sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
2. Transmission du projet de loi de finances pour 2007
MM. Marc Massion, le président.
4. Loi de finances pour 2007. - Discussion d'un projet de loi
M. le président.
Discussion générale : MM. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Mme Hélène Luc, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Roland du Luart
5. Candidatures à une commission mixte paritaire
6. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
7. Loi de finances pour 2007. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Discussion générale : MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Bernard Angels, Aymeri de Montesquiou, Henri de Raincourt, Yvon Collin, Mme Marie-France Beaufils, MM. Éric Doligé, Serge Dassault.
Clôture de la discussion générale.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.
Suspension et reprise de la séance
M. le président.
Motion no 56 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - MM. Bernard Vera, Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; le ministre délégué, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Mme Marie-France Beaufils, M. Marc Massion. - Rejet par scrutin public.
Renvoi de la suite de la discussion.
8. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
9. Désignation d'un sénateur en mission
11. Dépôt de propositions de loi
12. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
14. Dépôt de rapports d'information
15. Dépôt d'avis
16. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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TRANSMISSION DU PROJET DE LOI DE FINANCES
M. le président. J'ai reçu, aujourd'hui, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 77, distribué et renvoyé au fond à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation et, pour avis, sur leur demande, aux autres commissions permanentes.
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rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Marc Massion, pour un rappel au règlement
M. Marc Massion. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36, alinéa 3, et sur l'article 42 du règlement du Sénat
Alors que débute aujourd'hui l'examen du projet de loi de finances pour 2007, je souhaite faire part à MM. les ministres de notre étonnement sur la méthode employée pour le projet de budget, ainsi que pour le collectif budgétaire, qui nous sera soumis dans quelques semaines.
J'avais indiqué en commission que le projet de loi de finances pour 2007 apparaissait comme un budget de gestion des affaires courantes. M. le rapporteur général m'avait alors répondu que ce budget visait à ménager l'avenir. Cela voulait dire que, étant donné les échéances de 2007, aucune grande décision ne pouvait être prise.
Or, on s'aperçoit, à la lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2006, qui sera discuté le mois prochain, ici même, que des dispositions importantes concernant l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés sont prises, qu'il s'agisse de taxes et de redevances diverses, de la nouvelle majoration du dernier acompte de l'impôt sur les sociétés, de l'aménagement du régime fiscal des groupes de sociétés, de l'intégration fiscale, du renforcement des moyens de lutte contre la fraude en matière de TVA, de dépenses de préservation et d'amélioration du patrimoine naturel, de fiscalité écologique, d'instauration, notamment, d'une taxe carbone à l'échelle européenne, de la taxe générale sur les activités polluantes, TGAP, etc.
Messieurs les ministres, pourquoi toutes ces dispositions ne figurent-elles pas dans le projet de loi de finances qui nous est aujourd'hui soumis ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Massion.
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Loi de finances pour 2007
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (nos 77 et 78).
Messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, il y a un an presque jour pour jour, nous nous attelions à l'examen du projet de loi de finances pour 2006 : nous inaugurions alors le schéma rénové mis en place par la loi organique relative aux lois de finances, communément appelée la LOLF.
Mais cette période pionnière est révolue : la LOLF, qui - il faut le rappeler - renforce la portée de l'autorisation budgétaire donnée par le Parlement, a fait ses preuves en 2006. C'est donc dans le cadre de l'« an II de la LOLF » que nous allons discuter le projet de budget pour 2007.
Évitons de sombrer dans une nouvelle routine qui nous ferait oublier la raison d'être originelle de la LOLF : telle est notre responsabilité à tous. Convenons, mes chers collègues, que le jeu en vaut la chandelle...
Je renouvelle aujourd'hui ma confiance à la commission des finances, aux commissions saisies pour avis et aux groupes politiques, de la majorité comme de l'opposition, pour faire vivre les règles que nous avons adoptées ensemble en 2001, et dont nous avons éprouvé la pertinence l'année dernière.
Je voudrais tout d'abord insister devant vous tous sur l'importance décisive qui s'attache au respect, par chacun d'entre nous - c'est une demande impérative -, de son temps de parole. Il s'agit là d'une condition déterminante du bon déroulement de la discussion budgétaire, auquel, les uns et les autres, dans la sérénité traditionnelle du débat, nous sommes très attachés. On peut être à la fois, mes chers collègues, concis et complet.
Cette recommandation vaut également pour le Gouvernement. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Lambert. Très bien !
M. le président. Ainsi, les ministres ne doivent pas dépasser les temps de parole qui ont été arrêtés en conférence des présidents, avec l'accord de M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement.
Faute de tels efforts collectifs, la rénovation de la discussion budgétaire rendue possible par la nouvelle Constitution financière risquerait de rester lettre morte et nous en resterions au lancinant triptyque du regretté président Edgar Faure : « Litanie, léthargie, liturgie. »
Comme vous pouvez le constater, les écrans qui ont été installés dans notre hémicycle vont nous permettre d'expérimenter une innovation suggérée par la commission des finances, en particulier par son rapporteur général, et qui a été approuvée par la conférence des présidents, puis par le Bureau du Sénat. Cette disposition permettra au rapporteur général d'illustrer la présentation des réflexions de la commission des finances par des graphiques ou des schémas visibles par tous.
Il s'agit là, mes chers collègues, d'une innovation, mais qui ne fait appel à aucune installation définitive. Il sera toujours temps d'évaluer, ensemble, cette expérience et de voir si nous devons la renouveler et la conforter. À vous d'en juger et de me faire part de vos observations.
Je vous rappelle par ailleurs que la conférence des présidents a prévu, sur proposition de la commission des finances, l'organisation de quatre débats dans le cadre de l'examen des articles de la première partie.
Le débat sur les recettes des collectivités territoriales, qui aura lieu le mardi 28 novembre à seize heures, intéresse au premier chef le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales. Ce débat est d'actualité, comme vient de le montrer l'Assemblée des maires de France.
Le débat sur le prélèvement au profit des Communautés européennes prendra place à l'occasion de la discussion de l'article 32, le mercredi 29 novembre.
Enfin, à l'occasion du vote de l'article d'équilibre, nous aurons, comme l'année dernière, deux débats thématiques sur les effectifs de la fonction publique et l'évolution de la dette de l'État.
Formons le voeu que les vingt jours que nous attribue la Constitution donnent lieu à des débats sereins, fructueux et nous permettent d'assumer pleinement nos pouvoirs budgétaires, dans le respect du principe de sincérité et compte tenu de la nécessité de réduire le déficit, autant que faire se peut, compte tenu des circonstances.
Au terme de cette discussion, nous devrions être en mesure de procéder, le mardi 12 décembre, à une heure raisonnable, au scrutin public à la tribune sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2007.
En conclusion, mes chers collègues, messieurs les ministres, je fais confiance à chacune et à chacun d'entre vous afin que soient respectées les règles que nous avons établies ensemble.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'éprouve un grand plaisir à vous retrouver, avec Jean-François Copé, à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2007. Monsieur le rapporteur général, je me réjouis de participer à l'expérimentation annoncée par M. le président du Sénat.
Je suis heureux, d'abord, de vous présenter un projet de loi de finances ambitieux, que nous avons qualifié, avec Jean-François Copé, de « vertueux » et de « juste ». Je suis heureux, également, de pouvoir rendre compte devant la représentation nationale des engagements que nous avions pris l'an dernier devant vous, lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2006.
Avant d'entrer dans le détail, vous me permettrez d'émettre, pour ce débat que nous allons avoir ensemble, quelques voeux inspirés de plus de vingt mois d'action et de débats budgétaires entre nous.
Tout d'abord, le projet de loi de finances pour 2007, comme tout budget, est une prévision et un engagement sur le déficit. Comme je le fais habituellement, il intègre nos estimations les plus sincères, à ce stade de l'année. Sur ce point précis, je forme le voeu que le débat soit plus serein que celui de l'année dernière.
Peu à peu, tous les instituts de conjoncture français et internationaux ont rejoint notre prévision de croissance pour 2006 de 2 % à 2,5 %, une prévision que la mauvaise surprise du troisième trimestre ne remet pas en cause, puisque nous nous situons déjà pratiquement, après seulement trois trimestres, dans le bas de la fourchette que nous avions annoncée.
Ensuite, je souhaite que ce débat ne donne pas, une fois de plus, l'image d'une France qui se complaît dans l'autocritique et dans la « déclinologie », alors même que ses progrès structurels sont salués dans le monde, même si l'on peut et l'on doit toujours faire mieux.
Il y a à peine un mois, l'ONU, l'Organisation des Nations unies, indiquait que la France était remontée de la septième à la quatrième position mondiale en termes d'accueil des investissements étrangers et occupait désormais la première place de la zone euro, pour ce qui concerne les investissements !
Durant ces dernières semaines, vous avez également pu réaliser concrètement, mesdames, messieurs les sénateurs, que notre pays a reconquis, en dix-huit mois, une crédibilité budgétaire sur la scène internationale. Ce n'est pas le Gouvernement qui le dit ; ce sont les observateurs indépendants, à commencer par les institutions européennes.
Eurostat, l'Office statistique des Communautés européennes, a validé notre déficit public pour 2005 à moins 2,89 %, nous ramenant ainsi - ce qui est tout à fait normal - au respect de la règle des 3 %.
Le commissaire Joaquín Almunia a indiqué, quant à lui, qu'il proposerait, dans le courant du mois, de clôturer la procédure pour déficit public excessif engagée à la suite du choc budgétaire provoqué par les 35 heures, du fait du caractère durable du redressement de nos comptes. De son côté, le Fonds monétaire international, le FMI, salue l' « ajustement structurel » de nos comptes et le renforcement de notre crédibilité budgétaire.
Enfin, les agences de notation, notamment Standard & Poor's, souvent particulièrement sévères, compte tenu de l'enjeu financier immédiat attaché à leurs recommandations, saluent le véritable « tournant » opéré, en 2006, sur la dette publique et, au-delà, la mise en place d'outils visant à faciliter la « consolidation des finances publiques dans le moyen terme ».
J'arrêterai là cette litanie, que je relate avec recul et modestie, car je sais les efforts immenses qu'il y a derrière tout cela.
Enfin, je souhaite que le débat autour de ce projet de loi de finances pour 2007 soit pleinement à la hauteur des attentes de nos concitoyens.
Dans le monde actuel où tout s'accélère, dans une démocratie qui a fait sienne le rythme du quinquennat, chaque année doit être une année utile à 100 % pour l'action publique. Les échéances électorales ne sauraient démobiliser qui que ce soit face aux enjeux décisifs pour l'avenir de la nation que sont les comptes publics maîtrisés et la réduction de l'endettement.
Pour notre part, nous avons voulu proposer, avec Jean-François Copé, un projet de budget qui ne sacrifie pas l'exigence de vertu à la facilité électoraliste.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis convaincu que ce projet de budget sera encore plus important que les précédents, car il est la signature budgétaire du quinquennat qui s'achève pour la majorité. Il l'engagera sur cette voie non seulement pour l'ensemble de l'année 2007, mais également pour les années à venir, si nos concitoyens nous font de nouveau confiance, ce dont nous ne doutons pas. Il sera un véritable point d'ancrage en matière de sérieux budgétaire, et il ne sera pas facile de présenter à nos concitoyens un collectif qui dénaturerait ces acquis et dégraderait notre situation financière.
Ce projet de loi de finances pour 2007 sera le meilleur rempart contre les tentations démagogiques, tout simplement parce qu'il engrange sept acquis fondamentaux pour les finances publiques et la politique économique de la France.
Premièrement - c'est historique -, ce projet de loi de finances est élaboré sur la base d'une diminution de la dépense de l'État.
Deuxièmement, il permet de réduire, encore une fois, le déficit budgétaire de l'État.
Troisièmement - et je le dis sans ambages -, le déficit prévu pour l'année 2007 est encore trop lourd, mais je relève malgré tout qu'il est inférieur aux dépenses d'investissement de l'État au sens large ; et nous respecterons, l'an prochain, la fameuse « règle d'or », selon laquelle l'État ne s'endette plus désormais que pour investir dans l'avenir !
Quatrièmement, pour l'ensemble des administrations publiques, nous avons ramené le nouvel objectif de déficit pour 2006 à moins 2,7 % du produit intérieur brut. Pour 2007, nous tablons sur un déficit à moins 2,5 %, soit le niveau stabilisant l'endettement public. C'est une deuxième étape capitale dans notre stratégie de désendettement, après celle du retour sous la barre des 3 %.
Cinquièmement, ce projet de loi de finances vise à poursuivre la diminution de l'endettement public en 2007, mais je reviendrai ultérieurement sur ce sujet.
Sixièmement, il tend à assurer la poursuite de l'indispensable assainissement de nos finances publiques. Toutefois, il est également juste et tourné vers le pouvoir d'achat. À cet égard, je ne citerai qu'un seul chiffre : sans la réforme fiscale qui entrera en vigueur au 1er janvier 2007 et la revalorisation de la prime pour l'emploi, la PPE, il n'y aurait pas eu d'accélération du pouvoir d'achat en 2007. Grâce à ces mesures, il passera de plus 2,3 % en 2006 à plus 2,8 % en 2007, soit le meilleur résultat depuis cinq ans.
Septièmement, je veux vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce projet de loi de finances est construit sur la base d'hypothèses prudentes.
Nous avons souhaité retenir une hypothèse conservatoire de croissance située entre 2 % et 2,5 %. De même, nous avons prévu un prix du baril de pétrole « gelé » à 70 dollars, alors qu'il est aujourd'hui, comme vous le savez, en dessous des 60 dollars. Enfin, alors que les recettes fiscales ont progressé, ces dernières années, beaucoup plus vite que la richesse nationale, nous retenons pour 2007 une progression quasiment en ligne avec le produit intérieur brut.
Je reviendrai maintenant plus en détail sur ce projet de loi de finances pour 2007.
Tout d'abord, il est clairement tourné vers la croissance. Mesdames, messieurs les sénateurs, le ralentissement de la croissance au troisième trimestre ne doit pas faire oublier l'exceptionnelle accélération du premier semestre, que l'INSEE, l'Institut national de la statistique et des études économiques, vient du reste de réévaluer encore à la hausse, il y a quelques jours. Les deux sont en réalité liés. Notre économie a progressé, au premier semestre, sur un rythme annuel de plus 3,4 %, plaçant la France dans le peloton de tête des pays de la zone euro.
Par ailleurs, les chiffres du troisième trimestre que nous a livrés, avant-hier, l'INSEE, dans le détail, confirment que les fondamentaux de l'économie française sont restés solides et dynamiques.
D'une part, la consommation a progressé de 2,4 % en rythme annualisé au troisième trimestre ; d'autre part, l'investissement des entreprises a progressé de 3 % en rythme annualisé, ce qui est très important pour l'avenir.
Après la très forte croissance du deuxième trimestre, la contre-performance apparente qui s'est produite l'été dernier apparaît dès lors comme essentiellement technique, puisqu'elle provient surtout du comportement des entreprises qui ont déstocké. Cette situation était prévisible, même si nous nous attendions plutôt, il est vrai, à une croissance légèrement supérieure. Mais il faut la considérer avec la très bonne tenue de la consommation et surtout des investissements.
Les perspectives de croissance pour le quatrième trimestre sont bonnes, voire très bonnes. Le climat des affaires dans l'industrie, comme dans les services et la construction, se situe à un niveau élevé.
Pour ce qui concerne la consommation manufacturée, les chiffres du mois d'octobre qui ont été publiés hier ont montré une progression de 0,9 %, et les mois de novembre et de décembre devraient être soutenus par le niveau très faible de l'inflation, de 1,1 % seulement en octobre, malgré un prix du pétrole qui demeure toujours, à nos yeux, trop élevé.
Les perspectives d'accélération de l'investissement des chefs d'entreprises sont aussi le signe de leur confiance dans l'avenir : les industriels tablent, pour 2006, sur la plus forte progression de leurs investissements depuis 2000.
Enfin - dernier point et non des moindres -, l'environnement macroéconomique international reste porteur : le prix du baril de pétrole se maintient sous la barre des 60 dollars ; la conjoncture européenne, notamment allemande, est au plus haut depuis six ans. La consommation est en ce moment assez soutenue dans ce pays, car le taux de la TVA y sera relevé dès le mois de janvier prochain. Par ailleurs, le taux de change euro-dollar se maintient, quant à lui, autour de 1,27. Tous ces éléments vont donc soutenir nos exportations au quatrième trimestre.
Au total, ces indicateurs pointent vers un rebond de notre économie au quatrième trimestre sur un rythme de croissance que nous estimons entre 0,6 % et 0,8 %, ce qui conforte la prévision du projet de loi de finances pour 2006 : avec un acquis de croissance qui est déjà de 1,9 % à la fin du troisième trimestre, la croissance sur l'ensemble de l'année 2006 devrait bel et bien s'inscrire dans une fourchette comprise entre 2 % et 2,5 %.
Pour ce qui concerne l'année 2007, je compte sur ce projet de loi de finances pour entretenir le cercle vertueux confiance-croissance-emploi, qui sous-tend notre économie depuis maintenant plus d'un an.
Le retour de la confiance est le facteur majeur de l'accélération de la croissance. Plus de confiance, c'est plus de consommation des ménages, c'est aussi plus d'investissements des entreprises.
Cet enchaînement vertueux débouche sur la création d'emplois dans notre pays et fait reculer le chômage, comme on le constate, sans défaillance, depuis plus d'un an maintenant.
Mme Hélène Luc. Vous êtes bien optimiste !
M. Thierry Breton, ministre. Le taux de chômage est aujourd'hui de 8,8 %, soit une baisse d'un point en un an, c'est-à-dire 250 000 chômeurs en moins.
Mme Marie-France Beaufils. Et en éliminant combien de chômeurs sur les listes ?
M. Thierry Breton, ministre. Certes, ce niveau est encore trop élevé, mais il est proche de son plus bas niveau depuis près de vingt-cinq ans. En 2007, ce mouvement va encore se poursuivre. Le scénario que nous avons retenu table sur la création de près de 250 000 emplois, dont 80 % environ dans le secteur privé.
L'emploi qui redémarre, le chômage qui diminue sont de formidables facteurs de confiance pour nos concitoyens. L'objectif central de ce projet de loi de finances est d'accompagner et d'entretenir ce cercle vertueux, en agissant sur la confiance, sur le pouvoir d'achat et, enfin, sur l'investissement.
Je reviendrai en détail sur la réduction du déficit et de la dette, sujets qui sont au coeur de notre politique économique. Cette réduction est d'ailleurs inscrite dans ce projet de loi de finances, car elle constitue un élément déterminant pour consolider le retour de la confiance chez nos concitoyens.
Ensuite, ce projet de loi de finances soutient résolument le pouvoir d'achat.
La progression des salaires s'est accélérée au cours des derniers trimestres, à des rythmes inconnus depuis treize ans, de 3 % par an. Elle va se maintenir et devrait même s'amplifier en 2007. Mais je suis bien conscient que ce n'est jamais suffisant, surtout pour les catégories qui en ont le plus besoin.
C'est pourquoi la réforme fiscale apportera un soutien massif aux plus défavorisés et aux classes moyennes notamment en leur permettant de bénéficier, comme je l'avais indiqué, d'un gain de 0,5 % environ de leur pouvoir d'achat, et ce dès le début de l'année prochaine.
Mme Marie-France Beaufils. Ils ne paient pas d'impôt !
M. Thierry Breton, ministre. Je pense bien entendu à la grande réforme de l'impôt sur le revenu adoptée l'an dernier, dont nous avons souhaité faire bénéficier nos concitoyens dès leurs premières mensualités ou leur premier tiers. Ils verront ainsi leurs premiers versements diminuer de 8 %, dans la limite de 300 euros.
La forte revalorisation de la prime pour l'emploi va également soutenir le pouvoir d'achat des titulaires du SMIC, en représentant désormais quasiment un treizième mois.
Enfin, en 2007, nous encouragerons l'investissement et renforcerons notre croissance à moyen terme. Je veux parler non seulement du programme « Gazelles » destiné à soutenir les PME dans leur croissance, mais aussi du « bouclier fiscal » et de la baisse du taux marginal d'impôt sur le revenu qui consolide notre attractivité.
Compte tenu des effets que pourra avoir ce projet de loi de finances sur le pouvoir d'achat et l'investissement, la croissance restera solide en 2007. C'est pourquoi nous avons décidé de retenir une fourchette comprise entre 2 % à 2,5 % pour construire ce projet de loi de finances.
Je reviens maintenant à nos objectifs de déficit et de dette, qui reposent en 2006 comme en 2007, je vous le confirme, sur une maîtrise stricte de la dépense.
En 2006, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'objectif que nous nous étions fixé visait à améliorer encore le résultat de 2005, qui était de 2,9 %, en ramenant le déficit à 2,8 % du PIB, grâce en particulier, d'une part, à une stabilisation en volume des dépenses de l'État pour la quatrième année consécutive et, d'autre part, à un ralentissement sensible des dépenses de santé, les dépenses sous ONDAM, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, devant ainsi passer d'une progression de 4 % en 2005 à 2,8 % en 2006.
Or, comme nous l'avons appris il y a un peu moins de deux mois, les résultats des versements de l'acompte de l'impôt sur les sociétés au mois de septembre ont été nettement plus élevés que prévu, ce qui a porté le total des plus-values fiscales à environ 5 milliards d'euros, qui seront évidemment affectés à la réduction du déficit et de la dette de la France.
Dans ces conditions, j'ai estimé qu'il était possible de ramener, dès cette année, le déficit total des administrations publiques - celui sur lequel nous nous sommes engagés envers Bruxelles - de moins 2,9 % en 2005 à moins 2,7 % du PIB, et non pas à moins 2,8 %, comme cela est inscrit dans le budget. Ce pourcentage de 2 ,7 est devenu, comme je l'ai indiqué précédemment, notre objectif de déficit public pour cette année.
Le déficit budgétaire de l'État inscrit dans le projet de loi de finances rectificative se situe à 42,5 milliards d'euros, soit 4,4 milliards d'euros en dessous de celui qui a été voté l'an dernier, mais Jean-François Copé y reviendra tout à l'heure.
En 2007, l'objectif est de réduire de nouveau le déficit public, en le ramenant à moins 2,5 % du PIB. J'attache à ce pourcentage une importance particulière, car il correspond au niveau qui stabilise le ratio d'endettement public. Cela signifie donc que toute nouvelle réduction du déficit fera mécaniquement diminuer l'endettement.
Comme je l'ai déjà indiqué, le « pouvoir de dépense » de l'État diminuera l'an prochain de 1 %, c'est-à-dire que la dépense progressera de 1 % moins vite que l'inflation, après quatre années de « zéro volume ».
Monsieur le rapporteur général, je connais votre attachement à une maîtrise stricte de nos dépenses.
Cet effort historique en matière de dépenses nous permettra quasiment de financer la réforme de l'impôt sur le revenu.
Au total, le déficit budgétaire de l'État continuera de diminuer en 2007. Après l'examen du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale, il devrait passer sous la barre des 42 milliards d'euros pour se situer à 41,7 milliards d'euros.
Les dépenses de santé continueront de ralentir. Elles ne progresseront plus que de 2,6 % en valeur, soit environ 1,5 % de moins que l'activité économique.
Enfin, je voudrais évoquer la dette de notre pays.
La conséquence de nos efforts en matière de finances publiques est la diminution historique de notre endettement.
Monsieur le président de la commission des finances, je sais combien la baisse de notre endettement public, à côté de la réduction de notre déficit public, vous est chère.
Comme vous le savez, je me suis engagé à réduire pour la première fois depuis bien longtemps l'endettement de la France de 2 % du PIB sur l'année 2006. Nous avons pris dans cet objectif des orientations fortes, notamment la réduction des dépenses de l'État, l'affectation de tout surplus au désendettement, l'optimisation de la gestion de la trésorerie de l'État, la cession d'actifs non stratégiques et la mobilisation de tous les organismes publics pour optimiser la gestion de trésorerie et les placements.
Monsieur le président de la commission des finances, nous évoquons souvent ensemble ce sujet. Vous avez déjà fait beaucoup. Nous devons continuer et poursuivre les efforts pour bien montrer le caractère irréversible de la dynamique que nous avons engagée.
Je peux vous le dire, les informations dont je dispose sur les rachats de dette opérés cette année jusqu'ici confortent notre objectif de réduire l'endettement public de 2 % à la fin de l'année 2006, pour le faire passer à 64,6 % du PIB contre 66,6 % du PIB à la fin de l'année 2005.
D'abord, comme l'a annoncé l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'INSEE, à la fin du mois de septembre, plus de la moitié du chemin avait été parcourue sur les seuls six premiers mois de l'année : l'endettement public a diminué de 1,1 %.
Ensuite, 14,2 milliards d'euros de dettes ont été rachetés depuis le début de l'année. Pour la première fois, le programme de financement de l'État à moyen terme a été revu à la baisse de 14 milliards d'euros par rapport au programme initial.
Enfin, l'encours de dette à court terme de l'État a été réduit de plus de 17 milliards d'euros grâce à une meilleure gestion de notre trésorerie.
Pour l'année prochaine, après avoir de nouveau passé en revue avec mes services tous les leviers de désendettement, nous avons décidé de fixer un objectif de baisse supplémentaire de 1 % du PIB de l'endettement public. Au total, l'endettement public aura baissé de 3 % du PIB en deux ans.
Comment y parviendrons-nous ? Au-delà de l'effet du déficit stabilisant et de l'affectation intégrale des surplus fiscaux au désendettement, nous poursuivons le travail dans trois directions.
D'abord, les dispositions déjà prises ou en cours de finalisation représentent un potentiel de baisse supplémentaire du ratio d'endettement de plus de 2 % du PIB. En fonction de l'avancement des chantiers en cours, soit nous dépasserons notre objectif cette année, soit certaines mesures permettront de faire baisser l'endettement dans le courant de l'année prochaine. En tout état de cause, les travaux déjà engagés contribueront à notre objectif pour l'année 2007.
Ensuite, conformément à l'engagement qui figure dans notre programme pluriannuel de désendettement, nous tablons forfaitairement sur un montant de recettes de cessions d'actifs financiers non stratégiques de l'État en 2007 compris entre 5 milliards d'euros à 10 milliards d'euros. Je vous le rappelle, au cours des années 2005 et 2006, ce sont plus de 20 milliards d'euros de cessions de titres qui auront été affectés au désendettement de la France !
Enfin, dans l'esprit de la Conférence nationale des finances publiques, nous poursuivrons évidemment l'année prochaine le dialogue avec l'ensemble des acteurs publics pour continuer à optimiser la gestion de la dette publique dans son ensemble. Une réunion du Conseil d'orientation des finances publiques aura d'ailleurs lieu à Bercy avec un certain nombre d'entre vous dès le début du mois de décembre pour préparer cette conférence.
Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà ce que je souhaitais vous dire en guise d'introduction à la discussion générale. Bien entendu, j'ai toute confiance dans la qualité du débat que nous allons maintenant conduire ensemble.
Je serai évidemment, tout comme Jean-François Copé, à l'écoute de votre appréciation et de vos propositions, dans l'intérêt de nos concitoyens, pour débattre d'un budget réaliste, vertueux et juste. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, je vous remercie d'avoir rigoureusement respecté le temps qui vous était imparti. J'espère que votre exemple sera suivi.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord vous exprimer le plaisir que je ressens à me trouver aujourd'hui dans cet hémicycle aux côtés de Thierry Breton pour présenter le dernier projet de loi de finances de la législature.
Nous avons élaboré ce projet de budget, et c'est normal, en respectant une double dimension.
Il y a d'abord une dimension technique. En cette deuxième année d'application de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, il nous était indispensable d'être irréprochables dans notre approche de cette nouvelle technique budgétaire.
Mais il y a également une dimension politique. Chacun le comprendra aisément, à quelques mois de l'élection présidentielle, Thierry Breton et moi-même avions à coeur de montrer qu'il est possible de financer des politiques publiques ambitieuses pour tenir les engagements pris devant les Français, tout en poursuivant l'assainissement de nos finances publiques.
C'est la raison pour laquelle, conformément à ce que je vous avais dit lors du débat d'orientation budgétaire, ce projet de loi de finances atteint quatre objectifs. Nous diminuons les dépenses de l'État pour la première fois, ainsi que les impôts, la dette et le déficit public.
M. François Marc. Et le chômage ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous réduisons également le chômage, en particulier grâce à la politique économique que nous menons. (Murmures ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Je vous remercie de m'avoir tendu cette perche magnifique, monsieur le sénateur.
Si nous parvenons à de tels résultats, c'est d'abord parce que nous innovons profondément dans nos méthodes.
Comme chacun s'en souvient, avec la vieille technique budgétaire, les services votés ne nous laissaient qu'environ 3 %, 4 % ou 5 % de marge de manoeuvre pour les dépenses nouvelles. Tout le reste était automatiquement reconduit. C'était donc une machine infernale à reproduire de la dépense publique en augmentation.
Avec la LOLF, la situation a beaucoup changé. Nous repartons de zéro chaque année, ce qui nous donne des possibilités, que nous n'avions pas auparavant, pour réaliser des économies et lutter contre les gaspillages.
Désormais, le volet de la performance est totalement opérationnel.
Permettez-moi d'ailleurs de vous faire part d'une information très encourageante. Une étude récente du Center on budget and policy priorities chargée d'évaluer la transparence budgétaire des différents pays classe la France en tête parmi une cinquantaine de pays, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, la Nouvelle Zélande ou la Suède. Nous nous sommes d'ailleurs largement inspirés de tous ces pays pour élaborer nos normes budgétaires.
Comme, dans notre beau pays, on a tendance trop systématiquement à voir le verre à moitié vide et à amplifier ce qui ne va pas, je tenais à vous faire part de ce classement, qui ne pourra que vous réjouir, toutes sensibilités politiques confondues.
Par ailleurs, le ministère des finances a lancé un jeu en ligne intitulé Cyberbudget, qui permet à tout internaute d'approfondir ses connaissances en matière de finances publiques. Depuis son lancement, le site a enregistré 350 000 visites. Je ne doute pas que vous en étiez. Sinon, je tiens gracieusement à votre disposition des clés USB. (Sourires.) Vous le verrez, ce jeu pédagogique et humoristique permet, d'une part, de se familiariser avec l'idée selon laquelle il n'est pas possible de dépenser éternellement plus que l'on ne gagne et, d'autre part, de connaître le coût de chacune des politiques publiques que nous menons.
Pour élaborer ce projet de loi de finances, nous devions répondre à plusieurs exigences.
La première était de mettre très tôt tout le monde autour de la table pour définir les priorités. Ce sont les fameuses « réunions d'économies structurelles », qui nous ont permis d'identifier les besoins, d'élaborer les stratégies, de choisir les priorités et de déterminer un plafond de dépenses compatible avec nos objectifs en termes de déficit.
Tous les ministres et les ministères ont été mis à contribution. Il n'y a pas eu de passe-droits. Nous avons essayé de lancer un travail comparable au sein du Conseil d'orientation des finances publiques, où tous les acteurs publics de la « maison France », c'est-à-dire l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales, ont été associés.
Le projet de loi de finances pour 2007 montre d'ailleurs que les engagements de l'État à l'égard des autres acteurs sont entièrement tenus.
S'agissant de la sécurité sociale, l'État transfère une partie des droits sur les tabacs, à hauteur de 500 millions d'euros, pour compenser le coût des nouveaux allégements de charge et pour couvrir les frais financiers liés aux créances de la sécurité sociale sur l'État.
En outre, je le rappelle devant la Haute Assemblée, nous avons intégralement honoré le pacte de croissance et de solidarité entre l'État et les collectivités locales. Alors que la hausse des dépenses de l'État est inférieure à l'inflation, nous augmentons les dotations aux collectivités locales.
Qu'il s'agisse du pacte de croissance et de solidarité, du fonds de compensation de la TVA, du RMI ou des différents dégrèvements et compensations, l'État respecte strictement ses engagements à l'égard des collectivités locales.
La deuxième exigence était d'avoir les yeux rivés sur ce qui se passe dans le reste du monde. C'est tout le sens de ce que nous avons réalisé avec les audits, dont j'ai souvent eu l'occasion de vous parler, mesdames, messieurs les sénateurs.
C'est une innovation. Pour la première fois, nous radiographions l'ensemble des processus publics de l'État pour chasser les gaspillages, trouver des gains de productivité et dégager des marges de manoeuvre afin d'investir dans l'avenir.
Ces audits sont lancés à un rythme soutenu. Les résultats sont très encourageants, puisque nous avons dégagé des marges de manoeuvre dans tous les domaines, et sur des sujets très divers, qui étaient jusqu'à présent totalement tabous.
Nous avons ainsi fait réaliser des audits sur l'allocation aux adultes handicapés, les frais de justice, les nouvelles technologies et leur utilisation dans les différentes administrations, notamment aux finances, ou encore les achats. Aujourd'hui, l'État achète pour près de 15 milliards d'euros par an, ce qui est considérable. Dans les trois années qui viennent, nous pouvons programmer une économie de 10 % par an, soit pratiquement 1,5 milliard d'euros.
Tout cela n'est qu'un début. Ces audits ont vocation à devenir un processus continu de modernisation de nos administrations. Cette dynamique - des vagues d'audits sont lancées tous les deux mois - doit se poursuivre. Il en va des audits comme du sport, nous devons en faire de manière régulière. (Sourires.) Il s'agit de savoir en permanence où nous en sommes et de connaître la situation financière de l'État, dans un souci de meilleure performance, au sens public du terme, c'est-à-dire dans l'intérêt des contribuables, qui veulent savoir où vont leurs impôts.
Dans son récent rapport intitulé Réforme de l'État : auditer pour agir, le président de la commission des finances, Jean Arthuis, a salué notre travail en indiquant : « La réforme de l'État est enfin en marche ». Je suis très sensible à son propos et je l'en remercie.
Nous ne devons pas en rester là. Je peux vous l'annoncer, l'étape suivante sera le suivi de ces audits.
Mme Hélène Luc. On dépense beaucoup d'argent pour cela, mais ce n'est pas toujours très utile !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Mais si ! Lisez-les ! Vous verrez qu'ils peuvent beaucoup nous apprendre sur la manière de rendre l'État plus efficace.
Mme Hélène Luc. Ils cherchent surtout à limiter les dépenses !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Tous les audits sont en ligne.
À partir de demain, je mettrai également en ligne un tableau de bord gouvernemental qui renseignera sur l'état d'avancement des suites données aux audits. En outre, la Direction générale de la modernisation de l'État proposera systématiquement un appui à la mise en oeuvre de leurs préconisations.
Monsieur le président de la commission des finances, vous suggérez dans votre rapport de généraliser la démarche aux opérateurs de l'État. C'est également ma conviction.
J'ai d'ailleurs écouté avec beaucoup d'attention les recommandations de M. le rapporteur général, qui est toujours très attentif et vigilant sur ces sujets.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous remercie, monsieur le ministre !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. L'an dernier, vous aviez exprimé un certain scepticisme, certes courtois, mais tout de même précis (Sourires), quant à l'efficacité de ces audits. Aujourd'hui, vous y trouvez, comme nous tous, un certain intérêt. Je dois vous le confesser, j'étais alors moi-même particulièrement attentif, car je voulais vérifier que cette expérimentation des audits était une bonne piste. À mon sens, nous pouvons désormais tous le confirmer. Dans ce domaine, le dispositif que nous avons lancé est tout à fait positif. Nous faisons une vague d'audits tous les deux mois et nous avançons vite et bien.
Notre troisième exigence était de graver dans le marbre des principes de bonne gestion et de s'y tenir quelles que soient les circonstances.
Avec Thierry Breton, nous avons pris des engagements devant vous. Nous les tenons. C'est le cas s'agissant de l'affectation de la totalité des plus-values fiscales au désendettement et de l'attitude de prudence que nous avons retenue dans nos hypothèses de recettes, donc de croissance.
Nous nous attellerons d'ailleurs de la même manière pour le chantier à venir, c'est-à-dire la certification des comptes, qui interviendra pour la première fois en début d'année prochaine.
Il s'agit d'une échéance capitale pour la gouvernance de nos finances publiques. J'entends bien être au rendez-vous, à condition que les règles du jeu soient parfaitement claires. Et elles doivent l'être, me semble-t-il, indépendamment des clivages politiques traditionnels, au demeurant légitimes, qui peuvent par ailleurs nous opposer.
S'agissant de la LOLF et de la certification des comptes, il est important que nous conservions l'esprit de consensus que nous avons retrouvé dans l'excellent rapport de MM. Alain Lambert et Didier Migaud. Ils ont rappelé de manière éclairante que la certification devait être, comme je le crois moi-même, un processus continu et coopératif de dialogue entre le certifié et le certificateur pour améliorer la qualité des comptes.
C'est d'ailleurs ce que nous enseigne l'expérience des pays voisins et du secteur privé. Tout cela ne se fera pas en un jour, mais l'échéance est capitale : il nous faut donc progresser dans cette voie avec la Cour des comptes, dans un climat dépassionné et constructif. Nous avons commencé à le faire : j'ai eu l'occasion de m'exprimer sur ce sujet devant les deux commissions des finances du Parlement ; le premier président de la Cour des comptes a été auditionné par l'Assemblée nationale et le sera bientôt par le Sénat
Trois éléments clés ressortent de ces discussions. Le premier porte sur la nécessité d'établir des règles du jeu parfaitement claires dès le départ. Nous devons savoir ce qui va être certifié, quel est le périmètre des comptes et garder à l'esprit que le processus est évolutif. Le premier président de la Cour des comptes a d'ailleurs dit, par avance, qu'il est tout à fait normal que la première certification se fasse « avec réserves », selon la terminologie en usage. La certification engage l'ensemble des sensibilités politiques au service d'un objectif fondamental : la transparence.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Après les règles du jeu, le deuxième élément clé est le partenariat, dans le respect des missions de chacun. Personne n'imagine de contester ni de mettre en doute les missions ou la spécificité de chacun des acteurs en présence : la Cour des comptes, le Gouvernement et le Parlement, troisième acteur essentiel, qui doit être pleinement associé à la définition de l'ensemble des règles du jeu.
Mme Hélène Luc. Ne nous dites pas que le Parlement est pleinement associé !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le troisième élément clé est la pédagogie. Sur ce point, je voudrais vous donner un exemple concret.
Nous allons présenter, pour la première fois, le bilan de l'État, qui comporte un passif et un actif. Jusqu'à présent, on ne parlait que du passif : que de discours, d'articles de journaux, de colloques, quelle que soit la tendance politique, sur le sujet ! Le passif, c'est la dette de l'État. L'étude confiée par Thierry Breton à Michel Pébereau l'a évaluée à un ordre de grandeur de 1 100 milliards d'euros.
En revanche, personne n'évoque jamais l'actif. Or, il existe : mes services l'évaluent aujourd'hui provisoirement à environ 550 milliards d'euros. La situation nette du bilan est donc négative ; tel a toujours été le cas, nous le savons. Il en est de même dans tous les pays du monde, ce qui est tout à fait normal compte tenu de la configuration des comptes.
Il nous faut donc expliquer la situation ainsi que le travail entrepris pour réduire l'écart entre le passif et l'actif. Tel est l'objectif de la politique de désendettement que nous conduisons, qui passe forcément par la réduction du déficit de l'État : en quatre ans, nous aurons réduit le déficit de l'État de quinze milliards d'euros.
Je voudrais maintenant ajouter plusieurs remarques.
Tout d'abord, au-delà de la mise en oeuvre, à partir de 2007, de l'ambitieuse réforme fiscale que nous avons engagée, nous souhaitons faire en sorte que le budget que nous vous présentons concorde pleinement et entièrement avec les convictions de notre famille politique, au service de notre pays. À l'évidence, il atteste des différences claires existant entre une politique de droite et une politique de gauche ; tant mieux !
Autant je plaide pour que ce qui relève, notamment, des règles générales, de la LOLF, de la certification des comptes, soit admis pour que tous puissent y adhérer, autant j'attache beaucoup d'importance à ce que chacun voie bien la différence entre le budget que nous présentons et ceux que nous avons connus dans le passé, lorsque l'actuelle opposition détenait la majorité.
Mme Nicole Bricq. C'est sûr qu'il y a une différence !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Les différences sont réelles, par exemple, sur la question de la dépense publique.
Première conviction : ce budget démontre qu'il est possible de moderniser les services publics sans dépenser toujours plus. La dépense publique ! Vaste et beau sujet...
Sur ce point, je pense qu'on a menti aux Français pendant longtemps. On les a trompés en leur faisant croire que la ligne de partage passait entre les gentils, qui dépensaient plus, et méchants, qui dépensaient moins ; en leur faisant croire que l'administration fonctionnerait moins bien si on n'augmentait pas sans cesse le nombre des fonctionnaires. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Marie-France Beaufils. On en voit les résultats !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. On les a trompés en refusant de poser la seule bonne question : la dépense publique qui est engagée est-elle efficace ? Est-elle correctement évaluée ? Pourrait-elle être mieux utilisée ?
On les a trompés, enfin, en évitant soigneusement d'ouvrir le débat essentiel sur ce que doit être le périmètre de l'État.
L'une des erreurs « historiques » de Lionel Jospin a été de dire que l'État ne peut pas tout faire.
Mme Nicole Bricq. Quel culot !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Tout d'abord, l'État ne doit pas tout faire. Ensuite, il ne doit pas tout faire tout seul. C'est à cette occasion qu'il faut réfléchir à ce que doit être le périmètre d'action d'un État moderne.
Mme Hélène Luc. Et après, vous critiquez les collectivités locales !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'ai souhaité démontrer, avec ce budget, que l'État peut dépenser moins, tout en répondant aux priorités auxquelles sont attachés les Français et qu'il doit, pour cela, se moderniser en permanence. Il faut donc concilier une dépense publique en baisse et le financement intégral des engagements pris devant les Français au début de la législature.
Sur la restauration des fonctions régaliennes, nous avons accompli la totalité des engagements. Toutes nos lois de programmation sont exécutées, si j'ose dire, à l'euro près ou presque : 100 % en crédits pour la loi d'orientation et de programme sur la sécurité intérieure, 100 % pour la loi de programmation militaire et, pour la loi d'orientation et de programme pour la justice, nous allons rattraper une partie du retard d'ici la fin de cette année, avec une exécution à hauteur de 80 %. Il en est de même pour les programmes de recherche et pour l'aide publique au développement.
Deuxième conviction : baisser la dépense publique, c'est s'attaquer concrètement au désendettement. Le Gouvernement s'est entièrement engagé dans cette entreprise, comme Thierry Breton l'a dit.
Rappelons les chiffres : en 1997, nous avions laissé un déficit structurel de 2 points du PIB ; en 2002, nous le retrouvons à 3,8 points ; en 2007, il se situera à 2,3 points. En cinq ans, nous avons donc rattrapé les dérives des cinq années précédentes. Mieux vaudrait prolonger le bail d'encore cinq ans, afin d'éviter de nous trouver à nouveau devant les difficultés que nous avons connues ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. J'espère bien que non !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Troisième conviction : la fiscalité joue un rôle majeur dans la question du pouvoir d'achat.
Le travail accompli pour baisser les impôts des ménages dans des proportions très importantes a permis, à l'évidence, d'améliorer la feuille de paie.
Mais il est vrai que la fiscalité ne peut pas tout faire et qu'il nous faut développer une réflexion de fond sur la place du travail dans notre société et sur le poids que représentent les charges dans la feuille de paie.
Beaucoup a déjà été fait, mais il ne faut pas se tromper de combat : le SMIC est aujourd'hui un plafond de verre. Le sentiment qu'augmenter le SMIC règle les problèmes de pouvoir d'achat - comme l'avait proposé par exemple un candidat à la candidature au sein du parti socialiste - nous fait oublier que la véritable préoccupation de nos concitoyens est de dépasser le niveau du SMIC le plus vite possible dans leur parcours, grâce à la qualification tout au long de la vie, au recours aux heures supplémentaires et aux facultés offertes à tous ceux qui le souhaitent de gagner plus en travaillant plus !
Quatrième conviction : on peut faire baisser le chômage grâce à une politique de l'emploi efficace.
Les mesures que nous avons mises en oeuvre, les nouveaux contrats de travail, le CNE en particulier, la valorisation du travail à travers, notamment, la prime pour l'emploi, les allégements de charges, ont obtenu des résultats tout à fait spectaculaires.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais vous dire en préambule à cette discussion sur le projet de loi de finances pour 2007.
Je ne voudrais pas terminer sans évoquer la question du bilan. Car, s'il est vrai que personne ne pense gagner une élection présidentielle avec son seul bilan, il vaut toujours mieux s'appuyer sur un bon bilan que sur un mauvais pour proposer aux Français de passer à la vitesse supérieure.
M. Adrien Gouteyron. Bien sûr !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. De ce point de vue, afin de cadrer notre débat et, accessoirement, de répondre au rappel au règlement de M. Massion, je voudrais mettre en perspective deux fins de mandat : celle de M. Jospin à Matignon et la nôtre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Marc Pastor. Vous faites déjà les comptes !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. En 1997, nous vous avions laissé un déficit de 40 milliards d'euros. Malgré une croissance qui vous avait été favorable, vous nous avez laissé les clés avec un déficit qui atteignait, en 2002, 49 milliards d'euros. M. Jospin l'avait, à l'époque, reconnu explicitement, en avouant par un bel euphémisme qu'il avait laissé « légèrement » dériver les comptes publics.
Mme Nicole Bricq. Vous, ce n'est pas légèrement !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour notre part, en 2007, nous aurons, à notre crédit, amélioré le solde budgétaire de presque 8 milliards d'euros en cinq ans, en le ramenant à 41,7 milliards d'euros.
S'agissant des recettes, souvenons-nous de 1999 : 10 milliards d'euros de plus-values de recettes avaient été enregistrés, dont un tiers seulement avait été affecté à la réduction du déficit !
Mme Nicole Bricq. C'est vous qui l'aviez demandé !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous avons, quant à nous, affecté la totalité des plus-values de recettes au désendettement.
En termes de dépenses, le dernier budget de la législature socialiste affichait une croissance des crédits de 0,5 % en volume. Nous avons, quant à nous, réduit les dépenses.
Enfin, s'agissant des effectifs de la fonction publique, je me limiterai à deux chiffres : d'une part, 30 000 créations de postes de fonctionnaires d'État pour 2001 et 2002 ; de l'autre, 20 000 non-renouvellements de postes consécutifs aux départs en retraite pour 2006 et 2007, en respectant les conclusions des audits, c'est-à-dire sans conséquences négatives sur le fonctionnement des services publics.
Ce budget, vous l'avez donc compris, marque clairement un cap, celui du désendettement ; il s'engage sur des priorités précises : réduire les déficits et baisser les impôts, ...
Mme Hélène Luc. Baisser les impôts, mais pour qui ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... il assume franchement les valeurs de notre famille politique, en modernisant l'État, en soutenant le pouvoir d'achat des Français et en finançant des politiques publiques qui correspondent à leurs attentes, dans le domaine de la sécurité, de l'emploi, de l'éducation, de la justice, de la recherche !
Mme Hélène Luc. Des mots, des mots !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Bref, ce budget s'inscrit clairement dans la perspective des années 2010, avec un pays qui retrouve progressivement son rang dans le reste du monde grâce à ses valeurs universelles et à sa capacité à bien gérer les deniers publics ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Vous allez voir ce que les électeurs vont vous dire, monsieur le ministre !
M. Marc Massion. C'est déjà la campagne de l'UMP !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je sollicite à la fois votre attention et votre indulgence pour cette première présentation d'un style nouveau.
M. Alain Lambert. Bravo ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Vous voulez limiter la discussion !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je remercie particulièrement M. le président du Sénat et l'ensemble du bureau du Sénat qui ont bien voulu permettre cette expérimentation.
Tout d'abord, le projet de loi de finances pour 2007 « ménage l'avenir ».
Je vais m'efforcer de montrer par cet exposé que ce budget permettra à la prochaine législature de disposer des marges de manoeuvre nécessaires pour appliquer sa politique. En ce sens, c'est un budget respectueux des Françaises et des Français et de leur expression démocratique.
Ce budget est le dernier d'une législature. En tant que tel il est crucial et doit être comparé au dernier budget de la législature précédente, ce que je m'efforcerai de faire.
Nous abordons cette nouvelle période avec des éléments qui, pour certains d'entre eux, sont positifs : embellie du marché de l'emploi, croissance assez proche des prévisions - voire, pour 2006, plutôt meilleure que ne le prévoyaient il y a un an les conjoncturistes - et, surtout, en termes de méthode, nous commençons à tirer les bénéfices des audits de performance et de la loi organique sur les lois de finances.
Cela se traduit, en particulier, mes chers collègues, par une nouvelle exigence parlementaire que le Sénat, et tout particulièrement les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, toutes tendances confondues, ont pu mettre à profit pour l'élaboration de leurs travaux.
C'est ainsi que la commission des finances proposera, cette année, une quarantaine d'amendements sur les missions et les programmes, c'est-à-dire deux fois plus que l'année dernière, tout en respectant les procédures de la loi organique de manière très constructive, sans dégrader le solde ni modifier les grands équilibres de cette loi de finances.
Voyons tout d'abord, mes chers collègues, comment peuvent se comparer les recettes et les dépenses en chiffres bruts. (Se reporter au document 2.)
Le déficit serait, pour 2007, de 42 milliards d'euros, et l'évolution des dépenses obéirait à une nouvelle norme, plus exigeante que celle des années passées. En effet, l'objectif n'est plus celui du « zéro volume », il est que la progression des dépenses de l'État au sens strict soit limitée à 0,8 % en euros courants, soit une croissance inférieure de 1 point à l'inflation. Les années précédentes, l'objectif du « zéro volume » a été respecté, et il faut en donner acte au Gouvernement.
Rappelons ensuite l'évolution du déficit budgétaire sur le long terme, car le court terme doit être mis en perspective. Nous pouvons ainsi observer le décalage existant entre la courbe prévisionnelle et la courbe réelle. (Se reporter au document 3.)
Cela montre, messieurs les ministres, que le résultat de 2006 est sensiblement meilleur que celui qui était prévu dans la loi de finances initiale. On relève en outre qu'il n'y a pas eu beaucoup d'années où une telle situation a pu être constatée.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans l'établissement d'un budget, il faut se préoccuper des recettes avant d'autoriser les dépenses.
S'agissant donc des recettes, la commission des finances estime que les prévisions pour 2007 sont réalistes. Elles tiennent compte, en particulier, des baisses d'impôt décidées au titre de la loi de finances pour 2006.
L'appréciation des recettes dépend d'abord de la croissance, la prévision en cette matière étant, évidemment, un art difficile, comme l'illustrent ces deux courbes retraçant l'une la croissance réalisée, l'autre la croissance prévue. (Se reporter au document 5.)
En réalité, quand on fait une comparaison entre les prévisions et la réalité sur une longue période, on s'aperçoit que tout le monde s'est trompé, les différents gouvernements comme les conjoncturistes. Les erreurs ne sont pas plus souvent par excès que par défaut. En ce qui concerne l'année 2006, il convient, malgré le résultat décevant du troisième trimestre, de rappeler que nous devrions normalement aboutir, pour l'ensemble de l'exercice, à un résultat très proche de ce qui avait été annoncé par le Gouvernement.
Cependant, encore faut-il bien voir quelles sont les composantes de cette croissance.
À cet égard, je vous invite, mes chers collègues, à une réflexion sur le point suivant : la croissance française demeure tirée par la consommation, tandis que la croissance de l'Allemagne, notre principal partenaire, est tirée par le commerce extérieur, c'est-à-dire par la compétitivité des entreprises.
Quelles que soient les réalités du court terme, il faut être capable d'intégrer ces éléments de comparaison et de se demander dans quelle mesure notre croissance pourra être maintenue sur le moyen et le long terme, ainsi que de s'interroger sur l'avenir de nos finances publiques.
En effet, l'accroissement continu de la consommation, des importations de biens manufacturés, du déséquilibre du solde extérieur traduit peut-être une diminution structurelle de la compétitivité de nos entreprises. Vous comprendrez, mes chers collègues, que cela soit une préoccupation fondamentale pour la commission des finances.
Pour en revenir aux recettes, examinons maintenant les grands agrégats. (Se reporter au document 6.)
On constate un écart de 68 milliards d'euros entre les recettes brutes et les recettes nettes, correspondant à un prélèvement direct sur les recettes, au profit de l'Union européenne et des collectivités territoriales.
Je rappelle, à cet égard, que la norme de progression des dépenses de l'État à un rythme inférieur de 1 point à l'inflation s'applique à toutes les dépenses financées, une fois déduits les prélèvements. S'agissant, en particulier, du pacte de solidarité et de croissance, qui est la principale base de financement du fonctionnement des collectivités territoriales, il incorpore un élément de croissance et permet de financer des dotations de l'État qui évoluent sensiblement plus vite, permettez-moi de le rappeler, que la moyenne des dépenses de ce dernier.
M. Henri de Raincourt. Il faut le dire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas nier les difficultés qui peuvent exister à l'échelon des budgets locaux que de le dire...
M. Henri de Raincourt. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...et de rappeler que cela s'impute sur une masse globale qui est considérable au regard des équilibres généraux de la loi de finances.
Pour l'année 2007, les recettes non fiscales évoluent favorablement en raison de l'amélioration substantielle de la situation économique et financière du secteur public, les dividendes versés à l'État par ce dernier augmentant de plus de 3 milliards d'euros, sans compter le résultat exceptionnel, que nous appréhendons en partie, dû à la cession, par la Caisse des dépôts et consignations, de sa participation dans la Caisse nationale des caisses d'épargne.
Étudions maintenant l'évolution des recettes fiscales d'une année à l'autre.
Nous raisonnons ici en données de caractère structurel, et nous mesurons l'incidence, en année pleine, des mesures votées l'an dernier, s'agissant, en particulier, de la réforme de l'impôt sur la personne et de celle de la taxe professionnelle. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Vous n'écoutez pas les maires, ni les citoyens que nous réunissons !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Regardez les chiffres avant de porter des appréciations, chers collègues ! C'est une réalité factuelle, elle ne devrait pas vous gêner en tant que telle ! Elle doit susciter le débat. (Protestations sur les mêmes travées.)
Mme Hélène Luc. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous en prie, madame Luc.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, avec l'autorisation de M. le rapporteur général.
Mme Hélène Luc. Vous parlez de la réforme de la taxe professionnelle, monsieur le rapporteur général, mais vous n'entendez pas ce que disent les maires participant actuellement au congrès des maires de France ou les citoyens que nous réunissons - j'ai moi-même pris part, avant-hier, à une assemblée de la population de Choisy-le-Roi sur le thème des recettes municipales.
M. Christian Cambon. Ce sont des militants, madame !
Mme Hélène Luc. Vous vous bornez à dire ce qui vous convient, à propos notamment de la loi organique relative aux lois de finances, avec laquelle, vous le savez, nous sommes en complet désaccord !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah bon ! C'est intéressant ! On le dira à M. Migaud...
Mme Hélène Luc. En effet, elle induit une méthode de travail telle que les sénateurs, au terme de la discussion du projet de loi de finances, ne peuvent même plus expliquer leur vote individuellement ! Croyez-vous que c'est ainsi que l'on permettra au Parlement d'être mieux associé à l'élaboration du budget ? Pour ma part, j'affirme que la démocratie régresse et qu'il est temps que vos amis quittent les responsabilités gouvernementales ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Charles Gautier. Bravo !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Permettez-moi de vous rappeler, madame Luc, que je suis maire d'une ville,...
M. Henri de Raincourt. Pas elle !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...que je suis président d'une agglomération...
M. Henri de Raincourt. Pas elle !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...qui bénéficie de la taxe professionnelle unique. Je suis donc particulièrement sensible à ce sujet.
M. Henri de Raincourt. Pas elle !
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'agglomération que je préside présente la particularité d'appliquer le taux de taxe professionnelle le plus faible de sa catégorie démographique,...
M. Christian Cambon. Ce n'est pas le cas de Choisy-le-Roi !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...ce qui lui permet d'être compétitive et d'attirer des entreprises.
M. Christian Cambon. Et voilà !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si l'on veut faire du social, si l'on veut créer des emplois, il faut notamment être capable d'accueillir des entreprises. Or ces dernières, dans le monde ouvert d'aujourd'hui, votent avec leurs pieds, c'est-à-dire, en l'occurrence, avec leurs décisions d'investissement.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si la réforme de la taxe professionnelle a été faite, aussi coûteuse, complexe et difficile à mettre au point qu'elle ait pu être, c'est bien pour limiter le poids de charges qui, en termes de comparaison internationale des sites d'implantation des entreprises, étaient apparues dans bien des cas insupportables. Vous ne pouvez pas le nier, car c'est une vérité !
Pour en revenir au projet de loi de finances pour 2007, nous constatons, en matière de fiscalité, une baisse des recettes de 6,6 milliards d'euros, ce qui provient des 7,2 milliards d'euros de réduction de la charge fiscale liée à nos votes de l'année dernière concernant la réforme de l'impôt sur la personne et l'allégement nécessaire, pour des raisons de compétitivité, de la taxe professionnelle acquittée par les entreprises. Il s'agit aussi, en fait, du solde des engagements que nous avions pris en 2002. (Se reporter au document 7.)
À l'inverse, dans le projet de budget pour 2007, des augmentations de ressources sont prévues, s'agissant notamment de la fiscalité des entreprises, avec 600 millions d'euros de recettes supplémentaires issus de l'application de mesures de rendement que nous aurons l'occasion de commenter au cours du débat.
En ce qui concerne maintenant les dépenses, la norme est ambitieuse. En tant que telle, elle doit être saluée, mais il faut être extrêmement vigilant, et M. le ministre délégué au budget y a fait allusion, s'agissant des dépenses qui ne sont pas concernées par le plafond correspondant à la norme, c'est-à-dire, en particulier, les dépenses qui sont engagées par des agences de l'État, par des opérateurs, par des personnes morales indépendantes.
Mes chers collègues, si l'on se livre à une comparaison entre la législature actuelle et la précédente, il est bon d'évoquer la dernière année, mais aussi l'ensemble des exercices.
En ce qui concerne les dépenses de l'État, leur récapitulation exacte fait apparaître les points suivants. (Se reporter au document 10.)
De 1998 à 2002, en cumulé et en volume, la dépense de l'État a augmenté de 3 % ; entre 2003 et 2007, elle devrait diminuer de 0,8 % : en volume, un écart de quatre points sépare donc les bilans des deux législatures.
En ce qui concerne le principal poste de dépenses, c'est-à-dire les effectifs, permettez-moi de vous en présenter l'historique exact depuis 1998 en équivalents temps plein travaillé. (Se reporter au document 11.)
Tous ces chiffres doivent être relativisés, puisque le plafond global des autorisations d'emplois pour 2007 est de 2 307 664. Par conséquent, l'ampleur des variations apparaissant ici est assez minime. Néanmoins, nous voyons, et c'est une façon de ménager l'avenir, que c'est pour le dernier budget de la législature que l'inflexion devient pour la première fois relativement significative. Cela étant, l'ensemble des baisses d'effectifs enregistrées au cours de cette législature ne font que compenser les hausses constatées pour les deux derniers exercices de la précédente.
Venons-en maintenant à l'investissement. (Se reporter au document 12.)
M. le président du Sénat a toujours été sensible aux comparaisons qui portent sur l'investissement. Il faut ajouter aux investissements financés par le budget de l'État ceux qui sont financés par les deux principales agences agissant en la matière : l'ANRU, l'Agence nationale de rénovation urbaine, et l'AFITF, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Pour 2007, le budget d'investissement serait au total de 21,3 milliards d'euros - je veux bien sûr parler des investissements physiques qui s'amortissent, car, pour moi, les autres ne sont que littérature... Au total, la croissance de l'investissement est de 4,1 %, qu'il faut comparer à l'augmentation de 0,8 % des dépenses de l'État.
Alors que, en conformité avec la programmation militaire, les investissements militaires - qui sont en volume supérieurs à 10 milliards d'euros - diminuent légèrement par rapport à l'année précédente, les investissements civils connaissent une assez forte progression dans le projet de budget pour 2007. Cela mérite d'être souligné, d'autant plus qu'il s'agit du dernier budget d'une législature.
La commission des finances s'est interrogée sur le phénomène des agences. S'agit-il d'une bonne chose ou d'une facilité ?
À mon sens, le jugement porté sur ces agences doit être nuancé. D'un côté, mettre en évidence des responsabilités et des objectifs et y consacrer des moyens pluridisciplinaires constitue un progrès dans la réforme de l'État. D'ailleurs, d'autres pays avant nous, comme la Suède, ont développé les agences en rénovant substantiellement leur gestion publique.
D'un autre côté, il faut savoir si l'on se contente d'additionner les structures ou si l'on opère des restructurations. De ce point de vue, messieurs les ministres, la commission des finances s'interroge sur la multiplication, voire la prolifération, d'affectations de recettes de toutes natures à des outils qui ne sont pas tous très lisibles.
Je ne ferai pas de longs commentaires à ce sujet, car nous y reviendrons domaine par domaine. Quelques exemples de décisions nouvelles de transferts à des agences en 2007 vous sont fournis dans un graphique. (Se reporter au document 14.)
Nous devons relever deux défis : d'une part, la dette et les déficits ; d'autre part, l'augmentation des dépenses publiques. (Se reporter au document 15.)
En ce qui concerne la dette, si nous souscrivons à l'analyse du rapport de Michel Pébereau, nous trouvons beaucoup moins convaincantes les solutions qu'il préconise. Rappelons que l'État est aujourd'hui largement minoritaire dans les prélèvements publics. (Se reporter au document 16.)
Nous avons d'ailleurs eu récemment un débat sur l'ensemble des finances publiques.
Rappelons aussi que des progrès dans la réduction du déficit public ont été accomplis : il faut tenir compte de la façon dont les résultats ont été obtenus et ne pas s'en tenir à leur amélioration en valeur absolue. (Se reporter au document 17.)
En 2005, le déficit s'établissait à 2,9 points du PIB, en particulier grâce à une soulte de 8 milliards d'euros. En 2006, nous atteindrons 2,7 points avec très peu d'opérations exceptionnelles. La marche à franchir a été plus élevée qu'il n'y paraît.
Enfin, le projet de budget pour 2007 ne prévoit aucune opération exceptionnelle, alors que le Gouvernement aurait pu y recourir. Je vous en remercie, messieurs les ministres, comme je vous remercie de nous présentez un budget qui marque une évolution en réalité plus importante qu'il n'y paraît à la simple lecture des chiffres.
Néanmoins, la dette par habitant ne cesse de progresser. Entre 1998 et 2007, elle aura augmenté de 50 % pour atteindre le chiffre prévisionnel de 19 500 euros pour 2007. (Se reporter au document 18.)
Le second défi que nous devons relever concerne les dépenses de la sphère publique, qui connaissent toujours une forte dynamique. Un tableau, qui compare les deux législatures successives, permet de la visualiser. (Se reporter au document 20.)
Entre le précédent tableau et celui-ci, il y a évidemment deux différences essentielles de périmètre : la sécurité sociale et les collectivités territoriales. Au seul niveau de l'État, on observe une différence de quatre points en volume entre les deux législatures au bénéfice, selon moi, de la seconde. En termes de dépenses publiques, cette différence diminue de moitié : elle n'est plus que de deux points environ.
Ces chiffres ne font que refléter les tendances de fond : les évolutions démographiques, les progrès de la solidarité et des sciences de la santé. Si nous voulons que la société vive de manière apaisée des périodes socialement difficiles, il nous faudra en arriver à contraindre plus sévèrement les dépenses de l'État au sens strict.
En matière de dépenses, la France est en tête de tous les pays de l'OCDE. D'autres États ont connu des évolutions plus favorables en termes de part des dépenses en pourcentage du PIB. (Se reporter au document 21.)
Mme Marie-France Beaufils. Et alors ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame Beaufils, votre interruption montre bien tout ce qui nous sépare : vous ne prenez pas en compte la compétitivité dans un monde qui est ouvert, qu'on le veuille ou non.
L'évolution des dépenses continue à être plus rapide que les programmes triennaux de prévisions que nous envoyons à la Commission européenne. (Se reporter au document 22.)
De ce point de vue, messieurs les ministres, nous devrons sans doute intégrer ces réalités en utilisant des méthodes plus réalistes, qui inspireront une plus grande confiance à nos partenaires et à notre environnement international. (Mme Nicole Bricq s'exclame.)
Pour conclure, j'évoquerai d'une part, les questions de méthode et, d'autre part, la soutenabilité future de nos finances publiques.
S'agissant des questions de méthode, nous sommes convaincus, comme M. le ministre délégué au budget, qu'il sera inéluctable d'examiner et d'approuver ensemble la loi de finances de l'État et la loi de financement de la sécurité sociale. Le compromis de 1996 devra évoluer.
Les agences constituent un phénomène utile, qui peut être vertueux mais aussi se transformer en facilité budgétaire. Elles doivent faire l'objet d'un arbitrage dans la loi de finances. Si cela s'avère nécessaire, il conviendra de modifier la loi organique relative aux lois de finances pour assurer l'inscription dans la loi de finances des recettes et des dépenses des agences de l'État, du moins de celles dont le financement provient exclusivement ou très majoritairement de l'État.
Concernant les conditions de la soutenabilité des finances publiques, la commission des finances s'est exprimée sur les objectifs à poursuivre dans le débat d'orientation budgétaire du mois de juin dernier. (Se reporter au document 24.)
Nous estimons que 1 % de déficit public structurel est un cap réaliste pour la fin de la prochaine législature. J'insiste sur « structurel », car cela signifie quels que soient le taux de croissance et les éventuels effets d'aubaine d'une croissance supérieure.
Pour y parvenir, il faut simplement améliorer le solde structurel de 30 milliards d'euros. Comment y arriver ? En agissant sur les recettes et sur les dépenses de l'État et de la sécurité sociale.
Mme Luc a raison : la politique du prélèvement obligatoire reflète des choix de société (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat opine), et la convergence, en tout état de cause indispensable, peut légitimement prendre des chemins distincts car les valeurs et les principes d'action politique que nous représentons sont différents.
Ces approches variables doivent s'exprimer dans la fiscalité. Selon moi, la bonne politique des prélèvements obligatoires est celle qui assure le dynamisme des bases, et donc l'augmentation du rendement des impôts, par l'attractivité du territoire. Les politiques qui ont pour objet de redistribuer sans cesse davantage en frappant un segment toujours plus étroit de la matière imposable sont obsolètes et nient la réalité d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF. - M. Yvon Collin applaudit également.)
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. le président. Je voudrais remercier MM. Jean Arthuis et Philippe Marini, qui sont toujours à la pointe de l'innovation, d'être les concepteurs et les metteurs en scène de cette première présentation que - je l'espère - vous avez appréciée. Mes chers collègues, vous serez d'ailleurs consultés pour savoir s'il vous paraît utile de poursuivre dans la voie inaugurée aujourd'hui.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, je vous remercie d'avoir bien voulu répondre au souhait que Philippe Marini et moi-même nous vous avions adressé : la nouvelle présentation sur écrans permet de rendre plus lisible la présentation du budget par le rapporteur général.
Le rapporteur général et ses prédécesseurs - je pense à Maurice Blin et Alain Lambert - ont rêvé de ce support.
M. le président. Ils sont d'ailleurs présents dans l'hémicycle.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'espère que cette approche rend plus vivante l'analyse du projet de loi de finances. Je ne vous cache pas que nous sommes soulagés que tout se soit remarquablement passé. Je remercie M. Philippe Marini, dont je salue le talent, et toutes celles et tous ceux qui ont préparé cette présentation nouvelle. Peut-être même disposerons-nous un jour de petits écrans intégrés dans nos pupitres. Le Sénat apporte la démonstration que le progrès est en marche !
Le dernier budget d'une législature n'est jamais anodin. C'est en effet le moment privilégié pour effectuer le bilan de l'action menée par les gouvernements successifs, pour en souligner les réussites, les avancées, mais aussi pour en relever les marges de progression, voire les imperfections, et cela d'autant plus que la LOLF nous offre des moyens nouveaux d'analyse au service de la transparence et de la sincérité des comptes publics.
Grâce à la LOLF, une nouvelle culture est à l'oeuvre, voulue et conçue par le Parlement, votée dans un quasi-consensus...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. « Quasi », oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...« suprapartisan », dicté par la nécessité de mettre un terme aux dysfonctionnements de l'État...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sur les dysfonctionnements, nous sommes d'accord !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...et à l'immobilisme de la sphère publique.
Les audits qui s'engagent, pour lesquels nous devons féliciter et remercier le Gouvernement, vont incontestablement dans la bonne direction. Je salue cet effort et je me permets de rappeler à M. le ministre chargé de la réforme de l'État que les audits doivent concerner non seulement les finances de l'État, mais également la protection sociale, puisqu'elle dispose aujourd'hui d'un budget plus important encore que l'ensemble de ceux de l'État et des collectivités territoriales. La LOLF, me semble-t-il, doit donc pouvoir s'y appliquer également.
Au moment où débute notre discussion budgétaire, je voudrais tenter de répondre, avec vous, à trois questions simples. Le projet de budget pour 2007 est-il porteur d'espoir ? (Non ! sur les travées du groupe CRC.) Est-il l'expression de la réforme de l'État ? (Non ! sur les mêmes travées.) Enfin, les dispositions qu'il contient peuvent-elles stimuler la croissance et résorber le chômage ? (Non ! toujours sur les mêmes travées.)
Première question : ce budget est-il porteur d'espoir ?
Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, voilà déjà dix-huit mois, vous aviez très justement tiré la sonnette d'alarme en affirmant que « la France vit au-dessus de ses moyens ». Je crains malheureusement que cette situation n'ait encore que peu évolué.
En effet, le budget de l'État connaît toujours un déficit trop important. Il est actuellement estimé à 41,68 milliards d'euros pour 2007, ce qui signifie que nous allons autoriser, par nos votes, la puissance publique à dépenser près de 20 % de plus que ce qu'elle prélève sur les Français. Nous lui permettons donc de réaliser une opération qu'il nous serait impossible de mettre en oeuvre dans les collectivités territoriales que, les uns et les autres, nous dirigeons.
L'investissement représentera entre 18 milliards et 20 milliards d'euros, le déficit s'élèvera à un peu plus de 40 milliards d'euros. Les dépenses de fonctionnement sont donc encore financées, de façon significative, par le déficit, donc en ayant recours à l'emprunt.
Pour être plus concret, sachez que jusqu'au lundi 6 novembre au soir, ce sont nos impôts qui ont servi à régler les dépenses de l'État. Depuis le mardi 7 novembre, ce sont les impôts de nos enfants que nous mettons à contribution. Nous payons en quelque sorte nos impôts à crédit. C'est une cruelle solidarité transgénérationnelle.
C'est également le curieux reflet d'un « modèle social à la française », qui atteint ici ses limites, même si le déficit budgétaire de 2007 sera réduit de façon significative par rapport à celui de 2006, et je m'en félicite. Ainsi, grâce à l'affectation prioritaire des surplus de recettes fiscales et non fiscales, le déficit aura été réduit de 5 milliards d'euros, en l'espace d'un an seulement, ce qui constitue un signal très encourageant.
Mais le corollaire de ce déficit toujours trop élevé est l'augmentation continue et, à peine freinée, de la dette publique. À la fin de l'année 2007, cette dette représentera 933 milliards d'euros pour le seul État et s'élèvera à 1 140 milliards d'euros pour l'ensemble de la sphère publique. Chaque Français supporte donc une charge de 19 800 euros, montant qui a pratiquement triplé en vingt ans.
À côté de ces montants gigantesques, il ne faut pas oublier que l'État porte la dette latente résultant des droits à pension des fonctionnaires. Celle-ci est de l'ordre de 900 milliards d'euros. Pour aller jusqu'au bout de l'exigence de sincérité, il conviendra également de tenir compte des engagements souscrits par l'État en faveur d'organismes dont les dettes sont, bien sûr, des dettes de l'État. Je pense par exemple au Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA.
Messieurs les ministres, nous attendons donc avec grand intérêt la toute prochaine publication du bilan d'ouverture de l'État, qui présentera un tableau complet et incontestable de ce que l'État possède, mais aussi de ce qu'il doit ! Il pourrait bien faire apparaître, si l'on veut bien tenir compte des dettes liées aux retraites, une situation nette déficitaire de plus de 1 000 milliards d'euros. Vous disposerez alors, messieurs les ministres, d'une nouvelle donnée à très fort potentiel pédagogique.
À cet égard, je me permets d'insister sur le fait que ni les dettes ni les provisions ne doivent être sous-estimées dans la préparation de ce bilan d'ouverture, qui doit être aussi sincère que possible. Si tel n'était pas le cas, telle dette latente ne manquerait pas demain de faire surface et d'altérer les bons résultats que nous attendons et qui constitueront autant de signes encourageants pour nos compatriotes.
S'agissant de l'évolution des dépenses de l'État, ce projet de budget innove en affichant une norme très ambitieuse de progression de « moins 1 % en volume ». Ses dépenses augmenteront donc d'un point de moins que l'inflation, ce qui aura permis, au total, sur la période 2003-2007, de réduire le volume de la dépense publique.
C'est un acquis incontestable de cette législature, de même que le non-remplacement intégral de tous les départs à la retraite, qui se traduira en 2007 par la diminution de 15 000 postes de fonctionnaires.
Même s'il s'agit pour partie de supprimer des postes qui n'étaient pas effectivement pourvus, c'est là un infléchissement très net de la tendance par rapport à la politique inconsidérée d'accroissement des effectifs de fonctionnaires menée par le gouvernement de Lionel Jospin (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), politique d'autant plus inefficace qu'elle ne s'est accompagnée d'aucune amélioration significative de la qualité du service offert à nos concitoyens.
Dans la réalité, cette norme ambitieuse de limitation de la progression de la dépense n'est cependant pas toujours exemplaire, ainsi que cela ressort de vos propres documents budgétaires, messieurs les ministres.
Cette norme est en effet souvent contournée par un excès d'habileté. À défaut d'augmenter les dépenses, afin de respecter optiquement cette norme de « moins 1 % en volume », le Gouvernement a parfois fait le choix de réduire les recettes et de les affecter directement à des opérateurs extérieurs à l'État, qui agissent en lieu et place de ce dernier.
Même si cette substitution est neutre en termes de solde public, je souhaite que cette opération de contournement se fasse dans la transparence afin de ne pas donner trop aisément prise à la critique. Au demeurant, cette transparence me semble d'autant plus utile que ce mouvement d'« agencisation » de l'action de l'État, comme l'a rappelé voilà un instant M. le rapporteur général, donne plus de souplesse à la gestion publique, permet de sortir du carcan budgétaire en facilitant la mise en place de méthodes modernes de management. Ce sont donc des facteurs utiles de dynamisation de l'action publique, dès lors qu'elles s'opèrent en toute clarté. Mais les dépenses de ces agences doivent être incluses dans le volume des dépenses de l'État.
Enfin, je me garderai de contester la prévision de croissance. Croyez bien, messieurs les ministres, que je souhaite que le taux effectif de croissance soit le plus élevé possible. Malgré le « trou d'air » du troisième trimestre, la cible de croissance n'apparaît pas hors d'atteinte. Messieurs les ministres, vous êtes dans votre rôle en faisant preuve d'optimisme, voire de volontarisme, et nous vous soutenons en cela. (MM. les ministres acquiescent.)
Deuxième question : le projet de loi de finances pour 2007 est-il l'expression de la reforme de l'État ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À l'évidence, de louables efforts ont été déployés dans la plupart des administrations pour respecter les objectifs et les modalités de la LOLF.
L'analyse des crédits par missions et programmes effectuée par nos collègues rapporteurs spéciaux, ainsi que par les rapporteurs pour avis, va, dans les tout prochains jours, livrer son lot d'informations utiles. Une floraison d'indicateurs conforte l'espérance d'une pratique nouvelle, privilégiant l'efficacité de la dépense publique. S'agissant de ces indicateurs, peut-être faudra-t-il, messieurs les ministres, revoir leur nombre et leur pertinence. Chaque indicateur doit en effet être un élément utile à une prise de décision.
Je me félicite donc du travail patient effectué par nos collègues afin de faire vivre la LOLF et d'animer nos débats sur la deuxième partie du projet de loi de finances. Quarante-trois amendements ont été déposés par la commission des finances sur cette deuxième partie, soit plus que sur la première partie, c'est sans précédent. Je ne doute pas qu'une grande majorité d'entre eux sera approuvée, car, pour beaucoup, ils sont le fruit des travaux de contrôle réalisés tout au long de l'année par les quarante-trois rapporteurs spéciaux de la commission, à qui je souhaite rendre l'hommage qui leur est dû.
Ils contribuent par leur engagement résolu à faire de l'activité de contrôle la véritable « seconde nature » du Parlement, selon la très heureuse, et désormais populaire, expression du président du Sénat, M. Christian Poncelet.
Néanmoins, je m'interroge sur la multiplication, ces dernières semaines, d'annonces gouvernementales qui, toutes, impliquent de nouvelles dépenses publiques, alors même que, de toutes parts, il nous est signalé que des arriérés d'engagements antérieurs restent à financer.
Pis, messieurs les ministres, - et je voudrais vous rendre attentifs à ce point - le Gouvernement prend des décisions qui seront à la charge des collectivités territoriales, condamnées à décaisser sans avoir leur mot à dire. De grâce, messieurs les ministres, mettez un terme à cette pratique insupportable, qui offense le principe fondateur de la décentralisation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.) Lorsque M. le ministre de la fonction publique alloue un avantage à telle catégorie d'agents, ce n'est pas forcément l'État qui est concerné, ce sont parfois les collectivités territoriales.
Mme Nicole Bricq. C'est clair !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Lorsque le Gouvernement est attentif aux préoccupations des sapeurs-pompiers, qu'il prend des décisions les concernant, ce sont les budgets des conseils généraux qui en subiront les conséquences, et non pas le budget de l'État. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF. - MM. Jean-Claude Frécon et Yvon Collin applaudissent également.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est fait exprès !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. De grâce, mettez un terme à ces pratiques ! Les collectivités territoriales ne sont pas la structure de défaisance financière des décisions du Gouvernement.
MM. Jean-Claude Frécon et Yvon Collin. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Notre véritable défi commun, à vous, messieurs les ministres, comme à nous, membres du Parlement, est donc de démontrer que la LOLF n'est pas une nouvelle couche de peinture superficielle destinée à faire croire que la réforme de l'État est bien engagée. Elle doit au contraire nous permettre, à nous, parlementaires, d'effectuer de véritables arbitrages budgétaires et, ainsi, de peser pleinement sur les choix qui engagent l'avenir de notre pays.
Pour ma part, je suis d'autant plus confiant que cela permet au Sénat de conforter son positionnement. Celui-ci affirme ainsi pleinement son utilité au sein d'un système institutionnel qui doit continuer de s'appuyer sur un bicamérisme offensif, pleinement assumé, au service de l'intérêt de notre pays et de nos concitoyens. Il nous appartient, à nous, sénatrices et sénateurs, de continuer de faire entendre notre voix originale et singulière, sans laquelle il ne saurait y avoir de démocratie pleinement représentative.
À l'évidence, grâce à notre action collective et à notre engagement au service de la réforme de l'État - engagement qui transcende, pour une large part, nos traditionnels clivages -, le mouvement est lancé. Et nous allons le prouver d'ici à quelques jours, lorsque nous aborderons, à compter de jeudi prochain, après l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2007, celui des crédits des différentes missions, examen qui, je le sais, sera un moment fort de nos débats et qui trouvera l'écho qu'il mérite dans l'opinion publique.
Troisième question : le budget pour 2007 peut-il stimuler la croissance et accélérer l'indispensable résorption du chômage ?
Là aussi, mes chers collègues, nous le savons bien, la pierre philosophale n'existe pas - malheureusement devrais-je dire ! -, contrairement à ce que prétendait la précédente majorité lorsqu'elle s'attribuait la paternité de la forte croissance que nous avons connue jusqu'en 2000, avant de se rétracter dès que « la bise fut venue » et d'invoquer des causes extérieures devenues subitement immaîtrisables ou inexplicables !
Et je n'évoque même pas l'illusion malthusienne d'un partage prétendument équitable du travail, véhiculée par la très regrettable politique des 35 heures (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), dont nous sommes nombreux, même sur les travées de l'opposition, à reconnaître le caractère funeste, voire irresponsable ! Si nous voulons retrouver la croissance, il faudra sortir de cette vision utopiste.
M. Josselin de Rohan. Voilà ! Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Aussi, il me semble de bonne politique, surtout en fin de législature, que les articles de fiscalité de première partie ne comportent que peu de mesures majeures. Les réformes fiscales de poids, et je pense à la réforme de la taxe professionnelle, à celle de l'impôt sur le revenu ou à la création du « bouclier fiscal », ont été votées l'année dernière et doivent maintenant donner leur plein effet, du moins je l'espère. Dans cette liste, je n'oublie bien évidemment pas l'indéniable acquis de cette législature qu'est la réforme des retraites.
Elle devra le moment venu être complétée, mais reconnaissons, mes chers collègues, que cette majorité a eu le courage de la porter et de la faire vivre, à la différence de celle qui l'a précédée et qui est restée tétanisée d'effroi à sa seule évocation.
M. Adrien Gouteyron. Eh oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il n'empêche que nous devrons réfléchir, à l'issue des prochaines échéances électorales, aux moyens d'adresser un signal fort à ceux qui investissent, à ceux qui créent de la richesse dans notre pays.
M. le président. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous ne pourrons en effet plus longtemps nous satisfaire de l'exil d'un nombre croissant de contribuables, que les pays voisins de la France accueillent en les qualifiant de « réfugiés fiscaux ». Les délocalisations fiscales, si elles sont extrêmement préjudiciables, ne sont pas une fatalité.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le courage est de reconnaître qu'il est possible d'y porter remède afin que la France cesse ainsi de se singulariser à son détriment.
Au nombre de ces réformes majeures qu'il nous appartiendra de mener à leur terme, je pense en premier lieu à une réforme qui ne reçoit qu'une timide et bien incomplète réponse. À l'occasion du récent débat sur les prélèvements obligatoires, nous nous sommes efforcés de convaincre le Gouvernement que certaines contributions assises sur le travail, qui sont des impôts de production, détruisent l'emploi dans la sphère marchande.
Dans une économie globalisée, mondialisée, il n'est plus possible de demander aux entreprises de financer la solidarité, notamment le système de santé et la politique familiale. Ces charges salariales sont de véritables « droits de douane à l'envers » auxquels échappent tous ceux, de plus en plus nombreux, qui font du nomadisme économique et qui vont produire hors de notre territoire national.
Dès lors, demandons aux entreprises d'assumer la créativité, l'innovation, l'investissement productif, la production de biens et de services, la création d'emplois. En revanche, cessons de les charger du financement de la solidarité, qui incombe à la nation, c'est-à-dire à l'ensemble des familles et des citoyens. D'où la proposition d'instituer un autre mode de financement de la santé et de la politique familiale.
Si nous taxons la production, elle franchira nos frontières pour rester compétitive. Alors, mes chers collègues, nous pourrons dire en effet que nous nous battons contre la vie chère, mais ce sera moins cher pour moins d'emplois !
C'est en fonction de ces considérations que nous devons prendre garde à la désindustrialisation rampante qui menace notre tissu industriel - qui explique sans doute en partie, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le trou d'air du troisième trimestre - et dont nous mesurons chaque jour davantage, en notre qualité d'élu local et de terrain, les effets délétères sur le pacte social et sur nos territoires. La France ne doit pas s'abandonner à la désindustrialisation, qui résulterait d'un manque de compétitivité de notre pays.
Le temps presse, messieurs les ministres, car la mondialisation ne nous attendra pas longtemps, et il est de notre devoir de le rappeler sans cesse.
Messieurs les ministres, mes chers collègues, un budget est à l'image d'une société.
Il est nécessairement marqué par le poids du passé et révèle nos contradictions les plus criantes. S'il n'échappe pas à la critique, il ouvre néanmoins, grâce à la LOLF, des perspectives prometteuses pour réformer l'État. Il doit également poser des jalons et nous permettre de prendre date pour les prochaines échéances qui nous attendent. Ces échéances-là seront déterminantes.
Il faudra du temps et une volonté sans faille, à l'abri de la frénésie de l'affichage immédiat qui met à si rude épreuve la crédibilité des acteurs politiques que nous sommes. Ce projet de budget doit ménager mais aussi préparer l'avenir.
Nous avons le devoir, mes chers collègues, de mettre à profit chacun des vingt jours de discussion qui s'offrent à nous pour améliorer le texte que nos collègues députés viennent de voter.
Veillons à le faire d'emblée, afin que le Sénat soit, une fois de plus, à la hauteur des responsabilités que la Constitution lui a confiées et à la hauteur des espoirs que nos concitoyens ont placés en nous.
Animé comme vous de cet esprit d'un bicamérisme offensif, et comme notre assemblée sait si bien le faire, je forme des voeux pour que notre discussion soit riche et fructueuse, au service de l'intérêt de chaque Française et de chaque Français, au service de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
CANDIDATUREs À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
6
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président. Monsieur le président a reçu de M. le Premier ministre le rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, en application de l'article 5 de la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Compte tenu de son objet, ce document sera transmis aux six commissions permanentes, qui sont toutes concernées.
Il sera disponible au bureau de la distribution.
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Loi de finances pour 2007
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 106 minutes ;
Groupe socialiste, 68 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 26 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 15 minutes.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous entamons donc l'examen du projet de loi de finances pour 2007. Nous serions en droit d'y voir l'occasion d'un débat passionnant pour notre Haute Assemblée.
Dernier projet de loi de finances de la législature, ce texte nous offre en effet l'opportunité d'en dresser un intéressant bilan. En outre, comme c'est le deuxième projet de loi de finances à être établi dans le cadre de la LOLF, ses effets vertueux devraient susciter chez les parlementaires que nous sommes des flots de louanges et d'admiration.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Très bien ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Attendez la suite !
M. Josselin de Rohan. Cela ne va pas durer !
M. Jean-Jacques Jégou. Nous avons entendu, plus d'ailleurs de la part de M. Breton que de la vôtre, monsieur le ministre délégué, des qualificatifs vantant la vertu et la justesse de votre projet de budget. Hélas, pour le groupe UC-UDF, c'est loin d'être mérité. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
On ne peut pas dire que ce texte suscite l'enthousiasme du microcosme politique ou économique. Les esprits sont ailleurs ... De plus, tout le monde sait que la véritable loi de finances pour 2007 sera présentée par un autre gouvernement et votée par un nouveau Parlement.
Ce n'est cependant pas une raison pour discuter ou voter ce texte à la sauvette et oublier de pointer ses faiblesses, même si certaines évolutions positives peuvent être mises à votre crédit. Je pense en particulier aux audits, que vous continuez à mener. En cette matière, vous le savez, je souscris en tout point à votre action et c'est une méthode à laquelle je suis particulièrement sensible.
Cela étant, je ne vous délivrerai pas un satisfecit sur cette dernière copie, tant sur la forme que sur le fond. Je vous dirai plutôt que le budget pour 2007 pèche, une fois encore, par son manque de sincérité, ...
M. Josselin de Rohan. Ça continue !
M. Jean-Jacques Jégou. ...même si l'on peut se poser la question du degré de l'insincérité qui l'affecte. En outre, son manque d'ambition hypothèque l'avenir de notre pays ainsi que son potentiel de croissance à moyen et long terme.
Ce qui me choque avant tout dans le projet de loi de finances, c'est son manque de sincérité, même si ce terme peut donner des boutons à certains, et sa présentation fallacieuse. M. Breton et vous-même mettez en avant la baisse des dépenses publiques et l'objectif de « zéro valeur ». Cette présentation vertueuse est cependant réduite à néant par le fait que vous avez externalisé et changé le périmètre de votre projet de loi de finances.
M. Jean-Jacques Jégou. C'est tout de même en augmentation !
Je commencerai mon propos en m'interrogeant sur la pertinence, voire l'optimisme, des hypothèses de croissance que vous avez retenues pour la construction de ce budget.
Vous estimez que la croissance du PIB se situera entre 2 % et 2,5 % en 2007. Pourtant - c'est inexplicable et nous en sommes tous mécontents -, le « trou d'air » du troisième trimestre de 2006 augure des prévisions de ralentissement de la croissance mondiale pour 2007, malgré ce que nous a affirmé M. Breton.
Vous l'avez dit, monsieur le ministre délégué, nous avons les yeux rivés sur le monde extérieur, et nous savons que de cette situation découlent des incertitudes en termes de ralentissement des exportations et de hausse des taux d'intérêt. Je n'irai pas jusqu'à dire que vos prévisions sont erronées ; elles me semblent plutôt imprudentes.
Je serai maintenant beaucoup plus critique en ce qui concerne vos objectifs de maîtrise de la dépense publique. Ce matin, vous avez essayé de nous démontrer que, à périmètre 2006 constant, la dépense nette augmente moins que l'inflation. D'après vous, elle ne s'accroîtrait que de 0,8 %.
Je réfute ce chiffre. J'estime que vous ne l'obtenez que par des artifices comptables, des transferts de dépenses sur les collectivités locales et la transformation de dépenses budgétaires en dépenses fiscales. M. Arthuis l'a dit également, même s'il a employé des termes différents.
Au titre de ces petits « arrangements » avec les principes de construction budgétaire, en particulier avec celui de non-contraction des dépenses et des recettes, je commencerai par vous rappeler la forte hausse - 4,2 % - des prélèvements sur recettes, il est vrai au profit des Communautés européennes ou des collectivités locales. Comme le souligne de façon éloquente la Cour des comptes, il s'agit là, purement et simplement, d'une dissimulation de dépenses, même si je sais qu'elle vous est imposée.
Il y a un autre « arrangement » au détriment du principe de non-contraction qu'il me paraît important de relever, je veux parler des minorations de recettes par des dépenses fiscales, en particulier en ce qui concerne le prêt à taux zéro ou la défiscalisation de biocarburants.
On peut aussi parler de minoration de dépenses en évoquant les débudgétisations de dépenses financées par des affectations de recettes à des organismes tiers. À cet égard, je citerai notamment le financement d'une partie du fonds de solidarité par le transfert de la créance de 1,2 milliard détenue par l'État sur l'UNEDIC et la réalisation d'une partie de cette créance ou encore le financement des 320 millions d'euros d'exonération de charges sociales sur le SMIC dans les entreprises de moins de vingt salariés par l'affectation d'une partie des recettes sur le tabac.
Parlons encore de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, fonds de concours alimenté par un tour de passe-passe grâce à la cession des autoroutes ! Ce n'est d'ailleurs que l'une des multiples recettes non fiscales, dites conjoncturelles, en augmentation spectaculaire de 2,3 milliards d'euros cette année, ce qui vous permet d'afficher un déficit public moins important qu'à l'habitude.
J'évoquerai ensuite la forte progression - 4,4 % - des remboursements et dégrèvements sur impôts locaux. J'y ajouterai les dégrèvements de redevance audiovisuelle - en progression de 16 % - ou encore le versement de la prime pour l'emploi à des contribuables non imposables - 3,3 milliards d'euros -, dont certains, et j'en fais partie, peuvent contester tant la nature que l'efficacité économique. C'est d'ailleurs un sujet sur lequel il faudra revenir.
Enfin, je citerai le problème de l'endettement de l'État à l'égard de la sécurité sociale et des collectivités territoriales.
La dette de l'État envers les organismes de sécurité sociale serait en augmentation, de 5 milliards d'euros à 6 milliards d'euros. On peut donc parler d'un milliard d'euros de dissimulation budgétaire, ce qui ne manquera pas, j'en suis sûr, d'être prochainement relevé par la Cour des comptes.
Au total, la dépense véritable de l'État, corrigée de tous ces éléments visant à la minorer, s'élève à 373,5 milliards d'euros en 2007, contre 363 milliards en 2006, soit une hausse de 2,9 %. Je ne peux donc que déplorer, une nouvelle fois, le fait que, malgré tous vos efforts, et ils sont réels, la dépense publique ne diminue pas ! Au contraire, son poids par rapport au PIB a augmenté de 1,3 % depuis 2001, ce qui démontre que votre priorité ou celle de vos prédécesseurs n'a pas franchement été de la faire baisser en volume, contrairement à des engagements que vous qualifiez de vertueux.
Le coût de l'accumulation des déficits est un drame pour notre pays et pour les générations futures. Je reste persuadé que, malgré la prise de conscience, trop souvent refrénée par un certain nombre d'opérations comptables, qu'a révélée cette législature, les efforts en faveur de sa réduction n'ont pas été à la hauteur de son ampleur.
Je veux citer un exemple : sur les 68 milliards d'euros de plus-values spontanées de recettes fiscales encaissées entre 2002 et 2007, 60 % - soit 41 milliards d'euros - ont été affectés à l'augmentation des dépenses, 34 % - soit 23 milliards d'euros - ont été affectés à des réductions d'impôts et de cotisations sociales, alors que seulement 6 % - soit 4 milliards d'euros - ont été affectés à la réduction des déficits.
La charge annuelle de la dette, qui représente aujourd'hui la totalité du produit annuel de l'impôt sur le revenu, nous contraint à entretenir une pression fiscale forte sur nos entreprises, ce qui grève considérablement leur compétitivité.
D'autres personnes l'ont dit autrement, « l'attractivité fiscale de notre pays bute sur le mur de la dépense ».
Les prélèvements obligatoires se sont considérablement accrus durant cette législature, puisqu'ils sont passés de 42,8 % en 2002 à 44 % en 2005. Certes, 2006 enregistre une légère baisse, de 0,3 point. J'espère qu'il en ira de même en 2007, car cette tendance reste fragile.
Comme le rappelle souvent mon collègue Denis Badré, qui ne pouvait malheureusement pas être présent aujourd'hui, la vitalité de l'économie française dépend de la compétitivité fiscale de notre pays, qui aujourd'hui conduit toujours à l'expatriation de nos compétences et de nos capitaux. Nous ne retrouverons des marges de manoeuvre suffisantes qu'à la condition de maîtriser nos dépenses.
Alors qu'il enregistre un déficit supérieur à 40 milliards d'euros, le budget que nous examinons ne dénote aucune ambition économique.
En ce qui concerne la réforme de l'impôt sur le revenu, nous nous sommes exprimés l'an passé et nous avons dit qu'elle était injuste socialement, même si nous avons soutenu l'instauration du bouclier fiscal.
En contrepartie, puisque le coût de cette réforme nous alarmait dans un contexte de dérive croissante des déficits publics, nous avions adopté l'instauration d'un dispositif de plafonnement des niches fiscales, car ces dernières avaient fini par perdre tout leur sens à force de multiplier les niches de niches !
À la suite de la sanction du Conseil constitutionnel, monsieur le ministre délégué, - dois-je vous le rappeler ? - vous nous aviez promis une concertation afin d'aboutir à un nouveau plafonnement.
Je n'ai rien vu de cet ordre dans la loi de finances pour 2007. Qu'en est-il exactement ? Les prochaines échéances électorales expliqueraient-elles ce silence ?
En ce qui concerne les entreprises, vous pouvez bien inscrire à votre crédit la réforme de la taxe professionnelle, réforme tant décriée par les collectivités, mais qui a la vertu d'envoyer un signal fort aux entreprises grâce au plafonnement à 3,5 % d'un impôt stupide économiquement puisqu'il vise à taxer les outils de production.
Tout serait normal si l'histoire s'arrêtait là et si nous n'en venions pas, d'une façon parfaitement schizophrène, à prendre de nouveau les entreprises pour des « vaches à lait » au travers d'un nouvel aménagement injuste du régime des acomptes d'impôt sur les sociétés, qui n'est pas compris par les milieux économiques.
D'autant que cela pourrait être assimilé à une pure mesure de rendement, ce qui, au regard des plus-values fiscales engrangées cette année, semble bien ridicule !
C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité déposer un amendement visant à établir une égalité de traitement entre les pénalités de retard dues par les entreprises à l'occasion de sous-évaluations et le trop-perçu par le Trésor public, auquel nous souhaiterions voir appliquer le régime des intérêts moratoires.
Ce projet de loi de finances aurait pu être l'occasion de poursuivre nos efforts en faveur d'un allégement de la pression fiscale et des charges sociales qui pèsent sur la compétitivité des entreprises. Malheureusement, il est un peu à l'image de cette législature, une nouvelle occasion manquée !
Alors que la situation des finances publiques dans notre pays méritait une courageuse réforme, elle n'aura connu qu'une prise de conscience tardive - avec le rapport Pébereau -, le début de la montée en puissance de la LOLF, de la réforme de l'État et de la culture de performance, ainsi que des réformes marginales dans des domaines qui pénalisent fortement les finances de l'État - je pense à la baisse des impôts -, et par là même hypothèquent l'avenir et l'ampleur des investissements futurs.
Dans ces conditions, monsieur le ministre délégué, il sera très difficile pour une large majorité des membres de mon groupe de voter en faveur d'un projet de loi de finances qui, comme la législature qui s'achève, laisse un goût amer de rendez-vous manqué ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, s'il ne fallait sans doute retenir qu'un seul chiffre au moment de commencer cette discussion, ce serait celui de 8,6 millions.
Ce sont en effet 8,6 millions de personnes qui sont bénéficiaires de la prime pour l'emploi, prime qui consiste, dans les faits, à faire financer par le budget général ce qui devrait normalement être pris en charge par l'entreprise elle-même, au titre de la rémunération du travail.
Ce sont aujourd'hui entre 30 % et 40 % des salariés qui perçoivent, chaque année, une partie de ce crédit d'impôt. Que l'article 3 du projet de loi prévoie une majoration de 55 euros et une possibilité de mensualisation ne change pas grand-chose au problème : c'est toujours en dehors de l'entreprise, lieu de la création de richesses, que se trouve la source du financement de cette prime !
Voilà sans doute ce qui traduit avec le plus de netteté, mais les « inventeurs » de la prime pour l'emploi n'y pensaient peut-être pas, la réalité de la situation économique et sociale du pays.
Des millions de salariés dans notre pays sont aujourd'hui confrontés à la précarité de l'emploi, des conditions de travail et de la rémunération. Ils sont également confrontés à la non-reconnaissance de leur qualification et de leur expérience.
Les trois quarts des bénéficiaires de la prime pour l'emploi sont non imposables après affectation de ladite prime, mais ils le sont tout autant en raison de la modicité même de leurs ressources.
N'oublions pas que 40 % des ménages salariés ne paient pas aujourd'hui d'impôt progressif ! Cette situation touche également 50 % des retraités de notre pays, attendu que la pension moyenne est aujourd'hui inférieure au SMIC.
Comment pourrait-il en être autrement quand on rencontre, au fil de nos déplacements dans les régions et dans les entreprises, des salariés qui ont vingt ans d'ancienneté, voire plus, dans la même société et qui ne sont encore rémunérés qu'à hauteur de 1 200 à 1 300 euros par mois, dans des secteurs d'activité aussi divers que le bâtiment, la métallurgie, les emplois de services aux particuliers ?
Dans de nombreuses branches d'activité, les minima salariaux s'avèrent, encore aujourd'hui, inférieurs au niveau du SMIC. Par ailleurs, pour bon nombre de salariés, la réduction du temps de travail n'est qu'un mythe ou un espoir sans cesse repoussé !
Quand le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale tiennent compte du chantage aux 39 heures exercé par les patrons de l'hôtellerie et de la restauration, et qu'ils favorisent sans contrepartie la défiscalisation et les allégements de cotisations sociales, que faut-il en conclure ?
Tout simplement que l'on met la politique de la nation au service exclusif des revendications de l'une des branches du patronat français, sans exiger d'elle la moindre contrepartie !
Les patrons de l'hôtellerie et de la restauration dans notre pays ne sont malheureusement pas les seuls en cause !
Il ne se passe pas de jour ni de semaine, ces derniers temps, sans qu'une entreprise annonce un plan social d'envergure touchant tout ou partie de ses capacités de production et supprimant des emplois.
Quand les forces de police viennent au secours des affairistes, comme cela a été récemment le cas chez Thomé-Génot à Nouzonville, dans les Ardennes, là encore, c'est l'ensemble de la philosophie de l'action publique qui est directement en question !
Sur cette affaire, l'État serait sans doute plus inspiré de s'interroger sur les agissements de certains investisseurs nord-américains dans l'économie nationale !
Notre appareil de production industrielle ne cesse, et ce depuis 2002, de connaître une réduction constante de ses effectifs, de ses emplois, de sa capacité productive, de son potentiel de développement.
Les privatisations menées depuis le début de la législature n'ont, au demeurant, rien arrangé, et nombre de situations, qu'il s'agisse d'EADS, de SAFRAN ou du rachat de Pechiney par Alcan Toyo et d'Arcelor par Mittal Steel, témoignent à l'envi du désastre économique engendré par les choix que vous avez cru bon d'opérer.
Depuis juin 2002, ce sont ainsi 265 000 emplois industriels qui auront été perdus dans notre pays. Cette perte sèche d'emplois affecte singulièrement la production de biens de consommation - je pense notamment à la crise du secteur textile -, celle de biens d'équipement et de biens intermédiaires. Cela prouve que rien, et surtout pas la relance de l'investissement des entreprises, n'est venu contribuer au maintien et au développement de l'emploi !
Après quatre ans et demi de gestion des affaires du pays par la majorité gouvernementale, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous habitons aujourd'hui dans un pays affaibli sur le plan économique !
Toute la politique du gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre délégué, a pourtant tendu à satisfaire les desiderata des ménages les plus aisés et ceux des cercles d'initiés du monde patronal, ce qui s'est traduit de manière pour le moins spectaculaire sur le plan budgétaire.
Il serait sans doute trop long ici de citer l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires qui ont pu être prises depuis le printemps 2002 pour faire droit à des aspirations largement partagées par l'extrême minorité de nos compatriotes !
Tout a consisté, depuis 2002, à assujettir la politique budgétaire de la nation aux seuls impératifs de rentabilité des capitaux, aux seuls gâchis de la finance, aux seuls intérêts des détenteurs de patrimoines « confisqués » puisqu'ils se sont constitués sur le dos des salariés.
En 2002, chers collègues, vous aviez voté une loi de finances pour 2003 qui prévoyait 53 milliards d'euros de produit de l'impôt sur le revenu, 25,7 milliards d'euros de produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, et 112 milliards d'euros de TVA nette.
L'ensemble de la TVA nette et de la taxe sur les produits pétroliers représentait 44,3 % des recettes fiscales nettes, contre 17 % pour l'impôt sur le revenu.
Pour 2007, le projet de loi de finances qui nous est proposé prévoit un montant de recettes lié à l'impôt sur le revenu d'un peu plus de 57 milliards d'euros - vous repasserez, monsieur le ministre délégué, pour la baisse ! -, mais un montant de recettes lié à la TVA de 133,5 milliards d'euros nets et un montant de recettes lié à la TIPP de 18,8 milliards d'euros, somme qu'il convient de majorer des 6,4 milliards d'euros de TIPP dédiées à la compensation des charges transférées aux collectivités locales.
Rapporté au volume des recettes fiscales nettes à périmètre constant, l'impôt sur le revenu ne représente plus que 16,3 % du total, contre 45,3 % pour l'ensemble constitué par la TVA nette et la TIPP.
L'examen du projet de loi de finances pour 2007 vient donc clore une législature marquée par le décalage entre les capacités contributives et les impositions réelles.
Les dispositions fiscales que vous avez votées, chers collègues, depuis le printemps 2002, n'ont fait qu'accroître plus encore les inégalités sociales puisque, comme je viens de le démontrer, rapportés à l'ensemble des recettes de l'État, les droits indirects liés à l'acte de consommer sont chaque année plus forts et plus présents.
Une impression d'étrange peut d'ailleurs habiter le contribuable à la lecture de ce projet de loi de finances pour 2007.
En effet, malgré vos efforts de communication, qui se résument à la formule « baisse des impôts, baisse des dépenses, baisse des déficits » - pourquoi ne pas ajouter « je lave plus blanc que blanc » ! - la situation paraît assez inédite.
Si l'on se fie à vos hypothèses économiques, l'État percevra en 2007 près de 9 milliards d'euros de recettes fiscales nouvelles.
Cependant, il ne consacrera finalement que moins de 2 milliards d'euros au financement des dépenses nouvelles, qui sont d'ailleurs pour l'essentiel centrées sur les priorités affichées de l'action gouvernementale - notamment la justice et sécurité.
Les Françaises et Français payeront donc en 2007 plus d'impôts, et singulièrement plus d'impôts indirects prétendument invisibles, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas pour ceux qui les paient !
M. Thierry Foucaud. ... et ils auront en retour moins de service public, moins d'enseignants, moins d'action sociale, moins de solidarité, moins d'efforts pour le logement, moins pour la recherche.
À l'orée d'une année au cours de laquelle de grands rendez-vous avec l'opinion nous attendent, concevez qu'un tel choix semble pour le moins surprenant !
Trop d'argent public est aujourd'hui dépensé sans véritable efficacité ; je pense aux 26 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales sans contrepartie réelle.
Cette incitation aux bas salaires a de multiples coûts induits, depuis la faiblesse de la consommation des ménages jusqu'à la prise en charge d'allocations diverses, en passant, bien évidemment, par le plafonnement des impôts locaux ou par la prime pour l'emploi. Ces coûts induits sont meurtriers pour les comptes publics et sociaux !
Si l'on ajoute à cela le coût persistant de la fraude fiscale et sociale - estimé par certains entre 40 milliards et 50 milliards d'euros -, on mesure combien il importe de changer clairement de politique.
Votre projet de loi de finances pour 2007, monsieur le ministre délégué, ne répond manifestement pas à ces nécessités.
Fondé sur une prévision de croissance résolument optimiste - récusée d'ailleurs ces derniers jours par la plupart des économistes et des conjoncturistes -, il présente la double caractéristique d'être un texte de faible portée et d'être un véritable catalogue de dispositions à caractère électoraliste.
L'essentiel de loi de finances pour 2007 était déjà dans la loi de finances pour 2006, notamment le nouveau barème de l'impôt sur le revenu.
La mensualisation de la prime pour l'emploi ou la baisse du premier acompte de l'impôt sur le revenu n'y changeront rien : ce budget apparaît comme un texte d'affichage, point d'orgue d'une législature marquée par le choix de la défense des inégalités de revenu et de patrimoine !
Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous ne pouvons qu'indiquer, au début de cette discussion, notre opposition au contenu de ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce projet de budget pour 2007 étant le dernier de la législature, nous pouvons légitimement nous demander s'il a vocation à être appliqué.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il est difficile de ne pas faire de budget !
M. Bernard Angels. Dans ce contexte, vous comprendrez que je ne m'attacherai pas seulement à commenter les dispositions qui y figurent. Cette discussion me paraît en effet propice à l'établissement d'un premier bilan de la politique économique et budgétaire menée depuis quatre ans.
M. François Marc. Sans succès !
M. Bernard Angels. Non seulement celle-ci est injuste et inefficace en termes de création d'emplois, mais en plus elle ne prépare pas l'avenir.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il n'y a pas chez vous de place pour la nuance !
M. Bernard Angels. En premier lieu, une telle politique est injuste.
Le présent texte suscite en effet des interrogations, des inquiétudes, parfois même des indignations. Loin de réduire les inégalités entre nos concitoyens, il contribue, au contraire, à les renforcer.
Monsieur le ministre délégué, la politique fiscale que vous soutenez participe fortement depuis quatre ans à l'érosion de la cohésion sociale de notre pays. Le ressort sur lequel vous jouez est le même depuis le début de la mandature : vous justifiez les subventions accordées aux plus favorisés et aux entreprises en arguant du nécessaire soutien à la compétitivité ; à titre de compensation, vous mettez en avant une hausse de la prime pour l'emploi, hausse dérisoire au regard de l'ampleur du transfert de richesses vers les contribuables les plus aisés.
Les conséquences de cette politique fiscale sont simples : explosion des inégalités, stagnation du pouvoir d'achat des plus modestes, accroissement des plus gros patrimoines.
Pour 2007, vous arbitrez très clairement en faveur des allégements fiscaux, qui s'élèveront à près de 6,5 milliards d'euros, au détriment de nos finances publiques. Ainsi, la diminution de la fiscalité sur les plus-values et la baisse des droits de succession amputeront cette année de 1,3 milliard d'euros le budget de la nation. Avec l'adoption de ce projet de loi de finances, on aboutira donc à une hausse de 20 % du nombre de niches fiscales et, partant, de leur coût.
Au total, ce sont environ 9,5 milliards d'euros qui ont disparu des caisses de l'État depuis 2002, sans que notre pays en ressente le moindre bénéfice, à l'exception, bien entendu, de la partie la plus privilégiée de la population.
De surcroît, alors que les couches sociales les plus favorisées cumulent les avantages, les salariés les plus modestes doivent, eux, se contenter d'un ridicule coup de pouce à la prime pour l'emploi. Celle-ci représente par ailleurs une importante incitation aux emplois « paupérisants » depuis que vous en avez massivement étendu le bénéfice aux emplois à temps partiel. La revalorisation proposée cette année représentera 500 millions d'euros, soit à peine plus que le coût du bouclier fiscal. En moyenne, chaque bénéficiaire ne recevra qu'un versement supplémentaire de 9,25 euros par mois.
Le projet de loi de finances pour 2007 confirme la logique injuste et non redistributive de la réforme de l'impôt sur le revenu que mon groupe avait déjà dénoncée l'année dernière. Pour l'illustrer, je prendrai deux exemples significatifs. D'une part, selon le nouveau barème retenu, la baisse de l'impôt sur le revenu profitera pour 63 % aux 10 % des contribuables les plus favorisés. D'autre part, le bouclier fiscal que votre majorité a mis en place concernera surtout les foyers assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune ; ce mécanisme coûtera au budget de l'État 360 millions d'euros, mais 10 000 foyers fiscaux se partageront une réduction d'impôt de 250 millions d'euros !
Par ailleurs, depuis 2002, le produit de l'impôt sur le revenu, impôt pourtant le plus juste, a diminué de 8,5 milliards d'euros. Dans le même temps, le taux des prélèvements obligatoires est passé de 43,1 % à 44 % du PIB, soit une augmentation en valeur de 17 milliards d'euros.
M. François Marc. Ce n'est pas terrible !
M. Bernard Angels. Ainsi, vous avez allégé les contributions de nos concitoyens les plus fortunés et alourdi celles du plus grand nombre.
En deuxième lieu, la politique budgétaire menée depuis 2002 ne répond pas aux attentes des Français en ce qui concerne l'emploi et la politique commerciale de notre pays. En effet, en plus de creuser encore le fossé qui sépare les plus modestes des plus aisés, elle ne propose aucune perspective économique cohérente.
Entre mai 2002 et septembre dernier, le chômage n'a diminué que de 0,1 point. Il paraît difficile de considérer cette diminution « quasi optique » comme une réussite de votre politique. Pour s'en rendre compte, il n'est qu'à prendre comme base de comparaison le bilan du gouvernement de Lionel Jospin, fortement cité ce matin par les ministres : entre juin 1997 et avril 2002, le taux de chômage a diminué de 3,3 points, soit trente-trois fois mieux que le résultat obtenu par les gouvernements de droite qui lui ont succédé.
M. François Marc. Absolument !
M. Bernard Angels. Le nombre des créations d'emplois annoncé par le Gouvernement depuis le début de sa mandature me laisse également perplexe : entre 2002 et 2006, 200 000 emplois auraient été créés. Pour sa part, entre 1997 et 2002, le gouvernement de Lionel Jospin a contribué à créer dix fois plus d'emplois.
Et si d'aucuns sont tentés d'attribuer ce bon résultat à la seule conjoncture économique de l'époque, je les invite à s'intéresser aux résultats obtenus par les autres pays de la zone euro entre 2002 et cette année : sur cette période, nos partenaires ont enregistré en moyenne un nombre de créations d'emploi deux fois supérieur à celui de la France.
De toute évidence, mes chers collègues, il paraît difficile d'attribuer le piètre score de notre pays à un climat international défavorable. C'est donc bien une politique économique et budgétaire inefficace qui est à l'origine de l'atonie de la croissance dans notre pays.
L'efficacité et la pertinence d'une telle politique économique et budgétaire s'analysent aussi à l'aune de son influence sur la balance commerciale. Or, depuis janvier 2003, son solde n'a jamais été positif ; en juin dernier, elle subissait même un déficit de 2,52 milliards d'euros.
Et les statistiques en la matière n'iront pas en s'améliorant, car la fragilité de nos exportations sera aggravée par la politique allemande, qui s'apparente à une dévaluation compétitive et qui s'illustre, entre autres, par une forte diminution de la TVA.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans ces conditions, il faut instaurer la TVA sociale ! Vous en êtes d'accord, monsieur Angels ?
M. Bernard Angels. En troisième et dernier lieu, la politique économique et budgétaire menée depuis quatre ans ne prépare pas l'avenir. Nous le savons tous, compte tenu des échéances électorales majeures du premier semestre 2007, ce budget a vocation à être modifié. D'ailleurs, à l'image de ceux qui l'ont précédé depuis 2002, il sacrifie l'avenir à l'immédiat.
Un tel constat est particulièrement frappant au vu de l'efficacité de l'État : la gestion pluriannuelle prévue par la LOLF est en effet mise sous le boisseau. Ainsi, pour pallier votre impéritie et l'inadéquation des budgets que vous avez fait voter, vous n'avez eu de cesse de vendre des participations de l'État. La cession des sociétés d'autoroutes pour 17 milliards d'euros cette année répond à cette logique à courte vue et s'avère d'autant plus dommageable que ces groupes allaient devenir excédentaires et auraient pu reverser des dividendes non négligeables.
Venons-en maintenant aux comptes de l'État et des administrations publiques. Certes, le déficit public diminue cette année d'un peu moins d'un milliard d'euros, pour s'établir à 2,5 points de PIB. Toutefois, il reste légèrement supérieur à celui de 2002. La conclusion est simple : nous voilà revenus à la case départ ! Il n'en demeure pas moins que, du point de vue économique, ce déficit n'est d'aucune utilité, dans la mesure où la structure des dépenses du budget 2007 ne permettra pas de relancer l'activité.
En outre, mes chers collègues, le montant retenu, à savoir 41,6 milliards d'euros, est supérieur au solde primaire stabilisant, ce qui signifie que, malgré vos effets d'annonce sur la norme « zéro volume », la dette publique, elle, continue de grimper : elle aura augmenté de plus de 4,5 points depuis le début de cette législature, passant de 59 % à 63,6 % du PIB.
M. François Marc. Catastrophique !
M. Bernard Angels. Toutefois, afin de rassurer nos concitoyens, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie nous annonce que la dette publique va baisser de 2 points de PIB en 2007.
M. Bernard Angels. Mieux vaut tard que jamais !
Pour autant, cette annonce, loin d'être rassurante, me semble pour le moins inquiétante, car une telle diminution n'a pu être obtenue que grâce à une baisse brutale de la trésorerie de précaution et aux 17 milliards d'euros provenant cette année des cessions d'actifs. Mais ces artifices comptables ne suffisent pas à masquer la réalité : depuis 2002, chaque Français a vu sa dette augmenter de 2 700 euros.
Même les prévisions les plus optimistes du Gouvernement l'attestent : selon Bercy, la dette ne retrouverait son niveau de 2001 qu'au cours de l'année 2009, au mieux. C'est dire si la rigueur dont la majorité affirme faire preuve est toute relative !
Pour expliquer les mauvais chiffres du déficit, le Gouvernement invoque plusieurs causes, mais s'en prend principalement aux collectivités territoriales.
M. François Marc. Ah !
M. Bernard Angels. Mes collègues François Marc, Michel Moreigne et Gérard Miquel auront l'occasion d'y revenir plus longuement. Je souhaite néanmoins en dire quelques mots, car ces collectivités sont prises pour cible et se voient accusées de favoriser les dérapages budgétaires que je viens d'évoquer.
Or, lorsque certains pointent du doigt l'augmentation cette année de 0,7 point de PIB du niveau des prélèvements au titre de ces collectivités, ils omettent de mentionner que plus de la moitié de cette hausse est liée aux transferts décidés par le Gouvernement dans le cadre de l'Acte II de la décentralisation.
Encore une fois, la question de la compensation des transferts de compétences se pose de manière aiguë. Il est quelque peu facile de reprocher à nos régions et à nos départements une gestion dispendieuse des deniers publics, alors que ces mêmes régions et ces mêmes départements sont contraints d'arbitrer entre deux maux : ou bien ne pas accroître les impôts locaux et, partant, porter atteinte à la qualité des services publics fournis aux habitants ; ou bien procéder à des augmentations, au risque de se voir taxés d'irresponsabilité.
Une fois de plus, la politique budgétaire de courte vue que la droite mène depuis bientôt cinq ans se ressent à l'échelon local : les collectivités ne peuvent inscrire leur action dans la durée, du fait de l'insuffisance des transferts de recettes opérés vers elles et de l'incertitude qui pèse sur la pérennité de ces recettes.
Pour conclure, mes chers collègues, gageons que le projet de loi de finances pour 2007 ne redonnera pas aux Français cette confiance en l'avenir qu'ils ont perdue. Les choix du Gouvernement ne sont pas seulement inefficaces, ils pénalisent également la majorité de nos concitoyens, et tout particulièrement les plus faibles, les ménages modestes. Aussi, notre groupe proposera un certain nombre d'amendements destinés à ramener ce budget dans la voie de l'efficacité économique et de la justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Yvon Collin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, depuis 1982, tous les budgets sont votés et exécutés en déficit. Ce projet de loi de finances pour 2007 ne fait malheureusement pas exception, avec près de 42 milliards de déficit et vraisemblablement, en conséquence, une croissance somme toute moyenne de notre pays, car nous consacrons les emprunts au fonctionnement et non à l'investissement.
Ayons à l'esprit la « règle d'or » britannique.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Le paiement des intérêts de notre dette représente environ 15 % du budget de l'État, contre moins de 5 % en 1980. Le pacte de stabilité et de croissance, adopté il y a près de dix ans, impose pourtant aux États de la zone euro d'avoir à terme des budgets proches de l'équilibre. D'ailleurs, certains pays ont même un budget excédentaire.
Comment parvenir à l'équilibre ? Monsieur le ministre délégué, pour vous, c'est affaire de méthode. Vous avez déclaré : « Au coeur de cette méthode, il y a pour moi un impératif : c'est d'avoir les yeux rivés sur ce qui se passe à l'étranger ».
M. Aymeri de Montesquiou. Et vous avez ajouté : « C'est le meilleur moyen d'aller chercher ailleurs les bonnes idées qui ont fait leurs preuves et de connaître nos forces et nos faiblesses. Car c'est en comparant que l'on se rassure ! ».
Que l'on se rassure, ou que l'on s'inquiète, monsieur le ministre délégué !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cela dépend de quel point de vue on se place : c'est le verre à moitié plein ou à moitié vide !
M. Aymeri de Montesquiou. Pourquoi ne pouvons-nous parvenir aux mêmes résultats que d'autres pays ? Les comparaisons internationales entre les économies respectives des pays du G5 démontrent que, moins on travaille dans l'année et au long de la vie, plus la réglementation du travail est rigide, plus les dépenses collectives pèsent sur la richesse nationale, plus les prélèvements obligatoires sont lourds et plus le chômage est élevé !
Le taux moyen de chômage dans l'Union européenne à Quinze s'élevait à 7,4 % ; celui de l'Union à Vingt-Cinq est de 8 %. Notre taux national de chômage leur est encore supérieur, de même que le niveau de nos prélèvements obligatoires.
Néanmoins, saluons les efforts récents en faveur de l'emploi et les premiers résultats obtenus, largement dus à la transformation du système administratif de l'emploi ainsi qu'à la dynamisation du secteur de la construction et des services à la personne. Nous sommes encore loin de l'Espagne qui, alors qu'elle détenait le taux de chômage le plus élevé jusqu'au premier trimestre 2005, après une pointe à près de 16 % dans les années quatre-vingt-dix, a fait passer ce taux de 10,1 % en juin 2004 à 7,8 % aujourd'hui. S'agissant du chômage, l'Espagne occupe désormais la sixième position dans le classement européen.
Ces résultats ont pour origine une fiscalité incitative. Mais, contrairement à nos voisins, nous ne bénéficions d'aucune des spécialités fiscales reconnues qui contribuent à la prospérité de ces pays : ni faible taux d'impôt sur les sociétés, comme en Irlande, ni absence d'impôt sur les transmissions d'entreprise, comme en Angleterre, ni absence d'impôt de solidarité sur la fortune, comme en Belgique, ni faible niveau de cotisations sociales, comme en Allemagne.
Vous avez toutefois amorcé une réforme fiscale. Ainsi, la réforme de l'impôt sur le revenu et la création d'un bouclier fiscal à 60 % sont des mesures qui vont dans le bon sens. Nous sommes cependant loin de réaliser la promesse électorale d'une baisse de 33 % de l'impôt sur le revenu.
L'ISF reste un impôt politiquement marqué, alors qu'il faudrait le traiter uniquement de manière technique. Pourquoi n'a-t-on pas fait un geste, dans ce dernier budget de la mandature, pour exonérer d'ISF la résidence principale ? C'était pourtant une mesure juste et de bon sens.
Il faut gommer au maximum toute connotation politique attachée à l'impôt et ne rechercher que l'efficacité. Seule l'affectation du produit de l'impôt doit être politique.
En matière de recettes, je propose à mon tour que l'on mène à son terme la réflexion sur l'instauration d'une TVA sociale. Il est sans doute difficile de transposer en France un modèle valable pour le Danemark, par exemple, alors que nos structures sont très différentes. Ainsi, dans ce pays, l'âge de la retraite est fixé depuis longtemps à soixante-sept ans et, corrélativement, le taux de chômage est de 3,5 %.
Notre partenaire allemand prend lui aussi ce chemin, avec une hausse de trois points de la TVA, qui passera de 16 % à 19 % au 1er janvier 2007, accompagnée d'un allégement des cotisations sociales des entreprises. Ce relèvement de trois points de la TVA sera affecté pour un tiers aux allégements de charges et pour deux tiers à la réduction du déficit public. C'est aussi notre objectif.
Monsieur le ministre délégué, à chacun de vos exposés devant la commission des finances, vous ensevelissez sous les compliments la piste de la TVA sociale et soulignez combien cette idée est intéressante. Alors, comptez-vous la mettre en pratique ?
Notre calendrier doit s'inspirer des réformes mises en place avec succès par nos principaux partenaires et concurrents. Vous avez dit, monsieur le ministre délégué, que vous souhaitiez « pour la France ce qui se fait de mieux à l'étranger ». Dans cet esprit, il faut saluer la création, au sein du ministère des finances, d'un pôle de référence en matière d'études comparatives internationales dans le domaine de la gestion publique. À cet égard, je rappelle que, si le poids des dépenses publiques françaises était ramené à la moyenne européenne, nous réaliserions une économie de 100 milliards d'euros.
Cet objectif apparaît irréaliste ? Regardons plutôt ce qui a été fait ailleurs.
Au Canada, en dix ans, de 1993 à 2003, les dépenses des ministères - transferts aux provinces exclus - sont passées de 16,8 % à 11,5 % du PIB. Le nombre des fonctionnaires fédéraux payés par le Trésor a diminué de 30 % et le déficit public, qui représentait 5,6 % du PIB, est devenu un excédent de 0,6 % ! Avoir moins de fonctionnaires, cela veut dire accroître leur efficacité en les payant mieux.
Au sein de l'Union européenne, l'Allemagne ne remplace que deux départs à la retraite sur trois.
Quant à la Suède, considérée à juste titre comme un État protecteur où le social demeure une priorité, son exemple est instructif. La méthode était claire : toutes les administrations publiques devaient réduire leurs dépenses de 11 % en trois ans. Que n'avons-nous fixé un tel objectif ! Dans ce pays, en effet, les fonctionnaires sont moins nombreux mais bien mieux rémunérés. En dix ans, la fonction publique d'État est passée de 400 000 postes à 230 000 et les salaires ont augmenté de 60 %. La fonction publique de carrière est devenue une fonction publique dynamique.
Tout a été dit sur l'occasion manquée de réduire de manière drastique le nombre des fonctionnaires de l'État. Le projet initial était de ne renouveler qu'un poste sur deux. Nous en sommes loin ! Ce budget prévoit 15 002 postes de fonctionnaires d'État non renouvelés sur plus de 2,2 millions, soit un taux de 0,7 %. Monsieur le ministre délégué, est-ce satisfaisant ? Est-ce performant ? Est-ce incitatif ?
L'État demande aux entreprises de faire des efforts considérables. Mais montre-t-il l'exemple ?
Réduire les dépenses publiques, ce n'est pas un dogme, c'est une nécessité. Michel Camdessus rappelait dans un récent article : « Nous ne pouvons échapper à un changement radical de cap dans la conduite des finances publiques. Trop longtemps jusqu'ici, action politique et dépenses publiques ont été synonymes ».
L'objectif est de faire la meilleure dépense publique, pour le meilleur service public, au meilleur coût.
Avec les audits de modernisation, ce gouvernement a opté pour le principe canadien d'optimisation des dépenses afin de rendre celles-ci plus performantes, et a choisi d'autres idées à l'étranger : les achats au Royaume-Uni et en Italie, l'immobilier en Allemagne, la paye en Italie, la visioconférence à Singapour, les amendes à Hongkong, et j'en passe.
C'est le résultat des audits, et tout cela est positif.
Quant aux contrats pluriannuels de performance, ils sont un outil utile permettant de moderniser les ministères, avec leur accord.
Mais il subsiste trop d'exemples incompréhensibles, donc injustifiables. Ainsi, comment expliquer que les effectifs du ministère de l'agriculture aient augmenté de 8 % depuis 1982 alors que, dans le même temps, le nombre d'exploitations agricoles baissait d'un tiers ?
Nous devons enfin développer l'offre pour relancer la croissance et ne plus tabler seulement sur la demande, car cette dernière option conduit, étant donné le profil manufacturier de notre pays, à un déséquilibre de notre balance commerciale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Sur une base de 100, les investissements en faveur de l'offre sont de 83 en France, de 86 en moyenne dans l'Union européenne et de 95 en Allemagne. Notre devenir se joue là aussi et c'est une preuve de confiance en l'avenir.
Mes chers collègues, nous pouvons supprimer le déficit de l'État en une législature. Il suffit pour cela de voter une loi pluriannuelle de maîtrise des dépenses publiques avec l'objectif d'équilibre à la fin de la prochaine mandature. Le modèle des dépenses communautaires peut nous y aider : on adopte des perspectives financières pour sept ans, avec un plafond de dépenses fixé une fois pour toutes, et ces perspectives sont complétées par le vote annuel du budget.
Pour que tous les Français soient davantage soucieux de l'utilisation des deniers publics, il faut parler, dialoguer et expliquer. Il s'agit non pas de montrer du doigt les fonctionnaires, mais de les mettre en position de devenir plus performants et de les rémunérer en conséquence.
L'effort et les réformes ne rebutent pas les Français si ce qui leur est demandé est juste. Optimiser le produit de leur impôt et donc de leur travail, c'est aussi faire preuve de considération à leur égard. La route est encore longue, mais ce budget traduit d'ores et déjà cet état d'esprit. Par conséquent, la majorité de mon groupe le votera. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la séance est commencée depuis trois quarts d'heure et je n'ai entendu, durant trente-cinq minutes au moins, que critiques vives et acerbes contre le Gouvernement. Je suis donc soulagé de pouvoir enfin accéder à cette tribune pour dire ce que nous pensons de ce budget et, malgré tout, lui trouver quelques vertus, comme l'ont fait ce matin, avec beaucoup de talent, M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances.
Car pour nous, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2007 est vertueux et responsable. C'est d'autant plus remarquable que nous sommes à quelques mois d'échéances électorales majeures et qu'il aurait été facile de succomber à la tentation de laisser filer les dépenses et les déficits. Nous n'avons pas oublié que tel fut le choix des gouvernements sortants en 1993 et 2002. C'est ce que nous refusons de faire aujourd'hui, au nom de la responsabilité politique à l'égard des contribuables et des générations futures.
De la même manière, le Gouvernement retient des hypothèses prudentes en matière de croissance et de recettes fiscales. Ce n'était pas le cas dans les lois de finances initiales pour 1993 et 2002, qui reposaient sur des hypothèses irréalistes et inaccessibles. Le projet de loi de finances pour 2007 apparaît ainsi comme un budget crédible au regard du contexte économique.
Avec courage, le Gouvernement suit une ligne de conduite gagnante pour l'assainissement de nos finances publiques, pour la modernisation de l'État, pour les contribuables et pour l'avenir de notre pays. Il s'applique à lui-même une logique de résultats et de performance. À cet égard, la loi organique relative aux lois de finances a représenté un changement tout à fait salutaire.
Les Français ont pris conscience qu'il était urgent de prendre à bras-le-corps le problème de la dette publique de notre pays. Je voudrais à ce propos souligner la pertinence du travail de pédagogie engagé par le Gouvernement, et en particulier par vous-même, monsieur le ministre délégué, sans oublier l'utilité de la publication du rapport Pébereau, commandé par Thierry Breton.
Notre groupe tient à exprimer sa satisfaction à l'égard du projet de loi de finances pour 2007 qui, pour reprendre les termes ciselés de notre rapporteur général, Philippe Marini, « ménage l'avenir ».
C'est un budget courageux, qui parvient à conjuguer quatre baisses : baisse du déficit public, baisse de la dette par rapport au PIB, baisse des dépenses en volume et diminution du nombre de fonctionnaires, sans qu'il en résulte la moindre difficulté pour l'accomplissement des missions de service public.
Les dépenses de l'État baisseront d'un point en volume en 2007, après quatre années successives de stabilisation. A-t-on déjà connu, dans l'histoire de notre République, un tel effort, accompli sur une seule législature ?
M. Henri de Raincourt. Si je pose ainsi la question, c'est que la réponse est négative ! Oui, mes chers collègues, c'est la première fois que cela se passe ainsi, alors, il faut le reconnaître !
La réduction des dépenses et des effectifs résulte directement des audits de modernisation qui ont été lancés par le ministère des finances et auxquels l'ensemble des ministères ont été associés ; elle constitue la traduction concrète de l'action du Gouvernement en faveur de la réforme de l'État, action qui devra être poursuivie et amplifiée dans les années à venir.
Ce budget est aussi juste, car il récompense les Français de leurs efforts sous forme de gains de pouvoir d'achat ; je pense notamment à la réforme de l'impôt sur le revenu. À ce propos, je veux redire que 80 % des bénéficiaires de cette réforme de l'impôt sur le revenu gagnent moins de 3 000 euros par mois. Doit-on, comme j'ai cru le comprendre voilà un instant, les considérer comme des privilégiés ?
À ceux qui jugent dérisoire la revalorisation de la prime pour l'emploi, je veux quand même rappeler les chiffres : cette prime passera à 942 euros en 2007, contre 708 euros l'année dernière. Je ne crois pas que cela soit dérisoire, ni pour les bénéficiaires, ni pour le budget de l'État, qui dépense ainsi un milliard d'euros ! Cette façon de présenter la revalorisation de la PPE est vraiment désobligeante pour ses bénéficiaires, car cette augmentation représente pour eux rien de moins qu'un treizième mois !
Nous trouvons aussi que ce budget est en cohérence avec les engagements pris depuis 2002 par les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin.
Les grandes priorités politiques que sont l'emploi, la restauration de l'autorité de l'État et la recherche sont financées. Les lois de programmation sont honorées. Quoi que j'aie entendu, les engagements pris envers les entreprises et les collectivités territoriales sont tenus.
À cet égard, le groupe UMP du Sénat se félicite de la reconduction du contrat de croissance et de solidarité, conformément à l'engagement pris par le Gouvernement devant notre assemblée. Elle assure une augmentation des dotations de l'État aux collectivités territoriales de près d'un milliard d'euros.
Malgré tous les efforts de nos contradicteurs, je ne suis toujours pas convaincu par leurs arguments pour essayer de nous faire croire que les transferts de compétences ont entraîné des transferts de charges. La source du problème, il faut plutôt la chercher, comme le rappelait M. le président de la commission des finances, dans la multiplication de mesures catégorielles qui alourdissent la facture pour les collectivités locales.
Remettons franchement et honnêtement les choses à leur place !
Surtout, en matière économique et sociale, les résultats sont éloquents : malgré l'accident de parcours du troisième trimestre, la croissance est là, et l'économie s'est remise à créer des emplois. C'est très facile d'essayer de manipuler les chiffres, mais les résultats sont incontestables : ce sont tout de même 200 000 emplois qui ont été créés. Quand le gouvernement de M. Jospin bénéficiait d'une conjoncture favorable, c'était à sa politique qu'il fallait en attribuer les résultats. Que l'actuel gouvernement en bénéficie à son tour, eh bien, non contents de minimiser les résultats, on s'efforce de les imputer à d'autres ! Essayons au moins de traiter tout le monde de la même manière !
Cette dernière discussion budgétaire de la législature doit également être l'occasion de clarifier les responsabilités des différents acteurs de la dépense publique. Les liens financiers entre l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales sont de plus en plus complexes, comme l'ont montré récemment le débat organisé au Sénat sur les prélèvements obligatoires et la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Notre groupe suit de très près les modalités de mise en oeuvre de la décentralisation et de la réforme de la taxe professionnelle. Nous veillerons à ce que cette dernière atteigne son objectif : améliorer la compétitivité des entreprises et l'attractivité de notre pays sans placer les finances locales sous des contraintes excessives, au moins pour les plus raisonnables d'entre elles.
Dans son rapport, notre collègue Philippe Marini évoque un autre facteur de complexité, cette « agencisation de l'État » qui peut, selon lui, être un vecteur intéressant de modernisation de l'État, mais rend peu lisible la norme de dépense.
Il est vrai qu'aujourd'hui une clarification des responsabilités respectives des différents acteurs de la dépense publique s'impose.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ah oui !
M. Henri de Raincourt. Ce débat nécessaire ne doit cependant pas occulter le débat politique. La complexité des flux de financement sert en effet trop souvent de paravent à l'irresponsabilité politique.
En matière de dépense publique, on ne doit pas oublier que ce sont les gouvernements de la précédente législature qui ont multiplié les dépenses pérennes et les emplois publics.
Ce sont eux qui ont imposé les 35 heures, une réforme si peu « participative », mais si coûteuse pour les finances publiques, les entreprises et la croissance !
M. Josselin de Rohan. Quelle belle réforme !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dramatique, hélas !
M. Henri de Raincourt. Les 35 heures coûtent 11 milliards d'euros au budget de l'État, alors que les allégements de charges sur les bas salaires pèsent 8 milliards d'euros.
M. Charles Gautier. Et alors ?
M. Henri de Raincourt. Quel paradoxe ! On peut en conclure que l'État est contraint de dépenser plus pour encourager l'inactivité que pour encourager le travail. On devrait quand même s'interroger ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Henri de Raincourt. En matière de décentralisation, le débat sur les modalités d'application de l'Acte II ne doit pas dissimuler ce qui nous est arrivé entre 1987 et 2002, singulièrement avec l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie.
Je ne crois pas que l'on puisse mettre sur le même plan le transfert du RMI et celui de l'APA, car le premier est compensé à plus de 90 %, alors que le second ne l'est qu'à moins d'un tiers.
Il ne faut pas oublier non plus que les sommes en jeu sont incomparables : l'évolution des dépenses d'insertion est largement liée à la conjoncture, alors que celle des dépenses en faveur des personnes âgées est structurelle, massive et inéluctable, compte tenu du vieillissement de la population.
M. Charles Gautier. C'est vrai !
M. Henri de Raincourt. Les contribuables locaux ne doivent pas oublier que les conseils régionaux élus en 2004 ont utilisé le prétexte de la décentralisation pour augmenter les impôts dans des proportions considérables, alors même qu'aucune compétence majeure n'avait encore été transférée.
C'est ce qu'a démontré la commission d'enquête de l'Assemblée nationale de l'année dernière. Elle se prépare à renouveler l'exercice en 2007 en se penchant sur la hausse injustifiée de la TIPP.
M. Josselin de Rohan. Très juste !
M. Henri de Raincourt. Mme Ségolène Royal propose aujourd'hui de renforcer les compétences des régions. Compte tenu de ce qui vient de se passer précisément dans les régions, il n'est pas certain que cela contribue à une fiscalité juste pour les contribuables !
De même, lorsqu'on lui demande ce qu'elle compte faire concrètement pour soutenir la croissance, sa seule réponse est le retour de la confiance qui surgira, comme par magie, à l'issue de l'élection présidentielle, sous-entendu, la sienne ! (M. Josselin de Rohan s'esclaffe.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un peu court !
M. Henri de Raincourt. Le projet du parti socialiste pour les élections présidentielles de 2007 est très éclairant.
Il y est, en effet, très peu question de compétitivité des entreprises et d'assainissement des finances publiques, mais beaucoup de nouvelles dépenses pérennes, de remise en cause de la réforme des retraites et, même, de renationalisation, d'EDF, en l'occurrence.
Cette propension à l'aggravation des comptes publics et à l'augmentation des impôts est chronique. Regardez donc l'augmentation de la fiscalité dans les régions depuis 2004 et vous aurez une idée de ce qui nous attendrait après 2007 si, par malheur, l'alternance démocratique devait intervenir !
Voilà, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles notre groupe soutient la politique courageuse menée par le Gouvernement tout au long de ces années. Nous avons le sentiment d'avoir fait le choix de la responsabilité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, dans une économie mondialisée, les capacités d'impulsion économique des États sont de plus en plus réduites.
Pour autant, notre stratégie budgétaire demeure fondamentale puisque ses orientations peuvent amplifier la croissance ou, au contraire, la ralentir. On peut d'ailleurs le constater en observant les rythmes de croissance aux États-Unis et dans la zone euro entre 2000 et 2005. À la suite de l'éclatement de la « bulle Internet », les États-Unis ont connu un net ralentissement en 2001 et en 2002 pour, ensuite, retrouver une croissance soutenue de 3 % durant ces dernières années.
Au même moment, la zone euro, qui avait une croissance supérieure à celle des États-Unis en 2000, a peiné jusqu'en 2005, avec une croissance faible, située autour de 1,3 %.
L'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, considère que l'orientation des politiques budgétaires explique plus de la moitié de l'écart de croissance annuel moyen entre les deux continents.
Fort de ce constat, qui est d'ailleurs mis en évidence dans le dernier rapport du président de la délégation pour la planification, notre excellent collègue Joël Bourdin, il est utile de s'interroger sur la pertinence de la politique budgétaire française actuelle, ainsi que sur le problème de l'absence de politiques coopératives au sein de la zone euro.
S'agissant, tout d'abord, de notre pays puisqu'il est avant tout question de cela, je considère, monsieur le ministre délégué, que vos choix ne sont pas suffisamment volontaristes pour permettre d'obtenir un décollement de la croissance française qui ne soit pas seulement la résultante de la croissance des autres pays.
Conformément à la ligne tracée depuis quatre ans, vous avez fait le choix de l'orthodoxie budgétaire, celle qui est prônée par Bruxelles et la Banque centrale européenne : une stratégie monétariste, fondée sur des objectifs comptables, qui n'a rien d'une politique ambitieuse et créatrice de richesses.
L'objectif de maîtrise de la dette publique est, certes, louable. Mais il est important d'en déterminer le bon niveau afin de ne pas oblitérer notre potentiel de croissance. Le voeu de zéro déficit en 2040 peut être exaucé, sous réserve que la croissance atteigne 3 %.
Or, la politique que vous avez décidée coûte 0,7 point de croissance annuel. En effet, vous réduisez des dépenses publiques, qui sont pourtant un levier de la croissance par leurs effets sur le pouvoir d'achat, sans que soient créées, parallèlement, les conditions d'une « désépargne » privée.
La rigueur budgétaire impose de comprimer les dépenses publiques, alors que l'augmentation des taux d'intérêt programmée par la BCE risque aussi de tasser les dépenses des ménages et des entreprises. Alors, c'est vrai, on peut toujours bâtir un budget en dehors des problématiques macro-économiques : on débudgétise, on crée des agences, on institue de nouvelles mesures fiscales, on en supprime d'autres. On agite des chiffons rouges, tel le rapport Pébereau, pour justifier la sacro-sainte orthodoxie budgétaire, mais cela a surtout pour effet de plomber le moral des ménages et des entreprises.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut faire du déficit pour leur faire plaisir !
M. Yvon Collin. On fixe une norme comptable, un taux d'endettement inférieur à 60 % du PIB. On ne peut, certes, pas être contre cet objectif, mais il faut être certain de notre capacité de pouvoir le traduire sans effet boomerang sur la croissance.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Alors, que faut-il faire ?
M. Yvon Collin. Dans le contexte actuel, celui de politiques divergentes au sein de la zone euro, il y a fort à parier que chacun des États membres ne retire pas les bénéfices de sa stratégie individuelle et qu'en outre l'absence de coordination conduise à la déflation.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela, c'est très juste !
M. Yvon Collin. Comme je l'ai déjà dit ici l'an dernier, au risque de me répéter, il est essentiel de sortir d'une approche exclusivement franco-française de la politique économique.
M. Yvon Collin. Tous les pays européens ont à régler la même équation : stopper la dérive des finances publiques sans casser la croissance. Il est tout à fait illusoire d'espérer atteindre cet objectif tant qu'une impulsion ne sera pas donnée au niveau européen. Aujourd'hui, en effet, quand, l'Allemagne, par exemple, pratique une politique de désinflation compétitive, elle s'emploie finalement à prendre une part de croissance à ses partenaires. Or, ces derniers ne pourront pas accepter une dégradation continue de leur solde commercial, et on les comprend ! Et, si chacun réagit isolément, c'est l'ensemble de la zone euro qui, manifestement, en souffre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est l'euro qui en souffre !
M. Yvon Collin. L'euro aussi, en effet !
Compte tenu du degré d'interdépendance des économies européennes, il est nécessaire, monsieur le ministre délégué, d'harmoniser les politiques budgétaires.
Il est temps de dépasser les stratégies individuelles et de parvenir à une véritable coordination des politiques économiques en Europe afin de donner à celle-ci les moyens d'atteindre son véritable potentiel de croissance.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Yvon Collin. En attendant, puisque nous ne sommes pas dans cette logique, je m'attarderai sur le résultat de la stratégie individuelle menée par la France.
Puisque vous avez choisi l'orthodoxie budgétaire à tout prix, permettez-moi de dire, monsieur le ministre, que je ne partage pas les options que vous avez retenues dans ce cadre.
Au regard des indicateurs économiques, vous affichez un bel optimiste que, très sincèrement, j'aimerais partager. Mais, des chiffres à la réalité, qu'en est-il vraiment ? Quelle est, au quotidien, la traduction de votre politique ?
Nos concitoyens connaissent toujours autant de problèmes d'emploi et de logement. Les ménages les plus modestes subissent de fortes hausses des prélèvements, tandis que 1 % des foyers les plus aisés vont profiter d'un cadeau fiscal de 4 milliards d'euros lié à la refonte du barème de l'impôt. En 2005, on a compté 10 000 Rmistes de plus.
La liste est longue des maux dont souffre notre société. La précarité gagne du terrain et, il faut bien le dire, ce sont encore une fois les mêmes qui vont faire les frais d'une politique qui, sous le masque de la vertu budgétaire, ne prend pas, hélas ! le chemin d'une richesse partagée.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le ministre, je ne voterai pas le projet de loi de finances qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Peut-être le voterez-vous avec les amendements de la commission des finances...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne puis vous applaudir que d'une main ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion du projet de loi de finances pour 2007 pourrait être l'occasion, pour une fois, de mettre en avant une conception renouvelée et moderne de l'impôt.
Comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner, notre pays est confronté à des enjeux décisifs en matière d'emploi, de développement de ses capacités de production, de recherche et d'innovation, de réponse aux urgences sociales les plus fortes en matière d'éducation, de santé, de lutte contre l'exclusion sociale, de solidarité intergénérationnelle, mais aussi de protection et de mise en valeur de l'environnement, de résolution des inégalités de développement des territoires, ainsi que de ségrégations et discriminations les plus diverses.
Face à ces enjeux, il y a deux possibilités d'action : soit l'on opte pour une politique publique faisant naturellement confiance aux acteurs de la vie économique et sociale, et le plus souvent au « marché », considéré comme « régulateur » ; soit l'on opte pour une intervention publique multiforme, susceptible de corriger les distorsions existantes au principe fondamental d'égalité entre les citoyens et entre les territoires où ils vivent.
Nous sommes parvenus, au terme de cette législature, à une situation où les politiques publiques sont devenues, pour l'essentiel, de simples politiques d'accompagnement des choix de gestion des entreprises et, plus précisément, des plus grandes d'entre elles, parfois, et même assez souvent, en concurrence directe avec les choix opérés par les plus petites.
Ces politiques d'accompagnement ont des traductions diverses, privilégiant en de nombreux domaines l'incitation fiscale, qui est moins transparente, à la dépense publique directe - à cet égard, les choix opérés depuis 2002 sont significatifs - ou, plus prosaïquement, la suppression de la dépense publique elle-même en décidant, d'une certaine manière, que ce n'est pas ou plus à l'État de prendre en charge tel ou tel champ de l'action publique.
S'il fallait d'ailleurs retenir de la législature écoulée quelques décisions marquantes, nul doute que ressortirait ce que certains ont voulu appeler l'« acte II » de la décentralisation, qui, de fait, n'est que l'abandon de missions d'État et leur transfert vers les collectivités territoriales.
De même, nous retiendrions probablement l'ensemble des mesures qui, au motif de réduire les impôts, n'ont fait que conforter le poids de la fiscalité indirecte au détriment de l'impôt progressif.
Tout a consisté, depuis 2002, à assujettir la politique budgétaire de la nation aux seuls impératifs de rentabilité des capitaux, aux seuls intérêts des détenteurs de patrimoines constitués sur le dos des salariés.
Quand vous accordez la priorité au remboursement de la dette publique et de ses intérêts, vous assurez, s'il en était encore besoin, les « fins de mois » de tous ceux - ils ne sont pas nombreux - qui en vivent grassement et tirent des placements en bons du Trésor et en obligations d'État une part significative de leurs revenus.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut diminuer la dette !
Mme Marie-France Beaufils. Ce sont tout de même plus ou moins 40 milliards d'euros que nous devons verser chaque année à ces créanciers, et il suffit d'un nouveau relèvement des taux par la Banque centrale européenne pour ajouter encore à la facture.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très juste !
Mme Marie-France Beaufils. Cela se fait toujours au détriment de la dépense publique et des services publics, traduction concrète de la présence de l'État dans la vie quotidienne de nos concitoyens, qu'il s'agisse de l'enseignant de leurs enfants, de l'îlotier de la police nationale ou du cantonnier de l'équipement, dont les postes sont peu à peu supprimés au nom de cette priorité que vous avez érigée en dogme.
Les dispositions fiscales que vous avez votées depuis le printemps 2002 n'ont fait qu'accroître les inégalités sociales puisque les impôts indirects liés à la consommation sont chaque année plus forts et plus présents dans l'ensemble des recettes de l'État, comme le rappelait Thierry Foucaud tout à l'heure.
Ce choix de la primauté accordée au remboursement de la dette publique sur toute autre dépense montre le degré d'instrumentalisation de la politique budgétaire de l'État au regard de la pression des marchés financiers.
Un budget de rupture avec cette politique est plus que jamais nécessaire, non pas une rupture vers un libéralisme encore plus dévastateur pour les populations les plus modestes, comme semble le préconiser l'un des ministres de ce gouvernement, mais la rupture avec une conception de l'action publique qui laisse de fait les habitants de notre pays à la seule merci des choix de la libre concurrence, choix qui sont en réalité des décisions de gestion des groupes prises sous l'emprise des actionnaires lors d'assemblées générales ou de comités stratégiques éloignés du terrain.
La rupture avec cette action publique, qui se contente de panser les plaies les plus apparentes et les blessures les plus vives en y apportant bien souvent des remèdes inefficaces, est indispensable pour redresser enfin la situation pour les millions de personnes - 7 millions si l'on en croit l'INSEE - vivant sous le seuil de pauvreté.
Quand on parle difficultés d'insertion dans l'emploi pour les jeunes, les chômeurs de longue durée ou les plus de cinquante ans, que fait-on ? On promeut des dispositifs de précarisation des emplois, comme le contrat nouvelle embauche, le CNE, dispositifs qui tirent l'ensemble des salaires et des qualifications vers le bas.
Quand on parle difficultés de logement des familles, que fait-on ? On offre une défiscalisation renforcée aux investisseurs privés, on transforme l'aide directe aux ménages pour l'accession à la propriété en crédit d'impôt pour leurs créanciers !
Quand on parle de retard ou d'échec scolaire, que fait-on ? On supprime plusieurs milliers de postes d'enseignants, en sortant la bonne vieille règle à calcul de la démographie scolaire, et l'on définit un socle de connaissances amoindri, assorti d'une orientation renforcée vers l'apprentissage précoce, vécue comme un échec personnel par les jeunes et leurs familles.
Une véritable réforme fiscale, complément nécessaire d'une refonte de l'action et de la dépense publiques, doit voir le jour. Nous ne comptons pas sur la majorité actuelle de cette assemblée pour la promouvoir et nous la verserons donc au débat devant les Françaises et les Français, appelés au printemps prochain à faire valoir leur choix par la voie du suffrage universel.
L'impôt sur le revenu doit être réformé, mais pour être plus efficace et éviter notamment, comme c'est aujourd'hui le cas, que le traitement de faveur accordé aux revenus du capital et du patrimoine devienne un obstacle à l'égalité de tous devant l'impôt.
L'impôt sur les sociétés doit être réformé pour que les plus petites entreprises soient enfin traitées à l'égal des plus grandes, passées maîtresses dans l'art de tirer parti de l'ensemble des dispositifs d'incitation et d'optimisation dont est truffée notre législation, sans que ces dispositifs ne fassent l'objet d'une véritable évaluation.
L'impôt sur le patrimoine, quelle que soit sa forme, ISF, droits de mutation et de succession, plus-values de cession, doit être réformé pour devenir plus juste et plus respectueux de la réalité de la fortune accumulée par quelques-uns au détriment du plus grand nombre. La valeur d'un patrimoine mobilier, ne l'oublions jamais, est toujours la résultante de l'accumulation du travail salarié dans les mains du détenteur de ce patrimoine. Que, d'une manière ou d'une autre, ce patrimoine revienne à la collectivité n'est finalement que l'expression de la plus élémentaire justice.
La fiscalité indirecte doit être réformée, qu'il s'agisse de la TVA comme de la TIPP, parce qu'elle pèse lourdement sur les foyers les plus modestes, d'autant que votre politique fiscale directe ne leur apporte pas la moindre amélioration du pouvoir d'achat.
La fiscalité locale doit être réformée, et cela passe notamment par une taxe professionnelle rénovée prenant en compte l'évolution de la situation économique depuis la création de cette taxe, ce qui offrirait de nouveaux moyens d'intervention pour les collectivités territoriales.
Cette indispensable réforme fiscale, fondée sur des principes de justice sociale et d'efficacité économique du prélèvement, nous ne pouvons bien entendu pas la mener dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007, pure loi d'opportunité.
Cette réforme fiscale prendrait en fait le contre-pied de vos choix, qui consistent à réduire la participation des plus hauts revenus et des entreprises au budget de la nation, quitte à ce que vous nous expliquiez ensuite que l'État n'a plus de ressources suffisantes pour son action publique, qu'il transfère de plus en plus sur les collectivités territoriales ; mais nous aurons l'occasion mardi de revenir plus en détail sur ce sujet.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, le projet de budget que vous nous proposez n'est vraiment pas de nature à obtenir notre agrément, même avec les amendements de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'exercice budgétaire revient chaque année en cette même période. Plus de 36 000 exécutifs s'y adonnent avec plus ou moins d'envie, et parfois avec inquiétude face aux incertitudes.
Vous pouvez vous satisfaire, monsieur le ministre, de ne pas être isolé dans cette situation budgétaire. Nous savons tous que la construction d'un budget est un art délicat, voire difficile, et qui influence la vie de notre société, de ses citoyens, de ses entreprises et de ses territoires.
Chaque élu est également soumis à de légitimes pressions.
Le monde de l'économie demande, avec raison, des allégements de charge et une simplification administrative afin de lui permettre d'évoluer à armes égales dans un monde de plus en plus réduit.
Les citoyens demandent moins d'impôts et plus de prestations.
Le monde associatif sollicite des augmentations de subventions toujours supérieures à la progression du produit intérieur brut.
Quant au corporatisme, il se réveille à nouveau à l'aube des discussions budgétaires, comme les débordements des pompiers, mardi, le démontrent.
À tout cela, nous sommes habitués, et nous connaissons les règles du jeu.
Dans toute assemblée, le budget est soumis à la discussion et au vote. C'est l'exercice que nous débutons aujourd'hui. À cette occasion, chacun peut librement exprimer satisfaction et critiques, poser des questions aux ministres et faire des propositions.
Pour ma part, j'aurais pu reprendre tous les termes du propos d'Henri de Raincourt, mais je formulerai simplement quelques remarques, quelques réflexions, quelques questions et propositions.
Je vous ai écouté avec attention, monsieur le ministre. Ne comptez pas sur moi pour vous critiquer. Je sais d'expérience que l'exercice budgétaire est difficile et, pour critiquer, il faut être en mesure de proposer mieux. De plus, ce projet de loi de finances, dont vous avez clairement dit qu'il était ambitieux, vertueux et juste, prévoit pour la première fois une diminution des dépenses de l'État, des impôts, des dettes et du déficit. Vous ne recevrez donc pas, je le répète, de critiques de ma part.
Au titre des remarques, le budget de l'État et ceux des collectivités sont désormais si étroitement imbriqués, monsieur le ministre, que vous pourriez parler de relations partenariales entre État et collectivités.
L'État, par ses multiples dotations, son pacte de stabilité, son fonds de compensation pour la TVA, sa contribution au RMI, participe de plus en plus à l'équilibre - voire aux risques de déséquilibre - des budgets locaux. Cela mérite donc d'être évoqué.
L'État a pris, au fil des années, une part de plus en plus prépondérante et significative dans les équilibres locaux, ce qui peut conduire à terme à une tentation de transférer des charges sans compensation intégrale.
M. François Marc. C'est une réalité !
M. Éric Doligé. Je sais fort bien que telle n'est pas l'intention du Gouvernement, et je connais cette bonne formule qui consiste en une compensation à l'euro près. La Constitution, de plus, est garante des bonnes pratiques.
Pour la plupart des départements, la recette des impôts locaux directs ne représente plus qu'un quart des ressources. Si l'on y ajoute les droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO, on approche les 33 %. Toutes recettes locales confondues, nous sommes proches de la barre des 50 %.
Il me semble nécessaire d'étudier sérieusement l'autonomie financière des collectivités et l'impact des décisions budgétaires de l'État sur les budgets locaux.
J'émettrai une autre réflexion à ce sujet : le poids de l'État est renforcé par le choix qui a été fait, au fil des années, de transformer les budgets départementaux en guichets de distribution de prestations fixées par l'État - l'allocation personnalisée d'autonomie en est un exemple criant -, qui décide également des conditions d'attribution, donc du nombre d'attributaires.
Permettez-moi d'aborder le thème de la décentralisation, sincèrement, honnêtement, à l'instar d'Henri de Raincourt.
Dans le cadre d'un rapport d'étape commandé par l'Observatoire de la décentralisation, mis en place par le président Christian Poncelet et présidé par Jean Puech, je me suis contenté de décrire avec application la situation que connaissent au quotidien les départements et les régions, dans le cadre du transfert des personnels TOS de l'éducation nationale et de la direction départementale de l'équipement.
Je ne puis rien retirer de ce que j'ai écrit, sauf à trahir la réalité des auditions et des témoignages unanimes, ce qui n'est pas le rôle d'un rapporteur.
En revanche, je suis surpris de la mauvaise foi de certains exécutifs, qui prennent prétexte de la décentralisation pour opérer des hausses à répétition. Ce n'est pas donner une bonne image des collectivités.
L'État va jusqu'à dire qu'il est vertueux : c'est exact, puisqu'il diminue ses dépenses. Il peut donc à juste titre montrer du doigt les collectivités qui ne le sont pas. Si l'État veut persévérer dans cette attitude, je n'y vois pas d'inconvénient, mais il faut dans ce cas disposer d'éléments incontestables et donner les noms des « non vertueux ».
Je préciserai que la décentralisation ne peut être utilisée comme alibi pour justifier des 20 % à 50 % de hausse des budgets régionaux en 2005. Les recettes supplémentaires localement prélevées ont été employées pour assurer, par exemple, la gratuité des livres scolaires dans les lycées, l'achat d'ordinateurs pour les étudiants ou la création de chèques gratuits pour les lycéens.
Aucun de ces choix, que nous ne critiquons pas sur le fond, n'a de lien avec la décentralisation. Rien ne se rapporte à l'investissement.
La forte hausse prévue de la TIPP régionale ne peut pas non plus être portée au débit de la décentralisation. Nous ne connaissons pas encore l'effet réel des transferts, et nous devons continuer à travailler avec vous, monsieur le ministre, pour en déterminer la réalité et obtenir des compensations, si nous démontrons la nature des charges nouvelles.
Je souhaite que, dans la présentation budgétaire, nous puissions véritablement mesurer l'impact humain et financier de tous les actes de transfert. Sur le plan des effectifs, je ne suis pas parvenu à comprendre comment on mesurait l'impact du transfert des personnels. Nous savons cependant qu'en ce qui concerne les TOS toutes les estimations sont dépassées. C'est un véritable plébiscite en faveur de la fonction publique territoriale, malgré les tentatives d'entrave des syndicats, globalement très opposés à ce transfert ; ils ont heureusement échoué.
Mais le nombre des transferts est-il bien inscrit dans le budget de l'éducation nationale ? Les crédits correspondants sont-ils clairement individualisés ? Nous savons que ces crédits vont transiter par le budget du ministère des collectivités locales.
Comme l'a souligné M. le ministre, la France est classée première en matière de transparence financière. C'est très certainement vrai et extrêmement satisfaisant pour nous. L'année prochaine, cette règle de transparence dont nous sommes fiers devra s'appliquer à la compréhension des effets de la décentralisation.
En ce qui concerne l'emploi, monsieur le ministre, vous avez inscrit dans le projet de loi de finances que le nombre de fonctionnaires devrait être diminué de 15 000. M. le rapporteur général l'a dit, ce chiffre est encore proche de l'« épaisseur du trait », mais il s'agit d'une tendance positive, qui se poursuit depuis quatre ans.
Où se situent les transferts dans les documents budgétaires ?
Dans son intervention, M. le ministre a indiqué que les créations d'emploi devraient s'élever à 250 000 en 2007, dont 80 % dans le privé. Qui créera les 20 % restants ? Cela représente 50 000 emplois ! S'agira-t-il des associations, des collectivités locales ou de la fonction hospitalière ? Je souhaite que vous nous informiez à ce sujet, monsieur le ministre.
Une pratique récente peut également susciter des interrogations : la création d'emploi par des structures qui n'en sont pas les utilisateurs ; je veux parler des emplois de vie scolaire, ou EVS. Il s'agit probablement de 10 000 à 15 000 personnes, qui ont pour vocation d'intervenir dans les écoles primaires. L'éducation nationale les rémunère, mais ne veut pas les « porter » ; ils sont donc embauchés par les principaux de collège, qui veulent bien l'accepter. Ce ne sont a priori ni des fonctionnaires territoriaux ni des fonctionnaires d'État : dans quelle catégorie se situent-ils ?
Il nous faut ensuite réfléchir à notre capacité de favoriser l'entreprenariat et démontrer que l'État, au travers de son budget, perçoit l'importante contribution à l'intérêt général des entreprises, grandes ou petites.
À titre d'exemple, il serait souhaitable de ne pas laisser croire aux entreprises que leur action en matière d'insertion professionnelle des jeunes en difficulté n'est plus reconnue par l'État. Le fait de remettre en cause l'exonération des cotisations pourrait conduire à une légitime déception ; je souhaite que ce point particulier soit revu.
De même, si le durcissement de l'État quant au régime des acomptes d'impôt sur les sociétés se confirme, ce qui ne me paraît pas souhaitable, il serait de simple justice d'établir une réciprocité : si l'entreprise a trop versé, l'État doit au minimum lui verser un intérêt moratoire, calculé de la même façon que l'intérêt de retard infligé aux entreprises en cas de versement insuffisant.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vrai dans l'absolu !
M. Éric Doligé. Je présenterai un amendement dans ce sens.
Dans un domaine très différent, je partage l'interrogation de mon collègue François Gerbaud sur les orientations à venir en matière de transports : celles-ci me paraissent totalement déraisonnables financièrement. Depuis des années, nombre de départements, de régions ou de villes défendent l'aménagement de grandes infrastructures de transport ferroviaire, qui doivent permettre de réaliser la liaison Paris - Toulouse. Le coût de ces infrastructures est de 242 millions d'euros. Le président de RFF a annoncé par voie de presse un coût de 10 milliards d'euros, soit cinquante fois plus. Cela permet de mettre sur les rails un projet de substitution sans rapport, d'un coût de 1,3 milliard d'euros.
Un autre exemple, autoroutier celui-ci, met en présence un dossier sans intérêt d'un coût de 1,5 milliard d'euros et un projet tout à fait réaliste qui coûterait 700 millions d'euros.
On peut se poser la question de savoir si l'État centralisé n'a pas totalement oublié de se concerter en amont avec les élus locaux, qui pourraient l'aider à mieux orienter ses dépenses. La complexité administrative entraîne quelquefois des dépenses inconsidérées.
Le président Jean Arthuis l'a évoqué, l'État éprouve parfois la tentation forte de prendre des décisions dont il fait assurer le financement par des tiers ; l'exemple des pompiers est certainement le plus révélateur à cet égard. Montrer que l'État est potentiellement généreux avec les impôts des autres n'est pas acceptable. A l'avenir, les circuits de concertation et de décision devront être revus, même si le ministre délégué aux collectivités territoriales a heureusement fort bien compris l'ambiguïté de la situation que nous vivons actuellement.
Je souhaiterais également tuer le mythe de la « cagnotte des droits de mutation ». Il faut savoir que cette recette est très instable et que sa répartition territoriale est très inégale. Je ne vois pas l'intérêt de montrer du doigt les collectivités comme si elles étaient assises sur un trésor caché.
Je ne donnerai qu'un exemple, le Loiret, dont je suis élu, qui est très représentatif de la moyenne nationale. Entre 2002 et 2007, la charge nette non compensée de l'APA aura été de 126 millions d'euros. Parallèlement, la recette nette différentielle cumulée de DMTO, ou droits de mutation à titre onéreux, aura été de 50 millions d'euros, soit un écart de 76 millions d'euros. Une augmentation de 58 % en points d'impôts sur sept ans serait donc nécessaire pour compenser le seul coût de l'APA.
Telles sont, monsieur le ministre, les quelques observations dont je voulais vous faire part. Je confirme que ce projet de loi de finances, s'il est perfectible à la marge, comme le démontrent les amendements déposés par Philippe Marini, possède de grandes qualités : il tend non seulement à ménager l'avenir, mais aussi à le préparer. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de faire quelques observations sur ce projet de loi de finances.
Je commencerai par un peu d'arithmétique : vous proposez, monsieur le ministre, 267 milliards d'euros de dépenses et 225 milliards d'euros de recettes. Il manque donc 41,6 milliards d'euros, contre 42,7 milliards d'euros en 2006. Par conséquent, on assiste à une légère baisse de 1 milliard d'euros.
Le critère de Maëstricht est atteint, puisque cela correspond à 2,5 points du PIB. Tout le monde semble content. C'est un tort ! En effet, si l'on se félicite de cette situation, on oublie totalement qu'il sera nécessaire d'emprunter près de 42 milliards d'euros pour combler le déficit.
La dette de l'État augmentera, les frais financiers s'accroîtront, et 40 milliards d'euros de recettes fiscales vont ainsi partir en fumée. Il n'y a aucune raison pour que cela cesse, puisque ce déficit provient de dépenses de fonctionnement récurrentes, qui se renouvellent chaque année, et que l'on n'ose pas réduire. La question n'est pas seulement de réduire le déficit : il faut le faire disparaître !
Quelles sont ces dépenses de fonctionnement qui grèvent notre budget ? Il s'agit d'abord des dépenses entraînées par l'application des 35 heures, qui s'élèvent à 11 milliards d'euros. Ces dépenses, que nous devons à Mme Aubry, n'auraient jamais dû exister.
Qu'un gouvernement décide de réduire les horaires à 35 heures, c'est déjà une faute de gestion, dont les conséquences sont très lourdes pour notre économie. Mais qu'il accepte ensuite d'en payer les conséquences et grève le budget de 11 milliards d'euros pour que l'on travaille moins, c'est une erreur dramatique pour notre économie : non seulement on travaille moins, mais on paie pour cela !
C'est pourquoi l'on devrait sans complexe supprimer ce financement annuel, qui nécessite des emprunts que l'on ne pourra jamais rembourser et qui augmentent chaque année.
Il y a aussi le financement des charges sociales jusqu'à 1,6 fois la valeur du SMIC, soit 9 milliards d'euros, et les emplois aidés, pour 6 milliards d'euros.
Ce sont en tout 26 milliards d'euros que l'on retrouvera éternellement dans nos budgets et qui empêcheront la disparition du déficit et l'arrêt de notre endettement. Quand aura-t-on le courage d'arrêter cette hémorragie qui n'est plus supportable ? Ces dépenses sont reportées de budget en budget et rendent impossible toute réduction d'un déficit budgétaire, qui n'ira qu'en s'amplifiant.
On calcule aisément que, si l'on ne veut rien changer à ces dépenses et si l'on décide ainsi de ne pas ramener le déficit budgétaire à zéro, dans sept ans, le service de la dette représentera 60 milliards d'euros et absorbera la totalité de l'impôt sur le revenu. Si ce processus se poursuit, la dette sera de 2 500 milliards dans quatorze ans, et le service de la dette représentera 100 milliards d'euros, c'est-à-dire la moitié de nos recettes fiscales.
Autrement dit, si l'on ne veut rien changer à nos dépenses dans ce domaine, nos recettes fiscales seront peu à peu presque totalement absorbées par le service de la dette et financeront de moins en moins les dépenses budgétaires, ce qui nous obligera à emprunter de plus en plus.
On rentre dans un cercle infernal où le déficit va s'aggraver, nécessitant des emprunts de plus en plus importants, entraînant eux-mêmes une dette de plus en plus élevée, etc.
C'est d'ailleurs ce qui ressort du rapport Pébereau, dont il n'a pas été suffisamment tenu compte, et qui montre clairement que la dette ne prépare pas l'avenir et que le recours à l'endettement est le choix de la facilité.
C'est pourquoi je regrette que, dans ce projet de loi de finances, on n'ait pas commencé à prendre en considération ces problèmes. Le fera-t-on l'année prochaine ? Il faut réduire nos dépenses en supprimant les aides aux 35 heures, qui représentent, je le répète, 11 milliards d'euros.
Il y a des dépenses utiles, celles qui favorisent l'investissement et préparent l'avenir, mais il y a également des dépenses moins utiles, qui ne produisent aucune richesse, ce sont les dépenses de fonctionnement des entreprises.
Les aides rendues nécessaires par le passage obligatoire aux 35 heures avec la même rémunération qu'à 39 heures obligent l'État à emprunter 11 milliards d'euros chaque année pour ne pas compromettre l'activité des entreprises.
Mme Aubry n'avait évidemment pas calculé les conséquences coûteuses de ces 35 heures, pas plus d'ailleurs que ceux qui proposent aujourd'hui d'augmenter le SMIC à 1 500 euros, sans se préoccuper de l'impact financier de cette mesure. Qui paiera la différence aux entreprises ? Ce n'est pas l'État, qui n'est plus en mesure de le faire.
Ce sont des irresponsables, qui sacrifient la gestion de nos entreprises et de l'État à des objectifs électoraux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) C'est la vérité, mes chers collègues ! Nous devons être très attentifs, et mesurer que nous ne devons pas augmenter les dépenses uniquement pour faire plaisir aux électeurs.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vrai !
Mme Marie-France Beaufils. Et comment vit-on avec 720 euros par mois ?
M. Serge Dassault. Ainsi l'État doit-il emprunter chaque année 11 milliards d'euros pour permettre aux Français de travailler moins. Ce n'est pas une bonne gestion, et il faut que cela cesse ! Songez, monsieur le ministre, à ce que serait votre budget avec 11 milliards d'euros de dépenses, et donc de déficit, en moins !
Pourquoi, par exemple, ne pas supprimer le paiement par les entreprises des heures dites supplémentaires jusqu'à 39 heures par semaine ? Les salaires seraient inchangés après le relèvement de 35 à 39 heures, comme ils sont restés les mêmes quand la durée du travail est passée de 39 à 35 heures, ce qui permettrait de réduire partiellement les aides versées par l'État.
Dans une entreprise, quand on veut réaliser des investissements, on cherche les moyens de les financer, et s'il n'y en a pas, on renonce ! Pourquoi l'État ne renoncerait-il pas à assurer des financements qu'il ne peut plus supporter, sauf à laisser croître ses charges à l'infini ?
Quand l'État ne dispose pas de l'argent nécessaire, il emprunte, même si c'est pour financer des dépenses de fonctionnement, ce qui est totalement interdit par les codes de bonne gestion financière. Avec un tel système, nous sommes sûrs de ne jamais parvenir à rembourser la dette, car de telles charges sont récurrentes et reviennent chaque année, et il devient impossible non seulement de rembourser les sommes empruntées, mais même de diminuer la charge de la dette.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas refuser une dépense irréalisable et, de plus, dangereuse pour notre économie ?
Car il ne faut pas rêver, mes chers collègues. Certes, nous pouvons affirmer que tout le monde est content de travailler moins - ce qui, d'ailleurs, n'est pas vrai, car nombre de salariés préféreraient travailler plus pour gagner plus - et qu'il est impossible de revenir sur la décision de passer aux 35 heures.
Toutefois, nous pouvons aussi nous rendre compte des ravages provoqués par ces 35 heures dans la production des entreprises, dont le coût augmente, ce qui réduit nos ventes, favorise le chômage et les délocalisations - car ailleurs, mes chers collègues, on travaille plus et la main-d'oeuvre coûte moins cher ! - et rend plus difficile le fonctionnement des services publics.
Ainsi, nous le savons, les hôpitaux ne parviennent plus à rendre les services attendus par les malades, parce que les infirmières partent à cause des 35 heures et qu'il n'est pas possible, compte tenu de la situation du budget de la sécurité sociale, de recruter du personnel à l'infini.
Mes chers collègues, nous ne pouvons pas laisser la situation se dégrader sous prétexte qu'agir ferait de la peine à certains ! Nous ne pouvons continuer à emprunter et à accroître nos charges financières, car nous n'en avons tout simplement plus les moyens.
L'État n'a plus les moyens de financer les 35 heures. Dès lors, pourquoi ne pas y renoncer ? Disons-le clairement, expliquons à l'opinion qu'il est préférable de mettre fin à la croissance de l'endettement et de la charge de la dette de l'État, car travailler moins compromet nos emplois.
C'est ce que je ferais si j'étais ministre des finances. En effet, l'État ne peut plus supporter une augmentation permanente de sa dette. Quand on ne peut pas payer, on ne paye pas ! Il n'est qu'à dire que nous ne pouvons plus financer les 35 heures ! Sinon nous allons à la faillite.
Mais ce n'est pas tout ! Nous avons également décidé de payer aux entreprises qui utilisent du personnel payé jusqu'à 1,6 fois le SMIC l'augmentation des charges dues aux décisions politiques de hausse de ce salaire. Il s'agit d'une mesure très dangereuse pour notre économie, qui coûte quelque 9 milliards d'euros, ce qui, là encore, n'est pas supportable.
Alors, je voudrais faire une proposition, que j'ai déjà formulée dans cet hémicycle, à l'occasion d'autres débats : pourquoi faire financer par le budget de l'État les charges sociales que les entreprises ne paient pas ? Rien ne nous y oblige ! Nous pouvons supprimer ou réduire les charges des entreprises dans certains cas, mais je ne vois pas pourquoi l'État comblerait le déficit de la sécurité sociale !
Grâce à ma proposition, monsieur le ministre, vous économiseriez d'un coup 9 milliards d'euros, et le déficit de votre budget serait réduit d'autant.
Certes, les pertes de la sécurité sociale augmenteraient en proportion, mais pourquoi ne pas trouver d'autres sources de financement afin de les réduire, comme, par exemple, la création d'un coefficient d'activité ou d'une part de TVA sociale ? Cette dernière proposition, que j'ai déjà eu l'occasion de formuler, n'a pas rencontré un grand succès pour l'instant, mais je souhaiterais tout de même qu'elle soit étudiée à fond.
Je le rappelle, en 1997, voilà seulement neuf ans, toutes ces charges n'existaient pas, à l'exception d'une somme modeste de 197 millions d'euros due à l'exonération liée au dispositif de Robien. À l'époque, notre déficit budgétaire était réduit : il n'y avait ni les 35 heures, ni les charges liées au SMIC, ni ces 19 milliards d'euros d'aides qui, aujourd'hui, compromettent nos activités !
Monsieur le ministre, vous avez maintes fois annoncé, comme le Président de la République, que la lutte contre le chômage constituait votre priorité, et c'est vrai. Or, je vous le rappelle, à l'exception des emplois aidés, qui figurent dans ce budget et dont je voudrais mesurer l'efficacité et le coût, seule la flexibilité du travail, ainsi que, pour les salariés, ce que l'on peut qualifier de « flexsécurité » sont susceptibles de faciliter les embauches.
En effet, quels que soient les adversaires de la flexibilité, qui pointent toujours le risque de la précarité - alors que celle-ci existe de toute façon -, aucune entreprise n'embauchera un salarié si elle ne peut pas le licencier dans le cas où sa charge de travail diminuerait, ce qui, malheureusement, arrive souvent. Les entreprises qui ne peuvent pas licencier n'embauchent pas, et, par conséquent, le chômage augmente.
C'est pourquoi les CNE constituent d'excellentes formules, qui se révèlent très efficaces et créent de vrais emplois ; leur seul inconvénient est d'être limités aux entreprises de moins de vingt salariés. Pourquoi ne pas les étendre aux entreprises qui comptent entre vingt et cinquante salariés, ou même davantage ? Une telle mesure réduirait le chômage, car les entreprises pourraient embaucher.
D'ailleurs, cela ne signifie pas que ces entreprises licencieront au bout de deux ans : une société ne se sépare pas d'un salarié si elle a du travail à lui proposer et s'il fait bien son travail !
M. Marc Massion. Tout cela n'a rien à voir avec le budget !
M. Serge Dassault. Mes chers collègues, je reviens de Chine et je suis inquiet, car à chaque voyage dans ce pays je constate l'extraordinaire croissance, le travail accompli, la multiplication des immeubles modernes, la grande qualité des produits qui sont fabriqués, dans tous les domaines, à un coût réduit, et qui sont prêts à inonder nos marchés.
En Chine, on se sent dans un autre monde. L'activité est tout autre, l'ambiance différente, et j'avoue avoir froid dans le dos quand j'observe notre immobilisme, le retard de nos productions, nos coûts trop élevés, notre peur du changement, la lutte des classes paralysante, qui n'existe pas en Chine (Sourires.),...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le parti communiste chinois a beaucoup changé !
M. Serge Dassault.... et ne subsiste plus qu'en France, nos avantages acquis dont nous n'osons pas nous défaire.
Mes chers collègues, notre situation financière est critique. Il faut arrêter d'accroître nos emprunts et notre déficit, et chacun doit comprendre que ce ne sera pas en voulant conserver ces prétendus avantages acquis que nous résoudrons nos problèmes, loin de là !
Voilà, monsieur le ministre, ce que je voulais vous indiquer. Je vous l'ai déjà dit à plusieurs reprises, mais le temps presse, et il faut agir vite, quels qu'en soient les inconvénients immédiats.
L'année dernière, j'avais tenu à peu près les mêmes propos, sous une forme différente. Vous m'aviez proposé de faire réaliser une étude plus approfondie de mes propositions. Je me tiens toujours à votre disposition (Sourires.), afin d'aller plus loin dans ces domaines fondamentaux pour l'avenir économique et financier de notre pays. Il vaut mieux prendre des décisions qui ne plaisent pas à tout le monde que ne rien faire du tout et aller à la catastrophe !
Monsieur le ministre, je compte sur vous pour poursuivre ce débat. Naturellement, ce n'étaient là que des observations, et je voterai ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'issue de cette discussion générale, permettez-moi de souligner le plaisir que j'ai eu à écouter chacune de vos interventions, qu'elles émanent de la majorité ou de l'opposition d'ailleurs, même si, pour tout vous dire, mes oreilles ont parfois sifflé !
Tout cela m'incite à vous communiquer, sans plus attendre, un certain nombre d'éléments de réponse.
Tout d'abord, monsieur le rapporteur général, je vous remercie de votre présentation lumineuse de ce projet de loi. Je dois dire que la Haute Assemblée a véritablement innové en utilisant dans son hémicycle des écrans, qui permettent de mettre en perspective de manière très didactique l'évolution de nos finances publiques.
D'ailleurs, j'ai trouvé qu'un certain nombre des tableaux que vous avez présentés étaient très élogieux pour la gestion des gouvernements qui se sont succédé depuis le début de cette législature. Certes, d'autres tableaux nous ont montré les progrès qu'il reste à accomplir, mais l'ensemble était plutôt encourageant.
J'ose espérer qu'au vu de ces chiffres, qui reflètent des faits non contestables, l'opposition a éprouvé quelques remords pour ce qui n'avait pas été fait auparavant, et en tout cas qu'elle a trouvé quelques raisons de se laisser convaincre qu'il n'est d'autre solution que la poursuite de la baisse de la dépense publique, la modernisation de la gestion de l'État et la réduction des déficits.
Sans vouloir sortir de mon rôle, je ne saurais trop recommander que ces écrans soient utilisés en d'autres occasions. Je crois que le Gouvernement trouverait quelque utilité à pouvoir s'appuyer sur ces supports, afin d'apporter, lui aussi, un éclairage sur ces sujets.
Dans l'utilisation de ces écrans, il y a un message qui mérite d'être particulièrement relevé : c'est celui de la nécessaire pédagogie.
En effet, nous avons besoin d'évoquer avec nos compatriotes des faits objectifs. C'est sans doute la meilleure manière de faire en sorte que l'économie et l'idéologie divorcent une fois pour toutes, et qu'ainsi, sur la base de faits objectifs, progresse un débat qui nous engage tous et sur lequel se sont largement orientés de très nombreux pays étrangers.
Monsieur de Montesquiou, j'ai été sensible aux propos que vous avez tenus sur la nécessité de procéder à des comparaisons internationales ; j'en suis un fervent militant.
D'ailleurs, j'ai souhaité que ces comparaisons soient l'une des marques de fabrique du club de réflexion que j'ai créé voilà quelques semaines, et qui s'appelle « GenerationFrance.fr », afin de situer dans une perspective internationale les politiques conduites en France.
Monsieur le rapporteur général, vous avez évoqué, à juste titre, « un budget qui ménage l'avenir ». Au travers de cette formule, vous indiquiez que nous nous apprêtions à mettre à la disposition des gouvernements de la prochaine législature des finances publiques saines, conformément à l'esprit de responsabilité qui nous a guidés. Notre objectif est en effet de mettre en oeuvre et de financer les politiques publiques sur lesquelles nous nous sommes engagés, tout en ayant à coeur de ne pas obérer les marges de manoeuvres budgétaires pour l'avenir.
En ce qui concerne les opérateurs, je partage entièrement votre souci de faire du développement des agences de l'État un vecteur de modernisation et de transparence. Je comprends tout à fait votre inquiétude sur ce sujet. D'ailleurs, je vous le confirme, nous veillons à ce que ces opérateurs, qui ont reçu le statut d'agences pour que leurs missions soient mieux identifiées, soient gérés de façon parfaitement transparente. Ils ne participent en aucun cas d'une logique de débudgétisation, qui viserait à faciliter je ne sais quelles dérives des dépenses publiques.
L'objectif est de concentrer l'effort sur des missions prioritaires spécifiques, ce qui est particulièrement important, notamment dans le domaine de la recherche.
D'ailleurs, le nouveau « jaune » budgétaire, qui présente le budget des agences de l'État, permet de disposer enfin d'une vision globale sur ces opérateurs, leurs ressources et leurs emplois, ce qui constitue, me semble-t-il, un progrès important en matière de pédagogie budgétaire.
Enfin, l'un des audits que j'ai lancés porte spécifiquement sur le pilotage et la tutelle des opérateurs, en commençant par la culture,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un bon début !
M. Jean-François Copé, ministre délégué.... ce qui, là encore, devrait fournir un éclairage intéressant.
Monsieur le président de la commission, j'ai apprécié à leur juste valeur les propos que vous avez tenus sur ce budget, car je connais l'exigence qui est la vôtre en la matière, ainsi que celle de M. le rapporteur général, d'ailleurs. D'autant que vous avez eu l'amabilité de reconnaître que ce projet de loi de finances permettait des avancées significatives, même si, chacun le comprend, des progrès restent à accomplir.
Vous avez souligné les enjeux fondamentaux de ce budget : il redonne espoir, il démontre qu'il est possible de faire bouger les lignes, de maîtriser les dépenses, de baisser les impôts, de réduire les déficits.
Si nous obtenons des résultats, c'est parce que nous nous sommes fixé des exigences ambitieuses, par exemple affecter les plus-values de recettes au désendettement, être prudents sur nos prévisions de recettes et, surtout, être transparents. C'est d'ailleurs l'un des apports les plus fondamentaux de la LOLF que d'avoir transformé le budget de l'État en une maison de verre. Le temps où l'on pouvait dissimuler telle ou telle dépense dans des masses illisibles est révolu ! Et, s'il ne l'est pas encore complètement cette année, il le sera très bientôt.
De la même manière, il faudra que le bilan d'ouverture, auquel nous travaillons activement avec la commission des finances, soit le reflet le plus exact et le plus sincère de la situation des comptes, en intégrant fidèlement les créances et les dettes.
Le débat sur les provisions est ouvert ; nous en avons parlé hier en commission. Je considère qu'il nous faut être très vigilants sur nos choix en la matière. Certains nous demandent d'intégrer les provisions sur les risques naturels : cela me paraît difficile, ne serait-ce que parce qu'il n'est pas possible d'anticiper tous les risques naturels. S'agissant de l'intégration des provisions sur les régimes spéciaux de retraite, nous voyons bien les limites de l'exercice : les normes internationales prévoient que les retraites des fonctionnaires de l'État sont hors bilan.
Par ailleurs, je ne voudrais pas que l'on puisse y voir un message de déresponsabilisation. Si l'État affiche qu'il a provisionné tous les risques, d'aucuns se diront : « L'État payera ! », et ils empêcheront ceux qui voudraient engager des réformes de structure d'agir.
Il faudra trancher à cet égard ! Personne ne peut avoir de certitudes, mais je voulais verser cette interprétation au débat.
S'agissant de la certification des comptes, en tout état de cause, il faut que les règles du jeu soient claires ; rien ne serait pire que l'ambiguïté. Je sais que les comptes certifiés le seront avec réserve, ne serait-ce que parce que le certificateur ne pourra pas finir la totalité du travail, compte tenu du délai qui est imparti sur tous les sujets. Nous devons donc avancer progressivement. Il faut le dire, pour ne pas susciter d'inquiétude inutile.
L'autre enjeu, c'est la réforme de l'État : grâce aux audits, elle est en marche. Monsieur le président de la commission des finances, vous avez suggéré d'étendre les audits à la protection sociale. J'avoue ne pas avoir abordé ce sujet avec la commission des affaires sociales, car il m'a paru inutile d'en rajouter sur ces certitudes, qui ne sont rien d'autre que des interrogations vertueuses. Il n'en reste pas moins que, dans ce domaine également, il faudra un jour poser toutes les questions avec sincérité.
La maîtrise des dépenses concerne effectivement tous les acteurs : les collectivités locales, la sécurité sociale, l'État. J'attends beaucoup de la mission confiée à Pierre Richard sur le pilotage et la maîtrise de la dépense locale.
Bref, il s'agit là de sujets nombreux sur lesquels nous allons pouvoir travailler avec intérêt et enthousiasme tout au long de l'examen de ce projet de loi de finances.
M. Jégou m'a paru un peu sévère, notamment en contestant nos hypothèses de croissance
M. François Marc. Il a été réaliste !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. On ne peut pas nous reprocher d'avoir été prudents ! Nous l'avons été l'année dernière, nous le sommes encore cette année, et nous avons bien raison.
Si je n'hésite jamais à être ambitieux dans les autres domaines, je suis toujours très réservé sur les prévisions économiques : je les écoute, je les lis avec beaucoup d'intérêt et d'attention, et je retranche toujours 20 %. C'est finalement une bonne manière d'éviter les mauvaises surprises.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il vaut mieux avoir de bonnes surprises !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le gouvernement de Lionel Jospin avait présenté des prévisions de croissance très optimistes, ce qui explique la situation tout à fait désolante dans laquelle s'est retrouvé notre pays à la fin de l'année 2002 et le déficit excessif.
M. François Marc. Il a fait mieux que vous !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Non, malheureusement, il n'a pas fait mieux que nous ! En revanche, nous avons réparé les dégâts.
M. Jégou a également émis des doutes sur la réalité de la baisse de la dépense de l'État. Sur ce point, je tiens à apporter quelques précisions.
Nous pouvons discuter du périmètre à partir duquel est mesurée l'évolution de la dépense. J'ai d'ailleurs eu ce débat à l'Assemblée nationale avec Charles de Courson, qui appartient à la même famille politique que M. Jégou ; il y a donc là une certaine cohérence ! Mais que l'on ne dise pas que la dépense de l'État ne baisse pas par rapport à l'année dernière : c'est inexact ! Nous avons travaillé sur le même périmètre de dépenses et je suis donc en mesure de confirmer que, pour la première fois depuis très longtemps, la dépense de l'État baisse d'un point par rapport à l'inflation.
Monsieur Foucaud, vous avez été, vous, très sévère !
M. Thierry Foucaud. Pas assez !
M. Aymeri de Montesquiou. Qui aime bien châtie bien ! (Sourires.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous avez absolument tout critiqué ! Pour être franc, je le regrette un peu, car, même si nous ne partageons aucune idée politique, sinon le respect de la République, j'espérais que vous trouveriez quelques aspects positifs à ce projet de loi de finances. En effet, lorsque nous baissons les impôts comme nous le faisons, c'est tout de même au bénéfice du pouvoir d'achat des Français,...
Mme Marie-France Beaufils. Qui en profite ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué.... en particulier de ceux qui paient l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire de ceux qui travaillent.
M. François Marc. Il y a beaucoup de travailleurs pauvres !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je suis persuadé que, parmi eux, certains auraient rêvé de voter communiste, mais, en constatant que vous les critiquez, ils n'ont plus du tout envie de le faire. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Je reconnais que ce n'est pas vous qui avez engagé la baisse de l'impôt sur le revenu. Toutefois, sur ce sujet, vous pouvez pour une fois reconnaître les résultats positifs.
Vous critiquez également l'augmentation de la prime pour l'emploi. Vous semblez oublier que, grâce à cette augmentation, la prime pour l'emploi équivaut maintenant à un treizième mois pour une personne qui gagne le SMIC. Cette mesure ne mérite pas d'être balayée d'un revers de main !
Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est pas la bonne démarche !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Déposez un amendement de suppression !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il est dommage que vous considériez la fiscalité comme une sanction : elle ne sert pas uniquement à « faire payer les riches », comme disait Robin des bois ! Les temps ont changé : aujourd'hui, ce qui compte, c'est que l'impôt serve à financer le service public et qu'il ne soit pas trop lourd pour ne pas casser la croissance, le pouvoir d'achat, l'investissement, et pousser ceux qui le peuvent à quitter la France.
Ne perdons pas de vue que nous avons vocation à nous moderniser en observant ce qui se passe dans les autres pays. Je suis persuadé que les autres partis socialistes et communistes européens ont fait cette analyse et se gardent bien de préconiser en permanence des hausses d'impôt : ils savent qu'ils perdraient alors la matière fiscale et n'auraient plus que leurs yeux pour pleurer, car ce serait alors les plus modestes qui devraient payer pour les autres. Je vous invite à réfléchir à ce paradoxe maintenant que, vous aussi, vous élaborez votre plateforme pour les prochaines élections présidentielles.
Monsieur Angels, je vous connaissais plus calme, plus modéré dans les jugements que vous portez.
M. François Marc. Il l'est toujours ! (Sourires.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Or vous avez prononcé un tel réquisitoire que je ne vous reconnaissais plus !
La réforme fiscale ne trouve pas non plus grâce à vos yeux ! Pourtant, je pourrais vous faire presque la même réponse qu'à M. Foucaud.
Ainsi, vous avez fortement critiqué la prime pour l'emploi. Pourtant, c'est le gouvernement Jospin qui l'a créée !
M. Bernard Angels. Ce n'était pas la même !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Non, vous avez raison, nous avons quadruplé son montant : maintenant, c'est une véritable prime pour l'emploi, qui représente l'équivalent d'un SMIC.
Mme Marie-France Beaufils. C'est une prime aux bas salaires !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ce n'est pas rien pour les gens qui travaillent !
Monsieur Angels, que penseront les 9 millions de bénéficiaires de la prime pour l'emploi lorsqu'ils découvriront qu'ici même, à la tribune du Sénat, l'éminente personnalité socialiste que vous êtes a critiqué cette mesure ? Ils pourraient se demander avec inquiétude si vous supprimeriez la prime pour l'emploi, si jamais une alternance devait avoir lieu et que la gauche revenait au pouvoir, ce que je ne souhaite pas, naturellement, ne serait-ce que pour cette raison.
Cela signifierait une perte de pouvoir d'achat considérable pour les salariés modestes !
M. François Marc. On augmenterait le SMIC de 15 % !
Mme Marie-France Beaufils. Bien sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous augmentez tout le monde !
Mme Marie-France Beaufils. Augmenter les actionnaires ne vous gêne pas !
M. Jean-François Copé, ministre délégué.... vous feriez du SMIC un plafond de verre. Or l'objectif est de permettre de gagner plus que le SMIC. C'est pour nous un élément majeur !
Quant aux comparaisons entre la législature actuelle et la législature précédente, monsieur Angels, je ne sais pas si vous avez raison de vous risquer sur ce terrain glissant. La présentation que nous a faite ce matin le rapporteur général est éclairante : entre 1997 et 2002, le déficit structurel a augmenté de 1,8 point, alors qu'il aura diminué de 1,5 point entre 2002 et 2007. Pourtant, contrairement à nous, le gouvernement de Lionel Jospin a bénéficié d'une croissance exceptionnelle.
À l'heure du bilan, il nous faudra bien mettre ces chiffres en perspective, afin que chaque Française et chaque Français renoncent définitivement aux risques du jury populaire. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
Monsieur de Montesquiou, j'ai écouté avec beaucoup d'attention votre intéressante intervention et j'ai été très heureux de voir que nous accordions la même valeur aux comparaisons internationales. Sur ce sujet, nous avons beaucoup de choses à faire ensemble.
Ainsi, pour mettre en oeuvre les audits, je me suis inspiré des techniques canadiennes. J'avoue n'avoir rien inventé : j'ai observé le travail exemplaire qu'a réalisé ce pays pour maîtriser la dépense de l'État et les résultats spectaculaires qui ont été obtenus.
Dans le domaine des nouvelles technologies, nous nous sommes inspirés de ce qui se fait en Asie, notamment à Singapour, avec l'utilisation d'Internet. Sur ma demande, la Direction générale de la modernisation de l'État a recruté des fonctionnaires étrangers, originaires du Canada, d'Italie, d'Espagne, d'Allemagne, afin de retenir les meilleures pratiques.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cette démarche doit être appliquée à tous les aspects du budget, qu'il s'agisse du bouclier fiscal, expérimenté au Danemark, ou de la refonte du barème de l'impôt sur le revenu, empruntée à l'Espagne.
Faut-il aller plus loin dans ces domaines fiscaux ? Vous avez fait l'éloge de la TVA sociale, de façon plus appuyée, cette fois, que le président de la commission des finances, au point que je me suis demandé si celui-ci n'était pas tout à coup saisi par le doute.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pas du tout ! J'entends dissiper tout malentendu !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Me voilà rassuré ! Pour MM. Arthuis et de Montesquiou, la TVA sociale est donc un combat commun !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !
M. Aymeri de Montesquiou. Quand la mettrons-nous en application ?
M. François Marc. Le débat fait rage !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il nous faut être bien conscients de toutes les conséquences d'une telle mesure ! Nous avons abordé de sujet lors du débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, et je suis persuadé que nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de ce projet de loi de finances.
Monsieur de Montesquiou, vous vous êtes également interrogé sur le rôle des audits dans les effectifs de l'État. Ceux-ci nous ont aidés à déterminer le nombre de fonctionnaires qui ne seraient pas remplacés après leur départ en retraite : cette année, ils seront 15 000. Je peux donc démontrer, au fonctionnaire près, comment, sur la base des audits réalisés, nous avons pris des décisions, qui ont été retenues par le Premier ministre à la suite de la concertation avec l'ensemble des ministres.
Monsieur de Raincourt, je tiens à vous remercier de vos propos, que j'ai écoutés avec beaucoup d'attention : l'éloge que vous avez bien voulu adresser au Gouvernement sur le travail qu'il a accompli m'a touché.
Je connais le rôle d'un groupe majoritaire, qui doit être aux côtés de son Gouvernement et le soutenir. Toutefois, voilà cinq ans que j'exerce des responsabilités ministérielles - certes, à des postes divers, puisque le Président de la République m'a fait l'honneur de m'en confier plusieurs, à la suite et parfois même ensemble (Sourires) -,...
M. Aymeri de Montesquiou. Quel talent !
M. Jean-François Copé, ministre délégué.... et j'ai pu mesurer combien la majorité avait tendance, tout en accordant son soutien au Gouvernement, à exprimer de plus en plus librement son point de vue. C'est bien légitime !
Je sais, cependant, que nous sommes en phase. À titre personnel, je veux vous exprimer, en cet instant, ma satisfaction de pouvoir être totalement en cohérence avec nos valeurs, avec les engagements pris devant la majorité sénatoriale et devant les Français. En fin de législature, il est important de pouvoir présenter un projet de budget allant dans ce sens. La baisse de la dépense de l'État, des impôts, la diminution non négligeable du déficit, à hauteur de 15 milliards d'euros depuis 2003, et la réduction de la dette correspondent à des engagements forts et importants.
Vous avez évoqué, avec raison, les relations entre l'État, les collectivités locales et la sécurité sociale, monsieur de Raincourt. Le Conseil d'orientation des finances publiques a vocation à « mettre les pieds dans le plat », à traiter ce sujet dans le détail. Comme je l'ai indiqué ce matin devant le Congrès de l'Association des maires de France, nous devons lever tous les malentendus et associer davantage les collectivités locales à toutes les décisions prises.
La rémunération de la fonction publique territoriale constitue, en la matière, le bon exemple ; M. Doligé l'a également évoquée. Chacun comprend bien que ne peuvent pas être éternellement prises depuis Paris des décisions ayant des incidences directes sur les budgets des collectivités locales, sans que ces dernières y soient pleinement associées en amont.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dites-le à vos collègues !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. De ce point de vue, nous avons d'ailleurs beaucoup progressé - et je formule cette remarque sous le contrôle de M. Fourcade -, grâce à la commission consultative sur l'évaluation des charges.
Le Gouvernement a une position dépourvue d'ambiguïté vis-à-vis des élus locaux régionaux, départementaux ou communaux pour ce qui concerne les chèques compensatoires qu'il a signés, même au-delà de que prévoit la loi. Je pense, à cet égard, à la compensation du transfert des personnels TOS, du RMI, deux exemples très concrets.
Par ailleurs, chacun comprend que l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, soulève une difficulté majeure. Elle ne résulte pas des lois de décentralisation, puisqu'elle leur est antérieure. En effet, cette allocation est due à une bonne et belle idée de M. Jospin, mais ses modalités de mise en oeuvre présentaient quelques failles. En effet, le gouvernement de l'époque s'était approprié le résultat politique de la mesure et avait simplement demandé aux conseils généraux d'en assumer la charge financière. Je déplore qu'une partie des membres de l'Assemblée des départements de France ne le reconnaisse pas et ne le regrette pas davantage...
Certains critiquent la gestion gouvernementale et départementale du RMI. J'aimerais qu'ils consacrent au moins autant de temps à parler de l'APA, comme vous l'avez fait avec justesse, messieurs de Raincourt et Doligé.
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Collin, je vous ai écouté avec attention. Vous avez souligné, à juste titre, que la France devait inscrire sa politique économique dans le cadre européen.
En vous entendant parler de l'assainissement des finances publiques, de la mise en oeuvre de réformes de structure, de l'adaptation de notre fiscalité, j'ai presque espéré que vous nous annonciez que vous voteriez ce projet de budget. Finalement, votre conclusion fut inverse. C'est la vie ! Mais j'espère pouvoir vous convaincre d'ici à la fin de la discussion budgétaire.
Puis-je formuler le même voeu à votre égard, madame Beaufils ? Je ne sais pas. Vous avez eu des propos très durs. Lorsque vous êtes montée à la tribune, je me suis demandé si vous seriez aussi intransigeante que M. Foucaud. Et tel fut le cas !
Mme Marie-France Beaufils. Nous partageons les mêmes choix !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Certes, mais des différences de sensibilité, des tendances peuvent parfois apparaître. Or, il n'en fut rien. Vous avez été dure, sans concessions...
M. Thierry Foucaud. Vous êtes déçu ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous avez indiqué que, selon vous, la fiscalité n'a qu'une vocation redistributive. Mais cela ne suffit pas. Certes, je partage votre point de vue : l'impôt doit être juste et la redistribution est majeure, mais elle ne saurait à elle seule tenir lieu de politique fiscale. L'impôt doit aussi inciter à l'investissement, à la consommation, à l'exportation ; il doit être un moteur de la croissance économique, faute de quoi cette croissance n'est pas au rendez-vous.
Mme Marie-France Beaufils. Elle ne l'est pas !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Dans un tel cas de figure, la taille du « gâteau » que l'on se partage diminue, au détriment des Français les plus fragiles.
Monsieur Doligé, je vous connais bien et je vous apprécie beaucoup, mais je sais qu'il peut vous arriver d'être un peu sévère !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Or, j'ai été très heureux d'entendre vos encouragements, et je vous en remercie. Vous avez employé le mot « partenariat » pour qualifier les relations entre l'État et les collectivités locales, mot que j'approuve. Je ne peux que vous renouveler mon souhait de continuer à travailler ensemble pour améliorer lesdites relations, notamment dans le cadre du conseil d'orientation des finances publiques, qui doit être l'occasion de tout se dire.
En ce qui concerne le transfert des TOS, la commission consultative d'évaluation des charges, comme vous le savez, a fait un important travail d'évaluation. Je souhaite que ce travail soit approfondi et je pense que nous arriverons à trouver un accord, car nous avons bien avancé sur ce sujet. Chacun doit savoir que l'État honorera ses engagements en la matière.
En fait, le réel problème auquel je suis confronté est le malentendu qui existe entre l'État et les collectivités locales. En effet, l'État, de bonne foi, pense avoir honoré ses engagements, tandis que les collectivités locales estiment que le compte n'y est pas. Pour dissiper ce malentendu profond, nous devons mettre les choses à plat. Ce sera certainement l'un des chantiers importants que nous devrons mener dans les mois et les années à venir. Aujourd'hui, grâce à la décentralisation, à la LOLF et à l'évolution considérable des relations entre les uns et les autres, les conditions sont réunies pour y parvenir.
Les montants inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2007 seront modifiés lors des débats qui vont avoir lieu au Sénat, pour tenir compte des dernières données chiffrées disponibles et du choix qu'ont effectué les personnels TOS de rejoindre ou non les conseils généraux.
En tout état de cause, la commission consultative d'évaluation des charges doit continuer à travailler pour affiner ses modes de calcul, pour ce qui concerne tant les TOS que l'ensemble des transferts de charges. Telle est sa vocation, qu'elle assume remarquablement, dans un contexte consensuel.
Il faut mettre un terme au système unilatéral par lequel l'État fait peser un certain nombre de charges sur les collectivités locales. M. le Président de la République a lui-même montré la voie dans ce domaine, lors du discours qu'il a prononcé devant les maires de France voilà quelques jours ; il a prôné l'association des élus aux négociations salariales dans la fonction publique territoriale. Par ailleurs, la mission de Pierre Richard doit nous éclairer sur ce point.
M. Henri de Raincourt. Et les sapeurs-pompiers !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Effectivement monsieur de Raincourt, les sapeurs-pompiers sont également concernés. Je souhaite, d'ailleurs, formuler une remarque à ce sujet.
Vous pouvez constater, avec la provision pour leur régime de retraite, à quel point l'idée selon laquelle l'État doit payer pose un vrai problème d'équité, de transparence, de lisibilité des politiques publiques. Le partage des charges relatives aux sapeurs-pompiers entre l'État et les collectivités départementales est un vaste sujet, qui devra être étudié avec sérieux.
Monsieur Dassault, j'ai apprécié votre intervention. Par avance, j'en avais largement deviné la teneur, car vous aviez déjà eu l'occasion d'appeler avec force et talent mon attention sur les sujets qui vous préoccupent.
D'office, vous avez pris le problème du déficit à bras-le-corps. Vous avez estimé que, s'élevant à 41 milliards d'euros, il était très important. Je veux cependant appeler votre attention sur le progrès réalisé. À certains égards, l'État est une sorte d'entreprise. Mais si l'on veut effectivement mobiliser les troupes, faire du management participatif, on ne peut pas simplement prendre en considération le verre à moitié vide ; il faut parfois regarder le verre à moitié plein, surtout lorsqu'il n'a pas été totalement bu... On s'aperçoit alors que les progrès réalisés méritent d'être soulignés, car ils permettent d'encourager les troupes.
S'il est vrai qu'actuellement le déficit s'établit à 41 milliards d'euros, il s'élevait à 56 milliards d'euros en 2002. Par conséquent, il a été réduit de 15 milliards d'euros. Cette diminution est suffisamment spectaculaire pour devoir être soulignée, alors que les quatre dernières années n'ont pas connu une forte croissance.
Vous avez également évoqué les ravages provoqués par les 35 heures dans notre économie. Nous connaissons bien ce sujet. Il a donné lieu à de nombreux débats, que ce soit au sein de la majorité ou avec la gauche, qui, comme cela a été rappelé, n'y est pas toujours aussi favorable que l'on pourrait le penser. Mais le mal est fait.
Monsieur le sénateur, votre proposition, qui consiste à revenir sur le financement des charges sociales et de sécurité sociale par l'État, doit faire l'objet d'un vaste débat, que je ne souhaite pas esquiver. Mais il s'agit d'un débat de société, qui ne doit pas simplement se dérouler dans cet hémicycle. Nous devons le mener avec les Français et - pourquoi pas ?- lors de la campagne pour l'élection présidentielle.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce serait une bonne idée !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. En effet, bien des considérations doivent être prises en compte, notamment le financement et l'avenir de notre modèle social. Il convient de déterminer qui paie quoi, qui fait quoi, qui doit bénéficier de quoi, qui doit assurer en dernier ressort. Est-ce l'assurance, l'assistance, la solidarité ? Sur ces sujets, chacun d'entre nous, dans cet hémicycle, a un point de vue différent. Il est donc essentiel, à l'évidence, de les traiter au fond.
Quand à s'attaquer aux dépenses inutiles, je partage bien volontiers votre opinion. C'est tout le sens des audits, dont il résulte que 3 milliards d'euros d'économie pourront être réalisés cette année.
Pour ce qui concerne le pouvoir d'achat, la conférence sur l'emploi et les revenus, qui aura lieu le 14 décembre prochain, doit être l'occasion d'en débattre. J'espère que l'on pourra saisir cette opportunité pour l'évoquer en détails.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les réponses que je voulais vous apporter. Je veux vous renouveler mes remerciements pour la qualité des propos que vous avez tenus ; certains étaient un peu sévères, mais d'autres étaient élogieux, et j'y ai été sensible.
C'est de très bon augure pour le début de cette discussion budgétaire, qui s'annonce passionnante et qui nous permettra d'évoquer les sujets du présent et de l'avenir, ce qui est particulièrement enthousiasmant à quelques mois de l'élection présidentielle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, je veux dissiper tout malentendu. Je suis résolument convaincu que nous devons nous préparer à étudier la TVA sociale.
Ce matin, j'ai écouté attentivement M. Thierry Breton. Il a évoqué l'augmentation, au 1er janvier 2007, de la TVA en Allemagne et le bon niveau de la consommation dans ce pays ; nos voisins auraient aujourd'hui tendance à surconsommer. J'avais l'impression que M. le ministre de l'économie exprimait un certain scepticisme.
À mon avis, ce n'est pas une bonne façon d'appréhender la réforme souhaitable. On ne peut pas continuer à vivre dans la mondialisation et à faire peser sur le travail des cotisations qui n'ont plus lieu d'être.
Si, un jour, on peut discuter des cotisations sociales en même temps que des impôts, autrement dit, de l'ensemble des prélèvements, on y gagnera en clarté. La pédagogie à l'égard de nos compatriotes s'en trouvera singulièrement améliorée.
Monsieur le président, je veux faire remarquer à la Haute Assemblée que les amendements déposés sur la première partie du projet de loi de finances sont sensiblement moins nombreux cette année que l'an passé. Dans ces conditions, nous pourrions organiser différemment nos travaux et ne pas siéger demain soir, comme cela était prévu.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà une heureuse nouvelle !
M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, je vous donne acte de votre déclaration.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Conformément au souhait émis par M. le président de la commission des finances, nous ne siégerons ni ce soir, ni demain soir.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo Cohen-Seat et Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° I-56, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2007 adopté par l'Assemblée nationale (n° 77, 2006-2007).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la motion.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'INSEE a confirmé mardi la panne de la croissance française au troisième trimestre, malgré une consommation des ménages encore vigoureuse, alors que le Gouvernement pronostique un « très bon quatrième trimestre » et table toujours sur 2 % à 2,5 % pour l'ensemble de l'année. La croissance est pourtant restée « clouée au sol » - 0,0 % - au troisième trimestre, selon la deuxième estimation de l'INSEE qui vient confirmer le chiffre publié le 10 novembre. Après une progression du PIB de 1,2 % au trimestre précédent, c'est une douche froide !
La consommation, principal moteur de la croissance française, n'a pas suffi cette fois à la sortir de l'ornière, malgré une hausse de 0,6 % des dépenses des ménages. Les mauvaises nouvelles sont venues du déstockage réalisé par les entreprises e,t surtout, du commerce extérieur : pour la première fois depuis le premier trimestre 2005, les exportations françaises ont en effet baissé, ce qui constitue, pour M. Alexander Law, du cabinet d'études sectorielles Xerfi, « la plus désagréable nouvelle » parmi les différentes causes avancées pour expliquer ce trou d'air de la croissance française.
De son côté, M. Nicolas Bouzou, du cabinet Asteres, estime que « c'est vraiment le déficit désormais structurel de compétitivité de l'économie française qui ressort des chiffres » publiés mardi. Il rappelle que « toutes les branches manufacturières ont vu leur activité reculer » au troisième trimestre et que « la palme du décrochage revient à l'automobile ». Il juge « difficile, dans ce contexte, d'investir », ce que confirment d'ailleurs les chiffres, la croissance des investissements des entreprises non financières ayant en effet connu une forte décélération - 0,8 % seulement ce trimestre, contre 2,2 % au trimestre précédent. Cela constitue, pour M. Bouzou, le signe d'un « comportement défensif ».
Pour sa part, M. Marc Touati, économiste chez NatIxis, loin d'opposer la bonne performance du deuxième trimestre et la mauvaise qui a suivi, relève que, hors stocks, « la croissance française a été identique au deuxième et au troisième trimestre, en l'occurrence 0,3% ». C'est dire, selon lui, « combien la France est loin de la vigueur économique ».
Dans une analyse publiée mardi par le quotidien La Tribune, M. Patrick Artus, directeur de la recherche et des études chez Ixis-CIB, rappelle que la consommation est liée à « la progression très rapide des crédits aux ménages » et que « la croissance française n'aurait été que de 1 % en 2006 si le taux d'endettement des ménages était resté stable ».
Quant à M. Nicolas Bouzou, il avertit : « le modèle actuel de croissance français, basé sur une perte de compétitivité rampante et une consommation dynamique, n'est pas tenable à terme ».
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il a raison !
M. Bernard Vera. Cette situation ainsi décrite par une récente dépêche d'agence de presse suffit amplement à démontrer que le projet de loi de finances est, pour une bonne part, fondé sur des données parfaitement virtuelles.
Comme nous l'avons souligné lors de la discussion générale, la situation économique et sociale de notre pays n'est pas satisfaisante et porte en germe de nouvelles difficultés dont les victimes, en dernière instance, sont d'ores et déjà identifiées : ce sont tous ceux qui, depuis de longues années, subissent de plein fouet le développement de la précarité de l'emploi, la réduction du pouvoir d'achat en termes réels, l'aggravation des inégalités sociales et des discriminations en tout genre, ainsi que le déclin de la dépense publique.
Les victimes des choix opérés par le projet de loi de finances, je les rencontre tous les jours dans mon département : ce sont les salariés soumis aux plans sociaux dans leurs entreprises ; les jeunes exclus du monde du travail ; les travailleurs immigrés, dont les droits ne sont pas reconnus ; les familles modestes, qui sont pénalisées par les impôts et la hausse des prix ; enfin, les « mal logés », qui attendent depuis de trop longues années que le droit au logement devienne réalité.
Quel décalage entre ces urgences sociales et économiques et le contenu du projet de loi de finances que vous nous présentez, monsieur le ministre !
En guise de réponse au problème du pouvoir d'achat, vous ne proposez que l'augmentation de la prime pour l'emploi, qui représente un versement moyen de 40 euros par mois, et le développement de la participation ! Il existe pourtant un moyen très simple d'assurer la progression du pouvoir d'achat : relever le SMIC de manière significative et procéder au dégel du traitement indiciaire des fonctionnaires, à qui vous accordez généreusement, ce mois-ci, quatre euros de majoration ! Nous pourrions présenter d'autres orientations pour ce projet de loi de finances.
Permettez-moi d'ailleurs, mes chers collègues, de citer un avis autorisé sur le contexte économique dans lequel nous nous trouvons, extrait du site personnel de M. le président de la commission des finances : « Pour la quatrième année consécutive, la croissance mondiale va dépasser 4 %. Alors que les entreprises du CAC 40 affichent des résultats sans précédent - 80 milliards d'euros -, la croissance française stagne autour de 2 % et le chômage ne régresse que grâce aux emplois publics du « plan Borloo ». En fait, les sociétés du CAC 40 opèrent au plan mondial, investissent, créent des emplois et réalisent leurs bénéfices hors de France. En poussant le trait à l'extrême, elles sont sorties de l'économie nationale. Certaines disposent d'une trésorerie si pléthorique qu'elles sont tentées de racheter leurs propres actions. La finance ne finance plus l'économie nationale, elle finance la finance ! ».
Oui, les profits des entreprises du CAC 40 n'ont jamais été aussi élevés ! Ceux d'Accor ont augmenté de 54 % au premier semestre ; ceux d'Axa, de 20 % - 2,73 milliards d'euros - ; ceux de l'Oréal, de 22 % - 1,08 milliard d'euros - ; ceux de LVMH, de 46 % - 820 millions d'euros - ; ceux de Sanofi Aventis, de 33,6 % - 3,96 milliards d'euros - ; ceux de Suez, de 39,5 % - 2,2 milliards d'euros - ; ceux de Total, de 13 % - 7,12 milliards d'euros - ; et, enfin, ceux de Vivendi, de 48,1 % - 1,86 milliard d'euros.
L'ensemble des entreprises du CAC 40 ont vu leurs profits croître au premier trimestre 2006 de 49,8 milliards d'euros, soit plus que le déficit budgétaire prévisible et pratiquement autant que le produit attendu de l'impôt sur les sociétés. Cette progression s'ajoute à celle de 23 % qui avait été enregistrée pour l'année 2005, déjà considérée alors comme exceptionnelle !
Que l'on ne s'y trompe pas, la bonne santé des rentrées fiscales de l'Etat que nous attendons pour 2006 n'est donc qu'un paradoxe au regard d'une situation dont bien des éléments indiquent clairement que nous sommes près d'un retournement de conjoncture économique.
Si nous n'y prenons garde, nous allons continuer de connaître, en France, cette accumulation infinie de capitaux et de moyens destinés à être gaspillés dans des aventures financières, comme, par exemple, ces opérations de retrait-destruction d'actions - ce que Total fait avec le tiers de son résultat net annuel depuis plusieurs années -, tandis que avec les opérations de fusion-acquisition et leur cortège de plans sociaux, on continue d'externaliser les coûts, de liquider des emplois et de délocaliser tout ou partie des capacités de production.
M. Jean Arthuis. Mais pourquoi les entreprises délocalisent-elles ?
M. Bernard Vera. Ce monde de la finance et du capital n'a pas de morale. Son seul credo consiste à valoriser toujours plus, et par tous les moyens, l'investissement initial, fût-ce au prix de l'emploi, des conditions d'existence des salariés et de leurs familles, de l'équilibre et du développement des territoires et, in fine, de l'argent public, dont il s'avère grand consommateur pour la défense de ses intérêts.
M. Bernard Vera. Or, le projet de loi de finances pour 2007, déjà largement obéré par les dispositions votées pour 2006 et par toutes celles qui sont contenues dans les lois de finances promulguées depuis le début de la législature, ne prévoit rien d'autre que quelques mesures d'accompagnement et l'inacceptable primauté du capital et de ses intérêts sur l'intérêt général, compris au sens de celui de la majorité des habitants de ce pays.
Le MEDEF s'insurge contre les efforts demandés aux entreprises au titre de l'impôt sur les sociétés ; la facture s'élèverait à 800 millions d'euros de charges fiscales nouvelles. Pour bien en mesurer le caractère confiscatoire, je vous invite, mes chers collègues, à rapprocher cette somme des 50 milliards d'euros de profits cumulés par les seules entreprises du CAC 40 au premier semestre 2006...
Financiarisation pour financiarisation, les dernières années ont été marquées par une progression sensible des revenus du capital et du patrimoine. Cette progression participe, d'ailleurs, de la hausse du pouvoir d'achat des ménages à laquelle on tente, depuis quelques mois, de nous faire croire. Mais les faits sont là : si l'on en croit les données fournies par l'administration fiscale elle-même, les revenus les plus dynamiques ces dernières années sont ceux qui sont tirés du capital et du patrimoine.
S'agissant de l'évolution des revenus, entre 2003 et 2004, le montant moyen du salaire annuel imposable n'a progressé que de 2,1 % en un an et cette progression est encore moindre si l'on prend en compte les contrats spécifiques et les emplois étudiants des enfants à charge.
Le montant moyen de la pension ou de la retraite imposable a augmenté de 3 % sur la même période, sans doute parce que les retraités de ces dernières années sont ceux dont la carrière professionnelle est complète.
En revanche, le revenu foncier net a progressé de 3,1 %, les revenus de capitaux mobiliers ont crû de 3,6 % et les revenus tirés de plus-values de cession d'actifs ont littéralement explosé, avec une hausse de 55 % en douze mois !
Ce sont trois milliards d'euros de plus qui ont été ainsi récupérés par tous ceux - ils ne sont pourtant pas bien nombreux, tout juste 300 000 - qui tirent du « boursicotage » et de la spéculation foncière et immobilière l'essentiel de leurs revenus quotidiens...
Toutes les études le prouvent : nous connaissons mal dans notre pays la réalité des patrimoines et des fortunes, si ce n'est par la photographie imparfaite que nous en offre l'impôt de solidarité sur la fortune, dont le nombre de redevables ne cesse de progresser !
Songez, par exemple, mes chers collègues, que le patrimoine détenu par les seuls ménages assujettis à l'ISF à Neuilly-sur-Seine représente 18,1 milliards d'euros pour l'année 2005 et que le patrimoine détenu par les assujettis domiciliés dans les VIe, VIIe, XVe et XVIe arrondissements de Paris constitue un ensemble de 81,5 milliards d'euros, soit pratiquement deux fois le montant du déficit budgétaire prévu !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous avez de bonnes informations ! Des sources internes, sans doute ?
M. Bernard Vera. Bien entendu, je ne confonds pas patrimoine et revenus, ou stock et flux, mais la réalité est claire et nette : les inégalités sociales s'accroissent dans notre pays et l'essentiel de la richesse produite par le travail du plus grand nombre est littéralement captée par une infime minorité de contribuables.
Et que nous propose-t-on de faire, avec la discussion de ce projet de loi de finances ? De procéder, encore et toujours, à des aménagements législatifs destinés à alléger l'imposition du patrimoine, du capital, de la fortune ! Comme si le sort des 400 000 personnes assujetties à l'ISF devait primer sur celui des 27 millions de personnes percevant des revenus salariaux !
Les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen ont, comme nous l'avons indiqué dans la discussion générale, une tout autre conception de la fiscalité et de l'action publique qui s'adosse au produit de cette fiscalité.
Les années qui viennent de s'écouler sont celles du développement des inégalités sociales, de l'allégement des obligations fiscales des plus fortunés et des plus grandes entreprises, du gaspillage des deniers publics dans de très coûteux dispositifs sans résultat avéré ni évalué sur la croissance et le développement de l'emploi.
M. André Trillard. C'est faux !
M. Bernard Vera. Ce projet de loi de finances pour 2007 ne déroge pas aux orientations imprimées par les lois équivalentes et que nous avons combattues sans la moindre ambiguïté depuis 2002.
Le Parlement n'a pas, à notre sens, à se résoudre à débattre de la loi de finances sous l'emprise étroite du simple accompagnement du jeu mené par le capital contre l'intérêt général et le bien de la nation. Nos travaux ne sauraient consister à faire droit aux seules aspirations d'une infime minorité de privilégiés.
Mes chers collègues, le projet de loi de finances qui nous est proposé pour 2007 ne fera qu'aggraver les inégalités dans notre pays et n'est nullement à la hauteur des enjeux. Non seulement il n'y a pas lieu d'en débattre, mais il est urgent de proposer un autre projet de budget fondé sur la priorité accordée aux êtres humains et non au capital, un budget de reconquête économique et sociale, un budget dans lequel l'égalité et la solidarité seront respectées.
C'est pourquoi je vous propose d'adopter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Permettez-moi tout d'abord de souligner que, compte tenu du grand intérêt de l'exposé que nous venons d'entendre - même si, bien sûr, je n'en partage pas la finalité -, il serait dommage que des arguments de cette nature ne soient pas explicités au cours du débat. Or, si nous votions cette motion tendant à opposer la question préalable, le débat s'arrêterait là. Nous nous priverions de la convivialité de cet hémicycle et du plaisir de confronter nos arguments dans une atmosphère directe et constructive, pendant plusieurs jours, ce qui serait certainement regrettable.
Donc, pour cette raison, mais compte tenu aussi de la qualité des travaux préparatoires que nous avons réalisés, et auxquels l'ensemble des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis ont pris part au cours de ces derniers mois, je crois que l'adoption d'une telle motion créerait une frustration bien compréhensible.
Au demeurant, chers collègues du groupe CRC, j'entendais tout à l'heure en commission Mme Marie-France Beaufils s'exprimer sur un amendement, traduisant son investissement dans sa tâche de rapporteur spécial. Si nous voulons que le Parlement soit associé réellement au consentement à l'impôt, au contrôle de la dépense publique, il faut que l'examen de ce projet de loi de finances aille jusqu'à son terme.
Vous ne serez donc pas surpris que la commission émette un avis tout à fait défavorable sur la motion que vous avez présentée.
Monsieur Vera, permettez-moi également de m'étonner de certains des propos que vous avez tenus et des chiffes que vous avez cités.
Vous avez, en ce qui concerne l'impôt sur la fortune, donné des évaluations des patrimoines de personnes résidant dans telle commune ou tel arrondissement de Paris. Je ne suis pas certain que ces données soient publiques. Les citer ainsi dans un hémicycle n'est pas conforme aux usages et je m'étonne de l'utilisation de ces données chiffrées. En effet, si, en vertu du système fiscal en vigueur et selon le principe énoncé dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, chacun doit une contribution aux charges collectives en fonction de ses capacités, pour autant, ce système doit être géré de manière que les droits individuels soient respectés et que la contribution aux charges communes ne se traduise pas par une inquisition visant à montrer du doigt telle localité ou telle catégorie de la population.
M. Éric Doligé. Voilà le jury populaire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis donc surpris des indications que vous avez données. Sans doute poursuivrons-nous cet échange à l'occasion de l'examen des articles du projet de loi de finances si la présente motion n'est pas adoptée, ce que la commission, je le répète, souhaite vivement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. M. le rapporteur général a fort bien parlé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, imaginez combien serait grande la frustration du ministre délégué au budget si, après tous ces mois de travail, de discussions avec ses collègues, de résultats obtenus à la force du poignet, arrivant à la dernière étape, après l'Assemblée nationale, au moment où l'on va débattre de questions essentielles et notamment répondre aux critiques qui viennent d'être formulées, votre assemblée décidait tout à coup qu'il ne faut pas discuter de ce projet de budget ! Ce serait insoutenable, au point même que je préfère ne pas imaginer la scène ! (Sourires.) C'est vous dire combien je souhaite que vous rejetiez cette motion.
Je souscris également aux propos de M. le rapporteur général s'agissant de la divulgation de chiffres relatifs au patrimoine des contribuables domiciliés dans plusieurs arrondissements de Paris. J'ai bien compris qu'il y avait derrière la remarque de M. Vera une volonté de les fustiger. (M. Bernard Vera et Mme Marie-France Beaufils font un signe de dénégation.)
Sur le fond, comme sur la forme, je suis très choqué.
Sur le fond, contrairement à vous, monsieur Vera, je ne crois pas qu'il y ait des bons et des mauvais Français.
M. Bernard Vera. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il y a des Français qui contribuent à due concurrence de leurs capacités et cette manière de les livrer ainsi à la vindicte est tout à fait choquante !
Sur la forme, je me demande comment vous avez pu vous procurer des informations qui ne devraient pas pouvoir être divulguées comme elles l'ont été. En tout cas, cela m'a également surpris.
J'invite donc votre assemblée à repousser cette motion.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Chers collègues du groupe communiste républicain et citoyen, à quoi correspond ce rituel d'une question préalable ? Hormis le fait qu'elle est une occasion de prendre la parole, je m'interroge sur la signification que vous lui donnez.
Vous souhaitez qu'il ne soit pas discuté de la loi de finances et qu'il n'y ait pas de budget, alors que, pendant des semaines, Mme Beaufils et M. Vera ont participé à la préparation de la discussion. En outre, cette motion est systématiquement repoussée, chaque année. Je me demande donc ce qu'elle apporte à notre débat et aux procédures parlementaires au moment où nous nous interrogeons sur l'efficacité du Parlement et la lisibilité de ses travaux. Je mesure mal la portée de cet acte rituel, qui me paraît, en quelque sorte, encombrer le débat parlementaire. C'est, en tout cas, mon avis personnel.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président de la commission des finances, vous le savez bien, les modifications apportées par la LOLF à la discussion du projet de loi de finances ont eu pour conséquence de considérablement réduire les temps de parole. Nous ne pouvons donc pas approfondir, comme il serait souhaitable de le faire, certains sujets, et cette question préalable est le seul outil dont nous disposons pour développer nos arguments.
Comme Mme Hélène Luc l'a encore souligné ce matin, lors de la discussion générale, les temps de parole sont très brefs et les possibilités d'amender de plus en plus réduites. Cette question préalable est donc une façon d'exprimer que nous aimerions débattre d'un autre projet de budget, mais vous le savez bien puisque nous l'avons déjà indiqué en plusieurs autres occasions.
M. le président. La parole est à M. Marc Massion, pour explication de vote.
M. Marc Massion. Le groupe socialiste ne participera pas au vote sur cette motion.
En effet, même si nous portons, nous aussi, un jugement sévère sur le projet de budget tel qu'il nous est présenté, nous avons participé effectivement, grâce au travail de nos collègues rapporteurs spéciaux et par le dépôt d'amendements, à sa préparation. Nous souhaitons donc pouvoir l'amender et faire jouer la mécanique parlementaire, même si nous ne faisons pas trop d'illusions sur le sort qui sera réservé à nos amendements !
M. Marc Massion. La procédure de la question préalable, qui vise à arrêter le débat, ne nous semble donc pas la meilleure solution pour juger de ce budget. Nous aurons l'occasion d'y revenir.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Comme je suis un indéfectible optimiste,...
Mme Marie-France Beaufils. Nous aussi !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... je voudrais tenter de convaincre Mme Beaufils, M. Vera et nos collègues membres du groupe CRC.
M. Massion vient de le rappeler, la LOLF nous offre des moyens sans précédent pour essayer de faire bouger le budget.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Elle nous permet de déposer des amendements, puis d'en débattre.
Je vous prie de m'en excuser, mes chers collègues, mais j'ai bien écouté notre collègue Bernard Vera et je n'ai pas le sentiment qu'il ait beaucoup fait évoluer la pensée collective sur le contenu du présent projet de loi de finances en exprimant ce qu'il vient d'exprimer à la tribune du Sénat !
Pardonnez-moi, mais les déclarations de ce type sont quelque peu incantatoires. Or, nous le sentons bien, les uns et les autres, pour que les choses changent, pour qu'elles bougent, nous devons coller à la réalité.
La LOLF nous permet d'examiner les crédits des programmes et des actions sur chaque mission. Là, nous sommes bien dans le concret.
En effet, avec ce dispositif, vous vous livrez à des travaux de contrôle sur pièces et sur place. Ensuite, vous pouvez venir vous exprimer à la tribune du Sénat avec vos convictions, parce que vous êtes allés observer la réalité du terrain. Vous pouvez alors exprimer et justifier votre désaccord avec le ministre et exposer les raisons pour lesquelles vous refusez de voter les crédits qui sont alloués à telle ou telle action.
À mon sens, il s'agit d'un rôle sans précédent pour le Parlement. Dans la mesure où ce dernier a été institué pour le consentement à l'impôt et le vote du budget, il serait dommage qu'il renonce à assumer ses prérogatives en adoptant la présente motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Monsieur Vera, la motion n° I-56 est-elle maintenue ?
M. Bernard Vera. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° I-56, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 57 :
Nombre de votants | 224 |
Nombre de suffrages exprimés | 224 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 113 |
Pour l'adoption | 23 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.
8
NOMINATION DE MEMBRES D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié.
La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : M. Nicolas About, Mme Isabelle Debré, MM. Serge Dassault et Alain Dufaut, Mme Catherine Procaccia, MM. Jean-Pierre Godefroy et Roland Muzeau.
Suppléants : MM. Paul Blanc, Guy Fischer, Mme Annie Jarraud-Vergnolle, M. André Lardeux, Mme Janine Rozier, MM. Bernard Seillier, Jean-Marie Vanlerenberghe.
9
DÉsignation D'UN SÉNATEUR en mission
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date de ce jour par laquelle il a fait part au Sénat de sa décision de placer en mission temporaire auprès du ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Dominique Mortemousque, sénateur de la Dordogne.
Cette mission porte sur l'évolution des assurances récoltes.
Acte est donné de cette communication.
10
DÉPÔT D'UN PROJET DE LOI
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à une coopération en matière de destruction des stocks d'armes chimiques en Fédération de Russie.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 87, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
11
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Claude Biwer une proposition de loi visant à autoriser la création de zones franches rurales.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 84, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu de M. Pierre Jarlier une proposition de loi relative aux contrats d'assurance de protection juridique.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 85, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu de M. François Zocchetto une proposition de loi visant à réformer l'assurance de protection juridique.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 86, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
12
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil prévoyant l'admission en exonération des droits de douane de certains principes actifs portant une « dénomination commune internationale » (DCI) de l'Organisation mondiale de la santé et de certains produits utilisés pour la fabrication de produits pharmaceutiques finis et modifiant l'annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3325 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil sur la mise en oeuvre du 10e Fonds Européen de Développement.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3326 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 234/2004 du Conseil imposant certaines mesures restrictives à l'égard du Libéria et abrogeant le règlement (CE) n° 1030/2003.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3327 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Livre blanc sur l'amélioration du cadre régissant le marché unique des fonds d'investissement.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3328 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au dispositif de direction des tracteurs agricoles ou forestiers à roues (version codifiée).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3329 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil concernant des mesures restrictives à l'encontre de la République populaire démocratique de Corée.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3330 et distribué.
13
DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Philippe Marini, rapporteur général, un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (n° 77, 2006-2007).
Le rapport sera imprimé sous le n° 78 et distribué.
14
DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Henri Torre un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le logement en outre-mer.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 88 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Joël Bourdin un rapport d'information fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification sur les perspectives macro-économiques et les finances publiques à moyen terme (2007-2011).
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 89 et distribué.
15
DÉPÔT D'avis
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de MM. David Assouline, Jacques Legendre, Philippe Nachbar, Serge Lagauche Ambroise Dupont, Philippe Richert, Mmes. Françoise Férat, Annie David, MM. Louis de Broissia, Pierre Laffitte, Jean-Léonce Dupont, Bernard Murat et Pierre Martin un avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (n° 77, 2006-2007).
L'avis sera imprimé sous le n° 79 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de MM. Gérard César, Jean-Marc Pastor, Gérard Delfau, Pierre Hérisson, Gérard Cornu, Roland Courteau, Jean Bizet, Claude Lise, Christian Gaudin, Jean-Paul Alduy, Dominique Mortemousque, MM. .Henri Revol, Bernard Piras, Daniel Soulage, Mme Michelle Demessine, MM. Georges Gruillot, Charles Revet, Jean-François Le Grand, Alain Gérard, Pierre André, Thierry Repentin et Michel Bécot un avis présenté au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (n° 77, 2006-2007).
L'avis sera imprimé sous le n° 80 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-Guy Branger, Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Paulette Brisepierre, MM. Xavier Pintat, André Dulait, Philippe Nogrix, André Boyer, Didier Boulaud et Jean Faure un avis présenté au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (n° 77, 2006-2007).
L'avis sera imprimé sous le n° 81 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de Mmes Janine Rozier, Anne-Marie Payet, MM. Dominique Leclerc, Alain Milon, Gilbert Barbier, Paul Blanc, Louis Souvet et Mme Valérie Létard un avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (n° 77, 2006-2007).
L'avis sera imprimé sous le n° 82 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de MM. Bernard Saugey, Jean-Patrick Courtois, Charles Guené, Philippe Goujon, Nicolas Alfonsi, Yves Détraigne, Simon Sutour, José Balarello, Mme Jacqueline Gourault et M. Christian Cointat un avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (n° 77, 2006-2007).
L'avis sera imprimé sous le n° 83 et distribué.
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ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 24 novembre 2006, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 77 et 78, 2006-2007) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation).
Première partie. - Conditions générales de l'équilibre financier :
- Articles 1er à 33 et état A.
Aucun amendement aux articles de la première partie de ce projet de loi de finances n'est plus recevable.
Délai limite pour les inscriptions de parole
Débat sur les recettes des collectivités territoriales ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 27 novembre 2006, à dix-sept heures
Débat sur le prélèvement européen ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 28 novembre 2006, à dix-sept heures.
Débat sur les effectifs de la fonction publique ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 28 novembre 2006, à dix-sept heures.
Débat sur l'évolution de la dette de l'État ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 28 novembre 2006, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD