Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, en application de l'article 33, alinéa 2, de notre règlement, nous vous demandons de bien vouloir suspendre la séance jusqu'après le dîner.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous avez demandé une discussion séparée des amendements, que vous avez fait avaliser la semaine dernière par la conférence des présidents. Maintenant, comme par hasard, vous souhaitez une discussion commune de ces amendements.
Nous avons donc besoin de nous réorganiser pour nous adapter à cette nouvelle décision.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous n'avons rien changé ! L'ordre d'appel est le même !
M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, la séance sera suspendue vers dix-neuf heures vingt. Vous aurez donc tout loisir de vous réunir. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
J'applique le règlement du Sénat ! En vertu de l'article 33, alinéa 2, le président « peut, à tout moment, suspendre ou lever la séance ». C'est donc le président qui décide !
Par ailleurs, je vous rappelle les termes de l'article 44, alinéa 6, de notre règlement : « Les demandes de priorité ou de réserve dont l'effet, en cas d'adoption, est de modifier l'ordre de discussion des articles d'un texte ou des amendements. Lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité ou la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement. »
Par conséquent, j'appelle en discussion l'amendement n° 649. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
L'amendement n° 649, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'entreprise s'engage à revaloriser le contrat à durée indéterminée comme forme normale d'embauche, de façon à nouer avec les jeunes qu'elle recrute un engagement durable.
La parole est à... (Protestations redoublées sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, monsieur le président !
M. le président. Dans ces conditions, je considère que l'amendement n° 649 n'est pas défendu ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Nouvelles protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Vous bouleversez la procédure et vous ne nous laissez même pas une demi-heure !
M. le président. L'amendement n° 501, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. - Les employeurs qui entrent dans le champ du premier alinéa de l'article L. 131-2 du code du travail peuvent conclure un contrat de travail dénommé « contrat progressif ».
Un tel contrat ne peut être conclu pour pourvoir les emplois mentionnés au 3° de l'article L. 122-1-1 du même code.
II. - Le contrat de travail défini au I est conclu sans détermination de durée. Il est établi par écrit.
Ce contrat est progressivement soumis aux dispositions du code du travail dans des conditions déterminées par décret.
Ce contrat peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, pendant les six premiers mois courant à compter de la date de sa conclusion. La rupture est notifiée et motivée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
III. - Les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi au sens de l'article L. 351-1 du code du travail, ayant été titulaires du contrat mentionné au I pendant une durée minimale de deux mois d'activité ont droit à une indemnisation proportionnelle à la durée effective de leur contrat.
Ces travailleurs ont droit à une validation des acquis de l'expérience, un bilan de compétence et un accompagnement spécifique par les services de l'Agence nationale pour l'emploi. Ces services font aussi au salarié des offres de formation complémentaire.
La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Le groupe Union centriste-UDF attache beaucoup d'importance à cet amendement. Il vise à remplacer le CPE par un « contrat progressif ». En effet, le dispositif du CPE ne nous semble pas une bonne mesure.
Le CPE se caractérise par quatre éléments : il s'agit d'un CDI réservé aux moins de 26 ans, dans les entreprises de plus de vingt salariés, qui débute par une période de deux ans, au cours de laquelle l'employeur peut licencier le salarié sans justification.
Or, de ces quatre éléments, trois sont inacceptables.
Tout d'abord, nous ne voyons aucune raison pour que la précarité soit liée à l'âge des salariés ou à la taille de l'entreprise. Ce faisant, vous concentrez toute la flexibilité, donc toute la précarité, sur les plus fragiles, c'est-à-dire les plus jeunes et les plus petites entreprises.
Ensuite, l'absence de justification pour rompre un CPE est tout simplement inadmissible. Comme le faisait remarquer mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, même Mme Thatcher n'avait pas osé prendre une telle mesure !
C'est même illégal ! Une telle disposition est en effet contraire à nos engagements internationaux et ne résistera pas à l'épreuve de la jurisprudence. Licencier sans justification ne correspond pas à l'idée que nous nous faisons de la justice, de l'équité sociale et de la capacité de recours.
Enfin, le CPE pourrait bien, comme son « grand frère » le CNE, ne créer que très peu d'emplois. Il semble procéder d'une analyse erronée de la nature du chômage des jeunes : ce chômage résulte davantage d'une absence de rencontre entre l'offre et la demande de travail que de la nature du contrat de travail.
La formation des moins de 26 ans, y compris de ceux qui ont suivi des études supérieures, n'est souvent pas en adéquation avec les besoins réels en termes de main-d'oeuvre, et c'est bien là notre problème.
C'est donc au niveau de la formation que tous les emplois se jouent, comme le révèle le très intéressant rapport d'Henri Proglio, paru le 15 février dernier, que certains ont déjà mentionné. Je suis certain qu'il en sera encore question d'ici à la fin de cette semaine.
Nous tirons de ce rapport une conclusion simple : il faut immédiatement enterrer le CPE.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Philippe Nogrix. Nous ne sommes toutefois pas hostiles, par principe, à une simplification de notre droit, bien au contraire. Mais toute flexibilisation doit automatiquement s'accompagner de droits protecteurs des travailleurs. C'est ainsi que nous concevons la couverture sociale en France, et nous y tenons.
Telle est la philosophie à laquelle obéit le CDI à droits progressifs que nous proposons et par lequel nous entendons remplacer le CPE. Ce contrat devra bien entendu être présenté devant les organisations syndicales et patronales et discuté, comme le prévoit la loi Fillon de 2004.
Ce nouveau contrat se caractériserait par quatre éléments.
Premièrement, une période d'essai raisonnable et clairement limitée ; nous suggérons qu'elle soit de six mois.
Deuxièmement, une rupture obligatoirement motivée, donc susceptible de recours.
Troisièmement, un renforcement progressif des droits, au fil du temps, notamment des droits à indemnités des signataires du contrat.
Enfin, quatrièmement, en cas de rupture du contrat, le droit pour le salarié à une validation des acquis de l'expérience, à un bilan de compétences et à un accompagnement spécifique par les services de l'ANPE. Ces services devront également proposer au salarié des offres de formation complémentaire.
Simplification, flexibilité et accompagnement : tels sont, mes chers collègues, les maîtres mots de la proposition de CDI à droits progressifs que nous vous demandons d'adopter. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 649, la commission émet un avis défavorable, car il s'agit d'une nouvelle rédaction de l'article. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Un sénateur du groupe CRC. Cet amendement n'a pas été défendu !
M. le président. Seul le rapporteur a la parole pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 501, puisque l'amendement n° 649 n'a pas été défendu. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est un coup de force !
M. Alain Gournac, rapporteur. Quant à l'amendement n° 501, j'ai écouté avec beaucoup d'attention les arguments développés par Philippe Nogrix. Peut-être nous approcherons-nous un jour d'un « contrat progressif », mais ce n'est pas d'actualité.
Je ne peux donc qu'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances. Cet amendement tend à instituer une nouvelle forme de CDI. Or, notre priorité, c'est l'emploi des jeunes ! C'est la raison pour laquelle le CPE leur est réservé.
Une réflexion sur l'évolution globale des contrats de travail, en association avec les partenaires sociaux, a par ailleurs été demandée par le Premier ministre. Une concertation s'engagera prochainement.
Mme Nicole Bricq. C'est ça !
M. Azouz Begag, ministre délégué. C'est dans ce contexte qu'une telle proposition devrait être examinée.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Le vote étant réservé j'appelle, conformément au règlement, l'amendement suivant.
L'amendement n° 650, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le I de cet article.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais tout d'abord vous faire observer que je me tenais debout, prête à défendre l'amendement n° 649.
M. Roland Muzeau. Bien sûr !
Mme Évelyne Didier. Malheureusement, vous n'avez pas regardé de mon côté.
MM. Jean-Pierre Bel, Guy Fischer et Roland Muzeau. Rappel au règlement ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. le président Il n'y a pas lieu de faire un rappel au règlement ! L'amendement n° 649 était déposé par M. Muzeau, M. Fischer, M. Autain et Mme Hoarau.
M. Roland Muzeau. Et les membres du groupe CRC !
M. le président. Effectivement ! Je vous ai demandé si vous souhaitiez vous exprimer sur cet amendement et vous avez répondu non ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Non, seule Mme Didier a la parole, sur l'amendement n° 650 ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Vous voulez nous empêcher de parler ?...
M. Guy Fischer. Monsieur le président, je demande une explication !
M. le président. Il n'y a pas d'explication de vote !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Non ! J'applique le règlement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Nous voulons simplement une explication !
M. le président. Non, monsieur Fischer, n'insistez pas ! Vous trouverez les explications dans le règlement ! J'applique le règlement à la demande du président de la commission des affaires sociales et avec l'accord du Gouvernement ! (Brouhaha sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Vous voulez nous mettre un bâillon !
M. Guy Fischer. Dites-nous simplement s'il y aura un vote bloqué sur tous les amendements !
M. le président. Nous ne sommes plus au temps du Soviet suprême ! (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Huées sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, où plusieurs sénatrices et sénateurs se lèvent.)
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas bien, monsieur le président !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je demande une suspension de séance !
M. le président. Non ! (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Seule Mme Didier a la parole !
M. Roland Muzeau. Mais le rappel au règlement est de droit !
M. le président. Vous ne pouvez faire un rappel au règlement que si le président de séance vous y autorise. Or, en cet instant, je ne vous y autorise pas !
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. le président. J'en ai suffisamment accepté pendant tout l'après-midi !
Poursuivez, madame Didier !
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, je suis très peinée de n'avoir pas pu défendre l'amendement n° 649. Mais, finalement, je pourrai tout de même aborder le sujet qui nous préoccupe.
L'amendement n° 650 tend à supprimer le I de l'article 3 bis. Nous supposons en effet que la suppression complète de cet article sera refusée. Vous vous doutez donc bien que nous avons déposé des amendements de repli.
Selon nous, la majorité des Français sont hostiles à la mise en oeuvre du CPE. C'est au moyen de l'article 49-3 que le Gouvernement a fait adopter ce dispositif par voie d'amendement à l'Assemblée nationale. Les salariés, les jeunes et les syndicats sont mobilisés. Nous ne doutons pas qu'ils feront entendre leur voix.
Personne n'est dupe : le CPE, après le CNE, n'est finalement qu'un cheval de Troie destiné à faciliter la destruction du code du travail tel qu'il existe actuellement. Pour le Gouvernement, il n'est absolument pas question de faire quelque chose pour les jeunes. On utilise leurs difficultés et, sous prétexte d'y apporter des solutions, on légitime l'extension de la précarité pour tous. Il nous aurait semblé plus honnête de le dire clairement.
Au cours des débats à l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est targué de trouver la solution miracle au chômage des jeunes diplômés. Il n'en est rien et nous ne sommes pas les seuls à le penser.
Permettez-moi à cet égard de mentionner à mon tour le récent rapport Proglio sur l'insertion des jeunes sortis de l'enseignement supérieur. D'après ce rapport, la réussite de l'insertion « passe par une volonté de nouer avec les jeunes que l'on recrute un engagement durable, notamment en revalorisant le contrat à durée indéterminée comme forme normale d'embauche. La confiance réciproque entre un jeune et l'entreprise qui le recrute est une condition préalable à la construction des compétences et à la réussite professionnelle. »
Le Gouvernement est donc bien le seul, avec le Medef, à être convaincu que quelque chose de positif pourrait résulter de la précarisation des salariés et de la restauration de l'arbitraire patronal. Pour notre part, nous pensons que la lutte contre le chômage des jeunes passe par la mise en oeuvre de parcours professionnels dignes de ce nom et par des emplois stables, dans le respect des avancées sociales qui restent et demeurent des atouts.
Les droits sociaux constituent non pas un obstacle à l'embauche, mais la condition nécessaire au maintien de la dignité des salariés et à la cohésion sociale dont dépend la vitalité économique du pays.
La mise en oeuvre du principe de la lutte pour la vie que le Gouvernement s'évertue à ériger en projet de société ne pourra en revanche rien créer, hormis de la précarité supplémentaire.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression, puisque nous sommes favorables au texte dans sa rédaction actuelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Guy Fischer. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. Non ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Josselin de Rohan. Ça suffit !
M. David Assouline. Ce n'est pas possible !
M. le président. Si, c'est possible ! Si vous n'êtes pas satisfait, apprenez le règlement !
M. David Assouline. Et la démocratie !
M. le président. L'amendement n° 148, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
À la fin du premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :
contrat première embauche
par les mots :
contrat précarité exclusion
La parole est à M. Roger Madec.
M. Roger Madec. Monsieur le président, le débat de cet après-midi se déroule de manière scandaleuse ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Hubert Falco. Ce sont vos propos qui sont scandaleux !
M. Alain Gournac, rapporteur. Et inacceptables !
M. Roger Madec. Sommes-nous punis parce que nous parlons trop ?
Le Gouvernement n'a pas la faculté de recourir à l'article 49-3 au Sénat, mais il le fait tout de même de façon déguisée !
M. Josselin de Rohan. Vous n'avez pas de leçon à nous donner !
M. Roger Madec. Et votre attitude à l'égard du groupe CRC est encore plus scandaleuse, monsieur le président Gaudin ! Quand on remplace le deuxième personnage de l'État, on fait preuve d'un peu plus de dignité ! Nous ne sommes pas ici dans une « guignolade » de Marseille ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Gardez vos réflexions pour vous, monsieur Madec !
M. Roger Madec. Vous aussi ! Gardez vos commentaires à l'égard du groupe CRC !
M. le président. J'applique le règlement ! Voilà huit ans que j'exerce la vice-présidence du Sénat, alors que vous êtes un tout nouveau sénateur ! Vous n'avez aucune leçon à me donner ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP. - Tumulte sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roger Madec. Cet argument-là ne marche pas avec moi ! S'il se passait n'importe quoi dans cette maison auparavant, c'est votre problème et non le mien ! Je représente les Français au même titre que vous !
J'en reviens à l'amendement n° 148. Le CPE, tel qu'il est conçu, présente au moins deux grands défauts.
Il cible les jeunes de manière spécifique, alors que ce niveau de généralité peut et doit être discuté.
Il existe certes une spécificité du chômage des jeunes. Hormis ceux qui sont en milieu scolaire, les jeunes connaissent en effet un taux de chômage presque deux fois supérieur à celui du reste de la population. Il faut cependant aller plus loin, car l'évolution du chômage des jeunes répond en réalité à un double facteur.
D'abord, le chômage des jeunes surréagit à la conjoncture. Lorsque l'on ne crée pas d'emploi et que le chômage s'aggrave, les jeunes en sont les premières victimes, car, souvent embauchés sur des contrats précaires, ils sont licenciés. À l'inverse, lorsque la conjoncture reprend, que le chômage baisse et que l'emploi devient positif, les jeunes sont les premiers à en profiter, car ils sont les premiers et les plus nombreux à se présenter sur le marché du travail.
La première réponse à apporter réside donc dans le soutien à la croissance et à la création d'emplois. C'est ainsi que l'on pourra trouver une solution au chômage des jeunes.
Ensuite, le second facteur du chômage des jeunes est l'évolution à long terme du marché du travail. On peut penser que les formes d'emploi des jeunes sont une anticipation des pratiques d'embauche des entreprises. Les jeunes sont aujourd'hui les plus nombreux à avoir des contrats précaires. Depuis vingt ans, les entreprises ont en effet eu de plus en plus recours à de tels contrats pour procéder à une première embauche. Les jeunes se présentant pour une première embauche ont ainsi été, si j'ose dire, les premiers à en bénéficier.
Cela montre la limite de votre CPE. Celui-ci n'aura pas pour effet de limiter la précarité, qui est déjà la réalité chez les jeunes. Il ne fera que l'accompagner et il n'apportera aucune solution concrète.
On est en droit de se demander si les jeunes sont concernés par un problème qui leur serait totalement spécifique ou s'ils ne sont pas au contraire les premières victimes des pratiques d'embauche précaire. Dans cette hypothèse, cela signifierait que la seconde action à engager devrait porter non seulement sur la croissance, mais également sur le comportement de recrutement des entreprises. Il faudrait notamment combattre le recours au contrat précaire, grâce par exemple à la modulation des cotisations sociales en fonction des comportements d'embauche des entreprises. Nous proposons un tel dispositif.
Par ailleurs, outre que votre mesure est trop ciblée et qu'elle ne prend pas en compte la réalité du marché du travail, elle repose sur erreur d'appréciation : elle tend à globaliser la jeunesse en recherche d'emploi et à lui appliquer une mesure générale, alors que les situations sont bien différentes, en particulier selon le niveau de qualification.
Faut-il rappeler à cet égard que 660 000 jeunes quittent chaque année l'école avec au mieux un brevet et que 90 000 en sortent sans aucun diplôme ?
Le CPE s'appliquera à l'ensemble des jeunes, les surdiplômés comme les sous-diplômés. Son unique conséquence sera d'étendre la précarité. L'effet de substitution et l'effet d'aubaine joueront à plein. À partir du moment où vous prévoyez une exonération des charges sociales pour un jeune au chômage depuis six mois, les entreprises seront nécessairement tentées de reporter le recrutement du jeune à l'issue de cette période plutôt que de l'embaucher directement à son entrée sur le marché du travail. Vous aggraverez ainsi la précarité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement tend à modifier l'intitulé du CPE, en remplaçant le terme « première » par celui de « précarité ».
Vous comprendrez que la commission émette un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Azouz Begag, ministre délégué. Le Gouvernement émet également, bien entendu, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Le vote est réservé.
M. David Assouline. Il n'y a pas beaucoup d'explication !
M. Hubert Falco. La démocratie, c'est la discussion, et non pas l'obstruction !
M. Jean-Pierre Bel. Mais la discussion n'a pas lieu !
M. Roland Muzeau. C'est le Soviet suprême !
M. Josselin de Rohan. Vous en étiez pourtant des laudateurs, à l'époque !
M. Guy Fischer. Monsieur le président, M. de Rohan nous cherche !
M. le président. Mais non, c'est très amical !
M. Guy Fischer. Bien sûr !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voulez-vous que nous parlions de la monarchie absolue ?
M. le président. L'amendement n° 147, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
A la fin du premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :
contrat première embauche
par les mots :
contrats premières embauches
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, je regrette tout de même que l'égalité des droits en matière de parole ne soit pas respectée au Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Hubert Falco. Il n'y a que vous qui parlez !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous attendons que vous défendiez le CPE !
M. David Assouline. Allez, chers collègues de droite, travaillez un peu !
Mme Hélène Luc. Hélas ! il n'y a pas de dialogue !
M. Alain Gournac, rapporteur. Mais c'est de vos amendements qu'il est question !
Mme Gisèle Printz. Il est indéniable que vous cherchez à imposer une mesure générale en invoquant divers prétextes et en ignorant les situations particulières.
Les données fournies par vos propres services, le CEREQ, la DARES et l'INSEE, reconnaissent que la situation de précarité est extrêmement grave pour une partie de la jeunesse. Si la situation est grave pour beaucoup de jeunes, elle n'est pas aussi noire pour nombre d'autres jeunes. Il faut d'ailleurs s'en féliciter, car, sans cela, ces jeunes et, d'une manière générale, tous les salariés auraient réagi d'une tout autre manière.
Dans son étude sur la « Génération 2001 », le CEREQ a suivi l'évolution des jeunes pendant trois ans. Ainsi, 270 000 d'entre eux bénéficient d'un CDI dès leur premier emploi, ce qui signifie que la majorité n'en a pas. Avec le CPE, ces 270 000 jeunes qui entraient jusqu'à présent dans l'emploi avec un CDI y entreront désormais avec un CPE. Autrement dit, au lieu de bénéficier des garanties qu'offre le CDI, ils subiront la précarité inhérente au CPE. Est-ce ainsi que vous prétendez résoudre le problème de la précarité ? En quoi cela aura-t-il fait évoluer la situation des 160 000 jeunes les plus en difficulté qui sortent chaque année du système scolaire sans qualification ?
Vos services nous permettent de travailler sur de bonnes bases : l'INSEE vient en effet de publier son rapport de janvier 2006 sur la situation des jeunes : en 2003, 58 % des jeunes actifs ont bénéficié d'un CDI quatre trimestres d'affilée, soit beaucoup moins que la moyenne des salariés. Ces 58 % de jeunes seront demain condamnés au CPE. Quant aux 42 % restant, ils ne bénéficieront pas d'une insertion professionnelle, le CPE n'étant pas en mesure de faciliter celle-ci.
Vous voulez nous faire croire que ces jeunes, qui ne maîtrisent parfois même pas les connaissances fondamentales, pourront entrer directement dans l'entreprise par le biais du CPE. Vous avez déjà tenu ce raisonnement s'agissant du contrat jeunes. Celui-ci n'ayant pas fonctionné, vous avez été contraint de le modifier à deux reprises. En 2002, vous avez instauré un contrat réservé aux jeunes de moins de vingt-deux ans de niveau 5 bis et 6, soit aux moins qualifiés d'entre eux. Vous avez dû ensuite porter cette limite d'âge à vingt-cinq ans. Vous avez reconnu que les emplois étaient plutôt occupés par des jeunes qualifiés, ceux-là mêmes à qui vous destinez le CPE. Aucune solution n'est en revanche apportée à ceux qui ne sont pas qualifiés.
Dans le meilleur des cas, vous commettez une erreur de diagnostic, laquelle vous conduit à déroger au droit du travail et à commettre une faute vis-à-vis des jeunes.
Avec le CPE, vous allez précariser tous ceux qui ne le sont pas ? vous noircissez le tableau à dessein ?, sans offrir de solution à ceux qui connaissent le plus de difficultés et pour qui des dispositifs spécifiques, associant une protection, une rémunération, un accompagnement et une formation, seraient nécessaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Le délai de trois mois prévu entre deux embauches éventuelles d'un salarié par la même entreprise, j'y insiste, est destiné non pas à encadrer la multiplication des CPE mais, au contraire, à éviter que ce contrat ne soit détourné de son objectif - cela devrait vous faire plaisir !-, à savoir aboutir à la conclusion d'un CDI à la fin de la période de consolidation.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Azouz Begag, ministre délégué. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Pourquoi ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Il n'y a pas de débat !
Mme Hélène Luc. Qu'en dites-vous, monsieur Borloo ?
M. le président. Le vote est réservé.
L'amendement n° 670, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du I de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Ce contrat de travail n'ouvre droit à aucune exonération de charges.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, tout à l'heure, vous avez dit que nous n'étions pas au Soviet suprême. Que M. de Rohan utilise cet argument d'un autre temps ne m'étonne guère, mais je suis très surpris que vous l'employiez à mon encontre !
Par ailleurs, nous dénonçons l'artifice employé par le Gouvernement, et sa majorité, bien sûr, avec la présentation groupée des amendements, d'autant que M. le rapporteur émet systématiquement un avis défavorable sur nos amendements, sans donner le moindre argument. C'est la première fois que je vois un rapporteur prendre la parole sur un article, ce qui signifie qu'il n'interviendra plus.
M. Alain Gournac, rapporteur. Eh bien, c'est nouveau !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce qui est nouveau n'est pas forcément bien !
M. Guy Fischer. ²L'article 49-3 de la Constitution ne s'appliquant pas au Sénat, vous utilisez l'article 44 de notre règlement. Une fois achevée la présentation des amendements, nous n'aurons même pas la possibilité d'expliquer nos votes ! Et vous dites que vous ne bâillonnez pas l'opposition ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
J'en viens à la présentation de l'amendement n° 670.
Celui-ci vise à garantir que le CPE ne pourra en aucun cas ouvrir droit à une quelconque exonération de charges pour les employeurs. Ils ont tout et ils veulent toujours plus ! (Bravo ! sur les travées du groupe socialiste.)
Le CPE permet aux employeurs de « s'offrir » de jeunes salariés - diplômés ou non - en supportant un minimum d'obligations, ce contrat étant totalement dérogatoire au droit commun du travail. Il serait donc totalement inacceptable qu'ils puissent, en plus, bénéficier d'avantages financiers sous forme d'exonérations de charges sociales.
Rien de précis n'est mentionné sur ce point à l'article 3 bis. Ce silence pourrait laisser croire que le dispositif du CPE exclut toute exonération. Mais les choses ne sont pas si simples. En réalité, les employeurs pourront bénéficier d'une réduction de charges sur les bas salaires ; c'est la réduction « Fillon », applicable de manière dégressive jusqu'à 1,7 SMIC.
De plus, le CPE ouvrira droit au soutien de l'État à l'emploi des jeunes dans les conditions définies à l'article 5 du projet de loi. On ne relève en effet, à la lecture des articles 3 bis et 5, aucun obstacle à un quelconque cumul ; M. Gérard Larcher l'a confirmé en commission.
Il est dans la logique de votre gouvernement et de la majorité parlementaire de diminuer en toute occasion les charges patronales, celles pesant sur les salariés ne cessant, en revanche, d'augmenter au fil des années.
Madame Parisot, que le Gouvernement écoute avec beaucoup d'attention, rappelait récemment : « Nous n'avons pas les moyens de rémunérer le travail à la hauteur qu'il mérite », les charges étant, bien sûr, « écrasantes ».
J'en déduis, monsieur le ministre, que les salariés - très nombreux, selon vous - qui seront rémunérés par le biais des chèques emploi-service universel, les CESU, n'ont rien à craindre sur ce point : ils seront bien payés. En effet, grâce à votre loi, les employeurs bénéficieront, selon vos propres estimations, de 500 millions d'euros d'exonérations diverses, ce grâce à une exonération de charges sociales et à un crédit d'impôt.
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Guy Fischer. Mais il est vrai que, pour le MEDEF, comme pour votre gouvernement, plus de 20 milliards d'euros d'exonérations de charges par an, comme c'est désormais le cas, ne sauraient suffire.
Voilà quelques jours, un rapport officiel du ministère du travail a été remis aux partenaires sociaux. Il y est indiqué que, en juillet 2004, la proportion de salariés du secteur privé payés au minimum atteignait le taux record de 15,5 %, soit 2 360 000 personnes. Et ce taux n'a cessé d'augmenter ! Par ailleurs, il est également indiqué dans ce rapport qu'un tiers des salariés à temps partiel sont rémunérés sur la base du SMIC. Plus globalement, les salaires ont tout juste augmenté de 0,1 % en trois ans.
La réalité, c'est que la politique d'exonérations de charges, qui s'intensifie, a eu pour effet de créer une vaste « trappe aux bas salaires ». Aujourd'hui, près de 38 % des rémunérations versées sont inférieures à 1,33 SMIC, soit 1 273 euros net. En conséquence, des millions de femmes et d'hommes connaissent des difficultés croissantes pour boucler les fins de mois.
Cette politique a aussi pour résultat, contrairement à ce que prétendent le MEDEF, le Gouvernement et la droite parlementaire, de dévaloriser le travail.
Le CPE constitue déjà en soi une forme de dévalorisation du travail. S'il bénéficiait d'exonérations de charges, celle-ci ne pourrait que s'accentuer, d'autant que le CPE conduira les jeunes chômeurs à accepter n'importe quel emploi, à n'importe quel niveau de salaire ou de qualification. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?