compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉClaration de l'urgence d'un projet de loi

M. le président. Par lettre en date du 13 novembre 2006, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le président du Sénat qu'en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution le Gouvernement déclarait l'urgence du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur (n° 467, 2005-2006).

3

commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire, selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.

4

COMMUNICATION d'un avis d'une assemblée territoriale

M. le président. M. le Président du Sénat a reçu de l'Assemblée de la Polynésie française un avis du 27 octobre 2006 sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants.

Acte est donné de cet avis.

Il sera transmis à la commission des affaires étrangères.

5

dépôt d'un rapport du gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport d'activité de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux pour le premier semestre 2006, conformément à l'article L. 1142-22-1 du code de la santé publique.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.

6

candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil de surveillance du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie.

La commission des affaires sociales a fait connaître qu'elle proposait la candidature de M. Alain Vasselle pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

7

organisme extraparlementaire

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.

Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des lois à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

8

retrait de l'ordre du jour d'une question orale

M. le président. J'informe le Sénat que la question orale n° 1135 de M. Dominique Braye, qui était inscrite à l'ordre du jour du mardi 14 novembre 2006, est retirée de l'ordre du jour et du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.

9

 
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2007
Discussion générale (suite)

financement de la Sécurité sociale pour 2007

Discussion d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2007
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (nos 51, 59, 60).

Messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, avant que ne s'ouvre la discussion générale, je veux vous rappeler que, depuis l'entrée en vigueur de la loi organique de 2005, le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte désormais quatre parties : la première, qui est relative à l'année passée, représente la loi de règlement ; la deuxième, qui porte sur l'année en cours, correspond au « collectif social » ; les troisième et quatrième parties, qui sont consacrées aux recettes et aux dépenses de l'année à venir, constituent la loi de financement pour l'année à venir.

Chacune des ces parties fera l'objet d'un vote d'ensemble, puis, à l'issue de la discussion des articles, le Sénat statuera sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.

Au début de la troisième partie, soit, en principe, demain à seize heures, se tiendra le débat thématique relatif à la « prise en charge de la dépendance », dont la commission des affaires sociales a pris l'initiative.

Cette organisation de nos travaux devrait nous permettre de nous exprimer clairement sur les grands enjeux de la protection sociale.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 s'inscrit dans la continuité de ce qui aura été notre ambition tout au long de cette législature : pérenniser et moderniser notre système de sécurité sociale, qui se situe au coeur de notre pacte républicain.

Plus particulièrement, ce PLFSS est conforme à notre feuille de route de 2004, qui prévoyait le redressement des comptes de la sécurité sociale, notamment le retour vers l'équilibre de sa branche maladie.

Cette législature a, en effet, été marquée par plusieurs réformes majeures.

Je citerai tout d'abord réforme des retraites, si longtemps différée et repoussée par nos prédécesseurs, et que notre majorité a eu le courage et la responsabilité d'adopter avec la loi d'août 2003.

J'évoquerai ensuite la prise en charge de la dépendance, avec la loi du 30 juin 2004 et la création de la « Journée de solidarité », qui contribue au financement de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, et qui permet de relever le défi de la dépendance, tant pour les personnes âgées que pour les personnes handicapées.

M. Guy Fischer. À revoir !

M. Xavier Bertrand, ministre. La dimension solidaire de notre système de sécurité sociale a également été renforcée durant cette législature, que ce soit avec la loi du 11 février 2005, avec la création de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, ou avec l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé.

Enfin, nous avons également procédé à la réforme de l'assurance maladie, avec la loi du 13 août 2004.

Mesdames, messieurs les sénateurs, toutes ces réformes ne sont pas derrière nous ; nous avons aujourd'hui l'obligation de consolider ces résultats. C'est pourquoi le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 s'inscrit dans la continuité de ces réformes structurelles, qui ont conservé les principes républicains de notre protection sociale, tout en la modernisant pour les années à venir.

Avec de revenir plus en détail sur quelques-uns des axes majeurs de ce PLFSS pour 2007, je veux vous rappeler les principes qui en fondent la philosophie.

C'est d'abord notre détermination à parvenir au redressement des comptes de la sécurité sociale. La réduction significative du déficit se poursuit en 2006 puisque celui-ci devrait passer, notamment grâce à l'amélioration des comptes de l'assurance maladie, de 11,6 milliards d'euros à 9,7 milliards d'euros. Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale marquera une nouvelle étape, avec un déficit ramené à 8 milliards d'euros.

La branche maladie continue également de connaître un redressement puisque, en trois ans, son déficit tendanciel a été divisé par quatre : sans la réforme, pour la seule année 2005, son déficit se serait élevé à 16 milliards d'euros ; or, à la fin de 2007, il sera de 3,9 milliards d'euros.

Toutefois, bien évidemment, la réduction des déficits n'est pas un objectif en soi. En effet, ce qui compte avant tout, c'est de pouvoir, d'une part, donner une certaine lisibilité à l'avenir de ce système et, d'autre part, mieux prendre en charge les assurés pour répondre aux attentes des uns et des autres, en investissant dans la santé.

Par ailleurs, nous voulons renforcer la solidarité de notre système de santé.

Conformément aux souhaits du Président de la République, le dispositif relatif à l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé sera étendu ; le nombre de bénéficiaires potentiels sera de près de 3 millions, contre 2 millions aujourd'hui.

À la suite des demandes que j'avais formulées, la Caisse nationale d'assurance maladie a enfin mis en place un dispositif d'information, afin que le plus possible de nos concitoyens concernés puissent en bénéficier. Il était temps !

J'indique que les marges d'action dégagées nous permettent de rembourser, cette année encore, à hauteur de plus de 1 milliard d'euros, de nouveaux traitements innovants ou d'investir dans la prévention. Avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous mettrons d'ores et déjà en place les consultations de prévention pour les plus de soixante-dix ans.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez fait, cette année, de la dépendance le sujet du débat thématique ; vous savez que l'amélioration de la prise en charge des personnes âgées dépendantes constitue une priorité du Gouvernement, un sujet auquel s'attelle tout particulièrement Philippe Bas.

À ce titre, ce PLFSS doit contribuer à la mise en place du « plan Solidarité-grand âge », qui représente un véritable tournant.

Parce que la solidarité ne va pas sans la responsabilité et que la sécurité sociale constitue un bien commun dont nous devons nous sentir tous responsables, nous renforcerons notre action visant à lutter contre les abus et les fraudes.

À cet égard, j'ai mis en place, à la fin du mois d'octobre, le Comité national de lutte contre les fraudes, qui rassemble tous les organismes de sécurité sociale et les administrations concernées, afin de coordonner plus efficacement les actions.

En outre, l'Assemblée nationale a adopté des amendements visant à mieux contrôler les ressources des demandeurs de prestations sous conditions de ressources...

M. Guy Fischer. Les ressources des pauvres !

M. Xavier Bertrand, ministre.... et à imposer que toute personne qui installe sa résidence à l'étranger rende sa carte Vitale. C'est justement pour protéger les plus démunis que nous avons mis en place ce dispositif, mais je suis persuadé que nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat.

Permettez-moi maintenant, mesdames, messieurs les sénateurs, d'insister sur les principaux axes de la branche maladie.

L'assurance maladie continue son redressement grâce aux effets de la réforme adoptée en août 2004. En 2005, le déficit de l'assurance maladie aura finalement été de 8 milliards d'euros, c'est-à-dire légèrement inférieur aux 8,3 milliards d'euros initialement prévus. En 2006, il devrait être de 6 milliards d'euros, soit là encore à un niveau inférieur aux 6,3 milliards d'euros initialement prévus.

Ces chiffres prouvent que nos efforts portent leurs fruits et attestent également la sincérité de nos prévisions. Pour 2007, nous prévoyons une nouvelle diminution significative du déficit, lequel sera ramené, comme je l'ai précisé tout à l'heure, à 3,9 milliards d'euros.

Ce redressement est essentiellement dû à l'infléchissement du rythme de progression des dépenses. En 2006, l'ONDAM, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, ne devrait progresser que 2,7 %, ce qui constitue une inflexion de tendance remarquable, se situant aux antipodes de ce que nous avons pu connaître pendant des années.

Sur certains postes, ces inflexions sont spectaculaires. Je ne prendrai qu'un exemple : après des années de hausses de près de 10 %, les dépenses au titre des indemnités journalières ont baissé, en 2005, de 1,4 % et encore de 2,9 % sur les huit premiers mois de l'année 2006.

Cela montre que chacun, patient comme professionnel de santé, établissement de santé comme industriel du médicament, a pris conscience de la nécessité de faire évoluer les comportements.

En participant au parcours de soins, les assurés sociaux ont montré leur adhésion à une réforme structurelle. Plus des deux tiers des Français, comme en témoigne une enquête de la DREES, la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, considèrent que le dispositif du médecin traitant est un moyen d'améliorer le suivi des patients.

L'année prochaine, les assurés ne seront pas davantage sollicités par rapport à ce qui était déjà prévu. J'en avais pris l'engagement, et je le tiens ! Je préfère très clairement que les assurés sociaux jouent le jeu en pleine connaissance de cause, qu'il s'agisse du médecin traitant et des génériques. Voilà ce qui nous intéresse. Voilà ce qui est susceptible de constituer une solution durable aux problèmes que soulève l'avenir du système de santé.

Le Gouvernement a aussi veillé à ce que la réforme se fasse au profit de la qualité des soins et d'une meilleure prise en charge pour les assurés. C'est pourquoi il soutiendra de nombreux amendements.

Je pense notamment à celui qui vise à exonérer du ticket modérateur et du forfait journalier les donneurs d'organes lors de leur passage à l'hôpital. Vous savez l'importance que j'accorde au don de soi. J'aurai d'ailleurs l'occasion de présenter prochainement une nouvelle campagne tendant à mieux informer et sensibiliser le public et à lever tous les obstacles qui peuvent encore freiner cet élan généreux qui consiste à vouloir faire don de sa personne. Donner son sang, ses plaquettes, ses cellules souches, ses gamètes, certains de ses tissus ou de ses organes procède du même fondement : donner un peu de soi pour sauver autrui ou participer à sa guérison.

Je pense aussi à l'amendement du Gouvernement qui vise à dissocier, au sein de la facture établie par les audioprothésistes, la part relative au service afin de donner plus de transparence et d'informations aux patients.

Je pense enfin à la proposition visant à permettre la délivrance aux patients par les pharmaciens de médicaments au-delà de la durée de validité d'une ordonnance.

Le Gouvernement avait déjà veillé à ce que les patients atteints d'une maladie grave soient mieux pris en charge. Dans ce projet de loi, figure une disposition aux termes de laquelle les produits qui ne sont pas encore remboursés, mais qui sont indispensables à la survie de certains patients, notamment de ceux qui sont atteints d'une maladie rare, puissent être désormais remboursés. Je songe, par exemple, aux écrans solaires, qui offrent une protection indispensable dans le cas de la maladie des « enfants de la lune ».

Pour que la réforme soit réussie, les professionnels de santé doivent encore et toujours s'impliquer, s'agissant notamment de la maîtrise médicalisée. L'engagement conclu en 2005 dans le cadre de la convention médicale a entraîné des économies pour l'assurance maladie de plus de 700 millions d'euros et, dans le même temps, permis une revalorisation des honoraires.

En 2006, les objectifs en matière de limitation des prescriptions sont atteints, que ces prescriptions concernent les statines, les psychotropes ou les antibiotiques. Nous sommes sur le point de dégager 790 millions d'euros d'économies nouvelles.

La dynamique est donc bien engagée et l'avenant n° 12 à la convention, qui a été signé cette année, inscrit ce mouvement dans la durée. Il fixe, pour 2007, un objectif d'économie de 610 millions d'euros, portant, pour 420 millions d'euros, sur la maîtrise des prescriptions de produits de santé et, pour 190 millions d'euros, sur la maîtrise d'autres prescriptions, comme celles d'indemnités journalières et d'actes qui sont souvent redondants et qui n'ont tout simplement pas lieu d'être.

La mise en oeuvre complète du parcours de soins suppose que soit établie, comme le prévoit la convention médicale, la convergence entre les dispositifs du médecin référent et du médecin traitant. La négociation conventionnelle n'a pas abouti sur ce point. Le Gouvernement a déposé un amendement qui lui donnera les moyens de régler cette question en respectant l'engagement pris par les médecins référents. Nous ne pouvons que nous féliciter qu'une solution en la matière leur soit enfin proposée.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 est aussi l'occasion de faire évoluer les pratiques. Ainsi, le droit des infirmiers à prescrire des dispositifs médicaux est-il reconnu.

De même, pour permettre une meilleure organisation des soins en ophtalmologie, un amendement déposé par le Gouvernement vise à faciliter la délégation de tâches entre les médecins ophtalmologues, les orthoptistes et les opticiens. Il s'agit enfin de répondre à une attente importante de nos concitoyens et d'organiser de façon plus cohérente encore la filière d'accès aux soins ophtalmologiques.

Par ailleurs, comme je m'y étais engagé, sera également proposée, dans le cadre de l'examen de ce PLFSS, une adaptation de la procédure d'autorisation d'exercice des professions médicales aux diplômés hors Union européenne. Nous est enfin donnée la possibilité de sortir de l'impasse les professionnels de santé qui attendaient aussi que leur soit permis soit d'accéder au concours de praticien hospitalier, soit de pouvoir s'installer en tant que médecins libéraux, comme les y autorisera la procédure d'inscription à l'Ordre.

L'implication du secteur du médicament dans la réforme de l'assurance maladie devra également être poursuivie. D'ores et déjà, les résultats obtenus en l'espèce sont concrets, palpables. L'évolution des dépenses de médicaments devrait ainsi rester quasi stationnaire en 2006, ce qui est historique et montre bien que le changement de comportement est possible.

La progression du recours aux génériques se poursuit. L'accord signé entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM, et les syndicats de pharmaciens prévoit, à cet égard, d'atteindre l'objectif de taux de substitution dans le répertoire de 70 % au mois de décembre. Tel sera bientôt le cas puisque, à ce jour, ce taux s'établit à 67,9 %, alors même qu'une modification a été opérée, au sein de ce répertoire, au cours de cette année. Au total, l'ensemble des mesures relatives aux génériques auront permis d'économiser 750 millions d'euros.

Ces bons résultats, mesdames, messieurs les sénateurs, il faut les conforter et même les approfondir.

Dans le cadre du présent projet de loi, il est proposé de réduire le taux de la taxe sur le chiffre d'affaires des médicaments remboursables des industries pharmaceutiques. À titre exceptionnel, l'an dernier, ce taux avait été porté de 0,6 % à 1,76 %. Il sera ramené en 2007 à 1 %.

Le Gouvernement veut tout simplement que le médicament soit payé à son plus juste prix et qu'en soit promu le bon usage.

Pour améliorer encore les résultats obtenus, je compte sur une poursuite de la mise en oeuvre des mesures engagées. Il s'agit de faire en sorte que le tarif du médicament soit fixé à son plus juste prix et de poursuivre le développement des génériques. Mais, pour cela, il est nécessaire de clarifier la question de la propriété intellectuelle afin de garantir à la fois le respect des brevets et la production de génériques.

D'ores et déjà, j'ai déposé, au nom du Gouvernement, un amendement tendant à permettre une meilleure information des laboratoires commercialisant des princeps sur l'avancement de la commercialisation des génériques et sur la validité des droits de propriété intellectuelle. Il est ainsi proposé de donner compétence au Comité économique des produits de santé, le CEPS, pour ouvrir une négociation conventionnelle sur le sujet, le non-respect des dispositions de l'accord conclu pouvant se traduire par des sanctions.

Par ailleurs, je souhaite que nous puissions bénéficier très rapidement d'un créneau législatif pour que soit inscrite à l'ordre du jour du Parlement la transposition de la directive 2004-48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle,...

M. Xavier Bertrand, ministre... dont deux dispositions intéressent tout particulièrement les laboratoires fabriquant tant des génériques que des princeps, afin de clarifier notamment les procédures.

De plus, j'estime intéressante la proposition que vous avez formulée, monsieur Vasselle - et je tiens d'ailleurs à saluer la qualité de vos travaux -, visant à supprimer le bénéfice du tiers payant pour les assurés qui refusent le générique. Cette mesure a d'ores et déjà montré son efficacité. Il faut y avoir recours de façon non pas systématique, mais modulée, lorsque les objectifs de substitution ne sont pas atteints. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point au cours du débat. Cela étant, à partir du moment où une convention tripartite a été signée entre l'assurance maladie, les pharmaciens et les médecins, nous devons faire en sorte que les comportements puissent évoluer.

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet initial du Gouvernement proposait une progression de l'ONDAM-soins de ville de 0,8 %, comme en 2006. Je me félicite que la commission des affaires sociales ait suivi la position de l'Assemblée nationale, qui a augmenté les recettes afin de porter le taux de progression de cet objectif à 1,1 %. Si le Gouvernement souhaite agir ainsi, c'est avant tout pour améliorer la prise en charge des assurés sociaux.

J'en veux pour preuve le fait que l'assurance maladie, avant la fin du premier trimestre 2007, prendra en charge les actes de prévention réalisés par les pédicures-podologues vis-à-vis des 250 000 personnes diabétiques, les plus concernées par cette prévention. Je sais tout l'intérêt que porte Mme Desmarescaux à cette mesure, laquelle vise à éviter les conséquences dramatiques d'affections qui aboutissent, chaque année, à 15 000 amputations en France.

L'assurance maladie prendra également en charge le dépistage de l'hémochromatose, qui touche potentiellement un Français sur trois cents et dont le traitement est très simple, une fois la maladie détectée.

Enfin, comme je m'y étais engagé, l'assurance maladie prendra en charge en 2007 le traitement implanto-prothétique pour les enfants et les adultes atteints d'agénésie dentaire.

Ce relèvement de l'ONDAM permettra également de conforter les marges d'actions pour faire vivre la négociation conventionnelle ; des rendez-vous sont très attendus en la matière, notamment par les infirmiers, les sages-femmes, les médecins.

Dès 2007, la reconnaissance de la médecine générale en tant que spécialité créera à chacun de nouvelles responsabilités. J'ai pu constater, à l'Assemblée nationale, qu'une unanimité remarquable s'est dégagée sur ce point.

Ces nouveaux moyens permettront également au Gouvernement de poursuivre sa politique relative à la démographie des produits de santé. La plupart des mesures que j'ai annoncées en début d'année sont déjà mises en oeuvre, notamment le relèvement du numerus clausus, l'alignement de la durée du congé de maternité pour les femmes exerçant en libéral, l'augmentation d'un tiers du montant du cumul entre retraite et activité, la préparation par l'assurance maladie d'une stratégie d'information des étudiants et d'accompagnement des nouveaux installés.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à étendre la possibilité, pour les collectivités territoriales, d'accorder des aides aux étudiants en médecine et chirurgie dentaire.

La politique menée permet aussi d'améliorer la permanence et la qualité des soins de ville. À ce sujet, le Gouvernement a déposé deux amendements. L'un vise à reconnaître la compétence de la mission régionale de santé en matière de création de maisons médicales de garde. Le second tend à fusionner le FAQSV, le Fonds d'aide à la qualité des soins de ville, et la DNDR, la dotation nationale de développement des réseaux, afin de rendre plus lisible et cohérent le financement de ces actions.

Le Gouvernement est également conscient des attentes de la profession en matière de responsabilité civile médicale. Je sais que ce sujet vous tient particulièrement à coeur, monsieur le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !

M. Xavier Bertrand, ministre. Aussi suis-je favorable à l'amendement que vous avez déposé et qui vise à fixer un délai pour des négociations au-delà desquelles nous pourrons mettre en place, par voie d'ordonnance, un écrêtement de l'indemnisation, si cette dernière est de nature à limiter durablement et efficacement les primes.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Exactement !

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement a pris ses responsabilités pendant l'été. Je pense qu'il nous faut compléter ce dispositif par une telle disposition.

Comme j'en avais aussi pris l'engagement, le Gouvernement a déposé un amendement lui permettant d'agir si les négociations en cours relatives au secteur optionnel n'aboutissent pas. Il s'agit notamment de redresser une situation qui risque de conduire, si rien n'est fait, à l'impossibilité dans quelques années de trouver un chirurgien exerçant à des tarifs opposables. Il est également important de pouvoir intéresser des praticiens du secteur 2 à de nouveaux dispositifs et de renforcer l'accès aux soins, en faisant en sorte que nos concitoyens puissent faire appel à des professionnels sans que soient nécessairement pratiqués des dépassements d'honoraires.

Enfin, le Gouvernement va poursuivre le volet hospitalier de la réforme.

Le monde hospitalier est engagé dans un mouvement de réformes de grande ampleur. Les établissements de santé s'approprient les réformes mises en oeuvre depuis 2003, telles la réforme de la gouvernance, les nouvelles règles de planification, la modernisation de la gestion, la tarification à l'activité, la TAA. La mise en place de ces réformes de fond nécessite un temps d'adaptation pour tous les acteurs.

La part de la TAA a été fixée à 35 % en 2006 ; elle sera fixée à 50 % en 2007.

Les moyens des établissements de santé progresseront de plus de 2 milliards d'euros en 2007, soit une augmentation de l'ONDAM hospitalier de 3,5 %. Ce taux est sensiblement supérieur à la croissance moyenne des dépenses de santé, mais il montre l'attention que le Gouvernement accorde depuis plusieurs années aux missions et surtout à la modernisation de ces établissements de santé.

Ces ressources supplémentaires vont permettre de poursuivre l'effort d'investissement, notamment grâce à une meilleure valorisation du patrimoine des établissements.

Ces moyens nouveaux seront également destinés aux personnels hospitaliers et à l'investissement dans les ressources humaines. Ainsi, 2007 sera la première année de mise en oeuvre d'un accord ambitieux signé avec cinq organisations syndicales hospitalières et tendant à améliorer les conditions de travail, à renforcer l'attractivité des métiers, notamment de la filière soignante.

Cet accord, très attendu par les 900 000 agents de la fonction publique hospitalière, permettra non seulement de donner envie de travailler à l'hôpital, mais surtout d'y rester.

Je veux aussi vous faire part de l'importance que j'accorde à l'informatisation hospitalière, qui permet d'améliorer la qualité des soins.

La nouvelle carte Vitale 2, plus sécurisée et plus personnalisée, grâce à la présence d'une photographie, sera la porte d'entrée vers le dossier médical personnel. Elle commencera à être distribuée dès la fin de ce mois en Bretagne, puis dans toute la France. La mise en place du dossier médical personnel a commencé. Comme prévu, les premiers DMP pourront être ouverts au mois de juillet 2007.

Ce dispositif représente, sur cinq ans, un investissement de 1 milliard d'euros, indispensable à la réussite de ce projet.

Afin de faire progresser plus rapidement encore la mise en place du dossier médical personnel, le Gouvernement a déposé un amendement visant à donner une base légale à la tarification des hébergeurs de données et à permettre l'accès au dossier par les services d'urgence sans le consentement d'un patient, quand ce dernier est hors d'état d'exprimer sa volonté.

Il veut aussi rendre obligatoire pour les pharmaciens d'officine le dossier pharmaceutique qui sera interconnecté avec le dossier médical personnel. Ce point a bien évidemment été examiné avec la profession.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrit dans la continuité d'une politique ambitieuse.

Les réformes mises en oeuvre au cours de cette législature, dont un grand nombre ont été engagées sur l'initiative de M. Jean-Pierre Raffarin, portent aujourd'hui leurs fruits. C'est la condition de la pérennisation et de l'amélioration de notre système de santé.

Le Gouvernement a pour ambition de proposer un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui, au vu des résultats et des engagements de l'ensemble des acteurs, sera une nouvelle fois au rendez-vous de la santé de nos concitoyens et surtout de la solidarité qui fonde notre pacte républicain. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens, à la suite de Xavier Bertrand, souligner l'amélioration très nette qu'enregistrent les comptes sociaux en 2006 que tendent à confirmer les prévisions pour 2007. Cette amélioration permet de réduire le déficit de 20 % cette année, et il en sera de même l'an prochain.

Cette réduction est conduite tout en préservant un haut niveau de protection sociale puisque 77 % des dépenses de santé sont aujourd'hui prises en charge par l'assurance maladie, soit un pourcentage légèrement supérieur à celui qui était enregistré voilà dix ans.

En misant sur la responsabilité de chacun pour défendre ce patrimoine commun à tous les Français qu'est notre sécurité sociale, nous avons fait, collectivement, le bon choix. Certains comportements que l'on croyait immuables sont en train de changer : c'est particulièrement vrai pour nos habitudes en matière d'arrêts de travail et de prescription de médicaments.

Pour autant, nous le savons tous, dans le domaine de l'assurance maladie, rien n'est jamais définitivement acquis. Nous devons donc poursuivre notre effort dans la durée.

Réserve faite de l'assurance vieillesse, l'amélioration est particulièrement nette du côté des dépenses des autres branches de la sécurité sociale : M. le ministre de la santé et des solidarités le rappelait à l'instant, grâce à la réforme de 2004, le déficit de l'assurance maladie a été divisé par quatre, par rapport à la tendance qui se dessinait auparavant. En 2007, le déficit de la branche famille sera réduit de moitié. Pour ce qui est de la branche accidents du travail-maladies professionnelles, nous sommes parvenus, en 2006, à ramener les comptes à l'équilibre.

Cette amélioration est d'autant plus notable que nous continuons de renforcer la solidarité à l'égard des personnes très âgées, des personnes handicapées et des familles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui vous est aujourd'hui soumis renforce en effet le rôle de l'assurance maladie dans la prise en charge des personnes âgées, en mettant en oeuvre le plan Solidarité-grand âge que j'ai présenté le 27 juin dernier.

Aujourd'hui, les personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans sont un peu plus d'un million ; dans dix ans, elles seront près du double. Il faut donc adapter notre système de soins et de services à ce changement radical.

Pour ce faire, nous allons mobiliser des moyens financiers très importants. Pour la deuxième année consécutive, l'effort sera significatif, avec une augmentation des crédits de 13 %, soit 650 millions d'euros de plus en 2007 qu'en 2006, qui s'ajoutent aux 587 millions d'euros de mesures nouvelles déjà réalisées cette année. Ce résultat exceptionnel est permis grâce à l'instauration de la Journée de solidarité et à la réduction des déficits de l'assurance maladie. Il est le fruit de l'effort de responsabilité de nos compatriotes.

Pour donner aux personnes âgées le libre choix de rester chez elles, nous vous proposons de créer 6 000 places supplémentaires en services de soins infirmiers à domicile. Le coût de ces places est certes plus important pour l'assurance maladie que celui des places en maisons de retraite médicalisées, mais il s'agit de répondre aux attentes des Français qui veulent pouvoir rester chez eux le plus longtemps possible.

M. Guy Fischer. C'est un vaste débat !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Le maintien à domicile n'est toutefois pas toujours possible. C'est pourquoi nous faisons un effort très important en faveur des maisons de retraite médicalisées accueillant les personnes les plus dépendantes, en créant, en 2007, 5 000 places en établissements, 2 125 places d'accueil de jour et 1 125 places d'hébergement temporaire.

Ce progrès n'est pas seulement quantitatif : il implique aussi une prise en charge mieux adaptée. Je vous propose donc que l'assurance maladie prenne désormais en compte, pour financer les tarifs des maisons de retraite, non seulement le degré de dépendance, mais aussi les besoins en soins liés aux maladies du grand âge : cela lui permettra de faire progresser sa participation non plus à chaque fois qu'une nouvelle convention est conclue, c'est-à-dire tous les trois ou quatre ans, mais chaque année, en fonction de l'état des personnes âgées accueillies.

Il nous faut aussi moderniser nos maisons de retraite. En 2006, vous avez voté le lancement d'un plan très important de rénovation et d'humanisation : 500 millions d'euros y sont consacrés, en comptant les établissements pour personnes handicapées. Il faut continuer dans cette voie, car ces établissements doivent pouvoir se moderniser pour améliorer la qualité de l'accueil. C'est la raison pour laquelle le texte prévoit de leur offrir des prêts à taux zéro, ce qui leur évitera de trop s'endetter et de devoir répercuter le coût élevé des remboursements sur les prix de journée, qui ne sont pas toujours accessibles aux familles modestes.

Lors de la discussion des articles, nous débattrons de l'opportunité de faire un nouvel effort exceptionnel de 100 millions d'euros en faveur des maisons de retraite médicalisées et des établissements pour personnes handicapées, effort qui s'ajouterait donc aux 500 millions d'euros prévus en 2006 et financés, là encore, grâce à la Journée de solidarité.

Enfin, pour mieux prévenir la dépendance, nous proposerons dès 2007 à toutes les personnes âgées de plus de soixante-dix ans une consultation gratuite de prévention chez leur médecin généraliste. Le cahier des charges d'une telle consultation est en cours d'expérimentation dans plusieurs régions.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 traduit aussi la priorité accordée à la politique du handicap, souhaitée par le Président de la République.

L'effort de l'assurance maladie en faveur des personnes handicapées et de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sera porté à 7,2 milliards d'euros, soit une augmentation de 5,5 % des crédits, correspondant à 385 millions d'euros supplémentaires.

M. Guy Fischer. C'est nettement insuffisant !

M. Philippe Bas, ministre délégué. L'année 2007 verra ainsi l'achèvement du plan très ambitieux de création de places engagé en 2003. Au total, plus de 40 000 places en établissements et services destinés aux personnes handicapées auront été créées en cinq ans, soit deux fois plus que sous la précédente législature.

Pour le volet 2007 du plan, le texte prévoit la création, d'une part, de 6 800 places en établissements et services, et, d'autre part, de 44 centres d'action médico-sociale précoce et centres médico-psycho-pédagogiques. Cela induira d'importants recrutements. Le projet de loi permettra la création nette, l'an prochain, de 20 000 emplois dans le secteur médico-social, dont 14 000 dans les maisons de retraite et 5 500 dans les établissements consacrés au handicap.

La politique de l'emploi contribue bien entendu fortement, par l'augmentation de la masse salariale, à l'amélioration des comptes de la sécurité sociale ; mais la sécurité sociale, en retour, contribue elle aussi notablement au renforcement de l'emploi. En effet, dans le cadre de l'application de la loi de programmation pour la cohésion sociale votée en 2005, ce sont les secteurs sanitaire et médico-social qui sont les premiers recruteurs des bénéficiaires des contrats d'accompagnement dans l'emploi et des contrats d'avenir.

En outre, la mise en oeuvre du plan « Petite enfance », que j'ai annoncé la semaine dernière, permettra le recrutement sur cinq ans de 60 000 assistantes maternelles et de 20 000 professionnels de la petite enfance supplémentaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'en viens justement à la branche famille.

Dans ce domaine, nous allons pouvoir poursuivre notre effort pour améliorer les services aux familles, conformément à notre volonté politique, tout en réduisant de près de moitié le déficit de la branche l'année prochaine.

Mesdames, messieurs les sénateurs, dans le passé, la branche famille, structurellement en excédent, a financé, année après année, la trésorerie des autres branches. Je l'avais souligné l'an dernier devant vous, le déficit des dernières années était exceptionnel, conjoncturel, et non structurel. Il n'était que la conséquence de la relance de la politique familiale engagée en 2002 et du succès d'une réforme très positive pour les familles : la création, à la fin de 2003, de la prestation d'accueil du jeune enfant par le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin.

Par rapport au dispositif antérieur, ce sont aujourd'hui 250 000 familles supplémentaires qui bénéficient d'une aide pour la garde de leur enfant. La PAJE a un impact social auquel nous sommes particulièrement attachés : elle permet en effet à un couple dans lequel chacun touche le SMIC de percevoir, pour la garde de l'enfant, 90 euros de plus qu'avant, soit une augmentation de 54 %. L'ancien dispositif était donc beaucoup moins favorable aux familles modestes, mais personne n'avait eu l'idée de le modifier sous la législature précédente !

Nous avons également conforté notre modèle familial en augmentant fortement le nombre de places en crèches depuis 2002. Car ce que les couples demandent désormais principalement, ce n'est pas nécessairement davantage de prestations, c'est surtout davantage de services pour pouvoir travailler à deux en faisant garder les enfants.

Entre 2002 et 2008, 72 000 places de crèches au total seront financées sur les programmes déjà lancés. À cela s'ajoute le recrutement de 12 000 assistantes supplémentaires par an prévu par le plan Petite enfance. En 2012, dans notre pays, il y aura donc une solution de garde pour chaque enfant âgé de moins de trois ans. Je le rappelle, en 2000, seules 264 places de crèche avaient été créées pour toute la France, contre 8 500 l'année dernière et 10 000 cette année. Pour les cinq années à venir, 12 000 places en crèches supplémentaires seront financées annuellement.

M. François Autain. Pas possible ! Que ne l'avez-vous fait plus tôt ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. Je répète le chiffre de 2000, car il mérite d'être retenu : 264 places de crèche créées, à l'époque même où Mme Ségolène Royal était ministre déléguée à la famille et à l'enfance ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Aïe, aïe, aïe ! Coup bas !

M. Guy Fischer. Nous voilà plongés dans l'actualité !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Nous faisons donc un effort sans précédent, tout en redressant très fortement, je le rappelle, les comptes de la branche famille. Mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, le retour à l'équilibre est rapide, comme je m'y étais engagé l'an dernier, ce qui vous avait d'ailleurs laissés sceptiques... Il était certes compréhensible que vous attendiez de constater par vous-mêmes les résultats obtenus plutôt que de me croire sur parole : désormais, les faits sont là, et j'espère que vous voudrez bien en donner acte au Gouvernement !

M. Guy Fischer. Jamais ! (Sourires.)

M. Philippe Bas, ministre délégué. Les mesures que nous avons prises, en accord avec les partenaires sociaux gestionnaires de la Caisse nationale des allocations familiales, pour organiser la croissance continue des actions du Fonds national de l'action sociale portent leurs fruits. Les nouvelles règles sont très favorables au développement des crèches : plus des trois quarts de leurs dépenses de fonctionnement, 78 % très exactement, continueront à être prises en charge par les caisses d'allocation familiale. J'ai apporté la garantie de l'État à une augmentation annuelle de 7,5 % pendant quatre ans des crédits d'action sociale et familiale des caisses.

M. Guy Fischer. Après les avoir rognés !

M. Philippe Bas, ministre délégué. À mon avis, il est difficile de trouver beaucoup d'autres budgets publics qui bénéficient d'une telle garantie d'augmentation sur une si longue période !

Ainsi, chaque caisse a les moyens de financer ses nouvelles actions et de respecter tous les contrats qui ont déjà été passés. Si des difficultés sont apparues ici ou là, elles tiennent à des problèmes ponctuels de gestion et il appartient aux responsables des caisses locales de les surmonter, avec l'aide de la Caisse nationale. Ils peuvent, bien sûr, compter sur mon plein appui.

Par ailleurs, toujours dans le cadre de notre politique familiale, nous allons continuer de renforcer la solidarité à l'égard des jeunes, des personnes âgées et des personnes handicapées. Pour cela, je vous propose de mettre en oeuvre les mesures très importantes arrêtées par M. le Premier ministre lors de la Conférence de la famille qui s'est tenue en juillet dernier.

Pour aider les jeunes qui entrent dans la vie active et dont les parents ont peu de moyens, il vous est proposé de créer un prêt à taux zéro, d'un montant maximal de 5 000 euros, garanti par le Fonds de cohésion sociale, leur permettant de financer, par exemple, l'achat d'un petit outillage, de vêtements de travail, le versement d'une caution ou l'acquisition d'un moyen de transport.

Pour nos concitoyens, de plus en plus nombreux, qui veulent s'occuper d'un parent dépendant ou d'un enfant handicapé, nous vous proposons aussi un congé de soutien familial. La personne qui bénéficiera de ce congé sera assurée de retrouver son emploi au bout d'un an et continuera d'acquérir des droits à la retraite durant son congé, ce qui était la revendication principale des familles.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Philippe Bas, ministre délégué. En outre, j'ai prévu de créer une exception aux dispositions du code du travail, lequel prohibe naturellement toute activité professionnelle pendant une suspension du contrat de travail. En l'espèce, par dérogation à cette règle, celui ou celle qui se consacre pendant un an au maximum à une personne dépendante ou handicapée pourra bénéficier d'une rémunération au titre de l'allocation d'éducation spéciale, de la prestation de compensation du handicap ou de l'allocation personnalisée d'autonomie reçue par cette même personne.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Philippe Bas, ministre délégué. J'en viens maintenant à la branche vieillesse, la seule, donc, qui voit son déficit s'accroître en 2007.

Ce déficit, qui s'élevait à 2,4 milliards d'euros cette année, devrait atteindre 3,5 milliards d'euros l'année prochaine.

M. Claude Domeizel. Et ce n'est pas fini !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Plusieurs facteurs expliquent cette évolution.

Tout d'abord, les départs à la retraite anticipés, liés au dispositif des carrières longues adopté dans le cadre de la réforme de 2003, ont rencontré un grand succès : ils ont été beaucoup plus nombreux que prévu, et nous nous en réjouissons. Or cette mesure de justice sociale avait été refusée par le gouvernement socialiste.

M. François Autain. C'était il y a cinq ans !

M. Philippe Bas, ministre délégué. La réforme des retraites d'août 2003 a rendu possible ce grand progrès social. À la fin de l'année, il aura bénéficié à près de 320 000 personnes n'ayant pas encore atteint l'âge de soixante ans et qui avaient commencé à travailler à l'âge de quatorze, quinze ou seize ans. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Si vous êtes hostiles à cette mesure, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, dites-le publiquement !

Le succès de ce dispositif représente un coût certes élevé, de 2 milliards d'euros, mais nous l'assumons.

Le deuxième facteur d'augmentation des dépenses n'est en rien une surprise, car c'est lui qui rendait si nécessaire la réforme des retraites. Il s'agit de l'arrivée à l'âge de la retraite des classes nombreuses de l'après-guerre, ce que l'on appelle le « papy-boom ».

Par ailleurs, nous avons pris, dans le cadre de la réforme des retraites, une mesure de justice sociale très attendue : pour une carrière complète, aucune pension de retraite ne sera inférieure à 85 % du SMIC. Voilà une garantie sociale majeure, d'autant que les retraites ne progresseront plus chaque année « à la : petite semaine », mais qu'elles seront indexées sur les prix, avec clause de revoyure.

La loi de 2003 a également prévu qu'une conférence nationale sur l'évolution des pensions se tiendrait en 2007, en prévision du grand rendez-vous de 2008. Le décret organisant cette conférence nationale sera pris d'ici à la fin de l'année.

Le Gouvernement est profondément attaché à toutes ces garanties, car elles sont la juste contrepartie des efforts demandés aux Français pour sauver leur régime de retraite par répartition. Mais, naturellement, elles ont aussi un coût, que nous assumons.

Enfin, les mécanismes d'incitation à la prolongation de l'activité pour ceux qui le souhaitent ont sans doute été insuffisamment dimensionnés lors de la réforme de 2003. Nous vous proposons aujourd'hui de les renforcer dans le cadre du plan pour l'emploi des seniors. J'y reviendrai dans un instant.

L'assurance vieillesse s'engage, à chaque départ en retraite, sur plusieurs décennies. Une réforme des retraites ne peut donc être jugée au bout de trois ans : elle ne peut produire ses effets qu'à moyen terme, car, dans ce domaine, les évolutions sont par nature progressives. C'est pourquoi le retard pris dans la réforme des retraites était criminel au regard de la préservation de nos régimes de retraite.

Ces évolutions sont progressives, d'abord, dans leur application : il a fallu dix ans avant que la réforme des retraites de 1993 entre pleinement en vigueur et il faudra quinze années pour que toutes les mesures prévues soient mises en oeuvre. De même, cinq ans seront nécessaires pour que les principaux éléments de la réforme de 2003 soient entièrement appliqués.

Progressive, la réforme des retraites l'est aussi dans ses effets financiers puisque son incidence ne sera complète que lorsque vingt classes d'âge seront successivement parties en retraite en application des nouvelles règles. Il était donc plus que temps de faire cette réforme en 2003 !

Notre objectif commun doit être de sécuriser le financement des retraites à l'horizon 2020. Le Conseil d'orientation des retraites a rappelé au mois d'avril que nous étions en bonne voie pour l'atteindre car, quel que soit le nombre de départs en retraite enregistré cette année, l'équilibre à moyen terme reste inchangé. À l'horizon 2020 - le seul qui compte pour nous -, nous n'aurons pas eu plus de déficit, mais celui-ci, pour partie, sera arrivé un peu plus tôt que prévu.

La retraite par répartition repose sur la confiance, qui repose elle-même sur les garanties que nous sommes loyalement en mesure d'apporter à nos compatriotes.

Précisément, je vous propose d'adopter cette année plusieurs garanties nouvelles.

La première garantie est individuelle : nous prenons, auprès de chaque Français qui accepterait de retarder son départ en retraite, l'engagement que celle-ci sera calculée, le jour venu, en application des règles actuelles, sans tenir compte des changements susceptibles d'intervenir en 2008.

La deuxième garantie est collective : nous proposons une nouvelle ressource d'appoint pour consolider le Fonds de réserve des retraites.

Contrairement à une rumeur qui a circulé et aux demandes formulées par certains, j'ai tenu à ce que ce fonds conserve les ressources pérennes qui lui sont affectées : le prélèvement social de 2 % sur les revenus du capital, qui lui rapporte 1,5 milliard d'euros par an.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Cette année, nous voulons augmenter encore les ressources de ce fonds en le dotant des avoirs en déshérence de l'assurance vie, ce qui renforcera encore son rôle de « lissage » lorsque les besoins de financement seront les plus importants.

Enfin, pour garantir l'avenir de notre système par répartition, nous agissons sur les comportements grâce au plan national d'action concerté pour l'emploi des seniors, préparé avec Gérard Larcher. Ce plan interdit la mise à la retraite d'office avant soixante-cinq ans. Il porte la surcote à 5 % de bonus par an au-delà de soixante-cinq ans, ce qui est beaucoup plus incitatif que le dispositif adopté en 2003.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'était nécessaire !

M. Philippe Bas, ministre délégué. En outre, il élargit les règles de cumul emploi-retraite pour les bas salaires. Enfin, il encourage la retraite progressive.

Le cap est donc tenu, la réforme se poursuit et le rendez-vous de 2008 se présente dans des conditions plus favorables que nous ne pouvions l'espérer en 2003. Nous constatons, en effet, deux évolutions encourageantes.

Il y a d'abord la forte réduction du chômage, depuis près de dix-huit mois, qui permet d'augmenter les ressources de la sécurité sociale. Elle facilitera en outre le redéploiement progressif d'une partie des cotisations de l'assurance chômage vers le financement du régime général par répartition. Au surplus, elle favorisera l'activité des seniors, le marché du travail étant plus porteur.

Seconde évolution encourageante : celle de notre natalité.

La réforme de 2003 était conçue sur la base de prévisions démographiques résultant de l'observation de l'évolution de la natalité au cours des années 1990. Compte tenu du nouvel essor démographique enregistré depuis le début de ce siècle, l'INSEE a pu modifier ces prévisions à la hausse.

En effet, notre taux de natalité se redresse : 807 000 enfants ont vu le jour en 2005, et 801 000 en moyenne, chaque année, depuis l'an 2000. En 2002, on estimait qu'il y aurait, à l'horizon 2050, 1,1 actif pour un retraité. Aujourd'hui, nous prévoyons, à cette même échéance, 1,4 actif pour un retraité. Cela change considérablement les conditions de l'équilibre financier à cet horizon.

Après les dépenses, j'en viens aux ressources de la sécurité sociale. Le débat sur l'avenir de son financement est aujourd'hui ouvert. Le Sénat y a d'ailleurs fortement contribué la semaine dernière, lors du débat d'orientation sur l'évolution des prélèvements obligatoires.

Parce que nous aurons su maîtriser durablement les dépenses de protection sociale, grâce à l'esprit de responsabilité insufflé par les réformes de l'assurance maladie et des retraites, nous serons plus forts pour exiger aussi, dans la fidélité aux principes fondateurs de notre sécurité sociale, que lui soient affectées des recettes progressant au même rythme que les dépenses de solidarité. Ce débat est essentiel pour l'avenir.

La conférence nationale des finances publiques, mise en place par le Premier ministre, aura à se pencher tout particulièrement sur les financements à mobiliser pour affronter les coûts sociaux liés au vieillissement de la population. Ce serait une illusion de croire que nous pourrons assurer l'avenir de notre protection sociale sans lui garantir des ressources plus dynamiques qu'aujourd'hui.

Je voudrais cependant souligner que l'État consentira dès cette année un premier effort, d'autant plus méritoire que, chacun le sait, la situation des finances publiques est tendue. Pour la première fois, en 2007, l'État paiera des intérêts pour sa dette envers la sécurité sociale, à hauteur de 160 millions d'euros. C'est bien le moins !

M. François Autain. C'est l'année prochaine !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Or vous ne l'avez jamais fait. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Cet effort est d'autant plus important que la dette de l'État à l'égard du régime général s'établit actuellement à 5 milliards d'euros.

M. Guy Fischer. Même plus !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Je souhaite par ailleurs évoquer la situation du Fonds de solidarité vieillesse et du Fonds de financement des prestations sociales agricoles. (Exclamations sur les mêmes travées.)

Nous continuons de réduire le déficit du Fonds de solidarité vieillesse, déficit que vous aviez créé, mesdames, messieurs de l'opposition, en siphonnant les recettes affectées à ce régime qui, sans cela, serait largement excédentaire.

M. Claude Domeizel. C'est faux !

M. François Autain. C'est vous qui l'avez créé !

M. Philippe Bas, ministre délégué. En 2005, ce déficit était encore de 2 milliards d'euros. De 1,2 milliard cette année, il devrait être ramené à 660 millions d'euros en 2007.

Le déficit du Fonds de financement des prestations sociales agricoles, quant à lui, reste stable, à un peu plus de 2 milliards d'euros.

M. Claude Domeizel. Pour être stable, c'est stable !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Cette situation n'est pas satisfaisante, et ce n'est pas Jean-Jacques Jégou qui me contredira !

M. Guy Fischer. Jean-Jacques Jégou veille au grain !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Mais l'État continue à garantir le versement des prestations sociales agricoles pour tous les agriculteurs et les retraités agricoles.

M. Claude Domeizel. En empruntant !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Cette garantie fait partie du pacte signé entre la nation et ses agriculteurs dans les années 1960 !

Tant qu'une solution nouvelle pour le financement des prestations sociales agricoles n'aura pas été arrêtée d'un commun accord entre le ministre du budget, le ministre de l'agriculture et le ministre en charge de la sécurité sociale, nous continuerons à faire fonctionner ce régime grâce à la créance qu'il a sur l'État,...

M. Jean-Jacques Jégou. Il faudrait que vous nous en parliez !

M. Guy Fischer. Et pensez aux salariés !

M. Philippe Bas, ministre délégué... sans affecter pour autant, cela va sans dire, le régime général de la sécurité sociale. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Claude Domeizel. Vous avez déjà commencé !

M. Philippe Bas, ministre délégué. La Cour des comptes a justement rappelé que le montant de la dette de l'État à l'égard de ces deux fonds était aujourd'hui de l'ordre de 9 milliards d'euros. C'est considérable !

Nous souhaitons donc qu'en réduisant sa dette publique au cours des cinq prochaines années, l'État donne la priorité à son désendettement à l'égard de la sécurité sociale et, en particulier, à l'égard du Fonds de solidarité vieillesse. Car rendre confiance aux Français, c'est d'abord les rassurer sur leurs retraites et sur leur protection sociale,...

M. Guy Fischer. C'est mal parti !

M. Philippe Bas, ministre délégué... ce qui leur permettra d'envisager l'avenir avec sérénité et rendra inutiles des comportements d'épargne qui risqueraient de pénaliser la consommation, la croissance et l'emploi.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale n'a pas d'autre objectif que de maintenir dans notre pays le très haut niveau de protection sociale auquel les Français sont attachés, tout en réduisant les déficits, celui de la sécurité sociale, mais aussi celui de l'État.

La sécurité sociale continue en effet, et ce n'est pas illégitime tant que cela reste dans des limites raisonnables, à contribuer directement au financement de grandes politiques publiques, qu'il s'agisse de la santé, de l'emploi ou du pouvoir d'achat - au travers de l'intéressement, de la participation, des chèques-vacances, des chèques-restaurant, etc. -, en acceptant de renoncer à une partie des ressources qui lui sont normalement affectées et en prenant à sa charge des dépenses publiques importantes qui ne relèvent pas directement de la protection sociale. Sans cette contribution, l'État ne pourrait tenir son pari de réduire de 1 % le volume des dépenses publiques en 2007.

En réduisant son déficit de près de 20 % l'an prochain, la sécurité sociale, malgré cette charge qu'elle assume, contribue aussi à ramener l'ensemble des déficits publics sous le seuil de 2,5 % de la richesse nationale.

C'est notre responsabilité de l'assumer, même si je souhaite, je vous l'ai dit la semaine dernière, parvenir à plus de transparence et de clarté à travers un inventaire détaillé de tout ce qui doit relever par priorité de l'État et par priorité de la sécurité sociale.

Malgré toutes ses charges, la sécurité sociale aura diminué son déficit de moitié sur trois ans. Ces bons résultats doivent nous encourager à continuer notre effort.

La sécurité sociale fait partie du patrimoine de toutes les Françaises et de tous les Français. Comme l'école de la République, elle est au coeur de l'exigence républicaine. Sa sauvegarde et son avenir doivent tous nous rassembler.

Je compte sur votre Haute Assemblée pour apporter à la poursuite des réformes le soutien politique qui leur est nécessaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, s'il est un exercice dont nous sommes tous coutumiers, c'est bien celui de la discussion générale.

M. Claude Domeizel. Un exercice difficile pour vous !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Un peu long, il demande de la patience pour écouter tous les orateurs, jusqu'au dernier. Vous voudrez bien m'excuser par avance, mes chers collègues, pour les inévitables redites, ne serait-ce qu'à travers les chiffres, dans les propos que je tiendrai devant vous. J'interviens en effet après les brillants exposés des ministres Xavier Bertrand et Philippe Bas.

Si ce sujet, d'une grande complexité, ne s'adresse souvent qu'aux seuls initiés, il est quelques-uns de nos concitoyens à s'y intéresser. Je note d'ailleurs avec satisfaction, mes chers collègues, qu'il n'y a jamais eu autant d'intérêt pour le PLFSS que cette année. Signe des temps ou preuve que nous sommes à la veille d'une échéance électorale importante ? Quoi qu'il en soit, près de 400 amendements ont été déposés sur ce texte.

M. François Autain. Quatre cents !

M. Alain Vasselle, rapporteur. En ma qualité de rapporteur chargé des équilibres financiers généraux, je n'ai jamais été autant sollicité par la presse...

M. François Autain. Et les lobbies !

M. Alain Vasselle, rapporteur.... et par les lobbies. Cela ne veut pas dire pour autant que je céderai à cette pression médiatique ou extérieure. Je sais, en effet, pouvoir compter sur votre vigilance (M. François Autain s'esclaffe) pour que le Sénat reste cohérent avec lui-même. C'est ce que je vais tenter de faire.

M. François Autain. On va vous aider !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je vous apporterai quelques éléments de la réflexion de la commission des affaires sociales.

C'est, en ma qualité de rapporteur, le mandat qui m'a été confié, tout au moins par la majorité des membres de la commission des affaires sociales. J'ai d'ailleurs constaté qu'une bonne partie des collègues de l'opposition ont eu quelques difficultés à trouver matière à critique dans les propos que j'ai tenus devant la commission. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

M. André Lardeux, rapporteur. Très bien !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela veut dire qu'ils partagent au moins le sentiment que je vais exprimer devant vous.

Vous le savez, nous travaillons dans un nouveau cadre juridique, issu de l'adoption de la loi organique de 2 août 2005. Pour la deuxième année consécutive, nous allons examiner le PLFSS dans les conditions ainsi définies.

Cette deuxième année d'application confirme la justesse de nos analyses antérieures. Vous vous le rappelez, nous avons, dès l'origine, souhaité améliorer sa présentation, étendre son champ d'intervention.

Nous avons également souhaité, de façon récurrente et de longue date, améliorer la clarification des relations entre l'État et la sécurité sociale.

Nous avons en outre affirmé, comme principe fondamental, dont M. Philippe Bas s'est fait l'écho à plusieurs reprises, la nécessité de renforcer l'autonomie de la sécurité sociale. Déjà, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, la commission des affaires sociales évoquait régulièrement ce sujet devant les ministres successifs.

Et puis, il y a des annexes au PLFSS. Nous avons considéré qu'elles sont particulièrement utiles et qu'il faut en parfaire la qualité. Nous avons également considéré qu'il importe d'améliorer nos moyens de contrôle sur l'application des lois de financement. C'est la raison pour laquelle la Haute Assemblée - et je crois que M. Josselin de Rohan n'a pas été étranger à l'initiative prise par le Sénat, tout au moins il l'a encouragée - a décidé de créer la MECSS, mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, que j'ai l'honneur de présider. Elle vise à permettre au Parlement d'exercer sa deuxième mission : après la législation, contrôler l'action du Gouvernement dans l'application des textes.

Avant de vous faire part des observations de notre commission des affaires sociales sur la situation générale des comptes sociaux, je voudrais dire quelques mots sur le contenu du projet de loi et, d'abord, sur ses équilibres.

Dans un second temps, j'aborderai plus en détail le volet assurance maladie du texte. Mes collègues André Lardeux, Dominique Leclerc et Gérard Dériot rapporteront les aspects relatifs aux autres branches.

Je vous rappelle, est-ce nécessaire tant vous vous en souvenez, que le déficit de l'exercice 2004 avait atteint u n niveau record puisqu'il s'élevait à 11,9 milliards d'euros. Les années 2005 à 2007, c'est-à-dire celles qui suivent la réforme de l'assurance maladie, sont des années de redressement indéniable des comptes sociaux et en particulier de la branche maladie.

Trois grandes tendances peuvent résumer la période.

La première est une nette reprise des recettes.

Celle-ci est due principalement à une politique économique et sociale du Gouvernement qui a permis de faire progresser la masse salariale et d'engranger ainsi un volume accru de cotisations et de CSG, en nette hausse par rapport aux années antérieures.

Elle résulte aussi des mesures adoptées, notamment dans le cadre des réformes des retraites engagées par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, et de l'assurance maladie, c'est-à-dire l'élargissement de l'assiette de la CSG, les hausses de cotisations vieillesse et AT-MP, accidents du travail et maladies professionnelles, l'anticipation de divers prélèvements sociaux, notamment celle à laquelle nous avons procédé l'année dernière et qui a touché les plans d'épargne logement. Ce n'est certes pas la meilleure des recettes que nous ayons pu trouver, mais elle a permis de contribuer à l'amélioration des comptes.

Ces deux séries de facteurs ont permis une hausse des recettes supérieure à 5 % par an au cours des trois années.

La deuxième tendance est la décélération des dépenses d'assurance maladie.

Elle a permis une nette décrue du déficit de la branche maladie, ramené de 8 milliards d'euros en 2005 à 6 milliards d'euros en 2006 et 3,9 milliards d'euros en 2007. M. Xavier Bertrand disait à l'instant que si rien n'avait été fait, nous nous serions retrouvés avec un déficit de l'ordre de 16 milliards d'euros. Non seulement il a été divisé par deux, mais, à la fin de 2007, il aura été divisé par quatre.

Ce résultat provient, notamment, de l'effort de maîtrise des dépenses et du pari du gouvernement Raffarin de voir s'engager l'ensemble des acteurs concernés : usagers, professionnels de santé, secteur du médicament. Les résultats, particulièrement réconfortants, parlent d'eux-mêmes.

Le PLFSS pour 2007 montre que cet effort sera poursuivi. La mesure phare est, bien sûr, l'ONDAM, dont le taux de progression, initialement fixé à 2,5 %, est désormais de 2,6 % après l'adoption, par l'Assemblée nationale, d'un amendement qui majore de 200 millions d'euros le sous-objectif « dépenses de soins de ville ».

Il est vrai qu'en ce qui concerne l'objectif de soins de ville nous nous étions fixés, l'année dernière, un chiffre ambitieux, autour de 0,8 % ou 0,9 %. Il est fort probable qu'il se situe au-dessus de 1 % à la fin de l'exercice. Pour l'année 2007, il est sans doute beaucoup plus réaliste de se fixer un objectif proche de 1 % ou 1,1 %.

Ce choix ambitieux du Gouvernement repose sur un plan d'économies de 2,3 milliards d'euros pour le seul régime général. Il prévoit un effort important dans le domaine du médicament avec la promotion des génériques, que nous encouragerons par le biais d'un amendement relatif au tiers payant. Le développement des grands conditionnements, ainsi que des mesures d'optimisation des prescriptions hospitalières déterminées dans le cadre d'accords de bon usage de soins devraient également contribuer à une évolution positive. C'est un sujet sur lequel je me permettrai de revenir, messieurs les ministres, lors de l'examen des dispositions relatives à l'hôpital.

La maîtrise médicalisée conventionnelle est un succès, puisqu'elle a déjà permis une baisse tendancielle des dépenses de plus de 1 milliard d'euros au cours des dix-huit derniers mois. Si tout va bien, nous devrions arriver à une économie de l'ordre de 700 millions d'euros pour ce qui concerne l'exercice 2007.

Le PLFSS prévoit également des mesures de lutte contre la fraude, qui pourraient rapporter environ 100 millions d'euros.

Mais l'exécution de cet ONDAM 2007 ne pourra réussir, à mon sens, qu'à deux conditions.

La première est la mise en oeuvre sans délai du plan d'économies. Messieurs les ministres, faut-il imputer ce qui s'est passé l'année dernière à l'inertie des administrations centrales ou à celle des administrations locales ? Quoi qu'il en soit, le comité d'alerte soulignait dans son avis du mois de juin 2006 que les retards pris dans la mise en oeuvre du plan d'économies 2006 se traduiraient par une moindre économie de 500 millions d'euros.

Sans doute étiez-vous, messieurs les ministres, vous-mêmes en alerte,...

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous étions vigilants.

M. Alain Vasselle, rapporteur.... puisque vous n'avez pas hésité un seul instant à agir, notamment sur l'hôpital. En pratiquant la régulation prix-volume, vous avez pu maintenir la progression en dessous du seuil de 0,75 % et éviter la réunion du comité d'alerte. Un peu plus de célérité dans la mise en oeuvre du plan d'économies vous éviterait peut-être de prendre cette année des mesures de cette nature, même si celles-ci étaient justifiées.

La deuxième condition est la poursuite de la décélération du rythme de progression des dépenses de soins de ville et des dépenses hospitalières.

La troisième évolution majeure de la période 2005-2007, c'est la croissance des dépenses de retraites. M. Philippe Bas a rappelé devant la Haute Assemblée que l'augmentation des dépenses s'explique par le dispositif « carrières longues » et par l'arrivée à l'âge de la retraite des générations du baby-boom. Elle entraîne une dégradation du déficit de la branche vieillesse, passé de 1,9 milliard d'euros en 2005 à 3,5 milliards en 2007.

Ce cadre général étant posé, je voudrais maintenant développer devant vous ce qui constitue aujourd'hui, selon notre commission, les trois défis majeurs de la sécurité sociale.

Le premier défi est l'amélioration des relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Je demande aux membres du Gouvernement et aux membres de la commission des finances d'y être particulièrement attentifs. À cet égard, je me réjouis de la présence du président Jean Arthuis dans l'hémicycle, qui témoigne de l'intérêt porté par la commission des finances aux lois de financement de la sécurité sociale.

Ces relations sont considérées comme opaques et complexes. M. Jean-François Copé a dénoncé cette opacité devant la commission des affaires sociales Puis, ici même, lors du débat sur les prélèvements obligatoires, j'ai cru entendre les mêmes propos dans la bouche du rapporteur général, M. Philippe Marini. Il semble donc que ce soit l'une des préoccupations de la commission des finances.

Nombre d'observateurs, moi le premier d'ailleurs, dénoncent cette situation : elle est, il faut le souligner, du fait de l'État, et de son seul fait, car il se sert souvent de cette opacité pour gommer ses défaillances et dissimuler sa dette à l'égard des organismes sociaux, laquelle se chiffre à pas moins de 5 milliards d'euros, M. Philippe Bas le rappelait il y a quelques instants.

L'État s'efforce de masquer les transferts de charges du budget de l'État vers la sécurité sociale. Tout à l'heure, je dirai deux mots du dispositif prévu pour le financement du biotox. L'État fait supporter par le budget de la sécurité sociale nombre de dépenses qui ont pourtant un caractère régalien.

M. André Lardeux, rapporteur. Absolument !

M. Alain Vasselle, rapporteur. L'année dernière, nous avions mis l'accent sur la situation inquiétante des fonds, qu'il s'agisse du FSV, le fonds de solidarité vieillesse, ou du FFIPSA, le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles. Or, en un an, les déficits et la dette de ces fonds se sont accrus. Et M. Philippe Bas est bien conscient de cette situation même s'il est particulièrement optimiste.

M. François Autain. Je n'en suis pas sûr !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Il considère qu'il n'y a pas d'inquiétudes à avoir pour les années à venir.

M. François Autain. Tout baigne !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Pour lui, la situation du FSV devrait s'améliorer. Je pense, messieurs Domeizel, Autain et Fischer, que vous conviendrez avoir, dans cette affaire, votre part de responsabilité pour avoir soutenu les gouvernements qui ont précédé celui de M. Raffarin. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Philippe Bas, ministre délégué. Plus que leur part !

M. François Autain. Le FFIPSA, ce ne sont pas des gouvernements de gauche qui l'ont créé !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Comme M. Philippe Bas l'a rappelé tout à l'heure, le FSV a été créé par Édouard Balladur.

Son objectif était de financer les dépenses dites non contributives de la branche vieillesse. Il s'agissait donc d'un objectif sain.

Or, c'est bien le Gouvernement de M. Jospin qui a créé le FOREC, fonds qui a été utilisé pour financer les 35 heures, et qui a détourné les recettes de la branche maladie de la sécurité sociale pour assurer son financement.

M. Guy Fischer. Vous radotez, monsieur le rapporteur !

M. Alain Vasselle, rapporteur. La dynamique de la politique actuelle du Gouvernement, avec une amélioration de l'économie et la croissance de la masse salariale, a permis au fonds de solidarité vieillesse de voir ses recettes s'améliorer en même temps qu'une partie de ses dépenses s'atténuer puisque, l'effet de ciseaux jouant, les cotisations chômage diminuent d'autant. Le fonds de solidarité vieillesse devrait donc retrouver l'équilibre, au plus tard, espère-t-on, en 2009-2010.

M. Claude Domeizel. C'est vous qui le dites !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Hélas, il n'en va pas de même pour le FFIPSA,...

M. François Autain. C'est vous qui l'avez créé !

M. Alain Vasselle, rapporteur.... qui enregistre un flux de déficit annuel de 1,9 milliard d'euros, et ce flux ne se résorbera pas à la suite de l'initiative, tout à fait légitime et justifiée, du Président de la République que le Gouvernement a traduite concrètement par une amélioration de la retraite des agriculteurs,...

M. Jean-Jacques Jégou. Payée en monnaie de singe !

M. Alain Vasselle, rapporteur.... amélioration qui a pour effet d'augmenter les dépenses du fonds à hauteur de 200 millions d'euros.

Le hic, c'est que, pour le moment, on ne sait pas - et je me tourne vers M. Arthuis - si M. Copé proposera une recette supplémentaire de 200 millions d'euros en loi de finances pour ne pas accentuer le déficit du FFIPSA, lequel passerait sinon de 1,9 milliard à 2,1 milliards d'euros.

M. Claude Domeizel. C'est de l'inconscience !

M. Guy Fischer. Incroyable !

M. Alain Vasselle, rapporteur. À cela s'ajoutent toujours les 660 millions d'euros que M. Copé n'est pas parvenu à trouver l'année dernière pour honorer la dette résiduelle due au FFIPSA pour apurer les dettes du passé.

Il faut savoir, mes chers collègues, que si nous ne trouvons pas de recettes pour alimenter le FSV et le FFIPSA, les déficits cumulés atteindront 11,4 milliards d'euros à la fin de 2007. C'est une situation particulièrement préoccupante à propos de laquelle je serais heureux, messieurs les ministres, que vous puissiez nous apporter quelques apaisements pour l'avenir.

M. Philippe Bas, ministre délégué. C'est un pacte entre la nation et ses agriculteurs, et il sera honoré !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le ministre.

Par ailleurs, les insuffisances des crédits budgétaires au titre de la compensation des allégements ciblés de charges sociales - soit pas moins de 3 milliards d'euros ! - sont dénoncées depuis plusieurs années par la commission des affaires sociales, mais elle n'est pas seule dans ce cas puisque la Cour des comptes comme les rapporteurs spéciaux des deux assemblées ont fait les mêmes observations. Pour le seul exercice 2007, ces allégements ciblés non compensés devraient atteindre 600 millions d'euros.

M. Alain Vasselle, rapporteur. J'en viens à la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale, qui atteint 5 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien !

Cette dette risque de s'accentuer de 1,25 milliard d'euros à la fin de l'exercice 2006 et de 1 milliard d'euros supplémentaires à la fin de l'exercice 2007.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Cela signifie que, si l'État ne fait pas l'effort d'apporter une contribution au paiement d'une partie de sa dette, cette dette cumulée atteindra à la fin de l'exercice 2007 au minimum 7,25 milliards d'euros.

M. Guy Fischer. Et voilà !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Monsieur le président de la commission des finances, j'avais eu la naïveté de croire que l'État aurait profité des 5 milliards de recettes supplémentaires constatées cette année pour amorcer le remboursement de sa dette. M. Copé, très généreusement, a prévu, et c'était sans doute le moins que l'on pouvait espérer de sa part, de payer les intérêts financiers correspondant à la dette.

M. Claude Domeizel. Une partie des intérêts seulement !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Cependant, plus l'État remboursera tôt une partie de sa dette, moins il aura d'intérêts financiers à payer. Je ne peux donc qu'encourager la commission des finances à engager l'État à commencer le remboursement d'une partie de la dette dès cette année afin que les intérêts financiers soient moins élevés l'année prochaine. (M. François Autain s'exclame.)

Tous ces chiffres atteignent de tels sommets qu'ils en donnent le vertige !

S'agissant enfin des transferts de l'État vers la sécurité sociale, dont mon rapport écrit dressera la liste, sachez qu'ils atteindront au total 500 millions d'euros pour la seule période 2003-2006, ce qui est loin d'être négligeable.

Le deuxième défi à relever, mes chers collègues, est celui du financement des déficits et des dettes cumulés.

Pour l'ensemble des régimes et des fonds, le besoin de financement nécessaire à la fin de l'année 2007 devrait représenter pas moins de 20 milliards d'euros et, si rien n'est fait, à droit constant, nous devrions être aux alentours de 37 milliards d'euros à la fin de l'exercice 2009 !

Or je rappelle qu'il y a deux ans le législateur organique, sur l'initiative de l'Assemblée nationale, a introduit une disposition relative à la CADES, dont le conseil de surveillance est présidé par notre collègue Jean-Jacques Jégou, qui interdit tout recours à cette caisse sans transfert des ressources lui permettant d'assurer le remboursement de sa dette dans le délai prévu de manière à ne pas faire supporter aux générations futures le poids de celle-ci.

M. François Autain. Ce qui est moral !

M. Alain Vasselle, rapporteur. À la fin de l'année 2004, 50 milliards d'euros ont été transférés, dont 35 milliards d'euros liés à la disparition du FOREC plus 15 milliards d'euros qui correspondaient au déficit de l'assurance maladie attendu sur les exercices 2005 et 2006, mais les 20 milliards d'euros nécessaires au titre de l'exercice 2007 ne sont pas financés et il faudra bien un jour ou l'autre que nous nous posions la question de savoir comment financer cette somme sans la faire supporter par les générations futures.

MM. François Autain et Guy Fischer. Eh oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur. J'en viens ainsi au troisième défi auquel est confrontée la sécurité sociale, à savoir celui de son financement, sujet qui a été au coeur des discussions entre la commission des affaires sociales et la commission des finances de notre assemblée lors du débat sur les prélèvements obligatoires, car il faut faire face à des dépenses croissantes en matière de santé et de vieillesse.

Chacun en est conscient, M. Bertrand pour la santé et M. Bas pour la vieillesse autant que nous-mêmes, non seulement l'évolution de la démographie, en particulier l'augmentation importante du nombre de personnes âgées, s'accompagne inévitablement d'un accroissement des dépenses, notamment au titre de la dépendance, mais les progrès thérapeutiques, les nouvelles techniques qui permettent de diagnostiquer toujours plus tôt certaines maladies graves comme la sortie de nouvelles molécules pèsent également lourdement sur le budget de la sécurité sociale.

On ne peut que se réjouir de ces progrès, mais ils ont pour effet de donner aux dépenses une dynamique qui est souvent égale ou supérieure à la progression du produit intérieur brut.

M. François Autain. Toujours supérieure !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Dans ces conditions, il faudrait que nous trouvions une recette aussi dynamique pour assurer la couverture de ces nouvelles dépenses. Certes, le Gouvernement s'est attaché à veiller à ce que les taux de progression restent dans la dynamique du produit intérieur brut, mais l'exercice n'est pas aussi évident qu'il peut y paraître. La sécurité sociale a donc besoin d'une source de financement à la fois plus pérenne et plus dynamique.

Le Président de la République a lancé le débat, au début de l'année, au moment des voeux, en retenant la piste d'une cotisation assise sur la valeur ajoutée et non plus exclusivement sur les salaires.

Plusieurs études ont été menées sur le sujet, mais aucune réponse évidente n'en est sortie. Elles ont tout au plus fait apparaître un consensus sur la nécessité de rechercher à la fois l'équilibre des comptes sociaux et le maintien de la compétitivité économique de la France dans une économie ouverte et mondialisée.

Sur l'objectif, je pense d'ailleurs qu'il y a un véritable consensus entre nos deux commissions, entre les deux assemblées et avec le Gouvernement. Le problème est que personne ne sait comment l'atteindre.

Notre collègue Serge Dassault avait avancé une autre solution qui consistait à mettre en oeuvre le coefficient d'activité, solution qui apparaissait séduisante parce que simple, mais qui n'est certainement pas sans effets pervers et qui risque d'avoir des répercussions négatives sur une partie de nos entreprises.

Il nous faudra donc - il me semble que Jean-François Copé était prêt à partager cette approche et le rapport Lambert va un peu dans ce sens - bien faire la part des choses entre les dépenses qui sont dites de solidarité et les dépenses considérées comme des dépenses d'assurance.

Les dépenses de solidarité ont vocation à être financées par le budget de l'État alors que les dépenses d'assurance doivent l'être par des cotisations ou des primes d'assurance. Le tout sera donc de bien définir les périmètres qui entourent chacun de ces deux types de dépenses.

C'est sur ce point qu'il risque d'y avoir quelques divergences entre la commission des finances et la commission des affaires sociales. Pour ma part, je partage l'avis de M. Bas, qui a affirmé haut et fort à plusieurs reprises qu'il fallait que nous assurions une véritable étanchéité entre les comptes de la sécurité sociale et les comptes de l'État. Il faut éviter qu'il n'y ait des ressources provenant d'un côté et de l'autre et que le curseur ne soit en permanence déplacé entre les unes et les autres.

On a connu cette situation pour le partage des droits sur le tabac : le curseur s'est déplacé au fil du temps, une partie des droits sur le tabac « basculant » au profit du FFIPSA, des allégements ou dans le panier des neuf recettes, une autre partie allant à la branche maladie et le reste au budget de l'État.

Quelle que soit la nature de la recette qui viendra alimenter le budget de la sécurité sociale, l'essentiel est que cette recette appartienne au budget de la sécurité sociale et qu'elle n'ait aucun lien avec le budget de l'État, et cela même si c'est une taxe ou une recette du type de la CSG, le tout étant que nous fassions bien la part des choses entre ce qui correspond au budget de la sécurité sociale et ce qui correspond au budget de l'État.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est ce que souhaite en tout cas la commission des affaires sociales et la MECSS, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, travaillera d'ailleurs sur la transparence des comptes et l'affectation des recettes entre ces deux budgets.

J'en viens aux propositions de la commission des affaires sociales en vu d'améliorer le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

D'abord, il nous paraît indispensable de renforcer le cadrage pluriannuel en étayant l'annexe B et en justifiant plus solidement les évolutions prévues.

Le document de cette année est meilleur que le précédent,...

M. Philippe Bas, ministre délégué. Ah !

M. Alain Vasselle, rapporteur.... car il présente deux scénarios et non un seul. Toutefois, il n'est construit que sur quatre hypothèses : la croissance et l'inflation, d'une part, la masse salariale et l'ONDAM, d'autre part.

C'est évidemment largement insuffisant pour parvenir à un résultat pertinent sur l'évolution prévisible de chacune des branches.

Cette année, par exemple, l'annexe B retient, dans les deux scénarios et pour les quatre années, une croissance de la masse salariale supérieure de plus de deux points à celle du produit intérieur brut et une croissance de l'ONDAM inférieure à celle de la richesse nationale, ce qui permet d'afficher un excédent prévisionnel de la branche maladie compris entre 2 milliards et 4 milliards d'euros à partir de 2010.

Si la croissance de la masse salariale se maintient à ce niveau et si nous parvenons à contenir l'évolution des dépenses de l'assurance maladie, nous pourrions en effet connaître une situation excédentaire à partir de 2010. Peut-être avons-nous donc tort de trouver ces prévisions exagérément optimistes, contrairement au Gouvernement, qui les trouve réalistes...

M. Xavier Bertrand, ministre. Tout à fait !

M. Alain Vasselle, rapporteur.... puisqu'il nous les propose, ou pour le moins assez volontaristes. Il faudrait que nous disposions d'un peu plus de détails sur les éléments retenus dans cette projection pour pouvoir nourrir notre débat et je vous proposerai, mes chers collègues, un amendement en ce sens.

Deuxième demande d'amélioration, qui a d'ailleurs déjà été formulée l'année dernière, les montants inscrits dans le projet de loi devraient être présentés en millions d'euros et non en milliards d'euros arrondis à la centaine de millions d'euros près.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Savez-vous combien il y aura de grippes l'année prochaine ?....

M. Alain Vasselle, rapporteur. Messieurs les ministres, peut-être manquez-vous de moyens humains et quelques redéploiements de personnels du ministère des finances vers vos ministères seraient-ils opportuns pour vous permettre d'accomplir cette tâche...

Le projet de loi de finances nous est présenté à l'euro près, et non pas au million d'euros près. Il faut savoir, mes chers collègues, que nous allons voter des annexes qui nous sont présentées à la centaine de millions d'euros près. Quelle est la crédibilité de comptes établis de cette façon ?

Imaginez qu'un maire présente un budget dont la précision se situe à la centaine de milliers d'euros près, au millier d'euros près, même, il me semble que la chambre régionale des comptes serait en droit de lui faire quelques observations.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Savez-vous combien de cas de grippe il y aura l'an prochain ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Il est vrai, sans doute, qu'on ne saurait véritablement comparer la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.

On me dit que l'on ne peut prévoir précisément quel sera le niveau des dépenses de l'assurance maladie, puisqu'on ignore quel sera l'état de santé du peuple français dans le courant de l'année.

Il est toutefois possible de faire des prévisions à l'euro près :...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'a pas tort.

M. Alain Vasselle, rapporteur.... rien ne nous empêche d'envisager un collectif social qui permettrait d'ajuster les chiffres en cours d'année. Des décisions modificatives sont prises dans le cadre de la loi de finances. Pourquoi s'en priver dans le cadre d'une loi de financement de la sécurité sociale ?

Il y a suffisamment de hauts fonctionnaires de grande qualité dans tous les ministères pour réussir cet exercice.

Il faudrait également améliorer les relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Je vous présenterai une série d'amendements à cet égard.

Je vous proposerai tout d'abord - et M. Bas ne pourra qu'approuver cette mesure émanant de la commission des affaires sociales - de supprimer le caractère facultatif de la subvention de l'État au FFIPSA et, d'autre part, de prévoir une compensation à l'euro près des allégements généraux de charges sociales.

Je proposerai ensuite de supprimer la non compensation de trois mesures d'exonérations prévues à l'article 21.

Nous proposerons encore de rendre systématique la prise en charge par l'État des intérêts de sa dette à l'égard de la sécurité sociale et d'améliorer le principe de neutralité financière dans les flux de trésorerie entre l'État et la sécurité sociale.

Nous proposerons enfin de prévoir le financement par le budget de l'État, et non par le fonds de solidarité vieillesse, de la protection sociale des volontaires associatifs.

Le deuxième axe de notre réflexion nous conduit à vous proposer d'ouvrir le débat sur le financement de la sécurité sociale.

Dans ce cadre, je souhaite que soit lancé un débat sur les « niches sociales ». À cet effet, un amendement tendra à remettre partiellement en cause les exonérations sociales sur les stock-options, à l'image de ce qui a été fait en matière fiscale. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Notre troisième axe vise à garantir une meilleure protection des usagers de la sécurité sociale.

Je vous suggérerai d'aménager les règles du recours contre tiers, conformément à la politique menée depuis trois ans par le Gouvernement en cette matière, et je répondrai en cela à une demande du Médiateur de la République, M. Jean-Paul Delevoye.

Je vous proposerai également de rendre impératif l'avis conforme de la CNIL avant la mise en place du répertoire national commun aux organismes de sécurité sociale.

Notre quatrième axe permettra de sanctionner des comportements inacceptables.

Je vous proposerai de sanctionner ceux qui incitent à la désaffiliation - comme on a pu le faire par spots publicitaires - ou au non paiement des cotisations sociales. Cela me semble particulièrement choquant et doit être sanctionné.

Je voudrais maintenant évoquer le volet de ce texte portant sur l'assurance maladie.

Premièrement, le plafond de ressources ouvrant droit au dispositif d'aide à l'acquisition d'une assurance complémentaire santé est relevé. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

Désormais, les personnes dont les revenus sont compris entre le plafond de la couverture maladie universelle complémentaire, ou CMUC, et le plafond majoré de 20 % pourront bénéficier de cette aide : environ 900 000 personnes sont concernées par cette mesure.

Je me permets, messieurs les ministres, d'attirer un instant votre attention sur ce point.

Monsieur Bas, vous avez fait des efforts importants pour améliorer la situation des handicapés.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Oui.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je voudrais vous présenter un exemple concret. Les personnes âgées percevant le minimum vieillesse ou les personnes percevant l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, ne peuvent aujourd'hui bénéficier de la CMUC. Ils n'ont droit qu'au crédit d'impôt, qui reste insuffisant, même s'il doit être amélioré cette année.

Vous connaissez le montant de l'AAH ; il se situe aux alentours de 590 euros. Un adulte handicapé se trouvant dans un foyer occupationnel acquitte le prix de journée que demande le conseil général : il paie entre 370 et 390 euros en moyenne par mois. Si l'on ajoute le prix de l'assurance complémentaire nécessaire à la couverture du ticket modérateur, soit de 40 à 60 euros suivant les assurances, on parvient à 450 euros.

J'ai connaissance du cas d'un adulte handicapé mental, habitant le foyer de ma commune, qui ne peut se faire soigner les dents sans anesthésie générale. Hospitalisé et soigné, il a reçu une facture de 2 000 euros. Le régime général permet le remboursement de 300 euros, l'assurance complémentaire de 500 euros. Ce sont donc 1 200 euros qui restent à la charge du patient, soit 100 euros par mois.

Ce patient doit donc débourser 550 euros par mois, alors que l'AAH est de 590 euros. Il reste à cet adulte handicapé 40 euros pour faire face à tous ses besoins, habillement, loisirs, transports, etc. : ce n'est pas possible.

Il est prévu que 30 % lui restent, soit un peu plus de 100 euros.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Quelque180 euros.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Il faudra donc contrôler l'application de la loi telle que la prévoient les décrets d'application, car elle n'est pas aujourd'hui appliquée : les établissements et les conseils généraux continuent de réclamer le paiement de 390 euros au titre du prix de journée. Ce prix devrait être diminué afin que le reste à vivre soit bien de 30 %.

Or il n'est pas certain que même un reste à vivre de 180 euros soit suffisant pour un adulte handicapé : cela dépend de la situation de la famille. Il serait donc intéressant de faire le bilan de l'application de cette disposition.

Sous le gouvernement précédent, Mme Aubry a fait l'erreur magistrale de plafonner l'accès à la CMUC en dessous du seuil de ressource du minimum vieillesse et de l'AAH.

M. Alain Gournac. Nous l'avions dit !

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est le gouvernement de M. Raffarin puis celui de M. de Villepin, grâce à M. Philippe Bas, qui ont permis d'améliorer très nettement la situation.

Il existe encore toutefois des cas de figure inquiétants. Je voulais, à l'occasion de la discussion générale, appeler votre attention sur ces cas concrets, qui préoccupent des familles qu'il est nécessaire de rassurer.

Le relèvement du plafond de ressources est donc une bonne mesure : il faudra sans doute aller plus loin et, du moins, veiller à la bonne application des textes.

Deuxièmement, le PLFSS instaure une procédure dérogatoire, destinée à favoriser la prise en charge de produits ou prestations spécifiques pour les patients atteints d'une maladie rare et pour les assurés souffrant d'une affection de longue durée.

Voilà une mesure sage, qui permettra à certains malades d'accéder à certains produits non remboursés jusqu'à présent.

M. Xavier Bertrand, ministre. Merci, monsieur le rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Troisièmement, M. Bas l'a mentionné, plusieurs dispositifs inscrits dans le PLFSS sont la traduction législative du plan solidarité grand âge. M. Leclerc aura l'occasion de revenir sur ce point.

Outre l'ONDAM médico-social, qui constitue le volet financier de cette contribution, il faut signaler la création d'une consultation de prévention spécifique aux personnes atteignant soixante-dix ans, l'introduction d'un référentiel favorisant une meilleure prise en compte des besoins exprimés en matière de soins de longue durée et les mesures prises pour encourager l'investissement dans les établissements médico-sociaux.

À ce sujet, lors de l'examen des articles, je proposerai des amendements de la commission qui portent sur la prestation dépendance. Nous présenterons de nouveau les amendements que M. Lardeux avait déposés à l'occasion de l'examen du projet de loi instituant la journée de solidarité.

Ce thème avait fait l'objet d'une proposition de loi cosignée par M. Paul Blanc et une cinquantaine de sénateurs de notre groupe, proposition à laquelle le Gouvernement n'était pas resté insensible mais qu'il n'avait pas souhaité accepter car une expertise lui semblait préalablement nécessaire.

Peut-être pourrez-vous, messieurs les ministres, nous donner enfin quelques éléments de réponse.

J'aborderai brièvement la question de la tarification à l'activité ou T2A. Je me ferai l'écho de la Cour des comptes, qui estime à cinq ans la période de réglage nécessaire à la résorption de ses « imperfections de jeunesse ».

Le PLFSS prévoit que la facturation directe entre les établissements de santé et les caisses d'assurance maladie sera reportée au 31 décembre 2008, alors qu'elle était initialement prévue pour le 1er janvier 2006.

Nous ne voudrions pas que ce report donne prétexte à de plus grands retards en ce qui concerne la convergence entre établissements publics et privés.

M. François Autain. Convergence qui n'est pas pour demain !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Il ne faudrait pas non plus que soient étendues les dispositions que vous souhaitez, messieurs les ministres, et qui tendent à vous donner le pouvoir de distinguer la régulation prix-volume entre établissements publics et privés.

Je craindrais que l'on ne se dirige vers un système à deux vitesses et que l'écart ne s'accentue à tel point que nous finissions par devoir abandonner l'objectif de convergence.

M. Xavier Bertrand, ministre. Certainement pas !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je ne crois pas que cet objectif soit le vôtre, mais il me semble nécessaire d'être particulièrement prudent.

L'Assemblée nationale a souhaité aller plus loin : elle a adopté un amendement qui autorise le Gouvernement à expérimenter la T2A dans le domaine des soins de suite ou de réadaptation et pour les activités de psychiatrie.

L'application de cette mesure à la psychiatrie n'est certainement pas aussi simple qu'il y paraît.

M. François Autain. C'est impossible !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous débattrons assurément de ce sujet lors de l'examen des amendements.

M. Guy Fischer. Il faut retirer la psychiatrie !

M. Alain Vasselle, rapporteur. J'aimerais encore mentionner le fonds de prévention des risques sanitaires.

Vous vous souvenez, mes chers collègues, que ce fonds, est en grande partie alimenté, depuis sa création en 2001, par un prélèvement sur l'assurance maladie, ce qui est éminemment contestable dans son principe, comme le soulignait déjà la commission des affaires sociales sous la présidence de M. Fourcade.

Selon la commission, la protection des populations, qu'il s'agisse d'un risque bioterroriste ou d'une pandémie de type grippe aviaire, relève à l'évidence de la sécurité civile et des compétences régaliennes de l'État.

Le Conseil constitutionnel, à l'occasion du recours formé contre la dernière loi de financement, n'a d'ailleurs pas manqué d'indiquer au Gouvernement que la technique du fonds de concours ne pouvait plus être utilisée pour le financement du fonds Biotox.

En effet, le recours à un fonds de concours suppose que la partie qui apporte les recettes, en l'occurrence l'assurance maladie, soit volontaire, ce qui n'était pas le cas.

Face à cette injonction, le Gouvernement nous propose aujourd'hui d'ériger le fonds en établissement public, ce qui ne pose pas de problème en soi.

Ce qui me paraît en revanche inacceptable, c'est qu'il assortisse cette transformation d'une clause prévoyant qu'à l'avenir les sommes prélevées sur l'assurance maladie pour son financement feront l'objet d'un simple arrêté interministériel.

Que n'entendrait-on de la part de la commission des finances, mes chers collègues, si l'on décidait que les crédits inscrits en loi de finances ne seraient mobilisés que par voie d'arrêté ? Tous les membres de cette commission se mobiliseraient contre.

Il en est de même aujourd'hui de la commission des affaires sociales : nous ne pouvons accepter cette mesure qui ôterait au Parlement son pouvoir de contrôle.

M. François Autain. Nous sommes d'accord sur ce point !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous présenterons donc un amendement tendant à éviter cette situation. Je vous proposerai de rétablir les droits des assemblées et de plafonner la participation au fonds de l'assurance maladie. Nous admettons, à la limite,...

M. François Autain. À la limite !

M. Alain Vasselle, rapporteur.... que la sécurité sociale contribue pour une part à ce fonds, mais l'État doit y contribuer au moins de manière égale.

Avant de conclure, je voudrais évoquer brièvement deux autres propositions émises par la commission.

La première a pour objet de favoriser l'utilisation des médicaments génériques. La restriction du bénéfice du tiers payant a fait apparaître des résultats probants. Nous proposons donc que cela soit généralisé à l'ensemble du territoire.

Que nos concitoyens se rassurent : il ne s'agit pas d'un déremboursement des médicaments. Si l'assuré refuse le médicament générique proposé, il devra avancer la somme correspondant à l'achat du médicament puis fera ensuite valoir ses droits auprès de sa caisse, qui le remboursera évidemment.

Cette proposition découle d'une expérimentation mise en oeuvre dans les Alpes-maritimes et à Paris, dont les premiers résultats font apparaître un taux de remplacement par les génériques proche de 65 %, ce qui est tout à fait intéressant.

Notre deuxième proposition vise à compléter les règles de contrôle de l'activité des médecins, des établissements de santé et des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes.

Mes chers collègues, avec votre concours et celui du Gouvernement, avec la bonne volonté de la commission des finances, je ne doute pas que nous arrivions à franchir une étape supplémentaire dans la direction que suggère la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, si ce projet de loi de financement pour 2007 ne consacre qu'un petit nombre de dispositions à la branche vieillesse, il s'agit bien évidemment de mesures importantes, portant sur des questions d'actualité qui intéressent directement tous nos concitoyens : l'emploi des seniors et les conditions de liquidation des pensions des assurés sociaux du régime général, à l'horizon 2008.

Ces dernières années, la commission des affaires sociales a souhaité contribuer à alimenter le débat en avançant des idées et des propositions, dont bon nombre sont entrées en vigueur ou ont été reprises par le Gouvernement, ce dont nous nous félicitons.

Bien évidemment, au cours de l'examen du texte, nous vous proposerons de continuer dans cette voie.

Cette démarche se fonde sur quelques principes simples, auxquels nous avons réaffirmé solennellement notre attachement.

Il s'agit du respect de l'équilibre financier des régimes de retraite, de la préservation de l'équité entre les générations ainsi que des intérêts, trop souvent oubliés, des jeunes actifs, de la réduction des injustices entre les assurés sociaux, de l'introduction de davantage de transparence dans le fonctionnement de l'assurance vieillesse, de l'amélioration du pilotage et de la gouvernance des régimes, en particulier dans la fonction publique d'État - quel beau voeu ! -, de la simplification des transferts financiers de la compensation démographique et de la garantie, pour les assurés sociaux du secteur privé, de la neutralité des opérations d'adossement des régimes spéciaux.

J'en viens à présent à la situation de la branche vieillesse, que nous pouvons juger paradoxale, car son déficit s'est nettement creusé depuis deux ans, en dépit de l'entrée en vigueur de la réforme de 2003.

Mes chers collègues, vous connaissez les chiffres : le déséquilibre de la branche vieillesse devrait atteindre 3,5 milliards d'euros en 2007, après 2,4 milliards d'euros en 2006 et 1,9 milliard d'euros en 2005.

Ce constat mérite d'être expliqué. Il tient tout d'abord à des facteurs démographiques, notamment les départs en retraite des premières classes d'âge du baby-boom. Ensuite, l'adaptation de nos finances sociales aux effets du vieillissement de la population ne fait en réalité que commencer, et la réforme des retraites de 2003 était graduelle : la montée en charge de nombreuses mesures ne sera achevée qu'à partir de 2008, voire entre 2015 et 2020.

Toutefois, on ne soulignera jamais assez combien la loi Fillon était généreuse, puisqu'elle comporte de nombreuses dépenses nouvelles au bénéfice des assurés sociaux et associe des charges supplémentaires à effet quasi immédiat et des mesures d'économies à moyen et à long terme.

Ces différents facteurs expliquent le creusement actuel du déficit de l'assurance vieillesse, qui était largement anticipé.

Néanmoins, grâce au recul de trois ans dont nous disposons, nous devons avoir la lucidité d'admettre, me semble-t-il, que plusieurs brèches menacent l'équilibre institué par la loi du 21 août 2003.

Ainsi, tout d'abord, du coût, beaucoup plus important que prévu, de la mesure relative aux carrières longues, dont nous pouvons d'ailleurs nous demander s'il sera longtemps soutenable financièrement, d'autant que ces dispositions ont été partiellement détournées de leur objet, puisque les assurés sociaux ont été autorisés à racheter leurs années de cotisations incomplètes ou leurs années d'études pour bénéficier de ce dispositif.

Un tel cas de figure n'avait jamais été envisagé dans la loi de 2003. Or, il concerne aujourd'hui 15 % des demandes et coûte anormalement cher à la branche vieillesse. Il faut donc mettre un terme à cette dérive, me semble-t-il.

Un deuxième motif d'inquiétude réside dans la faiblesse persistante du taux d'emploi des seniors, car nous ne constatons malheureusement aucune inflexion des comportements individuels et collectifs dans le monde du travail.

De fait, les moyens de contourner le report de l'âge du départ en retraite des assurés sont très nombreux. Les règles de mise à la retraite d'office, pour lesquelles le législateur de 2003 avait volontairement laissé une large place au dialogue social, constituent un véritable cas d'école.

Je suis malheureusement obligé de constater qu'en signant 122 accords de branches les partenaires sociaux ont sur ce point vidé de toute sa substance la réforme de 2003. Huit de ces accords sont même allés jusqu'à autoriser des départs avant soixante ans, ce qui est illégal !

D'ailleurs, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de nouveau la création d'un dispositif qui n'est pas conforme à l'esprit de la loi de 2003, et que nous ne pourrons donc pas soutenir.

Dans ce contexte, le plan national d'action en faveur des seniors élaboré par le ministre délégué à l'emploi, M. Gérard Larcher, constitue une initiative courageuse que nous soutenons totalement.

À la lumière de ce précédent, je m'inquiète aussi de la perspective d'une dérive des négociations en cours entre les partenaires sociaux sur la pénibilité, une notion difficile à apprécier et à cerner. J'y vois un risque élevé de création d'un mécanisme supplémentaire de cessation précoce d'activité, alors même que la question de la soutenabilité financière du dispositif des carrières longues se trouve posée.

À l'occasion de l'examen de ce PLFSS, notre commission souhaite également que le Sénat débatte de la question - rarement évoquée - de la fragilité de la CNAV, la caisse nationale d'assurance vieillesse, dans l'architecture de l'assurance vieillesse.

En ma qualité de rapporteur de la branche vieillesse depuis 2001, en effet, j'ai pu constater à de nombreuses reprises la vulnérabilité du régime général, dans ses rapports avec l'État comme avec les autres régimes sociaux.

Le dossier de l'adossement de La Poste conforte d'ailleurs ce sentiment, même si le Gouvernement - et je m'en félicite, monsieur le ministre -, n'a pas précipité cette opération dans le cadre du présent PLFSS, comme la presse lui en prêtait l'intention voilà quelques semaines.

En fait, l'autonomie toute relative du régime général d'assurance vieillesse tient beaucoup à la force de caractère de la présidente de la caisse nationale, Mme Karniewicz, ainsi qu'au sens des responsabilités des membres de son conseil d'administration.

La réforme des critères de la compensation démographique intervenue en 2002 montre que l'on assigne régulièrement à la CNAV le rôle de financeur en dernier ressort du système de protection sociale, et cela sans que la caisse en ait les moyens.

De la même façon, les instances du FFIPSA réclament avec insistance une nouvelle modification à leur profit de ces mêmes critères de calcul depuis juin 2005. Si tel devait être le cas, 700 millions d'euros supplémentaires seraient mis chaque année à la charge du régime général.

La CNAV fait donc figure de victime toute désignée des opérations de régulation budgétaire. S'y ajoutent les risques inhérents à la perspective d'une généralisation des adossements de régimes spéciaux.

Comme notre commission l'a répété à maintes reprises, ces opérations se chiffrent en dizaines de milliards d'euros d'engagements : 95 milliards d'euros pour les IEG, les industries électriques et gazières, 23 milliards d'euros pour la RATP, et sans doute demain 70 milliards d'euros pour La Poste et plus de 105 milliards d'euros pour la SNCF.

Certes, le Gouvernement s'est engagé à ce que ces montages soient neutres pour les assurés sociaux du secteur privé. Toutefois, nous le savons, le calcul des soultes n'est pas une science exacte et la neutralité de ces opérations ne pourra être constatée que a posteriori.

Notre commission déplore également qu'en dépit de l'obligation d'information préalable du Parlement, votée l'an dernier, nous ne connaissions toujours ces opérations que par voie de presse.

Il faut donc sécuriser davantage les prochains adossements, d'une part, en donnant au régime général la possibilité de disposer d'une clause de révision, à l'instar de l'AGIRC, l'Association générale des institutions de retraite des cadres, et de l'ARRCO, l'Association des régimes de retraite complémentaires, et, d'autre part, en rendant obligatoire la consultation du conseil d'administration de la CNAV. Notre commission s'y sent d'autant plus autorisée que le dernier rapport de la Cour des comptes a largement souligné l'ambivalence de ces adossements.

Enfin, sans engager dès maintenant le débat de 2008 sur les retraites, nous croyons utile, en cette fin de législature, de tirer quelques enseignements en vue de la prochaine réforme.

En effet, nous sommes convaincus qu'il nous faudra partir d'un constat lucide et nous défier d'une approche trop volontariste.

Nous ne devons à aucun prix surestimer la validité d'un scénario de retour rapide à un taux de chômage de 4,5 % et de transfert d'excédents futurs à l'UNEDIC, l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce. En ma qualité de rapporteur pour la branche vieillesse, je l'ai d'ailleurs indiqué à M. Hadas-Lebel, le nouveau président du COR, le conseil d'orientation des retraites, en lui signalant quelques conclusions très contestables développées dans le troisième rapport de cette institution.

Je pense, en particulier, à l'évolution probable au cours des prochaines années du taux de remplacement, c'est-à-dire du rapport entre la retraite perçue et le dernier salaire d'activité. Le rapport du COR fait apparaître une situation plus avantageuse dans le secteur privé que dans le secteur public. Or cette présentation n'est pas conforme à la réalité, et il ne faudrait pas que la prochaine réforme des retraites s'engage sur de telles bases.

Je suis d'ailleurs régulièrement interpellé par des assurés sociaux du secteur privé inquiets de la perspective d'une diminution inexorable du taux de remplacement et d'autant plus choqués de la sollicitude de l'État pour les bénéficiaires d'autres régimes, et notamment des régimes spéciaux.

Notre commission estime également qu'une saine régulation de l'assurance vieillesse consisterait à modifier aisément, chaque année, les grands paramètres de gestion des régimes.

Or, nous le savons, la technique des annuités oblige, à l'inverse, les pouvoirs publics à procéder à une réforme « lourde » au début de chaque législature, qui se traduit systématiquement par un véritable psychodrame national. Ce mode de gestion devient de moins en moins facilement utilisable et incite paradoxalement, comme nous le constatons aujourd'hui, les assurés sociaux à partir en retraite dès qu'ils le peuvent. Pour cette raison, d'ailleurs, l'Allemagne comme la Suède ont abandonné cette technique des annuités. Mes chers collègues, sachons nous inspirer des exemples étrangers lorsqu'ils sont probants !

En définitive, la question qui se posera dans moins de deux ans sera celle du choix entre un ajustement à court terme des retraites et une réforme structurelle à long terme.

Aucune solution miracle ne permettra d'échapper à des décisions difficiles. Le vieillissement de la population produira ses effets au-delà de la branche vieillesse, puisqu'il accroîtra mécaniquement de 2,7 points de PIB au moins le déficit de la branche maladie. Si l'on ajoute à ce montant les besoins de la branche famille, de la politique du handicap, de l'indemnisation de l'amiante et de la prise en charge de la dépendance, ce sont au moins six ou sept points de richesse nationale supplémentaires qu'il faudrait prélever, sachant que le niveau de prélèvement actuel de la France est déjà l'un des plus élevés au monde.

Quels que soient les responsables politiques qui seront aux affaires l'an prochain, il faudra, comme nous y invite la Cour des comptes, continuer le processus de réforme que nous avons eu le courage d'engager.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Mes chers collègues, il faut savoir que les actuaires et les universitaires que j'ai rencontrés au cours des derniers mois ne cachent pas que nous sommes engagés dans une course contre la montre, ce qui nous fait d'autant plus regretter de ne pas avoir agi dans le passé.

En effet, à chaque fois qu'une telle réforme est retardée de cinq ans, il nous faut produire in fine des efforts deux fois plus importants ! Mes chers collègues, nous ne pouvons ignorer cette réalité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est exact ! Malheureusement, tout le monde n'en n'est pas conscient.

M. le président. La parole est à M. André Lardeux, rapporteur.

M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2007, la branche famille de la sécurité sociale devrait, pour la quatrième année consécutive, enregistrer un déficit.

Toutefois, son montant, estimé à 0,7 milliard d'euros, se trouve en nette régression, grâce, notamment, à l'achèvement de la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, et des efforts de bonne gestion entrepris par la CNAF, la caisse nationale des allocations familiales, dans le cadre de la nouvelle COG, la convention d'objectifs et de gestion 2005-2008.

Le retour à l'équilibre des comptes en 2008 est donc non pas un objectif de long terme, mais une perspective tout à fait réalisable, et c'est heureux. En effet, il devenait urgent de rétablir la situation financière de la branche famille, car les réserves de la caisse nationale s'épuisent : elles ont été divisées par deux en quatre ans, et en 2007 elles seront pour la première fois insuffisantes pour faire face aux besoins quotidiens de trésorerie.

Signe de l'amélioration annoncée, les recettes de la branche famille retrouveront un dynamisme satisfaisant en 2007, grâce à la croissance attendue de la masse salariale.

Je voudrais toutefois m'arrêter un instant sur le cas particulier de la dotation versée par l'État en remboursement des dépenses entraînées par l'AAH, l'allocation aux adultes handicapés, et par l'API, l'allocation de parent isolé.

Malgré une hausse notable de 4,7 % par rapport à 2006, il y a fort à craindre que cette enveloppe sera, comme chaque année, insuffisante : il manque déjà 300 millions d'euros pour rembourser les dépenses réelles d'allocations effectuées en 2006. En conséquence, l'augmentation prévue pour 2007 permettra tout juste de couvrir ce dérapage et laissera non financée la revalorisation des prestations pour l'année à venir.

Quel est votre sentiment sur ce point, monsieur le ministre ? Comment se fait-il que, systématiquement, le passé soit sous-évalué ? Vous comprendrez que, dans ces conditions, je ne peux que partager le souci d'Alain Vasselle lorsqu'il demande que l'État prenne au moins en charge les frais financiers qui pèsent sur la branche à cause de ces dettes récurrentes. (M. Guy Fischer s'exclame.) Je ne développerai pas plus, M. le rapporteur vient de le faire très brillamment.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Merci, monsieur le rapporteur !

M. André Lardeux, rapporteur. J'en viens maintenant à l'objectif de dépenses de la branche famille, qui est fixé à 55,3 milliards d'euros pour 2007.

Les dépenses de prestations légales appellent de ma part trois observations principales.

D'abord, je constate que les prestations d'entretien sont de moins en moins universelles, ce qui nous amène à nous interroger pour l'avenir. Les prestations généralistes - allocations familiales et complément familial - ont reculé de quatre points en seulement deux ans, au profit des prestations ciblées, destinées aux familles élevant de jeunes enfants ou aux familles monoparentales. Cette situation est d'autant plus regrettable que ces prestations ciblées sont toutes sous conditions de ressources, ce qui contribue à rendre moins universel encore notre dispositif de prestations, et, ici, à privilégier le social sur le familial.

En revanche, je salue la forte progression des prestations en faveur de la garde des jeunes enfants - 11 % en 2006 et encore 6,4 % en 2007 -, qui atteste de l'effet positif de la PAJE pour aider les familles à financer des modes de garde individuels et payants de leurs enfants.

Enfin, j'observe que les prestations en faveur des personnes handicapées poursuivent leur croissance soutenue.

Nous pouvons nous féliciter du succès de la nouvelle majoration d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé destinée aux parents isolés : entrée en vigueur au 1er janvier 2006, elle concerne déjà près de 10 000 enfants.

J'évoquerai maintenant l'action sociale de la branche famille, qui, avec un budget de 3,8 milliards d'euros en 2007, constitue un levier essentiel de la politique familiale.

Les moyens planifiés par la COG misaient sur une augmentation moyenne de 7,5 % chaque année entre 2005 et 2008. Cette hausse, remarquable, aurait dû permettre de faire face aux engagements déjà pris par les caisses, notamment auprès des collectivités locales ; elle aurait dû aussi financer les 15 000 places de crèche supplémentaires annoncées par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale du 8 juin 2005. Or, en 2005, ces dépenses d'action sociale ont connu un dérapage sensible : elles ont crû de plus de 15 %, principalement en raison de l'augmentation beaucoup plus vive que prévue des dépenses de prestations de service, et plus particulièrement des contrats « enfance » et des contrats « temps libre ».

Ce dérapage s'explique par le fait que l'attribution des prestations de service par les CAF fonctionnait jusqu'alors à guichet ouvert, sans réelle sélectivité des projets et sans droit de regard des caisses sur la progression du coût de revient des structures.

C'est la raison pour laquelle des mesures de régulation ont été adoptées par la CNAF : enveloppes limitatives, priorité donnée aux projets permettant d'augmenter la capacité d'accueil, ciblage des subventions sur les communes à faibles ressources et mal équipées, baisse du taux de cofinancement pour les nouveaux contrats. Ces mesures me paraissent raisonnables : elles étaient même indispensables à la pérennité de l'action sociale de la branche famille.

Certains dénoncent un manquement à la parole donnée. Je ne suis pas de ceux-là. En effet, mes chers collègues, il faut relativiser la portée du resserrement des conditions de financement des contrats « enfance-jeunesse ». La participation des CAF n'est réduite que de deux points, passant de 80 % à 78 % ; en outre, cela concerne uniquement les nouveaux contrats.

Je ne m'attarderai pas sur les aides au logement, troisième poste de dépenses de la branche famille, si ce n'est pour signaler leur ralentissement, qui s'explique par l'amélioration de la conjoncture économique et de la situation de l'emploi.

J'évoquerai, en revanche, plus longuement la dernière charge qui pèse sur la branche famille, celle qui est liée aux avantages familiaux de retraite, et plus particulièrement aux majorations de pension versées aux assurés sociaux ayant élevé au moins trois enfants.

Depuis l'origine, la commission des affaires sociales a toujours exprimé son opposition de principe au transfert de charge opéré entre le FSV et la CNAF dans ce domaine. Mais elle est aussi suffisamment réaliste pour admettre que la situation n'est, pour l'instant, pas réversible : revenir sur ce transfert aurait pour conséquence de doubler le déficit, déjà très important, du FSV.

S'il est impossible de supprimer cette charge indue, évitons de la rendre plus inéquitable encore ! C'est pourtant ce qui s'est produit en 2006 avec l'adossement au régime général du régime spécial de retraite des industries électriques et gazières. Cette opération a coûté à la branche famille entre 30 millions et 50 millions d'euros, puisqu'elle a dû reprendre le financement des avantages familiaux servis au titre de ce régime. Personnellement, je le regrette beaucoup, dans la mesure où ce ne sont pas les plus favorisés qui viennent au secours de personnes qui, elles, ne manquent déjà pas d'avantages !

À défaut de pouvoir résoudre le problème des majorations de pension pour enfants, j'estime que le minimum serait d'assurer la neutralité, pour la branche famille, de ces opérations d'adossement. La commission des affaires sociales vous proposera donc un amendement en ce sens, mes chers collègues.

Avant de clore cette présentation des comptes de la branche famille, je brosserai un rapide tableau de la politique familiale dans son ensemble pour observer que, en dépit de la rigueur budgétaire imposée par sa situation financière, elle sort consolidée et renouvelée de cette législature.

La politique traditionnelle en faveur de la petite enfance affiche un bilan plus que satisfaisant : 500 000 familles de plus sont éligibles à la PAJE ; la capacité d'accès à un mode de garde payant des enfants s'est accrue de 8,5 %, grâce au nouveau complément « mode de garde » et à la mise en oeuvre de la prestation de service unique ; le coût de la garde des jeunes enfants a baissé de trois, voire de quatre points de revenus, selon les familles.

L'offre de garde a également fait, en cinq ans et quatre « plans crèches », un bond quantitatif et qualitatif exceptionnel : plus de 50 000 nouvelles places de crèches ont été financées et 40 000 autres ont été rénovées ou transformées en places de multi-accueil. Le « plan petite enfance » que vous avez présenté la semaine dernière, monsieur le ministre, s'inscrit dans cette voie, en prévoyant le maintien d'un rythme de création de 12 000 berceaux par an pour les cinq années à venir.

Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale donne un fondement législatif aux nouveaux outils prévus pour développer l'offre de service, notamment à travers la création de microcrèches. En offrant une solution intermédiaire entre la crèche collective et l'accueil individuel chez un assistant maternel agréé, ce mode d'accueil me paraît une solution innovante, qui mérite d'être expérimentée.

Pour cette dernière année de la législature, le Gouvernement fait un pari audacieux, celui d'élargir les problématiques traitées par la politique familiale, en lui faisant quitter le strict champ de l'enfance pour aborder la question de la solidarité entre générations. Deux mesures du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale témoignent de cette nouvelle orientation : la création d'un prêt à taux zéro de 5 000 euros pour les jeunes de dix-huit ans à vingt-cinq ans qui entrent dans la vie active, d'une part ; la mise en place d'un congé de soutien familial destiné aux personnes qui cessent de travailler pour s'occuper d'un membre de leur famille âgé ou handicapé, d'autre part.

Cette dernière mesure mérite tout particulièrement d'être saluée, car elle va dans le sens d'une meilleure reconnaissance des aidants familiaux. Le maintien de leurs droits à la retraite par l'affiliation à l'assurance vieillesse des parents au foyer constitue une réponse pertinente à une aspiration légitime.

À travers ces deux mesures, le Gouvernement réaffirme la complémentarité de la solidarité collective et de la solidarité familiale. Je ne peux naturellement qu'approuver cette orientation : ces démarches doivent fonctionner ensemble.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je soutiendrai la proposition d'Alain Vasselle qui vise à encourager le développement de l'assurance dépendance.

M. Guy Fischer. Privatisation !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais non ! Pourquoi tout de suite les grands mots ?

M. André Lardeux, rapporteur. La sécurité sociale est l'affaire de chaque Français. Or chaque Français est une personne privée. Parler de privatisation n'a pas de sens ici !

M. André Lardeux, rapporteur. Cette suggestion répond aux attentes de nos concitoyens, qui, après avoir dû assumer le vieillissement de leurs parents, veulent à tout prix éviter de faire peser la même charge sur leurs propres enfants, d'autant que ces derniers seront un peu moins nombreux que la génération actuelle.

En guise de conclusion, je rappellerai ce qui doit, à mon sens, guider une politique construite et constructive en faveur de la famille.

La famille a besoin d'être constamment défendue, en raison d'abord du rôle qu'elle joue dans l'avenir démographique du pays, mais plus encore de son rôle essentiel dans l'équilibre de notre société.

Elle doit d'abord être défendue contre des modèles qui sont présentés comme des formes alternatives de vie familiale alors qu'ils n'ont rien à voir avec elle, ou qui tentent de faire croire qu'un enfant peut se construire sans les repères donnés par la confrontation avec l'altérité.

Elle doit ensuite être défendue contre le délitement de son rôle fondamental d'intégration, de protection, de solidarité et de transmission. Ce dernier rôle n'est pas le moindre dans un contexte où l'école est en crise, où le service militaire a disparu et où nombre de rites sociaux, culturels ou cultuels sont désormais ignorés.

Pour ce faire, nous devons avant tout nous attacher à l'intérêt de l'enfant. Ce sont les droits de l'enfant que nous devons faire primer sur toutes les formes de « droit à l'enfant ».

Il n'est pas concevable, selon moi, que les enfants soient contraints de s'adapter aux désirs, parfois égoïstes, des adultes, qu'ils fassent les frais des conflits qui opposent leurs parents. Aussi est-il nécessaire de réfléchir au bien-fondé de certains dispositifs, comme la résidence alternée.

M. André Lardeux, rapporteur. D'un strict point de vue juridique, cette formule est sans doute très séduisante. Mais si on l'examine du point de vue de l'intérêt de l'enfant, est-elle si favorable ?

Sa mise en oeuvre suppose d'abord que soient remplies de nombreuses de conditions. Il faut que la séparation des parents soit la moins conflictuelle possible, que les principes éducatifs qui guident le père et la mère soient compatibles et convergents, qu'ils habitent à proximité l'un de l'autre et, enfin, que leurs revenus et leurs conditions d'habitat ne soient pas trop différents.

Plus fondamentalement, un nombre toujours croissant de spécialistes de l'enfance s'élève contre ce mode de garde. Combien d'adultes accepteraient de déménager ainsi tous les huit jours, comme on l'impose à des enfants parfois très jeunes, alors qu'ils sont à une période de la vie où la stabilité est essentielle ? Je pourrais citer des exemples parfois complètement aberrants dans ce domaine, à côté desquels l'application de la réduction du temps de travail dans les entreprises est d'une simplicité biblique !

Pour toutes ces raisons, je crois indispensable que soit entreprise une évaluation des conséquences psychologiques et sociologiques de la résidence alternée sur les enfants, plus particulièrement sur les enfants de moins de trois ans.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. André Lardeux, rapporteur. Je vous en fais solennellement la demande, monsieur le ministre.

Ces quelques observations ne m'empêchent pas de proposer au Sénat d'adopter les dispositions relatives à la branche famille du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, complétées par les amendements que je vous présenterai au nom de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot, rapporteur.

M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient de terminer, au nom de la commission des affaires sociales, la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale par l'analyse de la situation de la branche accidents du travail-maladies professionnelles.

Cette branche est de dimension modeste, à peine 3 % des dépenses de la sécurité sociale en 2007, ce qui représente environ 11,4 milliards d'euros, dont 10,2 milliards d'euros pour le seul régime général.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne contient pas de mesures nouvelles la concernant. Il est vrai, monsieur le ministre, que c'est uniquement justifié par la volonté de laisser le champ libre à la négociation sur la réforme de la branche, qui s'est ouverte entre les partenaires sociaux, au mois de décembre 2005. Le Gouvernement a envisagé, un temps, de faire figurer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale quelques dispositions relatives à la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles, mais il y a renoncé, après que les partenaires sociaux lui ont fait connaître leur opposition formelle à toute initiative de ce type.

Il est vrai qu'une intervention du législateur sur un sujet qui est au coeur de la discussion entre patronat et syndicats aurait été mal perçue dans le contexte actuel de revalorisation du dialogue social.

Je ne m'arrêterai que brièvement sur l'analyse de l'évolution des risques professionnels, dans la mesure où les chiffres ne font que confirmer les évolutions observées depuis quelques années.

Le nombre d'accidents du travail continue de diminuer, confirmant ainsi une tendance ancienne, même si les dernières statistiques disponibles relatives à l'année 2005 montrent une légère augmentation du nombre d'accidents de trajet, lesquels sont à l'origine du quart des accidents mortels dans notre pays. C'est aussi le signe que les entreprises sont très vigilantes pour améliorer les conditions de travail.

En revanche, le nombre de personnes reconnues atteintes de maladies professionnelles a connu une nouvelle progression, en raison de l'augmentation du nombre de cas de troubles musculo-squelettiques et de maladies provoquées par l'amiante.

Toutefois, je rappelle que les statistiques relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles doivent être interprétées avec prudence. En effet, elles ne recensent que les accidents et maladies qui ont été déclarés, puis reconnus d'origine professionnelle par une caisse de sécurité sociale. Une mission d'audit, conduite par l'Inspection générale des affaires sociales et l'INSEE a par ailleurs montré que les statistiques des accidents du travail et des maladies professionnelles étaient incomplètes, notamment dans les trois fonctions publiques. Cette mission a donc suggéré la création d'un système central de leur recensement, indépendant des différents régimes.

J'en viens maintenant à la présentation des principales données financières concernant la branche.

Sa situation financière s'est nettement améliorée au cours de l'année écoulée : le déficit constaté en 2005 serait réduit de l'ordre de plus 90 % et n'atteindrait plus que 40 millions d'euros en 2006. Ce redressement permet d'envisager un retour aux excédents dès 2007. Il s'explique, en partie, par la progression un peu plus dynamique que prévue de la masse salariale, mais surtout par la décision prise l'an dernier de relever de 0,1 point le taux de cotisation à la charge des employeurs.

La perspective d'un retour de la branche à l'équilibre amène le Gouvernement à proposer, dans ce projet de loi de financement, une augmentation des transferts mis à la charge de la branche.

Il s'agit, tout d'abord, du transfert à l'assurance maladie, pour compenser les dépenses supportées indûment par l'assurance maladie en raison de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance des maladies professionnelles. Fixé pendant plusieurs années à 330 millions d'euros, ce transfert est porté à 410 millions en 2007. Ce montant s'inscrit dans la fourchette préconisée par la commission Diricq, chargée d'évaluer le coût pour l'assurance maladie de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance.

Il s'agit, ensuite, du transfert vers les fonds de l'amiante. La dotation au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, FIVA, reste stable à 315 millions d'euros, mais celle qui est affectée au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, FCAATA, augmente de 100 millions pour atteindre 800 millions d'euros. Pourtant, cette augmentation ne suffira pas à rétablir la situation financière de ce fonds, qui devrait accuser un déficit cumulé de 238 millions d'euros en 2007.

La dégradation de ses comptes s'explique, pour l'essentiel, par le rendement plus faible qu'attendu de la contribution créée en 2005 et mise à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante. Alors que les recettes attendues de cette taxe devaient s'élever à 120 millions d'euros environ, seuls 68 millions ont été prélevés en 2005. Et encore faut-il préciser que, sur cette somme, 27 millions ont été simplement évalués par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS, mais non recouvrés, en raison des recours exercés par les entreprises qui leur permettent de différer le paiement de la contribution. Il semble que les conséquences des différents plafonds mis en place pour limiter la contribution due par chaque entreprise aient été mal appréciées, au moment de la création de la taxe. La commission des affaires sociales vous proposera d'ailleurs d'améliorer le rendement de la taxe, puisque tout cela repose sur le principe pollueur-payeur.

Comme je l'indiquais en introduction, une importante négociation entre les partenaires sociaux pour réformer la branche AT-MP est aujourd'hui en cours. Elle devrait permettre de compléter et de prolonger les avancées obtenues, dans la période récente, sur l'initiative des pouvoirs publics.

Pour illustrer ces avancées, je voudrais dresser un premier bilan de l'application de la convention d'objectifs et de gestion, conclue entre l'État et la branche pour la période 2004-2006.

La plupart de ses objectifs ont été atteints : des mesures bienvenues de simplification des procédures ont été adoptées ; le fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles gère désormais un budget pluriannuel ; les textes attendus sur l'accompagnement médical des victimes ont été publiés ; des indicateurs de performance ont été élaborés, afin d'améliorer le pilotage de la branche. Il appartient maintenant aux partenaires sociaux de prolonger cette modernisation de la branche par des réformes de fond.

À ce jour, les partenaires sociaux se sont mis d'accord sur une réforme de la gouvernance de la branche AT-MP. Ils ont réaffirmé le principe d'un strict paritarisme dans sa gestion, rejetant ainsi les demandes des associations de victimes qui auraient souhaité y être associées. Ils ont décidé d'officialiser la pratique consistant à confier systématiquement la présidence de la branche à un représentant des employeurs, qui assument, rappelons-le, l'intégralité du financement de la branche.

Quatre groupes de travail ont été mis en place pour étudier les problèmes qui restent à traiter.

Le premier doit déterminer les chiffres clés de la branche AT-MP, afin de parvenir à un diagnostic partagé sur la situation de la branche. Le deuxième étudie la question complexe de la tarification, qui pourrait être rendue plus incitative en faveur de la prévention, grâce à un système de bonus-malus. Le troisième réfléchit à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles ; il est peu probable que les partenaires sociaux s'accordent sur une réparation intégrale, en raison de son coût, mais la réparation forfaitaire versée aux victimes pourrait être améliorée. Enfin, le quatrième et dernier groupe travaille au renforcement de la prévention, surtout dans les petites entreprises.

La négociation devrait se poursuivre jusqu'au milieu de l'année 2007. Le projet de loi de financement pour 2008 pourrait constituer le support idéal pour traduire dans la loi l'éventuel accord des partenaires sociaux.

Pour conclure mon intervention, je voudrais dire un mot des suites données au rapport de notre mission « amiante », à laquelle un grand nombre de sénateurs ont participé ; le président de cette mission est d'ailleurs présent.

D'abord, je me réjouis de constater, et c'est plutôt rassurant, que nos collègues de l'Assemblée nationale, qui ont mené une mission d'information sur le même sujet, rejoignent très largement nos conclusions. Ils partagent nos constats et nos propositions sur les réformes à apporter au FIVA et au FCAATA, ainsi que sur les mesures de prévention nécessaires pour éviter de nouvelles expositions à l'amiante, matériau qui demeure très présent dans les habitations ou dans les locaux professionnels.

Ensuite, j'observe avec satisfaction que le Gouvernement a mis en oeuvre un grand nombre des recommandations de la mission : les contrôles sur les chantiers de désamiantage ont été considérablement renforcés et la réglementation sur la protection des travailleurs contre les dangers de l'amiante va être actualisée pour tenir compte de l'avancée des connaissances scientifiques ; l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, AFSSET, est venue compléter notre dispositif de veille sanitaire ; le suivi postprofessionnel des anciens travailleurs de l'amiante est en passe d'être généralisé à l'ensemble du territoire ; le décret, longtemps attendu, nécessaire pour que les fonctionnaires et les contractuels du ministère de la défense bénéficient de la cessation anticipée d'activité a été publié en avril dernier ; enfin, un plan sans précédent de recrutements à l'Inspection du travail a été lancé : 700 inspecteurs ou contrôleurs du travail devraient être embauchés d'ici à 2010.

Demeure en suspens la question de la réforme des fonds de l'amiante, notamment celle de son financement. C'est pourquoi la commission des affaires sociales vous proposera de prévoir l'augmentation graduelle de la dotation de l'État au FIVA, afin que celle-ci soit à la hauteur de la responsabilité de l'État en tant qu'employeur, mais aussi en tant que garant de la sécurité sanitaire du pays. Nous souhaitons, bien sûr, que d'autres réformes de ces fonds interviennent, une fois que les résultats de la négociation entre les partenaires sociaux seront connus.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont les observations que je voulais faire sur la branche AT-MP, qui aura effectivement la chance de revenir à l'équilibre en 2007. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le PLFSS pour 2007 est le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature. Il est donc l'occasion de mettre en relief les évolutions constatées.

En préambule, je voudrais toutefois relever que ce texte contient, par rapport aux années précédentes, une nouveauté qui n'a pas échappé à la commission des finances : il comporte en annexe des projets de programmes de qualité et d'efficience, PQE. Monsieur le président de la commission des affaires sociales, je tiens à vous féliciter pour ce document, qui est tout à fait intéressant.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Merci !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je relève toutefois que votre glossaire ne contient pas la définition de cet acronyme.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. J'espère que ce n'est pas un signe de désintérêt de la commission des affaires sociales pour ces PQE !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oh non !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce sera réparé !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous avez remarqué que nous avons même mentionné les budgets annexes !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. C'est une idée tout à fait excellente !

Les PQE sont une première étape dans la démarche d'appréciation de la performance des dépenses de sécurité sociale. La démarche de performance doit être très clairement poursuivie ; elle reste encore trop embryonnaire à notre sens. Les PQE sont perfectibles et, à ce stade, ils ne permettent pas de juger réellement de la performance de l'action publique en matière de sécurité sociale.

À cet égard, monsieur le ministre, je ne peux qu'encourager vos services à se rapprocher de la direction générale de la modernisation de l'État, DGME, du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Elle s'est en effet heurtée à la même problématique dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF, à laquelle la commission des finances de la Haute Assemblée est particulièrement attachée.

J'en viens maintenant au fond.

Je remarque que l'on observe un début de redressement des comptes de la sécurité sociale en 2006, après deux années de déficit record en 2004 et en 2005.

La réduction du déficit obtenue en 2006 porte principalement sur l'assurance maladie et prolonge l'amélioration engagée en 2005. En effet, en deux ans - il faut s'en réjouir -, le déficit de la branche maladie du régime général aura été réduit de 5,6 milliards d'euros grâce à l'apport de recettes nouvelles et à un ralentissement très net de ses dépenses dû notamment au comportement des Français à l'égard des arrêts de travail pour maladie ; nous en sommes très heureux.

Ce ralentissement des dépenses d'assurance maladie est incontestablement un fait marquant de la législature. La réduction du déficit de la branche maladie est toutefois compensée en partie par l'aggravation du déficit de la branche vieillesse, en raison de l'arrivée à la retraite des générations du baby-boom, mais également de la montée en charge du dispositif de retraite anticipée.

Si l'on note une amélioration globale des comptes de la sécurité sociale, on ne peut cependant se réjouir de la situation présente. En effet, avant de mettre en relief l'évolution des différentes branches, je voudrais faire un point sur l'évolution des charges financières, qui traduisent les problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Il convient tout d'abord de rappeler que l'embellie constatée les années passées a en partie été permise par la reprise, par la Caisse d'amortissement de la dette sociale - la fameuse CADES ! -, des déficits de la branche maladie du régime général. Ce sont 45,6 milliards d'euros au total qui lui ont ainsi été transférés depuis 2004, ce qui a permis de réduire les charges financières du régime général.

Comme l'a indiqué excellemment le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Alain Vasselle, l'un des apports majeurs de la législature réside dans le coup d'arrêt porté au transfert sur les générations futures de la charge de la dette sociale, grâce à l'article 20 de la LOLFSS.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est une bonne initiative !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Ce transfert de déficits vers la CADES aujourd'hui achevé, on observe une tendance très nette, particulièrement marquée en 2007, à la hausse des charges financières du régime général. C'est malheureusement la contrepartie, monsieur le ministre ! Cela témoigne de la situation difficile dans laquelle se trouve le régime général.

J'observe toutefois que, du fait de ses dettes à l'égard de la sécurité sociale, l'État est responsable d'une partie de ces charges financières. Il le reconnaît d'ailleurs pour la première fois, puisqu'il prévoit, à l'article 23 du projet de loi de finances pour 2007, d'affecter à ce titre une fraction de droits sur les tabacs au régime général de la sécurité sociale, à hauteur de 160 millions d'euros.

Le plafond d'avances de trésorerie fixé pour le régime général confirme cette situation difficile, puisqu'il connaît une nouvelle envolée : le plafond prévu pour 2007 - que je vous proposerai de réduire très légèrement - est ainsi le plus élevé qui ait été fixé depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale, après le « record » enregistré en 2004.

Il faut noter également le niveau très élevé du plafond qui a été fixé pour le régime des exploitants agricoles - 7,1 milliards d'euros. Je ne rouvrirai pas la plaie puisque nous aurons l'occasion de parler du FFIPSA au cours de nos débats.

M. François Autain. Sans doute !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Ce fonds de financement connaît une situation structurellement déficitaire très préoccupante, dont chacun se navre. En commun avec la commission des affaires sociales, la commission des finances a d'ailleurs déposé un amendement à ce sujet.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Alain Vasselle, rapporteur. En espérant que cela changera quelque chose !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Espérons-le, effectivement.

Avant de faire le point sur la situation des différentes branches, je voudrais dire quelques mots des mesures de ce projet de loi de financement affectant l'équilibre des régimes.

Ce PLFSS comporte de nombreuses mesures techniques et plusieurs dispositions étrangères au champ des lois de financement de la sécurité sociale, mais il contient peu de mesures nouvelles d'économies. De ce point de vue, il se contente, pour l'essentiel, d'enregistrer les effets des mesures antérieures.

S'agissant des recettes, je voudrais souligner trois points.

Premièrement, le PLFSS comprend plusieurs mesures se traduisant par des pertes de recettes. La commission des finances vous proposera plusieurs amendements tendant à les limiter.

Deuxièmement, la recette de 115 millions d'euros correspondant à l'affectation à l'assurance maladie d'une partie des produits de cession du patrimoine immobilier des établissements de santé apparaît largement fictive : je n'ai pas vu qu'il y avait de cessions et quand bien même des cessions seraient réalisées, la sécurité sociale n'en profiterait aucunement. Monsieur le ministre, est-il vraiment digne de faire figurer dans un PLFSS une telle mesure ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est guidé par Bercy !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Troisièmement, l'article 16 tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale modifie substantiellement les règles relatives à la taxation de l'épargne.

Dans le but de fournir 200 millions d'euros de recettes supplémentaires pour financer l'augmentation des dépenses de soins de ville, l'Assemblée nationale a rendu plus complexes les règles applicables en matière de prélèvements sociaux sur l'épargne, au détriment des épargnants les plus modestes. Cela gêne beaucoup la commission des finances.

M. Guy Fischer. C'est le peuple qui va payer !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais, monsieur Fischer, c'est toujours le peuple qui paie !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Vous pourrez voter un amendement, monsieur Fischer !

Compte tenu des marges de manoeuvre qui apparaissent à l'examen approfondi de la situation de certains fonds de l'assurance maladie - j'ai l'habitude de voir dormir certains fonds -, la commission des finances vous proposera une solution de remplacement pour financer cette augmentation de 200 millions d'euros des dépenses de soins de ville.

J'en viens à la situation des différentes branches.

D'après les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale, la branche maladie devrait être déficitaire en 2006 de 6 milliards d'euros, contre 8 milliards d'euros en 2005. La situation s'améliorerait encore en 2007, avec un déficit ramené à 3,9 milliards d'euros.

Pardonnez-moi de répéter ces chiffres, monsieur le ministre,...

M. Guy Fischer. Il y tient ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou.... mais ils chantent à vos oreilles. (Sourires.)

M. Xavier Bertrand, ministre. Ils ne sont pas encore assez mélodieux ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. C'est quand même l'une des satisfactions de ce PLFSS.

Le projet de loi initial fixait à 144,6 milliards d'euros le montant de l'ONDAM pour 2007, soit une progression de 2,5 % des dépenses à périmètre constant.

L'Assemblée nationale l'a toutefois relevé afin d'intégrer une augmentation des dépenses de soins de ville de 200 millions d'euros. La part « soins de ville » de l'ONDAM progresse ainsi de 1,1 % par rapport aux réalisations de 2006, au lieu de 0,8 % dans le projet de loi initial.

Le volet maladie du projet de loi comporte de nombreuses mesures techniques relatives notamment à l'application de la tarification à l'activité ou au secteur médicosocial, lequel fera l'objet d'un débat ad hoc demain après-midi.

Je voudrais cependant souligner l'intérêt de l'une des mesures proposées, qui consiste dans la généralisation d'une consultation unique de prévention en faveur des personnes âgées de plus de 70 ans.

En ce qui concerne la branche accidents du travail- maladies professionnelles, je soulignerai simplement que sa contribution aux fonds « amiante », à savoir le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, et le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, le FCAATA, devrait s'alourdir de 100 millions d'euros. La branche aura ainsi versé 5,4 milliards d'euros à ces deux fonds au cours de la période 2002-2007. J'ai le sentiment que ce n'est pas terminé.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Loin s'en faut !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. La branche famille, quant à elle, connaît depuis 2004 un déficit qui s'explique par la mise en oeuvre de nouvelles politiques, principalement la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, dans un contexte de faible croissance des recettes.

Ce déficit, à la différence de celui de la branche vieillesse, est de nature conjoncturelle. Il se stabiliserait en 2006 et commencerait à diminuer en 2007, en raison de la fin de la montée en charge de la PAJE.

La branche vieillesse devrait voir quant à elle son déficit s'accroître, qui s'établirait à 2,4 milliards d'euros en 2006 et à 3,5 milliards d'euros en 2007. La montée en puissance des retraites anticipées du régime général, qui continue à faire sentir ses effets, a conduit à devancer le déficit de la branche d'environ deux années.

J'observe que la progression des charges de la branche prévue pour 2007 intègre une croissance des prestations amortie par les effets du « plan seniors », prévision optimiste, ainsi que l'a fait remarquer la présidente de la CNAV devant la commission des affaires sociales.

Or il convient de souligner l'extrême sensibilité des comptes au comportement des acteurs. Si les nouveaux retraités quittaient le travail un mois plus tôt ou plus tard que prévu, la masse des prestations versées augmenterait ou diminuerait de 350 millions d'euros.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je voudrais également relever que, en dépit d'un moindre déficit en 2007, le FSV connaîtra encore une situation difficile, avec un déficit cumulé qui devrait atteindre près de 5,6 milliards d'euros.

Un autre fonds connaît lui aussi une situation très préoccupante : il s'agit bien entendu du FFIPSA.

Sans vouloir tisonner la plaie, monsieur le ministre, il me faut rappeler que celui-ci ne devrait connaître aucune embellie en 2007. Là encore, les commissions des affaires sociales et des finances ont déposé en commun un amendement qui, bien qu'il soulève de gros problèmes, permettra d'engager une discussion. Il faudrait quand même que les parlementaires qui siègent au conseil de surveillance du FFIPSA puissent apaiser les responsables de la mutualité sociale agricole, qui ne savent plus à quel saint se vouer.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Jean-Marc Juilhard !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Enfin, je voudrais revenir sur les projections quadriennales annexées au présent projet de loi de financement. Je m'interroge sur leur crédibilité, compte tenu de leur caractère très optimiste.

Dans le « pire » des scénarios présentés, le régime général serait pratiquement à l'équilibre en 2010. Seule la branche vieillesse connaîtrait un déficit, évalué à 5,1 milliards d'euros, alors que la branche maladie serait excédentaire de 2,4 milliards d'euros.

Dans le scénario le plus favorable, le régime général connaîtrait en 2010 un excédent de 4,5 milliards d'euros, le déficit de la branche vieillesse s'établissant à 3,3 milliards d'euros, tandis que la branche maladie serait excédentaire de 4 milliards d'euros.

M. Alain Vasselle, rapporteur. La maladie financera la vieillesse !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Ces projections reposent sur des hypothèses très volontaristes - pour employer un terme pudique - et ont fait l'objet d'une analyse critique de la part du directeur de l'ACOSS, qui a regretté devant nos collègues de la commission des affaires sociales « le caractère trop schématique de ces prévisions qui ne lui paraissent pas avoir la qualité et les standards que le Parlement serait en droit d'exiger ».

M. Guy Fischer. Vous pouvez répéter ? (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Sous réserve de l'adoption par le Sénat des amendements qu'elle a décidé de déposer, monsieur le ministre, la commission des finances a émis un avis globalement favorable sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Alain Vasselle, rapporteur. Il faut donner des moyens au ministre !

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 75 minutes ;

Groupe socialiste, 49 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 20 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

M. Claude Domeizel. On va commencer à y voir beaucoup plus clair !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Bien que je siège sur les travées de l'opposition, je me demande s'il est bien utile que je prenne la parole après la remise en cause par mes collègues de la majorité de la gestion du budget de la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur. On a voulu que vous fassiez court ! (Sourires.)

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est une lourde tâche qui échoit aujourd'hui aux orateurs. Il n'aura échappé à personne que ce PLFSS est le dernier de la douzième législature.

De fait, dresser un bilan n'est pas sans nous plonger dans l'embarras tant il serait fastidieux, en la matière, de faire l'inventaire des promesses non tenues par le Gouvernement depuis 2002.

« Organiser notre système de soins, donner à l'assurance maladie les outils et les compétences lui permettant s'assumer ses responsabilités, valoriser la qualité des soins au service du malade, tels sont les objectifs que s'est fixés le Gouvernement dans cette réforme pour sauvegarder notre assurance maladie. Cela s'accompagne, sur le plan financier, par un effort de redressement de 15 milliards d'euros qui permettra le retour progressif vers l'équilibre sur la période 2005-2007 ». Deux ans et demi après cette déclaration de M. Douste-Blazy à l'Assemblée nationale, force est de constater que, sur tous ces objectifs, vous avez échoué.

Pas plus que les précédents ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 ne comporte de mesures de nature à infléchir les dépenses de santé, à garantir l'avenir des retraites ou même à assurer le financement durable des quelques mesurettes instillées par-ci par-là.

Pas plus que les précédents il ne renonce à un solide optimisme s'agissant de la croissance économique, à l'espoir que les dépenses d'assurance maladie finiront pas décélérer et à la facilité de racler les fonds de tiroirs pour présenter des comptes du régime général en équilibre.

Les chiffres avancés par le Gouvernement n'ont jamais été si différents de la réalité.

Pour l'année 2005, le déficit global atteint 11 milliards d'euros, alors que pour 2007 les exonérations en tous genres s'élèveront à 25,6 milliards d'euros, en progression de 13 % sur deux ans. Certes, le déficit du régime général de l'assurance maladie a diminué par rapport aux abysses que nous avons connus lorsque votre prédécesseur était en poste. Mais pour la cinquième année consécutive, le déficit de la sécurité sociale sera supérieur à 10 milliards d'euros.

Vous laissez également à vos successeurs le soin de trouver les 27 milliards d'euros nécessaires pour boucler les comptes sociaux de l'année 2007 et combler le passif des deux années précédentes.

M. Xavier Bertrand, ministre. On leur laisse une réforme qui marche, ce qui n'a pas été le cas en 2002 !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Selon la Cour des comptes, 40 milliards d'euros devront être recherchés à l'horizon 2009.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est moitié moins qu'en 2002 !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. De même, pour la deuxième année consécutive, l'ensemble des caisses est en situation de déficit.

Mes collègues évoqueront tout à l'heure plus en détail ces résultats, mais je vous propose néanmoins un rapide état des lieux.

En matière d'évolution des dépenses de l'assurance maladie, le Gouvernement semble satisfait d'afficher l'ambition de 3,9 milliards d'euros de déficit pour l'année 2007, soit une diminution de 2,1 milliards d'euros par rapport à 2006. Ce chiffre est trompeur, monsieur le ministre. En effet, le rapport de MM. Vasselle et Cazeau, fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, met en évidence une baisse légère du déficit de l'assurance maladie grâce à des recettes dont seront privés le FFIPSA et le fonds de réserve des retraites, ces fonds que l'État laisse « aller dans le rouge » sans en assumer la responsabilité, malgré ses obligations légales. C'est inadmissible et nous y reviendrons ultérieurement.

La croissance importante du déficit de la branche vieillesse - plus de 1,1 milliard d'euros entre 2006 et 2007 - entraîne un déficit global de 3,5 milliards d'euros. À cet égard, je ne reviendrai pas sur la critique qu'a faite dans son dernier rapport la Cour des comptes de l'impasse dans laquelle le Gouvernement a laissé le dossier de la réforme des retraites. François Fillon nous l'a très bien expliqué récemment.

Cette réforme a été renvoyée à plus tard, après les échéances de 2007, alors que le devoir des responsables politiques consistait précisément à apporter des réponses rapides aux grandes questions que se posent les Français.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Quel toupet !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Par ailleurs, monsieur le ministre, je n'insisterai pas sur votre choix durable du déficit de l'équilibre financier de la branche vieillesse, comme l'a démontré Marie - Françoise Clergeau, ni sur l'absence de mesure en faveur de ce million d'enfants qui auraient dû pouvoir bénéficier d'une couverture universelle et qui ne l'ont toujours pas.

Enfin, j'en viens à la branche accidents du travail-maladies professionnelles. Le Gouvernement entend baisser de 100 millions d'euros les cotisations patronales, au motif que cette branche serait à l'équilibre. En réalité, ce chiffre masque le fait que nombre de maladies professionnelles ne sont pas déclarées comme telles, avec comme conséquence des transferts massifs vers la branche maladie déficitaire.

Avec des chiffres irréalistes, manipulés, triturés, il n'y a plus de débat possible. Permettez-moi, monsieur le ministre, de ne pas partager votre optimisme ni l'autosatisfaction que manifeste le Gouvernement, alors même que l'obscurité des comptes de la sécurité sociale reste totale. Les différentes branches sont aujourd'hui proches du dépôt de bilan.

J'en viens à ma seconde interrogation sur votre projet de loi.

Si tout le monde a compris qu'il ne s'agissait pas de réformer notre système de pensée, que peut-on dire de votre plan de financement ? En effet, pour ce qui est des recettes, le Gouvernement se livre à un tour de passe-passe entre les comptes de la sécurité sociale et ceux de l'État, notamment pour compenser le manque à gagner généré par l'exonération des cotisations patronales sur les bas salaires d'un montant de 370 millions d'euros.

Or ces exonérations de charges sociales continuent de peser sur les comptes de l'assurance maladie. Rappelons que l'État lui doit 5 milliards d'euros, sans qu'aucune conséquence ne soit tirée dans ce projet de loi, hormis la prise en charge par l'État des frais financiers induits par cette dette.

Du côté des dépenses, le Gouvernement entend renforcer la lutte contre les abus et les fraudes. Sur le principe, on ne peut, bien sûr, que vous rejoindre. Mais cela doit-il signifier un contrôle toujours plus pénalisant de la condition de résidence des familles, aux conditions de vie souvent aléatoires et à l'hébergement fluctuant ? Et combien coûtera l'installation du Comité national de lutte contre les fraudes ? Nous craignons que, sous couvert de la lutte contre les abus, les plus défavorisés ne soient de nouveau désignés comme les boucs émissaires de l'échec de votre politique.

M. Guy Fischer. Ce n'est pas à craindre, c'est une certitude !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. La baisse du déficit du régime général, ramené à 8 milliards d'euros en 2007, grâce, en particulier, à une nouvelle baisse sensible du déficit de la branche maladie, à 3,9 milliards d'euros, témoigne, certes, d'efforts importants accomplis par tous les acteurs concernés pour redresser les comptes de l'assurance maladie.

Toutefois, cette évolution globalement positive repose sur des projections macroéconomiques optimistes et n'apporte aucune réponse sérieuse au problème des obligations de l'État à l'égard des organismes de sécurité sociale : le Fonds de solidarité vieillesse comme le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles ne bénéficient d'aucune subvention du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie pour combler des déficits structurels considérables et dénoncés par la Cour des comptes.

De même, Bercy n'a fait aucun geste dans le sens d'un apurement, au moins partiel, des créances détenues par les organismes de sécurité sociale sur l'État, qui ont atteint environ 7 milliards d'euros à la fin de 2005, selon les dernières évaluations de la Cour.

L'enveloppe de 160 millions d'euros, gagée sur la ressource tabac, destinée à financer les seuls frais financiers générés par les dettes de l'État à l'égard des organismes de sécurité sociale n'est pas à la hauteur de l'enjeu.

Il est inadmissible que l'État améliore la présentation de ses comptes, en leur réservant tout le bénéfice de l'amélioration constatée en matière de rentrées fiscales, et en se défaussant de ses obligations envers la sécurité sociale.

Dans un communiqué de presse daté du 26 septembre, l'ensemble des représentants de la commission des affaires sociales vous a ainsi rappelé que les finances sociales ne peuvent constituer la variable d'ajustement du budget de l'État.

J'en viens à la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES.

Au 31 décembre 2005, la dette restant à apurer s'élevait à 77 milliards d'euros. Elle doit s'éteindre à la fin du mois de janvier de l'année 2014. Respecter cette échéance à huit ans suppose une CRDS à un taux de 0,5 % et une assiette de 960 milliards d'euros, un peu plus large que celle de la CSG.

Si cette évolution continue comme par le passé, la dette principale - 91 milliards d'euros - majorée des intérêts atteindrait un montant total de 109 milliards d'euros à la fin de l'année 2009. L'apurer prendrait treize à quinze ans de plus, ce qui nous amènerait aux années 2027-2030. Doit-on laisser ce cadeau empoisonné à nos enfants et petits-enfants, pour qu'ils paient demain vos erreurs et défaillances d'aujourd'hui ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. Non !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Il n'y a aucune erreur ; tout a été arrêté dans le cadre de la loi organique. Ne vous inquiétez pas !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Reste la question essentielle, monsieur le rapporteur. Les mesures proposées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 permettent-elles d'avoir un meilleur accès aux soins ? L'actualité nous rappelle à quel point il est de plus en plus difficile de se soigner, que ce soit pour des raisons financières, avec la généralisation des dépassements, ou géographiques.

À cet égard, les élus locaux que nous sommes ne peuvent se contenter de votre promesse émise à l'Assemblée nationale - les collectivités locales pourraient financer des bourses pour les étudiants en médecine -, alors que l'urgence commanderait d'avoir une offre sanitaire de premiers secours infiniment plus dynamique que celle que vous mettez en place. Des pratiques d'exclusion sociale se développent au sein même de l'exercice médical : c'est le cas lorsque des patients bénéficiant de la CMU ou de l'aide médicale d'État sont évincés des consultations médicales.

M. Guy Fischer. Et 15 % à 40 % de médecins pratiquent ces exclusions !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Autre exemple : l'aide à la complémentaire santé. La réforme de 2004, en réduisant la couverture de base, a transféré ces dépenses - dorénavant non remboursées - vers les complémentaires, qui ont, par voie de conséquence, augmenté leurs tarifs.

Aussi ce projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit-il à son tour de nouvelles aides à la complémentaire. Admirons, mes chers collègues, le raisonnement que suit l'État pour financer la hausse du tarif des complémentaires, hausse dont il est la cause en diminuant le périmètre de prise en charge.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Non !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Par ailleurs, on peut regretter la baisse des crédits affectés à l'innovation, notamment aux réseaux de soins, qui diminue de 20 % pour des raisons purement administratives.

Monsieur le ministre, de la même manière, il n'était pas sérieux de faire voter un taux de progression de l'ONDAM de 2,5 %.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Et pourquoi, donc ?

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Je vais vous le dire !

Aujourd'hui, tous les spécialistes auditionnés par la commission des affaires sociales s'accordent pour dire que, si l'on tient compte du vieillissement de la population, du développement des nouvelles technologies et de la croissance, l'évolution normale des dépenses traditionnelles d'assurance maladie est de l'ordre de 3 %. En dessous de ce taux, la réponse sanitaire proposée ne peut pas être correcte et ne permet pas le bon fonctionnement de l'assurance maladie.

À cet égard, nombreux ont été les parlementaires de l'UMP qui se sont offusqués, relayant les demandes des médecins libéraux, considérant certainement que le moment était mal choisi pour de telles mesures d'économie sur la santé. Les élections législatives de 2007 expliquent sans doute cette générosité récente.

M. Guy Fischer. L'élection présidentielle également !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Non !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Un amendement adopté par la commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale a porté le taux de l'ONDAM pour la médecine de ville à 1,2 %.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Non, à 1,1 % !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Cela représente une enveloppe supplémentaire de 200 millions d'euros, comme cela a été dit tout à l'heure. En conséquence, l'hôpital public se retrouve encore une fois la victime de ce choix électoraliste.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Les hôpitaux ont été très bien dotés : 3,5 % !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils ont plutôt la paix depuis des années !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Son ONDAM est fixé à 3,5 %, alors que la fédération hospitalière de France, la FHF, a demandé que ce taux soit porté à 4,76 %.

Par ailleurs, votre demande auprès des hôpitaux afin qu'ils vendent le plus vite possible leurs biens immobiliers, estimés à 250 millions d'euros, est tout bonnement scandaleuse. On peut se demander pourquoi le Gouvernement n'a pas été aussi exigeant pour les entreprises pharmaceutiques.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Elles « trinquent » très fortement !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Alors que les comptes de la branche assurance maladie restent déficitaires en raison de l'absence de réforme structurelle du financement, pourquoi réduire encore les ressources en diminuant la contribution des laboratoires pharmaceutiques assise sur leur chiffre d'affaires ?

Pourtant, ces entreprises ne sont pas à plaindre. Largement avantagé par l'existence de la sécurité sociale, ce secteur est en très bonne santé. Votre démarche visant à diminuer la contribution de l'industrie pharmaceutique de 100 millions d'euros avec une taxe sur le chiffre d'affaires passant de 1,76 % à 1 % traduit bien les orientations idéologiques du Gouvernement.

Enfin, nous combattrons ce cavalier parlementaire que constitue l'article 12 bis. Le Conseil d'État a annulé l'accord de 2004 sur le temps de travail dans le secteur de l'hôtellerie-restauration, accord dénoncé par les organisations syndicales majoritaires car il est contraire à la législation sur la réduction du temps de travail.

Il n'y a aucun vide juridique ; il est simplement obligatoire d'appliquer la loi en vigueur sur les 35 heures. Pourtant, le groupe UMP s'est empressé de voler au secours des patrons de la profession,...

M. André Lardeux, rapporteur. Il s'agit simplement de défendre l'emploi !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.... en déposant, dans le cadre du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, un amendement destiné à maintenir les 39 heures et à donner force de loi à l'accord de 2004.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est du bon sens !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Pour conclure mon intervention, je laisserai la parole aux Français. Les enquêtes d'opinion le montrent : ils désapprouvent régulièrement votre choix en matière de gouvernance pour l'assurance maladie. La dernière enquête, datant du mois d'octobre, est éloquente : 80 % d'entre eux considèrent que vous avez instauré un système de santé inégalitaire, avec une qualité de soins qui se détériore, et 78 % estiment que les dépenses sont de moins en moins bien remboursées.

Ce sentiment général s'appuie sur des faits. Aujourd'hui, en 2006, faute de moyens financiers suffisants, 14 % de la population et 30 % des chômeurs ont déjà renoncé à se faire soigner.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est faux, puisqu'il y a la CMU !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Notre régime est fondé sur l'universalité, mais l'égalité d'accès aux soins est remise en question par votre politique.

Monsieur le ministre, les Français connaissent l'état des lieux de la protection sociale que vous nous laissez après cinq ans de législature : une dégradation de la situation financière de la sécurité sociale ; une contrainte démographique non intégrée dans vos projets de loi successifs, qui bouleverse le domaine des retraites et de la dépendance ; le transfert sur des assurances privées, volontaires ou obligatoires, des dépenses de soins.

Par vos actions, le système de protection sociale est menacé d'éclatement. Il exprime non plus la solidarité de tous pour tous, mais la satisfaction de certains intérêts particuliers au détriment du bien commun. Il ne faut pas s'en étonner. Depuis 2002, vous avez fait le choix de livrer l'assurance maladie au marché, la laissant se déliter, entraînant le creusement des inégalités, sans fournir en contrepartie la moindre garantie d'efficacité.

Au vu de votre bilan, il ne reste que deux possibilités : poursuivre dans la voie actuelle, qui consiste à laisser le système exploser tout en mettant en place des filets de sécurité minimale pour colmater les brèches, ou refonder la sécurité sociale sur la base du lien politique, dans une logique de discussion avec les partenaires sociaux et de responsabilisation de l'ensemble des acteurs sociaux.

Si vous avez fait le choix de soutenir une politique de libéralisation, nous entendons être les acteurs d'un projet solidaire renouvelé s'inscrivant dans le contexte économique et social d'aujourd'hui tout en respectant les principes fondateurs de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la spirale des déficits sociaux semble enrayée.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Ah !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Déjà, lors du débat d'orientation budgétaire pour le financement de la sécurité sociale, les chiffres publiés dans le rapport gouvernemental nous donnaient des raisons d'espérer. Le déficit de 11,9 milliards d'euros auquel nous avions à faire face en 2004 battait tous les records. Depuis, les comptes sociaux se sont apparemment redressés. En 2006, le déficit cumulé des quatre branches, tous régimes confondus, sera de 9,7 milliards d'euros.

Mais, si le redressement est visible, il est encore insuffisant et, surtout, l'analyse de ses causes demeure une source d'inquiétude.

Oui, le redressement est insuffisant.

Insuffisant d'abord, parce qu'il est trop lent. Pour 2007, vous prévoyez encore, monsieur le ministre, un déficit de 8 milliards d'euros. Nous sommes loin des pronostics optimistes faits en 2004, car 2007 devait être l'année du retour à l'équilibre. Cette année, comme l'an dernier, les quatre branches seront toujours dans le rouge. Et, pour définitivement nous garder de toute euphorie, rappelons que l'ONDAM n'a jamais été respecté.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Si !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. L'année dernière, alors que le Gouvernement se félicitait que, pour la première fois, l'objectif de dépenses serait respecté, la Cour des comptes soulignait l'importance des « défauts d'imputation » qui faussaient l'ONDAM.

Cette année encore, l'ONDAM ne sera pas respecté. Selon notre rapporteur, M. Alain Vasselle, il pourrait être dépassé de 740 millions d'euros.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ensuite, le redressement des finances sociales est insuffisant, parce qu'il est facial.

Certes, les déficits se réduisent, mais la dette reste vertigineuse, surtout si on la considère dans tous ses aspects. Je ne peux que vous renvoyer à la très intéressante typologie établie par le rapporteur, lors de la présentation du rapport d'information sur la dette sociale de la mission d'évaluation et de gestion des lois de financement de la sécurité sociale, la MECSS, en mai dernier.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Merci !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Il distinguait une dette sociale « identifiée », portée par la CADES, de 110 milliards d'euros, dont 77 milliards d'euros restant à amortir, ...

M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. ...une dette « reniée » correspondant aux déficits cumulés du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, pour 8,3 milliards d'euros,...

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est exact !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. ...une dette « cachée », ...

M. Philippe Bas, ministre délégué. Elle n'est pas cachée !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. .. je vous cite, monsieur Vasselle, ...

M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout cela est exact !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. ... qui est celle de l'État à l'égard des organismes sociaux, de 4,4 milliards d'euros, et, enfin, une dette sociale « virtuelle » correspondant à l'accumulation des déficits futurs, qui pourrait atteindre, fin 2009, 18,9 milliards d'euros.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Voilà !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Dans cette situation, le retour à l'équilibre est-il envisageable en 2010, comme vous le prévoyez, monsieur le ministre délégué ?

M. Guy Fischer. En 2009 !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Oui, en 2009 ! Voyez comme je suis généreux ! (Sourires.)

M. Alain Vasselle, rapporteur. Il s'agit de flux !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. En effet, à quoi est due l'amélioration des comptes sociaux ?

Elle tient pour une part, il est vrai, à une décrue des dépenses d'assurance maladie, liée notamment à l'évolution des indemnités journalières. Mais elle est due aussi, et surtout, à une nette reprise des recettes.

Cette dernière est d'abord liée, naturellement, à l'amélioration de la situation de l'emploi, qui a permis d'engranger un volume accru de cotisations sociales et de CSG. Il y a lieu de s'en réjouir. Espérons simplement que cette situation perdure !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui ! Mais nous avons une bonne politique de l'emploi grâce à la sécurité sociale !

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est en effet nous qui finançons la politique de l'emploi !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Cette reprise est aussi liée à l'augmentation des recettes sociales, grâce à l'élargissement de l'assiette de la CSG et de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, au relèvement des cotisations de retraite et de celles de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, ou AT-MP, à l'anticipation des prélèvements sociaux sur les plans d'épargne logement, à la création d'un ticket modérateur, au déremboursement de médicaments. On le voit, ce sont des mesures dites « one shot » !

Or une réforme, pour être pérenne, doit s'appuyer sur une réduction des dépenses, et non pas seulement sur des espoirs de recettes.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Les milliards d'euros récemment « trouvés » avec la série de mesures comptables dont je viens de dresser la liste ne modifient pas la structure du système.

Pour toutes ces raisons, l'ONDAM fixé pour 2007 à 2,6 % nous semble excessivement ambitieux.

Mais approfondissons notre analyse et voyons quelle est la situation de la sécurité sociale branche par branche.

Dominique Leclerc, notre rapporteur pour l'assurance vieillesse, trouve « paradoxale » la situation de cette branche. Il constate que son déficit s'est nettement creusé depuis deux ans, alors que la réforme Fillon de 2003 est entrée en vigueur.

Pour notre part, nous ne voyons là rien de paradoxal.

Bien entendu, l'évolution démographique joue, mais, surtout, la loi Fillon était très généreuse dans son dispositif carrières longues, tout en ne couvrant au mieux qu'un tiers des besoins de financements à venir.

Et Dominique Leclerc d'en arriver à la conclusion étonnante, que dis-je ? détonante pour un UMP, de prôner le remplacement de l'annuité par le point ! C'est ce que l'UDF a toujours dit ! Je me réjouis que nous soyons en phase ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Notre collègue pourrait être à l'UDF !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Dominique Leclerc est en effet le bienvenu à l'UDF !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur Leclerc, je cite tout simplement vos propos, que vous avez répétés tout à l'heure : « La technique des annuités oblige, à l'inverse, les pouvoirs publics à procéder à une réforme "lourde" au début de chaque législature qui se traduit par un véritable psychodrame national. Ce mode de gestion devient de moins en moins facilement utilisable, et incite paradoxalement les assurés sociaux à partir en retraite dès qu'ils le peuvent [...]. Les débats de 2008 ne pourront pas faire l'économie d'une réflexion sur la question du passage des régimes de base à une gestion par points, comme le font, depuis plusieurs décennies, les régimes complémentaires AGIRC et ARRCO. »

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Avec une baisse des droits !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Voilà ce qui pourrait constituer, selon nous, un axe majeur pour la réforme des retraites à venir. Bien entendu, cette réforme ne devra pas non plus s'inscrire dans un horizon trop court.

La situation de la branche famille n'est guère meilleure. Alors qu'elle est historiquement excédentaire, cette branche sera déficitaire pour la quatrième année consécutive.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elle a mangé toutes ses réserves !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Heureusement, elle devrait renouer avec les excédents en 2008. Nos inquiétudes sont donc moins vives de ce côté-là, monsieur le ministre délégué.

Pour ce qui est de la branche AT-MP, nous sommes également confiants, tout comme le rapporteur pour les accidents du travail, Gérard Dériot, et nous pensons qu'elle devrait renouer avec les excédents dès l'année prochaine.

Par ailleurs, nous ne pouvons que saluer le processus actuellement en oeuvre de négociation entre les partenaires sociaux pour réformer la branche. Ces négociations paraissent avancer de manière constructive, ce qui est une excellente chose.

Enfin, je me réjouis, tout comme d'ailleurs le rapporteur, que les propositions de la mission commune d'information du Sénat sur l'amiante fassent leur chemin. Il en est ainsi du recrutement sans précédent de 700 inspecteurs et contrôleurs du travail d'ici à 2010, de la généralisation à l'ensemble du territoire du suivi postprofessionnel des anciens travailleurs de l'amiante, ou de la publication, en avril dernier, du décret permettant aux fonctionnaires et contractuels du ministère de la défense de bénéficier de la cessation anticipée d'activité.

Nous espérons vivement également que l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, ou ACAATA, puisse être réformée dans le sens que nous préconisions dans notre rapport, c'est-à-dire l'individualisation de son financement, comme l'envisage d'ailleurs votre collègue Gérard Larcher, monsieur le ministre délégué.

Reste la question de la loi Fauchon, seul point de désaccord entre la mission commune d'information sur l'amiante du Sénat et celle de l'Assemblée nationale. Nous persistons à penser que cette loi ne fait pas obstacle à la mise en jeu de la responsabilité pénale des responsables du drame de l'amiante et qu'elle peut, de ce fait, être conservée en l'état. D'ailleurs, la sentence rendue par le tribunal correctionnel de Lille vient nous donner raison.

J'en viens maintenant au plus délicat, à savoir la branche santé.

Il n'y aura pas d'enrayement pérenne des déficits sociaux sans réforme majeure et structurelle de la branche santé. Et il n'y aura pas de réforme majeure et structurelle de la branche santé sans réforme majeure et structurelle du secteur hospitalier.

Or cette réforme n'a pas l'ampleur souhaitable. La grande réforme de l'assurance maladie du 13 août 2004, la « réforme Douste-Blazy », que l'on a qualifiée de « der des der », a laissé de côté toute la politique hospitalière, pourtant responsable de 55 % des dépenses. Or on ne peut pas espérer réformer en profondeur le système de santé et juguler le déficit, lorsque l'on s'interdit de toucher à plus de la moitié des dépenses.

Nous ne prétendons nullement que le champ hospitalier soit vierge d'innovations allant dans le bon sens. Nous ne sommes pas, par exemple, défavorables au passage à la tarification à l'activité, ou T2A. La dotation globale pour les hôpitaux publics figeait les situations et ne prenait pas suffisamment en compte l'activité médicale et le service rendu. Cela étant, la T2A est une mesure, certes importante, mais elle devrait s'intégrer dans un plan d'ensemble pour l'hôpital, une réforme coordonnée, sous-tendue par une logique globale.

Certes, le secteur hospitalier doit bénéficier de nouvelles modalités d'organisation de l'offre de soins, tel le schéma d'organisation sanitaire de troisième génération, d'objectifs quantifiés dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens conclus entre les établissements et les agences régionales de l'hospitalisation, les ARH, ainsi que, bien entendu, de la T2A.

Mais la mise en place de ces mesures se fait trop par touches impressionnistes. L'hôpital est régi par une multiplicité de textes épars. Une telle dispersion entretient le flou, d'autant plus nuisible au secteur hospitalier que ce dernier ne se porte pas bien. Je le vois bien en tant que président du conseil d'administration du centre hospitalier d'Arras, et d'autres collègues sur ces travées ont pu faire le même constat : de gros efforts sont réalisés par les personnels des hôpitaux, mais, pour être durables, ces efforts doivent être mieux accompagnés par les pouvoirs publics.

L'hôpital public se trouve aujourd'hui dans une situation inquiétante. Il finance en effet la qualité de son service par son déficit. S'il devait équilibrer ses comptes, il supprimerait des dizaines de milliers d'emplois.

Pourquoi une telle situation ? Parce que l'on préfère voir les hôpitaux pratiquer d'importants reports de charges en fin d'exercice comptable, plutôt que d'afficher le montant réel de leurs besoins. Miser sur les reports de charges est plus cosmétique que d'exposer le montant réel des dépenses hospitalières dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Telle est la vérité, et cette dernière a un coût : selon la Fédération hospitalière de France, la FHF, le déficit hospitalier cumulé pourrait atteindre 1 milliard d'euros en 2006 et s'élever à 700 millions d'euros en 2007.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est ce que dit la fédération !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Les cliniques, elles, sont confrontées exactement au même problème. Mais, dans la mesure où elles ne bénéficient d'aucune garantie quant à leur pérennité - contrairement aux hôpitaux -, elles le résolvent différemment : elles font du chiffre !

C'est ce qui explique que leur activité ait augmenté dans un volume supérieur au cadre qui leur était fixé. Pourtant, malgré ce supplément d'activité, leur situation financière n'est pas mirifique. Une étude réalisée par la direction de la recherche, de l'évaluation, des études et des statistiques du ministère de la santé montre que, sur un échantillon de 780 établissements, plus d'une clinique sur trois était déficitaire en 2003 et que la rentabilité moyenne des établissements privés ne dépassait pas 1,8 % du chiffre d'affaires en 2004.

Dans ces établissements, le passage aux 35 heures aurait été impossible sans modération salariale. Résultat ? Aujourd'hui, ils ont un besoin de 600 millions d'euros sur une période de deux ans pour accroître les salaires de 11 %.

D'où ma première question, monsieur le ministre délégué : faut-il aborder l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale en sachant d'emblée qu'il sera amputé de 300 millions d'euros ?

Entre l'hôpital et la clinique, il y a les établissements privés à but non lucratif, et leur situation n'est guère plus enviable. Très proches des hôpitaux quant à leurs missions, ces établissements doivent, à la différence de ces derniers, supporter des charges spécifiques, étant dans l'impossibilité, à l'instar des cliniques, de recourir aux reports de charges.

Comme les hôpitaux et les cliniques, ils ont dû faire face au choc des 35 heures et ils n'ont pu le faire que par un blocage des salaires de tous les personnels pendant trois ans. Ce blocage, ajouté aux allégements de charges, a permis de compenser la perte de plus de 10 % des heures travaillées.

Dans le même temps, les agents de la fonction publique hospitalière sont passés aux 35 heures sans subir aucune retenue salariale. Je crois savoir, monsieur le ministre délégué, que vous vous êtes engagé à garantir, dans les établissements privés à but non lucratif, une croissance des salaires identique à celle dont bénéficient les personnels hospitaliers. Pouvez-vous réitérer devant nous cet engagement ?

Nous le voyons, le secteur hospitalier souffre. Comment le Gouvernement entend-il répondre à cette situation dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 ? Par une régulation budgétaire qui « plombe » un peu plus les finances hospitalières !

L'année 2006 aura été, pour le secteur hospitalier, l'année de la régulation : en mars, avec une baisse de 1 % des tarifs dans les deux secteurs ; en octobre, avec un gel de 115 millions d'euros de crédits destinés aux hôpitaux publics et avec une baisse de 2,6 % des tarifs applicables aux établissements privés lucratifs pour les trois derniers mois de 2006. Ces mesures ont été prises en urgence pour éviter l'intervention du comité d'alerte, comme l'a souligné tout à l'heure le rapporteur.

Une fois de plus, le secteur hospitalier apparaît comme la variable d'ajustement du budget de la santé.

Bien entendu, nous ne contestons pas le principe d'une régulation budgétaire sociale, mais nous estimons qu'elle doit répondre à des critères médicalisés, et non purement comptables.

Elle doit, de plus, se fonder sur des indicateurs très fiables. La baisse des tarifs applicables aux cliniques a été décidée parce que ces établissements sont censés avoir augmenté leurs dépenses de médecine, chirurgie, obstétrique, ou MCO, de 11 % en 2006. Or ces établissements contestent très vivement ce chiffre et affirment ne pas enregistrer un dépassement supérieur à 4 %. Qui croire ? Sur la base de quelles données avez-vous pris la décision de baisser les tarifs, monsieur le ministre délégué ?

Une autre réponse est apportée par la puissance publique aux difficultés des hôpitaux, par le biais de l'article 19 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui prévoit que les établissements de santé, quel que soit leur statut, reversent à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, le produit net comptable des cessions des terrains et des bâtiments. Cela ressemble à une provocation. Nous défendrons un amendement tendant à supprimer cet article.

M. François Autain. Nous aussi !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ce n'est pas ainsi que nous réformerons l'hôpital. Nous pensons, nous, qu'une réforme cohérente de ce secteur pourrait s'articuler autour de deux axes : la rationalisation de l'organisation du système hospitalier et la gouvernance de l'hôpital.

Premier axe : nous pensons que l'heure est venue de mener un grand audit de la situation du secteur hospitalier. C'est urgent, indispensable, et le jeu me semble en valoir la chandelle. Des économies d'échelle considérables peuvent être attendues d'une rationalisation des structures hospitalières.

Le président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie le soulignait : « Il existe dans le secteur public suffisamment de marges de productivité ». La Cour des comptes aussi a insisté sur ce point. Yves Cannac formule le même constat dans le rapport d'avril dernier qu'il a établi au nom de l'Observatoire de la dépense publique de l'Institut de l'entreprise. Il évoque même la possibilité de réaliser 10 milliards d'euros d'économies en matière d'établissements de santé.

Il s'agit de rationaliser la carte hospitalière et de réduire le volume de la demande de prestations, notamment en développant l'hospitalisation à domicile, dont le coût semble inférieur de 40 % à celui d'une hospitalisation en établissement.

Dans le même rapport, Yves Cannac suggère également de réaliser des économies d'échelle en constituant des centrales d'achat. C'est là, à notre avis, une piste prioritaire. C'est pourquoi nous saluons le plan d'amélioration de la politique des achats à l'hôpital que vous avez récemment mis en place, monsieur le ministre délégué, et qui devrait se traduire par 850 millions d'euros d'économies d'ici à 2007.

Enfin, le rapport souligne que des économies considérables peuvent être attendues d'une gestion plus efficiente des hôpitaux, notamment en termes de ressources humaines. Une gestion des ressources globale entre services permettrait une répartition des personnels plus rationnelle et certainement plus équilibrée.

En matière hospitalière, il faut oser briser les tabous et évoquer, par exemple, le long séjour : nombre de personnes qui sont en long séjour seraient sans doute aussi bien dans un établissement pour personnes âgées dépendantes. Un autre sujet marqué d'un très fort tabou est celui de la pertinence des soins. Selon certains spécialistes, le nombre d'actes médicaux effectués à l'hôpital serait ahurissant. Il est fondamental, monsieur le ministre délégué, de disposer le plus rapidement possible d'études fiables en la matière pour éviter que les rumeurs ne se répandent, et ce d'autant plus que la tarification à l'acte, la T2A, peut conduire à une augmentation importante du volume d'actes. C'est là un point capital pour l'avenir.

Autre piste très prometteuse, des économies peuvent être réalisées sur le transport des malades : tout le monde n'a pas besoin d'une ambulance pour se rendre à l'hôpital !

Parmi les voies de réforme les plus prometteuses et les moins explorées, citons les prescriptions à l'hôpital. Elles peuvent être améliorées, et ce pourrait être là une très importante source d'économies. Il pourrait également être question de différencier les médicaments directement liés à une affection de longue durée de ceux qui ne le seraient pas. Votre projet de loi fait un pas en ce sens, monsieur le ministre délégué.

Second axe : il faut revoir la gouvernance des hôpitaux. En matière d'organisation, nous ne ferons pas l'économie d'une véritable décentralisation hospitalière. Le conseil d'administration de l'hôpital ne devrait-il pas, par exemple, pouvoir nommer les médecins ?

Décentraliser pourra aussi signifier que les traitements puissent être adaptés en fonction de l'activité réelle des établissements. Mettre tous les établissements dans le même sac est absurde quand on sait qu'il n'y a pas deux hôpitaux identiques. Peut-on comparer l'Assistance publique de Paris, les CHU et les centres hospitaliers de province ? Je crois que la réforme de l'hôpital doit aussi passer par le développement de l'intéressement des personnels.

Voilà à quoi, selon nous, devrait ressembler la réforme de l'hôpital.

Telle est, monsieur le ministre délégué, la contribution de l'UC-UDF au débat. Mon groupe se prononcera sur ce projet de loi en fonction du sort que connaîtront ses amendements, qui se font l'écho des inquiétudes sans précédent de tous les acteurs du système de soins. Jamais nous n'avons été saisis d'autant de courriers. M. le rapporteur le rappelait tout à l'heure : c'est une avalanche de lettres, de fax, de mails, qui s'est abattue sur nous, preuve, s'il en fallait une, que pour beaucoup l'avenir de la protection sociale ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices.

Notre système de santé connaît toujours une crise financière et organisationnelle. La réforme de son financement ne pourra faire l'économie d'un traitement de choc destiné à alléger son poids sur le coût du travail. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF ainsi que sur quelques travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous nous retrouvons une nouvelle fois pour examiner le budget le plus important de la nation, celui de notre protection sociale,...

M. Philippe Bas, ministre délégué. Oui !

Mme Marie-Thérèse Hermange. ... un texte désormais plus lisible et qui nous permet de bénéficier d'une bien meilleure information pour nous prononcer sur les comptes de notre système de protection sociale.

Je rappellerai tout d'abord l'attachement du groupe de l'UMP à ce système de protection sociale solidaire qui a maintenant plus de soixante ans, et notre sincère volonté de le sauvegarder, malgré les difficultés qu'il rencontre. Cela a un coût que nous voulons assumer ; c'est bien pour cela aussi que nous avons soutenu en 2003 la réforme des retraites, en 2004 la loi relative à l'assurance maladie, et la politique familiale, que le Gouvernement a intensifiée.

La Cour des comptes a confirmé la bonne tenue en 2005 et en 2006 des recettes du régime général, qui connaissent une progression de plus de 5 %. Les prévisions pour 2007 apparaissent également très dynamiques. En effet, l'augmentation de la masse salariale continuerait de s'accélérer en 2007 : sur le champ des recettes du régime général, elle était estimée à 4,3 % en 2006 et s'élèverait à 4,6 % en 2007. Or, la progression de la masse salariale est une variable déterminante pour les recettes de la sécurité sociale. Quant au rendement de la CSG, il serait de nouveau en hausse de près de 3 % en 2007, pour atteindre près de 79 milliards d'euros.

S'agissant des exonérations compensées en 2006, elles s'élèvent à 18 milliards d'euros, soit une augmentation de 10 % par rapport à 2005. En 2007, la suppression des 2,1 points de cotisation subsistant encore au niveau du SMIC et annoncée à compter du 1er juillet 2007 devrait coûter 320 millions d'euros. Elle sera compensée en 2007 par un transfert de droits sur les tabacs, ce dont nous nous félicitons. Toutefois, monsieur le ministre délégué, la question se posera de nouveau dès l'année prochaine puisque cette nouvelle mesure d'allégement représente un coût supérieur à 600 millions d'euros en année pleine.

Nous devrons également répondre au défi évoqué par notre excellent collègue rapporteur Alain Vasselle : celui de l'amélioration des relations financières entre l'État et la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je ne reprendrai pas ses propos, mais je partage tout à fait son analyse.

Nous ne ferons pas l'économie d'un débat sur l'avenir du financement de la sécurité sociale. Vous avez rappelé, monsieur le ministre délégué, le débat qu'a tenu notre Haute Assemblée la semaine dernière. Mais la question ne peut se régler n'importe comment, et certainement pas à l'encontre de la logique de notre système. Pouvez-nous, monsieur le ministre délégué, nous informer de l'état d'avancement de la réflexion du Gouvernement sur ce point ?

Par ailleurs, pour la première fois en 2007, l'État paiera, à hauteur de 160 millions d'euros, des intérêts pour sa dette à l'égard du régime général, qui s'établit actuellement à 5 milliards d'euros. Il est certain qu'il aurait été encore mieux que l'État rembourse une partie du principal de la dette, mais cette mesure, qui respecte le principe de neutralisation des effets de trésorerie, va dans le bon sens et nous satisfait.

Toutefois, l'essentiel du problème de la sécurité sociale résulte aujourd'hui de l'augmentation des dépenses.

L'assurance maladie semble entrer dans un cycle vertueux, mais qui reste terriblement fragile. Le déficit de la branche maladie était de 11,6 milliards d'euros en 2004. Il ne devrait pas en 2007 dépasser la barre des 4 milliards d'euros, grâce à la maîtrise médicalisée des soins de ville, des dépenses de médicaments et des indemnités journalières. Sans doute, monsieur le ministre délégué, auriez-vous fait mieux encore si nous avions dès le départ engagé une réflexion forte sur l'hôpital ; car, à vrai dire, nous savons tous ici que c'est l'hôpital qui coûte cher à la sécurité sociale. Cela étant, pour la première fois depuis sa création en 1997, l'ONDAM des soins de ville a pu être respecté grâce à l'implication de tous les acteurs de santé, notamment des médecins généralistes. Cela constitue un réel progrès.

Pour autant, des efforts restent à accomplir. Il n'est pas normal que l'Organisation pour la coopération et le développement économique ait constaté que les dépenses françaises de médicaments sont nettement supérieures à celles des autres nations de l'OCDE, avec 600 dollars par an contre 400 dollars en moyenne, et qu'elles correspondent à 2,1 % du produit intérieur brut en France, contre 1,6 % en Allemagne.

La consommation en volume est également très élevée. Nous savons toutefois que des résultats de modération ont pu être obtenus pour les antibiotiques et les médicaments anticholestérol. Pour ces modifications des comportements, la CNAM a dû déployer beaucoup d'énergie. En déploie-t-elle autant pour les médicaments utilisés en psychiatrie ? Monsieur le ministre délégué, j'ai vu récemment un jeune sortir d'un hôpital psychiatrique avec une ordonnance comportant vingt et un médicaments à prendre chaque jour !

Par ailleurs, la CNAM s'intéresse-t-elle à toutes les ordonnances délivrées en matière de produits de substitution, dont le coût est important pour la sécurité sociale ? Je vous invite, monsieur le ministre délégué, à vous rendre un dimanche aux urgences médico-judiciaires de l'Hôtel-Dieu : des hommes et des femmes viennent se faire prescrire des produits de substitution, produits dont il paraît qu'il est plus difficile de se sevrer que de la drogue elle-même ! Je vous encourage donc à conduire en la matière une politique tout aussi ferme que celle que vous avez menée pour les antibiotiques.

J'en viens à l'ONDAM des soins de ville. Son taux de progression, initialement fixé à 0,8 %, n'a pas été jugé suffisant par les députés, qui ont choisi de le relever à 1,1 % pour permettre notamment aux partenaires conventionnels de négocier l'alignement du tarif des consultations des généralistes sur celui des spécialistes.

Je soulignerai à cet égard qu'il convient aussi, comme l'indiquait devant moi un médecin, de prendre en compte tous les effets pervers que peut avoir la politique du médecin traitant. C'est ainsi que, en dermatologie, les grands bénéficiaires de ce dispositif sont aujourd'hui ceux qui fabriquent des dermocorticoïdes ou des antifongiques, dont l'utilisation excessive retarde parfois le dépistage d'un cancer de la peau. Il est donc nécessaire d'être mesuré en la matière.

Je voudrais également attirer votre attention sur le problème de l'avenir de la chirurgie en France. On a évoqué tout à l'heure les honoraires des chirurgiens et leur revalorisation « pondérée » de 25 % depuis 2004. Toutefois, la possibilité donnée aux praticiens de choisir leur secteur d'exercice, actée dans le protocole du 24 août 2004 sur la chirurgie française, n'a pas été mise en oeuvre. Il y a là un blocage. Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre délégué, l'état de la réflexion en la matière ?

Le plan « médicament » est également poursuivi. À ce propos, la Cour des comptes a relevé que la pratique de la rétrocession hospitalière avait beaucoup augmenté au cours des dernières années, le montant des médicaments rétrocédés étant passé de 660 millions d'euros en 2000 à 1,4 milliard d'euros en 2004. Des mesures ont été prises pour réduire cette somme, telle la définition d'une liste limitative des médicaments susceptibles d'être rétrocédés, mais les objectifs fixés n'ont pas été atteints. J'aurais souhaité, monsieur le ministre délégué, connaître votre opinion sur la question ; vous nous en ferez probablement part lorsque nous examinerons l'amendement que j'ai déposé sur la clarification des règles fixant le prix des médicaments.

Je voudrais aussi remercier M. Xavier Bertrand de nous avoir assuré qu'il ferait son possible pour que la directive « médicaments » puisse enfin trouver sa traduction législative dans notre pays. Et puisque le Sénat a longuement travaillé sur la politique du médicament, j'espère que le Gouvernement acceptera l'amendement sur les études post-AMM que j'ai déposé avec Anne-Marie Payet et Gilbert Barbier et qui reprend une recommandation formulée voilà quelques mois dans le rapport d'information fait au nom de la commission des affaires sociales sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments.

S'agissant maintenant de l'ONDAM hospitalier, fixé à 3,5 %, il devrait effectivement permettre de faire face à l'accroissement de la masse salariale et de poursuivre le plan « Hôpital 2007 ».

Je voudrais à cette occasion, monsieur le ministre délégué, évoquer le problème de la tarification à l'activité. Il ne faudrait pas que celle-ci ait les mêmes effets pervers que le point ISA.

Aujourd'hui, la tarification à l'activité souffre de plusieurs défauts. La Cour des comptes a ainsi dénoncé des modalités de pilotage complexes, un manque de transparence, un dispositif tarifaire trop sophistiqué et un risque de contournement par le biais des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation.

Je vous invite, monsieur le ministre délégué, si vous ne l'avez pas déjà fait, à vous faire établir un comparatif par pathologie du coût des soins respectivement en hospitalisation de jour et en hospitalisation traditionnelle. Un cancer de la peau bénin - si toutefois un cancer peut être bénin - en hospitalisation traditionnelle coûte 500 euros et, en hospitalisation de jour, 60 euros. Il convient donc là aussi de mettre l'hôpital à contribution.

Comme Alain Vasselle, nous pensons qu'il faut sortir la psychiatrie de l'expérimentation de la tarification à l'activité. D'autres pathologies sont beaucoup plus lisibles, moins complexes à évaluer, qui pourraient permettre une tarification à l'activité plus lisible.

M. François Autain. Alors, il faut supprimer l'article !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Nous souhaiterions aussi que vous puissiez étudier le problème du transport hospitalier. Un amendement sera déposé pour faire qu'il soit utilisé à bon escient.

La convergence intersectorielle des tarifs entre le secteur public et le secteur privé est en cours et doit s'achever en 2012. Néanmoins, pour parvenir à cet objectif, des conditions préalables, actuellement non réunies, s'imposent selon la Cour des comptes : la convergence doit être mise en place à partir des établissements les plus efficients, à partir de coûts complets incluant les honoraires des professionnels de santé et à partir de groupes de dépenses homogènes. Où en êtes-vous dans ce domaine, monsieur le ministre délégué ?

L'hospitalisation privée, quant à elle, a été l'objet, depuis octobre dernier, d'un resserrement tarifaire qui doit s'achever à la fin de l'année, pour tenir compte de certains dépassements constatés que vous nous avez exposés. Pour autant, le groupe UMP souhaiterait que vous puissiez confirmer le caractère exceptionnel de la mesure afin d'assurer une certaine sécurité financière à ces établissements très sollicités.

Quant à l'ONDAM médicosocial, il représente un effort considérable à l'endroit des personnes âgées et handicapées, avec une augmentation de 6,5 % qui permettra la création de 6 000 places en services de soins infirmiers à domicile et de 5 000 lits en établissements hospitaliers pour personnes âgées dépendantes. Nous ne pouvons que nous féliciter de la persévérance du Gouvernement dans sa politique de prise en charge des personnes en situation de dépendance.

Je voudrais insister sur un point qui me tient particulièrement à coeur.

Dans les années soixante-dix, les grandes municipalités ont construit des hôpitaux comme on construisait des piscines et nous subissons maintenant les conséquences de cette politique, d'autant plus qu'avec les progrès de la technique l'hôpital doit bien évidemment être « reformaté ». C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de reconvertir certains hôpitaux de soins sur tout le territoire en établissements de soins de suite et de réadaptation ou en établissements destinés à prendre en charge la dépendance ou d'autres pathologies, ou bien encore qu'il y ait à l'intérieur d'un même hôpital une prise en charge médico-médicale et une prise en charge médicosociale.

Pourquoi, par exemple, dans un hôpital comme l'Hôtel-Dieu, après avoir libéré un certain nombre de lits, ne pas garder de grandes pathologies à dimension médico-médicale et y inclure des pathologies liées à l'adolescence, à la psychiatrie, au handicap, à la dépendance ? Cela éviterait à tout le moins des coûts en investissement et permettrait peut-être, lorsqu'il y a suppression de lits médico-médicaux, une reconversion utile à l'ensemble de la population.

En ce qui concerne les accidents du travail, je ne reviendrai pas sur les propos de M. Gérard Dériot, mais je précise que le groupe UMP demeure extrêmement attentif aux propositions pour une réforme de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, réforme qui devrait notamment passer par une évolution des conditions de prévention, de réparation et de tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Il s'agit notamment de la question de la réparation intégrale des préjudices causés par les accidents du travail ou des maladies professionnelles. Nous connaissons les conséquences d'une telle réforme et nous attendons les propositions que les partenaires sociaux se sont engagés à dévoiler au printemps 2007.

Au-delà des pathologies que nous connaissons, il y a actuellement un débat majeur sur les nanotechnologies. J'ai assisté récemment à plusieurs réunions sur ce sujet, notamment au sein du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé, au sein duquel je représente le Sénat. Il est important que, dans cette branche des accidents du travail et des maladies professionnelles, monsieur le ministre délégué, un regard très attentif soit porté sur les conséquences des pathologies qui peuvent être induites par les nanotechnologies. Ce débat savant permettra peut-être de donner une nouvelle dimension, plus noble, à notre médecine du travail.

S'agissant de la branche famille, je ne reviendrai pas sur la politique courageuse et persévérante que vous avez menée, monsieur le ministre délégué, sinon pour regretter que le dispositif de la prestation d'accueil du jeune enfant, à l'élaboration de laquelle j'ai eu l'honneur de participer, n'ait pas été plus simple, ce qui aurait permis sans aucun doute à notre caisse d'allocations familiales de faire des économies, en tout cas en coûts de gestion. Je suis sûre que nous aurons un jour ou l'autre à simplifier cette prestation, mais elle a le mérite d'exister et 250 000 familles en bénéficient.

Je ne reviendrai pas non plus sur le plan important que vous mettez en oeuvre en matière de crèches. J'attire cependant votre attention sur les difficultés de recrutement de personnels, constatées spécifiquement dans certaines zones géographiques, notamment s'agissant des personnels de direction. On manque cruellement de personnels titulaires des diplômes exigés, ce qui empêche les structures de fonctionner, malgré la bonne volonté de tous. Monsieur le ministre délégué, avez-vous une réponse à nous apporter dans ce domaine ?

Des difficultés sont apparues concernant le fonds national d'action sociale. Les crédits d'action sociale et familiale des caisses seront désormais en augmentation de 7,5 % par an. Or les dépenses du fonds ont augmenté de 15 % en 2005. Cela vous a conduit, monsieur le ministre délégué, à demander à la caisse davantage de sélectivité dans les projets financés en 2006. Les conséquences de cette politique pour les nouveaux projets ont été immédiates et souvent mal vécues. Pour autant, il était certain que nous ne pouvions continuer une politique reposant sur un rythme de dépenses d'action sociale supérieur à 15 % par an. Les financements attribués par les caisses devront désormais être ciblés sur les zones les plus prioritaires, notamment sur les quartiers sensibles, sans omettre toute la politique d'action sociale en direction notamment des adolescents.

Je n'insisterai pas - si ce n'est pour les souligner - sur les mesures que vous avez décidées lors de la conférence de la famille de juillet 2006, visant à aider les jeunes qui entrent dans la vie active et dont les parents disposent de peu de moyens, par le biais d'un prêt à taux zéro. Vous me voyez particulièrement ravie qu'une mesure qui avait été prise à l'époque par Jacques Chirac lorsqu'il était maire de Paris, le congé de soutien familial, devienne une mesure nationale. Paris était vraiment un laboratoire social.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Le maire de Paris était bien conseillé !

Mme Marie-Thérèse Hermange. J'évoquerai enfin le maintien à domicile. Monsieur le ministre délégué, les avantages prévus par la loi pour l'aide à la personne doivent être maintenus. Je déposerai un amendement en ce sens et j'espère que le Gouvernement le soutiendra.

En ce qui concerne la branche vieillesse, vous comprendrez que pour différentes raisons, je ne m'attarde pas sur ce point ; le groupe UMP formulera néanmoins trois observations.

La première concerne la clause de rendez-vous en 2007. Connaissez-vous les modalités selon lesquelles ce grand rendez-vous va être organisé ?

La deuxième a trait à la consultation de prévention pour les personnes âgées de plus de soixante-dix ans. C'est une mesure très attendue, mais certains médecins se demandent pourquoi cette consultation de prévention ne pourrait pas avoir lieu à cinquante-cinq ou à soixante ans. Elle serait, selon eux, beaucoup plus utile. Je déposerai un amendement en ce sens.

La troisième et dernière observation que je formulerai au nom du groupe UMP concerne les régimes spéciaux.

L'adossement des régimes spéciaux, qu'il s'agisse de la RATP ou de La Poste, devrait se faire de façon neutre pour le régime général. En effet, il ne peut être question que les actifs et les retraités du régime général supportent le financement, même partiel, de ces adossements, alors qu'ils ne bénéficient pas des mêmes conditions de départ à la retraite.

C'est donc l'État qui devrait payer ou les usagers des services concernés. Dans ce contexte, la Cour des comptes a indiqué qu'il était inenvisageable de maintenir le statu quo pour les trois régimes spéciaux. Leur alignement sur les conditions applicables aux retraites du secteur privé dans le cadre de la loi de 2003 ne pourrait être éludé.

Enfin, je ne peux que souscrire aux exigences de M. Dominique Leclerc sur la nécessité d'assurer une information exhaustive des parlementaires préalablement à tout nouvel adossement.

Concernant la lutte contre les fraudes et l'amélioration des contrôles, vous avez mis en place le comité national de lutte contre les fraudes en matière de sécurité sociale, il y a deux semaines, à la suite des affaires dont la presse s'est fait l'écho.

Par ailleurs, deux mesures ayant pour objet de renforcer les moyens des organismes de sécurité sociale dans leur mission de contrôle des conditions d'ouverture de droit aux prestations des personnes résidant à l'étranger ont été insérées dans le présent texte. Cela permettra d'optimiser les prestations pour qu'elles profitent à ceux qui en ont le plus besoin sur notre territoire.

M. Guy Fischer. Que c'est pudiquement dit !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la sécurité sociale fait partie des atouts de la France. Le groupe UMP note cependant que, si la famille n'avait pas été « démissionnée » d'un certain nombre de ses fonctions, notamment la prise en charge des plus vulnérables, les handicapés, les malades, les personnes âgées, le coût serait moins lourd à assumer pour la collectivité nationale.

Le groupe UMP votera ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, dernier d'une législature qui aura eu le courage de sauvegarder un système cher à tous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 est l'occasion pour moi de saluer - pour insuffisants que soient les résultats - les différentes réformes mises en place à ce jour.

Alors qu'en 2004 la situation de la sécurité sociale était alarmante - c'est le moins que l'on puisse dire -, ce qui mettait en péril tout notre système de protection sociale, force est de reconnaître que nous sommes aujourd'hui sur la voie du redressement de nos comptes sociaux.

Certes, la bataille n'est pas gagnée, il y a encore beaucoup à faire, mais pourquoi ne pas saluer ce redressement ? C'est ce que je fais.

En effet, le déficit de l'assurance maladie, qui aurait dû atteindre 16 milliards d'euros en 2005, a été pratiquement divisé par deux.

Certes, la réduction, incontestable, du déficit de la sécurité sociale, en particulier de sa branche maladie, résulte notamment de la hausse de près d'un point de la croissance de la masse salariale - 4,3 % en 2006 contre 3,4 % en 2005 -, ce dont nul ne saurait se plaindre.

Cette réduction n'aurait pas été possible sans l'implication de l'ensemble des acteurs concernés - médecins, industriels du médicament, pharmaciens et assurés sociaux - qui, par leurs efforts, y ont largement contribué.

Je pense en particulier à l'engagement des médecins dans la maîtrise des dépenses médicalisée, qui a permis de dégager d'importantes économies. Je tenais à évoquer la question de l'ONDAM des soins de ville. Alors que le projet de loi initial ne prévoyait qu'une hausse des dépenses de soins de ville de 0,8 %, plusieurs députés ont proposé de relever la progression de l'ONDAM à 1,2 %. La hausse envisagée aujourd'hui conduit, sauf erreur de ma part, à une rallonge importante, de 200 millions d'euros.

Je ne peux que me féliciter de cette évolution. Il aurait en effet été inacceptable que les médecins fussent une fois encore pénalisés et que l'on ôtât à la médecine générale, à la médecine de proximité et de premier recours, l'espoir d'accéder, en 2007, à des revalorisations tarifaires légitimes.

C'eût également été, à moyen terme, courir le risque de ne pas attirer les étudiants vers la médecine générale. Que dire de ce point de vue des incidences possibles de l'évolution de la présence du généraliste en milieu rural ?

La baisse des indemnités journalières et des prescriptions des antibiotiques ainsi que l'augmentation des prescriptions de génériques ont également concouru au redressement de l'assurance maladie.

Permettez-moi de m'arrêter quelques instants sur la question des génériques. Le recours à ces médicaments a fortement progressé ces dernières années, grâce, d'une part, à l'attitude positive des assurés et, d'autre part, à l'engagement renforcé des pharmaciens qui, en janvier dernier, ont signé avec l'assurance maladie un accord fixant l'objectif de pénétration des médicaments génériques à 70 % du répertoire d'ici à la fin de l'année. Néanmoins, de grands progrès sont encore possibles, le potentiel des génériques restant très significatif.

Selon les données fournies par les responsables de l'assurance maladie, si le générique était utilisé chaque fois que cela est possible, une économie supplémentaire de 420 euros par mois et par médecin généraliste pourrait être réalisée,...

M. Guy Fischer. Au moins !

M. Georges Mouly. ... soit une économie potentielle supplémentaire de plus de 300 millions d'euros par an.

Il y a donc tout intérêt à renforcer la banalisation de l'usage des génériques par les patients et par les professionnels de santé. C'est la raison pour laquelle je me félicite de la suggestion du rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance vieillesse, M. Alain Vasselle : il s'agit d'encourager la promotion des médicaments génériques en supprimant le bénéfice du tiers payant à l'assuré qui refuserait sans motif leur délivrance.

La branche de l'assurance maladie a permis de dégager 722 millions d'euros d'économies en 2005 et 475 millions d'euros pour les huit premiers mois de 2006, contribuant ainsi à diminuer fortement le déficit du régime général. Il faut bien évidemment persévérer. De ce point de vue, j'ai pris acte de l'observation de Mme Hermange sur la réforme de la sécurité sociale.

Monsieur le ministre délégué, les mesures que vous nous proposez aujourd'hui doivent, sous réserve de l'adoption de certains amendements, en particulier de ceux qui émanent de la commission des affaires sociales, permettre de réduire encore les déficits, mais aussi de répondre aux attentes des professionnels de santé et des assurés.

S'agissant de l'assurance maladie, vous avez mis en place, le 24 octobre dernier, le comité national de lutte contre les fraudes en matière de sécurité sociale.

Les amendements que vous avez défendus à l'Assemblée nationale - je pense notamment au contrôle du patrimoine des demandeurs de prestations sociales sous condition de ressources et à l'obligation pour toute personne qui s'installe à l'étranger de rendre sa carte Vitale - s'inscrivent dans ce plan. C'est un frein à des abus qui sont préjudiciables aux organismes sociaux.

M. Guy Fischer. Il faut vérifier partout !

M. Georges Mouly. Bien que ces mesures aient fait l'objet de nombreuses critiques, je ne peux que me féliciter de leur adoption, car elles visent à rétablir l'égalité et à défendre les plus modestes, car enfin la solidarité nationale ne doit pas servir aux fraudeurs.

S'agissant de la politique familiale, j'ai pris note des observations de M. Lardeux sur les chiffres et sur la rigueur budgétaire.

Je me réjouis, monsieur le ministre délégué, des orientations qui ont été décidées dans ce domaine. Je pourrais évoquer, notamment, l'importance du nombre de places en crèche et surtout, le congé de soutien familial, mesure qui, proposée par le Premier ministre le 3 juillet dernier lors de la conférence de la famille, permettra à toute personne de cesser provisoirement son activité professionnelle pour s'occuper d'un des membres de sa famille devenu dépendant ou gravement handicapé, tout en étant assurée de retrouver son emploi et de continuer d'acquérir des droits à la retraite.

Chaque année, les Français gagnent près d'un trimestre d'espérance de vie, ce qui se traduira par un doublement du nombre des personnes âgées de soixante ans ou plus d'ici à 2050. Il est donc essentiel de soutenir ceux qui ont la charge d'un parent dépendant.

Selon une étude réalisée par le ministère de la santé, les « aidants familiaux » sont le conjoint, une fois sur deux, et l'un des enfants, âgé en moyenne entre cinquante et cinquante-cinq ans, dans un tiers des cas. Aujourd'hui, près de 75 % des bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie sont aidés par leurs proches. Au total, près de 310 000 personnes sont concernées. Permettez-moi, dans cet esprit, de saluer la présentation, par le Premier ministre, du plan « solidarité grand âge ».

Avant de conclure, monsieur le ministre délégué, j'aborderai un sujet qui a fait l'objet d'une question écrite que j'ai transmise à vos services au mois de septembre dernier.

Je m'étonnais qu'un arrêté ministériel, en date du 2 mars 2006, ait mis à la charge des patients qui optent pour l'opération de la cataracte en soins externes la totalité du coût de l'implant intraoculaire, alors qu'en ambulatoire ce coût est supporté par la caisse d'assurance maladie. Si je me permets de revenir sur ce sujet, c'est que la chirurgie de la cataracte en soins externes est une source d'économies très importantes pour les comptes de la sécurité sociale.

Au-delà de la rupture d'égalité qui résulte de cette décision, tant pour les assurés sociaux que pour les praticiens, on prive la caisse d'assurance maladie d'une source d'économies considérables.

En effet, en fixant un forfait de soins de 400 euros pour la pratique de la chirurgie de la cataracte en soins externes, on permettrait à la caisse d'assurance maladie de réaliser une économie de 800 euros par intervention. En sachant qu'entre 500 000 et 700 000 opérations de la cataracte sont effectuées chaque année en France et que ce chiffre ne cessera d'augmenter, en raison notamment du vieillissement de la population, ce sont plus de 500 millions d'économies qui pourraient ainsi être réalisées. Ce n'est pas rien !

Dans ces conditions, monsieur le ministre délégué, ne vous paraît-il pas opportun d'aménager dans les meilleures conditions le dispositif dans ce sens ?

Les réformes qui ont été engagées ont permis d'amorcer le redressement de la sécurité sociale, mais nous devons bien évidemment rester vigilants.

Aujourd'hui, par ce projet de loi, monsieur le ministre délégué, vous nous proposez de poursuivre cette tâche, de sauvegarder notre système de protection sociale, qui est constitutif de notre pacte républicain. La tâche est difficile, ambitieuse même. C'est une raison supplémentaire pour vous accompagner dans cette démarche. Ce sera en tout état de cause la position de la majorité des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, mes chers collègues, le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette législature s'inscrit dans la droite ligne des précédents.

Contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le ministre délégué, les quatre branches restent dans le rouge.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Cela ne devrait pas vous choquer !

M. Guy Fischer. Ce budget - au-delà des apparences - participera un peu plus encore au démantèlement de notre système de protection sociale et à sa privatisation rampante.

Il va accroître un peu plus encore les inquiétudes des assurés sociaux et des professionnels, qui constatent avec impuissance le resserrement de la couverture des risques sociaux et l'accroissement des inégalités face à la maladie, à la vieillesse ou à la mort.

Monsieur le ministre délégué, avant de vous faire part des constats qu'impose cette situation, permettez-moi au préalable de rappeler que, en 2002, au moment de l'arrivée de votre majorité au pouvoir, le solde du régime général était excédentaire depuis trois ans. Votre majorité a donc battu de bien tristes records en laissant les déficits s'établir à des niveaux historiques. Et voici maintenant, pour la troisième année consécutive, un déficit de 10 milliards d'euros !

L'optimisme affiché par la majorité, qui s'enorgueillit d'afficher un déficit de 9,7 milliards d'euros « seulement », n'apparaît pas de bon ton, surtout lorsque l'on sait que, depuis plusieurs années, vous masquez la réalité de la situation avec la création de fonds de financement comme le FFIPSA et le FSV.

Selon les rapporteurs de la Cour des comptes, « le déficit global de l'ensemble des régimes et de leurs fonds de financement est passé de 14,2 milliards d'euros en 2004 à 14,4 milliards d'euros en 2005 ».

Il n'y a pas non plus de quoi se féliciter lorsque l'on sait que les prétendues améliorations des comptes se font au détriment des assurés sociaux, toujours mis davantage à contribution, ainsi qu'au détriment de la qualité et de l'étendue des soins et des prestations offertes.

Quant à la réforme décidée en 2004 par M. Douste-Blazy, qui visait précisément à résorber le déficit prévu pour 2007, on peut à présent constater son inefficacité notoire, voire ses nombreuses incohérences.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela va tout de même mieux !

M. Guy Fischer. Il n'est pas trop tôt pour constater le caractère irréaliste du contenu de sa réforme et, surtout, pour souligner les sommes exorbitantes consacrées à des dispositifs inutiles, au premier rang desquels le fameux dossier médical personnel, sur lequel j'aurai l'occasion de revenir.

Ces cinq ans de législature vont se conclure, malheureusement, par un recul de l'égalité et de la protection sociale et par une situation désastreuse des comptes sociaux.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous ne pouvez pas dire cela !

M. Guy Fischer. Nous y reviendrons au cours du débat, monsieur le rapporteur.

Quant à l'après-2007, les perspectives sont tout aussi alarmistes. Pour 2009, par exemple, la Cour des comptes estime les besoins de financement du régime général et des fonds de financement à plus de 39 milliards d'euros.

La dette s'est lourdement aggravée, son poids compromettant désormais l'avenir des jeunes générations. Vous avez transféré une charge de 35 milliards d'euros à la CADES en 2004, ...

M. Alain Vasselle, rapporteur. Les 35 heures !

M. Guy Fischer. ...alors que cette caisse supporte aujourd'hui une dette de plus de 98 milliards d'euros, sans compter les 39 milliards d'euros qui s'y ajouteront d'ici à 2009.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Il s'agit de 27 milliards d'euros, monsieur Fischer, et non pas de 39 milliards d'euros !

M. Guy Fischer. Nous avons visiblement chacun notre méthode de calcul ! Mais nous aurons également l'occasion de revenir sur ces chiffres.

Même à retenir, comme vous le faites dans vos prévisions, les éléments de conjoncture les plus optimistes, aucun retour à l'équilibre n'est prévu dans les années à venir et vous n'osez d'ailleurs même plus vous hasarder à de tels pronostics.

Quant à l'avenir de nos retraites, question majeure pour les décennies futures, le déficit s'accroît de plus en plus vite et ceux qui le peuvent se hâtent de faire valider leurs droits tant qu'il subsiste un mode de calcul des pensions encore décent.

Cette majorité, se défaussant de ses responsabilités, a vidé de son sens le Fonds de réserve pour les retraites, sans pour autant mettre en place un système pérenne, solidaire et satisfaisant en matière de couverture du risque vieillesse.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Des mots, des mots, des mots !

M. Guy Fischer. Au final, depuis quatre ans, les comptes de la protection sociale sont tout simplement sacrifiés et les finances sociales - ce n'est pas moi qui le dis ! - ne sont plus, pour cette majorité, qu'une variable d'ajustement du budget de l'État et de la politique de l'emploi.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce n'est pas nouveau ! Martine Aubry et Lionel Jospin y ont contribué, et vous les avez soutenus !

M. Guy Fischer. Monsieur Vasselle, l'État se défausse de plus en plus de son déficit sur la sécurité sociale. Je rappelle en effet que les organismes de sécurité sociale détiennent une créance de 6,5 milliards d'euros sur l'État.

Or, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, rien n'est prévu pour apurer les dettes de l'État, sinon pour ce qui concerne une partie des intérêts. Au contraire, s'agissant de la non-compensation des exonérations de charges consenties aux entreprises, un pas supplémentaire est franchi. Les entreprises, une fois de plus, applaudiront : 25,6 milliards d'euros d'exonérations prévues dans ce budget, c'est du jamais vu !

Le pillage caractérisé des finances sociales est de nouveau l'un des points majeurs du texte que vous nous présentez, monsieur le ministre délégué. Une fois encore, les grands gagnants seront les entreprises, et le secteur privé dans son ensemble.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. C'est caricatural !

M. Guy Fischer. Non seulement le Gouvernement en profite pour faire adopter certaines dispositions de régression sociale, comme celle qui vise à exclure du cadre légal des 35 heures les cafés, hôtels et restaurants, mais aussi il augmente encore les exonérations de charges, pour un montant qui avoisinera probablement les 370 millions d'euros.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Il faudra veiller à la compensation !

M. Guy Fischer. Et les entreprises pharmaceutiques ne seront pas en reste cette année, puisque la taxe sur leur chiffre d'affaires sera réduite de 0,79 point par rapport à l'an passé.

M. Alain Vasselle, rapporteur. L'an dernier, il s'agissait d'une taxe exceptionnelle !

M. Guy Fischer. Oui, c'est parce qu'elle était exceptionnelle que M. le ministre délégué, par voie d'amendement, souhaite créer une aide nouvelle destinée à la recherche des laboratoires pharmaceutiques !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce sont de grands contributeurs !

M. Guy Fischer. Cette mesure est annoncée aujourd'hui dans Les Échos ; elle sera fonction du chiffre d'affaires.

Une étape supplémentaire est franchie dans la privatisation de notre système de santé. Et ce projet de loi de financement de la sécurité sociale fait la part belle aux assurances et services privés. Avec ce texte, vous organisez tout bonnement un transfert d'argent public vers le secteur privé : je veux parler du financement partiel de l'augmentation des tarifs des complémentaires santé.

En revanche, pour les assurés sociaux, la couverture des risques se restreint, alors que leur mise à contribution financière ne fait qu'augmenter. Plutôt que de chercher des recettes pérennes, le Gouvernement se contente d'accroître la charge pesant sur les assurés sociaux.

Sous prétexte de poursuivre la maîtrise médicalisée, vous augmentez le forfait hospitalier, qui passera de 15 euros à 16 euros, vous annoncez le déremboursement partiel de 41 médicaments - la Haute autorité de santé en avait sélectionné 145 : pourquoi n'êtes-vous pas allé jusqu'au bout de la démarche, monsieur le ministre délégué ? - et vous vous acharnez à contenir les prescriptions médicales, en particulier dans le cadre des affections de longue durée.

Et je ne parle pas de votre chasse aux fraudeurs, chaque assuré social, chaque titulaire de minima sociaux étant considéré comme un délinquant en puissance. Il s'agit d'une stigmatisation scandaleuse, d'une véritable criminalisation des plus pauvres ! (Protestations sur le banc de la commission.)

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Les termes sont excessifs !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Et tout ce qui est excessif est dérisoire !

M. Guy Fischer. Vous connaissez ma modération habituelle, mes chers collègues, mais, sur ce point, je ne pourrai que m'opposer à vos propositions.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous perdez de votre crédibilité, avec des propos aussi excessifs !

M. Guy Fischer. En effet, pour la première fois, le train de vie des bénéficiaires des minima sociaux sera pris en compte, ce qui revient, finalement, à les considérer comme des délinquants en puissance. (Marques d'ironie sur le banc de la commission.)

Comme dans tout corps social, s'il peut y avoir quelques fraudeurs, il s'agit bien d'une minorité.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Vous la tolérez !

M. Guy Fischer. Je pourrais vous citer le cas d'ophtalmologistes, exerçant dans une célèbre clinique de Nantes, qui ont travesti la vérité, escroquant ainsi l'assurance maladie.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Il faut faire la chasse à cette minorité !

M. Guy Fischer. Nous devrons donc, cette année encore, examiner certaines de vos propositions indignes et liberticides. Je pense notamment à la disposition visant à rayer de la liste des RMIstes ceux dont le train de vie serait estimé trop élevé, ou encore au croisement des fichiers informatiques. On m'a d'ailleurs annoncé aujourd'hui que le Gouvernement entend défendre un amendement visant à instaurer directement, par le biais du numéro de sécurité sociale ou d'INSEE, le croisement des fichiers.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous défendez des fraudeurs ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ceux qui n'ont rien à se reprocher n'ont rien à craindre !

M. Guy Fischer. Toutes ces orientations budgétaires sont bel et bien le résultat de la politique libérale forcenée menée par cette majorité.

La comparaison entre, d'une part, les profits record réalisés cette année par les entreprises du CAC 40 et, d'autre part, les sacrifices demandés aux assurés sociaux est véritablement vertigineuse.

Les choix désastreux et injustes de la majorité, monsieur le ministre délégué, sont disséminés au sein de chaque branche de l'assurance sociale. J'évoquerai par conséquent vos prévisions de dépenses branche par branche.

Je commencerai par la branche maladie.

L'ensemble de cette branche souffre principalement des conséquences déplorables de la réforme menée par M. Douste-Blazy, dont j'ai déjà dit un mot précédemment. L'hôpital public, en particulier, est victime, depuis l'arrivée de cette majorité au pouvoir, de sous-dotations budgétaires chroniques. Il est le bouc émissaire tout désigné, tandis que le secteur privé voit ses actions en bourse dopées.

Alors que l'hôpital respecte les engagements de dépenses prévus à l'ONDAM, les activités du secteur commercial, qui augmentent de plus de 10 %, atteignent des niveaux incompatibles avec cet objectif.

M. Alain Vasselle, rapporteur. La régulation évolue !

M. Guy Fischer. Il manquera cette année 780 millions d'euros aux hôpitaux publics, mais la Fédération hospitalière de France va jusqu'à prévoir pour l'année prochaine un déficit compris entre 800 et 900 millions d'euros. Cette pénurie organisée...

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Oh !

M. Guy Fischer. ... a de lourdes conséquences sur la qualité de ces structures et l'accès aux soins. Les professionnels de la santé s'alarment tous de devoir réduire le personnel, déjà en nombre insuffisant, pour contenir des déficits abyssaux dont ils ne sont pas responsables.

Quant à la T2A, la tarification à l'activité, vous poursuivez et amplifiez, avec ce nouveau projet de loi de financement de la sécurité sociale, une réforme inopérante et dangereuse, en maintenant l'objectif de 50 % en 2008.

Nous ne cessons de le répéter depuis 2004, la convergence des secteurs public et privé est une hérésie. On peut déjà constater à quel point les critères de convergence sont inapplicables sur le terrain. Tout se passe comme si ces deux secteurs exerçaient deux métiers différents !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faut faire une convergence intrasectorielle !

M. Guy Fischer. Pire encore, les budgets explosent sous l'effet des « surdéclarations » de soins effectuées par les cliniques privées.

Allez-vous, enfin, revenir sur cette réforme, comme l'ensemble des acteurs de terrain, des professionnels et des usagers du service public le réclament ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. Qui le demande exactement ?

M. Guy Fischer. Quant au secteur médico-social, il souffre des mêmes maux. J'entends dire qu'une progression de plus de 7,5 % des budgets serait envisagée. Les réformes ne sont pas non plus applicables, nous aurons l'occasion d'en débattre. Les protocoles s'avèrent irréalistes, et tellement loin du vécu des praticiens sur le terrain !

Finalement, le constat est le même. Tout comme le secteur sanitaire, le secteur médico-social s'ouvre largement au privé. Des entreprises motivées par le profit pourront, de plus en plus, bénéficier d'agréments et de financements de la part de l'État.

Au lieu de renforcer un véritable service public de la dépendance et du handicap, vous multipliez les possibilités, pour les structures privées, d'exploiter les populations en difficulté, et vous creusez plus encore les inégalités.

J'évoquerai rapidement la médecine de ville. Après de très vives réactions des professionnels de santé, vous augmentez dans l'urgence, par l'intermédiaire des députés de l'UMP, l'ONDAM des soins de ville, sans doute sous-estimé. Cela équivaut à monter les uns contre les autres les différents acteurs de la branche maladie, ce qui est d'autant plus regrettable qu'une telle mesure ne résoudra pas, me semble-t-il, les maux dont souffre la médecine de ville.

En effet, la désaffection pour certaines professions et le développement de zones sans véritables offres de soins sont autant de problèmes qui ne seront pas résolus par la seule augmentation, même substantielle, d'une enveloppe budgétaire.

Dans ce domaine comme dans d'autres, nous pouvons constater une fois encore l'absence de politique de long terme. Les conséquences sur nos concitoyens sont dramatiques. À la campagne, dans certaines villes, dans les banlieues, dans les grands ensembles, dans ce que l'on appelle les « quartiers sensibles » - expression détestable à laquelle je préfère celle de « quartiers populaires » -, la permanence des soins ou, même, l'accès aux soins primaires sont remis en cause.

Les inégalités face à la santé se creusent de façon dramatique, et elles sont encore renforcées par des phénomènes de discrimination à l'égard des populations les plus pauvres et les plus marginales.

Une enquête récente confirme un constat fait de longue date sur le terrain : certains médecins généralistes ou spécialistes n'accueillent pas dans les mêmes conditions que les autres patients, quand ils ne les refusent pas purement et simplement, les bénéficiaires de la CMU ou de l'AME. Face à ces discriminations intolérables, allez-vous encore vous contenter de quelques annonces ?

Ce dernier point me conduit d'ailleurs à faire quelques commentaires sur la branche famille. Il semble que vous l'utilisiez comme véritable vitrine politique. Nous avons en effet enregistré dans ce domaine plusieurs plans successifs.

Mais cette politique est au service des Français les plus aisés, et non pas au service de ceux qui sont les plus en difficulté. C'est ce qu'illustre parfaitement la mise en place de la PAJE. En effet, ses bénéficiaires sont non seulement les familles modestes - je pense au couple de smicards que vous avez cité, monsieur le ministre délégué -, mais aussi, on le sait fort bien, les familles aisées. (M. le président de la commission des affaires sociales proteste.)

Moyennant un coût exorbitant pour la branche famille, cette prestation profite une fois encore au privé, alors que les structures d'accueil collectif manquent cruellement de moyens. Certes, des places en crèche ont été créées, mais qui, aujourd'hui, peut véritablement y accéder ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout le monde peut y accéder !

M. Guy Fischer. Les besoins sont encore immenses !

Quant aux autres dispositions de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, au-delà des annonces et des bonnes intentions, elles ne témoignent d'aucun investissement supplémentaire, et certainement pas d'une véritable prise en compte des difficultés rencontrées par les familles.

La création d'un congé d'aidant familial, sans véritable engagement financier direct - vous avez cependant signalé que les personnes concernées pourraient bénéficier d'un certain nombre d'aides - profitera une fois encore à ceux qui pourront se permettre d'interrompre leur activité professionnelle sans souffrir de la perte de revenu induite, ce qui n'est pas le cas de la majorité des familles !

C'est la même logique qui prévaut en ce qui concerne le partage des allocations familiales. Si vous aviez réellement souhaité prendre en compte les difficultés rencontrées par les familles au moment d'un divorce, il aurait fallu alors rendre les deux parents allocataires des prestations familiales, et non pas les obliger à partager des sommes souvent bien modestes.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est une proposition démagogique !

M. Guy Fischer. Mais, une fois encore, telles ne sont malheureusement pas vos intentions.

Je m'attarderai maintenant sur la branche vieillesse. Monsieur le ministre délégué, la colère gronde et, voilà quelques semaines, des retraités sont même descendus dans la rue pour manifester leur mécontentement et leurs inquiétudes, devant la perte de pouvoir d'achat sans précédent dont ils sont victimes.

Depuis 1993, les retraités perdent 0,1 % par an de pouvoir d'achat, ce qui représente une perte effective supérieure à 10 %. Sur ce sujet aussi, votre politique inégalitaire et injuste est condamnée de toute part. L'augmentation du pouvoir d'achat reste plus que jamais d'actualité.

Enfin, je terminerai en évoquant la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Il est choquant de vous entendre dire que l'équilibre réalisé dans cette branche permettrait d'envisager une baisse des cotisations patronales en 2007.

En effet, nous savons à quel niveau se situe le phénomène de sous-déclaration, par les entreprises, des maladies professionnelles et des accidents du travail. Nous le savons aussi, il faudra bien répondre au drame humain, social et financier que représente l'amiante. Il est également intolérable, voire immoral, de maintenir plus longtemps encore l'impunité des chefs d'entreprise, lesquels ne s'acquittent pas toujours de leurs cotisations et n'assument que très rarement leurs responsabilité dans ce domaine.

Il est intolérable, je le répète, de pouvoir envisager le moindre cadeau du Gouvernement dans ce sens. Dans ce domaine comme dans d'autres, nos propositions iront donc souvent à l'inverse des vôtres.

Nous sommes, contrairement à vous, favorables à la responsabilité des entreprises en matière de solidarité et de financement de la protection sociale, financement auquel ces entreprises participent de moins en moins aujourd'hui.

Par voie d'amendement, nous vous soumettrons donc certaines propositions, que nous estimons justes et égalitaires.

À l'inverse de vous, nous pensons que la sécurité sociale a encore de belles heures devant elle, si tant est qu'on lui donne les moyens d'agir. Or ces moyens existent, nous le savons tous.

Nous souhaitons que soient rétablies et renforcées l'offre et la qualité des prestations de solidarité nationale. Nous estimons que chacun doit recevoir en fonction de ses besoins, et non pas en fonction de ses moyens.

Nous pensons que les principes de justice, de solidarité et d'égalité doivent guider les choix en matière de santé, de santé au travail, de vieillesse ou de famille.

C'est pourquoi le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous est présenté nous paraît inacceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, mes chers collègues, à la fin d'une législature sonne toujours l'heure du bilan.

En cinq années de gestion du régime général par votre majorité, monsieur le ministre délégué, les déficits cumulés auront atteint 51 milliards d'euros, alors que, en 2001, sous la législature de Lionel Jospin, le régime général était excédentaire, pour la troisième année consécutive, comme l'a rappelé M. Fischer.

Aujourd'hui, le Gouvernement se réjouit d'un déficit de 9,7 milliards d'euros pour l'année 2006 et annonce, avec fierté, que le déficit n'atteindra que 8 milliards d'euros en 2007.

Au regard de l'augmentation des prélèvements sociaux que supportent nos concitoyens, de l'ampleur de la dette comme de son report sur les générations futures, la satisfaction est pourtant loin d'être de mise !

Notre système est en crise, pris en tenaille entre, d'un côté, la hausse continue des dépenses liée au progrès technique de notre médecine, à l'accroissement et au vieillissement de la population, et, de l'autre, les difficultés de notre économie : croissance molle, chômage élevé, précarité accrue.

Aujourd'hui, et nous le constatons tous, alors que l'accès à des soins de qualité pour tous et sur tout le territoire est à la base de notre système d'assurance maladie, ce droit fondamental est remis en cause.

Les inégalités devant la maladie et la mort se creusent de nouveau, et ce sont la justice et la cohérence de notre pacte social qui sont ébranlées.

Dans ces conditions, la réduction annoncée du déficit de l'assurance maladie, passant de 8 milliards d'euros en 2005 à 6 milliards d'euros en 2006, ne saurait déclencher l'enthousiasme. Quant à la prévision d'un déficit pour 2007 n'excédant pas les 39 milliards d'euros, elle apparaît pour le moins optimiste, pour ne pas dire irréaliste.

En attendant, on est loin du retour à l'équilibre des comptes promis pour 2007 par M. Douste-Blazy, lors de l'adoption de la loi de financement de la sécurité sociale de 2004.

Et pourtant, à l'époque, l'engagement était tellement sûr que les reports sur la caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, s'arrêtent en 2006 et que rien n'est prévu aujourd'hui pour financer le déficit à partir de 2007.

Sur ce point, le Gouvernement n'a jamais répondu aux questions qui lui étaient posées. Certes, il est heureux que nous cessions de reporter sur les générations futures l'augmentation de nos dettes, mais ce n'est pas en faisant la politique de l'autruche que nous pourrons affronter la réalité de la situation actuelle.

Nous sommes autant que vous attachés à la bonne gestion de notre système social et nous nous serions sincèrement réjouis si la baisse des déficits était le résultat d'une vraie maîtrise médicalisée des dépenses, d'un apport de financement pérenne et de la mise en oeuvre d'une politique de santé publique adaptée aux défis de notre époque.

Mais force est de constater que cette baisse est largement fictive et que les prévisions sur lesquelles s'appuient les annonces pour 2007 sont au mieux optimistes, au pire délirantes.

La diminution du déficit affiché en 2006 résulte ainsi essentiellement de la hausse des prélèvements et de la diminution des remboursements. Ce sont les assurés sociaux qui en font les frais.

Dès 2005, cela s'est traduit par la mise en place de la franchise d'un euro sur les consultations et les actes médicaux, par la hausse du forfait hospitalier et par l'augmentation de la CSG et de la CRDS, contributions calculées sur 97 % des revenus, et non plus sur 95 %.

En 2006, les assurés sociaux ont à nouveau vu le forfait hospitalier augmenter d'un euro ; ils ont payé une franchise de dix-huit euros sur les actes lourds ; ils ont supporté la diminution du taux des indemnités journalières pour les arrêts de travail de plus de six mois, des remboursements moindres et la liberté tarifaire des spécialistes, s'ils n'avaient pas choisi et consulté leur médecin traitant.

Cette baisse du déficit est également due, en partie, au supplément de recettes apporté par l'anticipation de l'assujettissement aux prélèvements sociaux des intérêts des plans d'épargne logement détenus depuis dix ans, un tour de passe-passe bien pratique pour rendre un chiffre plus présentable, mais difficile à renouveler, en réalité, un pis-aller qui masque mal votre difficulté à trouver des ressources pérennes et solides.

L'année 2007 est une année d'élections, ce qui explique que le projet de loi de financement de la sécurité sociale se réduise à un empilement de mesurettes, sans plus de cohérence que d'ambition, ce qui explique surtout que les assurés sociaux, victimes principales de la politique de réduction des dépenses des années précédentes, soient épargnés pour cette année.

La réduction du déficit annoncé repose principalement sur les prévisions d'évolution de dépenses, donc sur l'ONDAM.

Or l'ONDAM n'est pas construit sur des données médicales, des évaluations rigoureuses et des contrats clairs et transparents entre l'État et les professionnels de santé. Il est déterminé de façon « pifométrique », en fonction des objectifs économiques de Bercy. C'est dire si le chiffre du déficit annoncé est crédible ! Même M. Vasselle, rapporteur, nous a fait part de ses doutes à ce sujet, pointant « un certain nombre d'insuffisances » dans les hypothèses formulées par le Gouvernement !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous avez de bonnes lectures, madame Le Texier ! (Sourires.)

Mme Raymonde Le Texier. En effet, monsieur le rapporteur !

On le voit bien, le texte qui nous est présenté n'apporte aucune perspective durable de redressement des comptes et poursuit une politique de compression des dépenses exclusivement adossée aux efforts des assurés sociaux. Cela étant, si ces efforts avaient eu pour contrepartie l'amélioration de l'offre de soins, le renforcement de la solidarité envers les plus démunis, nous aurions pu leur trouver quelques vertus.

Mais la loi relative à l'assurance maladie n'a pas plus permis de répondre aux exigences de redressement des comptes de la sécurité sociale qu'elle n'a apporté de réponse aux préoccupations des Français quant à la qualité et l'organisation du système de santé sur notre territoire.

En matière de santé, tous les signaux sont au rouge. Ainsi, 14 % de la population et 33 % des chômeurs ont déjà renoncé à des soins, faute de moyens financiers. L'hôpital croule sous les dettes ; certaines parties de notre territoire sont dépourvues de toute offre médicale. De plus, tandis que les remboursements diminuent, les honoraires des médecins ne cessent de croître et la part des laboratoires de baisser. En effet, la contribution de ces derniers passe de 1,76 % à 0,76 % de leur chiffre d'affaires, alors que leur situation est florissante.

Pendant ce temps, on constate que l'état de santé des individus dépend de plus en plus du groupe social auquel ils appartiennent et que les disparités enregistrées s'aggravent. Aujourd'hui, c'est le développement des inégalités en matière de santé qui s'accroît, et rien n'est fait pour remédier à cette injustice fondamentale.

Élue en banlieue, je peux constater à quel point certains territoires de notre République deviennent de véritables déserts médicaux, et ce ne sont pas les élus des zones rurales qui me contrediront sur ce point. Les incitations financières liées aux zones franches ne suffisent pas à enrayer ce phénomène.

Que dire également de ces médecins qui refusent de soigner les bénéficiaires de l'AME et de la CMU ? Selon une récente étude de l'Observatoire de l'accès aux soins, 40 % d'entre eux refuseraient les soins aux personnes assujetties à l'AME. Une telle discrimination est insupportable et devrait donner lieu à des sanctions.

Ce qui est en question, en l'espèce, c'est la solidarité entre les territoires et entre les personnes. Mais il n'est pas étonnant que cette solidarité disparaisse quand tous vos efforts de redressement financier visent à réduire le périmètre de la prise en charge publique pour favoriser les services d'assurance privée.

C'est ainsi que la réforme de 2004, en réduisant la couverture de base, a transféré nombre de dépenses vers les complémentaires. Celles-ci ont donc fort logiquement augmenté leurs tarifs. Ce fait justifie le renforcement, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous examinons, de l'aide à la complémentaire santé.

Beau raisonnement par lequel l'État légitime l'augmentation du tarif des complémentaires, augmentation dont il est à l'origine, puisqu'il réduit le périmètre de la prise en charge publique ! Certes, en volume, cela se traduit par une baisse nette pour la sécurité sociale, mais c'est le principe même de la solidarité qui est mis à mal.

Le cas des assurances médicales est également instructif. Vous avez décidé que l'assurance maladie financerait les deux tiers des augmentations de tarif, sans même vous interroger sur les causes de cette augmentation ou sur la légitimité d'une telle prise en charge par la collectivité. Un tel choix laisse un goût amer, tant on a l'impression, loi de financement après loi de financement, que, si les assurés sociaux sont sollicités, les médecins, eux, voient leur rémunération sans cesse augmenter et certaines de leurs revendications satisfaites, alors que leurs missions tendent à être de moins en moins bien remplies.

Dans les villes, en effet, les médecins sont de moins en moins nombreux à assurer leurs gardes, ils se font de plus en plus rares en secteur 1, leurs dépassements d'honoraires sont plus en plus fréquents.

Ces facteurs expliquent la dégradation de l'image de professionnels dont pourtant nous connaissons le dévouement, dont pourtant nous reconnaissons les compétences, dont pourtant nous apprécions la qualité des prestations. Il n'en reste pas moins, au regard des problèmes qu'affronte notre système de protection sociale, que le rôle et les responsabilités des acteurs du monde médical doivent aussi être rediscutés.

Il est temps maintenant d'arrêter de fermer les yeux sur les questions que pose le système de formation des médecins, de mettre en place un dispositif de contrôle plus performant et de réfléchir enfin à d'autres modes de rémunération que le paiement à l'acte. La mise en place d'une rémunération forfaitaire, par exemple, dans le cas des maladies de longue durée, est une solution qui mériterait que l'on s'y attarde.

La question des dépassements d'honoraires prend d'ailleurs de telles proportions selon les secteurs d'activité que la Fédération hospitalière de France, la FHF, a récemment demandé la mise en place d'un numéro vert pour signaler tous les dépassements d'honoraires abusifs. En effet, trois syndicats de médecins libéraux avaient recommandé à leurs adhérents de pratiquer des dépassements d'honoraires illégaux pour protester contre une revalorisation de leurs rémunérations qu'ils estimaient insuffisante.

Ce type de positionnement pose le problème du contrôle médical et soulève surtout de graves questions éthiques, en particulier lorsque le président du syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France, le SYNGOF, déclare à cette occasion que, si les usagers sont mécontents, ils n'ont qu'à aller à « l'hôpital se faire soigner par des médecins à diplôme étrangers ». Ces propos sont choquants, surtout lorsque l'on connaît le travail et l'implication de ces médecins au sein de nos hôpitaux.

D'ailleurs, le Gouvernement s'est penché sur le dossier des médecins étrangers lors de la rédaction de l'article 41 de ce projet de loi. Cependant, monsieur le ministre délégué, vos propositions ne répondent que de façon très partielle aux injustices que subissent les médecins étrangers travaillant à l'hôpital.

Ces derniers ont souvent achevé leurs études en France. Ils assurent dans bien des cas la permanence du service, en accumulant les gardes dont personne ne veut, à un salaire dont personne ne veut non plus.

Mme Raymonde Le Texier. Ils sont donc compétents quand ils travaillent, soignent et opèrent, mais ils ne le sont plus lorsqu'il s'agit pour eux d'être payés comme les médecins français et considérés comme leurs égaux.

En proposant la création d'un nouvel examen théorique pour leur intégration, le Gouvernement fait un pas dans la bonne direction. Mais soyons sérieux ! Pourquoi faire passer un nouvel examen théorique à des médecins déjà diplômés et qui exercent leur métier à l'hôpital depuis de nombreuses années, en assumant les mêmes responsabilités que leurs collègues français ?

La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité a d'ailleurs écrit en ce sens au ministre, lui demandant de prendre en compte l'expérience des praticiens acquise en France. Je ne puis qu'espérer que vous saurez entendre les préconisations d'une institution dont l'intérêt est reconnu.

Enfin, je voudrais aborder en cet instant la question de l'hôpital.

En 2007, l'ONDAM hospitalier devrait augmenter de 3,5 %, pourcentage jugé insuffisant par la Fédération hospitalière de France, qui évalue à 800 millions d'euros l'écart entre les moyens alloués et les besoins constatés. Par conséquent, il est à craindre que l'offre de soins ne poursuive sa diminution et que les conditions de travail à l'hôpital ne continuent de se détériorer, l'ajustement se faisant sur la masse salariale et l'allongement de la durée du travail. Les revalorisations de carrière des personnels hospitaliers devront encore attendre, au détriment de l'attractivité des métiers.

Aujourd'hui, les deux tiers de nos hôpitaux, dont vingt-six de nos vingt-neuf CHU, sont en situation déficitaire, et ceux qui échappent à cette situation ont souvent contracté un emprunt non réductible, qui masque temporairement un déficit structurel.

C'est à se demander si ce gouvernement n'a pas choisi de sacrifier l'hôpital, au vu de l'insistance qu'il met à avancer à marche forcée vers le développement de la tarification à l'activité et vers la convergence public-privé.

Le but non avoué découle d'un présupposé idéologique simple : l'hôpital étant lourd et coûteux, il faut donc favoriser les cliniques privées, jugées plus souples et plus performantes. C'est oublier que l'hôpital accueille tout le monde, tous les jours et à toute heure, quand la clinique privée fonctionne du lundi au vendredi, sur rendez-vous et en journée. C'est oublier aussi que les cliniques choisissent leurs clients et se concentrent sur les cas les moins lourds et les plus rentables : à l'hôpital de recevoir les plus démunis, les pathologies lourdes et les fins de vie.

En d'autres termes, ce sont bien les hôpitaux et non les cliniques qui garantissent l'accès à des soins de qualité à toute personne, et ce au moindre coût pour les patients.

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

Mme Raymonde Le Texier. C'est ce qui en fait l'un des services les plus appréciés des Français. Il n'en est que plus inadmissible de constater aujourd'hui son dénuement. Lui redonner les moyens de remplir sa mission est donc autant une urgence qu'un devoir.

L'offensive des cliniques privées, qui cherchent à détourner le système de financement à leur profit en refusant toute régulation, est non seulement illégitime, mais aussi et surtout dangereuse.

Il s'agit ici non pas de mettre en cause l'existence du secteur hospitalier privé, mais de mettre fin à une convergence public-privé aussi irréaliste que dogmatique.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas la priorité !

Mme Raymonde Le Texier. Il s'agit non pas de refuser des changements au sein de l'hôpital, mais de donner aux établissements les moyens de se réformer. Il s'agit non pas de lutter contre la concurrence, mais de préserver les valeurs fondamentales du service public hospitalier. Il s'agit non pas seulement de préserver son existence, mais d'investir pour son excellence.

C'est la solidarité dans la prise en charge qui est ici en cause. C'est l'équité dans l'accès aux soins qui est ici en jeu. Avec cette problématique, nous touchons au coeur de notre pacte national ; l'hôpital en est l'illustration concrète, tout comme la sécurité sociale est la traduction, en acte, de l'idéal de solidarité qui fonde notre société.

Certes, notre régime est en crise, mais, le moins que l'on puisse dire, c'est que votre « potion » libérale a tout du « bouillon de onze heures ». Après cinq années de rationnement budgétaire et de déremboursement tous azimuts, la question du déficit est loin d'être réglée et les inégalités ont explosé.

Or nul n'a jamais dit que vouloir l'égalité d'accès au soin était facile et que lutter contre les inégalités en matière de santé était simple. C'est un combat, c'est un engagement, c'est une volonté.

Instaurer un système inégalitaire dans lequel la santé, donc l'accès à la médecine, est uniquement fonction des revenus, des moyens et non des besoins, c'est avoir pour guide l'indifférence et pour méthode le laisser-faire.

Si nous voulons réformer sans trahir, nous devons respecter les principes fondateurs de notre protection sociale. En matière de santé, tous doivent participer, et chacun doit contribuer selon ses moyens et recevoir les soins en fonction de ses besoins.

C'est selon cette logique que la question du déficit des recettes doit être abordée. Le financement de la sécurité sociale est assis sur les cotisations prélevées sur les salaires. Or si, il y a vingt ans, la part des salaires dans la valeur ajoutée était encore de 73 %, elle n'est plus aujourd'hui que de 60 % et elle continue de décroître. Il est alors économiquement improductif de vouloir réformer le financement de la sécurité sociale en continuant à faire reposer les recettes uniquement sur la masse salariale.

M. Guy Fischer. Très bien !

Mme Raymonde Le Texier. Il est temps d'élargir l'assiette des cotisations en fonction de la richesse produite par la nation. Cette contribution équitable des revenus du travail et du capital permettrait non seulement une meilleure répartition des efforts, mais aussi un rééquilibrage des charges pesant actuellement sur l'emploi.

Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, soutenir comme nous le faisons que l'effort de solidarité doit être fonction de notre richesse globale, c'est pour nous la façon la plus juste de réaffirmer notre fidélité à cet idéal de protection sociale et de fraternité entre les hommes que notre pacte républicain porte en lui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2007
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