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Etablissements publics de coopération culturelle
Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de M. Ivan Renar, fait au nom de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi présentée par MM. Ivan Renar, Jacques Valade, David Assouline, Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Yannick Bodin, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Alain Dufaut, Ambroise Dupont, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Paul Émin, Mme Françoise Férat, MM. Bernard Fournier, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Alain Journet, Pierre Laffitte, Serge Lagauche, Jacques Legendre, Mme Lucienne Malovry, M. Pierre Martin, Mmes Colette Melot, Catherine Morin-Desailly, MM. Bernard Murat, Philippe Nachbar, Mme Monique Papon, MM. Jack Ralite, Philippe Richert, Michel Thiollière, Jean-Marc Todeschini, André Vallet, Jean-François Voguet, M. Jean-François Picheral et Mme Muguette Dini, modifiant le code général des collectivités territoriales et la loi n° 2002-6 du 4 janvier 2002 relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle (n° 265).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Ivan Renar, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je me réjouis que nous arrivions aujourd'hui à l'aboutissement des travaux de suivi de l'application de la loi du 4 janvier 2002 que vous m'avez confiés.
Je rappelle que cette loi avait été adoptée sur une initiative parlementaire de votre rapporteur. Elle instaure un cadre juridique nouveau dans le domaine culturel. Il est aujourd'hui évident que l'établissement public de coopération culturelle, l'EPCC, occupe une place très utile en venant compléter la « boîte à outils » des instruments juridiques à la disposition des acteurs de la culture.
La loi de 2002 était très attendue, à la fois par les professionnels du secteur, par les élus et par le ministère de la culture, tous confrontés aux difficultés ou risques inhérents aux structures juridiques existantes. Je pense en particulier à l'association, très fragile, ou à la régie directe, mais aussi au syndicat mixte ou au groupement d'intérêt économique.
Je précise que cette nouvelle structure juridique permet d'organiser, dans le cadre de la décentralisation et de la logique du cofinancement, le partenariat entre l'État et les collectivités territoriales ou entre ces dernières seules, si elles le souhaitent, pour la gestion d'équipements culturels structurants.
Je me permets d'insister sur le côté « partenariat » de cette loi, qui ne s'applique pas de façon obligatoire : c'est un choix de gestion décidé par l'ensemble des partenaires.
Répondant à un besoin avéré, la formule de l'EPCC a donc du succès. Il en existe d'ores et déjà au moins une trentaine, créés ou en cours de création, et il ne se passe pas un mois, voire une semaine, sans que mes interlocuteurs évoquent tel ou tel nouveau projet d'établissement.
Le dispositif semble répondre de façon satisfaisante aux trois préoccupations principales qui avaient inspiré la loi de 2002 : premièrement, offrir un cadre d'organisation adapté aux spécificités des services culturels et garantissant une certaine stabilité et pérennité ; deuxièmement, fournir un cadre de gestion associant souplesse de fonctionnement et rigueur de gestion ; troisièmement, permettre un partenariat équilibré, sur la base du volontariat entre les collectivités publiques membres de l'EPCC.
Compte tenu cependant de certaines difficultés d'application, j'ai proposé à la commission des affaires culturelles de mener un travail de suivi de l'application de cette loi, et je remercie vivement son président et ses membres de m'avoir confié cette tâche. Il me paraît très utile de développer ce type de démarche parlementaire qui consiste à allier l'initiative législative et le contrôle.
Ces travaux nous ont conduits à organiser une soixantaine d'auditions ainsi qu'une table ronde assortie d'un bilan d'étape. Puis la commission a bien voulu adopter le rapport d'information que je lui ai présenté à la fin du mois de décembre dernier, rapport qui dresse en quelque sorte le bilan des atouts, mais aussi des difficultés d'application concrètes des textes régissant l'EPCC.
Ce rapport avance surtout les réflexions qui ont inspiré la proposition de loi qu'il vous est aujourd'hui proposé d'adopter, mes chers collègues.
Depuis lors, nous avons poursuivi une concertation approfondie, tant au sein de notre commission qu'avec le ministère, les élus et les professionnels concernés.
Nous avons, je crois, fait preuve de persévérance et d'esprit constructif, ce qui m'a permis de proposer à mes collègues membres de la commission des affaires culturelles de cosigner cette proposition de loi. Aujourd'hui, je me réjouis qu'ils aient été si nombreux à s'associer à cette démarche, et je les en remercie. Il est en effet rare, voire exceptionnel, qu'un texte soit signé par des membres de l'ensemble des groupes politiques composant notre assemblée.
Nous avons encore amélioré ce texte en commission la semaine dernière. Nous avons tenté de conjuguer deux objectifs : en premier lieu, apporter davantage de souplesse de fonctionnement aux partenaires souhaitant coopérer au sein d'un EPCC ; en second lieu, préciser le statut du directeur d'établissement afin de favoriser la confiance entre professionnels et élus, et d'encourager les uns et les autres à adopter le statut d'EPCC.
Je vais maintenant vous présenter rapidement les avancées qu'apporte ce texte qui vient préciser et compléter la loi de 2002, texte dont les six articles concernent essentiellement la composition du conseil d'administration et le statut du directeur.
L'article 1er du texte adopté par la commission prévoit qu'un établissement public national pourra désormais participer à la création d'un EPCC. Il serait en effet très utile que le musée du Louvre ou le Centre Beaubourg, par exemple, puissent jouer un tel rôle, le Louvre à Lens et le Centre Pompidou à Metz.
Par ailleurs, cet article prévoit explicitement qu'un EPCC pourra non seulement gérer, mais aussi créer un service public culturel et assurer la maîtrise d'ouvrage de l'investissement concerné, car il semble qu'il existe aujourd'hui une ambiguïté à ce sujet. En effet, pour certains de mes interlocuteurs, la référence à la gestion d'un service public culturel exclurait la création d'un tel service et la maîtrise d'ouvrage de l'investissement afférent dans le cadre du statut de l'EPCC.
Les actuels EPCC ayant été créés par transfert de l'activité d'une structure culturelle existante, il n'existe pas encore de création ex nihilo.
Nous proposons, par conséquent, de lever cette ambiguïté.
À l'article 2, la commission propose que l'autorité administrative compétente pour décider formellement la création d'un EPCC puisse être soit le préfet de région, soit le préfet de département. En effet, la première hypothèse paraît plus adéquate lorsque l'établissement dépasse le niveau départemental et/ou relève d'un intérêt national.
L'article 3 de la proposition de loi prévoit quant à lui de modifier la composition du conseil d'administration de l'EPCC sur plusieurs points importants.
Il s'agit tout d'abord de conforter la place de l'État, dans le respect de l'esprit de partenariat qui doit prévaloir au sein du conseil d'administration, en supprimant la règle actuelle qui impose à l'État une participation minoritaire, quand bien même il serait le financeur majoritaire de l'établissement. Il s'agit non pas d'instaurer une proportionnalité entre participation au conseil et financement, mais de permettre aux partenaires de fixer eux-mêmes la répartition des sièges, de la façon la plus pertinente et avec pragmatisme, selon les cas de figure ou les situations particulières.
Je tiens à insister sur ce point. L'EPCC est, et doit être, un outil de partenariat et non un lieu d'enjeu de pouvoir. Il convient de conjuguer le principe de libre administration des collectivités territoriales et le souhait, partagé par les membres de la commission, d'une présence de l'État, indépendamment même de son éventuelle participation financière. L'État est en effet le garant de la stabilité et de la continuité de l'action publique, de l'égalité entre les territoires, dans le respect de l'intérêt général.
Par ailleurs, l'article 3 laisse au maire de la commune siège de l'établissement la possibilité de choisir s'il souhaite ou non être membre du conseil d'administration, dans le cas où la ville n'est pas partenaire et n'intervient pas dans le financement.
Il est apparu en outre utile de permettre à des établissements publics nationaux ou à des fondations de participer au conseil d'administration d'un EPCC. Désormais, les entreprises pourraient donc participer au financement de la politique culturelle par le biais d'une structure relevant du mécénat.
L'article 3 précise enfin les modalités de l'élection des représentants du personnel au sein du conseil d'administration, avec l'organisation d'une élection spécifique. Il convient en effet d'éviter la confusion des missions respectives des représentants du personnel au sein d'un conseil d'administration et des délégués du personnel.
L'article 4 a plusieurs objets : clarifier le mode de recrutement du directeur et sécuriser son parcours au moment du transfert d'une structure existante vers un EPCC ; mettre en adéquation la durée du mandat et celle du contrat du directeur ; encourager la création d'EPCC dans l'ensemble des secteurs de la culture ; renforcer le cadre législatif consacré aux enseignements artistiques.
Je veux préciser ces différents points.
Lorsqu'un conseil d'administration souhaitera changer de directeur au cours de l'existence normale de l'EPCC, il devra désormais établir un cahier des charges sur le fondement duquel les candidats répondant à l'appel à candidatures formuleront leurs projets d'orientations artistiques, culturelles pédagogiques ou scientifiques.
C'est au vu de ces projets que le conseil d'administration proposera au président du conseil le candidat de son choix, en vue de sa nomination.
Le directeur d'un EPCC, qu'il soit industriel et commercial ou administratif, se verra confier un mandat. Cette notion de mandat sera donc généralisée à l'ensemble des EPCC.
La durée de ce mandat sera de trois à cinq ans. En effet, au moins pour un premier mandat, une durée de cinq ans s'avère pertinente, en particulier dans le domaine du spectacle vivant.
Le directeur bénéficiera d'un contrat à durée déterminée pour une période égale à celle de son mandat. Au terme de ce dernier, le directeur présentera un nouveau projet, qui sera examiné par le conseil d'administration. En cas d'approbation de ce projet par le conseil, le mandat du directeur sera renouvelé et son contrat fera l'objet d'une reconduction expresse d'une durée équivalente à celle de son mandat.
Par ailleurs, je vous rappelle que, le décret devant définir les conditions de statut ou de diplôme dont doivent relever les directeurs d'un EPCC dans les domaines de l'enseignement artistique, de l'art contemporain, des musées, du patrimoine, des bibliothèques ou de l'inventaire n'ayant toujours pas été publié, presque aucun EPCC n'a pu être créé dans ces secteurs essentiels de la culture.
Afin de sortir de cette impasse, la proposition de loi prévoit un dispositif moins contraignant. Un simple arrêté des ministres chargés de la culture et des collectivités territoriales fixera une liste plus réduite des établissements concernés. En outre, un dispositif de reconnaissance de l'expérience professionnelle est prévu.
Par ailleurs, le directeur d'un EPCC dispensant un enseignement supérieur relevant du ministère chargé de la culture sera chargé de délivrer les diplômes nationaux que cet établissement a été habilité à délivrer.
Nous avons enfin souhaité consolider et institutionnaliser les réseaux d'écoles supérieures d'arts plastiques, la concertation interministérielle sur ces points ayant abouti très récemment.
Il s'agit de consacrer le caractère « supérieur » des formations dispensées par les établissements d'enseignement d'arts plastiques et de reconnaître les diplômes nationaux et les diplômes d'école sanctionnant ces études. Cette consécration devrait permettre de faire aboutir l'important dossier de la reconnaissance du grade de licence et de master des diplômes concernés.
Cette disposition s'inscrit naturellement dans la logique de la mesure précédente, qui permet la délivrance des diplômes nationaux par l'EPCC. En effet, les écoles d'art concernées relèvent, pour la plupart d'entre elles, du statut de la régie municipale, et il est probable que nombre d'entre elles adopteront le statut d'EPCC dans les années à venir.
Je passe sur l'article 5, qui est un article de coordination, pour évoquer l'article 6, qui concerne les dispositions transitoires réglant le moment spécifique du transfert de l'activité d'une structure culturelle existante vers un EPCC.
Il est proposé dans ce cas d'assurer autant que possible une transition « en douceur » en prévoyant le maintien du directeur dans ses fonctions au sein du nouvel établissement pendant une période limitée dans le temps : trois ans au maximum.
Une telle disposition - qui ne s'applique naturellement qu'en cas de transfert de l'activité d'une structure unique - est de nature à permettre à la fois la mise en place sereine de la nouvelle structure et de combler une lacune de la loi de 2002 relative au statut du directeur.
Dans le cas où plusieurs activités seraient reprises, les lois en vigueur s'appliqueraient alors - code du travail, loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique, statut de la fonction publique -, sachant que le paragraphe II de l'article 6 de la proposition de loi vise, quant à lui, le cas des agents contractuels de droit public.
Au-delà de ce dernier cas, la loi sur les EPCC ne nous semble pas devoir revenir sur les dispositions du droit en vigueur. Bien entendu, dans l'hypothèse du regroupement de plusieurs structures au sein d'un EPCC, l'emploi de directeur d'établissement ne pouvant être occupé que par une personne, l'établissement devra alors soit proposer aux anciens directeurs un contrat sur un autre emploi, donc à des conditions différentes, soit procéder à leur licenciement s'il s'agit de contractuels, de droit privé ou de droit public, ou à la suppression de leur emploi s'ils sont fonctionnaires.
En tout état de cause, c'est le projet culturel ou artistique formé par les partenaires pour l'établissement qui doit les guider dans leurs choix stratégiques.
Je suis convaincu de l'utilité de cette nouvelle catégorie d'établissement public pour l'avenir et le dynamisme du secteur culturel dans notre pays, à condition que chacun puisse l'appréhender dans un esprit constructif. Certains de mes interlocuteurs se sont inquiétés de la tentation d'interventionnisme de certaines collectivités territoriales, craignant qu'elles ne soient tentées d'adopter la structure de l'EPCC pour des enjeux de pouvoir.
Si ce risque d'ingérence existe, il convient de le relativiser et de ne jeter l'anathème ni sur l'outil juridique de l'EPCC ni sur les élus. Nous savons en effet que ce risque existe également, et parfois davantage, dans le cadre d'autres statuts juridiques.
Nous sommes par ailleurs bien placés pour demander que l'on fasse confiance aux élus, à leur bon sens et à leur souci de l'intérêt général, et que chacun fasse preuve de pédagogie, afin qu'élus et professionnels de la culture puissent développer des relations de confiance. C'est d'ailleurs ce à quoi s'attache la commission des affaires culturelles.
Je souhaite réaffirmer que mon approche de l'EPCC est et a toujours été guidée par l'affirmation de la liberté de création des artistes, comme du droit des citoyens à rencontrer les oeuvres. Autrement dit, l'EPCC est un outil pour mieux servir l'art et la culture, et non pour s'en servir. Faire plus et mieux de culture.
Je conclurai en formant le voeu que cette proposition de loi facilite la mise en oeuvre de nombreux projets d'EPCC en cours. Je suis moi-même impressionné par l'impatience, tant des élus que des professionnels du secteur, à voir cette proposition de loi adoptée et tout l'intérêt qu'ils accordent à nos travaux.
C'est pourquoi je souhaite que l'Assemblée nationale se saisisse à son tour rapidement de cet important sujet. Il me paraît essentiel que l'ensemble du processus législatif puisse aboutir à son terme d'ici à l'été prochain.
En attendant, je remercie tous ceux qui ont concouru au résultat : les collaborateurs de la commission des affaires culturelles, ceux des ministres et, naturellement, vous, mes chers collègues. Pour l'heure, la meilleure façon de dire, c'est désormais de faire. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Messieurs les ministres, quelle chance de vous avoir tous les deux, concernés l'un et l'autre par ce texte si important ! Je souhaite intervenir à la suite de notre rapporteur Ivan Renar non pas pour reprendre ce qu'il vient fort bien d'exprimer, mais pour insister sur la méthode que nous avons utilisée : c'est une méthode sénatoriale (Sourires.).
Messieurs les ministres, il s'agit tout d'abord d'une initiative parlementaire - cela ne signifie pas que le ministère de la culture et de la communication n'a pas été consulté - qui a suscité suffisamment d'intérêt pour déboucher sur une proposition de loi. Les choses ont cheminé par itérations successives, comme diraient les scientifiques, chacun ayant fait un pas vers l'autre.
Monsieur le rapporteur, dans vos propos de tout à l'heure, dont j'ai apprécié la modération, vous avez considéré que, devant certaines réalités, notamment la question des fondations, il était nécessaire d'associer des structures venant du monde économique, et qui pouvaient apporter quelques moyens supplémentaires.
L'innovation, c'est que nous avons essayé de développer une démarche expérimentale, parce que nous avions le sentiment de ne pas être allés jusqu'au bout des possibilités de ces établissements publics de coopération culturelle. Nous avions pris l'engagement auprès de nos partenaires qu'un rapport d'information serait établi à l'issue d'une période d'expérimentation. Le nombre d'auditions auxquelles a procédé M. le rapporteur a été considérable. Après une très large concertation et après avoir détecté les points sur lesquels il fallait revenir, une proposition de loi a été élaborée.
L'objet de ce texte est d'assurer la continuité de l'action culturelle de l'État vers les collectivités territoriales et le partenariat entre les personnes physiques. Il y a une nécessaire politique de la culture dans notre pays, mais il y a aussi - et c'est tant mieux - l'émergence d'une politique et d'une volonté de culture à l'échelon local, tout particulièrement chez les responsables des collectivités territoriales, mais aussi chez nos concitoyens.
Nous avons essayé de traduire cette démarche la fois des responsables des collectivités et de nos concitoyens en permettant le développement d'un réel partenariat entre l'État, les collectivités et nos concitoyens.
Tout à l'heure, M. le rapporteur a dit qu'il fallait faire confiance aux élus et aux professionnels. Je crois que ce texte s'efforce de répondre à cette nécessité.
Tel est l'état d'esprit dans lequel nous avons travaillé. Ce n'est pas du tout le discours de la méthode ; c'est le reflet des travaux de la commission des affaires culturelles du Sénat. Je remercie d'ailleurs les membres de la commission de leur coopération spontanée, très éloignée de la politique politicienne, qui nous a permis d'aboutir à ce texte. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, dans notre pays, la politique culturelle est une mission essentielle de l'État, une mission régalienne. C'est une tradition française dont les uns et les autres sommes fiers et que nous essayons d'honorer.
C'est aussi, sur l'ensemble de notre territoire, dans toute sa diversité, dans le domaine du patrimoine comme dans celui du spectacle vivant ou de la création sous toutes ses formes, et dans le respect des responsabilités de chacun, grâce à l'engagement des élus aux côtés des responsables d'associations, d'institutions et de lieux culturels, une politique partagée entre l'État et les collectivités territoriales, qui, dans le cadre de la décentralisation et d'une très forte déconcentration, n'a cessé de se développer. La seule maxime qui vaille est celle de l'addition des énergies pour faire en sorte que notre politique culturelle soit ambitieuse et permette l'attractivité de notre pays.
C'est un mouvement de grande ampleur, que la loi du 4 janvier 2002 relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle, due à votre initiative, est venue accompagner.
Comme vous l'avez montré, monsieur Renar, dans votre remarquable rapport d'information, le bilan de cette loi, après quatre ans d'application, est positif. L'établissement public de coopération culturelle a permis de développer le partenariat fructueux qu'entretiennent les collectivités territoriales et l'État au service de la culture, en rassemblant les énergies en faveur d'une gestion aussi efficace que dynamique des activités culturelles.
L'intérêt qu'a suscité auprès de très nombreux élus ce nouveau dispositif montre à quel point votre initiative était nécessaire et pertinente.
Je me félicite que la commission des affaires culturelles ait assuré le suivi de l'application de la loi dont elle était à l'origine et que, quatre ans après, elle en ait dressé le bilan. C'est ce bilan qui nous conduit, avec le présent texte, aux ajustements nécessaires pour en assurer, à la lumière de l'expérience, le plein succès.
Je tiens à saluer le remarquable travail du rapporteur et de la commission des affaires culturelles, et j'en remercie son président, Jacques Valade, qui a engagé une très large et très riche concertation préalable avec l'ensemble des personnes intéressées. Je constate d'ailleurs qu'il en déduit une méthode pour agir. J'espère que cette méthode de débat, d'expérimentation, d'unité, préfigure notre réussite, ensemble, s'agissant du droit d'auteur et d'Internet.
M. Ivan Renar, rapporteur. Oh là là !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Inch Allah !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Cette méthode a permis d'unir et de rassembler les élus, les responsables d'institutions culturelles, les directeurs d'EPCC déjà créés, les organisations syndicales, les services de l'État, au niveau tant central que déconcentré.
Je veux aussi saluer l'exemplaire coopération entre le Sénat, le ministère de la culture et de la communication, ainsi que le ministère chargé des collectivités territoriales. Le travail que nous avons mené traduit une véritable volonté de trouver ensemble, dans un esprit très constructif, les réponses les mieux adaptées aux questions posées.
Ce travail a été l'occasion de vérifier combien le nouveau dispositif répond à un besoin manifeste, ainsi que l'a souligné M. Renar dans son rapport.
Ce dispositif est particulièrement bien adapté aux services culturels. Il crée les conditions d'un partenariat fécond entre les collectivités territoriales et l'État. Son mode de gestion public représente un gage de pérennité et d'une plus grande rigueur de gestion.
Les modifications proposées par la commission des affaires culturelles à la loi du 4 janvier 2002 répondent à des préoccupations importantes et légitimes, et j'y suis globalement favorable.
Il s'agit, en premier lieu, d'assouplir la composition du conseil d'administration.
Votre proposition de loi permet d'associer certains partenaires dont le rôle peut être très utile ; je pense, bien sûr, aux établissements publics nationaux qui, on l'a vu pour plusieurs projets, comme l'antenne du Centre Georges-Pompidou à Metz, l'antenne de I'établissement public du musée du Louvre à Lens, le Centre des monuments nationaux pour l'Abbaye de Fontevraud ou Carnac, peuvent apporter pleinement leur contribution à la vie de l'EPCC.
Je tiens à dire que l'une des plus belles décisions que j'ai suggérées au Premier ministre et au Président de la République a été la création de l'antenne du Louvre à Lens. S'il fallait trouver un symbole de réconciliation entre les cicatrices de la vie économique et l'apport de la culture et de l'acte artistique, c'est véritablement la rencontre entre les hommes et les oeuvres, entre l'histoire et l'avenir: Les structures administratives, notre débat politique ne sont rien à côté de cette rencontre !
II s'agit également, pour des raisons similaires, de faire en sorte d'associer, le cas échéant, des fondations.
Par ailleurs, il me semble pertinent de ne pas figer la place de l'État au sein du conseil d'administration, dès lors qu'il est un partenaire très impliqué dans le soutien à une institution culturelle. Sur ce dernier point, la disposition donnant aux collectivités publiques partenaires la liberté de s'organiser au sein du conseil d'administration comme elles le souhaitent va, me semble-t-il, dans le bon sens, celui de la souplesse et de la responsabilité.
En deuxième lieu, votre proposition sur le statut du directeur constitue une réponse pragmatique et raisonnable. Elle est, je pense, de nature à assurer une transition sereine entre les institutions culturelles existantes et l'EPCC. Il s'agit soit de laisser à un directeur la possibilité de terminer son mandat s'il en a un, ce qui est assez rare, soit d'offrir la faculté de disposer d'un premier mandat de trois ans.
En troisième lieu, plusieurs autres ajustements relatifs à la situation du directeur sont prévus, qui me semblent également de nature à clarifier des points essentiels.
Il s'agit notamment de régler la question des conditions d'accès à la direction de certaines catégories d'EPCC.
Compte tenu des difficultés rencontrées dans la rédaction du décret d'application de la loi du 4 janvier 2002, qui prévoyait de définir les statuts et les diplômes requis pour les directeurs de certaines catégories d'EPCC, il convenait de trouver, au travers de la loi, un dispositif permettant de sortir de cette difficulté.
À cet égard, la commission des affaires culturelles propose un dispositif qui devrait permettre tant de clarifier la position du directeur, qu'il soit à la tête d'un établissement public administratif ou d'un établissement public à caractère industriel et commercial, que de simplifier les conditions applicables aux directeurs de certaines catégories d'EPCC.
Il est en effet prévu, d'une part, la nomination des directeurs d'EPCC, d'EPA ou d'EPIC, sur un contrat pour un mandat de trois ans à cinq ans renouvelable et, d'autre part, un texte conjoint du ministre de la culture et de la communication et du ministre délégué aux collectivités territoriales, précisant les conditions de diplôme que doivent remplir les directeurs dans certaines catégories d'établissements dont ce texte fixe la liste.
Une autre disposition va dans le sens de la simplification des procédures. Elle vise à donner au directeur d'un EPCC chargé de dispenser un enseignement supérieur relevant du ministre de la culture et de la communication la possibilité de délivrer des diplômes nationaux.
En quatrième lieu, la question de la situation du personnel transféré d'une institution culturelle existante vers un EPCC avait été une préoccupation majeure s'agissant de la loi du 4 janvier 2002. Celle-ci n'avait toutefois pas réglé tous les cas de figure.
C'est chose faite avec l'article 3 de cette proposition de loi, qui tend à prévoir la reprise sur contrat à durée indéterminée dans un EPCC à caractère administratif du personnel en CDI dans une structure préexistante de droit public. Cela permettra, par exemple, de régler la situation du personnel en CDI du Centre des monuments nationaux affecté à Carnac au moment de la transformation de ce site en EPCC à caractère administratif.
Je voudrais, en conclusion, souligner le grand intérêt du Gouvernement pour l'initiative opportune et efficace de votre Haute Assemblée.
Par le large consensus politique qu'elle rencontre, votre démarche traduit, d'une part, le souhait de poursuivre un partenariat actif entre les collectivités territoriales et l'État au service d'une politique culturelle ambitieuse et, d'autre part, une volonté très forte de donner aux institutions culturelles de notre pays les conditions les plus favorables de bon fonctionnement. J'y suis évidemment favorable et je tiens à vous remercier de votre proposition. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de l'occasion qui m'est offerte de prendre part à l'aménagement de la loi du 4 janvier 2002 relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle aux côtés de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication.
Je participe aujourd'hui à des débats de nature très différente. J'observe d'ailleurs que, tant sur la droite de cet hémicycle avec le sénateur Pierre Bordier, que sur ma gauche avec le sénateur Jack Ralite, quels que soient les sujets, notamment cet après-midi s'agissant des violences urbaines, nous nous retrouvons sur des thèmes très variés.
La décentralisation culturelle, longtemps demeurée en dehors de la logique des blocs de compétences qui dominait les premières lois de décentralisation de 1982 et 1983, a été dotée par la loi du 4 janvier 2002 d'un nouvel instrument juridique : l'établissement public de coopération culturelle.
Cette structure a incontestablement permis aux collectivités territoriales et à leurs groupements de s'associer soit entre elles, soit avec l'État, pour gérer en partenariat des services culturels d'intérêt à la fois local - c'est le sens de ma présence - et national.
Renaud Donnedieu de Vabres a cité un certain nombre d'exemples. Pour ma part, je mentionnerai la ville de Rouen, qui a créé en 2003, en partenariat avec la région Haute-Normandie, l'un des premiers EPCC : l'Opéra de Rouen - Haute-Normandie.
On dénombre désormais une trentaine d'EPCC constitués ou en cours de constitution. Ils interviennent dans des domaines culturels très variés, qu'il s'agisse d'en faciliter la gestion - je pense à des salles de spectacle, des châteaux, des abbayes ou des musées -, ou de donner une assise à des institutions culturelles.
Depuis, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a transféré certaines compétences en matière culturelle aux collectivités : inventaire du patrimoine, monuments historiques... Il s'agit incontestablement de conforter l'intervention culturelle des collectivités territoriales, qui, pour répondre aux demandes de plus en plus nombreuses, ont développé depuis plusieurs années des actions très diverses, hors de leurs compétences obligatoires.
Cette décentralisation, qui constitue un « levier majeur de la démocratisation culturelle », comme M. Ivan Renar le souligne dans son rapport d'information, n'a pas remis en cause l'outil EPCC, bien au contraire. En effet, celui-ci garde toute sa pertinence compte tenu de la spécificité des politiques culturelles.
Dans le cadre de la mission d'information conduite sur la loi créant les EPCC, vous avez relevé un certain nombre de difficultés ; celles-ci ont été soulignées par Renaud Donnedieu de Vabres. Ainsi, il est nécessaire de modifier les représentations au sein du conseil d'administration, afin de permettre la plus juste représentation du partenariat engagé. M. le ministre de la culture et de la communication a parfaitement indiqué que la proposition de loi tendait précisément à y répondre.
En outre, il est ressorti des auditions conduites dans le cadre de la mission d'information qu'outre la participation de l'État celle d'établissements publics nationaux ou de fondations pourrait clairement être opportune. Des projets de partenariat sont ainsi en cours d'élaboration entre certains de ces établissements.
Jusqu'à présent, l'EPCC ne pouvait pas répondre à ces projets, alors qu'au fond il constitue dans sa logique le meilleur des outils de partenariat culturel.
La proposition de loi tend ainsi à acter cette participation qui ne pourra, et je m'en félicite, que contribuer à une large diffusion de la culture. Là encore, pragmatisme et souplesse sont les maîtres mots de ce dispositif, et nous ne pouvons que nous en réjouir.
Par ailleurs, je veux souligner mon attachement à la grande marge de manoeuvre laissée aux partenaires s'agissant des statuts de cet établissement public. C'est une bonne chose ! Les partenaires peuvent en effet choisir librement, selon la nature de leurs activités et les nécessités de leur gestion - les deux éléments doivent être pris en compte -, de se constituer en EPA ou en EPIC.
Un tel choix a, bien entendu, des conséquences, notamment en matière de personnels. Leur statut diffère en effet généralement selon la forme de l'établissement, juxtaposant droit public et droit privé. Bien entendu, le directeur de l'EPCC, selon la jurisprudence constante du Conseil d'État, est un agent public.
Je sais que ces questions font partie des difficultés rencontrées dans le fonctionnement de ces établissements. Pourtant, je voudrais rappeler que les questions statutaires ne constituent au fond qu'un instrument au service d'une politique, de même que le droit ne constitue qu'un outil au service d'une cause.
Aussi, l'effort de clarification auquel tend la proposition de loi me paraît totalement adapté.
Le directeur de l'EPCC est nommé par le président du conseil d'administration, sur proposition de ce conseil, parmi une liste de candidats établie d'un commun accord par les personnes publiques représentées au sein du conseil. La liste est établie après diffusion d'un appel à candidatures et au vu des projets d'orientations artistiques, culturelles, pédagogiques ou scientifiques.
L'importance du projet artistique du futur directeur, qui fonde son recrutement dans le cadre du fonctionnement de l'EPCC, est ainsi clairement affirmée. C'est également une bonne chose !
La durée des mandats, de trois à cinq ans, illustre cette volonté de souplesse, qui est nécessaire à la gestion locale et particulière de chacun des EPCC.
Enfin, mais je ne veux pas trop m'y attarder, j'ai bien perçu l'intérêt d'un dispositif propre à la période transitoire de constitution d'un EPCC. La proposition de loi prévoit une « transition en douceur » permettant le maintien du directeur de la personne morale reprise par l'EPCC. Là encore, c'est le choix du pragmatisme qui est privilégié par l'ensemble des membres de la commission des affaires culturelles.
C'est d'ailleurs sur le caractère particulièrement consensuel de cette proposition que je voudrais conclure. Un projet aussi intelligent, qui répond à l'intérêt général, sait transcender tous les clivages politiques, ce qui est particulièrement bienvenu aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Philippe Nachbar.
M. Philippe Nachbar. « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement », disait Boileau. Par conséquent, je n'utiliserai pas la totalité des 45 minutes attribuées à mon groupe, dont je suis le seul orateur. (Sourires.)
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je me félicite que nous débattions aujourd'hui d'un sujet portant à la fois sur la place de la culture dans notre pays et sur l'intervention des collectivités territoriales en ce domaine.
Le texte dont nous discutons est d'origine parlementaire, ce qui me paraît essentiel. En effet, cela vient rappeler le rôle éminent joué par notre Haute Assemblée dans le soutien à l'action que mènent les collectivités locales dans notre pays.
Tout d'abord, permettez-moi de rappeler brièvement les dispositions de la loi du 4 janvier 2002, car nous arrivons au terme d'une période d'expérimentation. Cela me paraît une méthode de travail tout à fait exemplaire.
Ladite loi tendait à permettre à l'État et aux collectivités territoriales de travailler en commun, en toute clarté, au service des politiques culturelles. Cela répondait à une demande ancienne des élus locaux, des créateurs, des artistes et des responsables culturels, qui souffraient quotidiennement de l'absence d'une structure de gestion permettant à la fois d'organiser le partenariat entre l'État et les collectivités locales et de répondre à la diversité des problèmes culturels.
J'évoquerai rapidement le juste équilibre fixé par la loi de 2002 dans le partenariat culturel entre l'État et les collectivités locales.
L'action dans le domaine culturel est une responsabilité partagée. À un moment où les communes, les départements et les régions contribuent fortement à l'aménagement culturel du territoire, il était nécessaire de créer un outil juridique adapté à cette coopération.
En effet, avec la décentralisation, le pouvoir d'initiative des collectivités locales s'est considérablement développé et le financement public du développement culturel a suivi la même évolution.
Aujourd'hui - ce chiffre est important et j'ai plaisir à le souligner chaque année en présentant le rapport pour avis sur le projet de budget pour la mission « Culture » -, les dépenses cumulées de collectivités locales représentent à peu près le double du budget consacré par l'État à la culture. C'est essentiel ! Je crois qu'ici, au Sénat, il était important de le rappeler.
Le trait majeur du paysage culturel est donc la collaboration, le partenariat. Il semble aujourd'hui évident, mais cela n'a pas toujours été le cas, que, dans des domaines comme l'aide à la création, la valorisation du patrimoine, le soutien à la production et à la diffusion culturelle, en un mot le spectacle vivant, l'État, les communes, les départements et les régions sont appelés à travailler ensemble et à associer leurs moyens.
Un autre avantage de la loi du 4 janvier 2002 est d'avoir permis de prendre en considération la spécificité des différents services culturels. La structure pouvait prendre la forme d'un EPA ou d'un EPIC, et cette souplesse a été l'un des éléments déterminants qui ont assuré le succès réel des EPCC. En effet, le choix du statut d'établissement public a permis à la fois une souplesse de fonctionnement et une rigueur dans la gestion.
Les institutions culturelles peuvent désormais mieux affirmer leur identité, dans une plus grande sécurité juridique et financière. Antérieurement, en effet, les structures traditionnelles permettant aux élus ou aux collectivités de mettre en oeuvre un projet n'étaient guère adaptées aux activités culturelles : soit l'association présentait les dangers juridiques que nous connaissons et qui peuvent peser sur ses responsables, soit la gestion directe par régie engendrait des lourdeurs administratives et paraissait peu propice à toute forme de coopération. L'établissement public de coopération culturelle constitue une alternative qui permet de répondre à ce besoin.
Après avoir rappelé le bilan législatif de 2002 à nos jours, j'en viens au texte qui nous est présenté aujourd'hui et qui permettra, après quatre ans d'expérimentation, d'aboutir à un dispositif répondant à l'attente générale.
La mission de suivi menée par notre collègue Ivan Renar a en effet permis de relever un certain nombre de difficultés. De nombreuses réunions avec des élus, des artistes et des responsables d'institutions culturelles ont eu lieu. Je tiens à remercier tout particulièrement le président de la commission des affaires culturelles Jacques Valade à la fois pour le rôle qu'il a joué dans cette expérimentation et pour sa détermination à aboutir à un texte consensuel.
La proposition de loi que nous examinons vise à apporter plusieurs améliorations au statut des EPCC. Je tiens à souligner celles qui nous paraissent particulièrement positives.
Je commencerai par l'assouplissement de la composition du conseil d'administration de l'EPCC. Jusqu'à présent, la représentation de l'État y était limitée, ce qui en soi était regrettable. On pouvait en effet imaginer un désengagement de l'État lorsque, participant financièrement de manière importante, il n'était pas associé au conseil d'administration de la structure. Aujourd'hui, il apparaît normal que la participation financière de l'État soit liée à sa représentation, sans bien sûr qu'il soit possible d'envisager une stricte proportionnalité. Cela ne serait pas raisonnable.
Le texte permettra aux partenaires de décider eux-mêmes de la place de l'État. Ainsi seront respectées les particularités locales, auquel le Sénat est attaché.
L'autre assouplissement très important concerne la faculté des maires de participer ou non au conseil d'administration de l'EPCC. Le texte initial réservait une place de droit au maire de la commune où siège l'établissement. Or il est apparu, au terme de quatre ans d'examen, que les situations devaient être envisagées au cas par cas et que la participation ne devait pas être automatiquement imposée. Lorsque la commune n'est pas partie prenante au projet, la présence du maire au conseil d'administration peut en effet paraître pour le moins insolite. C'est pourquoi la précision introduite me paraît de bon sens. Elle permettra aux communes de décider ou non de la participation du maire au conseil d'administration de l'établissement.
Par ailleurs, la composition du conseil d'administration est élargie, la participation d'établissements publics nationaux et de fondations étant rendue possible. Cette mesure contribuera à améliorer le financement des EPCC. Outre les crédits publics de l'État et des collectivités, les EPCC pourront percevoir des crédits de mécènes, ce qui me paraît devoir être encouragé.
L'autre point essentiel de ce texte concerne la clarification du statut du directeur de l'EPCC. Son rôle est en effet essentiel. Ce type d'établissements ne fonctionne que si un équilibre parfait est établi entre les élus, qui ont l'initiative, et le directeur, qui met en oeuvre le projet culturel, assure la programmation, gère le budget et le personnel attaché à l'établissement public.
Depuis le vote de la loi, des questions sensibles s'étaient posées s'agissant du statut du directeur de l'EPCC et tant les élus que les professionnels ont souhaité que des améliorations soient apportées. La plus importante me paraît la résolution du problème qui était lié à l'inadéquation de la durée du mandat du directeur de l'EPCC avec celle de son contrat de travail. Désormais, celui-ci bénéficiera d'un contrat à durée déterminée pour une période égale à celle de son mandat. Lorsqu'il prendra ses fonctions, il aura pendant trois ans la certitude de conserver son poste, ce qui me paraît essentiel pour permettre une transition en douceur, lorsque celle-ci devra être assurée entre une structure existante et un EPCC.
Tels sont, monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, les points de ce texte qui me paraissent primordiaux.
Nous pouvons espérer que, grâce à l'ensemble de ces mesures, à la fois pragmatiques et fondées sur une réelle expérimentation, le fonctionnement des établissements publics de coopération culturelle sera amélioré et que leur nombre augmentera, comme notre collègue Yvan Renar l'appelait tout à l'heure de ses voeux. Je me félicite tout particulièrement qu'au-delà des clivages politiques parfaitement légitimes qui sont ceux de notre assemblée, ce souhait soit unanimement partagé.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe UMP, qui attache une importance particulière à la vie culturelle de notre pays, votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Thiollière.
M. Michel Thiollière. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la diversité culturelle est l'objet de toute notre attention. L'expression artistique, sa diversité et son foisonnement forgent l'identité de notre pays et de nos collectivités. Elles contribuent fortement au développement et à l'attractivité de nos territoires.
Je tiens donc à saluer le travail de notre rapporteur Ivan Renar, qui a su engager une réflexion en organisant des auditions et des tables rondes sur la mise en place, dans nos collectivités, des EPCC. Nous devons en effet tenir compte des conditions actuelles de développement de la création culturelle, d'abord au regard de l'évolution de la décentralisation, puisque la culture est essentielle au rayonnement de nos régions, ensuite parce que le périmètre de nos collectivités évolue.
Dans un premier temps, notre collègue a rendu un rapport d'information, qui a mis en exergue tout l'intérêt des EPCC, mais aussi les difficultés de mise en place de ces nouvelles structures juridiques.
L'objet des travaux était d'améliorer la loi et ses textes d'application en vue de présenter ensuite à la commission une nouvelle proposition de loi. Le texte qui nous est aujourd'hui soumis et que j'ai eu le plaisir de cosigner a pour finalité d'apporter des adaptations au texte fondateur du 4 janvier 2002.
La proposition de loi part d'un constat positif et permet d'ajuster, voire d'assouplir, la structure juridique, conformément aux besoins.
Les mesures énoncées apportent un assouplissement dans la composition du conseil d'administration. Il s'agit en effet de conforter la place de l'État, dans le respect de l'esprit de partenariat, de rendre facultative la présence du maire de la commune siège de l'établissement, de permettre la participation d'établissements publics nationaux et de fondations et, enfin, de préciser les modalités de l'élection des représentants du personnel.
Ces points, qui peuvent paraître techniques, sont d'une importance majeure sur le terrain en termes à la fois de souplesse de mise en oeuvre et de capacités de financement de ces structures.
Par ailleurs, il a semblé nécessaire, au regard des structures d'EPCC existantes, de clarifier et de conforter le statut du directeur. Il importe de mettre clairement le projet artistique, culturel, pédagogique ou scientifique du directeur au coeur du projet de l'établissement public de coopération culturelle.
Il est également essentiel de concilier le souhait légitime du conseil d'administration de faire évoluer une structure culturelle et la nécessaire autonomie de son directeur. À cet effet, il convient de distinguer selon que le directeur est nommé à l'occasion de la transformation d'une structure existante en EPCC ou bien que l'on procède à un changement de directeur au cours de l'existence de l'EPCC.
Dans le premier cas, il est proposé d'assurer autant que possible une « transition en douceur » - je reprends les propos de M. le rapporteur - en prévoyant le maintien du directeur dans ses fonctions au sein du nouvel établissement pendant une période limitée, pour trois ans au maximum. Une telle disposition est de nature à permettre à la fois la mise en place sereine de la nouvelle structure et à combler une lacune de la loi de 2002 relative au statut du directeur.
Dans le second cas, au moment du renouvellement du mandat du directeur, deux cas de figure sont possibles : soit le conseil d'administration souhaite renouveler ce mandat, sur la base du projet proposé par le directeur - ce dernier bénéficie alors d'un nouveau contrat à durée déterminée, égale à celle de son mandat -, soit le conseil d'administration souhaite changer de directeur ou n'adhère pas au nouveau projet du directeur en place ; l'établissement organise alors un appel à candidatures.
Au vu des projets présentés par les candidats, répondant au cahier des charges établi par le conseil d'administration, ce dernier choisit l'un d'entre eux, qui est alors nommé par le président du conseil pour un mandat de trois à cinq ans.
De telles dispositions permettraient, en outre, de mettre en adéquation la durée du mandat confié au directeur et celle de son contrat. Tel n'est pas le cas aujourd'hui, ce qui pose un problème de cohérence.
Enfin, la présente proposition de loi vise à sortir de l'impasse rendant aujourd'hui difficile, voire impossible, la création des EPCC dans un certain nombre de secteurs - monuments historiques, musées, établissements d'enseignement artistique, bibliothèques, gestion de collections d'art contemporain et d'archives - en raison de la non-parution de certains textes réglementaires.
Cette proposition de loi apporte ainsi des éléments concrets de clarification et de souplesse.
Et comme tout parlementaire est également un élu qui, confronté sur le terrain à un certain nombre de contraintes, souhaite les assouplir, j'ai moi aussi un projet d'EPCC, la Cité du design, qui est aujourd'hui un syndicat mixte. L'EPCC permettra de remplir encore mieux les tâches qui lui sont confiées.
Nous devons mettre en place aujourd'hui des instruments pour gérer les politiques culturelles conduites par l'État et les collectivités territoriales sur le long terme. Les politiques menées dans ce domaine constituent un moyen essentiel de dynamiser nos villes et, plus largement, tous nos territoires.
L'attachement des élus locaux aux structures culturelles s'explique par le souci des collectivités territoriales d'exister grâce à une politique ambitieuse et de trouver une place dans le rayonnement international de ce que l'on appelle l'économie du savoir.
Il convient de disposer des bons outils pour que l'État et les collectivités territoriales réalisent et financent les EPCC. Les élus locaux et les parlementaires doivent être guidés par le souci d'améliorer les modalités de partenariat entre l'État et les collectivités territoriales.
À cet égard, la présente proposition de loi permettra aux élus locaux d'offrir des structures pérennes, et ce en respectant la pluralité des disciplines artistiques, toutes les sensibilités, la diversité culturelle, ainsi, bien sûr, que tous les créateurs et tous les publics. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'EPCC est un outil juridique nouveau et il me semble de bonne méthode, y compris dans le domaine législatif, de se donner le temps de l'évaluation. Aussi, je souhaite dire ma satisfaction qu'une loi et ses textes d'application aient fait l'objet, à peine un peu plus de deux ans après leur promulgation, d'une forme d'audit constructif, sur l'initiative de leur instigateur.
Ainsi, au regard des expériences qui ont été menées, les professionnels et les élus qui ont fait le baptême du feu de ce nouvel outil juridique au service des arts et de la culture ont toutes et tous été consultés en vue de mettre en lumière les bienfaits comme les imperfections de la loi du 4 janvier 2002 relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle.
Car il s'agit bien de confronter l'EPCC à l'épreuve de la vie culturelle et artistique comme à la sagacité de toutes celles et de tous ceux qui contribuent à la vitalité culturelle et artistique de notre pays, ou quand le législateur manifeste la volonté de confronter « la loi à l'épreuve des faits », comme l'indique Ivan Renar dans le titre de son rapport d'information : la concertation a constamment été recherchée, comme garante de la qualité de l'expertise menée et comme moyen de trouver ensemble des solutions satisfaisantes aux difficultés repérées.
Même si la création de l'EPCC a suscité bien des interrogations, en raison notamment de son caractère innovant, parfois aussi un certain scepticisme de la part de quelques professionnels, en particulier du spectacle vivant, force est de constater qu'il a depuis lors démontré toute sa pertinence et qu'il répond à un réel besoin : il est aujourd'hui reconnu comme un véritable instrument juridique qui vient combler une carence dans la gestion spécifique des activités artistiques et culturelles.
Loin de concurrencer les autres outils juridiques, l'EPCC, perçu comme une nouvelle alternative fiable, favorisant le partenariat entre collectivités et apportant de meilleures garanties de pérennité aux projets et aux établissements culturels et artistiques concernés, les complète et constitue une option supplémentaire quand le choix par défaut d'une structure juridique prévalait parfois avant sa naissance. Cette nouvelle formule rencontre donc un succès, comme en attestent la création de nombreux EPCC et les multiples projets en cours.
L'implication forte et ambitieuse des collectivités locales dans les politiques culturelles n'est plus à démontrer. À cet égard, si l'EPCC est un instrument juridique, il est aussi le symbole d'une décentralisation culturelle et artistique dynamique et féconde, qu'il contribue à mieux inscrire dans la vie.
Pour autant, ce constat positif ne doit pas masquer les difficultés qui ont pu être repérées et soulignées par M. le rapporteur. Il revient maintenant à la représentation nationale de les corriger. La proposition de loi qui nous est soumise apporte, me semble-t-il, des réponses équilibrées aux deux principaux problèmes qui ont été identifiés : l'implication de l'État et le statut du directeur.
Les nouveaux articles proposés confortent la place de l'État en assouplissant la composition du conseil d'administration. Les élus comme les professionnels de la culture sont très attachés au partenariat avec l'État et à une politique décentralisée de dimension nationale.
Outre les indispensables financements que l'État apporte, celui-ci est aussi garant de la liberté de création sans laquelle il n'est pas de projet culturel et artistique digne de ce nom.
Les nouveaux articles clarifient également le statut et le contrat du directeur en s'appuyant notamment sur le projet culturel et artistique.
En cette période où la précarité et la flexibilité angoissent un nombre croissant de nos concitoyens et une immense partie de notre jeunesse, comme en témoigne la puissante mobilisation de ce jour contre le CPE, quoi que vous en disiez, messieurs les ministres, les professionnels de la culture et leurs représentants ont, eux aussi, manifesté leurs craintes quant à la fragilité du statut de directeur.
Prenant en compte de malheureux précédents, Ivan Renar n'a jamais manqué de déplorer que le passage à l'EPCC puisse être l'occasion de régler des comptes en « virant » le directeur, par exemple.
Même si aucun statut juridique ne peut prémunir contre ce type d'interventionnisme, l'article 4 apporte de nouvelles garanties aux directeurs en clarifiant les procédures de recrutement, mais aussi en faisant correspondre la durée du mandat du directeur à celle de son contrat.
Le rapporteur, Ivan Renar, n'a eu de cesse non seulement de prévoir, mais aussi de promouvoir la totale autonomie et liberté d'action des directeurs, garants de la qualité et de l'exigence des projets artistiques, culturels, pédagogiques ou scientifiques.
Pour autant, malgré toute son utilité, l'EPCC n'est pas la panacée et il ne peut empêcher les dérives, toujours possibles, y compris dans le cadre d'autres structurations juridiques. C'est pourquoi je souscris complètement à la volonté du rapporteur d'adjoindre à la loi sur l'EPCC un vade-mecum à l'usage des élus, des professionnels et des administrations, afin de lever les ambiguïtés et de prévenir d'éventuelles ingérences.
Mais, à mon sens, rien ne remplacera jamais la concertation, la recherche du dialogue permanent entre les professionnels et les élus, préalable nécessaire à l'instauration d'une relation de confiance, dans le respect des fonctions, des missions et des compétences de chacun. Élus et professionnels ont tout à gagner d'un véritable travail d'équipe où chacun joue son rôle.
Je partage néanmoins l'inquiétude persistante de certains professionnels quant à la frilosité de l'État.
Déjà, à l'époque, Ivan Renar avait envisagé la loi créant ce nouvel outil dans la perspective plus vaste d'une loi d'orientation sur la culture visant à sécuriser qualitativement et quantitativement les projets culturels et artistiques afin de les pérenniser, mais aussi de les développer.
Aujourd'hui, on le constate, cette loi d'orientation sur la culture fait toujours défaut et le budget du ministère de la culture et de la communication souffre de l'arbitraire des coupes et gels budgétaires, pour ne rien dire des désengagements de l'État, qui s'apparentent à un véritable délestage de compétences, sans affectation des moyens correspondants.
Pourtant, en matière culturelle, décentralisation n'a pas toujours rimé avec désengagement. La décentralisation culturelle a même été un levier formidable de développement et de démocratisation culturels avec la mise en place, sur l'ensemble du territoire, d'un réseau d'équipements culturels de niveau national au plus près des populations. Cela a été possible grâce aux initiatives foisonnantes des collectivités locales et aux nouvelles formes de contractualisation avec l'État.
L'EPCC est d'ailleurs la résultante de ce mouvement de décentralisation où il s'agit de collaborer « plus » et « mieux » au service de politiques culturelles ambitieuses et exigeantes.
Si les collectivités se sont engagées résolument en faveur de l'art et de la culture pour toutes et tous, elles n'en réclament pas moins un solide et véritable accompagnement de l'État, qui reste, à leurs yeux, un partenaire indispensable.
Alors que le mouvement des intermittents du spectacle vivant a mis en lumière le poids déterminant de l'art et de la culture dans la bonne santé de l'économie de notre pays, comment ne pas être inquiet devant l'attitude d'un gouvernement qui, tout en se disant soucieux de l'emploi culturel, semble être impuissant à régler la question cruciale du régime des intermittents comme à retrouver l'inspiration d'une politique publique nationale offensive ?
L'EPCC se définit comme un outil de la décentralisation culturelle, qui, loin d'être achevée, a au contraire besoin d'être approfondie pour mieux répondre aux attentes, aux défis d'une démocratisation culturelle qui se doit de trouver un nouveau souffle. En ce sens, je partage le voeu d'Ivan Renar qu'après l'examen de ce texte par l'Assemblée nationale les décrets d'application soient publiés le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, moins de quatre ans après l'entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 2002 relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle, nous voici amenés à étudier les aménagements et améliorations possibles à cette loi.
Faisant suite au rapport d'information d'Ivan Renar, qui a cerné les imperfections et les obstacles possibles au développement et au bon fonctionnement de ce nouveau statut juridique, il s'agit aujourd'hui, sur la base de l'expérience de quelques années de pratique et d'observation, d'amender ce dispositif. Quatre années se sont écoulées, qui ont été marquées par le succès de ce nouvel outil juridique destiné aux structures culturelles gérées par plusieurs collectivités territoriales partenaires.
Pour ne parler que de mon département, où la ville de Rouen a initié, dès 2002, pour son Opéra, l'un des premiers EPCC de France, en partenariat avec l'État et la région Haute-Normandie, un nouvel EPCC vient de se créer pour gérer le festival « Automne en Normandie », et un futur établissement est envisagé pour le pôle des Arts du cirque et de la rue d'Elbeuf.
Quels étaient les objectifs visés lors de la création des EPCC ?
Il s'agissait, premièrement, de confirmer l'implication des collectivités locales dans le domaine culturel, alors que les lois de décentralisation avaient laissé l'action culturelle en dehors de blocs de compétence. Pour ce faire, il paraissait nécessaire d'élaborer des instruments juridiques adaptés à la spécificité des services culturels, d'aménager les conditions de partenariats et de satisfaire la demande formulée par les élus locaux et les acteurs culturels.
Afin de répondre à cet objectif, la loi visait, premièrement, à organiser un partenariat entre l'État et les collectivités locales pour la gestion d'équipements culturels structurants, en dotant ces équipements d'un statut qui leur donne les mêmes atouts que ceux dont disposent les grands établissements parisiens.
En effet, il est difficile, voire impossible, de « découper » ou de répartir strictement les compétences des différentes collectivités en matière culturelle. Il faut préciser également que cette formule a permis et permet encore de lever en partie les réticences de l'État à transférer aux collectivités des compétences qu'il peut s'estimer seul capable d'exercer.
Selon les lois de décentralisation, les communes, les départements et les régions concourent avec l'État au développement culturel. Or, alors que ce ne sont que des « compétences facultatives », les collectivités locales ont massivement investi dans ce domaine, en y consacrant deux fois plus de moyens que ne le fait l'État.
Aujourd'hui, encore plus qu'il y a quatre ans, ce point est essentiel, à un moment où, dans le secteur culturel, il est question de la redéfinition ou du réagencement des compétences, donc des financements, entre les collectivités locales et l'État. C'est pourquoi la proposition de conforter la place de l'État dans le conseil d'administration de I'EPCC, inscrite dans la nouvelle rédaction du texte, me semble particulièrement utile. Celui-ci conserve ainsi son rôle de garant et d'expert.
Il s'agissait, deuxièmement, de créer un nouvel outil de gestion des politiques culturelles. Cette structure a permis d'institutionnaliser la coopération entre l'État et les collectivités territoriales et de doter d'un statut opérationnel les grandes institutions culturelles d'intérêt local et national.
En cela, le texte visait à répondre à un manque puisque, auparavant, deux structures juridiques étaient possibles : le groupement d'intérêt public et la société d'économie mixte, l'un et l'autre se révélant dans la pratique mal adaptés. Faute de mieux, l'association était la forme juridique la plus utilisée, avec les risques financiers inhérents à celle-ci, notamment en termes de comptabilité et de gestion des deniers publics, quand certains établissements étaient restés en régie directe, régime dont on connaît la lourdeur de fonctionnement. En cela, « c'est une formule bien adaptée à la gestion des collectivités territoriales regroupées », comme l'a indiqué Bernard Faivre d'Arcier dans le rapport que lui avait commandé l'Association des scènes nationales.
Il s'agissait, troisièmement, de doter les équipements culturels structurants d'un statut adapté.
Or l'on constate aujourd'hui que l'EPCC a permis à un certain nombre de grandes institutions culturelles en région de mettre en oeuvre des projets d'établissement, de nouer des partenariats avec d'autres institutions nationales, voire internationales, ou avec des partenaires privés, enfin d'avoir une politique artistique.
L'EPCC est un plus pour les grands projets structurants qui participent à l'aménagement du territoire : une scène nationale, un musée, une scène lyrique... C'est une structure juridique qui, en tout cas, permet de stabiliser et de pérenniser des outils de la politique culturelle dans une région, qui, à l'heure de la décentralisation, est à redéfinir. Les collectivités doivent, en effet, trouver ensemble les modalités de leur collaboration au profit des acteurs et des publics et au nom d'un intérêt général qui est lui-même à réaffirmer sans cesse.
L'Opéra de Rouen - Haute-Normandie - je vous remercie de l'avoir cité en exemple, monsieur le ministre -, l'un des tout premiers EPCC, a totalement répondu aux objectifs de la loi.
L'Opéra, alors sous statut associatif, était dans un contexte financier difficile, les collectivités n'étant engagées qu'au travers de conventions bilatérales à échéance variable. Aussi sa transformation en EPCC a-t-elle permis à la fois de pérenniser cet outil phare de la politique culturelle de la ville, d'augmenter puis de stabiliser les financements et les partenariats et de permettre la mise en place d'un plan pluriannuel d'investissement.
Aujourd'hui, nous franchissons une étape supplémentaire, les trois collectivités publiques initiatrices - État, ville, région - venant d'être rejointes par les deux départements de l'Eure et de la Seine-Maritime.
Ainsi, on voit bien que l'Opéra de Rouen fonctionne selon les principes constitutifs des EPCC, à savoir la décentralisation et le partenariat.
L'EPCC permet, d'une part, une plus forte implication des collectivités dans la prise de décision et l'élaboration du projet culturel et, d'autre part, la construction d'une politique en faveur de l'emploi artistique.
Enfin, pour le personnel, c'est aussi un cadre plus rassurant. C'est la raison pour laquelle les mesures stabilisant juridiquement le statut des personnels au moment du transfert d'une structure existante vers un EPCC sont particulièrement les bienvenues.
On comprend alors le succès que connaît aujourd'hui le statut juridique des EPCC. L'élément principal c'est, me semble-t-il, la souplesse de fonctionnement, alliée à la rigueur de gestion.
L'EPCC permet également de définir les moyens nécessaires à une politique artistique et culturelle ambitieuse.
En clarifiant le statut du directeur, dans les cas de transformation d'une structure existante en un EPCC, il faut garder en tête l'objectif poursuivi : mettre au coeur de la procédure de recrutement du directeur le projet artistique, culturel, pédagogique de l'établissement, répondant au cahier des charges préalablement établi par le conseil d'administration, autrement dit par l'ensemble des partenaires.
J'insiste, ici, sur l'importance d'un cahier des charges - et je remercie Ivan Renar d'avoir repris cette suggestion - défini par les différents partenaires qui s'entendent et travaillent ensemble sur les grands axes de la politique culturelle que souhaitent impulser conjointement les collectivités.
Ces objectifs doivent être un cadre de référence pour l'ensemble des acteurs qui font la pertinence d'une structure, à savoir le directeur et son équipe. Si les objectifs sont partagés, le projet fonctionnera, et le directeur conservera un large pouvoir d'appréciation et de décision, en tout cas une grande indépendance artistique. C'est même une garantie pour le directeur et l'équipe dirigeante, qui, une fois leur projet approuvé, disposent des moyens et de l'autonomie nécessaires pour le mener à bien.
Comme on le voit, l'EPCC ne peut se construire que sur un projet culturel pérenne. C'est pourquoi nous souscrivons aux modifications prévues par cette proposition de loi tant sur le mandat et le statut du directeur que sur la composition du conseil d'administration, qui visent à préserver la cohérence et la continuité du projet artistique et culturel.
En outre, cela permet, lors de la transformation d'un établissement culturel en EPCC, d'assurer le « tuilage » des structures en proposant au directeur d'assurer l'élaboration et le suivi du projet.
Par ailleurs, s'agissant de l'inquiétude exprimée par certains directeurs quant à leur autonomie, il faut rappeler que l'intérêt de I'EPCC est d'associer plusieurs collectivités qui ne sont pas toujours de même tendance politique.
En outre, I'EPCC permet de faire participer au conseil d'administration des personnalités qualifiées qui ont un rôle à jouer.
Si la répartition des sièges est intelligemment faite au moment où sont rédigés les statuts, aucun partenaire ne prend réellement le pas sur l'autre, et un équilibre se créée. A Rouen, nous avons même inventé un système original de présidence tournante : tous les trois ans, il y a alternance entre le maire de Rouen et le président de la région Haute-Normandie, ce qui évite une politisation excessive.
Il faut ajouter que, à la suite du rapport d'information d'Ivan Renar et des difficultés qui ont pu être identifiées, il apparaît aujourd'hui nécessaire de perfectionner les dispositions législatives et de préciser leur interprétation.
Les objectifs de la présente proposition de loi renforcent les éléments du succès des EPCC : clarifier et conforter le statut des acteurs, et accroître la souplesse du dispositif. Je me réjouis de constater qu'elle encourage la création d'EPCC dans d'autres secteurs culturels : écoles d'enseignement artistique, musées, monuments historiques, bibliothèques, création jusqu'alors impossible en raison de la non-parution de certains textes réglementaires.
En proposant que la question de la liste des établissements pour lesquels le directeur doit relever d'un corps ou d'un cadre d'emploi de fonctionnaire particulier et détenir certains diplômes spécifiques soit réglée par un arrêté, et non plus par la procédure plus lourde d'un décret en Conseil d'État, la commission assure, à l'avenir, la création de multiples EPCC dans ces secteurs.
Au-delà de ces modifications, en effet, il faut rappeler que l'EPCC doit résulter d'un choix politique partagé entre les collectivités autour de la culture. Il doit être ambitieux, au bon sens du terme, éclairé et motivé.
Si les élus sont soucieux d'une gestion saine et rigoureuse, ce qui est bien légitime, il faut que le choix d'un EPCC soit également le choix d'un projet culturel fort, s'inscrivant dans la durée, ne serait-ce que parce que le montage d'un tel projet est loin de n'être qu'une formalité : régler la question du transfert des personnels et des biens immobiliers ou les relations entre les personnels et les artistes, choisir le directeur et définir les objectifs qui doivent être le siens, tout cela prend nécessairement du temps et exige une volonté forte.
Pour conclure, je voudrais remercier notre collègue Ivan Renar, pour la qualité de son travail, ainsi que l'ensemble des membres de la commission des affaires culturelles qui ont participé à la réflexion et à la rédaction de cette proposition de loi. Elle est, en effet, le résultat d'un travail consensuel, c'est assez rare pour être souligné, qui a rassemblé des élus locaux profondément convaincus de la nécessaire réussite de la décentralisation culturelle.
Les différentes auditions que nous avons organisées et les tables rondes du 8 juin dernier étaient nécessaires. Elles ont été fructueuses, car la concertation a permis à des élus, à des directeurs d'établissement, à des fonctionnaires territoriaux et à des acteurs culturels de s'exprimer, de faire partager leur vécu, de nourrir le débat de leur expérience. Elles ont donné l'occasion, à chacun, d'apporter une pierre à cet édifice qu'est l'amélioration de la loi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, plus de quatre ans après l'adoption par le Parlement de la proposition de loi portant création des établissements publics de coopération culturelle, nous voilà à nouveau réunis dans cette enceinte pour corriger un dispositif dont l'enjeu est, ni plus ni moins, celui de la place des arts et de la culture dans notre société.
Avant toute chose, je crois utile de rendre hommage à notre collègue M. Ivan Renar, qui est en quelque sorte le père des EPCC et qui, tout au long du processus d'élaboration de cette proposition de loi, a su associer l'ensemble des membres de la commission des affaires culturelles, bien au delà des clivages politiques qui traditionnellement sont les nôtres.
C'était bien à cette question qu'il fallait répondre : quelle forme juridique donner à la nécessaire collaboration entre l'État et les collectivités territoriales pour contribuer, à l'échelon local, à la réalisation des objectifs nationaux dans le domaine culturel ?
C'est dans cette optique de décentralisation et de démocratisation culturelles que la loi du 4 janvier 2002 avait créé les EPCC. Grâce à l'excellent travail d'expertise mené par M. Renar dans le cadre de la mission d'information que lui a confiée la commission des affaires culturelles, nous savons aujourd'hui que les EPCC ont largement rempli leur rôle.
Ce ne sont pas moins de quinze EPCC qui ont vu le jour dans des domaines culturels variés, parfois transversaux, comme le cinéma, le théâtre, la danse ou la lecture, et un nombre au moins aussi important d'établissements sont en cours de création.
Les EPCC constituent désormais, pour les élus locaux et l'État, un cadre juridique adapté à l'indispensable partenariat qui doit prévaloir entre les acteurs publics de la culture, en associant rigueur de gestion et souplesse de fonctionnement, pour les équipements culturels structurants de nos territoires.
M. Renar nous a toutefois rappelé, il y a quelques instants, les difficultés qui sont apparues dans le très original mode de fonctionnement et de gestion des EPCC.
Leur mise en oeuvre a tout d'abord permis de mettre en évidence les lacunes juridiques dont était entachée la loi fondatrice du 4 janvier 2002.
Je ne reviendrai pas sur le détail de ces oublis, qui ont été largement précisés par M. le rapporteur dans son exposé. Il s'agit, pour l'essentiel, de l'encadrement juridique du statut du directeur et des personnels des structures existantes lors de leur transfert à un EPCC.
L'article 6 du texte proposé par la commission est désormais exempt de toute ambiguïté. Une solution juste et adaptée au droit du travail et aux statuts de la fonction publique territoriale a été dégagée, qui permet de balayer toutes les hypothèses de transformation ou de reconduction des contrats de travail des personnels et des directeurs, qu'ils soient, à l'origine, salariés de droit privé, agents contractuels de la fonction publique territoriale ou fonctionnaires.
Les travaux de la mission d'information menée par M. Renar ont ensuite permis d'identifier des difficultés politiques de deux ordres : d'une part, la répartition des compétences entre le directeur et le conseil d'administration des EPCC s'est avérée inadaptée et, d'autre part, le degré d'implication de l'État aux côtés des collectivités territoriales ne s'est pas révélé satisfaisant.
En ce qui concerne la répartition des compétences entre les organes dirigeants, les difficultés relevées concernaient essentiellement les modalités de nomination du directeur et ses prérogatives effectives.
La solution retenue dans la proposition de loi pour lever toute suspicion vis-à-vis du manque supposé d'indépendance du directeur semble appropriée, puisqu'il est désormais prévu, conformément aux propositions émises par les sénateurs socialistes lors des débats qui avaient précédé l'adoption de la loi du 4 janvier 2002, de faire figurer le projet artistique, culturel, pédagogique ou scientifique du directeur au coeur de la vie de l'EPCC.
Le projet de direction sera donc le critère déterminant au vu duquel les administrateurs proposeront à leur président la nomination du directeur.
La fin du caractère obligatoire de l'appel à candidatures au moment de la reconduction souhaitée du mandat du directeur permettra également d'alléger la gestion des EPCC. À l'issue de son mandat, le directeur dont la reconduction est souhaitée par le conseil d'administration n'aura qu'à lui soumettre un nouveau projet, éventuellement dans la continuité du précédent, sans devoir franchir le barrage factice d'un appel à candidatures de pure forme.
La mise en oeuvre de la procédure d'appel à candidatures par le conseil ne vaudra désormais que dans l'hypothèse où un changement de directeur est souhaité.
Quant à la faiblesse du degré d'implication de l'État dans la dynamique de création des EPCC, il faut reconnaître qu'un certain nombre de lourdeurs et d'imprécisions résultant de la rédaction actuelle de la loi du 4 janvier 2002 n'ont sans doute pas permis à l'État de jouer pleinement son rôle moteur.
Citons notamment le fait que la représentation de l'État soit plafonnée, au sein du conseil d'administration, à un tiers de l'ensemble des sièges prévus par les statuts pour les représentants des personnes publiques.
Sur ce point, la solution retenue par le texte proposé par la commission des affaires culturelles devrait constituer un salutaire appel d'air en direction de l'État. Les partenaires seront en effet libres de déterminer, au cas par cas, leur représentation au sein du conseil d'administration, dans le cadre d'une concertation préalable.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous preniez la pleine mesure de ce déplafonnement de la représentation de vos services, afin de les inciter à s'impliquer davantage dans la création des EPCC.
D'autres mesures devraient, par ailleurs, inciter l'État à faire preuve de davantage de volontarisme en la matière.
D'abord, les établissements publics nationaux pourront participer à la constitution des EPCC. Nul doute que l'État ne saurait rester indifférent à la participation des fleurons de la vie culturelle française au fonctionnement et à la gestion des services publics culturels.
Ensuite, le texte que nous examinons prévoit la possibilité pour un EPCC de créer un service public culturel, et non plus seulement d'en assurer la gestion et le financement.
Là encore, monsieur le ministre, il y aurait pour l'État, me semble-t-il, quelque contradiction à rester en dehors d'une telle entreprise. Celle-ci assurera, je le rappelle, la mise en oeuvre locale d'objectifs nationaux.
Il est vrai qu'une telle création de service public culturel par un EPCC ne s'est pas encore produite mais, à n'en pas douter, l'évolution des technologies, l'avènement de l'ère numérique et la place que devra prendre l'État pour accompagner la dématérialisation des supports culturels feront prochainement de cette hypothèse une réalité.
Enfin, la loi avait sans doute prévu une procédure trop lourde pour la détermination des catégories d'EPCC dont le directeur doit relever d'un statut et pouvoir justifier de diplômes particuliers, déterminés par décret.
Les décrets prévus n'étant pas parus, aucun des EPCC visés par ces catégories n'a pu voir le jour, et ce dans des domaines aussi divers que l'art contemporain, l'enseignement artistique, la gestion d'archives, de bibliothèques, de centres de documentation, la conservation des monuments historiques et la gestion des musées.
En renvoyant à un simple arrêté émanant des ministres chargés de la culture et des collectivités territoriales l'établissement de la liste des catégories d'établissements concernés, nous souhaitons, monsieur le ministre, que vous répondiez rapidement aux facilités que vous offre ce texte, pour permettre à un grand nombre d'EPCC de voir le jour prochainement, dans des domaines aussi divers.
Les collectivités territoriales participent aujourd'hui pour les deux tiers au financement de la culture. Dans ce contexte, les améliorations apportées par cette proposition de loi au fonctionnement des EPCC sont une formidable occasion d'impliquer davantage l'État au coeur de la politique culturelle des territoires.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous saisissiez pleinement cette main tendue. Il en va non seulement de la cohérence de l'action publique, mais également de la mise en oeuvre d'une décentralisation efficace qui, en matière culturelle comme ailleurs, doit être soutenue par l'État. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 1431-1 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « peuvent constituer avec l'État », sont insérés les mots : « et les établissements publics nationaux » et, après les mots : « chargé de », sont insérés les mots : « la création et ».
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Le deuxième alinéa de l'article L. 1431-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Elle est décidée par arrêté du représentant de l'État dans la région ou le département siège de l'établissement ». - (Adopté.)
Article 3
Les six premiers alinéas du paragraphe I de l'article L. 1431-4 du code général des collectivités territoriales sont ainsi rédigés :
« Le conseil d'administration de l'établissement public de coopération culturelle est composé :
« 1° Pour la majorité de ses membres, de représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements, désignés en leur sein par leurs conseils ou leurs organes délibérants, de représentants de l'État et, le cas échéant, de représentants d'établissements publics nationaux.
« Le maire de la commune siège de l'établissement peut, à sa demande, être membre du conseil d'administration ;
« 2° De personnalités qualifiées désignées par les collectivités territoriales, leurs groupements, l'État et, le cas échéant, les établissements publics nationaux ;
« 3° De représentants du personnel élus à cette fin ;
« 4° Le cas échéant, de représentants de fondations. » - (Adopté.)
Article 4
I. - L'article L. 1431-5 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Nonobstant les dispositions de l'article L. 1431-6, la situation du directeur de l'établissement public de coopération culturelle est régie par les dispositions suivantes.
« Le directeur de l'établissement public de coopération culturelle est nommé par le président du conseil d'administration, sur proposition de ce conseil et après établissement d'un cahier des charges, pour un mandat de trois à cinq ans, renouvelable par période de trois ans, parmi une liste de candidats établie d'un commun accord par les personnes publiques représentées au sein de ce conseil, après appel à candidatures et au vu des projets d'orientations artistiques, culturelles, pédagogiques ou scientifiques.
« Le directeur bénéficie d'un contrat à durée déterminée d'une durée égale à la durée de son mandat. Lorsque le mandat est renouvelé, après approbation par le conseil d'administration du nouveau projet présenté par le directeur, le contrat de ce dernier fait l'objet d'une reconduction expresse d'une durée équivalente à celle du mandat.
« Un arrêté des ministres chargés de la culture et des collectivités territoriales fixe la liste des catégories d'établissements pour lesquels le directeur doit relever d'un corps ou cadre d'emplois de fonctionnaires ayant vocation à diriger ces établissements ou, à défaut, détenir un diplôme selon les modalités fixées par cet arrêté. Ce dernier détermine également les conditions dans lesquelles un candidat peut, sur sa demande, être dispensé de diplôme et son expérience professionnelle être reconnue par une commission d'évaluation.
« Le directeur d'un établissement public de coopération culturelle dispensant un enseignement supérieur relevant du ministère chargé de la culture délivre les diplômes nationaux que cet établissement a été habilité à délivrer. »
II. - Après l'article L. 759-1 du code de l'éducation, il est inséré une division additionnelle et un article ainsi rédigés :
« Chapitre X : Les établissements d'enseignement supérieur d'arts plastiques »
« Art. L. 759-2. - Les établissements d'enseignement supérieur d'arts plastiques mentionnés à l'article L. 216-3 assurent la formation aux métiers de la création plastique et industrielle, notamment celle des artistes, photographes, designers et des graphistes.
« Ils relèvent de la responsabilité, notamment pédagogique, de l'État et sont autorisés à délivrer des diplômes nationaux ou des diplômes d'école dans des conditions fixées par décret. »
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Au début du dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 759-2 du code de l'éducation, remplacer les mots :
de la responsabilité, notamment pédagogique,
par les mots :
du contrôle pédagogique
La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Il s'agit d'une modification rédactionnelle, destinée à améliorer l'articulation entre cet article et l'article L. 216-3 du code de l'éducation, et à lever toute confusion entre les compétences de l'État et celles des collectivités territoriales quant aux écoles supérieures d'art.
Certaines d'entre elles, en effet, relèvent de la responsabilité de l'État : il s'agit des dix écoles nationales supérieures d'art qui ont le statut d'établissements publics nationaux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Ivan Renar, rapporteur. La commission s'est spécialement réunie cet après-midi pour examiner cet amendement.
Un léger problème se posait effectivement dans la rédaction initiale. « Le poumon, le poumon, vous dis-je. », répétait Toinette ! Notre problème était ici cet adverbe « notamment », qui suscitait de réelles inquiétudes chez les élus locaux que nous sommes aussi.
La commission est donc favorable à cet amendement, qui permet de préciser les compétences respectives de l'État et des collectivités territoriales quant aux écoles supérieures d'art plastique.
Je me félicite, au passage, du frémissement interministériel que nous avons senti là, entre le ministère chargé des collectivités territoriales et le ministère de la culture. Je tiens à saluer ce mouvement à l'occasion du vote de cet amendement.
M. le président. Où s'arrêteront ces convergences entre les ministères, entre les composantes du Sénat, entre le Gouvernement et une majorité que vient renforcer l'opposition, dans l'unanimité ? (Sourires.)
La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.
M. Jack Ralite. Je ne dirai qu'un mot.
M. Jack Ralite. En écoutant ce débat, je suis bien conscient de la qualité de l'outil que représentent les EPCC et je comprends l'espérance que chacun nourrit à partir du travail de M. le rapporteur et des nombreuses consultations qu'il a animées.
Je voudrais toutefois insister sur l'un des propos de M. Renar quand il nous a parlé du rapport qu'entretiennent les élus avec la création artistique.
En ce moment en effet, et ce n'est pas nouveau même si le phénomène s'accélère, on assiste à une remise en cause de la création artistique.
Je prendrai un exemple. Je suis allé avec Mme Catherine Tasca au Blanc-Mesnil, dans mon département, où se tient un forum, pour y défendre le magnifique programme que l'animateur promeut.
L'argument était qu'il fallait modifier le programme parce que le forum n'attirait que de 45 % à 50 % d'habitants du Blanc-Mesnil, ce qui paraissait insuffisant. Or je trouvais pour ma part formidable d'obtenir un tel taux de participation dans une ville de cette banlieue ! Cependant, mon avis n'étant pas entièrement partagé, j'ai formulé une petite remarque ironique : imaginez que seulement 50 % des électeurs se déplacent pour prendre part à un scrutin municipal ; faudra-t-il pour autant supprimer le suffrage universel ?
C'est là une question très importante. Une bataille du même ordre vient d'ailleurs de se dérouler, à Montpellier, autour d'un théâtre. Si elle s'est très bien finie, elle a tout de même commencé par un licenciement. Par conséquent, les élus que nous sommes doivent avoir conscience qu'il s'agit là d'une très grande responsabilité, au regard du pays et de la population.
Tout cela remonte à loin : je me souviens que les 23 et 24 juillet 1967 s'est tenue à Avignon, sous la responsabilité de Jean Vilar et de la Fédération nationale des centres culturels communaux, la première réunion de notre histoire entre élus et artistes. Les discussions avaient été très vives, mais de tels débats sont nécessaires. Si la loi offre un cadre favorable au règlement des problèmes, elle ne les règle pas.
Je tenais à le dire, parce que si l'on ne parvient pas à assumer cette responsabilité que j'évoquais, on ne parvient pas à faire société. On est alors confronté à des espèces de communautarismes qui vivent côte à côte, mais qui n'ont jamais fait nulle part société.
Ce texte est donc intéressant de ce point de vue, car il permettra de faire société. Cela me fait penser au mot de Braque qui, explicitant une nature morte, indiquait : « Ce qui est entre la pomme et l'assiette se peint aussi. Et ma foi, il me paraît aussi difficile de peindre l'entre-deux que la chose. » Eh bien l'important, ici, c'est l' « entre-deux » des élus et des artistes. Cette question est fondamentale. Certes, nous ne sommes pas au bout de nos peines, mais je ne connais pas de société sans peines.
Je terminerai non par un poème, comme m'y invitait M. le ministre, mais par une citation de Matisse : « Ordonner un chaos, voilà la création. Et si le but de l'artiste est de créer, il faut un ordre dont l'instinct sera la mesure. » Je trouve que cela définit bien le travail et le niveau des EPCC.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
Dans le deuxième alinéa (1) de l'article L. 1431-8 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « concours financiers de l'État, », sont insérés les mots : « des établissements publics nationaux, ». - (Adopté.)
Article 6
L'article 3 de la loi n° 2002-6 du 4 janvier 2002 relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle est ainsi rédigé :
« Art. 3 - I. - Lorsque l'activité d'une personne morale unique est transférée et reprise par un établissement public de coopération culturelle, son directeur est maintenu dans ses fonctions au sein du nouvel établissement jusqu'à la fin de son mandat en cours. Dans le cas où le directeur ne disposerait pas d'un tel mandat, il lui est proposé d'accomplir un mandat de trois ans au sein du nouvel établissement.
« Lorsque le directeur est titulaire d'un contrat, le nouveau contrat proposé reprend alors les clauses substantielles du contrat dont le directeur était titulaire, à l'exception toutefois de sa durée, identique à celle de son mandat. En cas de refus du directeur d'accepter d'éventuelles modifications de son contrat, l'établissement procède à son licenciement, dans les conditions prévues par le droit applicable à son contrat.
« Dans le cas où le directeur a le statut de fonctionnaire, l'établissement met en oeuvre la procédure de suppression d'emploi si celui-ci refuse d'accepter les clauses du contrat proposé.
« II. - À l'exception du directeur, les agents contractuels de droit public employés par une collectivité territoriale ou une autre personne morale de droit public et affectés à une activité reprise par un établissement public de coopération culturelle sont transférés au nouvel établissement. Leur contrat reprend les clauses substantielles de leur contrat antérieur.
« En cas de refus de l'agent d'accepter d'éventuelles modifications de son contrat, l'établissement procède à son licenciement, dans les conditions prévues par le droit applicable à son contrat ». - (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi n° 224, je donne la parole à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je voudrais indiquer, ce que je n'avais pas fait lors de mon intervention liminaire, que mon groupe votera ce texte.
En cette période de mondialisation où se manifeste un grand besoin de sécurisation, laquelle est mise à mal par les critères de rentabilité et par les choix de court terme qui se traduisent de plus en plus souvent, dans le domaine culturel, par la recherche de l' « événementiel » et du spectaculaire, l'EPCC nous paraît devoir être un nouvel outil d'autant plus précieux qu'il vise avant tout à offrir des garanties en termes de qualité et de durée pour la réalisation des projets culturels.
Nous le savons tous, la création, comme la recherche fondamentale, a besoin de perspectives de long terme. Cela correspond bien, nous semble-t-il, à l'esprit qui sous-tend l'institution des EPCC.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifiées, les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi n° 224.
(La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ivan Renar, rapporteur. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi d'abord de vous rassurer : mon intervention sera brève, il ne s'agit pas de recommencer le débat !
Il a été question tout à l'heure de consensus. Or, ce qui est intéressant, c'est que ce consensus, loin d'être mou, a été obtenu au terme d'un long débat, qui a notamment réuni, depuis le début de nos travaux, les membres de la commission et les représentants des structures que nous avons rencontrés. Les échanges ont parfois été vifs, certains interlocuteurs n'étant pas toujours faciles, comme le sait bien M. le ministre de la culture...
Notre démarche s'est organisée à l'image de celle de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, qui a été fondée par Jack Ralite et Michel Durafour et qui regroupe des élus de toutes tendances se battant pour la diffusion de la culture. La présidence de cette structure reflète d'ailleurs en alternance les différentes sensibilités politiques représentées dans cet hémicycle. L'élaboration de ce texte, qui débouche donc sur un vote à l'unanimité, s'appuie ainsi sur une pratique ayant cours dans le domaine des activités culturelles.
Je voudrais remercier tous ceux qui ont contribué à nos travaux, car le rapporteur épisodique que je suis n'aurait pu mener sa tâche à bien s'il n'avait rencontré une volonté de construire, en particulier au sein des cabinets des deux ministres présents parmi nous ce soir. Je tiens également à rendre hommage, à cet égard, aux membres de la commission et au président de cette dernière, dont l'autorité souriante et la fermeté tranquille (sourires.) nous ont permis d'aboutir.
Nous avons accompli un travail qui a permis d'évaluer le texte et d'en corriger les imperfections, donc de l'améliorer et de le rendre plus efficace en vue des services qu'il doit rendre, car telle est bien sa destination.
L'avenir de la République décentralisée est, à mon sens, dans le partenariat. Dans l'élaboration de ce texte, c'est aussi une certaine idée de la France et de la culture qui nous a guidés. Je le dis avec une certaine mélancolie, en pensant à un téléfilm qui a été diffusé hier soir et ce soir encore, et qui rappelle un certain nombre de vérités sur une période où les Français avaient su se mettre d'accord, autour du Conseil national de la Résistance et du général de Gaulle, en vue de grandes échéances, pour libérer le pays et le reconstruire de la façon que l'on sait, alors que la France aurait pu connaître une tout autre évolution.
Avec votre aide, messieurs les ministres, mes chers collègues, le rapporteur de la commission des affaires culturelles du Sénat a essayé d'être un bon ouvrier et s'est, en quelque sorte, autocontrôlé. Le nouvel outil offert à la vie culturelle de notre pays va maintenant être soumis à l'Assemblée nationale, et je sens que les collaborateurs de MM. les ministres ont le porte-plume qui les démange déjà pour rédiger les décrets d'application ! (Sourires.)
Pour conclure la discussion d'un texte que nous avons voulu non déclamatoire, en écho à des déclarations sur le travail parlementaire, j'avouerai franchement que le rapporteur que je suis s'est trouvé quelque peu contraint dans l'exercice auquel il s'est livré, dans la mesure où sa liberté était très restreinte. Je voudrais compenser cette contrainte et ce manque de liberté en vous offrant, mes chers collègues, en guise de bouquet de fleurs final, quelques mots fondateurs hérités de l'histoire, qui ont parfois inspiré nos réflexions.
Dans l'ordre chronologique, j'invoquerai donc Condorcet, selon lequel « il n'y a pas de liberté pour l'ignorant » ; Victor Hugo, qui prononça ces mots d'actualité : « ouvrons des lieux de culture, et nous délivrerons des ghettos » ; André Malraux, pour qui « l'art, c'est le plus court chemin qui mène de l'homme à l'homme » ; Jacques Brel, l'un des baladins du XXe siècle, qui a déclaré que l'artiste est « celui qui a mal aux autres ».
Enfin, dans cette période où vous commencez à préparer votre prochain budget, monsieur le ministre, je ferai appel, par un exercice de distanciation brechtienne (sourires.), à Woody Allen, qui est un réservoir inépuisable de bons mots : « L'argent est préférable à la pauvreté, ne serait-ce que pour des raisons financières. » (Nouveaux sourires.)
Il nous reste maintenant à transformer l'essai. La preuve du pudding, c'est qu'on le mange. Le travail parlementaire doit être terminé pour juillet, et nous verrons avec l'Assemblée nationale et son rapporteur comment aller dans la même direction. Le texte n'y sera pas forcément adopté à l'unanimité, encore qu'une telle convergence ait déjà pu être obtenue dans un passé récent. Quoi qu'il en soit, il importe que la loi soit opérationnelle dès la rentrée prochaine, car l'outil est vraiment attendu. (Applaudissements.)