Article 29
I. - Les dispositions de l'article 5 n'ont pas pour effet de protéger une interprétation, un phonogramme ou un vidéogramme dont la durée de protection a expiré au 22 décembre 2002.
II. - Les dispositions du titre II de la présente loi ne sont applicables aux oeuvres créées par les agents de l'État, d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public à caractère administratif, antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi, qu'à compter de cette entrée en vigueur.
Toutefois, l'application de ces dispositions ne peut porter atteinte à l'exécution des conventions en cours lors de l'entrée en vigueur de la présente loi, lorsque celles-ci ont pour objet des oeuvres créées par ces agents dans l'exercice de leurs fonctions ou d'après les instructions reçues, pour l'accomplissement de la mission de service public par la personne publique qui les emploie.
III. - Les dispositions de l'article L. 133-1 du code du patrimoine ne sont applicables aux personnes mentionnées au i de l'article L. 132-2 du même code qu'à l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du II de cet article, remplacer les mots :
ou d'un établissement public à caractère administratif,
par les mots :
, d'un établissement public à caractère administratif, d'une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale ou de la Banque de France,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 29, modifié.
(L'article 29 est adopté.)
Article 30
Dans les articles L. 730-1, L. 740-1, L. 760-1 et L. 770-1 du code du patrimoine, la référence : « L. 132-4 » est remplacée par la référence : L. 132-6 ». - (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 30
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 30, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les dix-huit mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la mise en oeuvre des dispositions des titres Ier et IV.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Thiollière, rapporteur. Les dispositions du titre Ier et du titre IV du présent projet de loi ont respectivement pour objet d'adapter le droit d'auteur et les droits voisins et le dépôt légal au contexte de la société de l'information.
Compte tenu de l'évolution très rapide des technologies, il paraît indispensable de tirer rapidement les premiers enseignements de l'application de ces dispositions législatives pour s'assurer de leur bonne adéquation à un contexte évolutif et changeant, afin d'envisager, le cas échéant, les ajustements législatifs qui paraîtraient nécessaires.
M. le président. Le sous-amendement n° 258, présenté par M. Assouline, Mme Blandin, M. Lagauche, Mme Tasca, MM. Yung, Bockel, Lise, Vidal et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 40 par les mots :
et plus particulièrement sur les modalités de la mise en oeuvre, devant intervenir dans un délai de six mois suivant la remise du rapport, d'une plate-forme publique de téléchargement visant à la fois la diffusion des oeuvres des créateurs et interprètes dont les oeuvres et prestations ne sont pas disponibles à la vente sur les plates-formes commerciales de téléchargement et la juste rémunération des auteurs et artistes-interprètes.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Nous avions présenté un amendement allant dans le même sens à l'article 1er bis. Le rapporteur nous ayant donné son aval lors de l'examen en commission, puis en séance publique, sous réserve de transformer notre texte en sous-amendement, nous obtempérons en espérant que le Sénat se ralliera à l'avis de la commission.
Je reprendrai donc l'argumentaire qui vous a déjà été présenté jeudi dernier, lors de la défense de l'amendement.
Il nous semble essentiel que l'offre légale en ligne se développe - nous l'avons tous dit dans la discussion générale - mais, à notre sens, il convient d'aller plus loin.
Le service public a un grand rôle à jouer en la matière. Le problème crucial sera de définir les modalités de financement d'une plate-forme de service public. Des pistes ont souvent été lancées : la taxation des disques durs, des fournisseurs d'accès, des éditeurs de logiciels... Aujourd'hui, les supports traditionnels audio et vidéo, comme les services audiovisuels, participent tous au financement de la création et des industries culturelles.
Le débat est néanmoins complexe et il n'a pas trouvé de réponse dans une transposition de directive ayant trait au droit d'auteur et aux droits voisins ; c'est pourquoi il faudra procéder à des concertations avant de le trancher.
Tout aussi cruciale me semble être la question du périmètre d'intervention du service public de téléchargement. Soutenir la création relève d'une mission de service public, surtout actuellement, alors que ce secteur est fragilisé.
Pour l'heure, l'Assemblée nationale a souhaité restreindre le périmètre d'intervention de la plate-forme publique à la diffusion d'oeuvres des jeunes talents non disponibles sur les plates-formes légales privées. Il nous semble indispensable que l'ensemble des créateurs ou interprètes d'oeuvres non disponibles sur les plates-formes proposées par les industries culturelles puissent bénéficier de ce service public, quel que soit leur âge.
En outre, il nous paraît nécessaire d'inclure les artistes-interprètes dans le bénéfice de la diffusion par la plate-forme de service public de leurs interprétations et, bien entendu, de les faire profiter, à ce titre, d'une rémunération équitable.
J'insiste particulièrement sur ce dernier point, car les artistes-interprètes, rémunérés au titre des droits voisins, sont actuellement les parents pauvres du système de répartition des droits, le dernier maillon de la chaîne.
Nous souhaitons donc que le Gouvernement puisse rapidement présenter au Parlement un rapport de préfiguration d'une telle plate-forme de service public de téléchargement.
M. le président. Le sous-amendement n° 256, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 40 par une phrase ainsi rédigée :
Notamment, ce rapport étudiera les conditions de la mise en place d'une plateforme publique de téléchargement permettant à tout créateur vivant, absent des plates-formes commerciales de téléchargement de mettre ses oeuvres ou ses interprétations à disposition du public et d'en obtenir une juste rémunération, à hauteur de 50 % au moins du prix de vente publique.
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Au moment de la discussion de l'article 1er bis, ma collègue Annie David avait proposé la création d'une plate-forme publique. La proposition avait été bien accueillie, mais il nous avait été conseillé de la présenter à nouveau sous forme de sous-amendement : tel est donc l'objet de ce sous-amendement n° 256.
Les députés se sont mis d'accord sur le principe de la création d'une plate-forme publique de téléchargement. Le texte adopté par l'Assemblée nationale précise en effet ceci : « Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport relatif aux modalités de la mise en oeuvre d'une plate-forme publique de téléchargement visant à la fois la diffusion des oeuvres des jeunes créateurs dont les oeuvres ne sont pas disponibles à la vente sur les plates-formes légales de téléchargement et la juste rémunération de leurs auteurs. »
Le sous-amendement n° 256 vise à étendre au secteur numérique le principe de l'aide publique à la création et à la diffusion.
Il s'agit notamment de définir l'engagement de l'État dans la création d'une plate-forme publique de téléchargement qui donnera une visibilité aux créateurs vivants actuellement exclus des réseaux commerciaux.
Tel est l'esprit du présent sous-amendement que nous souhaitons, mes chers collègues, vous voir adopter.
M. le président. Le sous-amendement n° 274, présenté par M. Assouline, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n°40 par deux phrases ainsi rédigées :
Ce rapport propose la mise en oeuvre, devant intervenir dans un délai de six mois suivant sa remise, d'un dispositif de taxation du chiffre d'affaires des sociétés commerciales fournissant des prestations d'accès à l'internet, notamment par abonnement. Le produit de cette taxation devra permettre d'assurer le financement pérenne de la mise en place et du fonctionnement d'une plate-forme publique de téléchargement visant à la fois la diffusion des oeuvres des créateurs et interprètes dont les oeuvres et prestations ne sont pas disponibles à la vente sur les plates-formes commerciales de téléchargement et la juste rémunération des auteurs et artistes-interprètes.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Selon des données statistiques datant de 2005, 12,4 millions de foyers français, soit près de la moitié d'entre eux, sont équipés d'un micro-ordinateur, et plus de 26 millions de Français âgés de onze ans et plus sont internautes.
Au quatrième trimestre de l'année 2005, 78,5 % des foyers ayant accès à l'internet étaient connectés en haut débit. En un an, le nombre de foyers ayant accès à l'internet à haut débit avait progressé de 81 %.
Le développement rapide de l'équipement informatique des ménages français et de l'accès de ces derniers à l'internet, notamment en haut débit, représente donc un marché de plus en plus important ayant généré, pour les fournisseurs d'accès, un chiffre d'affaires significatif de 817 millions d'euros sur les neuf premiers mois de l'année 2005, en hausse de 25 % par rapport à l'année précédente, dont 559 millions d'euros liés à l'ADSL.
Il est inutile de revenir sur l'usage généralisé fait aujourd'hui de l'internet, et principalement de l'ADSL, pour diffuser et échanger des supports numériques d'oeuvres artistiques.
Dès lors, au regard de la difficulté de garantir la rémunération des auteurs dans le cadre des échanges sur Internet, il serait particulièrement opportun de faire concourir les revenus générés par les ventes de prestations d'accès à Internet, par un mécanisme fiscal ou parafiscal, au financement de la diversité culturelle sur le réseau par la mise en oeuvre d'une plate-forme publique de téléchargement.
M. le président. Le sous-amendement n° 286, présenté par M. Fouché, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 40 par une phrase ainsi rédigée :
Ce rapport évalue l'efficacité des dispositions des articles L. 335-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle et rend compte de leur impact sur l'ensemble des industries culturelles et les filières de la création.
Ce sous-amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements nos 258, 256 et 274 ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission souhaite le retrait du sous-amendement n° 258. À défaut, elle émettra un avis défavorable. Elle préfère en effet la rédaction du sous-amendement n° 256, dont l'objet est comparable, sous-amendement sur lequel elle émettra un avis favorable si M. Ralite accepte de supprimer les mots : « à hauteur de 50 % au moins du prix de vente publique.
S'agissant du sous-amendement n° 274, la commission émet un avis défavorable au motif qu'il créerait une taxation.
M. le président. Monsieur Ralite, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?
M. Jack Ralite. Je l'accepte, et je rectifie mon sous-amendement en ce sens, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 256 rectifié, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, et ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 40 par une phrase ainsi rédigée :
Notamment, ce rapport étudiera les conditions de la mise en place d'une plateforme publique de téléchargement permettant à tout créateur vivant, absent des plates-formes commerciales de téléchargement de mettre ses oeuvres ou ses interprétations à disposition du public et d'en obtenir une juste rémunération.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Il serait très symbolique que nous arrivions à dégager un point d'accord sur ce sujet, et j'espère que nous allons y parvenir.
J'émets un avis favorable sur l'amendement n° 40.
En revanche, comme M. le rapporteur, j'émets un avis défavorable sur le sous-amendement n° 258.
Par ailleurs, je suis favorable au sous-amendement n° 256 rectifié. Effectivement, Internet peut être une chance de diffusion pour des artistes qui ne sont pas naturellement accueillis dans des festivals ou dans des salles de spectacle et de concert. Il s'agit donc pour moi d'un élément très important.
Pour finir, je suis défavorable au sous-amendement n° 274, car je ne pense pas que la taxe sur les fournisseurs d'accès à Internet soit la bonne manière de financer cette nouvelle plate-forme.
M. le président. Monsieur Assouline, acceptez-vous de retirer le sous-amendement n° 258 au profit du sous-amendement n° 256 rectifié ?
M. David Assouline. Ne pourrait-on faire l'inverse ? (Rires.) Non, je le maintiens.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 256 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 30.
L'amendement n° 176, présenté par MM. Ralite, Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 30, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I.- La force exécutoire de la présente loi est limitée au 31 décembre 2008.
II.- Dès la promulgation de la présente loi, un « Conseil Beaumarchais - Internet - Responsabilité publique » est créé.
Le Conseil est ainsi composé :
- dix parlementaires : cinq députés et cinq sénateurs ;
- dix artistes : deux musiciens, deux plasticiens, deux réalisateurs, deux comédiens, deux écrivains ;
- dix universitaires et chercheurs : deux juristes, deux économistes, un sociologue, un critique d'art, un philosophe, deux informaticiens, un mathématicien ;
- dix acteurs de l'internet : cinq industriels et cinq utilisateurs, dont deux bibliothécaires ;
- quatre journalistes professionnels.
Il est présidé par un membre de l'Académie des sciences.
Sa mission est de réfléchir aux meilleures solutions destinées à garantir de façon évolutive les droits d'auteurs et la liberté d'accès aux réseaux de communication électronique dans le cadre défini par la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Pour cela, le Conseil réalisera notamment une veille internationale sur les évolutions en cours, confrontera les diverses solutions juridiques et techniques et présentera un ensemble de propositions au Parlement et au gouvernement. Le texte de la future loi devra s'inspirer, de façon substantielle, des propositions du Conseil.
Il rédigera un rapport final rendu public au terme de deux années d'activité et présentera un rapport intermédiaire à mi-parcours. Il animera un large débat public, y compris sur Internet et dans les médias.
Il dispose des moyens humains et financiers nécessaires à son bon fonctionnement et mis à sa disposition par les ministères de la culture, de la recherche, de l'industrie et des finances.
Ses modalités de fonctionnement seront définies par décret en Conseil d'État.
La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Cet amendement vise à créer un conseil de réflexion sur la question des droits d'auteur et la liberté d'accès aux réseaux de communication électronique. Il s'appellerait le « Conseil Beaumarchais-Internet-Responsabilité publique ».
Pour éviter les écueils d'un texte législatif adopté dans l'urgence et soumis aux risques d'une rapide inadaptation ou d'une juxtaposition des points de vue souvent partiels ou partiaux dans un domaine très complexe, en mutation rapide, et dont les enjeux sont essentiels pour la collectivité nationale, ce conseil devra mener une réflexion sereine, pluraliste et ouverte dont l'aboutissement permettra de proposer une législation apte à relever les défis des réseaux numériques.
La question de la responsabilité publique en matière d'internet, des nouvelles technologies et des choix à opérer en fonction de leur utilisation démocratique dans le cadre de la société dite « des connaissances » est centrale.
Comme cela a été maintes fois souligné lors de différentes discussions sur ce thème, l'internet pourrait être considéré comme un bien d'intérêt public ou général, surtout si ce n'est pas au sens économique du terme !
Afin de ne pas perdre le fil d'Ariane qui nous lie aux auteurs, aux créateurs, aux chercheurs, aux artistes et aux producteurs, nous vous proposons d'appeler ce conseil « Beaumarchais ».
La France et l'Allemagne, inspirées par le philosophe allemand Kant, selon lequel une oeuvre d'art ne peut être séparée de son auteur, ont développé l'idée de la personnalité unique de l'auteur.
Dès 1777, le dramaturge français Beaumarchais commença à réunir les auteurs au sein de la première société d'auteurs du monde et, en 1791, l'Assemblée nationale française adopta la première loi sur le droit d'auteur.
La visée humaniste de cette tradition met en valeur le talent humain à travers l'individu et le respect de l'intelligence humaine dans toutes ses activités.
Il faut sauvegarder et développer cette tradition française dans le cadre des nouvelles technologies présentes et à venir.
Le principe de composition du conseil, qui compte quarante-cinq membres, est celui d'une souveraineté élargie -dont l'élection de représentants des assemblées, d'institutions ou d'organismes reconnus d'utilité publique - sans se limiter aux seuls critères de la représentativité de ses membres.
Nous soumettons cette idée, jugée intéressante par l'ensemble de la commission des affaires culturelles, à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Thiollière, rapporteur. Nous sommes tous sensibles, monsieur le sénateur, au rappel que vous faites de Beaumarchais, rappel qui nous permet de terminer cette séance comme nous l'avons commencée.
Quoi qu'il en soit, l'amendement 40, qui vient d'être adopté, permet justement de créer les moyens d'évaluer la loi dans le temps et de se donner tout le recul nécessaire. Nous pensons qu'il est suffisant.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur votre amendement, monsieur le sénateur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Il est particulièrement important de faire en sorte de suivre de très près, pour les précéder, les évolutions de la technologie.
C'est la raison pour laquelle j'ai constitué l'Observatoire des usages numériques, qui regroupe un certain nombre de professionnels et de représentants de l'ensemble des secteurs concernés.
De la même manière, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique a devant lui une échéance de travail, et j'imagine que la commission des affaires culturelles du Sénat continuera son travail d'éclaireur.
Je suis donc à la disposition de toutes les instances de concertation qui existent déjà pour continuer cette activité de prospective, d'interpellation et de préfiguration afin d'apporter les évolutions nécessaires.
Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 176.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Les Verts ne voteront pas ce projet de loi.
L'impérieuse nécessité de garantir les droits d'auteur à la française, patrimoniaux et moraux, nous a, ici, tous motivés.
Cependant, ni la méthode d'élaboration de la loi, ni le quasi-harcèlement de toutes les parties prenantes, ni les risques réels que vous prenez avec les DRM et leur cortège d'effets négatifs ne sont de « bonne démocratie » !
Je ne suis pas juste lorsque j'évoque toutes les parties prenantes puisque, entre les auteurs, les artistes-interprètes, voire les petits producteurs, d'une part, et les internautes, voire les acteurs du logiciel libre, d'autre part, les fournisseurs d'accès, les constructeurs en informatique, les gestionnaires de réseau, autrement fortunés, passent entre les gouttes des contributions comme de la répression si leurs pratiques sont illicites.
Nous nous félicitons néanmoins de la préservation des droits des photographes, à l'opposé des tropismes de certains éditeurs de presses vers le copyright.
Je regrette votre silence sur les agents publics.
Enfin, nous n'avons à mon avis procédé qu'à une ébauche ; la mise en oeuvre des dispositions adoptées révélera le manque à gagner des auteurs, ainsi que des dommages collatéraux.
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Le fond de ce débat au terme duquel nous arrivons était le droit d'auteur - avec son droit moral - et la copie privée adaptée aux dernières nouvelles technologies.
Fondamentalement, le texte adopté cède devant la pression du copyright et mutile l'avenir de la copie privée. En criant au loup-garou face aux nouveaux moyens techniques inventés par les hommes, nous les affermons aux grandes affaires au lieu de les civiliser !
Je me souviens, monsieur le ministre, de l'inauguration d'une exposition à la Villette, en 2004. Le catalogue contenait une phrase que je garde en mémoire : une certaine maturité commence à s'établir dans ces champs créatifs, qui permet de les réintégrer dans une continuité historique tout en obligeant l'invention de nouveaux types d'expérience.
C'est ce travail difficile qu'il nous aurait fallu accomplir ; or, nous ne l'avons pas fait.
Ce travail est difficile, car, comme c'est le cas pour tout moyen de transport, la régulation est longue à établir. Ainsi, il aura fallu quarante ans pour le chemin de fer, et de nombreuses années entre l'invention de la voiture et le code de la route !
En réalité, ce n'est pas l'invention de l'automobile, mais plutôt la survenue d'accidents qui a incité à organiser la régulation. Je me souviens de ce que disait Paul Virilio à cet égard : « inventer le navire, c'est inventer le naufrage, l'avion le crash, et le train, la catastrophe ferroviaire ».
Aujourd'hui, conscients de ces deux aspects, nous avions la possibilité de traiter la question fondamentalement. Or nous ne l'avons à mon avis pas fait, ce qui est regrettable.
Quoi qu'il en soit, j'ai senti que les questions évoquées étaient l'occasion de troubles dans cette assemblée. J'en veux pour preuve toutes les discussions sur l'interopérabilité, même si cette dernière n'a pas marqué le débat. Certains souhaitaient l'interopérabilité, mais d'autres, qui ont malheureusement réussi, voulaient la « rétrécir ».
Sur les deux amendements qui ont concerné la création d'une autorité administrative, les votes n'ont pas été tranchés.
Dans un cas, il y a eu 164 voix « pour », 159 voix « contre » et 5 abstentions. Cela signifie bien que la question existe et que nous n'avons pas su aller dans le sens d'une responsabilité publique nouvelle.
Dans l'autre cas, il y a eu 161 voix « contre », 120 voix « pour » et 41 abstentions. Faites l'addition des voix « pour » et des abstentions, et vous arriverez également à un équilibre !
Il y avait donc des possibilités que nous n'avons pas exploitées.
Voilà, pour l'essentiel, ce que je voulais dire.
En 1996, lors de l'adoption d'une directive européenne, j'avais déclaré que l'heure me paraissait venue de donner un signal, car il était clair, notamment dans les débats de l'OMPI, que le copyright avançait. Je disais alors : il nous faudrait sonner le tocsin !
La question est même posée aux États-Unis. Un auteur explique en effet l'évolution américaine par le fait que les sociétés de communication ont réussi à convaincre les gouvernements que les critères d'intérêt public ont de moins en moins d'opportunité, puisque les innovations technologiques permettent au marché de résoudre les problèmes.
Une sorte de goutte-à-goutte est en train de se distiller et, si l'on n'y prend garde, un jour on se retrouvera noyé. Une pluie drue s'abat maintenant contre le droit d'auteur et contre l'intelligence créatrice, dans un mélange prospectif avec les nouvelles technologies porteuses de tant d'espérances.
À une époque, je disais « attention ! ». Aujourd'hui, je dis « non ! ». Nous ne pouvons pas accepter le projet de loi tel qu'il a abouti, même si, à certains moments, des initiatives provenant de la commission ou d'autre origine, ont été acceptées.
Il s'agit d'un problème difficile. J'en ai eu la preuve récemment lorsque je me suis rendu à deux rencontres internationales : l'une se déroulait à Munich, autour de soixante juristes Français et Allemands ; l'autre réunissait à Bruxelles, il y a quinze jours, soixante-quinze juristes venus de toute l'Europe. Les questions qui nous préoccupent ont été posées, mais elles n'ont pas obtenu de réponse.
Nous, nous sommes des législateurs et non des chercheurs. Il nous faut donc trancher. Toutefois, il y a deux façons de trancher : soit en caressant l'avenir, soit en le coupant. Malheureusement, ce soir, c'est le côté coupant plus que l'aspect caressant qui a prévalu.
À cause de notre très fort attachement au droit d'auteur, à cause de notre volonté d'appréhender d'une manière ouverte l'avènement des nouvelles technologies, nous voterons contre ce texte.
Pour terminer, monsieur le ministre, je voudrais citer une déclaration d'un artiste, Shigeru Miyamoto, que vous fîtes chevalier dans l'ordre des arts et des lettres le 13 mars 2006. Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, je rappelle qu'il est le créateur de Mario et de Zelda, ce n'est donc pas un créateur que certains qualifieraient de classique.
Il a dit : « Je ne pense pas qu'il faille s'adapter à la console de jeu, c'est à la console de s'adapter à nous [...] Le problème n'est pas : "qu'est-ce que la machine peut afficher ?", c'est : "qu'est-ce que, moi, je veux produire sur cette machine ?" [...] Ce n'est pas la machine qui fait le créateur. C'est le contraire. »
Nous sommes des créateurs législatifs. Je trouve que ce soir, à travers un langage machiniste, nous avons trop oublié le créateur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Le Gouvernement ayant déclaré d'urgence ce projet de loi déposé il y a trois ans sur le bureau de l'Assemblée nationale, nous voici parvenus au terme de l'unique lecture d'un texte techniquement complexe et politiquement délicat.
Rappelons que l'exercice des droits de la propriété intellectuelle se déroule désormais à l'ère des réseaux numériques, de la numérisation sans limite des oeuvres, dans le cadre d'une économie numérique en plein essor et appelée à se développer encore longtemps.
Dans ce contexte, la tentation, notamment pour les éditeurs de logiciels, est de capter à leur profit l'exploitation des droits d'usage des oeuvres protégées par leurs instruments techniques afin de rentabiliser les investissements nécessaires à la création de ceux-ci, et ce dans une stricte logique de copyright. Cette tentation risque de se concrétiser par la concentration des industries de contenants et de contenus, l'ensemble de la chaîne de valeur qui va de la production à la diffusion des oeuvres risquant d'être finalement contrôlée par quelques groupes intégrés. Il suffit de voir comment cela se concrétise avec Apple et de lire le numéro de Libération de ce matin pour constater comment des logiciels de peer to peer peuvent faire l'objet de conversions étonnantes.
En somme, l'économie numérique obéit bien aux mêmes règles que l'économie de marché en général. Le législateur est alors confronté à une seule alternative : laisser faire le marché ou le réguler.
S'il existe un outil essentiel de régulation de l'économie de la culture, c'est bien le droit d'auteur à la française plutôt que le copyright à l'anglo-saxonne. Ce sujet était au coeur de notre débat et des préoccupations du groupe socialiste.
Il est donc de la responsabilité du Gouvernement de confirmer le droit d'auteur, non seulement en protégeant les ayants droit, mais aussi en évitant l'émergence d'acteurs intégrés et monopolistiques de l'économie numérique. Malheureusement, le Gouvernement, qui semblait viser cet objectif, ne l'atteint pas au terme de l'examen de ce texte.
Il est vrai que votre attitude, monsieur le ministre, comme celle de la majorité, a consisté en général à rejeter nos amendements, à l'exception de deux : le premier, qui a été présenté hier soir, visait à garantir l'application de l'exception de décompilation, prévue par une directive communautaire de 1991, aux mesures techniques de protection ; le second, qui a été examiné aujourd'hui, tendait à promouvoir la création d'une plate-forme publique de téléchargement.
Pour nous, ces propositions étaient une façon de montrer l'état d'esprit dont nous ferions preuve face à un texte, qui, contrairement à celui-ci, ne serait pas de transition. Il faudra d'ailleurs associer l'ensemble des acteurs de la culture directement concernés, les acteurs-citoyens, les consommateurs, à l'élaboration d'un tel texte qui continuera de toute façon d'évoluer, mais qui permettra de résorber la fracture qui s'est fait jour dans ce débat entre internautes et créateurs.
À ce sujet, il est regrettable que vous ayez refusé d'envisager que les fournisseurs d'accès à Internet soient mis à contribution pour financer la création. Il faudra de toute façon chercher des contributions pour permettre l'accès à la culture au plus grand nombre sans pénaliser les créateurs et en leur permettant d'obtenir une juste rémunération.
Il est inutile d'insister sur notre proposition, qui a été rejetée, d'améliorer la composition du collège des médiateurs, instance initialement prévue par le texte issu de l'Assemblée nationale. La commission a transformé cet organisme en autorité administrative indépendante aux compétences élargies, sans assurer la cohérence de sa mission avec celles du CSPLA et de la commission de la copie privée et sans associer les consommateurs.
On peut donc dire que l'économie du projet de loi telle qu'on peut en juger aujourd'hui va à la fois dans le sens de la fragilisation de la protection des droits des créateurs et des artistes et de la généralisation progressive du copyright. En effet, monsieur le ministre, vous avez cherché à garantir le respect du droit d'auteur par la seule voie des mesures numériques de protection, sans obliger les éditeurs de ces dispositifs à assurer leur interopérabilité.
Le système de sanctions que vous avez cherché à mettre en place est flou, inefficace, fait de bric et de broc et a peu de chance d'être dissuasif, car il n'est pas crédible, tout comme le dispositif visant à assurer l'interopérabilité des mesures de protection. Dès lors, quelle est la crédibilité des pouvoirs publics à l'égard tant des créateurs et des artistes que des internautes ? À l'évidence, elle se réduit comme peau de chagrin.
Ce texte sera une mauvaise loi opposant l'intérêt des internautes à celui des auteurs dans une logique « perdant-perdant » de laquelle seules les industries de contenants sortiront gagnantes. Nous l'avions d'ailleurs dit dès la discussion générale. C'est surtout la méthode choisie qui a conduit à ce résultat.
La gauche s'inscrit résolument dans une autre logique que celle du Gouvernement : la démocratisation de la diffusion de la culture fait partie de nos valeurs, comme la protection des créateurs et des artistes, car l'une ne peut aller sans l'autre. L'équilibre entre ces deux objectifs de politique publique n'étant pas atteint par le projet de loi, nous voterons contre.
M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. Nous voici parvenus au terme d'un débat complexe et techniquement difficile. Je reconnais donc le grand mérite dont a fait preuve le Gouvernement en soumettant ce projet de loi à notre sagacité.
Cependant, je regrette que le texte soit plus restrictif que celui qui fut voté à l'Assemblée nationale, particulièrement sur deux points. Tout d'abord, l'interopérabilité n'est plus aujourd'hui garantie comme elle l'était initialement. Ensuite, je déplore la réécriture de l'article 14 quater.
Pour toutes ces raisons, Bruno Retailleau, trois de nos collègues non inscrits et moi-même nous abstiendrons.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. À l'issue de l'examen par le Sénat du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins, je tiens à insister sur l'objectif que nous avons toujours cherché à atteindre tout au long de ce débat : affirmer la priorité du droit d'auteur dans un contexte de mutation technologique. C'est la raison pour laquelle je réitère notre regret que le débat n'ait pas été plus approfondi.
La complexité du texte et la technicité des sujets qui ont été abordés nous ont sans doute privés d'une réflexion de fond sur un enjeu de société et d'avenir, à savoir l'accès et la diffusion des oeuvres sur Internet, la mise en place de nouveaux systèmes économiques permettant de proposer une offre légale et des espaces nouveaux à tous les créateurs.
Aussi ce projet de loi est-il un texte de transition, une étape. Nous serons conduits à revoir notre cadre législatif dans un délai relativement court compte tenu des évolutions majeures que cette question représente pour nos sociétés dans le cadre d'une mondialisation croissante.
Nous ne pouvons que regretter encore une fois que le Gouvernement ait déclaré l'urgence sur ce projet de loi, car les débats au sein de notre assemblée ont clairement montré que la navette parlementaire aurait été utile pour améliorer les dispositions essentielles du texte et arriver au meilleur équilibre possible.
Notre plus grande satisfaction est de voir le texte réaffirmer la primauté du droit d'auteur, principale source de la création artistique.
L'examen par le Sénat aura également permis d'améliorer le régime des exceptions au droit d'auteur. Nous nous réjouissons de voir enfin reconnu l'exception pédagogique en faveur de l'enseignement et de la recherche, même s'il faudra nous montrer vigilants sur la dotation budgétaire allouée aux universités, qui devront payer la rémunération forfaitaire.
Le texte adopté par le Sénat reprend également les garanties apportées par l'Assemblée nationale concernant l'exception pour copie privée. Même si nous avons exprimé nos inquiétudes sur la rémunération pour copie privée, laquelle est menacée par la systématisation des mesures techniques de protection, il nous semble que cette exception essentielle est garantie pour les usagers.
Nous avons un autre motif de satisfaction : la rédaction du texte se trouve sensiblement améliorée par la lecture au Sénat. Il faut saluer le bon travail de la commission des affaires culturelles et de son rapporteur.
Cependant, les discussions au sein de la Haute Assemblée ne nous ont pas permis d'aborder plusieurs enjeux essentiels, et nous restons perplexes sur plusieurs dispositions.
La principale est bien sûr l'interopérabilité. Nous avons essayé de sauvegarder les avancées de l'Assemblée nationale, qui avait affirmé clairement le principe de l'interopérabilité en lui conférant un cadre.
Même si plusieurs de nos amendements ont été adoptés, nous pensons que le texte issu du Sénat n'assure pas suffisamment la garantie de ce principe, qui a été renvoyée à l'Autorité de régulation. Nous espérons que la commission mixte paritaire permettra d'améliorer cet aspect du texte en revenant au plus près de la rédaction que l'Assemblée nationale a adoptée à l'unanimité.
La création de l'Autorité de régulation, qui remplace le collège des médiateurs, nous laisse également perplexe. Nous ne sommes pas totalement satisfaits par cette nouvelle autorité administrative indépendante, dont les missions sont très étendues. Nous avons exprimé nos doutes sur les coûts induits par cette nouvelle instance et sur son rôle en matière d'interopérabilité. Je regrette que nous n'ayons pas eu davantage de précisions sur les coûts.
Enfin, nous sommes perplexes sur le système de sanctions prévu par le projet de loi et nous sommes fermement opposés aux amendements pénalisant les éditeurs de logiciels menaçant directement l'activité des logiciels libres.
En outre, nous sommes déçus par l'absence de débats de fond et d'avenir dans notre assemblée. Il est en effet regrettable que nous n'ayons pu réfléchir aux questions qui se poseront dans un avenir très proche. Certains d'entre nous ont évoqué des pistes de réflexion sur les nouvelles sources de financement de la création artistique. Cependant, nous aurions aimé recueillir le point de vue d'un plus grand nombre de nos collègues.
La révolution numérique ne doit pas seulement être appréhendée comme une menace pour les industries culturelles. Elle peut aussi être une chance de développement. Il est dommage que nous remettions ces débats essentiels à une date ultérieure alors que de véritables pistes de réflexion auraient pu davantage être abordées dans cet hémicycle.
Le groupe UC-UDF, déçu qu'un débat plus approfondi n'ait pu se dérouler, ne pourra voter le projet de loi tel qu'il ressort de l'examen par le Sénat. Ainsi, les sénateurs du groupe centristes s'abstiendront et resteront vigilants sur les conclusions de la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.
M. Alain Dufaut. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour, et au nom du groupe UMP, je souhaite exprimer notre gratitude et nos remerciements au rapporteur, Michel Thiollière, au président de la commission, Jacques Valade, ainsi qu'à l'ensemble de la commission des affaires culturelles du Sénat, qui s'est considérablement investie dans l'examen de ce texte et dans la recherche permanente d'un juste équilibre entre la défense du droit d'auteur et la liberté de l'internaute.
Le débat que nous avons eu durant deux semaines a, me semble-t-il, incontestablement permis d'améliorer et d'enrichir le texte issu de l'Assemblée nationale.
Les exceptions déjà existantes et les nouvelles exceptions, qui contribuent positivement à la diffusion des oeuvres, ont été strictement encadrées afin de respecter les droits des auteurs et les titulaires des droits voisins.
Les responsabilités ont été clairement différenciées afin que les sanctions soient adaptées et effectives.
Outre des précisions essentielles sur les notions de mesures techniques de protection ou d'interopérabilité, le Sénat a prévu, avec l'Autorité de régulation des mesures techniques, un dispositif à la fois souple et capable de répondre à la diversité et à la complexité des situations et de suivre l'évolution des nouvelles technologies.
Il est vrai que nous ne sommes qu'au début d'un très long chemin. Celui-ci sera semé d'embûches, car il s'agit d'un domaine en perpétuelle mutation. Mais le présent texte a le mérite de poser les bases nécessaires à la construction de l'avenir.
Je conclurai en soulignant le rôle prépondérant joué par M. le ministre de la culture et de la communication. Je souhaite lui dire combien nous avons apprécié sa détermination et sa volonté permanente d'améliorer le texte. Il s'est toujours montré attentif aux remarques des sénateurs, sans jamais pour autant remettre en cause le fragile équilibre entre une juste rémunération des créateurs et la liberté d'accéder le plus largement possible aux oeuvres de l'esprit les plus diversifiées.
Oui, monsieur le ministre, comme vous le souhaitiez, le présent projet de loi, largement amendé par le Sénat, est devenu un support législatif à un « internet équitable » ! Soyez-en remercié.
Le groupe UMP votera bien évidemment ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Nous arrivons au terme d'un débat complexe, qui s'est finalement déroulé dans un esprit de réel sérieux. Il faut dire que la passion des débats à l'Assemblée nationale était à la mesure de l'impréparation du Gouvernement sur ce projet de loi.
Comme nous l'avons amplement souligné lors de la discussion, nous étions prêts à approuver une transposition de directive a minima protégeant les droits d'auteur et les droits voisins, si elle était réalisée dans un esprit de concertation et de pédagogie. Au lieu de cela, nous nous sommes embarqués dans six mois d'une navette parlementaire ubuesque avec, en prime, une déclaration d'urgence tardive sur un texte déposé depuis près de trois ans.
Sous prétexte d'assurer la protection numérique de la propriété littéraire et artistique, le Gouvernement a proposé un projet de loi initial extrêmement répressif, assimilant le téléchargement illicite d'oeuvres et d'objets protégés à de la contrefaçon, alors qu'un tel comportement relève généralement de pratiques spontanées d'internautes désireux d'accéder à des contenus culturels multiples et variés.
Une telle provocation n'a pas manqué de mettre le feu aux poudres. Par le biais de très nombreux amendements, les députés ont relayé de manière souvent improvisée les préoccupations de toutes les parties au débat. Et vous n'avez rien trouvé de mieux, monsieur le ministre, que de retirer purement et simplement les dispositions en question, au lieu de laisser à la navette parlementaire le soin de faire son oeuvre.
C'est donc dans un contexte d'hostilité déclarée que le Sénat s'est trouvé saisi du projet de loi. Il a dû trouver une voie pour relayer les préoccupations tant de l'industrie culturelle et des ayants droit que des internautes, des éditeurs de logiciels et des industries concernées, et ce dans un cadre dépassant désormais la simple transposition de la directive puisque certaines questions primordiales comme celle de l'interopérabilité ayant été soulevées, il convenait de les régler au mieux.
Par leurs interventions et leurs amendements, les sénateurs socialistes ont donc souhaité contribuer au débat en maintenant un équilibre entre protection et développement de la création, d'une part, et droit d'accès à la culture, d'autre part.
Force est de constater que nos amendements n'ont trouvé que peu d'écho auprès de la Haute Assemblée : seuls deux d'entre eux ont été adoptés. Le premier tendait à garantir le respect de la directive du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur et modifiant le code de la propriété intellectuelle sur l'exception de décompilation dans le cadre de la protection des mesures techniques. Le second avait pour objet de prévoir les conditions de mise en oeuvre d'une plateforme de téléchargement publique.
Le texte issu du Sénat ne peut pas nous satisfaire pleinement. Nous ne pouvons pas cautionner la nouvelle Autorité de régulation des mesures techniques, voulue par M. le rapporteur. Celle-ci constitue une nouvelle instance de régulation aux compétences beaucoup trop larges pour un secteur dont on ne maîtrise pas encore l'évolution. Nous regrettons que le collège de médiateurs, dans une formation élargie mais avec des compétences maintenues - c'est la formule que nous souhaitions -, n'ait pas été préféré.
Certes, les sanctions figurant dans le projet de loi initial ont été davantage graduées en fonction de la nature de la faute, mais rien ne nous assure qu'elles trouveront une application effective ni qu'elles seront réellement dissuasives pour les internautes peu soucieux des droits d'auteur.
Nous aurions aimé que certaines de nos propositions - je pense notamment à celle relative à la garantie de la chronologie des médias dans les modalités de la mise en oeuvre de l'exception pour copie privée dans le cadre numérique - soient retenues.
Vous comprendrez donc que nous ne pouvons pas cautionner ce texte, sur lequel le Gouvernement et le Sénat n'ont pas fait preuve d'une ouverture d'esprit suffisante. Le groupe socialiste votera donc contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il était grand temps de transposer dans notre droit la directive européenne du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information.
Il n'était en effet plus réaliste de prétendre vouloir assurer le respect du droit d'auteur et des droits voisins sans en organiser les protections face à l'explosion de nouvelles pratiques, qui doivent retrouver leur place dans un cadre légal.
Mais, monsieur le ministre, ce texte est une occasion manquée. Il nous laisse au milieu du gué, car il a d'emblée créé un affrontement non résolu à ce jour entre les intérêts légitimes des auteurs et les aspirations nouvelles des internautes.
Tout au long de l'examen de votre projet de loi, on a hésité - je dirais même « divagué » - entre ces deux objectifs, allant même parfois jusqu'à confondre le nouveau principe d'interopérabilité avec une autorisation de contourner les mesures de protection. On a également mélangé copie privée et téléchargement. Cela ne sert ni les auteurs, ni les internautes, ni les éditeurs de logiciels libres, qui ne sauraient être confondus avec le piratage.
À l'actif de ce texte figurent de nouvelles exceptions très importantes, qui ouvrent un champ véritablement neuf. Je pense notamment à l'exception pédagogique pour l'éducation et la recherche, ainsi qu'à l'exception pour l'accès des personnes handicapées au monde numérique, donc à la culture. Ce texte a également - c'est fondamental pour moi - réaffirmé l'indivisibilité du droit d'auteur, qui est le socle du développement de la vie intellectuelle et artistique.
En revanche, plusieurs points sont à mettre au passif de ce projet de loi. D'abord, comme nous l'avons tous souligné, vous avez opté pour l'apparition de cette énième autorité dite indépendante, au lieu de creuser le sillon de la médiation et de la collégialité. De même, nous sommes nombreux à avoir des doutes quant à l'efficacité des mesures de protection et des sanctions.
Heureusement, nous sommes tous conscients que ce texte n'est qu'une étape.
Pour notre part, sénateurs socialistes, nous avons pris date pour travailler à dessiner rapidement une nouvelle économie de la culture qui ne saurait sacrifier la rémunération des auteurs. Nous souhaitons également oeuvrer pour responsabiliser chaque maillon de la chaîne, plutôt que de tout reporter sur l'internaute ou de tout demander à l'auteur. Enfin, nous voulons trouver la voie d'une collaboration fructueuse entre la création et le monde numérique. Nous devrons y arriver. Nous ne saurions donc nous contenter du texte tel qu'il est issu de ce débat.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 193 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 292 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 147 |
Pour l'adoption | 164 |
Contre | 128 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je voudrais remercier très sincèrement M. le président de la commission des affaires culturelles du Sénat, M. le rapporteur et l'ensemble des sénateurs qui ont voté ce projet de loi.
Il faut que les Français le sachent. S'il y a réconciliation - je pèse mes mots - entre les créateurs, les auteurs, les artistes, les techniciens et les internautes, c'est grâce à votre vote. Si le spectre de la prison pour l'internaute ordinaire disparaît, c'est grâce à vous. Si la sanction qui pénalisera en revanche ceux qui veulent casser notre système de droit d'auteur intervient, c'est également grâce à vous. Si l'avant-garde est au rendez-vous, c'est-à-dire si le droit pour chaque internaute de lire une oeuvre quel que soit le support est établi - de ce point de vue, nous serons observés dans le monde entier -, c'est grâce à ceux qui ont voté ce texte.
Dans ce débat, je n'ai pas entendu de propositions alternatives. Ceux qui le souhaitent auront la possibilité d'en émettre ; je les écouterai avec la plus grande attention.
Mais il ne fallait pas attendre. Attendre, c'était tout simplement offrir un peu moins de chance aux créateurs français et européens.
Vous avez fait oeuvre utile, mesdames, messieurs les sénateurs, et je vous en remercie. Nous devons continuer le travail qui est engagé. En effet, la technologie galope ; il faut faire en sorte qu'elle soit une chance pour ceux qui veulent se lancer. Je pense à tous les jeunes créateurs, à tous les jeunes auteurs, à ceux pour lesquels faire rayonner leur talent est difficile. Internet peut être une chance, mais pour qu'il le soit véritablement, il fallait qu'il y ait des garanties.
Par conséquent, au terme de ce débat, mon cri du coeur sera : « Vive l'offre nouvelle rendue possible par ce texte ! ».
Vous avez fait oeuvre utile en créant une sécurité juridique pour les professionnels et en permettant à tous ceux qui ont la charge de donner des contenus accessibles au plus grand nombre sur internet de faire leur travail. Merci à chacune et à chacun !
Le travail que nous avons accompli aura, me semble-t-il, des développements proches. Peut-être obtiendrons-nous dans les jours prochains une nouvelle avancée de la part de l'Union européenne, qui sera la reconnaissance de notre crédit d'impôt pour l'industrie phonographique. Là encore, ce sera une oeuvre utile.
Monsieur le président, je vous remercie d'avoir mené à bien ces débats avec flegme, mais également avec fermeté. Le bateau est arrivé à bon port et je vous en sais gré. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)