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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Liban
M. le président. Mes chers collègues, j'ai le grand plaisir de saluer la présence dans nos tribunes d'une délégation de députés du Liban, conduite par M. Michel Moussa, qui effectue en France une mission sur les droits de l'homme organisée par le Sénat.
Cette visite d'étude s'insère dans le cadre du programme de coopération signé entre nos deux assemblées en 2002 : il en résulte des échanges fructueux et fréquents qui ont encore resserré les liens entre nos deux pays.
Se sont joints aujourd'hui à nos hôtes une délégation de députés actuellement en France à l'invitation de l'Assemblée nationale, conduite par M. Fouad El-Saad.
Au nom du Sénat, je leur souhaite chaleureusement la bienvenue dans notre enceinte.
Le dialogue national vient de tenir une nouvelle réunion ; je forme le voeu ardent pour que ses travaux contribuent fortement à l'affermissement de la nation libanaise.
Soyez nos interprètes auprès du peuple libanais pour l'assurer de notre profonde et sincère amitié et de notre soutien dans la poursuite des réformes institutionnelles et économiques qui doivent être poursuivies. (M. le Premier ministre, Mmes et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Philippe Richert.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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CANDIDATURE À UN organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil d'administration de l'Établissement public de réalisation de défaisance.
La commission des finances a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Henri Torre pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
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Finances publiques et finances sociales
Suite du débat d'orientation sur une déclaration du Gouvernement
M. le président. Nous reprenons le débat d'orientation consécutif à la déclaration du Gouvernement sur les finances publiques et les finances sociales.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir examiné le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005, la Haute Assemblée se saisit des perspectives budgétaires que nous présente le Gouvernement en vue de la préparation du projet de loi de finances pour 2007.
Ce débat est aussi l'occasion de dresser un bilan de l'année d'exécution budgétaire écoulée pour dessiner les grandes orientations de l'année à venir.
La mise en oeuvre intégrale de la LOLF depuis le 1er janvier dernier ne produira pleinement ses effets qu'à partir de l'année prochaine, la discussion du règlement définitif du budget de 2006 permettant alors d'en mesurer - espérons-le - les premiers bénéfices.
Monsieur le ministre, je ne vous surprendrai pas en vous disant que la situation budgétaire de la France est inquiétante. Malgré vos efforts méritoires, il reste beaucoup à faire pour remettre notre pays sur le chemin de la croissance et du plein-emploi.
La préparation du budget est un acte infiniment complexe. Cependant, le gouvernement auquel vous appartenez se doit de répondre à l'objectif constitutionnel de sincérité budgétaire sur lequel repose le délicat équilibre des finances publiques.
Vos hypothèses de croissance sont encore trop éloignées de la réalité des faits. En effet, le Gouvernement a assis son budget sur une croissance comprise entre 2,25 % et 3 % du PIB cette année, alors que la moyenne entre 2000 et 2005 n'a pas atteint les 2 %. La plupart des études économiques escomptent une croissance de 2 % cette année, l'INSEE tablant même sur un taux de 1,9 %.
Il ne suffit pas de présenter à la Commission européenne un plan de stabilité pluriannuel répondant aux critères de convergence, il faut aussi que les équilibres s'accordent objectivement avec les annonces.
Le Gouvernement a fixé .un triple objectif : ne pas augmenter les prélèvements obligatoires, maîtriser les dépenses publiques et réduire les déficits publics. C'est bien le moins que l'on puisse faire !
La dette publique a poursuivi son augmentation et frôle désormais la barre des 67 % du PIB - soit sept points au-dessus de la limite imposée par la Commission européenne. Son montant dépasse les 1 100 milliards d'euros, chiffre qui n'inclut pas les dettes latentes - près de 400 milliards d'euros - constituées par le financement des retraites des fonctionnaires d'État.
Entre 1980 et 2004, elle a connu une augmentation moyenne de 6 % par an en euros constants. Il est temps de mettre un terme à ce qui est maintenant bien plus qu'un dérapage conjoncturel !
Le ratio entre la dette et le PIB pèse sur la solvabilité des administrations publiques. Les projections à moyen terme indiquent que, à un rythme inchangé, la politique budgétaire telle qu'elle est conçue par les gouvernements successifs est insoutenable pour nos finances publiques.
Pour contenir son dérapage, le déficit stabilisant devrait atteindre 1,7 % ou 1,8 % de la dette, soit un chiffre bien plus contraignant que celui de 2,5 % qui est affiché par le Gouvernement.
Dans le même temps, notre pays doit faire face à un contexte de hausse généralisée des taux d'intérêt, qui risque de peser sur un secteur à forte main-d'oeuvre comme le BTP, par définition « élastique » au coût de l'emprunt.
Les banques centrales européennes sont en train de suivre le mouvement commencé par la Réserve fédérale américaine. De ce fait, les intérêts de la dette risquent de repartir à la hausse, alors même que son coût avait été jusqu'ici stabilisé grâce à l'accroissement de la part de la dette flottante.
Or la charge de la dette représente d'ores et déjà le second poste du budget de l'État, avec un encours de 38 milliards d'euros, soit 16,5 % des dépenses.
Cette contrainte restreint d'autant la latitude de la politique budgétaire par les effets d'éviction ou encore l'effet « boule de neige » de l'encours de la charge. Les marges de manoeuvre sont extrêmement faibles. Le niveau des prélèvements obligatoires a poursuivi sa croissance et se situe désormais à plus de 44 % du PIB.
Dans ces conditions, il est politiquement et économiquement difficile de ponctionner un peu plus la richesse nationale pour combler les errements du pilotage des finances publiques.
En tout état de cause, il s'agit d'établir une véritable hiérarchie de la dépense publique, à l'instar de ce qui est proposé dans le rapport Pébereau : la politique budgétaire doit s'orienter vers des réformes structurelles et un désendettement massif, grâce à une affectation de la plus grosse partie des surplus de recettes à la réduction de la dette.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Georges Othily. L'heure n'est plus aux largesses ni aux pratiques budgétaires légalement douteuses - reports de crédits contestables, gels de crédits arbitraires, régulation budgétaire hasardeuse.
Dans le même registre, la cession d'actifs de l'État ne peut être une politique de gestion pérenne ; elle ne peut constituer qu'une opération de trésorerie provisoire.
Il faut lever tous les freins à la croissance. Nos entreprises souffrent d'une perte de compétitivité qui va en s'accentuant. Selon le Conseil économique et social, la part des exportations françaises dans le total de la zone euro a perdu près de un point entre 1998 et 2005, avec un taux de seulement 16,3 %. Cette réduction, conjuguée au déficit structurel de la balance des transactions courantes, pèse négativement à la fois sur le PIB - 0,7 point de moins - et sur le niveau d'emploi.
De surcroît, l'Allemagne, notre premier client à l'exportation, s'apprête à augmenter de trois points sa TVA, mesure nécessairement négative pour les entreprises françaises tournées vers ce marché.
Notre appareil productif risque ainsi de pâtir de ces conditions défavorables, d'autant que la croissance française est actuellement tirée pour l'essentiel par la consommation des ménages, qui progresse plus vite que les revenus : 2,5 % en 2004 et 2,2 % en 2005, avec, dans le même temps, un recul de l'épargne. Cet état est fragile et, par définition, transitoire.
La situation du marché du travail a connu une embellie salutaire ces derniers mois, avec une baisse du chômage de 8,4 % en un an. Mais nous accusons un retard important par rapport à nos voisins qui ont fait le choix de la flexibilité sociale.
Le coût fiscal et social d'un salarié est l'un des plus élevés de l'OCDE, alors que le taux de retour à l'emploi est l'un des plus faibles parmi nos États partenaires. Une longue période d'inactivité entraîne une obsolescence des compétences, et la reprise d'activité est déréglée par les distorsions résultant de l'articulation entre les revenus d'activité et les revenus de remplacement.
L'incitation au retour à l'emploi est l'une des conditions sine qua non du retour de la croissance. Or les subventions directes de l'État aux revenus d'activité nous paraissent mal ciblées et souvent inefficaces.
Le Gouvernement a engagé une première phase de cette nécessaire réforme en redéployant le dispositif de la prime pour l'emploi. Il faut aller plus loin en posant clairement la question de l'articulation entre le SMIC et les revenus sociaux dans la perspective d'un marché du travail fluidifié.
Par ailleurs, monsieur le ministre, l'élu de l'outre-mer que je suis se doit de se faire une nouvelle fois l'écho auprès de vous des légitimes inquiétudes de nos compatriotes des collectivités ultramarines.
L'objectif de stabilité des dépenses en volume des collectivités locales fixé par le Gouvernement est déjà assez peu réaliste, compte tenu de larges transferts de compétences qui ne sont pas compensés à due concurrence, notamment en raison de l'absence d'autonomie fiscale locale. Or la situation est bien pire pour la France de l'outre-mer.
Les collectivités d'outre-mer connaissent une situation économique et sociale très préoccupante : hausse d'un chômage déjà très élevé - 23 % et près de 50 % chez les jeunes -, accroissement de la population et immigration irrégulière, fragilité du tissu économique et manque de compétitivité des entreprises.
Pourquoi l'outre-mer reste-t-il dans une situation de sous-dotation chronique, qui aggrave encore un peu plus son important retard de développement ?
Les maux sont connus, les solutions aussi. L'extension des compétences des assemblées délibérantes n'a pas été accompagnée de la compensation financière adéquate.
S'agissant de la Guyane, la situation sanitaire et médicale est catastrophique : pénurie de professionnels de santé, pénurie d'équipements sanitaires.
Messieurs les ministres, nous nous étions engagés avec le ministre de l'outre-mer à approfondir la discussion portant sur la création d'une zone franche sanitaire. La mise en place de cette dernière est vitale afin que tous les acteurs médicaux disposent enfin d'une véritable structure de soins. J'apprécierais que vous puissiez m'apporter une réponse précise à cette question urgente afin que les acteurs politiques se retrouvent avec vous pour décider de la création de cette zone franche sanitaire en Guyane.
Avec M. Xavier Bertrand et vous-même, monsieur Copé, nous avions convenu d'un rendez-vous prochainement. J'aimerais que vous en fixiez la date.
La France d'outre-mer fait, elle aussi, face aux incertitudes qui affectent l'ensemble des Français. Plus de deux millions de nos concitoyens participent eux aussi à la construction de l'avenir de la France. Et c'est bien parce que l'outre-mer français apporte à la France une dimension internationale, voire planétaire, qu'il participe à cette construction.
La dimension européenne de la France se retrouve dans l'outre-mer français. La France spatiale, tout comme l'Europe spatiale, n'existe que grâce à l'outre-mer. En effet, lorsque la fusée quitte le sol de Guyane, grâce à sa situation équatoriale, c'est une économie de plus d'un tiers que réalise l'ESA en comparaison avec ses concurrents américains et russes. L'importance de cette économie justifie largement que l'outre-mer en profite.
Sachez, messieurs les ministres, que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, fort de sa bienveillante diversité, se montrera très attentif, lors de la prochaine discussion budgétaire, aux crédits qui seront accordés à chaque ministère. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat d'orientation budgétaire en fin de législature fait un peu figure d'exercice convenu. Quels que soient les résultats électoraux de l'année prochaine, la loi de finances pour 2007 a vocation à ne pas être exécutée en l'état.
Ce débat d'orientation - M. le ministre nous a encouragés à le faire ce matin - nous offre l'occasion de dresser un premier bilan de l'actuelle mandature budgétaire et de dessiner des pistes de réformes afin que la France s'engage dans un assainissement réel et durable de ses finances publiques.
Le premier bilan que j'en dresse, c'est que la France aurait pu mieux faire.
Depuis plus de quatre ans, le déficit budgétaire tourne autour de 3 % du PIB. Le respect du critère de Maastricht résulte plus de concours exceptionnels, comme les fameuses soultes, que d'un effort réel et durable de maîtrise des dépenses publiques.
Le bilan est simple : l'État vit à crédit depuis plus d'un quart de siècle, les dépenses excédant les recettes de 15 % à 20 %. Même si la tendance est à la réduction, le déficit public a atteint 4,2 % en 2003 et 3,7 % en 2004. En 2005, une légère amélioration a été constatée avec un taux de 2,9 % du PIB. Il n'y a pas de quoi crier victoire !
De plan quinquennal en plan quinquennal, les gouvernements n'en finissent pas d'annoncer la réduction du déficit, voire sa suppression, ce message n'ayant comme objectif que de rassurer la Commission de Bruxelles et la Banque centrale européenne. Dans ce jeu de théâtre, vous en venez à vous congratuler lorsque le déficit est sur la crête des 3 % du PIB, ce qui est pourtant loin de ce que vous appelez le « déficit stabilisant » !
Certes, c'est toujours la faute à pas de chance, à la croissance qui n'est pas au rendez-vous, à la hausse du prix du pétrole, aux taux d'intérêt, à l'euro, ... C'est vrai, la croissance se dérobe souvent sous nos pieds ; elle arrive toujours en retard, elle est toujours fragile, et repart aussi sec.
Certes, la stagnation n'est pas que française. Depuis des années, la zone euro accumule les contre-performances avec un taux de croissance moyen d'à peine 1,2 % au cours des trois dernières années, la France étant avec l'Allemagne et l'Italie en fin de peloton alors que, sur la même période, l'économie mondiale a battu tous ses records.
Est-ce suffisant pour expliquer l'infernale dérive de nos comptes publics ? Je ne le crois pas. De toute façon, quand la croissance est de retour, les gouvernements ne réussissent pas à assainir nos finances publiques, preuve manifeste que le problème est ailleurs.
Au-delà de ces résultats, la véritable question est la suivante : pourquoi la croissance évite-t-elle les routes de la vieille Europe, en particulier les routes françaises, alors qu'elle s'épanouit de l'autre côté des Pyrénées, aux États-Unis, voire au Royaume-Uni ?
Renversons la charge de la preuve : cessons d'incriminer la croissance, le pétrole, les taux d'intérêt pour nous concentrer sur les vrais problèmes. Les déficits publics ne jouent-ils pas le rôle de boulets qui tirent notre économie vers le fond ? La dette publique - 66 % du PIB, un record en temps de paix - n'est-elle pas la cause d'un lourd dérèglement ? Pour mémoire, elle représentait un cinquième du PIB en 1981. Au rythme actuel, elle représentera 100 % du PIB en 2015.
Aujourd'hui, le seul paiement des intérêts correspond déjà à 150 % des dépenses consacrées à la recherche développement et à l'enseignement supérieur. N'est-ce pas l'incapacité des gouvernements successifs à lancer la réforme de l'État et de notre système d'État-providence qui explique tout à la fois le dérapage des dépenses et l'atonie de la croissance ? La France vit, je le regrette, au rythme de son administration. Quand elle est bien gérée, le pays connaît la croissance et l'emploi ; quand elle n'est plus gérée, les cataclysmes se multiplient. Or la dépense publique représente plus de 54 % du PIB, soit plus de la moitié de notre richesse.
Depuis 2002, les dépenses publiques ont augmenté de 134 milliards d'euros, accaparant 65 % de la création des richesses ! Pour 1 euro créé, 35 centimes restent dans les mains des Français.
C'est pourquoi une rupture est nécessaire. Si je ne peux qu'approuver l'intention du Gouvernement d'abaisser d'ici à 2010 la dette publique à 60 % du PIB ainsi que d'équilibrer les comptes publics, je tiens néanmoins à souligner que le respect de ce plan ambitieux est conditionné par l'existence d'une croissance d'au moins 2,25 % sur toute la période, ce qui semble malheureusement présomptueux.
Quelles sont les solutions pour endiguer le flot de la dette ?
Il faut surtout mettre un terme à la hausse ininterrompue des prélèvements. Dans ce domaine, nous avons dépassé la ligne rouge. Parmi les grands pays, la France détient le plus haut taux de prélèvements obligatoires avec plus de 44 % du PIB, soit 3,5 points au-dessus de la moyenne européenne. Pour la seule année 2005, les prélèvements ont augmenté de 1 %. Une fois de plus, notre pays prend la mauvaise direction.
Il y a quatre ans, une promesse avait pourtant été faite, celle de diminuer les prélèvements obligatoires, en particulier l'impôt sur le revenu, de 30 %. Cette promesse était d'autant plus importante qu'elle visait à effacer les augmentations que nous avions connues sous le gouvernement de Lionel Jospin. Je rassure M. Massion, qui est intervenu ce matin, elle n'a été respectée qu'à hauteur du tiers. Elle a été mise en sommeil, toujours en raison de cette fameuse absence de croissance.
Une fois de plus, le Gouvernement a renoncé : il a découvert la dette à la suite des rapports Camdessus et Pébereau. Certes, une telle décision est plus facile à prendre que de réaliser des économies, mais elle discrédite vos engagements et elle est contreproductive sur le plan économique.
La France recule en termes de compétitivité, en grande partie en raison des coûts fiscaux et sociaux. À ce sujet, je remercie M. le président de la commission des finances d'avoir évoqué la compétitivité nationale et les entreprises, car j'avais le sentiment que l'on cherchait plutôt à rassurer le secteur public. Il faut sortir de la politique du « ni-ni » : ni réduction fiscale ni réduction des déficits.
Le second volet important des orientations budgétaires est la réduction des effectifs de l'État. Avec la suppression de 15 000 emplois dans la fonction publique, c'est l'un des axes qui sont très commentés. Toutefois, je suis dubitatif face à cette annonce.
M. Philippe Dominati. Oui, car c'est la même rengaine chaque année. Au mois de janvier, à l'occasion des voeux, les ministres nous annoncent que la France doit en terminer avec les déficits, la dette et la dérive des dépenses. Toujours en janvier, on nous annonce qu'un départ sur deux à la retraite dans la fonction publique donnera lieu à un remplacement. À partir de l'été, on passe à 15 000. À la rentrée de l'an dernier, je vous le rappelle, on était à 8 %. On est bien loin du chiffre de un sur deux. Il y en a eu 5 000 sur 77 000 !
M. Philippe Dominati. Je prends acte que, cette fois-ci, l'engagement semble plus ferme que les précédents.
M. Philippe Dominati. Il est dommage que cet esprit n'ait pas été de mise durant toute la législature. Que d'années gâchées !
M. Jean-Jacques Jégou. Eh oui !
M. Philippe Dominati. Que d'énergie perdue, même si je ne nie pas le fait que les finances publiques avaient été gravement obérées par les jeux de passe-passe institués pour financer les 35 heures.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Eh oui !
M. Philippe Dominati. Au-delà des mots et des promesses, de quoi parlons-nous ? Pouvons-nous réellement parler de réduction d'effectifs ?
Il faut mettre les 15 000 postes supprimés en parallèle avec les départs à la retraite - 85 000 en 2007 - et, surtout, avec les effectifs de la fonction publique d'État : 2,4 millions. La réduction ne concerne donc qu'un peu plus de 0,5 % des effectifs. Nous sommes tout juste dans l'épaisseur du trait.
En outre, depuis 2003, 19 000 postes ont été supprimés sur la durée de la mandature. Il faut les mettre en parallèle avec les 17 214 postes qui avaient été budgétés dans la dernière loi de finances préparée par Lionel Jospin et les 13 675 postes créés en 2003.
La réduction des effectifs qui nous est proposée n'est donc pas un exploit en soi, d'autant que nous devons prendre en compte le fait que les transferts de compétences prévus par les lois de décentralisation adoptées en 2003 devraient s'accompagner d'une baisse des emplois au sein de la fonction publique d'État.
Or, comme lors de la précédente vague de décentralisation, nous constatons une augmentation des effectifs de la fonction publique territoriale - 25 000 créations sont attendues l'année prochaine -, une hausse des impôts et le maintien, presque à emplois constants, de la fonction publique d'État.
Certains considèrent que les réductions d'effectifs n'ont que peu d'incidences sur le déficit. Selon notre rapporteur général, une économie de près de 10 milliards d'euros des dépenses de l'État peut être dégagée sur dix ans.
L'éducation nationale serait la première victime des coupes claires du Gouvernement, avec 7 000 suppressions d'emplois annoncées. Nous avons tous entendu les cris des syndicats ; l'avenir de nos enfants serait en jeu ! Mais au moment même où les effectifs des élèves dans le secondaire sont passés de 5,613 millions à 5,538 millions, le nombre de professeurs est passé, en cinq ans, de 519 000 à plus de 523 000.
Le budget pour 2007 se doit d'être en phase avec le monde dans lequel évolue la France. Priorité doit bien évidemment être donnée à la sécurité, à la justice, mais aussi à l'enseignement supérieur, à la recherche et aux investissements.
Le budget pour 2007 devrait avoir pour seule priorité de cesser de faire payer par les générations futures le manque de rigueur des gouvernements depuis 1981. Il est temps de mettre en oeuvre une autre politique, une politique d'inspiration libérale, qui, seule, comme dans de nombreux pays, pourra nous conduire sur le chemin d'une hyper croissance. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat d'orientation budgétaire que nous menons chaque année est, le plus souvent, l'occasion de faire état de nos profondes divergences d'appréciation sur la réalité économique et sociale de notre pays et, partant, de sa traduction concrète en termes budgétaires, au-delà d'ailleurs du simple examen des données chiffrées propre à tel ou tel exercice ou à tel ou tel département ministériel.
Le débat d'orientation pour 2007 se situe dans un contexte assez spécifique, puisque rien ne nous garantit que l'équipe gouvernementale qui portera le projet de loi de finances initiale à l'automne prochain sera celle qui mettra en oeuvre l'exécution budgétaire.
Il fait suite à quatre années de gestion des affaires du pays ayant conduit, entre autres, à accroître de 200 milliards d'euros le déficit cumulé de l'État, c'est-à-dire la dette publique, dont la réduction est pourtant votre priorité.
La France a clairement besoin d'un changement de politique budgétaire, économique et sociale et d'autres orientations dans l'action de l'État que celle consistant à réduire sans arrêt la dépense publique pour faire plaisir aux marchés financiers et aux détenteurs de capitaux.
D'ailleurs, comme le rappelait ce matin M. le président Arthuis, les entreprises du CAC 40 ont réalisé plus de 80 milliards d'euros de bénéfices et ont redistribué plus de 30 milliards d'euros de dividendes à leurs actionnaires.
Monsieur le président de la commission des finances, vous nous avez certainement fourni les bons chiffres, mais notre façon de les interpréter ne sera pas du tout la même que la vôtre.
Cette insolente santé montre que la controverse sur la réalité des créations d'emplois reste d'actualité. Je pourrais également évoquer la situation de Total, la rémunération du capital, les primes d'installation confortables des PDG ou l'accumulation des plus-values sur les cessions d'actions.
Dans ces conditions, comment parvenir à relancer l'activité économique sans que l'intervention publique, et notamment l'investissement public, puisse constituer l'un des moteurs de cette croissance ?
Depuis 2002, nous avons tout connu, qu'il s'agisse de la baisse de l'impôt sur les sociétés et de la réduction de son assiette, de l'élargissement des allégements de cotisations sociales, de la diminution de la fiscalité pour les hauts patrimoines, de la nouvelle baisse de la taxe professionnelle et de la réforme de l'impôt sur le revenu, qui profite de manière quasi exclusive aux plus hauts revenus !
Or quels sont résultats ? Vous vous glorifiez de porter le taux de croissance à 2 % cette année après avoir dégagé moins de 1,5 point de croissance. Ce discours est assez répétitif. Selon les statistiques de l'INSEE, le taux serait aujourd'hui de 1,2 %.
L'effet de cette situation sur les comptes publics est tel que vous avez été contraints de procéder à quelques astuces pour respecter le fameux critère d'un déficit budgétaire à 3 % du PIB. Je pense notamment à la soulte EDF, à l'annulation massive de dépenses votées par le Parlement ou encore au règlement anticipé du premier acompte de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2006 !
Cette situation a été relevée par la Cour des comptes dans son rapport annuel, qui met en cause la réalité du déficit annoncé pour 2005, compte tenu des procédés utilisés.
Monsieur le ministre, la consommation populaire, qui est le moteur de la croissance, trouve l'origine de son développement dans l'augmentation spectaculaire de l'endettement des ménages. Or celle-ci est notamment due à l'ascension des prix de l'immobilier. Certes, ces prix ne doivent pas figurer dans l'indice INSEE, mais ils constituent une réalité de plus en plus présente dans le budget des familles.
Dette pour dette, vous nous expliquez que tout sera mis en oeuvre dans les quatre années à venir pour réduire l'endettement public et que cet effort sera prioritaire, au détriment de tout autre !
Si vous gérez encore les affaires du pays après le printemps 2007, c'est tout sauf une bonne nouvelle !
Si j'ai bien compris ce qui a été dit ce matin, toute recette fiscale supplémentaire sera consacrée à réduire l'endettement public dans les années à venir. Dans le même temps, toutes les administrations publiques seront appelées à goûter aux délices des redéploiements et des économies budgétaires. C'est le produit d'une loi organique comprise comme une machine « assimilée à une politique de restriction budgétaire pure et simple », selon la formule de notre collègue M. de Raincourt.
Ainsi, 15 milliards d'euros seraient consacrés à réduire la dette publique dans les années à venir. De notre point de vue, ces 15 milliards d'euros manqueront pour l'éducation, la formation, le développement des équipements publics ou la construction de logements et viendront grossir les portefeuilles de ceux qui ont fait de la dette publique une véritable rente de situation !
Une telle démarche masque toutefois plusieurs problèmes essentiels.
D'abord, la dette publique n'est pas une catastrophe en soi.
M. Thierry Foucaud. Elle a toujours existé et il est même probable qu'elle continuera d'exister, quand bien même nous dégagerions des excédents budgétaires.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut tout de même bien payer les prêteurs !
M. Thierry Foucaud. Les chiffres les plus mirobolants circulent quant à la quotité et à l'importance de cette dette.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Décidément, les bolcheviks ne remboursent jamais !
M. Thierry Foucaud. Monsieur le rapporteur général, ce ne sont pas les « bolcheviks » qui créent la dette. D'ailleurs, si vous ne faisiez pas autant de cadeaux, elle ne s'accroîtrait pas ! Mais j'y reviendrai.
Tantôt, vous évoquez 1 100 milliards d'euros en mélangeant allégrement dette négociable de l'État, dette des collectivités locales et dette des organismes sociaux, tantôt, en insistant sur les engagements implicites de l'État, notamment en termes de retraites des agents du secteur public, vous mentionnez le montant en apparence spectaculaire, et même quasi angoissant, de 2 000 milliards d'euros !
À dire vrai, il conviendrait peut-être de se demander si, dans certains cas, nos entreprises privées ne cumulent pas elles aussi des montants d'endettement aussi spectaculaires.
Mais, pour peu que l'on soit versé à l'exercice d'analyse d'une comptabilité, il conviendrait également d'éviter de ne voir dans le bilan de l'État que le passif constitué par cette dette.
En effet, si nous rapportons le montant de la dette publique à chacun des habitants de ce pays, nous atteignons un montant de 20 000 à 30 000 euros. La somme peut impressionner, mais il faut là encore la relativiser.
Mes chers collègues, savez-vous qu'une famille de quatre personnes qui emprunte 200 000 euros pour acheter un appartement à Paris est à la tête d'une dette privée encore plus importante ?
Ensuite, comme il convient de le faire en bonne comptabilité, il faut considérer le passif, c'est-à-dire la dette, et l'actif, c'est-à-dire tout ce que l'État a constitué au fil du temps comme patrimoine public...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous souhaitez le vendre ?
M. Thierry Foucaud. ...et dont les habitants de notre pays disposent pour le bien de la vie économique et sociale.
J'insiste sur cet actif, qu'il s'agisse des autoroutes,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous voulez les vendre une deuxième fois ?
M. Thierry Foucaud. ...de nos hôpitaux, de nos établissements scolaires, de nos parcs naturels ou de nos grands musées.
À cet égard, monsieur le rapporteur général, évoquer la dette en oubliant par exemple que l'argent public a permis de créer le musée du quai Branly constitue une forme d'aveuglement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Alors là, je n'y comprends plus rien !
M. Thierry Foucaud. Cet actif, c'est le bien de tous ! C'est ce que des années et des années d'action publique ont permis de constituer. Sur le plan comptable, il est aujourd'hui évalué à 170 000 euros pour chaque habitant de ce pays.
Au demeurant, cela signifie que la dette publique ne constitue qu'environ 10 % à 15 % de cet actif. Nous connaissons tous des entreprises privées qui apprécieraient d'avoir un tel niveau d'endettement.
En réalité, la dette publique est, me semble-t-il, instrumentalisée depuis plusieurs années pour justifier toutes les politiques désastreuses qui ont été et qui sont encore menées en matière de gestion publique.
C'est un paradoxe. Pour redresser les comptes publics, on a souvent commencé par procéder à la réduction des recettes en escomptant un effet positif sur l'activité de telle ou telle baisse d'imposition. Cela fait des années que ça dure !
Depuis 1985, on a diminué le taux de l'impôt sur les sociétés d'un tiers et l'assiette de la taxe professionnelle de 45 %, allégé les cotisations sociales sur les bas salaires, rétréci l'assiette de l'impôt sur les sociétés et réduit l'impôt sur le revenu des plus riches. Et tout cela pour quels résultats ?
Depuis 1985, notre économie n'a créé qu'un peu plus de 2 millions d'emplois dans le secteur marchand. Ce sont des emplois de plus en plus précarisés et de plus en plus mal rémunérés, puisque plus de huit millions de salariés perçoivent la prime pour l'emploi !
La croissance est donc molle et les revenus dont la progression est la plus dynamique sont, comme par hasard, les revenus du capital et du patrimoine. En 2005, ces revenus ont crû deux fois plus vite que les revenus du travail, ce qui est une source d'inégalité croissante entre les Français !
Mais regardons maintenant le coût de ces différentes mesures.
Entre la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, l'allégement des cotisations sociales sur les bas salaires et la « réforme » de la taxe professionnelle, ce sont 450 milliards d'euros qui ont été dépensés, ou plutôt engloutis, depuis vingt ans !
Ces 450 milliards d'euros représentent la moitié de l'encours de la dette publique négociable de l'État.
Et, par exemple, plus de 15 milliards d'autres euros sont dépensés chaque année pour alléger la fiscalité des entreprises, sans compter l'effet du report des déficits et le solde des acomptes versés !
Et puisque vous êtes si attentifs et sourcilleux s'agissant des évolutions de la dépense publique, comment ne pas pointer que la .prise en charge par l'État des cotisations sociales des entreprises est passée d'un coût annuel de 6 milliards de francs en 1992 à une facture de 22,2 milliards d'euros, soit plus de vingt fois plus, en 2005 ?
Vous le voyez, la source des déficits publics ne réside donc ni dans une utilisation dispendieuse des crédits, ni dans un recrutement inconsidéré de fonctionnaires, ni dans un excès de dépenses sociales. Elle se situe d'abord dans une politique d'incitation fiscale qui est venue se substituer sur la durée à toute véritable intervention publique dans la vie économique et sociale.
De notre point de vue, la situation budgétaire de 2005, à la suite des autres exercices, consacre la faillite de cette orientation et il conviendrait de l'infléchir sérieusement en 2007.
Dépenser mieux ne signifie pas dépenser moins, car il convient d'abord de prélever justement les moyens de répondre aux attentes sociales.
L'impôt doit retrouver la place qui est la sienne. Il ne doit pas être utilisé de manière exclusive à payer des frais financiers sans cesse plus élevés au bénéfice des détenteurs de titres de dette publique.
Nous refusons de placer la gestion publique sous la coupe des marchés financiers, comme vous vous y préparez, ainsi que le traduisent les annonces de réduction de la dépense en euros constants et les suppressions d'emplois de fonctionnaires que vous avez programmées.
Au demeurant, cette politique-là est fondamentalement injuste. Les plus modestes ne bénéficieront pas sur la durée de votre réforme de l'impôt sur le revenu et ils n'ont que peu de rendement à attendre de la baisse de la fiscalité du patrimoine. Ce sont également eux qui subiront de plein fouet la réduction du budget de l'éducation et les coupes claires dans les budgets sociaux, comme celui de la politique de la ville ou celui du logement.
Et ils pourront en échange payer toujours plus d'impôts locaux, de taxes pétrolières et de TVA sur leur consommation courante !
À cette politique injuste socialement et économiquement, nous répondrons le moment venu par l'alternative politique - elle aura des traductions fiscales et budgétaires - que nos concitoyens attendent. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, beaucoup a été tenté ces dernières années dans le sens d'une maîtrise de nos finances sociales.
Au vu des résultats, le constat d'ordre général est qu'il reste énormément à faire. Les résultats ne sont pas tout à fait à la hauteur de nos espérances. Essayons d'examiner objectivement les faits.
Il y a un premier point positif, qui est le présent débat d'orientation. Ce nouveau rendez-vous, qui a été institué par l'article 6 de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, constitue une avancée indéniable en matière de contrôle parlementaire et de transparence des comptes sociaux.
Il est tout simplement regrettable qu'aucune indication ne nous ait été apportée quant aux orientations pour l'année 2007. Il nous appartient donc d'extrapoler. La loi organique a aussi créé des procédures d'alerte qui ont fonctionné pour l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM.
Il n'en demeure pas moins que l'on noie les finances sociales dans la masse des finances publiques. Avec le président de notre commission des affaires sociales, Nicolas About, nous attendons plus de rigueur et de transparence à l'avenir.
Mais venons-en au fond. Les chiffres publiés dans le rapport gouvernemental nous donnent des raisons d'espérer - je pense notamment à la réduction du déficit général de la sécurité sociale et du déficit de la branche maladie -, ainsi que des motifs d'inquiétude, s'agissant en particulier des déséquilibres financiers des branches vieillesse et famille.
Les soldes sociaux demeurent fortement négatifs. Nous sommes loin des prévisions optimistes faites à l'occasion de l'examen de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie. L'amélioration du solde du régime général pour l'année 2006 devrait être modérée.
Le déficit pourrait atteindre 10 milliards d'euros, ce qui serait malheureusement supérieur aux 8,9 milliards d'euros prévus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Néanmoins, cela serait effectivement inférieur aux pics et aux records que nous avions connus en 2004.
Nous assistons à un reflux lent, mais la dynamique des déficits sociaux est, quant à elle, enrayée.
L'analyse de ce déficit est également encourageante en ce qui concerne la branche santé. Le solde de cette branche passe de 8 milliards d'euros à 6 milliards d'euros, ce qui correspond peu ou prou à l'objectif annoncé en 2004. La maîtrise médicalisée des dépenses de santé semble avoir permis de réaliser 500 millions d'euros d'économies en 2005. Les dépenses de médecine de ville - dépenses d'honoraires, de prescriptions et de médicaments - ont faiblement progressé. Est-ce la preuve d'une prise de conscience collective, d'un changement structurel de nos pratiques ? L'avenir nous le dira.
Il reste à traiter la question cruciale du secteur hospitalier, dont les performances financières sont mauvaises, ce qui n'est pas étonnant. Alors qu'il représente près de 50 % des dépenses de santé, le secteur hospitalier, public et privé, a été totalement exclu de la réforme du 13 août 2004.
Comment réformer le système de soins de façon structurelle en faisant l'impasse sur la moitié des dépenses qu'il génère ? Nous n'avons eu de cesse de dénoncer ce fait, et, en tant que président du conseil d'administration d'un centre hospitalier, je suis personnellement confronté aux difficultés que doit affronter ce secteur.
Ce n'est un secret pour personne, la réduction du temps de travail a lourdement pesé sur les budgets des établissements de santé.
Le passage à la tarification à l'activité, la T2A, ne se fait pas non plus sans douleur. Par principe, nous sommes favorables à ce nouveau mode de financement. La dotation globale pour les hôpitaux publics figeait les situations et ne prenait pas suffisamment en compte l'activité médicale et le service rendu.
La T2A appelle à la transparence des coûts, ce qui facilitera les coopérations entre les secteurs public et privé, coopérations vers lesquelles doivent s'orienter tous les bassins afin d'optimiser les offres de soins sur leur territoire. Du fait de son fonctionnement, l'hospitalisation privée y était davantage préparée. Elle a donc basculé plus tôt vers cette tarification. Dans ces conditions, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, nous ne comprenons pas pourquoi les dépenses des cliniques ont augmenté huit fois plus que celles des hôpitaux au cours des derniers mois. Avez-vous un éclaircissement à nous apporter sur ce point ?
En matière de T2A, les choses sont plus compliquées pour les hôpitaux et les établissements privés à but non lucratif. Ces établissements sont en effet insuffisamment aidés pour assurer la transition dans de bonnes conditions. Ils se heurtent à une situation financière difficilement tenable à court terme. C'est ce qui explique l'importance des reports de charges des hôpitaux publics, évoqués par notre excellent rapporteur Alain Vasselle.
Par ailleurs, une question demeure : où en est-on dans l'identification et la justification des divergences tarifaires actuelles entre le secteur public et le secteur privé ? Cette question est d'autant plus importante que, si l'on en croit Bertrand Fragonard, le président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, l'objectif de convergence des tarifs entre le public et le privé pourrait ne pas être atteint en 2012, date de son achèvement théorique. Sait-on selon quelles modalités ces deux secteurs verront converger leur T2A ?
La réévaluation des enveloppes consacrées aux missions d'intérêt général est le pendant de la problématique du passage à la T2A. Monsieur le ministre, compte tenu des difficultés financières rencontrées par les établissements publics, comment les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation, les MIGAC, vont-elles évoluer ?
De façon plus générale, il reste beaucoup à faire en matière hospitalière. Une grande réforme s'impose, comme l'a constaté récemment le président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Selon lui, « il existe dans le secteur public suffisamment de marges de productivité ».
Yves Cannac fait le même constat dans le rapport qu'il a rédigé au nom de l'Observatoire de la dépense publique de l'Institut de l'entreprise. Il évoque même la possibilité de réaliser 10 milliards d'euros d'économies en matière d'établissements de santé. Il s'agirait de rationaliser la carte hospitalière, de réduire le volume de la demande de prestations, notamment en développant l'hospitalisation à domicile, dont le coût semble inférieur de 40 % à celui d'une hospitalisation en établissement.
Dans son rapport, Yves Cannac suggère également de réaliser des économies d'échelle en constituant des centrales d'achat. C'est là, à notre avis, une piste prioritaire. En la matière, les agences régionales de l'hospitalisation, les ARH, auront un important rôle d'incitation à jouer.
Enfin, des économies considérables peuvent être attendues d'une gestion plus efficiente des hôpitaux. Le rapport gouvernemental révèle que des efforts sont faits dans cette direction. Cependant, ces derniers semblent encore être insuffisants. Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, où en est-on de la réforme des structures hospitalières ?
Si, globalement, la branche maladie poursuit son redressement, le solde du régime général ne s'améliore que de façon limitée, du fait de l'alourdissement des déficits des branches retraite et famille.
En ce qui concerne la branche retraite, une grave question se pose à nous aujourd'hui. Le dispositif créé par la loi du 21 août 2003 en faveur des salariés ayant commencé à travailler très tôt a rencontré un succès bien supérieur à celui qui était escompté. La Caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, a révisé à la hausse le montant des prestations versées en 2006, pour un peu plus de 800 millions d'euros. Ma question est simple mais cruciale : le dispositif relatif aux carrières longues sera-t-il durablement soutenable ?
L'alignement des régimes spéciaux sur le régime général constitue un autre problème de la branche vieillesse. L'alignement des régimes de la RATP, de la SNCF ou des marins, par exemple, est inévitable, à l'instar du régime d'EDF. Mais alors, qui compensera ? L'État ? Et à quel taux ? Quel sera le taux actuariel pour les soultes afférentes ? Celui de Bercy ou celui des banques ? Il nous faudra rester neutres. À cet égard, le soin de déterminer un taux actuariel équitable devrait à mon avis être confié à une autorité indépendante de Bercy. Où en est votre réflexion sur cette question, monsieur le ministre ?
Plus globalement, la réforme de 2003 était partielle. Il faudra donc revenir sur le financement de la branche vieillesse en 2008.
Enfin, j'évoquerai le déficit croissant de la branche famille. Le solde négatif de cette branche historiquement excédentaire est lié à la prise en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE. Lors du débat sur le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance, vous nous avez expliqué, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, que le déficit était conjoncturel : « les prestations sont indexées sur les prix et les recettes sont indexées sur les salaires qui, du fait de la croissance, progressent plus vite que les prix », avez-vous déclaré. Or nous ne voyons pas ce que la PAJE a de conjoncturel, sauf à considérer, peut-être, que la démographie ne dépend que du temps qu'il fait !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Dans ces conditions, n'est-il pas à craindre que la réserve de 5 milliards d'euros conservée par la branche ne fonde comme neige au soleil d'ici à 2010 ?
Monsieur le ministre, nous attendons des réponses à toutes ces questions de fond. Ces réponses sont d'autant plus urgentes que nous ne pouvons faire peser sur les générations futures le poids de nos impérities budgétaires. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon.
M. Jean-Claude Frécon. Mon intervention devait porter uniquement sur les problèmes des collectivités locales, mais je souhaite quand même revenir en quelques mots sur ce qui s'est passé en séance ce matin, monsieur le ministre délégué au budget.
Mme Nicole Bricq. Attention !
M. Jean-Claude Frécon. Je pensais, peut-être avec un brin d'innocence - il m'en reste ! -, que l'on se faisait, au Sénat, une autre idée des débats que la vôtre, monsieur le ministre. Votre intervention ce matin, en partie agressive et outrancière, à l'instar de celle à laquelle nous avions déjà eu droit en commission des finances la semaine dernière,...
M. Jean-Claude Frécon. ... relevait d'un meeting politique et n'avait pas lieu d'être, selon moi, dans cet hémicycle,...
M. Jean-Claude Frécon. ... dans le cadre d'un débat d'orientation budgétaire.
À titre de comparaison, il se trouve que, hier, celui des sénateurs qui siège dans cet hémicycle depuis le plus longtemps - quarante ans - avait rassemblé plusieurs d'entre nous, issus de tous bords politiques, dont le président du Sénat, afin de nous rappeler ce qu'est une deuxième chambre et comment fonctionne un bicamérisme démocratique et utile. Ses propos étaient d'un autre genre !
M. Jean-Claude Frécon. Les propos que vous avez tenus ce matin s'inscrivent-ils déjà dans le cadre de la campagne des prochaines élections législatives, à l'occasion desquelles vous ferez peut-être acte de candidature ? Permettez-moi donc de vous signaler que nous sommes entrés dans le délai de douze mois précédant une élection, soit le délai pour les comptes de campagne.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous intégrez les 115 milliards d'euros dans les comptes de campagne ?
M. Jean-Claude Frécon. Le Sénat serait-il devenu une salle que l'on loue pour un meeting politique ?
Mme Nicole Bricq. Bonne question !
M. Jean-Claude Frécon. On peut faire de la politique et avoir une attitude un peu plus...
M. Jean-Claude Frécon. Républicaine, en effet !
M. Dominique Braye. Il veut nous museler !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quand on demande des dépenses, il faut dire d'où vient l'argent !
M. Jean-Claude Frécon. J'en viens maintenant aux problèmes des collectivités locales.
Vous avez défendu deux idées.
Vous avez tout d'abord défendu l'idée d'une meilleure maîtrise des finances publiques. Les élus locaux, messieurs les ministres, ne sont pas hostiles à l'idée de maîtriser les dépenses publiques. Simplement, en matière de finances, on distingue les dépenses et les recettes.
M. Dominique Braye. On se demande d'ailleurs où vous trouvez les recettes !
M. Jean-Claude Frécon. Je rappelle que vous avez mis en place deux nouvelles structures, deux organismes supplémentaires : la Conférence nationale des finances publiques et, dernièrement, le Conseil d'orientation des finances publiques. Il existait déjà le Comité des finances locales et, en son sein, l'Observatoire des finances locales, ainsi que, au Sénat, l'Observatoire de la décentralisation. Certains se demandent donc si, au moment où l'on supprime un certain nombre de structures, il était nécessaire d'en créer deux nouvelles. Pour ma part, je laisse cette question en suspens.
Vous avez ensuite défendu l'engagement national de désendettement. Permettez-moi de vous rappeler ce que vous savez déjà, monsieur le ministre, comme les élus locaux. L'État s'endette pour son fonctionnement, alors que les collectivités locales s'endettent pour leurs investissements, et uniquement pour cela, parce qu'elles n'ont que ce droit-là.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est heureux !
M. Jean-Claude Frécon. Et c'est heureux !
M. Jean-Claude Frécon. Je vous rappelle également que les collectivités territoriales réalisent 70 % des investissements publics de ce pays.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jean-Claude Frécon. Ces investissements sont donc importants pour les collectivités territoriales et pour le pays, car ils induisent un certain nombre d'emplois, et donc de la croissance, élément déterminant.
Si nos communes, nos départements, nos régions peuvent éventuellement avoir un déficit exceptionnel, elles ne sont pas autorisées, en revanche, à avoir un déficit durant plusieurs années. Elles sont alors immédiatement mises sous surveillance, ce qui est normal, mais tel n'est pas le cas pour l'État qui, depuis plusieurs années, et sous des gouvernements successifs,...
M. Dominique Braye. Depuis 1981 !
M. Jean-Claude Frécon. ... cumule les déficits !
L'État n'est donc certainement pas le mieux placé pour donner des leçons aux collectivités locales en matière de gestion !
Quelles propositions faites-vous ? Ces deux derniers mois, vous avez fait deux propositions concernant les collectivités territoriales.
Votre première proposition est d'établir des normes indicatives de régulation des dépenses locales, qui seraient fixées à l'échelon national et s'appliqueraient à toutes les collectivités.
Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le ministre, combien nous avons été choqués par cette proposition, qui nous paraît tout d'abord contraire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Les collectivités territoriales, si on limite leurs dépenses, ne pourront plus conduire un certain nombre d'actions. En outre, cette proposition nous semble contraire aux fondements de la décentralisation, décentralisation dont vous avez fait des gorges chaudes et dont vous avez souhaité inscrire l'acte II dans la Constitution.
Alors, pourquoi nous faire une proposition manifestement si contraire à deux principes importants de notre république ?
Votre seconde proposition consiste à revoir le contrat de croissance et de solidarité. Permettez-moi de rappeler l'historique de ce contrat.
Depuis une vingtaine d'années, les collectivités territoriales demandaient à avoir une meilleure vision des lois de finances, les propositions de l'État n'étant connues qu'au mois de septembre pour l'année suivante, ce qui limitait considérablement la visibilité nécessaire à l'engagement d'un certain nombre de dépenses. Finalement, en 1996, le gouvernement Juppé avait accepté un pacte de solidarité. Le mot « pacte » était un peu usurpé, parce qu'il s'agissait non pas d'un pacte négocié mais d'un pacte proposé : c'était cela ou rien !
Ce pacte de stabilité, mis en place en 1996, reconduit en 1997 et en 1998, n'était indexé que sur l'inflation - seulement à partir de la deuxième année -, et non sur la croissance. Or, comme cela a été dit tout à l'heure, les collectivités locales sont l'un des moteurs essentiels de la croissance.
Ce pacte de solidarité a ensuite été remplacé par un contrat de croissance et de solidarité, sous le gouvernement Jospin, qui a proposé une indexation progressive sur la croissance, jusqu'à un tiers de celle-ci, par échelons successifs. Les collectivités locales vivent maintenant depuis près d'une dizaine d'années sous le régime de ce contrat de croissance et de solidarité.
Vous proposez de supprimer toute référence à la croissance pour ne garder que la référence à l'inflation. Vous envisagez également de ne conserver cette indexation sur l'inflation que pendant quelques années, pour, éventuellement, en arriver à une croissance zéro, comme celle qui caractérise le budget de l'État.
Monsieur le ministre délégué au budget, les élus locaux, par l'intermédiaire de l'Association des maires de France, de l'Association des départements de France et de l'Association des régions de France, ont vigoureusement protesté contre l'une et l'autre de ces propositions.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Jean-Claude Frécon. Je rappelle que, dans la loi de finances pour 2006, ont été introduites des mesures aboutissant à diminuer les ressources perçues par les collectivités territoriales sur la fiscalité, qu'il s'agisse du plafonnement de la taxe professionnelle, du plafonnement de la taxe sur le foncier non bâti, ou de la notion de bouclier fiscal.
M. Jean-Claude Frécon. Après avoir, l'an dernier, coupé nos ailes fiscales, vous proposez, cette année, de tailler dans les dotations de l'État.
M. Jean-Claude Frécon. Quelles ressources restera-t-il aux collectivités locales ? Après la fiscalité, après les dotations, il reste encore l'emprunt ! Peut-être envisagez-vous des restrictions d'emprunt l'année prochaine ? Il me semble quand même que nous avons atteint un point de non-retour !
M. Dominique Braye. C'est un peu réducteur !
M. Jean-Claude Frécon. Les représentants des trois grandes associations d'élus locaux ont déclaré que ces derniers attendent aussi de « l'État qu'il apporte au préalable [des] garanties sur l'effort consenti par lui-même et qu'il démontre concrètement sa capacité à réduire les dépenses liées à son fonctionnement propre ».
Ils ont également indiqué que l'État devait « cesser de peser sur les dépenses des collectivités locales par des transferts non compensés, la territorialisation de ses politiques publiques et la mise en oeuvre de normes réglementaires entraînant des charges supplémentaires ».
Voilà ce que vous disent tous les élus locaux, monsieur le ministre délégué au budget !
Nous réaffirmons que le débat sur l'évolution des dotations de l'État est indissociable d'une profonde réforme de la fiscalité locale et de l'attribution de véritables marges de manoeuvre aux collectivités territoriales.
Monsieur le ministre délégué au budget, considérez-vous toujours nos collectivités locales comme des partenaires privilégiés de l'État pour faire de la France un grand pays ? C'est ce que nous essayons de faire de notre côté.
M. Jean-Claude Frécon. Nous aimerions bien - non pas pour vous dire que nous avons toujours raison, car nous pouvons aussi avoir tort - que des discussions s'engagent.
Un signe encourageant nous a toutefois été donné par le Premier ministre, qui, dans une lettre adressée la semaine dernière aux présidents des trois grandes associations d'élus locaux, a fait savoir qu'il reportait cette réforme du contrat de croissance et de solidarité à 2008.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une bonne nouvelle !
M. Jean-Claude Frécon. C'est en effet une bonne nouvelle, je le reconnais.
Autre bonne nouvelle, les normes ne seraient plus impératives. Cette question devrait être rediscutée également l'année prochaine.
M. Philippe Marini, rapporteur général. De quoi vous plaignez-vous ?
M. Jean-Claude Frécon. Par conséquent, puisque le débat est renvoyé à l'année prochaine, attendons !
En conclusion, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, permettez-moi de vous donner un exemple très précis de cette réforme de l'État qui a pour objet de permettre à tout le monde de faire des économies. Il s'agit d'un petit problème mais qui risque, je n'en doute pas, de faire quelques vagues dans les collectivités territoriales.
Au titre des fonctions que j'exerce de longue date au sein du comité des finances locales, M. Jean-Pierre Fourcade, président de ce dernier, m'avait chargé du groupe de travail sur la comptabilité M14 .
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très perfectible !
M. Jean-Claude Frécon. Que la première mise en place de cette comptabilité M14 n'ait pas été parfaite est compréhensible. Un certain nombre de modifications doivent être apportées, nous le savons.
J'ai moi-même présidé ce groupe de travail voilà trois ans, et nous avons travaillé durant presque un an et demi. De nombreuses propositions allant dans le sens de la simplification ont été émises, qui visent non seulement à soutenir les efforts de gestion qui sont demandés mais également à accroître la lisibilité et à réduire les dépenses.
Des ordonnances ont été prises par le Gouvernement afin de mettre en oeuvre certaines des propositions de réforme formulées par le groupe de travail, dans lequel étaient représentées toutes les tendances politiques ainsi que les administrations concernées, la direction générale de la comptabilité publique et la direction générale des collectivités locales.
Nous avions notamment suggéré de réduire considérablement le nombre de pages des documents nécessaires à la comptabilité des communes M14. Or l'ordonnance puis les circulaires qui ont suivi ont entraîné le résultat inverse. Ainsi, certains maires nous disent - en s'appuyant parfois sur les travaux du groupe de travail que j'ai présidé, et là, je ne peux pas être d'accord - qu'un document qui, naguère, se présentait sous la forme d'une seule page en nécessite aujourd'hui parfois une vingtaine !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il y a trop de fonctionnaires pour rédiger les ordonnances et les circulaires !
M. Jean-Claude Frécon. Peut-être faudra-t-il effectivement revoir les circulaires, car le document auquel je fais allusion, que nous utilisons souvent dans nos collectivités locales, ce sont les décisions modificatives mineures. Quand il manque 1 000 euros sur une ligne budgétaire, après délibération, le conseil municipal peut décider de transférer cette somme d'une ligne budgétaire à l'autre. Cette décision modificative mineure est répertoriée dans le tableau joint au projet de délibération. Cela prenait une page.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous nous éloignons des orientations budgétaires !
M. Jean-Claude Frécon. Non, monsieur le rapporteur général, il s'agit toujours de faire des économies !
Or, désormais, il faut présenter une nouvelle fois toutes les pages du budget concernées par la modification, ce qui peut correspondre à une vingtaine de pages supplémentaires.
C'est un petit problème, je vous l'avais dit, monsieur le ministre. Mais y remédier serait montrer que nous pouvons faire autrement, que les collectivités locales assument, avec l'État, leur part de responsabilité et qu'elles ne rechignent pas à la tâche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - MM. Jean-Jacques Jégou et Michel Mercier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Roland du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce débat d'orientation sur les finances publiques et les finances sociales constitue l'occasion de s'interroger sur les effectifs au sein de la fonction publique et, plus largement, sur la gestion des ressources humaines de l'État.
Cet enjeu est d'autant plus lourd qu'il s'agit de prendre la mesure des évolutions qui travaillent en profondeur toutes les administrations publiques, en particulier les départs à la retraite massifs des générations issues du baby-boom. Nous connaissons également toutes les contraintes fortes qui pèsent sur les finances de l'État, ainsi que l'impératif d'assainir nos finances publiques.
Le détail de la ventilation des crédits du prochain budget, que vous avez rendu public voilà quelques jours, monsieur le ministre délégué au budget, témoigne d'ailleurs clairement de cette préoccupation.
Il ressort de cette répartition un certain nombre de priorités.
Ainsi, la mission « Justice » se détache, avec 6,28 milliards d'euros de crédits, soit une augmentation de 5 % par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances pour 2006.
Cette hausse significative mérite d'être saluée, comme doit l'être également l'objectif plus général de baisser de 15 000 emplois les effectifs de la fonction publique d'État.
Dans ce panorama d'ensemble, il convient toutefois de ne pas perdre de vue certaines spécificités inhérentes à la mission « Justice ».
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, le ralentissement du rythme des créations d'emplois dans les juridictions judiciaires avait été souligné. Pour mémoire, 186 postes de magistrats et 14 postes de fonctionnaires étaient créés, soit, au final, et après prise en compte des délais d'affectation, 83 équivalents temps plein travaillés pour 86 postes créés.
Au regard des engagements pris dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation budgétaire pour la justice, le taux de réalisation des créations d'emplois dans les juridictions judiciaires, cumulées sur quatre exercices budgétaires, se révèle, ainsi, assez décevant. Il n'atteint, en effet, même pas 50 %.
Ce taux global masque, certes, d'importantes disparités. Des efforts tangibles ont notamment été consentis en faveur des postes de magistrats, avec un taux de création - satisfaisant - de 65 %.
En revanche, le renforcement des effectifs des personnels des greffes reste, à ce jour, trop modeste, le taux de création atteignant seulement 38,5 %. Or un magistrat ne peut travailler utilement sans l'assistance d'un greffier ; malheureusement, dans de nombreuses juridictions, celui-ci fait défaut.
Cette évolution hypothèque la concrétisation de la programmation quinquennale fixée par la loi d'orientation et de programmation budgétaire pour la justice.
Cette situation est d'autant plus regrettable, monsieur le ministre délégué au budget, que les promesses de créations d'emplois faites en 2002 ont suscité de fortes attentes. En tant que rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits de la mission « Justice », j'ai pu personnellement le constater sur le terrain. À la cour d'appel de Paris, où j'ai récemment effectué un stage d'immersion, lors de mes déplacements à l'École nationale de la magistrature et à l'École nationale des greffes, comme dans les juridictions de mon département, j'ai partout noté un sentiment de doute, teinté de craintes pour l'avenir.
Le découragement guette, en particulier dans les rangs des personnels de greffe, qui interprètent cette évolution comme le signe d'un désintérêt et d'une absence de reconnaissance de leur position, pourtant centrale, au sein de l'institution judiciaire.
Le risque est d'autant plus fort que de nombreuses réformes ont fait peser sur ces personnels des charges et des responsabilités supplémentaires : la création des juges de proximité, avec un greffe commun pour le tribunal d'instance et les juridictions de proximité, l'instauration d'une procédure de redressement personnel, qui a entraîné le transfert vers les tribunaux d'instance et de grande instance d'une masse considérable de dossiers de surendettement, ou encore les nouvelles conditions d'intervention du juge des libertés et de la détention, qui conduisent à tenir des audiences tardives dans le cadre des enquêtes de flagrance.
Depuis plusieurs exercices budgétaires, le déséquilibre entre les créations de postes de magistrats et de fonctionnaires tend à se pérenniser. Il se traduit, aujourd'hui, par un ratio entre fonctionnaires des greffes et magistrats de 2,63.
Le rythme des départs à la retraite, qui s'accélérera à partir de 2008, ne peut que contribuer à aggraver cette situation, l'évolution de la pyramide des âges des personnels des juridictions judiciaires étant particulièrement défavorable. Ainsi, ce sont 230 greffiers qui partiront à la retraite en 2008, au moment où une promotion ne comptant que 200 élèves sortira de l'École nationale des greffes.
Ce déséquilibre entre les effectifs de magistrats, d'une part, pour lesquels un effort très significatif a été engagé depuis plusieurs années, et ceux des greffiers en chef et des greffiers, d'autre part, est particulièrement préoccupant et mérite une attention toute particulière, monsieur le ministre.
Alors que de nouvelles promotions, importantes en nombre, vont sortir de l'École nationale de la magistrature, la réforme de l'École nationale des greffes conduite en 2003 a eu pour conséquence un ralentissement du rythme des sorties des promotions de greffiers en chef et de greffiers. La durée de la scolarité à l'École nationale des greffes a en effet été portée de douze à dix-huit mois. La disparition à terme du goulet d'étranglement semble d'autant plus hors de portée que, entre l'ouverture d'un concours de recrutement de magistrats ou de greffiers et l'entrée en école, il peut s'écouler de six à neuf mois. Au total, le délai entre l'autorisation d'un concours de recrutement, accordée en loi de finances, et ses premiers effets sur le terrain s'élève donc à deux ans au moins.
Pourtant, des moyens humains supplémentaires doivent être alloués aux greffes pour permettre à ces services de fonctionner dans de bonnes conditions. Le rôle des greffiers en chef et des greffiers est essentiel aux côtés des magistrats, à l'audience ou encore dans les services administratifs régionaux. Dans mon intervention d'hier, j'ai soulevé le problème du transfert vers ces services de personnels des préfectures : vous vous souvenez, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, que la réponse du ministre délégué aux collectivités territoriales ne m'a pas tout à fait satisfait.
Quelles sont donc, monsieur le ministre, les dispositions prises, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2007, pour répondre aux attentes fortes de nos concitoyens à l'égard de l'institution judiciaire et lui permettre d'assurer efficacement sa mission ?(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, si l'on part du principe que l'état des finances publiques est le reflet de la politique d'un gouvernement, force est de constater que la situation actuelle est préoccupante.
En effet, cette situation est le fruit d'orientations et de choix budgétaires qui n'ont pas démontré toute leur efficacité. Nous sommes d'ailleurs nombreux à le rappeler sur les travées de l'opposition, à l'occasion de l'examen des projets de lois de finances.
Que constatons-nous depuis 2002 ? Tout d'abord, une dégradation continue du solde budgétaire. En 2004, la dette publique a encore augmenté de 2,4 points de PIB et la dépense publique de 4,1 %. La dette publique approche les 67 % du PIB alors que les critères européens, je le rappelle, fixent un plafond de 60 %. Ces quelques chiffres sont éloquents, surtout lorsque l'on sait que le solde budgétaire de 2005 a été artificiellement maintenu par des reports ou des gels de crédits, l'utilisation de recettes non fiscales ou encore la réduction massive des services publics, sous prétexte de modernisation.
Une nouvelle fois, la croissance sert cette année de variable d'ajustement alors qu'elle est toujours susceptible d'évoluer en cours d'année. Le dernier budget, comme le précédent, a été bâti sur une hypothèse de croissance trop optimiste. Déjà, les prévisions retenues en 2004 dans la loi de finances pour 2005 n'ont pas été atteintes. Des éléments liés à l'environnement international ont pesé sur notre taux de croissance : la hausse de l'euro, l'augmentation des prix du pétrole et la désinflation compétitive allemande. Pour finir, le taux de croissance a été de 2 % au lieu des 2,5 % espérés. Tabler sur la fourchette haute est toujours plus confortable au moment de la présentation du budget de l'État mais, finalement, nous le savons bien, les comptes enregistrent une moins-value fiscale. En 2006, nous risquons, hélas ! monsieur le ministre délégué au budget, de connaître la même déconvenue. La loi de finances a été élaborée sur une prévision de croissance de 2,25 à 3 % alors que, une nouvelle fois, celle-ci ne dépassera pas 2 %.
Dans ces conditions, le déficit prévisionnel risque d'être encore très élevé. La Commission européenne est très pessimiste puisqu'elle nous prédit un déficit de 3,1 % du PIB en 2007. Bien qu'une procédure communautaire pèse sur notre pays, cela n'empêche pas le Gouvernement de continuer les baisses d'impôts, notamment en faveur des plus aisés.
Je ne vois pas dans cette politique de stratégie globale de désendettement à long terme. Or il y a urgence : nous connaissons les conclusions du rapport Pébereau et ses chiffres éloquents. Il est clair qu'il existe un consensus sur la nécessité de remettre la France sur un chemin budgétaire plus vertueux...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellent !
M. Yvon Collin. ...ou, en tout cas, d'esquisser la voie menant à un déficit supportable pour les futures générations. En effet, nous savons tous que la pérennité de notre modèle social exige des actions vigoureuses.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo !
M. Yvon Collin. Pour ma part, comme je l'ai évoqué l'année dernière ici même, il me semble essentiel de sortir d'une approche exclusivement franco-française de la politique économique. Il est en effet temps de s'inscrire dans un contexte européen si nous voulons résorber nos déficits publics.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellent !
M. Yvon Collin. En effet, la question posée aujourd'hui à la France concerne l'ensemble des pays de la zone euro : pour chacun des États membres, il s'agit de stopper la dérive des finances publiques sans casser la croissance.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Yvon Collin. Il est tout à fait illusoire d'espérer atteindre cet objectif tant qu'une impulsion forte ne sera pas intervenue au niveau européen. Compte tenu du degré d'interdépendance des économies européennes, la régulation conjoncturelle de l'activité est une question d'intérêt commun. Or, la politique monétaire mise à part, les politiques de régulation de la conjoncture, c'est-à-dire les politiques budgétaires ou salariales, sont des politiques nationales. Cette situation favorise les stratégies individuelles des États membres de la zone euro, lorsqu'il faudrait au contraire une véritable coordination des politiques économiques.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Yvon Collin. C'est pourquoi une initiative politique forte et collective de l'Eurogroupe serait la bienvenue. À cette occasion, quelques principes fondateurs pourraient être rappelés.
Tout d'abord, l'Eurogroupe doit clairement affirmer sa confiance dans l'euro et rappeler que la monnaie européenne permet à l'ensemble des pays de la zone de profiter durablement de taux d'intérêt bas. Ensuite, l'Eurogroupe doit pouvoir s'exprimer collectivement sur le taux de change de l'euro face au dollar. Enfin, l'Eurogroupe doit affirmer que les politiques budgétaires sont aussi au service de la régulation conjoncturelle, dans le respect de la discipline budgétaire.
Monsieur le ministre délégué au budget, depuis cinq ans, le débat budgétaire en Europe est indigent car les États ne respectent pas les engagements qu'ils prennent à l'égard de leurs partenaires, ce qui ne contribue certainement pas à restaurer la confiance dans l'économie européenne.
Enfin, si les taux d'intérêt sont les mêmes dans l'ensemble de la zone euro, les conditions de crédit peuvent considérablement varier d'un pays à l'autre, notamment du fait de systèmes financiers très différents. Les écarts de conjoncture observés ces dernières années tiennent d'ailleurs beaucoup à ces disparités.
En conclusion, l'Eurogroupe doit donc inviter les pays de la zone euro à unifier les pratiques et institutions, leviers de transmission de la politique monétaire, pour évoluer vers un système financier plus homogène. Il n'y aura pas, monsieur le ministre délégué au budget, de croissance économique soutenue et durable en France sans l'unification des pratiques budgétaires au sein de la zone euro. Je suis sûr que vous l'avez bien compris. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour la cinquième année consécutive, les comptes de la sécurité sociale sont en déficit. Pis, depuis trois ans, le déficit du régime général excède les 10 milliards d'euros, puisqu'il est estimé par la commission des comptes de la sécurité sociale à 10,3 milliards.
Mais si l'on prend en compte l'ensemble des régimes de base et le fonds de solidarité vieillesse, le déficit de la sécurité sociale atteindrait environ 15 milliards d'euros en 2006. Or, nous savons à quel point les chiffres peuvent varier en quelques mois, et nous ne serions pas étonnés de découvrir à l'automne un déficit encore plus important.
Il est sûr, en tout cas, que la sécurité sociale connaît une grave crise financière, avec un besoin de financement de l'ordre de 3 milliards d'euros au moins pour la seule année à venir.
Pour les années précédentes, vous aviez eu recours à la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, ce qui équivalait à faire peser sur les générations futures vos orientations budgétaires contestables ; mais, en 2006, cette « largesse » n'est pas envisageable. Évidemment, vos annonces de retour à l'équilibre pour 2007, puis pour 2009, nous paraissent bien irréalistes.
Une fois encore, cette année comme l'an passé, les quatre branches sont dans le rouge.
L'assurance maladie n'a pas réalisé les économies annoncées, ce qui ne nous étonne pas. Le déficit sera d'au moins 6,3 milliards d'euros. Pourtant, la masse salariale est plus importante que prévue et la ponction opérée sur les plans d'épargne-logement s'avère être une véritable manne financière. Malheureusement, elle ne pourra pas être reconduite, et c'est bien heureux pour les petits contribuables pauvres.
Pourtant, les assurés sociaux ont eux aussi été largement mis à contribution, avec des déremboursements massifs de médicaments, l'augmentation du forfait hospitalier ou encore la création du forfait de 18 euros sur les soins lourds.
La branche vieillesse creuse son déficit avec un solde négatif de 2,2 milliards d'euros en 2006 contre 1,4 milliard d'euros annoncé. Ce constat est particulièrement alarmant, car aucun débat de fond n'a été engagé, comme nous le réclamons de longue date, alors que les départs à la retraite commencent à être massifs.
La branche famille voit aussi ses comptes se dégrader avec un déficit de 1,5 milliard d'euros au moins contre 1,2 milliard d'euros prévu. Cela s'explique largement par la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, excessivement coûteuse, bien que ne permettant pas une réelle égalité entre les familles, ce que nous avions d'ailleurs dénoncé lors de sa création.
La sous-dotation chronique de cette branche, en particulier pour le financement des structures collectives, pèse aussi très lourd et met en cause la pérennité du système. On peut aussi s'inquiéter des dernières annonces de M. le ministre Philippe Bas, lors du débat sur le projet de loi réformant la protection de l'enfance, puisqu'il envisage la création d'un fonds dont l'essentiel du financement serait assuré par des charges nouvelles imposées à la Caisse nationale d'allocations familiales, la CNAF.
La branche accidents du travail et maladies professionnelles maintient son déficit, ce qui n'est pas pour autant acceptable. Il convient d'abord de rappeler qu'elle n'est pas initialement autorisée à être déficitaire ; de plus, les arbitrages n'ont pas encore été rendus sur la prise en charge des travailleurs victimes de l'amiante. Les projets de réforme de cette branche sont aussi attendus avec beaucoup d'inquiétude, car chacun sait que le patronat cherche à se désengager de ses responsabilités en matière de santé et de sécurité au travail. D'ailleurs, personne n'ignore que des milliers d'accidents du travail ne sont pas déclarés.
Enfin, en ce qui concerne les deux fonds de financements, le fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA, et le fonds de solidarité vieillesse, le FSV, ils se trouvent, eux aussi, dans des situations dramatiques. Le FFIPSA annonce un déficit de 1,3 milliard pour la seule année 2006,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Plus ! 1,9 !
M. Guy Fischer. ... mais ce sont au total 5 milliards d'euros cumulés qui font défaut.
Voilà pour les premières estimations chiffrées. Cette situation s'explique, selon nous, par des réformes irréalistes, inefficaces et inégalitaires.
C'est principalement le cas de la réforme de l'assurance maladie engagée par M. Douste-Blazy qui est critiquée de toutes parts, que ce soit par les assurés sociaux, bien sûr, qui sont les principales victimes, mais aussi par les mutuelles, les médecins libéraux, les personnels hospitaliers, etc.
Par exemple, le dossier médical personnel est coûteux et sans effet, le forfait de 18 euros n'est pas techniquement applicable et le parcours de soins est incompréhensible, compte tenu du maquis tarifaire. L'hôpital public est littéralement asphyxié, en particulier avec la mise en place de la comptabilité sur la base de la tarification à l'activité, la T2A, qui ne correspond pas au fonctionnement ni aux missions du service public. En revanche, la T2A a permis aux cliniques privées de faire exploser leurs coûts, certaines n'ayant pas hésité à frauder, alors qu'elles sont financées pour l'essentiel par la sécurité sociale.
Nous pensons aussi que l'ONDAM est irréaliste. Par exemple, on sait déjà que, pour 2006, le comité d'alerte signale un dérapage de plus de 600 millions d'euros pour la médecine de ville. Et pour cause : on compense la baisse du nombre des consultations chez les spécialistes, liée à la mise en place du parcours de soins, par la hausse de leurs tarifs !
Les premières victimes de toutes ces réformes sont les assurés sociaux eux-mêmes.
Pour l'assurance maladie, la relative diminution des déficits est due, à hauteur de 80 %, à la croissance des recettes : augmentation de la CSG et de la CRDS, diminution des remboursements, institution d'une contribution de 1 euro par consultation et d'un forfait de 18 euros pour les actes médicaux coûtant plus de 91 euros, et surtout ponction sur l'épargne populaire.
Cependant, plus généralement, c'est le pouvoir d'achat de tous qui baisse, celui des retraités en particulier, lesquels subissent la non-revalorisation des pensions.
Finalement, on constate une grave dégradation non seulement des comptes sociaux, mais aussi du niveau et de la qualité des soins dans notre pays. La permanence des soins n'est plus assurée, les plus démunis ne sont plus protégés, et, plus globalement, la santé devient un bien de luxe, qui se finance individuellement par le recours aux assurances privées, selon la logique anglo-saxonne. Cette tendance est en train de s'affirmer.
Vos choix en matière de solidarité et vos orientations budgétaires sont à nos yeux inacceptables.
Progressivement, sous votre impulsion, les interventions de l'État au titre de la solidarité se réduisent comme peau de chagrin. Vous souhaitez une sécurité sociale résiduelle, centrée sur quelques interventions ponctuelles, le reste étant abandonné aux systèmes assuranciels privés. C'est ce qui explique que vous n'hésitez pas à littéralement assécher les comptes de la sécurité sociale, par le désengagement financier de l'État.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout ce qui est excessif est insignifiant !
M. Guy Fischer. Nous aurons l'occasion d'en reparler à l'automne, monsieur le rapporteur général !
Les chiffres de déficit que vous avancez recouvrent des choix financiers bien contestables. Notre position, en matière de financement de la protection sociale, est radicalement opposée à la vôtre.
Nous pensons, pour notre part, que les moyens de fournir à tous des prestations de sécurité sociale de qualité existent.
Je me bornerai à évoquer, à cet égard, les plus de 21 milliards d'aides directes que vous accordez aux entreprises sous forme d'exonérations de charges, alors que chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître que les exonérations de charges restent sans effet, ou presque, sur l'emploi. Or ces 21 milliards d'euros pourraient permettre de financer bien des actions en matière de solidarité.
Globalement, pour l'ensemble des branches, les exonérations non compensées progresseraient de 10,8 % en 2006, contre 1,6 % en 2005, comme l'indique le rapport transmis par la CNAM au Gouvernement et au Parlement. Cela équivaudrait, pour 2006, à une perte nette, pour les comptes de la sécurité sociale, de l'ordre de 2,3 milliards d'euros.
Une véritable réforme du financement de la sécurité sociale doit donc être engagée, qui permette d'augmenter les recettes, seul moyen de satisfaire l'ensemble des besoins actuels, et de résorber le déficit sans altérer la qualité des soins pour tous, ni le niveau de prise en charge.
En tout état de cause, nous refusons le choix d'une plus forte fiscalisation, par le biais d'un dispositif du type de la CSG, nous rejetons toute idée de TVA sociale ; à l'inverse, nous présentons un projet de refonte du mode de calcul de la cotisation sociale patronale prévoyant une modulation et intégrant la notion de valeur ajoutée, afin de financer la protection sociale. J'espère que ce thème fondera l'un des grands débats de l'automne.
Il s'agit donc de réformer l'assiette des cotisations pour augmenter les ressources et moderniser le financement de la protection sociale, afin de conjuguer, dans la situation présente, solidarité, justice sociale et développement économique, tout en respectant les principes fondateurs du financement de la sécurité sociale.
Il est urgent de répartir plus équitablement les richesses créées, de prélever l'argent là où il est, pour l'orienter vers le financement des besoins sociaux d'intérêt collectif auxquels tiennent nos concitoyens dans tous les domaines, et particulièrement en matière de santé.
C'est avec cette exigence que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen aborderont les débats à venir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la réforme de la protection sociale aura-t-elle lieu ?
La discussion que nous avons eue lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 était en effet emblématique d'une volonté de jeter un voile pudique sur la réalité des comptes sociaux. Lors de nos débats, le Gouvernement s'était félicité de ce que l'ONDAM serait respecté en 2005, pour la première fois depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale.
M. Jean-Jacques Jégou. Rien n'est plus faux, monsieur le ministre : la Cour des comptes soulignait, dans le même temps, l'importance des « défauts d'imputation » qui faussaient l'ONDAM, dont le montant total s'élevait à près de 14,5 milliards d'euros en 2004. Si ce n'est pas là de l'insincérité...
Élargissement de l'assiette de la C3S, relèvement des cotisations de retraite de base et complémentaire et des cotisations de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, taxation des plans d'épargne logement, création d'un ticket modérateur pour les actes médicaux d'un coût supérieur à 91 euros, déremboursement de médicaments : le seul objet des principales mesures inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 était de venir à la rescousse d'une réforme de l'assurance maladie ne permettant pas, par elle-même, d'enrayer l'aggravation des déficits publics. Nous avons adopté un paquet de rustines constitutives d'un énième plan de sauvetage de la sécurité sociale.
La grande réforme de l'assurance maladie du 13 août 2004, la « réforme Douste-Blazy », celle que l'on a osé qualifier de « der des der », laissait de côté toute la politique hospitalière, pourtant responsable de 55 % des dépenses. Ainsi que le soulignait mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, comment espérer réformer en profondeur le système de santé et prétendre juguler le déficit lorsque l'on s'interdit de toucher à plus de la moitié des dépenses ? Cela n'est pas crédible une seule seconde.
Pourtant, le besoin de réforme est criant dans le secteur hospitalier.
Les hôpitaux, en particulier les établissements privés à but non lucratif, ont été frappés de plein fouet par le passage aux 35 heures.
En 2005, la disparition des allégements de charges liés à la réduction du temps de travail a entraîné un coût supplémentaire, pour ces établissements, de l'ordre de 90 millions d'euros.
En outre, le passage aux 35 heures n'a été rendu possible, dans ces établissements, que par un blocage des salaires de tous les personnels pendant trois ans, qui, ajouté aux allégements de charges, a permis de compenser la perte de plus de 10 % des heures travaillées.
Dans le même temps, les agents de la fonction publique hospitalière sont passés aux 35 heures sans subir aucune retenue salariale. Fort logiquement, les organisations syndicales représentant les personnels des établissements privés ont donc demandé une remise à niveau des salaires. Cette remise à niveau grève aujourd'hui le budget de ces établissements.
Les hôpitaux publics, quant à eux, ne sont pas mieux lotis. Leur passage à la T2A ne se fera pas aussi simplement que le Gouvernement l'avait déclaré. Bertrand Fragonard, le président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, a affirmé que l'objectif de convergence tarifaire entre le public et le privé ne serait pas atteint en 2012. Et pour cause : les écarts se justifient par les divergences existant entre les missions du secteur privé et celles du secteur public. Ce dernier doit supporter des charges spécifiques de service public, charges qui expliquent d'ailleurs qu'une fraction importante de la dotation des hôpitaux publics leur soit encore versée de façon forfaitaire à travers les MIGAC, les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation. Comment vont évoluer les enveloppes allouées aux MIGAC ? Mystère...
D'ailleurs, en matière hospitalière, tout est mystère. L'hôpital a fait l'objet de dispositions dispersées entre plusieurs textes, ce qui empêche la représentation nationale d'en évaluer très exactement la portée, entretient le flou artistique et compromet la cohérence du système entre secteur hospitalier et secteur ambulatoire.
Les établissements publics ont cependant besoin d'être remis à flot. En 2005, nous nous interrogions sur la hauteur des investissements nécessaires pour atteindre cet objectif. Tandis que le Gouvernement annonçait un montant de 300 millions d'euros, la Fédération hospitalière de France réclamait 650 millions d'euros. Les besoins de l'hôpital public sont-ils aujourd'hui enfin chiffrés avec objectivité ? Où en est-on de la remise à flot de ces établissements ? Le chantier n'est pas très avancé, si l'on en juge par le montant effrayant des reports de charges évoqués par Alain Vasselle, auxquels les hôpitaux publics recourent pour parvenir à boucler leurs budgets.
Voilà pour le secteur hospitalier, complètement laissé de côté par la réforme de l'assurance maladie. Dans ces conditions, sur quoi a débouché cette fameuse réforme ? Qu'en reste-t-il ? Pas grand-chose, j'en ai peur.
La mise en place du médecin traitant, peut-être ? Pas même. Alors que ce dispositif était présenté comme l'un des piliers de la loi du 13 août 2004, les dérogations demeurent si nombreuses que l'on voit mal comment il pourrait avoir des effets vertueux en termes budgétaires.
L'institution du dossier médical personnel constitue un résultat, me direz-vous ? Il est inutile d'y revenir longuement, nous en avons suffisamment discuté pour que vous connaissiez, messieurs les ministres, ma position sur ce sujet.
Le dossier médical personnel est certes un très beau projet sur le papier, qui vise à une véritable maîtrise médicalisée des dépenses de santé fondée sur l'amélioration de la qualité de l'offre de soins. Toutefois, un dispositif aussi ambitieux a un coût. Or la France prétend faire en dix fois moins de temps et avec dix fois moins d'argent ce que la Grande-Bretagne est péniblement parvenue à accomplir. Encore une fois, ce n'est pas sérieux, et le dossier médical personnel que l'on voit se dessiner n'a plus rien à voir avec celui que l'on nous a « vendu ». Il pourrait ne devenir qu'un simple outil comptable, alimenté à partir des données fournies par un « web médecin » recensant les médicaments prescrits par les praticiens à leurs patients, à partir des historiques des remboursements.
Dans ces conditions, la teneur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 n'était pas étonnante. Il fallait cacher, il fallait replâtrer. Ce qui s'annonce pour l'année prochaine n'est pas non plus étonnant, hélas ! Quelques réformettes, des jeux d'écritures, mais pas l'ombre d'un plan d'envergure.
À ce titre, l'exposé fait par le rapporteur de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, Alain Vasselle, est édifiant. Le Gouvernement se réjouit des chiffres produits dans son rapport d'orientation. Ils n'ont pourtant rien de glorieux en eux-mêmes et, surtout, ils sont loin de refléter l'ampleur des déficits auxquels nous devons faire face.
En 1996, la CADES a été mise en place pour une durée de treize ans. Or on sait que l'échéance sera largement dépassée. Selon Alain Vasselle, la dette reprise par cette caisse s'élèvera, à la fin de 2006, à 110 milliards d'euros, dont plus de 77 milliards d'euros resteront à amortir. C'est dire que nous avons largement abusé des « droits de tirage » sur les générations futures que nous nous sommes octroyés. Comme le suggère Alain Vasselle, il faut interdire d'alimenter encore la CADES à l'avenir.
Cependant, la dette officielle n'est pas toute la dette. La situation des organismes concourant au financement de la sécurité sociale est elle aussi très préoccupante. Elle a justifié qu'un débat spécifique lui soit consacré lors de l'élaboration de la dernière loi de financement de la sécurité sociale.
Les déficits cumulés du FSV et du FFIPSA atteignent environ 8,3 milliards d'euros. Ces déficits, on le sait, résultent de choix de gestion publique bien identifiés. À l'occasion de la transformation, en 2005, du budget annexe des prestations sociales agricoles en établissement public administratif, le FFIPSA, son déficit a été maintenu, en contradiction avec les règles applicables aux budgets annexes, et transféré directement au nouvel établissement. M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État nous a lui-même dit hier combien ce point le préoccupait.
L'État a demandé à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole d'augmenter le montant de l'emprunt qu'elle porte pour le compte du BAPSA. La charge a donc été soustraite du solde d'exécution du budget de l'État, et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 n'a apporté aucune solution pérenne. En conséquence, un déficit de 2,5 milliards d'euros subsistera à la fin de 2006.
Pour ce qui concerne le FSV, sous la précédente législature, plusieurs de ses recettes lui ont été soustraites, tandis qu'il devait assumer de nouvelles charges, telles les allocations de cessation anticipée d'activité. Cela a entraîné l'espèce de faillite à laquelle nous avons récemment assisté : le FSV, n'ayant pu faire face à toutes ses échéances et ne disposant pas de la faculté d'emprunter, a dû différer ses paiements aux différents régimes. La dette du FSV envers le régime général avoisinait, à la fin de 2005, 2 milliards d'euros. La Mutualité sociale agricole a aussi pâti de cette situation et contracté une dette importante. Les diverses mesures prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 n'ont permis de couvrir qu'une petite partie des besoins de financement du fonds. Ici encore, aucune solution pérenne n'a été trouvée, et la situation du FSV a une incidence sur le Fonds de réserve des retraites, qui n'est plus alimenté depuis 2000.
Il reste à mentionner, pour reprendre la typologie de notre rapporteur, la dette « cachée », celle de l'État à l'égard des organismes de sécurité sociale, principalement au titre des compensations d'exonérations de cotisations sociales. Elle atteindrait 4,4 milliards d'euros.
Il y a donc des raisons de ne pas se réjouir, messieurs les ministres ! À quoi ressemblera le PLFSS pour 2007 ? Certainement au PLFSS pour 2006... Il n'y a aucune raison que cela change : un nouveau paquet de rustines nous est promis. Pourtant, quand la dette sociale cumulée menace d'atteindre, d'ici à quatre ans, un total de 105 milliards d'euros, l'heure n'est plus aux rustines !
À quand, messieurs les ministres, un réel plan structurel ? La CNAM a récemment suggéré des pistes ; la mise en oeuvre de ses propositions pourrait engendrer 720 millions d'euros d'économies supplémentaires. Ces réflexions doivent s'insérer dans le cadre d'un « plan médicament » repensé. Je n'évoquerai pas les préconisations formulées dans le rapport Cannac, Jean-Marie Vanlerenberghe s'en étant chargé.
Un autre dossier clef a trait aux sources de financement de la protection sociale. Tandis que les ressources de la sécurité sociale sont encore principalement de nature assurancielle et pèsent sur l'emploi, les prestations assurées obéissent de plus en plus à une logique de solidarité nationale. Cette situation pose problème. Ici encore, les solutions existent : TVA sociale,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Jean-Jacques Jégou. ... cotisation prélevée sur la valeur ajoutée ou sur le chiffre d'affaires pondéré par la masse salariale, contribution patronale généralisée...
Ainsi, ce ne sont pas les pistes de réforme qui manquent, messieurs les ministres ; seule la volonté politique fait défaut. Effectivement, les décisions à prendre imposent que soient faits de véritables choix, des choix parfois impopulaires, donc difficiles à assumer. Aujourd'hui, ces choix ne sont pas faits. Nos enfants paieront le prix de notre manque de courage. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, selon le récent rapport d'information présenté par la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, présidée par M. Alain Vasselle, la dette sociale se monte aujourd'hui à 77 milliards d'euros. Dans quatre ans, si l'on continue sur la même voie, elle s'élèvera à près de 110 milliards d'euros. Ce débat d'orientation nous rappelle que nous sommes aujourd'hui au bord du précipice.
Le Gouvernement a voulu faire de la réforme des finances sociales l'un des points forts du bilan de la législature 2002-2007 grâce à la loi portant réforme des retraites de 2003 et à la loi relative à l'assurance-maladie de 2004. À un an de l'élection présidentielle, il faut bien admettre que sa politique de pilotage des finances sociales est un fiasco.
Pour la deuxième année consécutive, toutes les branches - maladie, vieillesse, famille, travail - devraient être dans le rouge. Les chiffres publiés le 8 juin 2006 par la commission des comptes de la sécurité sociale montrent en effet que le déficit du régime général devrait atteindre cette année 10,3 milliards d'euros, au lieu des 8,9 milliards annoncés lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.
Ainsi, le compte de la branche vieillesse sera déficitaire en 2006 de 2,2 milliards d'euros, et non pas de 1,4 milliard d'euros comme cela avait été annoncé.
Quant au compte de la branche famille, son déficit est estimé à 1,5 milliard d'euros, et non à 1,3 milliard d'euros comme annoncé.
Enfin, avec un manque de 152 millions d'euros pour l'année 2006, même le régime de la branche accidents du travail se trouve dans une situation médiocre.
Cela n'empêche d'ailleurs pas M. le ministre de la santé et des solidarités de rester optimiste, puisque, dans Le Quotidien du médecin du 8 juin 2006, il donne rendez-vous à ses détracteurs pour la fin de l'année, comme si, d'un coup de baguette magique, les mois restants allaient connaître brusquement un revirement.
Il est vrai que le Gouvernement table sur la réussite de la maîtrise médicalisée des dépenses de l'assurance maladie et sur la croissance exceptionnelle des recettes du régime de la sécurité sociale en 2005, de l'ordre de 5,3 %. Nous en reparlerons.
Pour nous, quelques exemples, branche par branche, montrent d'ores et déjà la dérive entre les pratiques et les résultats.
Je pense notamment à la politique de remboursement des médicaments dans la branche maladie. En effet, le plan d'économies prévu en novembre 2006 aurait dû rapporter 2,1 milliards d'euros. Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale a montré que l'abandon ou le report des baisses de prix décidé en début d'année, y compris pour le déremboursement de médicaments à service médical insuffisant, va entraîner un manque à gagner de 500 millions d'euros. Et ne parlons pas du reste !
Concernant la branche vieillesse, dont vous vous êtes félicité, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, la hausse de 0,2 % du taux de cotisations sociales cette année n'a pas empêché une aggravation de son déficit de 800 millions d'euros. Vous nous dites que cette situation résulte du succès de la mesure du départ anticipé ; certes, mais, là aussi, les décisions d'équilibre sont reportées à 2008, date de la « revoyure ». Allez-vous donner chaque année un coup de pouce aux recettes en augmentant les taux de cotisations ?
En ce qui concerne la famille, vous avez évoqué le surcoût de la PAJE. Or, nous vous avions prévenu l'année dernière de la sous-estimation du coût de cette prestation. Ainsi, alors que vous aviez estimé son financement à 1,2 milliard d'euros lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, son montant réel est évalué aujourd'hui à 1,43 milliard d'euros, soit plus de 200 millions d'euros de déficit supplémentaire.
Mais ce n'est pas tout : en décidant, la semaine dernière, de faire financer par cette branche les nouveaux dispositifs prévus dans le projet de loi réformant la protection de l'enfance, que vous avez défendu dans cette enceinte, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, vous accentuez d'au moins 150 millions d'euros - c'est votre estimation, pas celle des présidents de conseils généraux - les déficits de la branche.
M. Bernard Cazeau. Or, nous le savons, cela ne fait pas partie de la politique familiale et doit donc être financé par le budget de l'État, et non par les assurés sociaux.
Parallèlement, on peut aussi se demander pourquoi vous n'avez pas jusqu'à présent signalé les éléments relatifs aux créances des organismes sociaux envers l'État.
L'article 17 de la loi organique de 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a instauré l'obligation pour le Gouvernement de communiquer au Parlement la situation semestrielle des sommes restant dues par l'État aux régimes obligatoires de base de la sécurité sociale ; or, le premier état semestriel, qui vient d'être transmis au Parlement, fait ressortir qu'au 31 décembre 2005 l'État devait 4,4 milliards d'euros aux organismes de sécurité sociale.
On peut citer comme exemple les allégements de charges sur l'emploi, que l'État renâcle à rembourser dans leur totalité à la sécurité sociale alors que la loi Veil de 1994 le prévoit pourtant. Chaque année, un peu plus de 2 milliards d'euros d'exonérations ne sont pas compensés. Ces allégements connaîtront une forte augmentation en 2006, notamment avec la mise en place du plan de développement de l'emploi à domicile.
Vous avez déclaré à l'Assemblée nationale, la semaine dernière - M. Fischer l'a évoqué -, que l'ONDAM a été respecté en 2005. Mais chacun sait déjà qu'il ne le sera pas en 2006.
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Bernard Cazeau. Le comité d'alerte signale, pour la seule médecine de ville, un dérapage de 600 millions d'euros. Des financements complémentaires seront en outre nécessaires pour les hôpitaux publics et privés. Seront-ils seulement remboursés dans un an ?
Dans ces conditions, on peut comprendre nos doutes sur la promesse de M. Xavier Bertrand de ramener le déficit de la sécurité sociale à 4 milliards d'euros en 2007, ...
M. Jean-Claude Frécon. C'est bien vrai !
M. Bernard Cazeau. ...ou sur la vôtre, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, puisque vous évoquiez un retour à l'équilibre seulement en 2009.
M. Bernard Cazeau. Il faudra harmoniser vos violons !
Abordons la question des fonds sociaux dont vous parlez d'ailleurs très peu, et particulièrement des déficits cumulés du FSV et du FFIPSA. En effet, pour 2005, ce déficit cumulé atteint, pour le FSV, 3,7 milliards d'euros et, pour le FFIPSA, 4,6 milliards d'euros, soit un total de 8,3 milliards d'euros.
Le Fonds social vieillesse a atteint son point culminant de déficit en 2005, avec un manque de 2 milliards d'euros. Si aucune décision n'est prise par l'État, la dégradation se poursuivra pour atteindre un déficit cumulé de 8,2 milliards d'euros en 2009. Rappelez-vous que l'Etat se doit d'assurer l'équilibre budgétaire, comme le précise l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale. La Cour des comptes vous en a fait la remarque, et son président a menacé d'aller jusqu'à la non-certification des comptes.
Quant au FFIPSA, successeur en 2005 du BAPSA déjà déficitaire, son déficit cumulé est aujourd'hui de 3,2 milliards d'euros, malgré une reprise de la dette - il est vrai incomplète -par l'État. Là aussi, il s'agit d'un déficit structurel dont on peut prévoir, si rien n'est fait, qu'il s'élèvera, en 2009, à 9,4 milliards d'euros.
Le Gouvernement cherche manifestement ici toute solution qui lui permettrait de ne pas avoir à équilibrer le financement, malgré l'article L. 731-4 du code rural, en mettant à contribution la sécurité sociale au titre de la compensation inter-régime.
S'agissant de la dette sociale, le gouvernement en place depuis 2002 a à l'évidence échoué à réformer l'assurance maladie parce qu'il n'a pas pris la mesure des difficultés structurelles que connaît aujourd'hui notre système de soins.
Il s'agit bien, en effet, de moderniser l'assurance maladie en regardant les problèmes en face. Or le rapport du député Pierre-Louis Fagniez sur les orientations des finances sociales pour 2007 n'y répond pas. Rappelons d'abord que la dette reprise par la CADES s'élèvera, à la fin de 2006, à près de 110 milliards d'euros, dont plus de 77 milliards d'euros resteront à financer.
L'année dernière, les recettes issues de la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS ont augmenté de 5,8 % par rapport à 2004 et ont représenté 5,2 milliards d'euros. Les intérêts payés sur la dette ont grimpé à 2,546 milliards d'euros après la reprise, prévue par la loi relative à l'assurance-maladie, de plus de 41 milliards d'euros de dettes supplémentaires. Cela signifie que le remboursement des seuls intérêts mobilise la moitié des recettes de la CADES. Depuis sa création en 1996, elle a « amorti » 35 milliards d'euros.
En dépassant un montant de 100 milliards d'euros, cette dette nous paraît avoir atteint des sommets, comme l'a dit notre collègue Alain Vasselle. Continuer à engranger du déficit dans la boîte CADES nous paraît aujourd'hui constituer une solution de commodité dangereuse pour l'avenir des générations futures qui auront à assurer notre impéritie.
Les perspectives de la dette sociale sont loin d'être réjouissantes ; le déficit cumulé, qui s'amplifie d'année en année, montre bien que les structures, et pas seulement la gouvernance, sont en cause.
S'agissant de l'assurance maladie, nous allons de plus en plus vers la déstructuration du système de sécurité sociale, tel qu'il a été mis en place dans l'après-guerre. Certains n'attendent d'ailleurs que cela pour récupérer une partie des royalties qu'ils espèrent obtenir avec un système de privatisation rampante tel que nous le voyons se dessiner pour l'avenir. Faute de mesures courageuses, à l'image d'ailleurs de celles qui ont été prises dans des pays voisins comme l'Allemagne, le système actuel ne pourra être sauvé.
Je vous l'ai déjà dit, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, les réformes que vous avez mises en place ne me paraissent pas à la mesure du sujet.
M. Bernard Cazeau. La semi-stabilisation du déficit est due à la fois à des recettes exceptionnelles - le fusil à un coup dont a parlé tout à l'heure l'un de nos collègues de la majorité - et à des recettes de poche ponctionnées essentiellement sur les malades.
Cela ne durera pas, et il faudra que vous ouvriez les yeux sur l'efficacité de votre politique d'astuces comptables et d'économies de chandelles.
Vous avez fait le choix de ressortir ce vieux serpent de mer de la maîtrise médicalisée, qui a montré depuis des années ses limites. Tout le monde connaît le destin des différentes mesures appliquées depuis vingt ans en ce domaine.
Sans doute, monsieur le ministre, était-il difficile dans votre esprit de faire une réforme sans le concours des professionnels de santé, mais il eût été plus courageux de convaincre et de s'appuyer sur une majorité de plus en plus grande d'entre eux qui se rendent compte de l'impasse dans laquelle vous les amenez.
Plutôt que d'avoir cette volonté politique forte, vous vous êtes laissé bercer par la petite musique des partisans de la politique de l'autruche, dont on a d'ailleurs vu, lors des récentes élections régionales, qu'ils étaient loin de représenter la majorité dont ils se revendiquent habituellement.
En fait, vous êtes en train de démontrer encore une fois qu'il est impossible de régler ce problème de manière consensuelle, et vous reportez sur vos successeurs une véritable réforme.
Faute de cela, il existe aujourd'hui un risque de banalisation de la notion de déficit dans l'esprit des assurés sociaux et de leurs représentants, qui finissent par penser que l'existence de déficits persistants des comptes publics ne nuit pas au bon fonctionnement de l'État et de la protection sociale. Espérons que cela ne sera pas une entrave à la mobilisation future des acteurs du monde de la santé lorsque viendra le moment où une véritable politique s'attaquera à la réforme de fond aujourd'hui nécessaire dans nos organismes sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi de faire sur les orientations budgétaires quelques remarques d'ordre purement financier inspirées par mon expérience de la gestion d'entreprises.
Certes, il est difficile de faire des économies, car cela pose beaucoup de problèmes aux intéressés, mais trouvez-vous normal que l'État emprunte de l'argent pour financer des dépenses de fonctionnement des entreprises privées ? Je ne suis pas contre les aides de l'État aux entreprises privées, mais sous forme d'aides à l'investissement, et non pas d'aides au fonctionnement.
L'aide au fonctionnement est en effet récurrente par nature, c'est-à-dire qu'elle doit être renouvelée chaque année, et il n'y a aucune possibilité de la rembourser puisqu'il n'y a aucune création de richesse en contrepartie, d'où une augmentation permanente de l'endettement et donc de la charge de la dette, ce qui réduit d'autant le montant de nos ressources fiscales.
Certes, la suppression de ces aides ne fera pas plaisir aux entreprises, mais on ne peut pas faire plaisir à tout le monde et ce n'est pas une raison pour emprunter : quand on n'a pas d'argent, on ne le dépense pas et on n'emprunte que pour investir.
M. Jean-Jacques Jégou. Ah oui !
M. Serge Dassault. Les chefs d'entreprise devraient comprendre aussi qu'ils n'ont pas intérêt à voir l'État continuer à s'endetter pour leurs propres entreprises.
La suppression des aides au fonctionnement pourrait être réalisée graduellement, mais encore faudrait-il commencer. M. Pébereau a démontré dans son rapport quel danger il y avait à continuer à s'endetter sans réduire notre déficit. Il faudrait donc commencer à réagir, et ce ne sera pas la gauche qui le fera, car, sans accroître les recettes, elle augmentera encore les dépenses et donc l'endettement.
Quels que soient les avantages - importants, j'en conviens - que constituent ces aides de l'État pour ceux qui en profitent, notre situation financière ne nous permet plus d'en supporter le coût : il faut l'admettre et faire comprendre aux bénéficiaires que nous ne pouvons plus continuer ainsi, car nous n'en avons pas les moyens. Dans une entreprise, quand on n'a pas les moyens de financer un investissement, on ne le fait pas, et on n'emprunte jamais pour payer les dépenses de fonctionnement.
Alors que d'autres pays, comme le Canada, le Royaume-Uni ou le Danemark, ont supprimé leur déficit budgétaire en quelques années en prenant des mesures draconiennes, nous continuons, pour notre part, à dépenser plus que nous ne gagnons.
Messieurs les ministres, permettez-moi de vous rappeler une fois de plus que le financement par l'emprunt des 35 heures et autres dispositifs associés représente chaque année pour l'État plus de 10 milliards d'euros de dettes nouvelles, soit le quart de notre déficit. En supprimant cette charge, nous ramènerions le déficit à 2,2 % du produit intérieur brut, ce qui changerait beaucoup de choses.
Alors, pourquoi continuer à payer cette charge, en s'accrochant à ces 35 heures, qui constituent la plus grave atteinte jamais portée à notre économie,...
M. Dominique Braye. C'est vrai ! C'est courageux de le dire !
M. Serge Dassault. ...aussi bien dans les entreprises que dans l'administration ?
Certes, il est très agréable de travailler moins et de partir davantage en vacances, mais c'est au prix de l'augmentation de nos coûts de production. Or, en conséquence de cette aggravation de nos coûts, nos produits ne se vendent pas bien, car nos concurrents travaillent plus, mieux et pour moins cher, nos entreprises se délocalisent et le chômage augmente.
Alors que l'État n'est plus en mesure de payer les compensations et que la dette de notre pays s'aggrave, quel est l'intérêt de continuer dans cette voie ?
Il faut être raisonnable : les 35 heures sont insupportables à notre économie et à notre budget, et nous sommes les seuls au monde à subir une telle contrainte. Tous les autres pays travaillent plus que le nôtre, pour moins cher, et nous inondent de leurs produits ; nous, nous ne vendons plus rien !
Que l'on garde l'horaire standard à 35 heures, pourquoi pas ? Mais que l'on réduise au moins le montant du coût des heures supplémentaires, entre 36 et 39 heures, de 1,25 à 1,10 !
La mise en oeuvre de cette première proposition permettrait d'alléger d'autant le coût salarial des entreprises, et nombreuses sont celles qui ont besoin d'une main-d'oeuvre travaillant plus de 35 heures. L'État pourrait alors réduire le montant des compensations, et donc réduire son déficit.
Quant aux emplois aidés, quels que soient le nombre des embauches qu'ils entraînent et leur intérêt, ils aggravent aussi le déficit, car, pour les financer, des emprunts sont nécessaires, et j'aimerais d'ailleurs connaître le nombre des emplois aidés créés chaque année dans le cadre du dispositif existant...
Je pense aussi qu'il serait préférable, pour les entreprises et pour les salariés, que l'État transforme ces aides non productives en aides à l'investissement pour favoriser la recherche ainsi que la modernisation des entreprises et de l'outil de travail, notamment dans les PME. Plus efficace que le paiement d'une partie des salaires, une telle réforme provoquerait embauches et production de richesses.
Enfin, un autre dispositif dont on a beaucoup parlé ici et qui concerne le financement de la sécurité sociale serait favorable à la réduction du déficit et à l'emploi.
Financer la sécurité sociale par des charges sur les salaires est un non-sens, car le montant des salaires n'a rien à voir avec la sécurité sociale. Ces charges représentent pour les entreprises 100 milliards d'euros et elles augmentent leurs coûts de production. Il serait donc plus utile de financer autrement la sécurité sociale.
On parle beaucoup de TVA sociale ou de valeur ajoutée, mais je voudrais évoquer - rapidement - une autre solution : l'utilisation d'un coefficient associé au montant du chiffre d'affaires moins la masse salariale.
Il est plus normal d'assujettir une entreprise en fonction de son résultat et de son chiffre d'affaires, c'est-à-dire de son activité, que de son coût du travail : sur le coût du travail, le paiement est immédiat tandis que, sur les résultats, il dépendrait du succès de l'entreprise. Si cela ne marche pas, tant pis !
L'instauration de ce coefficient, que j'appelle le coefficient d'activité, permettrait de diminuer le poids des charges sur les salaires de 30 %, de favoriser l'emploi, de réduire les coûts de production et le montant des aides de l'État à la sécurité sociale.
Elle favoriserait l'emploi, car les entreprises de main-d'oeuvre paieraient moins que les entreprises de services et les importateurs. La sécurité sociale serait financée non plus par les salaires mais par ce coefficient d'activité associé au montant du chiffre d'affaires.
Un tel dispositif favoriserait aussi l'équilibre de la sécurité sociale, car, en augmentant ce coefficient, on pourrait augmenter ses ressources sans que cela coûte quoi que ce soit à l'État.
Voilà quelques idées que je me permets de vous soumettre, messieurs les ministres, et qui, je l'espère - on peut rêver -, seront un jour appliquées pour le plus grand bien de notre budget dont le déficit pourrait ainsi être réduit. Réduire le financement des 35 heures, revoir celui des emplois aidés, adapter le coefficient d'activité pour financer la sécurité sociale, voilà quelques propositions, sans doute trop résumées, que je voulais vous soumettre pour participer à la diminution de notre déficit budgétaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Dans ce débat d'orientation budgétaire passionnant, de nombreux intervenants se sont exprimés tout au long de la journée, apportant leur part de commentaires, d'explications, d'analyses, en quelque sorte de vérités.
Je veux à mon tour donner quelques éléments de réponse aux questions qui ont été posées, tout en me livrant à des réflexions peut-être plus personnelles sur ces différentes interventions dont je tiens à remercier les auteurs ; en effet, au-delà des différences qui, naturellement, peuvent, ici ou là, nous opposer les uns et les autres, j'y ai trouvé de quoi nourrir utilement les réflexions que je suis appelé à mener d'ici au grand débat qui nous attend à l'automne sur le projet de loi de finances pour 2007.
Monsieur Arthuis, comme toujours, votre intervention a été claire et précise. Je vous sais gré de la précieuse contribution qu'une fois encore la commission des finances apporte au ministre chargé du budget : elle permet au Gouvernement de travailler en bonne intelligence avec la Haute Assemblée, en veillant à ce que les préoccupations de celle-ci soient le mieux possible prises en compte.
Vous avez souligné que nous disposions de deux leviers : la réforme de l'État et la compétitivité de notre système de prélèvements.
S'agissant de la réforme de l'État, les outils existent, de même que la volonté politique. Il nous appartient donc maintenant de la réussir ensemble. Vous aviez encouragé la démarche des audits que j'ai lancée, approbation dont je comprends aussi qu'elle puisse être teintée d'un peu de scepticisme tant qu'elle n'aura pas donné tous ses résultats. Vous reconnaîtrez avec moi que nous avons déjà progressé depuis l'annonce du lancement de ces fameux audits.
Je vous ai promis que nous adosserions l'ensemble de nos programmes d'économie sur les résultats de ces audits : je vous donne donc rendez-vous au mois d'octobre pour en reparler.
En tout état de cause, s'agissant de la mise en oeuvre de la LOLF, vous avez souligné l'importance qui s'attache à la réalisation du bilan d'ouverture de l'État, bilan intéressant et important parce qu'il permet d'analyser plus en profondeur la situation financière de l'État. Nous en avions parlé en commission voilà quelques jours ; je veux dire ici que j'y travaille d'arrache-pied, naturellement en lien avec la Cour des comptes. Nous serons particulièrement vigilants quant à la qualité des informations qui y figureront, et je tiendrai le plus grand compte des observations et recommandations que le Parlement, notamment la Haute Assemblée, voudra bien me faire sur ce sujet.
S'agissant de la compétitivité dans la structure de nos prélèvements obligatoires, nous avons également déjà parcouru un chemin important, notamment grâce à votre appui, avec la réforme fiscale adoptée en 2006 puis avec la réforme de la taxe professionnelle, longuement débattue au Sénat.
Quant au financement de la protection sociale, c'est un chantier de longue haleine. Je sais que la TVA sociale vous tient à coeur ; je me suis attelé à l'étude de ce sujet, qui mérite un débat au sens noble du terme et donc toute notre attention.
Je constate qu'un certain nombre d'orateurs ne sont plus là, et j'en viens donc à ma réponse à M. Othily. Monsieur le sénateur, vous avez, à juste titre, souligné à quel point il était important d'atteindre le solde stabilisant ; cette notion relativement nouvelle dans nos débats, même si elle est régulièrement évoquée, m'a semblé prendre cette fois un tour particulier, à mettre en relation avec les conclusions de la commission Pébereau, avec l'objectif de désendettement et avec la mise en oeuvre de la LOLF.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention vos observations sur ce sujet, car tel est bien notre objectif pour 2007, avec un déficit estimé à 2,5 % du produit intérieur brut, taux un peu différent de celui que vous avez cité, qui correspondait au solde stabilisant pour 2005, alors que, pour 2007, nous estimons que la croissance sera plus élevée. Or, et nous aurons l'occasion d'en reparler, il y a un lien étroit entre ces deux éléments.
Vous avez par ailleurs souligné l'importance qui s'attache à l'écart entre les revenus du travail et ceux de la solidarité. C'est aussi, monsieur le sénateur, l'un de mes chevaux de bataille.
Notre pays ne peut pas continuer à accepter qu'un RMIste perde de l'argent s'il retrouve un travail. Laisser perdurer une telle situation reviendrait à transformer le RMI en une forme de statut alors même que ce ne peut être qu'une voie de passage vers le retour à la vie active.
Je sais que, dans le combat qu'il va nous falloir mener sur ce front, vous serez en première ligne.
Nous devons faire des progrès à l'image de ceux que nous avons déjà accomplis avec la revalorisation de la prime pour l'emploi, laquelle a permis d'établir un véritable écart entre, d'une part, le niveau du SMIC plus prime pour l'emploi et, d'autre part, le niveau du RMI. Certes, ce n'est pas suffisant, mais c'est un premier pas très significatif.
Il n'en reste pas moins que l'allocataire du RMI - comme celui d'ailleurs, exemple que vous avez cité, de l'allocation de parent isolé -, qui bénéficie de la CMU gratuite et de la CMU complémentaire, qui ne paie ni impôts locaux ni redevance audiovisuelle et qui, dans la plupart des cas, se voit assurer par sa collectivité garde d'enfant, cantine et transport scolaire gratuits, perd une bonne partie, voire la totalité de ces avantages au moment où il reprend un travail rémunéré au niveau du SMIC, y compris à temps partiel. Ce n'est pas sain.
Comme nous ne saurions continuer dans ce dispositif, il nous faudra, à l'évidence, avancer dans ce domaine. Sur ce sujet, nous aurons bien sûr à nous inspirer de l'excellent rapport réalisé par MM. de Raincourt et Mercier.
On ne peut pas dire que l'État ne soit pas présent outre-mer, à travers tant les crédits budgétaires provenant de tous les ministères que le dispositif spécifique de défiscalisation. Il y a, par ailleurs un plan de 150 millions d'euros pour la Guyane, et vous souhaitez, je le sais, monsieur Othily, la mise en place d'une zone franche médicale.
Il ne doit pas y avoir de malentendus entre nous sur ce sujet. Je suis tout à fait prêt à étudier cette question avec vous, mais chacun sa compétence. En ma qualité de ministre délégué au budget, je ne suis pas en mesure d'apprécier ce qu'est le contenu d'une zone franche à vocation de santé ou médicale. Pour donner du contenu à ce projet, il faut donc se rencontrer et y travailler à trois, le ministre de la santé, vous, et moi. Je prendrai en charge le volet fiscal et suis naturellement prêt à collaborer activement avec vous.
Monsieur Frécon, que vous est-il arrivé ? Que signifie ce démarrage en trombe, ce reproche que vous m'adressez de faire, au banc du Gouvernement, de la politique ?
Mme Nicole Bricq. De la politique politicienne !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le Sénat ne serait-il plus une assemblée où se tiendraient des débats politiques ?
Voilà qui est bien insolite venant de vous ! Vous fustigez en effet depuis des années, comme d'autres, et à juste titre, la dérive technocratique du débat politique, qui rend ce dernier de plus en plus inaccessible et incompréhensible à force de chiffres et de concepts, alors que les Français attendent du concret et des réflexions sur lesquelles chacun puisse se prononcer.
Ainsi, lorsque c'est le ministre qui parle et qui a le malheur d'aborder la question de manière politique, il aurait tort, et vous, qui ne le feriez jamais, vous auriez raison ? (M. Jean-Claude Frécon fait un signe de dénégation.)
Monsieur Frécon, je ne vois vraiment pas au nom de quoi j'aurais tort, lors d'un débat budgétaire, de chiffrer le projet socialiste, qui n'est autre que la manière de gérer les finances publiques de la France pour le cas où, si jamais un jour, par malheur vu de mon point de vue et par bonheur vu du vôtre, vous arriviez au pouvoir. Comprenez tout de même qu'à quelques mois de la prochaine élection présidentielle le ministre du budget qui présente ses comptes...
Mme Nicole Bricq. De mauvais comptes !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...a quelques raisons d'évoquer, en le chiffrant, le projet socialiste !
Cela dit, et sans vouloir en rajouter dans la politique, vous m'avez quand même tendu la perche ! Il y a, c'est vrai, d'un côté, le projet socialiste, dont j'ai bien compris que votre premier secrétaire avait dit qu'il était le projet de tous les socialistes - sous-entendu, les amendements sont interdits, puisque le projet est adopté -, et, de l'autre côté, des candidats à la candidature qui ne sont absolument pas d'accord avec ce programme. Vous allez me dire que je refais de la politique, mais non, je me contente de regarder les faits !
Alors que Ségolène Royal se dit contre les 35 heures, vous votez, dans votre projet, la généralisation des 35 heures !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas logique !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et alors que Dominique Strauss-Kahn dit ne pas vouloir donner la priorité à la nationalisation d'EDF, renouant enfin avec la cohérence de ses écrits d'il y a cinq ans, vous en faites la priorité absolue de la plate-forme du parti socialiste ! Comme, en plus, vous ne savez pas financer les 11 milliards d'euros, vous allez nous raconter que c'est la Caisse des dépôts et consignations qui, avec tout son argent, tel Picsou avec tous ses billets de banque, va refinancer la nationalisation d'EDF !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si cela pouvait être vrai !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et vous voudriez que je ne le dise pas ici, sous prétexte que ce serait transformer le Sénat en tribune politique ?
Quoi qu'il en soit, je me suis dit que, pour que M. Frécon me reproche de faire de la politique, c'est que lui n'en ferait pas à la tribune ! Et le voilà qui, une fois monté à la tribune, après m'avoir reproché de faire de la politique, en fait trois plus que moi,...
M. Jean-Claude Frécon. Non !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... m'expliquant que, là où moi je faisais de la caricature, lui n'en fait pas ! Et il utilise tout son temps de parole pour nous démontrer que le méchant État, de la méchante droite, de l'UMP prend l'argent aux pauvres collectivités locales - comprendre les collectivités locales socialistes !
M. Jean-Claude Frécon. J'ai exprimé la position de l'Association des maires de France !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Bien sûr que non ! C'est la position de l'Association des régions de France, l'ARF, qui, comme chacun le sait, est totalement apolitique !
M. Jean-Claude Frécon. Je n'en fais pas partie !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Frécon, sur ce sujet, il y aurait beaucoup à dire. Moi, je rêve que l'on dépolitise le débat entre l'État et les collectivités locales, pas au sens noble du terme, mais au sens partisan. Je rêve que l'on puisse faire les comptes une bonne fois pour toutes !
C'est la raison pour laquelle - vous vous en souvenez peut-être - j'avais proposé dans cet hémicycle, puis devant la conférence des finances publiques, que nous mettions tout sur la table, ce que l'État doit aux collectivités locales, mais aussi ce qu'il leur donne.
Vous avez dit tout à l'heure avec une certaine fierté, à laquelle je rends hommage, que les collectivités locales ne sont jamais endettées pour leur fonctionnement. Mais encore heureux, avec tout ce que l'État donne en dotations !
Vous avez dit ensuite qu'il fallait tout mettre à plat et que, sur le contrat de croissance, on aurait pu mieux faire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est déjà pas mal !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Souvenez-vous quand même que, depuis 2002, l'État n'a augmenté à aucun moment sa dépense publique au-delà de l'inflation, honorant, à l'euro près, son contrat de croissance, à hauteur de 3 % en moyenne depuis quatre ans. Ce n'est pas si mal pour un État radin à l'égard des collectivités locales !
Que tout soit parfait, certes loin s'en faut ! D'ailleurs, vous l'avez dit avant moi ! Comme quoi, il est des moments où, finalement, nous nous retrouvons en cette fin de journée !
En effet, dans certains domaines, l'État ne se conduit pas avec suffisamment de clarté à l'égard des collectivités locales. Quand il décide des transferts de compétences, il y a un moment où il faut s'arrêter. Rappelez-vous l'APA, qui n'était pas une bonne idée...
De la même manière, on peut considérer que, sur un certain nombre de sujets, mettre tout à plat, cela veut dire associer les collectivités locales aux décisions qui engagent leurs finances, par exemple dans le domaine de la fonction publique.
Pour ma part, je suis persuadé que, avec un peu de bonne volonté, nous pourrions faire des choses ensemble avant et, surtout, après les prochaines échéances électorales, qui ont tendance à déchaîner les passions : regardez comme vous étiez énervé tout à l'heure à cette tribune...
M. Jean-Claude Frécon. Je n'étais pas énervé !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'ai bien vu que tout cela vous avait passionné !
J'ajoute qu'une mission très intéressante a été confiée par le conseil d'orientation des finances publiques à M. Pierre Richard, s'agissant de la possibilité de maîtrise de la dépense publique locale. Sur ce sujet, nous aurons certainement de quoi partager des expériences.
Monsieur du Luart, j'ai reçu cinq sur cinq votre message concernant le budget de la justice. À ce propos, je voudrais vous remercier pour la qualité de votre exposé.
À travers votre démonstration, nous voyons bien qu'il est certainement possible de réaliser des économies de manière intelligente, mais que rien ne serait pire que de vouloir gagner en productivité de manière totalement basique, sans chercher à le faire intelligemment.
Votre articulation magistrats-greffiers illustre bien la distinction à faire entre une économie intelligente et une économie qui ne l'est pas.
Nous parlons avec suffisamment de liberté pour que je puisse vous le dire : je vais de ce pas évoquer cette question avec le ministre de la justice. En effet, il y a certainement des choses intéressantes à mettre en oeuvre, s'agissant tant de l'application de la loi d'orientation pour la justice que, plus généralement, de l'application de la LOLF.
Dans ce domaine compliqué, nous avons bien des difficultés. Je pense, en particulier, aux frais de justice, dont l'évaluation est très difficile en l'absence de crédits évaluatifs. Je me suis d'ailleurs souvent entretenu avec M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général de ces problèmes d'application.
Monsieur Jégou, j'ai écouté avec beaucoup d'attention votre intervention, dont j'ai apprécié la précision, même s'il nous arrive de ne pas toujours être d'accord. Je suis vraiment très attentif à la question du FFIPSA. Comme je vous l'ai dit en d'autres circonstances, nous avons trouvé une première solution sur une partie du stock de dette, puisque nous avons recapitalisé - si j'ose l'expression - à hauteur de 2,5 milliards d'euros. Cela ne suffit pas. Il faut s'occuper du flux. Je vous associerais bien volontiers à la réflexion de l'automne prochain, car ce sont des sujets sur lesquels nous pouvons avancer d'un même pas de manière constructive à travers les conclusions du groupe de travail présidé par M. Chadelat. J'espère que nous pourrons trouver la meilleure solution possible.
Monsieur Dassault, j'ai écouté votre intervention avec beaucoup d'attention. Sur les différents points que vous avez évoqués et que je connais d'ailleurs, notamment le poids des charges et les conséquences désastreuses des 35 heures sur l'économie, nous nous retrouvons bien souvent.
Monsieur le rapporteur général, je voudrais rendre hommage à la qualité de votre intervention, ainsi qu'à celle de votre rapport, même s'il m'est arrivé de trouver certains de vos propos un peu durs au regard des efforts que nous déployons, les uns et les autres, pour enrayer le processus infernal de ces déficits que nous combattons en vue de maîtriser la dépense publique et pour proposer, à l'occasion de la loi de finances pour 2007, un budget très innovant dans lequel nous pourrons certainement nous retrouver au travers de convictions communes. Au-delà même du fait que nous appartenons à la même formation politique, je perçois dans votre rapport un large consensus pour amorcer le reflux de la dette.
De ce point de vue, c'est vrai, il faut donner des bases solides à cette stratégie. C'est ce que nous faisons. En ramenant le déficit à 2,8 % du PIB en 2006 et en diminuant le ratio de la dette publique de 2 points de PIB dès cette année, nous affichons clairement la couleur.
En diminuant pour la première fois l'année prochaine les dépenses de l'État en volume, nous montrons que la dépense publique peut ne plus être une drogue, que nous sommes capables de la rendre efficace et, en tout cas d'atteindre enfin le solde stabilisant pour la dette en 2007 s'agissant de l'ensemble des administrations publiques.
Vous avez illustré les voies concrètes pour atteindre ces objectifs à l'avenir. Vous retenez une trajectoire un peu différente de la nôtre. Pour autant, nous sommes en phase. Je le sais, l'été et le début de l'automne seront mis à profit pour trouver la bonne formule dans la perspective de la préparation du budget.
J'apporterai une seule nuance peut-être : compte tenu du poids de nos prélèvements obligatoires, il me paraît possible de parvenir au retour à l'équilibre de nos comptes d'ici à 2010 sans recourir à des hausses de prélèvements obligatoires.
Pour cela, il y a une condition : maîtriser la dépense publique. La démarche que nous avons engagée associant la réforme de l'État et celle du budget en lançant ces audits permet d'introduire une nouvelle dynamique au sein de l'État. Désormais, chaque ministère, chaque ministre même, est impliqué sur ces différents sujets.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais vous dire pour ce qui concerne la partie budgétaire. Naturellement, M. Philippe Bas répondra sur la partie plus directement adossée aux questions relatives à sa sphère ministérielle des dépenses sociales.
Sachez en tout cas que je souhaite tirer le meilleur profit de ce débat. J'entends bien, à l'occasion de la préparation du projet de loi de finances, avoir à nouveau avec vous des échanges aussi libres et directs que possible pour faire ainsi avancer les choses. Ce sera naturellement pour nous une opportunité de progresser au service de l'intérêt général et de tous les Français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai moi aussi assisté à vos débats de ce jour avec beaucoup d'intérêt. Chacune des interventions était circonstanciée, mûrement réfléchie et fondée sur une expérience approfondie de ces questions financières, concernant tant le budget de l'État que nos finances sociales.
C'est la deuxième fois en six mois que nous avons un débat au Sénat - votre assemblée a pris, à cet égard, un peu d'avance sur l'Assemblée nationale -, débat qui nous permet de discuter, avec une vision d'ensemble, de questions intéressant les finances publiques au sens large, c'est-à-dire non seulement celles de l'État, mais aussi celles des collectivités locales et les finances sociales, dont le volume est le plus important de toutes les institutions ayant un impact fort sur les transferts financiers dans notre pays.
Les finances sociales, dont les déficits sont aujourd'hui d'un montant équivalent au cinquième du déficit de l'État alors que les finances de la sécurité sociale représentent pratiquement 1,5 fois le budget de l'État, se trouvent aujourd'hui sur le chemin d'un redressement accéléré.
Comme vous l'a rappelé M. Xavier Bertrand ce matin, nous étions partis, avant la réforme de l'assurance maladie, sur une tendance de déficit à hauteur de 16 milliards d'euros fin 2005. Or nous avons en réalité limité le déficit à 8 milliards d'euros.
Pour la première fois depuis 1997 - et je le redis à M. Jégou qui le contestait tout à l'heure -, l'objectif a été scrupuleusement tenu. C'est, en réalité, du point de vue de notre capacité de redressement des comptes, un résultat totalement appréciable qui se poursuit en 2006. D'ailleurs, les résultats des premiers mois de l'année que vient de publier l'assurance maladie sont très positifs, notamment quant à la prescription de médicaments, qui accuse une très forte décélération par rapport à l'année dernière pour les cinq premiers mois de l'année. Nous sommes donc sur la bonne voie.
Évidemment, si l'on tient compte des évolutions de nos finances publiques à moyen terme, il faut avoir conscience que, compte tenu du vieillissement de la population, les besoins de santé comme la nécessité de prendre en charge les personnes âgées dépendantes vont augmenter chaque année, ce qui, bien sûr, doit nous inciter non seulement à une gestion beaucoup plus maîtrisée de la sécurité sociale, mais aussi à une réflexion sur les ressources de cette dernière.
À cet égard, je dois dire tout l'intérêt que porte le Gouvernement - M. Jean-François Copé vient d'ailleurs de s'en faire l'écho - aux propositions que le président et le rapporteur général de la commission des finances ont, avec beaucoup de persévérance et d'opiniâtreté, formulées sur la TVA sociale.
La TVA sociale constitue, en effet, une piste de réflexion pour le Gouvernement en vue de la réforme du financement de la part patronale de la protection sociale ; nous nous devons d'évoluer vers la recherche de recettes dont le dynamisme ira à la rencontre de celui de la dépense, pour autant que celle-ci soit justifiée par des raisons strictement médicales, et alors qu'elle progressera, compte tenu, je le répète, du vieillissement de la population.
M. Serge Dassault a également apporté sa contribution au débat en évoquant le coefficient emploi activité, qui fait naturellement partie, lui aussi, des pistes que nous étudions de manière approfondie en liaison avec le Conseil d'orientation pour l'emploi et le Conseil d'analyse économique.
Je voudrais également répondre à MM. Vanlerenberghe et Jégou, dont je ne partage pas l'analyse selon laquelle la réforme de l'assurance maladie aurait fait l'impasse sur les établissements de santé. Cela n'est pas le cas, je tiens à le dire solennellement.
Nous avons, dans ce domaine, engagé des réformes structurelles de grande ampleur. Le plan Hôpital 2007, la tarification à l'activité et la réforme de la gouvernance représentent en effet des chantiers d'envergure qu'il nous faut conduire dans un esprit de responsabilité impliquant une progressivité dans leur mise en oeuvre.
Quant à la montée en charge de la tarification à l'activité ainsi que la convergence entre les établissements de santé publics et privés, M. Xavier Bertrand a eu l'occasion de rappeler que nous préférons une convergence réussie à une convergence précipitée. C'est la raison pour laquelle nous avons engagé des travaux destinés à mesurer de manière très précise les charges spécifiques qui pèsent sur le service public hospitalier.
En ce qui concerne les missions d'intérêt général, nous avons également engagé des travaux importants pour définir très exactement leur périmètre, car nous ne voulons pas agir à l'aveugle, dans l'improvisation et la précipitation. Notre objectif, là aussi, est de mesurer très précisément les coûts afin de faire en sorte que, pour des missions d'intérêt général équivalentes, les établissements reçoivent les mêmes financements.
Bien sûr, comme vous l'avez dit, il existe des marges d'économie et de rationalisation. Nous en sommes conscients et nous les explorons en vue de leur exploitation. En effet, le plan de redressement de l'assurance maladie nécessite de la part des établissements d'importants efforts de rationalisation dans le domaine des achats, ce qui représente plusieurs centaines de millions d'euros, ainsi qu'en matière de gestion interne.
Monsieur Jégou, vous avez exprimé des doutes sur les résultats de la réforme de l'assurance maladie. À cet égard, je vous renverrai simplement aux chiffres : l'approbation de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie était, en 2003, de 6,4 %, contre 4,9 %, en 2004 et 3,9 %, en 2005, avec, pour la première fois depuis 1997, le respect de cet objectif fin 2005. Dès lors, s'il ne s'agit pas là d'une inflexion des dépenses, de quoi s'agit-il donc ?
Nous sommes ici en présence d'une forte inflexion du rythme des dépenses et de leur progression annuelle.
Quant aux seuls soins de ville, cette inflexion est encore plus significative : 7 % de hausse en 2002 et en 2003, 4,3 % en 2004 et 3,1 % en 2005, soit une diminution de plus de 50 % depuis le début du quinquennat.
Tels sont les résultats, tels sont les chiffres, qui se passent de commentaires ! Pour ce qui est des médicaments, nous poursuivrons dans cette voie, comme vous le souhaitez, monsieur Jégou.
Je voudrais en cet instant insister sur les résultats encourageants que nous constatons en ce début d'année 2006 concernant les médicaments génériques dont la progression, en six mois, a été tout à fait spectaculaire. En effet, la part des génériques dans l'ensemble de la distribution atteint aujourd'hui 67,3 % du marché des médicaments, alors que, à la fin de 2005, cette proportion n'était que de 61,4 %. Admettez qu'il s'agit là d'une progression très rapide qu'il convient de reconnaître objectivement.
Je voudrais maintenant répondre à M. Bernard Cazeau, qui s'est montré anxieux à l'idée du précipice qu'il redoute de voir s'ouvrir sous ses pieds.
Or, si cette anxiété est aussi forte que vous le dites, monsieur Cazeau, pourquoi soutenez-vous avec vos collègues du groupe socialiste, et avec le parti socialiste, des propositions consistant à accélérer - à « précipiter le précipice », si j'ose dire ! - en supprimant la réforme des retraites, en augmentant la CSG, en mettant fin à la journée de solidarité et, ce faisant, en cassant la croissance par l'augmentation des prélèvements obligatoires ? Ce sont toujours les mêmes recettes qui vous viennent à l'esprit, comme elles sont venues à l'esprit de M. Fischer.
Je voudrais vous faire remarquer, monsieur Cazeau, ainsi que je l'ai dit à M. Jégou tout à l'heure, que nous disposons aujourd'hui de résultats qu'il serait vain de contester, puisqu'ils sont contenus dans les chiffres mêmes. Or ce n'est pas moi qui établis ces derniers et qui fais les additions ! C'est l'oeuvre de la Cour des comptes et de la commission des comptes de la sécurité sociale. J'ajoute que ces chiffres sont à votre disposition, comme ils sont à la disposition de tous les citoyens français.
Certes, vous avez raison de souligner qu'il faut se donner des marges de manoeuvre pour la prise en charge de nouveaux médicaments. Le fait de retirer d'une liste certains médicaments dont les mérites ne sont pas aussi grands que ceux de nouveaux médicaments inscrits sur la même liste a pour objet de soigner toujours mieux et de rendre le progrès médical accessible à tous nos concitoyens, au fur et à mesure de l'apparition de nouveaux médicaments.
Sachez, par exemple, que, l'an dernier, plus de deux cents nouveaux médicaments ont obtenu une autorisation de mise sur le marché. Nous avons donc affaire à une sorte de respiration de notre pharmacopée donnant lieu à remboursement. D'ailleurs, je suis sûr qu'au fond de vous-même, monsieur Cazeau, vous qui avez exercé cette noble profession de médecin, vous ne sauriez nier l'intérêt d'incorporer sans cesse de nouveaux médicaments, quitte, effectivement, à rayer des listes ceux qui se révéleraient moins efficaces.
Nous assumons pleinement cette politique, car il en va de la santé de nos compatriotes.
S'agissant des branches vieillesse et famille, je comprends que le réel succès rencontré par les départs en retraite anticipée vous irrite. En effet, pendant cinq ans, le gouvernement que vous souteniez refusait, année après année, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, de prendre cette mesure. Soit dit en passant, il pouvait difficilement agir autrement, tant il est vrai qu'il refusait également, avec tout autant d'obstination, de s'atteler à la réforme des retraites qui était pourtant si nécessaire et que nous avons eu la responsabilité de mettre en oeuvre. Sans cette réforme, en effet, aucun droit à la retraite anticipée n'aurait été possible.
Il faudra d'ailleurs nous expliquer, pour le cas où, par malheur, le parti auquel vous appartenez reviendrait au pouvoir et supprimerait la réforme des retraites, ce que deviendraient alors ces malheureux Français qui ont commencé à travailler à quatorze, quinze ou seize ans et à qui nous avons permis - nous, pas vous ! - de partir en retraite anticipée.
Telles sont les réponses que je souhaitais apporter aux orateurs qui se sont exprimés à la tribune tout au long d'un débat dont je veux, une nouvelle fois, saluer la richesse et l'intérêt et qui sera naturellement appelé à se renouveler au cours des mois qui viennent, puisque c'est déjà le deuxième débat organisé sur ce sujet au Parlement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 438 et distribuée.