Article 13
Le dernier alinéa de l'article L. 515-7 du code de l'environnement est ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas au stockage des déchets radioactifs. » - (Adopté.)
Article 14
I. - Les exploitants d'installations nucléaires de base évaluent, de manière prudente, les charges de démantèlement de leurs installations ou, pour leurs installations de stockage de déchets radioactifs, leurs charges d'arrêt définitif, d'entretien et de surveillance. Ils évaluent de la même manière, en prenant notamment en compte l'évaluation fixée en application de l'article L. 542-12 du code de l'environnement, les charges de gestion de leurs combustibles usés et déchets radioactifs.
II. - Les exploitants d'installations nucléaires de base constituent les provisions afférentes aux charges mentionnées au I et affectent à titre exclusif à la couverture de ces provisions les actifs nécessaires.
Ils comptabilisent de façon distincte ces actifs qui doivent présenter un degré de sécurité et de liquidité suffisant pour répondre à leur objet. Leur valeur de réalisation est au moins égale au montant des provisions mentionnées au premier alinéa du présent II, à l'exclusion de celles liées au cycle d'exploitation.
À l'exception de l'État dans l'exercice des pouvoirs dont il dispose pour faire respecter par les exploitants leurs obligations de démantèlement de leurs installations et de gestion de leurs combustibles usés et déchets radioactifs, nul ne peut se prévaloir d'un droit sur les actifs mentionnés au premier alinéa du présent II, y compris sur le fondement du livre VI du code de commerce.
III. - Les exploitants transmettent tous les trois ans à l'autorité administrative un rapport décrivant l'évaluation des charges mentionnées au I, les méthodes appliquées pour le calcul des provisions afférentes à ces charges et les choix retenus en ce qui concerne la composition et la gestion des actifs affectés à la couverture des provisions. Ils transmettent tous les ans à l'autorité administrative une note d'actualisation de ce rapport et l'informent sans délai de tout événement de nature à en modifier le contenu. Ils communiquent à sa demande à l'autorité administrative copie de tous documents comptables ou pièces justificatives.
Si l'autorité administrative relève une insuffisance ou une inadéquation dans l'évaluation des charges, le calcul des provisions ou le montant, la composition ou la gestion des actifs affectés à ces provisions, elle peut, après avoir recueilli les observations de l'exploitant, prescrire les mesures nécessaires à la régularisation de sa situation en fixant les délais dans lesquels celui-ci doit les mettre en oeuvre.
En cas d'inexécution de ces prescriptions dans le délai imparti, l'autorité administrative peut ordonner, sous astreinte, la constitution des actifs nécessaires ainsi que toute mesure relative à leur gestion.
Les exploitants transmettent au plus tard dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi leur premier rapport triennal mentionné au premier alinéa du présent III. Ce premier rapport comprend, outre les éléments prévus au premier alinéa du présent III, un plan de constitution des actifs définis au II du présent article.
Les exploitants mettent en oeuvre le plan de constitution d'actifs au plus tard dans un délai de cinq ans à compter de la publication de la présente loi.
III bis. - Il est créé une Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs.
La commission évalue le contrôle de l'adéquation des provisions prévues au II aux charges mentionnées au I et de la gestion des actifs visés au II ainsi que la gestion des fonds mentionnés aux articles L. 542-12-1 et L. 542-12-2 du code de l'environnement.
Elle peut, à tout moment, adresser au Parlement et au Gouvernement des avis sur les questions relevant de sa compétence. Ses avis peuvent être rendus publics. Elle remet au Parlement, tous les trois ans, un rapport présentant l'évaluation mentionnée à l'alinéa précédent. Ce rapport est rendu public.
La commission est composée :
1° Des présidents des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat compétentes en matière d'énergie ou chargées des finances, ou de leur représentant ;
2° De quatre personnalités qualifiées désignées à parité par l'Assemblée nationale et par le Sénat ;
3° De quatre personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement.
Les personnalités qualifiées sont désignées pour six ans.
La commission reçoit communication des rapports mentionnés au III. Elle peut demander aux exploitants communication de tous documents nécessaires à l'accomplissement de ses missions. Elle peut entendre l'autorité administrative mentionnée au III.
La commission remet son premier rapport au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la publication de la présente loi.
La Cour des comptes assiste la commission, à sa demande, dans l'exercice de ses missions.
Pendant la durée de leurs fonctions, les personnalités qualifiées membres de la commission ne prennent aucune position publique sur des sujets relevant de la compétence de celle-ci. Pendant la durée de leurs fonctions et après celle-ci, les membres de la commission sont tenus au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions.
Les membres de la commission ne peuvent, directement ou indirectement, exercer de fonctions ni recevoir d'honoraires au sein ou en provenance des exploitants d'installations nucléaires de base ou d'autres entreprises du secteur de l'énergie.
IV. - Un décret détermine, en tant que de besoin, les conditions et modalités d'application du présent article, notamment, dans le respect des normes comptables applicables, les modalités d'évaluation des charges mentionnées au I et de calcul des provisions prévues au II.
Le présent article, à l'exception des dispositions du I, n'est pas applicable aux installations nucléaires de base exploitées directement par l'État. Les personnes n'exploitant plus d'installation nucléaire de base sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent article relatives à la gestion de leurs combustibles usés et déchets radioactifs, aux exploitants de telles installations.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Nous en arrivons à l'une des dispositions centrales du présent texte : le financement de la gestion, c'est-à-dire le traitement et le stockage, des déchets radioactifs.
Il est évident que l'avenir et la sûreté de la gestion des déchets toxiques dépendent du montant et de la pérennité des moyens qui y seront dédiés.
Le principe général qui prévaut dans ce texte en matière de financement de la gestion des déchets est celui du pollueur-payeur. C'est donc la responsabilité du producteur qui l'emporte.
Le droit de l'environnement, qui s'applique à tous les déchets toxiques, prévoit d'ailleurs que le producteur, c'est-à-dire l'entreprise, est responsable de la gestion des déchets qu'il produit. Il est en particulier tenu de financer leur traitement et leur stockage. Une fois les déchets traités et stockés, le producteur a des responsabilités, mais le stockeur, c'est-à-dire l'ANDRA, pour le compte de l'État, en a également. Ces mêmes principes doivent s'appliquer pour les déchets radioactifs.
Actuellement, le financement du traitement des déchets repose sur des fonds alimentés par les entreprises pour le démantèlement de certaines installations. L'article 14 du projet de loi prévoit que chaque opérateur doit disposer d'un fonds de réserve pour le démantèlement et la gestion des déchets, avec un système d'accumulation d'actifs par les entreprises.
La question qui se pose - elle est complexe - est la suivante : qui gère ces actifs ?
S'il est vrai qu'un transfert à l'État de la gestion de ces fonds et de la propriété des déchets permet de garantir leur pérennité, il faut bien admettre que les gouvernements successifs sont tentés de puiser dans ces cagnottes, que l'on pourrait qualifier de provisionnelles et de providentielles, et que cette garantie n'est pas parfaite.
Par ailleurs, c'est admettre, à terme, que la question des déchets et de la pollution des sites est du ressort de l'État, ce qui est contraire à la notion de responsabilité du producteur.
Les entreprises, quant à elles, souhaitent pouvoir gérer ces fonds afin de les faire fructifier en toute liberté, mais aussi parce que, en matière financière, un actif doit correspondre à un passif.
Mais que dire de la pérennité de l'entreprise dans l'environnement concurrentiel que vous avez instauré par la loi d'août 2004 ? Quelles garanties peut-on avoir concernant la responsabilité des exploitants dans la durée ? Le système concurrentiel tend en effet à fragiliser les entreprises présentes sur le marché. Il est donc source d'incertitudes.
Avant, nous disions : « C'est EDF ! ». EDF contrôlait en effet toute la filière et tous les établissements. La pérennité d'EDF sous le contrôle de l'État garantissait la sûreté nucléaire.
Aujourd'hui, alors que la logique de la rentabilité à court terme a souvent gagné le monde de l'entreprise, comme dans le monde de la finance, et alors que la filière nucléaire requiert des investissements à long terme, comment une entreprise dont le sort est incertain - disparition, acquisition, fusion, capitaux fluctuants - peut-elle garantir que ces fonds ne disparaîtront pas dans des opérations boursières ?
Les pratiques en vigueur chez EDF ces dernières années n'incitent pas à l'optimisme ! L'entreprise avait en effet tendance à considérer que les investissements d'aujourd'hui génèreraient suffisamment de cash pour financer les dépenses de demain. Ce raisonnement est-il correct ? L'État avait ainsi contraint EDF à accélérer la constitution de fonds d'actifs dédiés au financement de ses charges de démantèlement et de gestion des déchets à vie longue.
La Cour des comptes, dans son rapport, avait également souligné le manque de provisions de charges pour le démantèlement.
La gestion des déchets nucléaires nécessite des moyens sûrs, à long terme, qui sont difficilement compatibles avec les logiques du marché.
Vous le voyez, la solution parfaite n'existe pas. Celle qui nous semble la plus juste, ou la moins mauvaise, consiste en des fonds gérés par les entreprises, mais sous un contrôle accru de l'État et des représentants du personnel. Nous souhaitons donc que les conseils de surveillance de toutes les entreprises concernées soient élargis à des représentants du personnel et à des représentants de la société civile afin de garantir la bonne gestion de ces actifs dédiés.
Une autre question se pose, à laquelle un amendement déposé par le rapporteur du présent projet de loi à l'Assemblée nationale a répondu en partie : comment assurer l'évaluation des charges nécessaires au traitement des déchets produits par les exploitants ? En effet, la version initiale de l'article prévoit que les exploitants sont tenus de présenter, pour les provisions nécessaires aux charges liées à la gestion des déchets, un degré de sécurité suffisant.
Mais qui assurera un contrôle de la sécurité de ces fonds ?
Nous sommes, bien sûr, favorables à la création d'une commission d'évaluation du montant des provisions nécessaires, mais quelles contraintes cette commission pourra-t-elle exercer sur les entreprises ?
Enfin, au sujet des évaluations, nous aurions souhaité que la composition de cette commission inclue des représentants des organisations syndicales, qui devraient avoir leur mot à dire dans le montant et la gestion des fonds consacrés aux déchets. Elles ont des spécialistes qui seraient à même de participer à l'évaluation.
Espérons au moins que la publication des décrets fera l'objet de concertations suffisantes, qui permettront d'inclure des expertises contradictoires pour l'évaluation des charges et le calcul des provisions.
De fait, même si nous comprenons les problèmes liés au transfert de responsabilité, le système de financement par provisions internes nous laisse insatisfaits. Il nous semble que l'article 14 évacue certains risques et ne permet pas un financement pérenne et sécurisé des charges liées à la gestion des déchets.
M. le président. L'amendement n° 96, présenté par MM. Piras, Raoul et Teston, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer la seconde phrase du I de cet article.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 91, qui s'inscrit dans la même logique.
Nous considérons que les provisions prévues à l'article 14 doivent être destinées uniquement au financement du démantèlement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Nous avons déjà expliqué les raisons de notre opposition à un fonds externalisé en matière de recherche et de gestion des déchets. Vous ne serez donc pas surpris que nous soyons aussi défavorables au présent amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 126 rectifié, présenté par MM. Longuet et Biwer, est ainsi libellé :
I - Dans le premier alinéa du II de cet article, après les mots :
installations nucléaires de base
insérer les mots :
ou la société les contrôlant, après accord du ministre en charge de l'énergie
II - En conséquence, dans la première phrase du premier alinéa et dans les deux derniers alinéas du III de cet article, après les mots:
les exploitants
insérer les mots :
ou la société les contrôlant
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. À travers cet amendement, j'interroge le Gouvernement sur la responsabilité des sociétés holding qui contrôlent des exploitants d'installations nucléaires de base. J'aimerais savoir s'il ne serait pas pertinent d'imaginer que l'obligation prévue à l'article 14 puisse être assumée par les maisons mères plutôt que par les seules filiales
Cet amendement, dans lequel est évoquée la responsabilité des sociétés contrôlant les filiales, part du principe que ces sociétés de contrôle ont une assiette et une assise plus larges et que, si elles peuvent globaliser l'ensemble de leurs recettes et de leurs dépenses, elles ont en général des responsabilités dans le cadre d'une entreprise privée vis-à-vis des marchés.
Or, si, aujourd'hui, nous avons pour l'essentiel des exploitants publics, nous risquons, demain, d'avoir des exploitants pour lesquels la part du capital privé sera importante, voire prépondérante, et le problème qui sera posé est de la responsabilité de la filiale ou de la maison mère.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Nous sommes bien conscients que cet amendement pourrait faciliter la gestion interne de certains exploitants, qui sont d'ailleurs cités dans son objet. Toutefois, comme j'ai eu l'occasion de l'exprimer, le principe directeur suivi par notre commission des affaires économiques est la sécurisation maximale des provisions financières destinées à l'aval du cycle nucléaire.
Pour cette raison, nous sommes très attachés au maintien d'un principe simple : à chaque société qui est un exploitant nucléaire doit correspondre un bilan comptable qui doit intégrer les charges liées à l'aval du cycle et les actifs constitués par cette société.
Cette règle permet d'éviter toute confusion en cas de changement de périmètre, de cession ou d'acquisition, au sein d'un groupe de sociétés intervenant dans le domaine nucléaire.
Nous estimons d'ailleurs que, dans la pratique, le but visé par cet amendement peut être très largement atteint par des arrangements internes au groupe qui concernent des flux financiers entre une société mère et ses filiales. Mais cela ne doit en aucun cas remettre en cause la responsabilité de chaque société et la traduction qui en est faite dans son bilan.
Mon cher collègue, j'ai bien compris qu'il s'agissait essentiellement d'un amendement d'appel, et je pense qu'après avoir entendu le ministre vous serez enclin à le retirer ; sinon, nous émettrons un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. En fait, cet amendement est satisfait dans la mesure où la disposition qu'il prévoit figure déjà dans le code monétaire et financier à l'article L. 531-2-2, qui dispose :
« Peuvent fournir les services d'investissement [...] :
« c) Les entreprises qui ne fournissent des services d'investissement qu'aux personnes morales qui les contrôlent directement ou indirectement au sens de l'article L. 233-3 du code du commerce [....] »
Cela signifie en fait que la gestion de ces fonds pourrait être déléguée à la société mère. Il est donc inutile de le préciser, puisque cet article prévoit déjà une telle disposition.
En vous écoutant, monsieur Longuet, j'ai compris que vous faisiez allusion à AREVA.
M. Gérard Longuet. Pas seulement !
M. François Loos, ministre délégué. Puisque ce n'est pas EDF, c'est donc AREVA et certaines de ses filiales.
AREVA peut gérer le fonds dédié qui devrait être constitué dans les sociétés qui gèrent des installations nucléaires de base de son groupe. C'est d'ailleurs ce qui se fait déjà aujourd'hui.
Cet amendement, je le répète, est donc satisfait.
M. le président. Monsieur Longuet, l'amendement n° 126 rectifié est-il maintenu ?
M. Gérard Longuet. Les excellentes explications du rapporteur complétées par celles du ministre me conduisent à retirer cet amendement.
J'indique simplement à M. François Loos que je pensais, certes, à AREVA mais également à des centrales nucléaires partagées comme il en existe aujourd'hui au moins une, celle de Chooz, et peut-être une autre avec Suez via Tractebel. C'était ce type de problèmes que je voulais évoquer.
M. François Loos, ministre délégué. Puisque nous en sommes à s'échanger des informations, je précise que même les centrales qui sont partagées sont de la responsabilité d'EDF. Le partage est celui de la production, mais il y a un exploitant responsable qui, en l'occurrence, est EDF.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 97, présenté par MM. Piras, Raoul, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés, est ainsi libellé :
Supprimer les deux derniers alinéas du II et le IV de cet article.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Il s'agit, là encore, d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 91.
M. le président. L'amendement n° 49 rectifié bis, présenté par MM. Bizet, Girod et Longuet, est ainsi libellé :
Après le mot :
réalisation
rédiger comme suit la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa du II de cet article :
permet de couvrir, selon des modalités précisées par décret, le montant actualisé selon les normes comptables en vigueur des provisions mentionnées au premier alinéa du présent II, à l'exclusion de celles liées au cycle d'exploitation.
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Le coauteur de cet amendement le soutient avec conviction, mais, maîtrisant mal le sujet, il attend avec intérêt le point de vue de la commission ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 162, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du IV de cet article par les mots :
, ainsi que les informations que les exploitants sont tenus de rendre publiques et les règles de publicité y afférentes.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Les spécificités des charges du secteur nucléaire rendent nécessaires un encadrement et un contrôle spécifique de leur évaluation ainsi que de la gestion des actifs affectés à la couverture de ces charges.
Ces spécificités impliquent également que les entreprises concernées fassent preuve d'une transparence toute particulière vis-à-vis du public, de leurs actionnaires éventuels et créanciers, en particulier sur les méthodes qu'elles appliquent pour l'évaluation de leurs charges, le calcul de leurs provisions et la composition et la gestion de leurs actifs.
Les règles comptables de droit commun ne suffisent pas à apporter la garantie que ces points feront l'objet d'une transparence suffisante, ce que confirme la Cour des comptes dans ses rapports récents.
C'est pourquoi il est proposé que le décret pris en application de l'article 14 puisse également, en tant que de besoin, préciser les informations devant faire l'objet d'une publicité et les formes de cette publicité.
Cela répondrait à une préoccupation de la Commission européenne qui, dans son projet de recommandations, indique qu'une attention particulière doit être accordée à la transparence et que toutes les informations ne relevant pas du secret commercial doivent être mises à la disposition du public.
Cet amendement, qui est plutôt d'ordre financier, est justifié par l'évolution des règles comptables.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 97, les deux derniers alinéas du II de l'article 14 ainsi que le paragraphe IV de cet article constituent le coeur du dispositif de constitution de fonds internes aux entreprises liées à l'aval du cycle nucléaire.
Nous comprenons tout à fait que ces dispositions suscitent l'opposition de nos collègues partisans de l'externalisation des fonds. Toutefois, pour des raisons déjà évoquées, telle n'est pas l'optique de notre commission, qui émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 49 rectifié bis prévoit une modification rédactionnelle donnant un peu plus de souplesse aux exploitants nucléaires dans la gestion des fonds provisionnés pour l'aval du cycle.
Il paraît intéressant de retenir cette proposition, mais nous voulons être assurés que cet amendement ne permet pas à l'exploitant nucléaire de faire des investissements qui auraient pour effet, à un instant donné, que la valeur des fonds soit inférieure au montant actualisé des provisions nécessaires au financement de l'aval du cycle.
Toujours dans l'optique de sécurisation maximale qui est la nôtre, il est clair qu'à chaque instant l'entreprise doit être capable de présenter un montant de provisions au moins égal à ce qui est exigé pour financer ses charges. Si ce n'était pas le cas, cela priverait de toute effectivité la possibilité pour l'État d'appliquer la clause de sauvegarde dont nous avons parlé à l'article 11 bis, qui permet d'exiger le versement immédiat de l'ensemble des provisions à l'administration au cas où il y aurait un doute sur la capacité de l'entreprise à assumer ses responsabilités.
Monsieur le ministre, nous souhaiterions donc savoir si ce risque existe dans le présent amendement avant d'émettre un avis définitif.
Enfin, la commission est favorable à l'amendement n° 162.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Sur l'amendement n° 97, qui, de nouveau, prévoit une externalisation des fonds, l'avis est défavorable.
L'amendement n° 49 rectifié bis, sur lequel m'a d'ailleurs interrogé le rapporteur, est inutile, car la préoccupation de ses auteurs est déjà satisfaite par le projet de loi, qui donne une large marge d'appréciation à l'autorité de contrôle. Cela est clairement prévu dans le texte.
Par ailleurs, cet amendement est dangereux, car son application aurait pour effet de détruire l'une des sécurités essentielles du texte, qui est le caractère suffisant à tout moment des actifs dans les bilans des industriels. Une évaluation incertaine nuirait à cette sécurité indispensable.
Pour ces raisons, je vous invite à retirer cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission sur l'amendement n° 49 rectifié bis ?
M. Henri Revol, rapporteur. La commission souhaite que M. Longuet retire cet amendement ; sinon, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Longuet, l'amendement n° 49 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Gérard Longuet. Monsieur le ministre, je suis prêt à retirer cet amendement, que je maîtrise mieux en cet instant, sous réserve que, dans la préparation du décret, soit pris en compte le juste équilibre entre un souci très légitime de sécurité et les conséquences qu'aurait sur le bilan des sociétés d'exploitation une anticipation trop faible de la productivité des fonds ainsi épargnés.
Compte tenu de la très longue durée d'immobilisation de ces fonds, ce n'est pas la même chose d'anticiper une recette obligataire, une recette provenant d'une action et d'exiger la mobilisation des fonds dans leur totalité.
Monsieur le ministre, si vous prenez l'engagement que le décret tiendra compte des préoccupations des exploitants, qui sont de plus en plus confrontés à un univers concurrentiel et ont l'obligation de sécuriser chacun de nos compatriotes à travers leurs engagements financiers dans des conditions compatibles avec l'environnement économique global, alors je vous ferai confiance et je retirerai mon amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Même si je dois avouer que le sujet est particulièrement complexe, je m'engage, monsieur le sénateur, à ce que le décret tienne compte des obligations de sécurisation, des risques possibles et des provisions nécessaires.
M. Gérard Longuet. Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 49 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 162.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 117, présenté par Mme Didier, MM. Coquelle et Billout, Mme Demessine, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du III de cet article, après les mots :
autorité administrative
insérer les mots :
, au Parlement, aux organisations représentatives du personnel, aux commissions locales d'information et au Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire créé par l'article 7 de la loi n°... du ... relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire,
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Cet amendement s'inscrit dans le droit-fil de nos interventions précédentes. En effet, nous souhaitons garantir une meilleure transparence dans la filière nucléaire, s'agissant notamment de la gestion des matières et déchets radioactifs.
Ainsi, nous estimons que les organisations représentatives du personnel, les commissions locales d'information et le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire, qui sera créé par la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, doivent avoir connaissance du rapport relatif à l'évaluation des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs établi par les exploitants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Cet amendement traduit bien la volonté de sécurité et de transparence sous-tendue dans l'ensemble du dispositif.
En effet, il est essentiel d'assurer le suivi de la façon dont les entreprises respectent leurs obligations en matière de provisions financières sécurisées.
Le texte prévoit d'ailleurs qu'une commission nationale, essentiellement composée de parlementaires, dispose d'un pouvoir très large d'information et rende un rapport public sur le respect par les exploitants de leurs obligations financières.
De même, en vertu du droit commun, les sociétés cotées en Bourse fournissent une information financière très large sur leurs comptes et sur leur gestion.
Ces garanties étant déjà données, l'amendement proposé ne nous semble donc pas nécessaire et pourrait même poser des difficultés. En effet, il prévoit de diffuser très largement les informations relatives aux provisions financières transmises par l'exploitant nucléaire. Or nous ne sommes pas certains que le détail du portefeuille d'investissement de chaque entreprise doive atteindre ce degré de publicité, l'essentiel étant que l'autorité administrative procède aux contrôles et que la commission nationale établisse son rapport public.
Pour ces raisons, la commission vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, mon cher collègue ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Il est clair que les contrôles qui doivent être exercés doivent se fonder sur autre chose que sur un rapport triennal. En outre, de nombreuses sources d'information sont d'ores et déjà prévues dans le texte tant pour le Parlement, la Commission nationale d'évaluation financière ou le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire.
Bref, toutes les informations nécessaires étant déjà disponibles, cet amendement ne nous semble pas utile.
M. le président. L'amendement n° 119, présenté par Mme Didier, MM. Coquelle et Billout, Mme Demessine, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la troisième phrase du troisième alinéa du III bis de cet article, après le mot :
Parlement
insérer les mots :
, au Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire créé par l'article 7 de la loi n°... du ... relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Par cet amendement, nous souhaitons une nouvelle fois assurer la reconnaissance du Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire.
En effet, nous estimons que cette instance nouvellement créée doit voir son champ de compétences élargi à la question des déchets nucléaires.
Ainsi, nous pensons qu'elle devrait être destinataire du rapport réalisé par la Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs concernant le contrôle de l'adéquation entre les provisions prévues et les charges supportées par les entreprises pour le démantèlement et la gestion des déchets nucléaires.
Cette transmission serait un signe clair en faveur d'une meilleure transparence dans la gestion des déchets.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Dans ces conditions, le Gouvernement émet également un avis favorable ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par Mme Didier, MM. Coquelle et Billout, Mme Demessine, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le septième alinéa du III bis de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
... ° De quatre personnalités représentant la société civile désignées par le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire créé par l'article 7 de la loi n°... du ... relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Lors de l'examen de ce texte par l'Assemblée nationale, un amendement fondamental a été adopté, qui vise à créer une Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs.
Cette évolution est intéressante et positive, car elle permettra sans aucun doute d'assurer une plus grande transparence ainsi que la sécurisation des fonds, laquelle est essentielle.
Mais, imaginons - ce n'est pas une hypothèse absurde - que, dans vingt ans ou trente ans, EDF tombe, par exemple, sous la coupe d'un fonds de pension américain. Qui empêcherait alors ce nouvel opérateur étranger de faire main basse sur les fonds destinés à la gestion des déchets ?
Cette considération nous amène à penser que la gestion de ces fonds nécessite un contrôle citoyen. Celui-ci doit être réalisé par une instance composée d'élus, de représentants d'usagers et d'associations, de scientifiques et de représentants des salariés.
C'est en ce sens que nous vous proposons, mes chers collègues, d'élargir la composition de la Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs à des personnes représentant la société civile.
Ces nouveaux membres seraient nommés par le Gouvernement, sur proposition du Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire.
Nous estimons que cet amendement serait de nature à garantir une meilleure transparence de la filière de la gestion des déchets nucléaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Cet amendement ne nous semble pas nécessaire, et ce pour deux raisons.
D'une part, comme nous venons de le décider, le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire est destinataire du rapport de la Commission nationale d'évaluation financière, ce qui constitue déjà une façon d'ouvrir le dialogue entre les deux instances.
D'autre part, et surtout, cet amendement nous semble largement satisfait, car, en vertu du 3° du titre III bis de l'article 14, la Commission nationale comprend déjà des personnes qualifiées.
En conséquence, la commission souhaiterait que vous retiriez cet amendement, mon cher collègue ; à défaut, elle émettra un avis défavorable. Nous avons déjà été favorables à plusieurs de vos amendements, mon cher collègue ! (Sourires.)
M. Michel Billout. On s'y habitue ! (Nouveaux sourires.)
M. Charles Revet. Il faut renvoyer la balle !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 47, présenté par M. Arthuis et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Supprimer l'antépénultième alinéa du III bis de cet article.
La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. L'article 14 du projet de loi impose aux exploitants nucléaires la constitution d'actifs dédiés à la couverture des provisions financières pour le démantèlement de leurs installations et pour la gestion de leurs déchets radioactifs.
L'Assemblée nationale a prévu de mettre en place une Commission nationale d'évaluation financière, et elle a estimé que la Cour des comptes devait, à la demande de cette dernière, apporter son assistance.
Cette situation me semble contestable. En effet, sur le plan législatif, la Cour des comptes a vocation à exercer son contrôle aussi bien sur EDF, AREVA, le CEA, et l'ANDRA. On ne peut pas lui demander d'être à la fois l'institution qui assiste cette commission et celle qui exerce le contrôle des comptes publics pour en certifier la sincérité. Il existe là une certaine forme d'incompatibilité.
C'est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, de supprimer l'antépénultième alinéa du III bis de cet article.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Motivé par les meilleures intentions, le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale a, il est vrai, laissé subsister une ambiguïté quant au rôle éventuel de la Cour des comptes à l'égard de la Commission nationale d'évaluation financière.
Il nous revient de rectifier ce point pour les raisons qui ont été exposées par le président Arthuis. La commission des affaires économiques émet donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Loos, ministre délégué. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement.
La Cour des comptes a eu l'occasion de m'expliquer quelle était exactement sa position dans une telle situation. Autant la Commission nationale d'évaluation financière a toute légitimité pour procéder à des contrôles sur les entreprises, autant la Cour des comptes a toute légitimité pour procéder à des contrôles sur le travail réalisé par la Commission nationale d'évaluation financière. Par conséquent, elle ne peut pas être conseil d'une commission qu'elle peut éventuellement contrôler.