compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Prévention de la délinquance
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance (nos 433, 476, 477).
Rappels au règlement
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, mon rappel au règlement concerne aussi bien le déroulement de nos travaux que la situation dans nos banlieues.
Nos débats se déroulent de manière quelque peu surréaliste, presque psychédélique, comme dirait Doc Gynéco lorsqu'il voit des éléphants roses !
Le ministre d'État, ministre de l'intérieur, qui nous a présenté ce projet de loi comme majeur - il en est d'ailleurs en grande partie l'inspirateur - n'a pas daigné répondre aux orateurs. C'est M. Hortefeux qui, avec un grand talent, certes, a répondu aux orateurs, et même à ceux qu'il n'avait pas écoutés, ce qui prouve qu'il est vraiment très bon !
Nous sommes dans une situation curieuse. Pour nous, il s'agit de répression ; pour vous, monsieur le ministre, il s'agit de prévention. Or, depuis le début de la discussion de ce projet de loi, deux événements majeurs se sont produits.
D'une part, hier, deux fonctionnaires de police ont été agressés sauvagement et de façon inadmissible alors qu'ils patrouillaient dans la ville de Corbeil-Essonnes. Je leur rends hommage, ils font ce qu'on leur demande et, même si cette tâche est impossible, ils ne sont pas en cause. Je forme des voeux pour qu'ils se rétablissent au plus vite.
D'autre part, un journal du soir a publié mardi une note du préfet de la Seine-Saint-Denis, que la presse a largement commentée le lendemain. Plusieurs questions se posent et il serait intéressant que le ministre de l'intérieur vienne répondre à nos interrogations.
Tout d'abord, quelles sont les raisons de cette fuite ? Je n'ai pas mauvais esprit, mais la presse l'a peut-être. Les journalistes et la justice se demandent si cette fuite n'aurait pas été orchestrée dans le but de favoriser le déroulement de nos travaux dans le sens voulu par le ministre de l'intérieur, c'est-à-dire pour renforcer la répression. Je n'ose y croire.
Ensuite, nous avons regretté largement qu'il n'y ait pas d'évaluation des cinq lois répressives qui ont été votées depuis 2002. Le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a bien sûr faite en ce qui concerne son département, dont la population est symptomatique de la situation dans nos banlieues.
Les élus reprennent les propos que nous avons tenus au cours de la discussion générale et de l'examen des premiers articles. Ils constatent que la situation s'est dégradée depuis 2002. On est donc en face d'un échec complet ; il y a même des quartiers dans lesquels on ne peut plus aller. L'agression sauvage d'hier, même si je n'en connais pas les détails, en est la preuve.
Notre collègue Christian Demuynck, qui appartient à l'UMP et ne peut donc être soupçonné de ne pas avoir des sympathies à droite, regrette que la police de proximité ait disparu. Il met en cause la façon dont les effectifs de police sont utilisés. Les chiffres sont d'ailleurs complètement divergents selon qu'ils proviennent du ministère de l'intérieur, du préfet ou des élus !
Nous aimerions comprendre comment le ministre de l'intérieur peut dire qu'il a augmenté les effectifs alors que, sur le terrain, on ne voit pas de changement. Un maire a ainsi pu constater qu'une seule voiture de police patrouillait certains soirs dans sa commune de 65 000 habitants. Nous sommes donc dans une situation délicate et difficile.
J'ajoute que, lorsque le ministre de l'intérieur s'en prend à la justice et que le garde des sceaux est obligé de répondre en défendant mollement ses magistrats, cette sorte de défausse montre un dysfonctionnement de nos institutions, qui est préoccupant.
Monsieur le président, je souhaiterais, si vous l'estimez nécessaire, une suspension de séance afin que le président du Sénat demande au ministre de l'intérieur de venir s'expliquer devant nous. Il appartient à M. Nicolas Sarkozy de le faire puisque c'est son projet de loi, quelle que soit la qualité, que je ne mets pas en doute, de M. Hortefeux.
L'honneur du Sénat est en cause : il est quand même inadmissible que le débat se déroule à l'extérieur de notre enceinte, dans les médias ! Il doit se dérouler d'abord ici pour que nous puissions reprendre la discussion sur le fond. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Peyronnet, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Mais chacun aura bien compris que le débat se passe bien au Parlement, en particulier au Sénat.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, je tiens à m'associer à ce que vient de dire mon collègue du groupe socialiste. Je demande que la discussion de ce projet de loi soit suspendue en attendant que nous ayons une évaluation de la politique menée par le Gouvernement en matière de sécurité depuis 2002 - le moins que l'on puisse dire, c'est que les résultats ne sont ni probants ni partagés -, notamment des moyens mis à la disposition des forces de l'ordre dans le pays.
M. le président. Madame Nicole Borvo Cohen-Seat, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Depuis des années, jamais les représentants de la justice n'ont critiqué le ministre de l'intérieur ou le Parlement dans les décisions qui sont prises. Nous sommes heureux de le constater.
M. Jean-Pierre Sueur. Lorsque le ministre de l'intérieur estime que la justice démissionne, il y a un vrai problème ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Charles Pasqua. Vous devriez être plus modestes.
M. le président. Mes chers collègues, dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 120 rectifié bis, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 25.
Article additionnel avant l'article 25
M. le président. L'amendement n° 120 rectifié bis, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Avant l'article 25, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le septième alinéa de l'article 41-1 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'auteur des faits peut être assisté d'un avocat. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. L'article 41-1 du code de procédure pénale prévoit une série de mesures que le procureur de la République ou son délégué peut proposer à l'auteur de l'infraction, s'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits.
Il peut, par exemple, procéder au rappel à la loi auprès de l'auteur des faits, l'orienter vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle, lui demander de régulariser sa situation au regard de la loi ou des règlements, lui demander de réparer le dommage résultant des faits ou encore faire procéder, avec l'accord des parties, à une mission de médiation entre l'auteur des faits et la victime.
Cet amendement prévoit que, dans toutes ces hypothèses, l'auteur des faits pourrait se faire assister d'un avocat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission des lois a été très dubitative devant l'amendement de notre collègue François Zocchetto, que vient de présenter Yves Détraigne. Elle constate que toutes ces mesures alternatives aux poursuites requièrent impérativement l'acceptation de la personne. Elle considère également que ces dispositions s'inscrivent en amont des poursuites.
Sans vouloir établir un parallèle, qui ne peut être absolu, nous avions par exemple prévu, pour le rappel à l'ordre, l'impossibilité de la présence d'un avocat. Certes, nous abordons ici la chaîne judicaire. Mais il nous semble que nous sommes malgré tout encore très en amont. Pour cette raison, la commission souhaite s'en remettre sur ce point à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur Détraigne, vous souhaitez rendre possible la présence d'un avocat lorsque le procureur de la République effectue un rappel à la loi.
M. Lecerf vient de nous donner une première précision qu'il convient de rappeler : en l'état actuel du droit, la présence d'un avocat est d'ores et déjà possible. Il n'apparaît pas forcément nécessaire ni même souhaitable de le prévoir dans un dispositif du code de procédure pénale.
Le rappel à la loi est une procédure alternative aux poursuites, qui repose sur le principe d'un contact direct entre le délinquant et le procureur. Je pense, et c'est d'ailleurs l'esprit du projet de loi, qu'il faut conserver une certaine souplesse sur ce point.
Enfin, le recours à l'avocat, et donc l'accès à l'aide juridictionnelle dans un certain nombre de cas, ne serait pas totalement neutre d'un point de vue budgétaire, ce qui pourrait a contrario affaiblir précisément le recours aux mesures alternatives.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement souhaiterait le retrait de cet amendement.
M. le président. Monsieur Détraigne, l'amendement n° 120 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. Je suis surtout sensible à deux éléments de réponse qui m'ont été apportés. Tout d'abord, à ce stade, nous ne sommes pas encore tout à fait dans la phase judiciaire, mais nous sommes plutôt dans une phase pré-juridictionnelle. Ensuite, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, la possibilité d'être assisté par un avocat est prévue.
Je retire donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 120 rectifié bis est retiré.
Article 25
I. - Le cinquième alinéa de l'article 706-53-5 du code de procédure pénale est complété par la phrase suivante : « Si la dangerosité de la personne le justifie, la juridiction de jugement ou, selon les modalités prévues par l'article 712-6, le juge de l'application des peines peut ordonner que cette présentation interviendra tous les mois. Cette décision est obligatoire si la personne est en état de récidive légale. »
II. - Le dernier alinéa de l'article 706-53-10 du même code est complété par les mots suivants : « ou, lorsqu'elle devait se présenter une fois par mois, qu'une fois tous les six mois ».
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, avant de légiférer de nouveau sur la récidive, il faudrait procéder à une évaluation sur les actions menées et les instructions données.
Ce texte concerne la prévention, mais aussi et surtout la récidive. Vous le présentez alors même que ne sont pas encore publiés tous les décrets d'application de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales et qu'il n'y a pas eu d'évaluation.
Il faut dire que le texte de l'époque, qui était pourtant particulièrement répressif, ne devait pas convenir au ministre de l'intérieur et qu'il fallait par ce projet de loi revenir sur un texte voté peu de temps auparavant.
Le texte qui nous est soumis vise non pas la prévention du premier acte, puisque le texte ne prévoit aucune disposition destinée à lutter contre les conditions du passage à l'acte, mais la prévention de la récidive après un premier acte : en témoignent la mise en place de nouveaux fichiers, le contrôle des délinquants sexuels après leur sortie de prison et, plus loin, l'article 26, qui tend à allonger les délais de réhabilitation pour les récidivistes.
Parallèlement, le Gouvernement ne donne pas les moyens nécessaires - voire en retire - pour mettre en oeuvre les mesures existantes. Par exemple, la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs, qui a créé le suivi socio-judiciaire, n'a malheureusement pas pu donner tous ses effets, faute des moyens nécessaires, tels les médecins coordonnateurs, les psychiatres, etc. La fermeture du quartier intermédiaire sortant du centre pénitentiaire de Fresnes, l'une des rares structures participant à la réinsertion des détenus les plus vulnérables, comme les toxicomanes, et à la lutte contre la récidive, est même programmée.
Devant la mobilisation, la médiatisation et la menace du médecin-chef psychiatre d'user de son droit d'alerte pour obtenir des effectifs infirmiers, le ministre de la santé et des solidarités a reculé, mais il n'a pas enterré son projet de fermeture. Cela met au jour la réalité d'un projet de loi, qui est un texte d'affichage - nous l'avons déjà dit - et recèle aussi des dispositions très dangereuses.
Le projet de loi tend à faire croire que les récidivistes ne seraient punis que mollement alors que, dans la pratique, les peines qui leur sont appliquées sont d'ores et déjà plus sévères que pour les auteurs d'un premier acte, sévérité qui contribue d'ailleurs à la surpopulation pénitentiaire actuelle.
La récidive est diverse, nous le savons tous. Quelle similitude existe-t-il entre celle qui est motivée par des addictions fortes telles que l'alcoolisme ou la toxicomanie, celle qui découle de la participation à des activités de délinquance organisée, celle qui est liée à des perversions sexuelles, celle qui dépend de pathologies psychiatriques ou celle qui est imposée par la précarité ? Par hypothèse, un étranger en situation irrégulière récidive dès sa sortie de prison. Ces diverses situations exigent des réponses différentes pour chaque type de récidive, des réponses individualisées, qui sont à mille lieues de ce que prévoit ce projet de loi, lequel mise sur la peur plutôt que sur l'intelligence et sur les moyens.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 25 est relatif à des dispositions d'ordre judiciaire.
Mon collègue Jean-Claude Peyronnet vous a interrogé tout à l'heure, monsieur le président, sur le contexte de l'examen de ce projet de loi, et j'ai bien entendu la réponse que vous lui avez apportée. Cette dernière m'a paru pour le moins insuffisante.
En effet, des paroles très graves ont été prononcées, nul ne peut le contester.
M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, a repris à son compte les propos de M. le préfet de la Seine-Saint-Denis, qui s'exprimait en ces termes au sujet du tribunal pour mineurs de Bobigny : « Sur 1 651 mineurs déférés au parquet, seuls 132 ont été écroués, ce qui donne une idée de la marge de progression que le parquet possède ».
Cette déclaration est tout à fait surprenante.
M. Guy Fischer. Scandaleuse !
M. Jean-Pierre Sueur. Elle laisse présupposer le fait que tous les mineurs déférés devant un tribunal devraient être incarcérés.
M. Guy Fischer. Voilà !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. À cet égard, je veux citer dans cet hémicycle la déclaration du président du tribunal de Bobigny, M. Philippe Jeannin : « S'agit-il de justifier les chiffres ? Ou bien de faire coïncider un constat avec l'examen du projet de loi sur la prévention de la délinquance ? Tout le monde s'interroge, [...] mais l'important n'est pas là. Il ne faut pas casser le travail que font les magistrats et les policiers. On a l'impression que la seule réponse à la délinquance des mineurs est la prison, mais la prison n'est pas toujours la réponse appropriée ! D'ailleurs la loi elle-même interdit l'incarcération de mineurs de moins de seize ans, à moins qu'ils aient commis un crime... ». En outre, ce président rappelle que « plus de 80 % des mineurs qui sont passés devant un juge et ont fait l'objet d'une mesure éducative sont sortis d'affaire ».
J'ajoute que le président du tribunal pour enfants de Bobigny vient de déclarer ceci : « D'abord, on n'a pas le droit d'incarcérer les moins de seize ans, sauf en matière criminelle. En quoi la société sera-t-elle mieux protégée si l'on décide d'envoyer en prison 100 % des jeunes déférés ? »
M. Josselin de Rohan. Il n'a jamais été question de cela !
M. Jean-Pierre Sueur. Je poursuis ma citation : « Si c'était aussi simple, cela se saurait depuis longtemps. Il ne suffit pas d'apposer les mains sur le front d'un enfant pour qu'il ne devienne pas un délinquant... La clé est ailleurs : elle n'est pas dans la prison, mais dans l'éducation. Si je mets un gosse en prison pour trois mois, effectivement pendant trois mois il n'agressera personne, ne volera rien. Mais, dans trois mois, qu'est-ce qu'il sera devenu ? »
Je viens de vous livrer les déclarations de certains magistrats.
Monsieur le président, il est très grave, dans une République, que le numéro deux du Gouvernement, ministre d'État, déclare que l'institution judiciaire, dont le responsable est le garde des sceaux, a démissionné ! Après de tels propos, il n'est pas possible de continuer à discuter benoîtement des différents articles de ce projet de loi.
Monsieur le président, puisqu'il vous paraît difficile de solliciter la présence de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, qui est d'ailleurs représenté ici par M. Brice Hortefeux, la moindre des choses serait de demander à M. le garde des sceaux de venir s'expliquer devant le Sénat ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. ... pour nous indiquer quelles conclusions il tire ...
M. Jean-Claude Peyronnet. Il faut qu'il démissionne !
M. Jean-Pierre Sueur. ... des déclarations de M. le ministre d'État à l'égard de son ministère et des fonctionnaires dont il a la responsabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Monsieur Sueur, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
À titre personnel, je tiens à dire que, si le principe de la séparation des pouvoirs doit bien entendu être respecté, il doit y avoir réciprocité à cet égard : le respect de l'institution judiciaire à l'égard tant du Parlement et des lois votées que du Gouvernement, responsable de l'exécutif, est tout aussi nécessaire ...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. le président. ... que le respect du législateur et de l'exécutif envers le travail de l'institution judiciaire.
Or - permettez-moi de vous le dire, mon cher collègue - il m'est arrivé à plusieurs reprises d'entendre des hauts responsables de la justice s'exprimer, à titre personnel, sur des textes relatifs à la justice et sur des propos tenus par des ministres. Votre intervention en est d'ailleurs l'illustration : certains responsables de la justice ne se privent pas de s'exprimer ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Il me semble important que, dans notre pays, chacun, à sa place, fasse son travail. Nous sommes ici pour légiférer ; nous devons examiner les textes qui nous sont soumis et les amendements qui sont déposés.
M. Brice Hortefeux, au banc des ministres, représente le Gouvernement, et il aura tout à l'heure l'occasion de donner son avis sur les amendements en discussion. De leur côté, le rapporteur et le président de la commission s'exprimeront également sur ces amendements. Ensuite, chacun, en son âme et conscience, pourra déterminer son vote. C'est tout simplement là le travail du Parlement.
C'est la raison pour laquelle je vous propose, mes chers collègues, de poursuivre nos travaux. Ce qui se déroule en dehors du Parlement n'est pas du ressort de ce dernier. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ben voyons ! On est coupé de l'extérieur, de la réalité, alors !
M. Jean-Pierre Sueur. Quand le numéro deux du Gouvernement déclare que la justice démissionne, ce n'est pas anodin, monsieur le président !
M. Charles Pasqua. Assez !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous voulons que le garde des sceaux donne son point de vue au Parlement !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 214 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 278 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 214.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 25 vise à renforcer les obligations des personnes inscrites au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, le FIJAIS, créé par la loi du 9 mars 2004, dite loi Perben II.
Aux termes de cette loi, les personnes condamnées pour un crime ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement doivent justifier de leur adresse une fois tous les six mois. Le projet de loi prévoit que cette obligation pourra être mensuelle dans deux hypothèses : d'une part, « si la dangerosité de la personne le justifie » et, d'autre part, en cas de « récidive légale ».
Notre amendement n° 214 vise à la suppression de cette disposition, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, le Gouvernement demande au Parlement de modifier une loi qui a été adoptée il n'y a pas si longtemps, et ce sans qu'aucun bilan de son application ait été dressé. Ne pouvions-nous pas attendre quelque peu ?
En second lieu, nous ne sommes pas sur le terrain de la prévention de la délinquance puisque la disposition concerne des personnes déjà condamnées. Il peut éventuellement s'agir de prévenir la récidive mais, en l'espèce, le Parlement vient de légiférer en la matière avec la loi du 12 décembre 2005. Pourquoi donc une telle inflation législative ?
La disposition en cause est donc stigmatisante et humiliante, aussi absurde qu'inefficace, car elle n'empêchera pas les personnes inscrites à ce fichier de commettre une nouvelle infraction.
Et si, demain, malgré cette disposition, nous assistons à un fait divers sordide, devrons-nous rendre cette obligation hebdomadaire, voire journalière ? En réalité, vous infligez à l'individu concerné une deuxième peine qui risque d'empêcher sa réinsertion, d'autant qu'elle n'est pas limitée dans le temps. La peine de prison ne permet plus, en l'espèce, de s'amender du méfait commis. Quel est donc vraiment le sens de la peine ? Nous avons à chaque fois essayé d'aborder les tenants et les aboutissants de cette question, mais sans succès.
Cette mesure, qui participe à la surenchère entretenue sur ce type de délinquance, exonère le Gouvernement de toute action visant à enrayer la délinquance sexuelle, en combinant prévention et traitement adapté. Faut-il rappeler qu'il existe déjà des dispositifs de surveillance et d'accompagnement éducatif - sursis avec mise à l'épreuve, libération conditionnelle, suivi socio-judiciaire -, qui, assortis d'obligations, offrent une large palette de mesures de nature à prendre en charge ces délinquants ? Mais sont-ils seulement utilisés ? A-t-on les moyens et la volonté politique de les appliquer ?
La mesure tendant à obliger une personne à venir pointer au commissariat une fois par mois est certainement moins chère à court terme et électoralement plus payante que la mise en place d'un programme de soins psychiatriques en milieu pénitentiaire et d'un réseau de centres thérapeutiques à l'extérieur. Une réelle prévention de la récidive en matière de délinquance sexuelle exige néanmoins de mettre l'accent sur les soins thérapeutiques qui, lorsqu'ils sont dispensés durant la détention, puis à la sortie de prison, peuvent avoir de réels effets sur le taux de récidive. Une telle mesure exige bien sûr des moyens financiers, matériels et humains inédits, qu'il faudrait peut-être mettre en oeuvre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour défendre l'amendement n° 278.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, vous me faites penser à un canard : en effet, nos demandes de suspension de séance, à propos desquelles vous ne consultez pas l'assemblée, et nos souhaits répétés de voir le président du Sénat inviter le ministre de l'intérieur et le garde des sceaux à venir s'exprimer dans cette enceinte glissent sur vous, toujours serein, et restent sans réponse.
Par ailleurs, il est assez curieux de dire que ce qui se passe à l'extérieur ne nous intéresse pas. Lorsque l'on parle de délinquance, le fait que des CRS aient été sauvagement agressés doit intéresser le Parlement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est pourquoi nous légiférons !
M. Jean-Claude Peyronnet. Et je regrette que le ministre de l'intérieur ait choisi de s'expliquer à l'extérieur plutôt que devant nous. Mais vous portez la responsabilité de vos choix, monsieur le président !
L'amendement n° 278 est identique à celui que vient de présenter Mme Assassi.
En l'état actuel de notre droit, la personne condamnée pour un crime ou un délit puni de dix ans d'emprisonnement doit justifier de son adresse tous les six mois. Le projet de loi prévoit que cette obligation de « pointage » s'appliquera à la même catégorie de condamnés une fois par mois dans plusieurs hypothèses, notamment en cas de récidive.
La loi Perben II nous semble avoir déjà largement couvert ce champ. Nous étions d'ailleurs opposés à la constitution d'un fichier, lequel ne nous semblait pas nécessaire. À cet égard, nous n'avons aucune évaluation des effets de cette loi. Il nous semble donc parfaitement inutile d'en rajouter. Ce qui se passe actuellement montre d'ailleurs que cela ne sert à rien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je rappelle, d'une part, que cette obligation de pointage concerne certaines des personnes inscrites au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et violentes, à savoir les personnes condamnées pour un crime ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement, et, d'autre part, que l'autorité judiciaire aura toujours la possibilité d'adapter cette obligation, par exemple en cas d'impératifs de santé.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à la suppression de l'article 25.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. J'ai bien écouté les interventions de M. Peyronnet, de M. Sueur et de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, au début de la séance. Je reviendrai très rapidement sur quelques points.
Je tiens tout d'abord à remercier M. Peyronnet de ses encouragements personnels. J'y vois la marque d'une proximité régionale ! Je me dois toutefois de vous préciser que, si M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur n'est pas présent ce matin, de même d'ailleurs que M. le garde des sceaux, c'est parce que va débuter, dans quelques minutes à peine, le conseil des ministres ; le conseil de sécurité intérieure se réunira ensuite.
Vous vous êtes félicité les uns et les autres, lors de la discussion générale, du caractère transministériel de ce texte. De nombreux ministres auront en effet été présents lors de l'examen de ce texte par le Sénat : M. le ministre de la santé et des solidarités, M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, M. le garde des sceaux, M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, qui est intervenu dans la discussion générale, M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire et moi-même.
Ensuite, vous soulignez à juste titre, les uns et les autres, la très grande qualité de la note du préfet Jean-François Cordet. Toutefois, il ne faut pas saucissonner cette note, n'évoquer que ce qui vous arrange et oublier ce qui vous dérange ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je rappellerai donc ce qu'a écrit le préfet Jean-François Cordet. Le mieux est en effet de le citer : il a souligné, évoquant le tribunal de Bobigny, que, « en 2005, sur 1 651 mineurs déférés au parquet, seuls 132 ont été écroués ». Je vous ai entendu, voilà quelques instants, évoquer le taux de 100 %. Reconnaissez avec moi que nous en sommes très loin !
S'agissant de la délinquance en Seine-Saint-Denis, je n'ai pas entendu de sénateur de ce département s'exprimer ce matin. Pourtant, des élus de Seine-Saint-Denis siègent au groupe socialiste, et j'imagine donc qu'il revenait à l'un de ceux-ci d'intervenir sur ce point. Mais puisque, par solidarité, vous évoquez la situation dans ce département, voici donc quelques éléments susceptibles de vous éclairer et d'éviter ainsi les jugements à l'emporte-pièce.
Il est exact que, sans tenir compte des problèmes survenus dans les banlieues, la délinquance a augmenté sensiblement entre le mois de janvier et le mois d'août 2006, par rapport à la même période de l'année 2005. Mais quand on observe bien l'évolution de ces dernières années - et cela devrait vous inciter à un peu plus de réserve, voire de modestie -, on se rend compte que, en 2001, le taux de délinquance a progressé de près de 10 %, puis qu'il a diminué de plus de 3 % en 2002, de 5,5 % en 2003, de 5 % en 2004 et de 2,8 % en 2005.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas ce que dit le préfet !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Cela mérite d'être rappelé.
Je ferai une seconde remarque concernant les effectifs, monsieur Sueur, car j'ai bien entendu votre interrogation. Je vous donnerai simplement les chiffres suivants : le 1er janvier 2002, il y avait 4 967 policiers en Seine-Saint-Denis ; le 1er septembre de cette année, il y en avait 5 575.
M. Jean-Pierre Sueur. Combien à la sûreté intérieure ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Et il y en aura 300 de plus avant la fin de cette année ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Sueur, lors de votre intervention, nous vous avons écouté sans vous interrompre. Je souhaiterais que vous fassiez de même lorsque M. le ministre vous répond !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je comprends que ces chiffres alimentent les conversations entre vous parce qu'ils démentent un certain nombre de vos propos !
Quant aux suites judiciaires, je vous précise que le nombre de personnes écrouées entre le mois de janvier et le mois de septembre a diminué de 10 %. Étant volontairement modéré, je me bornerai à constater que cette évolution est pour le moins préoccupante.
Enfin, vous vous interrogez sur la position de M. le garde des sceaux, dont, par ailleurs, vous attendez l'arrivée. Je vous précise par conséquent que M. Pascal Clément sera là cet après-midi. Sachez qu'il a d'ores et déjà fait une déclaration très intéressante et frappée au coin du bon sens : « Je regrette, a-t-il dit, qu'on ait laissé le tribunal de Bobigny à l'abandon pendant tant d'années ». Voilà quelle est sa position. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur. Faible défense !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. J'en viens maintenant aux amendements nos 214 et 278.
Il est vrai que l'article 25 du projet de loi tend à compléter les dispositions concernant le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles et violentes. Il est vrai également - je pense qu'il y a un consensus à cet égard - que ce fichier est un instrument indispensable pour lutter contre ce type d'infractions. Il impose aux auteurs de ces dernières de justifier de leur adresse une fois par an ou, dans les cas les plus graves, tous les six mois.
L'observation de l'activité du service gérant ce fichier permet de conclure à un fonctionnement globalement satisfaisant depuis la récente mise en oeuvre - elle remonte au 30 juin 2005 - de ce dispositif. Fin août 2006, 32 139 personnes étaient inscrites à ce fichier, un peu plus de 20 000 étant soumises à l'obligation de justification d'adresse tous les six mois et non tous les ans.
L'article 25 du projet de loi prévoit un contrôle renforcé des condamnés les plus dangereux, notamment les récidivistes, qui, il est vrai, devront se présenter tous les mois parce qu'ils constituent un problème essentiel. C'est la juridiction qui décidera de ce contrôle renforcé, soit parce qu'elle constatera la dangerosité du condamné, soit parce qu'elle relèvera l'état de récidive. Le condamné, je le précise, aura ensuite la possibilité de demander à bénéficier d'un contrôle assoupli lui permettant de se présenter tous les six mois ou tous les ans, et non plus tous les mois.
Pour toutes ces raisons, qui, encore une fois, me paraissent à la fois frappées au coin du bon sens et modérées, je suis évidemment défavorable à ces amendements de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. M. le ministre ayant interpellé les sénateurs de la Seine-Saint-Denis, c'est en tant que sénatrice de ce département que je m'exprimerai sur les extraits - il ne s'agit en effet que d'extraits - de la note adressée par le préfet de la Seine-Saint-Denis à M. le ministre de l'intérieur.
On peut d'ailleurs se demander à qui profite le crime ! Qui a divulgué ces extraits ? (M. Charles Pasqua s'exclame.) Nous n'en savons rien, de même que nous ne disposons pas du contenu intégral de cette note, monsieur Pasqua !
Un sénateur de l'UMP. Elle a été publiée dans la presse !
Mme Éliane Assassi. Sincèrement, je me félicite qu'un préfet, en l'occurrence celui de la Seine-Saint-Denis, interpelle ainsi le Gouvernement sur une question aussi fondamentale que celle de la recrudescence de la délinquance dans ce département, alors que toutes les annonces qui nous sont faites sur ce sujet depuis la nomination de l'actuel ministre de l'intérieur méconnaissent ce phénomène ! À cet égard, je n'ose rappeler ce que j'avais dit ici au moment de ce que certains appellent les « émeutes des banlieues ».
Je me félicite aussi de ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis évoque dans cette note le sort des jeunes, qui sont les principales victimes du chômage. C'est une réalité en Seine-Saint-Denis ! Cela fait des années que les élus de ce département demandent le bénéfice de mesures d'urgence et/ou de rattrapage, que ce soit dans le domaine de la formation, du logement, de la sécurité ou tout simplement de l'emploi.
Oserai-je rappeler qu'un ancien préfet de la Seine-Saint-Denis siège dans cet hémicycle ? Je pense qu'il se souvient des nombreuses sollicitations que nous lui avons adressées à l'époque sur ces questions.
M. Christian Cambon. C'est invraisemblable !
Mme Éliane Assassi. Non, ce n'est pas invraisemblable, c'est une réalité, monsieur Cambon !
Je rappelle aussi que le Président de la République, dans un courrier adressé au président du conseil général de la Seine-Saint-Denis, a reconnu le travail de terrain des élus de ce département. Il a également admis que la Seine-Saint-Denis devait faire l'objet de mesures de rattrapage.
Enfin, je rappelle que M. de Villepin, Premier ministre, a absolument tenu à rencontrer tous les parlementaires de la Seine-Saint-Denis, le 15 novembre dernier. Au-delà des clivages politiques, nous avons tous fait état de l'urgence à donner à ce département des moyens à la hauteur des besoins de la population et des réalités vécues.
Mais depuis, rien ! Strictement rien, si ce n'est un constat, que je peux partager mais qui ne suffit pas. Je réaffirme ici que la population de Seine-Saint-Denis a besoin d'effectifs policiers, notamment de policiers de proximité, ainsi que de logements, d'emplois, d'écoles et de formations de qualité.
Donnons également des moyens à la justice afin de ne pas apporter comme seule réponse l'enfermement. La justice doit avoir les moyens d'assumer ses missions en amont et en aval. N'imaginons pas que la prison permette aux jeunes gens que l'on y enferme de se transformer miraculeusement en anges à leur sortie ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote.
M. Josselin de Rohan. Je voterai naturellement contre les amendements nos 214 et 278, parce que toutes les dispositions de l'article 25 relèvent, comme l'a très bien expliqué M. le rapporteur, du contrôle du juge, lequel dispose d'un pouvoir d'appréciation. Par conséquent, il n'est en aucune manière liberticide d'exercer un contrôle renforcé sur des individus extrêmement dangereux.
Je ferai également une remarque sur le propos que vient de tenir notre collègue Jean-Pierre Sueur.
À entendre ce dernier, il serait au fond absolument insupportable de porter des critiques sur le fonctionnement de l'institution judiciaire. Les juges bénéficieraient d'une sorte d'immunité, tout simplement parce qu'ils rendent la justice au nom du peuple français ! Et M. le ministre d'État n'aurait pas le droit, parce qu'il est ministre, de s'étonner de la manière dont fonctionne une juridiction. Or, comme l'a fort bien expliqué M. le président, les juges ne s'interdisent pas, eux, de porter des jugements sur la manière dont fonctionne le pouvoir législatif !
Permettez-moi d'aller plus loin, monsieur Sueur, et de vous rafraîchir la mémoire : récemment, les auteurs d'un rapport parlementaire ont dénoncé en des termes très forts les dysfonctionnements de l'institution judiciaire dans une affaire extrêmement grave. Ils sont allés très loin dans leurs recommandations et dans leurs critiques tant du fonctionnement des juridictions concernées que du comportement de certains magistrats. Je vous rappelle, monsieur Sueur, que le président de cette commission d'enquête parlementaire - il s'agit de M. André Vallini - était socialiste. Vous feriez bien de vous inspirer de ses réflexions ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je reviendrai sur l'intervention de M. le ministre, qui va bien au-delà de l'objet des amendements.
Nous ne contestons pas l'augmentation des effectifs de police en Seine-Saint-Denis, mais regrettons le détournement de ces derniers vers des missions autres que le renforcement de la sécurité en Seine-Saint-Denis, telles la surveillance du Stade de France, de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, la police des airs et des frontières, ainsi que la visite des ministres, dont les opérations coup-de-poing sont nombreuses en Seine-Saint-Denis.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les ministres sont très bien protégés, c'est sûr !
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous ne contestons donc pas l'augmentation des effectifs, mais regrettons le détournement de ces derniers pour des missions autres que le renforcement de la sécurité en Seine-Saint-Denis.
Par ailleurs, vous nous dites - c'est un coup bas, monsieur le ministre ! - qu'il n'y a pas de représentant de ce département parmi nous aujourd'hui. Cela signifie-t-il que nous ne sommes pas des élus nationaux et que nous ne pouvons pas parler des problèmes des départements autres que les nôtres ?
Ce problème ne concerne pas seulement, hélas ! la Seine-Saint-Denis. Dois-je reprocher à M. Serge Dassault de ne pas être présent aujourd'hui ? A-t-il une responsabilité dans ce qui s'est passé à Corbeil-Essonnes ? Je pense que non, mais le maire ayant de plus en plus de responsabilités, peut-être, après tout, M. Dassault aurait-il dû éviter ces incidents ? Telle est la logique de votre texte.
Mme Catherine Tasca. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, vous avez indiqué que la parole était libre dans cet hémicycle et dans ce pays ; je vous en remercie. M. Josselin de Rohan l'a également dit, mais il a ajouté que les parlementaires, et même les citoyens, pouvaient émettre des opinions, des avis et des jugements. Vous avez parfaitement raison, mon cher collègue, et je vous en donne acte.
Nous sommes le pouvoir législatif. Mais quand, au sein de l'exécutif, le numéro deux du Gouvernement dit que l'institution dont M. le garde des sceaux a la responsabilité démissionne,...
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le disque est rayé !
M. Jean-Pierre Sueur. ...c'est une réalité politique incontestable qui pose problème.
Comme il revient au Parlement, en vertu de la Constitution, de contrôler le pouvoir exécutif, nous sommes parfaitement dans notre rôle quand nous demandons des explications.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Nous aurons certainement l'occasion aujourd'hui, puisque plusieurs dispositions concernent la justice des mineurs, d'approcher ces questions d'une manière plus sereine.
En ce qui concerne la délinquance des mineurs, mes chers collègues, je vous renvoie au rapport de la commission d'enquête, à laquelle beaucoup d'entre vous ont participé. Il a été déposé au mois de juin 2002.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame Borvo Cohen-Seat, je vous assure que nous avions pointé nombre de difficultés qui n'ont fait que croître ces dernières années. Nous avions proposé un certain nombre de changements, auxquels contribue d'ailleurs le projet de loi que nous examinons.
J'ai entendu un jour le représentant d'une organisation professionnelle de magistrats - il ne devrait pas, selon moi, exister de syndicat dans la magistrature - dire que, si la loi ne lui plaisait pas, il ne l'appliquerait pas. C'est très grave !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est inacceptable ! Mais il ne s'agit pas non plus du ministre de l'intérieur !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je peux pourtant vous confier des écrits de ce magistrat !
M. Josselin de Rohan. Il est proche de vous, monsieur Sueur !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par ailleurs, mes chers collègues, il nous revient non seulement de voter les lois, mais aussi de contrôler la manière dont elles sont appliquées dans notre pays.
L'évaluation est une donnée importante, et même indispensable avec la nouvelle charte financière. Nous avons également le droit d'interroger, non pas le juge sur ses décisions individuelles, mais l'institution judiciaire sur son fonctionnement.
Il est vrai, et tout le monde le reconnaît, que le tribunal de Bobigny a connu beaucoup de difficultés, pour de multiples raisons, pendant de nombreuses années. Alors il faut réaliser une évaluation sereine et nous découvrirons qu'il a rencontré beaucoup de difficultés qu'il aurait peut-être fallu tenter de résoudre avant...
M. Jean-Pierre Sueur. Cela fait tout de même cinq ans que vous êtes au pouvoir !
M. Guy Fischer. On fait beaucoup de choses en cinq ans !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La situation a été redressée depuis.
Pour en revenir à l'article 25, monsieur le président, s'agissant de criminels et de délinquants sexuels dangereux, il ne me paraît pas disproportionné que certaines mesures de prévention et de contrôle soient prises.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 214 et 278.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 25.
(L'article 25 est adopté.)
Article 26
I. - Le code pénal est ainsi modifié :
1° L'article 133-13 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les délais prévus au présent article sont doublés lorsque la personne a été condamnée pour des faits commis en état de récidive légale.
« Lorsqu'il s'agit d'une condamnation assortie du sursis ou du sursis avec mise à l'épreuve, les délais de réhabilitation courent à compter de la date à laquelle la condamnation est non avenue. » ;
2° L'article 133-14 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les délais prévus au présent article sont doublés lorsque la personne a été condamnée pour des faits commis en état de récidive légale.
« Lorsqu'il s'agit d'une condamnation assortie du sursis, les délais de réhabilitation courent à compter de la date à laquelle la condamnation est non avenue. » ;
3° L'article 133-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La réhabilitation n'interdit pas la prise en compte de la condamnation, par les seules autorités judiciaires, en cas de nouvelles poursuites, notamment pour l'application des règles sur la récidive légale. »
II. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa de l'article 706-53-10, les mots : « subsistent au bulletin n°1 du casier judiciaire de l'intéressé ou » sont supprimés et l'alinéa est complété par les mots : « ou tant que la personne n'a pas été réhabilitée » ;
2° Au deuxième alinéa de l'article 769, les mots : « par la réhabilitation de plein droit ou judiciaire » sont supprimés ;
3° Le septième alinéa (3°) de l'article 769 est abrogé ;
4° Le 5° de l'article 775 est rétabli dans la rédaction suivante :
« 5° Les condamnations ayant fait l'objet d'une réhabilitation de plein droit ou judiciaire. »
III. - Les dispositions du présent article entreront en vigueur le premier jour du sixième mois suivant la publication de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, sur l'article.
M. Jean-Pierre Michel. L'article 26 vise à modifier la procédure de réhabilitation, qui relève du code pénal.
Je sais que M. Hortefeux, qui apporte d'ailleurs à ces débats la compétence et la sérénité indispensables, a vocation à représenter l'ensemble du Gouvernement.
MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et Jean-René Lecerf, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Pierre Michel. Je m'étonne néanmoins que le garde des sceaux ne soit pas présent lorsque nous modifions le code pénal ou le code de procédure pénale, ce qui, dans des temps pas très anciens, n'aurait guère été envisageable. On peut se demander s'il existe encore un garde des sceaux au sein du Gouvernement... Certes, un conseil des ministres est prévu ce matin ; mais j'ai vu, dans d'autres occasions importantes, des ministres présents au Parlement malgré la réunion du conseil des ministres.
Pour le reste, je viens d'écouter les propos qui ont été tenus ici ou là, et nous sommes, me semble-t-il, en pleine confusion.
Qu'une note adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, par le préfet Jean-François Cordet ait été rendue publique par une fuite, c'est une chose dont nous avons l'habitude, mais que le préfet critique le fonctionnement de l'institution judiciaire, c'est inadmissible en raison de la séparation des pouvoirs.
J'ajoute d'ailleurs que les chiffres transmis par M. le préfet ne me paraissent pas choquants : au cours de l'année 2005, 1 651 mineurs ont été déférés devant le tribunal et 132 ont été écroués.
Mme Catherine Tasca. C'est énorme !
M. Jean-Pierre Michel. Ce n'est pas rien, d'autant que la détention est l'exception, plus encore pour les mineurs, et que nous ne connaissons pas la situation de ces 1 651 mineurs : pourquoi ont-ils été écroués, étaient-ils en état de récidive, quel âge avaient-ils - douze ans, seize ans, dix-sept ans ?
La proportion est conséquente : est-ce trop, pas assez ? Je ne sais pas, mais le déplorer en soi me paraît totalement hors de propos.
Il est certes toujours hasardeux, pour des magistrats, de s'exprimer à titre personnel sur les lois et le Gouvernement ; j'en suis tout à fait convaincu. En revanche, lorsque le ministre d'État, ministre de l'intérieur, critique l'institution judiciaire, c'est tout à fait différent ! Sur ces travées siège un ancien ministre de l'intérieur, très critiqué en son temps par les magistrats ; je n'ai pas entendu qu'il mette ainsi en cause l'institution judiciaire.
Je me souviens qu'en 1968 le Premier ministre de l'époque, Georges Pompidou, avait déclaré : « J'ai fait libérer les manifestants. » Cette parole fit un énorme scandale. De même, les propos du secrétaire général du RPR d'alors, René Tomasini, dont la gravité était pourtant bien moindre que ceux de M. Sarkozy, provoquèrent des grèves de magistrats, des manifestations.
Or, aujourd'hui, on semble accepter que le ministre d'État, ministre de l'intérieur, qui est le représentant de l'exécutif, critique ouvertement l'institution judiciaire : c'est très grave en démocratie, compte tenu du principe de la séparation des pouvoirs.
Le président du groupe UMP du Sénat ajoute encore à la confusion en évoquant un rapport parlementaire !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il participe activement à ce débat !
M. Jean-Pierre Michel. Mais, monsieur de Rohan, c'est tout à fait différent !
M. Josselin de Rohan. C'est l'institution qui a été critiquée !
M. Jean-Pierre Michel. Le Parlement a le droit et même le devoir, comme l'a rappelé le président de la commission des lois, d'apprécier le fonctionnement des institutions dont il vote le budget. Aujourd'hui, il est même tenu d'évaluer la façon dont les missions sont rendues.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Jean-Pierre Michel. Il ne me paraît donc pas choquant qu'une commission parlementaire critique l'institution...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est son devoir !
M. Jean-Pierre Michel. ...ou même le comportement de tel magistrat dans telle affaire qui a défrayé la chronique : cela n'a rien à voir avec les propos du ministre de l'intérieur.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. le président du groupe UMP sait tout cela, mais il est en service commandé, comme d'habitude !
M. Jean-Pierre Michel. Une telle situation est grave pour la démocratie, surtout s'agissant de celui qui a prononcé ces propos et qui aspire, paraît-il, à de très hautes fonctions. Si un jour, par malheur, il les occupait,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aïe, aïe, aïe !
M. Jean-Pierre Michel. ...il serait pourtant constitutionnellement le garant de l'indépendance de la justice. Nous pouvons avoir les plus vives inquiétudes à ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 215 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 279 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 215.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Les dispositions de l'article 26 relèvent de la prévention de la récidive et auraient donc dû figurer dans la loi du 12 décembre 2005 sur la récidive plutôt que dans le présent texte.
Ainsi, sous prétexte que l'actuel système de la réhabilitation légale, qui a pour effet d'effacer la condamnation ainsi que toutes les interdictions, les incapacités et les déchéances qui peuvent l'accompagner, affaiblirait l'application des dispositions concernant la récidive, on nous propose d'en modifier les règles. Ce qui était encore valable il y a quelques mois ne le serait donc plus aujourd'hui !
Permettez-moi de m'interroger sur l'opportunité de cette nouveauté, mais certains démontreront sans doute son utilité en citant un fait divers sordide comme un cas général.
Si la réhabilitation légale est automatique, en contrepartie, elle ne joue actuellement déjà que tardivement : trois ans après l'exécution de la peine pour les amendes ; cinq ans à compter de l'exécution d'une peine unique d'un an d'emprisonnement ; dix ans à compter de l'exécution d'une condamnation à un emprisonnement qui n'excède pas dix ans et, s'il y a plusieurs peines d'emprisonnement, à compter de l'exécution de celles qui ne dépassent pas cinq ans.
La réhabilitation n'est donc pas possible pour les peines correctionnelles supérieures à dix ans et, bien évidemment, pour les peines criminelles.
Elle n'est de surcroît envisageable que si l'intéressé a effectivement purgé sa peine et s'il n'a pas été condamné durant ces délais à une autre peine criminelle ou correctionnelle.
On le voit, les règles entourant la réhabilitation sont suffisamment strictes. Alors, pourquoi en rajouter, stigmatiser des personnes au risque d'entraver leur réinsertion dans la société une fois leur peine exécutée ?
Faut-il rappeler que la réhabilitation, par l'effacement de la mention de la condamnation au bulletin n°1 du casier judiciaire qu'elle induit après un certain délai, permet l'oubli, l'amendement de la personne pour une meilleure réinsertion ?
Je tiens tout de même à souligner que l'enjeu de l'oubli ou de la mémoire dans la pratique du casier judiciaire est loin d'être anodin.
Le choix opéré entre oubli et mémoire détermine, en effet, la nature de la politique pénale voulue. Dans le premier cas, elle sera préventive, contribuant à la réinsertion du condamné et, dans le second, elle sera répressive, stigmatisant la carrière de l'individu.
Pour toutes ces raisons, nous estimons qu'il convient d'en rester au droit actuel et nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 279.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je ne reprendrai pas l'argumentation développée par ma collègue du groupe CRC, elle vaut également pour notre amendement.
L'article 26 tend, d'une part, à doubler les délais de réhabilitation pour les personnes condamnées pour des faits commis en état de récidive légale et, d'autre part, à modifier certaines dispositions relatives à la réhabilitation.
Ces dispositions n'ont pas vraiment leur place dans un texte consacré à la prévention de la délinquance, puisqu'il s'agit de la prévention éventuelle de la récidive. De surcroît, cette surenchère sécuritaire ne donne aucun résultat. Que fera-t-on la prochaine fois ? Va-t-on, comme au temps de Louis XIV, marquer les délinquants au fer rouge ?
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 3° du I de cet article pour l'article 133-16 du code pénal, supprimer le mot :
notamment
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 38 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 215 et 279.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Bien que cet amendement prévoie la suppression du simple adverbe « notamment », il ne s'agit pas, à proprement parler, d'un amendement rédactionnel.
L'article 26 prévoit que la réhabilitation ne doit plus conduire à l'effacement de la mention de la condamnation au bulletin n°1 du casier judiciaire. Le maintien de la mention de la condamnation se justifie pour la prise en compte des règles en matière de récidive légale. Il est souhaitable toutefois de préciser qu'il ne doit pas avoir d'autres fins, d'où la suppression de l'adverbe « notamment ».
En effet, si le passé pénal de l'intéressé était pris en compte systématiquement quel que soit le temps écoulé depuis la condamnation précédente, cela affaiblirait de beaucoup la portée de la réhabilitation.
En ce qui concerne les amendements identiques nos 215 et 279, je voudrais indiquer à nos collègues communistes et socialistes quelle est l'utilité de l'article 26.
Les mesures actuellement en vigueur en matière de réhabilitation, tant légale que judiciaire, affaiblissent l'application des dispositions concernant la récidive. Je ne prendrai qu'un exemple à cet égard : une personne condamnée pour viol à dix ans de réclusion qui commet un nouveau viol onze ans après l'exécution de sa peine ne sera pas en état de récidive légale, puisque, dans l'intervalle, la condamnation aura été effacée par les effets de la réhabilitation.
L'article 26, qui vise à allonger les délais de réhabilitation pour les récidivistes, nous paraît donc très utile. C'est pourquoi la commission des lois est défavorable à sa suppression.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. En ce qui concerne les amendements nos 215 et 279, je rappelle que l'article 26 du projet de loi a pour objet de doubler les délais de réhabilitation pour les récidivistes et de maintenir l'inscription au bulletin n° 1 du casier judiciaire des condamnations ayant fait l'objet d'une réhabilitation, afin notamment qu'elles puissent être prises en compte pour déterminer l'état de récidive.
L'objectif est simple, clair et net : il s'agit de renforcer l'efficacité de notre droit pénal en supprimant les incohérences entre les règles relatives à la réhabilitation et celles qui concernent la récidive : elles sont actuellement contradictoires et incompatibles.
Le doublement des délais de réhabilitation pour les récidivistes répond à la logique du doublement des peines encourues.
Quant au maintien de l'inscription de la condamnation au bulletin n° 1 du casier judiciaire, il évitera que la justice ignore qu'une personne poursuivie a déjà été condamnée par le passé et permettra une meilleure individualisation de la sanction.
Pour être tout à fait complet, je précise que seules les autorités judiciaires connaîtront la condamnation ayant fait l'objet d'une réhabilitation, puisqu'elle sera effacée des bulletins nos 2 et 3. Il n'y aura donc aucun obstacle à la réinsertion du condamné, ce qui est également l'un de nos objectifs.
Les dispositions du projet de loi étant tout à fait justifiées et équilibrées, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements de suppression.
Concernant l'amendement n° 38, j'ai bien entendu les interrogations de la commission : faut-il que la condamnation maintenue au bulletin n° 1 ne puisse être prise en compte que pour la constatation de la récidive ? Il est vrai que c'est l'objectif principal, et je comprends donc que la commission ait déposé cet amendement.
Toutefois, parallèlement, faudrait-il interdire à la juridiction, lorsque les conditions de la récidive ne sont pas remplies, de prendre en compte la condamnation ayant fait l'objet d'une réhabilitation, afin d'adapter au mieux la peine prononcée ? Cette question mérite d'être posée.
Sur cet amendement, le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 215 et 279.
M. Josselin de Rohan. Je partage tout à fait l'analyse de M. le rapporteur et de M. le ministre sur les amendements déposés par nos collègues socialistes et communistes.
Tout à l'heure, M. Michel m'a interpellé. Je lui ferai observer que si les parlementaires peuvent parfaitement porter un jugement sur le fonctionnement de l'institution judiciaire, et ils ne s'en privent d'ailleurs pas, je ne vois pas au nom de quoi on interdirait à un ministre de faire état des dysfonctionnements qu'il a pu constater. Il est parfaitement dans son rôle !
Cela étant dit, je rappellerai à nos collègues socialistes et communistes que, en 2002, au terme d'une période de cinq ans au cours de laquelle ils ont exercé les responsabilités gouvernementales, on dénombrait 700 000 délinquants de plus qu'en 1996, tandis que l'incidence de la délinquance s'était accrue, en Seine-Saint-Denis, à concurrence de 22 % pendant le même temps ! Ces chiffres sont incontestables ! À l'inverse, des chiffres tout aussi objectifs font apparaître que, depuis 2002, on déplore un million de victimes en moins.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ben voyons !
M. Josselin de Rohan. Par conséquent, Mme Royal -qui est cependant un peu plus encline à la répression que vous, monsieur Michel, si j'en crois ses déclarations du moment (Sourires sur les travées de l'UMP.) -, M. Fabius et M. Hollande nous semblent frappés d'une singulière amnésie : ils devraient faire preuve d'un peu plus de décence dans l'expression de leur indignation très fabriquée ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vous qui devriez être un peu plus décents !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous êtes au pouvoir depuis cinq ans !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 215 et 279.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 26, modifié.
(L'article 26 est adopté.)
Article additionnel après l'article 26
M. le président. L'amendement n° 302 rectifié, présenté par M. Fillon, Mme Debré et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l'article 26, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 90-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si la partie civile le demande, l'information relative à l'évolution de la procédure prévue par le présent article intervient tous les quatre mois et la partie civile est convoquée et entendue à cette fin par le juge d'instruction. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe de l'UMP est troublé par les déclarations du ministre d'État !
M. Josselin de Rohan. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'information régulière de la partie civile sur l'évolution de la procédure constitue une demande récurrente des associations d'aide aux victimes.
Compte tenu de la durée d'un certain nombre d'informations judiciaires, le traumatisme subi par les victimes à l'occasion de la commission d'infractions se trouve accru. Pour atténuer cette souffrance, il est nécessaire que les victimes aient conscience que leur affaire est suivie avec méthode par le juge d'instruction.
La mesure présentée est de nature à apaiser les parties civiles et à donner à l'instruction un caractère plus serein. Cet amendement vise à permettre l'information de la partie civile tous les quatre mois, en la limitant toutefois aux cas où cette dernière demandera elle-même à bénéficier de cette disposition. L'audition semestrielle prévue par la loi du 9 mars 2004 demeurera de règle lorsque la partie civile ne formulera pas une telle requête.
La version rectifiée de l'amendement paraît encore plus satisfaisante que la rédaction initiale. Elle semble plus cohérente avec les dispositions de l'article 90-1 du code de procédure pénale, qui dispose que le juge avise tous les six mois la partie civile de l'état d'avancement de l'information.
La commission ne peut donc qu'émettre un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je souscris totalement aux propos de la commission.
L'amendement vise en fait à donner aux victimes exactement les mêmes droits qu'aux prévenus ; le Gouvernement ne peut qu'être favorable à ce principe.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 26.
CHAPITRE VI
DISPOSITIONS TENDANT À PRÉVENIR LA TOXICOMANIE ET CERTAINES PRATIQUES ADDICTIVES
Article additionnel avant l'article 27
M. le président. L'amendement n° 155, présenté par M. Goujon et Mme Hermange, est ainsi libellé :
Avant l'article 27, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
I - Après le chapitre II du titre IV du livre V de la deuxième partie du code de l'éducation, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre III
« La prévention de la toxicomanie et des conduites à risques
« Art. L. 543-1 - Tous les élèves des classes de CM2 reçoivent une éducation à la prévention des conduites à risques.
« Cette éducation à la prévention des conduites à risques vise à leur apporter une information complète sur les dangers réels que fait encourir la consommation de drogues illicites sur l'individu et la société ainsi que sur les raisons et les modalités selon lesquelles une telle consommation est strictement encadrée sur un plan législatif et pénalement sanctionnée. À cette occasion, est également délivrée une information sur le fonctionnement neurologique et psychique de l'individu.
« Réalisée sous la forme de trois séances de deux heures réparties sur l'ensemble de l'année scolaire, cette éducation est conjointement délivrée par les professeurs des écoles et les associations agréées en application de l'article L. 3410-5 du code de la santé publique.
« Art. L. 543-2 - Tous les élèves des classes de cinquième et de troisième reçoivent une information complète sur les dangers réels que fait encourir la consommation de drogues illicites sur l'individu et la société ainsi que sur les raisons et les modalités selon lesquelles une telle consommation est strictement encadrée sur un plan législatif et pénalement sanctionnée.
« Réalisée sous la forme d'une séance de deux heures durant l'année scolaire, cette information est conjointement délivrée par les enseignants, et en particulier les professeurs principaux, et les associations agréées en application de l'article L. 3410-5 du code de la santé publique.
« Art. L 543-3 - Un programme de sensibilisation aux conduites à risques, commun à l'ensemble des académies, est intégré au temps scolaire et étalé sur l'ensemble de la scolarité, de la première année d'école primaire à la deuxième année d'université.
« Un décret fixe les conditions d'application de cet article.
« Art. L. 543-4 - Les médecins, les personnels médicaux et paramédicaux intervenant en milieu scolaire, les travailleurs sociaux et les enseignants reçoivent une formation initiale et continue propre à leur permettre de détecter les problèmes liés aux conduites addictives et de délivrer aux élèves une information complète sur les dangers réels que fait encourir la consommation de drogues illicites sur l'individu et la société ainsi que sur les raisons et les modalités selon lesquelles une telle consommation est strictement encadrée sur un plan législatif et pénalement sanctionnée.
« Cette formation est dispensée dans les conditions fixées par voie réglementaire.
« Art. L. 543-5 - Les programmes des Instituts universitaires de formation des maîtres intègrent des modules de formation portant sur les conduites à risques et les pratiques addictives. »
II -Un décret fixe les conditions d'application de cet article.
La parole est à M. Philippe Goujon.
M. Philippe Goujon. J'ai trouvé tout de même assez savoureux d'entendre nos collègues de gauche pousser des cris d'orfraie pendant presque une heure à propos de l'insécurité. Leur attitude frisait même l'obstruction.
M. Philippe Goujon. En effet, à l'instar de M. de Rohan, je considère qu'ils ont été les véritables fossoyeurs de la sécurité dans notre pays entre 1997 et 2002. C'était le temps de la « naïveté » !
Nos collègues se plaignent maintenant de l'insécurité dans notre pays, notamment en Seine-Saint-Denis, mais tous leurs amendements, depuis le début de nos travaux, contredisent leurs déclarations de ce matin. C'est au contraire par l'adoption du texte que nous examinons aujourd'hui que nous renforcerons la sécurité dans notre pays !
J'en viens à la présentation de l'amendement.
Nous considérons qu'il convient de donner la priorité à une politique de prévention ayant pour objectif de prémunir les jeunes contre la consommation de drogues et les dommages sanitaires et sociaux qu'elle cause. Pour cela, il faut généraliser l'information sur la nocivité des drogues, en particulier celle du cannabis.
Nous estimons que l'école, dès la classe de cours moyen deuxième année, doit être le fer de lance de cette prévention. De nombreuses expériences ont d'ailleurs été menées en ce sens : il est démontré que c'est à cet âge que les enfants assimilent le mieux les messages de prévention.
Aujourd'hui, la prévention existe dans les collèges et les lycées. Cela va dans le bon sens, mais il faut pousser plus loin. C'est pourquoi Marie-Thérèse Hermange et moi-même proposons que tous les élèves des classes de CM2 reçoivent une éducation à la prévention des conduites à risque, laquelle sera conjointement délivrée par les professeurs des écoles et les associations agréées.
Tous les élèves des classes de troisième recevront, quant à eux, une information complète sur les dangers que fait courir la consommation de drogues illicites, sur les raisons pour lesquelles une telle consommation est strictement encadrée sur le plan législatif et pénalement sanctionnée, ainsi que sur les modalités de cet encadrement.
Enfin, un programme de sensibilisation aux conduites à risque sera intégré à l'emploi du temps scolaire. Dans cette perspective, les enseignants bénéficieront d'une formation initiale et continue adaptée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement de M. Goujon est tout à fait intéressant, et je suis convaincu que le Gouvernement a écouté sa présentation avec beaucoup d'attention.
Toutefois, aussi pertinentes soient-elles, ces mesures nous semblent relever du domaine réglementaire. À ce titre, elles présentent un risque d'inconstitutionnalité. C'est la seule raison pour laquelle la commission demande à M. Goujon de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Monsieur le sénateur, comme à l'accoutumée, vous posez de vraies questions sur un sujet essentiel pour notre société.
Votre amendement vise à rendre obligatoire, pour les élèves des classes de CM2, de cinquième et de troisième, une information la plus complète possible sur les dangers et les conséquences de la consommation de drogues illicites.
Votre préoccupation est certes justifiée, mais des mesures préventives à destination des plus jeunes ont déjà été prises. C'est là une priorité constante de la politique de santé publique du Gouvernement. Ainsi, voilà deux ans, par le biais de la loi relative à la politique de santé publique, une disposition a été insérée dans le code de l'éducation, selon laquelle une information sur les conséquences de la consommation de drogue sur la santé est délivrée à raison d'au moins une séance par an à l'ensemble des élèves.
Il me semble souhaitable que l'on continue à s'appuyer sur cette disposition. C'est pourquoi le Gouvernement vous demande lui aussi de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Goujon.
M. le président. Monsieur Goujon, l'amendement n° 155 est-il maintenu ?
M. Philippe Goujon. Je ne suis pas persuadé que les dispositions présentées relèvent du domaine réglementaire, car le code de l'éducation contient déjà des mesures de cet ordre. Quoi qu'il en soit, je n'entends pas polémiquer sur ce sujet avec M. le rapporteur, d'autant que je connais l'attachement de la commission des lois au strict respect de la distinction entre domaine législatif et domaine réglementaire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En effet !
M. Philippe Goujon. Quant aux arguments de M. le ministre, ils m'ont bien évidemment convaincu. Je relèverai toutefois que l'information n'est peut-être pas diffusée sur tout le territoire de façon uniforme. Mon amendement tendait précisément à rendre plus homogène la mise en oeuvre des actions de prévention dans l'ensemble des établissements scolaires de notre pays.
Néanmoins, je retire bien entendu mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 155 est retiré.
Article 27
Le chapitre III du titre Ier du livre IV de la troisième partie du code de la santé publique est remplacé par les dispositions suivantes :
« CHAPITRE III
« PERSONNES SIGNALÉES PAR L'AUTORITÉ JUDICIAIRE
« Art. L. 3413-1. - Chaque fois que l'autorité judiciaire enjoint à une personne ayant fait un usage illicite de stupéfiants de se soumettre à une mesure d'injonction thérapeutique qui consiste en une mesure de soins ou de surveillance médicale, elle en informe l'autorité sanitaire compétente.
« L'autorité sanitaire fait procéder à l'examen médical de l'intéressé par un médecin habilité en qualité de médecin relais.
« La personne bénéficiaire de l'injonction thérapeutique rend compte à l'autorité judiciaire qui a diligenté la mesure de l'exécution de celle-ci.
« Art. L. 3413-2. - Le médecin relais est chargé de la mise en oeuvre de la mesure d'injonction thérapeutique, d'en proposer les modalités et d'en contrôler le suivi sur le plan sanitaire.
« Le médecin relais fait connaître à l'autorité judiciaire son avis motivé sur l'opportunité médicale de la mesure.
« Si le médecin relais estime qu'une prise en charge médicale n'est pas adaptée, il en informe l'autorité judiciaire, après avoir rappelé à l'intéressé les conséquences sanitaires de l'usage de stupéfiants.
« Art. L. 3413-3. - Si l'examen médical prévu à l'article L. 3413-1 confirme l'état de dépendance physique ou psychologique de l'intéressé, le médecin relais invite ce dernier à se présenter auprès d'un établissement agréé ou d'un médecin de son choix ou, à défaut, désigné d'office, pour suivre un traitement médical ou faire l'objet d'une surveillance médicale adaptés.
« Dès la mise en place de la mesure, l'intéressé adresse au médecin relais un certificat médical indiquant la date du début des soins, la durée probable de la mesure et le nom de l'établissement ou l'identité du médecin chargé de sa mise en oeuvre.
« Le médecin relais contrôle le déroulement de la mesure.
« Il informe l'autorité judiciaire de l'évolution de la situation médicale de l'intéressé.
« En cas d'interruption du suivi à l'initiative de l'intéressé, ou de tout autre incident survenant au cours de la mesure, le médecin relais en informe immédiatement l'autorité judiciaire.
« Art. L. 3413-4. - Les modalités d'application des dispositions du présent chapitre sont précisées par décret en Conseil d'État. »
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, sur l'article.
M. Jean-Pierre Michel. Les articles 27 et suivants tendent à apporter des modifications importantes aux dispositions de la loi de 1970 relative à la lutte contre la toxicomanie.
Encore une fois, comme ce fut le cas au cours de nos débats de jeudi dernier, quand il a été question des malades mentaux, la méthode employée est absolument détestable.
Sur la forme, tout d'abord, on considère les malades mentaux et les simples usagers de drogue comme des délinquants en puissance, puisque c'est dans un texte relatif à la prévention de la délinquance que l'on insère des modifications partielles des dispositions régissant les internements d'office ou, dans le cas qui nous occupe ce matin, la répression et la prévention de la toxicomanie.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les toxicomanes sont des délinquants selon la loi !
M. Jean-Pierre Michel. Sur le fond, ensuite, chacun le sait, la loi de 1970 est, en fait, inappliquée et inapplicable aujourd'hui.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Là, c'est autre chose !
M. Jean-Pierre Michel. Le fait que plus de cinq cents circulaires ont été diffusées par les ministères chargés de la santé, de la justice et de l'intérieur depuis que ce texte est entré en vigueur et qu'un nombre considérable de rapports officiels ont été rédigés sur ce sujet, à l'échelon tant national qu'européen, montre en effet que d'importants problèmes d'application se posent.
D'ailleurs, toutes les associations et tous ceux qui sont engagés dans la prévention de la toxicomanie demandent depuis longtemps une révision et une remise à plat complète de la loi du 31 décembre 1970.
Je n'engagerai pas ici le débat sur ce qu'il convient ou non de faire. Néanmoins, il me semble qu'il aurait été utile de remettre ce texte sur le métier. Le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, avait d'ailleurs affirmé, en début de législature, que ce sujet l'intéressait, mais il n'est pas parvenu à convaincre ses collègues de s'atteler à la tâche.
Or, aujourd'hui, que fait-on ? On entend accentuer l'aspect sécuritaire du dispositif, au détriment des soins et de la prévention.
Pourtant, la loi de 1970 présente déjà l'inconvénient de considérer comme des délinquants non seulement les personnes qui font le commerce des substances illicites, mais également celles qui se bornent à les consommer, sans se livrer à la revente. Cela est clair et net ! Par conséquent, ils doivent en principe être poursuivis et condamnés, sauf s'ils se soumettent à une injonction thérapeutique.
Depuis un certain nombre d'années, les ministres de la santé successifs, notamment Mme Barzach et M. Kouchner, ont pris un certain nombre de circulaires relatives aux soins et à la prévention des risques. Nous savons tous, en effet, que certains consommateurs de drogue sont des malades, qu'il convient de soigner. Il arrive d'ailleurs qu'ils se portent volontaires pour suivre un traitement.
Certains d'entre nous, au sein de cette assemblée, militent dans des associations oeuvrant pour la prévention et la réduction des risques. Nous connaissons des centres de soins où l'on délivre de la méthadone ou du Subutex - on souhaite aujourd'hui, soit dit par parenthèse, renoncer à ce dernier produit - ...
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Il y a un sacré trafic : le Subutex se revend cher !
M. Jean-Pierre Michel. ... à des malades venant volontairement se faire soigner pour essayer de sortir de l'addiction dans laquelle ils sont plongés.
Or c'est sur le profil de ces volontaires qu'il existe une confusion totale dans les débats et les conversations, ainsi d'ailleurs que dans la circulaire du 8 avril 2005, qui est la plus récente en la matière : il ne s'agit absolument pas de jeunes des cités qui fument du « shit » !
Ce sont en fait généralement des adultes, plus ou moins bien intégrés dans la société - plutôt moins que plus, car ils ont souvent connu des difficultés, notamment professionnelles ou familiales -, qui essaient de sortir de leur addiction, sur le conseil de leur médecin traitant. Or, si l'on appliquait la loi à la lettre, un commissaire de police pourrait très bien aller les attendre à la sortie du centre de soins pour les arrêter. Cela s'est d'ailleurs produit dans le passé, à Nîmes, où un commissaire de police particulièrement zélé allait arrêter les malades qui se faisaient soigner dans le car de Médecins du monde !
En tout état de cause, ce projet de loi accentue encore la tendance sécuritaire, au détriment du développement de la prévention et des soins. C'est la raison pour laquelle, sur le fond, les dispositions qui nous sont ici présentées ne sont pas acceptables à nos yeux.
J'observe d'ailleurs que ces mesures sont en complète contradiction avec la pensée sur ce point du Président de la République, qui a tenu les propos suivants en juin 1998, devant l'Assemblée générale des Nations unies consacrée à la lutte contre la drogue : « Les toxicomanes cherchent à sortir de l'enfer. Ils ont besoin d'entendre un langage qui ne soit pas seulement celui de la répression, mais un langage d'attention humaine. »
Je constate que M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, et le Gouvernement ne suivent pas les préconisations du Président de la République ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Je constate également que M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, appuie la répression, alors que...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Michel !
M. Jean-Pierre Michel. Soit, monsieur le président, mais je reprendrai tout à l'heure la parole pour explication de vote ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 216 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 270 est présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 216.
M. Guy Fischer. Notre amendement vise à supprimer l'article 27.
En effet, cet article prévoit des modifications de la procédure de l'injonction thérapeutique, or nous nous opposons à certaines d'entre elles.
Ainsi, il est proposé de créer une fonction nouvelle de médecin relais, ce qui nous paraît à la fois inutile et défavorable au patient.
Cette initiative est d'abord inutile, car sa mise en oeuvre alourdira encore les procédures, sans que le texte précise quoi que ce soit pour autant. Surtout, au regard des moyens attribués à la justice ou aux administrations oeuvrant dans le domaine de l'action sociale, on est légitimement en droit de penser que cette disposition restera inapplicable.
Par ailleurs, ce médecin relais deviendra le référent de la personne soumise à l'injonction thérapeutique et son unique interlocuteur dans presque toute la procédure. Cela n'est pas souhaitable, à notre avis, avant tout parce que, de fait, se trouveront tenues à l'écart les structures médicales, collectives et publiques existantes - ces structures qui, au long de ces dernières années, se sont d'ailleurs vues privées d'une part importante de leurs moyens.
Jusqu'à présent, c'était la structure d'accueil de la personne recevant le traitement qui servait d'interlocuteur. Or le fonctionnement collectif de telles structures garantissait certainement un plus juste diagnostic et un suivi plus précis.
Les structures sanitaires et sociales se trouveront ainsi mises de côté, voire contournées, par le biais de cette nouvelle procédure. J'en parle d'expérience, en tant que conseiller général des Minguettes, puisque nous avons très régulièrement, dans l'agglomération lyonnaise, à traiter des problèmes d'addiction. Ils me sont donc familiers depuis plusieurs années, pour ne pas dire plusieurs décennies !
C'est d'ailleurs le même principe qui prévaut lorsqu'il s'agit de supprimer l'enquête familiale, professionnelle et sociale, traditionnellement conduite par les services sociaux. Cette enquête permettait une plus juste adaptation du traitement du malade, ce que souligne d'ailleurs la commission des affaires sociales.
Ainsi, par le biais des modifications proposées, l'injonction thérapeutique deviendra une mesure avant tout judiciaire, le suivi médical se trouvant soumis au bon vouloir d'un médecin relais sur lequel nous ne disposons d'aucune indication.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous préférez que ce soit la DDASS qui décide ?
M. Guy Fischer. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 27.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l'amendement n° 270.
M. Jean-Pierre Michel. Comme je l'ai indiqué en m'exprimant sur l'article, nous considérons que les dispositions présentées durcissent le volet répressif de la loi du 31 décembre 1970. Ce n'est vraisemblablement pas ce qu'il convient de faire !
Le dispositif, après trente-cinq années d'application, devait être envisagé de façon plus globale. Il aurait surtout fallu éviter de présenter les consommateurs de substances illicites comme des criminels en puissance. Telle est pourtant la philosophie de ce projet de loi !
M. Christian Cambon. Ben voyons !
M. Jean-Pierre Michel. Personnellement, bien entendu, je suis entièrement favorable à la prévention et au traitement médical des toxicomanes, car j'estime qu'il s'agit de personnes qui souffrent et qu'il faut soigner.
Pour autant, je ne partage pas l'avis de Doc Gynéco, personnalité bien connue à l'UMP, puisqu'il participe à ses congrès et qu'il est devenu un grand zélateur de M. le ministre d'État, son « petit maître à penser », paraît-il !
Dans son dernier ouvrage, Doc Gynéco s'exprime de la manière suivante : « Il y avait du shit. On pouvait se faire arrêter pour quelques barrettes. On dealait un peu - il n'était donc pas seulement un usager ! -, pour s'acheter des baskets. » Plus loin, il ajoute que « la drogue douce, il n'y a que ça qui est bon », et que « fumer, ce n'est pas nocif ». Par respect pour nos collègues femmes, je vous ferai grâce du passage où M. Bruno Beausir, puisque tel est son véritable nom, évoque la façon dont il consommait de la « coke » pour faciliter les rapports sexuels avec ses multiples partenaires...
Tout cela ne correspond pas à notre philosophie ni à ce que nous voulons ! Ce que nous voulons, très clairement, c'est une remise à plat de la loi de 1970.
Nous voulons en particulier que l'on poursuive, peut-être plus activement qu'on ne le fait à l'heure actuelle, ceux qui vendent de la drogue, notamment à la plus grande échelle.
Nous voulons aussi que l'on passe des accords avec les pays producteurs, car la culture de la drogue permet à des paysans de vivre, en Amérique du Sud, en Asie, dans le Sud marocain. Que fait-on de ce point de vue ? Comment s'y prend-on pour stopper l'irrigation du marché français et européen ?
Ensuite, on pourra apprécier la situation des simples usagers de drogue d'une tout autre manière que ne l'ont fait les auteurs de la loi de 1970 et que vous ne le faites aujourd'hui, monsieur le ministre, au travers du texte que vous nous présentez, lequel durcit encore le volet répressif !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Jean-Pierre Michel. En effet, les médecins et le personnel des services sociaux seront placés dans une situation qui leur sera absolument intolérable. Nous y reviendrons encore tout à l'heure. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 39 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le chapitre III du titre Ier du livre IV de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Personnes signalées par l'autorité judiciaire
« Art. L. 3413-1. - Chaque fois que l'autorité judiciaire enjoint à une personne ayant fait un usage illicite de stupéfiants de se soumettre à une mesure d'injonction thérapeutique qui consiste en une mesure de soins ou de surveillance médicale, elle en informe l'autorité sanitaire compétente.
« L'autorité sanitaire fait procéder à l'examen médical de l'intéressé par un médecin habilité en qualité de médecin relais.
« Le médecin relais fait connaître à l'autorité judiciaire son avis motivé sur l'opportunité médicale de la mesure.
« Si le médecin relais estime qu'une prise en charge médicale n'est pas adaptée, il en informe l'autorité judiciaire, après avoir rappelé à l'intéressé les conséquences sanitaires de l'usage de stupéfiants.
« Art. L. 3413-2. - Si l'examen médical prévu à l'article L. 3413-1 confirme l'état de dépendance physique ou psychologique de l'intéressé, le médecin relais invite ce dernier à se présenter auprès d'un centre spécialisé de soins aux toxicomanes ou d'un médecin de son choix ou, à défaut, désigné d'office, pour suivre un traitement médical ou faire l'objet d'une surveillance médicale adaptés.
« Dès la mise en place de la mesure, l'intéressé adresse au médecin relais un certificat médical indiquant la date du début des soins, la durée probable de la mesure et les coordonnées du centre spécialisé ou l'identité du médecin chargé de sa mise en oeuvre.
« Art. L. 3413-3. - Le médecin relais est chargé de la mise en oeuvre de la mesure d'injonction thérapeutique, d'en proposer les modalités et d'en contrôler le suivi sur le plan sanitaire.
« Il informe l'autorité judiciaire de l'évolution de la situation médicale de l'intéressé.
« En cas d'interruption du suivi à l'initiative de l'intéressé, ou de tout autre incident survenant au cours de la mesure, le médecin relais en informe immédiatement l'autorité judiciaire.
« Art. L. 3413-4. - Les modalités d'application des dispositions du présent chapitre sont précisées par décret en Conseil d'État. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui vise à éviter d'inutiles redondances.
M. le président. Le sous-amendement n° 272, présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - A- Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 39 rectifié pour l'article L. 3413-1 du code de la santé publique remplacer les mots :
habilité en qualité de médecin relais
par les mots :
coordinateur de la direction des affaires sanitaires et sociales
B- Dans les troisième et quatrième alinéas du texte proposé par l'amendement n° 39 rectifié pour l'article L. 3413-1 du code de la santé publique, remplacer les mots :
médecin relais
par le mot :
coordinateur
II. - Dans les premier et deuxième alinéas du texte proposé par cet amendement pour l'article L. 3413-2 du code de la santé publique, remplacer les mots :
médecin relais
par le mot :
coordinateur
III - A- Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 39 rectifié pour l'article L. 3413-3 du code de la santé publique, remplacer les mots :
médecin relais
par le mot :
coordinateur
B- Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 39 rectifié pour l'article L. 3413-3 du code de la santé publique après les mots :
situation médicale
ajouter les mots :
et sociale
C- rédiger ainsi le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement pour l'article L. 3413-3 du code de la santé publique :
« En cas d'interruption du suivi de l'initiative de l'intéressé, le coordinateur en informe immédiatement l'autorité judiciaire. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. L'article 27 tend à modifier les conditions d'application de l'injonction thérapeutique et à en confier le suivi à un médecin relais.
Outre l'élargissement de la définition de l'injonction thérapeutique, qui sera désormais une mesure de soins ou de surveillance médicale et non plus une cure de désintoxication, outre l'ouverture à l'ensemble de l'autorité judiciaire de la possibilité de mettre en oeuvre cette alternative thérapeutique, l'article 27 prévoit, ce qui n'est pas le moins grave, un dessaisissement de l'autorité sanitaire dans ce domaine.
En effet, l'émergence d'un nouveau personnage, le médecin relais, éclipsera totalement l'autorité sanitaire : c'est lui qui deviendra le seul interlocuteur de l'autorité judiciaire et qui l'informera de l'évolution de la situation médicale de l'intéressé. Il sera également chargé de mettre en oeuvre la mesure d'injonction thérapeutique, d'en proposer les modalités et d'en contrôler le suivi sur le plan sanitaire.
Sur ce point, une question se pose : que devient le médecin de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, la DDASS, qui, à l'heure actuelle, contrôle le suivi de la mesure, choisit la structure de soins après avoir procédé à l'examen médical de l'intéressé ? Le médecin relais se substituera-t-il à lui ou coexistera-t-il avec lui ?
On ne s'étonnera pas que l'aspect sanitaire soit encore une fois laissé pour compte, tant c'est une constante dans ce projet de loi. On fera néanmoins remarquer que le fait de durcir les contrôles, comme le prévoit le projet de loi, et d'instituer, à côté des médecins de la DDASS, des médecins auxiliaires de justice procure un illusoire sentiment de maîtrise du soin par la justice. Cela ne peut que compliquer inutilement les choses, ou pis encore se révéler contre-productif !
On peut d'ailleurs s'interroger sur la situation de ce médecin, qui n'aura pas la qualité d'expert judiciaire, mais dont on attendra « un avis motivé sur l'opportunité d'un suivi médical » et qui sera chargé d'informer l'autorité judiciaire de « l'évolution de la situation médicale de l'intéressé » !
En outre, qui lèvera la mesure lorsque ce médecin conclura qu'une prise en charge médicale n'est ni nécessaire ni adaptée ? Et quel incident, autre que l'interruption du suivi du traitement, pourra bien justifier une information immédiate de l'autorité judiciaire ?
Dans un souci de simplification et en vue de préserver autant que possible le volet sanitaire et social devant accompagner une mesure d'injonction thérapeutique, nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter notre sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° 93 rectifié, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 39 rectifié pour l'article L. 3413-1 du code de la santé publique par une phrase ainsi rédigée :
Elle fait également procéder, à la demande de ce dernier, à une enquête sur la vie familiale, professionnelle et sociale de l'intéressé.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à maintenir l'enquête sur la vie familiale, professionnelle et sociale du toxicomane menée par la DDASS.
La commission des affaires sociales estime, en effet, que cette enquête permet aux services sociaux de disposer des informations nécessaires au choix d'une mesure adaptée aux besoins de réinsertion de chacun, de manière complémentaire avec les résultats de l'examen médical.
En outre, il nous semble illusoire de penser que les médecins relais procéderont eux-mêmes à une telle enquête. En son absence, la prise en charge des toxicomanes risque d'être réduite à sa seule dimension sanitaire.
M. le président. Le sous-amendement n° 273, présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 39 rectifié pour l'article L. 3413-1 du code de la santé publique par une phrase ainsi rédigée :
Elle fait également procéder à une enquête sur la vie familiale, professionnelle et sociale de l'intéressé.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Ce sous-amendement procède de la même philosophie que le sous-amendement n° 272, que vient de présenter M. Jean-Pierre Godefroy : il s'agit de préserver autant que possible le volet sanitaire et social qui doit accompagner une mesure alternative telle que l'injonction thérapeutique.
Nous proposons donc que, en complément de l'examen médical initial du patient, il soit procédé, comme c'est le cas actuellement, à une enquête sur la vie familiale, professionnelle et sociale de l'intéressé.
En effet, en matière de toxicomanie, situation sanitaire et situation sociale sont souvent très imbriquées, comme on peut le constater lorsque l'on se penche sur des cas concrets.
La connaissance de l'ensemble de ces données est particulièrement importante si l'on veut appréhender au mieux la situation réelle du patient et répondre de manière adaptée à ses besoins de réinsertion.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 216 et 270, ainsi que sur les trois sous-amendements à son amendement n° 39 rectifié ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je souhaite tout d'abord rappeler à M. Michel que l'usager de produits stupéfiants n'est pas un délinquant potentiel, mais un délinquant tout court, en tout cas au regard de notre droit, notamment de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique, qui n'a été modifié ni par l'actuelle majorité ni par la précédente.
Les amendements identiques nos 216 et 270 visent à supprimer la réforme de l'injonction thérapeutique. Or le dispositif présenté nous semble au contraire de nature à garantir une prise en charge socio-sanitaire aux usagers de drogue dépendants, à tous les stades de la procédure pénale.
Cette mesure permet souvent une première prise de contact avec le milieu médical et peut constituer un déclic salutaire, ainsi que l'a observé, lors de son audition, le directeur du centre Marmottan, spécialisé dans la prise en charge des toxicomanes.
La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 216 et 270.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 272, la commission avoue son embarras, s'agissant de la terminologie employée et de la substitution au médecin relais d'un coordinateur de la DDASS. Elle s'en remettra donc à l'avis du Gouvernement et de la commission des affaires sociales.
Par ailleurs, la commission est favorable au sous-amendement n° 93 rectifié. La disposition présentée par M. About paraît intéressante pour traiter les problèmes de dépendance aux produits stupéfiants dans leur globalité. De plus, ce sous-amendement apporte un élément de souplesse, en prévoyant que l'enquête n'interviendra qu'à la demande du médecin relais.
À l'inverse, la commission est défavorable au sous-amendement n° 273, le dispositif présenté manquant précisément de souplesse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements et sous-amendements ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Les amendements identiques nos 216 et 270, qui tendent à supprimer l'article 27, me donnent l'occasion de revenir sur l'économie générale des dispositions du chapitre VI du projet de loi concernant la toxicomanie. Il me semble en effet utile de rappeler un certain nombre de vérités.
Tout d'abord, après avoir entendu les différents orateurs, je relève qu'une évidence s'impose : la loi de 1970 n'est plus adaptée à la lutte contre la toxicomanie, personne ne peut le contester. Je me réjouis de ce constat unanime.
Il y a en France 3,5 millions de consommateurs de cannabis. Quelque 850 000 personnes seraient des usagers réguliers, dont 450 000 usagers quotidiens. Parmi les usagers de cannabis interpellés, 67 % ont entre dix-huit et vingt-cinq ans, et 13 % sont mineurs.
Or il est prouvé, malheureusement, que cette consommation n'est pas anodine, contrairement à ce que certains ont voulu faire croire, même s'ils ont pu évoluer sur cette question. Je fais ici allusion à l'auteur cité tout à l'heure par M. Michel... Cette consommation entraîne même des conséquences graves, depuis l'échec scolaire jusqu'à l'augmentation du risque d'accident ou, pis encore, le passage à l'acte agressif déclenché par une euphorie artificielle.
Aujourd'hui, la sanction est, théoriquement seulement, très dure : l'usage simple de stupéfiants est un délit réprimé par un an d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende. Il est évidemment, en pratique, presque impossible de poursuivre les 90 000 personnes interpellées chaque année pour usage de cannabis. Le résultat est que cette mesure n'est aujourd'hui pratiquement plus appliquée, hélas ! et que l'interdit social devant la drogue - force est, là aussi, de le reconnaître - a malheureusement disparu. (M. Philippe Goujon acquiesce.)
Il ne faut évidemment pas « dépénaliser » l'usage de stupéfiants, notamment parce que - j'imagine que cet argument fera l'unanimité sur l'ensemble des travées de la Haute Assemblée -, s'agissant d'un délit, il convient de pouvoir recourir à la garde à vue, indispensable aux enquêtes et à la remontée des filières. Cela étant, il faut aussi prendre acte des évolutions et établir des sanctions qui soient adaptées, à tous les stades de la procédure pénale.
C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit d'étendre la procédure de l'ordonnance pénale au délit d'usage de stupéfiants et d'élargir le registre des peines de substitution.
Le recours à l'ordonnance pénale pour les majeurs pour la sanction de l'usage de drogue aurait l'avantage de rendre plus effectif le dispositif pénal et de permettre un meilleur respect du principe de proportionnalité : le juge pourra proposer des stages de citoyenneté ou des stages de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants, comparables aux stages de sécurité routière.
L'orientation sociale, sanitaire et thérapeutique est également une dimension essentielle.
Le projet de loi prévoit d'étendre le champ de l'injonction thérapeutique, mesure que seul pouvait décider jusqu'à présent le procureur de la République. Nous voulons qu'elle puisse être mise en oeuvre à tous les stades de la procédure.
Nous sommes cependant confrontés à une réalité dont on doit mesurer toutes les conséquences, à savoir le faible succès des injonctions thérapeutiques. Leur nombre est passé de 8 000 en 1990 à 4 500 seulement en 2004. La principale explication de cette situation tient sans doute à la réticence des magistrats à recourir à une procédure pour laquelle ils n'ont aujourd'hui aucun « retour », aucune garantie.
C'est à cette difficulté que nous avons voulu remédier en instituant le médecin relais, qui doit être un véritable partenaire de confiance du juge.
Ce médecin relais aura un double rôle, monsieur Fischer.
D'abord, il pourra donner son avis sur l'opportunité médicale de la mesure ; cela permettra, par exemple, de « retourner à l'autorité judiciaire » une personne convaincue d'usage de stupéfiants, mais qui s'avérerait être un dealer.
Ensuite, il proposera les modalités de mise en oeuvre de l'injonction thérapeutique et en contrôlera le suivi sur le plan sanitaire. Il informera régulièrement l'autorité judiciaire et la préviendra sans délai en cas d'interruption du suivi ou de tout autre incident. L'autorité judiciaire qui aura décidé de recourir à la mesure bénéficiera ainsi d'un « retour », ce qui répond très concrètement à une demande des magistrats.
Voilà pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 216 et 270.
L'amendement n° 39 rectifié tend à réorganiser la rédaction de l'article 27 et à la rendre plus lisible, notamment pour ce qui concerne le rôle du médecin relais. Le Gouvernement y est naturellement favorable.
S'agissant du sous-amendement n° 272, vous nous proposez, monsieur Godefroy, de remplacer la notion de « médecin relais » par celle de « coordinateur », en prévoyant que celui-ci relèverait de la DDASS.
Il me semble que deux arguments s'opposent à cette proposition, dont je comprends bien l'origine.
D'abord, il est important que, par son appellation même, le responsable de la mise en oeuvre de l'injonction thérapeutique puisse être clairement identifié comme un médecin, quel que soit d'ailleurs son statut. Il ne doit pas y avoir d'ambiguïté sur ce point.
En outre, je crois que les débats que nous avons eus, à l'article 5, sur le coordonnateur doivent nous inciter à éviter toute confusion entre ces deux dispositifs.
Au travers du sous-amendement n° 93 rectifié, vous posez, monsieur About, la question du maintien de l'enquête sociale.
Cette enquête est-elle utile ? Incontestablement, oui. Est-elle toujours nécessaire ? Sans doute pas, lorsque le médecin dispose de suffisamment d'éléments pour apprécier le contexte familial, professionnel et social dans lequel s'inscrira la mesure d'injonction thérapeutique. Doit-elle être systématique ? Non, car cela risquerait de retarder la mise en place de la mesure.
La solution que vous préconisez est de bon sens, le Gouvernement y est donc favorable.
Enfin, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 273, puisque vous entendez, monsieur Michel, rendre l'enquête sociale systématique.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 216 et 270.
M. Jean-Pierre Michel. Tout d'abord, même si l'excellent M. Brice Hortefeux a vocation à représenter ici l'ensemble du Gouvernement, je m'étonne, comme nombre de mes collègues, de ce que M. le ministre de la santé n'ait pas jugé utile de venir écouter ce que nous avons à dire sur ce texte,...
M. Guy Fischer. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Michel. ... qui est tout de même très important au regard de la santé publique.
Pourquoi avons-nous déposé un amendement de suppression de l'article ? Nous ne voulons évidemment pas supprimer l'injonction thérapeutique, mais nous considérons, comme je l'ai dit tout à l'heure, qu'un tel article n'a pas sa place dans ce projet de loi. De façon subsidiaire, bien entendu, nous présentons des amendements qui visent à améliorer le texte.
J'indique que si nous maintenons l'amendement n° 270, nous retirons en revanche le sous-amendement n° 273 et nous nous rallions au sous-amendement n° 93 rectifié, qui est presque identique au nôtre mais permet de ménager davantage de souplesse. Nous faisons nôtres les observations de M. le ministre à cet égard.
M. le président. Le sous-amendement n° 273 est retiré.
La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Je partage tout à fait le point de vue de M. Michel.
Monsieur le ministre, en matière de lutte contre la toxicomanie, les moyens mis en oeuvre aujourd'hui sont insuffisants. Plusieurs articles de presse viennent d'ailleurs de rendre compte de la réalité des grands réseaux de trafiquants, notamment de drogues dures.
Aux Minguettes, où je suis présent depuis 1969, soit à titre professionnel, soit en qualité d'élu, je suis bien placé pour savoir que les moyens consacrés à la lutte contre les grands dealers, ceux qui relèvent du grand banditisme, ne sont pas à la hauteur des besoins. De toute évidence, les résultats pourraient être améliorés.
Par ailleurs, sur le plan médical, notamment en ce qui concerne les consommateurs de drogues douces, telles que le haschich, il est difficile d'assurer une véritable prise en charge, un suivi continu des intéressés, afin de les aider à recouvrer un bon état de santé et à se dégager de l'emprise des dealers.
Cela nécessite l'intervention de structures de proximité. Aux Minguettes, il existe une structure de ce type, le centre Nemo, où des médecins jouent déjà le rôle de médecins relais. Or nous devons nous battre comme des chiens pour obtenir que soient reconduits, d'une année sur l'autre, les budgets lui permettant de fonctionner !
De plus, les jeunes concernés ont bien souvent besoin d'un soutien psychiatrique. Malheureusement, les deux principaux établissements psychiatriques de l'agglomération lyonnaise, que ce soit l'hôpital Saint-Jean-de-Dieu ou l'hôpital du Vinatier, sont cruellement dépourvus des moyens qui permettraient de faire face à l'explosion du nombre des jeunes consommateurs de drogues douces - je ne parle pas, ici, de l'addiction à la cocaïne ou à l'héroïne.
Telle est la réalité à laquelle nous sommes confrontés en tant qu'élus de terrain. Une loi a été votée en 1970, des centaines de décrets d'application ont été mis en oeuvre, mais quid de la médecine scolaire ou universitaire ? Elle est naufragée, alors qu'elle pourrait permettre de se rapprocher des situations concrètes !
Telles sont donc les raisons qui nous ont conduits à déposer un amendement de suppression de l'article 27.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. M. le rapporteur ayant sollicité l'avis de la commission des affaires sociales sur le sous-amendement n° 272, je souhaiterais apporter quelques précisions.
Au-delà du choix des termes, retenir l'appellation « coordinateur » n'étant pas souhaitable, je comprends le souci de M. Godefroy de réintroduire la DDASS au sein du dispositif. C'est d'ailleurs à cette fin que j'avais moi-même déposé le sous-amendement n° 93 rectifié.
En revanche, substituer, comme le propose M. Godefroy, un médecin coordinateur de la DDASS au médecin relais reviendrait à se priver, dans un certain nombre d'endroits, du concours de médecins extérieurs particulièrement qualifiés dans le domaine considéré, ce qui réduirait nos capacités de répondre au défi qui nous est lancé.
Par conséquent, il est, me semble-t-il, préférable de retenir un dispositif plus large, intégrant bien entendu aussi des médecins de la DDASS, qui pourraient apporter leur soutien.
Je souhaiterais donc que M. Godefroy accepte de retirer le sous-amendement n° 272, dans la mesure où je ne pense pas que son intention soit de gêner la bonne application de la mesure.
M. le président. Monsieur Godefroy, le sous-amendement n° 272 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 272 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 216 et 270.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 93 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. Jacques Mahéas. M. le ministre délégué m'a mis personnellement en cause ce matin, en me reprochant de ne pas être présent dans l'hémicycle.
MM. Josselin de Rohan et Christian Cambon. Il n'a jamais dit cela !
M. Jacques Mahéas. Lorsque je ne suis pas physiquement présent, je me tiens informé du déroulement de la séance.
Quoi qu'il en soit, je trouve indécent, monsieur le ministre, que vous puissiez reprocher à un sénateur de l'opposition de ne pas être toujours assis sur ces travées pour participer au débat.
Pour ma part, je ne reproche pas leur absence à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, ou à M. le garde des sceaux, notamment quand des difficultés se manifestent dans le département de la Seine-Saint-Denis ou dans la ville de Corbeil-Essonnes. En effet, je comprends parfaitement qu'ils puissent alors privilégier le terrain, au détriment du débat démocratique. Je le dis avec simplicité, mais aussi avec fermeté.
Monsieur le ministre, je vous ai connu beaucoup plus fair-play. Ce changement de comportement est sans doute dû au fait que vous défendez aujourd'hui un texte qui ne vous convient pas vraiment... D'ailleurs, je le comprends très bien. Si tant de vos collègues du Gouvernement ne participent pas à ce débat,...
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Ça non plus, ce n'est pas très fair-play !
M. Jacques Mahéas. ...c'est probablement qu'ils sont conscients du fait que ce projet de loi n'est qu'un simple texte d'affichage, puisqu'il ne sera pas réellement appliqué !
Cela dit, certaines déclarations sur la délinquance qui ont été faites dans les médias, notamment dans le journal Le Monde, ne font que confirmer les propos que j'ai pu tenir ici.
Ainsi, le préfet de Seine-Saint-Denis affirme avoir constaté « une recrudescence de la délinquance peu connue jusqu'ici depuis de nombreuses années », les chiffres étant en hausse de 7,64 % pour le premier trimestre de l'année 2006.
M. Josselin de Rohan. De votre temps, c'était 29 % !
M. Jacques Mahéas. En outre, les violences contre les personnes, les vols avec violence et les vols avec arme blanche ont respectivement progressé de 14,11 %, de 22,62 % et de 16,19 % par rapport à 2005. Quant à la part des mineurs dans la délinquance de voie publique, elle est passée de 44,23 % à 47,67 %.
Lorsque le préfet évoque les nombreuses vacations que les services de sécurité publique doivent effectuer au tribunal de grande instance et au centre de rétention de Bobigny, ou les quelque 150 visites ministérielles annuelles dans le département, il met en exergue, comme moi, le manque d'effectifs sur le terrain, de telles sujétions mobilisant un nombre important de policiers.
Lorsque j'ai rappelé qu'il manquait 500 policiers en Seine-Saint-Denis, vous ne m'avez pas cru ! M. Sarkozy s'est borné à promettre d'affecter 300 policiers de plus dans le département.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas mal !
M. Jacques Mahéas. Mais je n'ai pas dit que c'est mal, j'ai simplement dit que c'est insuffisant : il nous manque en réalité 500 policiers !
Par ailleurs, nous avons insisté sur l'importance d'affecter des personnels expérimentés en Seine-Saint-Denis. Or, lorsqu'il fait référence à « l'extrême jeunesse des commissaires qui sont nommés dans ce département », le préfet ne dit pas autre chose.
Au-delà, le préfet souligne la paupérisation de la population de la Seine-Saint-Denis, département qui accueille à lui seul 35 % des populations pauvres de la région d'Île-de-France. Il évoque en outre la situation des jeunes, qui sont les principales victimes du chômage, ainsi que l'emprise croissante des mouvements religieux sur la vie politique.
Tous ces éléments sont exacts ; ils ont été rapportés par un grand commis de l'État, que je salue à cet instant.
En revanche, je suis plus réservé quant à son analyse sur la justice. De ce point de vue, je partage tout à fait l'opinion de M. Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny.
Incarcérer un jeune pour trois mois, est-ce une mesure féconde ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Guy Fischer. Non !
M. Jacques Mahéas. Certes, il ne commettra pas d'autre délit pendant cette période, mais, au-delà, le souci éducatif est loin de prévaloir dans les prisons.
À cet égard, l'élaboration de ce texte aurait pu être l'occasion d'engager une réflexion sur la prévention de la délinquance.
M. le président. Monsieur Mahéas, il faut conclure !
M. Jacques Mahéas. J'en termine, monsieur le président, mais je tiens à répondre au reproche qui m'a été adressé.
M. le président. Votre nom n'a jamais été cité, monsieur Mahéas ! Je souhaite simplement que vous terminiez votre rappel au règlement.
M. Jacques Mahéas. En conclusion, je souhaite que la réalité de la situation de la Seine-Saint-Denis fasse l'objet d'une réflexion collective, au-delà des clivages politiques traditionnels. C'est la représentation nationale dans son ensemble qui doit être saisie.
Pour ma part, je suis un homme de dialogue. Vous le savez, monsieur le ministre : vous l'avez d'ailleurs souligné à plusieurs reprises. Par conséquent, si nous pouvions dégager des points de convergence sur ce dossier, nous serions prêts à travailler avec tout le monde.
Alors, de grâce, ne nous attaquez pas comme vous l'avez fait ! La Seine-Saint-Denis est un département difficile. Le Premier ministre a été bien heureux de pouvoir compter sur l'ensemble des maires de ce département lors des violences urbaines de la fin de l'année dernière. À cette occasion, nous avons joué les pompiers, et non les pyromanes. Nous n'avons pas voulu exploiter politiquement les difficultés, je vous demande d'observer la même retenue. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je ne voudrais pas qu'il y ait d'ambiguïtés.
Ce matin, j'ai effectivement évoqué votre absence. Il s'agissait d'un constat, presque d'un regret. En effet, vous l'avez souligné à juste titre, j'ai rendu hommage à plusieurs reprises à l'esprit d'ouverture et à la volonté de dialogue que vous avez manifestés à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la fonction publique territoriale. Un certain nombre de vos collègues ici présents peuvent en témoigner.
Cela étant rappelé, je ne puis, monsieur le sénateur, laisser passer sans réagir certaines contrevérités que vous avez énoncées.
En ce qui concerne tout d'abord l'état réel des effectifs de police dans votre département, celui-ci sera doté, à la fin de cette année, de 900 policiers de plus qu'en 2002.
M. Jacques Mahéas. Venez voir ce qui se passe dans nos commissariats !
M. le président. Monsieur Mahéas, laissez M. le ministre s'exprimer, comme vous avez pu le faire !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. C'est un constat, monsieur le sénateur !
S'agissant ensuite de l' « extrême jeunesse » des commissaires nommés dans votre département, c'est là aussi une contrevérité.
M. Jacques Mahéas. Allez dans les commissariats !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. À vous entendre, on pourrait croire que les trente-deux commissaires que compte la Seine-Saint-Denis ont tous à peine atteint l'âge de la maturité, voire de la majorité ! En réalité, sur ces trente-deux fonctionnaires, seulement quatre sont âgés de trente ans ou moins. Par conséquent, les vingt-huit autres sont précisément dans l'âge de la maturité professionnelle et de l'expérience.
M. Jean-Pierre Sueur. Dites-le donc au préfet de la Seine-Saint-Denis !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Enfin, monsieur Mahéas, il faut faire très attention à ne pas tomber dans la caricature, car la caricature, c'est l'excès, et l'excès ne permet pas de faire progresser le débat démocratique.
Si vous vous avancez sur ce terrain, vous nous incitez forcément à faire quelques rappels et à poser certaines questions essentielles. Y a-t-il aujourd'hui plus de délinquants qu'il n'y en avait entre 1997 et 2002 ? Non, ils sont moins nombreux qu'à cette époque !
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas vrai !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Mais si ! Je ne rappellerai pas tous les chiffres, mais la délinquance générale a régressé de 8,8 % entre 2002 et aujourd'hui, alors qu'elle avait augmenté de 14,4 % entre 1997 et 2002 !
M. Jean-Claude Peyronnet. Parce que les mains courantes déposées ne sont plus comptabilisées dans les chiffres de la délinquance !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. De même, la délinquance sur la voie publique a reculé de près de 24 % depuis 2002, alors qu'elle avait augmenté de plus de 10 % lorsque vous étiez aux responsabilités !
M. Jacques Mahéas. C'est faux !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Enfin, le nombre des homicides a diminué de 12 %, et les chiffres de la délinquance « en col blanc » marquent également une baisse ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Goujon. C'est à votre époque que la délinquance s'est aggravée !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Par conséquent, excusez-moi de le souligner, mais si l'on compare point par point les statistiques de la délinquance pour la période comprise entre 1997 et 2002 à celles de la période allant de 2002 à aujourd'hui, on constate que la situation s'est améliorée dans tous les secteurs.
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas vrai !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Si vous persévérez dans votre attitude, vous nous obligerez à vous poser une nouvelle fois la question suivante : comment pouvez-vous regretter le manque d'effectifs policiers, alors que vous n'avez voté ni le projet de loi pour la sécurité intérieure,...
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas possible !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ...ni l'augmentation des effectifs, ni le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice ? Soyez donc cohérents !
M. Guy Fischer. Et vous, quand vous étiez dans l'opposition, vous votiez tous les textes soumis au Parlement ?
M. le président. Acte est donné de ce rappel au règlement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen d'un amendement tendant à insérer un article additionnel avant l'article 28.
Article additionnel avant l'article 28
M. le président. L'amendement n° 217, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 28, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les entreprises de transport public de voyageurs organiseront des formations obligatoires à destination des salariés afin de les sensibiliser aux problèmes de santé et de sécurité.
Les salariés ont la possibilité de consulter la médecine du travail chaque fois qu'ils le souhaitent, notamment afin d'assurer un suivi médical régulier.
En cas d'inaptitude provisoire ou définitive d'un salarié, les entreprises de transport public de voyageurs devront prévoir des règles de reclassement maintenant le revenu du salarié.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Notre amendement a pour objet d'apporter une réponse concrète au problème de l'usage des drogues - cela soit dit sans prétention, tant le problème est vaste et grave -, s'agissant en particulier des personnes travaillant dans le secteur des transports publics de voyageurs.
En effet, l'article 28, que nous examinerons ensuite, tend à apporter une réponse exclusivement répressive à ce problème, en aggravant les sanctions pénales applicables aux salariés des entreprises concernées pris en infraction.
Pour notre part, nous estimons au contraire que toute conduite addictive, qu'il s'agisse d'ailleurs de drogues ou d'alcool, relève de la santé publique, et donc de la médecine. C'est pourquoi nous préconisons la mise en place de différents dispositifs de dépistage et d'aide, seuls outils d'une véritable politique de prévention.
Nous proposons donc que les entreprises de transport public organisent des formations obligatoires à destination des salariés sur le thème de la santé et de la sécurité. Cela se pratique déjà, certes, mais il faut que ces formations soient vraiment à la hauteur des enjeux.
Nous voudrions en outre que les salariés puissent consulter la médecine du travail aussi souvent qu'ils le souhaitent, et non pas uniquement au moment de la visite annuelle.
Enfin, les salariés dépendants d'une drogue sont, à notre sens, les premières victimes de ce qui leur arrive ; ils ne doivent en aucun cas être sanctionnés ou pénalisés pour un comportement qui relève, selon nous, de la maladie. À cet égard, il faut faire confiance à tous ceux qui sont confrontés à ces problèmes, notamment les médecins, pour savoir véritablement discerner les cas relevant d'un traitement médical.
Il faudrait pouvoir envisager, pour ces salariés, des possibilités de reclassement ou d'aménagement de leurs conditions de travail, en cohérence avec leur traitement ou leur prise en charge médicale, et non pas les vouer au licenciement, comme c'est malheureusement la plupart du temps le cas. Il convient, à mon avis, après un dialogue avec le salarié portant sur ses responsabilités et sur les enjeux de la situation, de lui donner une chance, afin que l'issue puisse être médicale et non pas pénale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sur le fond, je me garderai bien de contester l'intérêt des dispositions présentées par M. Fischer.
Cependant, je constate qu'elles ne sont pas codifiées, que leur champ excède largement celui du présent projet de loi et qu'elles devraient, de toute manière, faire l'objet d'une concertation préalable avec les partenaires sociaux.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Monsieur Fischer, je vous rappelle que l'article 28 du présent projet de loi tend à permettre, sur réquisitions du procureur de la République, de procéder à un dépistage de la consommation de produits stupéfiants auprès des employés des sociétés de transport public de voyageurs.
Vous souhaitez, en réalité, substituer à ce dépistage une sensibilisation de ces employés aux problèmes de santé et de sécurité, ainsi qu'un suivi médical. Or la médecine du travail joue déjà ce rôle : il lui appartient d'assurer un suivi dans ce domaine, et surtout une prévention.
Je soulignerai tout d'abord que la consommation de produits stupéfiants par les conducteurs de véhicules de transport public de voyageurs est une infraction à la loi pénale. Surtout, elle peut mettre en danger la vie même des passagers.
Par conséquent, la sensibilisation des salariés aux questions de santé et de sécurité, qui incombe à tout chef d'entreprise sans que la loi ait à intervenir, ne constitue pas, à nos yeux, une réponse satisfaisante. On imagine mal, d'ailleurs, pour être tout à fait concret, que les conducteurs de véhicules de transport public de voyageurs ne soient pas conscients des dangers de la consommation de produits stupéfiants.
C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à votre amendement, monsieur Fischer, même s'il comprend vos motivations. Nous ne souhaitons pas qu'il y ait substitution de la sensibilisation à la répression.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, vous avez reprécisé la philosophie de l'article 28. Cependant, chaque cas concret doit faire l'objet d'un traitement particulier, d'autant que, même si les accidents marquent toujours profondément les esprits, quelle qu'en soit d'ailleurs la cause, seule une infime minorité de salariés est concernée par des problèmes liés à la consommation d'alcool ou de drogues.
Nous pensons donc, connaissant l'action menée en matière de prévention et de sécurité tant par les chefs d'entreprises que par les organisations syndicales, qu'il est possible d'aller plus loin. Mais il ne s'agit en aucun cas, pour nous, de mettre en cause la sécurité des personnes transportées.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 217.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 28
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L'article L. 3421-1 est complété par les trois alinéas suivants :
« Si l'infraction punie à l'alinéa précédent est commise, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 € d'amende.
« Si la même infraction est commise par les personnels d'une entreprise de transport public de voyageurs, terrestres, maritimes ou aériens, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, sont également encourues les peines complémentaires d'interdiction définitive d'exercer une profession ayant trait au transport public de voyageurs et l'obligation d'accomplir, le cas échéant à leurs frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants.
« Un décret en Conseil d'État fixe la liste des personnels des entreprises de transport public de voyageurs soumis aux présentes dispositions. » ;
2° L'article L. 3421-4 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les provocations prévues au premier alinéa dirigées vers un mineur ou commises dans des établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration et aux abords de ceux-ci lors des entrées ou des sorties sont punies de dix ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende. » ;
b) L'article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes coupables des délits prévus par le présent article encourent également la peine complémentaire d'obligation d'accomplir, le cas échéant à leurs frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants. » ;
3° Après l'article L. 3421-4, il est inséré deux articles ainsi rédigés :
« Art. L. 3421-5. - Sur réquisitions du procureur de la République, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre ou la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés à l'article 20 et au 1° de l'article 21 du code de procédure pénale sont habilités, aux fins de rechercher et de constater le délit prévu au troisième alinéa de l'article L. 3421-1, à entrer dans les lieux où s'exerce le transport public de voyageurs, terrestre, maritime ou aérien, ainsi que dans leurs annexes et dépendances, sauf s'ils constituent un domicile, en vue de :
« 1° Contrôler l'identité des personnes présentes, pour déterminer celles relevant des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 3421-1 ;
« 2° Procéder auprès de ces personnes, s'il existe à leur encontre une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont fait usage de stupéfiants, à des épreuves de dépistage en vue d'établir la commission du délit recherché.
« Lorsque ces épreuves de dépistage se révèlent positives ou lorsque la personne refuse ou est dans l'impossibilité de les subir, les officiers ou agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints font procéder aux vérifications destinées à établir la preuve de l'usage de produits stupéfiants.
« Les vérifications visées à l'alinéa précédent sont faites au moyen d'analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques. En pareil cas, un échantillon est conservé dans des conditions adéquates.
« Les réquisitions du procureur de la République sont écrites, présentées aux personnes intéressées à leur demande, et précisent qu'elles ont pour but la recherche de l'infraction prévue au troisième alinéa de l'article L. 3421-1. Ces réquisitions sont prises pour une durée maximum d'un mois et précisent les locaux où se déroulera l'opération de contrôle ainsi que les dates et heures de chaque intervention.
« Les mesures prises en application du présent article font l'objet d'un procès-verbal remis à l'intéressé.
« Art. L. 3421-6. - I. - Le fait de refuser de se soumettre aux vérifications prévues par l'article L. 3421-5 est puni de deux ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende.
« II. - Les personnes physiques coupables de ce délit encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° La suspension pour une durée de trois ans au plus du permis de conduire ; cette suspension peut être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ; elle ne peut être assortie du sursis, même partiellement ;
« 2° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans au plus ;
« 3° La peine de travail d'intérêt général selon les modalités prévues à l'article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code ;
« 4° La peine de jour-amende dans les conditions fixées aux articles 131-5 et 131-25 du code pénal ;
« 5° L'interdiction pour une durée de cinq ans au plus d'exercer une profession ayant trait au transport de voyageurs ;
« 6° L'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants. »
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.
M. Jean Desessard. Je parlerai au nom de Mme Boumediene-Thiery, qui ne peut être parmi nous ce matin.
Le paragraphe 1° de l'article 28 du projet de loi entraîne, pour certaines catégories de personnes et dans certains lieux, une aggravation inacceptable des peines liées à l'usage de stupéfiants. Il est en effet prévu que, si l'infraction d'usage illicite de substances ou de plantes classées stupéfiants est commise par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, les peines, qui sont actuellement de un an de prison et 3 750 euros d'amende, sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.
Dans le cas où cette même infraction est commise par les personnels d'une entreprise de transport public, une peine complémentaire prévoyant l'interdiction définitive d'exercer une profession ayant trait au transport public de voyageurs peut être prononcée.
Nous remarquons tout d'abord que ces dispositions concernent uniquement les usagers de drogues illicites, et en aucun cas ceux de la première des drogues licites, l'alcool. Elles sont proprement inacceptables et contreproductives.
Elles sont inacceptables, car nous sommes censés traiter ici de prévention. Or, encore une fois, vous vous bornez à présenter des propositions essentiellement répressives et vous dégainez l'arme privilégiée de votre arsenal : l'aggravation des peines.
En quoi le fait de placer une personne, pendant cinq ans, dans ces lieux indignes pour la République que sont les prisons françaises contribuera-t-il à prévenir la délinquance ? En rien !
Dans la majorité des cas, vous allez au contraire placer un simple usager d'ecstasy, de cocaïne ou de cannabis dans une situation criminogène, car, loin d'être privé de drogues - celles-ci, rappelons-le, ne sont pas absentes des prisons -, il apprendra mille et une manières d'acquérir, de transformer et de vendre ces produits.
Un pallier supplémentaire est franchi dans l'inacceptable avec cette peine complémentaire d'interdiction définitive d'exercer une profession ayant trait au transport public de voyageurs.
Pourquoi prendre une telle mesure ? De quel droit ? Quel est le but recherché lorsqu'une personne emprisonnée pendant cinq ans et condamnée à payer une amende pouvant atteindre 75 000 euros se voit, en plus, interdire définitivement d'exercer le travail pour lequel elle a été formée ? Une telle mesure, dont l'effet dissuasif est nul pour tous les types de crimes, sera encore plus inefficace dans le contexte de la pathologie dont souffrent les usagers de drogues.
Pis, cette mesure constitue une autre sorte de double peine. En effet, cette personne, condamnée pénalement, l'est aussi socialement et économiquement, puisqu'elle ne peut plus exercer son métier. Que devra-t-elle faire ? L'incitez-vous à devenir dealer pour gagner sa vie et faire vivre sa famille ?
Monsieur le ministre, ces dispositions sont contraires au principe d'égalité. En effet, pourquoi viser uniquement les usagers de drogues illicites ?
Vous me répondrez que ces personnes sont responsables de la vie d'autrui. Certes, mais, dans ce cas, pourquoi ne pas étendre ces dispositions aux chirurgiens qui nous opèrent, aux architectes qui bâtissent nos maisons, voire aux ministres qui nous gouvernent ?
Les Verts ne peuvent tolérer une telle rupture d'égalité. Si le Conseil constitutionnel n'invalide pas votre projet de loi pour inconstitutionnalité, nous sommes prêts à porter le débat au niveau européen.
Mais cet article comporte d'autres dispositions liberticides. Ainsi, le paragraphe 3° tend à autoriser les officiers de police judiciaire, sur réquisitions du procureur de la République valables pendant un mois, à « entrer dans les lieux où s'exerce le transport public de voyageurs, terrestre, maritime ou aérien, ainsi que dans leurs annexes et dépendances » en vue, notamment, de « procéder auprès de ces personnes, s'il existe à leur encontre une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont fait usage de stupéfiants, à des épreuves de dépistage en vue d'établir la commission du délit recherché. »
Nous sommes ici dans l'incertitude et le flou absolus, ce qui laisse la porte ouverte à l'arbitraire.
Qu'entendez-vous donc par « raisons plausibles de soupçonner » ? Comment cela s'apprécie-t-il ?
Par ailleurs, cette disposition, qui figurait déjà dans les versions antérieures du présent projet de loi, risque de se situer hors du cadre légal.
Selon la Ligue des droits de l'homme, la Chancellerie, interrogée par le ministère de l'intérieur, a d'ailleurs émis, dans une note en date du 7 mars 2006, d'importantes réserves « sur la constitutionnalité des dispositions de l'article 25, [numéro de l'article alors qu'il ne s'agissait que d'un avant-projet de loi] ».
Ces dispositions violent le principe de proportionnalité posé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui dispose que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ».
M. le président. Je suis saisi de treize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 218 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 274 est présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 218.
M. Guy Fischer. L'article 28 prévoit l'aggravation des sanctions pénales prises à l'encontre des salariés qui feraient usage de stupéfiants. À cet effet, le procureur de la République pourrait autoriser la police à intervenir à tout moment dans les entreprises afin de procéder à des examens de dépistage d'utilisation d'alcool, de stupéfiants ou d'autres produits interdits.
Certes, tout le monde en convient, le dépistage préventif de l'utilisation de substances dangereuses est une très bonne chose.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah !
M. Guy Fischer. Mais avec cette disposition, une fois encore, nous sortons du cadre de la prévention pour entrer dans celui de la répression.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Guy Fischer. En effet, cet article ne vise pas à s'assurer de la santé des salariés ou de la sécurité des usagers des transports. Je rappelle pourtant que l'un des points faibles de notre pays en matière de santé publique est la prévention, et ce n'est pas M. About qui me contredira. Il s'agit ici d'apporter une réponse particulièrement répressive aux problèmes des salariés victimes d'addiction.
Or les salariés des transports sont déjà soumis à un certain nombre de règles très strictes, contraignantes, visant - et c'est légitime - à assurer la sécurité des usagers. Ils doivent ainsi subir de nombreux contrôles dont les conséquences sont importantes, puisqu'ils peuvent perdre leur habilitation, ce qui entraîne le plus souvent leur licenciement.
Le fait d'accroître le dispositif de sanctions visant ces salariés n'aura aucun effet sur le douloureux problème de la dépendance aux drogues, qui relève du domaine de la maladie. Les réponses que l'on doit y apporter doivent donc rester d'ordre médical, ce que ne prévoit malheureusement pas cet article.
Par ailleurs, en ce qui concerne les règles d'habilitation d'accès, notamment dans les transports aériens, les récentes évolutions montrent clairement les incohérences de la majorité sur cette question.
L'utilisation des fichiers STIC et JUDEX, qui peut permettre le retrait du badge d'accès, est très contestable, à tel point que les règles appliquées semblent parfois relever de l'arbitraire et du bon vouloir du préfet.
Surtout, la détérioration croissante des conditions de travail, en particulier le recours accru à la flexibilité, est l'une des premières causes d'insécurité dans les transports. Le recours massif aux emplois précaires, et notamment aux intérimaires, bien souvent confrontés à un problème de formation et d'expérience, conduit en effet à un turn-over particulièrement élevé dans ces secteurs d'activité.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l'amendement n° 274.
M. Jean-Pierre Michel. Nous demandons également la suppression de cet article, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, mises à part une ou deux dispositions, cet article totalement répressif nous semble démagogique.
Croit-on vraiment que l'on empêchera que des personnes se droguent ou « dealent » en augmentant de façon considérable les peines de prison et les amendes visant certaines catégories de personnes investies de l'autorité publique ou exerçant leur activité professionnelle dans le domaine du transport ? Cette mesure est totalement démagogique.
Les dispositions de l'article L. 3421-5, surtout, nous semblent graves. Les sénateurs socialistes n'ont pas déposé d'amendements en commission des lois, mais, comme l'a dit l'excellent représentant du Gouvernement, nous avons tout le temps puisqu'il y aura plusieurs lectures de ce texte. Il nous faudra donc y revenir.
Cet article dispose que, sur réquisitions du procureur de la République - personnellement, je préfèrerais une ordonnance d'un juge des libertés, par exemple -, la police peut faire des perquisitions dans tous les « lieux où s'exerce le transport public de voyageurs », « sauf s'ils constituent un domicile ».
Premièrement, il n'est pas précisé si ces perquisitions pourront avoir lieu de jour et de nuit. La question se pose.
Deuxièmement, qu'entend-on par « les lieux » ?
Sont concernés le métro parisien, les aéroports et les gares. Cela signifie que, si on applique cet article de façon large, sur simple réquisition du procureur de la République ou d'un substitut, des policiers pourront interpeller en ces lieux toute personne, et pas seulement les salariés qui participent au transport. Toutes les personnes présentes dans le métro, les aéroports et les halls de gare pourront donc être soumises à des contrôles, afin de déterminer si elles sont susceptibles de relever de ces dispositions, et se voir imposer des mesures de dépistage.
Cet article est donc absolument inacceptable en l'état. Je souhaite que, dans la suite de nos débats et de nos lectures, nos collègues de l'Assemblée nationale puissent le modifier.
Certes, figurent également dans ce texte d'autres dispositions qui tendent à prévoir, non plus une aggravation des peines de prison et d'amendes, qui ne sert strictement à rien, mais des mesures d'interdiction professionnelle, ce qui est très positif, notamment lorsque les salariés visés sont chauffeurs de bus ou pilotes d'avion. Une telle interdiction pourrait d'ailleurs être étendue à ceux d'entre eux qui font un usage immodéré de l'alcool.
La mesure qui concerne l'incitation des mineurs à la sortie des établissements scolaires, dont nous savons tous qu'elle représente un grave problème, est également acceptable.
Cependant, les dispositions exclusivement répressives contenues dans cet article nous incitent à demander sa suppression.
M. le président. L'amendement n° 166, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les articles L. 3421-1 à L. 3421-4 du code de la santé publique sont abrogés.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. La prise en compte de la problématique de l'usage des stupéfiants ne peut passer par la répression.
La France, à l'instar de nombreux pays européens, doit dépénaliser la consommation de drogues et mettre en place une réelle politique nationale de réduction des risques. En effet, la question du traitement des conduites addictives relève avant tout d'une politique de santé publique.
Les villes européennes ont presque toutes adopté, en la matière, une politique dite de « réduction des risques liés à l'usage des drogues ». La France, quant à elle, reste le pays le plus répressif d'Europe. Elle est le principal obstacle à une politique européenne alternative en matière de drogue.
L'Europe a les moyens de mettre en oeuvre une politique sanitaire, sociale et sociétale, alternative à une politique sans cesse plus répressive et dont les résultats sont catastrophiques.
La répression, qui représente une aubaine pour les trafiquants et transforme les usagers en marginaux, ne fait qu'augmenter le trafic. Nous devons en finir avec la pénalisation de l'usage privé de drogues.
La prévention est la seule arme efficace contre l'usage de l'alcool, du tabac, du cannabis et des autres substances dangereuses pour la santé. Le simple usage de drogues ne doit plus conduire en prison, sauf s'il met en danger la vie d'autrui. Il convient donc de définir en quelle « petite » quantité ces substances sont assimilables à la consommation.
Quelque 90 000 usagers sont interpellés chaque année, dont plus de 80 % pour usage de cannabis. Cette action n'est utile en termes ni de santé publique ni de sécurité publique. La police doit se consacrer essentiellement à la lutte contre le trafic. C'est l'une des conclusions à laquelle les Britanniques sont parvenus en incitant à dépénaliser l'usage du cannabis et à le déclasser de la liste des psychotropes interdits.
Il est urgent d'appliquer cette mesure en France. La prohibition des drogues engendre, outre des mafias redoutables, une circulation massive d'argent sale que l'on est bien impuissant à contrôler, et une délinquance internationale qui alimente une délinquance locale.
Si l'on veut combattre efficacement ces trafics dangereux à tous points de vue, il faut commencer par transformer les modalités répressives de la loi contre les usagers, renforcer une présence policière de proximité destinée à démanteler les trafics locaux, favoriser l'assistance médicosociale, et inventer avec les consommateurs de nouveaux modes de gestion des drogues.
Qu'il s'agisse de médicaments, d'alcool, ou d'héroïne, ces produits sont dangereux et il faut apprendre à les contrôler.
La stratégie à adopter s'agissant des politiques de réduction des risques en Europe consiste à expérimenter de nouveaux modes de gestion des drogues - usage, contrôle, soins et approvisionnement - adaptés à chaque type de produit.
Nous sommes favorables à une interdiction de la publicité sur toutes les drogues, mais également au développement d'une information fiable et responsabilisante, d'une prévention, générale - école, affichage - et spécifique par rapport aux usagers des drogues et aux populations à grands risques.
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 1° de cet article :
1° L'article L. 3421-1 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les personnes coupables de ce délit encourent également, à titre de peine complémentaire, l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1 du code pénal.
« Si l'infraction est commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, ou par le personnel d'une entreprise de transports terrestres, maritimes, aériens, de marchandises ou de voyageurs, exerçant des fonctions mettant en cause la sécurité du transport dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75.000 euros d'amende. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à soumettre tous les personnels des entreprises de transport à une circonstance aggravante en cas d'usage de stupéfiants dans l'exercice de leurs fonctions, que leur entreprise remplisse ou non une mission de service public et que le transport concerne des marchandises ou des voyageurs.
Le chauffeur d'un autocar de tourisme doit en effet, selon nous, être soumis aux mêmes obligations qu'un conducteur de bus en ville.
L'amendement précise, en outre, que cette circonstance aggravante ne concerne que les personnels des entreprises de transport exerçant des fonctions mettant en cause la sécurité du transport.
Il supprime enfin les dispositions relatives aux peines complémentaires encourues en cas d'usage aggravé, celles-ci étant revues et regroupées au II de l'article L. 3421-6 du code de la santé publique par un amendement ultérieur. Pour ce qui est de l'usage simple, il est prévu un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants.
M. le président. L'amendement n° 94, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour compléter l'article L. 3421-1 du code de la santé publique, remplacer les mots :
terrestres, maritimes ou aériens
par les mots :
terrestre, maritime ou aérien
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. L'amendement n° 41, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. Remplacer les quatre premiers alinéas du 2° de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
2° L'article L. 3421-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
II. Compléter cet article par un paragraphe II ainsi rédigé :
II. - Le code pénal est ainsi modifié :
1° L'article 227-18 est ainsi rédigé :
« Art. L. 227-18 - Les provocations directes à faire un usage illicite de stupéfiants dirigées vers un mineur ou commises dans des établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, et aux abords de ceux-ci, sont punies de sept ans d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende.
« Les personnes coupables de ce délit encourent également la peine complémentaire d'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1. »
2° L'article 227-18-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 227-18-1 - Les provocations directes à transporter, détenir, offrir ou céder des stupéfiants dirigées vers un mineur ou commises dans des établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, et aux abords de ceux-ci, sont punies de dix ans d'emprisonnement et de 300.000 euros d'amende.
« Les personnes coupables de ce délit encourent également la peine complémentaire d'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1. »
III. En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :
I.-
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à clarifier les peines applicables aux provocations à l'usage ou au trafic de stupéfiants dirigées vers des mineurs ou commises dans des établissements scolaires, des administrations ou aux abords de ceux-ci.
En effet, le projet de loi vise à modifier l'article L. 3421-4 du code de la santé publique, qui réprime les provocations dirigées vers un majeur de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. Il porte ces peines à dix ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende lorsqu'elles sont dirigées vers un mineur ou commises dans un établissement scolaire, une administration ou leurs abords. Il prévoit, en outre, une peine complémentaire d'obligation de suivre un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des stupéfiants.
Or, le code pénal réprime déjà de tels comportements. Ainsi, à l'article 227-18, il est prévu cinq ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende pour un mineur de plus de quinze ans ; sept ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende pour un mineur de moins de quinze ans ou aux abords d'une école, s'agissant de la provocation à l'usage.
Quant à l'article 227-18-1, il prévoit sept ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende pour un mineur de plus de quinze ans, dix ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende pour un mineur de moins de quinze ans ou aux abords d'une école, s'agissant de la provocation au trafic.
Ces dispositions ne sont pas abrogées par le projet de loi qui, de plus, abaisse paradoxalement le niveau de l'amende dans certains cas. Il supprime, en outre, les distinctions entre les mineurs de plus et de moins de quinze ans, et prévoit un quantum d'emprisonnement identique, qu'il s'agisse de provocations à l'usage ou au trafic.
Cet amendement tend donc à supprimer la modification proposée de l'article L. 3421-4 du code de la santé publique, tout en ajoutant la peine complémentaire de stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants. Il précise que la circonstance aggravante concerne également les provocations commises dans ou aux abords des administrations, aux articles 227-18 et 227-18-1 du code pénal. Enfin, la suppression de la distinction entre les mineurs de plus ou moins de 15 ans est maintenue, ce qui devrait permettre de gagner en lisibilité en retenant les quanta de peine les plus sévères.
M. le président. L'amendement n° 95, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le a) du 2° de cet article pour insérer un alinéa après le premier alinéa de l'article L. 3421-4 du code de la santé publique, supprimer les mots :
lors des entrées ou des sorties
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. L'amendement de la commission des lois répondant à mes préoccupations, je considère que l'amendement n° 95 est défendu.
M. le président. L'amendement n° 178, présenté par M. Retailleau, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le b du 2° de cet article pour compléter l'article L. 3421-4 du code de la santé publique par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait pour une association de commettre une provocation prévue au premier alinéa, est puni d'une amende de 75 000 euros et, le cas échéant, du remboursement des subventions accordées par l'Etat. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 43, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. Dans le premier alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article L. 3421-5 du code de la santé publique, supprimer les mots :
public de voyageurs,
II. Supprimer la seconde phrase de l'antépénultième alinéa du même texte.
III. Compléter le même texte par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'État précise les modalités de vérification prévues au présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à préciser, par coordination, que les contrôles peuvent avoir lieu dans toutes les entreprises de transport, qu'il s'agisse ou non de voyageurs, et à prévoir un décret en Conseil d'État pour préciser les modalités de vérification au moyen d'analyses et d'examens médicaux, cliniques et biologiques.
M. le président. L'amendement n° 96, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la deuxième phrase du cinquième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article L. 3421-5 du code de la santé publique :
Les modalités de conservation des échantillons prélevés sont définies par décret.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à renvoyer au règlement les modalités de conservation des échantillons d'analyses et d'examens médicaux de dépistage de drogues. Nous répondons à la même préoccupation que la commission des lois.
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. Supprimer le II du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article L. 3421-6 du code de la santé publique.
II. Après le texte proposé par cet article pour l'article L. 3421-6, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. 3421-7. - Les personnes physiques coupables des délits prévus au second alinéa de l'article L. 3421-1 et à l'article L. 3421-6 encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° La suspension pour une durée de trois ans ou plus du permis de conduire ; cette suspension ne peut pas être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ; elle ne peut être assortie du sursis, même partiellement ;
« 2° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans au plus ;
« 3° La peine de travail d'intérêt général selon les modalités prévues à l'article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code ;
« 4° La peine de jour-amende dans les conditions fixées aux articles 131-5 et 131-25 du code pénal ;
« 5° L'interdiction, soit définitive, soit pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une profession ayant trait au transport ;
« 6° L'interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n'est pas exigé, pour une durée de cinq ans au plus ;
« 7° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;
« 8° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants.
III. En conséquence, dans le onzième alinéa (3°) de cet article, remplacer le mot :
deux
par le mot :
trois
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à clarifier les peines complémentaires pouvant être prononcées en cas d'usage de stupéfiants aggravé ou de refus de se soumettre à des épreuves de dépistage.
Elles s'appliquent, contrairement à ce que prévoit le projet de loi, aux deux délits. La possibilité de prononcer des permis blancs est supprimée, ce qui est d'ailleurs déjà le cas actuellement. Cette interdiction doit être maintenue a fortiori lorsque l'infraction a été commise dans un cadre professionnel. L'interdiction d'exercer une profession liée au transport de voyageurs est étendue au transport de marchandises ; elle peut être soit définitive, soit temporaire.
Deux nouvelles peines complémentaires sont introduites par coordination avec les dispositions relatives à la conduite après usage de stupéfiants : l'interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur et l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière.
Enfin, il est précisé que le stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants est obligatoirement mis à la charge du condamné.
M. le président. L'amendement n° 97, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa (1°) du II du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article L. 3421-6 du code de la santé publique, remplacer les mots :
peut être limitée
par les mots :
ne peut pas être limitée
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à préciser que la suspension du permis de conduire pour usage de stupéfiant ne peut pas être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle, comme le texte l'indique à ce stade.
M. le président. L'amendement n° 42, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I.- Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II.- Le code de la route est ainsi modifié :
1° Le II de l'article L. 235-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 7° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants. »
2° Le II de l'article L. 235-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 7° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants. »
II.- En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :
I.-
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements qui n'émanent pas d'elle.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination, qui tend à introduire comme nouvelle peine complémentaire l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants pour tout conducteur ayant fait usage de stupéfiants ou ayant refusé de se soumettre à des épreuves de dépistage.
La commission est défavorable aux amendements de suppression n°s 218 et 274. Elle estime que les personnes dépositaires de l'autorité publique doivent être exemplaires. Il paraît assez naturel que la protection particulière dont elles bénéficient, par exemple en cas d'outrage et de violence, soit assortie d'une contrepartie.
S'agissant de l'amendement n° 166, déposé par nos collègues Verts, la commission respecte totalement les convictions de ses auteurs, qui proposent la dépénalisation de la consommation de drogue. Toutefois, la majorité de la commission ne les partageant pas, elle a émis un avis défavorable.
J'en arrive à l'amendement n° 94. Je suggère à M. le président About de bien vouloir le transformer en un sous-amendement à l'amendement n° 40.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, acceptez-vous la suggestion de M. le rapporteur ?
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Bien volontiers, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 94 rectifié, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 40 pour compléter l'article L. 3421-1 du code de la santé publique, remplacer les mots :
transports terrestres, maritimes, aériens
par les mots :
transport terrestre, maritime ou aérien
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement n° 94 rectifié.
Elle considère que les amendements n°s 95, 96 et 97 sont satisfaits par les amendements de la commission des lois.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je profite de cette occasion pour rappeler le sens de l'article 28.
Il prévoit, d'abord, l'aggravation des peines en cas d'usage de stupéfiants par un agent public ou par un agent d'une entreprise de transport de voyageurs.
Il vise, ensuite, la création d'une nouvelle peine, sous la forme d'un stage de sensibilisation aux dangers de la drogue.
Il tend, en outre, à aggraver la peine en cas de provocation à usage de drogue si le délit est commis contre un mineur ou dans un établissement administratif ou éducatif, ou près d'un établissement lors des entrées ou sorties.
Enfin, il prévoit la possibilité de procéder à des contrôles dans les locaux des entreprises de transport de voyageurs pour vérifier s'il y est fait usage de stupéfiants.
Si certaines de ces dispositions peuvent être améliorées, elles répondent, le Gouvernement en est convaincu, à des besoins incontestables.
S'agissant des transports, j'indique à la Haute Assemblée qu'une étude de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies de 2005 montre très clairement l'influence de la consommation de stupéfiants dans les accidents de la circulation, puisqu'il apparaît que 8 % des conducteurs responsables d'un accident mortel sont positifs au cannabis.
Le projet de loi est donc parfaitement cohérent avec le fait qu'il existe désormais, dans le code de la route, une infraction pour conduite sous l'emprise de produits stupéfiants et avec les articles du code pénal qui prévoient une aggravation des peines pour un conducteur coupable d'homicide ou blessures involontaires lorsqu'il a fait usage de stupéfiants.
Dans ces conditions, je suis défavorable aux amendements de suppression n°s 218 et 274 parce qu'ils refusent par principe toute évolution ou amélioration de notre dispositif législatif.
Je suis encore plus défavorable à l'amendement n° 166, qui réécrit l'article afin d'abroger les dispositions du code de la santé publique réprimant l'usage de stupéfiants.
Je le dis très clairement devant la Haute Assemblée, proposer la dépénalisation totale de l'usage de stupéfiants, c'est à la fois irresponsable et dangereux. Beaucoup ayant déjà été dit à l'occasion de ce débat, je ne reviendrai pas sur la politique du Gouvernement en la matière, sinon pour vous confirmer son opposition totale à cet amendement.
J'en viens à l'amendement n° 40, dont l'objectif est de permettre que la peine de sensibilisation s'applique à l'usage de stupéfiants non aggravé, tout en durcissant la répression en cas d'usage de stupéfiants par les agents des entreprises de transport de marchandises. Le Gouvernement y est favorable, car il améliore son texte.
De même, il est favorable au sous-amendement n° 94 rectifié.
S'agissant de l'amendement n° 41, le Gouvernement n'est pas opposé par principe à la proposition de la commission qui tend à ce que l'aggravation de la répression de la provocation à l'usage de stupéfiants soit prévue dans le code pénal, et non pas seulement dans le code de la santé publique, même si, à l'évidence, cela peut soulever certains problèmes qui pourront être résolus à l'occasion de la navette.
Cet amendement ne reprend pas la limitation prévue par le projet, qui existe déjà dans le code pénal et selon laquelle l'aggravation découlant de la commission des faits aux abords d'un établissement éducatif ou administratif ne joue que si les faits sont commis lors des entrées ou des sorties. Je l'ai rappelé en préambule.
Cette condition de temps, qui complète concrètement la condition de lieu, a été introduite lors des travaux préparatoires au Conseil d'État, sur la base d'une remarque qui dépasse le simple bon sens : il s'agit d'une question de nature constitutionnelle au regard du principe de légalité et de nécessité des peines.
Chacun comprend, en effet, qu'il n'y a aucune raison d'aggraver les peines encourues pour des faits commis, par exemple la nuit ou le week-end, à proximité d'une préfecture ou d'une école dont les locaux sont fermés. Chacun comprend aussi que l'aggravation ne doit pas jouer qu'entre huit heures moins cinq et huit heures cinq, midi et midi quinze, etc.
Il doit y avoir aggravation dès lors que la provocation intervient pendant les horaires auxquels l'établissement est ouvert et fonctionne, donc pendant les plages horaires où il y a à ses abords des allées et venues, remarque qui, là encore, me paraît relever du bon sens.
Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° 41, sous réserve de l'adjonction, dans les textes proposés pour les articles L. 227-18 et L. 227-18-1 du code pénal, des mots : « lors des horaires d'ouverture » après les mots : « aux abords de ceux-ci ».
L'amendement n° 95 étant satisfait, le Gouvernement en demande le retrait.
L'amendement n° 43 vise à étendre les vérifications pouvant être effectuées dans les entreprises de transport sur réquisition du procureur de la République aux entreprises de transport de marchandises et non plus seulement de voyageurs.
Le Gouvernement considère, monsieur le rapporteur, que cette extension serait sans doute un peu excessive au regard de l'objectif, raison pour laquelle il souhaiterait le retrait de cet amendement.
En revanche, il est favorable à l'amendement n° 96, qui prévoit qu'un décret précisera les modalités de conservation des échantillons recueillis lors de ces vérifications.
L'amendement n° 44, qui apporte une clarification quant aux peines complémentaires encourues par les personnes qui commettent l'infraction d'usage de produits stupéfiants avec circonstances aggravantes et celles qui assurent des activités de transport, complète de manière très judicieuse le texte : le Gouvernement y est favorable.
L'amendement n° 97, quant à lui, est satisfait par l'amendement n° 44.
Enfin, l'amendement n° 42 introduit dans le code de la route une peine complémentaire pour les conducteurs ayant fait usage de produits stupéfiants, qui devront accomplir un stage de sensibilisation. Le Gouvernement y est naturellement favorable.
M. le président. Monsieur le rapporteur, acceptez-vous de modifier l'amendement n° 41 dans le sens souhaité par M. le ministre et de retirer l'amendement n° 43 ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je suis tout à fait d'accord pour rectifier l'amendement n° 41 en y ajoutant, par deux fois, les mots : « lors des horaires d'ouverture », entendus au sens des horaires de fonctionnement.
Quant à l'amendement n° 43, il portait sur deux points ; le second reste valable, mais, puisqu'il est repris par un amendement de la commission des affaires sociales, c'est bien volontiers que je me rends à la demande de retrait du Gouvernement.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 41 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, qui est ainsi libellé :
I. Remplacer les quatre premiers alinéas du 2° de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
2° L'article L. 3421-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
II. Compléter cet article par un paragraphe II ainsi rédigé :
II. - Le code pénal est ainsi modifié :
1° L'article 227-18 est ainsi rédigé :
« Art. L. 227-18 - Les provocations directes à faire un usage illicite de stupéfiants dirigées vers un mineur ou commises dans des établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, et aux abords de ceux-ci lors des horaires d'ouverture, sont punies de sept ans d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende.
« Les personnes coupables de ce délit encourent également la peine complémentaire d'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1. »
2° L'article 227-18-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 227-18-1 - Les provocations directes à transporter, détenir, offrir ou céder des stupéfiants dirigées vers un mineur ou commises dans des établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, et aux abords de ceux-ci lors des horaires d'ouverture, sont punies de dix ans d'emprisonnement et de 300.000 euros d'amende.
« Les personnes coupables de ce délit encourent également la peine complémentaire d'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1. »
III. En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :
I.-
Par ailleurs, l'amendement n° 43 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 218 et 274.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 166.
M. Jean Desessard. M. le rapporteur a signalé de façon courtoise qu'il était opposé à la dépénalisation de l'usage des drogues, en particulier du cannabis, et, par conséquent, défavorable à cet amendement déposé par les sénatrices et le sénateur Verts.
En revanche, M. le ministre a répété par trois fois qu'il était contre, vraiment contre. Pourquoi une telle insistance si ce n'est pour démontrer qu'il est très moral sur cette question ?
Toutefois, monsieur le ministre, vous n'avez pas apporté de réponses sur l'argent sale, la corruption, la délinquance internationale, bref, sur tous les problèmes soulevés par le trafic de stupéfiants du fait de leur interdiction et dont il faudra bien un jour que l'on discute.
En attendant, on sait quelle formidable activité déploie le ministre de l'intérieur - qui trouve encore le temps de se déplacer aux Etats-Unis - et président de l'UMP...
Parmi les nouveaux amis politiques de ce dernier, il y a le rappeur Doc Gynéco, qui, dans une de ses chansons les plus populaires, répète ce refrain :
« J'aime la rouler, la feuille à rouler
« J'aime la fumer... »
Tout le monde aura compris ce qu'il voulait dire...
Il y aussi un autre chanteur, Johnny Hallyday, passé de la Chiraquie à la Sarkozie, qui confessait dans Le Monde du 7 janvier 1998 son usage de drogues, en particulier de cocaïne. Johnny récidivait récemment puisque, dans L'Express du 22 décembre 2005, il ajoutait : pour savourer l'écoute de l'opéra Carmina Burana, « je me cale dans mon fauteuil, je ferme les yeux et j'allume un joint ».
Vous pouvez être moral, monsieur le ministre, mais n'en faites pas trop quand même alors que vous avez des amis qui prônent la politique contraire !
M. Jean-Pierre Michel. Ils ont été guéris en adhérant à l'UMP !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 94 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 95 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 96.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 97 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 42.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 28, modifié.
(L'article 28 est adopté.)
Article 29
I. - Le code de la santé publique est modifié comme suit :
1° Les chapitres III et IV du titre II du livre IV de la troisième partie de ce code sont remplacés par les dispositions suivantes :
« CHAPITRE III
« INJONCTION THÉRAPEUTIQUE PAR LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE
« Art. L. 3423-1. - Le procureur de la République peut enjoindre à la personne ayant fait un usage illicite de stupéfiants de se soumettre à une mesure d'injonction thérapeutique prenant la forme d'une mesure de soins ou de surveillance médicale dans des conditions prévues par les articles L. 3413-1 à L. 3413-3.
« L'intéressé doit donner son accord écrit. S'il est mineur, cet accord est recueilli en présence de ses représentants légaux, ou ceux-ci dûment convoqués. La mesure prend effet à compter de sa notification à l'intéressé par le procureur de la République et sa durée est de six mois, renouvelable une fois selon les mêmes modalités.
« L'action publique n'est pas exercée à l'encontre des personnes qui se soumettent à la mesure d'injonction thérapeutique qui leur est ordonnée et la suivent jusqu'à son terme.
« De même, l'action publique n'est pas exercée à l'égard des personnes ayant fait un usage illicite de stupéfiants, lorsqu'il est établi qu'elles se sont soumises, depuis les faits qui leur sont reprochés, à une mesure de soins ou à une surveillance médicale adaptés, dans les conditions prévues par les chapitres II et IV du titre Ier du présent livre.
« Art. L. 3423-2. - Dans tous les cas prévus à l'article L. 3423-1, lorsque la conservation des plantes et substances saisies n'apparaît pas nécessaire, il est procédé à leur destruction par un officier de police judiciaire, sur la réquisition du procureur de la République.
« CHAPITRE IV
« INJONCTION THÉRAPEUTIQUE PAR LE JUGE D'INSTRUCTION ET LE JUGE DES ENFANTS
« Art. L. 3424-1. - Les personnes mises en examen pour les délits prévus par les articles L. 3421-1 et L. 3425-2 peuvent se voir notifier, par ordonnance du juge d'instruction ou du juge des enfants, une mesure d'injonction thérapeutique selon les modalités définies aux articles L. 3413-1 à L. 3413-3.
« L'exécution de cette ordonnance se poursuit, s'il y a lieu, après la clôture de l'information, les règles fixées par l'article 148-1 (deuxième à quatrième alinéas) du code de procédure pénale étant, le cas échéant, applicables.
« CHAPITRE V
« INJONCTION THÉRAPEUTIQUE PAR LA JURIDICTION DE JUGEMENT
« Art. L. 3425-1. - La juridiction de jugement peut, à titre de peine complémentaire, astreindre les personnes ayant commis le délit prévu par l'article L. 3421-1 à se soumettre à une mesure d'injonction thérapeutique, selon les modalités définies aux articles L. 3413-1 à L. 3413-3. Dans ce cas, l'autorité judiciaire mentionnée aux articles L. 3413-1 à L. 3413-3 est le juge d'application des peines.
« Art. L. 3425-2. - Le fait de se soustraire à l'exécution de la décision ayant ordonné une injonction thérapeutique est puni des peines prévues aux articles L. 3421-1 et L. 3425-1.
« Toutefois, ces sanctions ne sont pas applicables lorsque l'injonction thérapeutique constitue une obligation particulière imposée à une personne qui a été condamnée à une peine d'emprisonnement assortie du sursis avec mise à l'épreuve ou du sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général. » ;
2° L'article L. 3842-2 est abrogé.
II. - Au 3° de l'article 132-45 du code pénal sont ajoutées les dispositions suivantes :
« Cette mesure peut consister en l'injonction thérapeutique prévue par les articles L. 3413-1 à L. 3413-4 du code de la santé publique, lorsque les circonstances de fait ou de droit font apparaître que le condamné fait usage de stupéfiants ou fait une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques ; ».
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 219 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 275 est présenté par MM. Godefroy et Peyronnet, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 219.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Introduire la nécessité d'un accord écrit en cas d'injonction thérapeutique relève presque de la farce.
Le cadre dans lequel l'injonction thérapeutique est mise en place ne laisse en effet que peu de choix pour la personne ayant fait un usage illicite de stupéfiants, et je ne vois d'ailleurs pas comment celle-ci pourrait s'opposer à la mesure qui lui sera prescrite !
Cet accord écrit apparaît comme une forme de paternalisme ou de mise sous tutelle insidieuse des personnes, ce qui nous semble parfaitement malvenu.
De plus, dans cet article, l'injonction thérapeutique peut s'adresser à un mineur. Cette uniformisation des procédures est, une fois encore, le moyen de détruire l'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs.
Cet alignement du traitement des mineurs toxicomanes sur les majeurs met une fois de plus en cause la spécificité de la justice des mineurs.
Cette mesure est d'autant plus injustifiée que la prise en charge des mineurs ayant fait un usage illicite de stupéfiants existe déjà puisqu'ils peuvent être placés dans un établissement médical ou médico-pédagogique adapté.
Enfin, dernier point d'ailleurs retenu par la commission des lois, nous nous opposons à l'introduction d'une limitation de la durée de l'injonction thérapeutique à six mois renouvelable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l'amendement n° 275.
M. Jean-Pierre Michel. Nous demandons également la suppression de cet article, qui relève d'une approche répressive et qui, comme l'article 27, tend à l'élargissement de la définition de l'injonction thérapeutique, dont il modifie totalement le contenu.
Désormais, l'alternative thérapeutique consistera non plus à suivre une cure de désintoxication ou à se placer sous surveillance médicale, mais à se soumettre à une mesure de soins ou de surveillance médicale, ce qui est bien différent.
Par ailleurs, l'article 29 accroît encore les difficultés qui existent aujourd'hui entre l'autorité judiciaire et les autorités sanitaires, donc le conflit entre le répressif et le sanitaire.
L'autorité médicale devra justifier ses diagnostics et ses décisions auprès de l'autorité judiciaire. Les médecins comme tous les soignants qui exercent dans ce domaine sont révoltés par cette orientation qui aura pour effet de leur faire perdre la confiance des toxicomanes qui viennent se soigner chez eux, soit volontairement, soit à la suite d'une injonction prononcée par l'autorité judiciaire.
Comme je le disais tout à l'heure, il apparaît clairement que, si l'on veut réformer la loi de 1970, c'est l'ensemble des aspects répressifs mais aussi des aspects sanitaires et sociaux liés à l'usage des drogues qui doivent être pris en compte, et non la seule question qui est ici posée, à savoir celle du sevrage.
M. le président. L'amendement n° 47 rectifié bis, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 342-1 du code de la santé publique.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement a deux objets.
D'une part, il tend à supprimer la limitation de l'injonction thérapeutique à une durée de six mois renouvelable une fois introduite par le projet de loi, limitation qui nous paraît dépourvue de fondement s'agissant d'un traitement médical au cours duquel les rechutes sont courantes.
D'autre part, il vise à supprimer l'exigence d'un accord du bénéficiaire de l'injonction thérapeutique, l'accord de l'intéressé n'étant actuellement pas requis et ne l'étant normalement pas s'agissant d'une alternative aux poursuites.
J'ajoute que, parmi les médecins que nous avons entendus, plusieurs ont fait valoir que l'injonction thérapeutique permettait parfois de transformer l'attitude du malade et de l'amener à l'adhésion.
M. le président. L'amendement n° 98, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le 1° du I de cet article pour l'article L. 3423-1 du code de la santé publique :
« L'intéressé doit donner son accord écrit. Lorsqu'il est mineur, son avis favorable et l'accord écrit de ses représentants légaux sont requis.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. La position de la commission des affaires sociales sera, bien sûr, très différente selon le sort qui sera réservé à l'amendement n° 47 rectifié bis.
Si l'on s'en tient au texte fourni par le Gouvernement, qui rend nécessaire un accord, il s'agit d'assurer l'efficacité de l'injonction thérapeutique et l'adhésion du toxicomane est requise. Dans l'optique retenue par la commission des lois, l'accord de ce dernier n'est pas nécessaire : l'injonction est une décision prise par le procureur est n'est qu'une alternative aux poursuites.
J'attends donc de connaître la position du Gouvernement pour décider du maintien ou du retrait de l'amendement n° 98, qui précise que, dans le cas d'un mineur, celui-ci ne pouvant consentir, ce sont son adhésion et l'accord de ses représentants légaux qui sont recherchés.
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Avant le 2° du I de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
2° A Dans l'article L. 3842-1, les références : « des articles L. 3842-2 et L. 3842-4 » sont remplacées par la référence : « de l'article L. 3842-4 ».
L'amendement n° 46, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du II de cet article, remplacer les mots :
Cette mesure peut
par les mots :
Ces mesures peuvent
et les mots :
lorsque les circonstances de fait ou de droit font apparaître
par les mots :
lorsqu'il apparaît
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces deux amendements et pour donner l'avis de la commission sur les amendements qui n'émanent pas d'elle.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 45 est un amendement de coordination.
Quant à l'amendement n° 46, il est rédactionnel.
La commission est défavorable aux amendements de suppression nos 219 et 275 : contrairement à leurs auteurs, nous estimons que les nouvelles règles en matière d'injonction thérapeutique, notamment la possibilité qu'elle intervienne à tous les stades de la procédure pénale, constituent un progrès notable.
En ce qui concerne l'amendement n° 98, si le premier point est satisfait par l'amendement n° 47 rectifié bis de la commission, le second, comme cela a été dit tout à l'heure, est incompatible.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. L'article 29 constitue, à l'évidence, une disposition essentielle du projet de loi.
En effet, il précise et il améliore les dispositions relatives à l'injonction thérapeutique telles qu'elles figurent dans le code de la santé publique et le code pénal, afin que cette mesure soit plus facilement ordonnée à toutes les phases de la procédure par le parquet, le juge d'instruction, le juge des enfants et la juridiction du jugement.
L'injonction thérapeutique est ainsi étendue aux personnes ayant commis une infraction dans des circonstances qui révèlent une tendance à l'alcoolisme, ce qui, personne ne le contestera, paraît particulièrement opportun.
Compte tenu de l'intérêt et de l'utilité de cette disposition, le Gouvernement est bien évidemment défavorable aux amendements de suppression nos 219 et 275.
J'ajoute, pour être tout à fait complet, que, très honnêtement, je ne comprends pas comment l'on peut s'opposer à l'extension de l'injonction thérapeutique.
S'agissant de l'amendement n° 47 rectifié bis tendant à supprimer, d'une part, la nécessité de l'accord écrit de la personne faisant l'objet de l'injonction thérapeutique et, d'autre part, la présence de ses parents pour un mineur, le Gouvernement y est favorable dans la mesure où ces deux conditions conduiraient soit à un excès de formalisme dont la lourdeur pourrait retarder la mise en oeuvre de la procédure, soit à l'ajout d'une précision inutile, puisque les parents d'un mineur doivent toujours être convoqués, et ce en application des dispositions générales de l'ordonnance de 1945.
Par ailleurs, cet amendement vise également à supprimer la limitation de la durée de l'injonction thérapeutique qui, selon les termes du projet de loi, est de six mois, renouvelable une fois. Or il est évident que les soins peuvent durer plus d'un an ; il faut, en effet, parfois plusieurs années pour qu'un drogué décroche - compte tenu, notamment, des rechutes, ainsi que nous le savons les uns et les autres - et il arrive même que ce soit un échec total, la personne ne pouvant jamais sortir de sa dépendance.
C'est pourquoi il nous paraît souhaitable que l'injonction thérapeutique, ordonnée et contrôlée par l'autorité judiciaire, se poursuive jusqu'à la guérison de l'intéressé. Il appartiendra donc à l'autorité judiciaire de fixer la durée pendant laquelle la personne devra se soumettre à cette injonction thérapeutique en vue d'obtenir l'extinction de l'action publique.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Pour ce qui est de l'amendement n° 98, le Gouvernement ne peut y être favorable, pour les raisons mêmes que je viens d'exposer concernant l'amendement n° 47 rectifié bis, en ce qu'il prévoit d'exiger un accord écrit, soit de l'intéressé lui-même, soit, si celui-ci est mineur, de ses parents.
J'observe que le fait d'exiger l'accord écrit des parents aurait pour conséquence - au cas où ceux-ci refuseraient l'injonction ou ne se donneraient tout simplement pas la peine de répondre, ce qui peut arriver - de n'offrir d'autre choix au procureur de la République que d'engager des poursuites contre le mineur.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement vous demande, monsieur About, de bien vouloir retirer cet amendement.
Enfin, le Gouvernement est favorable aux amendements nos 45 et 46 qui, en fait, coordonnent ou simplifient le texte du projet.
M. le président. L'amendement n° 98 est-il maintenu, monsieur About ?
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Non, monsieur le président, je le retire. De toute façon, il n'aura plus d'objet si l'amendement n° 47 rectifié bis est adopté.
M. le président. L'amendement n° 98 est retiré.
La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 219 et 275.
M. François Zocchetto. Je ne comprends pas très bien la logique qui sous-tend ces deux amendements dans la mesure où le fait de permettre au procureur de prononcer une mesure d'injonction de soins est, me semble-t-il, bien préférable à l'engagement de poursuites qui, aujourd'hui, est la seule possibilité d'action qui lui est offerte.
Or l'on sait que, le plus souvent, ce dernier n'engage pas de telles poursuites ou que, quand il le fait, il n'est pas suivi par les tribunaux, tant la législation dans cette matière, nous en convenons tous, est inapplicable et inappliquée.
C'est pourquoi j'avoue ne pas comprendre l'objet de ces amendements. En effet, dans mon esprit, la disposition proposée par le Gouvernement va tout à fait dans le bon sens en ce qu'elle permet aux personnes susceptibles de faire l'objet de poursuites de bénéficier de soins.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 219 et 275.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur l'amendement n° 47 rectifié bis.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement -c'est magnifique ! - a trouvé plus répressif que lui, à savoir la commission des lois, en particulier son président et son rapporteur !
Pour ma part, je pense que la commission se trompe.
Que l'on étende l'injonction thérapeutique, en donnant la possibilité au procureur d'y avoir recours, passe encore, même si nous avons proposé la suppression de cette disposition, considérant qu'elle ne devait pas figurer dans le présent texte. Mais cette mesure met fin à l'action publique. Par conséquent, l'imposer aux toxicomanes constitue, selon moi, un profond contresens.
En effet, si la personne convaincue de toxicomanie ne souhaite pas se faire soigner, croit-on qu'elle acceptera de se soumettre à l'injonction thérapeutique et au suivi des soins ? Personnellement, je ne le pense pas.
Et puis, si elle ne veut pas se soigner, tant pis pour elle ! Dans ce cas, l'action publique continuera. Je ne vois donc pas pourquoi on ne demanderait pas son accord à l'intéressé.
C'est la raison pour laquelle nous sommes profondément hostiles à l'amendement n° 47 rectifié bis, qui tend à supprimer l'accord de l'intéressé quand lui est proposée une injonction thérapeutique ; cette mesure représente une alternative aux poursuites, en y mettant fin, et lui permet, en outre, de se soigner.
Si cet amendement est adopté, le groupe socialiste reprendra à son compte l'amendement n° 98, que M. le président About a précipitamment retiré.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je ne crois pas avoir retiré cet amendement dans la précipitation, mon cher collègue, bien au contraire !
En matière d'injonction thérapeutique, le choix est laissé non pas aux toxicomanes eux-mêmes, mais au procureur qui devra opter pour cette injonction thérapeutique ou pour les poursuites.
Il lui appartiendra donc d'offrir sa chance au toxicomane, et si, dans certains cas, ce dernier n'adhère pas immédiatement à la démarche, petit à petit, comme l'indiquait le président Hyest, il se laissera probablement convaincre par les bienfaits de cette thérapeutique, qui constitue tout de même une alternative bien préférable aux poursuites.
De la même façon, j'ai parfaitement compris ce qu'a dit M. le ministre tout à l'heure, à savoir que le fait d'exiger l'accord des parents ne permettra pas au procureur, dans un certain nombre de cas, d'offrir l'injonction thérapeutique au jeune toxicomane.
Par conséquent, c'est éclairé par la commission des lois et le Gouvernement, ainsi que par les discussions que nous avons eues ensemble, que j'ai retiré l'amendement n° 98, considérant qu'il y allait de l'intérêt des toxicomanes eux-mêmes.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. Je voudrais simplement rappeler que l'injonction thérapeutique prononcée par le procureur constitue tout simplement une proposition. Dès lors, je ne vois pas pourquoi l'on devrait recueillir l'accord écrit de l'intéressé ! E quand bien même on le recueillerait, rien ne saurait obliger la personne concernée à se soigner.
Par conséquent, le fait de prévoir un accord écrit n'ajoute, selon moi, absolument rien au texte.
M. Guy Fischer. C'est très bien pour l'affichage !
M. le président. Je signale au groupe socialiste qu'il lui est impossible, à ce stade du débat, de reprendre l'amendement n° 98.
Je mets aux voix l'amendement n° 45.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 29, modifié.
(L'article 29 est adopté.)
Demande de priorité
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, pour la clarté des débats, je demande que soit examiné par priorité l'article 38, avant l'article 35.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, cet après-midi, doit avoir lieu à Matignon, sous la présidence de M. le Premier ministre, une réunion importante consacrée à la prévention de la délinquance, sujet dont débat actuellement le Parlement.
Dès lors, je vous demanderai une suspension de séance.
M. le président. Le banc du Gouvernement sera, j'en suis persuadé, occupé par le ministre compétent dans les matières dont nous aurons à discuter cet après-midi !
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant la reprise de nos travaux, je souhaite répondre à certains propos qui ont été tenus ce matin dans cet hémicycle, et dont on m'a rapporté la teneur.
Tout d'abord, je veux dire avec force que la justice est rendue à Bobigny. Quelques chiffres l'attestent : en 2005, 12 200 personnes y ont été condamnées, contre 10 000 en 2002. S'agissant des mineurs, le taux de réponse pénale est passé, sur la même période, de 72 % à plus de 83 %, et il correspond désormais à la moyenne nationale.
Je veux dire aussi au Sénat que cette progression a été rendue possible par le renforcement des moyens alloués au tribunal de Bobigny : depuis 2002, la majorité au pouvoir a accordé à cette juridiction 35 magistrats et 28 greffiers supplémentaires, ce qui a permis, par exemple, au procureur de la République de disposer au sein du parquet dont il a la charge d'une permanence qui fonctionne jour et nuit, samedis et dimanches compris.
Même si je sais qu'il reste des efforts à accomplir, je regrette qu'il ait fallu attendre l'année 2002 pour accorder à cette juridiction les magistrats et les greffiers dont elle avait besoin.
S'agissant de l'indépendance de la justice, je déplore que certains propos ne prennent pas en compte un aspect de cette question. L'indépendance de la justice n'est pas mise en cause lorsque les Français et leurs représentants s'interrogent sur le travail d'un tribunal, pourvu, toutefois, que ce soit avec mesure et impartialité.
En l'espèce, le fonctionnement du tribunal de Bobigny s'est amélioré, et cette juridiction, comme toutes les autres, doit continuer dans cette voie. Cependant, il faut lui en donner les moyens en poursuivant l'effort entrepris depuis 2002 et en élargissant l'éventail des mesures mises à la disposition des magistrats afin de lutter contre la délinquance, comme le prévoit le projet de loi que je défends aujourd'hui devant vous. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, applaudit.)
Rappels au règlement
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de vos propos, qui sont intéressants du point de vue de la solidarité gouvernementale, puisque nous entendons le garde des sceaux, ministre de la justice, critiquer à mots couverts les propos tenus par le numéro deux du Gouvernement, ministre d'État et ministre de l'intérieur.
Nous avons longuement évoqué cette question ce matin, et le président du groupe UMP du Sénat a cru bon d'en rajouter, alors qu'il était totalement « à côté de la plaque ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Jean-Pierre Michel. À la suite des déclarations de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, les plus hautes autorités judiciaires ont pris position de façon très claire et inhabituelle.
Le Premier président de la Cour de cassation - une autorité totalement indépendante - a dénoncé cette nouvelle atteinte portée à l'indépendance de l'autorité judiciaire par le ministre d'État, ministre de l'intérieur. Quant au procureur général près la Cour de cassation, qui est nommé en conseil des ministres...
M. le président. Cher collègue, sur quel article fondez-vous votre rappel au règlement ?
M. Jean-Pierre Michel. Sur l'ensemble du règlement, monsieur le président !
M. le président. Je ne vois pas en quoi votre intervention concerne le règlement du Sénat !
M. Jean-Pierre Michel. Je comprends que mes propos ne vous plaisent guère, puisque vous êtes avant tout membre de la majorité sénatoriale.
M. le président. Cela n'a rien à voir !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il ne fait qu'appliquer le règlement !
M. Jean-Pierre Michel. D'ailleurs, vous l'avez montré ce matin au travers de vos observations qui, de mon point de vue, étaient tout à fait déplacées.
Quant à M. Nadal, dis-je, procureur général près la Cour de cassation, il se rend cet après-midi même à Bobigny pour soutenir ses collègues du tribunal. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36 du règlement, car il n'est pas dépourvu de lien avec notre débat.
Monsieur le garde des sceaux, je me félicite de votre présence au Sénat cet après-midi. Je regrette qu'il n'en ait pas été de même ce matin : vous aviez d'autres occupations !
Ce matin, nous avons demandé que ce débat parlementaire soit reporté, car nous avons cru comprendre qu'une réunion au sommet rassemblait à Matignon les ministres concernés par le thème de la délinquance des mineurs. Or notre débat peut se trouver passablement infléchi par les déclarations faites par ces autorités hors du Parlement. Par parenthèse, cette réunion interministérielle à Matignon aurait pu être organisée avant la discussion du projet de loi par le Sénat.
Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie d'avoir réaffirmé devant le Sénat, comme vous en aviez le devoir, d'ailleurs, l'importance du principe de la séparation des pouvoirs. Toutefois, cela n'enlève rien au caractère inacceptable des propos d'un ministre de l'intérieur, qui est aussi ministre d'État, et qui, dès lors, engage le Gouvernement par ses déclarations.
Nous attendons donc du ministre d'État, ministre de l'intérieur, qu'il s'exprime, sinon pour s'excuser d'avoir tenu de tels propos, du moins pour reconnaître qu'il s'est trompé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, madame Borvo Cohen-Seat.
Mes chers collègues, je crois que nous nous félicitons tous de la déclaration de M. le garde des Sceaux.
Nous reprenons l'examen des amendements.
Nous en sommes parvenus à l'amendement n° 177 tendant à insérer un article additionnel après l'article 29.
Article additionnel après l'article 29
M. le président. L'amendement n° 177, présenté par M. Retailleau, est ainsi libellé :
Après l'article 29, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après les mots : « code pénal », la fin de l'article 2-16 du code de procédure pénale est supprimée.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article 30
L'article 41-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le quinzième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« 15° Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants ;
« 16° Se soumettre à une mesure d'activité de jour consistant en la mise en oeuvre d'activités d'insertion professionnelle ou de mise à niveau scolaire soit auprès d'une personne morale de droit public soit auprès d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées à mettre en oeuvre une telle mesure ;
« 17° Se soumettre à une mesure d'injonction thérapeutique, selon les modalités définies aux articles L. 3413-1 à L. 3413-4 du code de la santé publique, lorsque les circonstances de fait ou de droit font apparaître que le condamné fait usage de stupéfiants ou fait une consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques. » ;
2° L'antépénultième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables en matière de délits de presse, de délits d'homicides involontaires ou de délits politiques. Elles sont applicables aux mineurs âgés d'au moins treize ans, selon les modalités prévues par l'article 7-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 220, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 30 du projet de loi tend à modifier l'article 41-2 du code de procédure pénale, afin d'étendre les mesures de composition pénale.
Le procureur dispose actuellement de quatorze mesures susceptibles d'être proposées à la personne qui se trouve déférée devant lui. Nous nous étonnons donc du nombre considérable de mesures que le procureur pourra désormais prononcer dans le cadre d'une procédure qui, je le rappelle, n'est pas celle qui garantit le mieux les droits de la défense.
Des prérogatives de plus en plus nombreuses sont attribuées aux procureurs, au détriment non seulement de la juridiction de jugement, mais surtout des justiciables, puisque les mesures d'alternative aux poursuites, telles que la composition pénale, garantissent bien moins les droits de la défense que la procédure pénale ordinaire.
Il est vrai que la tendance n'est pas à garantir de manière effective les droits de la défense, aussi bien pour les majeurs que pour les mineurs, d'ailleurs. La preuve en est que l'article 30 du projet de loi autorise l'application de la procédure de composition pénale aux mineurs âgés d'au moins treize ans, alors qu'actuellement celle-ci est interdite pour les mineurs. Comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner au cours de l'examen de ce texte, nous sommes profondément hostiles à cette disposition.
Tout d'abord, nous ne pouvons accepter ce rapprochement entre la justice des majeurs et celle des mineurs. Prévoir les mêmes procédures pénales pour les uns comme pour les autres est contraire à la convention internationale des droits de l'enfant, que la France a tout de même signée, ainsi qu'à l'ordonnance de 1945, dont les principes ont une valeur constitutionnelle.
Ensuite, il est étonnant de proposer à des mineurs de conclure une transaction avec le procureur - car c'est ce que signifie la composition pénale -, alors que ceux-ci ne disposent pas encore de la capacité juridique de contracter.
C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression.
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. Rédiger comme suit le troisième alinéa du 1° de cet article :
« 16° Se soumettre à une mesure d'activité de jour selon les modalités définies à l'article 16 ter de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante;
II. Dans le cinquième alinéa de cet article, remplacer les mots :
lorsque les circonstances de fait ou de droit font apparaître
par les mots :
lorsqu'il apparaît
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. L'amendement n° 280, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le 2° de cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Pour les mêmes raisons que le groupe CRC, nous proposons la suppression du 2° de l'article 30.
En effet, ce dispositif a pour objet d'étendre aux mineurs la composition pénale qui a été introduite par la loi du 23 juin 1999. Or la composition pénale est une peine, puisqu'elle est inscrite au cahier judiciaire de l'intéressé. Elle est prononcée par le procureur de la République sans audience, sans débat contradictoire et, en particulier, sans dialogue préalable avec la personne à laquelle elle s'applique, en l'occurrence le mineur.
Aucune garantie n'est prévue dans ce texte pour prendre en compte l'état de minorité de la personne mise en cause, à l'exception de l'accord nécessaire des représentants légaux.
L'intervention préalable et obligatoire d'une enquête sur la personnalité du mineur n'est pas prévue, ne serait-ce que sous la forme d'une procédure de renseignement sociojudiciaire, qui pourrait être confiée à la protection judiciaire de la jeunesse.
Le juge des enfants, dont la fonction consiste à accompagner judiciairement l'évolution du mineur, se trouve cantonné dans un rôle d'homologation. Nous voyons que les propos tenus par certains trouvent ici une traduction législative, puisqu'il s'agit de contourner le juge des enfants et de permettre au procureur de la République de proposer une sanction contre des mineurs.
Sans préjuger de la décision qui sera rendue par le Conseil constitutionnel, cette mesure se heurte, me semble-t-il, au principe posé par cette haute juridiction dans sa décision du 29 août 2002, à savoir la primauté absolue de l'action éducative en matière de justice des mineurs. Le Conseil constitutionnel devra dire si la faculté laissée au procureur de la République de prononcer une composition pénale est compatible, ou non, avec les principes qu'il a énoncés précédemment.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 220 et 280 ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Depuis le début de nos travaux, je m'efforce de jouer mon rôle de rapporteur avec la discrétion qui est lui traditionnellement inhérente. Mais j'avoue que les propos que viennent de tenir nos collègues de l'opposition me choquent. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vraiment ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Et je ne voudrais pas que s'applique l'adage selon lequel qui ne dit mot consent.
Par conséquent, avant de donner l'avis de la commission sur les amendements, je tiens à rappeler certains éléments, même si ceux-ci me paraissent évidents.
Mes chers collègues, les faits sont têtus : la progression des crimes et délits a été de 14,5 % entre mai 1998 et avril 2002, tandis qu'entre mai 2002 et avril 2006, ils ont baissé de 8,8 %, et en particulier de 23,7 % pour la délinquance de voie publique.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Vous l'avez déjà dit !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La politique du Gouvernement a échoué !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je tiens à rendre ici un hommage appuyé à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, Nicolas Sarkozy, ainsi qu'à M. le garde des sceaux, Pascal Clément, pour le courage et la détermination avec lesquels ils ont su s'attaquer à l'insécurité.
M. Jean-Claude Peyronnet. Ils ne disent pas la même chose !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Plus généralement, je souhaite indiquer que je suis fier d'appartenir à une majorité qui a su accomplir un travail gigantesque pour préserver la tranquillité de nos concitoyens.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Et l'action éducative ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ce qui ne va pas dans votre sens vous gêne, chers collègues du groupe CRC !
M. Jean-Pierre Michel. Est-ce le rapporteur de la commission des lois qui s'exprime ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J'ai précisé tout à l'heure que, depuis le début de la discussion, j'avais fait preuve de la plus totale réserve et m'en étais tenu à mon rôle de rapporteur, mais que j'intervenais afin de ne pas donner à penser que mon silence valait assentiment.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est le militant qui intervient !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le terme de militant n'est pas une insulte, madame Borvo Cohen-Seat, loin s'en faut !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument ! Mais, ici, vous êtes rapporteur, vous n'êtes pas un militant ! Nous ne sommes pas à un meeting !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. S'agissant des amendements nos 220 et 280, la commission y est défavorable.
La procédure de composition pénale peut présenter un aspect pédagogique étant donné le temps que consacrera le délégué du procureur à expliquer les mesures et les éventuelles sanctions qui auront été prises. Elle est donc tout à fait adaptée aux mineurs de plus de treize ans.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est effrayant !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Nous sommes au début de l'après-midi et j'ai donc encore l'ambition de convaincre. (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas la nuit ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. La nuit, je risque d'être plus fatigué et de manquer d'ambition. Mais, à cette heure-ci, je suis encore d'une grande fraîcheur et j'espère vous convaincre.
M. Jean-Pierre Michel. Vous avez un certain talent pour cela !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je souhaite d'abord convaincre M. Michel car, en tant qu'ancien magistrat, il peut mieux qu'un autre, me semble-t-il, comprendre mes propos. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous autres, nous sommes stupides !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Non, mais il a été magistrat !
La composition pénale a été créée en 1999, alors que Mme Guigou était garde des sceaux. Cette mesure ne peut donc être mauvaise de votre point de vue ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) Il s'agit d'un circuit court qui prévoit des droits spécifiques pour la défense.
Cette procédure a été mise en place pour traiter la masse de contentieux que connaît notre société aujourd'hui ; c'est ce que l'on appelle la réponse pénale : doit-on tendre vers un haut niveau de réponse pénale ou, au contraire, faut-il considérer que l'on peut laisser plus d'une affaire impunie ? Nous le savons, la société n'est pas prête à accepter cette dernière solution : elle veut une réponse pénale.
Le concept de composition pénale, inventé par un gouvernement de gauche, est donc une bonne idée.
Aujourd'hui, le Gouvernement propose au Sénat d'étendre la composition pénale aux mineurs. Cette mesure serait, dites-vous, inconstitutionnelle : le mineur d'au moins treize ans ne pourrait prendre une quelconque initiative en raison de son âge.
À ce propos, je formulerai deux observations.
D'une part, la composition pénale n'intervient qu'avec l'accord du mineur et celui des parents, et en présence de l'avocat. Vous le voyez, nous nous entourons de nombreuses précautions.
D'autre part, pour ce qui est de la constitutionnalité de cette mesure, le Conseil constitutionnel a considéré, s'agissant de la réparation pénale - on demande à un mineur son accord pour qu'il répare le délit qu'il a pu commettre -, que le mineur avait la capacité d'engager sa volonté dans cet acte de réparation. Ce qui est valable pour la réparation pénale l'est également pour la composition pénale.
Dans le cadre d'une composition pénale, il peut être demandé au jeune d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants. En d'autres termes, par cet article, nous ne proposons pas uniquement la répression : nous prévoyons un éventail de réponses, notamment l'information, et c'est tout l'intérêt de cette disposition.
Enfin, l'extension de la composition pénale aux mineurs a pour objet d'atteindre un objectif majeur : rendre une justice rapide. Pour un jeune, être puni trois mois après les faits, voire plus tard, cela n'a aucun sens ! Il est donc important de proposer une réponse proportionnée et rapide. C'est ce que permet la composition pénale. En ce sens, l'idée de Mme Guigou était excellente, au point que le Gouvernement l'a adaptée aux mineurs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. CQFD !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 220 et 280. En revanche, il est favorable à l'amendement n° 48.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur le président, la commission souhaite supprimer le I de l'amendement n° 48, qui laisse entendre que la mesure ne pourrait pas être appliquée aux majeurs. Or telle n'était pas l'intention de la commission.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 48 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, et qui est ainsi libellé :
Dans le cinquième alinéa de cet article, remplacer les mots :
lorsque les circonstances de fait ou de droit font apparaître
par les mots :
lorsqu'il apparaît
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 30, modifié.
(L'article 30 est adopté.)
Article 31
Le premier alinéa de l'article 495 du code de procédure pénale est complété par les mots : « ainsi que le délit d'usage de stupéfiants prévu par l'article L. 3421-1 du code de la santé publique. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 221 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 281 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 221.
Mme Éliane Assassi. L'article 31 prévoit d'étendre la procédure de l'ordonnance pénale aux délits d'usage de stupéfiants. Or cette procédure simplifiée est non contradictoire et ne prévoit pas d'audience de jugement.
L'objectif du Gouvernement est de lutter contre le sentiment d'impunité des usagers de drogues. Avec une telle procédure, la réponse pénale deviendrait quasiment systématique, alors que le contentieux est aujourd'hui ingérable par les juridictions de jugement.
Notre position est sensiblement différente. La procédure simplifiée, telle qu'elle est envisagée ici, participe à ce que nous appelons la « justice d'abattage », le juge ne disposant pas des moyens procéduraux lui permettant d'individualiser les sanctions et les éventuelles mesures thérapeutiques à prendre. En effet, le juge décide seul et peut rendre son ordonnance sans même avoir entendu le prévenu. En l'espèce, il pourra donc, par ordonnance pénale, condamner le prévenu à une amende ou à une peine complémentaire.
Certes, le condamné peut toujours former opposition à l'ordonnance dans un délai de quarante-cinq jours à compter de sa notification. Cependant, peu nombreux sont ceux qui réagissent dans ce délai.
Nous sommes donc très sceptiques s'agissant de l'extension de la procédure d'ordonnance pénale telle qu'elle est proposée à l'article 31. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l'amendement n° 281.
M. Jean-Pierre Michel. Autant la procédure de l'ordonnance pénale peut être acceptable pour certains délits, notamment les délits routiers - elle a été étendue aux délits concernant les transports terrestres par la loi de 2004 -, autant, en l'occurrence, elle soulève quelques difficultés.
Tout d'abord, le délit d'usage de stupéfiants n'est pas de même nature qu'un délit d'infraction au code de la route. Le recours à l'ordonnance pénale empêchera toute approche sanitaire et sociale des usagers de drogues ; je pense, par exemple, aux injonctions thérapeutiques.
Ensuite, nous avons, les uns et les autres, suivi des stages d'immersion dans les juridictions et nous avons pu alors constater que les procédures simplifiées, quelles qu'elles soient, notamment l'ordonnance pénale, posent de graves problèmes aux greffes, car elles sont d'une lourdeur administrative considérable. Finalement, le fonctionnement des juridictions ne s'en trouve pas tellement accéléré.
Pour ces raisons, nous proposons la suppression de l'article 31.
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Après le quatrième alinéa de l'article 495 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 4° le délit d'usage de produits stupéfiants prévu par le premier alinéa de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 221 et 281.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 49 tend à réserver la procédure de l'ordonnance pénale à l'usage simple de stupéfiants.
En effet, il ne paraît pas souhaitable que l'usage aggravé de stupéfiants par une personne dépositaire de l'autorité publique, chargée d'une mission de service public, ou travaillant dans une entreprise de transport, et encourant à ce titre cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, soit traité par le biais d'une procédure simplifiée sans audience. Ce serait peu pédagogique.
Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 221 et 281. Elle estime en effet que l'ordonnance pénale est tout à fait adaptée au traitement d'un contentieux de masse et qu'elle permettra de remédier à l'impunité de fait caractérisant l'usage de stupéfiants.
En outre, les responsables de la mission interministérielle de lutte contre la toxicomanie, la MILT, et les magistrats qui ont été entendus par la commission des lois ont estimé que l'ordonnance pénale serait parfaitement adaptée à la lutte contre l'usage de stupéfiants. À l'évidence, elle ne s'appliquerait pas aux mineurs et elle permettrait de modifier les textes législatifs actuels, qui prévoient encore une peine d'une année d'emprisonnement. Or, par le biais de l'ordonnance pénale, toute peine d'emprisonnement est impossible.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je voudrais, là encore, faire oeuvre pédagogique ! (Sourires.)
L'ordonnance pénale est aussi un circuit court. Il s'agit d'une décision prise hors d'une juridiction, mais par un juge du siège. Elle peut donner lieu à une amende, en aucun cas à des peines d'emprisonnement. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la commission des lois a déposé l'amendement n° 49 tendant à réserver cette procédure à l'usage simple des stupéfiants.
Monsieur Michel, vous n'êtes pas favorable à la répression de l'usage de la drogue : vous êtes pour la dépénalisation. Nous sommes pour la pénalisation, mais, pour autant, je critiquerai la politique menée par notre pays en la matière.
Depuis des années, la France souhaite punir très sévèrement les usagers de drogues et des mesures sont prévues à cet effet dans le code pénal. En réalité, que faisons-nous ? À peu près rien ! Chaque année, sur environ 900 000 arrestations d'usagers de la drogue, 10 % seulement donnent lieu à des sanctions. En d'autres termes, 90 % de ces arrestations n'ont pas de suite. Inutile de vous dire que ce dispositif ne fait peur à personne !
Il en résulte que la France possède le taux d'usagers de la drogue le plus élevé d'Europe, notamment en Hollande. Mais si la vente était libre, ce serait effarant !
Pour ma part, je ne crois pas à la dépénalisation ; je suis favorable à une sanction proportionnée. En ce domaine, le code pénal est trop sévère et les juges ne l'appliquent donc pas. Il faut des peines appropriées, qui peuvent être prononcées par le biais des ordonnances pénales. Il ne peut en aucun cas s'agir de peine de prison ; ce peut être un stage dans un hôpital pour faire comprendre les dangers de la drogue.
Quel parent ne dira pas à un jeune, ou à un moins jeune, qu'il est en train de se tuer à se droguer ? L'ordonnance pénale, c'est la même chose, mais de façon plus formelle. Vous ne pouvez pas demander la suppression d'une telle mesure, sauf à admettre que vous êtes contre toute répression des usagers de drogues. Si tel était le cas, je trouverais votre point de vue très dangereux. En tout cas, ce n'est pas ce que je recommande pour notre pays.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 221 et 281 et un avis favorable sur l'amendement n° 49.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 221 et 281.
M. François Zocchetto. Je ne comprends absolument pas l'état d'esprit des auteurs de ces amendements tendant à supprimer l'article 31. Ce matin, ils nous ont expliqué qu'ils étaient contre l'injonction thérapeutique et, maintenant, ils nous disent qu'ils sont contre l'ordonnance pénale. Cela signifie-t-il, mes chers collègues, que vous êtes favorables au statu quo, dont tout le monde s'accorde à dire qu'il ne peut pas être maintenu ?
Sur le terrain, on constate soit une absence totale de prise en compte des problèmes des consommateurs de drogue, soit une application très inéquitable de la loi sur le territoire national. Ainsi, à l'heure actuelle, dans certains départements ruraux, des consommateurs de drogues dites « douces », ayant tout juste atteint l'âge de la majorité, sont poursuivis devant les tribunaux correctionnels et condamnés à des peines d'emprisonnement ferme.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est vrai !
M. François Zocchetto. Dans des départements urbains, aucune poursuite n'est engagée, puisque l'on sait très bien que les peines prononcées ne produisent pas beaucoup d'effet.
S'il était des articles du projet de loi qui pouvaient recueillir l'accord de l'ensemble du Sénat, c'étaient bien ceux que nous examinons actuellement. Par conséquent, je ne comprends pas l'opposition systématique des groupes socialiste et CRC, sauf à penser qu'il s'agit d'une opposition politique.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 221 et 281.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur l'amendement n° 49.
M. Jean-Pierre Michel. J'ai expliqué tout à l'heure - M. Zocchetto était peut-être absent à ce moment-là - que le groupe socialiste considérait que les articles concernant la toxicomanie ne devaient pas figurer dans ce projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. J'ai indiqué que la loi de 1970 devait faire l'objet d'une réflexion globale, demandée d'ailleurs par tous les acteurs, quels qu'ils soient, afin qu'elle soit mise à plat et que soit élaboré un texte général. Or tel n'est pas le cas !
En effet, le Gouvernement distille quelques dispositions, sur l'efficacité desquelles on peut d'ailleurs s'interroger, et qui ne résoudront pas la contradiction entre le caractère trop répressif de la loi de 1970 à l'égard des simples usagers et la non-application de ladite loi. Lorsqu'une loi n'est pas appliquée, elle doit être modifiée totalement, mais pas au détour de quelques articles insérés dans un projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons proposé la suppression de plusieurs articles. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous savez très bien quelle est notre position : nous récusons le fait que de telles dispositions figurent dans ce projet de loi.
Monsieur Zocchetto, une réflexion bien plus vaste que celle que nous menons aujourd'hui doit être engagée au sujet de la toxicomanie. Il faut nous interroger sur les causes de la consommation de stupéfiants, sur les mécanismes de propagation de la drogue et sur le rapport existant entre la prison et la toxicomanie. À l'évidence, nous ne pouvons le faire dans cet hémicycle et nous allons donc ajouter des dispositions qui n'auront pas de grands effets. Ces mesures marquent simplement votre attachement, mes chers collègues, à la répression en toutes circonstances.
Par ailleurs, dans le quotidien Le Monde paru cet après-midi, de hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur ont souligné le rôle néfaste de l'alcool. Un grand débat pourrait être organisé dans cet hémicycle sur l'alcool, la drogue, la délinquance, et sur la façon de faire face à ces problèmes. Nous n'en sommes pas là ! Mais ne dites pas que nous sommes favorables à la drogue, que nous faisons preuve de laxisme et que nous voulons empêcher la poursuite des toxicomanes dans notre pays, car c'est hors de propos.
M. le président. En conséquence, l'article 31 est ainsi rédigé.
Article 32
L'article 706-32 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :
« Art. 706-32. - Sans préjudice des dispositions des articles 706-81 à 706-87, et aux seules fins de constater les infractions d'acquisition, d'offre ou de cession de produits stupéfiants visées aux articles 222-37 et 222-39 du code pénal, d'en identifier les auteurs et complices et d'effectuer les saisies prévues au présent code, les officiers de police judiciaire et sous leur autorité, les agents de police judiciaire, peuvent, avec l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction saisi des faits qui en avise préalablement le parquet, et sans être pénalement responsables de ces actes :
« 1° Acquérir des produits stupéfiants ;
« 2° Mettre à la disposition d'un tiers en vue de l'acquisition de produits stupéfiants, des moyens de communication, de transport ou de paiement.
« À peine de nullité, l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, qui peut être donnée par tout moyen, est mentionnée ou versée au dossier de la procédure et les actes autorisés ne peuvent constituer une incitation à commettre une infraction. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 222, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L'article 32 tend à rétablir une disposition du code de procédure pénale que la loi du 9 mars 2004, dite « Perben II », a abrogée. Décidément, faire, défaire, refaire, telle est la politique du Gouvernement, politique qui s'apparente plus à de l'agitation qu'à une réflexion approfondie sur les questions relatives à la justice et à la sécurité.
Ainsi, le présent article aurait pour objet, nous dit-on, de simplifier la procédure qui permet aux enquêteurs de procéder à des coups d'achat en matière de répression du trafic de stupéfiants.
Sous couvert de simplification, en réalité, il s'agit d'assouplir la procédure qui entoure l'infiltration, que vous jugez trop lourde pour les interventions qui ont lieu dans le cadre de petits trafics de stupéfiants.
Cela signifie que vous voulez généraliser les opérations d'infiltration, voire les banaliser, pour pouvoir intervenir dans le cadre de ces « petits » trafics. Mais qu'entendez-vous par petits trafics de stupéfiants ? Allez-vous infiltrer certaines cités, certains quartiers, certains immeubles pour les stigmatiser encore davantage ? Ainsi, plutôt que de vous attaquer au grand banditisme, aux « gros bonnets » de la drogue, vous avez décidé de vous en prendre aux « petits », à ceux qui sont au bout de la chaîne, aux consommateurs habituels ou occasionnels.
Comment cela va-t-il se traduire dans les faits ? Je crains fort que ce système n'engendre provocations et tensions, d'autant que ces opérations d'infiltration seront moins encadrées que les autres. C'est encore une façon de « faire du chiffre », comme l'on dit, de satisfaire les désirs de certains en matière de statistiques ou d'atteindre des objectifs à tout prix.
Enfin, je rappelle que nous avons voté contre la loi Perben II portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et qui a légalisé l'infiltration. C'est donc en toute logique que nous nous opposons à l'accroissement des pouvoirs de la police en matière d'infiltration sans contre-pouvoirs, sans garanties ni contrôles suffisants.
M. le président. L'amendement n° 50, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 706-32 du code de procédure pénale :
« 2° En vue de l'acquisition de produits stupéfiants, mettre à la disposition des personnes se livrant à ces infractions des moyens de caractère juridique ou financier ainsi que des moyens de transport, de dépôt, d'hébergement, de conservation et de télécommunication.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 222.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 50 tend à clarifier le régime applicable aux coups d'achat destinés à lutter contre le trafic de stupéfiants.
À cette fin, il vise à élargir les pouvoirs de la police en reprenant la liste des moyens pouvant être mis à disposition en matière de criminalité organisée.
Il tend aussi - disposition inédite par rapport à l'ancien article 706-32 du code de procédure pénale - à supprimer la référence à des tiers, qui pourraient être des indicateurs ou des usagers de produits stupéfiants, pour ne viser que les personnes se livrant au trafic de stupéfiants, ainsi que c'était le cas dans le dispositif antérieur à la loi du 9 mars 2004. En effet, cette condition nous paraît nécessaire, afin d'éviter que ces coups ne soient qualifiés d'incitations à commettre des infractions.
J'en viens maintenant à l'amendement n° 222. Madame Assassi, il ne semble pas que le Parlement soit versatile en ce domaine. En effet, l'abrogation de l'article 706-32 s'expliquait par son insertion dans une procédure plus générale, mais aussi plus contraignante, et qui présentait des difficultés de mise en oeuvre pour le trafic simple de stupéfiants.
À l'évidence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'infiltration, telle qu'elle ressort des dispositions de la loi du 9 mars 2004, est une mesure beaucoup trop lourde s'agissant de l'arrestation de dealers. En revanche, l'article 32 offre la possibilité à un enquêteur de se faire passer pour un usager auprès d'un individu identifié comme trafiquant.
Je tiens à préciser que cette décision ne pourra être prise par les enquêteurs qu'après autorisation du parquet. Par conséquent, un contrôle judiciaire est prévu. C'est une sécurité pour le respect des libertés. Toutes les précautions étant prises, il serait dommage de se priver de ce moyen.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 222
Par ailleurs, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 50, qui prévoit que ce moyen d'action ne peut être utilisé qu'en vue de l'acquisition de stupéfiants.
M. le président. Je mets aux voix l'article 32, modifié.
(L'article 32 est adopté.)
Article 33
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l'article 131-35-1, après les mots : « sécurité routière », sont insérés les mots : « ou un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants » ;
2° Après le 4° des articles 221-8 et 223-18, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 4° bis L'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1. » ;
3° Au deuxième alinéa de l'article 222-39, après le mot : « administration », sont ajoutés les mots : « et, lors des entrées et des sorties de personnes, aux abords de ceux-ci. » ;
4° Après le 9° de l'article 222-44, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 9° bis L'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1. » ;
5° Après le 6° de l'article 312-13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 7° L'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1. » ;
6° Après le 5° de l'article 322-15, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 6° L'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1. »
M. le président. L'amendement n° 282, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le 1° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Dans le premier alinéa de l'article 131-35-1 les mots : « est exécutée aux frais du condamné » sont remplacés par les mots : « peut être exécutée aux frais du condamné ».
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement va démontrer à M. Zocchetto que nous ne sommes pas systématiquement opposés aux dispositions qui nous sont proposées et que nous sommes même prêts à faire des suggestions en vue de les améliorer.
L'article 33 tend à compléter l'article 131-35-1 du code pénal relatif aux délits routiers en prévoyant, au titre d'une peine complémentaire, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants. Les stages concernant les délits routiers peuvent être imposés aux frais du contrevenant.
Si l'on peut comprendre que le propriétaire d'une voiture ait les moyens suffisants pour assumer un tel stage, quitte à devoir vendre son véhicule, des jeunes en grande difficulté peuvent rencontrer des problèmes pour financer ces stages. Donc, la mesure que vous proposez peut n'avoir aucun effet.
Par conséquent, nous vous proposons de laisser au juge le soin de décider, selon la situation sociale de la personne concernée, si le stage en question sera à ses frais ou à ceux de l'État.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement, car il est satisfait. En effet, un amendement similaire a été déposé par la commission à l'article 44, pour des raisons qui tiennent à la clarté du texte.
M. le président. Monsieur Peyronnet, l'amendement n° 282 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Peyronnet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 282 est retiré.
L'amendement n° 51, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Supprimer le 1° de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Tout en les approuvant, la commission vous propose de déplacer ces dispositions à l'article 44 du projet de loi, qui modifie également l'article 131-35-1 du code pénal, ce dans un souci de clarté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 52 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Remplacer le cinquième alinéa (3°) de cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :
3° L'article 222-39 est ainsi modifié :
Au deuxième alinéa, après le mot : « administration », sont ajoutés les mots : « et aux abords de ceux-ci, lors des horaires d'ouverture».
Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes coupables des délits prévus aux deux alinéas précédents encourent également, à titre de peine complémentaire, l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, selon les modalités fixées à l'article 131-35-1. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C'est un amendement de précision qui tend, en outre, à prévoir, à titre de peine complémentaire, la possibilité de condamner une personne coupable de cession ou d'offre illicite de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle à accomplir un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 33, modifié.
(L'article 33 est adopté.)
Article 34
Le code pénal est ainsi modifié :
1° L'article 222-12 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 14° Par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. » ;
2° Après le dix-huitième alinéa de l'article 222-13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 14° Par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. » ;
3° À la fin du cinquième alinéa de l'article 222-14, sont insérés les mots : « ou lorsqu'elles ont été commises par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. » ;
4° L'article 222-24 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 12° Lorsqu'il est commis par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. » ;
5° L'article 222-28 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 8° Lorsqu'elle est commise par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. » ;
6° L'article 222-30 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 7° Lorsqu'elle est commise par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. » ;
7° L'article 227-26 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Lorsqu'elle est commise par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 223 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 283 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 223.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 34 prévoit d'instituer une circonstance aggravante lorsque certaines infractions sont commises sous l'emprise de stupéfiants ou en état d'ivresse manifeste. Ce sera le cas de violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, de viol avec circonstances aggravantes, d'agressions sexuelles avec circonstances aggravantes ou non commises sur mineurs ou non.
L'article 34 reflète bien l'inflation législative et pénale que nous subissons depuis maintenant quatre ans et qui se nourrit bien souvent de faits divers sordides, lesquels, bien qu'étant isolés, sont présentés comme des affaires courantes.
Ce n'est en effet pas un hasard s'il nous est proposé de durcir les peines en cas d'agression sexuelle. La volonté gouvernementale de stigmatiser cette délinquance est clairement affichée, le but étant d'écarter définitivement les délinquants sexuels de notre société.
La réponse répressive apportée par les différents textes qui se sont succédé, y compris celui-ci, est très insatisfaisante.
Par ailleurs, du point de vue des victimes, dont nous nous préoccupons également, mais pas du tout de la même façon que vous, la création de cette circonstance aggravante est bien malvenue. En poussant cette réflexion jusqu'à l'absurde, on pourrait dire que, bientôt, le code pénal ne comportera plus que des circonstances aggravantes.
La logique est de durcir les peines, et nous ne pouvons y souscrire. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l'amendement n° 283.
M. Jean-Pierre Michel. Fidèles à la logique que j'ai exposée tout à l'heure, nous proposons la suppression de cet article, dont les dispositions ne doivent pas, selon nous, figurer dans ce texte.
Cet article vise à aggraver les peines s'agissant de certains délits, et à mettre sur le même plan une infraction commise par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise de produits stupéfiants.
Pour ma part, je ne suis pas convaincu que l'on puisse détecter de la même manière la présence de produits stupéfiants dans l'organisme et celle de l'alcool.
En ce qui concerne l'alcool, les choses sont très simples : nous disposons de courbes et nous savons qu'une augmentation de sa consommation rend notamment l'individu violent et moins apte à conduire.
S'agissant de l'absorption de produits stupéfiants, il en va différemment : ceux-ci laissent une trace dans le sang pendant une dizaine de jours. Une prise de sang faite à une personne venant de commettre un acte violent pourra révéler des traces de cannabis, mais non la date à laquelle cette substance aura été absorbée. La drogue aura pu l'être huit ou dix jours auparavant et n'avoir plus aucun effet sur le comportement du délinquant au moment où celui-ci sera contrôlé.
Avant d'introduire dans la législation de telles aggravations de peines, il faudrait que des avancées scientifiques importantes soient réalisées en matière de contrôle des produits illicites.
M. le président. L'amendement n° 53, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 3° de cet article :
3° Après le 4° de l'article 222-14, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 5° De sept ans d'emprisonnement et de 100.000 euros d'amende lorsqu'elles n'ont pas entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours mais ont été commises par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les deux amendements précédents.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement de précision vise à aggraver les peines encourues en cas de violences habituelles sur un mineur de moins de quinze ans ou sur une personne particulièrement vulnérable n'ayant pas entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours lorsqu'elles ont été commises en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise de stupéfiants. Le projet de loi était peu compréhensible sur ce point.
Par ailleurs, la commission est défavorable aux amendements de suppression nos 223 et 283.
J'avoue avoir partagé les appréhensions de M. Michel quant à la possibilité de déceler de manière précise l'usage qui a été fait des produits stupéfiants et le degré de dépendance.
Les réponses qui m'ont été faites, notamment par les représentants du Conseil national de l'ordre des médecins, sont particulièrement claires : la conjugaison de trois types de dépistages, à savoir l'analyse d'urine, l'analyse de sang et l'analyse des cheveux, permet de détecter de manière extrêmement précise non seulement le niveau de consommation de produits stupéfiants - niveau faible, niveau moyen ou niveau important - mais également la date à laquelle ces produits ont été consommés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela va coûter un maximum !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cet article prévoit une circonstance aggravante lorsque des infractions sont commises en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. Le groupe socialiste et le groupe communiste ne sont pas d'accord.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il ne faut pas caricaturer !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous n'êtes pas d'accord !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement souhaite ainsi renverser la logique qui prévaut encore aujourd'hui dans les tribunaux correctionnels : le fait d'avoir bu, donc de n'avoir pas été dans son état normal, est présenté par l'auteur de l'infraction comme une circonstance atténuante. Eh bien ! l'intérêt de cet article est de donner un signal fort à l'opinion publique : loin d'être une excuse, c'est une circonstance aggravante.
Tout à l'heure, Mme Borvo Cohen-Seat a indiqué que, dans son quotidien vespéral, de hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur avaient souligné les méfaits de l'alcool. Il faut être cohérent ! Si vous êtes d'avis, comme ces hauts fonctionnaires, madame la sénatrice, que l'alcool peut conduire à commettre des méfaits, je vous en supplie, ne demandez pas la suppression de cet article. Ou alors, expliquez-moi votre raisonnement, car je ne parviens pas à le comprendre.
S'agissant de la drogue et de la position libertaire de M. Michel (Sourires.), il est évident que la personne qui commet une infraction devra être sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants : une prise de sang révélant la prise de ces produits dans les jours précédents ne suffira pas à déclencher la circonstance aggravante. Il s'agit de condamner non pas l'usager, mais celui qui commet une infraction sous l'emprise de la drogue. Je ne comprendrais pas que vous soyez opposés à une telle mesure.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Quant à l'amendement n° 53 de la commission, à l'évidence, le Gouvernement y est favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 223 et 283.
M. Jean-Claude Peyronnet. M. le garde des sceaux essaye de démontrer que nous sommes contre la condamnation des personnes qui conduisent sous l'emprise de la drogue. Nous disons simplement qu'il est très difficile, en matière de drogue, de tirer des conclusions précises. M. le rapporteur nous explique qu'il est facile d'y parvenir à partir d'une analyse d'urine, d'une analyse de sang et d'une analyse de cheveux. Cela, c'est bon pour les morts, mais qu'en sera-t-il pour les vivants ? Une personne pourra avoir un comportement bizarre parce qu'elle aura pris des somnifères, des anxiolytiques, etc.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons déjà eu ce débat !
M. Jean-Claude Peyronnet. Réaliser de telles analyses serait très lourd, notamment sur le plan financier. Les magistrats vous diront, monsieur le garde des sceaux, quel est le coût exorbitant, bien que justifié, des analyses ADN, qui deviennent de plus en plus systématiques. Si vous y ajoutez celui des analyses de cheveux, de sang et d'urine s'agissant de la consommation de drogue, vous allez faire exploser les dépenses annexes du ministère de la justice.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On est d'accord pour aggraver les peines lorsqu'un crime ou un délit est commis par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants. Cependant, en cas d'accident mortel dû à un abus de stupéfiant, les victimes se plaignent souvent que celui qui a provoqué l'accident ne soit pas puni avec une sévérité suffisante. Or consommer de façon courante des produits stupéfiants et conduire sous leur emprise n'est pas anodin ! Et commettre alors un crime ou un délit, même involontairement, doit être plus sévèrement sanctionné.
On peut toujours déplorer que les preuves suffisantes ne seront pas réunies, qu'il n'y aura pas assez d'argent pour effectuer les analyses, mais tel n'est pas le fond de la question ! L'objet de cet article est d'informer les magistrats et l'opinion publique que ceux qui commettent des crimes ou des délits en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants seront plus sévèrement condamnés. Je ne comprends pas les objections qui sont faites à ce texte !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 223 et 283.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 34, modifié.
(L'article 34 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 34
M. le président. L'amendement n° 156, présenté par M. Goujon et Mme Hermange, est ainsi libellé :
Après l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le chapitre IV du titre II du livre IV de la troisième partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre V
« Contrôle et évaluation de la politique de lutte contre la toxicomanie
« Art. L. 3425-1 - L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et Technologiques présente un rapport annuel de contrôle et d'évaluation de la politique nationale de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
« L'analyse approfondie des objectifs affichés en matière de prévention, des moyens budgétaires qui y ont été consacrés durant l'année écoulée et des résultats obtenus constitue le fondement de ce rapport.
« Pour accomplir la mission qui lui est assignée par l'alinéa 1er du présent article, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques peut demander toute étude ou expertise particulière à la Cour des comptes ou à tout organisme extérieur de son choix.
« Art. L. 3425-2 - Sur la base du rapport annuel de contrôle et d'évaluation de la politique nationale de lutte contre la drogue et la toxicomanie réalisé par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, en application de l'article L. 3425-1 du code de la santé publique, se tient chaque année un débat public au Parlement. »
La parole est à M. Philippe Goujon
M. Philippe Goujon. Cette nouvelle politique de lutte contre la drogue et la toxicomanie, dont nous améliorons l'efficacité grâce aux dispositions que nous adoptons depuis ce matin, doit faire l'objet d'une évaluation, tant il est essentiel de vérifier que les outils juridiques mis en oeuvre sont en adéquation permanente avec les objectifs poursuivis.
C'est dans cet esprit que nous proposons que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont la longue expérience et la qualité des travaux ne sont plus à démontrer, soit chargé de présenter un rapport annuel de contrôle et d'évaluation de la politique nationale de lutte contre la drogue et la toxicomanie et que, sur la base de ce rapport, se tienne chaque année un débat public au Parlement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Si nous estimons effectivement important d'évaluer la politique nationale de lutte contre la drogue et la toxicomanie, nous considérons cependant que l'Office français des drogues et toxicomanie et la Cour des comptes se livrant déjà à de nombreuses évaluations, il n'est pas indispensable d'ajouter un rapport supplémentaire.
L'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement émet le même avis que la commission.
Monsieur Goujon, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a pour mission d'évaluer. S'il devait également rendre compte, il verrait sa compétence élargie. De plus, comme l'a très justement dit M. le rapporteur, d'autres institutions se livrent déjà à des évaluations. Il y aurait donc redondance.
M. le président. Monsieur Goujon, l'amendement n° 156 est-il maintenu ?
M. Philippe Goujon. Non, je le retire, monsieur le président.
Je considère néanmoins que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques pouvait à bon droit évaluer cette politique.
L'Office français des drogues et toxicomanie est d'intérêt public. Sa mission est de produire des informations provenant de sources différentes et scientifiquement validées sur les substances licites comme illicites. Son rôle n'est pas d'évaluer la politique nationale de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
M. le président. L'amendement n° 156 est retiré.
L'amendement n° 179 rectifié, présenté par M. Retailleau, est ainsi libellé :
Après l'article 34, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Chaque année, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport concernant la gestion des deniers publics en matière de lutte contre la toxicomanie.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Division additionnelle avant le chapitre VII
M. le président. L'amendement n° 224, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le chapitre VII, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
CHAPITRE ...
DIVERSES DISPOSITIONS DE PROCEDURE PENALE
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous avons souhaité créer ce chapitre additionnel dans un but bien précis.
Ce projet de loi, comme ceux qui l'ont précédé, véhicule une philosophie sécuritaire, dangereuse pour les droits et les libertés de nos concitoyens.
En parallèle, la procédure pénale est modifiée de telle sorte qu'elle ne garantit plus le respect des droits de la défense.
Si la justice commande que le coupable de l'infraction soit toujours puni, elle exige aussi que celui qui est poursuivi ait toute possibilité de se défendre.
Cependant, les nombreuses réformes de notre droit pénal et de la procédure pénale opérées ces dernières années ont multiplié les régimes et les procédures d'exception, ont durci l'échelle des peines et ont donné la priorité à la détention au détriment de la liberté.
L'extension du champ d'application des alternatives aux poursuites ou encore des procédures de jugement à délai rapproché ne permet plus d'affirmer que les droits de la défense sont aujourd'hui respectés.
Nous n'avons pas pour ambition d'être exhaustifs. Notre objectif est ici de tenter d'infléchir la tendance aujourd'hui constatée.
C'est pourquoi nous présenterons des amendements visant à abroger la procédure de comparution immédiate et à limiter les possibilités de placer un prévenu en détention provisoire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, je souhaiterais expliciter la position du groupe socialiste sur l'amendement n° 224, ainsi que sur les amendements nos 225 et 226, qui viendront en discussion tout à l'heure.
Sur le fond, nous partageons très largement l'objectif de nos collègues du groupe CRC. Malgré un intitulé mettant en avant la prévention de la délinquance, il s'agit bien en effet d'un projet de loi qui privilégie la répression. À ce titre, ces trois amendements auraient peut-être leur place.
Sur la forme, toutefois, nous estimons que les modifications que nos collègues veulent introduire dans le code de procédure pénale n'ont pas leur place dans le présent texte.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Jean-Pierre Michel. Nous avons nous-mêmes assez critiqué le côté patchwork de ce texte, lequel contient des dispositions qui ne devraient pas s'y trouver, pour que chacun sache que nous refusons d'entrer dans cette logique. Nous nous abstiendrons donc sur ces trois amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 224.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant le chapitre VII
M. le président. L'amendement n° 225, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant le chapitre VII, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le paragraphe 3 de la section I du chapitre 1er du titre II du livre II du code de procédure pénale et les articles 393 à 397-6 du même code sont abrogés.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À l'évidence, M. le garde des sceaux se plaît, avec un certain talent d'ailleurs, à rebondir sur nos propos pour immédiatement tenter de nous ridiculiser. Qu'il se rassure, cela ne nous empêchera pas de continuer à dire ce que nous pensons !
Certes, monsieur Michel, vous avez eu raison de le souligner, par rapport à ce texte, nos amendements ne sont pas très appropriés. Mais le projet de loi, dans son contenu, n'est lui-même pas en accord avec son titre, car il traite de tout et de n'importe quoi ! En définitive, ce n'est absolument pas un projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. De prévention, on parle peu ; en revanche, on y traite de répression à tous les articles !
Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, c'est le jeu parlementaire : puisque nous sommes totalement opposés à ces dispositions à répétition qui suivent la même logique répressive, puisque le Gouvernement ne se préoccupe guère de prévention dans ce texte, nous tenons à défendre des positions qui nous tiennent à coeur et qui se trouvent donc finalement avoir un lien avec le projet de loi, lequel vise, entre autres, à étendre les procédures accélérées de jugement.
N'en déplaise à certains de nos collègues, en 2002, lors du débat sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, nous nous étions opposés à la procédure de comparution immédiate. Après plusieurs années d'application, nous ne sommes toujours pas convaincus de son bien-fondé, contrairement à d'autres.
Au demeurant, les conclusions du rapport de notre collègue François Zocchetto, publié au nom de la mission d'information sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale, ne nous ont pas non plus convaincus.
Alors que ce dernier s'en réjouit, nous nous inquiétons de la fréquence d'utilisation de telles procédures. En effet, selon le rapport, elles concernent « 75 % des contentieux, contre 45 % il y a dix ans ». Par conséquent, « 75 % des personnes comparaissent donc désormais devant le juge dans un délai compris entre deux jours et quatre mois ».
Les mises en cause des droits de la défense qu'entraînent ces procédures nous préoccupent tout autant. Des données éloquentes sont citées dans ce même rapport, mais, apparemment, M. Zocchetto et nous n'en avons pas la même lecture. Il en va ainsi de tous les rapports : on en fait ce que l'on veut !
Ainsi y est-il écrit que les « avocats disposent de très peu de temps pour prendre connaissance du dossier - entre 15 et 45 minutes le plus souvent ». Quant au déroulement de l'audience, par exemple au tribunal de grande instance de Paris, « il faut compter entre 15 et 20 minutes par personne, voire 35 à 40 minutes pour des affaires contestées et complexes ou des affaires de violences conjugales ou d'agressions sexuelles ». Voilà des exemples qui vous intéressent de près, y compris pour ce qui concerne ce projet de loi !
À nos yeux, la rapidité de ces procédures est un obstacle au bon déroulement des enquêtes de police et des enquêtes de personnalité, alors qu'elles peuvent être l'occasion pour le juge de décerner un mandat de dépôt à l'issue de l'audience.
C'est bien ce qu'affirment les juges de l'application des peines quand ils soulignent la difficulté d'adapter la peine du fait du manque de données personnelles sur les personnes traduites en comparution immédiate, « l'enquête de personnalité étant bien souvent le dernier document à être mis au dossier ». Je ne fais, encore une fois, que citer les termes du rapport de la mission d'information !
Toujours selon ce rapport, et pour insister sur des points qui vous intéressent, la rapidité de la procédure de comparution immédiate « n'est pas toujours compatible avec la prise en compte des intérêts des familles des victimes ». M. Zocchetto préconise donc d'exclure les homicides involontaires de cette procédure.
Il apparaît également que le recours à la comparution immédiate est disparate et fonction de la taille des juridictions, ce qui crée une nouvelle inégalité de traitement devant la justice.
Mes chers collègues, même si M. Zocchetto trouve beaucoup d'intérêt à cette procédure dans son rapport, ce dernier contient suffisamment de réserves sur ce point pour nous inciter à vous demander d'adopter l'amendement n° 225, et, partant, de supprimer une telle procédure.
Je vous le rappelle, en novembre dernier, des lycéens, des étudiants et des jeunes ont été jugés en comparution immédiate, sans pouvoir organiser leur défense. Pour cette jeunesse qui se sent déjà bien éloignée de nos institutions, une telle procédure ne fera qu'accroître le sentiment d'injustice qu'elle ressent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 225, ainsi que sur les amendements suivants déposés par le groupe CRC.
D'ailleurs, sur la refonte du code de procédure pénale, mais aussi sur celle de l'ordonnance de 1945 dont nous débattrons dans quelques instants, nous avions le choix : soit consacrer une heure à chacun de ces amendements, soit faire simplement mention de l'avis défavorable de la commission. Monsieur le président, j'ai choisi la seconde solution !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Madame Borvo Cohen-Seat, vous souhaitez, si j'ai bien compris, supprimer la comparution immédiate. Mais c'est très grave ! Comment pouvez-vous, sans honte, soutenir un tel amendement ?
Oseriez-vous vraiment aller dire aux populations de la Seine-Saint-Denis, qui sont véritablement excédées par toute cette délinquance, qu'il vaudrait mieux supprimer la possibilité d'apporter rapidement une réponse pénale aux délits fréquemment constatés dans leur département ?
En la matière, vous proposez de supprimer tout circuit court, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Vous préférez qu'un jeune soit jugé six mois après, avec un avocat, plutôt qu'en comparution immédiate, pour laquelle, je vous le rappelle, il faut l'accord de l'avocat. Selon vous, les droits de la défense ne seraient pas défendus de manière identique.
En définitive, madame la sénatrice, c'est le dispositif que vous défendez qui risque de créer de l'insécurité. Au lieu de traiter le problème d'une manière abstraite, soyez concrète et revenez à la réalité vécue dans nos cités. Nous le savons très bien, si la punition n'est pas infligée rapidement, elle n'aura aucune signification pour le jeune.
Par conséquent, la suppression de la comparution immédiate, qui, vous le savez, concerne non pas des mineurs, mais bien des majeurs, serait extrêmement ennuyeuse et n'aurait qu'un effet : faire exploser la délinquance !
Mais je ne vous ferai pas de procès d'intention, et je sais que tel n'est pas, en vérité, votre objectif. Simplement, de grâce ! ne déposez pas ce type d'amendements s'ils ne reflètent pas votre pensée. Ou alors, dites-le tout haut !
Cela étant dit, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 226, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant le chapitre VII, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Dans le troisième alinéa (2°) de l'article 143-1 du code de procédure pénale, le mot « trois » est remplacé par le mot « cinq ».
II. Le dernier alinéa de l'article 144 du même code est abrogé.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je me doutais bien, monsieur le garde des sceaux, que vous alliez encore essayer de nous ridiculiser, mais qu'importe ! Nous défendons des idées auxquelles nous croyons. Je persisterai donc dans cette voie ! D'ailleurs, il ne s'agit pas pour nous de critiquer l'intervention du juge. Il s'agit de dénoncer la comparution immédiate, qui, chacun vous le dira, n'a pas les effets escomptés, tout particulièrement chez les jeunes. Ces propos ne méritaient donc pas d'être ridiculisés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous en prie, monsieur le garde des sceaux.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Madame Borvo Cohen-Seat, que les choses soient claires : je ne me permettrais pas de ridiculiser qui que ce soit ; pour autant, j'essaie de pousser jusqu'à son terme la logique de l'amendement pour bien faire comprendre à tout le monde de quoi il s'agit.
Pour en revenir à la comparution immédiate, elle ne concerne que les adultes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais vous venez de parler des jeunes délinquants du 93 !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Mais on peut être jeune et avoir plus de 18 ans ! La comparution immédiate ne concerne pas les mineurs.
Mme Éliane Assassi. Arrêtez avec la Seine-Saint-Denis, monsieur le garde des sceaux ! Prenez une cité dans votre département, si cela existe...
M. le président. Veuillez poursuivre, madame Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour en revenir à l'amendement n° 226, la loi du 15 juin 2000 permet au juge des libertés et de la détention, saisi par le juge d'instruction, de placer en détention provisoire une personne mise en examen pour un crime ou un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement.
Au 1er juillet 2006, la population carcérale métropolitaine comprenait 57 464 personnes, dont 17 465 prévenues, soit environ 30 %. Cette proportion est énorme, surtout si l'on souhaite véritablement appliquer les deux principes de notre droit qui veulent, d'une part, que la présomption d'innocence prévale ; d'autre part, que la détention provisoire reste exceptionnelle. Vous le constatez vous-même, nous sommes en pleine contradiction !
Le drame d'Outreau a servi de révélateur quant à l'utilisation trop souvent abusive de la détention provisoire. D'ailleurs, qu'aurait-on entendu si, à l'époque, le juge avait laissé les accusés d'Outreau en liberté ? Cela mériterait vraiment d'être précisé !
De telles situations, moins connues car de moindre ampleur et heureusement moins graves, sont vécues au quotidien.
Le niveau de la peine encourue - trois ans - concourt à une application plus forte que nécessaire de la détention provisoire. C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement visant à permettre l'application de cette disposition seulement si la peine encourue en matière correctionnelle est d'une durée égale ou supérieure à cinq ans. Une telle proposition est d'ailleurs contenue dans une proposition de loi que nous avons nous-mêmes déposée le 18 avril dernier et qui vise à renforcer les droits de la défense.
La Commission nationale de suivi de la détention provisoire souligne, dans son rapport de 2005, que « le recours à la détention provisoire au niveau de l'instruction est revenu en 2002 et 2003 à un niveau sensiblement supérieur à celui de la décennie 1990 ». Elle indique aussi que, après une baisse enregistrée au cours de la période 2000-2002, « en 2003, la durée moyenne de détention provisoire augmente à nouveau ». Elle précise ainsi : « Pour l'année 2003, la durée moyenne globale est de 7,1 mois, ce qui représente une augmentation sensible par rapport à 2002 - 6,4 mois -, alors que cette durée moyenne était plutôt décroissante auparavant - 6,6 mois en 1999. »
À l'évidence, les lois « sécuritaires » votées ces dernières années ont favorisé le recours à la détention provisoire, tant par leur philosophie poussant à l'enfermement que par un processus mécanique, avec l'aggravation des peines.
Vous qui aimez citer les dysfonctionnements de la justice dans le procès d'Outreau, vous feriez donc bien d'accepter cet amendement !
M. le président. La commission a déjà exprimé un avis défavorable sur cet amendement.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Madame Borvo Cohen-Seat, cet amendement n'est pas inintéressant. D'ailleurs, en préparant le projet de loi sur la réforme de la justice que je vous soumettrai dans quelques semaines, notamment la partie relative à la procédure pénale, nous avons beaucoup réfléchi sur l'opportunité de supprimer le trouble à l'ordre public parmi les motifs pouvant justifier une détention provisoire. S'il nous est apparu plus prudent de conserver ce motif pour les crimes et les délits, nous avons finalement souhaité empêcher que le trouble à l'ordre public puisse être invoqué pour décider du maintien en détention provisoire.
Autrement dit, sous cet angle, nous vous donnerons satisfaction.
Quant au quantum des peines pour le placement en détention, il a été fixé dans la loi Guigou du 15 juin 2000, que vous avez vous-même sans doute votée. Visiblement, vous avez évolué. Pour notre part, nous souhaitons en rester aux dispositions de cette loi.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 226.
(L'amendement n'est pas adopté.)
CHAPITRE VII
DISPOSITIONS TENDANT À PRÉVENIR LA DÉLINQUANCE DES MINEURS
Articles additionnels avant l'article 35
M. le président. L'amendement n° 227, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 35, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article 2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi rédigé :
« Ils pourront cependant, lorsque les circonstances et la personnalité des mineurs l'exigent, prononcer une peine à l'encontre des mineurs de treize à dix-huit ans en tenant compte de l'atténuation de leur responsabilité pénale, conformément aux dispositions des articles 20-2 à 20-9. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 228, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 35, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le premier alinéa du I de l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi rédigé :
« Le mineur de treize ans ne peut être placé en garde à vue. Toutefois, à titre exceptionnel, le mineur de dix à treize ans contre lequel il existe des indices graves et concordants laissant présumer qu'il a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'au moins sept ans d'emprisonnement peut, pour les nécessités de l'enquête, être retenu à la disposition d'un officier de police judiciaire avec l'accord préalable et sous le contrôle d'un magistrat du ministère public ou d'un juge d'instruction spécialisés dans la protection de l'enfance ou d'un juge des enfants, pour une durée que ce magistrat détermine et qui ne saurait excéder six heures. Cette retenue peut toutefois être prolongée à titre exceptionnel par décision motivée de ce magistrat pour une durée qui ne saurait non plus excéder six heures, après présentation devant lui du mineur, sauf si les circonstances rendent cette présentation impossible. Elle doit être strictement limitée au temps nécessaire à la déposition du mineur et à sa présentation devant le magistrat compétent ou à sa remise à l'une des personnes visées au II du présent article. »
II. Le VII de l'article 4 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est abrogé.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est également défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 229, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 35, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Les quatrième, onzième et douzième alinéas de l'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante sont abrogés.
II. Les treizième et quatorzième alinéas du même article sont ainsi rédigés :
« En matière criminelle, la détention provisoire des mineurs de treize ans à seize ans ne peut excéder un mois.
« La détention provisoire des mineurs de seize à dix-huit ans ne peut excéder trois mois. Toutefois, à l'expiration de ce délai, la détention peut être prolongée, à titre exceptionnel, pour une durée n'excédant pas trois mois, par une ordonnance rendue conformément aux dispositions du sixième alinéa de l'article 145 du code de procédure pénale et comportant, par référence aux 1° et 2° de l'article 144 du même code, l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ; la prolongation ne peut être ordonnée qu'une seule fois. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est aussi défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 229.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 38 (priorité)
L'ordonnance du 2 février 1945 précitée est ainsi modifiée :
1° Après l'article 13, il est inséré un article 13-1 ainsi rédigé :
« Art. 13-1. - Les dispositions de l'article 399 du code de procédure pénale sont applicables aux audiences du tribunal pour enfants. » ;
2° L'article 14-2 est ainsi modifié :
a) Dans le I, les mots : « jugement à délai rapproché » sont remplacés par les mots : « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement » ;
b) Dans la première phrase du II :
1. Les mots : « jugement à délai rapproché » sont remplacés par les mots : « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement » ;
2. Les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « un an » ;
3. Les mots : « cinq ans » sont remplacés par les mots : « trois ans » ;
c) Dans la seconde phrase du II, les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de dix-huit mois » ;
d) Au III :
1. Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, il est procédé au jugement du mineur à la première audience du tribunal pour enfants qui suit sa présentation, sans que le délai de dix jours soit applicable, lorsque le mineur et son avocat y consentent expressément, sauf si les représentants légaux du mineur, dûment convoqués, font connaître leur opposition. » ;
2. Au dernier alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J'avoue ne pas très bien comprendre pourquoi le Sénat a accepté d'appeler l'article 38 en priorité avant l'article 35. Mystère et boule de gomme, mais, puisqu'il en est ainsi, parlons de l'article 38 !
Avec la modification des règles concernant l'audiencement du tribunal pour enfants et la procédure de jugement à délai rapproché, cet article est emblématique de l'injonction faite à la justice de juger toujours plus et toujours plus vite. Ce ne sera pas sans conséquences sur les justiciables qui sont, en l'occurrence, des mineurs.
Alors que nombre de mesures adoptées depuis 2002 n'ont pas fait la preuve de leur utilité pratique et n'ont été que peu utilisées, le texte en rajoute encore. La procédure de jugement à délai rapproché a été créée il y a seulement quatre ans. Elle tendait déjà à s'aligner sur la comparution immédiate pour les majeurs.
Aujourd'hui, le projet de loi lui substitue « la présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement ». Vous ne savez plus quelles formules adoptées, monsieur le garde des sceaux, pour ne pas dire « comparution immédiate » !
La commission des lois souligne dans son rapport que « les vertus pédagogiques de la sanction tendent à s'estomper si la peine n'intervient pas dans le meilleurs délais après la commission de l'infraction ». Des jeunes attendent effectivement parfois plusieurs mois une audience de cabinet, et jusqu'à deux ans une audience devant le tribunal : est-ce dû à la lenteur structurelle des procédures et des audiencements ou au manque d'effectifs en juges des enfants et en greffiers ? Il faudrait que nous le sachions.
Nous avons entendu tout à l'heure le garde des sceaux - il n'était pas d'accord avec les jugements intempestifs du ministre de l'intérieur sur le tribunal de Bobigny - nous assurer que des efforts avaient été faits et qu'ils seraient poursuivis. Nous aimerions cependant connaître les raisons exactes de ces délais trop importants.
Est-ce le contenu du jugement ou la longue attente entre celui-ci et la mise en application concrète des mesures décidées, faute de moyens humains et matériels, qui pose un véritable problème ? Il faut bien souvent des mois pour qu'une sanction décidée par le juge soit mise en oeuvre. Parfois même, elle n'est jamais exécutée, faute de moyens.
Dans un rapport de février 2006, le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, qui a été reçu au Sénat, épingle notre pays en soulignant que « la justice des mineurs est, à l'heure actuelle, défaillante dans sa prise en charge des mineurs délinquants aussi bien dans des brefs délais que sur le long terme ». Il souligne que l'évolution de la justice des mineurs ne pourra se faire sans une nouvelle dotation en moyens pour la justice et sans un renforcement des services de la protection judiciaire de la jeunesse, « qui sont les plus à même de rétablir la chaîne sociale rompue pour ces mineurs délinquants ».
L'ordonnance de 1945 était fondée sur l'idée que le juge devait essayer de comprendre le sens du passage à l'acte du mineur afin de le resituer dans son contexte et y répondre de la façon la plus juste. Un jugement rapide, ajouté à d'autres dispositions, efface la prise en compte de la personne du mineur. C'est d'ailleurs une volonté délibérée du Gouvernement puisque le texte prévoit - la commission des lois s'y oppose à juste titre - l'allongement de douze à dix-huit mois de la durée de validité des investigations concernant la personnalité du mineur.
Juger toujours plus vite ne pourra que se retourner contre les justiciables, en favorisant un amenuisement des droits de la défense et une nouvelle augmentation des incarcérations. Et rien de tout cela n'aidera les victimes en quoi que ce soit !
La commission d'enquête sénatoriale, dans ses propositions, n'avait pas estimé « réaliste » d'étendre aux mineurs la procédure de comparution immédiate. Il s'agit pourtant bien ici de cela.
Monsieur le président de la commission des lois, vous qui aimez citer le rapport de la commission d'enquête sénatoriale, voilà la démonstration que le Gouvernement ne garde de ce rapport, qui comprenait des idées intéressantes, même si d'autres l'étaient moins, que les plus négatives. Aucune des propositions positives que contenait le document, comme le renforcement important des moyens humains et matériels de la justice des mineurs, n'a été retenue, même s'agissant du nombre de juges des enfants.
La lecture tout à fait sélective des rapports parlementaires va, comme toujours, à l'encontre de l'intérêt des mineurs !
Je vous signale que la toute nouvelle Défenseure des enfants, Mme Dominique Versini, estime, dans un avis de septembre 2006, que la procédure de l'alinéa 2 de l'article 38 du projet de loi « paraît inadaptée pour les mineurs dans la mesure où cela pourrait aboutir à des jugements qui ne prendraient pas en compte la personnalité et l'évolution récentes du mineur.
« Il serait en effet dommageable que, dans le cadre d'une présentation immédiate devant le juge des enfants, des décisions lourdes d'avenir pour le mineur soient prises sur la base d'éléments de personnalité pouvant être anciens, d'enquêtes sociales pouvant remonter jusqu'à dix-huit mois ou en l'absence de parents convoqués mais non présents ce jour-là. »
Beaucoup de voix convergentes - je ne vous les cite pas toutes - nous incitent à ne pas accepter une mise en cause aussi grave de la justice des mineurs.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, sur l'article.
M. Robert Badinter. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à mon grand regret, pour des raisons impératives, je n'ai pu prendre part à la discussion générale.
Au point de la discussion où nous en arrivons maintenant - la question si importante de la délinquance des mineurs -, je voulais rappeler à la Haute Assemblée les principes que nous ne devons jamais perdre de vue lorsqu'il s'agit de la justice des mineurs.
La considération majeure, qui est inscrite dans les conventions internationales comme, depuis 1945, dans nos textes, est que le mineur délinquant n'est pas un majeur délinquant en miniature. La situation est différente de celle dépeinte par les portraits du XVIIe siècle où l'on voit le petit garçon habillé comme son père : un enfant ou un adolescent n'est pas un adulte en réduction. Il évolue, il se transforme, et nous savons tous par expérience personnelle que l'adolescent de seize ans n'est plus le garçon de douze ans qu'il était, qu'il a changé et qu'il continuera à changer. C'est précisément pour cette raison que l'accent doit toujours être mis sur les principes d'éducation, de réinsertion, de transformation. Bref, la justice des mineurs doit obligatoirement s'engager en leur faveur.
Il ne s'agit pas que de considérations d'ordre général. Elles s'inscrivent - je le rappelle à la Haute Assemblée - au nombre des principes d'ordre constitutionnel. À deux reprises, le Conseil constitutionnel a été amené à statuer sur ce point. La dernière décision, fort récente puisqu'elle date du 2 mars 2004, concerne des textes dont nous avions débattu ici.
Le Conseil constitutionnel a rappelé à cette occasion que « l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge » - parce qu'ils n'ont pas le même niveau de responsabilité pénale que les majeurs, les mineurs doivent relever d'un traitement pénal différent - « comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées » - donc des juridictions et des procédures distinctes de celles qui sont prévues pour les majeurs - « ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du XXe siècle ».
Ce principe est le socle sur lequel nous devons nous fonder pour toute approche de la justice des mineurs. Il ne découle pas seulement d'un constat, il ne figure pas seulement dans les principes constitutionnels, il est aussi inscrit dans des conventions internationales.
J'en arrive à l'état de notre droit.
Je n'ai pas goûté, même s'il ne m'a pas surpris, le propos trop facile et la rhétorique du ministre de l'intérieur s'écriant que les adolescents de 1945 n'étaient pas ceux d'aujourd'hui. Et pour cause, ils sont aujourd'hui de vieux messieurs et de vieilles dames ! Mais il ne s'agit pas non plus du même texte. De même que le code civil n'est plus identique à ce qu'il était en 1804, de même l'ordonnance de 1945 dont nous parlons n'est pas restée inchangée. Tout au contraire, elle a subi tant de révisions que l'on n'arrive même plus à les dénombrer.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vingt-trois !
M. Robert Badinter. Pour certains, il y aurait eu vingt-trois révisions, pour d'autres, vingt-huit, pour d'autres encore, trente-trois. En tout cas, elle a fait l'objet de modifications incessantes, pratiquement chaque année. Souvenons-nous que nous avons eu l'occasion d'être saisis de projets de modification de cette ordonnance en 2002, en 2003 et en 2004 : ce sont bien des révisions annuelles.
Il s'agit donc toujours l'ordonnance de 1945 dans l'esprit mais certainement plus dans les dispositions. Ne perdons pas de vue toutefois ce qui en est l'inspiration fondamentale.
Pour finir, je voudrais faire une observation. Rien, mes chers collègues, rien n'est plus difficile que la mission du juge des mineurs ; rien ne nécessite plus de délicatesse, plus de compréhension, plus de fermeté, plus d'humanité. De toutes les tâches que la justice impose à ceux qui la servent, c'est certainement celle que, pour ma part, je considère comme à la fois la plus lourde, la plus difficile, et, quand elle est réussie, certainement la plus gratifiante.
Voilà pourquoi je tiens à dire ici combien j'ai été personnellement choqué par les propos du ministre de l'intérieur.
Je sais, monsieur le garde des sceaux, que vous avez tenu, au début de cette séance, à rappeler les efforts du tribunal de Bobigny. Reste qu'il n'appartient pas à un membre du Gouvernement qui n'a pas la responsabilité de la justice de stigmatiser publiquement des magistrats qui font, en conscience, tout ce qui est en leur pouvoir pour assumer une tâche si difficile. C'est indiscutablement, en droit, un manquement à la séparation des pouvoirs.
Je sais que les rapports entre garde des sceaux et ministre de l'intérieur ne sont pas toujours faciles.
M. Josselin de Rohan. Rappelez-vous Gaston Defferre !
M. Robert Badinter. Il faut toujours se souvenir que la Chancellerie n'est pas l'antenne judiciaire de la place Beauvau ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 235 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 287 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guerry, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 235.
Mme Éliane Assassi. Pour aller dans le même sens que Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, je voudrais m'arrêter sur deux dispositions distinctes qui sont incluses dans cet article 38.
La première porte sur la tenue des audiences du tribunal pour enfants. Je souscris d'ailleurs tout à fait à ce que vient de dire notre collègue Robert Badinter. Désormais, ces audiences seraient organisées conjointement par le président du tribunal pour enfants et le procureur de la République.
Actuellement, comme le dit d'ailleurs le rapporteur, c'est le principe de concertation qui prévaut entre le juge des enfants et le procureur. Si cet article était adopté, le juge perdrait l'autonomie dont il dispose aujourd'hui pour organiser ses audiences. Or cette autonomie est indispensable : seul le juge peut estimer le temps dont il aura besoin pour examiner le dossier du mineur délinquant, délai qui varie nécessairement selon les cas qu'il aura à juger. Cet article s'inscrit dans une logique d'accélération des procédures, et il ne permettra plus au juge d'organiser ses audiences dans l'intérêt du mineur.
La seconde disposition sur laquelle je souhaite m'arrêter porte sur la procédure de présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement. Elle est aujourd'hui modifiée après avoir été créée, sous le nom de procédure de jugement à délai rapproché, par la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002, dite loi Perben I. Cette procédure est similaire à la comparution immédiate pour les majeurs, et se révélerait, si ce texte devait être adopté, plus sévère pour les mineurs que pour les majeurs.
Plusieurs arguments viennent étayer mon propos.
Tout d'abord, le champ d'application de cette procédure est étendu par l'abaissement des seuils de peine encourue permettant sa mise en oeuvre : le seuil passe de trois ans à un an en cas de flagrance, et de cinq ans à trois ans dans les autres cas.
Par ailleurs, le mineur peut renoncer au délai minimal de comparution de dix jours, ce qui autorise ainsi sa comparution immédiate devant le tribunal pour enfants, quoi que vous puissiez dire.
Le doute n'est plus permis : le Gouvernement propose ainsi une quasi-comparution immédiate. Et cette procédure est d'autant plus grave pour le mineur que, s'il l'accepte, il peut donner son accord sans avoir besoin de celui de ses représentants légaux. Un mineur ne saurait, même avec l'assistance de son avocat, prendre seul une décision aux conséquences aussi lourdes pour la défense de ses droits.
Enfin, aucune investigation sur les faits ne sera nécessaire et la durée de validité des renseignements dont doit disposer la juridiction pour utiliser valablement cette procédure est allongée, passant de douze à dix-huit mois.
Autant dire que la personnalité du mineur est loin de constituer la priorité dans cette procédure de comparution immédiate, l'objectif étant de juger toujours plus vite afin de lutter contre une prétendue impunité.
L'accélération continuelle de la réponse pénale se heurte toutefois aux délais de prise en charge éducative, prise en charge que réclament pourtant tant les mineurs que leurs parents.
Par ailleurs, cette accélération n'est pas neutre sur les réponses données : la compréhension et la personnalité du mineur s'effacent devant l'objectif de maintien de l'ordre public.
Cette procédure de comparution immédiate conduit en réalité à juger d'abord des faits tout en niant le parcours, la personnalité, ainsi que l'environnement social et familial du mineur.
La justice des mineurs est de plus en plus mécanique. Son rôle est pourtant de transformer une situation et non de juger des faits isolés.
Les amendements présentés par la commission ne changeront pas grand-chose sur le fond. Remplacer l'expression « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement » par celle de « présentation immédiate devant le tribunal pour enfants » et maintenir le délai actuel concernant les investigations sur le mineur ne modifient pas la logique d'accélération des procédures de jugement voulue par le Gouvernement.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous nous opposons à l'article 38, que nous jugeons particulièrement dangereux.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour présenter l'amendement n° 287.
Mme Catherine Tasca. Nous sommes tous ici également préoccupés - très inquiets même - au sujet de la délinquance des mineurs, comme nous sommes tous désireux, je pense, de trouver des moyens d'empêcher les mineurs de prendre la voie de la délinquance.
Si nous nous opposons à l'article 38, comme à l'ensemble de la philosophie de ce texte, c'est parce que les enfants, si différents soient-ils en 2006 de ce qu'ils étaient en 1945 et de ce qu'ils seront en 2055, restent des mineurs, comme l'a rappelé Robert Badinter.
Si nous devons les retenir sur la voie de la délinquance, ce n'est pas seulement afin d'assurer une meilleure sécurité de notre société, c'est aussi parce qu'il est du devoir des adultes de le faire, afin que ces enfants puissent devenir des citoyens aussi libres et responsables que possible. Nous devons les empêcher de se retrouver dans des situations qui les conduisent à la prison.
L'article 14-2 de l'ordonnance de 1945 relatif à la procédure de jugement à délai rapproché prévoit, s'agissant des mineurs de seize à dix-huit ans, que, « après avoir recueilli ses observations éventuelles et celles de son avocat, le procureur de la République informe le mineur qu'il est traduit devant le tribunal pour enfants pour y être jugé, à une audience dont il lui notifie la date et l'heure et qui doit avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ni supérieur à un mois ».
Le projet de loi introduit un changement de vocabulaire dans l'ordonnance de 1945 : le jugement à délai rapproché, créé voilà à peine quatre ans, comme cela vient d'être rappelé, par la loi Perben I, devient « la présentation immédiate devant le juge pour enfants aux fins de jugement ».
Cette présentation immédiate est possible pour les infractions punies d'un an d'emprisonnement au lieu de trois ans en cas de flagrance, et de trois ans d'emprisonnement au lieu de cinq ans dans les autres cas.
Par ailleurs, le texte prévoit que le délai de dix jours peut ne pas être respecté si le mineur et son avocat y consentent, sauf si les représentants légaux font connaître leur opposition.
Il est donc bien proposé l'instauration d'une quasi-comparution immédiate des mineurs. Il n'est pas inutile de rappeler, à titre de comparaison, que la comparution immédiate peut être utilisée pour les majeurs lorsque la peine encourue est d'au moins deux ans et, en cas de flagrance, d'au moins six mois.
On le voit, l'exigence fondamentale de l'ordonnance de 1945 - la situation des mineurs doit faire l'objet d'une approche personnalisée par la justice - est totalement reniée. Le texte compromet gravement la prise en compte de la spécificité de l'âge et de l'état de mineur. C'est l'une des raisons de fond pour lesquelles nous y sommes opposés.
Ainsi, le fait de porter de douze à dix-huit mois l'ancienneté des renseignements de personnalité dont doit préalablement disposer la juridiction pour utiliser valablement cette procédure montre que la spécificité du développement du mineur au cours de l'enfance et de l'adolescence, jusqu'à son entrée dans l'âge adulte, n'est pas prise en compte dans ce texte.
C'est en effet aberrant, monsieur le garde des sceaux, lorsque l'on connaît l'importance que peuvent avoir ces renseignements, ainsi que la connaissance approfondie du milieu dans lequel l'enfant grandit, de considérer que des informations recueillies il y a dix-huit mois seront de même qualité et auront le même poids que celles qui, aux termes du texte précédent, devaient dater de moins de douze mois.
Cette procédure de comparution immédiate, qui répond au souci que vous avez de sanctionner rapidement, ne peut pas être fondée - nous le répétons et nous le répéterons sans cesse - sur la négation de l'état de mineur.
Par ailleurs, le projet de loi crée dans l'ordonnance de 1945 un article 13-1 qui prévoit que les dispositions de l'article 399 du code de procédure pénale relatif à la fixation du nombre de jours des audiences correctionnelles sont applicables aux audiences du tribunal pour enfants. Là encore, cette mesure fait de l'enfant un petit adulte pour lequel il n'y a pas à choisir de voies et moyens différents.
Cette disposition va encore accentuer la pression des parquets sur le fonctionnement des tribunaux pour enfants. Les préoccupations d'ordre public risquent ainsi de prendre le pas sur les considérations éducatives. C'est tout l'équilibre de l'ordonnance de 1945 qui est ainsi compromis.
Je le répète, nous sommes en désaccord avec vous sur les deux approches qui guident votre texte : d'une part, la négation de la spécificité de la minorité et, d'autre part, la confusion permanente qui est faite entre délinquance et récidive.
Nous voulons prévenir la délinquance. Le traitement de la récidive est un autre sujet.
M. le président. L'amendement n° 234, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 2° de cet article :
2° - L'article 14-2 est abrogé.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à remettre en cause le rapprochement insidieux, mais réel, réalisé entre la justice des mineurs et celle des majeurs. En effet, la procédure de jugement à délai rapproché entre tout à fait dans cette logique.
Pourtant, il était considéré depuis 1945 que la responsabilité pénale d'un mineur devait être atténuée par rapport à celle d'un adulte et que les sanctions pénales pouvant être prononcées à l'encontre des enfants devaient avant tout être éducatives.
Mais la loi Perben I de 2002 a atténué la différence de traitement pénal entre les enfants et les adultes : elle a créé les centres éducatifs fermés, qui s'apparentent fortement à une prison, institué des sanctions éducatives dès l'âge de dix ans et la procédure de jugement à délai rapproché.
En étendant le champ d'application de la procédure de jugement à délai rapproché, le présent projet de loi achève de détruire la spécificité de la justice des mineurs ; je n'y reviens pas, nous en avons déjà longuement parlé.
La France, me semble-t-il, tourne ainsi le dos à ses engagements européens et internationaux, qui prévoient que le traitement pénal des affaires concernant des mineurs doit être effectué par des instances et selon une procédure spécialisées. Or, la procédure de jugement à délai rapproché est similaire, dans son mécanisme et dans son esprit, à la procédure de comparution immédiate.
Si les majeurs ont déjà bien du mal à se défendre dans des conditions normales dans le cadre de cette procédure, la situation sera bien pire lorsqu'il s'agira de mineurs.
Nous souhaitons donc que la procédure de jugement à délai rapproché ne puisse plus être appliquée aux mineurs.
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après les mots :
remplacés par les mots :
rédiger comme suit la fin du a du 2° de cet article :
« présentation immédiate devant le tribunal pour enfants »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement vise à remplacer l'expression « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement » par la formulation « présentation immédiate devant le tribunal pour enfants ».
En effet, comme l'ont dit plusieurs des personnalités que la commission a auditionnées, la formulation proposée dans le projet de loi est source de malentendus. Elle peut laisser sous-entendre que le jugement interviendrait en audience de cabinet du juge des enfants. Or tel n'est pas le cas. Le jugement dans le cadre de cette procédure doit toujours être rendu par le tribunal pour enfants.
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après les mots :
remplacés par les mots :
rédiger comme suit la fin du 1 du b du 2° de cet article :
« présentation immédiate devant le tribunal pour enfants » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement précédent.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 63 est présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 124 rectifié est présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le c du 2° de cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 63.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il nous semble nécessaire de maintenir le droit existant concernant les investigations sur la personnalité du mineur.
En l'état actuel du droit, le jugement à délai rapproché n'est possible que si des investigations sur la personnalité du mineur ont été effectuées dans le cadre d'une procédure antérieure datant de moins d'un an.
Dans le projet de loi, ce délai est porté à dix-huit mois. Une telle durée paraît excessive, compte tenu de l'évolution possible de la personnalité du mineur dans cet intervalle et du fait que dix-huit mois représentent parfois une partie non négligeable de la vie de l'enfant.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour présenter l'amendement n° 124 rectifié.
M. François Zocchetto. S'il est des prévenus qui ne doivent pas attendre des mois, voire des années avant de comparaître devant le tribunal, ce sont bien les prévenus mineurs. Nous avons déjà décrit à de nombreuses occasions tous les désavantages et les effets négatifs résultant de la présentation d'un jeune devant un tribunal six mois, douze mois, dix-huit mois, parfois plus, après les faits.
Je pense que la procédure de comparution immédiate devant le tribunal, et non pas devant le juge des enfants d'ailleurs - à cet égard, je suis favorable à l'amendement n° 61 de la commission - est une bonne démarche.
Sur ce sujet, nous n'avançons pas de façon aveugle. Nous avons une double référence. Tout d'abord, la procédure de comparution à délai rapproché existe déjà pour les mineurs depuis un certain temps. Ensuite, la procédure de comparution immédiate existe depuis des années. Elle a d'ailleurs été instituée et complétée sur l'initiative de gouvernements d'inspirations politiques les plus variées. Il y a tout lieu, me semble-t-il, de se féliciter de ce dispositif, qui, en outre, doit âtre réservé aux mineurs de seize à dix-huit ans.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je souhaite tout d'abord dire à Mme Borvo Cohen-Seat qu'il ne faut voir aucune arrière-pensée ou intention malicieuse derrière la demande de priorité de la commission. C'est une simple question de coordination. En effet, l'article 35 évoque la procédure de présentation immédiate devant le juge des enfants, procédure instituée par l'article 38. Telle est la seule raison de cette demande de priorité.
La commission est bien évidemment défavorable aux amendements de suppression nos 235 et 287. Je suis totalement d'accord avec les arguments développés à l'instant même par notre collègue François Zocchetto. Comme l'ont relevé différents intervenants, les modifications ne concernent que les quantum de peines encourues et la possibilité pour le mineur d'être jugé à la première audience du tribunal pour enfants qui suit sa présentation au procureur de la République, sans que le délai de dix jours soit applicable, et ce à une double condition, particulièrement sécurisante : l'accord exprès du mineur et de son avocat et l'absence d'opposition de ses représentants légaux.
L'amendement n° 234 tend à supprimer la procédure du jugement à délai rapproché créé par la loi Perben I. La commission y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements du groupe socialiste et du groupe CRC et un avis favorable sur les amendements de la commission et de M. Zocchetto. Je vais expliquer pourquoi.
Je souhaite tout d'abord affirmer le respect par ce texte de l'ordonnance de 1945. Je rappelle que cette ordonnance prévoit trois spécificités s'agissant de la justice des mineurs.
La première spécificité, c'est la primauté de l'éducatif. Or je rappelle que ce texte prévoit des mesures d'activités de jour ainsi que, à travers la composition pénale, des mesures d'ordre éducatif.
La deuxième spécificité fondamentale de l'ordonnance de 1945, c'est l'excuse de minorité, c'est-à-dire que sont divisées par deux l'ensemble des peines applicables aux mineurs.
Enfin, la troisième spécificité de cette ordonnance, qui est incontournable, c'est le principe de justice spécifique aux mineurs. Le projet de loi ne supprime pas les tribunaux pour enfants, tout le monde l'aura observé !
Les trois spécificités de l'ordonnance sont donc respectées. On peut s'opposer au texte par idéologie, mais tant qu'il respecte ces trois principes - primauté de l'éducatif, excuse de minorité et spécificité de juridiction -, il reste dans l'esprit des pères de l'ordonnance de 1945.
Je rappellerai aussi que l'ordonnance de 1945, si l'on excepte l'exposé des motifs, a été modifiée une trentaine de fois - vingt-trois selon la commission des lois, trente-deux ou trente-trois d'après M. Badinter.
Pour en revenir à l'article 38, je rappellerai que l'audiencement conjoint, donc siège-parquet, existe déjà pour les majeurs. Dans nombre de juridictions, il existe également déjà pour les mineurs ; je pense aux convocations par officier de police judiciaire, les COPJ, qui sont de plus en plus utilisés dans les tribunaux pour mineurs. Bref, il ne s'agit jamais que de mettre les faits en harmonie avec le droit ; l'existant est simplement généralisé.
S'agissant de la présentation immédiate devant une juridiction pour mineurs, nouveauté de ce texte, la commission des lois a voulu préciser que le mineur est présenté devant le tribunal des enfants. Elle a sans doute raison, puisque le principe, pour les mineurs, est que le parquet saisisse la juridiction, qu'ils soient d'abord présentés devant le juge des enfants, lequel peut décider soit la détention provisoire soit le contrôle judiciaire, et qu'ensuite ils comparaissent devant le tribunal pour enfants. Je me rallie donc à la formulation de la commission, puisque ce n'était pas aussi clairement exprimé dans le projet de loi.
En fait, il s'agit de respecter la spécificité de la justice pour enfants et, en même temps, d'aller vite.
Si nous voulons que la loi ait un aspect éducatif, madame Tasca, il faut que le jeune puisse faire la différence entre ce qui est défendu et ce qui est permis, ce qui constitue une faute et ce qui est licite. Or, je le répète, plus on attend, plus ces notions deviennent floues pour le jeune prévenu. De ce point de vue, la rapidité de la décision judiciaire est pédagogique.
Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Josiane Mathon-Poinat. Mais non !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Vous ne pouvez pas dire le contraire, sauf à prétendre que l'on ne respecte pas l'ordonnance de 1945, quand je tends à démontrer le contraire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. La présentation immédiate ne peut concerner que les réitérants, en accord avec l'intéressé, son avocat et, pour les mineurs, les parents. Cette procédure va effectivement plus loin que la présentation à délai rapproché, déjà modifiée par la loi et qui avait été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans une décision du 29 août 2002. Cette nouvelle procédure est, elle aussi, conforme à la Constitution puisque l'accord du mineur et de ses représentants est requis.
Tant l'audiencement à délai rapproché que la présentation immédiate devant une juridiction pour enfants ont un sens pédagogique, puisqu'ils font en sorte que le jeune puisse être présenté, avec son accord, dès la première audience utile d'un tribunal pour enfant. Si le jeune n'est pas d'accord, il retombe dans le droit commun et est renvoyé devant la juridiction dans un délai de dix jours à un mois, comme c'est le cas actuellement.
Cette procédure ne constitue pas une révolution, elle est extrêmement respectueuse de la volonté des parties, mais elle tend à aller plus vite pour être pédagogique.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 235 et 287.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le garde des sceaux, monsieur Zocchetto, il ne suffit pas de répéter qu'il est préférable de juger les mineurs immédiatement, et ce avec leur accord, puisque, justement, les éducateurs et les juges que j'ai entendus sur ce sujet m'ont expliqué que les mineurs souhaitent être jugés tout de suite pour être débarrassés ! Cet argument va donc à l'encontre de votre démonstration.
La spécificité de la justice des mineurs tient précisément au fait de prévoir d'abord une prise en charge - occupons-nous plutôt de lui donner les moyens nécessaires -, prise en charge au terme de laquelle le jugement intervient, lorsque le mineur est capable de comprendre et d'admettre qu'il a commis un délit.
Vous nous dites le contraire ! Eh pourtant, les petits délinquants ancrés dans leur délinquance, comme vous dites, sont bien contents d'être jugés en comparution immédiate, ils sont débarrassés : s'ils bénéficient de sursis, c'est terminé ; s'ils font une courte peine de prison, qui, comme chacun le sait, est éducative, ils en ressortent parfaitement rééduqués et ne commettent plus aucun délit !
Nous tenons beaucoup à ce principe spécifique de la justice des mineurs, et vous êtes en train de le remettre en cause, que vous le vouliez ou non !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le fait de dire que les mineurs d'aujourd'hui ne sont pas ceux de 1945 relève de propos de comptoir ! Aujourd'hui, rien n'est comme en 1945 : ni les mineurs, ni les majeurs, ni la société, ni tout le reste !
À l'époque, la plupart des jeunes travaillaient dès l'âge de quatorze ans. Aujourd'hui, beaucoup sont au chômage bien longtemps après avoir terminé leur formation. Évidemment, les jeunes de la bourgeoisie et des couches moyennes restent de plus en plus longtemps chez leurs parents ; ils sont pris en charge, même si cela ennuie quelquefois les parents ; ils n'ont pas trop de soucis. En revanche, les jeunes des milieux plus modestes connaissent de plus grandes difficultés, puisqu'ils n'arrivent pas à s'insérer dans le monde du travail.
En 1945, Mme Campinchi, qui avait présidé la commission issue du Conseil national de la Résistance chargée de préparer l'ordonnance de 1945, disait ceci : « Le développement continu de la délinquance juvénile est un des phénomènes les plus inquiétants de l'heure présente »... Elle poursuivait ainsi : « mais la France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains ».
M. Josselin de Rohan. Avec un « t », ç'aurait été encore mieux! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'était le vocabulaire de l'époque.
Aujourd'hui, au lieu de se demander comment faire pour prendre en charge un jeune délinquant - qui est un grand danger pour lui-même, pour la société et pour l'avenir -, pour qu'il n'aille pas en prison, pour qu'il ne recommence pas et puisse devenir un adulte, on le traite de voyou, de racaille !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. De « sauvageon » !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On stigmatise la jeunesse des quartiers populaires !
Décidément, nous ne sommes pas du tout dans le même état d'esprit qu'en 1945, voilà la différence ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Quelle caricature !
Mme Éliane Assassi. Intervenez plutôt que de nous invectiver, monsieur Karoutchi !
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Si j'interviens, c'est parce que je veux répondre à ce qui me paraît être, mon cher collègue Zocchetto, une erreur d'approximation.
Nous avons une procédure qui est déjà rapide, à délai rapproché. Rappelons qu'elle a été introduite récemment dans notre droit. Je rappelle aussi que ce texte a été discuté sur la base du rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs, rédigé par M. Schosteck. Nous avions donc déjà une connaissance parfaite de l'état de la délinquance des mineurs.
Pourquoi nous sommes-nous tenus au délai rapproché sans aller jusqu'à la comparution immédiate ?
La raison est simple et semble pourtant méconnue : quand vous traitez de la justice des mineurs, et cela concerne particulièrement les magistrats, vous devez prendre en considération la possibilité d'évolution favorable du mineur dans le temps, de préférence à bref délai. C'est l'objectif que l'on se donne.
Il y a certes une frustration de la part des victimes quand la décision ne tombe pas, de la part du corps des policiers également quand ceux-ci ont le sentiment que rien ne s'est passé, je le sais bien. Mais vous ne pouvez pas, en matière de justice des mineurs, sortir du principe que j'ai évoqué, à savoir que ces derniers changent et que l'on veut qu'ils changent dans le bon sens.
C'est la raison pour laquelle il vaut mieux ne pas juger le mineur en comparution immédiate comme le majeur, simplement pour qu'il sente, si je puis dire, qu'il est sous l'oeil de la justice, qu'elle est présente, qu'elle l'amène à savoir ce qu'il doit faire, qu'il est pris en quelque sorte en considération. C'est son devenir qu'il forge lui-même, qu'il va jouer à l'audience. Lorsqu'il comparaîtra, on regardera ce qu'il a fait depuis qu'il a été présenté au procureur.
En revanche si, sous les pressions légitimes que j'évoquais tout à l'heure, mais qui ne mesurent pas la spécificité de ce droit, vous le présentez le soir même et qu'il reçoit une admonestation ou ce qui lui apparaît comme un rappel aux principes, il se dira : « C'est tout ? Pourquoi je changerais ! »
Il vaut donc mieux conserver ce délai, ce temps d'observation, de surveillance ; il vaut mieux qu'il sente que la justice prend en compte ce qu'il est en train de devenir. Je le répéterai toujours : c'est le devenir qui compte dans le cas de la justice des mineurs, et ce rapprochement avec la justice des majeurs n'est pas bon ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Monsieur le président, je souhaiterais intervenir à propos de l'amendement n° 61, déposé par M. Jean-René Lecerf, au nom de la commission. Le Gouvernement préférerait la formulation suivante : « présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs ». La commission accepterait-elle de modifier en ce sens son amendement ?
M. le président. Êtes-vous d'accord pour effectuer cette modification, monsieur le rapporteur ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur le président, dans la mesure où elle répond aux objections qui avaient été formulées par la commission, je pense pouvoir donner mon accord. Par coordination, il conviendra, bien sûr, de rectifier l'amendement n° 62, ainsi que l'amendement n° 54 à l'article 35.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 61 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Après les mots :
remplacés par les mots :
rédiger comme suit la fin du a du 2° de cet article :
« présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs »
Je suis également saisi d'un amendement n° 62 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Après les mots :
remplacés par les mots :
rédiger comme suit la fin du 1 du b du 2° de cet article :
« présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs » ;
Je mets aux voix les amendements identiques nos 235 et 287.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 et 124 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 38, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 229 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 201 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
Article 35
L'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi modifiée :
1° Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 5, les mots : « jugement à délai rapproché » sont remplacés par les mots : « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement » ;
2° L'article 7-1 est ainsi rétabli :
« Art. 7-1. - Lorsque le procureur de la République fait application des dispositions de l'article 41-1 du code de procédure pénale à l'égard d'un mineur, les représentants légaux de celui-ci doivent être convoqués.
« Les mesures prévues aux 2° à 5° de l'article 41-1 requièrent l'accord des représentants légaux du mineur. La mesure prévue au 2° peut également consister dans l'accomplissement d'un stage de formation civique ou dans une consultation auprès d'un psychiatre ou d'un psychologue. Le procureur de la République fixe, le cas échéant, le montant des frais de stage pouvant être mis à la charge des représentants légaux du mineur. » ;
3° Après l'article 7-1 rétabli, il est créé un article 7-2 ainsi rédigé :
« Art. 7-2. - La procédure de composition pénale prévue par les articles 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale peut être appliquée aux mineurs âgés d'au moins treize ans lorsqu'elle apparaît adaptée à la personnalité de l'intéressé, dans les conditions prévues par le présent article.
« La proposition du procureur de la République doit être également faite aux représentants légaux du mineur et obtenir l'accord de ces derniers.
« L'accord du mineur et de ses représentants légaux doit être recueilli en présence d'un avocat désigné conformément au deuxième alinéa de l'article 4-1.
« Avant de valider la composition pénale, le juge des enfants peut soit d'office, soit à leur demande, procéder à l'audition du mineur ou de ses représentants légaux. Dans ce dernier cas, l'audition est de droit. Si ce magistrat rend une ordonnance ne validant pas la composition, la proposition devient caduque. La décision du juge des enfants, qui est notifiée à l'auteur des faits et à ses représentants légaux et, le cas échéant, à la victime, n'est pas susceptible de recours. Le procureur de la République met en mouvement l'action publique, sauf élément nouveau.
« Les mesures prévues par les 12° et 13° de l'article 41-2 du code de procédure pénale ne sont pas applicables.
« Les mesures suivantes peuvent également être proposées au mineur, par le procureur de la République, au titre de la composition pénale :
« 1° Accomplissement d'un stage de formation civique ;
« 2° Suivi de façon régulière d'une scolarité ou d'une formation professionnelle ;
« 3° Respect d'une décision antérieurement prononcée par le juge de placement dans une institution ou un établissement public ou privé d'éducation ou de formation professionnelle habilité ;
« 4° Consultation d'un psychiatre ou d'un psychologue ;
« 5° Exécution d'une mesure d'activité de jour.
« La durée d'exécution des mesures proposées aux mineurs ne peut excéder six mois. »
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je me demandais s'il était encore bien utile d'intervenir. Finalement, je le crois, car il faut toujours défendre ses convictions.
Toujours avec cette obsession d'une réponse « rapide et effective », pour employer les termes mêmes de la commission des lois, cet article participe une nouvelle fois au rapprochement dangereux entre justice des mineurs et justice des majeurs.
En effet, la mesure de composition pénale deviendrait applicable aux mineurs dès l'âge de treize ans. Quant à la « présentation immédiate devant le juge des enfants aux fins de jugement », quel que soit son intitulé, elle a été instaurée il y a seulement quatre ans, et vous venez déjà de la modifier !
Lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, en 2002, nous nous étions opposés à l'adoption de la composition pénale pour les majeurs. Nous nous y opposons a fortiori pour les mineurs.
À l'époque, nous avions fait valoir que cette disposition remettait en cause la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.
Dans le présent article, qui, je le rappelle, concerne les mineurs, aucune garantie n'est prévue afin que leur minorité soit prise en compte. Le seul élément envisagé, c'est la nécessité d'obtenir l'accord des représentants légaux de l'intéressé. C'est quand même le moins que l'on puisse faire !
Ainsi, rien n'est prévu pour l'association des professionnels de la protection judiciaire à une possible enquête de personnalité du mineur.
Quant au juge des enfants, son rôle se trouve singulièrement réduit, puisque sa seule mission sera de valider ou non par ordonnance la composition pénale. Il aura seulement la faculté d'auditionner le mineur ou ses représentants légaux. Pourtant, son rôle est normalement d'accompagner judiciairement l'évolution du mineur, en s'appuyant sur les personnels de l'action éducative qu'il désigne. Il est vrai que, dans votre conception, le juge des enfants est une institution inutile, qui devrait petit à petit disparaître.
La mesure de composition pénale n'entraîne pas une privation de liberté stricto sensu, mais elle ne constitue pas une véritable alternative aux poursuites, puisqu'elle emporte inscription au casier judiciaire. Elle demeure une véritable peine à l'encontre du mineur concerné : une de plus sur une palette déjà bien large !
En outre, cette disposition est pour le moins surprenante. En effet, les mineurs de moins de seize ans n'ont pas la capacité juridique de contracter. Dans ces conditions, comment la composition pénale pourrait-elle leur être applicable ?
Comme vous le voyez, à vouloir aller trop vite en besogne, que ce soit pour légiférer ou pour juger, on prend des risques, en l'occurrence au détriment des jeunes.
M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 230 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 284 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 230.
Mme Josiane Mathon-Poinat. À lire l'intitulé du chapitre VII, « Dispositions tendant à prévenir la délinquance des mineurs », on pourrait légitimement s'attendre à ce que celui-ci souligne la spécificité de la délinquance des très jeunes, laquelle est fondée à la fois sur son caractère marginal et sur la question de la responsabilité. Mais est-on réellement responsable de ses actes à treize ans ?
Au lieu de mettre en avant le caractère spécifique et délicat de la situation des mineurs délinquants, l'article 35 n'est là que pour gommer ces particularités et les différences de traitement qui caractérisaient les situations des mineurs et des majeurs dans l'ordonnance de 1945 à son origine. Cet article fait donc des mineurs et des très jeunes mineurs des délinquants comme les autres : délinquants avant tout et « sanctionnables » comme tous !
De plus, les auteurs du projet de loi semblent confondre les différents sens du mot « prévenir ». Si nous, nous considérons que dans le contexte de la délinquance « prévenir » signifie « empêcher d'arriver », M. le ministre de l'intérieur, pour sa part, lui donne le sens d'« informer au préalable afin de préparer la sanction en conséquence ». La preuve en est l'idée mise en avant dans le texte de « sanctions éducatives ». N'y a-t-il pas là une contradiction évidente entre l'ambition de prévention, qui passe effectivement par l'éducation, et la mise en place d'une politique répressive à l'égard des mineurs ?
Il semble logique de commencer par éduquer nos enfants afin de leur fournir les outils nécessaires à la compréhension de leurs actes et donc à l'élaboration de la notion de responsabilité justifiant une sanction, plutôt que de faire de la sanction la clé de l'éducation. D'autant que la sanction, qui peut parfois avoir des effets positifs lorsqu'elle est appliquée d'une manière intelligente, comporte souvent un effet pervers, à savoir la stigmatisation de l'individu sanctionné.
Dans l'article 35 du projet de loi, on trouve en effet des sanctions dont les effets marquants sur l'individu, tant socialement que psychologiquement, sont à craindre chez les très jeunes. Il s'agit notamment du placement dans une institution éducative habilitée ou de la consultation d'un psychiatre ainsi que de la fameuse « exécution d'une activité de jour », derrière laquelle semblent pouvoir se cacher mille et une choses ...
Il faut prendre en compte le fait que les jeunes qui font preuve de comportements déviants, voire violents, sont souvent des individus en mal d'avenir, en déshérence, tout simplement en mal de vivre. Quels meilleurs jours leur promettons-nous si nous leur supprimons toute possibilité d'intégration en les stigmatisant dès l'âge de treize ans ?
La répression dès cet âge nous paraissant inacceptable, nous pensons que M. Sarkozy se trompe de méthode, se trompe de siècle, voire tout simplement de système politique. Car, dans une démocratie moderne garantie par l'État de droit, la prévention ne peut céder son droit à la répression, qui plus est lorsqu'il s'agit de fragiliser la plus grande richesse de notre pays, à savoir sa jeunesse.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 284.
M. Jean-Claude Peyronnet. Avant d'expliquer pourquoi nous sommes opposés à l'application de la procédure de composition pénale aux mineurs de moins de treize ans, j'aimerais rappeler un certain nombre de principes régissant l'ordonnance de 1945.
Comme l'a souligné M. Badinter, cette ordonnance a été maintes fois modifiée. Et la version actuelle n'interdit nullement la répression, bien au contraire. Mais celle-ci doit s'exercer sous une forme particulière. En fait, son principe premier est l'éducation.
Ainsi, l'article 2 de l'ordonnance de 1945 - non le texte d'origine, mais la version en vigueur - dispose : « Le tribunal pour enfants et la Cour d'assises des mineurs prononceront, suivant les cas, les mesures de protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation qui sembleront appropriées.
« Ils pourront cependant, lorsque les circonstances et la personnalité des mineurs l'exigent, soit prononcer une sanction éducative à l'encontre des mineurs de dix à dix-huit ans, conformément aux dispositions de l'article 15-1, soit prononcer une peine à l'encontre des mineurs de treize à dix-huit ans en tenant compte de l'atténuation de leur responsabilité pénale, conformément aux dispositions des articles 20-2 à 20-9.
« Le tribunal pour enfants ne peut prononcer une peine d'emprisonnement, avec ou sans sursis, qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine. »
Tout tient dans les mots « ils pourront, cependant », qui fixent bien l'ordre des choses, y compris avec la loi Perben I.
À la lecture de ce texte, on comprend qu'affirmer que la priorité législative est éducative ne veut pas dire que la loi interdit la répression à l'encontre des mineurs. La loi fixe une orientation de base ; elle n'ignore pas l'intérêt d'une démarche d'autorité et répressive vis-à-vis des enfants.
Par ailleurs, je rappelle que les réformes successives ont accru de façon considérable l'éventail des peines. La loi Perben I a ainsi créé de nouvelles mesures, dites « sanctions éducatives », pouvant être prononcées à partir de l'âge de dix ans.
Fidèles à nos principes, nous sommes opposés pour des raisons de cohérence à l'application de la procédure de composition pénale aux mineurs de treize ans. Aucune garantie n'est en effet prévue par ce texte pour assurer la prise en compte de l'état de minorité du mis en cause, en dehors de la nécessité d'obtenir l'accord des représentants légaux.
Ainsi, le projet de loi n'envisage pas l'intervention obligatoire et préalable d'une enquête sur la personnalité du mineur, ne serait-ce que sous la forme d'une procédure de renseignement socio-judiciaire confiée à la protection judiciaire de la jeunesse, ce qui serait pourtant tout à fait conforme à l'esprit de l'ordonnance de 1945. Dès lors, le juge des enfants n'est plus chargé d'accompagner judiciairement l'évolution du mineur ; il se borne à un rôle d'homologation.
M. le président. L'amendement n° 54 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après les mots :
remplacés par les mots :
rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa (1°) de cet article :
« présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 61 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du second alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article 7-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, après les mots :
l'article 41-1
insérer les mots :
du code de procédure pénale
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. L'amendement n° 125 rectifié, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article 7-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, remplacer les mots :
treize ans
par les mots :
seize ans
La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Il y a quelques mois, Laurent Béteille et moi-même avons conduit une mission d'information au sein de la commission des lois sur les procédures accélérées de jugement. Nous avons abouti à la conclusion que la composition pénale était une bonne procédure. D'ailleurs, elle commence à s'étendre à tout le territoire. Ne restait que la préoccupation du manque d'homogénéité de son application en fonction des juridictions.
Cela dit, s'agissant de son application aux mineurs, je me suis demandé s'il ne serait pas opportun d'opérer une distinction entre les mineurs de seize à dix-huit ans et les mineurs de treize à seize ans : cette procédure est-elle adaptée à cette dernière catégorie ?
Pour produire tous ses effets, notamment ses effets pédagogiques, de telle sorte que les mêmes faits ne se reproduisent pas, la composition pénale exige du jeune concerné une capacité de discernement suffisante. Il faut qu'il mesure la portée de ses actes, comprenne la procédure, qui est assez rapide, et l'implication d'une acceptation de la sanction.
Mon autre préoccupation était de m'assurer que la composition pénale ne conduisait pas à un traitement trop administratif du dossier.
Lors d'une comparution devant un juge, a fortiori devant le tribunal pour enfant, se déroule toute une procédure assez lente, ce que certains regrettent parfois. Cependant, à ce moment-là, un échange peut avoir lieu entre les intervenants, voire un échange avec le juge, afin de s'assurer que le mineur, s'il n'a que treize ans, par exemple, comprend bien ce qui se passe.
Je souhaite donc être rassuré sur le fait que la composition pénale appliquée à des mineurs, et précisément à des mineurs de treize à seize ans - c'est-à-dire à des enfants ! - ne sera pas menée de façon trop administrative, trop rapide, ce qui risquerait de banaliser cette procédure.
Telle est l'interrogation qui m'a conduit à déposer cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le quatrième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour insérer un article 7-2 dans l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 :
« Avant de valider la composition pénale, le juge des enfants peut, soit d'office, soit à leur demande, procéder à l'audition du mineur ou de ses représentants légaux. Dans ce cas, l'audition est de droit. La décision du juge des enfants est notifiée à l'auteur des faits et à ses représentants légaux et, le cas échéant, à la victime.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer des mentions inutiles concernant la procédure applicable aux mineurs en matière de composition pénale puisqu'elles figurent de manière identique à l'article 41-2 et que le nouvel article 7-2 de l'ordonnance de 1945, créé par cet article 35, a vocation à déterminer les modalités spécifiques d'application de la composition pénale aux mineurs.
Il s'agit en fait d'un amendement de simplification.
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Supprimer le cinquième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour insérer un article 7-2 dans l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le projet de loi prévoit que les mesures de composition pénale applicables aux majeurs le sont aussi aux mineurs, à l'exception de deux d'entre elles : l'interdiction de sortie du territoire et le stage de citoyenneté.
L'exclusion de cette dernière mesure peut surprendre d'autant que d'autres mesures comme l'obligation de travailler au service d'une collectivité, inadaptée pour les mineurs de seize ans, ne sont pas explicitement écartées.
Il semble donc préférable, plutôt que d'entrer dans une logique de liste avec les risques d'oubli que cela comporte, de laisser au procureur de la République le soin de déterminer les mesures adaptées aux mineurs parmi celles figurant à l'article 41-2 du code de procédure pénale.
M. le président. L'amendement n° 149, présenté par M. Demuynck, est ainsi libellé :
Compléter le huitième alinéa (2°) du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article 7-2 de l'ordonnance n° 45 -174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante par les mots :
avec définition et validation d'objectifs scolaires et disciplinaires
La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Le suivi régulier d'une scolarité ou d'une formation professionnelle ne saurait être une mesure suffisante si elle n'est assortie d'une définition d'objectifs avec le mineur, non seulement en termes de résultats, mais également en termes de comportement.
En effet, cette formation n'a de sens que si elle permet au mineur d'acquérir des connaissances et si ce dernier respecte les règles élémentaires de politesse à l'endroit de ses professeurs et de ses camarades.
M. le président. L'amendement n° 150, présenté par M. Demuynck, est ainsi libellé :
Compléter l'antépénultième alinéa (4°) du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article 7-2 de l'ordonnance n° 45 -174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante par les mots :
clinicien habilité
La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Un psychologue clinicien a une formation qui lui permet de soigner par psychothérapie. En revanche, toute personne qui a fait des études de psychologie peut prétendre au titre de psychologue.
Il convient de préciser que le psychologue consulté doit être habilité, c'est à dire reconnu pour son expertise et sa compétence à l'endroit des mineurs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements nos 230 et 284, amendements de suppression de l'article.
Elle estime, pour sa part, que la composition pénale rendra possible une action pédagogique, grâce au temps laissé au délégué du procureur, qui pourra délivrer l'explicitation nécessaire au mineur.
En ce qui concerne l'amendement n° 125 rectifié, j'avoue que je souscris à bien des remarques faites par M. Zocchetto. Je partage sa volonté d'éviter la banalisation de la composition pénale appliquée aux mineurs, notamment aux mineurs de treize à seize ans.
En l'état actuel des choses, elle donnera au mineur la possibilité de bénéficier, d'une part, d'une alternative aux poursuites et, d'autre part, de l'action spécifique exercée par le délégué du procureur.
Ce dernier élément, à savoir la disponibilité en termes de temps du délégué du procureur, le caractère éducatif de son action et de l'explication qu'il délivrera, a particulièrement retenu notre attention.
C'est dans ces conditions que la commission des lois admet que la composition pénale puisse s'appliquer à des mineurs à partir de l'âge de treize ans.
Je tiens également à signaler qu'au cours des auditions auxquelles a procédé la commission, à diverses reprises, les personnalités entendues ont fait mention du caractère intéressant de cette composition pénale applicable aux mineurs de treize ans : ainsi, en matière de lutte contre la toxicomanie, il s'agit de la seule manière de pouvoir éluder les poursuites puisque, bien évidemment, l'ordonnance pénale n'est pas applicable.
Dans la mesure où les préoccupations de la commission des lois et celles du Gouvernement sont identiques aux vôtres, monsieur Zocchetto, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
J'en viens à l'amendement n° 149. La définition des objectifs scolaires doit, en principe, faire partie intégrante de l'obligation fixée dans le cadre de la composition pénale. Il me semble que la précision qu'il propose n'est pas absolument nécessaire. Je demande donc le retrait de cet amendement.
Quant à l'amendement n° 150, la précision qu'il contient présente un caractère indiscutablement réglementaire. C'est la raison pour laquelle la commission souhaite également son retrait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Donner un avis sur toute une liasse d'amendements qui portent sur des sujets différents est toujours pour moi un exercice très difficile !
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le garde des sceaux, c'est le règlement du Sénat qui le veut !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Peut-être le Sénat comprendra-t-il un jour que l'on peut procéder autrement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On s'y fait au bout d'un certain temps ! (Sourires.)
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Personnellement, je crois que je ne m'y ferai jamais ! J'ai vraiment du mal.
M. Jean-Pierre Michel. Nous aussi, et je vous remercie de votre observation, monsieur le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Cela dit, le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques de suppression nos 230 et 284.
Il est en effet important de garder cette présentation à délai rapproché. En la supprimant, c'est grosso modo tout l'esprit du projet de loi que vous voulez remettre en cause !
Puis-je également vous faire observer, mesdames, messieurs les sénateurs, que, par définition, la composition pénale ne débouchera pas sur l'envoi du jeune en prison ? Tout au plus, il peut lui être recommandé des stages de sensibilisation aux produits stupéfiants, par exemple. Est-ce cela que vous voulez supprimer ?
Je pense que vous vous faites une mauvaise idée de cet article. Vous pensez qu'il s'agit d'une procédure répressive alors qu'en fait elle est éducative. Si ce que vous croyez était vrai, nous serions d'accord avec votre proposition. Mais j'abandonne l'idée de vous convaincre !...
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 54 tel qu'il a été rectifié, c'est-à-dire à la présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs, formulation qui englobe sous la même dénomination la présentation au juge des enfants et la présentation devant le tribunal pour enfants.
Je suis également favorable à l'amendement n° 57 de coordination.
En ce qui concerne l'amendement n° 125 rectifié, monsieur Zocchetto, il me semble que vous vous voulez en rajouter - si vous me passez l'expression !
Vous proposez en effet que la procédure de composition pénale soit limitée aux mineurs âgés d'au moins seize ans et qu'elle ne s'applique pas aux mineurs de treize à seize ans. Cela implique qu'il s'agit pour vous d'une procédure répressive !
M. François Zocchetto. Non !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Or cette procédure à une visée pédagogique. Pourquoi dès lors ne pas l'appliquer dès treize ans ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourquoi pas dix ans ou cinq ans alors !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il serait dommage, monsieur le sénateur, de ne pas faire profiter les mineurs de treize à seize ans de la composition pénale, qui constitue une alternative aux poursuites. C'est pour moi une chance qui leur est offerte.
Par ailleurs, je rappelle que la procédure prévoit des garanties, qu'elle ne remet pas en cause le rôle du juge des enfants, que celui-ci est l'autorité qui valide la mesure de composition pénale proposée par le procureur de la République. Bref, toutes les garanties constitutionnelles sont prises.
En conséquence, monsieur Zocchetto, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. N'ayez aucune inquiétude : cette forme de justice acceptée qu'est la composition pénale est plus un progrès qu'une régression !
Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 55 et 56.
En ce qui concerne l'amendement n° 150, monsieur Demuynck, il me semble que vous en rajoutez également !
Il faudrait, selon vous, qu'au titre de la composition pénale non seulement les mineurs suivent des cours mais qu'en plus ils obtiennent de bons résultats !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils devraient faire Polytechnique, comme ça on serait tranquille !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Ce serait plus sévère que ce qui est demandé aux majeurs !
Je serais donc heureux, monsieur le sénateur, que vous acceptiez de retirer cet amendement.
Quant à l'amendement n° 150, il vise à établir une liste de thérapeutes. Le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur le principe de la liberté de choix d'un médecin ou d'un thérapeute. Il a donc émis un avis défavorable.
Pour conclure, monsieur le président, je souhaite dire un mot sur l'amendement n° 151, qui a été retiré avant la séance.
M. Demuynck s'était inspiré pour rédiger cet amendement d'un programme australien qui impose aux jeunes délinquants la réparation du véhicule volé et endommagé.
L'idée est géniale, monsieur le sénateur, mais je crains qu'elle ne soit pas tout à fait transposable en France !
M. Jean-Pierre Michel. La France n'est pas l'Australie !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Certes, mais j'aspire à ce qu'un jour la mise en place d'un tel programme soit possible dans notre pays ! Je vous remercie donc, monsieur Demuynck, d'avoir lancé une telle proposition.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 230 et 284.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur l'amendement n° 125 rectifié.
M. Robert Badinter. Comme je me doutais que notre amendement de suppression ne serait pas adopté, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt la présentation de son amendement par M. Zocchetto.
M. Zocchetto a une qualité particulière : il a beaucoup travaillé sur les procédures rapides et il n'avait pas envisagé - pas plus que M. Béteille d'ailleurs - que l'on puisse étendre aux mineurs, même par accident, le champ de ces procédures rapides en raison de la spécificité de la justice des mineurs que j'ai évoquée tout à l'heure.
Il faut en revenir à ce qu'est le fondement de la composition pénale, à savoir un accord entre le parquet et le délinquant qui accepte ce qui lui est proposé.
Or, pour qu'il y ait accord et pour que cet accord ait un sens pour le mineur, pour qu'il lui serve à quelque chose, celui-ci doit bien évidemment être dans un âge de discernement.
Je conçois que l'on songe à étendre la procédure de la composition pénale aux mineurs âgés de seize à dix-huit ans. Mais l'étendre aux mineurs de treize à seize ans alors qu'il y a une telle évolution chez les jeunes entre ces différents âges serait méconnaître complètement la nature de la composition pénale et le rapport qui doit s'établir entre l'autorité judiciaire - le juge et le procureur au premier chef - et le mineur délinquant ! Comment discuter avec un mineur de cet âge-là de la sanction ou de la mesure qui va être prise ?
Certes, toutes les garanties sont prises, je le sais, monsieur le ministre, mais soyons concrets : voyez-vous le procureur demander à un mineur de cet âge s'il accepte ou non la mesure ? Est-ce l'idée que le mineur doit avoir de la justice : on négocie, on discute ? Cela n'a pas de sens !
Indépendamment de la simple question du discernement, une telle procédure n'est pas adaptée aux mineurs de treize à seize ans. J'incline en revanche à penser qu'elle est applicable aux mineurs entre seize et dix-huit ans, puisque l'adolescent est alors presque un jeune adulte.
Mais à un mineur de quatorze ans, garçon ou fille, va-t-on demander ce qu'il pense d'une telle mesure, s'il est prêt à l'accepter ? Va-t-on lui conseiller de consulter son avocat ? Quelle promotion !
Non ! Cette mesure est une erreur, et si toutefois elle devait être appliquée, ce qui à mon avis n'arrivera pas, on verrait alors que la seule raison d'être d'une telle initiative, c'est, comme toujours, la nécessité de faire du chiffre ! Il faut accélérer les procédures, donner toujours plus des réponses pénales, pouvoir justifier par des chiffres, devant la pression de l'opinion publique, que, là aussi, on est ferme, impitoyable, qu'on agit encore et toujours et que les statistiques en font foi.
C'est une très mauvaise démarche, qui méconnaît totalement ce que doit être le rapport fondamental de l'autorité judiciaire avec le mineur de treize à seize ans.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Badinter, j'ai l'impression que nous ne parlons vraiment pas du tout des mêmes choses.
Permettez-moi tout d'abord de vous dire que vous avez été très français dans votre approche : vous rappelez des principes, vous posez des abstractions, mais jamais vous ne parlez de problèmes concrets.
Je vais donc évoquer ces problèmes concrets, ce qui permettra peut-être au Sénat de se faire une idée précise de ce dont nous parlons et, j'en suis convaincu, à M. Zocchetto de retirer son amendement. Dans le cas contraire, cela signifierait que nous ne sommes vraiment pas fabriqués les uns et les autres de la même manière !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est bien possible !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Qu'est-ce donc, concrètement, que la composition pénale pour les jeunes de treize à seize ans ?
Premier exemple, le stage de sensibilisation aux produits stupéfiants. Monsieur Badinter, êtes-vous opposé à ce qu'un jeune de quatorze ans puisse être envoyé faire un tel stage ? À quatorze ans - j'en prends à témoin le Sénat - est-on ou non capable de comprendre ce qu'est un stage de sensibilisation aux produits stupéfiants ?
Deuxième exemple, la consultation d'un psychologue. Monsieur Badinter, monsieur Zocchetto, êtes-vous opposés à ce qu'un jeune de treize ans puisse être envoyé consulter un psychologue ? Est-ce vraiment, pour le Sénat, une forme de répression insupportable ? Cet enfant de treize ans est-il trop jeune pour aller voir un psychologue ?
Troisième exemple, la réparation du dommage. Doit-on considérer qu'un jeune de treize ans n'a pas assez de conscience morale pour accepter de réparer un dommage, alors que la loi prévoit déjà cette réparation depuis plusieurs années ? En d'autres termes, à treize ans, on n'a pas de conscience morale, donc pas de conscience de faire mal, donc on ne fait rien de mal et, partant, on n'a rien à réparer ?
Non, vraiment, venir au renfort de M. Zocchetto en avançant que l'on est trop jeune à treize ans pour l'une quelconque des mesures que je viens de prendre en exemple, c'est faire de la politique, mais ce n'est absolument pas traiter les problèmes de fond qui se posent !
Qu'est-ce que la composition pénale sinon la recherche d'une réponse adaptée à la situation dans laquelle se trouve un enfant, un jeune, un mineur ? Et vous voulez nous faire croire que c'est une mesure répressive, méchante, cruelle, réactionnaire ! (M. Robert Badinter s'exclame.).
Eh bien, non ! Il s'agit d'une mesure éducative appropriée, proportionnée. J'aimerais en convaincre le Sénat. C'est la raison pour laquelle je me suis permis de revenir sur cette question.
M. le président. Monsieur Zocchetto, l'amendement n° 125 rectifié est-il maintenu ?
M. François Zocchetto. Je pense qu'un malentendu s'est instauré dans la discussion.
Tout d'abord, je rappelle que, à la suite d'une mission de plusieurs mois, j'ai cosigné un rapport de la commission des lois du Sénat dans lequel nous disions tout le bien que nous pensions de la composition pénale. Par conséquent, il n'y a aucune ambiguïté sur ce point, monsieur le garde des sceaux.
Ensuite, concernant les mineurs de seize à dix-huit ans, je considère qu'il n'y a pas non plus matière à discussions.
S'agissant des mineurs de treize à seize ans, mon amendement est en quelque sorte un amendement d'appel.
Il a pour objet de demander au garde des sceaux de préciser les mesures qu'il entend concrètement mettre en place, par exemple au moyen d'une circulaire d'application, de manière que la composition pénale puisse produire plus d'effets positifs que négatifs.
Je voyais plusieurs effets négatifs possibles : l'absence de discernement de l'enfant en question ou un traitement trop administratif, banalisant la procédure, qui, pour aller jusqu'au bout de ma pensée, pourrait conduire à des sanctions inadaptées, peut-être moins fermes que nécessaire, même si, dans mon esprit, il s'agira le plus souvent de sanctions à caractère pédagogique. En tout état de cause, un traitement trop rapide, trop bureaucratique ne permet pas de prononcer des sanctions adéquates.
Monsieur le garde des sceaux, les procureurs recevront-ils des instructions pour désigner des délégués ayant une parfaite connaissance des spécificités des enfants de treize à seize ans ?
Pourra-t-on les inciter aussi à prendre, le cas échéant, un peu plus de temps afin d'être certains qu'il y a bien discernement, comme vous l'avez fait, par exemple, dans la circulaire concernant les procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ?
J'estime que tout un accompagnement est nécessaire, par voie de circulaire, afin que cette composition pénale soit correctement appliquée aux enfants de treize à seize ans. Tel est le sens de mon amendement.
Si M. le garde des sceaux peut me confirmer que des précisions seront apportées en ce sens (M. le garde des sceaux opine.), M. le rapporteur ayant semblé tout à l'heure partager absolument mon point de vue, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 125 rectifié est retiré.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je le reprends !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 125 rectifié bis, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste, et ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour l'article 7-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, remplacer les mots :
treize ans
par les mots :
seize ans
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. M. le garde des sceaux s'obstine à confondre les procédures et les mesures.
Ce ne sont pas les mesures que nous mettons en cause, ce sont les procédures et le fait que l'on se rapproche de la justice des majeurs.
Toutefois, il est clair que nous avons, en ce qui concerne les mesures, un certain nombre d'inquiétudes pour l'avenir. Il sera en effet très facile, à partir du moment où la procédure que vous proposez sera appliquée, d'aggraver les mesures...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
M. Jean-Claude Peyronnet. ... et d'en faire ce que vous voudrez dans un texte de loi qui ne manquera pas d'apparaître dans quelques mois.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Dans l'éventail des mesures à proposer dans le cadre de la composition pénale figurent des innovations particulièrement intéressantes : avec un tel amendement, elles seraient interdites aux juges.
M. le garde des sceaux citait tout à l'heure la consultation d'un psychologue ; on peut y ajouter le suivi régulier d'une scolarité ou d'une formation professionnelle.
Avec l'amendement, le juge ne pourra pas faire ce type de proposition, contrairement au procureur ou au délégué du procureur. Cela m'apparaît pourtant comme une chance supplémentaire donnée aux jeunes.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 125 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Demuynck, l'amendement n° 149 est-il maintenu ?
M. Christian Demuynck. Monsieur le garde des sceaux, j'apprécie très modérément la manière dont vous me répondez, surtout eu égard à l'importance du problème que constitue la jeunesse délinquante.
Dans le cadre d'une composition pénale, on ne va pas exiger des jeunes qu'ils aient de très bons résultats scolaires, qu'ils deviennent bacheliers, qu'ils intègrent l'ENA ou Polytechnique. On pourra simplement leur demander de savoir lire, écrire et compter, leur assigner des objectifs extrêmement précis. Il en ira de même en matière de comportement. Lorsque des jeunes ne sont pas capables de dire bonjour ou qu'ils insultent ceux qui les encadrent, il faut pouvoir leur expliquer que leur comportement est inadapté. Tel est l'objet de l'amendement n° 149.
Je le retire, tout en soulignant une nouvelle fois que la manière dont vous m'avez répondu, monsieur le garde des sceaux, est inacceptable.
M. Jean-Claude Peyronnet. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 149 est retiré.
Monsieur Demuynck, l'amendement n° 150 est-il maintenu ?
M. Christian Demuynck. En ce qui concerne l'amendement n° 150, c'est la même chose.
Vous nous dites, monsieur le garde des sceaux, que l'on choisira le médecin que l'on souhaite. Certainement ! Mais il vaudrait mieux préciser dans la loi que ce sont des cliniciens, des psychologues, qui connaissent bien les problèmes de l'enfance.
Cela étant, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 150 est retiré.
Je mets aux voix l'article 35, modifié.
(L'article 35 est.)
Article 36
L'article 8 de l'ordonnance du 2 février 1945 précitée est ainsi modifié :
1° Le sixième alinéa est complété par les mots : « ou prescrira une mesure d'activité de jour dans les conditions définies à l'article 16 ter » ;
2° Après le 6°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 7° Soit prescrire une mesure d'activité de jour dans les conditions définies à l'article 16 ter. » ;
3° Après le dix-septième alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les mesures prévues aux 3° et 4° ne peuvent être seules ordonnées si elles ont déjà été prononcées à l'égard du mineur pour une infraction identique ou assimilée au regard des règles de la récidive commise moins d'un an avant la commission de la nouvelle infraction. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 231, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Alors que le juge dispose déjà d'une large palette de formes de « placement », l'article 36 lui donne la possibilité de prescrire une « mesure d'activité de jour ».
À l'heure actuelle, les activités de jour ne font pas l'objet d'une décision judiciaire. Celles qui sont mises en oeuvre le sont par les services de la protection judiciaire de la jeunesse dans le cadre de la « reconstruction », de l'insertion du jeune, dans le cadre d'un parcours vers la sortie de la délinquance, donc dans une démarche d'adhésion et d'éducation.
Vous nous proposez par cet article de gommer cet aspect éducatif de suivi, en transformant l'activité de jour en sanction édictée par le juge.
En effet, si ce texte est voté, les activités de jour seront encadrées par le juge et deviendront des injonctions.
Une fois de plus, vous entretenez la confusion entre la sanction et l'éducation.
De plus, si le jeune ne respecte pas l'obligation de participer à l'activité de jour décidée par le juge, il entrera dans un « parcours » d'aggravation des sanctions qui seront prononcées à son encontre, parcours pouvant aller jusqu'à l'incarcération pure et simple, via le centre éducatif fermé notamment, puis, le cas échéant, la détention provisoire.
Cet article illustre la logique du texte, qui fait prévaloir sur toute autre considération la garantie de l'ordre public.
Dans ce contexte, les personnels de la PJJ sont priés de travailler plus sur l'aménagement et l'application de la peine que sur l'éducatif, le préventif. Ainsi, on demande aux travailleurs sociaux d'avoir de plus en plus de certitude sur l'absence de risques de récidive, ce qui induit une mise à l'écart des publics les plus en difficulté. Mais la prévention n'est évidemment pas, nous l'avons démontré, l'objectif de ce texte.
Par ailleurs, rien n'est dit dans l'article 36 sur les moyens qui seront mis en oeuvre pour cette nouvelle sanction : quel suivi, et avec quels travailleurs sociaux ?
Nous aimerions que le flou entretenu sur ces points soit levé, que des précisions nous soient données.
J'ajoute que faire du travail une contrainte est pour le moins contre-productif, surtout dans une société où de trop nombreux jeunes constituent souvent la troisième génération de chômeurs de la famille
Quant au 3° de l'article, il confirme, s'il en était besoin, qu'à l'instar d'autres dispositions de ce projet de loi il s'agit plus ici de lutter contre la récidive que de prévenir le premier acte.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 36.
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. Au début du deuxième alinéa (1°) de cet article, remplacer le mot :
sixième
par le mot :
cinquième
II. Au début de l'avant-dernier alinéa (3°) de cet article, remplacer le mot :
dix-septième
par le mot :
seizième
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit de la rectification d'une erreur matérielle.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 123 rectifié est présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF.
L'amendement n° 285 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le 3° de cet article.
La parole est à M. François Zocchetto, pour présenter l'amendement n° 123 rectifié.
M. François Zocchetto. M'étant replongé, depuis le dépôt de cet amendement, dans le rapport de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs, je me suis aperçu que la mesure proposée au 3° de l'article 36 figurait parmi les recommandations émises par notre mission. Elle avait été formulée sur la base de constatations et d'un raisonnement auxquels j'adhère. Je retire donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 123 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Catherine Tasca, pour présenter l'amendement n° 285.
Mme Catherine Tasca. Nous proposons de supprimer le 3° de l'article 36, car ce paragraphe, qui complète l'article 8 de l'ordonnance de 1945, prévoit que l'admonestation ou la remise aux parents ne pourront plus être seules ordonnées, si elles ont été déjà prononcées pour une infraction identique ou assimilée commise moins d'un an avant la commission de la nouvelle infraction.
C'est toujours la même démarche.
Cette mesure marque, une fois de plus, la difficulté du Gouvernement à admettre la spécificité du traitement de la délinquance des mineurs.
Dans la panoplie des mesures envisagées à l'égard du mineur, l'admonestation, comme la remise aux parents, n'a de sens que par rapport à l'âge du délinquant. Il n'y a aucune raison de priver le juge de sa liberté d'appréciation. Si le juge se trouve face à un mineur ayant récidivé dans le délai d'un an, c'est à lui d'apprécier s'il doit recourir encore à l'admonestation.
Ce texte nie la spécificité du public mineur et rogne sur la liberté d'appréciation du magistrat. Il tend, de surcroît, à introduire une sorte d'automaticité dans la conception de la justice pour les enfants.
En l'occurrence, il ne s'agit pas d'un permis à points, monsieur le garde des sceaux; il s'agit de savoir si l'admonestation, dans le parcours de l'enfant délinquant, à ce moment précis de son évolution, peut ou non avoir un sens et une efficacité.
Ce n'est pas à la loi de dicter au juge combien de fois, dans quels cas et comment il doit recourir à l'admonestation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 231, qui a été présenté par nos collègues communistes, j'évoquerai simplement ce qui concerne l'institution de la mesure d'activité de jour.
J'ignore qui ici porte des verres déformants (Sourires), mais il est certain que nous ne voyons pas la même chose, puisque mes collègues perçoivent des mesures de sanction et de répression là où je ne discerne qu'un dispositif purement éducatif !
À cet égard, si l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante était modifiée dans le sens que nous proposons, son article 16 ter disposerait alors ceci : « La mesure d'activité de jour consiste en la participation du mineur à des activités d'insertion professionnelle ou scolaire soit auprès d'une personne morale de droit public soit auprès d'une personne morale de droit privé exerçant une mission de service public ou d'une association habilitée à organiser de telles activités, soit au sein du service de la protection judiciaire de la jeunesse auquel il est confié. » Pour ma part, je ne vois pas là l'ombre de l'ébauche de l'esquisse d'une sanction.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° 285, qui vise à supprimer la limitation du nombre d'admonestations ou de remises à parents, permettez-moi de mentionner quelques chiffres.
En 2004, sur 41 141 condamnations en matière délictuelle, 20 700 mesures éducatives ont été prononcées, dont 13 620 admonestations et 5 184 remises à parents.
À ce sujet, je me permets de faire part d'une remarque qui a été formulée par un certain nombre de maires de toutes tendances politiques lors des auditions auxquelles nous avons procédé. Selon ces édiles, le rappel à la loi, la remise à parents et l'admonestation sont devenus des sujets d'histoires drôles dans les quartiers ! En effet, la répétition de tels avertissements pose la question de leur efficacité et, au-delà, celle de crédibilité de la justice, ce qui est un sujet important pour chacune et chacun d'entre nous.
En outre, la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs présidée par M. Jean-Pierre Schosteck, et dont notre collègue Jean-Claude Carle était le rapporteur, avait également suggéré une telle mesure, mais dans le sens d'une moins grande clémence, puisque la commission d'enquête préconisait l'interdiction à titre définitif, et non pas enfermée de le délai d'une année, des avertissements en cas d'infraction identique à celle qui avait donné lieu à la première admonestation ou à la première remise à parents.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur le président, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 231, et je m'en expliquerai avec d'autant plus de brièveté que, de toute manière, comme je le constate ici, quels que soient les efforts déployés, on ne nous croit pas.
Lorsque nous disons que nous préconisons non pas la répression, mais la formation et la pédagogie,...
Mme Catherine Tasca. Ce qui n'est pas le cas !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. ... on ne nous croit pas.
Pourtant, ainsi que M. le rapporteur vient de le préciser, une mesure d'activité de jour relève de la formation professionnelle ou de la formation par alternance. Il s'agit donc d'un dispositif totalement orienté vers l'insertion professionnelle. Mais, apparemment, vous n'en voulez pas. Fort bien, mais je ne comprends pas pourquoi !
Mme Éliane Assassi. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Non, madame, je ne fais pas semblant : sincèrement, je ne comprends pas votre attitude. Pourtant, nous y gagnerions tous, et le débat démocratique en premier lieu, si chacun faisait preuve d'honnêteté intellectuelle.
Mme Éliane Assassi. Vous insinuez que je suis malhonnête ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Si vos électeurs voyaient ce que vous faites, ils seraient scandalisés. Êtes-vous réellement opposée à la formation et à l'insertion professionnelles ?
Mme Éliane Assassi. Quelle mauvaise foi !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est pourtant l'impression que vous donnez en demandant la suppression de cet article. (Mme Éliane Assassi proteste.) Cela me choque profondément.
Pour ma part, il m'est arrivé plus souvent qu'à mon tour de siéger dans l'opposition. Je n'ai jamais adopté un tel comportement.
Mme Éliane Assassi. Moi, je ne suis pas de mauvaise foi !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est ça ! Prenez-nous pour des idiots !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Votre attitude me choque, et même si chacun a le droit de penser ce qu'il veut, votre méthode d'opposition ne me paraît pas bonne.
D'ailleurs, je sais que vous comprenez le dispositif en question aussi bien que moi ; je n'ai aucun doute quant à vos capacités. Mais, sincèrement, vous ne faites pas preuve d'honnêteté intellectuelle. Enfin, chacun fait ce qu'il entend !
Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement de coordination de M. le rapporteur.
En outre, je remercie M. Zocchetto d'avoir pris en compte les observations de la commission d'enquête présidée par M. Jean-Pierre Schosteck.
Sur l'admonestation, permettez-moi de prendre un exemple, afin que les Français comprennent bien de quoi il s'agit.
Soit un jeune qui, six mois après avoir reçu, pour un vol, une admonestation de la part d'un magistrat, commet de nouveau le même délit. Nous ne souhaitons pas qu'il y ait une deuxième admonestation dans ce cas. En revanche, dans l'hypothèse où ce jeune commettrait une nouvelle infraction, mais de nature différente, par exemple une escroquerie, il pourrait alors recevoir une nouvelle admonestation.
Et vous trouvez réellement cela trop sévère, trop répressif ? Allons, soyons sérieux ! Deux vols de suite et il faudrait répéter l'admonestation ? Eh bien, non ! Ce n'est pas souhaitable, mais la possibilité demeure lorsqu'il s'agit de deux délits différents.
Mme Catherine Tasca. Mais c'est le juge qui décidera !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Comment pouvez-vous véritablement trouver cela excessif ? Soyez honnêtes.
Quoi qu'il en soit, je me réjouis que le Sénat adopte le dispositif que nous proposons.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 285 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 36, modifié.
(L'article 36 est adopté.)
Article 37
L'ordonnance du 2 février 1945 précitée est ainsi modifiée :
1° Le quatrième alinéa (2°) du II de l'article 10-2 est complété par les mots : « ou respecter les conditions d'un placement dans un établissement permettant la mise en oeuvre de programmes à caractère éducatif et civique. » ;
2° Après le cinquième alinéa du II du même article, sont insérés les alinéas suivants :
« 3° Accomplir un stage de formation civique ;
« 4° Suivre de façon régulière une scolarité ou une formation professionnelle jusqu'à sa majorité. » ;
3° Les deux premiers alinéas du III sont remplacés par les dispositions suivantes :
« En matière correctionnelle, les mineurs âgés de moins de seize ans ne peuvent être placés sous contrôle judiciaire que dans l'un des cas suivants :
« 1° Si la peine d'emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans et que le mineur a déjà fait l'objet d'une ou plusieurs mesures éducatives prononcées en application des dispositions des articles 8, 10, 15, 16 et 16 bis ou d'une condamnation à une sanction éducative ou à une peine ;
« 2° Si la peine d'emprisonnement encourue est supérieure ou égale à sept ans.
« Si le contrôle judiciaire comporte l'obligation de respecter les conditions d'un placement conformément aux dispositions du 2° du II, dans un centre éducatif fermé prévu à l'article 33, le non-respect de cette obligation pourra entraîner le placement du mineur en détention provisoire.
« Dans les autres cas, le mineur est informé qu'en cas de non-respect des obligations lui ayant été imposées, le contrôle judiciaire pourra être modifié pour prévoir son placement dans un centre éducatif fermé, placement dont le non-respect pourra entraîner sa mise en détention provisoire. » ;
4° Au troisième alinéa de l'article 12, les mots : « au titre des articles 8-2 et 14-2 », sont remplacés par les mots : « au titre des articles 7-2, 8-2 et 14-2 ».
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 232 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 286 est présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 232.
Mme Éliane Assassi. Forte de mes convictions, je continue !
L'article 37 vise à étendre une nouvelle fois les possibilités de contrôle judiciaire et, corrélativement, de détention provisoire.
Sous prétexte de diversifier les mesures pouvant être proposées par le juge, le projet de loi prévoit la possibilité de placement dans « établissement permettant la mise en oeuvre de programmes à caractère éducatif et civique ». Comme le souligne la commission des lois dans son rapport, de telles structures n'existent pas et restent à créer.
Dans ces conditions, il serait pour le moins légitime que les parlementaires que nous sommes disposent d'informations un peu plus précises quant à ce projet du Gouvernement, en particulier sur l'échéancier, le fonctionnement et les moyens dont bénéficieront ces nouveaux établissements.
À cet égard, rien que depuis le mois de janvier de cette année, les centres de placement immédiat, les CPI, ou foyers de Montpellier, de la Rochelle, de Mulhouse, du Havre, de Maisons-Alfort ou encore d'Aubervilliers ont été fermés !
L'article 37 tend également à étendre les conditions d'application du contrôle judiciaire aux mineurs âgés de treize ans à seize ans passibles d'une peine de sept ans d'emprisonnement minimum, même dans le cas où le jeune concerné n'aurait pas fait l'objet de mesures éducatives antérieures.
Une fois de plus, vous voulez nous faire adopter une disposition en rupture avec l'esprit de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, puisqu'il ne serait plus tenu compte de la spécificité inhérente au fait d'être jeune.
Là encore, il s'agit d'aller vite en besogne pour sanctionner le jeune, et en aucun cas de faire de la prévention !
Toujours selon les termes de l'article 37, le mineur de moins de seize ans ne respectant pas les obligations qui lui ont été imposées pourra voir les modalités de son contrôle judiciaire modifiées et être placé en centre éducatif fermé. Et, s'il ne respecte pas les conditions de son placement en centre fermé, il pourra être mis en détention provisoire. C'est donc un véritable chantage à la détention que cet article tend à instituer, un chantage particulièrement grave, puisqu'il concerne les enfants âgés de moins de seize ans !
Ne vous en déplaise, on confond ici une nouvelle fois éducation et sanction. En effet, le contrôle du respect des obligations devient une fin en soi, alors qu'il ne peut être qu'un espace d'adhésion et de négociation visant la possibilité d'un changement. Le fait de solliciter l'adhésion à la mesure pénale dans une certaine relation de confiance et celui de s'arrêter sur les circonstances du passage à l'acte ne sont plus reconnus comme des objectifs à part entière.
Il faut cesser de réprimer toujours plus les mineurs et - je le redis - faire le pari de leur sortie de la délinquance, le pari de leur avenir, en y consacrant les moyens et le temps nécessaires.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour présenter l'amendement n° 286.
Mme Catherine Tasca. Le contrôle judiciaire constitue normalement une alternative à la détention provisoire. Contrairement à cette dernière, il n'avait jamais fait l'objet de dispositions dérogatoires au droit des mineurs et pouvait s'appliquer sans restriction dès l'âge de treize ans.
Toutefois, le juge ne pouvait pas sanctionner la transgression des obligations imposées au mineur de seize ans par un placement en détention provisoire, puisque la loi l'interdisait, excepté en matière criminelle.
La loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, dite « loi Perben I », a donc doublement innové, d'une part, en assortissant le contrôle judiciaire de dispositions spécifiques aux mineurs, d'autre part, en créant les centres éducatifs fermés où pourront être assignés les mineurs faisant l'objet d'un contrôle judiciaire.
Les mineurs de treize ans à seize ans qui ne respectent pas le contrôle judiciaire, c'est-à-dire le placement dans un centre éducatif fermé, qui encourent un emprisonnement correctionnel égal ou supérieur à cinq ans et qui ont déjà fait l'objet d'une mesure éducative, c'est-à-dire d'une condamnation à une mesure éducative ou à une peine, peuvent donc être placés en détention provisoire dans un établissement pénitentiaire.
Le contrôle judiciaire ne se substitue donc pas à la détention provisoire et il ne constitue pas une troisième voie entre la liberté et la détention. En effet, il est déjà l'enfermement.
Le présent projet de loi vise à élargir les cas de figure où des mineurs de moins de seize ans pourront être provisoirement placés en prison en dehors de la commission d'actes criminels. À cette fin, il tend à élargir le domaine du contrôle judiciaire, qui était auparavant encadré dans des conditions strictes pour les mineurs âgés de treize ans à seize ans, en le rendant désormais possible dès que la peine encourue est égale à sept ans d'emprisonnement. Rappelons-le, cela englobe tous les vols commis en réunion dans les transports collectifs de voyageurs !
Une telle disposition montre la volonté du Gouvernement d'aligner une fois de plus la justice des mineurs sur celle des majeurs.
Surtout, à l'exception de cas très exceptionnels, les enfants de treize ans à seize ans en attente de jugement n'ont pas leur place, selon nous, dans un établissement pénitentiaire. C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article.
J'y insiste, monsieur le garde des sceaux, car nous assistons effectivement à une sorte de dialogue de sourds. Selon nous, la logique pénale des majeurs ne peut ni ne doit être appliquée au public des mineurs.
Mme Catherine Tasca. C'est exactement ce que vous faites, monsieur le garde des sceaux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais vous vous apprêtez à le faire !
M. le président. L'amendement n° 152, présenté par M. Demuynck, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa (4°) du texte proposé par le 2° de cet article pour modifier l'article 10-2 de l'ordonnance n° 45 -174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante par les mots :
avec définition et validation d'objectifs scolaires et disciplinaires
La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Cet amendement, similaire à l'amendement n° 149, est défendu.
M. le président. L'amendement n° 59, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter le cinquième alinéa du 3° de cet article par les mots :
conformément aux dispositions de l'article 11-2
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C'est un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Avant le dernier alinéa (4°) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Au premier alinéa de l'article 11-2, les mots : « aux dispositions du III de l'article 10-2 » sont remplacés par les mots : « aux dispositions du quatrième alinéa du III de l'article 10-2 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C'est également un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 232 et 286 ainsi que sur l'amendement n° 152 ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J'avoue avoir quelques difficultés à comprendre les argumentations développées par nos collègues communistes et socialistes, notamment lorsqu'ils demandent la suppression des dispositions visant à diversifier les obligations applicables aux mineurs de treize ans à seize ans.
En l'état actuel du droit, la seule mesure applicable à ces mineurs en matière de contrôle judiciaire est le placement en centre éducatif fermé.
Or le projet de loi laisse aux juges la possibilité de choisir parmi les mesures de contrôle judiciaire actuellement applicables aux mineurs de seize ans à dix-huit ans. Le choix serait donc plus beaucoup plus vaste.
Je le rappelle, la disposition vise à répondre aux préoccupations qui avaient déjà été exprimées par le Sénat en 2002, à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice. Il avait alors paru tout à fait paradoxal à notre assemblée que les mineurs de treize à seize ans ne puissent être placés sous contrôle judiciaire que dans un centre éducatif fermé, alors que les mineurs de seize à dix-huit ans pouvaient, quant à eux, continuer de remplir les obligations de leur contrôle judiciaire dans un foyer traditionnel, un centre éducatif renforcé ou un centre de placement immédiat.
Pourquoi le régime juridique applicable aux plus jeunes serait-il plus sévère que celui qui est applicable aux plus âgés ? De ce point de vue, le projet de loi vise à corriger ce qui nous est apparu comme un défaut. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 232 et 286.
S'agissant de l'amendement n° 152, nous ne pouvons que souscrire aux objectifs affichés. Je pense d'ailleurs que chacun tentera de faire en sorte que de telles dispositions entrent en vigueur lors de l'adoption de ce projet de loi ; cela devrait d'ailleurs déjà être le cas aujourd'hui. Cependant, mon cher collègue, les mesures que vous suggérez ne relèvent pas, me semble-t-il, du domaine législatif. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Sur les amendements nos 232 et 286, je serai bref puisque nous ne nous comprenons pas : l'avis du Gouvernement est défavorable.
Monsieur Demuynck, même si nous souscrivons à l'objectif que vous poursuivez, nous ne pouvons accepter votre amendement n° 152, qui tend à apporter une précision relevant manifestement du domaine réglementaire, ainsi que M. le rapporteur l'a fait observer.
En revanche le Gouvernement est favorable aux amendements nos 59 et 60.
Je dirai simplement, pour résumer le fond de cet article, qu'il s'agit de créer un contrôle judiciaire pour les mineurs âgés de treize ans à seize ans, contrôle qui n'existe pas aujourd'hui. Aujourd'hui, si un mineur commet un délit sexuel, par exemple, il ne peut pas être mis en prison parce qu'il a moins de seize ans et il ne peut pas non plus faire l'objet d'un contrôle judiciaire. Avec cet article, nous comblons une lacune de la loi.
Et qui nous a soufflé cette idée ? Je vous le donne en mille : les juges des enfants ! C'est à leur demande que nous avons rédigé cet article. Les défenseurs des juges des enfants, qui sont nombreux sur ces travées, doivent donc mettre un point d'honneur à le soutenir.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 232 et 286.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Effectivement, monsieur le ministre, nous ne nous comprenons pas ! Ce qui est terrible pour nous, c'est que nous n'avons d'autre choix qu'être soit idiots soit intellectuellement malhonnêtes ! (Sourires.)
Malheureusement pour vous, nous ne sommes pas les seuls à défendre les positions que nous défendons !
Ainsi, Mme Versini, nouvelle Défenseure des enfants, et qui fut il n'y a pas si longtemps membre d'un gouvernement soutenu par votre majorité, qualifie justement les dispositions de l'article 37, 3°, alinéa 3, de « peu compatibles avec la convention internationale des droits de l'enfant. ». Cet article, explique-t-elle, « prévoit la possibilité de placer en détention provisoire avant jugement des mineurs âgés de treize à seize ans suspectés d'avoir commis des délits, dès lors qu'ils n'auraient pas observé certaines dispositions d'un contrôle judiciaire et, plus particulièrement, les conditions d'un placement dans un centre éducatif fermé ». Elle poursuit : « Alors que les inconvénients et les dangers de la détention avant tout jugement ont été très régulièrement soulignés, il est préoccupant d'envisager d'accroître les possibilités de placement en détention provisoire, fût-ce pour une courte période, de mineurs âgés de treize à seize ans avant tout jugement sur leur culpabilité. »
Ce qui nous réconforte, c'est que nous ne sommes pas toujours les seuls à être soit idiots soit intellectuellement malhonnêtes !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 232 et 286.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur Demuynck, l'amendement n° 152 est-il maintenu ?
M. Christian Demuynck. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 152 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 59.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 37, modifié.
(L'article 37 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 37
M. le président. L'amendement n° 295 rectifié, présenté par MM. Carle, Garrec et Hérisson, est ainsi libellé :
Après l'article 37, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'ordonnance du 2 février 1945 précitée est ainsi modifiée :
1° Le neuvième alinéa de l'article 11 est ainsi rédigé :
« La détention provisoire est effectuée dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs. Les mineurs âgés de treize à seize ans ne peuvent être placés en détention que dans des établissements garantissant la présence d'éducateurs dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.
2° Le dernier alinéa de l'article 20-2 est ainsi rédigé :
« L'emprisonnement est subi par les mineurs dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs dans les conditions définies par décret en Conseil d'État. »
3° Avant l'article 33, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Les établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs sont destinés à recevoir exclusivement des mineurs placés en détention provisoire ou subissant une peine d'emprisonnement. Ces établissements assurent la présence d'éducateurs afin d'assurer la continuité de la prise en charge éducative du mineur en vue de sa réinsertion durable dans la société. Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article.
II. - Les dispositions du I ci-dessus entreront en vigueur cinq ans après la promulgation de la présente loi.
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. La loi d'orientation et de programmation pour la justice, adoptée lors de la session extraordinaire de 2002, avait solennellement garanti le principe de la détention des mineurs dans des établissements spécialisés ou, à défaut, dans des quartiers isolés, reprenant ainsi une des propositions de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur. Vous le voyez, madame Borvo, le Gouvernement prend aussi des mesures positives et cette commission, contrairement à ce que vous avez affirmé, n'a pas formulé que des propositions négatives.
Ce principe a donné une impulsion bienvenue aux programmes immobiliers puisque ces établissements d'un nouveau type devraient abriter 400 places à l'horizon 2007. Parallèlement, des établissements indignes de notre pays ont été fermés ; je pense, en particulier, à celui de Lyon.
Il reste que 1 700 mineurs se trouvent actuellement incarcérés. Il convient donc d'adresser un signal fort à la société sur l'effort qu'elle doit entreprendre pour améliorer les conditions de détention des mineurs incarcérés et, surtout, éviter la promiscuité avec les détenus majeurs.
C'est la raison pour laquelle, compte tenu des contraintes, un délai est prévu pour permettre à l'État d'élaborer un plan quinquennal afin que notre pays dispose enfin d'une capacité d'accueil pénitentiaire des mineurs digne de lui.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir l'obligation d'incarcérer les mineurs dans des établissements pénitentiaires spécifiques.
La construction de sept établissements pénitentiaires pour mineurs disposant chacun de 60 places est déjà prévue. La première ouverture d'établissement doit intervenir en décembre prochain près de Lyon et la dernière en octobre 2007. Le nombre de places ainsi créées, 420, ne permettrait donc pas de respecter cette nouvelle obligation. Je pense cependant que le nombre de mineurs incarcérés est nettement inférieur à 1 700. M. le ministre nous en dira peut-être plus tout à l'heure.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons les chiffres !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. De plus, il ne paraît pas opportun de prévoir l'incarcération de tous les mineurs au sein de ces structures, notamment lorsqu'ils se trouvent en détention provisoire, une telle mesure ayant pour effet de les éloigner, parfois considérablement, de leur famille.
En outre, tous les quartiers « mineurs » des maisons d'arrêt bénéficient dorénavant de l'intervention continue d'éducateurs de la PJJ auprès des mineurs incarcérés, ce qui permet d'assurer un réel suivi et de préparer leur sortie. Deux éducateurs interviennent dans les quartiers « mineurs » à petits effectifs, trois dans ceux comptant dix-huit à vingt-cinq mineurs et six dans les doubles quartiers pour mineurs.
Pour toutes ces raisons, je demande à notre collègue Jean-Claude Carle de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. M. le rapporteur vient de donner des éléments sur les établissements pour mineurs et, puisqu'il m'interrogeait sur le nombre de mineurs en détention aujourd'hui, je peux lui répondre qu'ils sont 629...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, 711 !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. ... et, si cela peut intéresser l'opposition, je signale qu'ils étaient trois cents de plus il y a quatre ans. Autrement dit, les mineurs en détention sont moins nombreux aujourd'hui que sous le gouvernement de M. Jospin : c'est un paradoxe qui vaut d'être souligné !
Monsieur le sénateur, vous cherchez à fixer un cadre précis au régime de détention des mineurs. Sachez que la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a posé deux principes : celui de l'intervention continue des éducateurs, même en détention, et la création des établissements pour mineurs.
Je voudrais aussi indiquer que la rédaction de deux décrets est en cours, définissant un même régime de détention pour les mineurs, qu'ils soient détenus dans un établissement pour mineurs ou dans un quartier « mineurs », car un certain nombre de ceux-ci vont être conservés afin que le territoire soit convenablement « maillé ». Cela étant, j'espère bien que, à terme, nous n'aurons que des établissements pour mineurs et qu'il n'y aura plus de quartiers « mineurs ».
Je vous serais donc obligé, monsieur Carle, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Carle, l'amendement n° 295 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Carle. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 295 rectifié est retiré.
L'amendement n° 298 rectifié bis, présenté par MM. Carle, Garrec et Hérisson, est ainsi libellé :
Après l'article 37, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A. - L'article 12-1 de l'ordonnance du 2 février 1945 précitée est ainsi rédigé :
"Art. 12-1. - I. En cas de contravention ou de délit prévu par les articles 311-1 à 311-4 et 322-1 à 322-3 du code pénal, le procureur de la République propose au mineur qui n'a jamais été poursuivi et n'a pas déjà fait l'objet d'une telle mesure une mesure ou une activité d'aide ou de réparation à l'égard de la victime ou dans l'intérêt de la collectivité.
"Toute mesure ou activité d'aide ou de réparation à l'égard de la victime ne peut être ordonnée qu'avec l'accord de celle-ci. Le procureur de la République recueille l'accord préalable du mineur et des titulaires de l'autorité parentale. Le procès-verbal constatant cet accord est joint à la procédure.
"La mise en oeuvre de la mesure est confiée à la maison de la réparation la plus proche du domicile du mineur.
"L'exécution de la mesure dans le délai prescrit éteint l'action publique. En cas de non-exécution de la mesure en raison du comportement du mineur, le procureur apprécie la suite à donner à la procédure.
"II.- Hors le cas mentionné au I, le procureur de la République, la juridiction chargée de l'instruction de l'affaire ou la juridiction de jugement ont la faculté de proposer au mineur une mesure ou une activité d'aide ou de réparation à l'égard de la victime ou dans l'intérêt de la collectivité.
"Toute mesure ou activité d'aide ou de réparation à l'égard de la victime ne peut être ordonnée qu'avec l'accord de celle-ci. Lorsque cette mesure ou cette activité est proposée avant l'engagement des poursuites, le procureur de la République recueille l'accord préalable du mineur et des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale. Le procès-verbal constatant cet accord est joint à la procédure.
"La juridiction d'instruction procède selon les mêmes modalités.
"Lorsque la mesure ou l'activité d'aide ou de réparation est prononcée par jugement, la juridiction recueille les observations préalables du mineur et des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale.
"La mise en oeuvre de la mesure ou de l'activité est confiée à la maison de la réparation la plus proche du domicile du mineur.
"III.- Les maisons de la réparation sont des établissements publics ou privés, habilités conjointement par le ministère de la justice et le maire dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État, chargés de mettre en oeuvre les mesures ou activités d'aide ou de réparation à l'égard de la victime ou dans l'intérêt de la collectivité proposées aux mineurs. La création d'une maison de la réparation est obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants."
B.- Les dispositions du présent article entreront en vigueur le 1er juillet 2008.
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Ayant consulté le bulletin des commissions, je sais déjà que, là encore, on va me demander de retirer cet amendement. Je vais néanmoins tenter ma chance car, monsieur le ministre, je crois profondément que ma proposition nous permettrait d'accomplir de grands progrès dans le traitement de la délinquance des mineurs.
En effet, cet amendement vise à étendre très substantiellement l'utilisation d'une mesure créée en 1993 et dont on ne parle pratiquement jamais, mais qui est éminemment intéressante, à savoir la mesure de réparation.
La réparation n'est pas un stage de citoyenneté ni un travail d'intérêt général, c'est une mesure prise en relation directe avec le délit commis et même, si c'est possible, en relation directe avec la victime. Elle relève de ce qu'on appelle la justice « restaurative » parce qu'elle doit permettre, au moins en partie, de rétablir la situation qui a été dégradée par le comportement du mineur. Par exemple, un adolescent qui arrache son sac à une vieille dame devra rendre service à cette personne pendant quelques semaines en faisant ses courses ou, si la victime n'est pas d'accord, aller aider les personnels d'un établissement pour personnes âgées.
Lors des déplacements à l'étranger de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs, nous avons vu cette mesure mise en oeuvre de manière très systématique, aux Pays-Bas par exemple. Dans ce pays, la plupart des mineurs qui commettent une infraction pour la première fois se voient proposer une mesure de réparation. Ils sont confiés à une structure, appelée bureau Halt, gérée et financée à la fois par l'État et les communes, qui est chargée de définir la mesure de réparation et d'en exercer le suivi. Chaque commune d'une certaine importance dispose d'un bureau Halt.
Chez nous, la mesure de réparation est possible, mais facultative, à tous les stades de la procédure, de sorte qu'elle n'est utilisée que de manière limitée. Je propose la mise en oeuvre systématique de cette mesure pour les primo-délinquants : je suis persuadé que c'est le moyen le plus efficace pour éviter que ces jeunes aient à nouveau affaire à la justice.
Mon amendement vise donc à rendre obligatoire cette mesure pour les mineurs qui commettent leur première infraction. Corrélativement, des « maisons de la réparation » devraient être créées dans les communes de plus de 10 000 habitants pour permettre d'organiser et de suivre ces mesures de réparation. Bien entendu, il convient de différer l'entrée en vigueur de ce dispositif pour prendre en compte les contraintes de sa mise en oeuvre.
Permettez-moi, monsieur le rapporteur, de devancer les objections que je vais sans doute entendre de votre part dans un instant.
Vous m'opposerez les principes de la procédure pénale, celui de l'opportunité des poursuites en particulier. Mais la mesure que je propose interviendrait avant que le procureur ait statué sur l'opportunité des poursuites. En cas d'échec de la mesure, le procureur retrouverait toute sa liberté de poursuivre ou non.
Par ailleurs, à ma connaissance, l'opportunité des poursuites n'est pas un principe constitutionnel et nous y avons déjà apporté bien des tempéraments. Par exemple, lorsque les mesures alternatives aux poursuites échouent, le code de procédure pénale prévoit que, sauf élément nouveau, le procureur met en oeuvre une composition pénale ou engage des poursuites. Je ne crois donc pas que mon amendement, qui ne concernerait que les primo-délinquants, porte atteinte à ces règles essentielles.
La deuxième objection portera certainement sur le coût et la lourdeur du dispositif. Je ne conteste pas ce coût ni ces difficultés d'organisation. Oui, une mesure de réparation est plus coûteuse et plus lourde qu'un rappel à la loi, une admonestation, un avertissement solennel du procureur de la République, une remise à parents ou une dispense de peine. Mais en revanche, une mesure de réparation est moins coûteuse et moins lourde qu'une place en prison ou dans un centre éducatif fermé.
Mes chers collègues, je vous rappelle que notre taux de réponse pénale à la délinquance des mineurs atteint 85,5 %, mais que 40 % des mesures et des sanctions sont des admonestations, des remises à parents et des dispenses de peine.
J'ai la faiblesse de penser que la réparation, qui est une mesure compréhensible par la victime, par la société et surtout par le mineur lui-même, a une efficacité tout autre dans la prévention de la récidive qu'un avertissement solennel ou une admonestation.
La question est simplement de savoir, monsieur le ministre, si nous aimons assez nos enfants pour nous donner les moyens d'éviter qu'un trop grand nombre d'entre eux ne s'enfoncent dans la spirale de la délinquance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Notre collègue Jean-Claude Carle a raison au moins sur deux points : d'une part, la réparation est une excellente mesure qu'il faut en effet encourager et, d'autre part, nous avons tout intérêt à multiplier les références de droit comparé et à aller étudier dans les pays voisins les mesures qui ont parfaitement réussi.
Cependant, il a lui-même développé les objections que soulève son amendement. L'obligation, pour le procureur de la République, de proposer au mineur cette mesure paraît effectivement peu compatible avec les principes de notre droit pénal, qu'il s'agisse de l'opportunité des poursuites ou de la faculté laissée au magistrat de choisir la mesure qui lui paraît la plus adaptée à la personnalité du délinquant.
En outre, il a évoqué le coût d'une telle mesure ainsi que son caractère contraignant pour les communes de plus de 10 000 habitants dans lesquelles il souhaiterait que ces « maisons de la réparation » deviennent obligatoires. La portée de ces arguments est incontestable et la commission demande le retrait de l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je pense que le Sénat a été intéressé par les propos de M. Jean-Claude Carle, car il est bon d'insister sur l'utilité de la mesure de réparation. Je dirai simplement, pour le consoler de l'avis défavorable que je vais donner, qu'il a au moins une cause de satisfaction : la réparation n'a cessé de se développer depuis sa création.
Actuellement, la réparation est possible à tous les stades de la procédure, d'où l'intérêt de ne pas l'encadrer strictement par ce texte. Plutôt que de prévoir dans la loi une application obligatoire de la réparation pour certaines catégories d'infractions seulement, laissons à la juridiction, qui est sans doute l'instance de décision la mieux placée, la faculté d'apprécier à quel stade le mineur peut exécuter une mesure de réparation.
Je rappelle que la réparation peut prendre de multiples formes. Pensez à un jeune qui a provoqué un accident de la circulation en conduisant sans permis : la réparation peut alors consister en un stage de brancardier dans un service d'urgence. Quelqu'un qui harcèlerait les services de police ou les services de la protection civile au téléphone pourrait travailler quelque temps dans le standard téléphonique d'un commissariat ou d'une gendarmerie pour comprendre combien le déclenchement des secours à tort est néfaste, en fin de compte, pour toute la société. Je mentionnerai encore le nettoyage des tags imposé à ceux qui en couvrent les murs.
Ce sont là des exemples de réparations auxquelles la justice a de plus en plus recours.
Quant à la création d'une structure spéciale, je crains - et c'est un euphémisme - qu'elle ne soit fort coûteuse.
Je vous rappelle, monsieur Carle, que vous pouvez d'ores et déjà compter sur les municipalités et les associations. Si ces dernières sont en nombre insuffisant, on peut toujours en créer d'autres afin de mettre en place ce type de réparations et ainsi donner corps à la philosophie que vous avez soutenue à juste titre.
M. le président. Monsieur Carle, l'amendement n° 298 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Carle. Tout au long de ce débat, j'ai déposé plusieurs amendements. Certains ont été adoptés et j'ai accepté d'en retirer d'autres.
En l'occurrence, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous me posez un cas de conscience, car je suis profondément convaincu du bien-fondé de cette mesure.
Certes, la réparation existe déjà. Mais je crois qu'il faut lui donner une nouvelle impulsion et une autre dimension, car elle permet d'apporter à la victime une réponse rapide. Trop souvent, en effet, la victime ne sait pas ce qu'il est advenu du délinquant qui l'a agressée, lui a volé son sac, a dégradé la façade de sa maison, etc.
Pour que cette mesure soit comprise et efficace, elle doit être en relation avec le délit qui a été commis.
Je crois aussi que ma proposition aurait le mérite d'apporter une réponse à la société. Beaucoup de nos concitoyens pensent en effet que notre justice des mineurs est laxiste. Or elle n'est pas laxiste : elle est seulement trop erratique et trop lente.
En outre, cette mesure permettrait de désengorger les tribunaux puisqu'elle concerne uniquement les délits encadrés et les primo-délinquants. Les juges pour enfants pourraient ainsi se consacrer à des délits plus graves.
Enfin, elle empêcherait les mineurs de s'enfoncer, de s'ancrer dans la délinquance.
J'ai bien compris les contraintes qu'entraînerait l'adoption de mon amendement, et je n'y suis pas insensible.
Avant de prendre ma décision, je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, si vous comptez envoyer ma proposition dans les oubliettes de la Chancellerie ou si vous pensez, dans les semaines qui viennent, commander une étude sur ce sujet pour tenter de définir les conditions de la mise en place d'un dispositif de ce type.
Je sais d'ailleurs que vous allez prochainement nous présenter un texte qui nous permettra éventuellement de revenir sur cette question.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. M. Carle a raison d'insister sur ce sujet.
Je communique au Sénat, qui en sera peut-être surpris, le chiffre des condamnations pénales de mineurs délinquants. Actuellement, 80 000 jeunes par an sont présentés à un juge pour enfants et 28 000 jeunes sont condamnés à une réparation pénale. Certes, 30 000 condamnations environ sur 80 000 cas, ce n'est pas massif, mais la proportion n'est tout de même pas négligeable ! Nous ne faisons donc pas preuve d'une si grande faiblesse, même si on peut toujours faire mieux.
Par ailleurs, la protection judiciaire de la jeunesse va subventionner cette année des associations qui mettent en place des réparations pénales. C'est une manière, convenez-en, monsieur le sénateur, d'encourager le recours à ce dispositif.
Enfin, je vous promets que dans une circulaire prochaine, j'insisterai sur la réparation pénale, en m'appuyant d'ailleurs sur la volonté qui se manifeste au Sénat à l'occasion de ce débat. Je peux vous assurer que cette alerte lancée auprès des juridictions ne fera qu'augmenter le nombre des réparations pénales, qui est au demeurant loin d'être ridicule, d'autant qu'il a enregistré au cours de la période récente une progression significative.
M. le président. Monsieur Carle, quelle est donc votre décision ?
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, je sais qu'à l'instar du personnage principal de l'excellent roman dont vous êtes l'auteur, vous êtes un homme de parole. (Sourires.) Je vais donc retirer mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 298 rectifié bis est retiré.
Je rappelle que l'article 38 a été examiné en priorité.
Article 39
L'ordonnance du 2 février 1945 précitée est ainsi modifiée :
1° Après le 5° de l'article 15, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 6° Mesure d'activité de jour. » ;
2° Après le septième alinéa de l'article 15-1, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« 7° Mesure de placement pour une durée d'un mois dans une institution ou un établissement public ou privé d'éducation habilité permettant la mise en oeuvre d'un travail psychologique, éducatif et social portant sur les faits commis et situé en dehors du lieu de résidence habituel ;
« 8° Exécution de travaux scolaires ;
« 9° Avertissement mentionné au 5° de l'article 16 ;
« 10° Placement dans un établissement scolaire doté d'un internat pour une durée correspondant à une année scolaire avec autorisation pour le mineur de rentrer dans sa famille lors des fins de semaine et des vacances scolaires. » ;
3° L'article 16 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« 5° Avertissement solennel.
« 6° Mesure d'activité de jour. » ;
4° Après l'article 16 bis, il est créé un article 16 ter ainsi rédigé :
« Art. 16 ter. - La mesure d'activité de jour consiste en la participation du mineur à des activités d'insertion professionnelle ou scolaire soit auprès d'une personne morale de droit public soit auprès d'une personne morale de droit privé exerçant une mission de service public ou d'une association habilitées à organiser de telles activités, soit au sein du service de la protection judiciaire de la jeunesse auquel il est confié.
« Cette mesure peut être ordonnée par le juge des enfants ou par le tribunal pour enfants à l'égard d'un mineur en matière correctionnelle.
« Lorsqu'il prononce une mesure d'activité de jour, le juge des enfants ou le tribunal pour enfants en fixe la durée qui ne peut excéder douze mois et ses modalités d'exercice. Il désigne la personne morale de droit public ou de droit privé, l'association ou le service auquel le mineur est confié.
« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application de la mesure d'activité de jour.
« Il détermine, notamment, les conditions dans lesquelles :
« 1° Le juge des enfants établit, après avis du ministère public et consultation de tout organisme public compétent en matière de prévention de la délinquance des mineurs, la liste des activités dont la découverte ou auxquelles l'initiation sont susceptibles d'être proposées dans son ressort ;
« 2° La mesure d'activité de jour doit se concilier avec les obligations scolaires ;
« 3° Sont habilitées les personnes morales et les associations mentionnées au premier alinéa. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 236, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 39 crée de nouvelles sanctions éducatives à l'égard des mineurs en modifiant l'ordonnance du 2 février 1945.
Cette multiplication de nouvelles dispositions nous laisse particulièrement dubitatifs, alors même qu'une palette de mesures concernant les mineurs existe déjà. Il est donc inutile d'en ajouter, d'autant que les mesures existantes ne sont guère appliquées, essentiellement faute de moyens.
Avant de légiférer à nouveau dans le domaine de la justice des mineurs, il aurait été utile aux parlementaires de disposer à la fois d'un bilan précis et d'une évaluation de l'effet des lois votées depuis 2002. Je pense notamment à la loi Perben I, qui a modifié en profondeur l'ordonnance de 1945 dans le sens d'une plus grande répression des jeunes, au travers notamment du jugement à délai rapproché pour les mineurs de treize à dix-huit ans.
Et voilà que s'ajoutent à cet arsenal juridique des mesures nouvelles concernant les mineurs âgés de moins de dix ans, de treize ans et de plus de treize ans ! Comment voulez-vous, dans ces conditions, rendre la législation applicable aux mineurs intelligible, sinon aux élus communistes, tout au moins aux justiciables ?
Vous l'aurez compris, nous sommes opposés à cet article qui tend à modifier l'ordonnance de 1945, en dehors de toute réflexion de fond, alors que ce sujet aurait mérité à lui seul un grand et véritable débat national. Nous considérons pour notre part que le chapitre VII, prétendument dédié à la prévention de la délinquance, aurait dû faire l'objet d'un texte à part.
Je tiens à souligner que le principal défaut de l'ordonnance de 1945 ne tient ni à son supposé laxisme, ni à son inadéquation avec les formes actuelles de la délinquance juvénile, ni même à son décalage avec la société d'aujourd'hui, mais bel et bien au manque de moyens inhérent à la justice des mineurs. Celui-ci empêche la mise en oeuvre effective des dispositifs prévus par cette ordonnance, qui conserve aujourd'hui encore toute sa pertinence et sa modernité.
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Compléter le deuxième alinéa du 1° de cet article par les mots :
, dans les conditions définies à l'article 16 ter
II. - Dans le quatrième alinéa du 2° de cet article, remplacer les mots :
mentionné au 5° de l'article 16
par les mots :
solennel
III. - Compléter le troisième alinéa du 3° de cet article par les mots :
, dans les conditions définies à l'article 16 ter »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. L'amendement n° 153, présenté par M. Demuynck, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa (7°) du texte proposé par le 2° de cet article pour modifier l'article 15-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, remplacer les mots :
d'un mois
par les mots :
comprise entre un et six mois, appréciée selon la gravité des faits
La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. La mise en oeuvre d'un travail psychologique, éducatif et social peut, selon les faits commis et le mineur concerné, nécessiter une durée bien plus longue qu'un mois de placement. En effet, il s'agit là d'un travail de fond et, dans bien des cas, la période d'un mois ne permettrait pas de l'accomplir jusqu'à son terme. Ce travail restant inachevé, la récidive serait alors quasiment inéluctable.
M. le président. L'amendement n° 288, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 2° de cet article pour le 7° de l'article 15-1 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, remplacer les mots :
d'un mois
par les mots :
laissée à l'appréciation du juge et qui ne peut excéder six mois
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous n'avons pas déposé sur cet article d'amendement de suppression. Nous aurions pu le faire pour les raisons que nous avons déjà indiquées et qui ont été reprises tout à l'heure par notre collègue communiste.
Nous avons préféré tester la validité de l'argumentation développée par M. le ministre, qui nous accuse de ne pas comprendre le caractère éducatif de ces mesures. Or il nous semble que l'une au moins de celles qui figurent dans cet article n'est guère éducative.
Je rappelle que l'article 39 tend à élargir l'éventail des mesures destinées aux mineurs de treize ans. Nous pourrions discuter, entre autres, du bien-fondé de la mesure d'activité de jour, mais je crois bon d'insister sur la « mesure de placement pour une durée d'un mois dans une institution ou un établissement public ou privé d'éducation habilité permettant la mise en oeuvre d'un travail psychologique, éducatif et social portant sur les faits commis et situés en dehors du lieu de résidence habituel ».
Il est difficile de croire qu'un tel travail pourra être mené à bien en un mois et qu'il ne s'agit pas là d'une mesure de correction, surtout quand il est précisé que ce travail devra être réalisé en dehors du lieu de résidence habituel.
Notre amendement tend à permettre au juge de prononcer une mesure vraiment éducative à l'encontre du mineur : au lieu d'une durée d'un mois, qui correspond à une mesure de correction, nous proposons de laisser à l'appréciation du juge le choix de la durée de cette mesure, dans la limite de six mois.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 236, je répondrai par une lapalissade : les sanctions éducatives ont un but éducatif. À ce titre, elles me paraissent donc avoir leur place dans un texte sur la prévention de la délinquance.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Évidemment, puisque nous sommes idiots, nous ne comprenons pas !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Quant à la mesure d'activité de jour, elle paraît particulièrement adaptée à des mineurs déscolarisés, qui pourront ainsi suivre des activités d'insertion professionnelle ou scolaire.
La commission est donc évidemment défavorable à la suppression de cet article.
Quant aux amendements nos 64 et 153, qui ont en fait le même objet, j'en comprends d'autant mieux l'esprit que j'avais eu, dans un premier temps, la même intention que leurs auteurs. Mais j'ai changé d'avis à la suite des auditions.
En effet, tant les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse que les juges des enfants que j'ai entendus m'ont dit : « N'oubliez pas qu'il s'agit là d'enfants qui peuvent n'avoir que dix ans seulement. Or, pour un enfant de dix ans, la durée d'un mois pendant laquelle il est séparé totalement de son milieu est particulièrement longue. Aller au-delà, ce serait enfreindre une sorte de principe de proportionnalité. »
Ces professionnels m'ont convaincu et la commission des lois a bien voulu me suivre. L'avis est donc également défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. N'essayant plus de convaincre à ce stade de la discussion, je rappellerai seulement le contenu de l'article 39.
J'ai déjà expliqué que la mesure d'activité de jour visait à l'insertion professionnelle du mineur concerné.
Cet article prévoit quatre nouvelles sanctions éducatives : il s'agit bien de sanctions. Nous proposons, par exemple, l'éloignement du mineur de son domicile pendant un mois. Dans son amendement n 153, M. Demuynck préconise quant à lui une durée de six mois.
Prenons le cas d'un enfant de dix, douze ou treize ans particulièrement turbulent, qui « pourrit », disons le mot, la vie d'un quartier. Il arrive un moment où l'on ne peut régler le problème qu'en sortant le mineur de son milieu. On le place donc pendant un mois dans une institution ou dans un foyer afin de provoquer chez lui un choc psychologique.
Vous pouvez considérer, monsieur Peyronnet, qu'il s'agit là d'une mesure horriblement répressive. Mais, si vous avez été père de famille, vous vous souvenez peut-être d'avoir placé un fils en pension parce qu'il était insupportable ; et puis, tout à coup, il s'est remis à travailler.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne dure pas un mois, l'internat !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est d'ailleurs prévu dans le texte : on pourra aussi recommander l'internat. Mais le terme « répression » me paraît tout à fait excessif.
Il s'agit en fait de trouver des sanctions éducatives aussi variées que possible et de les appliquer aux enfants les plus jeunes.
Avec l'avertissement solennel, dans le cadre d'une audience, on ne se contentera pas de morigéner l'enfant, ce qui n'emporte pas beaucoup de conséquences, à en croire les jeunes eux-mêmes. En effet, il nous semble qu'un avertissement, fût-il sans frais, sera plus efficace que les admonestations que nous connaissons déjà.
Il me semble que l'énumération des dispositions de cet article suffit à en justifier l'existence et explique les raisons qui me conduisent à demander le rejet de l'amendement n° 236.
Je suis évidemment favorable à l'amendement de précision déposé par M. le rapporteur.
Je demande à M. Demuynck de bien vouloir retirer son amendement n° 153, car un placement dans un foyer pour une durée de six mois, au lieu d'un mois, me paraît un peu long s'agissant d'un enfant âgé, par exemple, de dix ans.
Sur l'amendement n° 288 de M. Peyronnet, l'avis est défavorable.
M. le président. Monsieur Demuynck, l'amendement n° 153 est-il maintenu ?
M. Christian Demuynck. Non, monsieur le président, je m'en remets aux arguments de M. le rapporteur et retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 153 est retiré.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote sur l'amendement n° 288.
M. Jean-Claude Peyronnet. Pour ma part, je ne me rallie ni aux arguments de M. le rapporteur ni à ceux de M. le ministre.
Contrairement à M. Demuynck, je ne préconise pas de fixer à six mois la durée du placement : je propose de laisser le juge décider en son âme et conscience, après avoir examiné le cas social et psychologique particulier, si la mesure doit durer un mois, un mois et demi, deux mois ou trois mois. C'est tout de même beaucoup plus libéral que ce que prévoit le texte !
M. le président. Je mets aux voix l'article 39, modifié.
(L'article 39 est adopté.)
Article 40
Après le troisième alinéa de l'article 20-7 de l'ordonnance du 2 février 1945 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l'ajournement du prononcé de la mesure éducative ou de la peine est ordonné, le tribunal pour enfants peut ordonner au mineur d'accomplir une mesure d'activité de jour. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 237, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous allons continuer à ne pas nous comprendre, mais cela ne fait rien...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un jour peut-être, qui sait ? (Sourires.)
Ce qui est sûr, c'est que votre mesure d'activité de jour, destinée aux enfants de treize à dix-huit ans, va s'ajouter aux autres dispositifs déjà prévus : le placement dans un établissement public ou privé, une mesure de liberté surveillée préjudicielle, ou une mesure d'aide ou de réparation.
Entre parenthèses, monsieur le garde des sceaux, vous avez donné quelques précisions sur les mesures de réparation. C'est une bonne nouvelle, car nous entendons sans cesse qu'il ne se passe rien après que les jeunes ont eu une admonestation : on les laisse simplement dans la nature ! Mais, s'il n'y a pas plus de mesures de réparation, c'est peut-être parce qu'on ne sait pas très bien comment faire pour les appliquer !
Le problème, avec cette mesure d'activité de jour, c'est qu'elle risque d'entraîner une confusion avec les activités d'insertion de la PJJ. Ce qui rejoint un problème plus général, contre lequel nous essayons de vous mettre en garde, en soulignant combien il est préjudiciable de confondre sanction et éducation.
Évidemment, vous ne le comprenez pas puisque, pour vous, sanction égale éducation, à moins que ce ne soit éducation égale sanction... On n'a pas très bien compris !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Éducation et sanction, ce n'est pas pareil !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors que les mesures d'activité de jour proposées par la protection de la jeunesse constituent actuellement un élément permettant la reconstruction des jeunes en difficulté, celle qui est définie à l'article 39 devient une sanction. Décidée par le tribunal, elle prend en effet un caractère contraignant.
Ce texte signe un changement important des missions de la PJJ et un changement de philosophie quant à l'insertion des jeunes. Ce qui est en cause, c'est l'insertion, la rééducation par le travail. Votre approche est dangereuse pour des jeunes qui, pour la plupart, en sont à leur première approche du monde du travail.
On peut s'interroger sur les moyens dont vous disposerez pour mettre en oeuvre ces mesures d'activité de jour tant, on le sait, il est difficile d'obtenir des employeurs qu'ils veuillent bien accueillir des jeunes sous mesure judiciaire.
Je doute que cette disposition - dont les modalités d'application seront déterminées par un décret en Conseil d'État, sans qu'on sache quand - soit applicable, voire appliquée un jour.
Votre défiance vis-à-vis de la protection judiciaire de la jeunesse vous amène à faire adopter des dispositions législatives sans consulter les professionnels concernés, sans faire le bilan du dispositif existant, sans procéder à des études d'impact des mesures que vous proposez, sans débloquer les moyens indispensables à leur mise en oeuvre. Tout cela pour pouvoir dire ensuite que la justice ne fait pas son boulot et que les mesures très intéressantes que vous préconisez ne sont pas suivies d'effet ! CQFD : il vous faut en prendre encore d'autres pour pouvoir dire que vous faites quelque chose !
Ignoreriez-vous que, lorsque le juge des enfants ordonne une mesure éducative, il faut des mois pour obtenir le premier rendez-vous entre le jeune et l'éducateur ?
Il serait souhaitable que vous nous entendiez un petit peu pour éviter de poursuivre cette inflation législative dépourvue d'effets pratiques.
M. Jean-Claude Peyronnet. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 65, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa de cet article par les mots :
dans les conditions définies à l'article 16 ter
La parole est à M. le rapporteur pour défendre cet amendement et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 237.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 65 est un amendement de précision.
La commission est défavorable à l'amendement n° 237. Le projet de loi manifeste une telle défiance à l'égard de la protection judiciaire de la jeunesse que la mesure éducative de jour consiste, je l'ai dit tout à l'heure, en la participation du mineur à des activités d'insertion professionnelle ou scolaire qui peuvent être confiées... aux services de la PJJ ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Peyronnet. Avec quels moyens ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Non seulement nous ne sommes pas compétents mais, de plus, nous sommes masochistes !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 237 et 65 ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je vais encore contredire Mme la présidente du groupe CRC. Elle y est habituée, à défaut de s'y faire...
Cette disposition, qui l'a inventée, madame Borvo ? La protection judiciaire de la jeunesse ! Non contents de prendre son avis, nous lui empruntons son idée ! Cela annihile totalement l'argumentaire que vous avez soutenu.
Ce moyen nouveau est un extraordinaire avantage puisqu'il permet au tribunal pour enfants de se prononcer sur la culpabilité et de renvoyer à une audience ultérieure le prononcé de la sanction.
Avec cette formule très intéressante, il s'agit de dire à l'enfant reconnu coupable qu'il va suivre un stage d'insertion professionnelle et que, s'il s'y conduit bien - et le juge pourra éventuellement fixer une durée, ce qui permettrait de rejoindre un peu l'objectif de M. Demuynck -, il ne subira pas la sanction qu'il mérite. Tel est le sens de cet article.
Si vous préférez la pénalisation systématique en le punissant tout de suite, évidemment, vous êtes contre cet article. Si vous préférez substituer à la sanction la possibilité d'une insertion professionnelle, vous ne pouvez que l'adopter.
Je sais que c'est un dialogue de sourds parce que vous prétendez que nous disons tout le contraire de ce que nous faisons ! Il n'en reste pas moins que ce qui est proposé, c'est de l'insertion professionnelle à la place d'une sanction. Libre à vous de crier à la répression !
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 237 et favorable à l'amendement n° 65.
M. le président. Je mets aux voix l'article 40, modifié.
(L'article 40 est adopté.)
Article 41
Au premier alinéa de l'article 33 de l'ordonnance du 2 février 1945 précitée, après les mots : « sursis avec mise à l'épreuve », sont insérés les mots : « ou d'un placement extérieur. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 238, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'article 41 clôt le chapitre VII, prétendument dédié à la prévention de la délinquance des mineurs, de la plus détestable des façons : il tend à systématiser l'enfermement des jeunes délinquants en dissimulant, derrière l'innocente expression de « placement extérieur », le spectre du centre éducatif fermé, ou CEF.
Certes, il existe un moment où l'enfermement peut être utile, mais il doit rester l'exception, comme le préconise d'ailleurs la convention internationale des droits de l'enfant, à laquelle la France a souscrit. En effet, je le précise d'emblée, tant il est parfois difficile de se comprendre, l'enfermement et l'éloignement, ce n'est pas la même chose.
L'enfermement est la pire des solutions pour un mineur dans la mesure où l'éducatif suppose l'espoir, le choix, et, donc, une part de liberté. Or, de l'avis même des travailleurs de la PJJ, lesquels, me soutiendrez-vous, vous ont dit le contraire, « les CEF remettent fondamentalement en cause le sens de [leur] métier et mettent fin à la mission éducative de la PJJ ».
Leur connaissance indéniable de la vie des jeunes dans ces centres les oblige, d'une part, à considérer leurs critiques avec le plus grand intérêt, et, d'autre part, à se concerter avec eux lors de l'élaboration de tout projet éducatif ou préventif en termes de délinquance.
Dans les centres fermés, toutes les dimensions intrinsèques à l'éducation - définition des limites, remise en cause du monde des adultes, transgression des interdits - sont occultées et l'obligation, pour l'adolescent, de faire telle ou telle activité n'a, selon les éducateurs, qu'un « caractère occupationnel ».
Il s'agit d'éviter tout dérapage sur le moment, sans élaborer de cheminement dans la durée ni d'accompagnement individualisé. Ainsi, d'après les premiers bilans établis sur l'activité des CEF, l'évaluation de l'environnement social et familial, de même que l'approche du mineur à travers son histoire ne sont pas investis ou le sont peu. Cela est dû notamment à la mauvaise circulation de l'information entre professionnels intervenant antérieurement et le CEF.
La méthode éducative choisie est donc celle du comportementalisme puisqu'elle repose sur le conditionnement de l'individu et la négation de sa singularité et de sa souffrance. Or, comme chacun le sait, les thèses comportementalistes vous plaisent énormément...
Comment peut-on penser que, dans un lieu clos, à l'écart du monde réel, avec de telles rigidités et contraintes, et avec le mépris de leur histoire, des jeunes puissent réparer et reconstruire ce qui leur a fait défaut dans leur éducation ?
De plus, la perspective du jeune délinquant doit être de sortir de la délinquance, et non pas seulement de sortir de l'enfermement.
Or, le premier bilan des CEF, dont nous fait part la commission des lois dans son rapport, fait apparaître « un manque de relais à la sortie, susceptible d'hypothéquer les fragiles progrès réalisés en CEF», ce qui est quand même ennuyeux !
De même, la démarche d'élaboration d'un projet individuel pour chaque mineur, telle qu'elle est exigée par la loi du 2 janvier 2002, n'est pas intégrée dans la plupart des centres. La perspective d'avenir est donc absente de cette mesure à vocation « éducative » ; à preuve, la forte propension au suicide durant et après les périodes d'enfermement. Mais ce n'est là qu'un premier bilan : doit-on le laisser s'alourdir au fil du temps ?
À tout cela s'ajoute le danger que constitue le rassemblement dans un même lieu de jeunes délinquants au comportement violent, danger qu'en son temps, dans les années soixante-dix, le garde des sceaux Alain Peyrefitte avait bien perçu puisqu'il fit fermer les structures d'enfermement existantes, considérées alors comme de véritables « cocottes-minute ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourquoi cela aurait-il changé aujourd'hui ? L'expérience nous montre d'ailleurs que non !
De la même manière, l'article 41 semble passer outre le risque de récidive important qui naît de la concentration de jeunes et moins jeunes délinquants dans des conditions d'incarcération dégradées.
Cela m'amène à un dernier point justifiant la suppression de cet article : la question du financement. En effet, il a été estimé, dans le premier bilan des CEF, que le prix d'une journée de prise en charge d'un individu dans un CEF s'élevait à 550 euros. Au 1er septembre 2006, 133 des 166 places disponibles étaient déjà occupées. Or on nous propose dans cet article de systématiser l'enfermement.
De deux choses l'une : soit le nombre de places risque de se révéler très vite insuffisant, compte tenu de la logique actuelle de répression, ce qui entraînera une dégradation des conditions de vie des mineurs enfermés ; soit l'augmentation du nombre de places disponibles risque de nécessiter l'abaissement du coût de la journée et, donc, d'entraîner une dégradation des conditions d'incarcération.
Voilà les raisons pour lesquelles, conformément à ce que nous avons dit dès l'origine, nous sommes vraiment hostiles aux CEF.
Monsieur le ministre, vous nous avez affirmé que le nombre de mineurs en prison avait diminué. C'est vrai, il a baissé, semble-t-il, de 21 % entre juillet 2002 et juillet 2006, et il y avait, d'après vos services, 711 mineurs incarcérés en juillet 2006. Mais, dans le même temps, 642 jeunes sont passés dans les CEF. Autrement dit, le nombre de mineurs soumis à l'enfermement a augmenté.
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
A la fin de cet article, remplacer les mots :
placement extérieur
par les mots :
placement à l'extérieur
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 238.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 66 est rédactionnel.
La commission est défavorable à l'amendement n° 238. J'avoue d'ailleurs être très surpris. J'ai eu l'occasion, moi aussi, de rencontrer des éducateurs de la PJJ. Mais nous ne voyons apparemment pas les mêmes ! J'ai même eu avec eux un débat télévisé sur le thème des centres éducatifs fermés. Je dois à la vérité de dire que l'opinion exprimée par eux était beaucoup moins tranchée, beaucoup plus nuancée que celle, très manichéenne, qu'a rapportée Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes idiots, de mauvaise foi et, maintenant, manichéens !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je me permets de rappeler que, dans un rapport qui n'était pas particulièrement indulgent pour le système pénitentiaire de notre pays, M. Gil-Robles, alors commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, avait relevé le caractère particulièrement intéressant et utile des centres éducatifs fermés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour remplacer la prison ! Ici, ils s'y ajoutent ! C'est autre chose !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En l'espèce que propose le projet de loi, si ce n'est le remplacement de la prison par le CEF ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit de faire en sorte que des mineurs qui auraient dû être incarcérés soient placés en centre éducatif fermé où ils peuvent continuer l'action éducative qui a été amorcée.
Je pense qu'en voulant supprimer cet article vous retirez une chance à ces mineurs d'une continuité éducative, et vous les envoyez directement en prison.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous savez bien que ce n'est pas cela !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 238 et 66 ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je vais tenter de m'expliquer. Ma propre patience fait mon admiration : c'est déjà magnifique ! (Sourires.)
Madame Borvo, actuellement, un mineur peut aller en CEF dans trois cas : sursis avec mise à l'épreuve, contrôle judiciaire, libération conditionnelle.
L'article 41 prévoit précisément que, par souci de continuité éducative, les mineurs seront placés en CEF au lieu d'être mis en prison. Or, je le rappelle pour la énième fois, les CEF sont exactement le contraire des prisons : ce sont des lieux de pédagogie à haute dose.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est ce que devraient être les prisons !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Les jeunes, loin d'y être « laissés tranquilles », passent d'une activité ludique à une activité professionnelle, d'un suivi par un psychologue ou par un psychiatre à un tête-à-tête avec un éducateur qui les aident à bâtir un projet de vie. Hors les huit ou neuf heures par nuit pendant lesquelles ils dorment, tout leur temps est consacré à faire sortir le meilleur d'eux-mêmes.
Dès lors, considérer les CEF comme des prisons n'est rien de moins que choquant !
D'ailleurs, comme le faisait observer le rapporteur, même M. Gil-Robles, qui a « épinglé » les prisons françaises - à tort, d'ailleurs, car il n'a pas pris en considération les effets des décisions de la nouvelle majorité au Parlement en matière de détention, en particulier la construction de 13 000 places et la rénovation de 5 000 autres -, a dit des CEF qu'ils étaient une idée originale et remarquable.
Faites-nous donc l'honneur, madame Borvo, de ne pas les confondre avec des prisons !
Cependant, si vous souhaitez que les jeunes restent en prison au lieu d'aller dans ces centres éminemment éducatifs, votez donc votre amendement !
M. le président. Je mets aux voix l'article 41, modifié.
(L'article 41 est adopté.)
CHAPITRE VIII
DISPOSITIONS ORGANISANT LA SANCTION - RÉPARATION ET LE TRAVAIL D'INTÉRÊT GÉNÉRAL
Article 42
I. - Dans la première phrase de l'article 131-8 du code pénal, les mots : « personne morale de droit public ou d'une association habilitée », sont remplacés par les mots : « soit d'une personne morale de droit public, soit d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées ».
II. - Au septième alinéa de l'article 41-2 du code de procédure pénale, après le mot : « collectivité », sont insérés les mots : « , notamment au sein d'une personne morale de droit public ou d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées, ».
M. le président. Sur l'article, la parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Je souhaite, monsieur le ministre, attirer votre attention sur le fondement des nouvelles dispositions de cet article, à savoir l'inadéquation entre les offres et les demandes en matière de travaux d'intérêt général, travaux qui étaient jusqu'à présent effectués au profit des personnes morales de droit public ou des associations habilitées à les mettre en oeuvre.
S'il peut apparaître souhaitable et même équitable d'élargir cette possibilité aux personnes morales de droit privé dès lors qu'elles seraient chargées d'une mission de service public, je crains néanmoins que l'analyse du terrain n'ait méconnu quelques réalités.
Il convient en premier lieu de souligner la vraie capacité des communes rurales à accueillir des jeunes astreints à effectuer un travail d'intérêt général en leur apportant un encadrement porteur et un suivi personnalisé, ces jeunes étant épaulés à la fois par un adjoint et par un employé.
À cela s'ajoute le fait que les intéressés, issus la plupart du temps de milieux urbains, se trouvent de fait délocalisés vers des communes rurales, donc placés dans un environnement différent, voire inconnu, de nature à créer une « rupture » salutaire et pour le moins intéressante.
Il va sans dire, enfin, que la plupart de ces communes, qui disposent souvent de peu de moyens financiers, sont plutôt favorables à un tel dispositif.
Le vrai problème qui se pose, et qui expliquerait que les offres faites par les communes rurales soient acceptées en trop petit nombre, réside dans les transports, les intéressés ne disposant pas des moyens de locomotion nécessaires pour se rendre dans ces communes.
Face à ce problème, deux solutions pourraient être envisagées : soit responsabiliser les parents en leur demandant de conduire les jeunes sur le lieu, ce qui peut apparaître comme une gageure dans certains contextes ; soit permettre un financement du coût engendré par un tel transport.
M. le rapporteur ayant lui-même déposé un amendement tendant à insérer, après l'article 2, un article additionnel qui vise à créer un fonds pour la prévention de la délinquance destiné à financer la réalisation d'actions dans le cadre des instances territoriales de prévention de la délinquance, rien ne s'opposerait au financement de ce coût par ce fonds. On éviterait ainsi de pénaliser les communes rurales et, réciproquement, ceux qui pourraient utilement trouver à se reconstruire au sein d'un milieu adapté.
J'espère, monsieur le ministre, vous avoir sensibilisé à une difficulté à laquelle il est sans doute possible de remédier.
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 42.
(L'article 42 est adopté.)
Article 43
I. - Après le huitième alinéa de l'article 131-3 du code pénal, il est ajouté un 8° ainsi rédigé :
« 8° La sanction-réparation. »
II. - Après l'article 131-8 du même code, il est inséré un article 131-8-1 ainsi rédigé :
« Art. 131-8-1. - Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prononcer, à la place ou en même temps que la peine d'emprisonnement, la peine de sanction-réparation.
« La sanction-réparation consiste dans l'obligation pour le condamné de procéder dans le délai et selon les modalités fixés par la juridiction, à l'indemnisation du préjudice de la victime.
« Avec l'accord de la victime et du prévenu, cette réparation peut être exécutée en nature.
« L'exécution de la réparation est constatée par le procureur de la République ou son délégué.
« Lorsqu'elle prononce la peine de sanction-réparation, la juridiction fixe la durée maximum de l'emprisonnement, qui ne peut excéder six mois, ou le montant maximum de l'amende, qui ne peut excéder 15 000 €, dont le juge de l'application des peines pourra ordonner la mise à exécution en tout ou partie, dans les conditions prévues par l'article 712-6 du code de procédure pénale, si le condamné ne respecte pas l'obligation de réparation. Le président de la juridiction en avertit le condamné après le prononcé de la décision. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 239, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L'article 43 crée une nouvelle peine correctionnelle, la « sanction-réparation ».
Cette disposition viendrait « combler une évidente lacune de notre droit pénal et de notre procédure pénale », peut-on lire dans l'exposé des motifs du projet de loi.
Le code pénal prévoit sept peines correctionnelles : l'emprisonnement, l'amende, le jour-amende, le stage de citoyenneté, le travail d'intérêt général, les peines privatives ou restrictives de droits prévues à l'article 131-6 et les peines complémentaires prévues à l'article 131-10.
À quel besoin répond la création d'une huitième peine ? L'objectif serait d'assurer la réparation du dommage, mais l'objectif d'une peine est, justement, d'assurer cette réparation, en plus de sanctionner l'auteur du dommage.
Laissez-moi vous lire la définition que donne du mot« peine » le Petit Robert : « Sanction appliquée à titre de punition ou de réparation pour une action jugée répréhensible. »
Avec sept peines correctionnelles et plus de 12 000 infractions recensées dans le code pénal, comment affirmer aujourd'hui que notre droit pénal et notre procédure pénale comportent encore des lacunes ?
Néanmoins, l'article 43 se situe dans une logique qui n'est pas neutre, celle qui est largement défendue par le ministre de l'intérieur : faire de la victime l'élément central du procès pénal.
Le procès pénal s'articule autour de deux entités : la société, dont l'ordre a été troublé et qui est incarnée par le ministère public, et l'auteur présumé de l'infraction. Les victimes ne sont nullement écartées du procès, contrairement à ce que l'on voudrait nous faire croire, puisqu'elles peuvent se constituer partie civile.
Loin de nous, donc, l'idée d'écarter la réparation du dommage causé à la victime ; tel n'est pas mon propos en l'espèce. En revanche, je crois nécessaire de dénoncer l'utilisation qui est faite, de manière abusive, de la souffrance des victimes, prétexte à toutes les aggravations de peine que nous constatons depuis quatre ans.
La création de cette nouvelle peine correctionnelle est donc purement une mesure d'affichage, destinée à faire croire que le sort des victimes sera enfin pris en compte. C'est faire preuve de défiance vis-à-vis de l'autorité judiciaire, qui se soucie des victimes bien plus que vous ne le donnez à croire.
En revanche, force est de constater que, faute de moyens, la justice rencontre des difficultés pour faire appliquer les peines prononcées. L'exposé des motifs lui-même évoque des difficultés d'ordre juridique ou technique, mais également des difficultés liées à l'insuffisance de postes offerts afin de pouvoir mettre en oeuvre de manière satisfaisante le travail d'intérêt général.
Ne nous trompons donc pas d'objectif : il serait certainement plus utile de donner à la justice les moyens de faire appliquer les peines prononcées plutôt que d'en créer de nouvelles. Tel est le sens de notre amendement de suppression de l'article 43.
M. le président. L'amendement n° 289, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mmes Tasca, Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 131-8-1 du code pénal, remplacer les mots :
ou en même temps que
par le mot :
de
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement vise à éviter que la sanction-réparation ne se cumule avec la peine d'emprisonnement. Il ne nous paraît en effet pas très convenable que cette nouvelle peine ne soit pas considérée comme une peine alternative.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'extension de la réparation du droit des mineurs au droit des majeurs nous paraît une bonne chose, de même que l'attention portée à la victime. L'obligation pour le condamné de procéder à l'indemnisation de la victime revêt à la fois un caractère de sanction et un caractère pédagogique.
Lorsque la réparation sera effectuée en nature - par exemple, la reconstruction de ce qui a été démoli -, ce caractère pédagogique sera encore plus évident et les liens qui pourront se tisser entre la victime et le délinquant, permettant à celui-ci de constater l'importance du traumatisme qu'il a causé, seront peut-être un élément déterminant pour éviter la récidive.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Avant d'en venir aux amendements à l'article 43, je souhaite répondre à Mme Troendle, qui a défendu, avec talent et conviction, le développement des travaux d'intérêt général en milieu rural.
Mme Troendle a pleinement raison, et je suis convaincu que l'extension des TIG que l'on permet aujourd'hui en les faisant sortir du seul domaine public pour leur ouvrir le domaine privé d'intérêt général, par exemple les HLM, peut incontestablement concerner le milieu rural.
Cette extension permettra sans doute aux TIG de quitter le périmètre de la mairie, périmètre qui, en milieu rural se réduit, en général au cantonnier, à qui on a souvent, avec plus ou moins de succès, tenté d'adjoindre un « TIG ».
On voit à quelles nouvelles utilisations l'extension des TIG aux associations, par exemple aux associations chargées de gérer les jardins des HLM de la commune, pourra donner lieu, ce qui permettra peut-être d'offrir à ces jeunes sous main de justice la chance de trouver un travail.
J'en profite d'ailleurs pour donner des nouvelles du parrainage des jeunes sous main de justice que j'ai lancé : cette opération a relativement bien marché, particulièrement chez les chefs cuisiniers.
J'avais pris comme parrain un grand chef français, Pierre Gagnaire, qui a écrit à tous les chefs étoilés de France. Il est étonnant de constater à quel point ces derniers ont joué le jeu en prenant en stage des jeunes sous main de justice recommandés par la protection judiciaire de la jeunesse, qui s'est bien sûr attachée à choisir les personnes qui convenaient le mieux à des restaurants gastronomiques. Le succès de l'opération est notamment attesté par le fait que, aujourd'hui, nombre de ces jeunes sont non plus en stage mais en apprentissage : autrement dit, ils sont sauvés ! Demain, vous verrez, certains de ces jeunes qui étaient hier sous main de justice seront eux-mêmes devenus des chefs étoilés installés chez eux, et c'est extraordinaire.
Je crois beaucoup à l'insertion par ce biais, mais encore faut-il que la société s'y prête, et vous avez raison, madame Troendle, de mettre l'accent sur la capacité que peut avoir celle-ci, à travers les TIG, à assimiler et à transformer ces jeunes qui, en fait, veulent avoir un but dans la vie et réussir.
J'en viens à cet article 43 qui institue la peine de sanction-réparation, ce qui m'amène, monsieur Carle, à me tourner vers vous : c'est un article que vous appelez de vos voeux.
Il est clair que toute victime souhaite être remboursée, et tel est l'objet de cet article dont on ne peut, je crois, que se féliciter. Une de vos collègues, membre du parti communiste, récemment victime d'un acte de vandalisme - on lui a brisé sa vitre et elle a été volée -, a d'ailleurs demandé, par le truchement de son avocat, non pas une peine, je le reconnais, mais le remboursement.
En outre, cet article permet au juge des enfants, lorsqu'il y a réparation, de ne pas prononcer de sanction. Que peut-on rêver de mieux ? Les auteurs des amendements - y compris, curieusement, les auteurs de l'amendement de suppression ! - auront retrouvé là l'esprit qu'ils défendent, à savoir l'éducation plutôt que la sanction, et j'espère les avoir maintenant convaincus, afin que le Sénat vote à l'unanimité ce bel article instituant la peine de sanction-réparation.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Je suis tout à fait d'accord avec ce qui a été dit par Mme Troendle. Toute extension du travail d'intérêt général est bienvenue et, notamment en milieu rural, il faut trouver les moyens de le développer.
Après tout, je suis - et cela souligne mon grand âge - le père du travail d'intérêt général, que j'ai fait introduire dans le code pénal en 1983, avec, je tiens à le rappeler, une coopération très constructive de M. Philippe Séguin.
Cela étant dit, monsieur le garde des sceaux, je souhaite vous interroger à propos d'un point qui a été à la source de certains problèmes dans l'application du travail d'intérêt général.
Dans cet article 43 instituant la sanction-réparation, on peut lire qu'« avec l'accord de la victime et du prévenu, cette réparation peut être exécutée en nature ». Clairement, cela signifie que l'auteur du dommage va être amené à le réparer.
Toutefois, il convient de faire attention, car la question s'est posée, notamment aux maires, et ce de façon très complexe, en matière de travail d'intérêt général.
Ainsi, s'il arrive un accident à celui qui est en train d'effectuer cette réparation, qui va devoir porter le fardeau de l'indemnisation ou de la garantie, voire de l'accident du travail ? Il est très difficile de répondre à cette question. En effet, puisqu'il s'agit d'une sanction, cette responsabilité reviendra-t-elle à l'administration judiciaire, ou - nous nous devons d'évoquer ce cas - à la personne qui donne des instructions en matière de travail et qui pourrait être la victime ou son préposé ?
Il s'agit donc là d'une question complexe et je souhaiterais, monsieur le garde des sceaux, que vous puissiez nous apporter des éclaircissements sur ce point. Je le répète, pour ma part, je ne vois que des avantages au système de la sanction-réparation. Mais vous pouvez mesurer vous-même la complexité du réel et les problèmes que cela peut susciter. Éclairez-nous donc à cet égard !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je vais tenter de répondre à M. Badinter, qui soulève une vraie question. Un élu local le sait, on ne peut employer une personne telle que celle qu'il a mentionnée, même de façon bénévole. Cela n'est donc pas possible. Vous avez raison d'insister sur ce point, monsieur Badinter, et de prévenir les élus à travers votre intervention.
Le système ne peut fonctionner, j'en veux pour preuve ma propre expérience, qu'à travers une association, qui, elle-même, aura pris la précaution d'être assurée pour son personnel, et non pas directement, c'est bien évident.
M. le président. Je mets aux voix l'article 43.
(L'article 43 est adopté.)
Article 44
I. - Au 2° de l'article 41- 1 du code de procédure pénale, après les mots : « d'un stage de citoyenneté », sont insérés les mots : « d'un stage de responsabilité parentale ou d'un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants ».
II. - Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après le dernier alinéa de l'article 131- 16, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 9° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1 du code pénal. » ;
2° L'article 131- 35- 1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après les mots : « sécurité routière », sont insérés les mots : « ou un stage de responsabilité parentale » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « du stage » sont remplacés par les mots : « de ces stages » ;
3° L'article 222- 45 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 5°L'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1. » ;
4° Après le 4° de l'article 223- 18, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 4° ter L'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1. » ;
5° L'article 224- 9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 4° S'il s'agit des crimes visés à la section I du présent chapitre, l'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1. » ;
6° L'article 225- 20 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 8° L'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1. » ;
7° L'article 227- 29 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 7° L'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1. » ;
8° L'article 321- 9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 10° L'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1. »
III. - Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l'article L. 3353- 4 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les personnes coupables des infractions prévues à l'alinéa précédent encourent également les peines complémentaires de :
« 1° Retrait de l'autorité parentale ;
« 2° Obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1 du code pénal. » ;
2° L'article L. 3355- 3 est ainsi modifié :
Après les mots : « cinq ans au plus », sont ajoutés les mots : « ainsi que l'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1 du code pénal » ;
3° Le deuxième alinéa de l'article L 3819- 11 est complété par les mots : « et l'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1 du code pénal. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 240, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen- Seat, Mathon- Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Nous abordons l'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale. Ce dispositif confond manifestement le registre de l'éducatif et celui du répressif.
Soit le parent commet une infraction, cas prévu par cet article 44 - atteinte volontaire à l'intégrité de la personne, agression sexuelle ou trafic de stupéfiants -, il relève alors du droit pénal et doit être condamné à une amende ou une peine de prison, le code pénal disposant d'ailleurs qu'il peut déjà, à titre de peine complémentaire, être orienté vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle, voire être obligé d'accomplir un stage dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel. Soit le parent est dépassé par le comportement de son enfant et il doit alors relever de l'assistance éducative.
Mais le condamner à un stage de responsabilité parentale, de surcroît à ses frais, dans le cas où il aurait commis une infraction nous paraît incohérent et contre-productif et, je le répète, semble confondre deux champs d'action opposés.
En effet, la parentalité ne se construit pas du seul fait d'une transmission d'informations, encore moins à travers le conditionnement, la contrainte ou le suivi individualisé pendant un temps limité.
Ce stage s'apparente ainsi à des injonctions schématiques et moralisatrices, qui transformeraient, en quelques cours, de « mauvais parents » en « bons parents » ! La parentalité, beaucoup le savent ici, n'est pas un métier, terme auquel renvoie implicitement celui de stage, ou un ensemble de compétences rationnellement acquises.
Telles sont les raisons qui nous conduisent à rejeter fermement le dispositif proposé dans l'article 44.
L'amendement n° 67, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit le 2° du II de cet article :
2° Le premier alinéa de l'article 131- 35- 1 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu'elle est encourue à titre de peine complémentaire, l'obligation d'accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière, un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage des produits stupéfiants ou un stage de responsabilité parentale est exécutée dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle la condamnation est définitive.
« La juridiction précise si le stage est exécuté aux frais du condamné. Le stage de sensibilisation à la sécurité routière est toujours exécuté aux frais du condamné. »
II. - Avant le 1° du III de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° L'article L 3353- 3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes coupables des infractions prévues à cet article encourent également la peine complémentaire d'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1 du code pénal. »
III. - Supprimer le 2° du III de cet article.
IV. - Rédiger comme suit le 3° du III de cet article :
3° Après les mots :
« alinéa précédent »,
la fin du second alinéa de l'article L. 3819- 11 est ainsi rédigée :
« encourent également les peines complémentaires de retrait de l'autorité parentale et l'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale, selon les modalités fixées à l'article 131- 35- 1 du code pénal. »
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 240.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 67 tend à réintroduire la mention du stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants, par coordination avec la suppression opérée à l'article 33 du projet de loi, tout en laissant à la juridiction le soin de préciser si le stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de stupéfiants ou le stage de responsabilité parentale doit être effectué aux frais de l'intéressé. Sur ce point, Mme Assassi a donc en partie satisfaction.
Cet amendement a également pour objet de prévoir l'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale en cas de vente ou d'offre de boissons alcoolisées à des mineurs de moins de seize ans, tout en supprimant cette peine pour les autres infractions à la réglementation sur les débits de boissons sans rapport avec les mineurs.
Enfin, cet amendement a pour but de viser le retrait, et non la déchéance, de l'autorité parentale s'agissant de Mayotte, par coordination avec le droit commun.
Quant à l'amendement n° 240, la commission émet un avis défavorable, car il est incompatible avec celui que je viens de présenté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le groupe CRC arrive encore à me surprendre. (Murmures sur les travées du groupe CRC.) J'avoue, en effet, être impressionné !
Je tiens à indiquer au Sénat qu'il s'agit ici de prévoir des stages de responsabilité parentale pour les parents dont les enfants commettraient un certain nombre de délits, je pense notamment à des atteintes aux biens - ce sont souvent des cas difficiles.
Cette peine serait encourue, par exemple, pour les infractions de violence, de mise en danger délibérée, de séquestration ou d'exploitation de la mendicité, lorsqu'elles seront commises sur un mineur par ses parents, ainsi que pour tous les délits d'atteinte au mineur et à sa famille, tel l'abandon de famille, etc.
Par conséquent, le juge choisira entre cette peine de stage de responsabilité parentale - dont certains peuvent considérer qu'il reste très abstrait -, une peine de prison et l'amende.
Ceux qui se prononcent pour la suppression de cet article préfèrent la prison ou l'amende alors que ceux qui en souhaitent le maintien considèrent qu'une peine de stage de responsabilité parentale est préférable.
Mme Éliane Assassi. C'est un raccourci !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Non, madame Assassi, c'est la vérité ! Et c'est pourquoi je disais que vous arrivez encore à me surprendre.
Concernant l'amendement n° 67, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 44, modifié.
(L'article 44 est adopté.)
CHAPITRE IX
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 45
Au deuxième alinéa de l'article 375- 2 du code civil, après les mots : « ordinaire ou spécialisé », sont ajoutés les mots : « le cas échéant, sous régime de l'internat ». - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 45
M. le président. L'amendement n° 307, présenté par MM. Goujon et Carle, est ainsi libellé :
Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 727 du code de procédure pénale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Aux fins d'assurer la sûreté publique, la prévention des infractions pénales, la sécurité et le bon ordre des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé habilités à recevoir des détenus, les communications téléphoniques que les personnes détenues ont été autorisées à passer peuvent, à l'exception de celles avec leur avocat, être écoutées, enregistrées et interrompues par l'administration pénitentiaire sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent, dans des conditions et selon les modalités qui sont précisées par décret.
« Les détenus ainsi que leurs correspondants sont informés du fait que les conversations téléphoniques peuvent être écoutées, enregistrées et interrompues.
« Les enregistrements qui ne sont suivis d'aucune transmission à l'autorité judiciaire en application de l'article 40 ne peuvent être conservés au delà d'un délai de trois mois. »
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Par cet amendement, mon collègue Philippe Goujon et moi-même souhaitons résoudre un problème dont nous avons été saisis à de nombreuses reprises.
En effet, la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par voie de télécommunication ne règle pas le cas des correspondances téléphoniques émises par les personnes incarcérées.
Or, dans la mesure où les détenus peuvent être autorisés à téléphoner à des correspondants extérieurs, il est, me semble-t-il, indispensable que l'administration puisse, pour des motifs de bon ordre et de sécurité des établissements pénitentiaires ainsi que de prévention des infractions pénales, contrôler ces communications, à l'exception, bien sûr, de celles qui sont adressées aux avocats.
L'écoute et l'enregistrement de ces conversations doivent reposer sur un fondement législatif approprié, qui, aux termes de la jurisprudence européenne, doit être suffisamment clair et accessible.
Enfin, l'enregistrement, qui rend effectif le contrôle des échanges téléphoniques, permet de s'assurer du contenu de certaines conversations, notamment de celles qui ont lieu en langue étrangère. Il permet, en outre, de constituer des éléments de preuve, dans le cadre de la procédure prévue par l'article 40, alinéa 2, du code de procédure pénale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le dispositif qui nous est ici proposé apparaît utile et présente toutes les garanties indispensables, à savoir l'interdiction de l'écoute des communications entre le détenu et son avocat, l'information du détenu sur le fait que ses communications peuvent être écoutées, ainsi que la limitation à trois mois de la durée de conservation des enregistrements.
La commission est donc favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. M. Carle disait tout à l'heure qu'il avait une chance inégale avec ses amendements. Eh bien, cette fois, il a tiré le bon numéro ! Le Gouvernement émet un avis très favorable.
En effet, cet amendement, qui est excellent, renforce utilement la sécurité juridique du contrôle des conversations téléphoniques des détenus, tout en prévoyant la protection des conversations entre un détenu et son avocat.
En d'autres termes, cet amendement est particulièrement équilibré, bienvenu et il améliore la sécurité juridique des écoutes téléphoniques dans les centres de détention.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 45.
Article 46
I. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L'article L. 2213- 18 est complété par les dispositions suivantes :
« Ils constatent également les contraventions mentionnées au livre VI deuxième partie du code pénal, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, dès lors qu'elles ne nécessitent pas de leur part d'actes d'enquête et à l'exclusion de celles réprimant des atteintes à l'intégrité des personnes. » ;
2° L'article L. 2213- 19 est complété par les dispositions suivantes :
« Pour l'exercice des attributions fixées au dernier alinéa de l'article L. 2213- 18 du code général des collectivités territoriales, les gardes champêtres agissent en application des dispositions du 3° de l'article 21 du code de procédure pénale. » ;
3° L'article L. 2512- 16 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après les mots : « pris en application de l'article L. 2512- 13 », sont insérés les mots : « ainsi que celles relatives aux permis de stationnement sur la voie publique » ;
b) Au troisième alinéa, les mots : « aux arrêtés du maire de Paris relatifs à la police de la conservation dans les dépendances domaniales incorporées au domaine public de la commune de Paris » sont remplacés par les mots : « ayant commis les infractions visées aux deux alinéas précédents. »
II. - La loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer est ainsi modifiée :
1° L'article 21 est ainsi rédigé :
« Art. 21. - Est puni d'une peine de six mois d'emprisonnement et d'une amende de 3 750 € le fait pour toute personne :
« 1° De modifier ou déplacer sans autorisation et de dégrader ou de déranger la voie ferrée, les talus, clôtures, barrières, bâtiments et ouvrages d'art, les installations de production, de transport et de distribution d'énergie ainsi que les appareils et le matériel de toute nature servant à l'exploitation ;
« 2° De jeter ou déposer un matériau ou un objet quelconque sur les lignes de transport ou de distribution d'énergie ;
« 3° D'empêcher le fonctionnement des signaux ou appareils quelconques et de manoeuvrer sans en avoir mission ceux qui ne sont pas à la disposition du public ;
« 4° De troubler ou entraver, par des signaux faits en dehors du service ou de toute autre façon, la mise en marche ou la circulation des trains ;
« 5° De pénétrer, circuler ou stationner sans autorisation régulière dans les parties de la voie ferrée ou de ses dépendances qui ne sont pas affectées à la circulation publique, d'y introduire des animaux ou d'y laisser introduire ceux dont elle est responsable, d'y faire circuler ou stationner un véhicule étranger au service, d'y jeter ou déposer des matériaux ou objets quelconques, d'entrer dans l'enceinte du chemin de fer ou d'en sortir par d'autres issues que celles affectées à cet usage ;
« 6° De laisser stationner sur les parties d'une voie publique suivie ou traversée à niveau par une voie ferrée, des voitures ou des animaux, d'y jeter ou déposer des matériaux ou objets quelconques, de faire suivre les rails de la voie ferrée par des véhicules étrangers au service ;
« 7° De laisser subsister, après une mise en demeure de les supprimer faite par le représentant de l'État, toutes installations lumineuses, et notamment toute publicité lumineuse au moyen d'affiches, enseignes ou panneaux lumineux ou réfléchissants, lorsqu'elles sont de nature à créer un danger pour la circulation des convois en raison de la gêne qu'elles apportent pour l'observation des signaux par les agents du chemin de fer. » ;
2° L'article 23 est ainsi modifié :
a) En tête du texte actuel, il est inséré le numéro « I » ;
b) Au premier alinéa du I, les mots : « l'article 529- 4 du code de procédure pénale » sont remplacés par les mots : « le II du présent article » ;
c) Il est ajouté un paragraphe II ainsi rédigé :
« II. - Outre les pouvoirs qu'ils tiennent de l'article 529- 4 du code de procédure pénale, les agents mentionnés au I sont habilités à relever l'identité des auteurs d'infractions mentionnées à ce I pour l'établissement des procès-verbaux y afférents.
« Si le contrevenant refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité, les agents de l'exploitant en avisent sans délai et par tout moyen tout officier de police judiciaire territorialement compétent. Sur l'ordre de ce dernier, les agents de l'exploitant peuvent être autorisés à retenir l'auteur de l'infraction le temps strictement nécessaire à l'arrivée de l'officier de police judiciaire ou, le cas échéant, à le conduire sur le champ devant lui.
« Lorsque l'officier de police judiciaire décide de procéder à une vérification d'identité, dans les conditions prévues à l'article 78- 3 du code de procédure pénale, le délai prévu au troisième alinéa de cet article court à compter du relevé d'identité. » ;
3° L'article 23- 2 est ainsi modifié :
a) La dernière phrase du premier alinéa est supprimée ;
b) Après le premier alinéa, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de refus d'obtempérer, les agents spécialement désignés par l'exploitant peuvent contraindre l'intéressé à descendre du véhicule et, en tant que de besoin, requérir l'assistance de la force publique.
« Ils informent de cette mesure, sans délai et par tout moyen, un officier de police judiciaire territorialement compétent. »
III. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le septième alinéa de l'article 21, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Les gardes champêtres, lorsqu'ils agissent pour l'exercice des attributions fixées au II de l'article L. 2213- 18 du code général des collectivités territoriales ; »
2° Le septième alinéa de l'article 44- 1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces dispositions s'appliquent également aux contraventions de même nature que les gardes champêtres sont habilités à constater par procès-verbal conformément aux dispositions de l'article L. 2213- 18 du code général des collectivités territoriales. » ;
3° Au premier alinéa du II de l'article 529- 4, les mots : « et uniquement lorsqu'ils procèdent au contrôle de l'existence et de la validité des titres de transport des voyageurs » sont supprimés.
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 233, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen- Seat, Mathon- Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Je ne m'attarderai pas plus que nécessaire sur l'extension des prérogatives accordées aux gardes champêtres en matière de police judiciaire.
Nous sommes très sceptiques quant à toute extension des pouvoirs de police à des agents de police municipale ou aux gardes champêtres.
En effet, cela risquerait d'accroître la confusion dans l'esprit de nos concitoyens, qui ne peuvent déjà quasiment plus faire la différence entre policiers municipaux et policiers nationaux.
Désormais, des contraventions pourraient donc être constatées par la police nationale, la police municipale et les gardes champêtres.
Cette extension des pouvoirs de police à des personnes n'appartenant pas à la police nationale est, à nos yeux, difficilement acceptable dans un État de droit.
Par ailleurs, le paragraphe II, qui traite de l'adaptation de la législation relative à la police des chemins de fer, cache en fait des dispositions particulièrement dangereuses, qui concernent notamment les actions syndicales.
Ainsi, toute personne qui dégrade la voie ferrée, y jette ou y dépose un matériau ou un objet, entrave la circulation des trains, circule ou stationne sur la voie ferrée, encourt une peine de six mois d'emprisonnement et une amende de 3 750 euros.
Cet article crée donc un délit d'occupation des infrastructures de transport, clairement destiné à réprimer les actions syndicales qui se déroulent sur les voies ferrées ; je pense en particulier à ce qui s'est passé lors de la crise du CPE.
Ce n'est pas la première fois que le Gouvernement tente, par un moyen plus ou moins détourné, de s'attaquer à la liberté syndicale et à la liberté de manifester.
Je prendrai l'exemple de la loi Perben II. Aux termes de celle-ci, est inscrite sur la liste des crimes et infractions retenus par l'article 706- 73 du code de procédure pénale la destruction, dégradation et détérioration d'un bien commis en bande organisée, incrimination susceptible d'être retenue pour certaines actions syndicales.
Il s'agit là ni plus ni moins que de ce que nous appelons la criminalisation de l'action syndicale, voire de l'action des élus eux-mêmes. En effet, nous avons pu constater, lorsque nous nous opposons à des expulsions dans des quartiers très populaires tels que les Minguettes, que des dépôts de plaintes visent notamment les élus concernés.
Dans ces conditions, le paragraphe II de l'article 46 porte une nouvelle atteinte à la liberté syndicale et à la liberté de manifester.
Enfin, ce même paragraphe II prévoit qu'en cas de refus d'obtempérer à l'injonction de descendre du véhicule de transport de voyageurs, les agents spécialement désignés par l'exploitant pourraient contraindre l'intéressé à descendre du véhicule et, en tant que de besoin, requérir l'assistance de la force publique.
Cette disposition rejoint celle qui figure dans le paragraphe I, puisque, selon nous, elle donne des pouvoirs exorbitants, en matière de contrainte physique exercée sur un individu, à des personnels qui, théoriquement, ne disposent pas de pouvoirs de police.
Dès lors, l'ensemble des dispositions de l'article 46 semblent totalement disproportionnées et créent une ramification inquiétante de personnes disposant de pouvoirs de police, alors qu'elles n'ont aucune légitimité à cet égard.
Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. L'amendement n° 313, présenté par MM. Peyronnet, Godefroy, Badinter, Collombat, Dreyfus- Schmidt, C. Gautier, Mahéas et Sueur, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès et Jarraud- Vergnolle, M. Michel, Mme Schillinger, MM. Guérini, Lagauche, Madec, Mélenchon, Mermaz et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le I, le 2° et le 3° du II et le III de cet article.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Nous proposons de ne conserver de l'article 46 que le 1° du paragraphe II qui tend à réécrire l'article 21 de la loi du 15 juillet 1845, ce qui prouve, soit dit en passant, que des textes antérieurs à la fameuse ordonnance de 1945 sont encore appliqués.
Il convient d'assurer la sécurité physique des passagers, ce qui suppose également de préserver les matériels. À cet égard, il ne nous a pas semblé choquant de sanctionner plus sévèrement toute action qui porte atteinte aux dispositions concernant l'intégrité des voies ferrées, de leurs accessoires et dépendances, donc de tout ce qui peut freiner, gêner ou rendre dangereuse la circulation des trains.
En revanche, les autres dispositions ne nous ont pas paru pertinentes.
S'agissant en particulier des mesures relatives à la police des chemins de fer, il est proposé de donner un pouvoir de contrainte aux agents spécialement habilités par l'exploitant pour expulser une personne du train sans nécessairement requérir l'assistance de la force publique.
Il nous semble qu'il y a là un risque de dérives qui peuvent se révéler dangereuses. Je rappelle qu'une structure, la SUGE, la surveillance générale de la SNCF, intervient déjà dans ce domaine, pour le compte de la SNCF, et qu'il est arrivé à la commission nationale de déontologie de la sécurité d'être saisie de manquements à ladite déontologie de la part de ses agents. Par conséquent, il convient d'être extrêmement prudent en la matière.
Enfin, il ne nous semble pas souhaitable d'étendre les pouvoirs des gardes champêtres, disposition qui s'inscrit d'ailleurs dans la logique de l'extension des pouvoirs des maires. Nous ne voulons pas non plus que les gardes champêtres acquièrent la qualité d'agents de police judiciaire adjoints.
M. le président. L'amendement n° 68, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 1° du I de cet article pour compléter l'article L. 2213-18 du code général des collectivités territoriales, supprimer les mots :
deuxième partie
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de nature rédactionnelle.
M. le président. L'amendement n° 73, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer (trois fois) les mots :
gardes champêtres
par les mots :
agents de police rurale
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 72 qui vise à substituer à l'appellation de « gardes champêtres » celle d'« agents de police rurale ».
M. le président. L'amendement n° 69, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Au début du deuxième alinéa (b) du 3° du I de cet article, remplacer les mots :
Au troisième alinéa
par les mots :
Au deuxième alinéa
et les mots :
visées aux deux alinéas précédents
par les mots :
visées au premier alinéa
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 70, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par le 1° du II de cet article pour l'article 21 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, remplacer les mots :
et de manoeuvrer
par les mots :
ou de manoeuvrer
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de cohérence, mais qui a son utilité.
En effet, l'article 46 du projet de loi tend à sanctionner les personnes qui gêneraient le fonctionnement des signaux ou des appareils de toute nature de la SNCF.
Dans la rédaction actuelle de l'article, seraient punis ceux qui « empêcheraient ce fonctionnement et manoeuvreraient sans en avoir mission les matériels qui ne sont pas à la disposition du public ». Nous souhaitons substituer ici un « ou » au « et », car il me semble que l'une et l'autre de ces attitudes sont éminemment regrettables.
M. le président. L'amendement n° 169, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer les 2° et 3° du II de cet article.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 71, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa du III de cet article, remplacer la référence :
au II
par les mots :
au dernier alinéa
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
IV - Dans tous les textes législatifs, les mots : « gardes champêtres » sont remplacés par les mots : « agents de police rurale »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement a pour objet de transformer les gardes champêtres en agents de police rurale.
Ce changement de nom paraît opportun au regard des compétences sans cesse accrues des gardes champêtres. Cette dénomination historique semble aujourd'hui quelque peu désuète et laisse perdurer une image dépassée de ces agents, dont les missions et les pouvoirs les rapprochent de plus en plus des policiers municipaux.
Toutefois, - je dois à la vérité de l'indiquer - depuis que cet amendement a été connu, les différentes fédérations de gardes champêtres ont réagi, pour ainsi dire, en ordre très dispersé. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements de suppression nos 233 et 313 ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements. Il me semble tout à fait opportun de reconnaître à la police des chemins de fer des pouvoirs plus importants.
S'agissant de l'amendement n° 313, je signale à nos collègues communistes que l'association des maires ruraux, dont nous avons reçus les représentants, était très favorable à ce que les gardes champêtres voient leurs pouvoirs progressivement alignés sur ceux des policiers municipaux et acquièrent, notamment, le statut d'agents de police judiciaire adjoints.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'article 46 du projet de loi tend à accroître les pouvoirs des gardes champêtres et des agents de la police des chemins de fer.
Les gardes champêtres auront essentiellement le pouvoir de constater des incivilités. Quant aux agents de la SNCF et de la RATP, ils pourront sanctionner toute personne troublant la sécurité et la tranquillité, contraindre un voyageur à descendre d'un train et relever son identité.
Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, votre commission des lois souhaite changer le nom des gardes champêtres. C'est chez elle un véritable réflexe (Sourires), mais je ne suis pas favorable à cette disposition.
En effet, d'une part, je crois qu'il ne faut pas modifier cette dénomination sans avoir demandé leur avis aux intéressés et, d'autre part, je m'interroge sur la nécessité d'établir un tel parallèle entre les gardes champêtres et la police.
Monsieur le rapporteur, n'est-ce pas trop marquer ce parallèle que d'employer, comme vous le proposez, l'expression « police rurale » ? Plutôt que de donner spontanément son accord, le Gouvernement préférerait réunir un groupe de travail sur l'évolution des missions de ces agents.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 233 et 313, et un avis favorable sur les amendements nos 68, 69, 70 et 71.
Enfin, il demande le retrait des amendements nos 72 et 73, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Lecerf, les amendements n os 72 et 73 sont-ils maintenus ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Non, monsieur le président, je les retire, car ils étaient plutôt des amendements d'appel. En tant que rapporteur de ce projet de loi, je m'étais seulement engagé à ce que le débat le plus large ait lieu, ce qui a été le cas. Toutefois, je suis tout à fait conscient que la réflexion sur cette question n'est pas encore mûre.
M. le président. Les amendements nos 72 et 73 sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° 233.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur le président, je souhaiterais une brève suspension de séance.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur le garde des sceaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Article 47
Les dispositions de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer sont applicables à tous les transports publics de personnes ou de marchandises guidés le long de leur parcours en site propre.
M. le président. L'amendement n° 74, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Après l'article 27 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer, il est inséré un article 28 ainsi rédigé :
« Art. 28. - Les dispositions de la présente loi sont applicables à tous les transports publics de personnes ou de marchandises guidés le long de leur parcours en site propre. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Dans un souci de clarté et d'intelligibilité de la loi, il est préférable d'insérer les dispositions de l'article 47 dans la loi du 15 juillet 1845.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 47 est ainsi rédigé.
Article 48
Les dispositions du I de l'article 17 de la présente loi sont applicables aux documents offerts au public après sa publication.
M. le président. L'amendement n° 75, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les dispositions du I de l'article 17 de la présente loi sont applicables aux documents répondant aux caractéristiques techniques citées au premier alinéa de l'article 32 de la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 mis à la disposition du public six mois après la publication de la présente loi.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement vise à laisser aux éditeurs et distributeurs de documents à caractère pornographique ou violent le temps nécessaire pour respecter leurs nouvelles obligations en matière de signalétique et d'autorégulation.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 48 est ainsi rédigé.
Article 49
L'article L. 2542-1 du code général des collectivités territoriales est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 2542-1. - Les dispositions du titre Ier du livre II de la présente partie sont applicables aux communes des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin à l'exception de celles des articles L. 2212-1, L. 2212-2, L. 2212-3, L. 2212-4, L. 2213-6, L. 2213-7, L. 2213-8, L. 2213-9, L. 2213-21, L. 2213-26, L. 2213-27, L. 2214-3, L. 2214-4, L. 2215-1 et L. 2215-4. » - (Adopté.)
Article 50
I. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L'article L. 2573-1 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art L. 2573-1. - Les articles L. 2211-1 et L. 2211-4 sont applicables aux communes de Mayotte. » ;
2° L'article L. 5832-13 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi rédigé :
« I. - Les articles L. 5211-56, L. 5211-58 et L. 5211-60 sont applicables à Mayotte. » ;
b) Au II, les mots : « L'article L. 5211-57 est applicable » sont remplacés par les mots : « Les articles L. 5211-57 et L. 5211-59 sont applicables. »
II. - Le code des communes de la Nouvelle-Calédonie est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 131-1, il est inséré un article L. 131-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-1-1. - Sous réserve des pouvoirs de l'autorité judiciaire et des compétences du représentant de l'État ainsi que des collectivités publiques et des établissements et organismes intéressés, le maire anime, sur le territoire de sa commune, la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en oeuvre.
« Dans les communes de plus de 10 000 habitants, il préside un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance mis en place dans des conditions fixées par décret. » ;
2° Après l'article L. 131-2, il est inséré un article L. 131-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-2-1. - Lorsque des faits sont susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques, le maire ou son représentant peut procéder verbalement à l'endroit de leur auteur au rappel des dispositions qui s'imposent à celui-ci pour se conformer à l'ordre et à la tranquillité publics.
« Le rappel à l'ordre d'un mineur intervient, dans la mesure du possible, en présence de ses parents ou de ses représentants légaux. » ;
3° L'article L. 132-2 est complété par les dispositions suivantes :
« Ils constatent également les contraventions mentionnées au livre VI du code pénal, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, dès lors qu'elles ne nécessitent pas de leur part d'actes d'enquête et à l'exclusion de celles réprimant des atteintes à l'intégrité des personnes. » ;
4° L'article L. 132-3 est complété par les dispositions suivantes :
« Pour l'exercice des attributions fixées au dernier alinéa de l'article L. 132-2, les gardes champêtres agissent en application des dispositions du 3° de l'article 21 du code de procédure pénale. »
III. - Le code des communes applicable à la Polynésie française est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 131-1, il est inséré un article L. 131-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-1-1. - Sous réserve des pouvoirs de l'autorité judiciaire et des compétences du représentant de l'État ainsi que des collectivités publiques et des établissements et organismes intéressés, le maire anime, sur le territoire de sa commune, la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en oeuvre.
« Dans les communes de plus de 10 000 habitants, il préside le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance mis en place dans des conditions fixées par décret. » ;
2° Après l'article L. 131-2, il est inséré un article L. 131-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-2-1. - Lorsque des faits sont susceptibles de porter atteinte au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité ou à la salubrité publiques, le maire ou son représentant peut procéder verbalement à l'endroit de leur auteur au rappel des dispositions qui s'imposent à celui-ci pour se conformer à l'ordre et à la tranquillité publics.
« Le rappel à l'ordre d'un mineur intervient, dans la mesure du possible, en présence de ses parents ou de ses représentants légaux. » ;
3° L'article L. 132-2 est complété par les dispositions suivantes :
« Ils constatent également les contraventions mentionnées au livre VI du code pénal, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, dès lors qu'elles ne nécessitent pas de leur part d'actes d'enquête et à l'exclusion de celles réprimant des atteintes à l'intégrité des personnes. » ;
4° Après l'article L. 132-2, est inséré un article L. 132-2-1 ainsi rédigé :
« Art L. 132-2-1. - Les gardes champêtres sont au nombre des agents mentionnés au 3° de l'article 15 du code de procédure pénale.
« Ils exercent leurs fonctions dans les conditions prévues aux articles 15, 22 à 25 et 27 du même code. » - (Adopté.)
Article 51
I. - Le 6° de l'article 1er, l'article 2, le 2° de l'article 4, les articles 8, 9, 11, 13, le I de l'article 17, l'article 48 et le I de l'article 50 de la présente loi sont applicables à Mayotte.
II. - Le 1° de l'article 4, les articles 9, 12, 13, 15 à 17, 25 à 44, 48 et le II de l'article 50 de la présente loi sont applicables en Nouvelle-Calédonie.
III. - Le 1° de l'article 4, les articles 9, 12, 13, 15 à 17, 25 à 44, 48 et le III de l'article 50 de la présente loi sont applicables en Polynésie française.
IV. - Le 1° de l'article 4, les articles 9, 12, 13, 15 à 17, 25 à 44 et 48 de la présente loi sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.
M. le président. L'amendement n° 76, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Au début du I de cet article, supprimer les mots :
Le 6° de l'article 1er,
II. - Dans ce même paragraphe, remplacer les mots :
, l'article 48 et le I de l'article 50
par les mots :
et l'article 48
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 77, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le II de cet article, remplacer les références :
, 48 et le II de l'article 50
par la référence :
et 48
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 78, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le III de cet article, remplacer les références :
, 48 et le III de l'article 50
par la référence :
et 48
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit encore d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 51, modifié.
(L'article 51 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Carle. Nous sommes parvenus au terme de l'examen de ce projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Je commencerai par saluer, au nom de mon groupe, l'important travail de M. le rapporteur, Jean-René Lecerf. Sa tâche n'était pas facile, tant cette matière est complexe, et les interprétations peuvent très vite devenir caricaturales. Il a su éviter ce piège. Avec le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, il a procédé à de nombreuses auditions. C'est pourquoi je crois, monsieur le garde des sceaux, que ses avis et ses propositions ont contribué à enrichir ce texte.
En proposant une vision globale de la question, ce projet de loi marque une rupture dans notre approche de la délinquance, sur le fond comme sur la méthode.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ? M. le ministre a affirmé le contraire !
M. Jean-Claude Carle. Sur le fond, car, au-delà des formules prétendument de gauche sur le « tout-éducatif » ou prétendument de droite sur le « tout-répressif », ce texte conjugue éducation et sanction. Nous sortons enfin, mes chers collègues, de ce mauvais discours, qui, depuis des décennies, oppose prévention et sanction. Oui, nous retrouvons la valeur éducative de la sanction, en particulier à destination des mineurs.
En effet, j'ai eu l'occasion de le préciser au cours de la discussion générale, au nom de quel principe et de quelle morale refuserions-nous de donner à des jeunes des références de comportement que ni leur famille ni l'école n'ont pu leur transmettre ?
J'en viens à la méthode, car ce texte est également novateur. Il expérimente, en effet, une nouvelle méthode, et prévoit des objectifs complémentaires des précédents, qui ont pour objet de prévenir la délinquance en amont afin de prendre le mal à la source et d'éviter le glissement progressif vers une délinquance qui ne doit être en aucun cas une fatalité sociale.
Cette politique s'articule, monsieur le garde des sceaux, autour de deux notions clés : la proximité et le partenariat.
S'agissant de la proximité, le maire est placé au coeur du dispositif de prévention de la délinquance. La majorité sénatoriale plaide depuis bien longtemps pour le renforcement du rôle du maire. Nous ne pouvons que nous en satisfaire, car - ne nous y trompons pas - c'est vers celui-ci que se tournent nos concitoyens dès qu'un problème surgit dans leur vie quotidienne.
Il est donc essentiel de confier au maire ce rôle de pivot, car c'est lui qui se trouve au bon échelon pour garantir la proximité qu'un autre chef d'exécutif ne saurait avoir et qui peut coordonner toutes les politiques locales de prévention des comportements délictueux, lorsqu'il est encore temps de le faire.
Le maire est le dernier rempart que j'évoquais dans la discussion générale, lorsque les trois cercles qui structurent notre société sont défaillants : la famille, l'école, le tissu associatif. Il est donc juste qu'il intervienne en tant que chef d'orchestre. Pour cela, il ne peut être seul : le partenariat est nécessaire.
Cette coopération doit se développer non seulement avec le préfet, le procureur, les responsables locaux de la police et de la gendarmerie, les chefs d'établissement scolaire, mais également avec les partenaires sociaux et le président du conseil général, à propos duquel ce texte rappelle qu'il est le garant de l'action sociale à l'échelon départemental.
La réussite de la prévention reposera sur la parfaite circulation de l'information et sur la totale collaboration de tous les acteurs entre eux.
À travers les décrets et les circulaires, le Gouvernement devra donner des consignes claires en la matière. Nous faisons confiance à M. le ministre de l'intérieur pour assurer cette coordination, ainsi qu'il y est déjà parvenu par le passé s'agissant des services de la police et de ceux de la gendarmerie.
Nous nous réjouissons donc de ce projet de loi, qui ressort enrichi par le travail accompli par le rapporteur, par le président de la commission des lois, ainsi que par le président-rapporteur de la commission des affaires sociales, M. About. Certes, nous n'avons pas toujours été d'accord avec Nicolas About, mais nous avons souvent trouvé des points de convergence en adoptant des rédactions de compromis, par exemple sur l'article 5, ou en nous ralliant à certaines de ses propositions. Je veux voir dans cette démarche l'esprit même du travail qui règne dans notre Haute Assemblée.
Ce texte a déjà été abondamment amélioré par nos travaux, alors que nous n'en sommes qu'à la première lecture. Nous l'adopterons donc avec enthousiasme et en ayant foi, notamment, dans l'action des maires pour assumer les missions que nous leur confions aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. La prévention de la délinquance est un sujet extrêmement vaste et complexe, la richesse des débats qui nous ont occupés pendant ces deux semaines en témoigne. Pas moins d'une dizaine de codes ont été modifiés par les mesures que nous avons votées : code général des collectivités territoriales, code pénal, code de la santé publique, code de l'action sociale et des familles, code de l'éducation...
Nous ne pouvons donc que nous féliciter du choix d'aborder ce dossier particulièrement complexe de manière globale et transversale, par le biais de ce projet de loi. Cette approche permettra certainement de rendre les dispositifs existants, comme ceux qui auront été créés, plus opérationnels que si on les adaptait au coup par coup et indépendamment les uns des autres.
Cependant, cette approche transversale présente quelques risques. D'abord, celui de l'amalgame, par exemple quand on semble assimiler les jeunes issus des familles en difficultés à des délinquants en puissance. Ensuite, le risque de la confusion entre les responsabilités des uns et des autres, notamment lorsqu'il s'agit de confier au maire des fonctions, à propos desquelles on peut se demander si elles ne relèvent pas plutôt de la compétence des présidents de conseils généraux - nous avons eu à ce sujet un long débat sur lequel je ne reviens pas. Enfin, le risque de revenir, à l'occasion de la discussion de ce texte, sur des dispositions qui ont déjà été débattues au cours des derniers mois par notre assemblée et qui, nous semble-t-il, avaient déjà été tranchées dans le cadre d'autres textes.
C'est notamment pour éviter ces écueils que le groupe de l'UC-UDF a déposé un certain nombre d'amendements. Je me réjouis que les débats que nous avons eus aient généralement permis - parfois, non sans difficulté - de clarifier et de préciser les dispositions essentielles du projet de loi, de telle sorte qu'aucune ambiguïté ne subsiste dans leur mise en oeuvre.
Au-delà de ces évolutions, dont je ne peux que me réjouir, je dois faire remarquer que nous restons quelque peu sceptiques sur l'intérêt de certaines dispositions introduites par ce texte. Je pense par exemple au conseil pour les droits et devoirs des familles, dont on peut se demander si la création a réellement clarifié les systèmes existants ou si, au contraire, elle ne les a pas compliqués. Je pense également à la possibilité que le coordonnateur de la commune soit désigné comme tuteur aux prestations familiales : il n'est pas certain que ce soit une situation idéale. Je pense encore à l'inscription dans le texte - j'ai beaucoup insisté sur ce point - du rappel à l'ordre, que les maires pratiquent déjà sans avoir recours à un texte législatif.
Il n'en reste pas moins que ce texte ambitieux n'atteindra son plein effet que si tous les acteurs concernés - ils sont nombreux - jouent réellement le jeu et si des moyens suffisants sont consacrés à la mise en oeuvre des nouveaux dispositifs qu'il comprend.
Le projet de loi, dans sa version initiale, était muet sur ce plan. Je me réjouis donc que, sur l'initiative du rapporteur, ait été créé un fonds interministériel pour la prévention de la délinquance. Encore faudra-t-il, monsieur le ministre, veiller à ce que les moyens qui seront alloués à ce fonds ne le soient pas au détriment d'autres structures. Je pense par exemple aux crédits qui sont aujourd'hui consacrés à la politique de la ville.
Ce projet de loi est donc encore perfectible, malgré l'excellent travail qui a été accompli sous la houlette du rapporteur, dont je veux souligner la pertinence des propositions qu'il a soumises, ainsi que sous celle du rapporteur pour avis, Nicolas About. La navette parlementaire permettra certainement d'améliorer encore ce texte.
Au terme de cet examen en première lecture, la grande majorité des membres du groupe de l'UC-UDF votera en faveur de ce texte, les autres s'abstiendront. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Je veux m'associer aux félicitations qui ont été adressées au rapporteur, Jean-René Lecerf, pour le travail de titan qu'il a accompli afin que nous puissions débattre de ce texte délicat et difficile.
Le combat contre la délinquance doit être permanent, puisque la « délinquance zéro » ne saurait exister ! Il nous faut donc sans cesse adapter nos outils, qu'ils soient répressifs ou préventifs, aux évolutions d'un phénomène que notre société n'entend plus tolérer.
Face aux nouvelles formes de l'insécurité, de l'incivilité et de la délinquance, la réponse de nos politiques publiques doit comporter une forte dimension préventive assortie d'une dimension répressive dissuasive.
Ce projet de loi relatif à la prévention de la délinquance poursuit cet objectif essentiel en appréhendant la notion de prévention dans une dimension élargie. D'une part, il aborde des domaines aussi divers que la famille, la santé publique, l'éducation, l'action sociale, les collectivités territoriales ou encore l'urbanisme. D'autre part, il fait intervenir une multiplicité d'intervenants et d'acteurs.
Ce n'est que de cette façon que nous parviendrons à enrayer le sentiment d'insécurité qui se nourrit, pour une large part, d'une confrontation quotidienne aux incivilités.
Dans ces conditions, si la lutte contre la délinquance passe en grande partie par la sanction et par l'application des dispositions du code pénal, on comprend que la lutte contre les incivilités passe d'abord par l'éducation, par la responsabilisation et par la prévention.
Ce projet de loi offre donc des outils adaptés puisqu'ils sont fondés à la fois sur la sanction et sur la prévention, pour empêcher la production de l'insécurité.
En simplifiant les procédures et en rassemblant tous les acteurs, qu'il s'agisse de l'administration, des travailleurs sociaux, des magistrats, des élus, de l'éducation nationale, des associations, ce texte permettra de responsabiliser des mineurs incivils et prédélinquants de plus en plus jeunes, et de les insérer au plus vite dans la société.
Avec ce texte, il n'est pas question de stigmatiser ou d'accuser par anticipation telle ou telle catégorie sociale ou bien tel ou tel quartier.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sûrement pas !
M. Georges Othily. C'est bien parce que l'on ne naît pas délinquant, mais qu'on le devient que ce projet de loi tient compte d'une réalité complexe, dans la mesure où il repose sur un premier acte avéré de violence et de délinquance.
Ainsi, le rappel à l'ordre auquel pourra procéder le maire, pivot du nouveau dispositif, suppose un acte illégal préalable et bien réel.
Les travaux des commissions des lois et des affaires sociales, les débats au sein de notre hémicycle et, plus encore, l'adoption de nombreux amendements par la Haute Assemblée auront permis d'améliorer très sensiblement le texte, en précisant et en encadrant nombre des dispositifs que celui-ci prévoit. Je n'en citerai que quelques-uns parmi les plus significatifs.
L'article 1er précise désormais la nature de l'articulation des actions de prévention de la délinquance entre, d'une part, la mission de coordination du maire, et, d'autre part, les compétences du département en matière d'action sociale.
Par ailleurs, nous avons décidé de créer un fonds pour la prévention de la délinquance destiné à financer la réalisation d'actions dans le cadre des instances territoriales qui interviennent en matière de prévention de la délinquance.
Quant au sujet, controversé, du partage de l'information et du secret partagé entre les professionnels de l'action sociale et le maire, le Sénat a une fois de plus apporté son expertise de représentant des collectivités locales, en réécrivant l'article 5 du projet de loi.
Désormais, les deux exécutifs que sont le maire et le président du conseil général disposeront d'une information conjointe, dans la mesure où celle-ci est strictement nécessaire à l'exercice de leurs compétences d'action sociale.
De plus, nous pouvons nous réjouir que le Sénat ait précisé clairement les dispositions entourant le choix du coordonnateur : il sera désigné par le maire, après accord de l'autorité dont il relève et consultation du président du conseil général.
En outre, après un débat très poussé et fort intéressant, notre assemblée a limité l'application de cet article 5 aux seuls domaines d'action sanitaire, sociale et éducative de la commune.
Enfin, les membres du groupe du RDSE sont très satisfaits que l'amendement qu'ils ont présenté ait été adopté par le Sénat. Cette disposition permettra de sanctionner toute personne qui s'abstiendrait de dénoncer la disparition inquiétante d'un mineur.
Mes chers collègues, la majorité des sénateurs du groupe du RDSE approuve le projet de loi modifié par la Haute Assemblée et s'apprête, par son vote, à lui apporter son soutien. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Au terme de nos débats, je confirme que les membres du groupe CRC voteront contre le présent projet de loi...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes surpris !
Mme Éliane Assassi. Je n'ai jamais soutenu que notre position étonnerait tel ou tel, mon cher collègue !
L'intitulé de ce projet de loi, « prévention de la délinquance », est pour le moins usurpateur. Ce texte procède essentiellement à des raccourcis, à des amalgames douteux et dangereux entre pauvres et délinquants, entre maladie mentale et délinquance, entre difficultés d'ordre social, familial, économique, scolaire, affectif vécues par les jeunes et délinquance, et, désormais, entre gens du voyage et délinquants.
En réalité, il a uniquement pour objet de mettre en place un système autoritaire. Pour ce faire, il instaure un contrôle social à tous les niveaux de notre société. Tous les acteurs doivent y collaborer, à commencer par les travailleurs sociaux, auxquels on impose de partager le secret professionnel, et le maire, à qui on demande d'être à la fois shérif, procureur, juge, travailleur social, éducateur, policier, sans toutefois lui donner les moyens d'assumer l'ensemble de ces tâches.
Vous confondez sciemment éducation et menace, coordination et délation. Votre texte est fondé sur la défiance généralisée : d'abord, à l'égard des parents, en particulier des pauvres, qui seraient démissionnaires ; ensuite, à l'égard de certaines catégories professionnelles jugées incompétentes, comme les personnels du secteur social, médico-social, éducatif, ainsi que ceux de la protection judiciaire de la jeunesse ; enfin, à l'égard des juges des enfants, considérés comme étant trop laxistes envers les mineurs, car ils ne prononcent pas assez de peines de prison ferme.
Ce faisant, ce texte remet en cause le fondement des politiques de prévention, menées depuis des décennies, par les acteurs sociaux, les départements, les communes, les services de l'État, les caisses d'allocations familiales.
Si ce système pèche, c'est uniquement par manque de moyens adéquats, et non pas, comme on voudrait le faire croire à l'opinion publique, par incompétence, laxisme, corporatisme, que sais-je encore ?
Loin de permettre d'obtenir un quelconque résultat en termes de prévention - mais était-ce réellement une priorité ? -, ce texte, d'une part, rencontrera de graves difficultés d'application et, d'autre part, aboutira à des confusions inquiétantes entre différentes institutions, qu'il s'agisse du conseil général, du maire, de la justice ou de l'éducation nationale.
Nous estimons, et nous ne sommes pas les seuls, que rien ne justifiait la présentation au Parlement d'un tel projet de loi. C'est un texte idéologique (M. le garde des sceaux s'esclaffe), élaboré dans la logique sécuritaire des lois adoptées depuis 2002, et qui n'apporte aucune solution concrète pour prévenir la délinquance, encore moins pour s'attaquer aux difficultés économiques, sociales et familiales que nos concitoyens rencontrent et qui constituent pourtant un terreau fertile pour la délinquance.
À ce sujet, depuis ce matin, chacun d'entre nous peut - enfin ! - disposer de l'intégralité de la note du préfet de Seine-Saint-Denis. Je remarque d'ailleurs que les préoccupations de ce préfet sont partagées par vingt-huit de ses collègues. Il indique - cette mention n'apparaissait pas dans le fameux article du Monde, et on peut se demander pourquoi - qu'«au-delà de ces aspects de traitement de la sécurité, il paraît fondamental de maintenir, voire de renforcer, les mesures gouvernementales en matière d'urbanisme, d'emploi et d'éducation ». Je partage tout à fait ces propos - dont personne ne parle - car, sur le fond, il s'agit bien de cela, mais vous n'avez pas voulu en débattre, mes chers collègues.
La population de la Seine-Saint-Denis, comme beaucoup de nos concitoyens demeurant en dehors de ce département, est en souffrance. Elle souffre du chômage, de la précarité, du manque de logements sociaux, de moyens insuffisants, voire en régression pour l'école, elle souffre de la fermeture de services publics de proximité. Elle souffre de l'insécurité à son égard comme vis-à-vis de ses biens.
Des moyens considérables doivent donc être débloqués pour inverser la tendance. C'est d'ailleurs ce qu'ont reconnu, contrairement au ministre de l'intérieur qui s'est contenté de stigmatiser les populations, le Premier ministre et le Président de la République, le premier, comme je l'ai dit ce matin, lors d'une rencontre avec les parlementaires de Seine-Saint-Denis, toutes formations politiques confondues, le 15 novembre dernier, lors des violences de l'automne, et le second, dans la réponse qu'il a faite à un courrier du président du conseil général, ce dernier réclamant justement lesdits moyens.
Mais un dénominateur commun doit être relevé : ces hommes politiques sont venus, ils ont écouté les habitants, ils ont « saupoudré », et puis plus rien jusqu'à hier. Hier, ils sont revenus, ils écoutent. Quelle sera la suite ?
Même si je n'en partage pas tous les points, notamment l'amalgame fait entre jeunes, délinquants, immigrés et islamisme, cette note, j'ose le dire, me ravit.
Tout cela me donne l'occasion de réitérer ma demande, et celle de mes camarades élus de la Seine-Saint-Denis d'un plan d'urgence pour ce département, élaboré lors d'une table ronde à laquelle seraient invités tous les partenaires politiques, économiques et sociaux du département et où l'on pourrait débattre de la fameuse question des moyens humains et financiers qu'il serait nécessaire de dégager pour répondre à l'urgence sociale.
En tenant ces propos, je ne m'éloigne pas du présent projet de loi. La délinquance puise ses racines non pas dans le ventre des mamans, mais bien dans les souffrances infligées par la société.
Mais ce texte a pour seul objet la réorganisation de la société à la sauce libérale, à rebours des fondamentaux mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Vous voulez mettre en place votre projet de société, caractérisé par la fameuse rupture, avec l'appui indéfectible du MEDEF.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que nous rejetions un texte d'ordre sécuritaire, dont le caractère fourre-tout a été renforcé par l'adoption d'amendements émanant de la majorité sénatoriale et portant notamment sur la législation des chiens dangereux ou sur les gens du voyage, ce qui, je dois l'avouer, n'est pas sans nous rappeler une certaine loi pour la sécurité intérieure datant de 2003, qui stigmatisait déjà les classes populaires dangereuses. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Les membres du groupe socialiste ne voteront pas en faveur de ce projet de loi, ce qui ne surprendra personne.
Nous avons travaillé, nous gardant de toute obstruction. Nous avons présenté un certain nombre de dispositions afin d'essayer d'améliorer le texte, en ce qui concerne notamment le financement, l'aspect institutionnel, l'interministériel qui devrait être piloté par un secrétaire général placé auprès du Premier ministre. Ces propositions n'ont pas été retenues. Il en fut de même s'agissant de la clarification des rôles entre les différents intervenants de terrain que sont le maire et le président du conseil général. Si certains ont porté une attention limitée à notre travail, cela n'a pas été votre cas, monsieur le garde des sceaux. Finalement, le résultat est médiocre, pour ne pas dire à peu près nul, en ce qui concerne nos propositions.
Le présent projet de loi est un texte répressif, et non un texte de prévention. Il essaie de corriger l'échec de la politique menée depuis 2002, marquée néanmoins par une autosatisfaction constante, fondée sur des chiffres discutables. En effet, tant que ne seront pas prises en compte les infractions qui figurent dans les mains courantes, nous ne connaîtrons pas la réalité de la délinquance dans notre pays.
Deux événements ont confirmé notre analyse. Le premier, dramatique, s'est déroulé dans l'Essonne. Il s'agit de l'attaque, dans des conditions épouvantables, de deux CRS. Ces fonctionnaires de police ont fait leur devoir, ils ont obéi aux ordres, même si la méthode retenue n'était sans doute pas la bonne. Le second événement, c'est la note du préfet de Seine-Saint-Denis, qui vient d'être longuement évoquée et, à cet égard, j'approuve l'analyse faite par Mme Assassi.
Le ministre de l'intérieur a répondu en se défaussant en particulier sur la justice. Cela dénote un dysfonctionnement grave de l'État. Pour sa part, M. le garde des sceaux a dit que la justice faisait son travail, notamment à Bobigny.
Les réactions des plus hauts magistrats sont éloquentes. Ainsi, le président de la Cour de cassation parle d'atteinte à l'indépendance de la justice. M. Jacquemin, secrétaire général du syndicat de la magistrature, dénonce le fait que la seule réponse à la question de la délinquance soit la répression et l'emprisonnement. Selon M. Regnard, membre de l'union syndicale des magistrats, « on connaît la détestation totale qu'a M. Sarkozy des magistrats ». M. Bouvier, au nom du Conseil supérieur de la magistrature, dénonce les atteintes à la séparation des pouvoirs. M. Jeannin, président du tribunal de grande instance de Bobigny, déplore le mépris du travail des magistrats. Je pourrais encore citer la déclaration du président de la cour d'appel de Paris.
En faisant part de ces réactions, je suis dans le sujet. En effet, lors de votre intervention dans la discussion générale, monsieur le garde des sceaux, vous dit que ce projet de loi apportait une réponse globale aux différents acteurs de la prévention de la délinquance.
Or, ça commence mal. En effet, si vous vous mettez à dos l'ensemble de la magistrature, comment pourrez-vous atteindre à la fois vos propres objectifs, qui sont des objectifs de répression, et les nôtres, qui sont plutôt des objectifs de prévention ?
Dans tous les cas, la justice se trouve vent debout contre le ministre de l'intérieur, qui a parlé de « démission de la justice ». Qui, en l'occurrence, devrait démissionner ?
Par ailleurs, vous ne nous avez pas du tout convaincus concernant le rôle que vous assignez au maire. Je persiste à dire que vous le transformez plus ou moins en procureur, en premier maillon de la chaîne judiciaire, ce qui lui fera perdre l'autorité morale, l'aura dont il bénéficie actuellement auprès de ses concitoyens et qui lui permet de faire régner la justice et le droit dans des conditions certes incertaines mais efficaces.
Concernant la justice des mineurs, vous ne nous avez pas convaincus non plus. Il s'agit non pas de simples mesures, mais d'une véritable procédure. Le fait que, désormais, la justice des mineurs se rapproche de celle des majeurs pour s'y fondre presque n'est pas, pour nous, convenable du point de vue de la philosophie qui doit entourer la façon dont sont réprimés les délits des mineurs - il faut bien les réprimer ! - et ne peut nous satisfaire.
J'ajoute que l'absence totale de moyens alloués à la justice est criante : vous prévoyez que de jeunes mineurs pourront aller faire un stage d'un mois - ils vont s'y relayer sur un rythme rapide ! - dans des institutions qui n'existent pas encore. Avec quels moyens allez-vous en financer la création, le fonctionnement ? J'ai dit ce que j'en pensais, mais vous avez maintenu ce projet. Il ne s'agit là que d'intentions et nullement de mesures concrètes.
C'est un texte de méfiance, comme l'a dit Mme Assassi, à l'égard de familles, de jeunes, de groupes sociaux entiers considérés comme potentiellement délinquants, les malades mentaux, les toxicomanes, etc.
C'est un texte détestable et inutile.
De plus, il ne sera pas appliqué. Car, monsieur le garde des sceaux, je ne vois pas très bien comment la première lecture à l'Assemblée nationale, puis la deuxième lecture dans chaque assemblée et, probablement, la commission mixte paritaire pourraient avoir lieu d'ici au début de l'année prochaine. Quel calendrier prévoyez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous remercier en mon nom propre mais aussi au nom du M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, et de tous les ministres qui se sont succédé au banc du Gouvernement, M. Xavier Bertrand, M. Philippe Bas, M. Brice Hortefeux et M. Christian Estrosi. L'ensemble des ministères concernés sont, je crois, parvenus à présenter au Sénat un texte équilibré entre prévention et répression : un examen attentif montre que - dans la partie qui relève de mon ministère, en tout cas - les mesures tendant à la répression sont très nettement moins nombreuses que la palette renouvelée des mesures qui concernent la prévention, la formation et l'alternative à toute forme répressive.
Cela n'a pas été toujours bien perçu au cours débat. Sans doute ai-je manqué de clarté - je vous prie de m'en excuser - puisque, souvent, quand je présentais un amendement, on sentait que je n'étais pas compris.
M. Guy Fischer. C'est vrai !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je remercie tous les membres de la Haute Assemblée qui ont participé à ce débat important.
Pour prouver que certains sont un peu pessimistes, je tiens à faire un petit rappel au sujet des amendements qui ont été adoptés.
M. Peyronnet prétend que le groupe socialiste n'a pas été entendu : or, six de ses amendements ont été adoptés (Exclamations sur les travées du groupe CRC) quand seulement deux du Gouvernement l'ont été, soit trois fois plus pour son groupe ! (Sourires.) Quant au groupe CRC, - bravo ! madame Assassi - un de ses amendements a été adopté. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. le rapporteur est champion toutes catégories, puisqu'un peu plus de soixante amendements de la commission ont été adoptés. Je veux de le remercier tout particulièrement, ainsi que M. le président Hyest : grâce aux auditions auxquelles ils ont procédé et au travail approfondi qu'ils ont conduit pendant des semaines, le texte a incontestablement été enrichi. Je félicite aussi les administrateurs de la commission des lois.
Nous nous reverrons pour la deuxième lecture, dans quelques semaines, rassurez-vous ! et nous pourrons - je l'espère ! - adopter définitivement ce texte dans l'intérêt des justiciables et des Français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)