sommaire
présidence de M. Jean-Claude Gaudin
MM. le président, Jacques Mahéas.
MM. Jean-Pierre Godefroy, Roland Muzeau, Yves Coquelle, Mme Gisèle Printz, MM. le président, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Guy Fischer, Jean-Luc Mélenchon, Mme Hélène Luc, MM. Philippe Nogrix, David Assouline, Josselin de Rohan.
4. Égalité des chances. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
MM. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Roland Muzeau, Guy Fischer, Mmes Catherine Procaccia, Raymonde Le Texier, MM. Jean-Pierre Bel, Roland Courteau, Michel Mercier, Roger Madec, Mme Catherine Tasca, MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-Pierre Godefroy, David Assouline, Bernard Vera, Mme Dominique Voynet, MM. Jean-Luc Mélenchon, François Marc, Mmes Nicole Bricq, Nicole Borvo Cohen-Seat.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
Amendements nos 146 rectifié de Mme Raymonde Le Texier, 273 rectifié de M. Gérard Delfau, 440 de M. Jean Desessard et 648 de M. Roland Muzeau. - Mme Raymonde Le Texier, M. Gérard Delfau, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Hélène Luc, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. - Réserve des amendements.
MM. Jean-Pierre Bel, le président.
Suspension et reprise de la séance
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le président.
Amendement no 501 de M. Michel Mercier. - MM. Philippe Nogrix, le rapporteur, Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances. - Vote réservé.
Amendement no 650 de M. Roland Muzeau. - Mme Évelyne Didier, MM. le président, le rapporteur, Azouz Begag, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 148 de Mme Yannick Texier. - MM. Roger Madec, le président, le rapporteur, Azouz Begag, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 147 de Mme Yannick Texier. - Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur, Azouz Begag, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 670 de M. Roland Muzeau. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, Azouz Begag, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 444 de M. Jean Desessard. - Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, Azouz Begag, ministre délégué. - Vote réservé.
Suspension et reprise de la séance
présidence de Mme Michèle André
MM. Roland Muzeau, Jean-Pierre Godefroy, le président de la commission, Gérard Larcher, ministre délégué ; Mme la présidente.
Amendements nos 149 rectifié de Mme Raymonde Le Texier et 443 de M. Jean Desessard. - M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 441 de M. Jean Desessard. - Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 150 rectifié de Mme Raymonde Le Texier. - MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 651 de M. Roland Muzeau. - Mme Marie-France Beaufils, MM. le rapporteur, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 151 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Raymonde Le Texier, MM. le rapporteur, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 152 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Mme Hélène Luc, MM. Jean-Pierre Bel, le président de la commission, David Assouline, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Michel Mercier.
Suspension et reprise de la séance
M. Jean-Pierre Bel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Gérard Larcher, ministre délégué ; Roland Muzeau.
Amendement no 155 de Mme Raymonde Le Texier. - MM. Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 502 rectifié de M. Michel Mercier. - Mme Valérie Létard, MM. le rapporteur, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 667 de M. Roland Muzeau. - Mme Évelyne Didier, MM. le rapporteur, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 447 de M. Jean Desessard. - Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 154 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Raymonde Le Texier, MM. le rapporteur, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 156 de Mme Raymonde Le Texier. - MM. Claude Domeizel, le rapporteur, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 660 de M. Roland Muzeau. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 504 de M. Michel Mercier. - Mme Muguette Dini, MM. le rapporteur, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 153 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Raymonde Le Texier, MM. le rapporteur, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 652 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 653 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 157 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Bariza Khiari, MM. Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 158 de Mme Raymonde Le Texier. - MM. Roger Madec, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 159 rectifié de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Christiane Demontès, MM. Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 503 de M. Claude Biwer. - Mme Gisèle Gautier, MM. Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 654 de M. Roland Muzeau. - Mme Marie-France Beaufils, MM. Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Amendement no 160 de Mme Raymonde Le Texier. - MM. David Assouline, Gérard Larcher, ministre délégué. - Vote réservé.
Renvoi de la suite de la discussion.
5. Dépôt de propositions de loi
6. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, je souhaite rectifier l'interprétation qui a été faite de mes propos au cours de la séance du vendredi 24 février 2006. Peut-être me suis-je mal exprimé ? Mais je ne le pense pas.
En tout cas, s'agissant des remboursements par l'État aux départements, il manque non pas une dizaine de millions d'euros, mais quatre-vingts millions d'euros à la compensation du RMI par l'État pour le département de la Seine-Saint-Denis.
M. le président. Le compte rendu analytique sera corrigé en ce sens.
Y a-t-il d'autres observations ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR
M. le président. J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Abel Sempé, qui fut sénateur du Gers de 1959 à 1989.
3
RAPPELS AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, en vertu de l'article 36, alinéa 10, de notre règlement, « les interpellations de collègue à collègue sont interdites ».
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elles sont renvoyées en fin de séance !
M. Jean-Pierre Godefroy. Depuis le début de l'examen de ce texte, les présidents de séance sont décidés à faire appliquer le règlement, parfois de façon très stricte, et ils ont raison.
Au cours de la séance du vendredi 24 février 2006, nous avons eu droit à quelques dérapages verbaux. À défaut d'intervenir sur le fond, certains collègues appartenant à la majorité ont interrompu les orateurs de gauche qui s'efforçaient d'expliquer leur position et de présenter leurs amendements. Certaines de ces interruptions constituaient de véritables invectives. Le compte rendu analytique en donne un aperçu, même s'il est loin d'être complet. Le compte rendu intégral sera sans doute plus exhaustif en la matière.
Monsieur le président, certes, nous y sommes habitués ; c'est normal, c'est la vie publique. Les formules bien connues, telles que : « Démagos ! », « Apparatchiks ! » et autres, ne blessent personne. Mais il n'en est pas de même des invectives qui mettent en cause l'honnêteté et l'intelligence de certains collègues. Elles ne sont pas admissibles dans cet hémicycle ! Nous avons même eu droit à des tutoiements, à des « Tais-toi ! », à des « Allez-vous-en ! », à des « Givrés ! ».
M. Roland Courteau. Tout cela est vrai !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous sommes les représentants du peuple,...
M. Roland Courteau. Effectivement !
M. Jean-Pierre Godefroy. ...élus par nos pairs, représentants du suffrage universel, et, à travers nous, ce sont nos concitoyens qui sont invectivés. C'est à eux que l'on demande de se taire, de s'en aller ; c'est eux que l'on traite de « givrés » !
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, je ne doute pas de votre vigilance pour éviter de tels dérapages aujourd'hui (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour un rappel au règlement.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, mon rappel au règlement porte sur le dernier propos tenu par le président About à près de quatre heures du matin, la semaine dernière, pour clore les débats sur l'article 1er.
Contrairement à ce qui été indiqué, ou tout du moins sous-entendu, il n'y a pas eu d'accord, ni même ne serait-ce qu'une discussion, pour convenir que nous débuterions l'après-midi par l'article 3 bis. En revanche, nous avions obtenu un engagement ferme, celui que les débats se poursuivraient article après article, et ce dans l'ordre du projet de loi.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Roland Muzeau. Après six, sept ou huit utilisations très malveillantes du règlement, voici que l'on nous impose maintenant de commencer nos débats par l'article 3 bis, sans avoir examiné les articles 2 et 3, ni les amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 3 bis.
Monsieur le président, ces méthodes de travail sont tout à fait inqualifiables ou, si elles sont qualifiables, c'est dans un sens que vous aurez, les uns et les autres, compris !
Pour que nos débats soient sereins et, au-delà de la sérénité dont on peut ne pas être forcément friands, pour qu'ils soient de qualité, il conviendrait de suivre l'ordre des articles du projet de loi, plutôt que de s'abaisser à des bouleversements permanents, qui aboutissent à rendre les débats assez incompréhensibles, au point que les médias ont fait état d'un pseudo-accord avec les groupes de gauche.
Le groupe CRC tient à affirmer qu'il n'y a eu ni discussion ni accord. Au contraire, nous avons manifesté la désapprobation la plus vive pour cette inversion du calendrier de la discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour un rappel au règlement.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, mon rappel au règlement concerne la convocation des réunions de commission.
Au nom de mon groupe, je demande en urgence une réunion de la commission des affaires économiques sur les conditions de la fusion annoncée entre GDF et Suez, ainsi que sur les conséquences de cette décision quant à l'avenir de la politique énergétique de notre pays et de l'Europe.
Décidément, le gouvernement de M. de Villepin ne lève pas le pied dans son offensive libérale.
La cause du droit au travail, avec le CPE, dont nous discutons cet après-midi, occupait les devants de l'actualité. Mais, hier, une nouvelle surenchère a été annoncée avec la privatisation de fait de GDF, livrée au marché au nom d'un patriotisme économique auquel seul le Premier ministre fait semblant de croire.
Comment oser parler de patriotisme alors que la droite au pouvoir déshabille la nation pour enrichir des actionnaires de tout poil, nationaux comme étrangers ? C'est le bien public qui est bradé, le bien de chaque Française et Français.
De surcroît, cette décision traduit un mépris du Parlement. En effet, les députés et les sénateurs avaient limité l'ouverture du capital à 30 %, 70 % devant rester dans le domaine public.
M. Roland Courteau. C'est vrai !
M. Yves Coquelle. Par ce tour de passe-passe, M. de Villepin réduit à 34 % la part publique dans le nouveau groupe GDF, qui est donc privatisé.
Un nouveau projet de loi est annoncé en ce sens, moins de deux ans après les débats du printemps 2004. N'est-ce pas là un nouvel exemple d'une inflation législative de moins en moins maîtrisée ?
Comment accepter qu'une telle décision dans un domaine stratégique intervienne sans débat préalable au Parlement ? Sinon, à quoi servons-nous ?
D'autres solutions peuvent être trouvées pour maintenir le contrôle public dans ce domaine. Elles doivent être soumises au débat et c'est le peuple, par le biais de ses représentants, qui doit trancher, et non des analystes français et autres stratèges en bourse.
GDF doit restée publique et une réponse forte doit être apportée à ce nouveau coup de force libéral. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées groupe socialiste.)
M. le président. On verra avec M. le président de la commission des affaires économiques ce qu'il y aura lieu de faire, dans la soirée ou demain.
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour un rappel au règlement.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur les articles 48 et 20 du règlement du Sénat.
Afin d'être bien comprise, je vous donne lecture des dispositions que je souhaite commenter.
L'alinéa 3 bis de l'article 48 précise que : « Sauf dispositions spécifiques les concernant, les sous-amendements sont soumis aux mêmes règles de recevabilité et de discussion que les amendements. »
L'article 50 dispose : « À la demande de la commission intéressée, la Conférence des présidents peut décider de fixer un délai limite pour le dépôt des amendements. La décision de la Conférence des présidents figure à l'ordre du jour. »
La question de l'irrecevabilité des sous-amendements est d'une grande portée au regard des droits de l'opposition.
L'interprétation donnée vendredi par le Gouvernement est très contestable.
Certes, le deuxième alinéa de l'article 44 de la Constitution dispose que : « Après l'ouverture du débat, le Gouvernement peut s'opposer à l'examen de tout amendement qui n'a pas été antérieurement soumis à la commission. »
Toutefois, comme l'a relevé Bernard Frimat vendredi dernier, il n'est nullement question de sous-amendements. Or il nous est tous arrivé de déposer des sous-amendements qui ont été rédigés en séance et débattus sans être pourtant passés par l'examen en commission. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
L'assimilation des sous-amendements aux amendements pour l'application du deuxième alinéa de l'article 44 de la Constitution a déjà donné lieu à de vifs conflits, comme en 1986 lors de la discussion du projet de loi modifiant le code du travail et relatif à la négociation collective sur l'aménagement du temps de travail
À la suite de ce débat, le règlement du Sénat fut modifié le 20 mai 1986 afin d'introduire l'alinéa 3 bis de l'article 48 soumettant les sous-amendements aux mêmes règles de recevabilité et de discussion que les amendements. Mais cette modification fut validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 86-206 DC du 3 juin 1986 sous une réserve essentielle : « elle ne saurait permettre au Gouvernement de porter atteinte à l'exercice réel du droit d'amendement des membres du Parlement prévu à l'article 44 du texte constitutionnel ».
Le règlement du Sénat ne prévoit pas de délai limite pour le dépôt des sous-amendements. En effet, l'article 50 précise : « À la demande de la commission intéressée, la Conférence des présidents peut décider de fixer un délai limite pour le dépôt des amendements. »
Une interprétation restrictive du droit de sous-amender constituerait une innovation constitutionnelle aux conséquences graves, tant pour les droits de l'opposition que pour la qualité et la vitalité du débat parlementaire. En effet, ce droit est traditionnellement conçu, selon la thèse relative au droit d'amendement de Bruno Baufumé, comme un « droit de suite, permettant de suivre l'évolution de la discussion parlementaire et de lui conserver son dynamisme ».
Par conséquent, nous contestons cet abus de la part du Gouvernement et nous demanderons pour l'avenir un éclaircissement de cette disposition.
M. le président. Votre intervention fera également l'objet d'un examen particulier en conférence des présidents. La Haute Assemblée et le Gouvernement se sont appuyés sur la jurisprudence de 1986. Rien n'empêche, il est vrai, que la disposition concernée soit explicitée de nouveau en conférence des présidents.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je souhaite répondre à M. Muzeau.
S'il est vrai que j'ai indiqué en commission à M. Muzeau que je m'attacherais à faire en sorte que les articles soient examinés dans l'ordre, c'est parce que je ne pensais pas, en toute logique, et sans doute par naïveté, que nous allions avoir affaire à une certaine obstruction qui allait considérablement retarder le débat... (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Mahéas. On n'a pas parlé à l'Assemblée nationale, il faut bien que l'on parle au Sénat !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pardonnez-moi de m'être livré à l'instant à une provocation, mais votre réaction prouve que j'ai touché juste. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Dans notre esprit, la discussion devait logiquement nous amener à aborder le CPE aujourd'hui, à quinze heures.
Lorsque, en conférence des présidents, j'ai demandé, avec le président de Rohan, à poursuivre éventuellement la discussion de ce texte samedi 25 et dimanche 26 février, le président Bel s'est demandé si la décision de ne pas siéger le samedi et le dimanche n'aboutirait pas à voter le CPE en pleine nuit, à une heure indécente et en présence d'un faible nombre de parlementaires. J'ai donc pris l'engagement que le CPE viendrait en discussion lundi 27 février à quinze heures. Et que je sache, à la conférence des présidents, siègent également les membres les plus éminents du groupe CRC ! Or, personne ne m'a contredit ! Au contraire, nous avons pris l'accord tacite...
M. Guy Fischer. C'est de la mauvaise foi, monsieur le président !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je ne fais jamais preuve de mauvaise foi !
Cet accord ayant donné satisfaction, nous sommes repartis avec l'idée que nous examinerions, aussi longtemps que nécessaire, dans la nuit de vendredi à samedi, non seulement l'article 1er mais également les articles 2 et 3.
Compte tenu de l'heure avancée de nos débats et après en avoir discuté avec les membres présents en séance dans la nuit de vendredi à samedi, j'ai décidé de ne pas continuer la discussion au-delà de trois heures cinquante, en précisant, à la fin de la séance, que nous respecterions l'engagement pris, à savoir que nous aborderions aujourd'hui, dès quinze heures, l'examen du CPE.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour mensonge éhonté !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je veux rappeler à M. le président de la commission des affaires sociales que M. de Rohan a été le seul, je crois, à proposer que nous travaillions samedi et dimanche derniers.
Face à l'opposition des présidents de commission...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Certainement pas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Peut-être pas la vôtre, mais de toute façon vous n'avez rien dit !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je ne m'y suis jamais opposé !
Face à l'opposition en tout cas des présidents de groupe de gauche, M. de Rohan n'a pas défendu cette proposition, tant une présence assidue des membres de la majorité le samedi et le dimanche lui paraissait difficile.
M. Josselin de Rohan. On se serait arrangé !
M. David Assouline. Et la messe ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le seul point abordé et auquel le groupe CRC s'est d'ailleurs opposé, c'est le fait que nous travaillerions samedi et dimanche prochains.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas le seul point qui a été abordé ! C'est un mensonge !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n'ai pris aucun engagement à ce propos, monsieur About,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous mentez !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...mais cela a été évoqué.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah non, vous mentez !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je suis désolée, je ne mens pas !
Il est fort regrettable que les comptes rendus exhaustifs de la conférence des présidents ne soient pas remis aux sénateurs ! Je vais demander au président du Sénat qu'il fasse en sorte que dorénavant ils le soient !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'avais alors fait observer à tous les membres présents que l'on était bien d'accord pour continuer le plus tard possible dans la nuit de vendredi à samedi afin de ne pas prendre de retard pour pouvoir examiner le CPE aujourd'hui, à quinze heures !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certes, nous étions d'accord pour continuer dans la nuit, mais, de fait, il n'a pas été dit que, quel que soit l'état de nos discussions dans la nuit de vendredi à samedi, nous commencerions l'examen du CPE lundi, à quinze heures !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si, absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non ! Et, de toute façon, si cela avait été dit, j'aurais indiqué que j'étais contre le fait de ne pas examiner les articles 2 et 3 pour passer directement à l'article 3 bis !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous êtes sourde ! Il faut vous faire équiper !
M. le président. Je vous donne acte de votre déclaration, madame Borvo Cohen-Seat.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Déclaration inexacte !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer. Le président de la commission des affaires sociales m'a mis en cause, invoquant le fait que j'avais implicitement accepté que l'article 3 bis vienne aujourd'hui en discussion.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Qui ne dit mot consent !
M. Guy Fischer. Je dois dire que j'ai été le seul, tant au cours des deux réunions de bureau que lors de la conférence des présidents, à dire que nous étions prêts. À regarder le déroulement des travaux tel qu'il nous est imposé, nous aurions pu aller bien plus loin encore, monsieur le président About. Or, aujourd'hui, vous recourez à un vil argument en prétendant que si vous commencez la discussion de l'article 3 bis, c'est avec la complicité du vice-président du groupe CRC !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je n'ai pas dit « la complicité » !
M. Guy Fischer. Dans ces conditions, nous allons employer d'autres méthodes...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Qui ne dit mot consent !
M. Guy Fischer. ...et utiliser toutes les possibilités que nous offre le règlement ! Vous allez voir !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je sais !
M. le président. Monsieur Fischer, il ne faut pas entendre des voix ; M. About ne vous a jamais mis en cause !
M. Guy Fischer. Mais si !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je veux tout d'abord remercier mes collègues d'avoir fait en sorte que nous n'ayons siégé ni samedi ni dimanche. J'ai ainsi eu le temps de revenir de Bolivie, pays dans lequel j'ai pu voir ce qu'était le CPE à vie.
Mes chers collègues, il est extraordinaire de constater que certains pensent faire une faveur à la représentation nationale en s'abstenant de siéger au-delà de quatre heures du matin ! Imaginez ce qu'en penseront nos compatriotes s'ils viennent à apprendre que nous travaillons sur des textes aussi importants pour eux jusqu'à quatre heures du matin ! Vous prenez-vous pour des génies capables de mener un débat aussi important dans de telles conditions ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui, chacun selon ses moyens !
M. Jean-Luc Mélenchon. Si tel est le cas, c'est que vous n'êtes vraiment pas sérieux !
Après avoir modifié le calendrier, brutalisé les procédures, réduit les droits de l'opposition à s'exprimer, vous pourriez au moins respecter le minimum, à savoir examiner un texte de loi en toute cohérence : d'abord l'article 1er, puis l'article 2, l'article 3, etc. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Le minimum, c'est la cohérence ! Vous devez cela non seulement à l'opposition, mais également à la nation. Ou alors dites-nous que vous n'avez qu'une hâte, que cela soit fini et que l'on ne discute pas !
Mme Hélène Luc. C'est cela, en effet !
M. Jean-Luc Mélenchon. J'admets que nos références incessantes au règlement peuvent sembler retarder le débat. Mais nous sommes seulement en train de défendre les droits du Parlement ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour un rappel au règlement.
Mme Hélène Luc. J'étais en séance vendredi dernier jusqu'à quatre heures du matin, avec mes amis du groupe CRC, qui sont pratiquement tous présents aujourd'hui. J'ai entendu la même chose que Mme Borvo Cohen-Seat. Aucune information ne nous a été donnée au sujet de l'article 3 bis, car vous pensez bien que sinon nous aurions réagi, monsieur le président About.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mauvaise foi !
Mme Hélène Luc. Au-delà du prétendu malentendu, nous devons maintenant suivre l'ordre normal de discussion du texte. Comme nous avions achevé l'examen de l'article 1er, nous devons reprendre la discussion à l'article 2.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La priorité pour l'article 3 bis est de droit !
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Elle a été ordonnée vendredi soir !
Mme Hélène Luc. Non seulement vous avez utilisé à l'Assemblée nationale l'article 49-3 de la Constitution, non seulement la majorité sénatoriale a décidé, contre notre avis, d'avancer au 23 février le débat qui avait été initialement prévu le 28 février, ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'y a pas eu de 49-3 sur ce point !
Mme Hélène Luc. ...non seulement vous avez décidé de retirer de notre ordre du jour la question orale européenne avec débat de M. Hubert Haenel sur les restrictions de circulation dans l'Union européenne des travailleurs salariés des nouveaux Etats membres, non seulement encore vous avez interrompu la discussion du projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif, mais vous voulez maintenant modifier l'ordre de discussion des articles de ce projet de loi. Votre préoccupation n'est pas que nous débattions des problèmes posés par le CPE ; tout ce que vous voulez, c'est que la majorité sénatoriale avalise ce que le Gouvernement a fait, puisqu'il n'y a même pas eu de vote à l'Assemblée nationale.
Monsieur le président, je vous demande donc de reprendre l'ordre normal de la discussion.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne peux laisser dire certaines choses. Moi aussi, comme vous tous, j'ai assisté à l'ensemble des débats.
Monsieur Mélenchon,...
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n'est pas moi qui ai modifié le calendrier !
M. Philippe Nogrix. ...vous dites que nos concitoyens seraient malheureux d'apprendre que nous travaillons jusqu'à quatre heures du matin.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Beaucoup de Français travaillent après quatre heures du matin !
M. Philippe Nogrix. Savez-vous comment nous avons travaillé ? Eh bien, nous avons travaillé sur tout, et quasiment pas sur le sujet sur lequel nous aurions dû débattre ! En effet, celui-ci a été évoqué de temps en temps, une fois sur cinq ou sur six. (Mme Dominique Voynet s'exclame.) Le reste, c'était un peu d'idéologie mêlée à de l'art oratoire. Voilà ce qui nous a fait perdre du temps ! C'est comme si, au lieu de vous amener directement de Bolivie à Paris, le pilote de votre avion avait tourné en rond de façon à vous faire arriver à l'issue des débats ! (Sourires.) Vous vous seriez alors demandé pourquoi il agissait ainsi ! Eh bien, mes chers collègues, si nous avons fini à près de quatre heures du matin, c'est parce que nous avons tourné en rond !
Je m'adresse maintenant aux membres du groupe CRC. Pendant toute la soirée, vous n'aviez eu de cesse de lever la main pour demander la parole.
Mme Hélène Luc. Heureusement que nous parlons !
M. Philippe Nogrix. Lorsque M. le président de la commission des affaires sociales nous a annoncé que nous examinerions l'article 3 bis ce lundi à quinze heures, vous n'avez rien dit. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils étaient partis !
M. Philippe Nogrix. Nous avons donc tous pensé que nous étions d'accord !
En l'occurrence, je pense que le président de la commission a fait un pas en avant assez remarquable. En effet, discuter un lundi après-midi, dès le début de la séance, d'une disposition qui, à vos yeux, est au coeur du projet de loi, c'est louable et très démocratique, et je l'en félicite. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour un rappel au règlement.
M. David Assouline. A été avancé l'argument selon lequel nous n'aurions pas débattu du fond dans la nuit de vendredi à samedi. Or il suffit de consulter le compte rendu analytique pour constater que les sénateurs de gauche avaient matière non seulement à défendre leurs amendements, nombreux, mais également à expliquer leur vote en allant au fond des choses, dans les détails techniques. Mais, en face, les sénateurs de droite se sont tus pendant tout le débat. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Absolument ! Que voulez-vous qu'ils disent ?
M. David Assouline. Ils étaient uniquement là pour intervenir sur des questions de procédure, parfois pour nous invectiver...
M. Jean-Pierre Sueur. Ça c'est vrai ! M. Braye nous a insultés !
M. David Assouline. ... et, bien sûr, pour voter au canon quand il le fallait !
M. Guy Fischer. On s'est fait insulter !
M. David Assouline. Le compte rendu analytique en témoigne.
Pour le reste, - et la presse l'a remarqué -, les débats ne prêtent pas tellement à polémique.
Par ailleurs, M. le président de la commission des affaires sociales a considéré que l'accord intervenu en conférence des présidents était tacite. Je ne vous en fais pas grief, monsieur About, si vous l'avez compris comme cela. Mais je ne comprends pas les motifs de cette modification de l'ordre de discussion des articles.
En effet, vous ne pouvez pas nous demander de passer de l'article 1er à l'article 3 bis, même si nous sommes - peut-être - des surdoués. Vous le savez, monsieur About, on apprend dès l'école qu'après 1 il y a 2. Passer de l'article 1er à l'article 3 bis, c'est considérer que ce projet de loi ne sert à rien d'autre qu'à faire adopter très vite l'article 3 bis qui se suffit à lui-même et qui est relatif au CPE.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'article 3 bis, c'est l'amendement du Gouvernement !
M. David Assouline. C'est considérer que toutes les autres dispositions relatives à l'égalité des chances, censées répondre à la crise des banlieues, à la crise sociale qui s'est notamment manifestée lors du référendum du 29 mai dernier, c'est du pipeau, l'essentiel étant de casser le code du travail.
Monsieur About, je vous écoute et je sais que vous êtes pédagogue : comment justifiez-vous le fait que vous passiez de l'article 1er à l'article 3 bis ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. À la demande du groupe socialiste !
M. David Assouline. S'il s'agit de discuter l'après-midi, en pleine journée, de l'article 3 bis en présence de nombreux sénateurs, je peux vous certifier que demain nous serons toujours aussi nombreux, sinon plus, puisque le Sénat siège habituellement le mardi. Je vous demande vraiment une explication à ce propos, monsieur About.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Demandez-la au président de votre groupe !
M. David Assouline. Je la demande au président de la commission des affaires sociales ! Comment justifiez-vous cette demande, sauf à vous prêter l'arrière-pensée qu'il fallait adopter cet article très rapidement.
M. Alain Gournac, rapporteur. Non, non !
M. David Assouline. Comme vous n'avez pas pu le faire dans la nuit de vendredi à samedi, vous le faites aujourd'hui à quinze heures !
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Il est faux de dire que le président de la commission des affaires sociales a trompé ses collègues.
M. Alain Gournac, rapporteur. En effet.
M. Josselin de Rohan. Tout comme Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Bel, j'ai participé à la réunion de la conférence des présidents. Le président About y a bel et bien mentionné le fait que nous pourrions examiner l'article 3 bis et l'article 3 ce lundi après-midi. Nos collègues du groupe CRC n'ont alors rien dit. Certes, qui ne dit mot ne consent pas.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est vrai !
M. Josselin de Rohan. Mais nous n'avons enregistré de leur part aucune réaction. Aussi, M. About est parfaitement fondé à dire que, à tout le moins, ils n'ont rien objecté.
M. Guy Fischer. Vous interprétez !
M. Josselin de Rohan. Comme bien d'autres, j'étais présent dans cet hémicycle quand il a dit, à la fin de la séance dans la nuit de vendredi à samedi dernier (M. Guy Fischer s'exclame), que nos travaux reprendraient aujourd'hui avec l'examen de l'article 3 bis. Nous n'avons alors enregistré aucune opposition. (M. président de la commission des affaires sociales le confirme.) Le président About est un homme dont l'honnêteté intellectuelle ne peut être mise en doute. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
En outre, je voudrais m'adresser à Jean-Luc Mélenchon. En tant que ministre, il a participé à des marathons bruxellois, et il sait comme moi que ceux-ci peuvent durer quarante-huit heures.
Mme Hélène Luc. Vous n'avez pas beaucoup d'arguments !
M. Josselin de Rohan. Quand on représente son pays, on trouve les forces nécessaires pour tenir le choc. Sachant qu'il est encore jeune et dynamique, je ne doute pas que, pendant nos longues séances de nuit, il interviendra avec la vigueur et le talent que chacun lui connaît. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l'UC-UDF.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et malgré le décalage horaire.
M. le président. Mes chers collègues, je vous donne acte de vos déclarations.
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égalité des chances
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence (nos 203, 210, 211, 212, 213, 214).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 3 bis, appelé en priorité.
Article 3 bis (priorité)
I. - Les employeurs qui entrent dans le champ du premier alinéa de l'article L. 131-2 du code du travail peuvent conclure, pour toute nouvelle embauche d'un jeune âgé de moins de vingt-six ans, un contrat de travail dénommé « contrat première embauche ».
L'effectif de l'entreprise doit être supérieur à vingt salariés dans les conditions définies par l'article L. 620-10 du même code.
Un tel contrat ne peut être conclu pour pourvoir les emplois mentionnés au 3° de l'article L. 122-1-1 du même code.
II. - Le contrat de travail défini au I est conclu sans détermination de durée. Il est établi par écrit.
Ce contrat est soumis aux dispositions du code du travail, à l'exception, pendant les deux premières années courant à compter de la date de sa conclusion, de celles des articles L. 122-4 à L. 122-11, L. 122-13 à L. 122-14-14 et L. 321-1 à L. 321-17 du même code.
La durée des contrats de travail, précédemment conclus par le salarié avec l'entreprise ainsi que la durée des missions de travail temporaire effectuées par le salarié au sein de l'entreprise dans les deux années précédant la signature du contrat première embauche, de même que la durée des stages réalisés au sein de l'entreprise sont prises en compte dans le calcul de la période prévue à l'alinéa précédent.
Ce contrat peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, pendant les deux premières années courant à compter de la date de sa conclusion, dans les conditions suivantes :
1° La rupture est notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ;
2° Lorsque l'employeur est à l'initiative de la rupture et sauf faute grave ou force majeure, la présentation de la lettre recommandée fait courir, dès lors que le salarié est présent depuis au moins un mois dans l'entreprise, un préavis. La durée de celui-ci est fixée à deux semaines, dans le cas d'un contrat conclu depuis moins de six mois à la date de la présentation de la lettre recommandée, et à un mois dans le cas d'un contrat conclu depuis au moins six mois ;
3° Lorsqu'il est à l'initiative de la rupture, sauf faute grave, l'employeur verse au salarié, au plus tard à l'expiration du préavis, outre les sommes restant dues au titre des salaires et de l'indemnité de congés payés, une indemnité égale à 8 % du montant total de la rémunération brute due au salarié depuis la conclusion du contrat. Le régime fiscal et social de cette indemnité est celui applicable à l'indemnité mentionnée à l'article L. 122-9 du code du travail. À cette indemnité versée au salarié s'ajoute une contribution de l'employeur, égale à 2 % de la rémunération brute due au salarié depuis le début du contrat. Cette contribution est recouvrée par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 351-21 du code du travail conformément aux dispositions des articles L. 351-6 et L. 351-6-1 du même code. Elle est destinée à financer les actions d'accompagnement renforcé du salarié par le service public de l'emploi en vue de son retour à l'emploi. Elle n'est pas considérée comme un élément de salaire au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.
Toute contestation portant sur la rupture se prescrit par douze mois à compter de l'envoi de la lettre recommandée prévue au 1°. Ce délai n'est opposable aux salariés que s'il en a été fait mention dans cette lettre.
Par exception aux dispositions du deuxième alinéa, les ruptures du contrat de travail envisagées à l'initiative de l'employeur sont prises en compte pour la mise en oeuvre des procédures d'information et de consultation régissant les procédures de licenciement économique collectif prévues au chapitre Ier du titre II du livre III du code du travail.
La rupture du contrat doit respecter les dispositions législatives et réglementaires qui assurent une protection particulière aux salariés titulaires d'un mandat syndical ou représentatif.
En cas de rupture du contrat, à l'initiative de l'employeur, au cours des deux premières années, il ne peut être conclu de nouveau contrat première embauche entre le même employeur et le même salarié avant que ne soit écoulé un délai de trois mois à compter du jour de la rupture du précédent contrat.
Le salarié titulaire d'un contrat première embauche peut bénéficier du congé de formation dans les conditions fixées par les articles L. 931-13 à L. 931-20-1 du code du travail.
Le salarié titulaire d'un contrat première embauche peut bénéficier du droit individuel à la formation prévu à l'article L. 933-1 du code du travail pro rata temporis, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date d'effet du contrat. Le droit individuel à la formation est mis en oeuvre dans les conditions visées aux articles L. 933-2 à L. 933-6 du même code.
L'employeur est tenu d'informer le salarié, lors de la signature du contrat, des dispositifs interprofessionnels lui accordant une garantie et une caution de loyer pour la recherche éventuelle de son logement.
III. - Les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi au sens de l'article L. 351-1 du code du travail, ayant été titulaires du contrat mentionné au I pendant une durée minimale de quatre mois d'activité ont droit, dès lors qu'ils ne justifient pas de références de travail suffisantes pour être indemnisés en application de l'article L. 351-3 du même code, à une allocation forfaitaire versée pendant deux mois.
Le montant de l'allocation forfaitaire ainsi que le délai après l'expiration duquel l'inscription comme demandeur d'emploi est réputée tardive pour l'ouverture du droit à l'allocation, les délais de demande et d'action en paiement, le délai au terme duquel le reliquat des droits antérieurement constitués ne peut plus être utilisé et le montant au-dessous duquel l'allocation indûment versée ne donne pas lieu à répétition sont ceux applicables au contrat nouvelles embauches.
Les dispositions de la section 4 du chapitre Ier du titre V du livre III du code du travail sont applicables à l'allocation forfaitaire.
Les dispositions de l'article L. 131-2, du 2° du I de l'article L. 242-13 et des articles L. 311-5 et L. 351-3 du code de la sécurité sociale ainsi que celles des articles 79 et 82 du code général des impôts sont applicables à l'allocation forfaitaire.
Cette allocation est à la charge du fonds de solidarité créé par la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi.
L'État peut, par convention, confier aux organismes mentionnés à l'article L. 351-21 du code du travail ou à tout organisme de droit privé la gestion de l'allocation forfaitaire.
Un accord conclu dans les conditions prévues à l'article L. 351-8 du code du travail définit les conditions et les modalités selon lesquelles les salariés embauchés sous le régime du contrat institué au I peuvent bénéficier de la convention de reclassement personnalisé prévue au I de l'article L. 321-4-2 du même code. À défaut d'accord ou d'agrément de cet accord, ces conditions et modalités sont fixées par décret en Conseil d'État.
IV. - Les conditions de mise en oeuvre du « contrat première embauche » et ses effets sur l'emploi feront l'objet, au plus tard au 31 décembre 2008, d'une évaluation par une commission associant les organisations d'employeurs et de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaiterais apporter une précision s'agissant de la polémique qui vient de nous occuper.
M. Jacques Mahéas. Psychodrame !
M. Alain Gournac, rapporteur. Dans la nuit de vendredi à samedi, M. Bel, président du groupe socialiste, est venu au banc des commissions vers trois heures trente du matin pour me confirmer sa position. Puisqu'il est présent, il peut l'attester. Je veux bien qu'on raconte n'importe quoi, mais ne puis accepter qu'on dise que le président About est malhonnête. Ce n'est pas vrai. Si c'était vrai, je me tairais ! (Sourires.)
Je voudrais expliquer d'un mot la position que j'ai proposée à la commission d'adopter sur l'article 3 bis.
M. Guy Fischer. Ah !
M. Alain Gournac, rapporteur. Comme nous allons entendre aujourd'hui de nombreux morceaux d'éloquence, je vais me contenter de raisonner.
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous allons nous régaler !
M. Alain Gournac, rapporteur. La question que nous nous posons tous est la suivante : « à quoi servira le CPE ? » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est la question, en effet !
M. Alain Gournac, rapporteur. Ne faites pas ce que vous nous reprochiez tout à l'heure ! Vous disiez que la droite vous coupait la parole. Laissez-nous nous exprimer !
L'opposition affirme que le CPE est un instrument destiné à plonger la jeunesse dans la précarité et qu'il faut par conséquent s'y opposer par tous les moyens.
M. Guy Fischer. C'est sûr !
M. Alain Gournac, rapporteur. Raisonnons un peu, mes chers collègues. Si le CPE doit réduire la jeunesse à la précarité, cela signifie nécessairement que la précarité n'existe pas.
M. Alain Gournac, rapporteur. Ma tâche de rapporteur m'a bien entendu conduit à étudier cette assertion. Et j'ai été forcé d'admettre que la réalité est très différente : en 2004, 21 % des jeunes actifs entre quinze et vingt-neuf ans ont occupé un emploi temporaire, contre 7,2 % pour les trente à quarante-neuf ans et 4 % pour les cinquante à soixante-quatre ans ; 28 % des jeunes actifs ont traversé en 2003 au moins une période sans emploi, contre 17 % pour l'ensemble des actifs ; le taux d'emploi des jeunes de quinze à vingt-neuf ans a diminué de quatorze points entre 1975 et 2002, passant de 55 % à 41 %, et les progrès de la scolarisation ne suffisent pas à expliquer cette évolution ; enfin, le pourcentage de jeunes actifs de quinze à vingt-neuf ans qui, ayant un emploi en 2003, ont occupé la même année un emploi temporaire quatre trimestres successifs est de 10 %, contre 5 % pour l'ensemble des actifs occupés.
Ainsi, l'insertion professionnelle d'une fraction importante de la jeunesse n'est pas un long fleuve tranquille à durée indéterminée.
Que nous dit le Gouvernement ? Il constate d'abord que les efforts poursuivis depuis trente ans pour aider la jeunesse à s'insérer harmonieusement dans la vie professionnelle donnent certes des résultats, mais que ceux-ci demeurent globalement très insuffisants. Aussi, il nous propose d'essayer d'autres pistes. Le CPE en est une.
Son objectif est de conduire la plus grande partie possible de la jeunesse actuellement précarisée vers la forme normale de relation de travail que constitue le contrat à durée indéterminée, le CDI. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) Il ne dit pas vers l'emploi à vie dans la même entreprise, pour la raison que cela existera de moins en moins. Il dit simplement vers l'emploi stable, symbolisé par le CDI.
C'est là que je commence à être intéressé. J'examine de près le dispositif proposé, je prends note des garanties dont est entourée la conclusion d'un CPE.
Prenons l'exemple d'une entreprise prospère, pleine de perspectives et débordante de projets. Elle va peut-être les mener à bien, peut-être pas. Elle va peut-être enclencher une dynamique de croissance, peut-être pas. Cette entreprise a certainement une faible visibilité sur ses besoins de recrutement au-delà de l'horizon d'un an.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est un aveu, ça !
M. Alain Gournac, rapporteur. Actuellement, pour mener à bien ce projet porteur, elle aura tendance à recruter deux ou trois personnes en contrat à durée déterminée d'un an, et attendra de voir venir les choses. Avec le CPE, elle pourra en recruter deux fois plus, mettre en quelque sorte les bouchées doubles, avec la perspective de garder tout le monde...
M. Guy Fischer. Ce n'est pas vrai !
M. Alain Gournac, rapporteur. ...si sa dynamique de croissance le permet.
Il lui sera aussi possible de n'en garder que la moitié, voire moins, dans le cas contraire. Dans le pire des cas, cinq ou six personnes auront eu pendant un an un emploi, une expérience, tremplin vers d'autres expériences.
M. Jean-Luc Mélenchon. Allons !
M. Alain Gournac, rapporteur. S'il joue ce rôle, le CPE aura servi à quelque chose ! Dans le meilleur des cas, quatre, cinq, peut être même six jeunes embauchés en CPE conserveront leur emploi et leur contrat à durée indéterminée.
En l'occurrence, ce qui nous intéresse, nous les politiques, c'est de savoir que des marges de recrutement existent dans de nombreux secteurs d'activité...
M. Guy Fischer. Ce n'est pas vrai !
M. Alain Gournac, rapporteur. ...et qu'il suffit de lever les réserves, parfois psychologiques, des employeurs devant l'embauche.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous ne vous intéressez qu'à la psychologie des employeurs !
M. Alain Gournac, rapporteur. Le CPE a été construit pour les amener à surmonter ces réticences. Et l'on nous parle de précarisation !
Je veux dire un mot des jeunes qui sont actuellement embauchés en CDI. L'existence du CPE va-t-elle les réduire à la précarité ? Là, je ne comprends pas ou ne comprends plus. Un employeur n'embauche pas pour s'offrir le plaisir de débaucher...
M. Roland Courteau. De tels employeurs existent !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et le CNE ?
M. Alain Gournac, rapporteur. ...et, s'il en est besoin, le licenciement d'un salarié en CDI est facile et peu coûteux pendant les deux premières années.
Je ne m'aventurerai pas à vous prédire, mes chers collègues, que le CPE ne va pas créer, ici ou là, d'effets de substitution, que les ruptures abusives n'existeront pas.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez raison !
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est pas en me plaçant sur ce terrain que j'ai proposé à notre commission d'approuver sans restriction le dispositif proposé par le Gouvernement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Soyez prudent !
M. Alain Gournac, rapporteur. J'ai constaté qu'il fallait agir vite, que le CPE était une piste sérieuse et construite, et qu'il fallait l'essayer. Oui, mes chers collègues : l'essayer ! C'est une approche pragmatique qui nous est proposée. Une évaluation sera effectuée par les partenaires sociaux avant la fin de l'année 2008. Nous aurons alors des éléments d'appréciation objectifs. Nous verrons ce qui est à corriger, à retenir, à pérenniser, peut-être à abandonner. Je prends date à cet instant. Mais aujourd'hui nous devons agir vite ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. C'est un pensum défensif poussif !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.
M. Roland Muzeau. Monsieur le rapporteur vient d'intervenir sur l'article 3 bis au nom du Gouvernement.
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est vrai !
M. Roland Muzeau. C'est une première, car, en général, le Gouvernement se charge lui-même de défendre son projet.
D'après ce que je sais des débats législatifs, il me semble qu'il nous appartient, à nous parlementaires, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégions, de travailler sur les textes, en déposant des amendements ou des sous-amendements. Certes, la semaine passée, il nous a été interdit d'exercer ce droit. J'en prends acte, monsieur Gournac, mais, jusqu'à dimanche prochain, nous aurons l'occasion d'y revenir, puisqu'il reste encore trente-six articles à examiner après celui-ci.
M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !
M. Roland Muzeau. Avec ce projet de loi, le Gouvernement prétend donc répondre à la crise qui a traversé les banlieues l'automne dernier, notamment au moyen du contrat première embauche, qui, à lui seul, aurait mérité d'être présenté sous une autre forme que celle d'un long amendement imposé par la force devant l'Assemblée nationale.
Ce nouveau contrat, cousin du contrat nouvelles embauches, s'adresse aux moins de vingt-six ans recrutés par des entreprises de vingt salariés et plus. Il ne propose rien d'autre que de soustraire ces jeunes salariés à la protection offerte par le code du travail et donne le droit à l'employeur de licencier pendant deux ans selon son bon plaisir.
Il permet aussi de licencier à moindre coût, puisque les indemnités dues seront moins élevées que celles qui sont prévues pour les CDD.
Le CPE est également une occasion de pervertir la notion de période d'essai en faisant de cette dernière - qui peut se justifier par la nécessité de vérifier, sur une durée courte, que le salarié peut accomplir la tâche qui lui est demandée - un instrument de domination patronale.
Selon une étude récente de la SOFRES, 40 % des salariés du privé n'osent pas se syndiquer par peur des représailles. Avec le CPE, cette angoisse ne peut que croître. Il vous sera toujours loisible, par la suite, de vous plaindre du faible taux de syndicalisation en France, comme je l'ai entendu à de nombreuses reprises ici même.
C'est aussi une bonne nouvelle pour le MEDEF. Mais la meilleure - et Laurence Parisot pourra continuer de se réjouir du succès inespéré que rencontrent ses actions de lobbying auprès du Gouvernement -, c'est le zèle avec lequel ce dernier s'emploie à supprimer le fruit de trente-deux années d'acquis sociaux et à piétiner les principes fondamentaux internationalement reconnus par l'Organisation internationale du travail, l'OIT.
En effet, le Gouvernement éprouve la nostalgie de cette jurisprudence de 1872, qui, jusqu'à la loi du 13 juillet 1973, portant modification du code du travail en ce qui concerne la résiliation du contrat de travail à durée indéterminée, refusait aux salariés le droit à la défense et les privait d'indemnités en cas de licenciement abusif.
Il n'a que mépris pour l'article 4 de la convention n° 158 de l'OIT qui interdit le licenciement d'un salarié sans motif valable, et pour son article 7 qui impose l'existence d'une procédure contradictoire en vue d'un licenciement pour des motifs liés à la conduite ou au travail du salarié.
Attention aux effets pervers que vous vous apprêtez à introduire ! Si le droit commun permet au salarié de connaître ce que son employeur lui reproche, il peut en conséquence décider de saisir le juge. Contrairement à ce que semble penser le patronat, ce n'est pas très courant. Or, avec le CNE, et maintenant avec le CPE, il n'est plus besoin de motiver le licenciement. La charge de la preuve incombera au salarié, qui devra démontrer que son licenciement n'est ni économique ni lié à une insuffisance professionnelle.
M. Roland Courteau. Effectivement !
M. Roland Muzeau. Dès lors, l'ignorance du motif de licenciement contraindra le salarié à assigner son employeur en justice pour en connaître la cause.
M. Roland Courteau. Et oui !
M. Roland Muzeau. Tout dernièrement, un premier jugement a condamné lourdement deux patrons de PME pour licenciement abusif. Et ce n'est pas là, comme le prétend Jean-Louis Borloo, un « bon signe », c'est le prélude à un chaos grandissant pour les entreprises en général et pour les salariés en particulier.
Pour augurer de l' « entrée de la France dans le xxie siècle », le gouvernement Villepin nous propose de revenir à cette époque où l'on pouvait lire à l'article 1781 du code civil : « Le maître est cru sur son affirmation [...]. » C'était en 1804.
Nous sommes, avec l'article 3 bis, dans le vif du sujet. Nul doute que, avec les centaines de milliers de personnes qui ont manifesté dans nos villes, avec les protestations unanimes des organisations syndicales et des associations qui travaillent sur les questions de la précarité - le réseau Alerte en est une expression forte et unie -, nous ne lâcherons pas prise sur un projet qui saborde le code du travail, plus exactement le droit au travail. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, ce texte, et en particulier l'article 3 bis qui nous occupe, illustre bien votre façon de gouverner.
Avec l'abus manifeste des ordonnances depuis le début de la législature - notamment pour créer le contrat nouvelles embauches - et l'usage que vous venez de faire du 49-3 à l'Assemblée nationale, vous méprisez la représentation nationale comme les partenaires sociaux.
Sortir de votre chapeau le contrat première embauche par le biais d'un amendement est d'une désinvolture, ou plutôt d'une insolence sans bornes.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Guy Fischer. Si vous voulez aller aussi vite, c'est bien que vous craignez une réaction populaire. Je gage qu'elle ne tardera pas à s'amplifier.
Non, le CPE ne créera pas d'emplois, pas plus que le contrat nouvelles embauches, pour lequel nous avons déjà des chiffres : les deux tiers des 280 000 CNE créés se substituent en fait à des contrats de travail à durée indéterminée. D'après les articles de presse que nous avons pu lire, il n'y aurait, au mieux, que 70 000 CNE véritablement créés. Et 10 % d'entre eux ont déjà été dénoncés tandis que les plaintes se multiplient devant les tribunaux, notamment les conseils de prud'hommes.
M. Roland Courteau. Exact !
M. Guy Fischer. Car si le CNE comme le futur CPE ne font pas obligation à l'employeur de trouver des motifs pour licencier le salarié, celui-ci bénéficie toujours du droit de se retourner contre son employeur et de l'accuser de pratiques discriminatoires. Les salariés ne s'en priveront pas, croyez-moi !
Par ailleurs, le CPE n'est pas conforme aux principes fondamentaux de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail eu égard au délai déraisonnable de la période d'essai et aux motivations du licenciement.
M. Roland Courteau. C'est vrai !
M. Guy Fischer. De la même façon, la charte sociale européenne reconnaît dans son article 24 « le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise ».
L'ensemble des journaux y font référence, en citant un rapport remis la semaine dernière au Gouvernement - à votre corps défendant - par M. Henri Proglio, P-DG du groupe Veolia environnement, qui préconise une « revalorisation du contrat à durée indéterminée comme forme normale d'embauche ».
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Guy Fischer. Il s'agit donc bien d'une atteinte gravissime à notre droit du travail qui s'ajoute aux précédentes, dans l'objectif clairement avoué de faire tomber les droits acquis grâce à des décennies de combats politiques et de luttes sociales.
Ici, il me faut établir le lien entre la précarisation de l'emploi et la façon dont le Gouvernement traite ceux qui en sont exclus.
De la même façon que notre très libérale voisine d'outre-Rhin vient de diminuer de 20 % les allocations versées aux jeunes chômeurs de longue durée à partir du 1er juillet, vous stigmatisez nos populations les plus fragiles : jeunes, chômeurs, femmes seules,... La boucle sera bouclée avec la prochaine proposition de loi de nos collègues Michel Mercier et Henri de Raincourt réformant les minima sociaux.
M. Michel Mercier. Encore faudrait-il qu'il y en ait une !
M. Guy Fischer. Nous l'attendons, monsieur Mercier !
Tout se tient et la précarité grandit. Tout se tient et le droit du travail se délite. Encore un peu - le contrat unique, par exemple - et vous obtiendrez peut-être, en session extraordinaire, dans la première quinzaine du mois de juillet, le satisfecit intégral du MEDEF de Mme Laurence Parisot. J'oubliais le CDD « vieux ». C'est faire de la précarité la règle.
Je ne crains pas de me répéter en disant que vous vous acharnez à tailler en pièces les garanties de niveau de vie et de stabilité familiale par une politique entièrement dévolue à la logique du profit des entreprises et des groupes bancaires. J'en veux pour preuve les sommets atteints par le CAC 40.
M. le président. Mon cher collègue, veuillez vous orienter vers votre conclusion.
M. Guy Fischer. Je vous prie de m'excuser, monsieur le président, mais la question est trop importante.
Le parallèle ne s'arrête pas là : vous culpabilisez de la même odieuse façon les travailleurs précaires et les personnes privées d'emploi en les harcelant, en les accusant de fainéantise et d'abus de rentes de situation. Comme s'il était enviable de ne pas gagner sa vie à ne rien faire ! Comme s'il était enviable, pour une femme seule mère de plusieurs enfants, de travailler à quart de temps dans un grand magasin...
Minimum unique pour les sans-emploi, contrat unique pour les heureux titulaires d'un contrat de travail au rabais : voilà à quoi vous entendez ravaler des jeunes, des femmes, des familles, qui luttent pourtant pour garder la tête hors de l'eau.
J'affirme en revanche que les différents statuts - de salariés ou de chômeurs - qui existent encore actuellement sont une réponse - bien que non satisfaisante - à des situations dont l'historique est différent.
Sur le plan de l'assurance maladie, vous fustigez les assurés rendus coupables d'être des fraudeurs potentiels. Oui, tout se tient, l'image que vous donnez des pauvres - je préfère ce terme bien clair à celui de titulaires de la CMU et autres RMIstes - sert votre volonté de démanteler nos systèmes de solidarité et de protection sociale.
Vous institutionnalisez la pauvreté, la précarité et l'instabilité sociale, familiale et économique, pour tous et à vie. Nous n'accepterons pas une telle politique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, sur l'article.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous abordons enfin l'examen de l'article 3 bis qui crée le CPE. Ce débat a été retardé non par des manoeuvres d'obstruction, mais par des chicanes qui peuvent paraître étranges à certains sénateurs récemment élus et sans doute au public.
En tout cas, le projet de loi sur l'égalité des chances ne peut pas se limiter au simple examen de ce CPE. Cette vision serait réductrice.
M. Jacques Mahéas. Alors, supprimons l'article !
Mme Hélène Luc. Effectivement !
Mme Catherine Procaccia. Le contrat première embauche est diabolisé par les groupes socialiste et communiste, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, alors que le groupe UMP et moi-même considérons qu'il est urgent d'agir.
Les jeunes sont confrontés à la précarité, avec, comme M. le Premier ministre et M. Larcher l'ont rappelé, un taux de chômage de près de 23 % pour les moins de vingt-cinq ans, et, parfois, de 40 % pour les moins qualifiés. (M. Jean-Luc Mélenchon s'exclame.)
Il leur faut entre huit et onze ans pour avoir un emploi stable et ce qui va avec, le logement, l'accès au crédit, l'installation dans la vie. Ce n'est pas tolérable pour nos enfants et petits-enfants !
Avec le CPE, le Gouvernement propose de sortir les jeunes de la précarité et de leur permettre d'accéder dans de meilleures conditions à l'emploi.
Mme Hélène Luc. Vous connaissez un propriétaire qui louera à un jeune en CPE ?
Mme Catherine Procaccia. Avec le contrat première embauche, ils bénéficieront d'un contrat à durée indéterminée, avec une période de deux ans pour faire leurs preuves et des garanties réelles.
Mme Hélène Luc. Vous connaissez une banque qui leur prêtera ?
Mme Catherine Procaccia. S'ils ont accompli une période de stage, de CDD ou de contrat en alternance dans l'entreprise qui les recrute, cette période sera décomptée des deux ans : un jeune qui aura fait un an de stage et six mois de CDD aura donc déjà parcouru les trois quarts du chemin. Et je peux vous assurer que les jeunes, plus particulièrement les étudiants que je côtoie, accueillent d'une façon très positive cette intégration des stages dans les deux ans. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Catherine Tasca. Absolument pas !
Mme Hélène Luc. Allez voir les étudiants à Paris-XII Créteil. Vous verrez ce qu'ils vous diront !
Mme Catherine Procaccia. Une succession de CDD et de stages, avec des périodes sans emploi, est-elle préférable à ce CPE ?
En outre, et contrairement à ce que vous dites, les jeunes pourront faire valoir des cautions pour le logement et le crédit bancaire. (M. Jean-Luc Mélenchon fait un signe de dénégation.) La fédération des banques française a pris des engagements dans ce sens, et c'est une véritable avancée pour ceux qui débutent dans la vie professionnelle. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Vous croyez au Père Noël ! C'est de la démagogie.
Mme Catherine Procaccia. Ils auront un droit à la formation dès la fin du premier mois d'activité, ce qui n'est même pas le cas pour un salarié en CDD. Cela leur permettra de combler des lacunes qui auraient pu apparaître après le premier mois de travail, par exemple une maîtrise insuffisante de l'informatique ou d'une langue étrangère.
Les conditions de rupture sont réglementées : préavis, indemnité, respect de la protection des salariés protégés, y compris des femmes enceintes.
Le chômage sera indemnisé au bout de quatre mois : c'est une amélioration majeure.
Nous ne sortirons pas les jeunes de la précarité en restant immobiles. Il faut tenter de nouvelles pistes...
M. Alain Gournac, rapporteur. Oui !
Mme Catherine Procaccia. ...si nous voulons vraiment prendre à bras-le-corps l'avenir des jeunes qui vivent en France.
M. Christian Cambon. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. Nous avons le devoir d'avancer, en prenant soin d'accompagner chaque jeune dans son parcours d'embauche.
Si les détracteurs du CPE formulaient de véritables solutions de rechange, nous le saurions.
M. Jacques Mahéas. Les emplois-jeunes, c'était tout de même mieux !
Mme Catherine Procaccia. En réalité, ils ne proposent que le statu quo. Or, on ne saurait en discuter puisque celui-ci n'a pas permis de sortir les jeunes de la situation dans laquelle ils se trouvent s'agissant de l'emploi.
C'est pourquoi je soutiendrai le CPE avec conviction, et le groupe UMP le votera. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Nous n'en doutons pas !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.
Mme Raymonde Le Texier. Répondre au chômage des jeunes est un véritable enjeu. Tenter de le faire par la précarisation et une série de mensonges est une vraie trahison.
Selon vous, la cause du chômage des jeunes est simple : les entreprises ne les embauchent pas parce qu'elles ne peuvent pas les licencier assez facilement. Votre réponse est donc élémentaire : créer un contrat journalier. Ainsi, le jeune peut être licencié sans motif et du jour au lendemain durant deux ans. Cette formule miracle avait déjà abouti à la création du CNE et devrait permettre d'étendre, à tous les contrats existant, la flexibilité que réclame le MEDEF.
En effet, si le seul frein à l'emploi est le droit du travail, pourquoi s'arrêter en si bon chemin et ne pas proposer le contrat unique. Étendre la précarité à tous et à tous les âges de la vie, pas seulement aux employés des entreprises de moins de vingt salariés ou aux jeunes de moins de vingt-six ans, c'est l'avenir tel que le MEDEF en rêve et que vous vous efforcez de réaliser.
M. Roland Courteau. Effectivement !
Mme Raymonde Le Texier. D'ailleurs, les critiques des patrons sur le dispositif CPE le prouvent. Selon un article instructif paru dans la presse, si la responsable du MEDEF juge qu'« il n'est jamais bon de traiter d'une manière spécifique une catégorie de population », c'est parce que de nombreux directeurs des ressources humaines et chefs d'entreprise reprochent au Gouvernement de n'avoir pas « eu le cran d'étendre le CNE à toutes les entreprises ».
M. Guy Fischer. Voilà !
Mme Raymonde Le Texier. Pour eux, si l'idée est de leur permettre « de faire des contrats plus courts, de licencier plus facilement et de s'adapter à notre marché, alors il fallait y aller plus franchement ».
On ne saurait mieux le dire, le CPE est non pas un outil conçu pour répondre aux besoins spécifiques des jeunes face au marché du travail, mais seulement la nouvelle étape dans la course à la précarité de l'emploi que vous menez, monsieur le ministre.
D'ailleurs, cette mesure ne s'appuie même pas sur une étude sérieuse de la situation de l'emploi des jeunes, encore moins sur la connaissance précise des inégalités qui frappent cette population, ni sur les incidences que le niveau de formation a sur le niveau et le statut des emplois obtenus.
Pour faire passer la potion amère de la précarité, vous gonflez les chiffres. Votre seul argument pour justifier le CPE est de brandir un taux de chômage des seize à vingt-cinq ans de 20 % en France alors que la moyenne en Europe le situe à 7,5 %. Un tel différentiel serait lié à un marché du travail trop protégé en France par rapport aux autres pays.
Or c'est faux. Un bref calcul montre que, sur cent jeunes en âge de travailler dans la tranche des seize à vingt-cinq ans, seuls 33 % sont actifs, et c'est parmi eux que le taux de chômage est de 20 %. Si on ramène ce chiffre à l'ensemble de cette tranche d'âge, le taux de chômage est en fait de 8 %. C'est déjà trop, mais c'est sensiblement différent.
En revenant ainsi à la réalité, on peut voir à quel point ce chômage a des caractéristiques spécifiques et combien la question du chômage des jeunes ramène à la lutte contre les inégalités, et non à un traitement particulier de l'ensemble de la jeunesse.
Non, monsieur le ministre, ce ne sont pas tous les jeunes qui mettent onze ans à s'intégrer dans la vie active, ce sont seulement ceux qui sortent sans qualification de notre système scolaire.
Selon une étude menée par le Centre d'études et de recherches sur les qualifications, le CEREQ, et considérant les jeunes d'une génération, celle de 2001, on constate que, si 36 % ont trouvé un emploi en CDI, le pourcentage global cache des différences significatives dès lors qu'on le rattache au niveau de formation.
Ainsi, 76 % des jeunes issus d'une école d'ingénieur et 50 % des titulaires du baccalauréat ou d'un diplôme bac + 2 sont en CDI pour leur premier emploi. Ensuite, plus la qualification baisse, moins il y a de CDI...
Selon les syndicats, quand on observe la situation des jeunes cinq à dix ans après la fin de leurs études, seuls 6 % de ceux qui ont obtenu un diplôme d'un niveau supérieur au baccalauréat sont au chômage, contre plus de 30 % de ceux qui n'ont aucun diplôme.
M. Jean-Luc Mélenchon. Voilà le fond de l'affaire !
M. Roland Courteau. C'est vrai !
Mme Raymonde Le Texier. Il est de bon ton, aujourd'hui, de faire croire aux jeunes que poursuivre des études est de moins en moins nécessaire. On l'a vu ces jours-ci, s'agissant de l'apprentissage dès l'âge de quatorze ans. Le paradoxe, pourtant, c'est que, moins un diplôme vaut, plus il est nécessaire. Sinon, celui qui ne possède même pas ce titre est non seulement mis au ban de l'école, mais également confronté à une exclusion durable du monde du travail.
D'autant que les exigences en matière de qualification ne devraient pas diminuer avec le temps. Selon la Direction des études et de la prospective du ministère de l'éducation nationale, en 2015, la proportion de jeunes qui seront recrutés avec un niveau supérieur au baccalauréat devrait passer de 42 % à 46 %. Ce n'est pas en faisant de l'école une machine de tri par l'échec que vous relèverez ce défi. Ce n'est pas en focalisant sur des mesures liées à l'âge, quand le problème vient de l'absence de qualification ou de l'inadaptation de la formation que vous trouverez des solutions.
J'en veux pour preuve ce reportage édifiant, paru dans le journal Le Monde du 21 février et réalisé auprès des élèves ingénieurs de l'École centrale. Ces étudiants disent ne pas se sentir concernés par le contrat première embauche, tant ils s'imaginent protégés par le prestige de leur diplôme. C'est d'ailleurs confirmé par leurs employeurs potentiels, qui déclarent : « On ne prendra jamais le risque de proposer un CPE à un élève ingénieur très convoité ». C'est dire si, à leurs yeux, le CPE n'est qu'un sous-contrat à destination d'une population interchangeable et paupérisée !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ecoutez cela, chers collègues, c'est très important !
Mme Raymonde Le Texier. En réalité, persuadés que pour l'instant les inégalités du marché du travail ne les concernent pas, ces jeunes devraient être particulièrement attentifs. La précarisation de l'emploi a commencé avec le CNE ; elle s'est étendue avec le CPE ; avec vous, elle aboutira au contrat unique et, cette fois, personne ne sera épargné !
Pire encore, à installer dans les esprits l'idée que c'est la facilité à licencier qui permettra l'embauche, notre gouvernement, en guise de « modernisation de l'économie » nous propose de retrouver les fondamentaux du XIXe siècle : chômage de masse, embauche à la journée, absence de protection sociale. Et c'est la gauche que vous qualifiez de conservatrice et de rétrograde ?
Mais croyez-vous vraiment que la croissance sera relancée sur la base du travail pas cher, en tournant le dos à l'investissement, en négligeant l'innovation ou en omettant de miser sur la recherche ?
Certains patrons et économistes pointent aussi cette erreur d'analyse et cette incongruité économique. Et c'est pourquoi, pour Henri Proglio, par exemple, le patron du groupe Veolia, le CDI devrait être « la forme normale d'embauche » des jeunes.
Mme Gisèle Printz. Voilà!
Mme Raymonde Le Texier. M. Proglio devient très célèbre, mais il n'est guère cité - je ne sais pourquoi - par le Gouvernement !
L'autorisation de licencier sans motif que donne le CPE est un facteur d'instabilité pour la personne recrutée. Les premiers recours examinés par les prud'hommes pour licenciement dans le cadre d'un contrat nouvelles embauches le prouvent.
Certaines entreprises ont exploité à fond l'aubaine que constituait ce dispositif, en renvoyant des salariés coupables, selon elles, d'avoir demandé le paiement de leurs heures supplémentaires, d'être tombés malades ou d'avoir annoncé une grossesse. Il s'agit de licenciements « pour l'exemple », destinés à indiquer clairement les nouvelles règles du jeu : on se soumet ou on est démis !
On ne peut pas promettre la liberté de licencier à volonté, sans obligation de motiver la décision, et jouer les étonnés quand les employeurs y recourent. C'est toujours la pratique qui révèle l'esprit des lois. Cette loi est inique et son usage ne peut que produire de l'injustice.
Le pire, c'est que cette façon de procéder risque fort d'induire des effets pervers sur notre société. Selon François Vergne, avocat : « Aux États-Unis, où l'on embauche et licencie à volonté, les salariés contestent leur licenciement en arguant d'une discrimination du fait de leur couleur, de leur âge, de leur orientation sexuelle ou de leur appartenance philosophique ».
Non seulement le contentieux risque de se développer énormément, mais, une fois placé le droit sur le terrain de la morale et de l'identité, il y a fort à parier que les frustrations en seront aggravées sans que les jugements y gagnent en lisibilité. On rompt ainsi la solidarité qui pouvait exister entre salariés, pour les renvoyer à ce qui les différencie : ce n'est plus l'existence d'un droit commun qui sera protecteur, mais la référence à une communauté « victimisée », ou à une identité bafouée. C'est, à terme, réduire les hommes à l'état de victimes absolues, et non pas les considérer comme des citoyens autonomes, faisant appel aux juges pour faire respecter les lois.
Avec ce type d'approche, la jurisprudence du licenciement risque de se retrouver toujours plus contestable, sans offrir de sécurité juridique à qui que ce soit. Vous allez ainsi à l'encontre du but qui est le vôtre, à savoir l'impossible judiciarisation du monde du travail.
Oui, ce projet de loi est économiquement aberrant, juridiquement dangereux et, surtout, humainement désespérant. En disant à la jeunesse que le seul intérêt que l'on ait à l'employer, c'est de pouvoir la limoger facilement, vous opposez une fin de non-recevoir abrupte à ses attentes. Avec un contrat aussi précaire, c'est son insertion dans la vie active que vous pénalisez et son existence d'adulte que vous fragilisez.
M. le président. Veuillez conclure, madame Le Texier ! Vous avez déjà dépassé votre temps de parole de cinq minutes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Claude Domeizel. Ce que notre collègue dit est important, monsieur le président.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est en effet très intéressant !
M. le président. Mes chers collègues, je suis là pour faire respecter le règlement !
Mme Raymonde Le Texier. Je ne doute pas que, dans votre indulgence, vous m'accorderez une minute supplémentaire, monsieur le président !
La meilleure preuve de ce qui précède, c'est que vous avez dû vous-mêmes tenter de mettre en place des garde-fous auprès des banques et auprès du système LOCA-PASS, tant il est vrai que le CPE, contrat précaire, n'offre pas de garanties.
Comment peut-on affirmer son indépendance, quand on gagne sa vie au jour le jour ? Comment se projeter dans l'avenir, quand demain rime avec incertain ? Comment s'affirmer dans son emploi, quand on est totalement soumis au bon plaisir de l'employeur ? Quel regard porte-t-on sur soi et sur la société quand on est réduit à n'être plus qu'une variable d'ajustement du système ?
Et c'est sous couvert d'une loi intitulée par vous « égalité des chances » que vous faites une telle proposition à la jeunesse ?
Monsieur le ministre délégué, vous pouvez compter sur nous pour combattre ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Onze minutes, madame Le Texier !
La parole est à M. Jean-Pierre Bel, sur l'article.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, messieurs les ministres délégués, mes chers collègues, par une curieuse accélération dont le Gouvernement a le secret, nous en sommes parvenus à l'examen de l'article sur le CPE.
Comme disait le maréchal Foch, de quoi s'agit-il ? (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'a pas dit que cela !
M. Jean-Pierre Bel. Avec votre CPE, - comme Raymonde Le Texier vient de le dire -, tous les jeunes, qualifiés ou non qualifiés, issus ou non des zones d'éducation prioritaires, seront logés à la même enseigne. C'est bien là en particulier, me semble-t-il, le problème : une sous-catégorie de travailleurs précaires, à la merci des aléas de la conjoncture économique et des humeurs de leurs employeurs !
Dans le contexte de chômage que l'on connaît, nul doute que la capacité de négociation salariale, largement entamée, sera à nouveau fortement affaiblie, pour ne pas dire réduite à néant.
Ce contrat première embauche est vraiment un piège : il engendre instabilité, insécurité et inquiétude pour tous les jeunes. Ce n'est pas de cette égalité-là que nous voulons, que les Français veulent !
Comme le révèle un sondage, les Français sont hostiles à plus de 60 % au CPE ; ils l'ont dit et le rediront ! S'ils y sont hostiles, c'est parce qu'ils ne sont, eux, pas dupes ! Cette fois-ci, la stratégie du double langage n'est pas passée inaperçue.
Oui, le Premier ministre a raison lorsqu'il dit que les Français s'impatientent. Trois ans de gouvernement de droite, et pas de création nette d'emplois, un déficit du commerce extérieur sans précédent et des finances publiques dans le rouge !
Oui, les Français s'impatientent parce qu'ils voient leurs conditions de vie se dégrader, lentement mais sûrement, et qu'ils n'ont pas d'espoir en l'avenir, qu'ils perçoivent comme une menace.
Alors, c'est vrai, il y a urgence, messieurs les ministres délégués, mais il ne faut pas confondre l'urgence à créer de l'insécurité dans notre droit du travail et ce que nous souhaitons nous, l'urgence à rassurer, à offrir des garanties.
Pourtant, c'est bien dans la précipitation, peut-être même dans la panique, que vous voulez faire adopter ce texte. Je ne reviendrai pas sur les épisodes précédents, qui ont été rappelés : recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution à l'Assemblée nationale, accélération subite des débats liée à l'utilisation de plusieurs possibilités offertes par le règlement du Sénat.
Tout cela trahit votre degré d'inquiétude, qui confine à la panique. Oui, vous paniquez, alors vous optez pour le passage en force. Vous imposez votre texte à la hussarde, parce que vous savez que, en réalité, la majorité n'est pas avec vous, que les Français ne veulent pas de ce dispositif. Vous avez voulu jouer à une espèce de jeu, à une course contre la montre, pour tenter de prendre de vitesse le mécontentement populaire, mais il vous rattrapera !
Vous avez remarqué que la gauche est unie pour mener cette bataille. C'est au moins un résultat auquel vous serez arrivés : une bataille unie contre ce texte ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Cela sert à quelque chose ! C'est déjà cela !
M. Jean-Pierre Bel. Et je vous en remercie !
C'est parce que votre dispositif est révélateur d'une différence fondamentale de nature entre la gauche et la droite : il heurte notre vision de la société. Nous divergeons, radicalement, philosophiquement même, sur les objectifs.
Vous précarisez, quand nous voulons sécuriser. Vous découpez le droit du travail, tranche d'âge par tranche d'âge, pour mieux affaiblir le corps social, quand nous voulons, nous, renforcer la démocratie sociale.
Vous créez ce qu'on a appelé un contrat « kleenex », spécialement destiné aux plus faibles, quand nous proposons la sécurisation des parcours professionnels pour tous.
Sous le gouvernement de Lionel Jospin, nous avions fait baisser le chômage des jeunes, qui avait perdu trois points, faisant de la France le meilleur élève de l'Europe ; or, sous votre gouvernement, le taux de chômage des jeunes, de 22 %, est l'un des plus élevés en Europe.
Pour lutter contre le chômage, vous n'avez qu'un seul credo : la « flexibilité de l'emploi ». Mais votre flexibilité va toujours dans le même sens. Elle est injuste socialement et inutile économiquement. Vous tentez de culpabiliser les Français et de détruire le modèle social, mais sachez que le marché du travail français n'est pas le plus rigide de l'OCDE.
Je crains, en revanche, les conséquences sociales du développement de l'emploi précaire. Raymonde Le Texier et Guy Fischer viennent de le démontrer, la généralisation des CPE à tous les jeunes de moins de vingt-six ans risque de pérenniser l'emploi précaire dans cette catégorie, déjà affaiblie, de la population.
Le CPE est encore plus dur pour les salariés que le contrat à durée déterminée traditionnel. Les jeunes en recherche d'emploi risquent d'accumuler les CPE, s'inscrivant dans un système de cumul d'emplois à faible qualification.
Une succession de CPE ne constitue pas pour un jeune, vous l'avouerez, une expérience qualifiante et valorisante. En d'autres termes, le CPE n'a ni les avantages du CDD en ce qui concerne les conditions de licenciements ni ceux du CDI en matière de stabilité et de durée.
Comment garantir à un jeune qu'à l'issue de ses études, il pourra trouver un travail stable pour pouvoir se loger, construire un projet personnel et familial, indispensable à l'entrée dans la vie adulte ?
Qu'est-ce qui pourra conduire un chef d'entreprise à accorder un contrat à durée indéterminée quand le recours au CPE est moins coûteux et moins risqué ? L'utilisation par les employeurs des nouvelles facultés que leur offre le CPE risque d'institutionnaliser le CPE en contrat unique pour les jeunes, qui n'auront que peu de chances de décrocher un véritable CDI.
Nous le redisons avec force, au risque de vous déplaire, votre nouveau contrat aboutira à l'instauration d'une société marquée par la précarité, une société de l'emploi précaire.
Nous proposons de valoriser la recherche d'emploi, de généraliser la formation tout au long de la vie, de développer la sécurisation des parcours professionnels. Voilà, madame Procaccia, ce que nous proposons, afin de garantir à tout un chacun la possibilité de disposer d'une activité et d'un revenu lui permettant de vivre dignement.
Cette garantie est indispensable pour que les termes « égalité des chances » soient crédibles. L'égalité des chances doit être garantie tout au long de la vie. Sinon, il n'est pas sûr que ce ne soit pas qu'un vain mot, un slogan sans contenu, qui nous promet un grand désenchantement.
Le CPE, mesure phare de votre projet de loi, généralise la précarité, affaiblit les plus faibles, sans aucune contrepartie en termes de création d'emploi.
Injuste socialement, inefficace économiquement, votre dispositif doit être retiré, messieurs les ministres délégués, car il porte atteinte à notre modèle social, dont on sait qu'il doit être réformé, certes, mais pour le renforcer et non pas le détruire.
Vous construisez la société de l'emploi précaire quand nous proposons d'instaurer une garantie d'activité et de stabilité, seule à même de rendre l'espoir à la jeunesse. Nous voulons faire en sorte que l'avenir soit, pour eux, une promesse et non une menace. À l'heure où la société française doute d'elle-même, il fallait assurément adresser un message d'espoir à ses enfants. Votre message, c'est celui de l'injustice et du renoncement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Mes chers collègues, il faut avoir une piètre appréciation de cette jeunesse qui conteste le CPE pour affirmer - comme je l'ai entendu dans cette enceinte - que les jeunes sont manipulés, intoxiqués et même incapables de penser par eux-mêmes.
Pour avoir rencontré ces jeunes, actifs ou sans emploi, lycéens ou étudiants - nous n'avons pas rencontré les mêmes, madame Procaccia -,...
M. Jean Bizet. Assurément !
M. Roland Courteau. ...je puis vous dire que, malgré la communication envahissante du Gouvernement, ils ont très vite compris que leur génération serait touchée, de plein fouet, par cette mesure. Voilà pourquoi ils refusent d'être traités comme les cobayes de cette expérience très libérale. Voilà pourquoi nous devons ici prendre en compte leur découragement. Ils pensaient, de bonne foi, que la politique pouvait changer les choses, mais ils constatent qu'on leur propose seulement d'institutionnaliser la précarité. Comme si le CPE était une autre manière de leur dire qu'ils sont un fardeau pour l'entreprise...
Ils ont compris que, jusqu'à l'âge de vingt-six ans, un jeune pourra être recruté par plusieurs employeurs successifs constamment en CPE et sans limitation du nombre de contrats. Ils ont compris qu'un employeur, après avoir licencié un jeune, pourra en recruter un autre pour le même poste, et ainsi de suite, sans limite. Ils ont compris que ce « contrat précarité exclusion » qu'est le CPE, sera, en fait, pour des années, la seule formule d'accès au marché du travail pour tous les actifs de moins de vingt-six ans, quel que soit le niveau de leur diplôme, et cela, sans pour autant apporter de vraies solutions à ceux qui n'ont pas de qualifications.
Comment, dans ces conditions, construire sa vie ? On me dit que, CNE, CPE et CDI, tout cela reviendrait au même. Pourtant, les employeurs, eux, ont très vite compris la différence qu'il y a entre un CDI et un CNE. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) M. Dassault et quelques autres ne s'y sont pas trompés, eux, qui, la semaine dernière, ont « vendu la mèche » dans cet hémicycle. Nous commençons d'ailleurs à assister aux premières ruptures abusives de CNE.
On constate que certains employeurs se croient tout permis. Oui, cette absence de motivation du licenciement nous ramène plusieurs décennies en arrière. Oui, elle confère à l'employeur un pouvoir discrétionnaire inacceptable. Mais peu vous importe, je le sais, que tout cela ne soit conforme ni à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail ni à l'article 24 de la Charte sociale européenne dont l'approbation a été autorisée par la loi du 10 mars 1999. Or nous sommes, quant à nous, convaincus que ce n'est pas en démantelant le code du travail que l'on résoudra le problème du chômage des jeunes, mais bien par la croissance et par la formation.
Si ce que vous appelez « les rigidités du code du travail » étaient un frein à l'embauche, comme vous le prétendez, comment expliquez-vous que, sous le gouvernement Jospin, on ait créé deux millions d'emplois, tout en donnant nouveaux droits aux salariés ? Comment expliquez-vous que le nombre de jeunes au chômage ait baissé, à cette époque, de 220 000, alors qu'il n'a cessé d'augmenter depuis que vous êtes au Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Voilà !
M. Roland Courteau. La triste réalité, c'est que, par le biais d'une politique prétendument en faveur des jeunes, vous entendez poursuivre la mise en oeuvre de l'implacable mécanique qui conduira au contrat unique de type « super-CNE ». Et quelque chose me dit que vous le faites avec application, constance et ténacité, en « détricotant » méthodiquement le code du travail. En fait, c'est une page noire de notre histoire qui est en train d'être écrite. Le MEDEF en avait rêvé ? Le Gouvernement le fait !
Vous n'avez pas perdu de temps, en quatre ans. Après la suppression d'un jour férié, le relèvement du contingent d'heures supplémentaires, la suspension des dispositions de protection de licenciement, l'extension du « forfait-jour », la remise en cause des 35 heures, voici venir la fin du CDI. « Ci-gît le CDI », se réjouissent déjà certains.
Nous n'avons pas la même conception du droit social. Quand nous y voyons protection, condition de la cohésion sociale et donc de l'efficacité économique, vous vous obstinez à n'y percevoir que rigidités et obstacles. Alors vous voulez aller vite, vous voulez aller aussi loin que possible dans la dérégulation du marché du travail, sans toutefois provoquer une réaction trop importante des syndicats, des jeunes et de l'opinion. C'est ce qui explique le grand soin que vous avez apporté à « gérer l'agenda », autrement dit, à mettre à profit les vacances scolaires dans le but de limiter la contestation et de prendre les jeunes et les syndicats de vitesse.
Mais, sur ce point précis, le coup a raté. Et vous, monsieur le ministre délégué, vous qui ne semblez comprendre que le rapport de force, soyez attentif à ce qui va se passer le 7 mars prochain et les jours suivants. Quelque chose me dit que, pour le Gouvernement, le temps se brouille sérieusement et sans doute durablement. En ce qui nous concerne, c'est avec force que nous rejetterons l'article 3 bis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, sur l'article.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, je vous remercie de me donner la parole pour faire connaître la position du groupe UC-UDF sur l'article 3 bis. Il était prévu que nous devions en discuter aujourd'hui, à cette heure. Et nous le faisons bien, je le crois.
Pour notre groupe, l'état actuel du marché de l'emploi et l'état actuel de notre droit montrent qu'il faut réformer. L'UDF soutient fermement l'idée de réformer notre droit, et en particulier notre droit du travail. C'est d'ailleurs une position assez largement répandue dans nombre de groupes politiques. Comme l'a rappelé notre collège du Haut-Rhin, le maire de Mulhouse, dans un point de vue paru dans le quotidien Le Monde il y a quelques jours, il faut bouger, car les choses bougent.
Mais, à nos yeux, cette réforme doit être mue par la recherche d'un nouvel équilibre : d'un côté, il doit y avoir plus de flexibilité pour l'entreprise, mais, d'un autre côté, il doit y avoir plus de droits pour le salarié. Nous demandons à l'entreprise qu'elle offre, en échange de ce surcroît de flexibilité, plus de travail. Parallèlement, nous souhaitons que ceux qui offrent leur capacité à répondre à la demande de flexibilité soient mieux protégés qu'ils ne le sont aujourd'hui.
Nous savons bien que toute réforme du droit social exige d'abord une méthode. Il faut savoir convaincre et non pas contraindre. On ne peut pas à la fois défendre notre modèle social et ne pas respecter les fondements mêmes de ce modèle social. Or, ce modèle social repose d'abord sur la recherche du consensus : c'est la condition même du « vivre ensemble ».
Nous sommes donc très ouverts à l'idée de la réforme. Mais, messieurs les ministres délégués, nous demandons au Gouvernement de discuter des projets que le Gouvernement peut avoir à soutenir. Nous souhaitons qu'il les présente et qu'il en parle avec les partenaires sociaux. La recherche de l'accord est la première exigence de notre méthode.
Il est possible que l'on ne parvienne pas à un accord, et il faut bien trancher à un moment donné. Il est tout à fait légitime que la représentation nationale tranche, mais il faut qu'il y ait au préalable débat.
Mme Nicole Bricq. Voilà !
M. Michel Mercier. Quant à la procédure, elle peut parfois paraître rude, mais elle est nécessaire. Selon moi, il n'y a pas eu obstruction. Il y a débat, discussion, et c'est heureux qu'il y ait au moins un endroit, dans notre pays, où l'on peut discuter de ces questions.
Cela étant, je regrette beaucoup, monsieur le ministre délégué, que vous n'ayez pas choisi une méthode plus participative pour modifier le code du travail.
M. Jean-Luc Mélenchon. Eh oui !
M. Michel Mercier. C'est là un reproche qu'on peut vous adresser. Cette absence de préparation dans la méthode « plombe » la réforme elle-même. C'est dommage, car loin de considérer le fond de la réforme, on se contente d'examiner la façon dont la réforme est faite. La réforme méritait mieux, mais la méthode en aura occulté la réalité.
Le Gouvernement nous a proposé de réformer le droit social à deux reprises : d'abord par le biais du contrat nouvelles embauches, et ensuite par celui du contrat première embauche. Ces deux contrats sont assez similaires. Méritent-ils toutes les critiques qu'on leur adresse et tous les honneurs qu'on leur réserve ? Probablement pas.
Un excellent article, disponible sur Internet, écrit par le professeur Pierre Cahuc - que vous venez de nommer au Conseil d'orientation économique - et par le professeur Carcillo, montre que le contrat nouvelles embauches et le contrat première embauche présentent des avantages et des inconvénients pour les employeurs comme pour les employés. Il conviendrait qu'on puisse débattre de ces points. Il faudrait qu'on puisse examiner de près les points forts et les points faibles de ces contrats. Cela permettrait qu'ils soient acceptés par la population.
Or, ce n'est pas le cas. On discute de la méthode et non pas du fond : on déplore l'absence de dialogue social et l'utilisation de l'article 49, alinéa 3, à l'Assemblée nationale. Nous manquons l'occasion qui nous était offerte d'aller au fond des choses. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mais je ne veux pas être trop long, monsieur le président. D'ailleurs, je prends l'engagement de ne plus m'exprimer avant la fin de la discussion de l'article. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur. Je pensais que vous vouliez vous engager à ne plus vous exprimer jusqu'à la fin de la discussion du projet de loi ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Notre collègue fait comme il veut, enfin !
M. Michel Mercier. Monsieur Sueur, je reprendrai sûrement la parole d'ici là et je pense que vous ne me contesterez pas un droit que, pour ma part, je vous reconnais toujours. (Sourires.)
Les deux contrats, le CPE et le CNE, ne sont pas ce que l'on nous dit qu'ils sont. Concernant l'indemnisation et l'assurance chômage, ils sont plus favorables à l'employé que le CDD et le CDI. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) Il faut avoir l'honnêteté de le reconnaître. Mais on n'en a retenu qu'un aspect, la suppression d'un certain nombre de procédures, qui fait que l'on peut enfin licencier plus aisément.
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais c'est essentiel !
M. Michel Mercier. Laissez-moi finir, mon cher collègue. Je ne vous empêche jamais de parler. J'entends pouvoir parler comme vous, aussi longtemps que vous, non pas aussi bien que vous, car je n'ai pas l'honneur d'appartenir à votre tendance (sourires.), mais enfin, bien tout de même, parce que...
M. Jean-Luc Mélenchon. Parce que c'est vous ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Mercier. Sans doute !
On n'a donc vu que cet aspect. C'est, bien entendu, une grave inexactitude.
D'ailleurs, la contre-épreuve en a été apportée en peu de temps, puisque le conseil des prud'hommes de Longjumeau n'a pas hésité, la semaine dernière, à condamner une entreprise notamment pour rupture abusive d'un CNE. Quoi de surprenant ? On savait dès le départ que le recours au juge serait toujours ouvert. Le Conseil d'État, lorsqu'il a été saisi en formation administrative du projet d'ordonnance, a bien indiqué que l'abus de droit pourrait être invoqué devant le juge.
Mme Catherine Tasca. Heureusement !
M. Michel Mercier. En effet, car c'est aussi la marque de notre modèle social. Au reste, au moins depuis 1962 et l'arrêt Rubens de Servens, nous savons bien que, en France, quand il n'y a plus de recours, il en existe encore deux : le recours en cassation et le recours pour excès de pouvoir.
Or il est clair que les recours dont ces nouveaux contrats pourront faire l'objet reposeront sur des moyens différents de ceux que l'on utilisait habituellement. Cela peut d'ailleurs avoir une conséquence toute simple : les employeurs ne souhaiteront peut-être pas utiliser ces nouveaux contrats, qui risquent d'être plus lourds de conséquences que les contrats ordinaires. C'est là un vrai problème.
Pour résumer notre position, nous sommes favorables à un contrat unique et évolutif, c'est-à-dire créant des droits au fil du temps. Le CDI, tout le monde est pour aujourd'hui, et il faut en être conscient : les employés, bien sûr, les organisations syndicales, mais également le club Montaigne, qui l'a rappelé voilà quelques jours, ainsi que M. Proglio dans son rapport, et l'ensemble des acteurs. Quant à Mme Parisot, elle n'a pas dit autre chose.
Nous disons donc oui au CDI, car c'est la façon pour l'entreprise de participer au « vivre-ensemble » dans notre pays ; mais pas à n'importe quel CDI : il faut qu'il laisse à l'entreprise sa liberté de création, nous y sommes très attachés.
Nous ne demandons pas à l'entreprise de financer la protection sociale, de financer l'assurance chômage dans son ensemble : c'est à la société d'organiser ces droits, non à l'entreprise en tant qu'unité. Nous lui demandons simplement une plus grande offre de travail en échange d'une plus grande flexibilité, c'est là son rôle. Pour le reste, il revient à la société dans son ensemble de faire en sorte que l'employé ait davantage de droits, et nous défendrons cette idée à travers un amendement.
Nous présenterons également essentiellement deux amendements, si vous tenez, messieurs les ministres délégués, à conserver le CPE : le premier visera à ramener à un an la durée de la période de consolidation, le second à instaurer l'obligation de justifier, le cas échéant, la rupture du contrat. Ce sont pour nous deux points essentiels, grâce auxquels ces contrats pourront être acceptés, parce qu'ils seront équilibrés et qu'ils pourront participer à l'édification de notre modèle social.
Je le répète, nous sommes prêts à accepter un certain nombre de changements mais pas selon n'importe quelle méthode, pas n'importe comment.
C'est naturellement en fonction de l'accueil qui sera réservé à nos propositions que nous nous prononcerons sur l'article 3 bis. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. Roland Muzeau. Vous vous prononcerez pour ou contre ?
M. Michel Mercier. Monsieur Muzeau, la question ne m'étonne pas, venant de vous ! Comme d'habitude, vous ne m'avez pas écouté !
M. Roland Muzeau. J'ai lu la presse !
M. le président. La parole est à M. Roger Madec, sur l'article.
M. Roger Madec. Monsieur le président, messieurs les ministres délégués, mes chers collègues, croire que le CPE aura pour effet de réduire le chômage des jeunes est une illusion, sinon une contrevérité. En réalité, ce sont les droits des salariés qui seront réduits, voire bafoués.
Il suffit pour s'en convaincre de se pencher sur les 23 % de jeunes au chômage et de constater que 40 % d'entre eux n'ont pas de qualification. Pour s'attaquer aux causes réelles du chômage chez les moins de vingt-cinq ans, il nous faut donc concentrer tous nos efforts sur ces jeunes non diplômés.
Formation, apprentissage, alternance, sont certes les passages obligés d'une politique efficace de lutte contre l'exclusion du marché du travail. Rappelons que 16 % des jeunes sont durablement exclus de l'emploi. Pour ceux-là, force est de constater que le CPE n'apportera aucune réponse nouvelle.
Le Gouvernement a bien compris l'importance de la formation, puisqu'il multiplie ces derniers temps les annonces sur l'apprentissage. Il faut néanmoins rappeler que, depuis 2002, le nombre des contrats d'apprentissage a diminué de près de 6 000.
Un autre moyen de se convaincre de l'inefficacité du CPE est d'observer les premiers pas de son aîné, le CNE. Malheureusement, le Gouvernement, qui avait pris l'engagement de nous communiquer une évaluation de ce dispositif, ne nous a fait connaître aucun chiffre. Et pour cause ! Selon les sondages, 71 % des personnes embauchées en CNE auraient de toute façon trouvé un travail ; parmi elles, 45 % auraient eu un CDI et 28 % un CDD. Contrairement à l'objectif annoncé, ces nouveaux contrats ont donc pour effet non pas de créer des emplois, mais de se substituer au droit commun du travail.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Roger Madec. Enfin, nous dit-on, le CPE apporterait aux entreprises la flexibilité dont elles ont besoin pour embaucher. C'est faux ! Le droit du travail est déjà bien assez souple puisque les CDD permettent de recruter des salariés pour des périodes très courtes et que l'intérim apporte lui aussi aux employeurs une grande souplesse dans la gestion de leur main-d'oeuvre. Quant à la « liberté de licencier » que donnerait le CPE, je rappelle qu'un jeune peut déjà être licencié à moindre frais puisqu'il a, par définition, une ancienneté limitée. En outre, la Cour de cassation, par une décision récente, vient d'ouvrir la voie aux licenciements préventifs.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Roger Madec. Qui plus est, l'OCDE elle-même a reconnu que la flexibilité n'avait qu'un effet « ambigu » sur le chômage.
En définitive, le CPE n'apportera aux entreprises aucune incitation supplémentaire à l'embauche. En revanche, les dommages collatéraux pour les jeunes salariés seront considérables. Comment faire valoir ses droits lorsque l'on peut être licencié sans motif ? Comment faire respecter sa dignité alors qu'à la moindre contrariété l'employeur peut mettre fin au contrat de travail ? Selon une récente étude de la SOFRES, 40 % des salariés du privé déclarent ne pas se syndiquer « par peur des représailles » ; il est fort à craindre que ce chiffre n'atteigne 100 % parmi ces jeunes en situation précaire. Quant au droit de grève, il demeurera pendant deux ans une possibilité bien lointaine pour eux !
Au regard de son inefficacité et de l'importance de ses effets pervers, cette mesure doit de toute évidence être retirée. La gravité du chômage des jeunes ne peut justifier l'adoption de toutes sortes de mesures qui fragilisent le monde du travail, et nous devons nous méfier de l'alarmisme du Gouvernement, qui brandit l'épouvantail du chômage pour casser le code du travail.
Certes, le taux des actifs de moins de vingt-cinq ans en recherche d'emploi est en France, avec 23 %, l'un des plus élevés d'Europe. En revanche cette proportion tombe à 8,1 % si l'on rapporte les jeunes chômeurs à l'ensemble de la population des quinze-vingt-cinq ans, soit un chiffre très comparable à celui de l'Angleterre.
Par ailleurs, le Premier ministre répète qu'il faut onze ans à un jeune pour s'insérer durablement sur le marché du travail. En réalité, trois ans après la sortie du système éducatif, 80 % des jeunes ont déjà un emploi, et les deux tiers travaillent en CDI. Dans ces conditions, on comprend mal pourquoi il faudrait infliger un CPE à toute la jeunesse alors que, pour sa plus grande partie, elle peut espérer travailler en CDI. Quant à la minorité de jeunes les plus en difficulté, elle restera de toute façon en dehors de ce dispositif.
Une autre voie existe, messieurs les ministres délégués, une méthode qui a permis entre 1997 et 2002 de réduire de 200 000 le nombre des jeunes au chômage. Mais, depuis le début de la législature, ce chiffre n'a cessé de recommencer d'augmenter, et l'on compte aujourd'hui 30 000 jeunes chômeurs supplémentaires, puisque vous vous êtes empressés de mettre à bas le système des emplois-jeunes, qui avait pourtant porté ses fruits.
Aujourd'hui, le Gouvernement cherche à tirer parti de ce bilan désastreux et à exploiter le désarroi grandissant des jeunes pour déréglementer le marché du travail. Mais ceux-ci ne sont pas prêts à n'importe quoi, croyez-le, car ils savent que d'autres solutions existent.
Ni le chômage ni la flexibilité des jeunes ne sont une fatalité ; la gauche l'a prouvé par le passé, et nous nous proposons de recommencer aujourd'hui en vous invitant à supprimer de l'article 3 bis, qui est vraiment indigne du marché du travail au xxie siècle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l'article.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, messieurs les ministres délégués, mes chers collègues, lorsque le Gouvernement a lancé l'idée du contrat première embauche réservé aux moins de vingt-six ans, assorti d'une période de deux ans - que vous n'osez plus appeler période d'essai ! - qui permet le renvoi sans délai et sans motif, il a beaucoup insisté sur un prétendu argument selon lequel pour les jeunes, qualifiés ou non, mieux valait entrer dans la vie active, quelle que soit la forme du contrat, que de rester sans emploi ; j'ai bien entendu le rapporteur, M. Gournac, sur ce point.
Il est indigne de proposer un tel choix, qui, de fait, n'en est pas un. Quand on a vingt ans, vingt-trois ans, vingt-cinq ans, et que l'on brûle de faire enfin ses preuves, comment résister à une offre d'emploi ?
La flexibilité du travail est présentée comme une nécessité qui serait reconnue par l'ensemble de nos voisins européens. C'est là une rengaine du Gouvernement et d'un certain patronat.
Mme Évelyne Didier. Absolument !
Mme Catherine Tasca. Or, l'année dernière, l'agence Euro-RSCG a conduit dans dix pays représentant 80 % de la population de l'Union européenne une enquête sur les valeurs des Européens. À la question de savoir si, « dans le monde actuel, les entreprises devraient pouvoir embaucher et licencier avec très peu de contraintes », la réponse est sans appel : par 61 % contre 36 %, les Européens répondent par la négative. Pour la jeunesse européenne, la réponse est encore plus nette, puisque les dix-huit-trente-cinq ans répondent par la négative à 70 %. N'attendez donc pas l'adhésion de notre jeunesse à votre projet !
Il existe en fait un modèle européen, reposant certes sur l'adhésion à l'économie de marché, mais heureusement assortie d'une recherche de protection juridique, bâti depuis des décennies, face au marché du travail. Votre projet de CPE est à l'opposé de ce modèle, et la jeunesse, en France comme dans les pays voisins, ne l'accepte pas.
Messieurs les ministres, j'ignore si vous avez vous-mêmes été salariés d'une entreprise à vos débuts, j'ignore si vos enfants et ceux de vos amis le sont aujourd'hui.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Mais oui !
Mme Catherine Tasca. Mais je vous pose la question, avec votre contrat première embauche, quel regard portez-vous sur la jeunesse de notre pays ? Un regard de vieux, et de vieux nantis. Et quel avenir lui proposez-vous ? Tout d'abord, vous discréditez notre enseignement général, professionnel et supérieur en mettant d'emblée en doute la capacité des jeunes à entrer efficacement dans la vie active. Si doute vous avez sur ces enseignements, alors, il faut améliorer leurs programmes, leurs méthodes, leurs moyens d'action, c'est-à-dire conduire une politique qui soit tout le contraire de celle que vous menez depuis quatre ans.
Une fois muni d'un CPE, tout jeune va faire l'apprentissage de la précarité et de la dépendance.
Précarité angoissante, puisque, en cas de rupture du contrat, il se trouvera quasiment sans protection juridique, sans droit de défense, et sans enseignement à tirer de son apparent échec puisqu'il n'aura aucune explication. L'absence de motif laissera aussi le champ libre à n'importe quelle interprétation par d'éventuels futurs employeurs. Un tel dispositif, cela a été rappelé, contredit la convention 158 de l'OIT, reprise à l'article 24 de la Charte sociale européenne et clairement réaffirmée par le Conseil d'État dans sa décision du 19 octobre 2005.
Apprentissage de la dépendance, aussi : en effet, beaucoup de jeunes sont déjà maintenus trop longtemps dans la dépendance à l'égard de leur famille en raison de la situation de l'emploi, et en raison de la spéculation foncière et immobilière qu'encourage votre politique et qui rend si difficile, pour les jeunes travailleurs, l'accès à un logement autonome.
Dépendance accrue à l'égard de l'employeur, ensuite, par cette invention qu'est le CPE. D'abord, en raison de cette précarité que j'ai soulignée, mais aussi parce que, pendant deux ans, et quelles que soient ses performances professionnelles, le jeune salarié hésitera forcément à faire l'apprentissage de l'engagement syndical. Cet engagement est pourtant la voie nécessaire d'une participation effective à la vie de l'entreprise. Or votre gouvernement et votre majorité ne cessent de déplorer hypocritement la faiblesse des organisations représentatives des salariés et l'insuffisance du dialogue social. Tout comme le CNE dans les petites entreprises, le CPE, s'il était adopté, placerait une large fraction de travailleurs en situation objective de soumission à l'égard de leur employeur.
En vérité, s'il faut trouver une flexibilité de l'emploi, celle-ci doit absolument passer par une sécurisation du parcours professionnel et une garantie de formation en entreprise pour le salarié.
La flexibilité qui est organisée par votre CPE humilie les jeunes salariés et les livre à l'arbitraire de certains employeurs. J'en veux pour preuve, ces derniers jours, certains jugements de condamnation prononcés par des conseils de prud'hommes pour rupture abusive d'un CNE, contrat né il y a à peine six mois.
Alors que la plupart des familles, presque dans tous les milieux, vivent une véritable difficulté de dialogue et de compréhension avec leurs enfants, vous donnez aux jeunes en âge de travailler un signe de profonde défiance à l'égard du parcours qu'ils ont déjà accompli et de celui qu'ils seront capables d'accomplir. Comment, alors, leur demander d'être constructifs et solidaires dans une telle société ? Nous voterons donc résolument contre votre projet de CPE. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, messieurs les ministres délégués, mes chers collègues, il y a certains paradoxes dans la politique du Gouvernement en matière d'emploi. L'un deux tient tout simplement aux réalités que l'on peut observer aujourd'hui par rapport à l'année 2005.
En effet, le Gouvernement a annoncé qu'en 2005 le nombre de chômeurs avait diminué de 2,5 % et, en même temps, on a constaté un accroissement très sensible du déficit des ASSEDIC.
Je ne sais pas comment on peut expliquer que, l'année où l'on prétend que le chômage diminue, le budget des ASSEDIC soit en baisse.
Par ailleurs, je ne comprends pas bien comment, au cours de cette même année 2005, le nombre de chômeurs aurait diminué de 5,2 %, tandis que le nombre de RMIstes aurait, quant à lui, augmenté de 5,2 %.
Ces chiffres suscitent un certain malaise et le moins que l'on puisse dire, c'est que la politique qui est menée ne se traduit pas par des créations d'emplois.
Il est un autre paradoxe, messieurs les ministres délégués. Vous donnez le sentiment que la mise en oeuvre de ce dispositif, qui est inacceptable pour de nombreuses raisons, créera des emplois du fait de la nouvelle possibilité de licenciement sans cause.
On peut comprendre qu'il y ait des licenciements et on peut le déplorer, mais il y a toujours une raison : soit une raison économique soit, comme le dit l'OIT, une raison due à des insuffisances professionnelles, par exemple. Mais le licenciement sans cause est quelque chose d'injustifiable, et ce qui est encore plus injustifiable, c'est de le réserver aux jeunes.
M. Roland Courteau. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur. En d'autres termes, le licenciement sans cause est interdit, sauf pour les jeunes. Vous envoyez donc à la jeunesse le message suivant : la précarité, c'est pour vous.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. On peut vous licencier à tout moment, sans raison, uniquement parce que vous êtes jeune. C'est inacceptable, et je n'ai pas entendu, depuis le début du débat, un seul ministre réussir à le justifier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Mahéas. Parce qu'ils ne peuvent pas l'expliquer !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à l'heure, l'un de nos collègues a employé un mot qui m'a choqué : il a dit qu'il fallait tenir compte de la « psychologie » des chefs d'entreprise, de la « psychologie des employeurs », car, si on heurtait leur psychologie, on ne créerait pas d'emplois.
Mon cher collègue, les salariés, les chômeurs ou les jeunes en difficulté ont aussi une « psychologie » ; 40 % des jeunes qui vivent dans nos quartiers n'ont pas de travail, sont rejetés et la seule possibilité qu'on leur offre, c'est d'avoir un « emploi » assorti d'une période de deux ans à l'issue de laquelle on pourra les licencier sans cause. Quel effet cela peut-il avoir sur la psychologie d'un jeune ?
Et quand, en plus, on prévoit un délai de carence de trois mois, cela signifie que, après un CPE, on pourra reprendre le même jeune en CPE. Autrement dit encore, on pourra, pour la même tâche, engager successivement, et d'ailleurs de manière pérenne, des CPE après des CPE et avant d'autres CPE.
Ce n'est pas digne de la jeunesse et il y aurait une tout autre politique à mener qui consisterait à faire confiance aux jeunes et à leur dire : parce que nous vous respectons et parce que nous savons que vous pouvez apporter beaucoup à la société, nous vous offrons un véritable contrat de travail. Un contrat où il y a des droits, tous les droits, d'un côté et uniquement la précarité, de l'autre côté, ce n'est pas un contrat de travail.
Si vous faisiez confiance et si vous jouiez la carte du respect, vous seriez mieux entendus par les jeunes. Là, vous leur tournez le dos et je considère que c'est très grave pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, mes chers collègues, depuis le début de l'examen de ce texte, le Gouvernement s'embarrasse de peu de principes pour faire appliquer son plan d'urgence pour l'emploi. Le Parlement est prié fermement de ne pas trop s'en mêler, nous l'avons vu ces derniers jours.
En juillet dernier, ce fut par voie d'ordonnances, avec notamment le CNE, ou encore par l'ordonnance spécifique pour le contrat de transition professionnelle, le CTP. Désormais, c'est à coup d'amendements de dernière minute, disséminés au fil des projets de loi inscrits à l'ordre du jour.
Dans la loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, vous avez fait introduire, en deuxième lecture, au Sénat, juste avant l'examen en commission mixte paritaire, une disposition qui élargit les cas de recours à l'intérim.
Aujourd'hui, c'est au tour du CPE ; demain, ce sera l'allongement de la durée d'activité des seniors et de nouvelles possibilités de détachement d'un salarié dans une autre entreprise.
« Faire entrer le marché du travail français dans la modernité », tel est le credo du Premier ministre qui, quand il parle d'emploi, ne pratique pas la modération. Les mesures annoncées le 16 janvier dernier, sous couvert de lutte contre le chômage des jeunes, sont finalement des attaques en règle contre le code du travail. La modernité, c'est la précarité organisée par l'État !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Même en jouant sur l'angoisse du chômage et en y mettant parfois les formes - accès au logement, accès au crédit, vous tentez de rassurer les jeunes, mais cela ne les rassure pas, et ils ont bien raison - vous ne parvenez pas à convaincre la jeunesse qui, malgré les vacances scolaires, continue de se mobiliser.
Nous avons la conviction que la rapidité avec laquelle vous avez voulu débattre ici de ce projet de loi visait à ce qu'il soit adopté pendant les vacances scolaires. En effet, les jeunes ont compris que le contrat que vous leur imposez constitue une discrimination insupportable et une injustice organisée par l'État au profit des entreprises.
Plus que de la flexibilité, ce contrat instaure de la précarité. Le CPE sera désormais la voie d'accès unique à l'emploi pour les jeunes, à condition de passer sans encombre la « période d'essai » de deux ans. Ce sont les mots qui ont été employés par M. le Premier ministre, qui s'est vite ravisé, s'apercevant que cette expression pouvait être fort mal interprétée ; on a donc rebaptisé la période d'essai en « période de consolidation ». En fait, c'est une période juridiquement innommable, qui n'a pas de définition...
M. Roland Courteau. C'est exact !
M. Jean-Pierre Godefroy. ... sauf à tomber sous le coup de la convention 158 de l'OIT et l'article 24 de la charte sociale européenne dont nous avons autorisé l'approbation par la loi du 10 mars 1999.
M. Jean-Pierre Sueur. Cette période est innommable et innommée.
M. Jean-Pierre Godefroy. Absolument !
C'est toute une génération de nouveaux entrants sur le marché du travail qui devra désormais passer par cette case CPE et ses deux ans de doutes et d'angoisses face au risque de pouvoir être licencié sans motif.
D'ailleurs, pensez-vous, monsieur Larcher, comme l'a dit Jean-Pierre Sueur tout à l'heure, que licencier sans motif des jeunes qui veulent entrer dans la société, qui veulent être pris en considération, sans aucun entretien préalable, représente véritablement le modèle que les adultes veulent donner à notre jeunesse ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Les jeunes ont besoin qu'on leur parle et qu'on leur explique les choses, et ceux qui sont en difficulté dans les banlieues en ont encore plus besoin. Ils n'ont pas besoin d'ordre, ils ont besoin de discussions, de rapports de convivialité avec nous. C'est ce qui leur manque et c'est ce que vous leur reprochez aujourd'hui.
Bien sûr, rien n'est plus révoltant que de voir plus de 20 % des jeunes au chômage dans une société vieillissante, qui, par ailleurs, s'inquiète du manque de bras et de cerveaux. Pourtant, comme l'a rappelé tout à l'heure ma collègue Raymonde Le Texier, il faut relativiser ce chiffre : un calcul simple permet de montrer que sur 100 jeunes en âge de travailler dans la tranche des seize - vingt-cinq ans, seuls 33 % sont actifs. Nous pourrions avoir un débat sur les raisons de ces chiffres. Les autres poursuivent leurs études. C'est parmi ces 33 % que le taux de chômage est d'environ 20 %. Voilà qui est, bien évidemment, insupportable. Et c'est justement à eux, monsieur le ministre délégué, que vous offrez comme réponse l'apprentissage à quatorze ans - cela a failli être treize ans et neuf mois, vendredi dernier - et le CPE.
De plus, ce taux de chômage élevé provient des 15 % à 20 % d'élèves qui vivent l'école comme un lieu d'échec et d'exclusion et en sortent sans acquis minimal. La lutte contre le chômage des jeunes devrait commencer par tarir sa source : l'échec scolaire et l'incapacité de notre société à transmettre les savoirs, les valeurs et les comportements indispensables pour l'autonomie, l'épanouissement, mais aussi la sociabilité et l'employabilité des individus. Il faut s'attaquer à la racine du mal, c'est-à-dire à la formation et à la qualification, et ce n'est pas ce que vous faites.
On le sait, l'emploi dépend de la croissance, de la fluidité du marché du travail et de la bonne articulation entre éducation et emploi. Or ces trois conditions posent encore problème. Le CPE, lui, ne créera qu'un effet d'aubaine pour les employeurs, qui vont embaucher des jeunes à l'essai, en consolidation ou en période innommée, pendant deux ans, en exonérations de charges, exonération dont, d'ailleurs, on ne sait pas si elles seront compensées.
M. Roland Muzeau. Tout à fait !
M. Guy Fischer. On demandera à M. Vasselle ce qu'il en pense !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il faudra que nous ayons une réponse sur ce point aussi.
Le CPE se substituera donc aux CDD et aux CDI.
En l'espace de deux mesures, le champ laissé au CDI classique s'est déjà singulièrement rétréci. Et la troisième phase de cette bataille pour l'emploi pointe déjà son nez : ce sera celle de la « réforme globale du contrat de travail ». Pour parler plus distinctement, ce sera celle du contrat unique, le contrat « adapté aux mutations économiques de notre société », c'est-à-dire le contrat de la précarité généralisée, comme le demande le MEDEF, je vous renvoie aux propos de Mme Parisot.
Pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore que je n'ai pas abordées- nous y reviendrons - nous ne voterons pas ce projet de loi, et non seulement nous ne le voterons pas, mais nous avons bien l'intention de nous y opposer pied à pied tout le temps qu'il faudra. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Nous l'avions bien compris, mon cher collègue ! (Sourires.)
La parole est à M. David Assouline, sur l'article.
M. David Assouline. Messieurs les ministres délégués, ne craignant aucun paradoxe, ce sera donc au nom du social que vous détournez à l'envi le sens des mots, dans des proportions telles que la précarisation des conditions peut désormais signifier « égalité des chances » et « sécurisation des parcours professionnels ».
« CNE » et « CPE » sont présentés comme des solutions aux problèmes que poserait la rigidité du contrat à durée indéterminée. Cela sous-entend que le droit du travail est, en l'état, une des causes du sous-emploi de certaines catégories de la population, dont les jeunes, nombre de mes collègues l'ont dit.
Malheureusement, le droit du travail a d'ores et déjà été largement flexibilisé, les employeurs ayant produit, dans les faits, toute une série d'instruments d'ajustement. Ceux-ci se sont mis en place progressivement, et donnent en même temps une idée assez précise de la manière dont le CPE sera utilisé.
En novembre 2005, une étude du ministère de la justice, confirmant plusieurs analyses proposées par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, la direction des études de votre propre ministère, monsieur Larcher, relevait, outre une forte augmentation de la proportion des litiges émanant du secteur des services, soit 56,1 % du contentieux prud'homal, une très nette inversion dans les motifs de licenciement.
Alors qu'en 1993 les licenciements dits « économiques » constituaient 61 % de l'ensemble des motifs de licenciement, ils ne représentent plus que 24 % des licenciements intervenus en 2004. Cela signifie qu'aujourd'hui 76 % des licenciements ne relèvent pas de plans sociaux.
Le nombre de licenciements n'ayant pas globalement diminué ces dernières années et l'économie des services ne cessant, en France, de gagner en importance, c'est la structure générale de l'emploi qui se trouve transformée. Il en résulte que les formes dominantes du licenciement qui frappent les salariés changent de nature pour s'individualiser, augmentant ainsi considérablement la précarisation des relations du travail.
De fait, cette tendance montre que c'est de plus en plus souvent à titre personnel qu'un salarié se trouve saisi par les dynamiques économiques, ce que confirme la DARES en soulignant que « des observations convergentes relient la progression des licenciements pour motif personnel à des pratiques nouvelles de gestion de l'emploi et des effectifs », visant à licencier de manière « moins visible », tout en préservant « l'image de l'entreprise » et en passant pour « indolores » pour le corps social.
Plus fondamentalement, cette progression paraît liée à la diffusion des modes de management par objectifs rendus plus « individualisants », plus systématiques et plus efficaces grâce à une organisation du travail qui intensifie celui-ci et accorde une place prépondérante aux nouvelles technologies de l'information.
La DARES constate ainsi que les licenciements pour insuffisance de résultats progressent de manière significative depuis les années quatre-vingt, qu'ils touchent plus particulièrement les hommes, affectent en priorité les salariés âgés de cinquante ans et plus, les cadres et les agents de maîtrise et, enfin, qu'ils concernent davantage les entreprises de main-d'oeuvre et les enseignes « multimarques ».
À terme, le CPE ne fera que participer de cette tendance lourde à l'individualisation du licenciement en particulier, et du rapport à l'emploi et à la protection en général.
Or, au regard du fort déséquilibre du rapport des forces dans le contexte d'un chômage de masse, ce phénomène n'aboutit en fait qu'à la précarisation renforcée des conditions d'existence des salariés.
Cette généralisation de la précarité n'affecte pas seulement ceux qui, parmi les jeunes - pour diverses raisons, notamment du fait de leur niveau et de leur type de formation - pouvaient espérer obtenir rapidement un contrat à durée indéterminée. Elle affecte tous les jeunes, même si cela se fait selon différentes modalités et à des degrés divers, tout simplement parce que la possibilité d'être licencié à tout moment est plus gênante que la certitude sur le terme de son contrat.
Si un jeune bénéficie d'un contrat de courte durée, il peut l'accepter tout en continuant de chercher un emploi à durée indéterminée. Le CPE est au contraire, pendant deux ans, au sens littéral, un contrat indéterminé dans la mesure où il laissera le jeune salarié dans un état de parfaite indétermination quant à son avenir.
L'assouplissement extrême de la procédure de licenciement, qui pourra se passer ne serait-ce que de l'invocation d'un motif, exposera le jeune à l'arbitraire.
Tout à l'heure, mes chers collègues, vous avez parlé de psychologie. Avec le CPE, et j'attire votre attention sur ce point, le jeune se trouvera, pendant deux ans, soumis à la domination de sa hiérarchie au sein de l'établissement. Même si cette domination ne se traduit pas, de la part de l'employeur, par des exigences et des attitudes abusives, ce pouvoir de nuisance sera pourtant toujours possible.
Je conclurai en me référant à un philosophe politique américain, Philip Pettit.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Parce que les Américains font désormais partie de vos références ?
M. David Assouline. Bien sûr, à condition qu'ils ne disent pas des bêtises. Je ne suis pas antiaméricain.
M. Christian Cambon. Quand cela vous arrange !
M. David Assouline. Permettez-moi de vous donner lecture de ce qu'il écrivait récemment à propos de cette forme insidieuse de domination. Écoutez bien, puis vous me direz si vous partagez son point de vue. « Quand on est exposé à la réalité ou la possibilité d'une interférence arbitraire, on ne souffre pas seulement d'être placé dans une situation de grande incertitude. Cela incite aussi à devoir garder un oeil vigilant sur les puissants, à anticiper sur ce qu'ils peuvent attendre de vous et à chercher à leur plaire, ou à prévoir ce qu'ils feront afin de rester hors de leur chemin. Cela implique de se voir continuellement imposer la nécessité de faire siens une déférence stratégique et un certain souci de l'anticipation. Vous ne pouvez jamais, l'esprit libre, ne vous préoccuper que de vos propres affaires ; il vous faut naviguer dans une zone minée où de toutes parts des dangers vous guettent. »
Monsieur le président, mes chers collègues, la politique de l'emploi du Gouvernement trace en profondeur les contours de cette nouvelle condition salariale que l'on ne peut souhaiter à nos enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Christian Cambon. Quelle vision de l'entreprise !
M. le président. Ce n'est pas le cas dans nos collectivités territoriales, où personne n'a peur du patron ! (Sourires.)
La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.
M. Bernard Vera. Cet article 3 bis, qui vise à créer le contrat première embauche, témoigne bien du gouffre qui sépare le projet libéral de ce gouvernement en matière d'emploi de notre propre vision du monde du travail.
Au problème du chômage, et à celui de la précarité, nous n'avons décidément pas les mêmes remèdes, et les mêmes mots ne recouvrent définitivement pas les mêmes réalités.
Pour MM. de Villepin et Sarkozy, la lutte contre le chômage justifie tous les types d'emploi pour peu qu'ils soient assortis du maximum de libertés pour les entreprises et du minimum de garanties pour les salariés.
Le CNE hier, le CPE aujourd'hui, le CDD pour les plus de cinquante ans demain, tous ces contrats participent de cette même démarche.
Plutôt que de promouvoir la mobilité des salariés dans une réelle sécurité, le MEDEF et le Gouvernement imposent la précarité pour accompagner les restructurations et la recherche du plus bas coût du travail, comme les marchés financiers l'exigent.
Les premiers éléments disponibles relatifs au contrat nouvelles embauches sont particulièrement inquiétants. Ils nous incitent à mener la bataille contre l'instauration du contrat première embauche, qui n'est rien d'autre que son clone.
Il y a d'abord le sondage, réalisé le 11 janvier dernier auprès de trois cents dirigeants de très petites entreprises. On y apprend avant tout que 71 % de ceux qui ont eu recours au CNE auraient embauché de toute façon.
Les motivations de recours à un tel contrat sont, pour plus de la moitié d'entre eux, la facilité avec laquelle ils peuvent licencier.
Enfin, ce sont les secteurs des services ainsi que du bâtiment et des travaux publics qui ont le plus recours au CNE. Et, parmi les salariés embauchés, plus des trois quarts ont un niveau inférieur au baccalauréat.
En fait, le CNE draine, et entretient, une population jeune, peu diplômée, et en situation précaire.
Cette politique de l'emploi est inquiétante. De telles modifications du droit social ne devraient pouvoir se faire sans concertation prolongée des partenaires sociaux et, surtout, sans expérimentation ou évaluation.
C'est d'ailleurs ce que remarque l'INSEE, dans sa dernière note de conjoncture, de décembre 2005. Il souligne en effet que l'on manque de recul pour apprécier les créations nettes d'emplois suscitées par le CNE et que, dans tous les cas, cela ne sera pas possible avant plusieurs mois !
Ce qui est sûr, en revanche, c'est que le CNE mène à « une plus grande volatilité du marché du travail » qui réagit plus directement aux variations de la conjoncture.
Enfin, les procédures de recours devant les tribunaux, les plaintes collectées par les organisations syndicales se font de plus en plus nombreuses.
On constate un fort accroissement du nombre des salariés licenciés au bout de quelques jours, pour des motifs aussi légers qu'une tenue vestimentaire inappropriée.
La multiplication des plaintes déposées devant les tribunaux est pour Mme Parisot la preuve que le CNE est juste et respectueux des droits !
Il est heureux que le recours aux prud'hommes soit toujours autorisé. Il est encore à ce jour un droit...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Incontournable !
M. Bernard Vera. ... et non pas une tolérance !
Décidément, ce sont deux visions du monde qui s'opposent ici : le CPE est bien une insulte à la jeunesse.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
M. Bernard Vera. Celle-ci l'a parfaitement compris et, de jour en jour, l'opposition à ce contrat grandit.
Pour sa part, c'est avec la plus grande détermination que le groupe communiste républicain et citoyen mènera le combat contre ce nouveau contrat.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, sur l'article.
Mme Dominique Voynet. Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner une disposition dont il semble que le Premier ministre ait eu seul, ou presque, l'illumination, au point que les membres de son gouvernement appelés à la défendre ne l'ont découverte qu'au moment où elle a été rendue publique !
Nous sommes nombreux ici à penser que vous avez choisi une méthode que le Gouvernement a déjà utilisée dans d'autres dossiers. Comme l'a souligné M. Roland Courteau, vous testez, vous expérimentez de nouvelles idées sur des cibles présumées plus fragiles, plus exposées, moins bien organisées, moins bien protégées avant, la brèche étant ouverte, de généraliser à l'ensemble des salariés des réformes aussi géniales que le licenciement sans justification ou l'allongement de la période d'essai à six mois, un an, voire deux ans !
M. le rapporteur nous a exposé quelques-uns des motifs, des raisonnements qui ont conduit le Gouvernement à retenir ce dispositif. Il a déclaré qu'il s'agissait de lever les réserves psychologiques des employeurs en les libérant des rigidités du code du travail.
M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !
Mme Dominique Voynet. Vous me permettrez, monsieur Gournac, de ne pas retenir cet argument. Vous auriez pu l'utiliser pour les très petites entreprises ou pour les petites et moyennes entreprises, pour lesquelles le fait de ne pas pouvoir compter sur un niveau soutenu de commandes constitue un justificatif que nous n'acceptons pas, mais que nous pouvons comprendre.
En ce qui concerne les entreprises plus grandes, les choses sont claires : si elles ont besoin d'un salarié supplémentaire, elles l'embauchent ; si elles n'en ont pas besoin, elles ne l'embauchent pas. D'ailleurs, vous soulignez vous même dans votre rapport que les « viscosités du marché du travail », sont dues pour l'essentiel à deux facteurs majeurs, « les insuffisances de la formation des jeunes et le frein psychologique que certaines rigidités du droit du travail opposent à l'embauche », au moins dans les plus petites entreprises, facteurs qui « jouent un rôle majeur dans l'évolution de l'emploi ».
Je ne vois, pour ma part, aucune justification à la généralisation d'un dispositif de ce type dans les entreprises plus importantes.
Monsieur Gournac, lors de la discussion générale, vous avez interpellé les sénateurs de l'opposition en soulignant, dans une description apocalyptique, et assez caricaturale, que, pour une jeunesse vouée à l'inaction, un CPE valait mieux que rien, comme si ceux qui étaient hostiles à votre proposition faisaient cyniquement le choix d'acculer la jeunesse à « tenir les murs » ! Reconnaissez au moins que vous venez d'enrichir la palette des hypothèses de précarité d'un nouvel outil.
M. Alain Gournac, rapporteur. Pas du tout !
Mme Dominique Voynet. Certains jeunes commencent leur expérience professionnelle par des CDD, des remplacements de congés de maternité, des travaux saisonniers, des missions de travail temporaire, l'intermittence du spectacle, des stages peu ou pas rémunérés, un travail à temps partiel. Il faut maintenant ajouter le CPE à cette liste.
Dans votre intervention générale, monsieur le rapporteur, vous avez fait une comparaison ironique entre le CPE et les emplois-jeunes. Pour ma part, je ne vois pas matière à ironie. Nous étions animés du souci non de faire du nombre, mais d'aider à l'émergence et à la consolidation de nouveaux secteurs d'activité socialement et écologiquement utiles, de nouveaux métiers pour répondre à de nouveaux besoins, et ce pour une durée de cinq ans.
M. Christian Cambon. Parlons-en, des nouveaux métiers !
Mme Dominique Voynet. On était loin de l'effet d'aubaine, loin de la substitution que vous nous proposez aujourd'hui !
M. Christian Cambon. Il n'y avait pas de formation !
Mme Dominique Voynet. Comme l'a souligné Mme Raymonde Le Texier, l'accès à un CDI dépend étroitement du niveau de formation initiale, de la vitalité du secteur d'activité. Certains employeurs cherchent à s'assurer la stabilité, le professionnalisme de leurs équipes via des garanties solides de sécurité professionnelle. Mais, plus le niveau de formation est bas, plus les salariés sont présumés interchangeables, plus il est difficile d'espérer un contrat durable.
Je considère que le Gouvernement fait fausse route. Nous sommes prêts à travailler encore et encore à l'amélioration des dispositifs de formation, à la mise en place de filets de sécurité permettant de garantir à ceux qui n'ont pas su saisir une première chance, une deuxième et même une troisième chance. Pourquoi pas ? La vie est longue et la vie professionnelle l'est, hélas ! de plus en plus.
Permettez-moi en conclusion de reprendre le propos de Jean-Pierre Bel citant le maréchal Foch. (Sourires.) De quoi s'agit-il ? Il ne peut pas s'agir d'un pari pour le Gouvernement, d'une aubaine pour les employeurs et d'une loterie cruelle pour les salariés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, sur l'article.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, messieurs les ministres délégués, mes chers collègues, tant de choses ont été déjà si bien dites...
M. Paul Girod. Que ce n'est pas la peine d'en ajouter !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... que je vais me contenter d'essayer de relever ce qui me paraît radicalement erroné dans les arguments qui nous sont opposés depuis le début de cette discussion. Je demande qu'on veuille bien faire la preuve du contraire si je me trompe.
Premièrement, et surtout contrairement à ce qu'a dit notre excellent président, en aucun cas ce type de contrat ne peut créer d'emplois, en aucun cas ! Son prédécesseur, d'ailleurs, n'en a pas créé et je vais d'ailleurs vous dire pourquoi : ce qui crée l'emploi, c'est la demande. Si vous pensez répondre à la demande autrement que par l'emploi approprié, en disant, par exemple, comme vous l'avez fait tout à l'heure : « Là où on allait embaucher un salarié, ils seront deux ou trois », c'est aberrant ! N'allez surtout pas dire cela dans une entreprise ! Vous pouvez embaucher cent salariés pour faire le même travail, en divisant la paie de chacun : le résultat sera désastreux ! Cela revient à ruiner la productivité du travail. Quelle est l'économie qui tient en s'engageant sur cette voie ?
Or l'économie française se caractérise par la progression de la productivité du travail. Ces travailleurs dont on ne cesse de dire du mal, dont on pense qu'ils passent leur vie à se reposer, nous leur devons la progression de productivité du travail la plus élevée au monde !
L'argument de la création d'emplois ne vaut donc rien du point de vue économique. Du point de vue de la propagande, il est peut-être plus performant et parvient éventuellement à en convaincre certains. Mais ceux qui se sont intéressés un petit peu à la production savent que cela ne veut absolument rien dire.
Deuxièmement, je voudrais vous inviter à réfléchir sur le fait que nous parlons beaucoup du chômage des jeunes. Or je me permets de contester ce concept même. C'est en effet une manière de réduire à un fait sociétal ce qui est un fait social et un fait de production. Un jeune, c'est d'abord un nouvel entrant sur le marché du travail. Encore faut-il qu'il y ait du travail ! L'âge n'est que secondaire dans cette affaire.
Qu'est-ce qui peut créer du travail ? D'abord, la croissance, c'est-à-dire de la place pour de nouveaux travailleurs. Quels sont les leviers pour que cette croissance se traduise par du travail ? Ou bien vous diminuez le temps de travail, mais vous n'en voulez pas, je laisse donc cette question de côté.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cela n'a pas été une réussite ! Personne n'a réussi à créer de l'emploi de cette façon !
M. Jean-Luc Mélenchon. Ou bien vous alimentez la croissance. Comment le faites-vous ? D'abord, par la performance technique ! Cela signifie d'abord produire plus de main-d'oeuvre hautement qualifiée. Vous en avez la possibilité, car ce pays dispose d'un réservoir : la moitié des jeunes qui entrent dans la filière professionnelle ne vont pas jusqu'au niveau du baccalauréat professionnel, alors que c'est ce niveau de diplôme qui est attendu de notre économie avancée. Vous pouvez le demander à toutes les fédérations patronales !
Voici donc le premier levier de la croissance : la qualification professionnelle.
Le deuxième levier, c'est la consommation, la base sûre et stable du développement de l'économie, la consommation de masse. Pour consommer, lorsqu'on appartient à la classe la plus puissante et la plus nombreuse de notre patrie, c'est-à-dire la classe ouvrière et les employés, qui sont respectivement 7 millions et 6 millions, on ne dépense que si l'on a la certitude d'avoir devant soi. Sinon, on économise !
Voilà pourquoi, philosophiquement, économiquement, il faut donner de la visibilité autant aux travailleurs qu'à l'employeur. Si vous réduisez la visibilité pour le travailleur, alors vous augmentez le déficit de croissance. C'est précisément ce que vous faites, innocemment et sans le savoir - je veux le croire -, préoccupés par vos visions idéologiques qui n'ont rien à voir avec la bonne tenue d'une économie puissante et moderne.
Il faut sécuriser les travailleurs. Voilà la différence de philosophie entre nous. Nous avons porté à cinq ans la visibilité pour les jeunes entrant sur le marché du travail, en leur proposant le statut d'emploi-jeune. Résultat ? Nous avons diminué de six points le chômage des jeunes nouveaux entrants.
M. Christian Cambon. Et à la sortie ? Qu'est-ce qu'ils ont fait après ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Et qu'avez-vous fait pour le secteur privé ?
M. Jean-Luc Mélenchon. En créant le contrat nouvelles embauches, vous avez réduit la visibilité des travailleurs à un jour. Le résultat, c'est que vous avez d'ores et déjà creusé de plus de sept points le chômage des jeunes.
Il est donc totalement faux de dire qu'on ne sait pas quoi faire, car nous avons fait la démonstration de ce qu'on peut faire ! On peut réduire le chômage par le progrès social, qui est ami du développement économique, et non l'inverse. Allez voir dans tous les pays où l'on a pris à la gorge les travailleurs ce que cela donne du point de vue de l'appareil productif ! Allez voir en Grande-Bretagne, et vous verrez comment les gens doivent occuper non pas un, mais deux ou trois emplois ! Il n'y a plus d'industrie dans ce pays, il n'y a plus que des services ! Allez voir aux États-Unis, où des personnes de soixante ans et plus servent dans les restaurants !
M. Roland Courteau. Très juste !
M. Jean-Luc Mélenchon. Est-ce cela que vous voulez ? Non, bien sûr que vous ne le voulez pas !
M. Roland Muzeau. Mais si, c'est cela qu'ils veulent !
M. Jean-Luc Mélenchon. Alors il vous reste à comprendre que le progrès social est l'ami du développement.
J'achève pour ne pas abuser de votre patience, mes chers collègues. Oui, c'est une question idéologique, si l'on entend par idéologie l'idée d'une civilisation. Nous voulons que les gens vivent plus paisiblement, une vie plus douce, c'est-à-dire plus sûre, avec une bonne visibilité.
Écoutez bien, Jean Jaurès avait raison, qui disait : « La République ne sera pas achevée si le Français, qui est roi dans la cité, demeure sujet dans l'entreprise ». Et avec votre contrat, vous en faites un serf ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Marie-Thérèse Hermange. Pas de morale !
M. le président. La parole est à M. François Marc, sur l'article.
M. François Marc. Monsieur le président, mes chers collègues, la France s'interroge, et les parlementaires sont sollicités par toutes les interrogations qui préoccupent aujourd'hui notre pays.
Le CPE crée-t-il plus de précarité ? Pour notre part, nous en sommes convaincus. Mais la France s'interroge et écoute les arguments des uns et des autres. Nous avons entendu la semaine passée les arguments du Gouvernement. Ces arguments ont porté, pour certains d'entre eux, sur la mise en place du CNE, en quelque sorte le précurseur. J'ai entendu, comme vous tous, chers collègues, les arguments des ministres nous disant : « Avec le CNE, il n'y a pas plus de conflits du travail, pas plus d'affaires portées devant les prud'hommes et pas plus de précarité ». Cela, nous l'avons tous entendu.
Rentrant chez moi l'autre nuit, je consulte la presse locale et je lis ce titre : « CNE : 23 embauches, 15 licenciements ». L'auteur de l'article s'explique : « En trois mois, le gérant d'une grande surface de Douarnenez a embauché vingt-trois personnes en contrat nouvelles embauches, puis licencié quinze d'entre elles dans des conditions plus que douteuses ». (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
C'est le journal qui le dit, mes chers collègues !
M. Christian Cambon. Si le journal le dit, alors !...
M. François Marc. Il s'agit du Télégramme de Brest et de l'Ouest qui n'est pas un journal révolutionnaire, que je sache !
Je lis un peu plus loin un témoignage édifiant, mes chers collègues : « "Un jour, j'ai commencé à 8 heures ; j'ai pris une pause déjeuner de trente minutes à midi pour finir à 4 heures du matin. Le lendemain, je recommençais pour une journée de dix heures", expliquait hier une salariée de vingt et un ans lors d'une conférence de presse. Elle était entourée de quatre autres personnes toujours salariées par le discounter. "J'avais effectué 232 heures mensuelles, au lieu des 130 mentionnées sur mon contrat."
M. Jean-Luc Mélenchon. Alors, voilà !
M. François Marc. La jeune fille sera remerciée quelques jours plus tard, après avoir demandé que lui soient réglées les heures supplémentaires effectuées. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
M. François Marc. Je termine la lecture de ce témoignage : « Par contre, j'ai été virée brutalement : un jeudi à midi, on m'a annoncé que ce n'était pas la peine de revenir l'après-midi. J'ai reçu ma lettre de licenciement deux jours plus tard », ce qui est parfaitement illégal bien sûr. En l'espace de deux mois, cette société a conclu vingt-trois CNE, qui ont débouché sur quinze licenciements et deux démissions. Voilà, mes chers collègues, un exemple tout à fait concret de ce qu'est aujourd'hui le CNE dans notre pays. On pourrait d'ailleurs tirer d'autres exemples de ce genre de la presse de ces derniers jours. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je ne m'attarderai pas sur ces exemples, mais ils illustrent parfaitement la situation et expliquent la crainte que l'on peut aujourd'hui ressentir face au CPE, qui va élargir encore le champ d'expérimentation du CNE.
Je termine par la dernière phrase du témoignage, qui est importante. Jean-Pierre Sueur parlait tout à l'heure de la psychologie des jeunes et des travailleurs. Que dit cette jeune fille de vingt et un ans, à l'issue de cette expérience : « Ce n'est même pas un contrat, ça ne sert à rien. »
Voilà mes chers collègues ce que l'on offre aujourd'hui à la jeunesse de ce pays : à vingt et un ans, on offre un bout de papier qui ne vaut rien et des conditions de travail tout à fait inadmissibles !
Mme Raymonde Le Texier. C'est proprement scandaleux !
M. François Marc. Le Gouvernement nous disait ces dernières semaines qu'il s'inspirait de la « flexsécurité » instituée dans les pays d'Europe du Nord.
Je peux vous dire, à la lumière de ce qui se passe ici, que nous nous situons aux antipodes de cette expérimentation nordique : car on peut apporter de la souplesse, si on le croit indispensable, mais le préalable nécessaire - et c'est ce qui a été fait en Europe du Nord - consiste à garantir la sécurité à tous ces jeunes, à les placer dans une situation où ils n'auront pas à craindre l'avenir et pourront s'insérer dans des dispositifs qui leur permettront de suivre un apprentissage, de trouver un métier et de s'en sortir convenablement. C'est précisément tout ce que ce projet ne fait pas.
Il faut donc contester avec la plus grande véhémence la filiation prétendue qui est aujourd'hui invoquée : il n'existe absolument aucun lien entre ce projet de loi et l'expérimentation menée en Europe du Nord. Il faut le dire avec la plus grande fermeté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Gisèle Printz. Bravo !
M. François Marc. Voilà, mes chers collègues, ce qui explique notre opposition au CPE. Nous avons totalement raison de nous opposer à l'élargissement du dispositif du CNE et à la mise en place du CPE, au regard des attentes de la jeunesse et de l'inquiétude majeure qui s'exprime aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l'article.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre délégué, vous justifiez la création du CPE - après le CNE, comme vient de la rappeler mon collègue François Marc - par la nécessité impérative de créer des emplois pour les jeunes.
Mais comment créer des emplois sans croissance ? C'est la question de fond qui vous est posée depuis que vous êtes aux responsabilités. En 2005, le taux de croissance s'est élevé à 1,4 %. En 2006, l'ensemble des indicateurs macroéconomiques ne laissent rien augurer de bon. Nous savons du reste que la loi de finances pour 2006 que vous nous avez soumise est insincère à ce titre. En réalité, vous savez bien que, pour avoir une bonne politique de l'emploi, il faut une bonne politique économique.
Or, depuis quatre ans que vous êtes aux responsabilités, vous n'avez jamais su adopter de cap économique. J'en veux pour preuve le rebond de croissance dont vous avez bénéficié en 2004 : il a été gaspillé dans des baisses d'impôts improductives, inefficaces et injustes.
Comme mon collègue Roland Courteau l'a rappelé tout à l'heure, le gouvernement de Lionel Jospin, et la bonne politique et budgétaire de son ministre de l'économie et des finances de l'époque, avaient permis, avec la croissance, une création nette de deux millions d'emplois, du jamais vu dans l'économie française, même au temps des trente glorieuses.
Bien sûr, la croissance ne se décrète pas mais, au moins, elle s'organise. En 1997, quand nous avions créé les emplois-jeunes, que vous avez supprimés, c'était autant pour mettre aux jeunes le pied à l'étrier, impératif social qu'il nous était demandé de respecter, que pour donner à l'appareil productif de notre pays des signes de confiance.
Ce signe de confiance, vous n'avez jamais su le donner à la société. Or, vous savez bien que, sans confiance, il n'y a pas de croissance ni de création nette d'emplois.
Votre gouvernement multiplie les coups de force, les zigzags. Le dernier en date, qui offre Gaz de France sur un plateau d'argent à Suez, répond à une logique purement financière et n'obéit à aucune logique industrielle !
C'est tout simplement du patriotisme antiéconomique !
M. Jackie Pierre. Oh !
Mme Nicole Bricq. Il est bien tard, mes chers collègues de la majorité, pour que vous restauriez la confiance. Au contraire, vous multipliez les signes de défiance et les sources d'insécurité. Le CPE en est une, parmi les plus graves. C'est impitoyable pour les jeunes, c'est dur pour les Français, et c'est triste pour la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Gouvernement veut nous « vendre » le CPE - surtout le Premier ministre, qui s'est particulièrement illustré jusqu'ici pour le défendre, même si nous n'avons pas eu l'honneur de le voir au Sénat - en s'appuyant sur les succès du CNE, voté par votre majorité il n'y a pas si longtemps, monsieur le ministre délégué. Vous nous avez dit immédiatement qu'il était à la source d'une augmentation du nombre d'emplois de 280 000.
Nous avons eu l'occasion de vous dire combien ce chiffre paraissait suspect. D'abord, parce que, dans le même temps, 87 000 emplois industriels avaient disparu ; dans le même temps, les ressources de l'UNEDIC baissaient ; dans le même temps, enfin, le nombre de RMIstes croissait de façon assez inquiétante.
J'ajoute que les services de l'État, l'INSEE et la DARES, que vous avez d'ailleurs réprimandés, nous disent qu'il n'y aura finalement que 70 000 créations d'emplois grâce au CNE.
Pour autant, vous ne voulez pas démordre de vos positions, et, même si les résultats ne sont pas probants, vous affirmez que, en tout état de cause, ce qui permet aux entreprises d'embaucher, c'est plus de facilité pour licencier. Vous ajoutez, bien entendu, tant cette affirmation semble suspecte, que les patrons ne licencient pas par plaisir et qu'ils garderont, sauf exception, ceux qu'ils auront embauchés grâce à la facilité que leur donne le Gouvernement.
Donc, avant même d'avoir bien analysé ce qu'il en était de votre CNE, vous vous êtes précipité pour déposer un amendement « CPE » à ce projet de loi sur l'égalité des chances. Vous comprendrez que nous n'apprécions guère la méthode utilisée !
Nous n'avions pas beaucoup de recul, c'est un fait. Or, depuis quelques jours, les premiers résultats tangibles - si je puis dire - des embauches CNE nous parviennent. Ils ne doivent rien à la médisance de la presse qui, contrairement à ce que vous semblez dire, se contente de les relater. Ils nous remontent tout simplement des organisations syndicales saisies par les salariés licenciés, qui pensent, à juste titre, avoir des droits à faire valoir, puisque, jusqu'ici en tout cas, tout licencié pouvait saisir la justice, pour abus de pouvoir.
Ainsi, selon des informations transmises par la CGT, sur vingt-trois personnes embauchées à la fin de l'année à Douarnenez, quatorze ont déjà été licenciées. La CFDT nous a également appris qu'elle recevait en moyenne cinq CNE chaque semaine à sa permanence juridique - je ne compte donc pas les salariés qui consultent d'autres permanences -, ces personnes ayant déjà été licenciées après avoir été embauchées sous CNE au mois de décembre !
Les organisations ont donc, à juste raison, conclu que le CNE avait été un effet d'aubaine pour des recrutements de fin d'année - avec les fêtes, le commerce a besoin de recruter - et que c'en était déjà fini du succès du CNE.
Les salariés licenciés s'adressent aux prud'hommes, ce qui est légitime, vous ne le contestez pas. Mais ne nous y trompons pas : l'affaire qui a donné lieu au jugement des prud'hommes de Longjumeau est vraiment caractéristique d'un abus de pouvoir puisque le CDI sous lequel la personne avait été embauchée s'est transformé, après un tour de passe-passe, en CNE. En revanche, il y a fort à parier que, sur les motifs du licenciement, la justice n'aura pas grand-chose à dire puisque les licenciements n'ont pas à être motivés.
Bien sûr, les recours indisposent le patronat, qui, de toute façon, est indisposé dès qu'il est mis un tant soit peu en cause, et a déjà fait savoir - quelle noblesse ! - qu'au fond il ne voulait pas du CNE et qu'il jugeait inutile de stigmatiser les jeunes. Ce n'est pas joli de stigmatiser les jeunes ! Ce que veut le patronat, et il vous le dit sur tous les tons, c'est un contrat unique qui permette de licencier tout le monde. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) D'ailleurs, il a proposé un nouveau contrat de travail, qui serait un contrat de mission de dix-huit mois, au-delà duquel on pourrait se débarrasser du salarié.
Il y a donc fort à parier que, très rapidement, le Parlement sera saisi d'autres dispositions afin de répondre à la demande du patronat. D'ailleurs, le contrat senior est déjà en préparation, et je ne doute pas que le Parlement sera bientôt saisi d'un contrat de mission quelconque qui permettra de généraliser la précarité face au licenciement.
Nous avons donc bien raison de soutenir que votre préoccupation n'est pas de créer des emplois ou de sécuriser l'emploi pour plus de mobilité professionnelle, laquelle est sans doute nécessaire. Mais sécuriser l'emploi exige de prendre bien d'autres dispositions. Non, il ne s'agit pas de cela ici ; il s'agit de répondre aux souhaits du patronat.
En tout état de cause, monsieur le ministre délégué, compte tenu de ce que nous constatons aujourd'hui, de l'insuccès du CNE - si certains avaient été tentés de vous croire, ils savent aujourd'hui à quoi s'en tenir -, de grâce, retirez le CPE, retirez l'amendement que vous avez déposé à l'article 3 bis et dont personne ne veut ! Vous pouvez encore le faire aujourd'hui, et ce serait très bien. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher, ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis plus de vingt ans maintenant, notre pays s'est en fait habitué à vivre avec un chômage de masse.
Mme Hélène Luc. Non, nous ne nous habituons pas du tout !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous avons une première particularité : si notre taux d'activité entre vingt-six et cinquante ans est parmi les meilleurs des pays de l'OCDE, passé cinquante ans, la situation se dégrade au point que nous nous plaçons parmi les derniers pays de l'OCDE en termes de taux d'activité des plus de cinquante-cinq ans
Mme Nicole Bricq. À qui la faute ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ce taux d'inactivité, madame Bricq, était encore plus bas entre 1997 et 2001 !
M. David Assouline. Incroyable !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Une autre particularité française concerne le taux d'activité des jeunes, qui, depuis vingt-cinq ans, éprouvent de grandes difficultés à entrer dans la vie professionnelle. C'est une réalité que chacun doit admettre.
Le taux de chômage des jeunes est, en France, depuis plus de vingt ans, 2,2 fois plus élevé que le taux de chômage moyen national. Même avec une croissance forte, lorsque le taux de chômage était de 8,6 % au début de 2001, le taux de chômage des jeunes avoisinait 18 %. L'écart est beaucoup plus marqué que dans d'autres pays européens. Ainsi, en Allemagne, qui connaît pourtant un chômage élevé, le taux de chômage des seize à vingt-six ans est à peu près identique au taux de chômage global, même quand ce dernier est de 10,80 ou 11 %.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'Allemagne compte beaucoup moins de jeunes que la France !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. La même observation peut être faite pour les Pays-Bas ou l'Irlande.
Troisième particularité, le parcours d'insertion professionnelle des jeunes est chaotique. Aujourd'hui, 70 % des jeunes entrent dans l'emploi par le contrat à durée déterminée ou par l'intérim. La moitié des CDD dure moins d'un mois ; les périodes d'intérim durent en moyenne quinze jours.
Au cours des trois années qui suivent leur sortie du système éducatif, la moitié des jeunes vont connaître une période de chômage ; 30 % d'entre eux seront au chômage pendant plus de six mois. La situation des moins qualifiés est plus grave encore, ce sont des chiffres terribles, dont chacun doit assumer la réalité : 150 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans aucun diplôme, dont 60 000 sans aucune qualification.
La France est le pays d'Europe où la vulnérabilité des jeunes sur le marché de l'emploi est la plus élevée et le risque de chômage est le plus grand.
S'agissant de la protection sociale, quand plus de 55 % des jeunes inscrits à l'ANPE ne reçoivent pas d'allocations chômage parce qu'ils n'ont pas totalisé les six mois de travail nécessaires pour commencer à accumuler des droits, on ne peut pas dire que leur régime soit comparable à celui des chômeurs qui ont entre vingt-six et cinquante ans.
M. Sueur a tout à l'heure évoqué le cas, dont on parle assez peu, des jeunes des 750 quartiers visés par le rapport Fauroux. Pardonnez-moi, mais voilà des jeunes qui, eux, ne sont pas inscrits en fac parallèlement ! Les enquêtes révèlent que ces jeunes-là connaissent un taux de chômage de plus de 36 % pour les garçons et de près de 41 % pour les filles.
M. Roger Madec. C'est n'importe quoi !
M. David Assouline. Cela ne justifie pas le CPE !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Et encore le rapport Fauroux ne rend-il sans doute compte que de manière insuffisante de la réalité d'un certain nombre de jeunes de ces quartiers, qui passent au travers des mailles de tous les filets, qu'il s'agisse des missions locales, des associations ou du service public de l'emploi.
C'est un vrai sujet, sur lequel nous avons engagé, depuis le mois de novembre dernier, une action résolue. Cela me conduira à faire quelques observations sur le bilan que j'ai établi la semaine dernière.
Pour les jeunes, la réalité, aujourd'hui, c'est la précarité. Dire que nos propositions vont amener la précarité, c'est nier que la précarité est aujourd'hui la réalité.
M. Jean-Pierre Bel. Vous la généralisez !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Cette précarité par rapport à l'emploi entraîne - Mme Tasca a évoqué ce point tout à l'heure - des difficultés pour s'assumer dans sa vie personnelle, pour accéder au logement, pour « décohabiter ».
Cette préoccupation nous a conduits à proposer la création de 20 000 places dans les foyers de jeunes travailleurs en dehors du dispositif LOCA-PASS, car, là aussi, le constat est terrible.
D'autres pays européens ont ouvert la voie. En dix ans, le taux de chômage des jeunes a baissé de vingt points en Espagne, qui était la lanterne rouge de l'Europe, de plus de quinze points en Irlande, de sept points en Italie. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Je ne dis pas qu'il faille nous calquer sur leur modèle, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. David Assouline. Surtout en ce qui concerne l'Irlande !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ces exemples prouvent simplement qu'il est possible de rompre avec la fatalité d'un taux de chômage plus de deux fois supérieur à la moyenne nationale.
Nous avons décidé de changer la donne, ...
Mme Nicole Bricq. Eh bien, il y a maldonne !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... de mettre en place des mesures spécifiques pour répondre aux problèmes des jeunes, pour mettre un terme à leur « galère ».
Au nombre de ces mesures concrètes figure tout d'abord le renforcement de l'accompagnement des jeunes demandeurs d'emploi. Nous avons par ailleurs prévu la mise en place d'un service public de l'orientation.
Cette orientation des jeunes ne doit pas intervenir seulement à l'âge de quatorze ans, ou lors de l'entrée à l'université. Elle implique un accompagnement tout au long de la carrière professionnelle.
Au rang de ces mesures concrètes figure également la relance de l'apprentissage et de l'alternance, notamment à partir de la négociation des partenaires sociaux autour du contrat de professionnalisation.
Monsieur Bel, je reviendrai sur ce sujet, car votre proposition ressemble singulièrement au contrat de professionnalisation. Toutefois, elle ménage considérablement les OPCA, les organismes paritaires collecteurs agréés, c'est-à-dire, en définitive, les entreprises, ce qui me paraît assez paradoxal compte tenu de la part que doivent prendre les entreprises dans la professionnalisation des jeunes.
Nous avons également prévu l'extension du contrat jeunes en entreprise aux jeunes les plus en difficulté.
En effet, depuis la fin de novembre 2005, ainsi que le Premier ministre l'avait annoncé à l'occasion d'une réunion exceptionnelle à Saint-Denis entre les agences locales de l'emploi des 750 quartiers recensés et les missions locales, nous avons incité les jeunes des zones urbaines sensibles, par l'intermédiaire des missions locales, des associations du service public de l'emploi et de tous les relais existants, à s'inscrire à l'Agence nationale pour l'emploi.
En effet, dans ces quartiers, de nombreux jeunes, qui ne sont pas inscrits à l'Agence nationale pour l'emploi, passent, je le disais, au travers des mailles de tous les filets. Ces jeunes, que l'on retrouve parfois à vingt-six ans dans des dispositifs tels que le RMI, n'ont jamais envoyé de signaux, entre la journée d'appel de préparation à la défense et leur vingt-sixième anniversaire, et n'ont donc jamais été repérés. (M. Michel Mercier acquiesce.).
L'une de nos préoccupations est de savoir comment nous pouvons faire fonctionner ce filet de sécurité de la connaissance, du repérage. C'est pour nous un sujet essentiel.
Enfin, la dernière de ces mesures pragmatiques est l'encadrement des stages, sur laquelle nous reviendrons au cours du débat.
Nous avons ainsi prévu l'obligation de rémunération des stages de plus de trois mois, la prise en compte du stage comme élément de formation et l'instauration d'une charte des bonnes pratiques. Au-delà de cette charte, sans doute est-il nécessaire de prévoir une convention engageant à la fois le jeune en stage, le salarié, mais aussi la grande école ou l'université, où nous voyons parfois très peu d'accompagnement du jeune placé en stage.
Nous devons donc permettre aux jeunes d'entrer dans l'emploi à durée indéterminée après une phase de consolidation, sujet sur lequel je reviendrai également. La période de consolidation est en effet visée par l'article 2 de la convention 158 de l'OIT. C'est d'ailleurs l'une des propositions du rapport de M. Proglio.
Aujourd'hui, seule une minorité de jeunes ont cette possibilité, et le CPE-CDI ne changera rien pour eux, puisqu'ils n'ont pas de difficulté.
L'égalité des chances dont nous parlons concerne non pas les ingénieurs sortant des grandes écoles qui, eux, ont déjà eu leur part de chance (exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), mais tous ces autres jeunes qui parfois ne figurent même pas dans nos statistiques - souvenez-vous du débat sur le plan de cohésion sociale - et dont le taux de chômage, mesuré par sondage, est supérieur à 55 % dans certains quartiers.
Le CPE est un contrat de travail qui a vocation à se pérenniser.
M. Guy Fischer. Ah bon ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Lorsqu'un chef d'entreprise recrute un jeune et mise sur lui, c'est bien pour le garder et non pas pour le licencier ou abuser de ses droits.
Mme Nicole Bricq. Les chefs d'entreprise n'avaient pas besoin de cela pour le faire...
M. Gérard Larcher, ministre délégué. C'est vrai, dieu merci, pour l'immense majorité des chefs d'entreprise, ainsi que Mme Gauthier l'a d'ailleurs parfaitement expliqué lors de la discussion générale.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le CPE garantit à ses bénéficiaires des droits identiques à ceux des autres salariés de l'entreprise : c'est notamment le cas pour la durée du travail, pour les conditions de travail et pour le salaire. Vous aviez, monsieur Cambon, lors de la discussion générale, insisté sur ce point.
Les règles relatives à la rémunération sont strictement identiques à celles qui s'appliquent pour les salariés de l'entreprise, et c'est sans doute en quoi notre système diffère des systèmes adoptés par l'Irlande, l'Italie ou la Grande-Bretagne. Nous n'instaurons pas trois SMIC en fonction de l'âge,...
M. Josselin de Rohan. C'est Aubry qui fait des SMIC !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...mais nous garantissons aux salariés des conditions de rémunération conventionnelles, la phase de consolidation, seule, dérogeant pour partie au droit commun du licenciement.
Pour autant, il ne s'agit pas d'une période d'essai : elle s'en distingue juridiquement.
M. Roland Muzeau. C'est un autre truc !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. La période de consolidation n'est pas une période d'essai, d'abord, parce qu'elle est assortie d'un préavis et d'une indemnité de rupture.
Les possibilités de rupture pendant cette phase de consolidation, même simplifiées, sont encadrées.
Mme Hélène Luc. Heureusement !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Un jeune ne peut pas être licencié à tout moment, dans n'importe quelles conditions : le préavis croît avec l'ancienneté ; les indemnités de rupture sont supérieures au droit commun du CDI ; aucune rupture ne pourra être discrétionnaire ;...
Mme Hélène Luc. On verra !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... la marge d'appréciation donnée à l'employeur reste encadrée par l'ordre public social ; les règles de procédure concernant les licenciements disciplinaires et les licenciements des salariés protégés s'appliquent ; il n'existe aucune dérogation aux garanties essentielles en matière de protection, notamment des femmes enceintes, de libertés individuelles des salariés, ou de discrimination.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Personne n'y croit !
M. David Assouline. Sur qui pèse la charge de la preuve ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Donc, pour répondre à Mme Voynet, ce n'est ni un pari, ni une aubaine, ni une loterie.
Le premier jugement rendu par un conseil de prud'hommes sur le sujet montre d'ailleurs bien que le CNE n'est pas la zone de non-droit social que d'aucuns voudraient y voir, notamment sur les travées de la gauche sénatoriale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas qu'on veuille le voir : on vous l'a démontré tout à l'heure.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Les comportements abusifs seront, comme nous l'avons toujours dit, sanctionnés et les droits des salariés, assurés.
M. David Assouline. Il y aura des arrangements ...
M. Gérard Larcher, ministre délégué. En matière de garanties, je vous renvoie, monsieur Mercier, à notre débat sur la flexibilité, la sécurisation et la sécurité.
Le CPE prévoit, outre un droit individuel à la formation, mobilisable dès le premier mois, et non pas, comme les autres contrats, à la fin de la première année, une indemnité de cessation de contrat de 8 %, totalement exonérée de charges salariales, qui équivaut exactement au droit garanti par le CDD qui, lui, est « chargé » ; ce serait une erreur que d'affirmer le contraire.
Il prévoit non seulement des actions d'accompagnement renforcées en vue du retour à l'emploi, financées par une contribution de l'employeur de 2 % , une allocation spécifique de chômage de deux mois à partir du quatrième mois, mais aussi une réduction possible de la période de consolidation de deux ans, par la déduction de la durée des formations en alternance : les contrats d'apprentissage, d'une durée moyenne d'un an, les contrats de professionnalisation d'une durée moyenne de onze mois, de même que les stages et l'intérim en entreprise. Toutes ces formules de formation, au même titre que les CDD, seront prises en considération.
J'en arrive au dispositif LOCA-PASS, dont Jean-Louis Borloo négocie actuellement les conclusions, car nous sommes particulièrement conscients de l'importance de la difficulté que rencontrent les jeunes pour accéder au logement.
Le « 1 % logement » prévoyant une garantie de loyer et un étalement de caution, nous offre l'occasion d'une part d'étendre la garantie à toute la durée du bail, soit durant trois, six ou neuf ans, au lieu de la restreindre aux trois premières années, et, d'autre part, de faire passer la prise en charge des mensualités de dix-huit mois à vingt-quatre mois pour la « caler » sur la durée de l'éventuel contrat.
J'en profite pour dire que, l'an dernier, nous avons signé 180 000 LOCA-PASS et que le taux de sinistralité correspondant à ce type de contrat est inférieur au taux de sinistralité du secteur libre. Ce constat, qui prouve que la confiance existe et que le taux de risque est relativement faible, nous permet aujourd'hui d'améliorer les conditions assurantielles du LOCA-PASS.
Par ailleurs, je voudrais préciser que tout jeune accédant à l'emploi par le CPE-CDI sera accompagné, dès lors que le service de l'emploi le jugera nécessaire, pendant une période de deux mois, de trois mois, de quatre mois s'il le faut, car le problème est effectivement le taux de rupture. Avec des jeunes qui sortent du système scolaire après avoir connu des difficultés et qui trouvent un contrat d'apprentissage, les taux de rupture - nous avions évoqué ce point avec M. Godefroy - peuvent atteindre 40 %, voire 50 %.
Il est donc essentiel de faire baisser par l'accompagnement ce taux de rupture entre les jeunes et l'entreprise, quelle que soit la taille de cette dernière, ce taux de rejet en quelque sorte...
M. David Assouline. Par l'employeur !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Pardonnez-moi, monsieur Assouline, mais les choses ne sont pas aussi simples : il n'y a pas, d'un côté, les méchants employeurs et, de l'autre, les salariés victimes!
M. David Assouline. Je parlais du contrat : ne mélangez pas tout !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. La rupture est la manifestation d'une inadéquation dont chacun porte sa part de responsabilité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand même...
M. Gérard Larcher, ministre délégué. M. Godefroy sait bien d'ailleurs que ce point figure dans l'un des contrats d'objectifs et de moyens que nous avons signés avec vingt et une des vingt-deux régions métropolitaines.
Enfin, monsieur le président, parce que c'est un moment important du débat, je souhaiterais, comme le président de la commission des affaires sociales et le rapporteur, prendre du temps pour répondre aux orateurs.
Tout d'abord, monsieur Mercier, je souhaiterais vous rappeler que l'article portant sur le contrat première embauche a été largement et longuement débattu à l'Assemblée nationale et qu'il a fait l'objet d'un vote. Je peux vous dire, pour avoir contribué à animer les débats pendant quarante-trois heures trente, que nous en avons longuement discuté !
M. Michel Mercier. Vous vous êtes entraîné !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ensuite, concernant le dialogue social, je voudrais souligner combien il est difficile d'aborder la question des jeunes. Michel Rocard, parlant il est vrai des retraites, estimait qu'il fallait du courage à un gouvernement pour s'emparer de certains sujets.
M. Roland Courteau. Ce n'est pas comparable !
M. Roland Muzeau. Nous l'avons eu, ce courage !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. C'est également vrai de la jeunesse, qui semble un sujet tabou : les problèmes sociaux des seniors bouleversent moins, car, même s'ils sont graves, les dispositifs de préretraite « maison », l'allocation spéciale du Fonds national de l'emploi, l'allocation de solidarité spécifique et autres, font qu'ils sont moins difficiles à appréhender pour notre société.
En revanche, parler du problème des jeunes exige une bonne dose de courage. Quand, le 30 juin 2004, Jean-Louis Borloo et moi-même avons demandé aux partenaires sociaux de parler de la situation au travail des jeunes comme de celle des seniors, certaines questions étant intergénérationnelles - il n'y a pas, d'un côté, le problème des jeunes et, de l'autre, celui des seniors, mais une conception globale de l'activité et de la solidarité intergénérationnelle dans notre société - je dois dire que nous avons rencontré un succès modéré.
Le Premier ministre est particulièrement attentif au dialogue social et, d'ailleurs, le 12 décembre, venu en personne devant la Commission nationale de la négociation collective, il a déclaré qu'il nous fallait aujourd'hui, entre les temps économiques et les temps du dialogue social, trouver le bon rythme. Il a donc chargé Jean-Dominique Chertier de lui remettre un rapport sur le dialogue social, en amont des décisions, rapport dont le contenu sera connu à la fin du mois de mars.
Enfin, concernant le droit, il convient de se rappeler que, chaque année, plus de 100 000 dossiers relatifs à des ruptures de CDD ou de CDI sont pendants devant les conseils de prud'hommes, ce qui signifie que le CDI n'est pas une espèce de garantie généralisée.
Je ne m'attarderai pas, monsieur Bel, sur le contentieux devant les prud'hommes, préférant, puisque vous avez soulevé la question, vous répondre en quelques mots sur le nombre de contrats.
Pour comparer ce qui est comparable, étant précisé que je parle de contrats portant affiliation à l'UNEDIC, c'est-à-dire de contrats en secteur marchand, il faut savoir qu'il y avait, au troisième trimestre 2001, 15 734 300 contrats et que, à la fin du troisième trimestre 2005, on en dénombrait 15 982 900, soit 250 000 de plus.
Si la période a été moins faste en termes de création, ces chiffres qui émanent de l'UNEDIC attestent que nous n'avons pas régressé.
J'aurai l'occasion, au cours du débat, de comparer le contrat de professionnalisation et la proposition de contrat sécurité formation, que vous avez évoquée. Vous pourrez ainsi constater qu'un certain nombre de redécouvertes valent bien une première découverte et la mise en oeuvre du contrat de professionnalisation.
Je voulais remercier Mme Procaccia d'avoir fait justice d'un certain nombre de contrevérités touchant aux droits nouveaux et à la sécurisation des parcours.
Monsieur Muzeau, je vous ai répondu à la fois sur le droit syndical et sur l'indemnité de fin de CPE, qui est identique à celle du CDD.
Pour sa part, M. Fischer a évoqué la règle des 33 % : si nous obtenons un tel pourcentage d'emplois nouveaux réellement créés, monsieur Fischer, je ne ferai pas la fine bouche !
Je répondrai à Mme Le Texier, et par là même à Mme Tasca, sur un sujet tout à fait essentiel, celui du logement des jeunes, en évoquant le rapport que m'a adressé l'Union des foyers de jeunes travailleurs. Il en ressort que 13,5 % de l'ensemble des jeunes logés dans ces foyers travaillent en CDI à plein temps. Croire que c'est une situation de rêve...
Mme Hélène Luc. Personne n'a jamais dit cela !
M. Gérard Larcher, ministre délégué... est une illusion : c'est la galère, et nous entendons y mettre un terme!
J'ai parlé du LOCA-PASS, mais il faut savoir qu'entre 1995 et 2004 le nombre de places en foyers de jeunes travailleurs a diminué : nous en comptons aujourd'hui 40 000, contre 50 000 en 1995.
L'objectif que nous fixe le Premier ministre pour 2006 et 2007 est d'augmenter ce parc. Certes, un certain nombre de foyers ont été modernisés,...
Mme Hélène Luc. Certains ont été construits par les régions et les départements !
M. Gérard Larcher, ministre délégué... mais le logement des apprentis dépend lui aussi de l'effort exceptionnel consenti pour le logement des jeunes. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre nous a confié, à Jean-Louis Borloo et à moi-même, le soin de signer cette année une convention ayant pour objectif de créer 20 000 places supplémentaires en foyers de jeunes travailleurs.
M. Guy Fischer. Personne n'en veut !
M. Roland Muzeau. À droite !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ce n'est pas exact ! Pour avoir visité un certain nombre de ces foyers, je peux vous dire qu'il faut rendre hommage à l'accompagnement qui y est assuré : l'image simpliste que vous en donnez ne correspond pas à la réalité !
J'ai évoqué, madame Tasca, la consolidation. Monsieur Sueur, je veux vous indiquer que notre démarche est bien fondée sur la confiance.
Monsieur Godefroy, les jeunes attendent non plus des paroles - il n'y en a eu que trop depuis vingt ans - mais bien des actes et une nouvelle chance.
En droit, aux termes de la convention n° 158 de l'OIT, la notion de qualifying period correspond bien à la phase de consolidation, notion que le Conseil d'État a d'ailleurs validée en ce qui concerne le CPE.
Il est vrai, monsieur Assouline, que le modèle de Boulogne-Billancourt n'est plus celui d'aujourd'hui ! À nous d'inventer un nouveau modèle social, adapté à la fois aux réalités du marché du travail et à la sécurisation du parcours professionnel tout au long de la vie.
M. Roland Muzeau. Alors, que faites-vous avec le CPE ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Or c'est la majorité actuelle qui a sans doute réalisé le plus grand progrès pour la sécurisation des parcours professionnels avec le droit individuel à la formation ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Vous pouvez protester, c'est la réalité !
Mme Catherine Tasca. Comment justifiez-vous la suppression du motif ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Mme Voynet a évoqué l'alternance. En fixant des seuils de 1 %, 2 % et 3 % pour les entreprises de plus de 250 salariés, nous demandons aux entreprises - qui avait osé le faire ? - de participer à la formation et à l'entrée dans l'emploi des jeunes. Par cette mesure, nous compterons, en 2009, plus de 700 000 jeunes en formation soit en contrat d'apprentissage, soit en contrat de professionnalisation. C'est probablement la meilleure garantie qui puisse être apportée.
Je rappellerai simplement à M. Mélenchon, qui n'est plus là,...
Mme Hélène Luc. Mme Procaccia est également partie, mais vous ne l'avez pas fait remarquer !
M. Roland Muzeau. Cela manque d'élégance !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...quelques données en matière de chômage. Ainsi, trois ans après leur sortie du système éducatif, parmi la génération 2001, 39 % des jeunes non qualifiés étaient chômeurs, contre 14 % des titulaires d'un CAP ou d'un BEP, et 9 % des diplômés de troisième cycle ou des grandes écoles.
Voilà pourquoi le combat pour la professionnalisation est le bon, et c'est celui que nous engageons ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Monsieur Marc, je pense vous avoir en partie répondu sur le CNE.
Mme Catherine Tasca. Une question demeure : comment justifiez-vous la suppression du motif ?
M. le président. Madame Tasca, je vous en prie ! Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous en reparlerons, madame Tasca. !
Enfin, la démonstration de Mme Le Texier selon laquelle il y avait peu de chômage chez les jeunes m'a paru singulièrement paradoxale et ne correspond pas à la réalité ; j'aurai l'occasion d'y revenir. Depuis vingt-cinq ans, malheureusement, le taux de chômage chez les jeunes de seize à vingt-six ans est assez dramatique,...
M. Alain Gournac, rapporteur. Dramatique !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...mettant en cause la cohésion sociale et la solidarité entre les générations dans notre pays.
M. Josselin de Rohan. Bien sûr !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d'excuser la longueur de mon propos, mais l'enjeu est majeur et je voulais, au nom du Gouvernement, répondre aussi précisément que possible aux questions des orateurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Dix-huit orateurs se sont exprimés sur l'article, dont seize émanant des groupes de la gauche de la Haute Assemblée, et deux seulement de la majorité. Nos collègues doivent être satisfaits. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Nous allons aborder l'examen des amendements.
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 146 rectifié est présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mme Cerisier-ben Guiga, M. C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mme Tasca, M. Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 273 rectifié est présenté par MM. Delfau, A. Boyer, Baylet, Collin, Fortassin, Alfonsi et Vendasi.
L'amendement n° 440 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
L'amendement n° 648 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 146 rectifié.
Mme Raymonde Le Texier. Dans la grande bataille qui est au coeur de la mondialisation, entre ceux qui veulent réduire les protections des salariés et ceux qui veulent les ajuster et les renforcer, vous avez choisi votre camp. Vous avez choisi de vous en prendre au coût du travail, à la durée du travail, à la protection et à la représentation du travail, s'agissant notamment des salariés de moins de vingt-six ans, qui ne comptent plus dans le calcul des seuils déterminant la représentation du personnel. La ligne de clivage qui nous sépare intrinsèquement justifie l'opposition de fond qui nous mobilise aujourd'hui.
Si nous devions vous suivre, la réponse, paradoxale, qu'il serait juste d'apporter à la précarisation des conditions de vie serait une précarisation accentuée des conditions de travail, et la meilleure façon, non moins paradoxale, de favoriser l'entrée des jeunes les plus fragiles dans l'entreprise serait justement d'en faciliter l'exclusion.
C'est une politique qui réduit consciencieusement, concrètement, les droits des salariés, la place de la négociation collective et la portée de la norme sociale. Et c'est bien dans ce cadre et sous cet éclairage qu'il faut examiner le CNE comme le CPE, que l'on pourrait ainsi résumer en quelques mots : « moins de droits pour moins d'emplois », c'est-à-dire un recul pour les droits, mais sans le moindre progrès pour l'emploi. Voilà le slogan que nous pourrions attacher à la réforme que vous nous proposez !
S'il ne fait aucun doute que les résultats du CNE et les perspectives du CPE ont bien pour conséquence inéluctable de retirer aux salariés embauchés les protections que leur garantit aujourd'hui le code du travail, on peut en revanche exprimer les plus grandes réserves sur l'efficacité pour l'emploi de ces mesures.
Non seulement le passé ne plaide pas pour vous, non plus que votre bilan, et, de l'avis même de tous les économistes, les effets d'aubaine et de substitution seront massifs, mais, surtout, votre dispositif révèle une erreur de diagnostic, un vice de conception. Vous semblez persuadés que c'est le niveau de protection de l'emploi qui freine l'embauche, alors que celui-ci est en réalité la condition de la cohésion sociale et, par conséquent, de l'efficacité économique.
Le contrat première embauche ne peut être examiné indépendamment de la politique que vous avez conduite et qui vise à favoriser une dérégulation de plus en plus poussée du marché du travail.
C'est en effet un autre modèle social qui se dessine progressivement au travers des différentes législations que vous avez fait approuver par cette assemblée depuis quatre ans et, plus encore, depuis l'installation du gouvernement de M. de Villepin, selon une méthode aussi éprouvée que contestable.
Votre dernière initiative est de proposer aux jeunes de moins de vingt-six ans un véritable contrat disciplinaire puisque, pendant deux années, ils seront susceptibles d'être licenciés à tout moment et sans motif. Compte tenu du marché de l'emploi, des difficultés que rencontre tout un chacun pour trouver un travail, gageons que les jeunes recrutés en CPE ne s'autoriseront pas à réclamer le paiement de leurs heures supplémentaires et encore moins à prendre contact avec un syndicat, par crainte d'être licenciés !
M. Roland Courteau. C'est exact !
M. Christian Cambon. N'importe quoi !
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est pas défendre les jeunes, c'est les prendre pour des imbéciles !
Mme Raymonde Le Texier. Cette loi est censée être une réponse aux émeutes qui ont secoué nos banlieues ; gageons qu'elle sera source d'amertume plus que de promesse d'avenir.
Encouragés par le MEDEF, mois après mois, vous brûlez le code du travail, page après page. Nous refusons que les jeunes deviennent les otages de votre idéologie. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Delfau, pour présenter l'amendement n° 273 rectifié.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d'attention et je voudrais, partageant pour partie le constat du chômage des jeunes, que nous replacions ensemble ce débat dans le contexte national et dans l'histoire du droit social ; il le mérite !
L'initiative du Gouvernement en faveur du CPE à l'Assemblée nationale fut brutale : elle s'est passée, de la part du Premier ministre, de toute concertation avec les partenaires sociaux.
M. Roland Courteau. À la hussarde !
M. Gérard Delfau. Mais, après tout, le sujet est tellement grave que le Gouvernement peut, dans certains cas, tenter de forcer la route.
L'opinion publique, dès le départ, fut sceptique, mais elle est devenue progressivement très majoritairement défavorable, au point d'ailleurs que, selon les commentateurs politiques, elle reproche désormais au Premier ministre cette initiative et pressent que le contrat première embauche constitue un danger, un risque pour la nation.
Elle en mesure les conséquences prévisibles : la précarité ne sera pas supprimée, elle sera généralisée et légalisée, mais seulement pour les jeunes de moins de vingt-six ans. Il s'agit donc bien d'une discrimination à l'encontre de notre jeunesse et, bien évidemment, d'abord celle qui est issue des couches les plus pauvres de la nation.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Gérard Delfau. L'effet d'aubaine, que vous connaissez bien, monsieur Larcher, en tant que ministre délégué au travail, sera forcément généralisé. Il est même prévu, au sein de cet article, un alinéa extraordinaire aux termes duquel le même employeur pourra, au bout de trois mois, signer un nouveau CPE avec le même jeune !
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Roland Courteau. Un premier CPE, puis un deuxième CPE...
M. Gérard Delfau. C'est une incitation claire à ce que ce système remplace très rapidement le CDD et, surtout, le CDI. Manifestement, avec le CPE, une étape supplémentaire est franchie vers la disparition pure et simple du CDI.
Je lisais ces jours-ci dans la presse que l'Allemagne - qui s'était quelque peu moquée de nos débats sur le SMIC, voilà une quinzaine d'années, les partenaires sociaux estimant qu'ils n'avaient pas besoin de telles garanties pour assurer la cohésion sociale et l'efficacité économique - s'oriente désormais vers une forme de salaire minimum, reconnaissant justement la nécessité d'offrir une sécurité au salarié.
Telles sont les raisons pour lesquelles l'opinion publique est de plus en plus hostile. Elle sait que l'embauche dépend en premier lieu de la croissance, c'est-à-dire du climat créé par l'économie internationale et par la politique du Gouvernement.
L'opinion publique sait que le recrutement dépend aussi du niveau de qualification. Et l'Allemagne, que vous avez évoquée, se caractérise précisément par sa capacité à conduire ses jeunes à un haut niveau d'éducation générale, combinée avec un itinéraire de formation en alternance.
Voilà pourquoi, à la perplexité puis à l'hostilité de l'opinion publique s'ajoute de plus en plus - nous l'entendons murmurer dans nos circonscriptions - la réticence, pour ne pas dire l'inquiétude des chefs d'entreprise, qui craignent que votre projet ne dresse une partie de la jeunesse contre le monde de l'entreprise et que le résultat soit pire encore que la situation actuelle, dont nous vous accordons, hélas ! sans difficulté qu'elle n'est pas bonne et qu'il faut y remédier.
Voilà, monsieur le ministre, ce que je voulais dire sur le CPE, en insistant plus particulièrement sur un défaut majeur. La durée de consolidation - deux ans - en fait un contrat de « désembauche » à tout moment, sans motivation, soumis à l'arbitraire et à l'état d'esprit d'un chef d'entreprise qui n'aurait pas conscience de ce que représente sa mission dans la société d'aujourd'hui.
Comment accepter qu'un salarié, quel que soit son âge, puisse être licencié sans que soit motivée cette rupture du contrat de travail par l'employeur ?
Monsieur le ministre, je conclus d'une phrase : une société qui se défie de sa jeunesse est une société qui se ferme l'avenir. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.) Tel est le signal négatif que vous voulez donner à nos jeunes. C'est pourquoi les radicaux de gauche s'opposent à cet article et en demandent la suppression.
Nous devons reprendre posément, tranquillement, ce vrai sujet de débat afin de trouver des solutions plus respectueuses de nos jeunes et, dans le même temps, efficaces pour le marché du travail. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 440.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, j'ai été très attentive à vos explications. Permettez-moi de vous dire que le traitement discriminant porté par ce projet à l'encontre des jeunes me choque. En effet, proposer un contrat de travail précaire spécialement aux jeunes traduit une drôle de conception de la solidarité entre les générations.
Cette discrimination en fonction de l'âge va à l'encontre de ce que les jeunes sont en droit d'attendre en matière de cohésion sociale. Or ces jeunes ont le droit à la même considération que les autres salariés. Ils n'ont pas à être l'objet de votre mépris !
Ce projet de loi constitue un retour en arrière dramatique. Avec le contrat d'apprentissage, le Gouvernement tire un trait de facto sur le collège unique institué en France depuis 1975.
L'Assemblée nationale vient d'avaliser le travail de nuit pour les jeunes de quinze ans. Après le CNE, le CPE. Désormais, les employeurs ont les mains libres pour licencier sans motif.
Comme l'ont déjà dit nos collègues, ce dispositif contrevient à la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, qui date de 1982 et fut reconnue d'application directe par le Conseil d'État en 2005. C'est un retour à la toute-puissance de l'employeur.
Le rapport de force dans les entreprises, après vingt-cinq ans de chômage de masse, était déjà très défavorable aux salariés. Avec ce nouveau pas en avant, vous leur enlevez tout moyen de pression, tout moyen de défense. Vous leur laissez quelques droits, certes, mais sans aucun moyen de les défendre dans la pratique puisqu'ils sont entièrement soumis à l'arbitraire de leur patron.
Une autre norme internationale fondamentale est également bafouée en France aujourd'hui : la liberté de se syndiquer.
Un récent sondage de la SOFRES a révélé, en décembre dernier, que la première raison avancée par les personnes interrogées pour ne pas se syndiquer est, à 36 %, la peur des représailles. Avec le CPE, vous allez décupler cette crainte, à juste titre.
Ce que vous ne voyez pas, les patrons éclairés le voient très bien: Il faut du dialogue social, il faut des syndicats forts pour que les salariés puissent négocier. Or vous refusez cela !
Sans ces syndicats, les travailleurs plient, se courbent jusqu'à craquer. Le gouvernement auquel vous appartenez prépare aujourd'hui les explosions sociales de demain, minutieusement, loi après loi, d'ordonnances en 49-3.
C'est la raison pour laquelle votre contrat est tout à fait inacceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour présenter l'amendement n° 648.
Mme Hélène Luc. Par cet amendement nous voulons démontrer qu'il est indispensable de supprimer l'article 3 bis créant le contrat première embauche.
La population, les jeunes, leurs parents et les salariés n'acceptent pas ce dispositif ! Les jeunes ont déjà exprimé leur colère dans la rue à maintes reprises. Aujourd'hui, la faculté de Jussieu, proche du Sénat, est en grève, ainsi que celle de Nanterre.
Les jeunes ne veulent plus de votre « contrat de précarité de l'emploi », comme ils l'appellent, qui leur impose deux ans, voire davantage, de précarité.
En effet, rien ne semble s'opposer à ce qu'un jeune de moins de vingt-six ans puisse enchaîner plusieurs contrats première embauche dans des entreprises différentes. Par ailleurs, un employeur peut également embaucher en CPE un jeune ayant déjà travaillé dans l'entreprise. Des exemples d'abus du CNE ont été cités non seulement dans l'Humanité, mais également dans Le Parisien.
M. Alain Gournac, rapporteur. Le Parisien ? C'est une référence !
Mme Hélène Luc. Une première condamnation par les prud'hommes est déjà intervenue et, avec le CPE, ce sera pire ! Il y a manifestement un effet d'aubaine dont bon nombre d'entreprises sauront tirer profit au maximum, alors que vous tentez de faire croire que cette flexibilité qui leur est offerte aura pour contrepartie de nouvelles garanties accordées aux salariés.
Nous ne nous y trompons pas : vous entendez apporter à notre société une transformation majeure, à savoir diminuer le coût du travail grâce à la précarité.
Mme Parisot a dit sa conviction que les difficultés traversées par l'économie française résidaient dans le coût du travail jugé encore trop élevé par les patrons.
Vous allez achever de désespérer les jeunes au sujet de leur avenir. Vous ne proposez que du travail précaire à ceux qui ont des diplômes - bac + 3, bac + 4 -, des stages, l'apprentissage et le travail de nuit à ceux qui ont quatorze ans et qui sont en échec scolaire.
Comment pouvez-vous dire que le CPE constitue une nouvelle chance pour les jeunes en difficulté ? Si le Gouvernement et vous, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, aviez la volonté d'aider les jeunes à exercer un métier qu'ils ont choisi, d'obtenir un travail qu'ils pratiquent avec goût en ayant des garanties, en un mot, si vous aviez la volonté de motiver les jeunes pour l'innovation, vous lutteriez pour la réussite scolaire des garçons et des filles de notre pays jusqu'à seize ans, comme l'exige la loi !
Au lieu de cela, vous tablez sur l'échec scolaire pour mettre les jeunes en apprentissage et vous proposez une précarité humiliante à ceux d'entre eux qui ont obtenu des diplômes au prix d'un travail leur ayant imposé de lourds sacrifices.
Les syndicats, les associations, les familles, tout le monde sait que la précarité est responsable du développement de la pauvreté et que les femmes et les jeunes filles sont les plus touchées.
Aujourd'hui, on peut avoir un emploi et être pauvre. Or que faites-vous en instituant un tel dispositif, sinon accroître la précarité pour les jeunes ?
Ces jeunes iront grossir les rangs sans cesse plus fournis des nouveaux exclus, de ceux qui, malgré leur travail, dorment dans des foyers, quand ce n'est pas dans des voitures ou dans les locaux du marché international de Rungis - c'est le cas d'une femme seule et de ses trois enfants ! - parce que leur travail partiel et précaire, leurs stages abusifs, leurs intérims, leur ôtent toute possibilité de vivre normalement, dignement.
Ce système tue l'espoir, et une société qui tue l'espoir est condamnée ! Est-ce cela que vous voulez pour notre jeunesse ? C'est une véritable condamnation ! Pas de logement, pas de ressources fixes : comment penser à créer une famille ? Comment peut-on s'insérer dans la société sans la moindre projection dans un avenir meilleur ? C'est l'angoisse permanente !
Prenons le droit fondamental du logement. Quelle régie acceptera de louer un logement à une personne pouvant être licenciée du jour au lendemain ? Qui acceptera de consentir un prêt à un couple en double précarité ?
Mme Procaccia parlait tout à l'heure des prêts de banques. Peut-elle me citer le nom de banques à Vincennes qui accepteraient de consentir des prêts à des jeunes ?
M. Christian Cambon. Oui, et plusieurs ! Renseignez-vous !
Mme Hélène Luc. Dans cette commune, qui n'atteint pas le quota de 20 % de logements sociaux et où le prix des logements est élevé, que feront ces jeunes ?
Vous dévoilez, au travers de ce CPE, votre véritable objectif : exonérer plus encore de charges sociales les entreprises, abaisser encore et toujours le coût du travail. Pour cela, il vous faut vous attaquer au code du travail. Mme Parisot l'a annoncé le 14 février dernier par la création d'une commission chargée de faire un « bilan », un « diagnostic » pour élaborer une synthèse de propositions.
Même au sein du patronat, que vous servez, des voix s'élèvent pour fustiger votre projet ; je pense aux réserves exprimées par Mme Laurence Parisot, patronne des patrons, et aux chefs d'entreprise qui vous reprochent de ne pas être allés assez loin. Mais il y a ceux qui reconnaissent que cette excessive précarité leur fera perdre des talents, et ils ont raison !
Votre projet s'appuie sur ce qui tire vers le bas, sur ce qui ne correspond pas aux exigences du développement de notre société. Mardi dernier, à l'Assemblée nationale, les députés communistes ont bien démontré, lors du débat sur la motion de censure, combien le bilan de votre gouvernement était calamiteux en matière d'emploi. Et ce nouveau contrat vient renforcer votre dispositif de flexibilité, de précarité.
Je n'oublie pas que nous avons commencé l'année sous le signe du démantèlement du droit du travail, avec les deux arrêts de la Cour de cassation du 11 janvier autorisant les licenciements économiques destinés à anticiper une mise en péril de la compétitivité de l'entreprise.
M. le président. Veuillez conclure, madame Luc !
Mme Hélène Luc. Je termine, monsieur le président !
À quand le contrat unique transformant les salariés en une marchandise corvéable à merci, que le patronat prend et jette au gré de ses envies ?
Pour en revenir à votre bilan, 70 % des offres d'emploi sont instables. Nous avons le triste privilège de recenser 2,5 millions de chômeurs et 3,5 millions de salariés précaires et travaillant à temps partiel. Et vous entendez alourdir encore la note !
Vous restez sourd à la colère qui gronde, mais vous avez tort, monsieur le ministre. Cela ne me donne pas envie de sourire !
La jeunesse et les salariés sauront, le 7 mars prochain, vous donner la mesure de leur mécontentement et de leur détermination à contrer votre politique.
Après le débat parlementaire, il reste la voix du peuple, ne l'oubliez pas ! Ce n'est pas la première fois qu'une loi votée ne serait pas appliquée : M. Balladur s'en souvient avec le CIP !
Quant à nous, parlementaires communistes, nous encourageons les jeunes à l'effort, à l'amour du travail, mais nous sommes conscients de nos responsabilités et nous irons jusqu'au bout dans cette lutte.
C'est pourquoi nous proposons, par notre amendement, de supprimer l'article 3 bis, qui instaure un contrat dérogatoire au code du travail.
Avec Bruno Julliard, le président de l'UNEF, nous disons qu'il faut obtenir le retrait de cette insulte faite à la jeunesse.
Alors, prenez vos responsabilités ! Le groupe communiste républicain et citoyen prendra les siennes ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout le monde le comprendra, les amendements de suppression n°s 146 rectifié, 273 rectifié, 440 et 648 s'inspirant d'une conception totalement différente de la nôtre, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable.
Mme Hélène Luc. Dites-nous pourquoi !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement s'est déjà longuement exprimé sur ce sujet. Il se contentera donc d'émettre un avis défavorable.
Cela étant, je voudrais préciser un point à l'intention de M. Delfau.
Au cours de la discussion qui vient d'avoir lieu, l'apprentissage en Allemagne a été évoqué, notamment le système de passerelle avec l'enseignement général. Or la coalition qui est aujourd'hui aux affaires dans ce pays a conclu un accord en date du 11 novembre, qui a été soumis au Bundestag, dans lequel il est prévu de permettre à un employeur de convenir avec la personne qu'il recrute une période d'essai de vingt-quatre mois au maximum pour tout nouveau CDI.
Ce n'est pas ce que nous prévoyons ! Pour notre part, nous avons choisi la consolidation. Je tenais simplement à rappeler la réalité du marché du travail dans toute l'Europe.
Mme Hélène Luc. Vous aggravez votre cas !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous ne sommes donc pas les seuls à prendre en compte la flexibilité ainsi que la sécurisation des parcours professionnels, qui est un véritable enjeu sur lequel nous aurons encore à travailler.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vendredi dernier, j'ai attiré sur moi la colère des groupes de l'opposition en proposant la suppression de la discussion commune des amendements déposés sur l'article 1er en raison de leur grande disparité et du fait que la moitié d'entre eux ne portaient pas sur cet article.
Aujourd'hui, force est de constater que tous les amendements portent bien sur l'article 3 bis, et je vous en donne acte, mes chers collègues.
M. Jean-Pierre Bel. C'est très bien !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En conséquence, pour rester logique, je souhaite qu'il y ait une discussion commune de l'ensemble des amendements déposés sur l'article 3 bis et je demande que leur vote soit réservé jusqu'à la fin de l'examen de l'article 3 bis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Bel. Là, c'est beaucoup moins bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement partage la même analyse que le président de la commission. Il émet donc un avis favorable.
M. le président. La réserve est ordonnée. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Sur quel article vous fondez-vous ?
M. Jean-Pierre Bel. Sur l'article 49 !
M. le président. Vous avez la parole !
M. Jean-Pierre Bel. Compte tenu de la demande de réserve que vient de formuler M. le président de la commission des affaires sociales, je demande une suspension de séance de dix minutes afin que nous puissions nous organiser en fonction de cette nouvelle donne. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je vous fais observer, monsieur Bel, que, depuis l'ouverture de la séance à quinze heures, j'ai scrupuleusement appliqué le règlement, d'ailleurs avec beaucoup de mansuétude à l'égard des groupes de l'opposition.
M. Jean-Pierre Bel. Nous vous en donnons acte !
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. le président. Cela étant, lorsqu'un président de groupe demande une suspension de séance, il est d'usage de la lui accorder.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, en application de l'article 33, alinéa 2, de notre règlement, nous vous demandons de bien vouloir suspendre la séance jusqu'après le dîner.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous avez demandé une discussion séparée des amendements, que vous avez fait avaliser la semaine dernière par la conférence des présidents. Maintenant, comme par hasard, vous souhaitez une discussion commune de ces amendements.
Nous avons donc besoin de nous réorganiser pour nous adapter à cette nouvelle décision.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous n'avons rien changé ! L'ordre d'appel est le même !
M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, la séance sera suspendue vers dix-neuf heures vingt. Vous aurez donc tout loisir de vous réunir. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
J'applique le règlement du Sénat ! En vertu de l'article 33, alinéa 2, le président « peut, à tout moment, suspendre ou lever la séance ». C'est donc le président qui décide !
Par ailleurs, je vous rappelle les termes de l'article 44, alinéa 6, de notre règlement : « Les demandes de priorité ou de réserve dont l'effet, en cas d'adoption, est de modifier l'ordre de discussion des articles d'un texte ou des amendements. Lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité ou la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement. »
Par conséquent, j'appelle en discussion l'amendement n° 649. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
L'amendement n° 649, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'entreprise s'engage à revaloriser le contrat à durée indéterminée comme forme normale d'embauche, de façon à nouer avec les jeunes qu'elle recrute un engagement durable.
La parole est à... (Protestations redoublées sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, monsieur le président !
M. le président. Dans ces conditions, je considère que l'amendement n° 649 n'est pas défendu ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Nouvelles protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Vous bouleversez la procédure et vous ne nous laissez même pas une demi-heure !
M. le président. L'amendement n° 501, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. - Les employeurs qui entrent dans le champ du premier alinéa de l'article L. 131-2 du code du travail peuvent conclure un contrat de travail dénommé « contrat progressif ».
Un tel contrat ne peut être conclu pour pourvoir les emplois mentionnés au 3° de l'article L. 122-1-1 du même code.
II. - Le contrat de travail défini au I est conclu sans détermination de durée. Il est établi par écrit.
Ce contrat est progressivement soumis aux dispositions du code du travail dans des conditions déterminées par décret.
Ce contrat peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, pendant les six premiers mois courant à compter de la date de sa conclusion. La rupture est notifiée et motivée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
III. - Les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi au sens de l'article L. 351-1 du code du travail, ayant été titulaires du contrat mentionné au I pendant une durée minimale de deux mois d'activité ont droit à une indemnisation proportionnelle à la durée effective de leur contrat.
Ces travailleurs ont droit à une validation des acquis de l'expérience, un bilan de compétence et un accompagnement spécifique par les services de l'Agence nationale pour l'emploi. Ces services font aussi au salarié des offres de formation complémentaire.
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Le groupe Union centriste-UDF attache beaucoup d'importance à cet amendement. Il vise à remplacer le CPE par un « contrat progressif ». En effet, le dispositif du CPE ne nous semble pas une bonne mesure.
Le CPE se caractérise par quatre éléments : il s'agit d'un CDI réservé aux moins de 26 ans, dans les entreprises de plus de vingt salariés, qui débute par une période de deux ans, au cours de laquelle l'employeur peut licencier le salarié sans justification.
Or, de ces quatre éléments, trois sont inacceptables.
Tout d'abord, nous ne voyons aucune raison pour que la précarité soit liée à l'âge des salariés ou à la taille de l'entreprise. Ce faisant, vous concentrez toute la flexibilité, donc toute la précarité, sur les plus fragiles, c'est-à-dire les plus jeunes et les plus petites entreprises.
Ensuite, l'absence de justification pour rompre un CPE est tout simplement inadmissible. Comme le faisait remarquer mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, même Mme Thatcher n'avait pas osé prendre une telle mesure !
C'est même illégal ! Une telle disposition est en effet contraire à nos engagements internationaux et ne résistera pas à l'épreuve de la jurisprudence. Licencier sans justification ne correspond pas à l'idée que nous nous faisons de la justice, de l'équité sociale et de la capacité de recours.
Enfin, le CPE pourrait bien, comme son « grand frère » le CNE, ne créer que très peu d'emplois. Il semble procéder d'une analyse erronée de la nature du chômage des jeunes : ce chômage résulte davantage d'une absence de rencontre entre l'offre et la demande de travail que de la nature du contrat de travail.
La formation des moins de 26 ans, y compris de ceux qui ont suivi des études supérieures, n'est souvent pas en adéquation avec les besoins réels en termes de main-d'oeuvre, et c'est bien là notre problème.
C'est donc au niveau de la formation que tous les emplois se jouent, comme le révèle le très intéressant rapport d'Henri Proglio, paru le 15 février dernier, que certains ont déjà mentionné. Je suis certain qu'il en sera encore question d'ici à la fin de cette semaine.
Nous tirons de ce rapport une conclusion simple : il faut immédiatement enterrer le CPE.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Philippe Nogrix. Nous ne sommes toutefois pas hostiles, par principe, à une simplification de notre droit, bien au contraire. Mais toute flexibilisation doit automatiquement s'accompagner de droits protecteurs des travailleurs. C'est ainsi que nous concevons la couverture sociale en France, et nous y tenons.
Telle est la philosophie à laquelle obéit le CDI à droits progressifs que nous proposons et par lequel nous entendons remplacer le CPE. Ce contrat devra bien entendu être présenté devant les organisations syndicales et patronales et discuté, comme le prévoit la loi Fillon de 2004.
Ce nouveau contrat se caractériserait par quatre éléments.
Premièrement, une période d'essai raisonnable et clairement limitée ; nous suggérons qu'elle soit de six mois.
Deuxièmement, une rupture obligatoirement motivée, donc susceptible de recours.
Troisièmement, un renforcement progressif des droits, au fil du temps, notamment des droits à indemnités des signataires du contrat.
Enfin, quatrièmement, en cas de rupture du contrat, le droit pour le salarié à une validation des acquis de l'expérience, à un bilan de compétences et à un accompagnement spécifique par les services de l'ANPE. Ces services devront également proposer au salarié des offres de formation complémentaire.
Simplification, flexibilité et accompagnement : tels sont, mes chers collègues, les maîtres mots de la proposition de CDI à droits progressifs que nous vous demandons d'adopter. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 649, la commission émet un avis défavorable, car il s'agit d'une nouvelle rédaction de l'article. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Un sénateur du groupe CRC. Cet amendement n'a pas été défendu !
M. le président. Seul le rapporteur a la parole pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 501, puisque l'amendement n° 649 n'a pas été défendu. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est un coup de force !
M. Alain Gournac, rapporteur. Quant à l'amendement n° 501, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les arguments développés par Philippe Nogrix. Peut-être nous approcherons-nous un jour d'un « contrat progressif », mais ce n'est pas d'actualité.
Je ne peux donc qu'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances. Cet amendement tend à instituer une nouvelle forme de CDI. Or, notre priorité, c'est l'emploi des jeunes ! C'est la raison pour laquelle le CPE leur est réservé.
Une réflexion sur l'évolution globale des contrats de travail, en association avec les partenaires sociaux, a par ailleurs été demandée par le Premier ministre. Une concertation s'engagera prochainement.
Mme Nicole Bricq. C'est ça !
M. Azouz Begag, ministre délégué. C'est dans ce contexte qu'une telle proposition devrait être examinée.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Le vote étant réservé j'appelle, conformément au règlement, l'amendement suivant.
L'amendement n° 650, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le I de cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais tout d'abord vous faire observer que je me tenais debout, prête à défendre l'amendement n° 649.
M. Roland Muzeau. Bien sûr !
Mme Évelyne Didier. Malheureusement, vous n'avez pas regardé de mon côté.
MM. Jean-Pierre Bel, Guy Fischer et Roland Muzeau. Rappel au règlement ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. le président Il n'y a pas lieu de faire un rappel au règlement ! L'amendement n° 649 était déposé par M. Muzeau, M. Fischer, M. Autain et Mme Hoarau.
M. Roland Muzeau. Et les membres du groupe CRC !
M. le président. Effectivement ! Je vous ai demandé si vous souhaitiez vous exprimer sur cet amendement et vous avez répondu non ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Non, seule Mme Didier a la parole, sur l'amendement n° 650 ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Vous voulez nous empêcher de parler ?...
M. Guy Fischer. Monsieur le président, je demande une explication !
M. le président. Il n'y a pas d'explication de vote !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Non ! J'applique le règlement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Nous voulons simplement une explication !
M. le président. Non, monsieur Fischer, n'insistez pas ! Vous trouverez les explications dans le règlement ! J'applique le règlement à la demande du président de la commission des affaires sociales et avec l'accord du Gouvernement ! (Brouhaha sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Vous voulez nous mettre un bâillon !
M. Guy Fischer. Dites-nous simplement s'il y aura un vote bloqué sur tous les amendements !
M. le président. Nous ne sommes plus au temps du Soviet suprême ! (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Huées sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, où plusieurs sénatrices et sénateurs se lèvent.)
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas bien, monsieur le président !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je demande une suspension de séance !
M. le président. Non ! (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Seule Mme Didier a la parole !
M. Roland Muzeau. Mais le rappel au règlement est de droit !
M. le président. Vous ne pouvez faire un rappel au règlement que si le président de séance vous y autorise. Or, en cet instant, je ne vous y autorise pas !
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. le président. J'en ai suffisamment accepté pendant tout l'après-midi !
Poursuivez, madame Didier !
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, je suis très peinée de n'avoir pas pu défendre l'amendement n° 649. Mais, finalement, je pourrai tout de même aborder le sujet qui nous préoccupe.
L'amendement n° 650 tend à supprimer le I de l'article 3 bis. Nous supposons en effet que la suppression complète de cet article sera refusée. Vous vous doutez donc bien que nous avons déposé des amendements de repli.
Selon nous, la majorité des Français sont hostiles à la mise en oeuvre du CPE. C'est au moyen de l'article 49-3 que le Gouvernement a fait adopter ce dispositif par voie d'amendement à l'Assemblée nationale. Les salariés, les jeunes et les syndicats sont mobilisés. Nous ne doutons pas qu'ils feront entendre leur voix.
Personne n'est dupe : le CPE, après le CNE, n'est finalement qu'un cheval de Troie destiné à faciliter la destruction du code du travail tel qu'il existe actuellement. Pour le Gouvernement, il n'est absolument pas question de faire quelque chose pour les jeunes. On utilise leurs difficultés et, sous prétexte d'y apporter des solutions, on légitime l'extension de la précarité pour tous. Il nous aurait semblé plus honnête de le dire clairement.
Au cours des débats à l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est targué de trouver la solution miracle au chômage des jeunes diplômés. Il n'en est rien et nous ne sommes pas les seuls à le penser.
Permettez-moi à cet égard de mentionner à mon tour le récent rapport Proglio sur l'insertion des jeunes sortis de l'enseignement supérieur. D'après ce rapport, la réussite de l'insertion « passe par une volonté de nouer avec les jeunes que l'on recrute un engagement durable, notamment en revalorisant le contrat à durée indéterminée comme forme normale d'embauche. La confiance réciproque entre un jeune et l'entreprise qui le recrute est une condition préalable à la construction des compétences et à la réussite professionnelle. »
Le Gouvernement est donc bien le seul, avec le Medef, à être convaincu que quelque chose de positif pourrait résulter de la précarisation des salariés et de la restauration de l'arbitraire patronal. Pour notre part, nous pensons que la lutte contre le chômage des jeunes passe par la mise en oeuvre de parcours professionnels dignes de ce nom et par des emplois stables, dans le respect des avancées sociales qui restent et demeurent des atouts.
Les droits sociaux constituent non pas un obstacle à l'embauche, mais la condition nécessaire au maintien de la dignité des salariés et à la cohésion sociale dont dépend la vitalité économique du pays.
La mise en oeuvre du principe de la lutte pour la vie que le Gouvernement s'évertue à ériger en projet de société ne pourra en revanche rien créer, hormis de la précarité supplémentaire.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression, puisque nous sommes favorables au texte dans sa rédaction actuelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Non ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Josselin de Rohan. Ça suffit !
M. David Assouline. Ce n'est pas possible !
M. le président. Si, c'est possible ! Si vous n'êtes pas satisfait, apprenez le règlement !
M. David Assouline. Et la démocratie !
M. le président. L'amendement n° 148, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :
contrat première embauche
par les mots :
contrat précarité exclusion
La parole est à M. Roger Madec.
M. Roger Madec. Monsieur le président, le débat de cet après-midi se déroule de manière scandaleuse ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Hubert Falco. Ce sont vos propos qui sont scandaleux !
M. Alain Gournac, rapporteur. Et inacceptables !
M. Roger Madec. Sommes-nous punis parce que nous parlons trop ?
Le Gouvernement n'a pas la faculté de recourir à l'article 49-3 au Sénat, mais il le fait tout de même de façon déguisée !
M. Josselin de Rohan. Vous n'avez pas de leçon à nous donner !
M. Roger Madec. Et votre attitude à l'égard du groupe CRC est encore plus scandaleuse, monsieur le président Gaudin ! Quand on remplace le deuxième personnage de l'État, on fait preuve d'un peu plus de dignité ! Nous ne sommes pas ici dans une « guignolade » de Marseille ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Gardez vos réflexions pour vous, monsieur Madec !
M. Roger Madec. Vous aussi ! Gardez vos commentaires à l'égard du groupe CRC !
M. le président. J'applique le règlement ! Voilà huit ans que j'exerce la vice-présidence du Sénat, alors que vous êtes un tout nouveau sénateur ! Vous n'avez aucune leçon à me donner ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP. - Tumulte sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roger Madec. Cet argument-là ne marche pas avec moi ! S'il se passait n'importe quoi dans cette maison auparavant, c'est votre problème et non le mien ! Je représente les Français au même titre que vous !
J'en reviens à l'amendement n° 148. Le CPE, tel qu'il est conçu, présente au moins deux grands défauts.
Il cible les jeunes de manière spécifique, alors que ce niveau de généralité peut et doit être discuté.
Il existe certes une spécificité du chômage des jeunes. Hormis ceux qui sont en milieu scolaire, les jeunes connaissent en effet un taux de chômage presque deux fois supérieur à celui du reste de la population. Il faut cependant aller plus loin, car l'évolution du chômage des jeunes répond en réalité à un double facteur.
D'abord, le chômage des jeunes surréagit à la conjoncture. Lorsque l'on ne crée pas d'emploi et que le chômage s'aggrave, les jeunes en sont les premières victimes, car, souvent embauchés sur des contrats précaires, ils sont licenciés. À l'inverse, lorsque la conjoncture reprend, que le chômage baisse et que l'emploi devient positif, les jeunes sont les premiers à en profiter, car ils sont les premiers et les plus nombreux à se présenter sur le marché du travail.
La première réponse à apporter réside donc dans le soutien à la croissance et à la création d'emplois. C'est ainsi que l'on pourra trouver une solution au chômage des jeunes.
Ensuite, le second facteur du chômage des jeunes est l'évolution à long terme du marché du travail. On peut penser que les formes d'emploi des jeunes sont une anticipation des pratiques d'embauche des entreprises. Les jeunes sont aujourd'hui les plus nombreux à avoir des contrats précaires. Depuis vingt ans, les entreprises ont en effet eu de plus en plus recours à de tels contrats pour procéder à une première embauche. Les jeunes se présentant pour une première embauche ont ainsi été, si j'ose dire, les premiers à en bénéficier.
Cela montre la limite de votre CPE. Celui-ci n'aura pas pour effet de limiter la précarité, qui est déjà la réalité chez les jeunes. Il ne fera que l'accompagner et il n'apportera aucune solution concrète.
On est en droit de se demander si les jeunes sont concernés par un problème qui leur serait totalement spécifique ou s'ils ne sont pas au contraire les premières victimes des pratiques d'embauche précaire. Dans cette hypothèse, cela signifierait que la seconde action à engager devrait porter non seulement sur la croissance, mais également sur le comportement de recrutement des entreprises. Il faudrait notamment combattre le recours au contrat précaire, grâce par exemple à la modulation des cotisations sociales en fonction des comportements d'embauche des entreprises. Nous proposons un tel dispositif.
Par ailleurs, outre que votre mesure est trop ciblée et qu'elle ne prend pas en compte la réalité du marché du travail, elle repose sur erreur d'appréciation : elle tend à globaliser la jeunesse en recherche d'emploi et à lui appliquer une mesure générale, alors que les situations sont bien différentes, en particulier selon le niveau de qualification.
Faut-il rappeler à cet égard que 660 000 jeunes quittent chaque année l'école avec au mieux un brevet et que 90 000 en sortent sans aucun diplôme ?
Le CPE s'appliquera à l'ensemble des jeunes, les surdiplômés comme les sous-diplômés. Son unique conséquence sera d'étendre la précarité. L'effet de substitution et l'effet d'aubaine joueront à plein. À partir du moment où vous prévoyez une exonération des charges sociales pour un jeune au chômage depuis six mois, les entreprises seront nécessairement tentées de reporter le recrutement du jeune à l'issue de cette période plutôt que de l'embaucher directement à son entrée sur le marché du travail. Vous aggraverez ainsi la précarité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement tend à modifier l'intitulé du CPE, en remplaçant le terme « première » par celui de « précarité ».
Vous comprendrez que la commission émette un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Azouz Begag, ministre délégué. Le Gouvernement émet également, bien entendu, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Le vote est réservé.
M. David Assouline. Il n'y a pas beaucoup d'explication !
M. Hubert Falco. La démocratie, c'est la discussion, et non pas l'obstruction !
M. Jean-Pierre Bel. Mais la discussion n'a pas lieu !
M. Roland Muzeau. C'est le Soviet suprême !
M. Josselin de Rohan. Vous en étiez pourtant des laudateurs, à l'époque !
M. Guy Fischer. Monsieur le président, M. de Rohan nous cherche !
M. le président. Mais non, c'est très amical !
M. Guy Fischer. Bien sûr !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voulez-vous que nous parlions de la monarchie absolue ?
M. le président. L'amendement n° 147, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
A la fin du premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :
contrat première embauche
par les mots :
contrats premières embauches
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, je regrette tout de même que l'égalité des droits en matière de parole ne soit pas respectée au Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Hubert Falco. Il n'y a que vous qui parlez !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous attendons que vous défendiez le CPE !
M. David Assouline. Allez, chers collègues de droite, travaillez un peu !
Mme Hélène Luc. Hélas ! il n'y a pas de dialogue !
M. Alain Gournac, rapporteur. Mais c'est de vos amendements qu'il est question !
Mme Gisèle Printz. Il est indéniable que vous cherchez à imposer une mesure générale en invoquant divers prétextes et en ignorant les situations particulières.
Les données fournies par vos propres services, le CEREQ, la DARES et l'INSEE, reconnaissent que la situation de précarité est extrêmement grave pour une partie de la jeunesse. Si la situation est grave pour beaucoup de jeunes, elle n'est pas aussi noire pour nombre d'autres jeunes. Il faut d'ailleurs s'en féliciter, car, sans cela, ces jeunes et, d'une manière générale, tous les salariés auraient réagi d'une tout autre manière.
Dans son étude sur la « Génération 2001 », le CEREQ a suivi l'évolution des jeunes pendant trois ans. Ainsi, 270 000 d'entre eux bénéficient d'un CDI dès leur premier emploi, ce qui signifie que la majorité n'en a pas. Avec le CPE, ces 270 000 jeunes qui entraient jusqu'à présent dans l'emploi avec un CDI y entreront désormais avec un CPE. Autrement dit, au lieu de bénéficier des garanties qu'offre le CDI, ils subiront la précarité inhérente au CPE. Est-ce ainsi que vous prétendez résoudre le problème de la précarité ? En quoi cela aura-t-il fait évoluer la situation des 160 000 jeunes les plus en difficulté qui sortent chaque année du système scolaire sans qualification ?
Vos services nous permettent de travailler sur de bonnes bases : l'INSEE vient en effet de publier son rapport de janvier 2006 sur la situation des jeunes : en 2003, 58 % des jeunes actifs ont bénéficié d'un CDI quatre trimestres d'affilée, soit beaucoup moins que la moyenne des salariés. Ces 58 % de jeunes seront demain condamnés au CPE. Quant aux 42 % restant, ils ne bénéficieront pas d'une insertion professionnelle, le CPE n'étant pas en mesure de faciliter celle-ci.
Vous voulez nous faire croire que ces jeunes, qui ne maîtrisent parfois même pas les connaissances fondamentales, pourront entrer directement dans l'entreprise par le biais du CPE. Vous avez déjà tenu ce raisonnement s'agissant du contrat jeunes. Celui-ci n'ayant pas fonctionné, vous avez été contraint de le modifier à deux reprises. En 2002, vous avez instauré un contrat réservé aux jeunes de moins de vingt-deux ans de niveau 5 bis et 6, soit aux moins qualifiés d'entre eux. Vous avez dû ensuite porter cette limite d'âge à vingt-cinq ans. Vous avez reconnu que les emplois étaient plutôt occupés par des jeunes qualifiés, ceux-là mêmes à qui vous destinez le CPE. Aucune solution n'est en revanche apportée à ceux qui ne sont pas qualifiés.
Dans le meilleur des cas, vous commettez une erreur de diagnostic, laquelle vous conduit à déroger au droit du travail et à commettre une faute vis-à-vis des jeunes.
Avec le CPE, vous allez précariser tous ceux qui ne le sont pas ? vous noircissez le tableau à dessein ?, sans offrir de solution à ceux qui connaissent le plus de difficultés et pour qui des dispositifs spécifiques, associant une protection, une rémunération, un accompagnement et une formation, seraient nécessaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Le délai de trois mois prévu entre deux embauches éventuelles d'un salarié par la même entreprise, j'y insiste, est destiné non pas à encadrer la multiplication des CPE mais, au contraire, à éviter que ce contrat ne soit détourné de son objectif - cela devrait vous faire plaisir !-, à savoir aboutir à la conclusion d'un CDI à la fin de la période de consolidation.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Azouz Begag, ministre délégué. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Pourquoi ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Il n'y a pas de débat !
Mme Hélène Luc. Qu'en dites-vous, monsieur Borloo ?
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 670, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du I de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Ce contrat de travail n'ouvre droit à aucune exonération de charges.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, tout à l'heure, vous avez dit que nous n'étions pas au Soviet suprême. Que M. de Rohan utilise cet argument d'un autre temps ne m'étonne guère, mais je suis très surpris que vous l'employiez à mon encontre !
Par ailleurs, nous dénonçons l'artifice employé par le Gouvernement, et sa majorité, bien sûr, avec la présentation groupée des amendements, d'autant que M. le rapporteur émet systématiquement un avis défavorable sur nos amendements, sans donner le moindre argument. C'est la première fois que je vois un rapporteur prendre la parole sur un article, ce qui signifie qu'il n'interviendra plus.
M. Alain Gournac, rapporteur. Eh bien, c'est nouveau !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce qui est nouveau n'est pas forcément bien !
M. Guy Fischer. ²L'article 49-3 de la Constitution ne s'appliquant pas au Sénat, vous utilisez l'article 44 de notre règlement. Une fois achevée la présentation des amendements, nous n'aurons même pas la possibilité d'expliquer nos votes ! Et vous dites que vous ne bâillonnez pas l'opposition ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
J'en viens à la présentation de l'amendement n° 670.
Celui-ci vise à garantir que le CPE ne pourra en aucun cas ouvrir droit à une quelconque exonération de charges pour les employeurs. Ils ont tout et ils veulent toujours plus ! (Bravo ! sur les travées du groupe socialiste.)
Le CPE permet aux employeurs de « s'offrir » de jeunes salariés - diplômés ou non - en supportant un minimum d'obligations, ce contrat étant totalement dérogatoire au droit commun du travail. Il serait donc totalement inacceptable qu'ils puissent, en plus, bénéficier d'avantages financiers sous forme d'exonérations de charges sociales.
Rien de précis n'est mentionné sur ce point à l'article 3 bis. Ce silence pourrait laisser croire que le dispositif du CPE exclut toute exonération. Mais les choses ne sont pas si simples. En réalité, les employeurs pourront bénéficier d'une réduction de charges sur les bas salaires ; c'est la réduction « Fillon », applicable de manière dégressive jusqu'à 1,7 SMIC.
De plus, le CPE ouvrira droit au soutien de l'État à l'emploi des jeunes dans les conditions définies à l'article 5 du projet de loi. On ne relève en effet, à la lecture des articles 3 bis et 5, aucun obstacle à un quelconque cumul ; M. Gérard Larcher l'a confirmé en commission.
Il est dans la logique de votre gouvernement et de la majorité parlementaire de diminuer en toute occasion les charges patronales, celles pesant sur les salariés ne cessant, en revanche, d'augmenter au fil des années.
Madame Parisot, que le Gouvernement écoute avec beaucoup d'attention, rappelait récemment : « Nous n'avons pas les moyens de rémunérer le travail à la hauteur qu'il mérite », les charges étant, bien sûr, « écrasantes ».
J'en déduis, monsieur le ministre, que les salariés - très nombreux, selon vous - qui seront rémunérés par le biais des chèques emploi-service universel, les CESU, n'ont rien à craindre sur ce point : ils seront bien payés. En effet, grâce à votre loi, les employeurs bénéficieront, selon vos propres estimations, de 500 millions d'euros d'exonérations diverses, ce grâce à une exonération de charges sociales et à un crédit d'impôt.
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Guy Fischer. Mais il est vrai que, pour le MEDEF, comme pour votre gouvernement, plus de 20 milliards d'euros d'exonérations de charges par an, comme c'est désormais le cas, ne sauraient suffire.
Voilà quelques jours, un rapport officiel du ministère du travail a été remis aux partenaires sociaux. Il y est indiqué que, en juillet 2004, la proportion de salariés du secteur privé payés au minimum atteignait le taux record de 15,5 %, soit 2 360 000 personnes. Et ce taux n'a cessé d'augmenter ! Par ailleurs, il est également indiqué dans ce rapport qu'un tiers des salariés à temps partiel sont rémunérés sur la base du SMIC. Plus globalement, les salaires ont tout juste augmenté de 0,1 % en trois ans.
La réalité, c'est que la politique d'exonérations de charges, qui s'intensifie, a eu pour effet de créer une vaste « trappe aux bas salaires ». Aujourd'hui, près de 38 % des rémunérations versées sont inférieures à 1,33 SMIC, soit 1 273 euros net. En conséquence, des millions de femmes et d'hommes connaissent des difficultés croissantes pour boucler les fins de mois.
Cette politique a aussi pour résultat, contrairement à ce que prétendent le MEDEF, le Gouvernement et la droite parlementaire, de dévaloriser le travail.
Le CPE constitue déjà en soi une forme de dévalorisation du travail. S'il bénéficiait d'exonérations de charges, celle-ci ne pourrait que s'accentuer, d'autant que le CPE conduira les jeunes chômeurs à accepter n'importe quel emploi, à n'importe quel niveau de salaire ou de qualification. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Le CPE n'ouvre aucun droit spécifique à des exonérations de charges. En revanche, l'entreprise pourra bénéficier des aides consenties pour certains types de CDI, si les conditions requises sont réunies. Elle pourra, par exemple, bénéficier du SEJE, le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, si le jeune concerné répond aux conditions d'âge, de formation et, bientôt, de résidence dans une zone urbaine sensible.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Azouz Begag, ministre délégué. Cet amendement est superfétatoire. Aucune exonération de charges n'est directement liée au CPE.
M. Roland Muzeau. Et indirectement ?
M. Azouz Begag, ministre délégué. En effet, le CPE est non pas un contrat aidé, mais un contrat pour lequel est prévu un aménagement des règles du droit du travail pendant la période de consolidation, en contrepartie de droits nouveaux pour le salarié, droits que nous avons à maintes reprises déjà présentés.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 444, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Au deuxième alinéa du I de cet article, remplacer le mot :
supérieur
par les mots :
inférieur ou égal
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Au mois d'août dernier, le Premier ministre avait justifié la création du CNE en le limitant aux entreprises de moins de vingt salariés. Aujourd'hui, le CPE prévoit également une période d'essai de deux ans pour les jeunes de moins de vingt-six ans.
Force est de reconnaître que votre démarche est transparente ! Vous attaquez le CDI de tous les côtés, prétextant un jour les difficultés des petites entreprises, le jour suivant les difficultés d'emploi de la jeunesse.
Cet amendement vise donc à réserver le CPE aux petites entreprises - telle est d'ailleurs la logique du Gouvernement s'agissant du CNE -, les grandes entreprises en ayant encore moins besoin que les petites.
Cet amendement charitable vise à donner au moins un semblant de cohérence à la politique du Gouvernement. S'il n'y a pas de créations d'emplois, ce serait, selon vous, parce que les salariés prennent trop d'argent à ces pauvres petites entreprises.
Avec 12 milliards d'euros de bénéfices en 2005, pensez-vous vraiment que Total a besoin du CPE ? Jusqu'où allez-vous céder aux demandes du MEDEF ?
Le CPE, pas plus que le CNE, ne permettra pas de créer d'emplois. Les CNE se substituent à d'autres contrats, à des CDI ou à des CDD. Dans ces conditions, pourquoi ne pas essayer de suivre d'autres logiques ? La société, l'économie souffrent aujourd'hui d'un partage des richesses entre travail et capital qui asphyxie les investissements et la consommation.
On le sait, l'écologie, si elle est populaire, peut créer des emplois. Les énergies renouvelables relèvent par nature d'un fonctionnement plus décentralisé, plus riche en gisements d'emplois de toutes sortes. De même, les transports en commun exigent deux fois plus d'emplois et deux fois moins d'énergie que la voiture pour un même nombre de kilomètres-passager.
De plus, les économies d'énergie, par exemple sur l'eau, permettent d'autofinancer les emplois de demain qui les génèrent, qu'il s'agisse d'économies de flux, de techniciens de maintenance, d'animateurs, de pédagogues, d'architectes... Au lieu de gaspiller des ressources naturelles, on utilise des ressources humaines, ce qui est bon pour l'emploi et pour l'environnement.
Un plan d'isolation des logements permettrait de réaliser des économies d'énergie substantielles et constituerait un investissement permettant que les Français paient moins de ces charges qui étouffent les ménages modestes. Voilà comment rendre l'écologie populaire.
Historiquement, nous sommes porteurs, au nom de la solidarité et de la diminution de l'empreinte écologique, d'une revendication historique, d'un choix de civilisation dont nous sommes fiers : le partage des revenus et du temps de travail.
La durée du travail, pour un emploi normal, a très peu baissé : avec les heures supplémentaires, la durée réelle du travail est aujourd'hui de 38,8 heures en moyenne pour un emploi à plein temps. C'est donc un « partage du travail » assez sauvage qui s'est mis en place, car 3 millions de personnes - les chômeurs - ne travaillent pas du tout, tandis que 19 millions travaillent à temps plein et 4 millions à temps partiel.
Nous avons besoin d'un traité social européen. En effet, l'absence de droit social commun implique mécaniquement un alignement vers le bas si les gouvernants ne sont pas soucieux de la sécurité des salariés. La différence, aujourd'hui, c'est qu'alors que la France avait jusqu'à présent suivi le mouvement de dumping en traînant plus ou moins les pieds elle en est désormais l'initiatrice ! Elle est à la tête du moins-disant social.
Même les Britanniques, après avoir expérimenté une telle période d'essai, ont fait marche arrière, car cela ne fonctionne pas. Mais je vous parle de projet européen, alors que, depuis le 29 mai 2005, votre seul projet pour l'Europe, c'est la baisse du taux de la TVA pour les restaurateurs !
Créer des emplois n'est pas tout, encore faut-il qu'ils soient de qualité. Pour réduire la précarité de l'emploi, il faut négocier, branche par branche, un système de bonus-malus qui incite les entreprises à transformer en emplois stables les emplois précaires. Dans un autre domaine, un tel dispositif de bonus-malus a permis de diviser par deux le nombre d'accidents du travail. Dans le même esprit, pourquoi ne pas encourager les entreprises à « déprécariser » leur organisation ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Bien évidemment, nous ne partageons pas cette analyse. Si le CNE concerne les entreprises de moins de vingt salariés, le CPE, quant à lui, nous l'avons dit et redit, pourra être proposé dans les entreprises moyennes et grandes, comptant plus de vingt salariés.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. Roland Muzeau. Quelle surprise !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Azouz Begag, ministre délégué. On dénombre dans notre pays 2,5 millions de petites entreprises, qui constituent un gisement d'emplois essentiel. Elles représentent en effet 30 % de l'emploi salarié, bien que 1,5 million d'entre elles ne comptent aucun salarié. C'est à leur intention que nous avons mis en place le CNE. À ce jour, plus de 300 000 CNE ont été conclus, et une étude récente montre qu'un tiers des embauches correspondantes n'auraient pas eu lieu si ce contrat n'avait pas été mis en oeuvre.
Aujourd'hui, ce sont les jeunes que le Gouvernement veut aider au travers du CPE, parce que ce sont eux qui subissent le plus la précarité.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Le vote est réservé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Michèle André.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence.
Rappels au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour un rappel au règlement.
M. Roland Muzeau. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, finalement, nous ne quittons plus cette bible locale qu'est le règlement du Sénat et dont les interprétations sont multiples, comme d'ailleurs les écrits sacrés ! Mon intervention se fonde sur l'article 44, alinéa 6, de notre règlement et sur l'organisation de nos travaux.
Avec mes amis, nous avons longuement cherché un article du règlement autorisant le président de la commission à réserver les explications de vote et le vote pour chaque amendement déposé sur l'article 3 bis, et ce jusqu'à la fin de la discussion de cet article. En vain ! Il n'existe aucune disposition en ce sens dans le règlement du Sénat et M. le président de la commission des affaires sociales n'a d'ailleurs fait référence à aucune disposition précise tout à l'heure.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si !
M. Roland Muzeau. Tout au plus l'article 44, alinéa 6, du règlement dispose-t-il : « Les demandes de priorité ou de réserve dont l'effet, en cas d'adoption, est de modifier l'ordre de discussion des articles d'un texte ou des amendements. » C'est cette réserve qui est de droit ! Mais la réserve des votes ne figure pas dans notre règlement. Il s'agit d'une interprétation tendancieuse qui n'a qu'un objectif : préparer le vote bloqué du Gouvernement.
Madame la présidente, je vous mets au défi de m'indiquer un article qui organise la réserve du vote en excluant les explications de vote des auteurs de l'amendement et de tout sénateur intéressé, en maintenant - c'est un comble ! - les avis du Gouvernement et de la commission.
Avec cette méthode de discussion, le troisième alinéa de l'article 44 de la Constitution, qui instaure au Sénat le vote bloqué, ressemble comme deux gouttes d'eau au 49-3 !
Mais seul le Gouvernement est habilité à demander un vote bloqué. Si la Constitution n'a pas permis aux présidents de commission de demander le vote bloqué, ce n'est pas au président de la commission des affaires sociales de le faire seul, et sans contrôle, ce lundi 27 février ! Je dis « seul », mais j'imagine qu'il y a été fortement encouragé...
La procédure de discussion de cet article 3 bis est donc non conforme au règlement du Sénat et anticonstitutionnelle. Aussi, madame la présidente, je vous demande de revenir à une méthode conforme à notre règlement.
Pour en terminer, je souhaite que M. Larcher nous dise s'il envisage de demander un vote bloqué à la fin de nos débats. Je crois qu'on a le droit de se parler franchement dans cet hémicycle et de ne pas jouer au plus finaud ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la présidente, je ne vais pas reprendre les arguments que vient de développer mon collègue Roland Muzeau, puisque les nôtres sont pratiquement identiques.
L'alinéa 6 de l'article 44 dispose: « Les demandes de priorité ou de réserve dont l'effet, en cas d'adoption, est de modifier l'ordre de discussion des articles d'un texte ou des amendements. Lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité ou la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement. » Mais je m'interroge sur la suite : « Dans ce dernier cas, la demande est soumise au Sénat qui statue sans débat. » C'est bien ce qui s'est passé cet après-midi !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L'assemblée ne statue que dans le cas où il y a opposition du Gouvernement !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne comprends pas cette disposition comme vous !
Je relis le texte : « Lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité ou la réserve est de droit,... sauf opposition du Gouvernement. » Au temps, pour moi, je croyais avoir trouvé une solution ! (Et voilà ! sur les travées de l'UMP.) Ne croyez pas que vous allez vous en sortir comme cela ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Laurent Béteille. La lecture du règlement est instructive !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je suis persuadé que vous le maîtrisez tous parfaitement !
Je m'associe néanmoins à la question posée par mon collègue Roland Muzeau : comment le Gouvernement entend-il organiser le vote quand sera terminée la présentation très longue de ces amendements ?
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est effectivement l'alinéa 6 de l'article 44 qui s'applique, vous avez bien lu, et vous avez parfaitement compris que la demande de priorité ou de réserve était de nature à bouleverser l'ordre de discussion des articles et des amendements, voire d'entraîner l'absence d'examen de certains amendements. La preuve en est que vous êtes tout émus et marris, car vous vous dites que c'est la porte ouverte à une autre décision.
Vous m'avez donc fourni la réponse : l'article 44-6 s'applique et il est en effet de nature à bouleverser l'ordre de discussion si le Gouvernement souhaitait prendre d'autres décisions - hypothèse que vous avez évoquée les uns et les autres -, car sans la demande de réserve, nous aurions dû voter amendement après amendement.
Il appartiendra à la présidence de nous confirmer la jurisprudence de notre assemblée en la matière, mais je ne vois pas en quoi vous pourriez trouver à redire sur cette disposition.
Quant aux intentions du Gouvernement, le ministre est mieux à même que moi de vous éclairer, car, dans ce domaine, je n'ai aucune demande particulière.
Enfin, je confirme à Jean-Pierre Godefroy que c'est uniquement en cas d'opposition du Gouvernement que l'assemblée est appelée à se prononcer.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, le troisième alinéa de l'article 44 de la Constitution rend effectivement possible le vote bloqué, mais le premier alinéa précise aussi que les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement, droit qui est essentiel !
À cet instant, le Gouvernement n'a rien décidé ; il est à la disposition du Parlement, je pense l'avoir démontré tout à l'heure. Le Gouvernement répondra sur chaque d'amendement. Je souhaite que chacun puisse présenter ses propositions, que le débat avance et qu'il porte sur le fond.
M. Roland Muzeau. Et les explications de vote ?
M. Jean-Pierre Bel. Il n'a pas répondu !
Mme la présidente. Cette façon de procéder a déjà été utilisée, peu souvent, mais il y a des précédents. Effectivement, les explications de vote auront lieu à la fin, c'est-à-dire après la présentation des amendements.
Mme Hélène Luc. Si le vote bloqué n'est pas décidé !
M. Jean-Pierre Bel. Tout à fait !
Mme la présidente. Pour l'instant, je n'ai pas été saisie d'une demande de cette nature ! En conséquence, nous allons pouvoir reprendre la présentation des amendements, sur lesquels je recueillerai les avis de la commission et du Gouvernement. Ce n'est que lorsque nous en aurons terminé que nous passerons aux explications de vote et aux votes.
M. Claude Domeizel. Sauf en cas de vote unique !
Mme la présidente. Nous poursuivons l'examen des amendements déposés sur l'article 3 bis.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 149 rectifié est présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mme Cerisier-ben Guiga, M. C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mme Tasca, M. Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 443 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le dernier alinéa du I de cet article, après les mots :
les emplois mentionnés
insérer les mots :
au 1° et
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 149 rectifié.
M. Jean-Pierre Godefroy. Tout d'abord, je rappellerai que, sur cette série de soixante-dix amendements, tous ont reçu un avis négatif en commission. C'est vous dire si la discussion va être passionnante ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Je suppose que le Gouvernement n'aura pas, sauf exception, une opinion différente. Après la présentation de chaque amendement, nous aurons donc un avis négatif de la commission, suivi d'un avis négatif du Gouvernement !
M. Jacques Blanc. Retirez-les !
M. Jean-Pierre Bel. Laissez-le parler ! S'il ne peut même plus s'exprimer !
M. Jean-Pierre Godefroy. Contrairement au débat quelque peu musclé de vendredi soir, ce type de discussion aura un gros inconvénient : alors que vendredi nous pouvions encore avoir un échange sur chaque amendement, ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous étiez pourtant contre la technique employée !
M. Jean-Pierre Godefroy. ... ce soir, il y aura non plus un dialogue, mais un monologue ! Lorsque nous parviendrons aux explications de vote, trois ou quatre heures après la présentation de l'amendement, la qualité de nos échanges en pâtira ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Plusieurs sénateurs socialistes. C'est ce qu'ils veulent !
M. Jean-Pierre Godefroy. Effectivement, vous souhaitez diluer le débat et faire en sorte qu'il devienne incompréhensible !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il est quand même dommage de faire une telle constatation !
Même s'il est écrit que, le Sénat, c'est le temps de la réflexion, je trouve que ce n'est vraiment pas le cas aujourd'hui ! Il faut quand même le dire, l'opposition est maltraitée ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.- Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Ce matin, lorsque nous avons examiné les amendements en commission des affaires sociales, il nous aurait été possible de faire de l'obstruction. Mais nous pensions que nous devions avoir un débat serein. Notre comportement n'est pas payé de retour ! Cela explique le refus du groupe socialiste de siéger tout à l'heure en commission. Nous avons en effet voulu protester contre de telles conditions de travail !
M. David Assouline. Cela se dégrade, c'est la fin du Sénat !
M. Jean-Pierre Godefroy. J'en viens à l'amendement.
Le troisième alinéa de l'article 3 bis fait référence à l'article L. 122-1-1 du code du travail, qui donne la liste des cas de recours possible au CDD. Je vous demande de bien les écouter, afin de vous en souvenir demain !
« Remplacement d'un salarié en cas d'absence, de passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur, de suspension de son contrat de travail, de départ définitif précédant la suppression de son poste de travail ayant fait l'objet d'une saisine du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe, ou en cas d'attente de l'entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer. »
Vous proposez donc que le CPE ne puisse être utilisé en cas de travail saisonnier. Il n'y a rien là de bien nouveau, puisque le travail saisonnier est régi par ses propres textes, avec, il faut le souligner, la possibilité de recourir au même salarié saisonnier plusieurs années de suite.
On en arrive ainsi au paradoxe suivant : le travail saisonnier peut fournir à un salarié qui fait régulièrement les saisons d'été et d'hiver avec le même employeur, que ce soit dans la branche du tourisme ou dans le secteur agricole, davantage de sécurité dans l'emploi que n'en aura un salarié en CPE ou en CNE !
En revanche, ce qui est inquiétant, c'est que vous ne mentionniez pas dans votre texte l'impossibilité de recourir au CPE pour remplacer un salarié absent. Un tel recours sera donc possible. Cela pose un problème de cohérence par rapport à ce que vous déclarez par ailleurs, à savoir que le CPE doit déboucher sur un CDD. Fort bien ! Mais alors comment un CPE signé pour remplacer un salarié absent peut-il devenir un CDI lorsque le salarié momentanément absent, lui-même en CDI, revient sur son poste ? J'espère que nous aurons l'explication maintenant, plutôt que d'avoir à attendre demain !
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour défendre l'amendement n° 443.
Mme Alima Boumediene-Thiery. De la même façon que sont limités les recours au CDD, il convient de limiter le recours au contrat aussi précaire que le CPE, afin que ce dernier ne se substitue pas, par effet d'aubaine, à des emplois durables.
Outre l'interdiction de recourir au CPE pour des emplois saisonniers, cet amendement de repli permettrait d'interdire l'utilisation du CPE en cas de maladie.
Pour faire face à divers aléas, les employeurs ont largement recours au CDD. Beaucoup vont même tenter de remplacer le CDI par le CPE, ou encore par le CNE, plus souple dans sa durée, qui est indéfinie, et moins coûteux lors de la rupture.
Le Gouvernement nous explique que le CPE est le moyen de vaincre la réticence des employeurs à embaucher parce qu'ils peuvent alors licencier plus facilement et sans motif. Il semble donc probable que l'employeur ne transformera pas le CPE en CDI, quitte d'ailleurs à procéder plus tard à une nouvelle embauche en CPE. En fait, en guise de stabilité, c'est l'accroissement d'une précarité qui est, cette fois, légalisée !
M. Roland Muzeau. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. S'agissant du remplacement d'un salarié absent, notre approche est différente.
L'idée sous-jacente est que la personne qui aura effectué le remplacement d'une personne absente aura certainement, au retour de cette dernière, des chances de continuer à travailler dans l'entreprise et d'y être embauchée (M. Pierre-Yves Collombat rit.), ce qui est une bonne chose.
La commission émet donc un avis défavorable sur les deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le contrat première embauche est conclu sans détermination de durée ; il ne saurait donc être assimilé à un CDD, qui a, lui, éventuellement vocation à pourvoir à un remplacement.
À nos yeux, il n'y a aucune raison de déterminer les cas dans lesquels un recours pourrait être engagé puisque l'objectif de ce contrat est, d'une part, de contribuer à la création d'un emploi durable et, d'autre part, d'offrir, dans le cadre de la phase de consolidation que nous avons évoquée cet après-midi, un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise.
Par ailleurs, il convenait d'exclure expressément du contrat première embauche le travail saisonnier, qui est un tout autre sujet.
Une réflexion est d'ailleurs actuellement conduite sur ce sujet avec les partenaires sociaux pour voir dans quelle mesure on pourrait consolider le travail saisonnier, afin de permettre à ceux qui exercent une telle activité, souvent dans deux régions ou sur deux sites différents - je pense notamment aux secteurs du tourisme ou de l'agriculture -, d'avoir un véritable contrat pendant plusieurs périodes de l'année. Nous cherchons à apporter une plus grande stabilité ...
M. David Assouline. Très bien !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... et à donner plus de perspectives à ceux qui ont aujourd'hui des contrats saisonniers.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. David Assouline. C'est difficilement compatible avec les lois Sarkozy sur l'immigration !
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 441, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :
au 3° de
par le mot :
à
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Si j'ai bien compris, le Gouvernement a prévu que le CPE pouvait remplacer tous les emplois qu'il est possible d'occuper en CDD, sauf les emplois saisonniers. Il est donc possible de recourir au CPE pour remplacer un salarié absent, pour faire provisoirement passer un salarié à temps partiel ou pour faire face, par exemple, à un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.
On ne peut pas remplacer un salarié absent pour maladie par un CPE, parce que la date de retour de ce salarié est prévue. Et si un salarié passe à temps partiel, il faut tout simplement embaucher pour les heures restantes. Certes, ce ne sera que du temps partiel, mais cela ne justifie pas, me semble-t-il, un CPE.
Mon amendement vise donc à préciser que les emplois se prêtant à l'embauche en CDD ne sont pas ouverts aux CPE, à moins de supprimer directement le CDD dans le code du travail et de le remplacer par le CPE. J'ai d'ailleurs l'impression que c'est ce que vous êtes en train de faire en réalité !
Vous prétendez que le CPE est un CDI, alors prouvez-le ! Si vous souhaitez vraiment que ce soit le cas, interdisez qu'il puisse s'appliquer aux cas réservés aux CDD, lesquels sont clairement provisoires, tel un remplacement ou un accroissement temporaire d'activité ! Un CDI pour le remplacement d'un malade ! On croit rêver !
Non seulement le CPE est une attaque en règle contre le CDI mais, comme on le voit ici, c'est en plus une attaque contre le CDD. Et on comprend le point de vue du MEDEF, car, bien qu'il s'agisse déjà d'un contrat assez précaire, le CDD comporte tout de même une durée minimale et une prime de précarité de 10 % des salaires cumulés. Or vous ne prévoyez rien de tout cela avec votre CPE, monsieur le ministre ! Quand Dominique de Villepin prétend que le CPE est la réforme la plus sociale que les jeunes aient jamais obtenue, c'est un mensonge et rien d'autre !
D'ailleurs, s'il s'agit vraiment d'une avancée sociale, on se demande pourquoi le Gouvernement cherche à éviter toute discussion et pourquoi les jeunes rejettent, tant dans les sondages que dans la rue, le CPE !
En guise de rêve, vous nous offrez un cauchemar !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Comme l'article 3 bis le prévoit, le CPE doit permettre de pourvoir à un remplacement, sauf pour les emplois saisonniers qui, par nature, ne peuvent déboucher sur un CDI.
Je suis la même logique que celle que j'ai défendue jusqu'à présent. La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le CPE permet de donner une chance au salarié d'aller vers un CDI. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Mahéas. Je croyais que c'était un CDI !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Si le salarié était embauché en CDD, le contrat serait de fait rompu à son terme. Or, je le rappelle, le CPE est un contrat qui ne prévoit aucune détermination de durée.
En cas d'augmentation de l'activité de l'entreprise, il nous semble important de donner une chance tant au salarié qu'à l'entreprise.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement ne peut pas être favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 150 rectifié, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mme Cerisier-ben Guiga, M. C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mme Tasca, M. Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du I de cet article, après les mots :
mentionnés au
insérer les mots :
2° et au
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Le problème est parallèle à celui qui vient d'être évoqué à l'amendement précédent : le CPE est une machine de guerre contre le CDD.
Dans le cadre d'un CDD, les conditions exigées pour licencier avant le terme du contrat sont draconiennes ; il ne peut s'agir que d'une faute grave. Si le salarié fait un recours devant le conseil des prud'hommes et qu'il obtient la requalification de son contrat en CDI, l'employeur doit lui verser la totalité des salaires qu'il aurait dû lui verser jusqu'au terme du contrat.
Or chacun sait d'expérience - et la jurisprudence le montre aussi largement - que les employeurs préfèrent un licenciement pour faute grave ou faute lourde qui les dispense du versement d'indemnités. Mais à la suite de licenciements abusifs, les conseils des prud'hommes ont tendance à requalifier le CDD en CDI, ce qui finit par être coûteux aux entreprises, d'où l'irruption, dans notre droit du travail, du CNE, et aujourd'hui du CPE.
Ainsi, dès le départ, les jeunes seront habitués à être licenciés sans procédure ni motif. Cette simplification incontestable du droit en faveur des employeurs est tout à leur profit si les salariés licenciés ne font pas de recours. Le problème, c'est que ces derniers en feront ; les facilités que vous croyez alors donner aux patrons, monsieur le ministre, vont se retourner contre eux. Ils apprécieront et vous en reparleront ! L'incertitude juridique que vous avez cru combattre au moyen de ce dispositif va, en réalité, se trouver renforcée.
La question n'est pas de savoir si le CDD est un bon ou un mauvais contrat. Par une pirouette, le Gouvernement essaie de s'en sortir, en expliquant que le CPE apporte une réponse à la précarité, laquelle se caractérise - nous l'avons suffisamment dénoncé - par l'enchaînement des CDD et des missions d'intérim. La question est au contraire de savoir comment y répondre.
Si l'on nous dit qu'à une forme de précarité il faut répondre par une autre forme de précarité, nous ne pouvons pas être d'accord !
Comment pouvez-vous affirmer autrement que par des affirmations générales que le fait de proposer aux jeunes un CPE, dit à durée indéterminée, mais précédé d'une période d'essai de deux ans, au cours de laquelle ceux-ci pourront être licenciés sans aucune garantie pendant le premier mois, puis avec un délai de quinze jours ou d'un mois, serait préférable à un CDD ? Démontrez-nous que cette période d'essai de deux ans sera plus favorable aux jeunes que l'enchaînement de CDD !
Vous noircissez à dessein la situation, monsieur le ministre, en prétendant que, si la gauche ne veut pas du CPE, c'est parce que la précarité n'est pas si grande et que la situation n'est pas si dramatique. C'est un argument de sophiste !
La réalité, selon les chiffres de l'INSEE, c'est que 58 % des jeunes entrés dans la vie active sont en CDI pendant quatre trimestres successifs. Certes, c'est beaucoup moins que les salariés plus âgés, pour lesquels on atteint un pourcentage de plus de 75 %, mais cela concerne tout de même plus de la moitié des jeunes ! Faut-il les condamner au CPE ? Pourquoi ne mettez-vous pas en place, monsieur le ministre, une mesure ciblée pour les jeunes qui sont dans ces parcours précaires ? Pourquoi ne privilégiez-vous pas l'accompagnement de ces jeunes vers des emplois plus stables ? Pourquoi ne prévoyez-vous pas des actions visant à favoriser la formation de ces jeunes puisque, comme vous le dites vous-même, le déficit de formation est la cause première du chômage et des difficultés d'insertion ?
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est opposée à tout ce qui limite le champ d'application du CPE. Celui-ci doit pouvoir être utilisé pour faire face à un accroissement d'activité quand il existe des perspectives d'embauche permanente.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous trouvez ce soir un certain nombre de vertus au CDD ! (M. Jean-Pierre Godefroy fait un signe de dénégation.) À cet égard, je voudrais faire rapidement une comparaison entre le CDD et le CPE-CDI.
Je reviendrai tout à l'heure sur la comparaison entre le « projet sécurité formation » et le contrat de professionnalisation, parce que je crois qu'il est important de confronter les chiffres, colonne après colonne.
M. Jean-Pierre Bel. Je ne pourrai pas vous répondre, monsieur le ministre !
M. Jacques Mahéas. Nous sommes interdits de parole !
M. David Assouline. Vous avez tué le débat !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. La différence avec le CDD, c'est que le CPE-CDI n'a pas de terme.
Par ailleurs, l'indemnité de rupture est identique dans le cadre d'un CDD et d'un CPE. Je rappelle que les conditions spécifiques liées aux charges sont identiques.
Avec le CPE-CDI, un accompagnement est prévu en cas de cessation du contrat. Le salarié qui se rend à l'Agence nationale pour l'emploi pourra se voir proposer une convention de reclassement personnalisé.
M. Jacques Mahéas. C'est formidable !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Aujourd'hui, près de 40 000 personnes font l'objet d'un accompagnement personnalisé.
M. Jacques Mahéas. Et pas les autres ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Par ailleurs, le droit individuel à la formation est ouvert dès la fin du premier mois alors que, dans toute autre forme de contrat, il est ouvert après une année.
Enfin, le salarié bénéficiera de l'allocation forfaitaire de cessation de contrat. Dois-je rappeler que 50 % des CDD sont signés pour une durée inférieure à un mois et que 70 % d'entre eux n'ouvrent pas de droits au régime d'assurance chômage si le salarié ne compte pas six mois d'activité ?
Par conséquent, le CPE-CDI l'emporte sur le CDD, sans même retenir l'absence de terme pour le CPE-CDI.
Je tenais à faire cette comparaison parce qu'il est essentiel de revenir sur le fait que le salarié sous CPE bénéficie d'un accompagnement social. Comme Mme Procaccia l'a évoqué lors de la discussion générale, il est important que les assurances et les organismes bancaires considèrent le CPE-CDI comme un CDI. En outre, s'y ajoute la garantie « Locapass », sur laquelle j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer.
M. Jacques Mahéas. C'est de la supercherie !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Voilà pourquoi, monsieur Godefroy, le Gouvernement n'est pas favorable à votre amendement.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
M. Gérard Delfau. Il n'est pas possible de continuer dans ces conditions !
M. David Assouline. Arrêtez cette mascarade ! On ne peut pas répondre !
M. Roland Muzeau. Bientôt, ce seront les débats sur Internet !
M. David Assouline. C'est une honte pour le Sénat !
Mme la présidente. L'amendement n° 651, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement vise à limiter les effets particulièrement nocifs du contrat première embauche en supprimant le II de cet article 3 bis, qui porte sur les modalités de licenciement qui s'attachent à ce type de contrat.
Nous savons que la possibilité de licenciement sans justification ni motif au cours des deux premières années de ce contrat n'est pas conforme aux législations et règlements nationaux et internationaux.
L'article 24 de la Charte sociale européenne, approuvée par la loi du 10 mars 1999, prévoit que « en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s'engagent à reconnaître le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur des nécessités de fonctionnement de l'entreprise (...). »
Le projet de création du CPE est donc en parfaite contradiction avec cette disposition.
Si elle n'est pas reconnue d'applicabilité directe - cela signifie qu'un salarié ne peut pas s'en prévaloir devant un juge -, elle s'impose néanmoins au Gouvernement français puisqu'elle s'applique aux États qui ont ratifié la charte.
Mais ce n'est pas tout. En effet, une autre question doit être soulevée, à savoir la conformité du CPE avec la convention n° 158 de l'OIT. Cette dernière a en effet multiplié les conventions qui tendent à protéger les salariés. En l'occurrence, la convention précitée porte sur la cessation de la relation de travail sur l'initiative de l'employeur.
Dans son arrêt du 19 octobre 2005, le Conseil d'État a reconnu que cette disposition était d'effet direct dans l'ordre juridique interne. Cela signifie que des contentieux pourraient être déclenchés par les salariés eux-mêmes en contestation de la rupture des contrats de travail.
Or cette convention dispose qu' « un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement » -nous y revenons sans cesse- « lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise (...). »
Sur ce point non plus, le texte qui nous est proposé n'est pas conforme à cette règle internationale.
Par ailleurs, au moment du passage de l'ordonnance créant le contrat nouvelles embauches devant le Conseil d'État, ce dernier n'a pas exclu que le licenciement puisse être contesté devant un juge puisqu'il a retenu la notion d'abus de droit, revenant à la législation de 1973.
Une telle analyse pose question au regard de la rédaction de la convention de l'OIT, qui dispose qu'il doit exister un motif de licenciement. Cette existence ne devrait elle pas être appréciée au moment de la rupture plutôt qu'à celui de la contestation devant le juge ?
De plus, en laissant ainsi au jeune salarié le soin de prouver que son licenciement est abusif, vous préparez les jeunes d'une façon un peu particulière à l'entrée dans le monde du travail.
Dans le journal Le Monde du 11 février dernier, des juristes ont clairement affirmé que « l'ignorance du motif de licenciement va contraindre le salarié pour le connaître à assigner presque systématiquement en justice son employeur. »
Enfin, je souhaite attirer l'attention de notre assemblée sur la formulation retenue dans le II de l'article pour caractériser les deux premières années qui suivent la signature du contrat.
Le Gouvernement a employé l'expression « période de consolidation » et non « période d'essai ». La seule explication en est probablement que cette formulation permet d'échapper à la condamnation que ne manquerait pas de provoquer la comparaison de cette période d'essai - et du peu de garanties qu'elle présente - avec la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail.
En effet, son article 2 subordonne la dérogation au caractère raisonnable de la période d'essai. Or, si la convention n° 158 ne donne pas de définition précise de cette durée raisonnable, la jurisprudence de la Cour de cassation, quant à elle, l'a fait.
Or au moment de la présentation de ce texte, il avait bien été fait état d'une période d'essai. L'amendement qui a été présenté par le Gouvernement sur cet article montre bien, monsieur le ministre, que vous avez senti que cette notion de période d'essai était fragile.
On peut penser, sans trop s'avancer, que la Cour conclura au caractère « non raisonnable » d'une période d'essai de deux ans.
Vous justifiez aujourd'hui le CPE par la difficulté des jeunes à être embauchés. On peut donc considérer que leur période d'essai devrait normalement assurer leur protection et non celle de l'employeur, ce à quoi tend votre proposition.
En précarisant de la sorte les jeunes travailleurs, non seulement vous compromettez leur chance d'insertion dans la vie sociale et professionnelle, mais vous opérez une véritable « régression juridique » pour notre pays, à l'encontre de sa tradition et de son histoire en matière de droit.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons la suppression du II de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Bien sûr, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement visant à supprimer le CPE, à la création duquel elle est favorable.
M. Guy Fischer. Quels sont vos arguments ? Vous ne les précisez jamais !
M. Jean-Pierre Bel. Superbe débat !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Cet après-midi, répondant à certains orateurs inscrits sur l'article, j'ai eu l'occasion d'aborder quelques-uns des points que vous venez d'évoquer. Je voudrais y revenir rapidement.
Madame le sénateur, vous avez évoqué le respect de la convention n° 158 de l'OIT. Cette convention prévoit des garanties, qu'il s'agisse de la procédure contradictoire ou de la possibilité de saisir un juge ou une instance arbitrale ; suivant les pays, il existe des dispositifs variés. Toutefois, elle permet aux États d'adapter ces garanties pour des salariés ayant une faible ancienneté.
Notre droit du licenciement s'articule déjà largement autour de ce minimum d'ancienneté de deux ans. Ainsi, le délai-congé est majoré après deux ans d'ancienneté. De même, le code du travail prévoit que les indemnités de licenciement ne sont dues qu'à partir de deux ans d'ancienneté. Nous n'avions pas abordé ce point jusqu'à présent.
Vous voyez que cette période de deux ans existe déjà dans notre droit du travail. Vous avez vous-même rappelé que le Conseil d'État a expressément reconnu qu'une période de consolidation de deux ans était pleinement compatible avec la convention n° 158 de l'OIT. C'est une situation qui prévaut pour un contrat de travail largement utilisé en Espagne, et j'ai évoqué tout à l'heure le projet présenté en novembre par le nouveau gouvernement de Mme Merkel.
J'en viens au deuxième sujet que vous avez évoqué, à savoir le respect de la directive de 1998 sur la procédure de licenciement économique.
Vous avez fait référence à la charte des droits sociaux européens, qui n'avait pas été évoquée jusqu'à présent. Cette directive impose des prescriptions minimales d'information et de consultation des représentants du personnel en cas de licenciement économique touchant au moins dix salariés dans une entreprise qui en compte plus de vingt, et en cas de ruptures atypiques lorsqu'elles touchent plus de cinq salariés.
La directive est bien évidemment respectée. Les projets de rupture de CPE seront pris en compte pour le déclenchement des procédures d'information et de consultation en matière de licenciement économique.
S'agissant du respect du droit de recours, celui-ci reste possible, même dans le cas d'une procédure de rupture allégée. On a vu que les conseils de prud'hommes peuvent avoir à se prononcer sur une rupture qui serait considérée comme abusive.
L'absence d'obligation de motiver la rupture pendant la phase de consolidation - la phase d'essai stricto sensu est soumise à la même règle - ne constitue pas en soi une atteinte au droit de recours. De telles clauses existent notamment en droit civil. L'absence de motivation expresse de la rupture n'empêche en rien que le juge contrôle le motif utilisé par l'employeur.
Nous nous trouvons ici dans une situation juridique classique. J'en veux pour preuve le jugement qu'a rendu récemment un conseil de prud'hommes, sanctionnant un abus de droit. Compte tenu de la jurisprudence de la Cour de cassation, le juge sera amené à prendre en considération les motivations de l'employeur. Si celles-ci apparaissent illégales- par exemple, une rupture fondée sur une discrimination -, ou abusives, l'employeur pourra être sanctionné.
Enfin, les salariés en CPE seront bien sûr soumis aux prescriptions des conventions collectives préexistantes, à l'exception de leur clauses expressivement régies par l'ordonnance, c'est-à-dire celles qui sont relatives à la rupture. Les dispositions conventionnelles ne jouent pas ici dès lors que le CPE constitue une nouvelle catégorie de contrat que les conventions existantes n'auraient pas pu prendre en compte.
Il n'y a aucune atteinte à la liberté contractuelle.
M. Jacques Mahéas. Dans ce cas, notre prochain amendement va être adopté !
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 151, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du II de cet article :
Ce contrat est soumis aux dispositions du code du travail.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Une enquête récente montre que plus de 70 % des embauches effectuées en contrat nouvelles embauches l'auraient été sans ce dispositif, que 40 % de celles-ci l'auraient été en CDI, tandis que 28 % l'auraient été en CDD. L'effet de substitution est donc clair, tandis que la croissance qu'on nous annonce être plus forte que prévu ne se traduit pas par une augmentation significative de l'emploi salarié. Ajoutons que 48 % des employeurs ayant eu recours à un contrat nouvelles embauches déclarent évidemment ignorer à ce jour s'ils garderont la personne embauchée. Il nous paraît donc pour le moins difficile de conclure à la stabilité de la relation de travail créée par ce nouveau contrat.
À cette précarité de la relation de travail pourrait bien s'ajouter le péril de l'incertitude juridique pour les entreprises. En effet, s'il simplifie la rupture du contrat, au point d'offrir une période d'essai de deux ans, il n'en reste pas moins vrai que le contrat nouvelles embauches suscite bien des interrogations juridiques que ne manquera pas de soulever la jurisprudence.
Il en est ainsi des possibilités d'enchaînement de CDD et de CNE, des risques de recours devant les tribunaux internationaux ou nationaux pour abus de droit afin de connaître le motif de la rupture du contrat de travail au cours des deux ans de procédure simplifiée, et enfin des risques de requalification de CNE en CDI en cas de constat de rupture abusive.
Aujourd'hui, la question essentielle, dans le domaine de l'emploi des jeunes, est bien davantage centrée sur l'inadéquation entre la demande et l'offre d'emploi. Bien des entreprises sont actuellement dans l'impossibilité de recruter, parce qu'elles ne trouvent ni les qualifications ni les compétences dont elles ont besoin. C'est sur cette problématique qu'il faut nous concentrer, pour mieux cerner, au niveau des bassins d'emploi, les besoins des employeurs et les métiers en tension, pour inciter à la mobilité et pour revaloriser les filières professionnelles qui demeurent peu attractives.
Ni l'apprentissage à quatorze ans ni le CPE ne répondent à ces besoins. Ce sont, au contraire, des outils de dévalorisation des métiers et du travail.
Nous découvrons ce soir un nouveau concept, à savoir le CPE-CDI. C'est très intéressant ! Il est un peu étonnant, monsieur le ministre, que vous vous donniez tant de mal pour essayer de nous persuader que le CPE est un contrat bien plus intéressant que le CDD, autre contrat précaire, puisque le CPE peut déboucher sur un CDI, contrairement au CDD.
Il est tout de même étrange, je le répète, que vous vous donniez autant de mal, alors que, chacun le sait ici, l'intérêt majeur que vous trouvez, vous et le patronat, au CPE, c'est précisément de pouvoir licencier du jour au lendemain, et certainement pas au terme de deux ans !
Monsieur le ministre, je vous écoute attentivement lorsque vous développez votre théorie. Cela me rappelle un dicton populaire : « Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse ». (Sourires.) Et, avec ce que vous mettez dans votre flacon, on passera directement à la gueule de bois ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Sont applicables au CPE, on l'a dit à maintes reprises, les dispositions du code du travail relatives à ce que l'on peut appeler l'ordre public social, c'est-à-dire notamment celles qui prohibent les licenciements fondés sur des causes discriminatoires et celles qui sont relatives à la procédure disciplinaire en cas de faute du salarié.
En revanche, les dispositions concernant la résiliation du contrat de travail à durée indéterminée sont écartées pendant la période de consolidation de deux ans.
Cet amendement tend à remettre en cause l'économie même du CPE. C'est pourquoi la commission y est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame Le Texier, d'abord, j'ai simplement voulu dire que le contrat première embauche était un CDI.
M. Jacques Mahéas. Vous nous avez dit le contraire !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je veux que les choses soient clairement dites ! Je préfère interpréter mes propres propos plutôt qu'en laisser le soin à Mme Le Texier ! (Brouhaha ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Ensuite, le contrat première embauche n'est pas destiné à contourner l'ordre public social tel qu'il existe. D'ailleurs, je suis assez étonné que l'on parle de réécriture permanente du code du travail ; c'est vous qui le réécrivez sans cesse par vos amendements, et qui ne faites que l'alourdir ! J'ai eu l'occasion de le dire dans la nuit de vendredi à samedi.
S'il y a un assouplissement, notamment sur la motivation, pendant vingt-quatre mois au maximum, dans le cadre du CPE, cette période peut être considérablement réduite par les formations en alternances ou les contrats exercés dans l'entreprise. Et il existe un certain nombre de contreparties, comme l'indemnité de cessation de contrat, qui augmentent avec l'ancienneté du contrat.
Je souhaitais rappeler ces principes de manière claire. En tout état de cause, le Gouvernement ne peut pas être favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 152, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé:
Le contrat première embauche est un contrat de travail à temps plein.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Selon l'indice Eurostat, 7,2 millions de personnes vivent avec moins de 720 euros mensuels. La dernière enquête annuelle du Secours catholique indique que, sur une courte période, le nombre de pauvres qui ont recours à cet organisme n'est pas plus important, mais que la pauvreté s'aggrave. Le revenu mensuel moyen, qui était de 718 euros en 2002, n'est plus que de 705 euros.
C'est notamment le cas pour 10 % de ces personnes, qui sont des travailleurs pauvres. Ceux qui vivent uniquement de transferts sociaux, soit près de la moitié des personnes secourues, ne disposent en moyenne que de 653 euros. Seuls ceux qui parviennent à cumuler un travail et des transferts - 25 % des personnes - parviennent à atteindre 938 euros en moyenne.
À ces difficultés s'ajoute le problème du logement. Selon la Fondation Abbé Pierre, 3 millions de personnes sont aujourd'hui mal logées : SDF, habitat provisoire ou insalubre, squats, etc. Et 1,3 million de personnes sont officiellement en attente d'un logement social. Le « reste à vivre mensuel » des personnes en logement précaire - hôtels, caravanes, centres d'hébergement est ainsi tombé de 304 euros en 2002 à 261 euros en 2004.
Après avoir enregistré une baisse, modeste mais quasi ininterrompue depuis 1996, le nombre de pauvres est reparti à la hausse en 2003.
Cette inflexion de tendance est mise en évidence dans le quatrième rapport de l'Observatoire national de la pauvreté, dont la publication, mercredi 22 février, n'a pas donné lieu à une conférence de presse, contrairement aux précédentes éditions.
Il y a trois ans, 6,3 % des ménages, soit près de 3,7 millions de personnes, se situaient sous le seuil de pauvreté - 645 euros par mois pour une personne seule -, contre 5,9 % en 2002, soit 3,43 millions de personnes.
Pressentie par l'Observatoire dans son précédent rapport, cette progression ne constitue pas une surprise : en 2003, l'emploi salarié marchand s'était contracté dans des proportions inédites depuis dix ans - 53 000 postes en moins.
Ces personnes sont de plus en plus fragiles. Cette évolution n'est pas uniquement imputable à une conjoncture morose. Elle découle aussi de décisions prises par les partenaires sociaux ou par le Gouvernement : réforme de l'assurance chômage à la fin de 2002, qui a durci, pendant un temps, les conditions d'accès aux Assedic et réduit la durée d'indemnisation ; diminution du volume des contrats aidés dans le secteur non marchand en 2003-2004.
Autre « effet pervers » relevé par l'Observatoire : le développement de formes d'emploi de mauvaise qualité ou à faible rémunération, qui nourrit le phénomène de travailleurs pauvres.
Pourquoi ces remarques, monsieur le ministre ? Pour souligner simplement que l'Observatoire de la pauvreté confirme ce que nous voyons et répétons sans cesse.
L'accroissement de la pauvreté en France est largement le résultat de votre politique, qui conjugue le basculement des chômeurs de longue durée vers le RMI et l'encouragement à la création d'emplois à temps très partiel ou de mauvaise qualité, mal rémunérés, pourvu que cela améliore les statistiques.
Le CPE, comme le CNE, va immanquablement faire partie de ces emplois de mauvaise qualité, parce qu'il engendre une précarité absolue. Si, en plus, l'employeur peut embaucher des jeunes en CPE à temps partiel, voire très partiel, cela veut dire que l'on se situera encore un cran en dessous du CDD à temps partiel.
Un licenciement possible à tout moment sans procédure ni motivation, un bas salaire, puisqu'il s'agit d'un jeune inexpérimenté, et un temps partiel : le CPE est fait pour habituer nos jeunes à devenir des travailleurs pauvres et précaires. Ils sauront, dès leur entrée dans le monde du travail, ce qui les attend.
Quelle que soit la qualification ou les efforts accomplis pendant les études, un emploi ne suffit pas. Comme aux États-unis ou dans les pays en voie d'industrialisation, il faudra cumuler deux emplois pour parvenir à survivre.
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Comme je l'ai dit lors de la discussion générale - je le répéterai tout au long de ce débat -, le CPE est un CDI en gestation. À ce titre, il doit pouvoir porter sur un travail à temps partiel. Il faut lui donner toutes ses chances. Tout ce qui peut permettre à un jeune en recherche d'emploi d'entrer dans le monde du travail doit être privilégié.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame Printz, au-delà de l'amendement, vous avez soulevé un certain nombre de problèmes.
D'abord, le rapport annuel de l'Observatoire national de la pauvreté indique que ce sont les plus jeunes et les personnes très âgées qui voient leur situation se dégrader le plus. Dans un texte sur l'égalité des chances, il est normal de répondre à cette précarité en se préoccupant des jeunes.
Ensuite, vous avez évoqué le temps partiel, sujet sur lequel Catherine Vautrin et moi-même travaillons depuis un certain nombre de mois. On peut considérer que le temps partiel est subi dans 30 % des cas, notamment par des femmes qui se retrouvent seules et doivent élever des enfants, et dans les secteurs de la grande distribution et de la propreté.
Nous avons réuni les partenaires sociaux des différentes branches. Dans l'un de ces secteurs, à savoir la grande distribution, des négociations se sont ouvertes sur ce sujet à la fin du mois de janvier dernier. Nous avons en quelque sorte initié ces pourparlers afin de parvenir à des pratiques différentes et améliorées à partir de modes d'organisation qui existent déjà, comme les « pools de choix d'heures ».
Dans le secteur des services comme la propreté, des emplois pourraient être développés dans la polyvalence d'un certain nombre d'enseignes. Cela permettrait d'obtenir des emplois consolidés sur une durée beaucoup plus longue.
Enfin, je voudrais rappeler que le temps partiel est aussi une voie d'accès au temps complet : chaque année, le temps partiel débouche sur un contrat à temps complet dans 15 % des cas.
Le parcours de retour vers l'emploi est bien l'un des objectifs du texte que nous examinons. Il faut éviter le temps partiel subi ; c'est le sens de la négociation qui vient de s'ouvrir et que nous avons initiée. À cet égard, j'espère qu'un dialogue s'instaurera dans le secteur de la propreté afin que l'ensemble des pratiques concernant le temps partiel subi soient améliorées.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Hélène Luc. Madame la présidente, on ne peut pas poursuivre ce débat dans de telles conditions ! M. le ministre vient de tenir des propos qui méritent une discussion !
Mme la présidente. Vous interviendrez lors des explications de vote.
Mme Hélène Luc. Si l'on ne peut pas discuter, que fait-on là ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous présentez vos amendements !
M. Hubert Falco. Nous écoutons vos explications !
Mme Hélène Luc. Nous n'avons toujours pas compris ! Le vote de quatre amendements était réservé ; à partir du cinquième, il faut voter amendement par amendement ! (Non ! sur les travées de l'UMP.)
Je ne connais aucun précédent en la matière. M. le ministre n'a pas annoncé qu'il y aurait un vote bloqué ; nous devons donc pouvoir discuter et voter les amendements un par un !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous avons demandé la réserve !
Mme Hélène Luc. Il n'y a pas de précédent, et ce n'est pas le règlement ! En réalité, vous voulez nous empêcher de discuter ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Hubert Falco. On vous écoute ! Sinon, allez-vous coucher !
Mme Hélène Luc. À quoi rime un débat tel que celui-ci ? Comme vous ne pouvez pas utiliser l'article 49-3 au Sénat, vous voulez nous empêcher de discuter ! (M. Hubert Falco s'exclame.) Monsieur Falco, on vous voit si peu au Sénat... (Rires sur les travées du groupe CRC.)
M. Éric Doligé. On dirait Maxime Gremetz !
Mme Hélène Luc. Cela n'a aucun sens ! Je demande une suspension de séance d'un quart d'heure pour que nous réfléchissions. On ne peut pas continuer ainsi !
Mme la présidente. Il y aura une explication à la fin.
M. Alain Gournac, rapporteur. Poursuivons !
M. Jean-Pierre Bel. Madame la présidente, au point où nous en arrivons, l'image que nous pouvons donner de notre assemblée est en jeu ! Un sujet aussi grave, aussi important, mériterait que chacun puisse s'exprimer. Or on voit bien comment les choses se passent.
Mme Luc a entièrement raison : il n'y a pas de précédent d'une telle procédure concernant un nombre aussi important d'amendements à examiner.
Donc, madame la présidente, je vous demande une suspension de séance d'une demi-heure, (Protestations sur les travées de l'UMP) pour que nous puissions au moins définir notre attitude.
M. Alain Gournac, rapporteur. Non ! Cela ne changera rien !
M. Jean-Pierre Bel. Sinon, je propose que l'on procède à un vote dans cet hémicycle pour savoir si l'on peut entendre l'opposition !
Mme la présidente. Il y a un tel brouhaha, monsieur Bel, que je n'ai pas bien perçu vos derniers propos ! Pouvez-vous les réitérer ?
M. Jean-Pierre Bel. Madame la présidente, compte tenu du refus de la majorité sénatoriale d'accéder à notre demande de suspension de séance, je demande un vote, afin de montrer comment l'opposition est traitée dans cet hémicycle !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je rappelle que, sur l'article 1er, l'opposition avait prévu un tunnel de cent trente-huit amendements en discussion commune... (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est normal !
M. Nicolas About, président de la commission de la commission des affaires sociales Je ne parle pas quand vous intervenez, alors écoutez-moi ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Un peu de correction ! (Brouhaha.)
Mme Christiane Demontès. C'est suffisamment important pour que nous ayons des propositions à faire !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je suis désolé, vous aviez prévu cent trente-huit amendements ! (Les protestations redoublent sur les mêmes travées.)
Mme Christiane Demontès. Et alors !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais taisez-vous ! Soyez des démocrates ! Qu'est-ce que c'est que ce comportement ! Qu'est-ce que c'est que ce terrorisme intellectuel ! (Vives protestations sur les mêmes travées.)
Je le répète, alors que l'opposition avait déposé cent trente-huit amendements, en tunnel, pour nous empêcher d'avoir la moindre discussion...
M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... elle se plaint aujourd'hui que l'on ouvre la discussion commune pour permettre, au contraire, de discuter les uns avec les autres.
M. Jean-Pierre Godefroy. On n'y comprend plus rien !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. S'agissant des amendements sur l'article 3 bis que nous examinons aujourd'hui, sachant qu'ils portent sur le même sujet - ce qui n'était pas le cas des amendements sur l'article 1er -, nous avons demandé qu'ils fassent l'objet d'une discussion commune. Nous avons cependant permis à la commission et au Gouvernement de donner leur avis sur chacun d'eux, ce qui n'était pas prévu pour les 138 amendements sur l'article 1er.
Vous aviez décidé de tout bloquer et d'empêcher le Parlement de remplir sa mission ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas vrai !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et vos vociférations n'y changeront rien !
Ne venez pas nous reprocher aujourd'hui ce que vous avez tenté de faire il y a deux jours ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. C'est ainsi depuis le début de cette discussion : chaque fois que vous opérez un coup de force, vous vous plaignez de ce que nous, nous ferions de l'obstruction ! (M. le président de la commission et M. le rapporteur s'esclaffent.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Foutaises !
M. David Assouline. Faut-il vous rafraîchir la mémoire ? Mercredi, vous avez retiré de l'ordre du jour une question orale européenne avec débat sur un sujet fondamental, la libre circulation des travailleurs européens, débat qui s'est finalement tenu en sous-sol, salle Médicis, en présence du ministre. Vous avez organisé un cours annexe, en quelque sorte. Nous n'avions jamais vu cela au Sénat !
M. Pierre-Yves Collombat. Le Sénat n'est pas un multiplex !
M. David Assouline. Le soir, à la même heure, nous avons commencé à débattre en séance publique du projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif, qui ne pouvait absolument pas être reporté car, nous a-t-on expliqué, il importait de pouvoir recruter des volontaires qui soient à pied d'oeuvre dès cet été, notamment pour apporter une assistance dans les quartiers difficiles.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'a pas été bien abordé ; nous n'avions pas suffisamment de temps.
M. David Assouline. Au moment d'aborder l'article 6, à minuit et demi, la séance a été levée et la discussion reportée sine die.
Le lendemain, sur le projet de loi pour l'égalité des chances, vous avez utilisé toutes les procédures possibles afin d'empêcher la discussion et vous avez fait tomber des dizaines d'amendements ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous avez refusé la discussion séparée !
M. David Assouline. Ces amendements, que nous avions travaillés, portaient notamment sur la question de l'apprentissage.
Vous vous plaignez de nos cent trente amendements sur l'article 1er...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cent trente-huit !
M. David Assouline. ...mais savez-vous ce que représente, pour nous, cet article 1er, sachant qu'il vise à mettre fin à la scolarité obligatoire à seize ans ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Savez-vous ce que cela veut dire ? Cela ne mérite-t-il pas un débat approfondi ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La présentation de cent trente-huit amendements à la queue-leu-leu, ce n'est pas un débat !
M. David Assouline. Il fallait débattre ! Or que faites-vous aujourd'hui ? Vous l'avez dit vous-même : il s'agit pour le Gouvernement d'entendre un exposé pour, et de donner un avis contre...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas du tout !
M. David Assouline. ...et il n'y a aucun droit de réponse aux longues interventions que fait le ministre ce soir à l'occasion de chaque amendement, ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. David Assouline. ... à part le fait (Mme Catherine Procaccia. s'exclame.) - j'aimerais pouvoir finir... (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Madame la présidente, je veux finir dans le silence ! (Hourvari.)
Mme la présidente. C'est peut-être beaucoup demander !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui, demandez le silence à vos collègues, vous qui êtes irrespectueux quand ils parlent !
M. André Dulait. C'est un grand démocrate !
M. Alain Gournac, rapporteur. Quand le président de la commission s'est exprimé, vous avez fait un bruit terrible !
M. David Assouline. Je finis dans le silence ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Ce n'est pas grave, l'heure tourne ! Continuez ! En tous les cas, je note que, parfois, les sénateurs de la majorité se réveillent !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Quelquefois !
M. David Assouline. Pour finir, je dirai que, indépendamment des procédures que vous voulez ou non enclencher demain, il est vraiment désolant pour le Sénat tout entier, ...
M. Alain Gournac, rapporteur. Poursuivons la séance, madame la présidente !
M. David Assouline. ...pour nous tous qui sommes présents dans cet hémicycle, même si nous ne sommes pas encore suffisamment nombreux, de voir que des amendements ont été travaillés et défendus, que le ministre a répondu, et que, alors qu'il pourrait se passer quelque chose... (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui, on vous fait confiance !
M. David Assouline. ...ils ne puissent pas donner lieu à des échanges qui permettraient peut-être, au sein de cette assemblée, la compréhension des enjeux. Vous interdisez cela, ce qui est inadmissible !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est mieux que les cent trente-huit amendements !
M. David Assouline. Vous cassez le débat démocratique, vocation de cette assemblée. Les explications de vote font partie du débat.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh bien, non !
M. David Assouline. Le président Bel a demandé une suspension de séance significative pour voir comment on peut poursuivre la discussion dans ces conditions.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela ne changera rien !
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous n'y connaissez rien !
M. David Assouline. Si vous la refusez, l'assemblée doit voter et assumer son refus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Pas du tout ! C'est la présidente qui décide, de façon impartiale !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je veux évidemment m'associer à la demande de suspension de séance sur laquelle vous ne vous êtes pas prononcés.
Monsieur le président de la commission, après avoir déclenché cette procédure accélérée, vous êtes mal placé pour nous accuser de fausser le débat, étant donné votre interprétation pour le moins laxiste ou, en tout cas, extensive du règlement.
En effet, vous avez demandé la réserve sur quatre amendements...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Sur l'ensemble des amendements !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... alors que la réserve ne s'applique pas textuellement au vote.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est n'importe quoi !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous éprouvons donc les plus grandes inquiétudes et nous voudrions entendre l'avis du Gouvernement à cet égard, ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On ne va pas suspendre toutes les dix minutes !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...car nous serions marris d'apprendre au dernier moment que toute cette comédie n'a pour objectif que de soumettre l'ensemble des amendements à un vote bloqué.
Par conséquent, en premier lieu, je demande au Gouvernement de nous dire clairement ses intentions en la matière, puisqu'il n'est pas en votre pouvoir, monsieur le président de la commission, de décider le vote bloqué, quel qu'en soit votre désir.
En second lieu, je souhaite qu'une réponse nette nous soit apportée sur notre demande de suspension de séance. (Brouhaha.)
M. André Lejeune. C'est le Sénat ou le Gouvernement qui décide ?
M. Jean-Pierre Godefroy. On vote !
M. Alain Gournac, rapporteur. Non !
M. Michel Mercier. Nous arrivons à un moment où le débat n'est sain pour personne.
M. Guy Fischer et Mme Hélène Luc. Vous avez raison !
M. Michel Mercier. Je vous remercie d'en convenir !
Mme Hélène Luc. On va voir ce que vous allez dire ! (Sourires.)
M. Michel Mercier. Je vais dire ce que j'ai envie de dire, ainsi que je l'ai toujours fait !
Comme nombre d'entre nous, j'aime mon métier et mon mandat de parlementaire. Je considère que ce dernier me conduit tout naturellement à discuter et à apprécier les textes qui sont soumis au Parlement.
Il est tout à fait exact que l'article 44, alinéa 3, de la Constitution prévoit des procédures qui s'inspirent de réflexions, datant des années trente, sur le parlementarisme rationalisé, devant l'impuissance de notre régime politique de l'époque. Il n'empêche que ces dispositions figurent dans notre Constitution et qu'il appartient au Gouvernement, et non pas aux parlementaires, de les utiliser.
Mme Hélène Luc. Exactement !
M. Michel Mercier. Les parlementaires se doivent de faire en sorte que le débat se déroule au mieux, sous peine de voir s'exécuter la menace évoquée tout à l'heure par M. le ministre.
Pour ma part, je souhaite que nous puissions aller au bout de la présentation des amendements, et ce, pour une raison très simple : s'ils ne sont pas présentés, le ministre aura beau jeu demain de ne même pas demander le vote bloqué, puisqu'il n'y aura à se prononcer sur rien ! Cette situation illustre bien le déséquilibre des pouvoirs au sein de la Constitution de 1958, avec la suprématie du pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif.
Madame la présidente, notre règlement est particulièrement bien fait pour ne pas être appliqué (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) et l'on voit bien toutes les difficultés qui surgissent lorsqu'on veut l'appliquer ! Néanmoins, ses ressources étant inépuisables, je vous suggère d'y trouver une mesure simple, d'apaisement temporaire, pour calmer un peu l'hémicycle...
Mme Hélène Luc. Oui !
Un sénateur du groupe socialiste. Une douche !
M. Michel Mercier. ... et pour que tous les amendements puissent être présentés.
Il appartiendra au Gouvernement d'utiliser ou non les pouvoirs que lui confère la Constitution. A nous, ensuite, de formuler une appréciation sur la position qu'il prendra.
Mme Hélène Luc. Ne faites pas des avances au Gouvernement tout de même !
M. Michel Mercier. Je le répète, je tiens à ce que tous les amendements soient présentés et je vous demande, madame la présidente, d'user de votre haute autorité pour ramener le calme et la sérénité dans les débats. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, il appartient en effet au président de séance de décider de suspendre ou non la séance.
Je vais donc accéder à la demande de M. Bel et de Mme Luc et suspendre nos travaux pour quinze minutes.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cela va faire avancer les choses !
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-trois heures.)
M. Jean-Pierre Bel. Madame la présidente, mes chers collègues, le sujet qui nous occupe actuellement est tellement important, nous en sommes tous conscients, que nous avons envie de participer et de nous exprimer. En conséquence, vous devez, les uns et les autres, comprendre les réactions que nous avons eues ce soir.
J'ai entendu l'intervention de M. Mercier qui souhaitait que nous puissions travailler dans de meilleures conditions et, d'une certaine manière, trouver des mesures d'apaisement. Pour nous, et je vous le dis franchement et très directement, les meilleures mesures d'apaisement consisteraient à pouvoir revenir à une procédure normale d'examen du texte. (M. le rapporteur rit.) Monsieur le rapporteur, vous riez déjà, je connais ainsi l'essentiel de votre réponse !
Il serait tout de même appréciable de procéder à l'examen de ce texte amendement par amendement, selon la procédure que nous connaissons et qui permet à chacun d'intervenir.
Pour la plupart, nous ne sommes pas des parlementaires passifs, ni des spectateurs. Nous sommes engagés dans la vie publique et politique. Or, sur ces sujets, nous sommes un peu bouillonnants lorsque nous nous sentons frustrés, coincés dans nos fauteuils, à ne pouvoir réagir sur ce qui est dit, par MM. le rapporteur et le ministre notamment.
Vous m'avez laissé entendre quelle pouvait être votre réponse à la requête que j'émets. Je vous demande, par conséquent, de bien vouloir accepter, au minimum, que, demain, dans le cadre de la procédure que vous avez déterminée, soient examinés, de manière responsable, raisonnable et tout à fait normale, chacun des amendements et que, par ailleurs, chacun d'eux fasse l'objet d'un vote.
Si, ce soir, vous pouviez faire un geste en ce sens, nous retrouverions l'apaisement souhaité par beaucoup d'entre nous, et ce débat, que nous voulons plus responsable, se trouverait, me semble-t-il, en bonne voie de résolution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme M. Bel, je crois que le sujet mérite que nous soyons apaisés et que nous ayons une discussion très sérieuse dans laquelle nous aimerions, de surcroît, entendre nos collègues de la majorité.
Nous venons d'apprendre, ce soir, que le chômage a repris sa progression.
M. Alain Gournac, rapporteur. Alors, il faut travailler vite !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Or, vous nous poussez...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. À bout ? (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... à adopter le dispositif relatif au CPE compte tenu du « succès » du CNE !
Cela mérite tout de même que nous y réfléchissions un peu plus ; il convient donc que nous ayons un réel débat plutôt que vous écoutiez, ou que vous n'écoutiez pas, devrais-je dire, la présentation que nous faisons de nos amendements. Vous vous contentez d'attendre patiemment que nous ayons terminé !
Nous avons posé, les uns et les autres, une question précise au Gouvernement : nous lui demandons de dire quelles sont ses intentions. Toute cette manoeuvre de la commission (Protestations sur les travées de l'UMP.) a-t-elle pour but de nous pousser à un vote bloqué, a-t-elle pour but de nous empêcher d'avoir une réelle discussion et d'intervenir, y compris sur les arguments que nous livre le Gouvernement ? Nous aimerions avoir une réponse. Puisque d'aucuns ont appelé à l'apaisement, je crois qu'il serait utile que le Gouvernement fasse un pas en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai déjà eu l'occasion, au début de cette soirée, de souligner, et M. Mercier l'a rappelé, que l'article 44 dont il s'agit est un article de la Constitution. Or la Constitution n'est ni un objet de chantage ni un objet qu'on utiliserait d'une manière différée !
Toutefois, je souhaiterais revenir sur le fond du sujet. Lorsque vous qualifiez de « manoeuvre » le travail de la commission, je vous répondrai qu'il ne m'appartient pas de le juger. En revanche, une telle démarche nous permet simplement de travailler de manière cohérente...
M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... puisque tous les amendements se rattachent expressément à l'objet de l'article 3 bis du projet de loi. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Par ailleurs, le Gouvernement prend le soin de répondre aux orateurs au-delà même de l'objet de l'amendement qu'ils présentent. En effet, nous pensons qu'il est important d'apporter à la représentation nationale, en l'occurrence au Sénat, l'ensemble des éléments.
M. Mercier a souhaité tout à l'heure que nos débats puissent se poursuivre comme nous les avions engagés ; le Gouvernement est à la disposition du Sénat et donnera tous les éclairages nécessaires aux auteurs d'amendements. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Un sénateur socialiste. Vote bloqué ou non ?
M. Roland Muzeau. Je demande la parole pour un rappel au règlement. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Éric Doligé. Voilà deux heures que l'on ne fait rien !
Mme la présidente. En vertu de quel article, monsieur Muzeau.
M. Roland Muzeau. Madame la présidente, je me fonde sur l'article 32, concernant la tenue des séances.
Monsieur le ministre, après les prises de parole, très constructives, des présidents des groupes socialiste et communiste républicain et citoyen, et de M. Mercier - pour une fois que je l'associe, il devrait me remercier ! -, vous avez été interrogé à cinq reprises afin de nous fournir une réponse claire.
M. Alain Gournac, rapporteur. On vient d'obtenir une réponse !
M. Roland Muzeau. Une fois les amendements présentés un à un, utiliserez-vous, oui ou non, une procédure expéditive ? Sinon, chaque amendement sera-t-il mis aux voix, ce qui implique une explication de vote sur chacun d'eux ? (Murmures sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Muzeau. De nombreux amendements ne manqueront pas de susciter la discussion.
Il n'est tout de même pas difficile de répondre par oui ou par non à une question : le Gouvernement respectera-t-il le droit d'explication de vote sur chacun des amendements ?
Certains dans cet hémicycle sont très forts : après quelques heures de sommeil, ils se souviendront sans doute d'une discussion qui aura duré huit heures, de l'argumentation et de la réponse que le ministre aura données ! Je ne fais pas partie de ces sénateurs, je vous rassure, je serai donc obligé de relire mes notes...
Monsieur le ministre, encore une fois, je souhaiterais savoir si vous respecterez le droit d'explication de vote amendement par amendement, ou si vous allez manipuler nos débats.
M. Alain Gournac, rapporteur. Au travail !
M. Roland Muzeau. Monsieur le président du Sénat, vous êtes arrivé, je vous en remercie, car trop c'est trop ! Cela fait cinq jours que nous assistons à un certain nombre de manipulations du règlement, dont chacun a sa lecture. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est faux !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est plutôt la gauche qui tente de nous manipuler !
M. Roland Muzeau. Une conférence des présidents est-elle nécessaire pour enfin poser le problème ? J'y serais personnellement très favorable. À l'occasion de suspensions de séances, nous essayons de régler intelligemment cette question (M. le rapporteur rit), mais nous avons l'impression de parler à un mur.
Monsieur le ministre, vous êtes, me semble-t-il, en situation de nous répondre clairement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faut travailler maintenant !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je pense avoir déjà répondu. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Pardonnez-moi, mais appliquer la Constitution ne constitue pas une manipulation. À ce titre, je ne peux pas accepter que l'on prétende qu'il y ait manipulation sur le fondement d'un article de la Constitution. La Constitution est ce que nous avons en partage ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Au boulot !
M. Jean-Pierre Godefroy. Rappel au règlement !
Mme la présidente. Nous reprenons l'examen du projet de loi. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Dans la discussion des amendements déposés à l'article 3 bis, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 155.
Cet amendement, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le jeune en contrat première embauche bénéficie d'un accompagnement personnalisé sous forme de tutorat.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je vais vous présenter cet amendement n° 155 en mettant mes papiers dans ma poche ; je vais, en fait, me servir de ce temps de parole pour faire un rappel au règlement.
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est pas très joli !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il nous faut obtenir une réponse !
Mes chers collègues, nous avons la chance, ce soir, d'avoir parmi nous le président du Sénat et le ministre délégué aux relations avec le Parlement. Cela ne doit pas être si anodin ! Avec le président du Sénat, le ministre délégué aux relations avec le Parlement, le ministre, le rapporteur et les membres du bureau, nous devrions pouvoir trouver une solution pour débloquer...
M. Alain Gournac, rapporteur. Il n'y a rien de bloqué !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je crois que l'idée émise par Roland Muzeau relative à la réunion d'une éventuelle conférence des présidents est tout à fait appropriée.
M. Alain Gournac, rapporteur. Mais qu'en est-il de l'amendement ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Le président du Sénat et le ministre délégué aux relations avec le Parlement nous honorent de leur présence, c'est dire qu'il y a un problème !
Monsieur Larcher, vous auriez, me semble-t-il, toute latitude de répondre à la question. Il ne s'agit pas là d'un chantage à la Constitution ! Vous savez très bien si, oui ou non, vous accepterez que nous débattions, demain, amendement par amendement avec explication de vote sur chacun d'eux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L'amendement est défendu, n'est-ce pas ?
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Puisque l'amendement n° 155 a été défendu...
M. Roger Madec. Non, non, il n'a pas été défendu !
M. Alain Gournac, rapporteur. ... je vais pouvoir indiquer l'avis de la commission des affaires sociales. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roger Madec (s'exprimant en même temps que M. le rapporteur). Non, il n'a pas été défendu ! Nous voulons d'abord une réponse à la question que M. Godefroy a posée, et je défendrai l'amendement ensuite !
M. Alain Gournac, rapporteur. Les jeunes embauchés en CPE bénéficieront de l'accompagnement prévu dans les dispositifs spécifiques créés à cet effet, quand ils y sont éligibles, tels que le CIVIS.
L'avis est donc défavorable.
M. David Assouline. On ne peut pas continuer comme cela !
M. Guy Fischer. L'amendement n'a pas été défendu !
M. Roger Madec. L'amendement n° 155 n'a pas été défendu ! Je vais donc le présenter.
Mme la présidente. Non, monsieur Madec ! Lorsque M. Godefroy s'est exprimé, c'était pour exposer l'amendement n° 155. Je ne peux donc vous donner la parole maintenant, et vous comprenez à quel point il m'est difficile de vous dire cela ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
L'amendement étant considéré comme défendu, je vais demander l'avis du Gouvernement.
Vous avez la parole, monsieur le ministre. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Alors, vote bloqué ou non ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. L'objet du CPE est de pourvoir des emplois durables et, notamment, de favoriser l'insertion professionnelle. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Le tutorat, en particulier, s'inscrit dans le mode d'accompagnement du jeune salarié.
J'ai évoqué tout à l'heure l'accompagnement personnalisé du salarié vers l'emploi, notamment dans les premiers mois de sa rencontre avec l'entreprise. Il est nécessaire, car, on le sait, le taux de rupture est élevé dans cette période.
En outre, le contrat de professionnalisation, qui est un véritable outil, doit être utilisé dans le cadre du CPE et se déduira de la période de vingt-quatre mois. Une importante réunion s'est d'ailleurs tenue ce soir à la chambre de commerce et d'industrie de Paris (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) à ce sujet. Les chiffres dont nous disposons pour le mois de janvier montrent en effet qu'il connaît une croissance de plus de 30 % par rapport à janvier 2004. Cela prouve bien que le contrat de professionnalisation, qui est le fruit de la volonté des partenaires sociaux, est aujourd'hui particulièrement bien compris et bien mis en oeuvre par les entreprises.
Donc, avis défavorable, même si l'esprit de l'amendement relève bien de la démarche qui est la nôtre.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 502 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Modifier comme suit le II de cet article :
I. - Dans le deuxième alinéa, remplacer les mots :
les deux premières années
par les mots :
la première année
II. - Dans le troisième alinéa, remplacer les mots :
dans les deux années
par les mots :
dans l'année
III. - Dans le quatrième alinéa, remplacer les mots :
les deux premières années
par les mots :
la première année
IV. - Dans le onzième alinéa, remplacer les mots :
au cours des deux premières années
par les mots :
au cours de la première année
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. L'amendement n° 502 rectifié est essentiel à nos yeux. Il vise en effet à réduire la période de consolidation de deux ans à un an et, comme l'a précisé le président de notre groupe, M. Michel Mercier, lorsqu'il s'est exprimé sur l'article 3 bis, sans une telle modification, le dispositif du CPE nous semblerait difficilement acceptable.
L'aspect de ce dispositif que nous trouvons le plus choquant est la possibilité de rompre ce contrat, sans apporter de motivation, pendant une période de deux ans.
M. Gérard Delfau. Bravo !
Mme Hélène Luc. C'est trop long !
Mme Valérie Létard. Deux ans, c'est trop long ! Un employeur n'a pas besoin de deux ans pour savoir si, oui ou non, un salarié est adapté à son poste de travail.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Valérie Létard. Deux ans de précarité absolue, ce n'est pas l'idée que nous nous faisons de l'équité ni de la justice sociale.
M. Gérard Delfau. Très bien !
Mme Valérie Létard. Même réduite à un an, la période de consolidation serait déjà bien longue.
Une durée de un an pour la période d'essai est exceptionnelle dans le secteur privé, où elle est généralement de deux ou trois mois, voire six pour les cadres. Elle correspondrait néanmoins à ce qui se pratique dans la fonction publique territoriale, au sein de laquelle les futurs fonctionnaires passent six mois en tant que stagiaires puis six mois avant titularisation. C'est ce modèle que nous avons retenu pour proposer de réduire de moitié la période de consolidation. Et c'est bien le moins que l'on puisse faire !
Et puisque je suis en train d'utiliser, dans ce débat au forceps, l'une des rares occasions qui nous seront laissées pour exprimer l'opinion de notre groupe, je tiens, monsieur le ministre, à rappeler, si besoin est, que les avancées du Gouvernement sur ce sujet comme sur la motivation du licenciement détermineront fortement notre position sur le vote définitif.
De même, je souhaite attirer votre attention sur le fait que, lorsque l'on souhaite modifier le code du travail, on doit faire évoluer la législation sociale de concert, si ce n'est en amont, pour donner sens à ce que chacun appelle de ses voeux : la sécurisation du parcours professionnel.
Je ne critique même pas le contrat premier embauche ou le contrat nouvelles embauches. Simplement, il me semble que la négociation aurait pu nous donner le temps de creuser le débat sur un point que vous avez mentionné à l'instant, monsieur le ministre : l'accompagnement individuel à la sortie ou avant l'entrée dans un contrat de travail.
Aujourd'hui, vous le savez comme moi, les services publics de l'emploi ont besoin d'être renforcés pour que chaque demandeur d'emploi puisse bénéficier d'un véritable bilan de compétence, d'une véritable évaluation, d'une véritable formation, et soit encouragé, accompagné, pour trouver une solution professionnelle. Il faudrait mener une réflexion sur ce sujet, mais aussi sur le niveau que doivent atteindre les prestations ASSEDIC si l'on veut effectivement introduire une plus grande flexibilité dans le code du travail. Or c'est la discussion, c'est la négociation qui permettra des avancées.
M. Guy Fischer. Les ASSEDIC ? Elles ferment leurs portes !
Mme Valérie Létard. L'accès au crédit pour les titulaires de contrats précaires est un autre sujet à clarifier et doit être également inclus dans la réflexion globale sur l'environnement du contrat de travail. Comment, sinon, parler de sécurisation du parcours professionnel ?
Nous évoquions le Locapass il y a quelques instants : des efforts restent à faire ! Aujourd'hui, le Locapass ne prend effet et n'est activable qu'un ou deux mois après l'entrée dans les lieux.
M. Guy Fischer. Au mieux !
Mme Valérie Létard. Or vous savez très bien, monsieur le ministre, que les bailleurs privés ont besoin d'une plus grande sécurité, ce qui les conduit à demander un autre garant : ce système n'est donc pas suffisant. C'est, là encore, un élément de la réflexion que nous devrions mener sur l'accompagnement.
Pour les femmes seules avec enfant, également, il nous faut faire évoluer un certain nombre de droits sociaux.
M. Jacques Mahéas. Bien sûr ! C'est évident !
Mme Valérie Létard. Il était question tout à l'heure des temps partiels différés ou décalés : aujourd'hui, c'est le temps partiel tout court qu'il faut remettre en cause. On a avancé sur les intéressements à l'emploi,...
M. Guy Fischer. C'était mettre la charrue devant les boeufs !
Mme Valérie Létard. ... il faut peut-être faire en sorte que les droits sociaux aussi progressent et, au moins, soient maintenus dans le cadre de l'emploi.
Je sais, monsieur le ministre : je prends du temps alors que l'on essaie d'écourter les débats. Mais ces points me paraissent essentiels. On veut de la flexibilité ; nous ne sommes pas rétrogrades, nous pouvons envisager un débat, mais un débat qui implique tout le monde et qui soit replacé dans un environnement global, qui prenne en compte tous les paramètres. Nous pouvons comprendre que les entreprises aient besoin de flexibilité ; mais alors, quels gages donne-t-on aux salariés pour que, à la sortie du contrat, ils aient toutes les chances de ne pas être dans la précarité financière, pour qu'ils aient toutes les chances de retrouver un emploi ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Ma chère collègue, je vous ai écoutée avec attention... (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous approuvons et apprécions !
M. Guy Fischer. La réponse sera brève !
M. Alain Gournac, rapporteur. Ma chère collègue, je vous ai écoutée avec attention, et je suis d'accord avec vous. La limitation à un an de la période de consolidation peut apparaître comme l'une des pistes d'évolution du CPE. Mais il me semble que cette décision ne peut intervenir qu'à l'issue de l'évaluation qui est prévue. (Rires et exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Vous pourriez me laisser m'exprimer une minute ?
M. Roland Muzeau. Nous ne faisons que compléter votre propos !
M. Alain Gournac, rapporteur. Chaque fois que nous avons la parole, vous nous interrompez, et après vous venez nous reprocher de vous empêcher de parler ! Laissez-nous donc nous exprimer !
Mme Marie-France Beaufils. C'est que nous n'aurons pas l'occasion d'expliquer notre vote !
Mme Hélène Luc. Nous n'avons pas droit à la parole !
M. David Assouline. Nous n'avons pas le droit parler, alors, nous nous agitons !
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous l'avez voulu ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Il est en effet nécessaire d'observer les résultats de la mise en oeuvre du CPE avant de se prononcer. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Même pas ça !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame Létard, vous me permettrez de répondre d'abord aux différents points que vous avez soulevés.
Je ne reviendrai que très brièvement sur la différence entre les garanties que comporte la période d'essai et celles qu'offre la période de consolidation. La période d'essai n'implique ni préavis, ni indemnité de cessation de contrat, ni allocation forfaitaire, et, étant la plupart du temps liée aux conventions collectives, elle peut durer jusqu'à six mois.
Vous vous êtes référée à la fonction publique. Paradoxalement, le nombre de contrats précaires y est plus élevé que dans l'entreprise du secteur marchand.
M. Guy Fischer. Il est de 800 000 !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. La réflexion qu'aujourd'hui nous devons mener sur la précarité des contrats doit porter aussi sur la fonction publique, et le pacte comme l'apprentissage doivent permettre d'éviter que le statut ne soit contourné par le biais de la précarité. Tel est l'objet tant du CPE que du CNE.
M. André Lejeune. Mais non !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Vous avez encore évoqué la sécurisation des parcours professionnels et l'importance du dialogue social.
Le contrat nouvelle embauche comporte un élément très important, sous forme de question, dont nous souhaitons que les partenaires sociaux se saisissent, et Jean-Louis Borloo et moi-même aurons très bientôt l'occasion de l'évoquer avec eux : quelle convention de reclassement personnalisé doit accompagner celui qui voit son contrat interrompu ? D'après la première enquête Fiducial, je le rappelle, plus de la moitié des contrats étaient interrompus à la demande du salarié, une petite moitié seulement sur l'initiative de l'entreprise.
La convention de reclassement personnalisé est l'un des éléments de la sécurisation des parcours professionnels. En conséquence, elle doit d'abord prévoir la formation, l'« accompagnement personnalisé », comme l'indique son nom même, et la validation des acquis de l'expérience, la VAE. Vous avez pu constater la semaine dernière dans le Journal officiel la création de la délégation interministérielle à la validation des acquis de l'expérience : nous voulons, conformément à la demande du Premier ministre, tripler dès cette année le nombre de VAE.
Droit individuel à la formation et convention de reclassement personnalisé sont donc les deux éléments principaux dont doivent se saisir les partenaires sociaux.
L'État devra naturellement abonder les crédits, puisque, d'une part, il est prévu que seulement 2 % des coûts soient à la charge de l'employeur et que, d'autre part, le problème demeure entier des demandeurs d'emploi non indemnisés, parmi lesquels, vous le savez, on recense de nombreux jeunes pour lesquels il faut mettre en place une démarche spécifique.
Nous devons néanmoins compter avec la nouvelle convention d'assurance chômage, dans laquelle sont prévus divers outils de retour à l'emploi, dont le contrat de professionnalisation.
La sécurisation des parcours professionnels est sans doute à parfaire, et nous devrons, comme l'a souhaité le Premier ministre, nous pencher sur cette question afin d'imaginer comment introduire la souplesse dans les contrats de travail, réalité que nous voyons s'imposer dans l'ensemble des pays développés, en échange d'une sécurité améliorée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Vous avez également, madame, parlé du Locapass. J'ai déjà évoqué l'idée de faire des vingt-quatre mois un seul bloc, et Jean-Louis Borloo et moi-même y réfléchissons. Nous avons tenu diverses réunions la semaine dernière - Jean-Louis Borloo s'est exprimé sur ce sujet dans la presse ce matin -, et je pense que nous allons aboutir.
M. Roland Muzeau. Il ferait mieux de venir ici !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est au Parlement qu'il doit s'exprimer !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous allons aussi faire de la caution un véritable élément de la garantie. D'ailleurs, je l'indiquais tout à l'heure, le taux de sinistralité dans le Locapass était inférieur en 2005 à celui que l'on observait dans le parc privé en général.
M. David Assouline. Baratin !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il nous faut mettre en face de chacun des CPE une proposition de Locapass et, dans le même temps, convaincre la Fédération des bailleurs privés d'entrer dans un rapport de confiance. Car les logements sociaux ne suffiront pas à répondre aux besoins. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Vous souhaitiez vous exprimer sur l'ensemble du texte, madame, et j'ai essayé de vous répondre. Si je ne peux pas accepter votre amendement, j'espère néanmoins vous avoir apporté quelques éclaircissements.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 667, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
de celles
rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du II de cet article :
des articles L. 122-4 à L. 122-7, L. 122-9 à L. 122-11, L. 122-13 à L. 122-14-1, L. 122-14-4 à L. 122-14-14 et L. 321-1-3 à L. 321-13, L. 321-17 du même code.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Le cinquième alinéa de l'article 3 bis du projet de loi fait référence à la résiliation du contrat de travail.
Dans la mesure où le contrat première embauche permet aux employeurs de licencier en totale liberté durant les deux premières années, sans obligation de justification, cet alinéa l'écarte d'un certain nombre de dispositions contenues dans les articles du code du travail auquel il se réfère.
Pourtant, à y regarder un peu plus en détail, l'exclusion du CPE du champ de ces articles est bien loin de se justifier.
Notre amendement vise donc à récrire cet alinéa afin d'éviter que les salariés ne se trouvent privés d'un certain nombre de leurs droits sans raison, « au passage », si je puis m'exprimer ainsi.
Dans la logique qui sous-tend le contrat première embauche, on peut comprendre que les dispositions liées au licenciement pour faute grave n'aient plus lieu d'être - et pour cause, aucune faute n'ayant besoin d'être invoquée pour licencier le salarié !
En revanche, monsieur le ministre, vous souhaitez que les salariés embauchés dans le cadre d'un CPE soient exclus du champ d'application de l'article L. 122-8, qui prévoit que, si l'employeur ne respecte pas la durée du délai-congé précédant le licenciement, le salarié a droit à une indemnité compensatrice. De plus, si l'employeur décide de réduire le délai-congé, le salarié ne peut pour autant se voir imposer une diminution de son salaire ou de ses avantages.
Nous ne comprenons donc pas pourquoi il faudrait priver les salariés de cette disposition et nous souhaitons, au contraire, qu'ils puissent en bénéficier.
Nous y tenons d'autant plus que l'extrême facilité avec laquelle l'employeur pourra licencier ses salariés nous incite à penser qu'il vaut mieux, dans ce cadre, leur garantir un minimum de droits, comme celui de conserver leurs avantages en cas de réduction de leur préavis de licenciement et de pouvoir bénéficier d'une prime compensatoire.
Par ailleurs, les articles L.122-14-2 et L.122-14-3 du code du travail sont supprimés des dispositions dont relève le contrat première embauche. Nous pensons au contraire qu'il faut qu'ils y figurent.
En effet, aux termes de l'article L.122-14-2, « l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement mentionnée à l'article L.122-14-1. » et aux termes de l'article L.122-14-3 - je pense que c'est essentiel - : « En cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utile. »
Par ailleurs, j'insiste beaucoup sur la phrase suivante : « Si un doute subsiste, il profite au salarié. »
M. Roland Muzeau. Eh oui !
Mme Évelyne Didier. Nous demandons avec force le maintien de ces articles. Nous ne pouvons accepter la mise en cause de l'un des fondements de notre code du travail.
Je vous le rappelle, le droit du travail est né de la nécessité de corriger la relation nécessairement inégalitaire entre le salarié et l'employeur. C'est un droit protecteur dont ces articles sont des piliers historiques. Ils ne peuvent être balayés comme vous le faites ici d'un revers de manche...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
Mme Évelyne Didier. ...et dans l'opacité la plus complète, parce que c'est compliqué et technique en même temps.
Il faudra maintenant, ici même, justifier de votre volonté de priver les salariés embauchés en contrat première embauche de leur droit à une appréciation juste et impartiale de leur licenciement, ainsi que de sa justification. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'amendement n° 667 est sensiblement identique à l'amendement n° 151. Il tend à effacer les spécificités du CPE en matière de résiliation pendant la durée de consolidation.
La commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame Didier, votre amendement reviendrait à faire disparaître - mais c'est son objet - la souplesse apportée par le CPE.
Or à la souplesse correspond la sécurisation, je viens d'ailleurs de répondre à Mme Létard sur les dimensions de celle-ci.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne sommes pas convaincus !
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 447, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du II de cet article, remplacer la référence :
L. 122-14-14
par la référence :
L. 122-14-13
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. J'ai l'impression qu'il y a une véritable confusion entre les articles L.122-14-13 et L.122-14-14. En effet, les articles L.122-13 à L.122-14-13 portent sur les conditions de rupture d'un CDI. Or, l'article L.122-14-14 concerne tout autre chose puisqu'il vise le conseiller du salarié, conseiller nécessaire à la procédure de licenciement obligatoire.
Je vous rappelle les termes de cet article : « L'employeur, dans les établissements où sont occupés au moins onze salariés, est tenu de laisser au salarié de son entreprise investi de la mission de conseiller du salarié et chargé d'assister un salarié lors de l'entretien prévu à l'article L.122-14 le temps nécessaire à l'exercice de sa mission dans la limite d'une durée qui ne peut excéder quinze heures par mois. »
Son introduction dans les exceptions vise à interdire, de façon tout à fait détournée, à un salarié en CPE de remplir des missions de conseiller du salarié. Il s'agit donc d'une réduction des moyens donnés à la défense des salariés. En effet, une nouvelle fois, à l'occasion d'une disposition qui n'a rien à voir, on limite leurs droits.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande de bien vouloir remplacer ces références. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'article L.122-14, que cet amendement rend applicable au CPE, fixe la procédure de résiliation du CDI, dont l'introduction priverait le CPE d'un élément essentiel de spécificité.
J'apporte exactement la même réponse, sinon pourquoi voulez-vous que l'on favorise l'entrée dans l'entreprise ? La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. S'agissant du conseiller du salarié, il convient de distinguer deux situations.
D'une part, le salarié embauché dans le cadre d'un contrat première embauche peut valablement exercer des fonctions de conseiller du salarié, être inscrit sur la liste prévue à cet effet et bénéficier des protections correspondantes.
D'autre part, en ce qui concerne l'assistance d'un salarié sous CPE par un conseiller, au-delà de la période de consolidation, la procédure d'entretien préalable, avec le cas échéant l'assistance d'un conseiller du salarié, s'applique dans les conditions de droit commun définies par les articles L.122-14 et L.122-14-14.
En revanche, cette procédure est sans objet pendant la période de consolidation, puisqu'il n'y a pas d'entretien préalable obligatoire.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a aucune garantie !
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 154, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Aucun licenciement économique ne doit avoir eu lieu dans l'entreprise dans les six mois précédant la conclusion d'un contrat première embauche.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Je désire appeler l'attention du Sénat sur le jugement qui vient d'être rendu par le conseil des prud'hommes de Longjumeau.
Dans un esprit de magnanimité, je ne vous lirai que quelques-uns des attendus de ce jugement rendu sur la formule analogue à celle que vous proposez aujourd'hui, à savoir le CNE.
« Attendu que la période d'essai est destinée à permettre aux cocontractants d'évaluer les capacités professionnelles du salarié et les conditions de travail dans l'entreprise ;
« Que la Cour de cassation a pu préciser que le caractère prématuré ou tardif de la rupture de période d'essai est un élément d'appréciation d'un abus de la part de l'auteur de la rupture ;
« Qu'en l'espèce la SARL ACG a procédé au renouvellement de la période d'essai le dernier jour de celle-ci ;
« Qu'elle a ensuite procédé à la rupture de la période d'essai le dernier jour de celle-ci ;
« Que ces éléments font présumer l'abus de l'employeur dans l'utilisation de son droit au renouvellement et de son droit à la rupture de période d'essai ;
« Que ces éléments sont renforcés par l'embauche de M..., le jour même de la rupture de la période d'essai, par la SARL ACTE, sous le régime précaire du contrat nouvelles embauches;
« Qu'il convient de relever par surcroît que cette rupture de période d'essai a eu lieu le 6 août 2005, alors que l'ordonnance instituant le contrat nouvelles embauches, du 2 août 2005, venait d'entrer en vigueur ;
« Que les SARL ACG et ACTE étant étroitement liées, il est inconcevable que, le demandeur n'ayant pas établi sa capacité à remplir sa mission de contrôleur technique dans la première, il soit embauché dans la même qualité dans la seconde ; [...]
« Attendu que le contrat nouvelles embauches est destiné, d'après le rapport présenté au Président de la République, à rassurer les chefs d'entreprise ayant des difficultés à anticiper l'évolution de la conjoncture économique ou à. apprécier les qualités du salarié ;
« Qu'il est destiné, comme son nom l'indique, à favoriser de ?nouvelles embauches? ;
« Qu'il ne peut être utilisé dans le seul but de précariser la situation d'un salarié et d'éluder le droit de licenciement ;
« Qu'en l'espèce il apparaît que la SARL ACTE connaissait exactement les qualités professionnelles du salarié, qui avait passé deux mois dans la SARL ACG avec laquelle elle est intimement liée ;
« Condamne l'entreprise à indemniser le salarié. »
Comme vous pouvez le constater, nous sommes en pleine substitution de contrat. Le salarié, en l'espèce, perd un contrat à durée indéterminée, qui est remplacé, dans une autre société, par un contrat nouvelles embauches.
Dans le cas de ce jugement, l'employeur avait littéralement requalifié un CDI en CNE et l'ambiguïté de son comportement ne fait aucun doute. Il est même d'une certaine naïveté, mais cela aurait gravement porté préjudice au salarié si un ami syndicaliste ne lui avait pas conseillé de présenter son recours.
Le plus souvent, qu'en sera-t-il ?
Un salarié en CDI sera licencié ou bien un CDD ou une mission d'intérim prendra fin, et le salarié nouvellement recruté le sera en CPE ou en CNE, tout de même après un court délai.
Votre texte ne prévoit rien pour répondre à cette hypothèse. Comment l'expliquez-vous ?
Comptez-vous sur le comportement vertueux des employeurs ou sur leur prise de conscience après avoir pris connaissance des jugements prononcés ? Ou bien espérez-vous que les salariés ne feront pas de recours et que l'habitude sera bientôt prise de ne pas réagir à cette nouvelle aggravation de la précarité ?
Il est vrai que, déjà, les responsables du personnel conseillent à leur employeur de ne pas préciser dans la lettre de licenciement d'un salarié en CNE qu'il dispose d'un an pour contester la rupture du contrat. Cela crée, paraît-il, des contentieux portant sur le motif de la rupture, et pourrait aboutir à renforcer les motifs invocables sur l'abus de droit.
Ce n'était pas l'effet souhaité mais, que voulez-vous, les salariés se défendent encore. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement tend à rendre impossible, soit la procédure du licenciement économique, soit le recrutement en CPE. En outre, le CPE doit permettre de répondre à un besoin spécifique de l'entreprise même si des difficultés économiques ont conduit à une procédure de licenciement économique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est bien ce que l'on reproche au CPE !
M. Alain Gournac, rapporteur. Là aussi, il faut jouer le jeu.
La commission émet un avis défavorable.
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas un jeu !
M. Guy Fischer. Il y a des vies en jeu !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Cet amendement traduit une méconnaissance du bénéfice de la priorité de réembauche. En effet, le code du travail prévoit qu'un salarié licencié pour motif économique bénéficie de cette priorité.
Vous avez évoqué certaines pratiques et vous avez cité la décision du conseil des prud'hommes de Longjumeau. Je vous renvoie à ce qui figure depuis le 7 octobre sur le site du ministère, au chapitre des questions-réponses relatives aux abus d'exercice du CNE qui doivent être censurés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne prouve rien !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il s'agit de l'abus de droit, et, sur le site du ministère, nous apportons des informations tant aux entreprises qu'aux salariés. Ce cas est traité depuis le 7 octobre et la décision du conseil des prud'hommes de Longjumeau ne fait que confirmer l'idée selon laquelle le CNE n'est pas une zone de non-droit social.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas du tout, monsieur le ministre !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Par conséquent, cette décision conforte l'approche qui a été la nôtre dès le débat sur les ordonnances.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'abus d'utilisation du CNE, ce ne sont pas les garanties du CNE !
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 156, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
En aucun cas un contrat de première embauche ne peut être conclu pour remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d'un conflit collectif de travail.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Madame la présidente, je ne vous cache pas mon embarras au moment de présenter cet amendement. Nous sommes en effet dans une situation illogique, ou du moins qui ne correspond pas à ma logique.
Cet après-midi, certains d'entre nous auraient souhaité faire un rappel au règlement pour protester contre la procédure de discussion commune qui a été retenue. Mais M. Jean-Claude Gaudin, qui présidait alors la séance, nous en a empêchés. N'ayant pas pu m'expliquer cet après-midi, je le fais maintenant.
Certes, l'article 49 du règlement est respecté, mais il me semble que le Sénat aurait dû se prononcer sur les quatre amendements de suppression de l'article 3 bis.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Évidemment !
M. Claude Domeizel. Si le Sénat avait adopté ces amendements, la discussion de l'article aurait été achevée. Mais dans la mesure où il Sénat ne s'est pas prononcé, une personne extérieure pourrait à juste titre se demander pourquoi des sénateurs s'efforcent d'aménager un article dont ils souhaitent la suppression ! J'avoue que cela sort de ma logique et que cela me gêne ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. David Assouline. Il a raison !
M. Claude Domeizel. Je vais néanmoins présenter l'amendement n° 156.
En effet, si les amendements de suppression de l'article 3 bis devaient ne pas être adoptés, nous devons « sauver les meubles », si je puis m'exprimer ainsi, et nous montrer très précis, car en restant dans l'imprécision, l'on risque d'ouvrir la porte à des contentieux sans fin.
S'agissant du CNE, qui n'est en fait que le grand frère du CPE, nous avons déjà une expérience de six mois. Pendant cette période, nous avons vu surgir de nombreuses demandes et de multiples sujets de contentieux.
Je lisais, dans un journal paru ce soir, qu'aujourd'hui l'inquiétude repose sur une double incertitude : d'une part, ne pas savoir exactement de quel régime de protection on relève lorsqu'on bénéficie d'un contrat nouvelles embauches - cela vaut aussi pour le CPE - et, d'autre part, être assis en permanence sur un siège éjectable.
Jusqu'en septembre 2005, juste après l'adoption du dispositif, les appels émanaient surtout d'employeurs en quête de renseignements. Il semble que, depuis, la donne ait changé. Les demandes proviennent désormais d'employés qui veulent en apprendre davantage sur leurs droits ou de salariés qui sont déjà hors course.
Les standards de certaines directions départementales du travail sont encombrés et on y recense de nombreux appels de détresse.
Permettez-moi de citer quelques exemples : celui de cette employée d'une boutique de prêt-à-porter de Marne-la-Vallée, qui a été remerciée parce qu'elle avait effectué quelques emplettes chez une commerçante concurrente durant sa pause déjeuner - il faut le faire ! - ; celui de ce salarié que son patron ne voulait pas voir habillé en jogging ; celui de cette employée qui est « virée » après avoir annoncé à son employeur qu'elle était enceinte, ce dernier étant semble-t-il inconscient des risques qu'il encourt en la licenciant.
L'amendement que nous présentons prévoit que, en aucun cas, un contrat de première embauche ne peut être conclu pour remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d'un conflit collectif de travail.
Si notre amendement se justifie par son texte même, il m'apparaît néanmoins utile d'apporter quelques précisions.
En effet, l'article L. 124-2-3 du code du travail interdit à l'employeur de faire appel à une entreprise de travail temporaire pour remplacer un gréviste. Il en est de même de l'article L. 122-3 en ce qui concerne les contrats à durée déterminée.
En revanche, rien n'interdit de recourir à des travailleurs temporaires, même pendant la grève, pour l'accomplissement d'autres tâches que celles qui sont dévolues à des grévistes. Il peut s'agir, par exemple, du remplacement d'un salarié en congé de maladie.
On comprend bien quel est l'enchaînement qui permettra, comme cela se fait déjà avec les salariés en CDD et avec les intérimaires, d'employer des jeunes en CPE pour exécuter d'autres tâches que celles des travailleurs en grève. Et les employeurs pourront toujours, comme ils en dont déjà la possibilité, faire appel à des travailleurs intérimaires ou en CDD pour faire face à un éventuel surcroît de travail à l'issue de la grève.
Nous sommes là dans le champ du 2° de l'article L. 122-1 du code du travail. De la même façon, rien n'interdira à un employeur de recruter des jeunes en CPE en lieu et place des intérimaires et des salariés en CDD, qui sont soumis à des procédures plus contraignantes.
Enfin, je le rappelle, l'interdiction légale vise le remplacement d'un salarié dont l'absence résulte d'un conflit collectif. Des salariés non grévistes peuvent être affectés au remplacement de grévistes, mais ils ne peuvent être eux-mêmes remplacés par des travailleurs temporaires recrutés à cette fin. En revanche, le recrutement de travailleurs temporaires juste avant une grève reste licite.
Monsieur le ministre, qu'adviendra-t-il des jeunes recrutés en CPE alors qu'un préavis de grève vient tout juste d'être déposé ? Quelle est précisément la position du Gouvernement sur cette question au demeurant fort complexe, je le reconnais ? La législation et la jurisprudence applicables au CDD et au travail temporaire seront-elles également applicables au recrutement en CPE en cas de grève ou de menace de grève ?
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que les réponses à ces questions soient importantes. Je ne sais quelle en sera la teneur, mais il est bien évident que nous, nous ne pourrons réagir que demain, et qui sait à quelle heure ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Le CPE ne sera utilisé, y compris pour un remplacement, que dans la perspective d'une embauche permanente. Retenir cet amendement impliquerait a contrario que le CPE peut être utilisé pour de brefs remplacements non mentionnés dans l'amendement et dépourvus de toute perspective de pérennisation.
La commission a émis un avis défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est une contradiction, monsieur le rapporteur !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je partage l'avis de la commission, car le CPE n'est pas assimilable à un CDD.
J'ajoute que ni le CPE ni le CNE ne portent atteinte au droit de grève, dans les limites qui sont définies par la Constitution. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Bricq. A peine !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. L'article L. 122-45 du code du travail dispose qu'« aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire visée à l'alinéa précédent en raison de l'exercice normal du droit de grève ».
M. Roland Muzeau. Si le patron n'a pas de motif à donner, il ne va pas s'en vanter.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. S'agissant de la question de la tenue vestimentaire, les salariés employés dans le cadre d'un CNE ou d'un CPE ne font l'objet d'aucune disposition particulière et sont soumis au droit commun de la jurisprudence prévue pour les CDI. Cette dernière permet à l'employeur d'imposer des exigences vestimentaires pour l'exercice de telle ou telle activité, dans la limite de l'article L. 120-2 du code du travail.
Tel est l'éclairage que je souhaitais apporter au Sénat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas une explication !
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 660, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le salarié dont le contrat de travail est rompu pour cas de force majeure en raison d'un sinistre a droit à une indemnité compensatrice dont le montant est fixé par décret.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, vous agissez dans la précipitation, en bouleversant le code du travail par la voie d'un amendement qui est en fait un cavalier. Il est difficile aujourd'hui d'évaluer pleinement les dégâts qu'une telle méthode provoquera dans le monde du travail. Nous aurions souhaité en discuter d'une manière plus approfondie.
Loin de défendre notre modèle social, vous êtes en train de le bouleverser contre l'avis des partenaires sociaux et sans que l'opinion publique ait pu véritablement en prendre encore conscience, mais cela commence.
Le choix que vous faites, nous le savons, va inéluctablement dans le sens d'une dérégulation, d'un affaiblissement de l'encadrement collectif et d'un contournement des partenaires sociaux.
En encourageant les accords directs passés entre le salarié et l'employeur, vous remettez en cause l'idée même d'une norme collective et d'un droit conventionnel.
Dans ces conditions, on comprend mieux l'inquiétude exprimée par les syndicats de salariés face à votre projet de réécriture du code du travail, car c'est bien de cela qu'il s'agit.
M. Larcher déclare que nous devons légiférer à droit constant mais, parallèlement, il ne manque pas de dire, chaque fois qu'il le peut, qu'il y a là une formidable occasion d'adapter notre droit aux conditions économiques nouvelles, ce qui, en langage libéral, ou plutôt ultralibéral, annonce une nouvelle vague de régressions.
Monsieur le ministre, vous faites de la procédure de licenciement une entrave au fonctionnement du marché du travail et vous n'hésitez pas à pousser plus loin votre analyse, en en faisant la cause principale du chômage des jeunes.
Cette déréglementation, permise dans le contrat première embauche, va si loin et s'effectue si vite que l'on ne sait plus quels sont les droits et les recours possibles des salariés en cas de rupture du contrat.
Comme je le rappelais tout à l'heure, dans la mesure où tout a déjà été fait, ou presque, par votre majorité pour individualiser les rapports au sein de l'entreprise et pour contourner les accords collectifs, tous les espaces d'incertitudes présents dans le droit seront nécessairement en défaveur du salarié.
C'est pourquoi nous prévoyons que « le salarié dont le contrat de travail est rompu pour cas de force majeure en raison d'un sinistre a droit à une indemnité compensatrice dont le montant est fixé par décret ».
Quarante-neuf articles du code du travail relatifs à la résiliation des contrats de travail à durée indéterminée sont suspendus pour un temps, puisqu'il y est explicitement dérogé, avant d'être purement et simplement abrogés dans la perspective du contrat unique, car tel est l'objectif final.
Ces dérogations auront en réalité pour effet moins de favoriser l'emploi que d'accentuer encore la précarisation des salariés, sans d'ailleurs apporter aux employeurs les garanties juridiques espérées.
Cet amendement vise donc à limiter, malheureusement de manière insuffisante, les conséquences désastreuses de la mise en place du contrat première embauche. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Le 3° du paragraphe II de l'article 3 bis fixe les conditions dans lesquelles la rupture du contrat entraînera le versement d'une indemnité, y compris en cas de rupture pour force majeure.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Les ruptures de contrat de travail pour cas de force majeure sont indemnisées. Par cas de force majeure, on entend une situation imprévisible, irrésistible et extérieure à l'entreprise.
Je rappelle que l'indemnisation d'un titulaire d'un CPE est supérieure à ce qui est prévu dans le droit commun, c'est-à-dire à celle qui est accordée à un employé en CDI ou en CDD.
D'une part, elle est supérieure à celle d'un salarié en CDI pendant les deux premières années puisqu'il s'agit d'une indemnisation croissante et non pas forfaitaire. Paradoxalement, pendant cette période, un employé a plus de droit avec un CPE qu'avec un CDI. Cette question a d'ailleurs fait l'objet d'un débat lors de la discussion générale.
D'autre part, l'indemnisation d'un titulaire d'un CPE est également supérieure à celle d'un salarié en CDD, car tous les CDD ne sont pas à 10 %.
Je voudrais vous rappeler que, dans les accords de branche - par exemple, la métallurgie -, l'indemnité de précarité est limitée à hauteur de 6 % de la rémunération totale brute. Donc, dans un grand secteur comme celui-là, le CPE apporte des protections plus élevées à la fois que le CDI et que le CDD.
M. Jean-Pierre Bel. C'est un raisonnement tordu !
M. Roland Muzeau. Ce cas ne se présentera jamais !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Quand on nous dit que le CPE introduit plus de précarité et moins de droits, voilà la preuve qu'il instaure, au contraire, dans les deux premières années, un parcours de sécurisation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Charles Gautier. À vous entendre, le licenciement est une chance !
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 504, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
I. - Au troisième alinéa du II de cet article, après les mots :
sont prises en compte
insérer les mots :
, que ces périodes d'emploi soient continues ou discontinues,
II. - Compléter ce même alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le contrat de travail stipule le terme de la période de consolidation en déduisant les périodes d'emploi effectuées précédemment dans l'entreprise qui doivent être mentionnées au contrat.
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. L'objet de cet amendement est d'apporter de très importantes précisions sur la manière de calculer la durée effective de la période de consolidation.
Le texte actuel de l'article 3 bis du projet de loi pour l'égalité des chances, consacré au dispositif du CPE, dispose que : « La durée des contrats de travail, précédemment conclus par le salarié avec l'entreprise ainsi que la durée des missions de travail temporaire effectuées par le salarié au sein de l'entreprise dans les deux années précédant la signature du contrat première embauche, de même que la durée des stages réalisés au sein de l'entreprise sont prises en compte dans le calcul de la période prévue à l'alinéa précédent. »
C'est une très bonne chose. En fait, c'était bien le moins que l'on pouvait faire pour réduire une période de consolidation beaucoup trop longue, au cours de laquelle les jeunes signataires de CPE pourront se faire renvoyer sans aucune justification.
Avec cet amendement, nous entendons apporter deux précisions essentielles.
Premièrement, il convient de dire très explicitement que les périodes prises en compte pour réduire la période de consolidation le seront, qu'elles soient continues ou discontinues.
Deuxièmement, il faut que le terme de la période de consolidation, une fois prises en compte les périodes susceptibles de s'y imputer, soit explicitement inscrit dans le contrat. C'est le second objet de notre amendement. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Le I de cet amendement est satisfait par le texte du troisième alinéa du paragraphe II de l'article 3 bis.
Le II de l'amendement résulte du texte même de la loi.
Il ne semble pas utile de surcharger ainsi un dispositif déjà long et complexe à lire. L'avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le troisième alinéa nous paraît clair, notamment en ce qui concerne les périodes qui s'imputent sur la durée de la période de consolidation. Je crois que sa rédaction devrait suffire à répondre à vos préoccupations, madame la sénatrice.
Je pense que vous pourriez retirer cet amendement parce que nous avons réellement évoqué les différents moments de la phase de consolidation, les périodes susceptibles d'être imputées, comme les formations par alternance, la professionnalisation, les CDD ou les stages. La clarté du texte suffit en elle-même à répondre au souci que vous avez exprimé et que nous partageons avec vous. C'est pourquoi je réitère le souhait que vous puissiez retirer votre amendement.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 153, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
A la fin du troisième alinéa du II de cet article, après les mots :
la période
insérer les mots :
d'essai
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Notre amendement tend à qualifier la période de deux ans que vous ne nommez pas dans votre projet de loi. Dans la presse, le Premier ministre l'a d'abord fort imprudemment qualifiée de « période d'essai ». Mais il est vrai que le Premier ministre est très imprudent dans cette affaire... (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Bricq. S'il n'y avait que celle-là !
Mme Raymonde Le Texier. Cette période est depuis appelée « période de consolidation », selon la terminologie du MEDEF. C'est d'ailleurs aussi une manière intéressante de dire les choses, puisque l'on peut se demander ce qu'il y a à consolider !
Cela signifie que vous créez une zone de non-droit juridique, de même qu'existent déjà des territoires de non-droit. Vous inventez ainsi au profit du patronat ce que vous reprochez par ailleurs aux jeunes des banlieues ; l'analogie est intéressante.
En fait, cette période de consolidation est juridiquement innommable, sauf à tomber sous le coup de la convention n° 158 de l'OIT, reprise par l'article 24 de la charte sociale européenne, approuvée par la loi du 10 mars 1999 et reconnue par ailleurs d'application directe par le Conseil d'État dans sa décision du 19 octobre 2005.
Voici donc l'article 4 de la convention n° 158 : « un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise ».
S'agissant du CNE, au sujet duquel il a été saisi, le Conseil d'État a considéré que le licenciement peut toujours être contesté devant un juge, sur le terrain de l'abus de droit, la charge de la preuve incombant au salarié. On pourra alors, mais un peu tard, savoir s'il y a, ou non, un motif sérieux de licenciement. Ce n'est que si l'abus de droit est constaté que le salarié peut prétendre à réparation.
On peut imaginer que le Conseil d'État en jugera de même pour le CPE. Mais on ne peut négliger le fait que l'article 7 de la même convention n° 158 impose l'existence d'une procédure contradictoire en cas de licenciement pour des motifs liés à la conduite ou au travail du salarié. La procédure judiciaire a posteriori peut-elle en tenir lieu ?
En ce qui concerne la période d'essai, la même convention de l'OIT prévoit qu'un État peut exclure du champ de certaines dispositions de la convention les travailleurs effectuant une période d'essai ou n'ayant pas l'ancienneté requise. Le présent projet de loi pourrait donc a priori entrer dans ce champ, d'autant plus que le code du travail ne prévoit aucune durée précise pour les périodes d'essai.
La jurisprudence de la Cour de cassation a néanmoins donné un certain nombre d'indications sur la durée raisonnable d'une période d'essai en fonction des différentes professions qu'elle a eues à considérer. Sont excessives une période d'essai de trois mois pour un coursier, de six mois pour un chargé de mission, de un an pour un cadre, etc. Il serait intéressant de savoir comment la Cour de cassation qualifiera cette période de deux ans, hors droit du travail puisque sans procédure ni motif de licenciement, si elle considère, le cas échéant qu'une période d'essai peut durer deux ans.
M. Jean-Pierre Sueur. Elle n'a jamais considéré cela !
Mme Raymonde Le Texier. Le fait que la période de deux ans ne soit donc pas définie par le Gouvernement comme une période d'essai est également important pour pouvoir imposer des contrats successifs. En effet, une période d'essai ne peut être renouvelée. En revanche, comme le prévoit expressément le projet de loi, un CPE peut succéder à un autre pour un même salarié, dans la même entreprise, moyennant un délai de carence de trois mois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'avis de la commission est bien évidemment défavorable, puisque la période de consolidation n'est pas une période d'essai.
M. Jean-Pierre Sueur. Qu'est-ce donc ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La période de consolidation est une modalité d'organisation du contrat de travail qui permet au salarié d'évoluer vers une intégration définitive dans l'entreprise.
M. David Assouline. Cela n'existe pas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout cela, c'est du vocabulaire !
M. Alain Gournac, rapporteur. Les deux années de consolidation du CPE, je le répète, ne sont pas une période d'essai. Elles sont soumises à régime juridique spécifique.
L'avis de la commission est très défavorable.
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut faire attention qu'une fracture n'intervienne pas au milieu de la consolidation !
M. Pierre-Yves Collombat. C'est très fragile !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je pense avoir suffisamment éclairé la lecture de la convention n° 158 de l'OIT à l'occasion d'une réponse précédente.
Je voudrais en profiter pour expliquer comment le salarié peut faire reconnaître ses droits.
Dans l'article L. 122-45 du code du travail, il est clairement prévu que, en cas de litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer une discrimination, quelle qu'elle soit. C'est à l'employeur de prouver que le licenciement est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. C'est n'est donc pas au salarié, mais à l'employeur, qu'incombe la charge de la preuve.
M. David Assouline. Dans le CPE, l'employeur n'a pas à donner de motif de licenciement !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je voulais préciser cet élément car il s'agit là d'un droit constant. : la notion d'abus de droit existe expressément.
Nous ne pouvons pas être favorables à votre amendement, mais je souhaitais vous apporter cet éclairage.
Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est pas dans le texte !
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 652, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Le troisième alinéa du II de cet article est complété par une phrase ainsi rédigée :
Le contrat de travail stipule le terme de la période de consolidation en déduisant les périodes d'emploi effectuées précédemment dans l'entreprise qui doivent être mentionnées au contrat.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Pour nos collègues de l'UMP, le simple fait que le Gouvernement ait choisi de classer le CPE dans la famille des CDI devrait lever toute critique.
M. Éric Doligé. C'est exact !
M. Roland Muzeau. Aux réfractaires au CPE, il est notamment reproché de déplacer le débat sur le terrain juridique, de chercher des précisions - ce qui constitue l'objet même du travail parlementaire, si vous me permettez cette remarque -, bref, de « chipoter », alors que le Gouvernement, lui, ferait preuve de réalisme, travaillerait à des solutions pour l'emploi des jeunes.
Les députés de l'opposition ont démontré que le CPE, que le projet de loi définit par dérogation à la quasi-totalité des articles du code du travail relatifs à la rupture du contrat de durée indéterminée, ne conserve des caractéristiques du CDI que le simple fait de ne pas avoir de terme. Donc, si on enlève le D de CDI, on obtient un contrat indéterminé, ...
M. David Assouline. Exactement !
M. Roland Muzeau. ...c'est-à-dire rien ! On ne sait pas ce que sait ! La durée est au moins un terme et une référence.
La droite, toujours caricaturale et à court d'arguments, nous a classés comme défenseurs des CDD et des contrats d'intérim. Depuis quelques heures, nous entendons cette rengaine. Nous sommes attachés à des normes d'emploi stables et durables, permettant que se noue une relation de travail équilibrée, nécessaire au développement de l'entreprise et à la projection professionnelle et personnelle du salarié.
Dans le contexte de chômage de masse que nous connaissons et qui, d'ailleurs, vient à nouveau de s'aggraver - Mme Borvo Cohen-Seat l'a dit tout à l'heure -, nous ne pouvons que nous inquiéter de la multiplication des formes d'emplois atypiques, individualisant le rapport à l'emploi et à la protection et renforçant insidieusement la domination de celui qui offre ce qui est rare.
Nous combattons justement le CPE comme le CNE, parce qu'en réduisant à rien durant deux ans les garanties offertes aux salariés, ils déséquilibrent tous deux les rapports de forces et précarisent en conséquence les conditions d'existence d'un volant toujours plus important de salariés.
Nous ne valorisons aucunement les CDD ; nous remarquons simplement que ce gouvernement écarte, d'une part, les protections minimes qu'ils procurent aux salariés -dont l'impossibilité de leur rupture par l'employeur, sauf dans des cas très exceptionnels - et qu'il contourne, d'autre part, les inconvénients des CDD et des contrats d'intérim pour les employeurs - notamment le caractère normalement limitatif des possibilités de recours et le paiement d'une prime de précarité de 10 % -, sans pour autant faire du CPE un vrai CDI et ce, durant de longues années.
J'en viens à la période dite de consolidation ; soit dit en passant, voilà encore un nouveau mot qui va entrer dans le code du travail... En effet, qu'est-ce que la consolidation ? C'est un terme dont les plus avertis de la chose sociale et du code du travail savent qu'il est utilisé dans le cadre des accidents du travail. On parle de la consolidation pour désigner la stabilisation définitive de l'état de santé du salarié accidenté. Ce mot a donc un contenu pratiquement incontesté : dans une entreprise, chacun se comprend quand on parle de période de consolidation.
Maintenant, quand on utilisera le mot consolidation, s'agira non plus d'accidents du travail, mais d'accidents pour trouver du travail ou pour le perdre !
M. David Assouline. Les salariés seront tous des accidentés !
M. Roland Muzeau. Si on trouve du travail, on est dans l'égalité des chances ; si on le perd, on est dans la consolidation. Comprenne qui pourra !
Mais l'usage des mots dans notre pays, monsieur le ministre, est toujours très important. Cette période dite de consolidation, période d'essai déguisée, exorbitante dans sa durée - elle est normalement comprise entre un et trois mois - est détournée de son objet : elle sert à évaluer les compétences professionnelles du salarié. Le CPE est donc bien un contrat indéterminé et non un contrat à durée indéterminée.
Durant la période de consolidation, le salarié est exposé à l'arbitraire de l'employeur. C'est l'incertitude permanente, du fait, notamment, des règles dérogatoires au droit commun, s'agissant de la rupture du contrat, mais aussi en raison de l'absence de terme précis fixé.
Le présent amendement doit bien évidemment, comme les précédents, être considéré comme un amendement de repli, puisque nous avons présenté un amendement de suppression, comme l'a expliqué tout à l'heure mon collègue Claude Domeizel. Or, cet amendement de suppression n'a pas été mis aux voix, que ce soit pour être rejeté ou approuvé...
M. Jean Bizet. On n'a rien compris !
M. Roland Muzeau. Vous n'avez pas compris ? Faut-il que je répète ?
M. Jean Bizet. De grâce, non !
M. Roland Muzeau. Le présent amendement, disais-je, qu'il faut lire, ainsi que les précédents, comme un amendement de repli, rend compte de cette difficulté et montre, si besoin en était encore, que le dispositif hybride envisagé par le Gouvernement relève de l'escroquerie.
Nous proposons de préciser le régime juridique du CPE en complétant les dispositions permettant de déduire de la période de consolidation les périodes de formation en alternance, de stages ou toute autre période d'emploi.
Ainsi, selon nous, le contrat de travail que vous avez voulu écrit - c'est une autre différence avec le CDI - devrait, comme tout contrat temporaire, stipuler le terme de la période de consolidation, laquelle est calculée en déduisant les périodes d'emploi effectuées précédemment dans l'entreprise. Le contrat devrait également mentionner lesdites périodes décomptées.
Tel est l'objet de notre amendement n° 652. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Madame la présidente, c'était long...
Mme Nicole Bricq. Oui, mais c'était bon !
M. Alain Gournac, rapporteur. La portée de cet amendement est équivalente à celle de l'amendement n° 504. La commission émet donc un avis défavorable.
Mme Hélène Luc. Il mérite d'être discuté !
M. Alain Gournac, rapporteur. J'ai d'ailleurs failli dire seulement : « défavorable ».
M. David Assouline. Contentez-vous de dire « non », cela ira plus vite !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Cet amendement aurait pour objet de prévoir un terme au CPE, ce que, précisément, nous ne voulons pas. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Le CPE n'a pas de terme.
M. David Assouline. C'est la perpétuité !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. C'est d'ailleurs l'apport essentiel de ce contrat par rapport au CDD et ce qui le rapproche du droit commun du CDI ; la période d'essai, qui est au maximum de vingt-quatre mois, peut être réduite.
M. David Assouline. À un jour !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas être favorables à cet amendement.
Ce n'est pas pour faire court que je vous dis cela. Je vous renvoie à l'ensemble de nos débats jusqu'à cet instant. La notion de consolidation est quand même préférable à celle de précarisation, ...
M. David Assouline. Les mots ne changent rien à la réalité !
M. Roland Muzeau. C'est plus poli, mais c'est pareil !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... qui caractérise la situation actuelle et que j'ai évoquée tout à l'heure à propos du rapport de l'observatoire de la pauvreté.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 653, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
À l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée ou d'un contrat de travail temporaire, l'employeur qui propose au même salarié un « contrat première embauche » doit lui verser l'indemnité de précarité visée à l'article L. 122-9 du présent code, que le salarié accepte ou refuse la poursuite des relations de travail.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement prévoit que le salarié embauché dans le cadre d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat de travail temporaire, à qui l'employeur propose à l'issue de son contrat un CPE, doit percevoir l'indemnité de précarité visée à l'article L. 122-9 du code du travail, qu'il accepte ou refuse la poursuite des relations de travail.
Il me permet d'aborder la question du devenir de la prime de précarité et, en miroir, celle de l'indemnisation à laquelle la rupture d'un CPE ouvre droit, indemnisation forfaitaire de 8 %, inférieure au montant de la prime de précarité de droit commun de 10 %.
Par ailleurs, il rappelle utilement les employeurs à leurs obligations alors qu'ils sont plutôt poussés par le Gouvernement à contourner ces dernières et à s'engouffrer dans les brèches ouvertes pour profiter au maximum des effets d'aubaine ouverts par le CNE et le CPE.
Tous les chiffres publiés le prouvent aisément, en tout cas pour le CNE. Il suffit de regarder les chiffres du chômage pour se convaincre de l'inefficacité du CNE sur la création d'emplois et, en conséquence, de la grave erreur que constituerait l'institution du CPE.
Au lieu d'entretenir une polémique inadmissible sur l'approximation, voire l'inexactitude des statistiques de l'INSEE et de la DARES - elles déconnectent en effet la baisse du chômage enregistrée ces derniers mois des mesures du plan Villepin pour l'emploi et mettent en exergue la faiblesse chronique du nombre d'emplois créés -, acceptez cette réalité, et revoyez votre stratégie d'abaissement du coût du travail et de flexibilisation du droit du travail.
Les premières ruptures de CNE montrent que le mouvement de dérogation générale au droit du travail conduit à substituer à des CDI ou à des emplois précaires classiques du type CDD d'autres emplois encore plus précaires.
Depuis le début de ces débats, vous n'avez cessé de nous dire que 300 000 contrats nouvelles embauches ont déjà été signés, que ce type de contrat est très prisé dans le secteur du BTP et les services aux particuliers, par exemple, et que les 1 000 ruptures enregistrées sont infimes.
Je vous invite toutefois à vous interroger sérieusement sur la capacité des entreprises à pérenniser les 30 % de postes créés qui n'auraient pas vu le jour sans ce dispositif. Pourquoi les 70 % restants ont-ils été pourvus en CNE et non en CDI s'ils correspondent bien à des besoins réels des entreprises ?
Je vous invite enfin à vous pencher sur le parcours des salariés déçus du CNE qui parviennent à faire entendre l'abus de droit devant les juridictions prud'homales. Ils étaient en CDI ou en CDD avant qu'on ne leur propose d'enchaîner avec un CNE pour remplacer une personne en congé pour maladie ou pourvoir à des emplois saisonniers.
Fort opportunément, en référence à la présentation des termes du CNE faite par le Premier ministre, les juges affirment que le CNE, dont l'objet est de créer de nouvelles embauches, ne peut être utilisé ni en substitution à d'autres emplois, CDI ou CDD, ni pour contourner les règles en matière de licenciement.
La majorité des salariés en CNE ou en CPE - si ce dernier est adopté - qui seront congédiés n'iront pas devant les tribunaux non seulement parce qu'il faut pour cela énergie et moyens, notamment financiers, mais aussi parce que ce texte abaisse à un an le délai pendant lequel le salarié peut faire valoir ses droits en justice.
Pis encore, ainsi que cela est inscrit dans le projet de loi, ce délai n'est opposable qu'à la condition que le salarié en ait fait mention. Ce droit devient donc facultatif et variable au gré des connaissances des individus en matière de droit du travail.
Je ferai une dernière remarque, qui nous ramène directement à l'article 3 bis et à notre amendement : à la différence des CDD, pour lesquels le code du travail pose un certain nombre de garde-fous - certes insuffisants -, le texte ne prévoit aucun encadrement des cas de recours au CPE à l'exception des emplois saisonniers. Cela signifie que l'on pourra proposer un CPE pour remplacer un salarié absent, par exemple.
Le risque est donc bien réel de voir le contrat des nombreux salariés précaires employés aujourd'hui ponctuellement ou de façon permanente dans l'entreprise en CDD se poursuivre sous la forme d'un CPE.
Il ne faudrait pas que cette possibilité plus qu'avantageuse pour l'employeur, qui échappe ainsi notamment à la sanction de la requalification des CDD successifs en CDI, lui permette en plus de s'exonérer du paiement de la prime de précarité due au terme d'un CDD, afin de compenser pour le salarié la perte de son emploi.
Notre amendement garantit le versement de cette prime. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je le répète, le CPE est un CDI. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Ce n'est pas vrai !
Mme Hélène Luc. Vous ne pouvez pas croire ce que vous dites !
M. Alain Gournac, rapporteur. Les articles L. 122-3, L. 122-4 et L. 124-4-4 du code du travail ne prévoient le versement d'une indemnité de précarité à l'issue d'un CDD ou d'une mission de travail temporaire que quand un CDI n'est pas proposé au salarié concerné.
Au demeurant, l'article L. 122-9 du code du travail visé dans l'amendement régit l'indemnité de licenciement et non celle de précarité, contrairement à ce que le texte de l'amendement semble laisser croire.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roland Muzeau. Non !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Si ! L'article L. 122-9 du code du travail, qui concerne l'indemnité de licenciement versée au salarié lié par un contrat de travail à durée indéterminée et licencié alors qu'il compte deux ans d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, vaut pour tout contrat à durée indéterminée dès lors que le salarié remplit les conditions de deux ans d'ancienneté. Pour la période de deux ans, j'ai évoqué la croissance avec le temps du niveau de l'indemnité.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. Roland Muzeau. Avez-vous saisi la différence entre CDI et CI, contrat indéterminé ?
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 157, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer les quatrième, cinquième (1°), sixième (2°) et septième alinéas (3°) du II de cet article.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Cet amendement vise à supprimer plusieurs alinéas du 2° de l'article 3 bis, de manière à maintenir la procédure de licenciement de droit commun pour ce contrat.
Monsieur le ministre, notre République est fondée sur un corpus de valeurs communes partagées, dans lequel figure, entre autres choses, l'équilibre des contrats. Il ne peut y avoir de déséquilibre manifeste entre les contractants.
Un contrat n'est valable que lorsque les termes de l'échange sont de valeur équivalente. Or le CPE ouvre la possibilité pour l'une des parties contractantes de résilier ce contrat sans motif. C'est du jamais vu dans les contrats commerciaux ou de travail.
Le CPE met en cause nos compromis sociaux et l'équilibre des contrats en instaurant, au-delà des liens de subordination existant entre employeur et salarié, des liens de soumission qui mettent en situation l'une des parties de signer un contrat contraire à ses intérêts propres. C'est un système pervers et léonin, puisque le salarié signe de facto un contrat journalier reconduit chaque jour.
Le CPE, tout comme le CNE, est très illustratif de la politique sociale menée par le Gouvernement. Monsieur le ministre, si, d'un côté, vous voulez réduire le cadre et le champ des accords, affaiblir les négociations collectives et contourner les partenaires sociaux, vous cherchez, de l'autre, à réduire les protections offertes aux salariés en matière de licenciement.
Vous l'avez déjà fait pour le licenciement économique, en abrogeant la loi de modernisation sociale, sans rien lui substituer qui soit véritablement satisfaisant du point de vue de la protection des travailleurs.
Vous parachevez à présent votre oeuvre en matière de protection des salariés face au licenciement individuel : vous avez créé d'abord le contrat nouvelles embauches pour les salariés des entreprises de moins de vingt salariés, puis le contrat première embauche réservé, dans toutes les entreprises, aux jeunes de moins de vingt-six ans ; bientôt - c'est « chronique d'un contrat annoncé » -, vous appliquerez un contrat unique à tous les salariés, de tous âges, dans toutes les entreprises, aux mêmes conditions, c'est-à-dire sans protection pendant une période de deux ans.
L'objectif affiché de ces contrats n'est autre que de réduire la complexité prétendue des modalités de licenciement, présentée d'ailleurs sans aucun élément d'appréciation, comme une entrave au travail et à l'embauche.
Quarante-neuf articles de notre code du travail relatifs à la résiliation des contrats de travail à durée indéterminée sont ainsi suspendus pour un temps, puisqu'il y est explicitement dérogé, avant qu'ils ne soient, dans la période du contrat unique, purement et simplement abrogés.
Ces dérogations auront en réalité pour effet moins de favoriser l'emploi que d'accentuer encore la précarisation des salariés, sans d'ailleurs apporter aux employeurs les garanties juridiques espérées.
La précarisation du contrat de travail est à la base même du contrat nouvelles embauches comme du contrat première embauche, qui ne peuvent être assimilés à des CDI qu'au prix d'une méprise ou d'une provocation. Ce qui caractérise le contrat à durée indéterminée, c'est, par définition, la durée indéterminée de l'emploi et les protections qu'il assure : on ne peut le rompre sans motif, et il faut respecter une procédure contradictoire, à savoir l'entretien préalable, la notification.
Toutes ces garanties sont précisément celles que le contrat nouvelles embauches et le contrat première embauche ont pour objet d'écarter. Ces contrats présentent donc, intrinsèquement, les caractéristiques d'un contrat précaire, et c'est bien pour réduire ces garanties que vous les avez mis en place. On peut d'ailleurs considérer que c'est par un abus de langage juridique que vous les classez parmi les contrats à durée indéterminée. C'est au contraire une vraie dynamique de précarisation que vous mettez en place.
Pourquoi les entreprises ne saisiraient-elles pas cette occasion d'effectuer tous les recrutements avec ces contrats ? Elles y sont directement encouragées, puisque ces contrats n'opèrent aucune distinction entre les salariés, entre ceux qui sont en difficulté d'embauche ou d'insertion et les autres.
Ainsi, le jeune recruté à sa sortie d'une école d'ingénieurs pourra se voir proposer un CPE, comme le jeune en difficulté scolaire embauché à l'issue d'une période chaotique dans un quartier difficile. Telle est la réalité de ce contrat.
Monsieur le ministre, pour assurer l'égalité des chances, encore faut-il assurer, d'abord, l'égalité des contrats. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vide le CPE de sa spécificité, et la commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame Khiari, votre amendement introduit clairement une rupture de l'équilibre que nous estimons souhaitable entre la souplesse et un certain nombre de garanties que nous avons déjà évoquées, comme la convention de reclassement personnalisé, élément dont, à mon sens, les partenaires sociaux doivent se saisir rapidement pour améliorer la sécurisation du parcours.
S'agit-il, comme vous l'avez dit, d'une dynamique de précarisation ? Je voudrais vous rappeler quelques chiffres qu'à cet instant de nos débats nous avons déjà cités à plusieurs reprises : ainsi, au sujet des foyers de jeunes travailleurs, j'ai précédemment indiqué que seulement 13,5 % de ceux qui y sont hébergés bénéficient d'un CDI à temps complet. C'est l'illustration du fait que la précarité existe d'ores et déjà. C'est ce contre quoi nous désirons lutter.
Aussi, vouloir nous faire un procès s'agissant de la précarité, c'est refuser de regarder la réalité telle qu'elle est vécue.
Mme Marie-France Beaufils. Non, justement !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Enfin, je voulais également parler des contrats de travail.
Le Premier ministre a annoncé, le 16 janvier dernier, son souhait de nous voir, Jean-Louis Borloo et moi-même, conduire avec les partenaires sociaux une réflexion, qui va s'engager dans le courant du mois prochain, sur un contrat de travail intégrant un équilibre entre souplesse et sécurisation des parcours professionnels. J'entends déjà parler du contrat unique ou des contrats de travail, mais il n'est pas question, avant d'avoir entamé cet échange, d'arrêter la formule vers laquelle nous nous orienterons.
En tout cas, la dimension de la sécurisation fait bien partie des préoccupations qui sont les nôtres par rapport à la réflexion sur les contrats.
Nous aurons donc un certain nombre de semaines pour traiter avec les partenaires sociaux de ce sujet que nous avions souhaité aborder dès le 30 juin 2004, comme peut en témoigner un courrier que nous avions adressé aux partenaires sociaux. Un certain nombre d'entre eux y avaient d'ailleurs répondu positivement : tel a été le cas, dès le mois d'octobre, de la Confédération française du travail. La Confédération française des travailleurs chrétiens a accepté notre proposition pour entamer un certain nombre de discussions. Ces débats auront donc lieu mais, ces questions relevant du code, le Parlement aura naturellement le dernier mot sur le sujet.
Mme Hélène Luc. L'Assemblée nationale n'a même pas voté ...
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 158, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le quatrième alinéa du II de cet article, remplacer les mots :
les deux premières années
par les mots :
les deux premiers mois
La parole est à M. Roger Madec.
M. Roger Madec. Cet amendement vise à ramener la période qu'il ne faudrait pas nommer, d'une durée de deux ans à une durée de deux mois.
Au passage, il y aurait beaucoup à dire, en termes sémantiques, sur le fait que l'on ne puisse pas nommer une chose, et sur ce que cela implique. Dans un domaine aussi élaboré et complexe que le droit du travail, où la langue est si riche, que reflète cette impossibilité ?
Personnellement, je crois que nous sommes en présence d'une chose qu'il faut dissimuler, que l'on ne peut pas effectivement nommer parce qu'elle cache quelque chose de tellement grave sur l'état de la société et les rapports sociaux qu'on n'ose pas le dire. Sinon, tout exploserait, toute la dissimulation ne servirait plus à rien, la vérité sortirait et se répandrait sans qu'on puisse l'endiguer : j'en veux pour preuve le mouvement estudiantin qui se dessine. Le Gouvernement veut faire une chose qu'il ne peut pas dire.
Que vont penser les jeunes ? Que vont penser les parents ? Ils ne pourront plus nourrir d'illusions sur ce qu'ils sont réellement aux yeux des puissants de ce monde. Ce silence forcé sur la précarisation généralisée et organisée de la jeunesse, y compris de ceux qui ont fait des études et de nombreux efforts, n'est pas sans évoquer la célèbre pièce de Ionesco : Amédée, ou comment s'en débarrasser.
Mais notre ami Jean-Pierre Sueur, universitaire spécialiste de sémantique, saurait mieux que moi approfondir cette question. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
S'agissant de notre amendement, nous proposons que l'on en revienne au moins à la vérité des chiffres. La période en cause présente les mêmes caractéristiques sur le plan juridique qu'une période d'essai. Il peut y être mis un terme à tout moment. Cette période doit donc être limitée à la même durée de deux mois, et non pas à la durée de deux ans, qui ne correspond à rien dans des relations normales entre un employeur et un salarié. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement tend à restreindre aux deux premiers mois du contrat une possibilité que nous souhaitons voir appliquer dans la continuité pour que le jeune puisse faire ses preuves à l'intérieur de l'entreprise et conserver son emploi. Cette proposition est donc incompatible avec notre point de vue. Même en présence de M. Sueur, que je salue et que nous sommes très heureux de compter parmi nous ce soir, j'émets un avis défavorable. (Rires sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous avons déjà beaucoup débattu sur les notions d'essai et de consolidation. Je vous rappelle que la période d'essai ne fait pas l'objet d'un préavis, mais que des indemnités de cessation de contrat sont prévues. Le Gouvernement, ne pouvant donc pas suivre la proposition de M. Madec, émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 159 rectifié, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mme Cerisier-ben Guiga, M. C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mme Tasca, M. Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Avant le cinquième alinéa (1°) du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
L'employeur ou son représentant qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé par lettre recommandée ou par lettre remise en mains propres contre décharge en lui indiquant l'objet de la convocation, pour un entretien préalable qui doit avoir lieu après un délai de cinq jours ouvrables. Au cours de cet entretien, l'employeur est tenu d'indiquer les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié.
La parole est à Mme Christiane Demontes.
Mme Christiane Demontes. À vous entendre depuis quelques heures, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, on a vraiment l'impression que le CPE est encore plus avantageux que le CDI. Mais de qui vous moquez-vous ?
À la faveur de cet amendement, je voudrais parler du licenciement. En effet, pour un salarié en CDI, tout licenciement doit être motivé. Or votre projet de loi introduit le licenciement sans motif. Notre amendement prévoit donc que l'employeur, ou son représentant, qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision, convoquer l'intéressé par lettre recommandée ou par lettre remise en mains propres, en lui indiquant l'objet de la convocation, pour un entretien préalable qui doit avoir lieu après un délai de cinq jours ouvrables.
Au cours de cet entretien, l'employeur est tenu d'indiquer les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié. Telle est la règle.
Par cet amendement, nous souhaitons donc revenir à la solution, plus rationnelle et plus juste - je dirais même d'une justice élémentaire - qui veut que le salarié sache au moins quelles sont les raisons de son licenciement.
Je n'ai pas pour habitude de citer les députés UDF, mais je ferai ce soir une exception avec le propos plein de bon sens tenu par Francis Vercamer : « Croyez-vous que ce soit une première expérience du monde du travail intéressante pour un jeune que d'être licencié sans même savoir pourquoi ? »
Le moins que l'on puisse dire, c'est que nous ne sommes pas les seuls à ne pas avoir d'illusions sur l'attitude qu'adopteront certains patrons par rapport à ce nouveau contrat.
Voilà peu, lors de la présentation du CPE au journal de vingt heures sur France 2, pendant le débat à l'Assemblée nationale, un patron de société informatique déclarait froidement devant la caméra : « Les salariés ont tendance à être un peu moins efficaces quand ils sont titularisés dans l'entreprise. Avec le CPE, ils seront plus motivés. »
On ne peut pas être plus clair ! Au moins, là, les choses sont dites ; l'innommable est révélé : on pressera le citron pendant vingt-trois mois et on jettera l'écorce !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Exactement !
Mme Christiane Demontes. Même si l'on veut bien admettre la bonne foi de certains membres de la majorité, elle ne résiste pas devant une telle déclaration. C'est pour ce type d'employeurs que le CPE constitue un formidable cadeau. Pour eux, le CPE est non pas un « débloqueur » d'emplois, mais un « débloqueur » de licenciements.
Je vous rappelle qu'en droit commun le salarié licencié sait ce que l'employeur lui reproche. Il peut donc, en connaissance de cause, décider de saisir le juge, ce qui se fait d'ailleurs assez rarement, contrairement à une idée largement répandue chez les employeurs.
Devant le juge, la lettre de licenciement fixe les limites du litige. Avec le CPE, la lettre de licenciement sera non motivée. La charge de la preuve incombera donc au salarié, qui devra démontrer que son licenciement n'est fondé ni sur l'insuffisance professionnelle ni sur un motif économique. Perversion du système, l'ignorance du motif du licenciement va contraindre le salarié, pour connaître ce motif, à assigner presque systématiquement en justice son employeur. Osera-t-il le faire ?
D'une manière plus générale, la nouvelle réglementation va contraindre les salariés et, à leur suite, les juridictions du travail à revenir à une jurisprudence de 1872, maintenue en vigueur jusqu'à la loi du 13 juillet 1973, selon laquelle le salarié licencié n'a pas droit à réparation, même lorsque la rupture du contrat a lieu sans juste motif, mais peut y prétendre si l'employeur commet une faute, un abus dans l'exercice de son droit de résiliation unilatéral.
Alors, effectivement, le CPE, présenté aux employeurs comme une invitation à embaucher, dans la mesure où il est surtout une facilité à licencier, recèle en réalité - et j'ai essayé de le démontrer - de lourdes incertitudes juridiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. J'espère que la bonne foi règne sur toutes les travées, et non pas d'un seul côté de cette assemblée, car ce serait grave pour la démocratie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il vaut mieux entendre cela que d'être sourd !
M. Alain Gournac, rapporteur. Oui et j'y insiste : il ne faut jamais s'approprier ce genre de mérite...
Cet amendement tend à revenir sur l'un des éléments de souplesse indispensables au bon fonctionnement du CPE. La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame Demontes, je voudrais faire état d'un extrait d'une analyse juridique parue dans la presse économique, concernant les employeurs ; c'est en effet cet aspect de la question que vous avez plus particulièrement développé dans votre intervention : « la réforme n'autorise pas les licenciements discrétionnaires, ni ne constitue une voie ouverte au contournement du droit du travail. Des montages divers de renouvellement des contrats aux seules fins d'échapper aux exigences du code du travail seront sanctionnés au titre de l'abus de droit [...]. De même les dispositions dérogeant à l'exigence de motivation du licenciement et d'une cause réelle et sérieuse ne sont pas une invitation à l'arbitraire, puisque les garanties essentielles de notre ordre public social s'imposent et feront l'objet d'une vigilance particulière de la part des pouvoirs publics » - et je peux vous garantir que cela se vérifiera !
« Il appartiendra enfin au juge d'élaborer un contrôle distinct de celui qu'il exerce dans le cadre de l'application de la cause réelle et sérieuse, le Conseil d'État ayant confirmé à propos de l'ordonnance sur le CNE sa conformité aux engagements internationaux de la France. Dans un État de droit, on ne peut d'un même mouvement contester l'absence de sécurité juridique et dénier toute portée à un arrêt rendu par la plus haute juridiction administrative [...]. »
Tel est le point que je souhaitais faire sur cette analyse juridique.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 503, présenté par M. Biwer et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le cinquième alinéa (1°) du II de cet article, après le mot:
notifiée
insérer les mots :
et justifiée
La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Il s'agit d'un amendement majeur pour le groupe UC-UDF.
Il pose, en effet, le principe en vertu duquel toute rupture d'un CPE pendant la période de consolidation devra non seulement être « notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception », mais aussi justifiée.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme Gisèle Gautier. La rédaction actuelle du dispositif du CPE n'est pas admissible en l'état. Nous ne pouvons accepter que, pendant deux ans à compter de la signature du contrat, le jeune puisse être renvoyé sans savoir pourquoi.
Mme Christiane Demontes. Très bien !
Mme Gisèle Gautier. L'absence de justification de la rupture est choquante à trois titres, comme je l'avais déjà dénoncé dans le cadre de la discussion générale.
Premièrement, elle est contraire aux principes fondamentaux sur lesquels repose notre modèle démocratique et social, et elle est illégale. Le droit de pouvoir se défendre est un principe constitutionnel que l'on dénie aux signataires du CPE.
Je ne serais d'ailleurs pas étonnée que ce point fasse l'objet d'une censure du Conseil constitutionnel.
Mme Hélène Luc. Il devrait !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce serait justifié !
Mme Gisèle Gautier. Ensuite, la possibilité de rompre le CPE sans justifier la rupture est contraire aux engagements internationaux de la France, en particulier à la convention 158 de l'OIT que vous avez très partiellement évoquée, monsieur le ministre, que nous avons ratifiée et qui oblige à établir les motifs d'un licenciement.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
Mme Gisèle Gautier. D'ailleurs, soyons-en convaincus, même si le Conseil constitutionnel n'intervenait pas, cette disposition de la loi ne résisterait pas à l'épreuve de la jurisprudence judiciaire.
Deuxièmement, et c'est essentiel, nous ne voyons pas quels enseignements pourront tirer les jeunes dont le contrat est rompu si aucune justification ne leur est donnée. Leurs questions légitimes - ai-je mal agi, puis-je m'améliorer ? - demeureront sans réponse. Cela me paraît inconcevable.
Mme Hélène Luc. Eh oui !
Mme Gisèle Gautier. Troisièmement, le fait de renvoyer quelqu'un sans qu'il sache pourquoi ne correspond pas à l'idée que nous nous faisons de la justice sociale.
Pour ces trois raisons fondamentales, nous estimons que toute rupture d'un CPE doit être justifiée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Ma chère collègue, je vous ai écoutée avec beaucoup d'attention,...
M. David Assouline. Nous, nous n'y avons pas droit ! (Sourires.)
M. Alain Gournac, rapporteur. ...et je comprends que l'on puisse avoir un avis différent de celui que nous défendons quant à la souplesse de cette proposition visant à donner plus de chances aux jeunes d'accéder à un premier emploi, de connaître l'entreprise.
Si la lettre recommandée avec accusé de réception comportait une justification, cette justification écrite de la rupture ne serait rien d'autre qu'une motivation.
Nous voulons donner les meilleures chances à ce contrat première embauche, et c'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. Jean-Pierre Sueur. En quoi le fait d'indiquer la cause du licenciement porte-t-il préjudice ? Vous ne répondez pas !
Un sénateur du groupe CRC. Pour que les entreprises soient libres de faire ce qu'elles veulent !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame le sénateur, nous abordons l'un des sujets faisant le plus débat. Nous sommes en effet entre l'aspect motivation, au sens juridique, avec la crainte d'une judiciarisation excessive...
Mme Christiane Demontès. Eh voilà !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...des rapports de travail dans notre pays, et la justification - ou en tout cas l'explication - à laquelle vous prêtez une vertu pédagogique.
M. André Lejeune. Et les 15,7 milliards d'euros qu'Arcelor distribuera à ses actionnaires, qu'en dites-vous ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je comprends votre position, madame le sénateur, mais l'équilibre entre la démarche de la motivation, de la justification, l'aspect judiciaire l'emportant, et celle de la souplesse, avec la dimension de la sécurisation, nous conduit à émettre un avis défavorable sur votre amendement.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est très beau, mais on ne comprend rien !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Si l'employeur a toujours la latitude d'expliquer, il n'a pas l'obligation de motiver.
L'accompagnement personnalisé mis en place par le service public de l'emploi...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas sérieux !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...tend précisément à éviter les ruptures ou, en cas de cessation du contrat, à comprendre pourquoi, dans le rapport entre le salarié et l'entreprise, on en est arrivé là.
M. Guy Fischer. C'est Manpower !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. S'agissant de la censure du Conseil constitutionnel, madame le sénateur, j'ai déjà évoqué à deux reprises l'analyse qu'il avait faite, après le Conseil d'État, de la période de qualification. Quant à la jurisprudence, nous verrons comment elle se construira.
M. André Lejeune. Lisez Le Monde !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. En termes de justice sociale, la pire des injustices, c'est qu'autant de jeunes, en particulier issus des quartiers en difficulté et de certains secteurs ruraux, soient au chômage. Le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-six ans, je le rappelle, y est de plus de 36 % pour les hommes et de 41 % pour les femmes. Voilà la pire des injustices sociales, voilà la vraie précarité !
M. Roland Muzeau. Larmes de crocodile !
Un sénateur du groupe socialiste. Cela ne va pas s'améliorer !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Telles sont les raisons pour lesquelles je ne peux pas donner un avis favorable à l'amendement n° 503. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 654, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Le cinquième alinéa du II de cet article est complété par les mots :
l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs de la rupture du contrat ;
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. En droit commun du travail, « l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement mentionnée à l'article L. 122-14-1 ». Tels sont les termes du code du travail.
Mais l'article 3 bis du projet de loi dont nous débattons exclut cette obligation pendant les deux premières années à compter de la conclusion d'un CPE. Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour comprendre que le contrat à durée indéterminée ne sera pratiquement jamais au rendez-vous, au bout des deux ans.
Lot de consolation, le jeune salarié concerné pourra s'inscrire au chômage puisqu'il faut avoir cotisé 180 jours aux ASSEDIC pour y prétendre. Et, bien sûr, comme il n'est pas question de laisser le chômeur « profiter du système », il sera soumis aux contrôles et aux sanctions, qui sont de plus en plus nombreux, s'il n'a pas le « bonheur », ou le « courage », de retrouver assez vite un nouveau CPE, un CNE ou n'importe quel autre emploi précaire.
Je n'ose même plus dire « un emploi intérimaire » puisque, avec le CNE, les emplois en intérim sont actuellement en forte diminution. Mais on sait que les vases communicants existent toujours quand la précarité est à l'ordre du jour...
Le responsable d'une organisation de jeunesse disait, voilà quelques jours : « un jeune précaire est un jeune qui ne peut pas protester. Si la jeunesse se mobilise aujourd'hui, ce n'est pas pour défendre ses propres conditions d'existence, c'est aussi parce qu'elle refuse la société qu'on veut lui imposer. » Car, ce que demandent les jeunes, c'est une véritable formation, un emploi stable, la possibilité de se projeter dans l'avenir. Une analyse réalisée sous l'égide de la Jeunesse ouvrière chrétienne vient d'ailleurs de rappeler ces éléments. Or le CPE fait obstacle à toutes ces conditions. Les jeunes refusent de devenir des salariés jetables, au gré du bon vouloir des employeurs. Car pourquoi ces derniers se priveraient-ils de mettre en pratique des droits qu'ils demandent depuis longtemps ?
Mais les jeunes ne se trompent pas sur vos objectifs. Ils sont de plus en plus nombreux à prendre conscience non seulement du caractère nocif du CPE, mais aussi du fait que ce dernier n'est pas une fatalité, qu'il participe du choix d'une société dont ils ne veulent pas. L'absence de motif du licenciement rendra aussi plus difficile le fondement des recours devant les tribunaux,...
M. Jean-Pierre Sueur. Évidemment !
Mme Marie-France Beaufils. ...d'autant plus que vous avez réduit ce recours à un an.
J'ai entendu un jeune dire : « un employeur pourra licencier du jour au lendemain, et c'est encore le jeune qui devra se justifier ». Il devra se justifier devant les ASSEDIC et devant les tribunaux, au cas où il déciderait de combattre la décision de son employeur.
Le conseil des prud'hommes de Longjumeau vient de condamner deux entreprises pour « usage et rupture abusive d'un CNE ». On ne peut que s'en féliciter. Cette décision n'est certainement que la première d'une série qui s'annonce longue et qui s'allongera encore si le CPE est adopté. C'est pourquoi nous souhaitons que l'obligation d'une véritable motivation du licenciement soit réintroduite.
Enfin, permettez-moi d'ajouter que, dans la mesure où trois amendements portant sur le même contenu avaient été déposés, une discussion commune aurait été profondément justifiée...
M. Claude Domeizel. Eh oui !
Mme Marie-France Beaufils. ...et plus conforme à la conception que nous avons des débats dans cette assemblée.
Monsieur le ministre, vous aviez plus le sens du débat lorsque vous étiez président de la commission des affaires économique du Sénat qu'aujourd'hui, et je le regrette ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Le jugement de Longjumeau a été maintes fois mentionné. Mais nous nous félicitons de la décision prise par le tribunal ! Si les choses ne se sont pas passées de façon correcte, elles doivent être condamnées.
Sur le fond, cet amendement se fixe les mêmes objectifs que ceux qui ont été défendus précédemment ; la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame le sénateur, je suis sensible au fait que vous ayez gardé un excellent souvenir de moi ; mais nous sommes dans les réalités, et pas dans la nostalgie. Nous devons aborder un véritable sujet, celui du chômage des jeunes et de leur parcours vers l'emploi.
C'est le sens de notre démarche. Je respecte les approches différentes, parce que c'est ainsi que je conçois les rapports humains ; il n'en demeure pas moins que votre proposition va exactement à l'inverse de l'équilibre que nous souhaitons entre souplesse et sécurisation. Je ne peux donc y être que défavorable, dans la droite ligne des débats que nous avons eus jusqu'à présent.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 160, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le cinquième alinéa (1°) du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
... ° À réception de la lettre recommandée, le salarié peut solliciter un entretien préalable au licenciement que l'employeur est tenu de lui accorder. Lors de cet entretien l'employeur est tenu d'indiquer les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié. Celui-ci peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister par un conseiller de son choix, inscrit sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département après consultation des organisations représentatives visées à l'article L. 136-1 du code du travail dans des conditions fixées par décret. Mention doit être faite dans la lettre recommandée de cette faculté, ainsi que de l'adresse des services où le salarié put se procurer la liste des conseillers.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Monsieur le ministre, je souhaite vous faire une remarque avant d'aborder concrètement l'objet de l'amendement n° 160.
Je vous écoute depuis tout à l'heure nous offrir parfois des garanties pour rassurer nos préventions, que vous trouvez quelque peu paranoïaques, sur les effets du CPE. Je rappellerai certains de vos propos, afin que chacun puisse mesurer ce que valent vos engagements !
Vous aviez avec M. Borloo, dans l'exposé des motifs de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, déclaré que ce texte était « l'occasion tout à la fois d'affirmer et de montrer l'application concrète du principe, déjà institué au sein de l'Union européenne, selon lequel toute réforme substantielle modifiant l'équilibre des relations sociales doit être précédée d'une concertation effective avec les partenaires sociaux et, le cas échéant, d'une négociation entre ceux-ci ».
Au cas où nous aurions mal compris, vous ajoutiez que le Gouvernement prenait l'engagement « de renvoyer à la négociation nationale interprofessionnelle toute réforme de nature législative relative au droit du travail ».
Or nous sommes dans le cadre d'une réforme législative en matière de droit du travail, et aucune concertation avec les partenaires sociaux n'a eu lieu. Vous n'avez donc pas respecté cet engagement !
J'en viens à l'amendement n° 160 : il vise à rétablir une procédure de licenciement pour le salarié employé en CPE, dans la perspective, bien entendu, où les amendements de suppression de l'article seraient rejetés.
Je mets particulièrement l'accent, monsieur le ministre, sur l'importance de l'intervention du conseiller du salarié.
Comme vous le savez, la fonction de conseiller du salarié est issue d'une proposition de loi qu'avaient fait voter les socialistes en vue de pallier l'isolement du salarié licencié dans une entreprise dépourvue de représentants du personnel.
Cette situation est en effet la plus fréquente, y compris dans les entreprises de plus de cinquante salariés qui devraient pourtant avoir un comité d'entreprise.
Dans le cas présent, nous n'avons sans doute pas à craindre que les jeunes ne soient pas inclus dans les seuils d'effectifs puisque le Conseil d'État, saisi sur l'une de vos ordonnances de l'été dernier, vous a refusé de pratiquer cette discrimination à l'encontre de la jeunesse.
Néanmoins, les difficultés de la représentation des salariés n'étant plus à démontrer, il faut prévoir que le salarié licencié d'un jour à l'autre ne soit pas laissé seul avec son préavis de quinze jours, si son contrat a moins de six mois, ce qui sera fréquent dans le cas de substitution d'un CPE à un CDD.
Comment, en effet, retrouver un emploi en quinze jours ? Nous aurions dû, si M. le rapporteur nous en avait laissé le temps, auditionner des agents de l'ANPE sur ce point. Nous aurions sûrement beaucoup appris.
Le risque que chacun peut mesurer est que cette nouvelle précarité ne vienne gonfler le nombre d'inscrits à l'ANPE et le déficit des ASSEDIC.
Je rappellerai, en effet, ce que chacun sait désormais : la première cause de déficit des ASSEDIC, c'est non pas - comme jadis M. Seillière avait tenté de le faire croire faussement - les intermittents du spectacle, jetés en pâture à l'opinion, mais la précarité !
Annoncer que l'on va réduire le déficit de l'UNEDIC en contrôlant et en sanctionnant les chômeurs, en les obligeant à accepter n'importe quel emploi précaire dans n'importe quelles conditions et, par ailleurs, augmenter, généraliser la précarité, ce n'est plus seulement conduire une politique de gribouille. C'est beaucoup plus grave, monsieur le ministre, et l'on peut se demander quelles en seront les conséquences politiques pour les jeunes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Il s'agit toujours de priver le CPE d'un élément important de son régime spécifique.
Nous savons que ce régime est spécifique, car cela a été dit depuis le début, dans toutes les déclarations ! La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous avons déjà longuement répondu à ces questions. Je reprendrai donc simplement les derniers propos de M. Assouline.
Réellement, si l'accompagnement mensuel du demandeur d'emploi, si le fait de lui proposer une formation et une validation des acquis de l'expérience, si le fait de chercher à mettre en place - et nous sommes en passe d'y parvenir de manière très concrète - un dossier unique du demandeur d'emploi et un guichet unique constituent une manière de « fliquer » les demandeurs d'emploi, je n'y comprends plus rien !
Pardonnez-moi de vous le dire, la réalité, c'est que les demandeurs d'emploi n'étaient vus, au mieux, que tous les six mois !
M. Alain Gournac, rapporteur. Pas toujours !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. La plupart du temps, ils n'étaient vus qu'une fois par an, pour ne pas dire tous les dix-huit mois, notamment par l'UNEDIC ! Nous voulons rompre avec cette réalité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Accompagner le demandeur d'emploi chaque mois, lui proposer une formation et un accompagnement, ce n'est pas exercer un « flicage », comme vous le dites, des demandeurs d'emploi ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. David Assouline. Je n'ai pas employé ce terme !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ce que nous proposons repose sans doute sur une philosophie différente, car nous ne voulons pas d'une société où l'on reste exclu longtemps, d'une société qui protège simplement un certain nombre d'emplois, et non pas les hommes et les femmes.
Notre démarche s'adresse aux hommes et aux femmes les plus exclus, les plus éloignés de l'emploi. C'est notre différence ! Telle est notre priorité, car la précarité, c'est de laisser ces personnes de côté.
Nous voulons, pour eux, un vrai retour vers l'emploi. C'est le sens de la loi de programmation pour la cohésion sociale et c'est le sens de l'ensemble de ce projet de loi pour l'égalité des chances. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
Mme la présidente. J'ai reçu de MM. Ivan Renar, Jacques Valade, David Assouline, Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Yannick Bodin, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Yves Dauge, Mme Annie David, MM. Alain Dufaut, Ambroise Dupont, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Paul Émin, Mme Françoise Férat, MM. Bernard Fournier, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-François Humbert, Mme Christiane Hummel, MM. Alain Journet, Pierre Laffitte, Serge Lagauche, Jacques Legendre, Mme Lucienne Malovry, M. Pierre Martin, Mmes Colette Melot, Catherine Morin-Desailly, MM. Bernard Murat, Philippe Nachbar, Mme Monique Papon, MM. Jack Ralite, Philippe Richert, Michel Thiollière, Jean-Marc Todeschini, André Vallet et Jean-François Voguet une proposition de loi modifiant le code général des collectivités territoriales et la loi n° 2002-6 du 4 janvier 2002 relative à la création d'établissements publics de coopération culturelle.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 224, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de Mme Annie David, MM. Ivan Renar, Jack Ralite, Jean François Voguet, Mmes Eliane Assassi, Marie-France Beaufils, M. Michel Billout, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Robert Bret, Yves Coquelle, Mmes Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Mme Gélita Hoarau, MM. Robert Hue, Gérard Le Cam, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon Poinat, MM. Roland Muzeau, Bernard Vera, François Autain et Pierre Biarnès une proposition de loi tendant à la création d'un statut professionnel des psychologues scolaires.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 225, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de Mme Marie-Thérèse Hermange, MM. André Lardeux, Alain Vasselle, Mme Isabelle Debré, MM. Louis de Broissia et Charles Revet une proposition de loi renforçant l'encadrement des contrats de crédit afin de prévenir le surendettement.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 226, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
6
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
Mme la présidente. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'accords sous forme d'échange de lettres, d'une part entre la Communauté européenne et la République populaire de Chine, et d'autre part entre la Communauté européenne et les États-Unis d'Amérique ; Proposition de règlement du Conseil concernant la mise en oeuvre de l'accord conclu par la CE à l'issue des négociations menées dans le cadre du paragraphe 6 de l'article XXIV du GATT de 1994, modifiant et complétant l'annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3090 et distribué.
7
ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mardi 28 février 2006, à dix heures, à seize heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 203, 2005 2006) pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence ;
Rapport (n° 210, 2005-2006) présenté par M. Alain Gournac, au nom de la commission des affaires sociales ;
Avis (n° 211, 2005-2006) présenté par M. Philippe Richert, au nom de la commission des affaires culturelles ;
Avis (n° 212, 2005-2006) présenté par M. Pierre André, au nom de la commission des affaires économiques ;
Avis (n° 213, 2005-2006) présenté par M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation ;
Avis (n° 214, 2005-2006) présenté par M. Jean-René Lecerf, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi modifié par une lettre rectificative relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (n° 326 rectifié, 2001-2002) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 mars 2006, à onze heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 6 mars 2006, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 28 février 2006, à une heure cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD