Mme Évelyne Didier. Le cinquième alinéa de l'article 3 bis du projet de loi fait référence à la résiliation du contrat de travail.
Dans la mesure où le contrat première embauche permet aux employeurs de licencier en totale liberté durant les deux premières années, sans obligation de justification, cet alinéa l'écarte d'un certain nombre de dispositions contenues dans les articles du code du travail auquel il se réfère.
Pourtant, à y regarder un peu plus en détail, l'exclusion du CPE du champ de ces articles est bien loin de se justifier.
Notre amendement vise donc à récrire cet alinéa afin d'éviter que les salariés ne se trouvent privés d'un certain nombre de leurs droits sans raison, « au passage », si je puis m'exprimer ainsi.
Dans la logique qui sous-tend le contrat première embauche, on peut comprendre que les dispositions liées au licenciement pour faute grave n'aient plus lieu d'être - et pour cause, aucune faute n'ayant besoin d'être invoquée pour licencier le salarié !
En revanche, monsieur le ministre, vous souhaitez que les salariés embauchés dans le cadre d'un CPE soient exclus du champ d'application de l'article L. 122-8, qui prévoit que, si l'employeur ne respecte pas la durée du délai-congé précédant le licenciement, le salarié a droit à une indemnité compensatrice. De plus, si l'employeur décide de réduire le délai-congé, le salarié ne peut pour autant se voir imposer une diminution de son salaire ou de ses avantages.
Nous ne comprenons donc pas pourquoi il faudrait priver les salariés de cette disposition et nous souhaitons, au contraire, qu'ils puissent en bénéficier.
Nous y tenons d'autant plus que l'extrême facilité avec laquelle l'employeur pourra licencier ses salariés nous incite à penser qu'il vaut mieux, dans ce cadre, leur garantir un minimum de droits, comme celui de conserver leurs avantages en cas de réduction de leur préavis de licenciement et de pouvoir bénéficier d'une prime compensatoire.
Par ailleurs, les articles L.122-14-2 et L.122-14-3 du code du travail sont supprimés des dispositions dont relève le contrat première embauche. Nous pensons au contraire qu'il faut qu'ils y figurent.
En effet, aux termes de l'article L.122-14-2, « l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement mentionnée à l'article L.122-14-1. » et aux termes de l'article L.122-14-3 - je pense que c'est essentiel - : « En cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utile. »
Par ailleurs, j'insiste beaucoup sur la phrase suivante : « Si un doute subsiste, il profite au salarié. »
M. Roland Muzeau. Eh oui !
Mme Évelyne Didier. Nous demandons avec force le maintien de ces articles. Nous ne pouvons accepter la mise en cause de l'un des fondements de notre code du travail.
Je vous le rappelle, le droit du travail est né de la nécessité de corriger la relation nécessairement inégalitaire entre le salarié et l'employeur. C'est un droit protecteur dont ces articles sont des piliers historiques. Ils ne peuvent être balayés comme vous le faites ici d'un revers de manche...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
Mme Évelyne Didier. ...et dans l'opacité la plus complète, parce que c'est compliqué et technique en même temps.
Il faudra maintenant, ici même, justifier de votre volonté de priver les salariés embauchés en contrat première embauche de leur droit à une appréciation juste et impartiale de leur licenciement, ainsi que de sa justification. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'amendement n° 667 est sensiblement identique à l'amendement n° 151. Il tend à effacer les spécificités du CPE en matière de résiliation pendant la durée de consolidation.
La commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame Didier, votre amendement reviendrait à faire disparaître - mais c'est son objet - la souplesse apportée par le CPE.
Or à la souplesse correspond la sécurisation, je viens d'ailleurs de répondre à Mme Létard sur les dimensions de celle-ci.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne sommes pas convaincus !
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 447, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du II de cet article, remplacer la référence :
L. 122-14-14
par la référence :
L. 122-14-13
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. J'ai l'impression qu'il y a une véritable confusion entre les articles L.122-14-13 et L.122-14-14. En effet, les articles L.122-13 à L.122-14-13 portent sur les conditions de rupture d'un CDI. Or, l'article L.122-14-14 concerne tout autre chose puisqu'il vise le conseiller du salarié, conseiller nécessaire à la procédure de licenciement obligatoire.
Je vous rappelle les termes de cet article : « L'employeur, dans les établissements où sont occupés au moins onze salariés, est tenu de laisser au salarié de son entreprise investi de la mission de conseiller du salarié et chargé d'assister un salarié lors de l'entretien prévu à l'article L.122-14 le temps nécessaire à l'exercice de sa mission dans la limite d'une durée qui ne peut excéder quinze heures par mois. »
Son introduction dans les exceptions vise à interdire, de façon tout à fait détournée, à un salarié en CPE de remplir des missions de conseiller du salarié. Il s'agit donc d'une réduction des moyens donnés à la défense des salariés. En effet, une nouvelle fois, à l'occasion d'une disposition qui n'a rien à voir, on limite leurs droits.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demande de bien vouloir remplacer ces références. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'article L.122-14, que cet amendement rend applicable au CPE, fixe la procédure de résiliation du CDI, dont l'introduction priverait le CPE d'un élément essentiel de spécificité.
J'apporte exactement la même réponse, sinon pourquoi voulez-vous que l'on favorise l'entrée dans l'entreprise ? La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. S'agissant du conseiller du salarié, il convient de distinguer deux situations.
D'une part, le salarié embauché dans le cadre d'un contrat première embauche peut valablement exercer des fonctions de conseiller du salarié, être inscrit sur la liste prévue à cet effet et bénéficier des protections correspondantes.
D'autre part, en ce qui concerne l'assistance d'un salarié sous CPE par un conseiller, au-delà de la période de consolidation, la procédure d'entretien préalable, avec le cas échéant l'assistance d'un conseiller du salarié, s'applique dans les conditions de droit commun définies par les articles L.122-14 et L.122-14-14.
En revanche, cette procédure est sans objet pendant la période de consolidation, puisqu'il n'y a pas d'entretien préalable obligatoire.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a aucune garantie !
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 154, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Aucun licenciement économique ne doit avoir eu lieu dans l'entreprise dans les six mois précédant la conclusion d'un contrat première embauche.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Je désire appeler l'attention du Sénat sur le jugement qui vient d'être rendu par le conseil des prud'hommes de Longjumeau.
Dans un esprit de magnanimité, je ne vous lirai que quelques-uns des attendus de ce jugement rendu sur la formule analogue à celle que vous proposez aujourd'hui, à savoir le CNE.
« Attendu que la période d'essai est destinée à permettre aux cocontractants d'évaluer les capacités professionnelles du salarié et les conditions de travail dans l'entreprise ;
« Que la Cour de cassation a pu préciser que le caractère prématuré ou tardif de la rupture de période d'essai est un élément d'appréciation d'un abus de la part de l'auteur de la rupture ;
« Qu'en l'espèce la SARL ACG a procédé au renouvellement de la période d'essai le dernier jour de celle-ci ;
« Qu'elle a ensuite procédé à la rupture de la période d'essai le dernier jour de celle-ci ;
« Que ces éléments font présumer l'abus de l'employeur dans l'utilisation de son droit au renouvellement et de son droit à la rupture de période d'essai ;
« Que ces éléments sont renforcés par l'embauche de M..., le jour même de la rupture de la période d'essai, par la SARL ACTE, sous le régime précaire du contrat nouvelles embauches;
« Qu'il convient de relever par surcroît que cette rupture de période d'essai a eu lieu le 6 août 2005, alors que l'ordonnance instituant le contrat nouvelles embauches, du 2 août 2005, venait d'entrer en vigueur ;
« Que les SARL ACG et ACTE étant étroitement liées, il est inconcevable que, le demandeur n'ayant pas établi sa capacité à remplir sa mission de contrôleur technique dans la première, il soit embauché dans la même qualité dans la seconde ; [...]
« Attendu que le contrat nouvelles embauches est destiné, d'après le rapport présenté au Président de la République, à rassurer les chefs d'entreprise ayant des difficultés à anticiper l'évolution de la conjoncture économique ou à. apprécier les qualités du salarié ;
« Qu'il est destiné, comme son nom l'indique, à favoriser de ?nouvelles embauches? ;
« Qu'il ne peut être utilisé dans le seul but de précariser la situation d'un salarié et d'éluder le droit de licenciement ;
« Qu'en l'espèce il apparaît que la SARL ACTE connaissait exactement les qualités professionnelles du salarié, qui avait passé deux mois dans la SARL ACG avec laquelle elle est intimement liée ;
« Condamne l'entreprise à indemniser le salarié. »
Comme vous pouvez le constater, nous sommes en pleine substitution de contrat. Le salarié, en l'espèce, perd un contrat à durée indéterminée, qui est remplacé, dans une autre société, par un contrat nouvelles embauches.
Dans le cas de ce jugement, l'employeur avait littéralement requalifié un CDI en CNE et l'ambiguïté de son comportement ne fait aucun doute. Il est même d'une certaine naïveté, mais cela aurait gravement porté préjudice au salarié si un ami syndicaliste ne lui avait pas conseillé de présenter son recours.
Le plus souvent, qu'en sera-t-il ?
Un salarié en CDI sera licencié ou bien un CDD ou une mission d'intérim prendra fin, et le salarié nouvellement recruté le sera en CPE ou en CNE, tout de même après un court délai.
Votre texte ne prévoit rien pour répondre à cette hypothèse. Comment l'expliquez-vous ?
Comptez-vous sur le comportement vertueux des employeurs ou sur leur prise de conscience après avoir pris connaissance des jugements prononcés ? Ou bien espérez-vous que les salariés ne feront pas de recours et que l'habitude sera bientôt prise de ne pas réagir à cette nouvelle aggravation de la précarité ?
Il est vrai que, déjà, les responsables du personnel conseillent à leur employeur de ne pas préciser dans la lettre de licenciement d'un salarié en CNE qu'il dispose d'un an pour contester la rupture du contrat. Cela crée, paraît-il, des contentieux portant sur le motif de la rupture, et pourrait aboutir à renforcer les motifs invocables sur l'abus de droit.
Ce n'était pas l'effet souhaité mais, que voulez-vous, les salariés se défendent encore. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement tend à rendre impossible, soit la procédure du licenciement économique, soit le recrutement en CPE. En outre, le CPE doit permettre de répondre à un besoin spécifique de l'entreprise même si des difficultés économiques ont conduit à une procédure de licenciement économique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est bien ce que l'on reproche au CPE !
M. Alain Gournac, rapporteur. Là aussi, il faut jouer le jeu.
La commission émet un avis défavorable.
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas un jeu !
M. Guy Fischer. Il y a des vies en jeu !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Cet amendement traduit une méconnaissance du bénéfice de la priorité de réembauche. En effet, le code du travail prévoit qu'un salarié licencié pour motif économique bénéficie de cette priorité.
Vous avez évoqué certaines pratiques et vous avez cité la décision du conseil des prud'hommes de Longjumeau. Je vous renvoie à ce qui figure depuis le 7 octobre sur le site du ministère, au chapitre des questions-réponses relatives aux abus d'exercice du CNE qui doivent être censurés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne prouve rien !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il s'agit de l'abus de droit, et, sur le site du ministère, nous apportons des informations tant aux entreprises qu'aux salariés. Ce cas est traité depuis le 7 octobre et la décision du conseil des prud'hommes de Longjumeau ne fait que confirmer l'idée selon laquelle le CNE n'est pas une zone de non-droit social.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas du tout, monsieur le ministre !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Par conséquent, cette décision conforte l'approche qui a été la nôtre dès le débat sur les ordonnances.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'abus d'utilisation du CNE, ce ne sont pas les garanties du CNE !
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 156, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
En aucun cas un contrat de première embauche ne peut être conclu pour remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d'un conflit collectif de travail.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Madame la présidente, je ne vous cache pas mon embarras au moment de présenter cet amendement. Nous sommes en effet dans une situation illogique, ou du moins qui ne correspond pas à ma logique.
Cet après-midi, certains d'entre nous auraient souhaité faire un rappel au règlement pour protester contre la procédure de discussion commune qui a été retenue. Mais M. Jean-Claude Gaudin, qui présidait alors la séance, nous en a empêchés. N'ayant pas pu m'expliquer cet après-midi, je le fais maintenant.
Certes, l'article 49 du règlement est respecté, mais il me semble que le Sénat aurait dû se prononcer sur les quatre amendements de suppression de l'article 3 bis.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Évidemment !
M. Claude Domeizel. Si le Sénat avait adopté ces amendements, la discussion de l'article aurait été achevée. Mais dans la mesure où il Sénat ne s'est pas prononcé, une personne extérieure pourrait à juste titre se demander pourquoi des sénateurs s'efforcent d'aménager un article dont ils souhaitent la suppression ! J'avoue que cela sort de ma logique et que cela me gêne ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. David Assouline. Il a raison !
M. Claude Domeizel. Je vais néanmoins présenter l'amendement n° 156.
En effet, si les amendements de suppression de l'article 3 bis devaient ne pas être adoptés, nous devons « sauver les meubles », si je puis m'exprimer ainsi, et nous montrer très précis, car en restant dans l'imprécision, l'on risque d'ouvrir la porte à des contentieux sans fin.
S'agissant du CNE, qui n'est en fait que le grand frère du CPE, nous avons déjà une expérience de six mois. Pendant cette période, nous avons vu surgir de nombreuses demandes et de multiples sujets de contentieux.
Je lisais, dans un journal paru ce soir, qu'aujourd'hui l'inquiétude repose sur une double incertitude : d'une part, ne pas savoir exactement de quel régime de protection on relève lorsqu'on bénéficie d'un contrat nouvelles embauches - cela vaut aussi pour le CPE - et, d'autre part, être assis en permanence sur un siège éjectable.
Jusqu'en septembre 2005, juste après l'adoption du dispositif, les appels émanaient surtout d'employeurs en quête de renseignements. Il semble que, depuis, la donne ait changé. Les demandes proviennent désormais d'employés qui veulent en apprendre davantage sur leurs droits ou de salariés qui sont déjà hors course.
Les standards de certaines directions départementales du travail sont encombrés et on y recense de nombreux appels de détresse.
Permettez-moi de citer quelques exemples : celui de cette employée d'une boutique de prêt-à-porter de Marne-la-Vallée, qui a été remerciée parce qu'elle avait effectué quelques emplettes chez une commerçante concurrente durant sa pause déjeuner - il faut le faire ! - ; celui de ce salarié que son patron ne voulait pas voir habillé en jogging ; celui de cette employée qui est « virée » après avoir annoncé à son employeur qu'elle était enceinte, ce dernier étant semble-t-il inconscient des risques qu'il encourt en la licenciant.
L'amendement que nous présentons prévoit que, en aucun cas, un contrat de première embauche ne peut être conclu pour remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d'un conflit collectif de travail.
Si notre amendement se justifie par son texte même, il m'apparaît néanmoins utile d'apporter quelques précisions.
En effet, l'article L. 124-2-3 du code du travail interdit à l'employeur de faire appel à une entreprise de travail temporaire pour remplacer un gréviste. Il en est de même de l'article L. 122-3 en ce qui concerne les contrats à durée déterminée.
En revanche, rien n'interdit de recourir à des travailleurs temporaires, même pendant la grève, pour l'accomplissement d'autres tâches que celles qui sont dévolues à des grévistes. Il peut s'agir, par exemple, du remplacement d'un salarié en congé de maladie.
On comprend bien quel est l'enchaînement qui permettra, comme cela se fait déjà avec les salariés en CDD et avec les intérimaires, d'employer des jeunes en CPE pour exécuter d'autres tâches que celles des travailleurs en grève. Et les employeurs pourront toujours, comme ils en dont déjà la possibilité, faire appel à des travailleurs intérimaires ou en CDD pour faire face à un éventuel surcroît de travail à l'issue de la grève.
Nous sommes là dans le champ du 2° de l'article L. 122-1 du code du travail. De la même façon, rien n'interdira à un employeur de recruter des jeunes en CPE en lieu et place des intérimaires et des salariés en CDD, qui sont soumis à des procédures plus contraignantes.
Enfin, je le rappelle, l'interdiction légale vise le remplacement d'un salarié dont l'absence résulte d'un conflit collectif. Des salariés non grévistes peuvent être affectés au remplacement de grévistes, mais ils ne peuvent être eux-mêmes remplacés par des travailleurs temporaires recrutés à cette fin. En revanche, le recrutement de travailleurs temporaires juste avant une grève reste licite.
Monsieur le ministre, qu'adviendra-t-il des jeunes recrutés en CPE alors qu'un préavis de grève vient tout juste d'être déposé ? Quelle est précisément la position du Gouvernement sur cette question au demeurant fort complexe, je le reconnais ? La législation et la jurisprudence applicables au CDD et au travail temporaire seront-elles également applicables au recrutement en CPE en cas de grève ou de menace de grève ?
Vous comprendrez, monsieur le ministre, que les réponses à ces questions soient importantes. Je ne sais quelle en sera la teneur, mais il est bien évident que nous, nous ne pourrons réagir que demain, et qui sait à quelle heure ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Le CPE ne sera utilisé, y compris pour un remplacement, que dans la perspective d'une embauche permanente. Retenir cet amendement impliquerait a contrario que le CPE peut être utilisé pour de brefs remplacements non mentionnés dans l'amendement et dépourvus de toute perspective de pérennisation.
La commission a émis un avis défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est une contradiction, monsieur le rapporteur !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je partage l'avis de la commission, car le CPE n'est pas assimilable à un CDD.
J'ajoute que ni le CPE ni le CNE ne portent atteinte au droit de grève, dans les limites qui sont définies par la Constitution. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Bricq. A peine !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. L'article L. 122-45 du code du travail dispose qu'« aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire visée à l'alinéa précédent en raison de l'exercice normal du droit de grève ».
M. Roland Muzeau. Si le patron n'a pas de motif à donner, il ne va pas s'en vanter.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. S'agissant de la question de la tenue vestimentaire, les salariés employés dans le cadre d'un CNE ou d'un CPE ne font l'objet d'aucune disposition particulière et sont soumis au droit commun de la jurisprudence prévue pour les CDI. Cette dernière permet à l'employeur d'imposer des exigences vestimentaires pour l'exercice de telle ou telle activité, dans la limite de l'article L. 120-2 du code du travail.
Tel est l'éclairage que je souhaitais apporter au Sénat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas une explication !
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 660, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le salarié dont le contrat de travail est rompu pour cas de force majeure en raison d'un sinistre a droit à une indemnité compensatrice dont le montant est fixé par décret.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, vous agissez dans la précipitation, en bouleversant le code du travail par la voie d'un amendement qui est en fait un cavalier. Il est difficile aujourd'hui d'évaluer pleinement les dégâts qu'une telle méthode provoquera dans le monde du travail. Nous aurions souhaité en discuter d'une manière plus approfondie.
Loin de défendre notre modèle social, vous êtes en train de le bouleverser contre l'avis des partenaires sociaux et sans que l'opinion publique ait pu véritablement en prendre encore conscience, mais cela commence.
Le choix que vous faites, nous le savons, va inéluctablement dans le sens d'une dérégulation, d'un affaiblissement de l'encadrement collectif et d'un contournement des partenaires sociaux.
En encourageant les accords directs passés entre le salarié et l'employeur, vous remettez en cause l'idée même d'une norme collective et d'un droit conventionnel.
Dans ces conditions, on comprend mieux l'inquiétude exprimée par les syndicats de salariés face à votre projet de réécriture du code du travail, car c'est bien de cela qu'il s'agit.
M. Larcher déclare que nous devons légiférer à droit constant mais, parallèlement, il ne manque pas de dire, chaque fois qu'il le peut, qu'il y a là une formidable occasion d'adapter notre droit aux conditions économiques nouvelles, ce qui, en langage libéral, ou plutôt ultralibéral, annonce une nouvelle vague de régressions.
Monsieur le ministre, vous faites de la procédure de licenciement une entrave au fonctionnement du marché du travail et vous n'hésitez pas à pousser plus loin votre analyse, en en faisant la cause principale du chômage des jeunes.
Cette déréglementation, permise dans le contrat première embauche, va si loin et s'effectue si vite que l'on ne sait plus quels sont les droits et les recours possibles des salariés en cas de rupture du contrat.
Comme je le rappelais tout à l'heure, dans la mesure où tout a déjà été fait, ou presque, par votre majorité pour individualiser les rapports au sein de l'entreprise et pour contourner les accords collectifs, tous les espaces d'incertitudes présents dans le droit seront nécessairement en défaveur du salarié.
C'est pourquoi nous prévoyons que « le salarié dont le contrat de travail est rompu pour cas de force majeure en raison d'un sinistre a droit à une indemnité compensatrice dont le montant est fixé par décret ».
Quarante-neuf articles du code du travail relatifs à la résiliation des contrats de travail à durée indéterminée sont suspendus pour un temps, puisqu'il y est explicitement dérogé, avant d'être purement et simplement abrogés dans la perspective du contrat unique, car tel est l'objectif final.
Ces dérogations auront en réalité pour effet moins de favoriser l'emploi que d'accentuer encore la précarisation des salariés, sans d'ailleurs apporter aux employeurs les garanties juridiques espérées.
Cet amendement vise donc à limiter, malheureusement de manière insuffisante, les conséquences désastreuses de la mise en place du contrat première embauche. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Le 3° du paragraphe II de l'article 3 bis fixe les conditions dans lesquelles la rupture du contrat entraînera le versement d'une indemnité, y compris en cas de rupture pour force majeure.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Les ruptures de contrat de travail pour cas de force majeure sont indemnisées. Par cas de force majeure, on entend une situation imprévisible, irrésistible et extérieure à l'entreprise.
Je rappelle que l'indemnisation d'un titulaire d'un CPE est supérieure à ce qui est prévu dans le droit commun, c'est-à-dire à celle qui est accordée à un employé en CDI ou en CDD.
D'une part, elle est supérieure à celle d'un salarié en CDI pendant les deux premières années puisqu'il s'agit d'une indemnisation croissante et non pas forfaitaire. Paradoxalement, pendant cette période, un employé a plus de droit avec un CPE qu'avec un CDI. Cette question a d'ailleurs fait l'objet d'un débat lors de la discussion générale.
D'autre part, l'indemnisation d'un titulaire d'un CPE est également supérieure à celle d'un salarié en CDD, car tous les CDD ne sont pas à 10 %.
Je voudrais vous rappeler que, dans les accords de branche - par exemple, la métallurgie -, l'indemnité de précarité est limitée à hauteur de 6 % de la rémunération totale brute. Donc, dans un grand secteur comme celui-là, le CPE apporte des protections plus élevées à la fois que le CDI et que le CDD.
M. Jean-Pierre Bel. C'est un raisonnement tordu !
M. Roland Muzeau. Ce cas ne se présentera jamais !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Quand on nous dit que le CPE introduit plus de précarité et moins de droits, voilà la preuve qu'il instaure, au contraire, dans les deux premières années, un parcours de sécurisation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Charles Gautier. À vous entendre, le licenciement est une chance !
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 504, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
I. - Au troisième alinéa du II de cet article, après les mots :
sont prises en compte
insérer les mots :
, que ces périodes d'emploi soient continues ou discontinues,
II. - Compléter ce même alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le contrat de travail stipule le terme de la période de consolidation en déduisant les périodes d'emploi effectuées précédemment dans l'entreprise qui doivent être mentionnées au contrat.
La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. L'objet de cet amendement est d'apporter de très importantes précisions sur la manière de calculer la durée effective de la période de consolidation.
Le texte actuel de l'article 3 bis du projet de loi pour l'égalité des chances, consacré au dispositif du CPE, dispose que : « La durée des contrats de travail, précédemment conclus par le salarié avec l'entreprise ainsi que la durée des missions de travail temporaire effectuées par le salarié au sein de l'entreprise dans les deux années précédant la signature du contrat première embauche, de même que la durée des stages réalisés au sein de l'entreprise sont prises en compte dans le calcul de la période prévue à l'alinéa précédent. »
C'est une très bonne chose. En fait, c'était bien le moins que l'on pouvait faire pour réduire une période de consolidation beaucoup trop longue, au cours de laquelle les jeunes signataires de CPE pourront se faire renvoyer sans aucune justification.
Avec cet amendement, nous entendons apporter deux précisions essentielles.
Premièrement, il convient de dire très explicitement que les périodes prises en compte pour réduire la période de consolidation le seront, qu'elles soient continues ou discontinues.
Deuxièmement, il faut que le terme de la période de consolidation, une fois prises en compte les périodes susceptibles de s'y imputer, soit explicitement inscrit dans le contrat. C'est le second objet de notre amendement. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Le I de cet amendement est satisfait par le texte du troisième alinéa du paragraphe II de l'article 3 bis.
Le II de l'amendement résulte du texte même de la loi.
Il ne semble pas utile de surcharger ainsi un dispositif déjà long et complexe à lire. L'avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le troisième alinéa nous paraît clair, notamment en ce qui concerne les périodes qui s'imputent sur la durée de la période de consolidation. Je crois que sa rédaction devrait suffire à répondre à vos préoccupations, madame la sénatrice.
Je pense que vous pourriez retirer cet amendement parce que nous avons réellement évoqué les différents moments de la phase de consolidation, les périodes susceptibles d'être imputées, comme les formations par alternance, la professionnalisation, les CDD ou les stages. La clarté du texte suffit en elle-même à répondre au souci que vous avez exprimé et que nous partageons avec vous. C'est pourquoi je réitère le souhait que vous puissiez retirer votre amendement.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 153, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
A la fin du troisième alinéa du II de cet article, après les mots :
la période
insérer les mots :
d'essai
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Notre amendement tend à qualifier la période de deux ans que vous ne nommez pas dans votre projet de loi. Dans la presse, le Premier ministre l'a d'abord fort imprudemment qualifiée de « période d'essai ». Mais il est vrai que le Premier ministre est très imprudent dans cette affaire... (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Bricq. S'il n'y avait que celle-là !
Mme Raymonde Le Texier. Cette période est depuis appelée « période de consolidation », selon la terminologie du MEDEF. C'est d'ailleurs aussi une manière intéressante de dire les choses, puisque l'on peut se demander ce qu'il y a à consolider !
Cela signifie que vous créez une zone de non-droit juridique, de même qu'existent déjà des territoires de non-droit. Vous inventez ainsi au profit du patronat ce que vous reprochez par ailleurs aux jeunes des banlieues ; l'analogie est intéressante.
En fait, cette période de consolidation est juridiquement innommable, sauf à tomber sous le coup de la convention n° 158 de l'OIT, reprise par l'article 24 de la charte sociale européenne, approuvée par la loi du 10 mars 1999 et reconnue par ailleurs d'application directe par le Conseil d'État dans sa décision du 19 octobre 2005.
Voici donc l'article 4 de la convention n° 158 : « un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise ».
S'agissant du CNE, au sujet duquel il a été saisi, le Conseil d'État a considéré que le licenciement peut toujours être contesté devant un juge, sur le terrain de l'abus de droit, la charge de la preuve incombant au salarié. On pourra alors, mais un peu tard, savoir s'il y a, ou non, un motif sérieux de licenciement. Ce n'est que si l'abus de droit est constaté que le salarié peut prétendre à réparation.
On peut imaginer que le Conseil d'État en jugera de même pour le CPE. Mais on ne peut négliger le fait que l'article 7 de la même convention n° 158 impose l'existence d'une procédure contradictoire en cas de licenciement pour des motifs liés à la conduite ou au travail du salarié. La procédure judiciaire a posteriori peut-elle en tenir lieu ?
En ce qui concerne la période d'essai, la même convention de l'OIT prévoit qu'un État peut exclure du champ de certaines dispositions de la convention les travailleurs effectuant une période d'essai ou n'ayant pas l'ancienneté requise. Le présent projet de loi pourrait donc a priori entrer dans ce champ, d'autant plus que le code du travail ne prévoit aucune durée précise pour les périodes d'essai.
La jurisprudence de la Cour de cassation a néanmoins donné un certain nombre d'indications sur la durée raisonnable d'une période d'essai en fonction des différentes professions qu'elle a eues à considérer. Sont excessives une période d'essai de trois mois pour un coursier, de six mois pour un chargé de mission, de un an pour un cadre, etc. Il serait intéressant de savoir comment la Cour de cassation qualifiera cette période de deux ans, hors droit du travail puisque sans procédure ni motif de licenciement, si elle considère, le cas échéant qu'une période d'essai peut durer deux ans.
M. Jean-Pierre Sueur. Elle n'a jamais considéré cela !
Mme Raymonde Le Texier. Le fait que la période de deux ans ne soit donc pas définie par le Gouvernement comme une période d'essai est également important pour pouvoir imposer des contrats successifs. En effet, une période d'essai ne peut être renouvelée. En revanche, comme le prévoit expressément le projet de loi, un CPE peut succéder à un autre pour un même salarié, dans la même entreprise, moyennant un délai de carence de trois mois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?