compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
MISSIONs D'INFORMATION
M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen des demandes d'autorisation de missions d'information suivantes :
1°) demande présentée par la commission des affaires sociales tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information en vue de se rendre en Allemagne, dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, afin d'étudier les modalités de financement de la protection sociale et la réforme du système de santé ;
2°) demande présentée par la commission des finances tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information en vue de se rendre au Japon et en Corée du Sud dans le cadre de la poursuite des travaux qu'elle consacre à l'étude des phénomènes de globalisation.
Il a été donné connaissance de ces demandes au Sénat au cours de sa séance du samedi 4 mars 2006.
Je vais consulter le Sénat sur ces demandes.
Il n'y a pas d'opposition ?...
En conséquence, les commissions intéressées sont autorisées, en application de l'article 21 du règlement, à désigner ces missions d'information.
3
Transparence et sécurité en matière nucléaire
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, modifié par une lettre rectificative, relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (n°s 326 rectifié, 2001-2002, 217 et 231).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au titre III.
TITRE III
INFORMATION
CHAPITRE IER
Droit à l'information en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 33, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l'intitulé de cette division :
L'information du public en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. L'amendement n° 264, présenté par MM. Piras, Raoul et Teston, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter l'intitulé de cette division par les mots :
et transparence
La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Il s'agit aussi d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 33.
En revanche, il émet un avis défavorable sur l'amendement n° 264, dans la mesure où il est satisfait par l'amendement n° 33.
M. le président. En conséquence, l'intitulé de la division est ainsi rédigé et l'amendement n° 264 n'a plus d'objet.
Article additionnel avant l'article 3
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'État veille à l'information du public sur les risques liés aux activités nucléaires et leur impact sur la santé et la sécurité des personnes et sur l'environnement. Il fournit au public une information sur les conséquences sur le territoire national des activités nucléaires exercées hors de celui-ci, notamment en cas d'incident ou d'accident.
L'État est responsable de l'information du public sur les modalités et les résultats du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement a pour objet de rappeler que l'État veille à l'information du public sur les risques liés aux activités nucléaires, à leur impact sur la santé et la sécurité des personnes et sur l'environnement.
Surtout, il précise que cette mission implique que l'État fournisse une information relative aux conséquences, sur le territoire national, des activités nucléaires exercées hors de celui-ci, notamment en cas d'incident ou d'accident.
Enfin, son second alinéa tend à rendre explicitement l'État responsable de l'information du public sur les modalités et les résultats du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.
La commission a jugé indispensable de rappeler, dans un article de principe, les obligations d'information qui incombent à l'État, afin de garantir le respect du principe de transparence des activités nucléaires.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
En effet, il partage le souci exprimé par le Sénat d'afficher clairement le rôle de l'État en matière d'information sur la sûreté nucléaire et la radioprotection. Il est effectivement de la responsabilité de l'État, dans ses diverses composantes - Gouvernement, Haute autorité de sûreté nucléaire, Haut comité de transparence sur la sûreté nucléaire - de permettre la diffusion de l'information et, le cas échéant, un débat sur la base des informations disponibles.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 150 :
Nombre de votants | 289 |
Nombre de suffrages exprimés | 288 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 145 |
Pour l'adoption | 184 |
Contre | 104 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 3.
Article 3
Sans préjudice des dispositions relatives à l'information des personnes faisant l'objet d'une exposition à des fins médicales ou de recherche biomédicale, toute personne a le droit d'obtenir, auprès des exploitants d'installations comportant une source de rayonnements ionisants excédant des seuils définis par voie réglementaire et auprès des personnes responsables de transport de matières radioactives, les informations disponibles relatives aux risques liés à l'exposition aux rayonnements ionisants résultant des activités nucléaires mentionnées au I de l'article 2, ainsi que les informations disponibles relatives aux mesures prises pour prévenir ou réduire ces risques ou expositions.
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Dans les conditions définies à l'article 4, toute personne a le droit d'obtenir, auprès d'un exploitant d'une installation nucléaire de base ou d'une personne responsable d'un transport de matières radioactives, transportant des quantités supérieures à un seuil prévu par décret, les informations sur les risques liés à l'exposition aux rayonnements ionisants pouvant résulter de cette activité et sur les mesures prises pour prévenir ou réduire ces risques ou expositions.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement tend à améliorer et à clarifier la rédaction de l'article 3, qui traite du droit d'accès des citoyens aux informations détenues par les exploitants nucléaires.
La proposition de la commission ne modifie pas la définition des informations communicables dans ce cadre. La différence notable que je vous propose par rapport au texte du projet de loi est de faire reposer cette obligation de transmission des informations nucléaires sur les installations nucléaires les plus emblématiques, c'est-à-dire les installations nucléaires de base, en particulier les centrales nucléaires ainsi que les centres de stockages et les transports de matières radioactives les plus importants.
Il est vrai qu'il existe une attente importante de la population en matière de transparence des activités nucléaires. Toutefois, celle-ci ne saurait être la même pour les activités médicales utilisant des sources de rayonnement ionisants et les centrales nucléaires, qui ne présentent pas les mêmes risques. Le même raisonnement trouve à s'appliquer pour les transports. Au total, la proposition de votre commission apparaît tout à fait équilibrée.
M. le président. Le sous-amendement n° 265, présenté par MM. Piras, Raoul et Teston, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 35 pour cet article, après les mots :
d'un transport de matières radioactives
supprimer les mots :
transportant des quantités supérieures à un seuil prévu par décret
La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. L'article 3 est au coeur du dispositif de ce projet de loi, puisqu'il institue le droit d'accès à l'information détenue par les exploitants et les personnes responsables de transports de matières nucléaires.
La loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal permet à toute personne qui en fait la demande d'avoir accès aux documents administratifs par le biais de la Commission d'accès aux documents administratifs, la CADA.
Il est clair, toutefois, comme le soulignent opportunément MM. les rapporteurs, que sont seulement soumis à de telles obligations de transparence les exploitants qui sont des établissements publics, comme le CEA ou l'Agence nationale pour la gestion de déchets radioactifs, l'ANDRA.
Depuis sa transformation en société anonyme, EDF échappe au champ d'application de la loi de 1978. On comprend dès lors l'importance de cet article s'agissant de la privatisation de la filière électronucléaire.
Nous nous interrogeons cependant sur la nouvelle rédaction prévue dans l'amendement de la commission. Cette rédaction modifie en effet substantiellement le texte en restreignant, dans le domaine des transports de matières nucléaires, le champ d'application de cette obligation d'information à des quantités transportées « supérieures à un seuil prévu par décret ».
N'y a-t-il pas un risque que des transporteurs puissent échapper à l'obligation d'information en réduisant les quantités transportées ?
M. le rapporteur a voulu cibler le champ d'application de cette obligation sur les installations nucléaires de base, pour des raisons que l'on comprend. Ce faisant, il a changé le sens du contenu de cet article, et nos craintes sont tout à fait justifiées.
Par ailleurs, il faut souligner que la nouvelle rédaction restreint l'obligation d'information de manière importante, puisque ne seront plus désormais concernés par cette obligation que les exploitants d'installations nucléaires de base, et non plus tout exploitant « d'installations comportant une source de rayonnements ionisants excédant des seuils définis par voie réglementaire ».
La rédaction initiale permettait également, madame la ministre, d'exclure tous les médecins radiologues de France, sans pour autant créer un biais en ce qui concerne le transport de matières nucléaires.
C'est pourquoi nous préférons la version initiale du texte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Je comprends vos préoccupations, monsieur Piras, mais si la commission a prévu un seuil s'agissant du transport des matières radioactives, ce n'est bien évidemment pas pour permettre de contourner la législation : il s'agit d'assurer un traitement différent pour des situations différentes.
Comme nous l'avons expliqué dans le rapport, il nous semblerait inapproprié de traiter de la même façon le transport d'appareils de radiologie ou de portiques d'aéroports et les convois de plutonium. L'exigence de transparence, dans le respect des dispositions relatives à la sûreté de l'État, a du sens dans le second cas, mais pas nécessairement dans le premier.
Je suis d'ailleurs certain que Mme la ministre nous fournira toutes les assurances quant au seuil qui sera fixé par décret.
La commission souhaiterait donc, monsieur Piras, que vous retiriez ce sous-amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 265.
La précision apportée par la commission visant à préciser que seuls sont concernés par l'obligation d'information les transporteurs prenant en charge des quantités supérieures à un seuil est pertinente.
Il nous semble qu'il serait particulièrement inopérant et inutile de soumettre tous les transporteurs à l'obligation d'information, quelle que soit la quantité de matière radioactive transportée.
Le Gouvernement est bien conscient du risque soulevé par les auteurs du sous-amendement. C'est pourquoi il est prévu que le seuil soit fixé par décret, afin de permettre une analyse technique approfondie des aspects quantitatifs et qualitatifs qu'il est nécessaire de prendre en compte pour fixer une telle limite.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l'amendement n° 35.
M. le président. Monsieur Piras, le sous-amendement n° 265 est-il maintenu ?
M. Bernard Piras. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé.
Article 4
I. - L'accès aux informations détenues par les exploitants d'installations et les personnes responsables de transport de matières radioactives s'exerce dans les conditions et selon les modalités définies par l'article L. 124-1 du code de l'environnement, sous les réserves ci-après.
II. - L'obligation de communiquer les informations demandées incombe aux exploitants des installations et aux responsables des transports, qu'ils soient des personnes publiques ou privées.
III. - Les personnes ci-dessus mentionnées peuvent refuser de communiquer, outre les informations non communicables mentionnées au II de l'article L. 124-1, une information dont la divulgation peut avoir pour effet de porter atteinte à la sécurité nucléaire.
IV. - Le refus de communication opposé par l'exploitant ou la personne responsable du transport de matières radioactives est notifié au demandeur sous forme d'une décision écrite motivée qui peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant la juridiction administrative. Le silence gardé pendant plus d'un mois vaut décision implicite de refus.
V. - La personne qui rencontre des difficultés pour obtenir communication des informations qu'elle a sollicitées saisit le Haut-Comité de transparence sur la sécurité nucléaire qui émet un avis. La saisine du Haut-Comité pour avis est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, sur l'article.
M. Yves Coquelle. Cet article nous semble satisfaisant parce qu'il met en oeuvre le droit à l'information créé dans le précédent article.
Ledit article dispose : « toute personne a le droit d'obtenir, auprès des exploitants d'installations comportant une source de rayonnements ionisants excédant des seuils définis par voie réglementaire et auprès des personnes responsables de transport de matières radioactives, les informations disponibles relatives aux risques liés à l'exposition aux rayonnements ionisants résultant des activités nucléaires[...], ainsi que les informations disponibles relatives aux mesures prises pour prévenir ou réduire ces risques ou expositions ».
Selon le texte, ce droit à l'information du public incombe aux exploitants d'installations et aux responsables de transport. Nous sommes toutefois circonspects quant à son application concrète. Ces mêmes personnes, selon l'arrêté du 24 juillet 2003, ne sont en effet pas tenues de divulguer ces informations, désormais classées « secret défense ».
Nous notons que le projet de loi reste flou : ces personnes peuvent refuser de communiquer des informations dont la divulgation peut avoir pour effet de porter atteinte à la sécurité nucléaire.
Or c'est précisément au nom de la sécurité nucléaire en général, et en particulier dans le but d'éviter toute attaque terroriste, que les informations sur le transport et le stockage de matières nucléaires sont, depuis cet été, considérées comme de nature à nuire à la sécurité de l'État.
Nous estimons que créer un droit universel avec une restriction si floue n'est pas de nature à garantir l'exercice de ce nouveau droit.
Il nous semble, en outre, que cette mesure représente pour les exploitants un facteur d'insécurité juridique, puisqu'ils ne sauront pas quelles pièces ils sont ou non tenus de fournir.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons des précisions sur les conditions d'application de cet article.
M. le président. L'amendement n° 36, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le I de cet article :
I. - Le droit d'accès aux informations mentionnées à l'article 3 s'exerce dans les conditions définies aux articles L. 124-1 à L. 124-6 du code de l'environnement.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement vise à préciser la définition des modalités du droit d'accès aux informations nucléaires.
Il tend à renvoyer, pour l'exercice de ce droit d'accès, aux dispositions du code de l'environnement relatives au régime de communication des informations environnementales détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable, car la rédaction proposée par la commission est plus simple et plus complète.
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le II de cet article :
II. - L'obligation de communiquer les informations demandées incombe directement aux exploitants des installations nucléaires de base ou aux personnes responsables de transport de matières radioactives.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer le III de cet article.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. La loi du 17 juillet 1978 prévoit déjà que le refus de communiquer une information peut être opposé, pour des motifs de sûreté de l'État, de sécurité publique ou de sécurité des personnes.
Par ailleurs, l'article L. 124-4 du code de l'environnement autorise les refus destinés à protéger l'environnement.
En conséquence, le III de l'article 4 du projet de loi est déjà satisfait par le droit en vigueur. La commission propose donc de le supprimer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 39 rectifié, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le IV de cet article :
IV. - Les litiges relatifs aux refus de communication d'informations opposés en application du présent article sont portés devant la juridiction administrative selon les modalités prévues par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement tend à redéfinir les conditions dans lesquelles sont gérés les litiges relatifs au refus de communication d'informations détenues par les exploitants nucléaires.
La commission a souhaité un système qui soit le plus efficace et le plus opérationnel possible. Elle préconise donc que soit appliqué aux informations concernant le domaine nucléaire le régime de contestation des refus de communication en vigueur pour les documents administratifs en prévoyant l'intervention de la CADA.
Ce mécanisme précontentieux est désormais bien éprouvé et il fonctionne dans d'excellentes conditions depuis la fin des années soixante-dix.
Par ailleurs, le regroupement de procédures similaires au sein de la même instance présente des avantages substantiels. Or c'est également la CADA qui est dorénavant compétente pour les litiges concernant les informations environnementales.
M. le président. L'amendement n° 266, présenté par MM. Piras, Raoul et Teston, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter, in fine, le IV de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les informations sur les émissions pertinentes pour l'environnement doivent en tout état de cause être divulguées sans que puisse être opposé le secret commercial et industriel.
L'amendement n° 267, présenté par MM. Piras, Raoul et Teston, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter in fine le IV de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les motifs de refus de communiquer l'information devront être interprétés de manière restrictive compte tenu de l'intérêt que la divulgation des informations demandées présenterait pour le public et selon que ces informations ont trait ou non aux émissions dans l'environnement.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner, le droit à l'information en matière d'environnement s'est considérablement renforcé sur le plan international du fait de l'évolution du droit communautaire, grâce en particulier à l'adoption en 2003 de la directive relative à l'accès du public à l'information en matière d'environnement et du fait de l'apport important que constituent les nouvelles dispositions de la convention d'Aarhus du 25 juin 1998.
Rappelons que cette convention relative à l'accès à l'information, à la participation du public aux processus décisionnels et à l'accès à la justice en matière d'environnement a été ratifiée le 28 février 2002. La communauté européenne a adhéré à cette convention en février 2005.
Le IV de l'article 4 du projet de loi précise les conditions dans lesquelles les exploitants ou les responsables du transport de matières radioactives peuvent refuser de transmettre les informations qui leur sont demandées.
M. le rapporteur a substantiellement modifié ce paragraphe IV, et je crains que cette réécriture n'en modifie beaucoup la portée.
Nous proposons, quant à nous, que ce projet de loi soit l'occasion de réaffirmer certaines dispositions de la convention d'Aarhus.
Soulignons tout d'abord que, selon cette convention, le refus de communication doit être motivé.
Par ailleurs, l'article 4 de la convention précise que le secret commercial et industriel ne peut empêcher la divulgation des informations relatives aux émissions pertinentes pour l'environnement.
Enfin, l'intérêt pour le public que peut présenter la divulgation des informations demandées doit primer sur toute autre considération. C'est pourquoi les motifs de refus doivent être interprétés de manière restrictive.
Telles sont les dispositions prévues par la convention que l'Union européenne, donc la France, a signée ; il serait légitime de les intégrer à ce projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 266 et 267 ?
M. Bruno Sido, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 266, monsieur Raoul, il est satisfait par le droit en vigueur, en particulier par le II de l'article L. 124-5 du code de l'environnement, qui s'applique pleinement aux informations détenues par les exploitants de nucléaire.
Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer cet amendement, afin que soit conservé un texte lisible. A défaut, la commission émettrait un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 267, je dirai une fois de plus qu'il me semble inopportun de prévoir un système différent de celui qui s'applique aux documents administratifs ou aux informations environnementales.
Chaque demande litigieuse devra faire l'objet d'un examen au cas par cas par la CADA et, s'il y a lieu, par le juge administratif.
Au surplus, j'avoue que donner au juge l'ordre d'interpréter des motifs de refus de manière restrictive pourrait être perçu différemment en fonction des juridictions, puisque cette rédaction est loin d'être précise. Elle serait donc vraisemblablement source de nombreux contentieux.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 267.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 39 rectifié.
Il émet un avis défavorable sur l'amendement n° 266, pour les motifs exposés par M. le rapporteur.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 267. Je rappelle que les dispositions du chapitre du code de l'environnement relatif au droit d'accès à l'information environnementale ont été récemment renforcées, afin d'assurer la complète transposition de la directive européenne de 2003 sur le sujet et, par voie de conséquence, de la convention d'Aarhus.
Le Gouvernement estime que la préoccupation des parlementaires est satisfaite. La loi prévoit en effet que le droit d'accès aux informations détenues par les exploitants et les responsables de transport de matières radioactives s'exerce dans les conditions définies par le code de l'environnement.
Les principes fixés par la convention d'Aarhus seront ainsi bien pris en compte lors de l'exercice de ce droit d'accès.
Ajouter une disposition particulière dans le cas de l'accès aux informations détenues par un exploitant pourrait a contrario être considéré comme une limite au droit d'accès aux informations environnementales de droit commun.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Je commencerai mon propos par une analyse générale. Il est adroit et tout à fait intéressant d'aligner sur le droit commun le régime de l'information en matière nucléaire, donc de prévoir que la CADA est compétente pour garantir l'accès à tous documents communicables.
Je vous ferai simplement remarquer que les militants associatifs sont de plus en plus souvent conduits à saisir la CADA, et que la transmission normale des documents semble devenir de plus en plus compliquée.
Par ailleurs, je pense que nous avons tout à fait intérêt à regarder de près le travail qui a été accompli par la commission particulière du débat public sur l'opportunité de l'EPR. En effet, comme vous le savez, un conflit relativement vif a éclaté à la suite du refus de communication de certains documents, le secret-défense ou le secret commercial et industriel ayant été invoqué.
Lors du compte rendu de son travail, le président de la commission particulière du débat public a expliqué comment la difficulté avait été contournée, notamment par la mise en place de conventions passées avec les exploitants et certaines associations reconnues pour leur compétence et leur fiabilité. Cela a permis de communiquer non pas au tout-venant sur Internet, mais à des partenaires ciblés des documents qui étaient pourtant considérés comme relevant du secret-défense ou du secret industriel et commercial.
Ce qui me paraît important, c'est de motiver le refus au lieu d'invoquer simplement le secret-défense, le secret commercial, ou la mise en danger des transports de déchets. Est-il normal, par exemple, de ne pas motiver un refus de communication d'informations élémentaires au maire d'une commune traversée par des convois de déchets radioactifs, lequel est censé assurer la sécurité sur le territoire de sa commune ?
Il faudrait prendre en compte sérieusement les deux amendements que nous avons présentés et qui visent à ce que les refus de communiquer des informations ne soient pas interprétés d'une façon trop large.
M. le président. Monsieur Raoul, les amendements nos 266 et 267 sont-ils maintenus ?
M. Daniel Raoul. Je sais bien qu'un problème se pose avec l'amendement n° 41, qui sera présenté ultérieurement.
Mais je voudrais être certain que la loi de 1978 est également applicable aux exploitants privés. En fait, pour le moment, la CADA concerne uniquement les documents administratifs. À cet égard, je vous renvoie à la page 17 du rapport écrit.
Si EDF est privatisée, que se passera-t-il en matière d'accès aux documents ? Théoriquement, si le texte est appliqué à la lettre - je fais abstraction de l'amendement n° 41 -, on n'aura plus accès à ses documents, puisqu'il s'agira d'une exploitation privée. Je souhaiterais obtenir des explications précises sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. La loi actuelle traite des missions de service public. Précisément pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté en la matière, l'amendement n° 41, que j'aurai l'honneur de présenter dans un instant, vise à ce que les documents des exploitants des installations nucléaires de base soient intégrés dans le dispositif.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Puisque Mme la ministre a déclaré que le texte, au moins dans son esprit, respectera l'article 4 de la convention d'Aarhus, je retire ces amendements.
M. le président. Les amendements nos 266 et 267 sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° 39 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le V de cet article :
V. - Les dispositions du chapitre II du titre Ier de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 précitée ne sont pas applicables aux informations communiquées en application du présent article.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement vise à exclure les informations nucléaires du champ d'application des dispositions relatives à la réutilisation des données publiques définies dans la loi de 1978.
En raison de la relative jeunesse de ce dispositif, qui résulte d'une ordonnance de juin 2005, ce régime juridique n'est pas en vigueur dans les faits et ses modalités de mise en oeuvre ne sont pas encore établies, selon les informations qui ont été fournies à la commission par la CADA.
Nous ne souhaitons pas soumettre les responsables d'activités nucléaires à ces mesures dans la mesure où nous éprouvons des difficultés à en apprécier tant l'impact que l'intérêt.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, puisque le chapitre II du titre Ier de la loi du 17 juillet 1978 évoque la question de la réutilisation des données communiquées par l'administration.
Ces dispositions ne sont pas adaptées au cas des informations détenues par un exploitant. Il est donc tout à fait pertinent d'exclure l'application de ce chapitre.