait, mais je préfère que nous en reparlions lundi matin.
Je trouve en effet qu'il y aurait quand même quelque inconvénient à retirer ces amendements dès aujourd'hui. Le fait qu'ils soient appelés et retirés rapidement permettrait d'acter la volonté de notre assemblée de respecter un certain nombre de principes.
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.