sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

1. Procès-verbal

2. Rappels au règlement

MM. Jean-Pierre Bel, le président.

MM. Roland Muzeau, le président.

MM. Guy Fischer, le président, Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

MM. David Assouline, le président.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le président.

Suspension et reprise de la séance

3. Égalité des chances. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

MM. le président, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Guy Fischer.

Mme Hélène Luc, M. le président.

Rejet, par scrutin public, d'une demande de suspension de séance.

présidence de M. Roland du Luart

Discussion générale : M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ; Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances ; Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

4. Candidatures à une commission mixte paritaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

5. Questions d'actualité au Gouvernement

procédure judiciaire à l'encontre de m. georges frêche

MM. Josselin de Rohan, Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice.

contrat première embauche

MM. Claude Domeizel, Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

chikungunya

Mme Anne-Marie Payet, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités.

bénéfices des grandes entreprises

Mme Évelyne Didier, M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

mme ingrid bétancourt

MM. Jacques Pelletier, Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères.

conséquences de la grippe aviaire sur la filière agricole

MM. Bernard Barraux, Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche.

contrat première embauche

MM. Thierry Repentin, Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

hausse de la fiscalité locale

MM. Gérard Longuet, Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales.

contrat première embauche

MM. Charles Gautier, Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

bilan du comité sécheresse

MM. André Dulait, Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable.

6. Manifestation de soutien à Mme Ingrid Betancourt

MM. le président, Roland du Luart, président du groupe d'amitié France-Amérique du Sud

Suspension et reprise de la séance

présidence de M. Adrien Gouteyron

7. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

8. Égalité des chances. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Demande d'une suspension de séance

MM. Jean-Pierre Godefroy, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Roland Muzeau, Jean-Pierre Bel.

Demande de vérification du quorum

MM. Jean-Pierre Godefroy, le président.

Suspension et reprise de la séance

M. le président.

Suspension et reprise de la séance

Vérification du quorum

M. le président.

Demande d'une suspension de séance (suite)

Rejet, par scrutin public, de la demande de suspension de séance.

Rappels au règlement

MM. Jean-Pierre Bel, le président.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le président.

MM. Claude Domeizel, le président.

Discussion générale (suite)

MM. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Jean-Marie Vanlerenberghe, Jean-Pierre Bel, Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

9. Hommage à Ilan Halimi

MM. le président, Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

10. Égalité des chances. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale (suite) : M. Claude Biwer, Mme Raymonde Le Texier, M. Aymeri de Montesquiou.

Suspension et reprise de la séance

MM. André Lardeux, Roland Muzeau, Philippe Nogrix, Roland Ries, Mmes Janine Rozier, Gisèle Gautier, Dominique Voynet, M. Serge Dassault, Mme Gisèle Printz, MM. Christian Cambon, Jean-Pierre Sueur, David Assouline, Jean Desessard.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

Clôture de la discussion générale.

MM. le président, Roland Muzeau, Claude Domeizel.

Suspension et reprise de la séance

Renvoi de la suite de la discussion.

11. Dépôt de rapports

12. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 32 relatif à l'ordre du jour et sur l'article 42 relatif à la discussion des projets de loi.

Programmer un débat d'une si grande importance deux vendredis et un lundi manifeste une volonté d'escamoter le débat et d'empêcher une large mobilisation de tous les sénateurs.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pourquoi ?

M. Jean-Pierre Bel. Il fut un temps où le Sénat n'aurait jamais accordé à un autre gouvernement de telles faveurs et adapté ainsi son emploi du temps, pour accélérer la discussion et l'adoption d'un projet de loi.

Discuter du « contrat première embauche », qui suscite tant de questions et d'inquiétudes, dans d'aussi mauvaises conditions de préparation du débat ne nous semble pas convenable.

Je me réfère à la journée d'hier.

La majorité sénatoriale n'a pas hésité à déprogrammer un débat européen important et à interrompre la discussion d'un projet de loi tout aussi attendu afin de terminer la séance d'hier soir dans des délais permettant l'ouverture de la séance de ce matin à l'horaire prévu.

Ainsi, l'esprit de la révision constitutionnelle de 1995, aux termes de laquelle a été instaurée une séance mensuelle réservée à l'initiative parlementaire, a été bafoué.

Depuis 1995, une fois par mois, le Parlement peut discuter des sujets de son choix. Cette séance n'est pas en principe faite pour accueillir le trop-plein de l'ordre du jour prioritaire et les projets de loi que le Gouvernement tient absolument à faire discuter et pour lesquels il ne trouve pas de créneau disponible dans l'ordre du jour prioritaire.

Voilà le principe. Mais, depuis 2002, nous constatons que les dates, les horaires et le contenu même de la séance mensuelle réservée à l'initiative parlementaire varient en fonction du bon plaisir du Gouvernement alors qu'auparavant cet espace d'initiative parlementaire dans chaque assemblée était absolument respecté par les gouvernements précédents.

Que s'est-il passé hier soir ?

Pour commencer la discussion à tout prix jeudi 23 février à dix heures, la majorité sénatoriale a obtempéré aux injonctions du Gouvernement en bouleversant l'ordre du jour de la séance mensuelle réservée à l'initiative parlementaire du mercredi 22 février.

Dans un premier temps, la question orale européenne sur les restrictions de circulation dans l'Union européenne des travailleurs salariés des nouveaux États membres, dont la discussion était prévue en soirée, a été retirée de l'ordre du jour. Mon collègue Roland Ries, qui devait intervenir, n'en a même pas été prévenu.

J'ai demandé la convocation d'une conférence des présidents afin que soit examinée cette demande de retrait du président de la délégation pour l'Union européenne, auteur de la question, car ce débat avait été décidé lors de notre dernière conférence des présidents. À quoi sert cette instance si ses décisions peuvent être remises en cause à tout moment et dans n'importe quelles conditions ?

MM. Guy Fischer et Jean-Pierre Godefroy. À rien !

M. Jean-Pierre Bel. Nous avions entamé un cycle de réflexions, sur votre initiative, monsieur le président, sur la modernisation de nos méthodes de travail en marge de ces conférences des présidents.

M. Guy Fischer. C'est un leurre !

M. Jean-Pierre Bel. Mais je constate qu'avant que les conclusions en soient tirées des innovations de procédure parlementaire sont mises en oeuvre.

Pour la première fois de l'histoire parlementaire, une question orale a été discutée en dehors de la séance publique, au cours d'une réunion publique.

M. Guy Fischer. À la cave !

M. Jean-Pierre Bel. À quoi sert donc la séance publique ? Quelle est la portée d'un débat parlementaire organisé en catimini et à l'improviste 

Dans un second temps, toujours hier soir, la discussion du projet de loi sur le volontariat associatif a été interrompue à zéro heure trente, à la demande du président de la commission des affaires culturelles - qui avait pourtant insisté pour que ce projet de loi soit débattu pendant la journée mensuelle réservée à l'initiative parlementaire -, malgré les souhaits exprimés par David Assouline, Marie-Christine Blandin, Serge Lagauche et d'autres de poursuivre le débat.

M. Guy Fischer. C'est scandaleux !

M. Jean-Pierre Bel. La suite de la discussion de ce texte, dont l'adoption est très attendue par le milieu associatif, est reportée sine die.

Avec ces tripatouillages de l'ordre du jour, la majorité, poussée par le Gouvernement, manifeste ainsi qu'elle est prête à tout pour accélérer les débats sur le projet de loi pour l'égalité des chances afin de se plier au calendrier fixé par le Premier ministre.

Mais il y a pire.

Notre assemblée ne peut débattre sans avoir une connaissance exacte du projet de loi.

L'article 42 de notre règlement précise, dans ses alinéas 2 et 3, les conditions du débat en séance publique :

« Les projets de loi, les propositions de loi transmises par l'Assemblée nationale et acceptées par le Gouvernement font l'objet d'une discussion ouverte par le Gouvernement et poursuivie par la présentation du rapport de la commission compétente. Dans tous les autres cas, la discussion est ouverte par la présentation du rapport de la commission, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4 ci-après.

« Lorsque le rapport a été imprimé et distribué, le rapporteur se borne à le compléter et à le commenter sans en donner lecture. Sauf décision contraire de la conférence des présidents, la durée de son exposé ne peut excéder vingt minutes. Au moment du passage à la discussion des articles, le rapporteur doit informer le Sénat du dernier état des travaux de la commission après l'examen des amendements et sous-amendements auquel elle s'est livrée, lorsqu'il entraîne une modification substantielle du rapport initial de la commission. »

Sur un sujet aussi complexe, sur un texte aussi hétéroclite, l'examen approfondi du rapport de la commission, dont nous savons par avance qu'il sera d'une très grande qualité, est absolument indispensable.

Le projet de loi que nous allons évoquer est très disparate. Il porte sur des sujets extrêmement divers ; l'un de nos amendements vise ainsi à une nouvelle dénomination du texte pour l'intituler « projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social ». En effet, nous sommes perplexes devant l'incorporation dans ce texte, censé lutter contre les discriminations et pour l'égalité des chances, de mesures relatives à l'équipement commercial ou aux salles multiplexes de cinéma.

Laissez donc le temps à tous les parlementaires de prendre connaissance des rapports des cinq commissions qui se sont saisies de ce texte !

M. Michel Moreigne. Très bien !

M. Jean-Pierre Bel. Cette multiplicité de rapports ne contribue pas à la clarté de nos débats. Pour suivre la discussion des différents titres du projet de loi, il faudra « jongler » dans la lecture de ces différents rapports.

Enfin, d'une manière générale, je souhaite que les manipulations par la majorité sénatoriale de l'ordre du jour parlementaire ne déteignent pas sur la procédure parlementaire, notamment lors du vote des motions de procédure.

L'opposition est prête à jouer son rôle, à avoir un débat responsable sur ce texte.

Ce débat est nécessaire puisque, à l'Assemblée nationale, la discussion a été interrompue par l'utilisation de l'article 49-3 de la Constitution, qui n'est pas fait pour faciliter l'examen de nos textes !

Le Gouvernement, qui dispose, me semble-t-il, d'une majorité assez large et disciplinée dans les deux assemblées, se défie pourtant de la représentation nationale : recours aux ordonnances pour le « contrat nouvelles embauches », choix d'un amendement au projet de loi pour l'égalité des chances, pour le contrat première embauche, déclaration de l'urgence afin de délibérer en une seule lecture, accélération du calendrier afin de débattre du texte pendant les vacances scolaires et - pour couronner le tout - recours à l'article 49-3 de la Constitution afin d'empêcher tout véritable débat sur le démantèlement du droit du travail.

Comment pouvez-vous justifier la procédure d'urgence alors que vous êtes au pouvoir depuis quatre ans, que vous avez fait voter au moins cinq lois sur le travail et l'emploi ?

M. Guy Fischer. C'est scandaleux !

M. Jean-Pierre Bel. Le débat démocratique n'est jamais une perte de temps. C'est toujours une chance. Mais nous sentons que vous avez mauvaise conscience, ce qui vous pousse à agir, ces temps-ci, dans la précipitation.

M. Guy Fischer. Ils n'ont jamais mauvaise conscience !

M. Jean-Pierre Bel. On peut espérer que c'est le cas cette fois !

Vous craignez à tel point la rue et la jeunesse que vous avez fait débattre et arrêter la discussion pendant la période des vacances scolaires de peur que ne renaissent les mouvements, dont la manifestation d'aujourd'hui montre la vitalité.

Quand on bafoue les droits du Parlement, quand on méprise le dialogue social, quand on oublie la jeunesse, on ne fait jamais une réforme durable.

Le Sénat s'est toujours considéré comme la sagesse de la République.

Il est temps de se ressaisir, en permettant au débat parlementaire de se dérouler sans embûche.

Lors de sa première intervention en séance publique, le 25 juin 1959, François Mitterrand voyait dans le Sénat « une assemblée qui, par tradition, par tempérament et par fidélité aux principes républicains, a toujours reconnu aux minorités politiques le droit d'être respectées ».

J'ose imaginer, monsieur le président, que le Sénat respectera dans ce débat, non seulement l'opposition, mais sa raison d'être. Parce qu'il est une assemblée parlementaire de plein exercice, le Sénat doit débattre dans les meilleures conditions possible d'un texte aussi important.

C'est pourquoi, monsieur le président, afin d'achever la lecture du rapport de la commission des affaires sociales, je demande une suspension de séance de trente minutes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Charles Pasqua. C'est parti !

M. le président. Monsieur Bel, je vous ai laissé parler pendant neuf minutes et quarante secondes.

En ce qui concerne l'ordre du jour d'hier, vous savez comme moi qu'à la conférence des présidents il a été souhaité que les questions concernant M. Haenel et Sido soient retirées de l'ordre du jour réservé.

Pour ma part, j'avais demandé que toutes les questions d'origine parlementaire soient maintenues.

Le Gouvernement a glissé sa proposition de deuxième lecture du projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif et M. le président de la commission des affaires culturelles a beaucoup insisté sur le fait que cette deuxième délibération ne durerait pas plus qu'une ou deux heures.

M. David Assouline. C'est incroyable !

M. le président. Ensuite, à la demande de l'un des membres du groupe communiste républicain et citoyen, il a été procédé à un scrutin public sur l'ordre du jour, lequel a été approuvé à une très large majorité.

Hier, M. Haenel a fait savoir qu'il retirait sa question. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Vous lui avez intimé l'ordre de le faire !

M. Claude Domeizel. Vous l'avez obligé !

M. le président. M. Haenel a retiré sa question, ce que j'ai regretté ! Ensuite, il y a eu un débat et l'ordre du jour a été de nouveau modifié et approuvé.

Mais, j'y insiste, le président du Sénat a défendu vigoureusement, en conférence des présidents, le maintien de toutes les propositions d'origine parlementaire dans l'ordre du jour réservé.

M. Guy Fischer. Il fallait aller jusqu'au bout !

Mme Hélène Luc. C'est la première fois qu'une question est retirée de l'ordre du jour réservé, monsieur le président !

M. le président. Avant de suspendre, monsieur Bel, je vous propose, si vous en êtes d'accord, d'entendre auparavant les autres sénateurs qui ont demandé la parole pour un rappel au règlement. (M. Jean-Pierre Bel acquiesce.)

La parole est à M. Roland Muzeau, pour un rappel au règlement.

M. Roland Muzeau. Si vous commencez à nous demander notre accord, monsieur le président, les choses vont peut-être s'arranger, mais je n'y crois guère... (Sourires.)

Mon rappel au règlement a trait à l'organisation de nos travaux. Le débat sur cet important projet de loi relatif à l'égalité des chances, ou plutôt relatif à l'accroissement des inégalités, s'ouvre dans des conditions de précipitation inacceptables.

Le Gouvernement, sa majorité qui redoute la montée en puissance du mouvement populaire de rejet de la disposition phare de votre texte, le CPE, tente de trouver son salut dans la fuite en avant.

Quelle est la première victime de la marche forcée imposée par le pouvoir ? C'est la démocratie parlementaire.

Rappelez-vous l'origine de cette affaire. M. de Villepin cherchant à donner des gages au patronat a décidé d'avancer de quinze jours à l'Assemblée nationale le débat sur le projet de loi pour l'égalité des chances et d'y introduire par voie d'amendement, un pur cavalier, le contrat première embauche.

Simultanément, le débat prévu au Sénat vers la mi-mars était avancé au 28 février.

Comme chacun le sait, l'appétit vient en mangeant et M. de Villepin, toujours en compétition avec M. Sarkozy, non content d'avoir empêché une préparation sereine, réfléchie, du projet de loi par l'Assemblée nationale, a décidé d'imposer le vote du projet de loi par la mise en oeuvre de l'article 49-3 de la Constitution.

Et, là encore, au cours de la conférence des présidents du jeudi 10 février, le Gouvernement a accéléré les travaux sénatoriaux en avançant les débats dans notre hémicycle du 28 au 23 février.

Ces modifications successives de l'ordre du jour, dans le seul but de gêner l'intervention de l'opposition, relèvent d'une conception autoritaire, brutale du fonctionnement de nos institutions.

Je ne reviendrai pas sur les ultimes manoeuvres auxquelles nous avons assisté hier : retrait de la question orale de M. Haenel, interruption brutale et report sine die de l'examen du projet loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif, en pleine nuit, pour dégager l'ordre du jour. Les manoeuvres sont lamentables et confinent à la pantalonnade qui ferait sourire s'il ne s'agissait pas d'une grave remise en cause du débat parlementaire.

Nous ne sommes pas surpris de cette dérive, puisque, depuis 2002, MM. Raffarin et de Villepin ont usé de tous les artifices : sessions d'été à répétition pour contourner le mouvement social, utilisation de la procédure des ordonnances, bien entendu recours au 49-3 et, enfin, banalisation de la procédure d'urgence qui limite l'examen du texte à une seule lecture par assemblée.

Monsieur le président, le Parlement creuse sa propre tombe en se soumettant au diktat du pouvoir exécutif.

Quelle est la légitimité d'un Parlement qui ne débat pas dans de bonnes conditions, qui enregistre finalement, un projet de loi ?

Pire, quelle est la légitimité de l'Assemblée nationale qui, finalement, n'aura débattu, du fait de la procédure d'urgence, que de quatre articles sur trente-huit ?

L'Assemblée nationale ne sera plus saisie de ce texte qui doit se diriger vers la commission mixte paritaire après le débat sénatorial.

Le groupe communiste républicain et citoyen, monsieur le président, alerte avec la plus grande solennité notre peuple, la jeunesse, sur la dérive antidémocratique de notre régime.

Ces mots ne sont pas trop forts. Ils traduisent le constat lucide d'une situation de déséquilibre institutionnel extrêmement dangereux. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Josselin de Rohan. C'est l'URSS !

M. Roland Muzeau. Il y avait longtemps !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a plus d'URSS : vous ne le saviez pas ? Allez donc en Russie. À Moscou, c'est la droite colonialiste !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Muzeau.

M. Roland Muzeau. Je conclurai mon intervention par l'évocation des regrettables conditions d'examen du projet en commission.

C'est hier, la veille du débat, que le rapport a été débattu en commission des affaires sociales, ainsi que dans les quatre commissions saisies pour avis.

À quoi sert un rapport s'il ne peut être lu par les sénateurs et leurs collaborateurs ? Hier, à dix-neuf heures, seul le rapport pour avis de la commission des affaires économiques était publié et mis en distribution.

Comment éclairer la préparation du débat sur les articles par le rapport dans de telles conditions de fébrilité ?

Je vous demande donc, monsieur le président, de repousser le délai limite de dépôt des amendements à demain matin, vendredi, dix heures. (Protestations sur le banc des commissions.)

Ma question est précise et demande une réponse précise. Aux vingt-huit articles originaux du projet, de nombreux autres ont été ajoutés, sans examen par l'Assemblée nationale, dans la foulée du 49-3.

L'éclairage du rapport sur ce point est indispensable pour l'ensemble des sénateurs, du moins pour nous-mêmes, car peut-être la majorité s'en moque-t-elle éperdument...

Tel n'est pas le cas des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen et j'attends donc, monsieur le président, que vous m'apportiez des réponses précises. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Muzeau, la date limite pour le dépôt des amendements a été fixée en conférence des présidents. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On ne peut donc pas y toucher. (Sourires.)

M. Guy Fischer. On vient juste d'avoir une photocopie du rapport, il n'est même pas encore imprimé.

M. le président. J'interrogerai la commission des affaires sociales pour savoir s'il serait éventuellement possible de retarder la date limite pour le dépôt des amendements et je vous communiquerai sa réponse après la suspension de séance.

La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon rappel au règlement se fonde également sur l'organisation de nos travaux, et plus particulièrement sur les conséquences sur les débats parlementaires de l'imbrication de la déclaration en urgence de ce projet de loi et de l'application à l'Assemblée nationale de l'article 49-3 de la Constitution.

Est-il concevable, messieurs les ministres, mes chers collègues, que l'Assemblée nationale, les députés, donc les représentants du peuple, élus au suffrage universel direct, ne soient jamais consultés sur la plupart des articles de ce projet de loi ?

M. Jean Desessard. Non, ce n'est pas normal !

M. Guy Fischer. Comme le rappelait fort justement mon ami Roland Muzeau, la déclaration en urgence limite à une seule lecture dans chaque assemblée l'examen de ce texte.

M. Josselin de Rohan. Changez la Constitution !

M. Guy Fischer. Jamais les députés n'examineront les dispositions relatives aux stagiaires. Jamais les députés n'examineront les dispositions relatives aux zones franches. Jamais ils n'examineront les articles relatifs à la responsabilité parentale ou à la lutte, bien timide au demeurant, contre les discriminations.

M. Guy Fischer. Jamais ils ne pourront exercer leur droit constitutionnel d'amendement sur les trente-quatre des trente-huit articles qu'ils n'ont pas eu le loisir d'examiner. Jamais !

Ce projet de loi préoccupe pourtant profondément la nation.

Au-delà de la mesure relative au CPE, sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir longuement, des questions aussi primordiales que la formation, l'apprentissage ou la lutte contre les discriminations ne peuvent décemment pas être soustraites à l'examen des députés.

Je demande solennellement au Gouvernement, en espérant avoir l'appui du Sénat tout entier, la levée de la déclaration en urgence sur le projet de loi pour l'égalité des chances.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. Guy Fischer. La suppression de trois articles par la commission des lois démontre d'ailleurs la nécessité d'approfondir la réflexion.

M. Guy Fischer. Mes derniers mots concernent la tenue du débat au Sénat.

Il est désagréable que la gauche sénatoriale soit systématiquement soupçonnée de vouloir faire de l'obstruction. (Sourires sur les travées de l'UMP.)

Certes, des amendements nombreux ont été déposés. Ils reflètent une opposition au texte proposé, une volonté de proposition pour montrer qu'une alternative à la politique ultralibérale, destructrice du code du travail et du service public de l'éducation nationale, peut être avancée.

Mais l'autoritarisme déjà évoqué ne supporte plus la contradiction.

Alors que le Parlement devrait être, comme il le fut, le lieu de la confrontation des idées, voire de l'affrontement idéologique, vous voulez le cantonner dans son rôle de chambre d'enregistrement, de « Parlement godillot ».

Avec mes amis du groupe communiste républicain et citoyen, mais aussi de toute la gauche sénatoriale, nous tenterons de sauver l'honneur du Parlement et du Sénat lui-même, en permettant au débat démocratique d'avoir lieu. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

C'est bien parce que nous souhaitons qu'il ait lieu demain à l'Assemblée nationale que j'insiste pour que le Gouvernement nous réponde sur la levée de la déclaration en urgence ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur le ministre, dans quelles dispositions d'esprit est le Gouvernement ?

M. Josselin de Rohan. Excellentes ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président, le Gouvernement est dans des dispositions d'esprit ouvertes, sereines, heureuses. Il est prêt à travailler les lundis et les vendredis. Pour le reste, il estime que l'urgence doit être maintenue.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour un rappel au règlement.

M. David Assouline. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre président de groupe Jean-Pierre Bel et nos amis communistes ont décrit...

M. Josselin de Rohan. Tout a été dit !

M. David Assouline. ...- et leurs interventions n'ont rien d'idéologique - une situation absolument accablante du point de vue de la procédure et des habitudes mêmes du Sénat sur la question de l'ordre du jour. La journée que nous avons vécue hier est à cet égard édifiante. En tant que jeune sénateur, j'ai encore des choses à apprendre sur les questions de procédure, mais je ne pensais pas que vous puissiez vous asseoir à ce point sur des principes que vous avez toujours respectés, au moins sur la forme !

Vous agissez sous le coup de la panique ! Nous ne sommes pas dans un débat de convictions : vous êtes tous persuadés que ce que vous faites n'est pas bien ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Josselin de Rohan. Détrompez-vous !

M. David Assouline. Nous sommes donc dans un débat politique. Êtes-vous prêts à tout ? Pourquoi ?

Nous avons vécu une crise sociale sans précédent dans les banlieues.

M. Guy Fischer. Ils ont déjà oublié !

M. David Assouline. À ce moment-là, vous avez appelé au consensus : il fallait que la nation tout entière se serre les coudes pour faire face à cette crise sociale.

Or la première tentative de réponse législative, la grande loi annoncée sur l'égalité des chances n'est pas discutée avec les partenaires sociaux ! Elle vient ensuite en discussion devant l'Assemblée nationale et l'on juge, après l'article 3, que celle-ci n'en débattra jamais ! Enfin, au Sénat, on veut nous faire marcher au pas !

M. Josselin de Rohan. Cadencé ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. David Assouline. Hier, on supprime de l'ordre du jour une question orale européenne avec débat ! Nous avions l'impression d'être au stade Roland-Garros, avec le court central et les courts annexes, la salle Médicis ! Personne n'avait jamais vu cela. Mais quelle mouche vous a donc piqués !

M. Josselin de Rohan. Le chikungunya ! (Sourires.)

M. David Assouline. Vous êtes tous des défenseurs du bicamérisme et vous savez, je l'ai déjà dit, que le Sénat est regardé par beaucoup de nos concitoyens avec un grand scepticisme.

M. Josselin de Rohan. C'est une « anomalie » !

M. David Assouline. Or vous acceptez que le Gouvernement dise - il n'est nul besoin de grands discours -, que le Sénat ne sert à rien ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

MM. Josselin de Rohan et Charles Pasqua. Qu'y faites-vous alors ?

M. David Assouline. Pourtant, c'est ce que les Français retiennent.

Toutes les grandes lois dont le Président de la République s'est targué pour ce septennat ont été prises à coup d'ordonnances, sous le coup de l'urgence. Cela finira mal. Personne ne parle plus de la loi Fillon, par exemple ; pourtant, elle était déposée en urgence. Ce qui est fait dans l'urgence tombe ensuite dans l'oubli.

Les grandes lois de la République, celles de 1901 et de 1905, ont pu s'inscrire dans la durée et structurer notre vie démocratique parce qu'elles ont fait l'objet de vraies confrontations d'idées, d'une délibération au cours de laquelle les droits de l'opposition ont été respectés. Elles sont restées gravées dans le débat démocratique.

J'espère que la manoeuvre ne consiste pas, au début de cette discussion, à continuer ce que vous avez commencé hier ! Certes, nous n'étions pas nombreux pour débattre du projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif, il constituait pourtant une réponse à l'urgence sociale qu'il fallait faire passer très vite afin de recruter des volontaires opérationnels dès cet été.

Nos travaux ont cependant été interrompus à minuit et demi, alors que nous étions prêts à travailler, à sacrifier notre nuit pour être présents ce matin. C'était mon cas ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

La séance a été levée avant d'aborder l'article 6, et nous ne savons même pas quand le débat pourra reprendre ! Tout cela est inadmissible !

Monsieur le président, vous nous dites que vous avez tenu en conférence des présidents à faire respecter notre ordre du jour. Alors, nous vous le demandons instamment, n'acceptez pas les injonctions du Gouvernement, montrez que vous voulez défendre cette enceinte.

Cessez d'être des « godillots » ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Monsieur Assouline, vous êtes un jeune parlementaire de talent.

Mais, pour votre information, sachez que, depuis qu'il a été instauré, l'article 49-3 de la Constitution n'a jamais été supprimé et qu'un ancien Premier ministre, au demeurant sympathique, l'a même utilisé vingt-huit ou vingt-neuf fois pendant les deux ans et demi de son Gouvernement. Donc, comme vous pouvez le constater, cet article est bien utile.

M. Charles Pasqua. Qui était ce Premier ministre ? (Sourires.)

M. Josselin de Rohan. Ils l'ont oublié !

M. le président. L'élégance m'incite à ne pas le nommer !

M. Roland Muzeau. Silence dans les rangs de l'UMP !

Mme Nicole Bricq. Jospin, lui, jamais !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

M. Jean-François Le Grand. Elle va nous le dire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est une raison supplémentaire de supprimer l'article 49-3 !

M. Josselin de Rohan. À cause de Rocard !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, mon rappel au règlement a trait également, vous vous en doutez, à l'organisation de nos travaux.

M. Roland Muzeau. Répéter, c'est pédagogique !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le mépris du Parlement de la part du Gouvernement atteint un tel niveau qu'il n'est pas excessif, à mon sens, d'affirmer que l'équilibre démocratique est en passe d'être rompu.

À trop vouloir précipiter, le Premier ministre, avec la bienveillance du Président de la République, de son gouvernement, de sa majorité, oublie que le modèle social français, dont il s'affirme, à qui veut l'entendre, le défenseur, repose sur la prise en compte d'intérêts parfois contradictoires et que ce modèle social nécessite dialogue, concertation et, plus généralement, l'intelligence de la société de notre pays, l'intelligence de notre peuple.

Le contrat première embauche, qui est à la source de la frénésie du pouvoir, est un modèle de non-concertation.

Il n'a pas été discuté avec les partenaires sociaux, ni même avec vos amis du patronat, qui se sont réveillés avec cette bonne surprise qu'ils n'attendaient peut-être pas de sitôt. Un cadeau mal ficelé peut se révéler un cadeau empoisonné.

La jeunesse, première concernée, a-t-elle été consultée ? Pas plus ! Aucune des organisations lycéennes ou étudiantes n'a été reçue par M. de Villepin.

L'ont-elles été par la commission des affaires sociales du Sénat dans son ensemble, et pas seulement par le rapporteur ? Non plus !

Donc, pas de consultation !

Mes amis qui se sont exprimés avant moi l'ont rappelé, les droits du Parlement sont bafoués, le droit d'amendement est menacé, avec la bienveillance du Conseil Constitutionnel. Le pouvoir entre dans une dérive autoritaire.

Je vous signale d'ailleurs que la fébrilité dont vous faites preuve jusqu'ici, ainsi que le Premier ministre, ne fait qu'attiser la colère des jeunes, qui le manifesteront aujourd'hui et le 7 mars prochain.

Aussi, monsieur le président, comme les orateurs précédents, je demande avec solennité une suspension de séance qui, je pense, ne nous sera pas refusée. Je vous demande également la réunion de la conférence des présidents, afin de tenir compte de ce qui s'est passé hier soir et pour prolonger le délai limite pour le dépôt des amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Roland Muzeau. Il n'y a pas de rappel au règlement de l'UDF !

M. le président. Mes chers collègues, M. Jean-Pierre Bel et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ont demandé une suspension de séance.

Le Sénat va, bien sûr, accéder à leur demande. Nous reprendrons nos travaux à onze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures quarante, est reprise à onze heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité des chances
Organisation des travaux du Sénat

égalité des chances

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité des chances
Discussion générale (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence. (n°203, 210, 211, 212, 213, 214)

Monsieur Fischer, vous avez demandé le report du délai limite fixé pour le dépôt des amendements à ce projet de loi.

Je donne la parole à M. le président de la commission des affaires sociales pour vous faire part des conclusions de l'entretien que nous venons d'avoir avec M. le ministre.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Étant donné l'intérêt évident que nous portons tous à ce texte, y compris nos collègues de l'opposition, compte tenu de l'engagement pris par l'opposition de ne pas s'engager dans une obstruction systématique, et eu égard au souhait de pouvoir exercer notre mandat de sénateur, quel que soit le jour de la semaine, je ne suis pas gêné par le report du délai limite initialement prévu pour le dépôt des amendements sur ce texte. En effet, si cela s'avérait nécessaire, nous pourrions éventuellement prévoir d'autres jours de débats.

Je propose donc de reporter ce délai limite à seize heures.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Je prends acte de la proposition formulée par M. le président de la commission des affaires sociales.

Vous connaissez le sérieux avec lequel nous travaillons. Nous avions souhaité, pour ajuster tous nos amendements, avoir une complète connaissance de tous les rapports. Nous avons dû être très attentifs à la sortie des rapports. Monsieur le président, vous nous demandez des efforts surhumains !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !

M. Guy Fischer. Savez-vous à quelle heure le rapport de la commission des affaires sociales a été mis en ligne ? À zéro heure cinquante-huit ! Après avoir passé une nuit en séance, nous aurions souhaité que le délai limite soit décalé d'une demi-journée. Les rapports de nos collègues sont très intéressants ; je pense notamment à celui de la commission des lois, qui fait allusion à des suppressions d'articles.

Monsieur le président, on ne peut pas laisser les choses en l'état !

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si vous n'êtes pas d'accord, il ne faut pas accepter ce délai !

M. Roland Muzeau. On va prendre les deux heures qui nous sont accordées, mais cela ne suffit pas !

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous êtes en train de dépasser les bornes ! (Protestations sur les travées de l'UMP.) Et vous le savez bien !

Non seulement le Gouvernement a empêché la discussion à l'Assemblée nationale du projet de loi pour l'égalité des chances, non seulement, monsieur le président, vous avez accepté que le Sénat avance la date prévue pour l'examen de ce texte - elle est passée du 28 février au 23 février - non seulement, de toute évidence, il a été suggéré à M. Hubert Haenel de retirer sa question orale européenne avec débat sur les restrictions de circulation dans l'Union européenne des travailleurs salariés des nouveaux États membres, question importante, comme le référendum l'a parfaitement démontré - mais vous ne voulez pas discuter de l'Europe au Sénat - mais, de surcroît, vous allez encore plus loin en interrompant, la nuit dernière, l'examen du projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est de l'obstruction !

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, nous l'avons dit jeudi dernier, vous n'auriez pas dû accepter d'avancer la discussion au Sénat du projet de loi pour l'égalité des chances.

M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cela a déjà été dit tout à l'heure !

Mme Hélène Luc. Vous êtes le garant du caractère serein et démocratique de nos débats. Vous devez veiller à ce que ce projet de loi soit examiné dans de bonnes conditions et affirmer le rôle du Sénat.

Je suis sénatrice depuis de longues années. J'ai connu, bien sûr, des reports de discussion, mais ils ont toujours eu lieu pour des raisons valables. Je n'ai jamais connu de changements de l'ordre du jour sans que la conférence des présidents se soit prononcée.

Avec deux retraits successifs de texte à l'ordre du jour, à quoi sert la conférence des présidents ? Mme Borvo Cohen-Seat, présidente de notre groupe, avait voté contre l'avancement de la date d'examen du présent projet de loi. Si la conférence des présidents ne respecte pas ses propres décisions, c'est la démocratie qui est bafouée, et c'est très grave !

Monsieur le ministre, vous aviez le devoir d'assurer la discussion complète de ce texte à l'Assemblée nationale. Cette remarque vaut également pour le Sénat : vous devriez demander que l'examen de ce projet de loi, que vous dites être « pour l'égalité des chances », puisse avoir lieu dans de bonnes conditions, d'autant que le débat n'a pas eu lieu à l'Assemblée nationale.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Alors, ne retardez pas davantage la discussion de ce texte !

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, mes chers collègues, je vous demande, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, l'interruption de nos travaux, ...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et, après, on aura droit à une motion de renvoi à la commission !

Mme Hélène Luc. ... car nous voulons travailler d'après les rapports, lesquels n'ont pas encore été tous portés à notre connaissance. Ce projet de loi est trop sérieux pour qu'il en aille autrement !

Hier matin, j'ai dit à Mme Parisot (Ah ! sur les travées de l'UMP.), qui se trouvait dans l'enceinte du Sénat,...

M. Roland Muzeau. Elle est comme chez elle ici !

M. Josselin de Rohan. C'est votre nouvelle amie ?

Mme Hélène Luc. J'ai tenu, avec plusieurs de mes amis du groupe CRC, à être présente !

J'ai donc dit à la présidente du MEDEF que ce n'est pas la précarité, laquelle atteint des sommets, qui suscitera au sein de la jeunesse des vocations pour la recherche, pour l'industrie, pour l'économie de notre pays.

Je vous renvoie à un sondage qui a été réalisé auprès des jeunes par la JOC, la jeunesse ouvrière chrétienne, et non pas la jeunesse communiste ! -, ...

M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Elle n'existe plus !

Mme Hélène Luc. ... qui révèle que 87 % des jeunes vivent dans le stress et éprouvent un sentiment de grande insécurité pour leur travail.

M. le président. Veuillez conclure, madame Luc !

Mme Hélène Luc. Je termine, monsieur le président !

Une autre enquête révèle que la question du travail est primordiale pour 72 % des Français.

C'est la raison pour laquelle je vous demande de nous permettre d'examiner ce projet de loi de la manière qui convient. Le groupe communiste républicain et citoyen est prêt à y consacrer les heures, les jours, les nuits qui seront nécessaires !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous aussi nous y sommes prêts !

M. Alain Gournac, rapporteur. Nous sommes prêts à y passer tout le week-end s'il le faut !

Mme Hélène Luc. Nous sommes comptables de nos actions devant la jeunesse et devant les salariés de notre pays.

Vous avez pu constater, hier, que le contrat nouvelles embauches a déjà donné lieu à de nombreux contentieux, et vous verrez qu'il y en aura encore beaucoup d'autres !

Je pense à ce salarié qui a vu son contrat annulé : on lui a fait signer un CNE et il a été licencié du jour au lendemain.

M. le président. Vous devez conclure, madame Luc !

Mme Hélène Luc. C'est de cela qu'il est question et nous voulons en discuter sérieusement !

Monsieur le président, nous vous demandons de suspendre nos travaux afin que nous puissions débattre de manière sereine et approfondie de ce projet de loi. Nous souhaitons que le Sénat se prononce par scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Nous voulons des réponses !

M. le président. Madame Luc, je vous rappelle que la conférence des présidents du 9 février a longuement discuté de l'inscription à l'ordre du jour du présent projet de loi.

M. Roland Muzeau. C'est caduc !

M. le président. Absolument pas !

M. David Assouline. Vous avez tout changé !

M. le président. Au cours de la discussion, qui a été très vive - celles et ceux qui vous représentaient peuvent le confirmer -, nous avons décidé d'avancer l'examen de ce texte du 28 février au 23 février.

Mme Hélène Luc. Ce n'était pas convenable !

M. le président. Il s'agissait d'un projet de loi inscrit à l'ordre du jour prioritaire.

Dans le même temps, la conférence des présidents a exigé qu'au lieu des trois jours et demi initialement prévus la durée de la discussion soit portée à sept jours. Le temps a donc été doublé !

Mme Hélène Luc. Mais on n'a pas eu le temps d'examiner les rapports !

M. le président. Cet ordre du jour, que j'ai lu en séance, a été approuvé par scrutin public.

M. David Assouline. Tout a changé !

M. le président. Maintenant, vous me demandez une suspension de séance. Talleyrand disait très justement : « Tout ce qui est excessif est insignifiant ».

M. Roland Muzeau. Le Gouvernement est dans l'excès en permanence !

M. le président. Ce matin, vous avez demandé une réunion de la conférence des présidents. Elle vous a été accordée. Alors, je vous le dis très calmement, n'exagérez pas, d'autant que c'est à votre avantage !

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, vous n'oeuvrez pas à l'amélioration du rôle du Sénat ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je vous propose une suspension de séance d'un quart d'heure. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Charles Pasqua. Le groupe CRC a demandé un scrutin public !

M. le président. J'ai en effet été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC sur la demande de suspension de séance.

Je la mets aux voix.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 86 :

Nombre de votants 330
Nombre de suffrages exprimés 322
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 120
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, nous allons aborder l'examen du projet de loi pour l'égalité des chances.

Mme Hélène Luc. Vous nous aviez annoncé une suspension de séance d'un quart d'heure !

(M. Roland du Luart remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

Organisation des travaux du Sénat
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité des chances
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de remercier le président de la commission des affaires sociales du travail de grande qualité qui a été accompli. Je remercie également les rapporteurs des commissions qui ont été saisies pour avis d'un texte à la fois dense et riche, MM. Philippe Dallier, Jean-René Lecerf, Pierre André, Philippe Richert, sans oublier l'excellent rapporteur, M. Alain Gournac. Les conditions de travail et la sérénité lui ont permis d'auditionner l'essentiel des représentants de la jeunesse et des partenaires sociaux de ce pays.

M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !

M. Roland Muzeau. Mais vous n'avez pas pu lire le rapport !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Les échanges ont été riches, intéressants et sereins (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), ce qui nous permettra de débattre utilement.

Mme Hélène Luc. Avez-vous pris connaissance des rapports ?

Mme Michèle San Vicente. Il ne les a pas lus !

M. Alain Gournac, rapporteur. Laissez parler le ministre !

Mme Hélène Luc. Il ne veut pas répondre !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. L'égalité des chances est un grand sujet.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Un leurre !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Les leçons de ceux qui, pendant plus de dix ans, ont laissé se dégrader les quartiers de notre pays sont malvenues à cette heure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)

M. David Assouline. Vous êtes là depuis quatre ans !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je vous rappelle ce qu'écrivait la Fondation Abbé Pierre dans son rapport de 2003 : on compte 600 000 logements insalubres de plus par an dans les quartiers en grande difficulté de notre pays. Alors, je vous en prie !

M. Didier Boulaud. Aujourd'hui, elle dit que vous n'avez rien fait depuis quatre ans !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, l'égalité des chances n'est pas la même selon les origines, les territoires ou l'âge.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez creusé les inégalités !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le plus grave, c'est que, souvent, ces inégalités se cumulent, ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle découverte !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...faisant naître une violence sourde, grave, et je ne ferai pas d'allusion à une actualité trop récente.

Dans le même temps, un enfant sur quatre naît dans ce qu'on appelle une zone urbaine sensible. La satisfaction que nous avons de notre taux de fécondité n'est vraie que dans certains quartiers. Pourtant, c'est là que se jouent le dynamisme et l'avenir de notre pays.

Risques de violence et de désintégration républicaine, d'un côté, énergie vitale de notre pays, de l'autre, justifient que, pour la troisième fois, le Gouvernement vienne devant le Sénat présenter un troisième texte.

M. David Assouline. Parce que les autres ne marchent pas !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le premier texte, monsieur Assouline, c'était la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

M. David Assouline. Rien ne marche !

M. Didier Boulaud. C'est comme pour la politique de l'immigration de Sarkozy !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Lequel d'entre vous est capable d'assumer cette contradiction permanente : quand vous êtes maire, vous sollicitez l'agence nationale pour la rénovation urbaine ; quand vous êtes parlementaire, vous votez contre le programme de 20 milliards d'euros, qui est indispensable pour changer l'avenir de ces quartiers. (Applaudissements sur les travées de l'UMP - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Gournac, rapporteur. Eh oui !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Chacun le sait, la ségrégation territoriale dans notre pays est un problème majeur.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et ils s'y connaissent en ségrégation territoriale ceux qui ne veulent pas de logements sociaux !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Dois-je vous rappeler que, sous le gouvernement de Lionel Jospin (Exclamations sur les travées du groupe socialiste), ...

M. David Assouline. Vous êtes là depuis quatre ans !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... 28 millions d'euros d'investissement par an étaient affectés à la transformation de nos quartiers ? Actuellement, nous y consacrons 6 milliards d'euros ! Cela a commencé il y a dix-huit mois.

À cet égard, je vous invite à regarder attentivement ...

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...la carte des violences urbaines et celle de la rénovation urbaine. Vous montreriez un peu moins de toupet (Applaudissements sur les travées de l'UMP. -Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) si vous les compariez sérieusement.

M. Roland Muzeau. Il ne s'est rien passé à Neuilly, c'est sûr !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Gouvernement a déposé un deuxième texte de loi, car chacun sait que ces sujets réclament de la visibilité et de la durée, dit de « programmation pour la cohésion sociale ».

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt, comme chacun d'entre vous, le texte qu'un certain nombre de villes de Seine-Saint-Denis, notamment, ont récemment adressé au Président de la République.

Il est vrai que certaines villes cumulent l'ensemble des difficultés : elles ont du mal à faire vivre l'égalité des chances sur leur territoire, parce qu'elles sont plus pauvres que les autres et qu'elles ont plus de soucis.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et elles auront encore plus de difficulté avec votre politique !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je rappelle que la première partie de la loi de programmation pour la cohésion sociale prévoyait un dispositif permettant de faire passer le fonds d'intervention pour la ville à 120 millions d'euros, ainsi qu'une réforme de la dotation de solidarité urbaine de plus de 650 millions d'euros. C'était un changement de donne considérable.

Oui, les villes pauvres de ce pays ont été soutenues par la loi de programmation pour la cohésion sociale ! Que ne l'avez-vous fait plus tôt ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Le deuxième grand sujet abordé par ce texte concernait l'abandon d'un certain nombre de nos compatriotes victimes d'un licenciement économique. Car les licenciés économiques des entreprises de moins de 1 000 salariés étaient abandonnés à leur sort, traités de façon administrative et simplement convoqués une fois par an, sans qu'aucune organisation de soutien n'existe !

Nous avons donc créé les conventions de reclassement personnalisé. Aujourd'hui, 30 000 personnes en bénéficient. (Mme Borvo s'esclaffe.) Oh, vous pouvez rire !

M. David Assouline. Oui, on rit !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. On le dira aux 30 000 bénéficiaires des conventions de reclassement personnalisé ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Les licenciés économiques seront heureux de savoir ce que vous pensez de ce dispositif !

M. Roland Muzeau. La circulaire date du mois de décembre et elle n'est même pas appliquée !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Nous avons également mis en place le contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS, destiné aux jeunes - 120 000 d'entre eux en ont déjà signé un -ainsi que des plates-formes de vocation, afin que les critères de recrutement concernent non pas le diplôme et le quartier, mais le talent, la compétence et l'habileté. Nous en avons déjà installé soixante-douze dans les ANPE. Manifestement, vous n'en avez pas encore visité ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Bel. Il ne faut tout de même pas exagérer !

M. David Assouline. Ça suffit !

M. Yannick Bodin. De tels propos sont indignes !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. L'ensemble du territoire national sera bientôt couvert. En outre, 3 200 personnes ont été recrutées dans les ANPE afin d'aider et de suivre les demandeurs d'emploi.

M. Roland Muzeau. Venez voir comment les chômeurs sont traités dans les ANPE !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Cela permettra d'effectuer un suivi mensuel et humain, de réaliser des bilans de compétences...

M. Guy Fischer. Bien sûr !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...et de proposer des formations plutôt qu'un traitement administratif.

Mme Hélène Luc. Parlez-nous des radiations de chômeurs !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Oui, la loi de programmation pour la cohésion sociale a enfin prévu la définition d'un service public de l'emploi ! Elle prévoit également de regrouper les prévisions en termes de besoin d'emplois et de formations. Elle associe tous les acteurs. Elle prévoit la mise en place du dossier unique et du guichet unique pour les demandeurs d'emploi, ainsi qu'un accompagnement personnalisé. Tout ce que vous n'avez pas fait ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. David Assouline. Très mauvaise intervention ! Vous n'êtes pas en forme aujourd'hui, monsieur le ministre !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Par ailleurs, nous nous sommes inspirés du rapport d'information de Pierre André sur les zones franches urbaines.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est vrai que le dispositif est très efficace !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Voilà quelques années, les zones franches urbaines avaient été critiquées pour des raisons idéologiques par le gouvernement français, y compris devant les institutions communautaires. C'est tout à fait extravagant !

M. Alain Gournac, rapporteur. Eh oui !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. À la suite du rapport d'information très objectif réalisé par Pierre André, nous avons prévu de rouvrir des zones franches urbaines...

M. David Assouline. Ce n'est pas la solution !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...et de proroger celles qui existent dans les quartiers en très grande difficulté.

M. Roland Muzeau. Vous voulez que l'on parle du bilan des zones franches urbaines ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Nous allons une nouvelle fois assister à une certaine forme de schizophrénie.

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. C'est vrai !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. D'un côté, les villes de gauche seront candidates au classement en zone franche urbaine...

M. Alain Gournac, rapporteur. Alors que les élus de gauche prétendent que le dispositif ne marche pas !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...et, de l'autre, nous entendrons une expression sénatoriale négative. Nous sommes habitués à un tel fonctionnement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Où est la liste ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. S'agissant de l'égalité des chances, de l'emploi ou des discriminations, vous devriez, me semble-t-il, être plus raisonnables ! C'est l'an 2000 qui fut l'année la plus noire depuis la guerre en matière de logement social !

M. David Assouline. Voilà quatre ans que vous dites la même chose !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. En 2000, moins de 40 000 logements sociaux ont été financés, contre 80 000 cette année !

M. Guy Fischer. Ce sont des logements « de Robien » !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je parle de logements sociaux ! Votre connaissance du logement devrait vous éviter de telles erreurs, monsieur Fischer !

Deux premiers textes ont donc déjà été adoptés ! L'un permet de lutter contre la ségrégation territoriale. En réalité, c'est le plus grand programme jamais réalisé en faveur des quartiers depuis la dernière guerre. Le dispositif avait d'ailleurs été initié voilà quelques années, sous une autre forme, dans le département des Hauts-de-Seine ; c'est le seul département français à l'avoir fait.

M. Roland Muzeau. Ben voyons !

Mme Hélène Luc. Dans le Val-de-Marne, ce sont 25 000 logements sociaux qui sont supprimés !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Nous avons également mis en place les équipes de réussite éducative auprès des tout petits. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.) Si vous pensez que les équipes de réussite éducative ne sont pas une bonne mesure, parlez-en à M. André Gerin, qui est venu nous solliciter et qui est heureux d'avoir obtenu un financement !

M. Guy Fischer. On n'a même pas pu discuter du choix des collèges prioritaires !

Mme Hélène Luc. Qu'est-ce qui est valable dans ce que dit le Gouvernement ? Ce que vous dites, monsieur le ministre, ou ce que dit le ministre de l'intérieur ? M. Sarkozy a son plan pour l'école !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Est-ce que l'on pourrait écouter M. le ministre ? Vous êtes d'une telle intolérance !

M. Alain Gournac, rapporteur. C'est inacceptable !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le troisième grand texte vise à mettre en place une égalité de fait.

Le titre Ier du présent projet de loi tend à favoriser l'éducation, l'insertion dans l'emploi et le développement économique.

Il s'agit, en premier lieu, de faciliter l'entrée en apprentissage - ou en découverte des métiers - des jeunes de moins de seize ans,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et pourquoi pas de moins de dix ans ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...qui, pour des raisons diverses et variées, en ont la curiosité ou l'envie.

Dans ces conditions, la création d'un dispositif d'apprentissage junior doit permettre de retrouver confiance en soi, de bâtir un parcours et de découvrir un univers professionnel. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

L'apprentissage junior pour les moins de seize ans, tel qu'il vous est proposé, offre un environnement sécurisé...

Mme Annie David. Pour vous, la sécurité, c'est le travail de nuit !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...et facilite à terme la réussite d'un projet professionnel. Il offre également un accompagnement par une équipe pédagogique et laisse ouverte la possibilité de revenir au collège à tout moment pour ceux qui le souhaitent. (Rires sur les travées du groupe CRC.)

M. David Assouline. Bien sûr !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Cet apprentissage junior repose sur le volontariat du jeune et de sa famille. Il doit être compris comme une opportunité.

M. David Assouline. C'est le travail à quinze ans ! Nous voilà de retour au XIXe siècle !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. M. Larcher a eu des échanges riches et nourris avec les professionnels de l'éducation et de la jeunesse et les partenaires sociaux. Il en résulte un texte - celui qui vous est présenté - équilibré et positif !

M. Roland Muzeau. Et catastrophique !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. La mise en place de ce nouveau dispositif, ciblé sur les jeunes qui souhaitent évoluer ou sortir du système scolaire académique traditionnel,...

Mme Annie David. Vous avouez donc que vous les sortez du système scolaire !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...est complétée par une série de mesures relatives à l'apprentissage et à l'entrée dans la vie active en faveur de ceux qui le quittent prématurément.

Par ailleurs, notre pays a certes vu l'apprentissage se développer depuis un an grâce...

M. Yannick Bodin. Aux régions !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...à la loi de programmation pour la cohésion sociale.

M. David Assouline. Non ! Grâce à nous !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Mais nous avons toujours un taux d'alternance faible. Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : on compte 1,6 million d'apprentis en Allemagne, contre seulement 360 000 en France, et le taux de chômage des jeunes est de 10 % en Allemagne, contre 23 % en France !

Nous avons néanmoins pu constater que les efforts en termes de formation des apprentis, de financement ou de tutorat, réalisés grâce aux avantages comme les 1 600 euros, reposaient essentiellement sur les entreprises de moins de cinquante personnes. C'est notamment le cas dans l'artisanat.

C'est la raison pour laquelle, après avoir confié à M. Henri Lachman, président de Schneider Electric, la mission de mobiliser les grandes entreprises en faveur de l'apprentissage, le Gouvernement prévoit effectivement dans le présent projet de loi une codification et une montée en puissance de 1 %, 2 % ou 3 % du nombre d'apprentis par an. Le taux de 3 % s'appliquera aux entreprises de plus de 250 personnes.

En outre, Gérard Larcher a souhaité qu'une action spécifique de placement des jeunes diplômés des quartiers de zones urbaines sensibles soit mise en oeuvre. Les appels d'offres ont été réalisés et les financements complémentaires du Soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, le SEJE, vous sont proposés dans le cadre de ce texte.

M. Roland Muzeau. Cela fera plaisir à Peugeot qui vient de licencier 600 jeunes !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. La deuxième proposition du Gouvernement en matière d'emploi est le contrat première embauche, le CPE.

M. Roland Muzeau. Inséré par voie d'amendement !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Ce contrat à durée indéterminée a fait l'objet d'un vote à l'Assemblée nationale, dans des conditions tout à fait normales et régulières, après un large débat de quarante-cinq heures. J'observe à cet égard que l'opposition ne s'est mise à faire de l'obstruction...

M. David Assouline. Ce n'est pas de l'obstruction ; c'est vous qui passez en force !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... qu'après, comme si certains avaient eu le sentiment que les discussions loyales qui avaient lieu sur le CPE avaient été mal comprises par l'opinion. Cela explique le déclenchement d'autres procédures.

M. Yannick Bodin. Et les onze points de moins de M. de Villepin dans les sondages !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Bref, quel est le sujet qui nous préoccupe tous ?

M. Didier Boulaud. La côte de popularité du Premier ministre !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. D'abord, l'insertion des jeunes dans la vie professionnelle est un sujet européen, même si d'autres pays répondent mieux que nous à ce problème. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.) Il en est de même pour les mutations économiques.

De grâce, essayons d'abandonner un certain nombre d'anathèmes ou de vieilles lunes ! Le sujet est essentiel. Nous avons constaté qu'à force de ne pas le traiter l'entrée dans la vie professionnelle se faisait par stages, par intérim ou par CDD. Parfois même, il n'y a pas du tout d'insertion professionnelle. Le taux de chômage des jeunes est de 23 % !

Mme Annie David. Grâce à votre politique !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le rapport entre le taux de chômage des jeunes et le taux de chômage global est resté constant au cours des vingt dernières années. S'il y avait une formule miracle, cela se saurait ! Mais il n'y en a pas.

Le Gouvernement s'est interrogé : comment faire en sorte que le recrutement soit un investissement durable tant pour les jeunes adultes de moins de vingt-six ans que pour les dirigeants d'entreprise ? Telle est la question qui se pose dans ce domaine.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La question posée, c'est l'emploi !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Finalement, le CPE ressemble à s'y méprendre à ce qui se pratique dans la fonction publique. En effet, il existe dans le secteur public une période d'essai de trois mois et une forme de stage d'un an avant la titularisation. Nous sommes bien dans un cas de figure similaire.

Voilà ce que le Gouvernement a souhaité faire, en essayant par ailleurs de répondre à deux ou trois autres questions précises.

La première question portait sur le logement. Offrir des logements implique d'abord d'en construire. Nous nous en occupons et la production de logements a doublé. Pour autant, les jeunes sont dans une situation plus difficile et complexe, ce qui a justifié la mise en place de la garantie « Locapass » pour l'accès au logement.

Nous offrons également aux jeunes un droit à la formation dès le premier jour.

Les délais de préavis seront respectés et les indemnités de rupture seront progressives, comme dans tout CDI traditionnel. Nous apportons simplement de la souplesse, dans le cadre du respect de l'ordre public social, en cas de rupture de part ou d'autre. J'observe d'ailleurs qu'il y a eu plus de rupture de contrats nouvelles embauches de la part du salarié que de celle des employeurs.

M. Roland Muzeau. Pourquoi ne proposez-vous pas de faire condamner les salariés ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Nous prévoyons par ailleurs l'extension des zones franches urbaines, chères à Pierre André. Nous assisterons probablement à une schizophrénie généralisée.

M. David Assouline. C'est décidément une très mauvaise intervention ! Vous n'êtes pas en forme, monsieur le ministre !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. En effet, le bilan des zones franches urbaines sera critiqué au sein de la Haute Assemblée, mais le ministère fera l'objet de sollicitations très fortes : chacun voudra en bénéficier dans sa ville ou à proximité. Nous y sommes habitués !

M. Guy Fischer. Quelle est la liste ? Elle est déjà arrêtée ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Nous luttons également contre les discriminations. Ce combat est notamment mené par Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances. Je suis d'ailleurs heureux d'appartenir à un gouvernement qui a créé un ministère de l'« égalité des chances ». C'est en effet le grand sujet de la République.

M. David Assouline. C'est votre grand sujet, mais vous ne voulez pas qu'on en discute à l'Assemblée nationale !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Par ailleurs, nous avons pris un certain nombre de mesures de réorganisation s'agissant de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances ou des moyens d'intervention plus rapides octroyés à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. À cet égard, alors que nous étions pratiquement le dernier pays d'Europe à ne pas disposer d'une telle institution, il est extrêmement grave que n'ayez ni soutenu ni voté sa création ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. David Assouline. Ce n'est pas vrai ! Nous en avons simplement critiqué la composition !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Comme si la discrimination n'existait pas dans ce pays !

Vous donnez en permanence des leçons, mais quand il s'agit de voter pour la création d'une institution de lutte contre les discriminations, votre réponse est non !

M. Didier Boulaud. Vous allez voir la leçon que les Français vous donneront en 2007 ! Ce sera une véritable correction !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas de menaces !

M. David Assouline. Vous serez très mal noté par les Français !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le titre III du projet de loi crée la responsabilité parentale. Comment établir un lien de confiance avec les familles ? Tel est le sujet que défendra Philippe Bas. Le titre IV concerne le renforcement du pouvoir des maires face aux incivilités et le titre V crée le service civil volontaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que Gérard Larcher, Catherine Vautrin, Azouz Begag, Philippe Bas et moi-même nous avons l'honneur de vous présenter, au nom du Gouvernement de Dominique de Villepin,...

M. Didier Boulaud. Est lamentable !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...répond à une exigence d'action et à un impératif de célérité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Plutôt de sévérité !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Qui peut ne pas éprouver une inquiétude sourde, grave,...

M. David Assouline. C'est sûr ! Nous sommes très inquiets !

M. Didier Boulaud. Mme Parisot n'est pas inquiète !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...devant la réalité de la vie d'un certain nombre de nos compatriotes ?

M. Roland Muzeau. Vous les enfoncez encore un peu plus !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Toutes les mesures qui vous sont proposées, après la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, après la loi de programmation pour la cohésion sociale et les moyens qui y sont affectés (M. David Assouline s'exclame), ...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On voit que vous êtes nouveau, monsieur Assouline ! Ici, on est poli et courtois !

M. Didier Boulaud. Demandez à Dominique Braye de vous expliquer ce qu'est la courtoisie, monsieur About !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... concourent à l'affirmation de notre République et visent à redonner l'espérance à ceux qui sont exclus de notre tissu social. (Mme Nicole Borvo s'exclame.)

L'enjeu, ce sont les valeurs de la République. Le risque, c'est la dégradation profonde du tissu social de notre pays. Cela vaut bien, me semble-t-il, que nous acceptions de nous écouter, sans préjugés ni anathèmes.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les anathèmes sont plutôt de votre côté !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le texte qui vous est soumis vise à faire partager notre République à tous. Telle est la politique voulue et annoncée par le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Mes chers collègues, ce projet de loi est important ! Je comprends que les avis divergent, mais dans une assemblée comme la nôtre les débats devraient être empreints d'un peu plus de courtoisie. ((Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) De nombreux jeunes sont présents dans les tribunes et nous ne donnons pas du Parlement l'image qui convient. (Nouveaux applaudissements sur les travées de l'UMP. - Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faut cesser les incivilités !

M. Yannick Bodin. C'est le ministre qui nous provoque et c'est à nous que vous faites des remarques !

M. le président. Calmez-vous, je vous en prie !

La parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, personne ne peut nier aujourd'hui le constat de l'inégalité des chances dans notre pays. En 2006, la grande cause nationale, c'est l'égalité des chances.

Ce projet de loi donne aux pouvoirs publics les moyens de faire de la volonté politique du Premier ministre une réalité, une réalité qui se traduit déjà dans six départements par l'installation des premiers préfets pour l'égalité des chances. C'est du concret, c'est du terrain, c'est de l'efficacité.

Dans ce contexte, je souhaite attirer l'attention du Sénat sur les mesures contenues dans le présent projet de loi en matière de lutte contre les discriminations, lesquelles minent la nation depuis trop longtemps.

En effet, si au mois de novembre dernier le Gouvernement a rappelé son principe de fermeté, sa volonté est aussi de renforcer la possibilité pour nos concitoyens des quartiers les plus en difficulté de voir leurs droits réaffirmés, de se sentir chez eux dans notre pays, dans leur pays.

L'égalité des chances, c'est donc : pas de quartier pour les discriminations ! Pas de quartier pour les discriminations indirectes résultant de l'indifférence ou de l'évitement ; pas de quartier pour les discriminations directes, volontaires : un CV écarté à cause d'un patronyme, un logement refusé en raison d'une origine, l'interdiction d'accéder à une simple discothèque pour délit de « sale gueule ».

Ces discriminations, nous le savons tous, c'est du poison ! Tous les jours, il faut dire et redire qu'elles constituent un délit et à quel point elles nourrissent la défiance, les ressentiments, la rage et, finalement, le communautarisme.

Aujourd'hui, les poursuites judiciaires ne sont le plus souvent engagées que pour les faits les plus graves de discrimination. Or les faits les moins graves, mais les plus nombreux, les plus ressentis dans la vie quotidienne, doivent aussi faire l'objet de poursuites, avec des procédures plus simples et plus rapides.

C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit de confier un pouvoir de sanction financière à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Ces sanctions, limitées à 1 500 euros pour une personne physique et à 15 000 euros pour une personne morale, seront conditionnées à des constatations et à des procédures contradictoires. Elles s'appliqueront aux discriminations caractérisées par le code du travail et le code pénal et ne pourront se cumuler avec d'éventuelles sanctions judiciaires. De telles conditions éviteront tout arbitraire en clarifiant les rôles respectifs, en cohérence avec le pouvoir judiciaire.

C'est cette crainte de l'arbitraire qui, je le sais, peut faire redouter à certains la pratique du testing, légalisée par l'article 21. La jurisprudence de la Cour de cassation reconnaît la validité des preuves recueillies lors du testing, qui constate une discrimination et ne peut être assimilé à de la provocation. Il reviendra bien évidemment à l'autorité judiciaire comme à la HALDE d'établir le caractère discriminatoire du comportement dénoncé.

Encore une fois, j'y insiste, il est urgent de réagir, il est urgent d'agir. Mais nous attendons également de ces mesures qu'elles aient un effet dissuasif et qu'elles suscitent une prise de conscience, telle l'obligation pour les éditeurs de radio ou de télévision, prévue par l'article 23, de rendre compte au Conseil supérieur de l'audiovisuel de leurs actions pour mieux refléter la diversité de notre société. Il n'y a pas que dans notre équipe nationale de football que l'on doit voir des couleurs ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

La diversité est une richesse sociale et un atout économique pour nos entreprises.

Le projet de loi pour l'égalité des chances institue aussi un service civil volontaire, afin de donner l'opportunité aux jeunes qui le souhaitent de se former dans un cadre citoyen.

Ce service civil volontaire regroupera les missions d'accueil des jeunes de seize à vingt-cinq ans, labellisées par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. Ces jeunes bénéficieront ainsi d'un encadrement, d'une expérience professionnelle et d'une formation, puis, à la sortie, d'un accompagnement vers l'emploi.

Ce service civil permettra la mobilité et le brassage social. Il s'agit d'un véritable marchepied pour les jeunes les moins qualifiés et il pourra, en outre, favoriser leur mobilité. L'objectif est de créer 50 000 emplois dans les deux ans à venir. Ce chiffre inclut les jeunes de l'établissement public d'insertion de la défense, l'EPID, ainsi que les cadets du ministère de l'intérieur.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l'enjeu de ces mesures en faveur de l'égalité des chances est très fort. Il s'agit rien de moins que de redonner confiance à toutes les filles et tous les fils de la République dans l'une de ses valeurs les plus fondamentales, l'égalité, afin que plus jamais ne se reproduisent dans notre pays les violences urbaines telles que celles qui ont secoué notre pacte républicain voilà seulement trois mois!

Je souhaite que l'écho et la mémoire de cette désespérance des jeunes soient présents au Sénat tout au long de nos débats. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, avant de présenter le rapport de la commission des affaires sociales, je souhaite faire une rectification. Je ne peux accepter que l'on dise que les mouvements de jeunes n'ont pas été reçus par le rapporteur. Ce n'est pas vrai !

M. David Assouline. Par le Gouvernement !

M. Alain Gournac, rapporteur. Non, j'ai bien entendu ce qui a été dit !

J'ai reçu l'ensemble des mouvements, à l'exception de l'UNEF. Le matin même du rendez-vous, le président de l'UNEF m'avait indiqué au téléphone qu'un représentant de l'UNEF serait présent à dix heures. J'ai attendu une heure, et personne n'est venu ! J'ai d'ailleurs eu des contacts très intéressants avec tous les autres mouvements de jeunes, et vous devriez vous aussi, chers collègues de l'opposition, les écouter de temps en temps ! ((Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Marques d'indignation sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. Venez avec moi !

M. Alain Gournac, rapporteur. J'ai même eu un contact tout à fait remarquable avec une organisation qui a été citée tout à l'heure. Ses représentants sont venus pour me parler de l'ensemble du texte, et non pas d'une partie seulement, des discriminations en particulier.

J'en viens au projet de loi. À chaque étape de son histoire récente, la France a réussi à surmonter les barrières sociales, économiques et urbaines grâce à son attachement aux valeurs républicaines, notamment au principe d'égalité. Or, aujourd'hui, ce principe n'est pas bien appliqué.

Nombre de nos compatriotes connaissent l'exclusion sociale, économique, ethnique, ainsi que la ségrégation territoriale. En outre, ces inégalités se cumulent et tendent même à se sédimenter avec le temps.

Les violences urbaines que nous avons connues au mois de novembre dernier sont une conséquence directe de cette situation.

Il est donc urgent, au-delà de la fermeté nécessaire qu'appellent de telles circonstances, de mener une politique dynamique en faveur de la mobilité, de la diversité et de l'activité, une politique qui puisse participer positivement au renouvellement de la société française dans son ensemble. Cette politique en faveur de l'égalité des chances est celle que vise à promouvoir le projet de loi qui nous est soumis.

Nous devons rétablir le bon fonctionnement du pacte républicain et renforcer la cohésion sociale dans notre pays en remédiant aux inégalités actuelles.

Ce projet de loi est l'un des éléments du plan d'action du Gouvernement pour l'année de l'égalité des chances, car c'est ainsi que le Président de la République a décidé de qualifier l'année 2006.

Ce texte s'inscrit dans la continuité des deux grandes lois récemment adoptées pour concourir à la reconnaissance effective du droit à l'égalité des chances : la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 et la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005.

En voulant faire de l'égalité des chances une réalité pour tous, ce projet de loi porte une très haute ambition politique. Le fait que cinq commissions du Sénat s'en soient saisies témoigne à l'évidence de la multitude des domaines dans lesquels des progrès peuvent et doivent être accomplis.

Il me semble en effet que personne ne peut aujourd'hui contester la nécessité de tout faire pour réduire trois grandes fractures de notre société : une fracture de génération, qui se traduit par un taux d'activité des jeunes bien trop bas, de l'ordre de 30 %, ce qui est inférieur de plus de la moitié aux taux de nos voisins européens ; une fracture territoriale, avec des quartiers exposés à toutes sortes de difficultés cumulées, notamment le chômage, l'échec scolaire et la pauvreté économique et culturelle, dans des proportions bien supérieures à la moyenne nationale ; une fracture socio-ethnique, dont l'ampleur ne peut plus être sous-estimée.

Je m'attarderai un instant sur ce dernier point.

Les nombreuses auditions que j'ai menées au cours des derniers jours ont toutes mis en évidence ce phénomène des discriminations : discriminations à l'embauche, discriminations dans l'apprentissage, discriminations dans l'accès au logement, discriminations dans l'accès aux sorties et aux loisirs, les discothèques, les restaurants, et je pourrais citer d'autres cas.

Les organisations étudiantes en particulier, que j'ai pratiquement toutes reçues,...

M. David Assouline. Sauf la principale !

M. Alain Gournac, rapporteur. ... sont convenues de la nécessité d'agir dans ce domaine. C'est pourquoi, mes chers collègues, la priorité doit consister à aller dans le sens de la lutte contre les discriminations et de la promotion de la diversité.

M. Roland Muzeau. C'est bien le problème ! Il n'y a rien dans ce texte à ce sujet !

M. Alain Gournac, rapporteur. Vous connaissez les objectifs de ce projet de loi, M. le ministre vient de les rappeler : l'emploi des jeunes,...

M. Roland Courteau. Le démantèlement du droit du travail !

M. Alain Gournac, rapporteur. ... le développement économique des quartiers, la lutte contre les discriminations et les incivilités, la mobilisation des acteurs des politiques de l'insertion sociale et professionnelle et de l'intégration, l'aide à la parentalité avec la mise en place d'un contrat de responsabilité parentale.

Ces dispositions appellent un certain nombre de remarques de la part de la commission des affaires sociales, que je voudrais vous livrer maintenant, ainsi que plusieurs pistes d'amélioration du texte, que je vous présenterai en même temps.

Sur la première partie du projet de loi, relative à l'apprentissage et à l'emploi, nous ne devons plus nous résoudre à ce que trop de jeunes sortent du système éducatif sans qualification. Le taux d'échec s'élève actuellement aux alentours de 15 %, ce qui n'est pas acceptable.

Aussi, il nous paraît tout à fait judicieux d'avoir choisi l'apprentissage comme l'une des pistes à développer. Il propose en effet une vraie découverte des métiers et permet de préparer une insertion professionnelle réussie. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) L'apprentissage junior, avec son accompagnement scolaire renforcé, donnera même une deuxième chance d'acquisition des connaissances de base aux jeunes qui n'ont pu les maîtriser dans le parcours d'éducation traditionnel.

Pour ce qui est du CPE, je suis intimement persuadé qu'il constitue une opportunité exceptionnelle pour les jeunes. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Il va créer des emplois, comme l'a fait le CNE.

M. Alain Gournac, rapporteur. Je vous rappelle que plus de 300 000 CNE ont été signés à ce jour et qu'on nous avait dit que cela ne marcherait pas !

M. David Assouline. Ça ne marche pas ! Les abus commencent !

M. Yannick Bodin. Ce sont les prud'hommes qui vont marcher !

M. Alain Gournac, rapporteur. Il est vrai que 300 000 contrats signés, cela ne compte pas !... Vous l'expliquerez aux jeunes !

M. David Assouline. Donnez les vrais chiffres !

M. Alain Gournac, rapporteur. C'est un dispositif souple : il procure un contrat à durée indéterminée...

M. Roland Muzeau. Ce n'est pas vrai !

M. Alain Gournac. ... et dans des conditions valablement encadrées. En effet, si la période de consolidation de deux ans peut être interrompue par l'employeur, ou par le salarié, d'ailleurs, la rupture du contrat reste soumise aux dispositions de droit commun du code du travail. À titre d'exemple, un employeur ne pourra mettre fin au contrat d'une jeune femme enceinte pour ce seul motif. (Exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Roland Muzeau. Ils vont se gêner !

M. David Assouline. Quelle avancée sociale !

M. Roland Courteau. Quel toupet !

M. Alain Gournac, rapporteur. Certains des jeunes que j'ai rencontrés - pas tous, naturellement, mais un certain nombre tout de même - ont compris l'intérêt de ce nouveau contrat, car il va leur permettre de rompre avec la précarité des CDD - parce que c'est cela que vous voulez ! -, des stages et des missions d'intérim. (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Dominique Voynet. Écoutez M. Proglio : il veut des CDI !

M. Alain Gournac. Vous pourriez écouter l'avis de la commission des affaires sociales, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. David Assouline. Respectez le Sénat !

M. Alain Gournac, rapporteur. Je vous interromprai de la même manière quand vous interviendrez tout à l'heure !

M. Roland Muzeau. Tant mieux ! Cela ralentira le débat !

M. Alain Gournac, rapporteur. Un jeune qui pourra prendre de l'assurance et donner toute sa mesure dans un véritable emploi sera forcément conservé par l'entreprise qui l'a recruté. L'entreprise y aura tout intérêt !

M. Roland Courteau. C'est vous qui le dites !

M. Alain Gournac, rapporteur. Avec l'emploi et l'apprentissage, la lutte contre les discriminations est l'un des sujets majeurs, que notre commission estime prioritaire. Elle a d'ailleurs décidé d'envoyer un signal fort, tant au Gouvernement qu'à l'ensemble de nos concitoyens, en adoptant trois amendements sur ce thème.

Le premier amendement vise à instituer un contrôle des pratiques discriminantes dans l'apprentissage, monsieur le ministre, parce que j'ai pu constater ce qui se passait. Les conclusions d'un récent rapport, dont vous avez dû prendre connaissance, montrent que la situation est grave.

Le deuxième amendement a pour objet d'ouvrir la possibilité d'une mesure de la diversité dans les entreprises et de son évolution, dans le respect de l'anonymat et des préconisations de la commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL ; il faut bien partir d'une base, à partir de laquelle nous verrons si la situation évolue positivement ou non. Cet amendement a été adopté en concertation avec la commission des lois et son rapporteur pour avis, Jean-René Lecerf, avec lequel j'ai travaillé.

Le troisième amendement tend à demander l'établissement d'un rapport, après concertation avec les partenaires sociaux, sur les possibilités de transposition dans le code du travail de la charte de la diversité dans l'entreprise.

Mme Dominique Voynet. Bonne idée !

M. Alain Gournac, rapporteur. Concernant les dispositions du projet de loi portant sur les zones franches urbaines, je voudrais d'abord évoquer devant vous le succès rencontré par les quatre-vingt-cinq ZFU existantes. Une étude très récente de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, montre qu'en termes de création d'entreprises et de création d'emplois les ZFU ont un impact très positif.

M. Roland Muzeau. Ce n'est pas vrai ! Tout à l'heure, je donnerai les vrais chiffres !

M. Alain Gournac, rapporteur. Vous le direz à la DARES !

Plus de 13 500 établissements bénéficient du dispositif, ce qui correspond à près de 70 000 salariés. Pour vous, 70 000 salariés, ce n'est rien du tout !

M. Roland Muzeau. Vous en avez mis un million et demi au chômage !

M. Alain Gournac, rapporteur. Équilibré, le dispositif proposé nécessite toutefois quelques adaptations, afin d'en améliorer l'efficacité et la lisibilité. L'approche privilégiée par la commission des affaires sociales, en coopération étroite avec les rapporteurs pour avis des commissions des affaires économiques et des finances, Pierre André et Philippe Dallier, a été de maintenir autant que possible les règles existantes, la stabilité juridique constituant un atout essentiel pour la réussite du système.

C'est la raison pour laquelle nous avons parfois préféré rétablir la situation antérieure, lorsque les modifications proposées par le projet de loi ne sont pas de nature à accroître de manière substantielle l'efficacité du dispositif. Je pense par exemple à l'extension des exonérations aux entreprises de moins de 250 salariés, au lieu de 50 aujourd'hui.

En revanche, je crois essentiel de proposer des parcours de formation adaptés aux demandeurs d'emploi dans les zones urbaines sensibles, les ZUS, afin d'améliorer leur possibilité d'entrée dans l'entreprise et de permettre l'embauche locale par les entreprises implantées en ZFU. Interrogés lors d'une enquête réalisée sur l'initiative de la délégation interministérielle à la ville, les chefs d'entreprise ont en effet indiqué avoir rencontré des difficultés importantes dans le recrutement, en raison principalement du très faible niveau de qualification de la population active dans les ZUS. Un amendement aura pour objet de remédier à cette situation.

Le même pragmatisme nous a guidés pour ajuster les procédures d'autorisation d'implantation des cinémas de type multiplexe ou de commerces. Les amendements que la commission des affaires sociales a adoptés sont le résultat d'un compromis entre la volonté de lever les freins à la dynamisation des activités commerciales dans les zones franches urbaines et la nécessité de permettre aux élus locaux, et notamment aux maires, de conserver un pouvoir de décision sur les projets en cours, même si l'on nous dit que le maire intervient dans la délivrance du permis de construire. Je crois que le maire doit pouvoir intervenir bien avant le permis de construire, tout au début du projet ; il en va de l'intérêt général.

M. Roland Muzeau. Cela n'a rien à voir !

M. Alain Gournac, rapporteur. Le maire doit donc conserver un pouvoir de décision sur les projets en cours afin d'en garantir la cohérence et la pertinence, au service de l'intérêt général. C'est pourquoi nous proposerons une simplification et un allégement des procédures, plutôt qu'une suppression pure et simple des autorisations, qui pourrait déboucher sur une désorganisation des activités commerciales dans ces quartiers et mettre en péril les petits commerces.

Au sujet de la création de la nouvelle Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, je voudrais vous faire part de mon sentiment après les auditions conduites sur ce sujet.

M. Guy Fischer. C'est l'opacité totale !

M. Alain Gournac. Personne ne me semble contester le principe de la création de cette nouvelle agence,...

M. Alain Gournac, rapporteur. ... même si elle intervient un peu plus tôt qu'on ne le pensait.

En effet, l'idée de fédérer, à l'image de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, mais pour « l'humain » et non plus « l'équipement », les moyens accordés aux politiques d'intégration et d'insertion sociale et professionnelle est une bonne chose.

M. Alain Gournac, rapporteur. Le personnel du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD, qui constituera le nouveau pilier de l'agence a exprimé des inquiétudes. Celles-ci semblent aujourd'hui levées, les missions de l'agence ayant été clarifiées dans le sens souhaité.

Reste le problème non résolu pour l'instant de l'échelon local d'intervention de la nouvelle agence. J'espère que ce point sera rapidement clarifié et que vous pourrez nous donner des précisions sur cette question, monsieur le ministre.

M. Guy Fischer. Il le peut !

M. Roland Muzeau. Le ministre sait tout !

M. Alain Gournac, rapporteur. À l'avenir, il faudra également sans doute continuer à fédérer autour de cette nouvelle agence les acteurs des politiques concernées, comme par exemple une partie de la DIV, ou la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité du territoire.

J'en viens maintenant au contrat de responsabilité parentale. Conclu entre le président du conseil général et la famille, il vise à offrir une voie intermédiaire entre la médiation familiale, qui suppose une démarche volontaire des parents, et la tutelle aux prestations sociales ou, plus largement, les mesures contraignantes qui relèvent du domaine de la protection de l'enfance.

Dans un cadre coordonné, les parents se verront proposer un accompagnement approprié à leurs difficultés, pour leur permettre de se conformer à leurs devoirs d'éducation. Les parents s'en trouveront responsabilisés. En effet, en cas de non-respect du contrat, ils s'exposent à des sanctions qui vont de l'amende à la mise sous tutelle de leurs prestations, en passant par la simple suspension.

Les amendements acceptés par le Gouvernement à l'Assemblée nationale n'ont pas modifié de façon sensible ce dispositif : ils ont précisé les autorités susceptibles de saisir le président du conseil général en vue de la conclusion d'un contrat en y ajoutant le maire ; j'y suis très favorable. Ils ont également encadré la procédure de suspension des prestations familiales, en fixant la durée maximale à trois mois - j'avais proposé deux mois, mais trois mois me conviennent parfaitement -, renouvelable pendant un an.

Je partage totalement la philosophie de ce nouveau dispositif. Je vous rappelle toutefois que le contrat de responsabilité parentale doit rester un outil parmi d'autres au sein de la palette des mesures de protection de l'enfance.

Le dernier sujet sur lequel je voudrais vous faire part de mes observations est celui du renforcement des pouvoirs de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE. Cette autorité a été mise en place il y a environ un an. Elle est l'objet de grandes attentes, comme j'ai pu le constater au cours de mes auditions, mais aussi d'un certain nombre de frustrations. Afin de lui permettre d'asseoir son rôle et son autorité, le Gouvernement a prévu de lui donner, au travers de ce projet de loi, un pouvoir de sanction pécuniaire. Sur le fond, je pense que c'est effectivement une bonne chose.

M. Alain Gournac. Trop de discriminations restent impunies. On ne compte qu'une quarantaine de condamnations pénales par an en matière de discrimination ! Les sanctions de la HALDE pourront remédier à cette situation et inciter fortement les acteurs concernés à se montrer plus vigilants.

M. Guy Fischer. À quoi sert la justice ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Toutefois, comme il s'agit d'une matière exclusivement pénale, le dispositif du projet de loi, même amélioré par l'Assemblée nationale, ne me paraît pas offrir toutes les garanties au regard de la Constitution. La commission des affaires sociales a décidé sur ce point de s'en remettre aux conclusions de la commission des lois, qui a procédé à une analyse extrêmement approfondie du mécanisme et qui présente des propositions constructives et utiles sur cet article.

M. Roland Muzeau. Vous vous débarrassez de la patate chaude !

M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le texte que nous examinons a une véritable cohérence.

M. Alain Gournac, rapporteur. Loin d'être une enveloppe « fourre-tout », il prend le parti de s'attaquer aux inégalités dans les différents domaines où elles se manifestent, pour parvenir à les réduire.

La commission des affaires sociales se félicite qu'il en soit ainsi. Elle vous invite, mes chers collègues, à soutenir le Gouvernement sur ce texte, sous réserve des amendements qu'elle vous proposera au cours de la discussion des articles. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, rapporteur pour avis.

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour faire de l'idéal d'égalité des chances une réalité pour tous, le présent projet de loi vise, comme cela vient d'être souligné, à mobiliser tous les leviers d'action.

La commission des affaires culturelles s'est prononcée sur des dispositions qui tendent notamment à relever le défi de la réussite éducative, de l'intégration et de la cohésion culturelle et sociale.

Si l'égalité des chances est le socle de notre pacte républicain, l'éducation est sans nul doute à la base et au coeur de ce défi. L'enjeu est de taille, quand 150 000 jeunes quittent chaque année notre système éducatif sans diplôme ni qualification, près de 30 % d'entre eux se trouvant au chômage dans les années qui suivent cette sortie précoce ; en outre, 15 000 enfants de quatorze à seize ans sont déjà en situation de rupture avec l'école, avant même la fin de leur scolarité obligatoire.

C'est pourquoi nous nous devons non seulement d'élaborer des textes et d'avancer des idées, mais aussi d'apporter des réponses concrètes. La création de la formation d'apprenti junior en est une, qu'il nous faut envisager avec précaution et encadrer de garanties solides pour en assurer le succès.

En effet, les voies de la réussite ne sauraient être uniformes. À la diversité des élèves, de leurs talents et de leurs attentes doit correspondre une pluralité de parcours.

La loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école a consacré des premières mesures allant en ce sens, en vue de mener 100 % des jeunes à une qualification reconnue. La mise en place de l'apprentissage junior, dès la rentrée de 2006, prolongera et approfondira ces avancées, en apportant aux jeunes une chance nouvelle de réussite.

Certes, nul ne prétendrait présenter cette formation comme la panacée au problème complexe et multiforme de l'échec scolaire. Toutefois, elle donnera une chance de plus à certains jeunes qui ne s'épanouissent pas au collège dans le cursus général. En effet, on le sait bien, notre enseignement privilégie davantage l'abstraction que celui d'autres pays ; il valorise les savoirs plus que les savoir-faire.

Or une approche plus concrète et plus active, un changement de lieu et de rythme, le contact avec des adultes qui les valorisent et les responsabilisent permettent bien souvent à des jeunes de retrouver goût et motivation pour des apprentissages dont ils redécouvrent le sens. Nous devons leur apporter des solutions le plus tôt possible, avant qu'ils n'entrent durablement dans la spirale du « décrochage ».

Par ailleurs, les dispositifs actuels de préapprentissage, les classes d'initiation professionnelles en alternance, les CLIPA, et les classes préparatoires à l'apprentissage, les CPA, sont devenus peu lisibles, peu attrayants, et sont tombés en désuétude, en dépit de l'intérêt qu'ils présentent. Au contraire, l'apprentissage junior, qui les remplacera et les rénovera, permettra d'apporter une réponse fondée sur plusieurs principes essentiels.

Tout d'abord, cette formation, à vocation qualifiante, s'adressera à des élèves volontaires auxquels sera garanti, à tout moment, un « droit au retour » au sein du cursus scolaire ordinaire au collège.

En outre, la formation comprendra deux étapes : une première phase de préparation et de découverte des métiers se déroulera, et ce point est important, sous statut scolaire ; ensuite, la signature d'un contrat d'apprentissage ne sera possible qu'à partir de l'âge de quinze ans. Le champ des dérogations déjà prévues par le code du travail, dont bénéficient aujourd'hui près de 26 000 apprentis, soit environ 10 % des effectifs, sera de fait étendu.

Enfin, la formation s'inscrira pleinement dans le cadre de la scolarité obligatoire, en donnant la priorité à l'acquisition du socle commun de connaissances et de compétences. À cet effet, l'apprenti junior bénéficiera d'un suivi individualisé par le tuteur, dans le cadre d'un projet pédagogique personnalisé.

Ainsi, l'apprentissage junior tend à concilier l'unité des exigences que reflètent le socle et la pluralité des parcours de réussite, qui est indispensable pour assurer l'égalité des chances au sein du collège unique.

Il me semble important d'insister maintenant sur quelques autres conditions qui devront être réunies pour garantir la qualité et la réussite de cette formation.

D'abord, la continuité entre l'école et le monde professionnel doit être davantage mise en exergue.

M. Alain Gournac, rapporteur. Oui !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Nous savons bien qu'un trop large fossé sépare encore l'entreprise de l'éducation nationale.

M. Alain Gournac, rapporteur. C'est exact !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. L'apprentissage junior doit bien apparaître comme une poursuite de la scolarité obligatoire par d'autres moyens, et non comme une rupture avec le système éducatif.

Il est indispensable, en effet, que l'éducation nationale soit plus présente dans l'entreprise, et, réciproquement, que les entreprises se sentent davantage impliquées dans la formation pédagogique, comme c'est le cas dans le système dual allemand.

Je présenterai un amendement allant dans ce sens et visant à renforcer la liaison entre le tuteur pédagogique et le tuteur en entreprise ou le maître d'apprentissage. Ce « tandem » assurera le suivi de l'apprenti junior tout au long de sa formation.

Ensuite, l'apprentissage junior doit être un tremplin permettant à des jeunes de remettre le « pied à l'étrier ». Il faudra, pour cela, développer des passerelles, afin de leur ouvrir des perspectives de poursuite d'études au-delà du certificat d'aptitude professionnelle.

Enfin, il est nécessaire, au préalable, d'améliorer la connaissance et l'image de l'apprentissage et des métiers préparés auprès des élèves, des familles et des personnels de l'éducation nationale.

À cet égard, mes chers collègues, tant que les recteurs et les inspecteurs d'académie continueront d'évaluer les collèges à l'aune de la proportion d'élèves poursuivant leurs études dans la voie générale, nous resterons loin d'une revalorisation de l'image de la voie professionnelle et de l'apprentissage.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Vous avez raison !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Je souhaiterais que le ministre de l'éducation nationale veille à faire passer ce message, sinon tout ce que nous pourrons dire n'aura que peu d'effet sur le terrain.

M. Alain Gournac, rapporteur. Très bien !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Je présenterai en outre des amendements visant à prévoir une compensation des dépenses nouvelles qui seront mises à la charge des départements au titre du transport scolaire des apprentis juniors en formation initiale, à encourager le développement des activités sportives dans la filière de l'apprentissage et à exclure le revenu de l'apprenti de la détermination du revenu social du foyer, ouvrant droit à la couverture maladie universelle, alors que sa prise en compte pourrait pénaliser certaines familles modestes.

Mes chers collègues, l'école et les enseignants ne peuvent répondre seuls aux situations les plus difficiles. Nous le savons, les parents ont un rôle déterminant à jouer. Leur soutien et leur autorité sont un facteur clé pour la réussite scolaire et éducative de l'enfant et pour sa bonne insertion dans la société : c'est ce que rappelle le contrat de responsabilité parentale, défini à l'article 24 du présent projet de loi. La mise en oeuvre de ce contrat est confiée au président du conseil général. Je souhaiterais, avec d'autres, que celui-ci puisse disposer d'une marge d'appréciation pour décider de l'opportunité de proposer un tel contrat.

Je tiens par ailleurs à insister de nouveau, à l'occasion de ce débat, sur le rôle central du dispositif d'aide sociale au regard de la promotion de l'égalité des chances au sein de notre système éducatif. Lors de la dernière discussion budgétaire, j'avais rappelé, dans mon rapport pour avis sur l'enseignement scolaire, ce que représentent les bourses scolaires à l'échelon du collège : dans le cas d'une famille de deux enfants, le plafond de ressources pour pouvoir prétendre à une bourse de collège est fixé à 900 euros par mois.

M. Guy Fischer. C'est vrai !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Quant au montant de la bourse, il est de 59 euros par an !

M. Guy Fischer. C'est scandaleux !

Mme Hélène Luc. À qui la faute ?

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Cela ne suffit pas pour pallier les inégalités. Je pense qu'il faudra s'en souvenir lors du prochain débat budgétaire, et faire en sorte que, ensemble, nous puissions répondre aux attentes. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

M. Robert Hue. C'est vous qui avez voulu cette situation !

Mme Hélène Luc. Nous avons un autre projet !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Ne nous trompons pas de débat, mes chers collègues ! Il s'agit ici non pas d'une discussion budgétaire, mais de l'examen d'un texte relatif à l'égalité des chances. Néanmoins, j'estime que, dans un tel débat, même s'il ne s'agit pas d'un projet de loi de finances, il convient de tenir compte des réalités que je viens d'évoquer et de faire en sorte que nous puissions les infléchir ultérieurement.

Mme Hélène Luc. Vous ne voulez pas le changement ! Vous n'accepterez aucun de nos amendements, nous le savons ! M. Sarkozy a d'ailleurs fait d'autres propositions que les vôtres : lesquelles sont valables ?

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Je vous remercie d'être aussi attentive à mes propos, madame Luc. (Sourires.)

J'aborderai, pour conclure, au-delà du pari central de la réussite éducative, les autres dispositions sur lesquelles la commission des affaires culturelles a prononcé un avis, qui se rattachent aux articles 13, 23 et 28 du projet de loi.

L'article 13 traduit le souhait du Gouvernement d'inciter les exploitants cinématographiques à investir dans les zones franches urbaines et à renforcer ainsi l'animation culturelle au sein de ces quartiers.

Dans sa rédaction initiale, cet article prévoyait de dispenser d'autorisation préalable les projets d'équipement cinématographique de type « multiplexe ». La commission des affaires culturelles est attachée au maintien du régime d'autorisation existant.

Mme Catherine Tasca. Très bien !

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis. Nous proposerons cependant, à l'instar, d'ailleurs, des autres commissions compétentes, d'en alléger le dispositif pour les zones franches urbaines, en réduisant de quatre mois à deux mois les délais impartis tant aux commissions départementales qu'à la Commission nationale d'équipement commercial.

L'article 23 vise, quant à lui, à modifier trois articles de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Il tend ainsi à favoriser la cohésion sociale et la lutte contre les discriminations dans le domaine de l'audiovisuel.

J'attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que ce dispositif, conformément aux voeux émis par le Haut Conseil à l'intégration, s'inscrit non pas dans une politique de quotas, mais, au contraire, dans une logique incitative, que j'estime particulièrement bien adaptée aux contraintes spécifiques du secteur.

Enfin, j'évoquerai ce moyen de renouveler le lien social et d'offrir des perspectives d'avenir aux jeunes qu'est le service civil volontaire, lequel concernera tous les jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans : 30 000 jeunes devraient en bénéficier en 2006, et 50 000 en 2007. Ce dispositif me semble devoir permettre non seulement de redonner un nouvel élan à la vie associative, mais aussi d'ouvrir à nos jeunes des perspectives d'insertion.

Sous réserve de l'adoption des amendements que je présenterai, la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption du présent projet de loi, car il est indéniable que celui-ci constitue une véritable rupture au regard d'un certain nombre d'évolutions ayant érodé jusqu'aux valeurs les plus centrales de notre pacte républicain. Les mesures présentées, qui vont à l'encontre de certains dogmes ou pratiques ayant montré leur inefficacité, peuvent, et c'est légitime, susciter le débat. Entourées des précautions nécessaires, elles ont toutefois le mérite d'offrir des pistes nouvelles pour donner une portée concrète à l'objectif de promotion de l'égalité des chances. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre André, rapporteur pour avis.

M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans la lignée des travaux qu'elle a menés sur la politique de la ville, la commission des affaires économiques s'est saisie pour avis de deux dispositions du projet de loi pour l'égalité des chances qui intéressent directement le renouveau économique des quartiers en difficulté : la relance des zones franches urbaines et les modalités de la prochaine contractualisation entre l'État et les villes, avec la création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale.

Ces dispositions trouvent, certes, leur origine dans l'urgence née de la situation explosive que nous avons connue cet automne, mais elles s'inscrivent aussi, et surtout, dans la continuité des politiques menées depuis 2002 en faveur de ces quartiers, sous l'impulsion du ministre de la cohésion sociale Jean-Louis Borloo. Elles sont en effet marquées par un effort sans précédent en matière de rénovation urbaine, ainsi que par une réforme de la dotation de solidarité urbaine - on en parle trop peu ! -, dotation si importante pour nos communes les plus pauvres et que nous devons préserver au nom de la solidarité nationale envers les communes en grande difficulté.

Le constat, nous le connaissons tous ! Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, dans ces quartiers les plus en difficulté, on observe parfois un taux de chômage de 40 % chez les jeunes de moins de 25 ans et un revenu moyen par habitant inférieur de plus de 40 % à la moyenne nationale.

Pour remédier à cette situation, il n'existe pas de formule miracle. C'est un ensemble de mesures contenues dans cette loi pour l'égalité des chances qui nous permettront de faire disparaître les difficultés que nous connaissons.

Cette situation doit nous inciter tous, en tant que responsables politiques, à proposer des solutions crédibles pour réintégrer ces quartiers à l'intérieur de nos villes.

L'achèvement de la carte des zones franches urbaines proposée par le projet de loi repose sur une conviction et sur un constat.

Cette conviction, c'est la nécessité de modifier l'image de ces quartiers et de combattre l'exclusion économique pour lutter contre l'exclusion sociale.

Le constat, au-delà de toute polémique, la commission des affaires économiques l'avait dressé en 2002. À cette époque, nous avions dénombré plus de 45 000 emplois créés. Aujourd'hui, avec les nouvelles zones franches urbaines, on peut considérer que 70 000 à 80 000 emplois ont été créés.

Au-delà de ces chiffres, il faut prendre conscience que les zones franches urbaines ont contribué à transformer des cités dortoirs en pôles de développement économique.

J'ai eu l'occasion de rencontrer la plupart des maires qui bénéficient d'une zone franche urbaine ; on en compte quatre-vingt-cinq en France actuellement : pas un seul d'entre eux ne nous a demandé de supprimer cette zone franche urbaine dans leur commune. Et je crois même savoir que les candidatures sont nombreuses pour les quinze nouvelles zones franches urbaines qui doivent être créées. Je vous souhaite bon courage, monsieur le ministre, quand vous aurez à faire un choix !

À l'évidence, la commission des affaires économiques souscrit pleinement, dans son principe, au dispositif qui est proposé. Elle présentera des amendements pour améliorer certains points.

Pour les zones franches urbaines, comme pour l'Agence nationale pour la cohésion sociale, il est important de remettre au coeur de la politique de la ville les élus locaux et les maires en particulier.

L'une des mesures qui nous sont soumises concerne les commissions départementales d'équipement commercial, qui décident de l'implantation des surfaces de moins de 1 500 mètres carrés. On nous demande aujourd'hui de présenter directement ces dossiers en commission nationale d'équipement commercial, ce qui me semble tout à fait contraire à notre volonté commune. Nous ferons des propositions à cet égard.

Nous souhaitons par ailleurs, monsieur le ministre, que vous puissiez nous éclairer sur les positions de la Commission européenne, qui doit émettre un avis sur ces nouvelles dispositions. Les gouvernements précédents sont allés plaider l'arrêt des zones franches urbaines à Bruxelles. Votre tâche n'est pas facile, je le conçois parfaitement, mais nous vous appuierons dans vos démarches.

Enfin, je souhaite redire ici avec force que les acteurs économiques ont besoin, sur le terrain, de sécurité juridique. Il nous a été rapporté à nouveau, au cours des auditions auxquelles nous avons procédé, que les interprétations des textes divergent entre les services fiscaux et les services sociaux, ce qui est tout à fait inacceptable.

J'en viens brièvement à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. Cette création répond à notre souhait que la politique ambitieuse de rénovation urbaine soit soutenue par des actions d'accompagnement social des populations. Cette Agence doit permettre de simplifier les procédures et de mutualiser les financements, ce que demande instamment le monde associatif. Nous souhaitons, pour notre part, qu'elle s'engage de manière pluriannuelle dans le financement des contrats qui prendront, à partir de cette année, la relève des contrats de ville.

Pour conclure, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi, sous réserve des amendements qu'elle présentera. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité des chances
Discussion générale (suite)

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CANDIDATURES À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives au tourisme.

J'informe le Sénat que la commission des affaires économiques m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à cette commission mixte paritaire.

Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

5

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l'auteur de la question de même que le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente. Je veillerai à ce que ce temps de parole soit respecté.

procédure judiciaire à l'encontre de m. georges frêche

M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 11 février dernier, à Montpellier, (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), le président du conseil régional de Languedoc-Roussillon, M. Georges Frêche,...

M. Raymond Courrière. Et quand Jacques Blanc s'entendait avec le Front national, qu'est-ce que vous disiez ? C'est insupportable !

M. Josselin de Rohan. ...dans l'exercice de ses fonctions et en présence d'un ancien ministre apparemment sourd, muet et passif,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Regardez chez vous !

M. Josselin de Rohan. ... s'est livré à une agression inouïe à l'encontre de nos compatriotes harkis.

M. Raymond Courrière. Parlez-nous du Front national !

M. Josselin de Rohan. Ses propos injurieux et diffamatoires ont emprunté au pire des vocabulaires de sinistre mémoire ! (Signes d'assentiment sur les travées de l'UMP.)

M. Paul Raoult. Comme Sarkozy !

M. Josselin de Rohan. Nous tenons, en cette circonstance, à assurer nos compatriotes harkis, qui ont tant souffert, de notre émotion et de notre solidarité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Les propos indignes de M. Frêche constituent une offense à l'égard non seulement des harkis, mais aussi de tous les anciens combattants d'Afrique du Nord et de la nation tout entière. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Raymond Courrière. Votre indignation est sélective ! Trop, c'est trop !

M. Josselin de Rohan. Monsieur le garde des sceaux, que compte faire le Gouvernement pour que nos compatriotes harkis obtiennent la réparation du grave préjudice moral qu'ils ont subi ? (Très bien ! et applaudissements prolongés sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les déclarations de M. Georges Frêche, le 11 février dernier à Montpellier, ont profondément blessé les harkis et leurs familles.

M. René Garrec. Pas seulement !

M. Didier Boulaud. Surtout ceux qui ont été abandonnés en 1960 !

M. Raymond Courrière. Et ceux qui ont été égorgés en Algérie ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je partage cette émotion avec l'ensemble des membres du Gouvernement.

Traiter de « sous-hommes » des hommes et des femmes est inacceptable, indigne. Ces propos peuvent contribuer à ce que certains esprits faibles ou pervers justifient leur violence par haine de l'autre.

M. Paul Raoult. Comme Sarkozy, qui veut nettoyer au Kärcher !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Ces propos sont encore plus graves quand ils émanent d'un élu, ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. D'un ministre, par exemple !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. ...d'un président de région qui oublie le respect que les anciens combattants sont en droit d'attendre des élus de la nation parce qu'ils ont risqué leur vie pour la France.

M. Didier Boulaud. C'est de Gaulle qui les a vendus !

Où était la police pour l'affaire Halimi, il y a trois semaines ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Après vous, monsieur de Rohan, je souhaite à mon tour rendre hommage à l'extrême sang-froid, au calme et à la dignité des enfants de harkis face à une telle agression.

M. Raymond Courrière. C'est à vous de garder votre sang-froid !

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur de Rohan, vous avez évoqué la loi du 23 février 2005, notamment son article 5. Le législateur a en effet voulu protéger cette composante de la communauté nationale qui est trop souvent l'objet d'agressions ou d'insultes. Les propos de M. Frêche confirment que cette protection était indispensable.

Devant l'intolérable, la démocratie doit se défendre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Boulaud. Pendant trois semaines, où était la démocratie alors qu'un jeune était torturé ? Où était la police ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est pourquoi j'ai immédiatement saisi, en plein accord avec M. Mékachéra, le procureur général près la cour d'appel de Montpellier afin qu'il examine les qualifications pénales pouvant être retenues et qu'il fasse vérifier la teneur exacte des propos litigieux qui ont été prononcés.

Les premiers éléments qui m'ont été communiqués confirment qu'il y a bien eu infraction. J'ai donc indiqué au procureur général susvisé qu'il lui appartenait de déclencher sans tarder l'action publique contre ceux qui ont pu se croire autorisés à injurier ou à diffamer les harkis.

M. Didier Boulaud. Y compris contre ceux qui se sont pacsés avec le Front national ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je ne doute pas que la justice entendra sanctionner sans faiblesse les faits reprochés à M. Frêche. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

contrat première embauche

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Ma question s'adresse à M. le. Premier ministre.

La pauvreté et l'exclusion gagnent tous les jours un peu de terrain. C'est ce message qu'il faut lire dans la colère qui s'est manifestée d'une manière violente dans les banlieues à l'automne dernier. À cette situation alarmante, vous répondez, monsieur le Premier ministre, par un projet de loi que vous avez l'outrecuidance de baptiser « pour l'égalité des chances ».

Mais que signifie le mot « égalité » quand vous remettez profondément en question l'obligation scolaire jusqu'à seize ans ou quand vous portez de telles attaques au code du travail ?

Quelle conception bizarre avez-vous de l'égalité en installant la précarité de l'emploi, particulièrement chez les jeunes ?

Quel crédit pourra-t-on accorder à une loi votée sans concertation, contrairement aux engagements que vous aviez pris, sans participation des syndicats, des associations, des travailleurs sociaux, des enseignants, des élus qui sont sur le terrain ?

Votre dernière trouvaille, c'est le contrat première embauche, le CPE, qui, rappelons-le, concerne l'entrée des jeunes dans le monde du travail. Ce CPE, vous l'ajoutez au dernier moment, sous forme d'amendement, sans prendre l'avis du Conseil d'État.

Pourquoi donc avoir avancé le débat de quinze jours ? La ficelle est trop grosse : vous vouliez tout simplement que le Parlement débatte de ce sujet pendant les vacances scolaires ! Oh, vous n'en êtes pas à votre coup d'essai, monsieur le Premier ministre, puisque déjà en plein été 2005, par ordonnance, donc sans débat au Parlement, vous avez créé le contrat « nouvelles embauches », le CNE !

Le code du travail est gravement atteint car l'objectif non affiché du CPE, et de son grand frère le CNE, est finalement la disparition du contrat de travail à durée indéterminée pour tous les salariés, je dis bien pour « tous les salariés » !

M. Jacques Mahéas. Très bien !

M. Claude Domeizel. À l'Assemblée nationale, vous avez bâillonné les députés en utilisant une nouvelle fois le fameux article 49-3 de la Constitution. En mettant brutalement fin au débat, vous affichez au grand jour votre conception méprisante de la démocratie sociale et politique ! (Rires sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Vous ne manquez pas d'air !

M. Claude Domeizel. Ici, au Sénat, c'est à la sauvette que sont menés les préparatifs du débat. Ainsi, les auditions se font au pas de charge ; en commission, l'opposition n'obtient aucune réponse à ses questions Le Sénat accepte même de délibérer sans attendre les conclusions de la mission d'information sénatoriale sur les politiques conduites envers les quartiers. Cette mission devient ainsi de la poudre aux yeux.

Hier, pour hâter un peu plus le pas, l'ordre du jour du Sénat a subi un tripatouillage, que nous condamnons.

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Domeizel !

M. Claude Domeizel. Inadmissibles sont ces méthodes qui font fi de la représentation nationale, qui contournent le Parlement !

M. Alain Gournac. La question !

M. Claude Domeizel. Vous avez peur, peur de la rue, peur de l'opposition !

MM. Josselin de Rohan et Alain Gournac. La question !

M. Claude Domeizel. Monsieur le Premier ministre, la précipitation, mais aussi l'absence d'écoute, je dirai même votre incapacité d'écoute, jouent toujours de mauvais tours.

M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !

MM. Jean-Claude Carle et Alain Gournac. Coupez !

M. Claude Domeizel. C'est vrai pour le CPE, pour l'apprentissage à quatorze ans, comme c'est vrai pour le désamiantage du Clemenceau.

Jusqu'où irez-vous dans cette escalade du mépris ?

M. le président. Votre question, je vous prie !

M. Claude Domeizel. Nos concitoyens attendent des réponses à la hauteur de la gravité d'une situation que vous avez créée depuis quatre ans. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le sénateur, je n'ai pas vraiment compris quelle était votre question ! (Rires sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Carle. Nous non plus !

M. Claude Domeizel. Je peux la répéter ! Elle s'adresse à M. le Premier ministre !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Entre l'évocation du Clemenceau, du désamiantage, de l'escalade, de la méthodologie sénatoriale, je m'y perds ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

En revanche, je peux vous dire que les jeunes qui sont en butte à des discriminations en matière de logement, d'emploi, en raison de CV trop souvent ciblés, à l'entrée des boîtes de nuit,...

M. Jacques Mahéas. Ils vont l'être en plus dans le domaine du travail !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...ces jeunes qui enchaînent contrats d'intérim et stages attendent des réponses que le projet de loi pour l'égalité des chances prétend apporter.

Mme Hélène Luc. Pas celles que vous donnez !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Ce texte est examiné actuellement par le Sénat. Malgré quelques tentatives un peu compliquées d'obstruction, le débat se poursuit dans la sérénité.

Permettez-moi de remercier, d'une part, M. le rapporteur,...

M. David Assouline. On n'a pas le rapport !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...qui a pu entendre les uns et les autres (Protestations sur les travées du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.), les organisations de la jeunesse, les syndicats, et, d'autre part, les quatre rapporteurs pour avis...

M. Didier Boulaud. Montrez-nous le rapport !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...qui ont formulé des propositions extrêmement importantes, notamment en matière de discriminations. La commission des lois, en particulier, a déposé des amendements essentiels.

M. Didier Boulaud. Où est le rapport parlementaire ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, le sujet de la discrimination...

M. Didier Boulaud. Donnez-nous le rapport parlementaire ; nous y avons droit !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...est le poison de notre République.

M. Paul Raoult. Et Sarkozy l'alimente !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Premier ministre et le Gouvernement vous proposent, par ce texte, des solutions courageuses, innovantes, dans la droite ligne de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations, dont nous disposons enfin.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. La France est le dernier pays d'Europe à disposer d'une autorité de ce genre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

chikungunya

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l'heure où je vous parle, l'épidémie de chikungunya poursuit son expansion sur l'île de la Réunion et se répand dans les îles voisines. La situation est alarmante.

M. Didier Boulaud. Que fait le Gouvernement ?

Mme Anne-Marie Payet. Le bilan dressé par l'Institut de veille sanitaire est sans concession : on attribuerait à cette maladie le décès de soixante-dix-sept personnes, dont quatre étaient âgées de moins de vingt ans.

M. Didier Boulaud. Rendez des comptes !

Mme Anne-Marie Payet. Pour autant, le lien direct entre cette maladie virale, transmise par le moustique, et les décès reste mal identifié.

Plus de 130 000 Réunionnais sur 785 000 ont déjà été atteints et la contamination se poursuit au rythme de 25 000 nouveaux cas par semaine.

M. Didier Boulaud. Si nous avions agi comme vous, qu'aurions-nous entendu !

Mme Anne-Marie Payet. Le chikungunya provoque des douleurs physiques insupportables. Les symptômes de la maladie sont dangereux pour la vie des plus faibles et peuvent avoir des incidences psychologiques graves sur les personnes contaminées.

En plus de ces drames humains intolérables, c'est toute l'économie de l'île, déjà très fragile, qui est mise à mal.

En outre, aujourd'hui, la maladie semble évoluer et les contaminations ne diminuent pas, l'éradication des moustiques n'étant pas facilitée par les conditions météorologiques.

Monsieur le ministre, actuellement, le Gouvernement se mobilise pleinement sur ce sujet très préoccupant...

M. Didier Boulaud. Il était temps !

Mme Anne-Marie Payet. ... et près de 9 millions d'euros ont déjà été débloqués pour ce combat. Vous avez annoncé avec le ministre de la recherche, M. François Goulard, le déploiement d'une équipe de chercheurs sur l'île. Nous attendons que vous nous donniez des informations précises sur leur programme de recherche, les axes qui seront privilégiés et les pistes qu'ils comptent exploiter.

En effet, le traitement de la maladie doit impérativement être amélioré en ce qui concerne tant les symptômes que la prévention. Surtout, la maladie est très mal connue, les mécanismes de contamination sont complexes et la violence de l'épidémie a surpris tout le monde.

M. Didier Boulaud. Surtout le Gouvernement !

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le ministre, concernant ce dernier point, nous souhaitons que vous précisiez la liste des mesures d'urgence que vous venez d'annoncer, dans la droite ligne des conclusions de la mission Flahaut. Ainsi, la mise à disposition de répulsifs et de matériels de démoustication est urgente et nécessaire, surtout pour les personnes les plus défavorisées. Aucun Réunionnais ne doit, encore aujourd'hui, être démuni face à l'expansion de la maladie. (Applaudissements.)

M. Didier Boulaud. C'est la faute à qui ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Madame la sénatrice, je tiens, tout d'abord, à souligner le sens des responsabilités avec lequel, chaque fois, les parlementaires de la Réunion s'expriment sur ce sujet.

Mme Nicole Bricq. Cela fait des mois que l'on en parle !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce sens des responsabilités est à la hauteur du courage et de la dignité des Réunionnaises et des Réunionnais face à cette épreuve avant tout humaine. Je tenais à le préciser, comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale.

Vous souhaitez que, sur l'île de la Réunion comme en métropole, toute la lumière soit faite et que toute la transparence possible soit apportée sur la réalité de cette épidémie.

M. Yannick Bodin. Cela va être dur !

M. Jacques Mahéas. Il y a du retard à l'allumage !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous l'avez demandé : c'est le droit élémentaire des Réunionnaises et des Réunionnais que de savoir les choses. M. le Premier ministre a lui aussi souhaité que cette affaire soit traitée avec la plus totale transparence.

Oui, aujourd'hui, nous savons que, contrairement à ce qu'affirmaient les scientifiques, à savoir que le virus de la fièvre chikungunya ne tuait pas, le décès de soixante dix-sept personnes y est lié, directement ou non.

Il faut reconnaître aussi que, même si nous sommes au XXIe siècle, nul, sur la planète, n'en sait plus que nous sur le chikungunya. Nous pourrions faire la même remarque pour la dengue et le virus West Nile aux États-Unis. Nous devons développer notre connaissance et notre compréhension de tous ces virus et de toutes ces maladies émergentes pour pouvoir les combattre plus efficacement.

Cela dit, il n'est pas question d'attendre que l'hiver austral offre un répit aux Réunionnaises et aux Réunionnais. Voilà pourquoi M. le Premier ministre a souhaité que, dès le retour des chercheurs que François Goulard et moi-même avons envoyés en mission, nous nous employions sans délai à continuer ce combat. Il a insisté, notamment, pour que les produits de démoustication soient distribués gratuitement aux personnes les plus fragiles, à savoir les personnes âgées, les femmes enceintes et les nouveaux-nés.

Nous avons, nous, souhaité aller au-delà, en étendant cette mesure aux enfants. En effet, les derniers cas recensés nous amènent à faire plus que ce qui nous a été demandé.

Par ailleurs, je recevrai au ministère, dans une heure et demie, l'ensemble des représentants des laboratoires pharmaceutiques implantés sur notre territoire pour leur demander de chercher, dans toute la pharmacopée existante, des médicaments visant non pas seulement à prendre en charge la douleur - de tels produits sont déjà utilisés - mais également à enrayer l'évolution du chikungunya.

Nous allons aussi mettre en place, notamment sur l'île, tous les moyens qui seront nécessaires, comme nous l'avons fait à chaque fois que cela nous a été demandé depuis le mois d'avril 2005, pour que soient développés les programmes hospitaliers de recherche clinique devant nous permettre de comprendre comment et pourquoi ce virus passe de la mère à l'enfant dans de telles conditions, apparaît, disparaît et revient chez les mêmes personnes en l'espace de quelques semaines.

Les Réunionnaises et les Réunionnais veulent toute la transparence possible ; ils l'ont. Ils font appel à la solidarité nationale : c'est aussi pour cette raison que M. le Premier ministre se rendra en personne, dès la fin de la semaine, sur l'île de la Réunion.

Je tiens, une fois encore, à saluer le remarquable sens des responsabilités dont font preuve les Réunionnaises et les Réunionnais dans l'épreuve qu'ils traversent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

bénéfices des grandes entreprises

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

Cette séance de questions d'actualité au Gouvernement se déroule le jour même où nous commençons l'examen du projet de loi relatif à l'égalité des chances.

Ce projet de loi, dont le titre trompeur sonne comme un slogan publicitaire, contient des mesures de régression sociale,...

M. Josselin de Rohan. Cela commence bien !

Mme Évelyne Didier. ...comme l'apprentissage dès l'âge de quatorze ans, l'abaissement à quinze ans de l'âge légal du travail de nuit pour les mineurs et, surtout, le contrat première embauche, un contrat au rabais pour les jeunes de moins de vingt-six ans qui étend à deux ans la période d'essai durant laquelle le salarié peut être renvoyé sans le moindre motif.

Dans le même temps, les premiers cas de licenciement de personnes sous contrat nouvelles embauches sont intervenus, donnant raison à tous ceux qui ont dénoncé de telles propositions.

M. Robert Hue. Absolument !

Mme Évelyne Didier. C'est l'arbitraire pour les patrons, la précarité pour les salariés et le démantèlement du code du travail.

M. Guy Fischer. Très bien !

Mme Évelyne Didier. Nous aurons l'occasion de nous expliquer sur ce sujet au cours des prochains jours, à moins que le Gouvernement ne trouve un nouvel artifice pour empêcher le débat parlementaire et faire passer ce texte en force. Nous verrons bien !

Cependant, vous ne ferez pas taire les jeunes, en particulier, qui, aujourd'hui et demain, manifesteront contre l'avenir précaire que vous leur réservez.

Mme Hélène Luc. Très bien !

Mme Évelyne Didier. Dans le même temps, des sommes colossales sont versées aux actionnaires, des concentrations se préparent à grands coups d'OPA, annonçant des licenciements massifs dans des domaines comme l'énergie ou les télécommunications. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Pour ne prendre qu'un exemple, Total annonce un bénéfice record de 12 milliards d'euros en 2005, en hausse de 31 %, alors même que le groupe refuse les investissements nécessaires en France et que les consommateurs, dont les revenus n'augmentent pas, paient le carburant au prix fort.

M. Robert Hue. Absolument !

Mme Évelyne Didier. Les profits d'aujourd'hui ne sont plus les emplois de demain.

Comme l'année dernière, les groupes du CAC 40 pulvérisent leurs records financiers, alors que les salaires réels régressent et que les suppressions d'emplois se multiplient.

Aussi, ma question est la suivante : quelles mesures prévoyez-vous afin qu'une part de ces profits soit utilisée pour répartir plus équitablement les richesses créées par l'activité économique ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Madame la sénatrice, vous venez de faire allusion aux bénéfices annoncés par la société Total.

M. Guy Fischer. Entre autres ! Il y a aussi France Télécom.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ses bénéfices s'élèvent à 12 milliards d'euros. Dans le même temps, Exxon Mobil annonce 30 milliards d'euros, Shell, 25 milliards d'euros, Texaco, 14 milliards d'euros. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Ne devrions-nous pas nous réjouir que des entreprises françaises soient performantes et capables de « relever le challenge », si je puis dire, face aux grandes entreprises américaines ou britanniques ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Comment imaginer notre économie sans cette capacité ?

Mme Éliane Assassi. Et les salariés ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Vous me demandez ce que le Gouvernement envisage « afin qu'une part de ces profits soit utilisée pour répartir plus équitablement les richesses créées par l'activité économique ».

Mme Hélène Luc. Que les salariés participent !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Réaliser des profits importants conduit à se poser les questions suivantes : quelle part pour l'investissement ? Quelle part pour l'actionnaire ?

M. Yves Coquelle. Quelle part pour les salariés ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Quelle part pour les salariés de l'entreprise, qui contribuent à la création de cette richesse ?

M. le Premier ministre a demandé, voilà plusieurs mois, pour ainsi dire dès qu'il a pris ses fonctions, aux ministres du pôle de cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, Thierry Breton et moi-même, de réfléchir à la relance de la participation et de proposer des mesures en ce sens.

M. Guy Fischer. C'est long à venir !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Un texte visant à la relance de la participation sera présenté au Conseil supérieur de la participation dans quelques jours, sous la présidence de M. le Premier ministre lui-même. C'est dire l'importance qu'il y attache.

Il s'articule autour de trois idées.

La première concerne les dividendes du travail et est le fruit à la fois du travail fait ici par notre ancien collègue  Jean Chérioux, du rapport de MM. Jacques Godfrain et François Cornut-Gentille et des réflexions du président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, M. Patrick Ollier : les actionnaires devront décider si les profits seront redistribués sous forme de participation ou sous forme d'actions.

Mme Hélène Luc. Il faut investir pour l'emploi !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. La deuxième idée est qu'il faut favoriser l'intéressement de projets et pas seulement l'intéressement financier, car l'intéressement de projets suppose l'association du salarié aux objectifs et aux résultats de l'entreprise. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Enfin, la troisième idée est qu'il faut lancer une réflexion autour de l'actionnariat salarié. Réfléchissons, par exemple, au raid contre la Société générale !

M. Didier Boulaud. Ils ont pourtant ramassé des sous !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le « pacte d'actionnaires salariés » est sans doute l'une des réponses dont nous avons besoin.

Voilà pourquoi M. le Premier ministre a fait de la relance et de la modernité de la participation la vraie réponse moderne à la question du partage des fruits de la croissance. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. David Assouline. Il est énervé ! Calmez-vous ! Il reste une semaine pour l'examen du CPE : il faut tenir !

M. Guy Fischer. C'est la voix du MEDEF !

mme ingrid betancourt

M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.

M. Jacques Pelletier. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

C'est aujourd'hui la date d'un triste et pénible anniversaire, puisque voilà quatre années, jour pour jour, qu'une de nos compatriotes a été enlevée : c'est, en effet, depuis le 23 février 2002 qu'Ingrid Betancourt, parlementaire de Colombie, est retenue en otage par les FARC, les forces armées révolutionnaires de Colombie, la plus ancienne guérilla d'Amérique latine.

Ce groupe armé s'est reconverti dans le trafic de drogue et la prise d'otages.

Avec Ingrid Betancourt et Clara Rojas, sa directrice de campagne enlevée le même jour, ce sont près de 1 400 otages, prisonniers eux aussi des FARC, qui vivent l'insoutenable et subissent une captivité interminable et de plus en plus incompréhensible.

Les négociations entre les FARC, la Colombie et la France sont difficiles. Voilà quelques semaines, une dernière tentative sur la base de la création d'une « zone démilitarisée » pour permettre l'échange de cinquante-neuf otages des FARC, parmi lesquels Ingrid Betancourt et Clara Rojas, contre quelque cinq cents guérilleros détenus dans les prisons colombiennes, a échoué.

Alors qu'Ingrid Betancourt entame, précisément aujourd'hui, sa cinquième année de détention et que sa famille vit dans l'attente d'une « preuve de vie », une vidéo promise par les FARC, quelles sont, monsieur le ministre, les informations que vous êtes en mesure de nous communiquer ?

Quelles sont les orientations prises par notre diplomatie pour parvenir à sa libération prochaine et à celle de tous les otages ?

Plus largement, monsieur le ministre, notre pays, connu pour sa vocation en matière de droits de l'homme et de respect de la dignité humaine, ne pourrait-il pas être à l'origine, à l'échelon international, de l'adoption et de la reconnaissance juridique en droit international de la notion d'otages civils ?

De même, ne pourrait-on pas faire progresser la législation en rendant imprescriptible l'acte d'enlèvement et en permettant des condamnations par contumace ?

C'est l'un des objectifs de l'association Otages du Monde, qui a besoin du soutien politique, moral et financier le plus large possible de la part de tous, plus particulièrement de notre Gouvernement.

Enfin, je tiens à rappeler que, à seize heures, une manifestation organisée par le groupe d'amitié France-Amérique du Sud en faveur d'Ingrid Betancourt est organisée et qu'une photo de notre compatriote sera affichée sur les grilles du jardin du Luxembourg. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, cela fait en effet quatre ans aujourd'hui qu'Ingrid Betancourt et Clara Rojas ont été kidnappées par les forces armées révolutionnaires de Colombie.

Je tiens, avant tout, à saluer le courage d'Ingrid Betancourt et la dignité de son combat pour la paix.

Je veux également assurer de mon soutien personnel, de celui de l'ensemble du Gouvernement mais aussi de tous les Français, la famille d'Ingrid Betancourt, particulièrement ses enfants, Mélanie et Lorenzo, ainsi que tous ses amis, qui l'attendent depuis maintenant quatre ans.

Enfin, je tiens à dire devant la Haute Assemblée combien le Gouvernement est déterminé et motivé pour libérer Ingrid Betancourt.

Je me suis rendu en Colombie le 26 janvier dernier et j'y ai rencontré le président Uribe. Pour la première fois, les autorités colombiennes ont accepté la proposition de la France, associée à l'Espagne et à la Suisse, tendant à favoriser les négociations entre les autorités colombiennes et les FARC en vue d'aboutir à un accord humanitaire.

Il revient désormais aux FARC d'apporter une réponse qui sera, je l'espère, constructive. Elles montreront ainsi qu'elles peuvent aussi être des interlocuteurs crédibles.

Mais au-delà du cas d'Ingrid Betancourt, nous devons penser à tous les otages et les aider. En effet, pour nous, Français, qui sommes issus du pays des droits de l'homme, il n'y a pas pire situation que celle d'un innocent privé de liberté.

Par ailleurs, je reste à votre disposition, monsieur le sénateur, pour étudier avec vous les propositions que vous m'avez soumises. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

conséquences de la grippe aviaire sur la filière agricole

M. le président. La parole est à M. Bernard Barraux.

M. Bernard Barraux. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche et concerne un sujet cruel pour le département que je représente, l'Allier. En effet, la menace d'une épidémie de grippe aviaire en France intervient à un moment pour le moins inopportun s'agissant d'une filière qui commençait tout juste à retrouver un équilibre.

En outre, le fait que l'Europe refuse de débloquer dans l'immédiat une aide financière en faveur des éleveurs de cette filière est une bien mauvaise nouvelle. Il est vrai que la grippe aviaire n'a frappé, à ce jour, aucun élevage français ni aucun animal domestique, mais la psychose est telle que la consommation a fortement chuté.

On montre du doigt les oiseaux migrateurs. Il s'avère pourtant que les importations illégales de volailles en provenance de pays tiers seraient tout autant responsables de la maladie en Europe que ces volatiles. Tous les contrôles possibles ont-ils été mis en place pour stopper ces importations illégales ?

Dieu merci, nous avons tout de même appris une bonne nouvelle : à la demande de la France, l'Union européenne a donné hier son feu vert à la vaccination des oies et des canards d'élevage de trois départements, les Landes, la Loire-Atlantique et la Vendée.

Mais qu'avez-vous décidé pour les autres départements, où existent des élevages de poulets label « plein air », contraints par leur cahier des charges à élever les volailles en liberté ?

En attendant un hypothétique plan d'urgence européen, la filière tout entière est aux abois. C'est tout un pan de notre économie qui est en train de s'écrouler. Vous me permettrez, en cet instant, d'avoir une pensée particulière pour mon département de l'Allier, dans lequel un grand nombre d'élevages subissent les conséquences de cette épidémie.

Les volailles vaccinées seront-elles commercialisables et consommables rapidement ? Il faut absolument trouver le moyen de redonner confiance au consommateur afin qu'il recommence à acheter.

Enfin, monsieur le ministre, quelles aides supplémentaires seront-elles accordées, en plus des 5 millions d'euros déjà annoncés, non seulement aux éleveurs de volailles mais à l'ensemble de la filière avicole, qu'il s'agisse des acouveurs, des abattoirs ou des fabricants d'aliments ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, avant de répondre de façon plus précise à votre question, je voudrais dresser un état des lieux.

Nous avons enregistré deux cas d'infection par le virus H5N1 sur notre territoire, dans le département de l'Ain, qui concernent des oiseaux sauvages. Des procédures de confinement ainsi que des zones de protection et de surveillance ont donc été mises en place.

Après en avoir informé M. le Premier ministre, je dois malheureusement porter à la connaissance de la Haute Assemblée l'existence possible d'un troisième cas, apparu cette fois dans un élevage de 11 000 dindes, toujours dans le département de l'Ain, dans la zone de surveillance où a été retrouvé le premier canard, près du village de Joyeux.

Pour l'instant, ce cas ne fait l'objet que d'une suspicion. Pourtant, comme l'exigent les prescriptions internationales, cet élevage sera abattu cet après-midi, avant même que soit connu le résultat définitif des analyses effectuées.

Monsieur Barraux, vous avez tout à fait raison : nous devons accroître notre surveillance aux frontières, dans les postes de surveillance sanitaire et de douanes, dont le réseau a été mobilisé par Jean-François Copé.

M. le Premier ministre a décidé que, sur notre territoire, le confinement et la vaccination seraient mis en place en trois étapes : d'abord dans 26 départements, puis dans 58, enfin dans 95.

Dans les cas où il n'est pas possible de confiner les volailles, on procèdera à leur vaccination. Nous avons en effet obtenu l'autorisation des autorités européennes de vacciner les oies et les canards dans les zones humides des Landes, de la Loire-Atlantique et de la Vendée.

Certains éleveurs préférant confiner plutôt que vacciner, l'autorisation leur en est donnée au cas par cas. Nous pourrions ainsi envisager de procéder à la vaccination dans certaines zones où les éleveurs sont dans l'impossibilité de confiner leur élevage, comme c'est le cas dans la Bresse où je me suis rendu hier avec M. le Premier ministre.

Enfin, M. le Premier ministre, en déplacement dans le département de l'Ain, a rappelé que la solidarité nationale s'exercerait pleinement.

J'ai reçu ce matin les représentants de l'ensemble de la filière. D'ores et déjà, le ministère de l'agriculture a débloqué, en accord avec mon collègue Gérard Larcher, 11 millions d'euros au titre du chômage partiel.

Cette somme n'est naturellement pas à la hauteur de la situation nouvelle. M. le Premier ministre m'a donc demandé de mettre au point un plan qui comprendra à la fois des mesures d'information et de publicité, de solidarité avec les éleveurs, et d'indemnisation du chômage partiel dans les abattoirs et dans les industries. Ce plan sera annoncé au début de la semaine prochaine.

Sachez que, face à l'épreuve supportée par les éleveurs, qui font front avec un esprit de grande responsabilité, le Gouvernement de la République fera preuve, comme la Haute Assemblée, de solidarité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

contrat première embauche

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Monsieur le Premier ministre, notre nation a été ébranlée, en novembre dernier, par des événements graves résultant d'un profond malaise. Celui-ci est né de la désespérance de cette part de la population de notre pays qui vit dans ce que l'on appelle, d'un terme trop générique pour relater les diversités qu'il recouvre, les « banlieues ».

Sentiment d'abandon, de relégation, confrontation à une réelle précarisation des familles qui voient leur pouvoir d'achat s'effondrer, paupérisation de foyers contraints d'habiter dans des secteurs qu'on leur impose, à défaut d'offres de logements dans des communes qui les rejettent, retrait des effectifs de police des commissariats présents dans ces quartiers, absence d'une volonté de conforter les moyens de l'éducation nationale dans les zones d'éducation prioritaire, alors que l'école représente souvent pour les familles le dernier vecteur, le dernier espoir d'une évolution sociale positive : face à ce constat de désespérance, qui est à l'origine de l'embrasement de territoires de notre République, vous vous étiez engagé, monsieur le Premier ministre, à apporter des réponses de fond par une loi spécifique.

Nous ne pouvons croire que vous répondiez aujourd'hui aux enjeux en cause sans dialogue et sans travail préalables avec les élus et les acteurs de terrain, par ce projet de loi dit « pour l'égalité des chances », qui vise à favoriser l'implantation de salles de cinéma et de supermarchés (sourires sur les travées du groupe socialiste), à banaliser le fait que des jeunes de quinze ans travailleront de nuit et le week-end sous le régime d'une protection sociale antérieure à 1874, à faire supprimer des prestations familiales par les présidents de conseils généraux, à imposer à toute la jeunesse de France l'idée selon laquelle, avec le CPE, son avenir réside dans une succession de contrats de travail révocables du jour au lendemain. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

Bref, on fragilise, on montre du doigt, alors que l'on devrait conforter et valoriser.

Monsieur le Premier ministre, je veux bien admettre que, n'ayant jamais été vous-même confronté à ces difficultés que vivent nos concitoyens, car vous n'avez jamais été élu de ces territoires, vous ayez été mal conseillé. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Roland Courteau. Il a raison !

M. Alain Gournac. Vraiment, ça vole haut ! !

M. Thierry Repentin. Mais pourquoi vous a-t-on caché les conclusions du rapport commandé par votre Gouvernement et remis la semaine dernière, dont l'auteur affirme qu'il faut tourner le dos au contrat à durée déterminée, le CDD, et privilégier le contrat à durée indéterminée, le CDI, en tant que « forme normale d'embauche » des jeunes ?

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Thierry Repentin. Au vu du contenu de ce rapport, rédigé par une personne qui vous est proche et qui prend néanmoins le contre-pied de vos propositions, et au lendemain de décisions émanant de juridictions qui viennent, pour la première fois, de condamner des employeurs ayant fait un usage abusif du CNE, le contrat nouvelles embauches, créé voilà six mois, je vous conseille de prendre, monsieur le Premier ministre, le temps de la concertation, hors des murs de Matignon, avec les élus et les responsables associatifs qui, eux, vivent en première ligne la réalité de la vie quotidienne.

Aérez votre réflexion, (Rires sur les travées de l'UMP) ...

M. Alain Gournac. Lui, il ne manque pas d'air !

M. Thierry Repentin. ... rompez avec les certitudes de vos conseillers en macroéconomie, soyez volontaire et pragmatique dans l'adaptation des services publics aux spécificités des territoires, écoutez les élus qui, sans être sortis des grands corps prestigieux, déplorent, en se fondant sur leur expérience, le désengagement de l'État.

Monsieur le Premier ministre, quels moyens humains et financiers, absents de votre projet de loi, allez-vous mobiliser afin que chacun, dans notre pays, et notamment dans les territoires les plus fragilisés, ait la certitude qu'il existe effectivement une « égalité des chances » ?

M. le président. Monsieur Repentin, veuillez conclure !

M. Josselin de Rohan. C'est une homélie !

M. Thierry Repentin. Quand allez-vous enfin tirer les conclusions de la crise des banlieues ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Didier Boulaud. Excellente question !

M. le président. La parole est à M. le ministre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. David Assouline. Le paratonnerre du paratonnerre !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Repentin, vous connaissez suffisamment bien ces questions ...

M. Josselin de Rohan. Ce n'est pas sûr !

M. Alain Gournac. Non, ce n'est pas certain !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... pour savoir quelles étaient les demandes prioritaires de l'ensemble des élus concernant les quartiers en difficulté de notre belle République, relayées par le Conseil national des villes qui, je le rappelle, est composé d'élus de toutes sensibilités.

La première revendication était qu'il soit mis fin au scandale des villes pauvres qui, dépourvues de moyens financiers, assumaient néanmoins toutes les difficultés du pays.

C'est la raison pour laquelle le Sénat a voté il y a peu, à trois heures du matin, la réforme de la dotation de solidarité urbaine, en la fixant à 650 millions d'euros, à rapporter au fonds d'intervention pour la ville qui n'était doté que de 100 millions d'euros. Vous avez d'ailleurs, à titre personnel, voté cette réforme, monsieur Repentin.

M. Josselin de Rohan. C'est vrai ! Il l'a votée !

M. Thierry Repentin. Nous l'avons tous votée !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Tous les élus du Conseil national des villes ont souhaité que l'on sorte du débat sur la peinture des cages d'escalier pour mettre en place une restructuration en profondeur de nos quartiers.

Mme Nicole Bricq. C'est de la réimplantation !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. C'est la raison pour laquelle le Sénat a voté la création de l'Agence nationale de rénovation urbaine, dont le programme s'élève à 20 milliards d'euros.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Ce ne sont pas des mots, monsieur Assouline : 17 milliards d'euros ont déjà été engagés. Vous ne suivez pas ce qui se passe dans les quartiers ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. -Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Alain Gournac. Il n'y va jamais ! Lui, il veut faire la révolution !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Nous allons donc, aujourd'hui, dans cet hémicycle, débattre de ce très beau et très grand texte pour l'égalité des chances, (Huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, qui couvrent la voix du ministre.)...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. N'en rajoutez pas, tout de même !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... qui tend à mettre un terme à la discrimination, à doter la Haute Autorité de moyens d'intervention supplémentaires, à mettre en place des plates-formes de vocations, ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez fait un rêve, vous aussi !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... et à permettre effectivement à ces jeunes, pour qui existe, en dépit du mépris que vous affichez pour l'apprentissage, un autre avenir que la simple formation académique, de découvrir des métiers et d'entrer dans le monde du travail. (Vives protestations sur les mêmes travées.)

M. Jacques Mahéas. La prochaine fois, ce sera l'apprentissage à douze ans !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. C'est la raison pour laquelle, en deux ans, trois grands textes ont été adoptés : la loi de programmation pour la cohésion sociale, qui prévoit 15 milliards d'euros de crédits, le programme de rénovation urbaine - 20 milliards d'euros - et, cette année, ce grand projet de loi pour l'égalité des chances voulu par le Premier ministre ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est un conte de fée que vous nous racontez !

hausse de la fiscalité locale

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.

Notre assemblée est très attachée aux collectivités locales en général et votre majorité, monsieur le Premier ministre, a voté en août 2004 un texte de décentralisation extrêmement important, bénéficiant principalement aux départements et aux régions.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est seulement un transfert de charges aux collectivités locales !

M. Gérard Longuet. Nous avons assorti le vote de ce texte, en raison justement...

M. Jacques Mahéas. Des déficits !

M. Gérard Longuet. ...de notre attachement à l'autonomie et à la responsabilité des collectivités locales, de garanties constitutionnelles, en particulier dans le domaine majeur des ressources en cas de transfert,...

M. Jacques Mahéas. On en est loin !

M. Gérard Longuet. ...ce qui n'avait pas été fait à l'occasion de la première décentralisation de 1982.

Non seulement nous avons assorti ce texte de garanties constitutionnelles, mais nous avons aussi adopté un dispositif, notamment avec - et je salue son président, ici présent, Jean-Pierre Fourcade - la commission consultative de l'évaluation des charges, qui a vocation à examiner au jour le jour la réalité des transferts de charges.

Si cette commission avait la tentation d'oublier ses responsabilités, l'Assemblée nationale a désigné en 2005 une commission spéciale, d'ailleurs présidée par un député socialiste, M. Augustin Bonrepaux,...

M. Didier Boulaud. Pourquoi n'est-il pas encore ministre ?

M. Gérard Longuet. ...pour ce faire.

Monsieur le ministre, ma question s'adresse directement à vous puisque nous avons, collectivement, besoin d'un éclairage,...

M. Didier Boulaud. Vous avez surtout besoin de chèques qui ne soient pas en bois !

M. Gérard Longuet. ...la direction générale des collectivités locales, qui est sous votre autorité, ayant très récemment publié des chiffres qui laissent clairement apparaître que, en 2005, l'ensemble des collectivités régionales, institutions qui nous sont chères...

M. Alain Gournac. Désormais, elles sont chères aussi aux contribuables ! (Rires.)

M. Gérard Longuet. ... ont en moyenne augmenté leur fiscalité directe de plus de 20 % - de 22 % très précisément pour la taxe professionnelle, par exemple -...

Mme Nicole Bricq. Parlez en euros, c'est plus facile !

M. Gérard Longuet. ...alors que, justement, la commission Bonrepaux et la commission consultative d'évaluation des charges ont, l'une et l'autre, très clairement établi que la décentralisation du 13 août 2004 n'était en rien à l'origine d'une augmentation des charges nouvelles au détriment des collectivités régionales. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais combien de temps va-t-il parler ?

Mme Hélène Luc. La question !

M. Gérard Longuet. Au moment même où vous sortez ces chiffres, monsieur le ministre, ma question...

M. Didier Boulaud. Posez-la aux présidents de conseils généraux de droite, par exemple à M. de Raincourt !

M. le président. Monsieur Boulaud, veuillez ne pas interrompre l'orateur !

M. Robert Hue. La question !

M. Gérard Longuet. ...est la suivante : quelle est la part qui, raisonnablement, peut être attribuée aux transferts de charges quand on sait, par exemple, que la hausse de la fiscalité directe en deux ans a - excusez du peu - été de près de 52 % en Île-de-France, hausse d'ailleurs comparable à celle qu'a connue la région PACA, qui, elle, a été de l'ordre de 50 % ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. À cause de vous ! On assume !

M. Didier Boulaud. Qu'en pensent les présidents des conseils généraux de droite ?

M. Gérard Longuet. Même si, en Lorraine, nous avons été beaucoup plus raisonnables, les socialistes n'ayant augmenté la fiscalité directe que de 17 % en deux ans, ces hausses supérieures à 50 % enregistrées dans deux des grandes régions françaises m'amènent, monsieur le ministre, à vous demander quelle est la part qui relève de la décentralisation et quelle est celle qui relève de l'appétence socialiste pour l'augmentation des impôts ? (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.- Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur Longuet, vous m'interrogez ou, plutôt, vous me faites partager vos préoccupations (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) concernant l'évolution de la fiscalité locale et, plus particulièrement, celle de la fiscalité régionale.

Vous avez raison de souligner que cette dernière a subi une évolution très importante, puisqu'elle a augmenté de 21,5 % en 2005 et de 7,5 % cette année, soit un peu moins de 30 %.

Mme Nicole Bricq. Cela ne veut rien dire : parlez en euros !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Vous avez évoqué à cet égard, mais vos propos ont été quelque peu couverts par certains « murmures » accentués, la situation de deux collectivités régionales. Je tiens à confirmer les chiffres que vous avez avancés. En fait, vous avez même été optimiste dans votre analyse puisque, concernant la région Île-de-France -Roger Karoutchi ne me contredira pas - l'augmentation a été de près de 62 % en deux ans...

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ...alors que, pour la région PACA, elle a en effet été de 50 %.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Évidemment, puisque l'État ne finance plus rien !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Cela m'amène à formuler trois remarques.

Première remarque, on ne soulignera jamais assez que la commission consultative d'évaluation des charges, qui est composée d'élus de différentes sensibilités, a, à l'unanimité, souligné que l'État avait intégralement respecté ses engagements et assumé ses responsabilités. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Comme je n'ai pas observé que Jean-Pierre Fourcade, son président, était insensible aux marques de reconnaissance, je les lui renouvelle donc aujourd'hui. (Sourires.)

Deuxième remarque, depuis le mois de juin, à la demande du Premier ministre, nous avons renoué le dialogue avec l'ensemble des associations d'élus, qu'il s'agisse de l'association des maires de France, de l'association des départements de France et de l'association des régions de France.

Nous avons écouté et entendu un certain nombre de préoccupations portant, notamment, car je ne peux toutes les rappeler, sur la reconduction du contrat de croissance et de solidarité, dont l'enveloppe, en hausse de 2,49 %, a atteint 44 milliards d'euros. J'insiste sur le fait que ce chiffre n'avait jamais été atteint dans toute l'histoire.

M. Jacques Mahéas. Le nombre de RMIstes non plus !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Troisième remarque, si ce n'est pas de la responsabilité de l'État, c'est de celle des collectivités concernées. Il s'agit donc à l'évidence, monsieur Longuet, d'un choix politique.

M. Alain Gournac. Exactement !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Il suffit d'ailleurs pour s'en convaincre d'observer et de comparer : d'un côté, il y a en effet des collectivités régionales qui augmentent de 30%, 40%, 50% ou 60 % leur fiscalité et, de l'autre, il y en a une, l'Alsace, qui n'est ni plus riche ni moins pauvre, (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) ...

Mme Nicole Bricq. Mais bien sûr ! Démagogue !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ...où la fiscalité augmente de 2,5 % chaque année, soit 5 % sur deux ans. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jacques Mahéas. Vous oubliez la Corse !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. En conclusion, je ferai deux réflexions.

D'abord, comme l'a demandé le Premier ministre, au-delà des clivages partisans, il faut profiter de l'occasion qu'offre la conférence des finances publiques pour clarifier et mettre à plat les relations financières...

M. Yannick Bodin. Les finances sont déjà à plat !

M. Didier Boulaud. Mettre à plat, vous savez faire !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ...entre l'État et les collectivités territoriales.

Mme Nicole Bricq. Les finances, il n'y en a plus !

M. Didier Boulaud. Elles sont raplapla !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je pense que, sur toutes les travées de cet hémicycle, chacun sera d'accord pour le reconnaître.

Seconde réflexion, il existe un moment dans la vie d'un homme comme dans l'exercice d'un mandat où l'on doit rendre des comptes. Eh bien, les conseillers régionaux devront à un moment donné rendre des comptes, et il appartiendra alors aux citoyens-électeurs-contribuables de distinguer entre ceux qui ont choisi la facilité de l'impôt et ceux qui préfèrent protéger le contribuable ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

contrat première embauche

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, les étudiants sont aujourd'hui dans la rue. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Ils manifestent leur mécontentement au sujet du projet de loi pour l'égalité des chances que nous examinons depuis ce matin.

M. Didier Boulaud. Ils ont raison !

M. Charles Gautier. Ces jeunes, nous les soutenons, monsieur le Premier ministre, parce que l'avenir que vous leur proposez ne répond pas à leurs attentes et ne leur apporte aucun espoir.

La première action du gouvernement Raffarin ne fut-elle pas de démanteler les emplois-jeunes ? Ils avaient pourtant permis à beaucoup de découvrir un métier et d'y faire leurs premières armes.

M. Josselin de Rohan. Vous vous moquez de nous !

M. Charles Gautier. Quant aux stagiaires, qui vous sollicitent depuis plusieurs mois, vous restez sourd à leurs revendications. Comment peut-on tolérer qu'à des jeunes de tous niveaux ne soient proposés que des stages à répétition, souvent sans rémunération, sans statut, sans accès au droit du travail ?

M. Josselin de Rohan. Et vous, qu'avez-vous fait ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous serez jugés sur ce que vous faites, pas sur ce que d'autres auront pu faire, monsieur de Rohan !

M. Charles Gautier. Et maintenant, pour les rassurer, vous leur proposez le CPE ! Grâce à ce « contrat de précarisation et d'exploitation », un jeune pourra se voir licencier sans aucun motif, du jour au lendemain. Comment alors envisager une autonomie financière ? Les jeunes Français devront-ils rester chez leurs parents jusqu'à vingt-six ans ?

Mme Hélène Luc. C'est la grande question !

M. Charles Gautier. François Mitterrand disait (Exclamations sur les travées de l'UMP) que, « si la jeunesse n'a pas toujours raison, la société qui la méconnaît et qui la frappe a toujours tort ». (Applaudissements sur les travées socialistes.)

M. Alain Gournac. C'est la Tontonmania !

M. Charles Gautier. Comment est-il possible que les seules innovations que vous proposiez aux jeunes soient l'apprentissage à quatorze ans et le travail de nuit ?

M. Alain Gournac. Dans les mines !

M. Charles Gautier. C'est un véritable retour au xixe siècle !

M. Josselin de Rohan. Pourquoi pas au xviii!

M. Charles Gautier. En fait, vous tentez de masquer derrière les termes ronflants d'« égalité des chances » une politique de destruction des droits. Justice, travail, retraite, maladie, école : sans cesse et pour tout, vous inventez des dérogations aux droits existants. Vous ne parviendrez par cette méthode qu'à multiplier les situations d'exclusion.

M. le président. Monsieur Gautier, il vous faut conclure.

M. Charles Gautier. Monsieur le Premier ministre, vous n'écoutez pas les jeunes : ils sont dans la rue et vous refusez de les recevoir. Vous n'écoutez pas les critiques : vous avez muselé le débat démocratique à l'Assemblée nationale.

M. Alain Gournac. Oh ! là ! là !

M. Charles Gautier. Vous n'écoutez même pas les conseils de vos propres amis. Le rapport Proglio a été enterré dès sa parution, car il avait le « culot » de considérer que le contrat d'embauche normale pour les jeunes devait être le CDI et non le CPE.

Quant accepterez-vous enfin de tendre la main à la jeunesse pour lui permettre un vrai démarrage dans la vie ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Gautier, je m'étonne que, lorsque vous avez parlé des étudiants, vous n'ayez pas eu un mot pour les jeunes des 750 quartiers qui connaissent des taux de chômage de 40 % ou de 50 %, (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)...

M. Guy Fischer. Il existe aussi des étudiants dans ces quartiers !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...pas un mot pour ceux qui ont été délaissés pendant des années et auxquels vous tentez d'opposer les jeunes étudiants, pour ceux - 150 000 par an - qui sortent du système éducatif sans diplôme, pour ceux - 60 000 - qui n'ont pas de qualification et qui, eux, vont connaître la voie de la « galère », la voie du chômage ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Parce que l'égalité des chances, c'est l'égalité pour tous les jeunes de France,...

Mme Hélène Luc. Justement !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...qu'ils soient à l'université, en grande école ou que, malheureusement, ils aient connu l'échec scolaire, notre ambition est que chacun d'eux retrouve une vraie chance.

C'est ce à quoi nous travaillons : une vraie chance, c'est-à-dire une formation en alternance réellement ouverte aux jeunes et qui assure la sécurité de l'emploi à plus de 80 %, une chance donnée au travers d'un contrat qui évite que 70 % des entrées dans le parcours professionnel se fassent sous CDD ou en intérim, qui évite aussi que jamais ces jeunes ne puissent accéder à un logement.

M. Charles Gautier. C'est faux !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous proposons un véritable parcours d'entrée pour ces jeunes, et nous aurons l'occasion de débattre de cette question dans toute sa dimension sociale, notamment à propos du nouveau dispositif locapasse. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, qui couvrent la voix du ministre.)

J'ai le souvenir de nos débats de l'été. Alors que 150 000 CDI font l'objet de recours chaque année, il est naturel que des CNE - et, demain, des CPE - en soient aussi frappés, car nous n'avons pas construit une zone de non-droit. Au contraire, nous n'avons cessé de dire que le code du travail s'appliquait et que les abus seraient sanctionnés.

Cette première décision du conseil des prud'hommes de Longjumeau est bien la preuve que nous avons donné une nouvelle chance à tous et préservé leurs droits ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) )

Mme Hélène Luc. Vous serez condamnés par les jeunes !

bilan du comité sécheresse

M. le président. La parole est à M. André Dulait.

M. André Dulait. Ma question, qui s'adresse à notre ancienne collègue Nelly Olin, aujourd'hui ministre de l'écologie et du développement durable, a trait à un problème que nous connaissons tous, celui des variations climatiques...

M. Didier Boulaud. Si encore les variations n'étaient que climatiques !

M. André Dulait. ... qui se succèdent au fil des mois et dont les conséquences sont néfastes à notre environnement, au développement de certaines activités économiques, ainsi qu'au bien-être de nos concitoyens.

Les faibles pluies de l'automne et de l'hiver derniers n'ont pas permis, à ce jour, une remontée suffisante du niveau des nappes phréatiques et l'on constate que le déficit en eau persiste dans l'Ouest alors qu'il s'étend dans le quart nord-est de notre pays.

La situation est donc fragile...

M. Didier Boulaud. Surtout pour vous !

M. André Dulait. ..., mais je sais qu'elle a d'ores et déjà retenu toute votre attention, madame la ministre, puisque, sans attendre, vous avez réuni, la semaine dernière, un comité sécheresse afin de prendre toutes les dispositions utiles pour prévenir, autant que faire se peut, des catastrophes semblables à celles que nous avons connues l'an passé.

Dès lors, pouvez-vous, madame la ministre, nous détailler les mesures que vous avez envisagé de prendre dans ce domaine ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, il est vrai que la situation est très préoccupante. En effet, nous constatons que 3 800 kilomètres de cours d'eau sont à sec et que les nappes phréatiques, à part celles du bassin méditerranéen, sont au plus bas. Par ailleurs, et pour la première fois, va se poser la question de la navigation fluviale sur certains cours d'eau si, d'ici au mois de mars, il ne pleut pas suffisamment.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut prier pour qu'il pleuve !

Mme Nelly Olin, ministre. Nous avons effectivement réuni les comités départementaux dès le 5 janvier dernier. Quant au comité sécheresse proprement dit, il a été invité à prendre des mesures très en amont pour remédier aux problèmes posés et qui s'ajoutent à ceux que nous connaissons depuis 2003.

Notre priorité reste, bien sûr, l'eau potable. A cet effet, j'ai demandé aux agences de l'eau de réserver un million d'euros pour pallier les difficultés et, surtout, pour entreprendre des travaux d'urgence.

Avec Dominique Bussereau, je m'apprête à écrire à tous les irrigants pour les alerter sur les problèmes existants. Cela étant, je souhaite saluer la profession agricole qui, sur le terrain, a diminué de 20 % les surfaces cultivées en maïs, ce qui montre une forte responsabilisation, depuis deux ans, des acteurs concernés.

Compte tenu de ces changements climatiques, j'ai tenu à présenter un plan de gestion de la rareté de l'eau, qui comporte trois volets.

D'abord, priorité doit être donnée, je le répète, à l'eau potable grâce, d'une part, à la mise en place de zones de sauvegarde pour que les collectivités puissent protéger efficacement les ressources et, d'autre part, à l'obligation d'installer des compteurs individuels dans l'habitat collectif neuf, ce qui n'existait pas auparavant.

Ensuite, il nous faut veiller à une gestion économe de l'eau à travers une campagne de communication et de sensibilisation de nos concitoyens extrêmement simple.

Enfin, nous devons promouvoir une valorisation de l'eau. Il est temps, en effet, d'y penser ou d'y repenser, tout comme il convient de favoriser la récupération des eaux pluviales, la réutilisation des eaux usées traitées, et, bien évidemment, en cas de nécessité, la désalinisation

Par conséquent, comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, toutes les dispositions ont été prises en amont pour que nous puissions traverser cette crise, mais il en va de la responsabilité de chacun et c'est tous ensemble que nous réussirons ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

6

manifestation de soutien à MME INGRID BETANCOURT

M. le président. La parole est à M. Roland du Luart.

M. Roland du Luart, président du groupe d'amitié France-Amérique du Sud. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance d'un quart d'heure afin de permettre aux sénatrices et aux sénateurs qui le souhaitent de se rendre devant les grilles du Sénat, à la hauteur de la station RER Luxembourg, pour procéder à l'affichage de la photo d'Ingrid Betancourt, enlevée en Colombie par les FARC voilà quatre ans aujourd'hui même.

Nous souhaitons, à cette occasion, associer l'ensemble des membres de la Haute Assemblée à ce geste solennel destiné à honorer Ingrid Betancourt et à montrer notre désir de maintenir une pression afin qu'elle soit enfin libérée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quinze minutes.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

NOMINATION DE MEMBRES D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives au tourisme.

La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.

Je n'ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : M. Jean-Paul Emorine, Mme Bariza Khiari, MM. Pierre Hérisson, Michel Bécot, Gérard Bailly, Thierry Repentin, Christian Gaudin.

Suppléants : Mme Michelle Demessine, M. François Fortassin, Mme Adeline Gousseau, MM. Dominique Mortemousque, Jackie Pierre, Paul Raoult, Charles Revet.

8

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité des chances
Demande d'une suspension de séance

égalité des chances

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence (nos 203, 210, 211, 212, 213, 214).

Demande d'une suspension de séance

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité des chances
Demande de vérification du quorum

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, il me paraît tout d'abord difficile de reprendre la séance alors que nos collègues sont encore en train d'exprimer leur soutien à Mme Ingrid Betancourt.

En outre, nous souhaitons proposer, à notre tour, une suspension de séance, pour permettre à la commission des affaires sociales de se réunir brièvement. Il nous semble que le déroulement de notre discussion rend nécessaire une telle réunion. Je souligne que nous demandons une suspension qui n'excèdera pas une demi-heure, le temps pour la commission de faire le point.

Je peux attendre que nos collègues soient de retour dans l'hémicycle pour m'expliquer, mais mon argument est le suivant : le délai limite pour le dépôt des amendements était fixé à aujourd'hui, seize heures. Il est prévu que nous commencions à les examiner au cours de la suspension de séance qui, sans doute, interviendra vers dix-neuf heures trente pour s'achever aux environs de vingt et une heures trente.

Comment pourrons-nous, si nous sommes présents ici, tout comme M. le rapporteur d'ailleurs, statuer valablement en commission sur des amendements que nous n'aurons même pas eu le temps de lire, puisque nous ne les découvrirons qu'en sortant de l'hémicycle ?

Il ne s'agit absolument pas pour nous de refuser de travailler, y compris pendant la suspension de séance. Nous voudrions, avec M. le président de la commission des affaires sociales, mettre au point une méthode qui nous permette de travailler dans les meilleures conditions, afin que ce texte soit examiné convenablement et que nous ayons le temps de lire les amendements qui sont proposés, ou, au moins, que nous sachions combien d'amendements il nous faut lire préalablement à la reprise de la séance de ce soir.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur Godefroy, je comprends votre problème, mais cette mécanique d'étude des amendements est la même pour tous les grands textes. Avec ce projet de loi, nous agissons pareillement, c'est-à-dire avec sérieux et en prenant notre temps.

Nous réunirons donc la commission pour la première fois ce soir, afin d'examiner les amendements extérieurs, puis demain matin à neuf heures trente ainsi que, si c'est nécessaire, dans le courant de la journée, voire samedi, si jamais une séance se tenait ce jour-là en raison des retards pris. Et, bien entendu, nous nous retrouverons de nouveau en commission lundi, comme prévu.

Nous ne bâclerons pas notre travail, nous étudierons ces amendements non au pas de charge, mais selon un rythme que nous avons déjà éprouvé. Si, ce soir, nous n'examinons que les amendements portant sur les articles 1er et 2 du projet de loi, nous verrons les suivants demain matin. Cette méthode est traditionnelle, et il n'y a là rien de nouveau, me semble-t-il.

Depuis que je suis président de la commission des affaires sociales, j'ai connu aussi des gouvernements de gauche, et nous avons travaillé dans les mêmes conditions sur des textes également très compliqués et qui arrivaient au Sénat dans des circonstances à peu près identiques.

M. Paul Raoult. Mais jamais après un 49-3 !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il y a eu pire ! Nous avons même connu des ministres qui ont refusé de venir s'exprimer devant la commission ! Si vous voulez des exemples, nous allons vous en donner !

M. Paul Raoult. Oui, mais ils sont surpassés aujourd'hui !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ces ministres ont retrouvé leur langue lorsqu'ils sont retournés devant l'Assemblée nationale, mais en attendant ils n'avaient pas témoigné d'un grand sens des explications, ou du moins n'avaient pas eu l'audace de venir devant nous !

Nous examinerons donc ce texte correctement, et je vous fais confiance pour contrôler le travail qui sera réalisé par la commission ce soir et demain.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Je souhaite compléter les propos de mon ami Jean-Pierre Godefroy, car je conteste l'argumentation de M. le président de la commission.

D'ordinaire - puisque l'on invoque ce qui se fait traditionnellement -, les membres de la commission ont toujours connaissance, grâce au site du Sénat, de la liasse des amendements extérieurs. Nous en disposons, nous les lisons et nous travaillons aussi nos argumentations en fonction de ce qui émerge des groupes politiques, qui nous aident à formuler une démarche et à préciser certaines dispositions. J'imagine que tous, ici, nous travaillons de cette façon. Il est donc tout à fait inconcevable que nous poursuivions la séance alors que les amendements ont été déposés à seize heures !

Monsieur About, nous ne nous sommes pas quittés cet après-midi. Peut-être êtes-vous très fort et connaissiez-vous dès seize heures une tous les amendements déposés, mais tel n'est pas mon cas. Il serait normal, me semble-t-il, que nous ayons au moins le temps d'en prendre connaissance.

En effet, nous agissons toujours ainsi, nous examinons toujours les amendements avant la séance. Je demande donc que notre assemblée et son président soient raisonnables et acceptent cette très légitime demande de suspension.

M. le président. Je rappelle que le délai limite de dépôt des amendements a été retardé à la demande de certains groupes du Sénat.

M. Roland Muzeau. Et pour cause !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En effet, monsieur le président, Roland Muzeau est un expert : il sait que tous les amendements étaient déposés largement avant seize heures, à l'exception d'un seul paquet, celui du groupe CRC. Or, ce sont les seuls amendements que M. Muzeau connaisse parfaitement ! Manifestement, il a pu non seulement prendre connaissance des amendements déposés avant seize heures, mais aussi des autres, car nous pouvons supposer qu'il connaît parfaitement les amendements du groupe CRC.

M. Roland Muzeau. Non, nous les connaissons mal ! Nous formons un petit groupe !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si M. le président de séance en est d'accord, je vous fais une proposition : puisque vous connaissez mal ces amendements et que vous n'êtes pas prêts pour l'examen en commission prévu à dix-neuf heures trente, nous ne nous réunirons qu'à vingt heures, ce qui vous accordera la demi-heure que vous réclamez maintenant !

Cela nous permettra donc de travailler pendant l'heure du repas.

M. Roland Muzeau. Les obstructions commencent !

M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Mais non !

M. le président. La commission ayant été consultée, nous pourrions reprendre la discussion générale.

La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Je pense qu'il nous faut travailler dans la transparence et la clarté. C'est pourquoi, monsieur le président, je vous demande de bien vouloir mettre aux voix cette demande de suspension.

Je souhaite que la Haute Assemblée puisse s'exprimer.

M. le président. Je vais donc consulter l'assemblée sur la demande de suspension de séance.

Demande de vérification du quorum

Demande d'une suspension de séance
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité des chances
Vérification du quorum

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, conformément à l'article 51 du règlement du Sénat, nous souhaitons que soit effectuée par le bureau la vérification du quorum.

M. le président. En application de l'article 51 du règlement, je suis saisi d'une demande écrite, présentée par M. Jean-Pierre Bel, tendant à faire vérifier le quorum par le bureau du Sénat.

Je vous rappelle que, aux termes de l'alinéa 2 bis de l'article 51 du règlement du Sénat, « le bureau ne peut être appelé à faire la constatation du nombre des présents que sur la demande écrite de trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous l'avons !

Nous vous faisons porter immédiatement, monsieur le président, la liste des quarante-six sénateurs qui ont signé cette demande. (L'orateur fait remettre par un huissier à M. le président la liste des signataires de cette demande.)

M. le président. Je vais donc suspendre la séance quelques instants pour permettre la poursuite normale de la procédure. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Robert Hue. C'est incroyable !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, nous vous demandons d'appliquer le règlement !

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Il va donc être procédé à l'appel nominal des signataires.

Huissiers, veuillez effectuer cet appel.

(L'appel nominal a lieu.- Ont signé cette demande et répondu à l'appel de leur nom : MM. Jean-Pierre Bel, Roger Madec, Yannick Bodin, Serge Lagauche, Mme Nicole Bricq, M. Richard Yung, Mmes Patricia Schillinger, Gisèle Printz, MM. Jean-Pierre Sueur, Yves Dauge, André Lejeune, Mme Michèle San Vicente, MM. Jean-Pierre Godefroy, Roland Ries, Claude Domeizel, Mmes Marie-Christine Blandin, Maryse Bergé-Lavigne, M. David Assouline, Mme Dominique Voynet, MM. Didier Boulaud, Roland Courteau, Thierry Repentin, Mmes Michèle André, Bariza Khiari, MM. Jacques Siffre, François Marc, Jacques Mahéas, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Guy Fischer, Mme Hélène Luc, M. Roland Muzeau, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Évelyne Didier, Annie David, Catherine Tasca, MM. Louis Mermaz, Robert Hue, Bernard Vera, Mme Éliane Assassi, MM. Yves Coquelle, Jean-François Voguet, Michel Billout.)

M. le président. Mes chers collègues, la présence de trente signataires ayant été constatée, le bureau va se réunir, conformément à l'article 51 du règlement.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Vérification du quorum

Demande de vérification du quorum
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité des chances
Demande d'une suspension de séance

M. le président. Mes chers collègues, le bureau s'est réuni afin de vérifier si les conditions exigées par l'article 51 du règlement étaient réunies.

À la majorité, le bureau a déclaré que le Sénat était en nombre pour voter. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.- Applaudissements sur le banc des commissions.)

Mme Hélène Luc. Il n'y a pas de quorum ! Faites un appel nominatif !

Demande d'une suspension de séance (suite)

Vérification du quorum
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité des chances
Rappel au règlement (début)

M. le président. Il va être procédé au vote sur la demande de suspension de séance.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées, plusieurs sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC demandant la parole pour explication de vote.)

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert. (Vives protestations sur les mêmes travées, M. Jean-Pierre Bel demandant la parole pour un rappel au règlement.)

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos. (Nouvelles protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 87 :

Nombre de votants 210

(Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Roland Muzeau. Ce n'est pas vrai, ils sont vingt-cinq !

M. le président.

Nombre de suffrages exprimés 210
Majorité absolue des suffrages exprimés 106
Pour l'adoption 8
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Plusieurs sénateurs du groupe CRC et du groupe socialiste. Où sont les votants !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On est dans le virtuel !

Mme Hélène Luc. C'est une farce !

Rappels au règlement

M. le président. Dans la suite de la discussion générale... (Vives protestations sur les travées du CRC et du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Bel. Je souhaite faire un rappel au règlement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Moi aussi, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.

Demande d'une suspension de séance
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Rappel au règlement (suite)

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, mes chers collègues, nous vivons des moments extraordinaires, voire surréalistes !

M. Josselin de Rohan. Grâce à vous !

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, nous vous avons demandé, suivant une procédure prévue par notre règlement, de vérifier si le quorum était atteint dans notre assemblée. Cela signifie que vous devez vérifier que la moitié des sénateurs sont actuellement présents dans l'hémicycle.

M. Philippe Richert. Ce n'est pas le texte exact !

M. Josselin de Rohan. Ils doivent être présents dans l'enceinte du palais !

M. Jean-Pierre Bel. Je vous demande donc de me dire quel a été le contenu de votre réunion, ce que vous avez vérifié et le nombre de sénateurs que vous avez recensés au sein du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Monsieur Bel, durant sa réunion, qui fut relativement longue, le bureau a pris connaissance de la jurisprudence en ce domaine. Il s'est référé à la lettre du règlement, qui est extrêmement claire.

Mme Hélène Luc. Il faut changer le règlement ! Ce n'est pas démocratique, le quorum n'y est pas !

M. le président. Permettez-moi de vous citer le passage concerné : « Le vote est valable (...) si (...) le Bureau (...) a déclaré que le Sénat était en nombre pour voter. » (Rires et exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Le bureau s'est réuni. Il a pris sa décision.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (début)
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Rappel au règlement (suite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je voudrais, monsieur le président, qu'il soit inscrit dans les comptes rendus des débats que nous n'avons pas participé au vote...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... parce qu'il s'est agi d'une véritable mascarade. Ce vote ne vous honore pas car force est de constater que le scrutin public vous a permis, alors que vous n'êtes que vingt-cinq, d'obtenir la quasi-unanimité.

Vous avez, vous-même, monsieur le président, ainsi que la majorité du bureau, une curieuse interprétation de ce point de notre règlement : «  La présence, dans l'enceinte du Palais, de la majorité absolue du nombre des membres composant le Sénat est nécessaire pour la validité des votes, sauf en matière de fixation de l'ordre du jour. »

Pour ma part, je m'en tiens au texte : les interprétations jurisprudentielles n'ont pas de valeur. Or, nous sommes en présence d'une interprétation du bureau au sein duquel, je dois le dire, le quorum n'était d'ailleurs pas atteint !

J'ajoute que ce n'est pas la première fois que cela se produit. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à plusieurs reprises que cet article soit modifié en vue de bien clarifier les choses et de vous obliger à vérifier de facto, la présence de la majorité des sénateurs dans l'enceinte du Palais.

Je veux donc élever une très vive protestation contre cette façon de procéder. Nous usons de procédures comme nous en avons le droit. Le fait que la majorité ne soit pas présente en plus grand nombre pour soutenir le projet du Gouvernement n'est quand même pas de bon augure et nous pouvons donc nous en plaindre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (suite)
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Discussion générale (début)

M. Claude Domeizel. Mon rappel au règlement porte sur la vérification du quorum. En effet, pour avoir participé à plusieurs réunions du bureau concernant cette question, je vous confirme qu'il faut constater la présence des sénateurs dans le Palais, étant précisé que le bâtiment situé au 26 de la rue de Vaugirard n'est pas considéré comme en faisant partie.

Il est normal qu'il faille constater cette présence des sénateurs dans le Palais et non pas dans l'hémicycle. En effet, des commissions pouvant siéger durant la séance, il est tout à fait logique, lors de la vérification du quorum, de comptabiliser les sénateurs qui y travaillent.

M. Paul Raoult. Très bien !

M. Claude Domeizel. Or, si je prends le feuilleton du jour, je constate que, à cette heure, aucune commission n'est réunie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

M. Claude Domeizel. Autrement dit, aujourd'hui, tous les sénateurs présents se trouvent dans l'hémicycle et si nous les comptons, on peut dire, monsieur le président, que le bureau a abusivement déclaré que le quorum était atteint ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. D'abord, je ne peux, monsieur Domeizel, que vous donner acte de votre intervention.

Ensuite, je rappelle que vous aviez tenu des propos identiques lors d'une précédente réunion du bureau, alors que vous en étiez membre, et que la décision retenue avait été en tout point conforme à celle qui a été prise aujourd'hui.

La séance peut donc se poursuivre.

Discussion générale (suite)

Rappel au règlement (suite)
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Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, où l'on scande : le quorum, le quorum.)

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je n'aurais pas imaginé pas que l'on puisse déployer tant d'énergie pour m'empêcher de parler !

Mme Éliane Assassi. Prétentieux !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, qu'y a t-il aujourd'hui de plus important,...

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC. Le quorum !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis.... de plus urgent pour notre pays que de rendre confiance en la France, en ses valeurs, en sa capacité à intégrer celles et ceux, venus d'ailleurs mais aussi nés en France de parents étrangers ou français, qui, pour une raison ou une autre, se sentent en marge de notre société ?

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC. Le quorum !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Le texte que vous nous proposez s'intitule « Égalité des chances ». Ce titre est bien choisi, car c'est bien de cela dont il s'agit. (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Oui ou non, notre société est-elle capable d'offrir aux jeunes les mêmes chances de réussir...

MM. Roland Muzeau et Didier Boulaud. Non !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. ...et de se réaliser par le travail, quelles que soient leur couleur de peau, leur religion, leur origine ethnique, que sais-je encore ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Leur taille, leur poids : on pourrait continuer longtemps !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Il est bien évident qu'il n'y a pas deux individus semblables, fussent-ils jumeaux. Il serait donc absurde de penser que tout le monde a les mêmes capacités, les mêmes talents. (Brouhaha sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mettre en oeuvre une véritable « égalité des chances », ce n'est donc pas tendre vers l'égalitarisme, qui est un nivellement par le bas. Ce n'est pas, non plus, réserver des places à telle ou telle catégorie, ce n'est pas pratiquer la discrimination positive, qui peut être considérée comme une forme d'inégalité des chances pour ceux qui n'en bénéficient pas.

Mme Éliane Assassi. Vous êtes rapporteur, monsieur Dallier !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Mettre en oeuvre l'égalité des chances tient en deux points essentiels : d'abord, compenser les inégalités sociales qui font que deux individus ayant les mêmes capacités, les mêmes talents, n'ont pas les mêmes chances de réussir ; ensuite, faire en sorte que personne ne soit empêché d'avoir accès à un emploi, à un logement, à un quelconque droit, du fait de ce qu'il est.

Si nous ne réussissons pas dans cette ardente obligation, c'est plus que la cohésion sociale qui est en cause, c'est la cohésion de la nation.

Si nous ne réussissons pas, c'est le repli communautaire qui guette notre société ; c'est, à coup sûr, la fin de ce qui est peut-être une spécificité française, à savoir un modèle de société qui fait leur place aux différences de culture et de religion relevant de la sphère privée de chaque individu, et qui met d'abord en avant ce qui nous rassemble et qui nous unit autour de valeurs partagées : la liberté, l'égalité et la fraternité, auxquelles j'ajouterais la laïcité.

Voilà pourquoi il y a urgence, mes chers collègues, et pourquoi nous devons essayer de comprendre les causes des émeutes urbaines de l'automne dernier, même si elles sont inexcusables dans leurs conséquences car on ne peut admettre, quelles qu'en soient les raisons, que l'on s'attaque à des bâtiments publics, aux voitures de ses voisins, aux pompiers, aux forces de l'ordre.

Pourquoi de telles émeutes sont-elles survenues ? Certains veulent croire, peut-être pour se rassurer, que tout cela n'était qu'actes de voyous ayant trouvé une « excuse », si je puis dire, dans la mort de deux adolescents de Clichy-sous-Bois se réfugiant dans un transformateur électrique par peur de la police ; il ne suffirait donc, pour régler le problème, que de réprimer.

Certains répètent que, si la télévision n'avait pas montré les images de ces émeutes,...

M. Roland Muzeau. Et Sarkozy !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne détournez pas le problème !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis... tout cela se serait arrêté immédiatement, comme si la grande peur de 1789 avait eu besoin d'images télévisées, de téléphones portables ou de SMS pour se propager sur un terrain social au bord de l'explosion.

Qui peut encore sérieusement affirmer que tout irait pour le mieux, ou le moins mal possible pour les plus optimistes, dans nos quartiers difficiles ?

Qui ne voit la progression des extrémismes et intégrismes politiques ou religieux, dont les idées prospèrent sur les taux de chômage record dans nos zones urbaines sensibles ?

Qui ne voit les dégâts causés chez un jeune Français issu de l'immigration, lorsque, ayant réussi ses études, en travaillant bien souvent pour se les payer, il ne trouve pas d'emploi alors que tous ses camarades de promotion ont eu la chance d'en trouver un ?

Qui ne comprend que c'est en faisant émerger des fonctionnaires, des salariés, des cadres supérieurs, des entrepreneurs issus de l'immigration...

Mme Eliane Assassi. Ça n'existe pas !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. ... dans des proportions égales à leur poids numérique dans notre nation que nous démontrerons qu'il est possible, pour tous, de réussir en France ?

Le temps est révolu où les jeunes pouvaient être payés de mots. Il nous faut maintenant démontrer, non par des exemples que l'on exhibe - tel sportif, tel artiste ou tel chef d'entreprise, arbres qui cachent la forêt -...

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis... que l'égalité des chances est une réalité sous la République française dont les pères, au siècle des Lumières, avaient rêvé.

Faute de cela, la nation, plus que millénaire, que nous aimons pour ce qu'elle porte de valeurs fortes et nobles est vouée à disparaître au profit d'on ne sait trop quel agrégat d'intérêts particuliers.

Les émeutes de l'automne, personne ne les avait annoncées.

M. Roland Muzeau. Si, mais vous êtes sourds !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Pourtant, les signes avant-coureurs avaient été nombreux et le plus évident s'était produit sous les yeux de la France entière lorsque la Marseillaise avait été sifflée au stade de France lors d'un match de football. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Didier Boulaud. Parlez-nous plutôt du budget !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Cela va venir, mais souffrez un peu d'entendre parler de ce pays !

M. David Assouline. Pour souffrir, nous souffrons...

M. Roland Muzeau. Ce sont les Français qui souffrent !

M. Didier Boulaud. Quel score, le match ?

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. De nombreux Français avaient été profondément choqués, mais la classe politique avait plutôt minimisé l'événement ; rappelez-vous qui était au Gouvernement...

Mme Hélène Luc. Calmez-vous, monsieur Dallier !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes rapporteur de la commission des finances !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Nous aurions tous dû, à gauche comme à droite, nous poser la question et tenter d'y répondre : pourquoi ces jeunes Français sifflaient-ils l'hymne national ?

Nous avons préféré la politique de l'autruche, feignant de croire que tout cela était un geste de mauvaise humeur passagère, sans conséquence.

C'était une grave erreur et, pour ma part, je suis persuadé que tout cela n'a pas été étranger au résultat du scrutin du 21 avril 2002.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'êtes pas à un meeting !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Pourquoi des jeunes, nés en France et donc Français par le droit du sol, qui n'ont souvent que peu d'attaches avec le pays de leurs parents ou parfois même de leurs grands-parents pour ceux de la troisième génération, ne se sentent-ils pas français ?

Plusieurs sénateurs du groupe CRC et du groupe socialiste Le rapport !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. J'y viens. Pourrez-vous avoir la simple correction d'écouter celui qui parle ? Je ne pense pas que, dans ce que je viens de dire, beaucoup de points vous choquent ! Laissez-moi donc terminer mon propos et j'en viendrai dans quelques instants à mon rapport.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils n'ont pas une habitude démocratique suffisante !

Mme Hélène Luc. Dans cette assemblée, avec le quorum tel que vous le concevez, la démocratie est toute relative !

M. Yannick Bodin. On n'est pas là pour entendre des commentaires, nous voulons connaître le rapport !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Ici, ce ne sont pas des commentaires que nous faisons, monsieur, mais de la politique, au bon sens du terme !

M. Roland Muzeau. Et le programme de l'UMP sur la rupture sociale ?...

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Il faut que nous répondions à cette question autrement que par l'anathème, pour aider ces jeunes à sortir de la victimisation dans laquelle ils se complaisent parfois et qui ne mène à rien de constructif pour leur avenir quand elle ne sert pas d'alibi pour tenter de justifier l'injustifiable.

M. Guy Fischer. C'est le programme de l'UMP pour la France d'après ?...

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Je suis peut-être, avec ce préambule un peu long,...

Plusieurs sénateurs du groupe CRC et du groupe socialiste. Ah oui !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis... sorti de mon rôle de rapporteur pour avis de la commission des finances, mais je tenais, mes chers collègues, à vous faire part des réflexions d'un élu de la Seine-Saint-Denis, qui a grandi dans l'un de ces quartiers difficiles et qui vit dans ce département, ô combien emblématique de ces difficultés.

Oui, mes chers collègues, il y a urgence et notre devoir de parlementaire est bien d'apporter les bonnes réponses, qui sont nécessairement multiples face à un problème aussi complexe.

Les 38 articles du projet de loi issu du vote de l'Assemblée nationale...

M. David Assouline. L'Assemblée nationale n'a rien voté !

M. Didier Boulaud. Ils en dont discuté trois !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. ...ne résoudront pas, à eux seuls, toutes les difficultés, mais ils viennent très utilement compléter tous les dispositifs mis en oeuvre depuis bientôt quatre ans au travers, notamment, de la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine et du plan de cohésion sociale.

Depuis 2002, jamais autant d'argent public n'avait été réuni pour tenter de remédier en profondeur et dans la durée aux problèmes des quartiers les plus en difficulté.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Jamais autant d'argent n'avait été consacré aux entreprises !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Nous savons bien qu'il faut du temps pour que les résultats soient visibles, mais les choses bougent.

M. Didier Boulaud. Ce sont les sondages qui bougent !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Les uns après les autres, les projets sont validés par l'Agence nationale de rénovation urbaine et les quartiers se transforment, à la satisfaction des maires de toutes tendances politiques, de droite comme de gauche, et des habitants.

Avec le plan de cohésion sociale, sont à la fois concernés la formation, l'apprentissage, l'emploi, l'accès au logement, mais aussi l'égalité des chances, qui était déjà traitée avec notamment la création des équipes et des internats de réussite éducative, la mise en place de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, et de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE.

Avec ces 38 articles, ce projet de loi vient compléter les dispositifs existants.

La commission des finances s'est saisie pour avis (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) des seuls articles, treize au total, ayant une portée fiscale ou budgétaire directe. Cela recouvre trois types de dispositions : les dispositions relatives à l'apprentissage, les dispositions relatives aux dépenses fiscales, y compris les exonérations de charges sociales en faveur des nouvelles zones franches urbaines, enfin, les dispositions relatives à la création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ANCSEC.

Sur les mesures en faveur de l'apprentissage, la commission des finances approuve les dispositions fiscales proposées afin de mobiliser davantage les entreprises sur les nouveaux dispositifs, en portant de 1 600 euros à 2 200 euros le crédit d'impôt pour la nouvelle catégorie d'apprentis dénommée « apprenti junior », de même qu'elle approuve l'instauration d'un crédit d'impôt de 100 euros par semaine et par « apprenti junior initial » dans l'entreprise.

Ces incitations financières, estimées en année de démarrage à 26 millions d'euros, sont les bienvenues, car il ne sera peut-être pas facile de trouver des entreprises qui accepteront de jouer le jeu de ce nouveau type d'apprentissage, lequel imposera des contraintes particulières dues à l'âge des apprentis.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'avez pas encore discuté avec les organisations patronales ?

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. En revanche, monsieur le ministre, nous trouvons plutôt contestable la suppression de toute durée minimale de présence de l'apprenti dans l'entreprise pour bénéficier du crédit d'impôt ; c'est pourquoi nous vous proposerons, par amendement, de rétablir la durée minimale de un mois.

A l'article 4 bis, constatant que, dans notre pays, les entreprises de plus de 250 salariés recrutent peu d'apprentis, vous nous proposez de les y inciter en portant de 0,5 % à 0,6 % de la masse salariale brute le taux de la taxe d'apprentissage dont elles sont redevables pour celles qui n'atteindraient pas le seuil de 1 % de jeunes sous contrat de professionnalisation ou en apprentissage. Le seuil passerait à 2 % en 2007 puis à 3 % en 2008 ; nous y sommes favorables.

À l'article 6, vous nous proposez la création de quinze nouvelles ZFU et, dans l'exposé des motifs, l'extension, par voie réglementaire, du périmètre de certaines des ZFU existantes.

Si nous approuvons bien évidemment le principe de l'extension du dispositif des ZFU, qui a montré toute son utilité, la première génération de 1996 comptant quarante-quatre zones et la deuxième, de 2003, en comptant quarante et une, nous ne pouvons que regretter de ne pas être, au moment du vote de cette loi, en possession de la liste des sites concernés par cette troisième génération.(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Roland Muzeau. C'est plus qu'un regret, c'est inacceptable !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Nous sommes bien conscients de l'urgence de la situation et de la nécessité d'obtenir de Bruxelles l'autorisation de création de ces nouvelles zones franches auxquelles s'appliqueront des règles d'exonérations fiscales et sociales particulières. Pour autant - et la remarque avait été faite en 2003 -, il aurait été préférable d'obtenir cette autorisation communautaire préalablement au vote de la loi, sauf à prendre le risque, comme c'est de nouveau le cas, de devoir revenir sur le dispositif dans quelques mois, en cas de désaccord.

M. Didier Boulaud. Comme pour la TVA sur la restauration !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. De plus, contrairement à ce qui s'était passé lors de la création des ZFU de première et de deuxième générations, la liste des sites concernés n'étant pas annexée au projet de loi, nous ne pouvons porter un jugement en toute connaissance de cause sur les estimations de coût que vous avez bien voulu nous faire parvenir, ce dont je vous remercie.

M. Didier Boulaud. Bravo, monsieur le rapporteur pour avis, votre rapport est très critique !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Ces exonérations fiscales et sociales se monteraient au total, selon les hypothèses retenues par vos services, à 36 millions d'euros la première année, pour atteindre 85 millions d'euros la cinquième année. Le nombre d'emplois supplémentaires estimé, toujours selon les hypothèses retenues, serait donc de 12 000, pour environ 1 300 entreprises créées dans ces nouvelles zones franches urbaines.

M. Roland Muzeau. Cela fait cher l'emploi !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Malgré l'effort consenti pour nous fournir ces chiffres, je le reconnais bien volontiers, nous ne sommes pas là tout à fait conformes ni à l'esprit ni à la lettre de la LOLF,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Didier Boulaud. Ah !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. ...ce que le rapporteur pour avis de la commission des finances ne peut bien évidemment que regretter.

Aux articles 7 et 9, nous nous félicitons de l'harmonisation des régimes d'exonérations fiscales et sociales pour les ZFU existantes, qui convergeront en cette matière pour être unifiées au 31 décembre 2007. Je vous proposerai, au nom de la commission des finances, quelques amendements qui iront également dans ce sens.

Notons que, par ces articles, les dispositions applicables aux anciennes ZFU sont prorogées jusqu'au 31 décembre 2011.

Pour les ZFU de troisième génération que nous allons créer, il convient de souligner plusieurs nouveautés importantes et très intéressantes.

En matière d'exonérations fiscales, il est prévu quatorze années de dégrèvement pour les exonérations de l'impôt sur les bénéfices : le dégrèvement est total les cinq premières années ; 40 % des bénéfices sont imposables les cinq années suivantes ; puis 60 % les deux années suivantes ; enfin, 80 % les deux dernières années. (Mme Nicole Bricq s'exclame.)

Le plafond de l'impôt sur les bénéfices exonérés est également porté à 100 000 euros par période de douze mois au lieu de 61 000 euros, auxquels s'ajoutent maintenant 5 000 euros par salarié habitant dans ces zones urbaines sensibles.

M. Paul Raoult. Et le déficit ?

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Pour ces articles 7 et 9, la commission des finances souhaite, sur ces deux points particuliers, attirer l'attention du Gouvernement et proposer des modifications par voie d'amendement.

Le premier point concerne les conditions d'éligibilité des entreprises aux exonérations fiscales et sociales. En effet, pour les ZFU de troisième génération, il est prévu de prendre en compte le seuil de 250 salariés au lieu du seuil de 50 salariés pour les zones franches précédentes.

Le risque est grand, selon nous, que Bruxelles ne nous y autorise pas. Au-delà de cet argument décisif, cela change aussi, à mon sens, la philosophie jusque-là appliquée aux ZFU de sauvegarde et de développement du commerce, de l'artisanat et des PME-PMI.

En passant à 250 salariés, nous ne sommes plus tout à fait dans le même registre ; c'est pourquoi nous vous proposerons de revenir au seuil de 50 salariés.

Le deuxième point qu'il nous semble opportun de relever concerne l'application de la règle communautaire dite « de minimis » qui stipule que, sauf dérogation, les exonérations fiscales et sociales de toutes natures dont peuvent bénéficier les entreprises, sauf dans certains secteurs d'activité où elles sont interdites, ne peuvent dépasser 100 000 euros par période triennale.

Or, lors de la création des ZFU de première génération, cette règle n'était pas instaurée par Bruxelles ; elle ne le fut que pour les zones franches de deuxième génération, et uniquement pour les entreprises déjà installées au moment de la création de ces zones, les entreprises s'installant nouvellement dans la zone étant exonérées, ce qui, au passage, était quelque peu étonnant.

Mme Éliane Assassi. C'est quoi la question ? (Sourires.)

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Pour les ZFU de troisième génération, il est précisé dans le texte que la règle de minimis s'appliquera pour les exonérations sociales, alors que rien n'est indiqué pour les autres exonérations.

Nous voyons bien qu'il s'agit d'une difficulté de rédaction, et la commission des finances vous proposera, dans un esprit de simplification, de supprimer toute mention relative à l'application de la règle de minimis, partant du principe qu'elle s'applique de droit comme règle communautaire sans qu'il soit besoin de la reporter dans notre législation, sauf indication contraire.

Enfin, messieurs les ministres, nous vous proposerons un amendement d'appel visant à attirer votre attention sur les difficultés qu'ont rencontrées certaines entreprises à l'occasion de contrôles par les services fiscaux ou les URSSAF, en cas d'interprétations divergentes des textes par deux administrations différentes.

Sur l'article 8, qui prévoit d'instituer un système de soutien aux entreprises d'une certaine taille investissant dans le capital des sociétés qui exercent ou créent des activités dans les zones franches urbaines, disposition qui est la bienvenue pour aider ces entreprises à trouver des capitaux et à laquelle nous ne pouvons être que favorables, la commission des finances vous proposera, par coordination, de ramener à 50 salariés l'effectif maximal des entreprises pouvant recevoir ces versements.

À l'article 15, la commission des finances n'est pas favorable à la suppression de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, la TACA, pour les surfaces commerciales implantées dans les nouvelles ZFU qui y sont soumises en application des règles existantes, d'autant que des dispositifs d'atténuation existent déjà. C'est pourquoi elle proposera la suppression de cet article.

Enfin, à l'article 16, la création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ANCSEC, semble une très bonne chose à la commission des finances.

M. Didier Boulaud. On va être obligés de voter votre rapport !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Cette agence aura pour but de travailler en partenariat avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, dans les quartiers visés par la politique de la ville, mais aussi en dehors de ces quartiers, ce qui est d'ailleurs parfois aussi le cas de l'ANRU par dérogation.

L'ANCSEC exercera également des missions sur l'ensemble du territoire national, notamment en matière d'intégration des populations immigrées ou issues de l'immigration, dévolues jusque-là au fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD, des missions de prévention des discriminations et de lutte contre l'illettrisme, missions pour lesquelles on peut cependant s'interroger quant au maintien de l'existence d'autres structures travaillant sur le même sujet, particulièrement l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, l'ANLCI.

On peut préciser que, selon les termes mêmes du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, l'ANCSEC fédérera les moyens actuellement consacrés aux politiques de la ville, via notamment le fonds d'intervention pour la ville, ou FIV, et les fonds structurels européens, et aux politiques d'intégration, via le FASILD, à l'exception de ceux qui sont consacrés aux primo-arrivants, qui iront à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM.

On peut relever également que la répartition des compétences entre l'ANAEM et l'ANCSEC paraît plutôt satisfaisante, l'ANAEM traitant la problématique au point d'entrée sur le territoire, l'ANCSEC s'occupant ensuite des populations déjà installées sur notre territoire.

Une question se pose cependant s'agissant des moyens consacrés à la politique de la ville, et concernant le nouveau périmètre de la délégation interministérielle à la ville, la DIV, dont une partie des personnels paraît être appelée à être transférée à la nouvelle agence, sans que nous disposions de précisions. Nous aimerions donc avoir des renseignements à cet égard.

M. Guy Fischer. On nous a dit que ce n'était pas vrai !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Une question se pose enfin quant au rattachement de la nouvelle agence à une ou plusieurs missions au sens de la LOLF. Nous préconisons que ce rattachement soit fait à la mission « Ville et logement » et les crédits correspondants inscrits au programme 147 « Équité territoriale et soutien ».

Voilà, monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les remarques, les observations et les appréciations personnelles, n'en déplaise à certains, que je voulais formuler en préambule à nos débats, en redisant en conclusion combien il est vital pour notre pays que nous réussissions sur ce thème de l'égalité des chances.

La commission des finances a émis un avis favorable sur le texte, sous réserve des amendements qu'elle vous présentera. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Didier Boulaud. Le rapport était très intéressant ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'article Ier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, aujourd'hui intégrée à notre Constitution, dispose que « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. »

Et pourtant, dans une enquête conduite en 2004 par l'Observatoire des discriminations, sous la direction du professeur Amadieu, enquête fondée sur des réponses à des offres d'emploi, il apparaissait que le candidat handicapé recevait quinze fois moins de réponses positives que le candidat de référence, c'est-à-dire un homme aux nom et prénom français, résidant à Paris, blanc de peau, d'apparence standard - « normal quoi », aurait dit Coluche -, le candidat d'origine marocaine cinq fois moins, le candidat âgé de cinquante ans, quatre fois moins. Mes chers collègues, notre reconversion se présente assez mal !

Une enquête de même nature, réalisée en 2005, montrait qu'une femme maghrébine résidant à Trappes recevait, en dépit d'un bien meilleur curriculum vitæ, trois fois moins de propositions d'entretien d'embauche que le candidat de référence, alors qu'elle aurait dû, en toute logique, en recevoir bien davantage.

« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Et pourtant, une étude sur l'insertion professionnelle des apprentis issus de l'immigration, réalisée en juin 2005 par Nora Barsali, nous apprend que l'immense majorité de nos jeunes concitoyens de couleur ayant fait le choix de l'apprentissage en sont exclus sans même avoir pu faire leurs preuves, faute de trouver une entreprise qui les accueille.

M. Guy Fischer. Voilà la réalité !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Et pourtant, le rapport remis en juin 2005 par Roger Fauroux au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, Jean-Louis Borloo, commence par ces mots : « L'intégration des minorités visibles, c'est surtout jusqu'ici un arsenal législatif et réglementaire impressionnant, une série de rapports excellents, enfin un empilement d'institutions auquel les gouvernements successifs ont apporté chacun une strate, le tout, au bout du compte, pour un résultat d'une affligeante médiocrité. La discrimination vis-à-vis des Maghrébins ou des noirs, pour les appeler par leur nom, est, dans le domaine de l'emploi, largement et impunément pratiquée ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Comment ne pas s'indigner devant le gigantesque gâchis que cela représente, gâchis individuel avec cette exclusion qui pèse sur tant de jeunes Français issus de la diversité, gâchis collectif avec des explosions sociales comme celles que nous avons connues à la fin de l'année dernière et, surtout, la mise en jachère de tant de talents qui ne demandaient qu'à participer à la création de richesses et à la prospérité de notre pays.

Comme l'écrit Georges Charpak, « si un pays de soixante millions d'habitants ne recrute ses ingénieurs que dans des milieux qui représentent 10 % de la population, c'est comme si on réduisait ce peuple à six millions d'habitants ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. -M. Guy Fischer applaudit également.)

Je crains que la France ne sélectionne ses élites comme si elle était un petit pays. Et pour ceux qui s'imagineraient que le temps, l'évolution naturelle de la société, la foi républicaine dans l'ascenseur social nous mènent en douceur vers la fin des inégalités, je m'autorise un dernier pourcentage : la proportion des élèves d'origine modeste dans nos quatre plus grandes écoles - Polytechnique, ENA, HEC et Normale Sup - est passée de 29 % au début des années cinquante à moins de 10 % aujourd'hui.

M. Yannick Bodin. C'est exact !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Alors, face à un projet de loi sur l'égalité des chances, on se doit d'être particulièrement exigeant et créatif.

Mme Dominique Voynet. En quoi y répond-il ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. De la même façon que tout n'avait pas été fait pour lutter contre le chômage - et le Gouvernement a l'immense mérite d'ouvrir de nouvelles pistes et de nouveaux chantiers -, tout n'a pas été fait pour lutter contre les discriminations.

La majorité de la commission des lois, rejointe par la commission des affaires sociales et par son rapporteur, Alain Gournac, et, j'en suis convaincu, par de nombreux autres collègues, souhaite, à tout le moins, ouvrir grand un nouveau débat, celui de la définition d'outils statistiques,...

M. Alain Gournac, rapporteur. Eh oui !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. ...d'instruments de mesure permettant d'appréhender les discriminations d'origine ethnique, comme cela a été fait pour les discriminations à raison du sexe ou du handicap. Seuls des procédés comme le testing, que vous avez raison de conforter, permettent aujourd'hui d'apprécier l'étendue de tels phénomènes, mais de façon bien trop ponctuelle et partielle.

Que pouvais-je répondre, lors des auditions, à des interlocuteurs associatifs déplorant la totale impossibilité, faute de repères chiffrés, de savoir même s'il y a progrès ou recul de la diversité ?

M. Alain Gournac, rapporteur. On ne sait pas ! Il n'y a aucun indicateur !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Comme l'écrit Laurent Blivet, « officiellement la différence visible n'existe pas dans la société française ; malheureusement, les faits ne cessent pas d'exister parce que nous les ignorons ».

Le temps n'est-il pas venu de mettre fin à l'invisibilité statistique des minorités visibles, à la cécité que le modèle français d'intégration s'impose vis-à-vis de nos compatriotes de couleur, à l'omerta institutionnelle, pour reprendre les expressions chocs les plus répandues, ou, tout simplement, à la politique de l'autruche ? Comment voulez-vous mesurer des évolutions et des progrès en l'absence de toute référence ?

M. Alain Gournac, rapporteur. C'est impossible !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Comment s'étonner que le système judiciaire soit totalement démuni pour décourager et punir les discriminations au point de ne pouvoir recenser qu'un nombre dérisoire de condamnations ?

Comme l'indique encore Laurent Blivet, « en France, la lutte contre les discriminations a les mains propres, mais elle n'a pas de mains. »

Et puis, allons au fond des choses : de la même manière qu'il faut arrêter de parler des personnes issues de l'immigration (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Malheureusement, tout le monde n'est pas d'accord !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. ... - nos compatriotes venus d'Italie, de Pologne ou du Portugal sont en effet à mille lieux de ces problèmes - pour aborder résolument le cas de nos compatriotes noirs et maghrébins, il faut arrêter d'amalgamer l'élaboration d'un cadre de référence pour l'élaboration de statistiques relatives aux personnes susceptibles de subir des discriminations en raison de leur appartenance sociale ou ethnique via la mise en place de quotas.

Je reprendrai à mon compte l'exposé des motifs de la charte de la diversité dans l'entreprise, cosignée par Claude Bébéar et Yazid Sabeg, qui affirme ces deux règles, lesquelles ne sont en rien contradictoires : « L'origine ethnique ne sera jamais " le " critère pour obtenir un emploi. Notre action vise à lutter contre les discriminations, pas à en ajouter de nouvelles. », d'une part ; « nous devons trouver les moyens d'une évaluation fiable, pour mesurer l'efficacité des pratiques inclusives mises en oeuvre au titre de la charte. », d'autre part.

Dans le combat pour l'égalité réelle, la création par la loi toute récente du 30 décembre 2004 de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, marque un notable progrès. Je le note, bien que nous soyons nombreux dans cet hémicycle à regretter la prolifération d'autorités administratives indépendantes et à penser qu'il serait temps d'y mettre bon ordre.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Toujours est-il que le débat sur l'octroi, au Médiateur de la République par exemple, des compétences en matière de discrimination est derrière nous et que j'ai pu constater, lors de mes auditions, combien étaient grandes les attentes du mouvement associatif à l'égard de la HALDE, et combien il importait qu'elles ne soient pas déçues.

Au plus vite, cette haute autorité dont les moyens ne sont d'ores et déjà pas dérisoires doit devenir opérationnelle, établir les synergies indispensables entre les membres de son collège et ceux de son comité consultatif, réaliser les études nécessaires pour formuler dans les meilleurs délais les recommandations utiles afin de remédier à tout fait ou à toute pratique discriminatoire et d'en prévenir le renouvellement.

La commission des lois du Sénat approuve, mes chers collègues, le renforcement des pouvoirs de la HALDE dans son principe, mais elle ne peut accepter les modalités prévues par le projet de loi, ...

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. ... car ces modalités paraissent assimiler la Haute Autorité à une quasi-juridiction, ce qui constituerait, dès lors, un démembrement de l'autorité judiciaire et porterait atteinte à la séparation des pouvoirs.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Le dispositif proposé, qui met en quelque sorte en concurrence la HALDE, sous le contrôle du Conseil d'État, et le juge pénal ferait peut-être le bonheur des étudiants en droit en ouvrant de nouveaux cas de saisine au Tribunal des conflits. Cependant, il ne nous paraît pas répondre au souci de simplicité et d'efficacité que nous partageons les uns et les autres ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)

M. Roland Muzeau. La droite n'applaudit pas !

M. Alain Gournac, rapporteur. Non puisque c'est une de ses propositions !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Je vous proposerai, au nom de la commission des lois, de substituer à ce dispositif l'octroi à la HALDE d'un pouvoir de transaction pénale qui présenterait les mêmes avantages sans souffrir des mêmes inconvénients. Nous serons très attentifs à l'écoute que le Gouvernement nous accordera sur cette question.

Mais ne nous berçons pas d'illusions : l'avènement d'autorités de lutte contre les discriminations, aussi efficaces qu'elles puissent devenir, ne suffira pas au rétablissement de l'égalité des chances.

Pour approcher cet objectif aussi ambitieux qu'indispensable, il faudra de la pédagogie.

Dans des domaines comme la lutte contre le tabagisme ou les accidents de la route, les pouvoirs publics ont montré qu'il était possible de changer les comportements et d'obtenir de spectaculaires succès. Pourquoi en irait-il inéluctablement différemment en matière de discrimination ?

Il faudra également faire preuve d'un volontarisme de tous les instants et déployer une action positive qui, loin de mettre en cause l'indivisibilité de la République, s'affirme comme le moyen de la restaurer.

Aristote écrivait déjà que « la plus grande injustice est de traiter également des choses inégales ».

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Pour réduire les inégalités, il convient aussi de se débarrasser des arguments et des mentalités qui conduisent depuis trop longtemps à ne rien changer.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Sous le bénéfice de ces observations et d'un certain nombre amendements qu'elle a déposés et qui remettent en cause la suspension temporaire du versement des prestations familiales, ...

M. André Lejeune. C'est essentiel ! Bravo !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. ... ainsi que le titre IV relatif à la lutte contre les incivilités (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des dispositions du projet de loi pour l'égalité des chances dont elle s'est saisie. (Très bien ! et applaudissements.)

M. Michel Moreigne. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. Sur le fondement de quel article du règlement, mon cher collègue ?

M. Michel Moreigne. Sur l'article concernant le quorum.

M. le président. Mon cher collègue, l'affaire est traitée et définitivement réglée ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Bel. Même les anciens ne sont plus entendus !

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 103 minutes ;

Groupe socialiste, 67 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 26 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 15 minutes ;

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Messieurs les ministres, pour répondre au malaise social des banlieues révélé par les troubles que notre pays a connus, vous présentez, un projet de loi pour l'égalité des chances, que nous serions tentés de rebaptiser : « diverses dispositions d'ordre social ». (Mme Dominique Voynet s'exclame.)

En effet, ce texte donne une impression générale d'improvisation et d'incohérence. (M. André Lejeune applaudit.) Nous voici donc face à un projet de loi que certains ont baptisé « fourre-tout » et dans lequel, de surcroît, a été inséré à la dernière minute, sous forme d'amendement, le dispositif du contrat première embauche.

Qu'une telle mesure soit présentée à la représentation nationale sous la forme d'un amendement de dernière heure, sans aucune concertation préalable avec les partenaires sociaux, est tout simplement inadmissible ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

Les grandes centrales syndicales ont été placées devant le fait accompli et n'ont appris souvent cette réforme qu'une ou deux heures avant sa présentation à la presse.

Une telle pratique est contraire aux principes du dialogue social, qui seul garantit la loi dans sa durée. Nous ne pouvons que la dénoncer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Négligence des partenaires sociaux, mais aussi mépris du Parlement : ...

M. Guy Fischer. C'est évident !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. ... les modalités d'examen de ce projet de loi, nous venons de le voir, révèlent, après les ordonnances, le peu de cas que vous faites, messieurs les ministres, de la représentation nationale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Christian Cambon. C'est bien d'être applaudi par la gauche !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je dis ce que je pense, applaudissent ceux qui veulent ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Roland Muzeau. Les hommes libres, ça existe encore !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Exactement ! Je suis membre d'un parti libre !

Grâce au 49-3, vous avez évité les débats à l'Assemblée nationale sur des mesures aussi importantes que la réforme des zones franches urbaines, la création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, le contrat de responsabilité parentale, et j'en passe !

Cependant, l'utilisation de cette arme constitutionnelle a eu un autre effet collatéral : à la dernière minute, elle vous a permis d'avancer d'une semaine le débat prévu au Sénat. Comment voulez-vous que, dans ce contexte, l'examen du projet de loi se déroule dans les meilleures conditions qui soient ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Venons-en au CPE, qui cristallise toutes les passions parce qu'il touche à l'essentiel : le modèle social français, qui ne mérite d'ailleurs ni excès d'honneur ni excès d'indignité ! (M. Roland Muzeau applaudit.)

Le contrat de travail en est le coeur ; il traduit ou il trahit les principes d'égalité et d'équité sociale qui inspirent notre modèle.

M. Didier Boulaud. Très bien !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Le CPE, selon le groupe UC-UDF, pose trois graves questions que l'on retrouve dans tous les commentaires avisés.

Peut-on licencier sans en notifier la raison ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. La durée de consolidation doit-elle être aussi longue ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Pourquoi créer un contrat spécifique pour les jeunes ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a pas de réponse à cette question !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. S'agissant de la première question - peut-on licencier sans en notifier la raison ? -, on constate que les signataires du CPE seront exposés à une grande précarité. Sous prétexte de flexibilité, on assiste à une nouvelle atteinte au droit du travail.

M. Didier Boulaud. Très bien !

M. Guy Fischer. Parfaitement !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Durant les deux années de la période de consolidation, les signataires du CPE se verront privés de certaines protections de droit commun, l'une des plus fondamentales étant le droit de pouvoir se défendre.

M. Didier Boulaud. Très bien !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ce dernier est consubstantiel au pacte républicain et constitutionnel.

Or permettre à l'employeur de rompre un CPE sans apporter de justification revient à dénier aux salariés le droit de se défendre. Même Mme Thatcher, au Royaume-Uni, ne l'a pas fait ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) C'est tout simplement inadmissible et illégal !

M. Didier Boulaud. Quel réquisitoire !

M. Guy Fischer. On n'a plus rien à ajouter !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Une telle disposition est contraire à nos engagements internationaux, à la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail que la France a signée. Elle ne résistera pas, soyez-en convaincus, à l'épreuve de la jurisprudence !

M. Didier Boulaud. Très bien !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Deuxième question, la durée de consolidation doit-elle être aussi longue ? (Non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Quelle est en fait, messieurs les ministres, la véritable nature du CPE ? Ce contrat s'apparente-t-il à un CDD modulable sur deux ans ou à un CDI avec une période d'essai de deux ans ?

Mme Catherine Tasca. Ni à l'un ni à l'autre !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Interrogeons-nous.

Si c'est un CDD modulable, qu'on le dise ! Ce serait au moins honnête. Il peut après tout, dans le meilleur des cas, aboutir à un CDI.

Si c'est un CDI, une période de consolidation de deux ans apparaît bien trop longue à tous, notamment aux personnes issues du monde professionnel et aux spécialistes en ressources humaines.

M. Josselin de Rohan. Pourquoi ne le disent-ils pas, alors ?

MM. Didier Boulaud et Roland Muzeau. Mais ils le disent !

M. Guy Fischer. Il n'y a que la Bretagne pour ne pas les entendre !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. On vous apportera des témoignages, monsieur de Rohan !

Les contrats de travail à durée indéterminée comportent, en général, une période d'essai allant de deux mois à douze mois, selon les types de contrat et les catégories de salariés.

Le statut de la fonction publique territoriale, que beaucoup d'entre nous connaissent parfaitement, prévoit un stage de six mois et la titularisation après douze mois. Je proposerai, avec mon groupe, un amendement visant à réduire cette période d'essai à un an.

Enfin, dernière question, pourquoi créer un régime spécial pour les jeunes ?

Le dispositif du CPE semble procéder d'une analyse erronée de la nature du chômage des jeunes. Ce chômage résulte, pour beaucoup, d'une absence de rencontre entre l'offre et la demande de travail.

Les moins de vingt-six ans, y compris ceux d'entre eux qui ont suivi des études supérieures, n'ont souvent pas une formation en adéquation avec les besoins réels en termes de main-d'oeuvre.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. C'est donc au niveau de la formation que tout se joue, comme le révèle le très intéressant rapport de M. Proglio, paru le 15 février dernier.

Une fois de plus proposé à la hâte, le CPE ne s'inspire en rien des conclusions de ce rapport, ce qui est regrettable.

Mme Catherine Tasca. Ce rapport a été enterré !

M. Didier Boulaud. Autodafé !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. L'argument avancé pour justifier cette précarisation du salariat des jeunes est que le CPE créera de nouveaux emplois. Or rien n'est plus douteux. Déjà, le CNE, grand frère du CPE, semble démontrer le contraire. Et chacun sait que c'est avant tout la croissance qui crée l'emploi. (Exactement ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Tout le monde aura noté que la gauche est d'accord avec moi lorsque je dis que la croissance est essentielle à la création d'emplois !

M. Didier Boulaud. Mais on est d'accord !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Créons des entreprises donc !

M. Yannick Bodin. On a créé 2 millions d'emplois !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Selon une enquête récente, 70 % des embauches en CNE, voire plus, auraient été réalisées sans un tel dispositif : l'effet d'aubaine et l'effet de substitution paraissent jouer à plein !

Ce sont les mêmes effets qui toucheront de plein fouet les publics concernés par le CPE.

Résultat, ce sera une fois de plus aux faibles et aux plus fragiles de supporter le poids de la précarité. Lier la précarité à l'âge est difficilement acceptable. Telle n'est pas l'idée, en tout cas, que nous nous faisons du modèle social français.

M. Didier Boulaud. Très bien !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Néanmoins, le groupe UC-UDF n'est pas hostile, par principe, à une simplification de notre droit du travail. Mais à la souplesse pour les entreprises doivent être automatiquement associées des garanties pour les salariés !

C'est le principe de la « flexsécurité » danoise dont on prétend s'inspirer : sécurité pour les employeurs, mais aussi pour les employés. Tel est notre modèle social !

Le besoin de sécurité n'est pas un luxe, il vaut pour tout le monde.

M. Claude Domeizel. Absolument !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Connaissez-vous un cadre de haut niveau, un patron de grande entreprise ou un responsable de multinationale, surtout dans les pays les plus libéraux, qui accepterait d'être embauché sans sécurité, sans que soit prévu dans son contrat le « parachute doré », dont le montant atteint des millions d'euros ou de dollars ? (Eh oui ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)

Comment accepter la sécurité absolue pour les uns et l'insécurité absolue pour les autres ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Cela ne ressemble pas au modèle de société que nous voulons.

Telles sont les raisons de notre opposition au CPE. François Bayrou les a d'ailleurs parfaitement exprimées à l'Assemblée nationale lors de discussion de la motion de censure.

M. Michel Mercier. Très bien !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Voilà ce que vous auriez sans nul doute entendu de la part de la France, messieurs les ministres, si vous aviez respecté l'engagement pris et répété, en particulier par Jacques Chirac, de faire vivre la démocratie sociale, d'aider à la refondation sociale, de faire vivre la démocratie politique en respectant le Parlement. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) Vous auriez également pu respecter la loi Fillon que cette majorité a votée en 2004, qui imposait la consultation des partenaires sociaux avant toute décision.

Cette démarche s'appelle la démocratie sociale et parlementaire.

Pensez-vous que vous y auriez perdu ? Vous auriez peut-être perdu du temps, mais vous y auriez gagné le coeur des Français, notamment celui des jeunes. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. - M. Michel Mercier applaudit également.)

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Voilà pourquoi nous défendons une autre approche.

Arrêtons avec ces contrats multiples et variés ! On nous dit qu'il y en a vingt-trois, d'autres avancent le chiffre de trente-huit. Peu importe, c'est trop !

Voilà dix ans, Jean Boissonnat est parti de cette idée pour proposer un contrat d'activité réaménageant le droit du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et créant un statut du travailleur.

Nous croyons donc qu'il faut une nouvelle génération de contrat de travail unifiant et simplifiant le maquis intellectuel, un CDI à droits progressifs avec quatre éléments constitutifs : une période d'essai raisonnable et clairement limitée, une rupture du contrat soumise à une obligation de motivation, et donc susceptible de recours - les causes économiques étant reconnues comme une cause réelle et sérieuse par la chambre sociale de la Cour de cassation -, un droit à indemnité renforcé au fil du temps et un droit à formation pris en compte. C'est également ce que propose le rapport Camdessus, que tout le monde semble avoir oublié aujourd'hui.

Nous pensons que le travail d'élaboration de cette nouvelle génération de contrat doit se faire avec les partenaires sociaux, et même qu'un contrat de travail défini sans les partenaires sociaux n'a aucun sens.

Mais le CPE n'est pas l'unique mesure portée par ce projet de loi.

Pour conclure, je dirai donc quelques mots du contrat de responsabilité parentale, de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, et du service civil volontaire.

Nous ne pouvons pas accepter la philosophie sous-tendue par le contrat de responsabilité parentale. Face à la détresse de certaines familles, tout ce que le Gouvernement propose, c'est de sanctionner. (Eh oui ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. André Lejeune. C'est scandaleux !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Croyez-vous sincèrement, messieurs les ministres, que réduire ou supprimer les allocations familiales réglera les problèmes des familles concernées ? Ne pensez-vous pas, au contraire, que de telles mesures risquent de les stigmatiser et de les marginaliser un peu plus ?

M. Didier Boulaud. Absolument !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. En matière de responsabilité familiale, comme dans le domaine de l'emploi, le maître mot est, me semble-t-il, non pas « répression », mais bien plus certainement « accompagnement ». Notre pays compte un million d'enfants pauvres, ...

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. ... le plus souvent issus de familles monoparentales, ...

Mme Hélène Luc. Une sur deux en région parisienne !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. ... mais également de familles nombreuses. La vraie question est celle de l'accompagnement social de ces familles...

M. Paul Raoult. Très bien !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. ... et de la coordination d'acteurs locaux encore beaucoup trop dispersés, dépendant de directions différentes, qui ne se connaissent pas et qui ne se rencontrent pas.

M. Paul Raoult. Voilà !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. C'est de coordination sur le terrain dont nous avons le plus besoin.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. L'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances est une bonne idée, qui risque cependant d'être galvaudée si l'on n'y prend garde.

Rassembler les politiques de la ville, les organismes divers qui oeuvrent pour l'insertion est une excellente chose, mais il ne faut pas aboutir à une usine à gaz qui multiplierait les différents tuyaux sans simplifier le processus.

M. le président. Monsieur Vanlerenberghe, vous avez déjà utilisé plus de la moitié du temps de parole de votre groupe. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Ça valait le coup !

Mme Hélène Luc. On a encore le temps que l'Assemblée nationale n'a pas utilisé !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Enfin, le service civil volontaire pourrait être une mesure intéressante s'il était obligatoire. Comme 441 parlementaires, toutes tendances politiques confondues, je suis signataire de l'appel lancé par le magazine La Vie pour un service civil obligatoire. Or celui qui est prévu par le présent projet de loi risquerait de produire des effets inverses à ceux qui sont désirés.

L'intérêt d'un service civil est de parvenir à une définition des droits et des devoirs de tout citoyen en République. Si ce service n'est réservé qu'à une petite partie d'entre eux - ceux qui sont réputés en difficulté -, comment pourra-t-il atteindre son objectif citoyen de réaffirmation des valeurs collectives ?

Mme Nicole Bricq. Très bien !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Aussi défendrons-nous un amendement visant à rendre ce service civil obligatoire.

M. Didier Boulaud. Très bien !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Messieurs les ministres, vous l'aurez compris, notre vote sur ce texte dépendra du sort réservé à nos amendements, notamment à ceux qui portent sur le CPE. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Michel Moreigne. Je demande la parole pour un rappel au règlement sur le fondement de l'article 51 !

M. le président. Seul M. Bel a la parole ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. Et le rappel au règlement ?

M. le président. Je le répète, la parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a au moins un reproche que l'on ne pourra pas faire au Gouvernement, c'est celui de nous présenter un texte anodin, sans odeur ni saveur.

Ce projet de loi est gravé au fer rouge. Il porte la marque d'une politique qui ne cache ni son nom ni sa filiation, d'une politique clairement identifiée : c'est une politique de régression, qui utilise les peurs, les incertitudes, les angoisses de nos concitoyens. Et tout cela pour offrir comme seule perspective d'avenir la société du temps précaire, une société éclatée, fragmentée, une société dans laquelle la jeunesse semble condamnée à l'avance par les gestionnaires du présent.

Au moment où nous nous exprimons, les Français, dans leur majorité - c'est devenu une évidence -, ont compris le mauvais coup que le Gouvernement leur prépare. Cela a été très bien expliqué par M. Vanlerenberghe, membre du groupe de l'Union centriste-UDF.

Cette inquiétude, présente chez tous, est bien sûr particulièrement prégnante chez les jeunes.

Nous vivons un moment particulier où, contrairement à ce que nous avons nous-mêmes connu, les générations futures ont le sentiment qu'elles vivront moins bien que les générations précédentes.

D'ailleurs, les jeunes, aujourd'hui même, de la place d'Italie à la République, sont en train de se mobiliser, car ils perçoivent « intuitivement », dirai-je, l'injustice profonde qu'on leur prépare. Vous auriez tort, messieurs les ministres, de minimiser l'ampleur de ce mouvement, de parier sur l'indifférence, l'oubli ou l'impact des vacances. L'angoisse de ces jeunes dépasse le cadre du CPE.

Comment s'étonner des vives réactions qu'a suscitées votre annonce de l'apprentissage dès quatorze ans ? Comment concilier ce dernier avec le principe fondamental de l'école de la République de la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans ?

Comment ne pas entendre l'inquiétude de l'ensemble des associations de parents d'élèves et des enseignants des écoles des quartiers défavorisés face à votre « contrat de responsabilité parentale », qui ne fera qu'accroître le sentiment d'exclusion et de marginalisation alors que, précisément, les émeutes urbaines de l'automne ont été interprétées par tous comme un appel à une plus grande justice sociale par plus d'intégration et de sécurité sociale ?

Votre analyse est connotée politiquement, votre méthode est détestable et vos résultats sont plus que décevants.

Votre analyse est connotée politiquement, car elle repose sur l'idée qu'il faut tailler dans notre modèle social, introduire flexibilité et précarité pour donner des gages aux chefs d'entreprise, qui, d'ailleurs, ne vous en sont même pas reconnaissants.

Mme Gisèle Printz. Très bien !

M. Jean-Pierre Bel. Vous pensez que l'introduction de la flexibilité et de la précarité résoudra le chômage des jeunes. Vous vous trompez ! Les économistes le disent, la flexibilité n'est pas synonyme d'efficacité dans ce domaine. À vous entendre, le chômage serait la conséquence d'un code du travail trop rigide. C'est donc bien le contrat à durée indéterminée qui est dans votre ligne de mire.

Votre démarche relève d'une certaine vision de la société : mettre en place une société du travail précaire. Depuis votre arrivée au Gouvernement, vous vous êtes engagés dans une politique de remise en cause des acquis sociaux.

Sur le fond, votre projet de loi ne répond pas aux attentes exprimées au moment des émeutes des banlieues, à ceux qui ont des difficultés de formation. Au contraire, il apporte une série de réponses dangereuses pour la cohésion sociale.

Ce qui me frappe dans votre méthode de gouvernement, c'est votre volonté d'instrumentaliser les peurs : la peur de l'autre, la peur des jeunes, la peur des banlieues et, maintenant, la peur de l'avenir.

Pour nous, la responsabilité d'un gouvernement, ce n'est pas d'obscurcir l'avenir pour mieux déréguler à son aise, mais c'est plutôt de l'éclairer en donnant de réelles perspectives. C'est donc non pas inquiéter, mais rassurer. C'est non pas démanteler les protections, mais les adapter à la réalité économique et sociale.

Plutôt qu'une société de la précarité, nous voulons construire une société qui sécurise les parcours professionnels. C'est pourquoi nous faisons plusieurs propositions en direction des moins de vingt-six ans.

Le problème n'est pas de généraliser la précarité à tous les jeunes, il est de s'occuper en priorité des 150 000 jeunes qui sortent aujourd'hui de l'école sans qualification ou sans diplôme adapté.

Avec notre proposition de créer un « contrat individuel sécurité formation », les jeunes bénéficieraient d'une aide à la formation professionnelle. Tous les contrats à durée indéterminée pour les jeunes sans qualification seraient concernés. C'est cela, pour nous, la solidarité et le rôle de l'État !

Nous proposons également la modulation des cotisations sociales selon la durée des contrats afin de faire du CDI la norme de l'embauche.

Nous proposons des évolutions du droit du travail, qui renforceront la sécurité des parcours professionnels et moduleront les cotisations sociales en fonction de leur durée.

Nous proposons d'ouvrir une grande négociation avec les partenaires sociaux sur le renforcement des garanties du contrat de travail afin de prévoir des garanties qui pourraient progresser au fur et à mesure de la carrière et qui se renforceront en fonction de l'ancienneté.

Enfin, pour permettre les transitions professionnelles indispensables, nous proposons un contrat de reclassement en vue d'accompagner le salarié vers l'emploi à travers un parcours de formation.

Comme vous pouvez le constater, il y a deux conceptions bien différentes : vous, vous proposez un démantèlement pour tous du droit du travail ; nous, nous proposons une adaptation des aides, une contrepartie des exonérations de cotisations sociales pour ceux qui en ont le plus besoin.

C'est tout cela que nous comptons porter dans ce débat avec mes collègues du groupe socialiste et ceux d'autres groupes pendant tout le temps nécessaire à la discussion parlementaire.

M. Michel Moreigne. Très bien !

M. Jean-Pierre Bel. J'espère qu'au Sénat nous pourrons enfin confronter nos points de vue sur les sujets qui n'ont pu être évoqués à l'Assemblée nationale, le Gouvernement ayant mis fin à la discussion parlementaire par l'utilisation de l'article 49-3.

Pour accélérer les débats, vous avez également bousculé le calendrier afin de tenter de prendre de court les parlementaires de l'opposition ainsi que la mobilisation sociale.

Je le rappelle, hier, vous avez obligé le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne à retirer sa question orale européenne avec débat sur les restrictions de circulation dans l'Union européenne des travailleurs salariés des nouveaux États membres.

M. Didier Boulaud. Ce n'est pas joli joli !

M. Jean-Pierre Bel. Ce débat est passé à la trappe - ou au compte « pertes et profits » - à cause de votre précipitation.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est faux !

M. Jean-Pierre Bel. Faire adopter au pas de charge toutes les grandes réformes est décidément une bien curieuse méthode de gouvernement. Vous aviez déjà contraint le Parlement à débattre en plein été, pour faire adopter la réforme des retraites et la réforme de l'assurance maladie en catimini.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous en avons pourtant discuté longtemps !

M. Jean-Pierre Bel. Tous ces éléments montrent bien que le débat ne se déroule pas dans de bonnes conditions.

Vous prétendez ouvrir des perspectives d'embauche aux jeunes avec le CPE. Vous tentez de leur faire croire que ce dispositif est préférable à la recherche d'un emploi stable pendant plusieurs années.

M. Jean-Pierre Bel. Si j'ai bien compris, vous leur dites : « C'est cela ou rien ! ».

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. « Rien », c'est précisément ce que vous proposez !

M. Jean-Pierre Bel. Le CPE deviendra bientôt le passage obligé pour tout jeune entrant sur le marché du travail. Les dix premières années de la vie active seront ainsi marquées par une succession d'expériences aléatoires sans perspective de stabilisation. Les jeunes s'installeront dans la précarité.

Le sigle CPE signifie en fait : « carrément un piège à exclusion » ! Les jeunes qui ne signeront pas ce contrat risquent en effet de ne pas avoir d'autre choix. Ce sera un CPE sinon rien !

Tel est l'avenir que vous leur proposez. Or l'avenir doit selon nous être une promesse et non une menace. À l'heure où la société française doute d'elle-même, il fallait adresser un message d'espoir à sa jeunesse. Cette occasion, vous l'avez manquée, cet espoir, vous l'avez déçu.

C'est la raison pour laquelle nous montrerons tout au long des débats quels autres chemins sont possibles. Il n'y a pas de fatalité ; rien n'est inéluctable ! En résistant à votre mauvais coup, nous préparerons ensemble l'espérance de demain. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.

M. Michel Moreigne. Article 51, monsieur le président !

M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'agitation médiatique et les manipulations diverses qui ont marqué notre quotidien depuis plusieurs semaines...

M. Roland Muzeau. Et ce n'est pas fini !

M. Henri de Raincourt. ...nous feraient presque oublier la genèse du projet de loi dont nous entamons enfin l'examen.

Il fallait apporter de véritables réponses, efficaces, pragmatiques et humaines à la situation de crise que nombre de banlieues ont traversée récemment. Je salue la capacité du Gouvernement de le faire rapidement, alors qu'il se bat sur tous les fronts afin d'ouvrir des perspectives favorables pour notre pays et nos compatriotes.

M. Roland Muzeau. Les solutions sont déjà prêtes ! Le Gouvernement ne fait que les reprendre au Medef !

M. Henri de Raincourt. Une fois l'orage de novembre apaisé, il n'était pas question de faire comme si rien de grave et de préoccupant pour la société tout entière ne s'était passé.

Le gouvernement de Dominique de Villepin a choisi d'agir en faveur de l'égalité des chances de tous les citoyens. Alors que nous devrions tous nous rassembler autour de ce principe républicain fondateur, nous assistons à un déferlement de démagogie, d'idéologie...

M. Josselin de Rohan. Très bien !

M. Henri de Raincourt. ...et de manifestations aux accents purement politiciens dont le but n'est certainement pas la recherche de l'intérêt général ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Alain Gournac, rapporteur. Certainement pas !

M. Guy Fischer. C'est faux !

M. Henri de Raincourt. Certaines des réponses apportées ici aux difficultés de notre société ont déjà commencé à être mises en oeuvre. Je pense notamment à la création de nouvelles zones franches urbaines et au renforcement des capacités d'intervention de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE. Je pourrais d'ailleurs vous citer d'autres exemples.

Ce projet de loi a déjà été examiné en première lecture à l'Assemblée nationale. Il a fait l'objet d'une longue discussion générale et les députés ont débattu des premiers articles.

M. Roland Muzeau. De seulement quatre articles !

M. Henri de Raincourt. Au total, le débat a duré plus de quarante-trois heures, ponctuées d'un nombre incalculable d'incidents de séance !

M. Roland Muzeau. Mais non !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais si !

M. Alain Gournac, rapporteur. C'est la vérité !

M. Henri de Raincourt. Les groupes de l'opposition ont conduit une stratégie d'obstruction.

M. Roland Muzeau. Comme vous au moment de l'adoption du PACS !

M. Henri de Raincourt. Ce n'est pas ma référence ! (Rires. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Roland Muzeau. L'obstruction à l'époque, c'était vous et vos amis en soutane ! (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Henri de Raincourt. La stratégie d'obstruction des groupes de l'opposition visait en priorité le CPE. Ceux-ci espéraient ainsi dissimuler le vide de leur pensée et leur incapacité à imaginer l'avenir, sauf à l'entrevoir dans un rétroviseur !

Aucune alternative sérieuse n'a été proposée. Ou plutôt si, comme cela vient d'ailleurs d'être rappelé à l'instant : M. Hollande a évoqué mardi dernier un « contrat sécurité formation », qui se rapproche beaucoup du contrat jeune en entreprise, lequel fonctionne déjà plutôt bien ! (M. André Dulait applaudit.) M. Fabius, de son côté, suggère la formule de l'« emploi sécurité insertion ». M. Strauss-Kahn propose un « plan de formation en alternance ».

Mme Raymonde Le Texier. Vous avez d'excellentes lectures !

M. Henri de Raincourt. Quant au compagnon d'infortune de M. Frêche, M. Lang (Sourires sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF), il prône quant à lui un « vrai contrat de formation en CDI ».

Heureusement, la sagesse bourguignonne aidant, le député de la Nièvre M. Gorce suggère au parti socialiste de ne pas se lancer dans une « course à l'échalote » avec des « solutions gadgets » tout en demandant un peu de temps avant d'expliciter ses idées !(Rires sur les travées de l'UMP.)

M. Josselin de Rohan. Et Ségolène ? (Nouveaux rires sur les mêmes travées.)

M. Henri de Raincourt. Je vais y venir !

Le débat à l'Assemblée nationale a tourné à la critique caricaturale et à la valse des contrevérités assénées avec un aplomb qui laisse rêveur. Nous en avons d'ailleurs encore eu un certain nombre d'illustrations depuis ce matin.

Le CPE a pu être voté à l'Assemblée nationale par les députés de la majorité à l'issue de longues séances publiques. Or seulement une poignée de députés de gauche étaient présents dans l'hémicycle pour s'opposer - et c'est naturel dans une démocratie - à l'adoption du dispositif !

M. Didier Boulaud. C'est vous qui n'êtes qu'une poignée en ce moment ! Une petite poignée !

M. Henri de Raincourt. Les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin affrontent courageusement depuis 2002...

M. Henri de Raincourt. ...les nouvelles réalités du monde globalisé. Le monde actuel est en effet ouvert, technologique et vecteur de nombre de changements de fond pour notre société.

Voulons-nous protéger un modèle social et lequel ? À l'évidence, oui ! Le Premier ministre l'a encore rappelé avant-hier. Mais voulons-nous, dans ce monde en construction, retirer à chacun, individu ou entreprise, ses capacités d'imagination et de progrès ? Évidemment non !

M. Guy Fischer. C'est ce que vous faites !

M. Henri de Raincourt. C'est pourtant vers cela que nous conduirait le conservatisme de ceux qui ignorent ou feignent d'ignorer le nouvel environnement des entreprises et de l'emploi, environnement qui impose le mouvement pour préserver l'essentiel.

Il y a donc une grande cohérence dans l'ensemble des mesures présentées aujourd'hui. Nombre d'entre elles témoignent du souci de conduire une politique de l'emploi efficace et pragmatique.

Ce projet de loi s'inscrit dans la continuité du plan de cohésion sociale. Il complète ce qui a été engagé en matière de rénovation urbaine et prolonge le plan d'urgence pour l'emploi, ainsi que les mesures en faveur de l'éducation. Il favorise l'accès à l'emploi et encourage l'activité dans les zones difficiles. Il renforce également très logiquement nos dispositifs en faveur de l'égalité des chances et en matière de lutte contre toutes les formes de discriminations. Il concourt enfin - et c'est encore faire preuve de courage en affrontant la réalité - à la cohésion sociale en responsabilisant davantage les parents et les jeunes.

C'est pourtant l'emploi des jeunes et le CPE qui ont fait la une de l'actualité. Alors parlons-en !

Face à l'indéniable précarité actuelle, le Gouvernement propose un véritable parcours d'embauche visant à permettre à chacun de mieux choisir sa voie, à développer l'alternance, à mieux encadrer les stages et à faciliter l'accès au CDI.

Le Gouvernement et sa majorité ont déjà beaucoup agi dans ce domaine depuis un peu moins de quatre ans. Il y a 177 000 chômeurs de moins depuis mars 2005 ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.) Cela vous fait rire, madame Nicole Borvo Cohen-Seat ? Les personnes concernées apprécieront votre délicatesse et votre compassion à leur égard ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Protestations sur les travées du groupe CRC.) Nous connaissons le système communiste depuis longtemps ! (M. le rapporteur sourit.)

Mme Hélène Luc. Vous retardez beaucoup !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'avez décidément que l'injure anticommuniste à la bouche !

M. Henri de Raincourt. En outre, 122 000 CIVIS et 300 000 contrats nouvelles embauches ont été signés - cela vous gêne beaucoup ! - et le nombre de contrats jeunes en entreprise a beaucoup progressé.

Le fonctionnement du service pour l'emploi et du suivi personnalisé des chômeurs a été amélioré.

M. Roland Muzeau. Sauf que l'on radie 50 000 chômeurs par mois !

M. Henri de Raincourt. L'ANPE a ainsi reçu au cours des derniers mois près de 57 000 jeunes, assurant ainsi un véritable travail de proximité. Les contrats aidés ont été simplifiés et adaptés aux secteurs marchands et non-marchands.

Le Parlement a également adopté des mesures en faveur de l'école, notamment la fixation du socle commun des connaissances...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a plus de socle commun ! Vous placez les jeunes en apprentissage dès l'âge de quatorze ans !

M. Henri de Raincourt. ...et l'accompagnement personnalisé des élèves. Il a en outre favorisé le développement de l'apprentissage.

Dans ce texte, le renforcement de l'alternance comme parcours privilégié vers l'emploi par le biais de la formation d'apprentis juniors nous semble particulièrement bien adapté aux souhaits des jeunes et à leur besoin d'insertion. Le principe de l'obligation scolaire jusqu'à seize ans est maintenu, même si certains prétendent le contraire avec beaucoup de mauvaise foi.

M. Roland Muzeau. Mais non !

Mme Raymonde Le Texier. C'est vous qui êtes de mauvaise foi !

M. Henri de Raincourt. Non, c'est vous !

Ce principe est concilié avec la poursuite de l'acquisition du socle fondamental des connaissances et une ouverture vers des métiers pour ceux qui souhaitent sortir du système traditionnel.

L'alternance et l'apprentissage donnent un accès immédiat et durable à l'emploi à 73 % de jeunes qui font ce choix, dont 68 % en CDI. On ferait bien de s'en inspirer !

En renforçant ces voies, le Gouvernement prend d'abord acte de leur efficacité en faveur des jeunes, qui a largement été démontrée dans des pays dont les performances sont meilleures que les nôtres.

L'égalité des chances ne passe donc pas nécessairement par l'identité des parcours qui postulerait l'uniformité des talents. Et des talents, il y en a également chez nos voisins, notamment européens, qui n'ont pas reculé, en matière d'emploi, devant le réalisme exigé par notre époque.

À cet égard, même Mme Ségolène Royal (Ah ! sur les travées de l'UMP)...

M. Alain Gournac, rapporteur. Enfin !

M. Jean-Pierre Sueur. On l'attendait !

M. Didier Boulaud. Vous allez voir ! Vous y viendrez tous !

M. Henri de Raincourt. ...n'a pas manqué de souligner les bons résultats que les Britanniques avaient obtenus en conjuguant plus de flexibilité et plus de sécurité. C'est d'ailleurs ce que propose le Premier ministre avec le CPE.

M. Paul Raoult. Mais non ! Ce n'est pas du tout la même chose !

M. Henri de Raincourt. Le volontarisme du Gouvernement n'a d'égal que celui que l'on observe dans d'autres pays européens dont les gouvernements sociaux-démocrates ont depuis longtemps tourné le dos aux idéologies dirigistes et paralysantes.

M. Alain Gournac, rapporteur. Mais ce n'est, hélas ! pas le cas chez nous !

M. Henri de Raincourt. Une telle attitude n'a effectivement pas encore gagné notre pays.

Et que l'on ne vienne surtout pas nous donner en exemple les emplois jeunes d'antan.

M. Alain Gournac, rapporteur. Surtout pas !

M. Didier Boulaud. Vous les avez regrettés publiquement !

M. Henri de Raincourt. Ces emplois précaires par excellence ont durablement grevé nos finances publiques, déjà passablement mises à mal par les 35 heures publiques, laïques et obligatoires non compensées !

M. Didier Boulaud. M. Patrick Ollier a regretté publiquement la disparition des emplois jeunes !

M. Henri de Raincourt. S'agissant des 350 000 emplois jeunes qui devaient être créés dans le secteur privé,...

M. Alain Gournac, rapporteur. Il n'y en a eu aucun !

M. Henri de Raincourt. ...les entreprises se sont bien gardées de s'engager dans une aventure aussi hasardeuse !

Rien n'avait été prévu à l'issue de ces cinq années d'authentique précarité. Aucune indemnisation par les ASSEDIC n'a été mise en place.

M. Didier Boulaud. C'était à vous de le faire, puisque c'est vous qui avez sabordé les emplois jeunes !

M. Henri de Raincourt. Je vous renvoie à l'excellent rapport de notre collègue Alain Gournac, qui a, me semble-t-il, apporté beaucoup de précisions sur le sujet. (M. le rapporteur acquiesce.)

M. Didier Boulaud. Mais M. Ollier dit le contraire !

M. Henri de Raincourt. Mes collègues rapporteurs ont présenté ce texte dans sa globalité et dans sa diversité.

Pour ma part, je tiens surtout à souligner à quel point l'agitation entretenue depuis quelques semaines par des professionnels chevronnés, aux tempes d'ailleurs souvent blanches, nuit à la jeunesse.

M. Roland Muzeau. Mettez-les donc en prison !

M. Henri de Raincourt. On égare les jeunes avec des arguments tronqués. On les conditionne à des fins politiciennes, alors que c'est de leur avenir qu'il s'agit. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Roland Muzeau. Fantasme !

M. Henri de Raincourt. Est-ce moral ? Je ne le pense pas !

Nous soutenons avec une détermination d'autant plus grande le nouveau pacte proposé par le Premier ministre qu'il est la cible d'attaques déraisonnables. (M. Yannick Bodin s'exclame.)

Après la deuxième bataille pour l'emploi qu'il a engagée au début de cette année, le Premier ministre ouvrira dans les prochaines semaines la troisième étape, faite d'approfondissements, et abordera à cette occasion tous les sujets utiles, notamment la situation de ceux que l'on appelle les seniors.

Mes chers collègues, nous avons les uns et les autres des ambitions pour ce pays, et c'est bien légitime. C'est pourquoi nous soutenons, quant à nous, le combat pour l'emploi qu'ont courageusement engagé les pouvoirs publics, parce que nous avons voilà déjà bien longtemps fait un choix : nous préférons le travail à l'assistance.

Mme Janine Rozier. Très bien !

M. Henri de Raincourt. Nous préférons la lutte effective contre les discriminations à la décomposition sociale.

Dans cette perspective, la politique du Gouvernement nous paraît réaliste, conforme à l'intérêt national, volontaire et équilibrée. C'est la raison pour laquelle nous y adhérons et la soutenons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui comporte des dispositions de nature très différente.

L'une des dispositions les plus importantes de ce texte est le contrat première embauche, si l'on se place du côté des jeunes, que l'on pourrait autrement appeler « contrat embauche supplémentaire », vu du côté de l'entreprise.

Le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-six ans est de plus de 22 %, ce qui, chacun le sait, constitue un drame humain. Il faut tout tenter pour le faire chuter.

En revanche, on parle moins de l'hésitation des entreprises à embaucher un ou deux salariés supplémentaires quand elles en ont déjà une vingtaine, compte tenu des aléas de la conjoncture et par crainte d'affronter les procédures de licenciement pour raison économique, mais également le drame humain que constitue toute rupture, tout simplement. Là se situe le noeud du problème.

Il est fréquent qu'un chef d'entreprise préfère avoir recours à des heures supplémentaires et, a contrario, à un peu de chômage technique en cas de retournement de la situation, plutôt que de lâcher les freins lorsque le marché est très porteur.

Le présent projet de loi est fondé sur l'hypothèse implicite, trop souvent vérifiée, que l'entreprise préfère adopter une attitude malthusienne plutôt que de prendre un risque qu'elle considère comme pouvant être ultérieurement trop pénalisant en termes humains, juridiques et financiers.

Le fait que la France profite bien moins que ses voisins des conjonctures mondiales favorables recevrait là une explication, qu'il convient impérativement de vérifier. Les chefs d'entreprise en général ne feraient pas preuve d'une réactivité suffisante. Il faut donc les encourager à être réactifs dès le début de la reprise, à recruter sans hésiter lorsque la conjoncture s'améliore. Pour cela, une forte incitation, à laquelle personne ne pourrait opposer l'argument de la lourdeur ou de la complexité, est nécessaire. Le CPE constitue une telle incitation pour les entreprises de plus de vingt salariés : il stimule l'embauche lorsque la conjoncture devient favorable ; il est aussi le seul moyen de transformer cette dernière en croissance durable et de pérenniser les recrutements.

Voilà déjà trente-quatre ans, Michel Crozier publiait La société bloquée. Les verrouillages semblent, hélas ! toujours en place.

D'un côté, les étudiants sont mal informés, quand ils ne sont pas abusés, sur les réalités de la vie économique. Ils sont plus habitués à les interpréter en termes abstraits et idéologiques que concrets et pragmatiques et, de ce fait, sont enclins à tout redouter de l'entreprise, au point de la fuir.

De l'autre côté, les chefs d'entreprise sont désorientés par une jeunesse dont ils perçoivent mal les qualités laborieuses et l'inventivité, faute de la connaître autrement qu'à travers de rapides reportages la montrant presque toujours en train de s'amuser plutôt que de travailler. La société du spectacle décrite par Guy Debord a des conséquences ravageuses.

Mme Janine Rozier. Ravageuses, en effet !

M. Bernard Seillier. Comment lever cet énorme quiproquo de la société des loisirs en passe de devenir la société du chômage ? Il faut en sortir, dans l'intérêt de la jeunesse, de l'emploi et du pays en général. C'est à ce déverrouillage de notre société qu'entend contribuer le contrat première embauche.

Toutefois, comme en 1968, un nouveau quiproquo risque de se produire en 2006. Les mouvements d'ordre culturel de 1968 furent impossibles à concrétiser juridiquement : comment en effet graver dans la loi l'interdiction d'interdire ?

En 2006, les lycéens et les étudiants expriment leur inquiétude et leur angoisse face à l'avenir en tentant de préserver les droits acquis, alors même que, pour 23 % des jeunes, ces droits ne sont que pure virtualité. Ceux qui se mobilisent contre le CPE n'ont pas d'autre solution à proposer pour déverrouiller la situation qui les exclut du marché du travail.

Mme Janine Rozier. Très bien !

M. Bernard Seillier. Nous vivons de nouveau, comme en 1968, un climat de protestation culturelle sans aucune portée sociale.

On sait en effet que les emplois des jeunes sont souvent des CDD de très courte durée ou des contrats aidés. Il y a là un véritable problème de société, que nul ne peut nier et qui conduit à s'interroger sur l'appareil de formation. Le principe de réalité incontournable doit nous conduire à ne juger le CPE que sur le bilan de sa mise en oeuvre.

Les adolescents et les jeunes adultes ont besoin de pouvoir constater concrètement que leur succès dans la vie tient largement au dynamisme de leur personnalité, à leur courage devant l'effort et à leurs compétences professionnelles. (Mme Janine Rozier applaudit.) Pour leur dignité, il faut leur donner la possibilité de convaincre qu'ils sont bons par eux-mêmes (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE) et leur épargner le piège mortel dans lequel certains essaient de les enfermer, qui consiste à leur faire croire que la société leur doit tout et qu'eux n'ont rien à prouver. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

Les jeunes doivent également, a contrario, pouvoir mesurer que les employeurs sont prêts à leur faire confiance et que l'État facilite l'expérience professionnelle de probation qui leur est proposée.

Ainsi la confiance réciproque, inséparable du concept même de société et ciment le plus sûr de la cohésion sociale, pourra-t-elle être restaurée. C'est certainement la tâche la plus importante qu'il nous faut accomplir aujourd'hui. Le CPE peut utilement y contribuer.

Nous sommes aujourd'hui confrontés à une réalité économique très incertaine à moyen terme. L'aléa et l'incertitude caractérisent l'horizon des entreprises.

Le travail est un risque partagé dans l'entreprise. Le CPE est destiné à inciter les jeunes et les employeurs à renouer avec ce sens de l'aventure exagérément atténué par les sociétés que fragilise l'excès même de protection. Il s'agit non pas de rejeter toute protection, mais de trouver un équilibre de nature à sauvegarder le dynamisme humain sans le paralyser.

Les deux ans de consolidation prévus dans le cadre d'un CPE constituent donc non seulement une période de probation pour le titulaire du contrat, mais également une validation expérimentale de la pérennité de l'emploi.

Nous sommes à la recherche des conditions de réalisation d'une économie durable. Il n'est pas incongru d'affirmer que, dans cette perspective, le CPE correspond à l'application d'un principe de précaution tout à fait recevable et qu'il n'a pas de caractère méprisant à l'égard de la condition du salarié.

Les garanties supplémentaires attachées au CPE, par rapport au droit commun, sont significatives. Les personnes signant un tel contrat verront leur préavis croître en fonction de leur ancienneté et disposeront de droits à la formation et au logement renforcés. Elles pourront mobiliser le droit individuel à la formation à la fin d'un délai d'un mois à compter de la signature du contrat et auront la possibilité de bénéficier d'une caution pour accéder à un logement. En cas de rupture du contrat et de chômage, les salariés ne justifiant pas de droits suffisants pour bénéficier de l'assurance chômage percevront une indemnisation pendant deux mois.

Par conséquent, le CPE, contrairement au discours défaitiste, signifie moins de précarité qu'aujourd'hui et plus de sécurité ! On ne peut donc prétendre qu'il s'agit d'un contrat au rabais.

Cela étant dit, cessons d'être pathologiquement obnubilés par les risques de nos actes et faisons partager la confiance dont ils sont avant tout porteurs.

C'est cette nouvelle dynamique, porteuse d'un possible déblocage de l'activité, qu'il est impérieux de mettre en oeuvre, compte tenu de la situation de sous-emploi de la jeunesse et de la défiance dont elle est victime. Employeurs et jeunes candidats à l'entrée dans la vie active sont au pied du mur. Nous aurons, dans deux ans, à tirer les leçons d'un dispositif qui ne peut pas être un échec, compte tenu de la situation de départ. La différence tiendra à l'importance plus ou moins grande du succès. Un véritable progrès social peut être au rendez-vous.

Nous vivons une période cruciale pour notre pays. Soit nous optons pour la stratégie du confort précaire que procure l'immobilisme, soit nous faisons preuve de courage et, tous ensemble, nous entraînons notre jeunesse et le pays dans un élan de confiance fondé sur l'audace. Nous pourrons alors réussir une mutation à la fois culturelle et sociale.

Messieurs les ministres, c'est parce que vous avez fait ce choix que nous voulons vous aider à réussir. Les parlementaires du RDSE membres de la majorité soutiendront donc ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je tiens d'abord à dire solennellement, au nom du groupe CRC, que le vote à marche forcée du présent projet de loi est inadmissible.

M. André Lardeux. Pourtant, la marche forcée, vous connaissez ça ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Décidément, vous ne changez pas beaucoup de registre !

M. Henri de Raincourt. Pourquoi me regardez-vous ? Vous accusez les gens sans preuve ! C'est cela les méthodes communistes ! (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne changez pas souvent de registre, je le répète ! Je vous entends !

Vous voulez, vous et vos collègues, nous faire avaliser un texte dont les neuf dixièmes des articles, notamment ceux qui visent prétendument à réduire les inégalités ou les discriminations, n'auront pas été débattus par les élus du suffrage universel.

Mme Hélène Luc. Eh oui ! C'est incroyable !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En réalité, votre gouvernement a peur de la colère des jeunes, ce qui n'a rien d'étonnant à la lecture de votre texte !

À la lecture de l'exposé des motifs du projet de loi, un esprit naïf pourrait « faire un rêve », « have a dream »,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pauvre Martin Luther King...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... comme M. le Premier ministre s'est plu à le dire, et penser que l'explosion des violences survenues au mois de novembre dernier dans notre pays vous a fait réfléchir et prendre conscience de l'échec de votre politique.

En effet, depuis quatre ans, vous en avez fait de la discrimination sociale ! Et la première de ces discriminations, c'est que les riches, que vous n'avez cessé de favoriser, sont toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. C'est vrai, cela, messieurs de Raincourt et de Rohan !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors que les salaires n'ont même pas augmenté de 0,1 % en trois ans, les dividendes distribués aux actionnaires par les entreprises du CAC 40 se sont accrus de 33 % en un an !

En revanche, ceux qui n'ont que le RMI pour vivre sont toujours plus nombreux : ils sont 10 % de plus. Quant aux jeunes actifs, 58 % d'entre eux ont des contrats précaires, et plus d'un quart passe par le chômage, lequel, la plupart du temps, n'est pas indemnisé.

Pour faire passer votre politique ultralibérale, vous agitez les peurs, désignez des boucs émissaires : les pauvres, les étrangers, et encore les jeunes des quartiers populaires, tous des délinquants en puissance ! Comment pourraient-ils ne pas faire l'objet de discriminations dans la société alors qu'ils sont tous les jours montrés du doigt par des membres du Gouvernement ?

Pas moins d'une demi-douzaine de lois allant toutes dans le même sens ont été votées en quatre ans, constituant une réponse pénale à la crise sociale. Et ce n'est pas fini !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En matière de discrimination, les mots ne vous font pas peur. Cet automne, vous avez osé traiter les jeunes de « racaille ». Vous vous êtes lâchés tous azimuts ! On a tout entendu : le rap, la polygamie, et j'en passe ! Et pour montrer votre autorité, vous avez décrété l'état d'urgence et eu recours à une justice expéditive.

Évidemment, nous ne pouvons qu'approuver le tableau des discriminations brossé par M. Lecerf, puisqu'il ne fait que décrire la réalité. Mais franchement, penser que votre politique ne contribue pas à accroître les discriminations relèverait d'une grande naïveté....

Aujourd'hui, nous proposez-vous enfin autre chose ?

Le Premier ministre n'a que le mot « modernité » à la bouche : « Le monde change, il faut changer ». Mais dans quel sens ? Là est le problème.

Le Premier ministre se gargarise du modèle social français, mais il nous ramène, avec le soutien de la majorité, au moins cent ans en arrière ! Vous proposez, avec l'apprentissage précoce, le travail de nuit des enfants à 15 ans. Entre parenthèses, le socle commun de la loi Fillon est mort-né, puisqu'une partie des jeunes n'ira donc pas à l'école jusqu'à 16 ans.

M. Alain Gournac, rapporteur. Vous avez voté contre !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On croirait entendre le docteur Villermé, qui écrivait en 1841 : « Il vaut mieux employer ces enfants dans les manufactures que les laisser vagabonder sur la voie publique » ou « les laisser sous l'influence des parents imprévoyants et débauchés ». Cela vous dit quelque chose ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Josselin de Rohan. Il ne manquait plus que ça !

M. Alain Gournac, rapporteur. Plus c'est gros, plus ça passe !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et à l'époque, il s'agissait de faire passer l'interdiction du travail de nuit des enfants de 8 ans à 13 ans. Aujourd'hui, on en revient à 15 ans ; vous voyez donc le progrès depuis 1841 !

M. Alain Gournac, rapporteur. Cosette, où es-tu ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous constatons aussi un retour au xixe siècle en matière de droit du travail. Ne nous y trompons pas : après le CNE, vient le CPE, et bientôt le contrat « senior », tous dérogatoires au code du travail.

D'ailleurs, les patrons se permettent de vous reprocher de « stigmatiser » les jeunes, évidemment avec une autre perspective : ils veulent le CNE pour tout le monde. En fait, les jeunes sont les cobayes d'une précarisation généralisée, chère à Mme Parisot, qui veut supprimer le CDI. Elle ne s'en cache pas, et nous y arrivons presque.

M. Josselin de Rohan. Oh là là !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec les nouvelles zones franches, vous offrez encore des exonérations de charges aux entreprises - vous ne cessez de le faire, on n'en peut plus - alors que le bilan d'emplois créés pour les habitants, dans celles qui existent, n'est pas du tout probant. (Mme Annie David acquiesce.)

Quant au sentiment de relégation que ressentent beaucoup de jeunes dans les quartiers périphériques, vous ne risquez pas d'y apporter des réponses, puisqu'il n'est nullement question que l'État s'investisse davantage dans les services publics - que vous supprimez -, ni qu'il s'attaque à la spéculation immobilière qui interdit aux plus modestes toute mobilité géographique. Pour se consoler, ces jeunes auront des salles multiplexes, s'ils ont les moyens de se payer le ticket d'entrée ! On est bien loin d'André Malraux ou de Jean Vilar en matière de « culture élitaire pour tous ».

Mme Annie David. Effectivement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quant au titre II du projet de loi, qui prétend créer des outils supplémentaires d'insertion et de lutte contre les discriminations, il ne peut que nous inquiéter.

Il renforce le contrôle social en supprimant tout le tissu d'organismes existants qui n'ont pourtant pas démérité. Si leurs actions sont largement insuffisantes, c'est surtout faute de moyens. Or, vous vous êtes illustrés par la réduction des subventions aux associations contribuant au tissu social.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De plus, tous les pouvoirs sont concentrés entre les mains du préfet et du ministre de l'intérieur par le biais de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.

Au sujet des pouvoirs de sanctions de la HALDE, non seulement vous allez un peu vite en besogne, car cette autorité commence tout juste à fonctionner - pour notre part, nous étions favorables à la HALDE, mais nous avons contesté sa composition, à juste titre, quand on sait comment ses membres sont nommés - mais encore, et c'est inacceptable, elle se verrait dotée de pouvoirs juridictionnels, avec possibilité de recours devant le Conseil d'État, alors que les actes sanctionnés sont constitutifs de délits, qui relèvent donc de la justice pénale. Je ne suis pas la seule à penser que c'est une atteinte au principe de séparation des pouvoirs, puisque la commission des lois a émis des objections à cet égard.

Quant aux titres III et IV, qu'ont-ils à voir avec la lutte contre les discriminations ? Ils ne font que poursuivre la politique répressive aujourd'hui mise en oeuvre : pénalisation des parents et des plus défavorisés. Ils sont d'ailleurs très discriminants, puisqu'ils touchent les familles ayant plusieurs enfants : si on a un seul enfant, on peut mal l'élever sans rien risquer, si on a plusieurs enfants, on sera pénalisé par la suppression des allocations familiales.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui plus est, la logique de ces titres est très dangereuse, car ils transfèrent au président du conseil général et au maire des responsabilités de l'État, et donnent aux élus des pouvoirs de justice, là encore en contradiction avec le principe de séparation des pouvoirs.

Est-ce annonciateur de la transformation des maires et présidents de conseil généraux en shérifs (M. Josselin de Rohan s'exclame), le ministre de l'intérieur et le ministre de la justice nous préparant, nous le savons, des textes en la matière ?

Quant au service civil volontaire, qui est donc destiné aux pauvres, constitue-t-il la solution miracle pour remplacer toutes les missions que l'État n'assure pas ?

La nocivité de vos projets est de plus en plus évidente. D'ailleurs, votre fébrilité ne fait qu'attiser la colère, et votre acharnement à cacher la réalité n'est pas un signe de force.

Vous voulez même empêcher l'INSEE et la DARES de dire la vérité sur les chiffres de l'emploi : seulement 64 800 emplois créés en 2005, pour la plupart précaires, alors que disparaissaient 87 700 emplois industriels. Comment en serait-il autrement avec une croissance de 1,4 % ?

Vous qui parlez sans cesse de changement, entendez ce que disent les jeunes ! Ils ne veulent ni régression ni statu quo. Ils revendiquent la dignité et la possibilité de se projeter dans l'avenir.

Évidemment, y répondre nécessite des choix tout à fait opposés aux vôtres : il faut remettre en chantier de grandes politiques nationales audacieuses, faire réussir l'école publique, répondre aux besoins de justice sociale et de sécurisation de l'emploi, redévelopper partout les services publics, particulièrement là où vous vous acharnez à les supprimer. Et si on veut s'attaquer aux discriminations, il faut déjà revenir sur vos lois discriminantes.

Il faut enfin accorder le droit de vote aux étrangers qui vivent depuis longtemps dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

Il faut que soit effectif le droit à la santé, à la culture, au logement, alors que vous êtes encore en train de supprimer les crédits des hôpitaux publics, seuls lieux où tout le monde peut encore se faire soigner aujourd'hui.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Faites des propositions concrètes !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toutes les communes doivent remplir leurs obligations en matière de logement social. Mais combien d'entre vous sont hostiles à la construction de logements sociaux dans leur commune ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Henri de Raincourt. C'est ridicule !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, nos concitoyens vous ont signifié par trois fois leur mécontentement. Le Premier ministre campe « droit dans ses bottes » - cela nous rappelle quelqu'un d'autre ! Vous traitez d' »archaïques » ceux qui vous résistent. Mais, ne vous y trompez pas, c'est le peuple qui vous résiste !

M. Josselin de Rohan. Arrêtez vos slogans !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour ces raisons, notre groupe votera contre tous les articles de ce projet de loi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Alain Gournac, rapporteur. Pas de voix communistes avec nous !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'avez que l'anticommunisme à la bouche ! Respectez vos collègues !

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité des chances
Discussion générale (suite)

9

HOMMAGE À ILAN HALIMI

M. le président. Mes chers collègues, il est près de dix-neuf heures, et, dans quelques minutes, aura lieu à la synagogue de la Victoire une cérémonie en mémoire du jeune Ilan Halimi, sauvagement assassiné, cérémonie à laquelle participeront le Président de la République, le Premier ministre et le Président du Sénat.

Il serait normal - plusieurs présidents de groupe me l'ont d'ailleurs demandé, les uns par écrit, les autres oralement, comme M. Jean-Pierre Bel à l'instant - que le Sénat s'associe à cet hommage en respectant quelques instants de silence et de recueillement.

La parole est à M. le ministre.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement s'associe à cet instant de recueillement au Sénat, à la fois pour accompagner une famille dans la plus extrême douleur et pour condamner la barbarie, le crime, l'intolérance et la haine. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.)

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité des chances
Discussion générale (suite)

égalité des chances

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité des chances
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui comporte de très nombreuses et importantes dispositions, mais mon intervention ne portera que sur deux de ses éléments, l'apprentissage et le contrat première embauche.

S'agissant de l'apprentissage, je crois pouvoir dire que la France souffre d'un immense retard, comparée à nos proches voisins qui ont une véritable culture de l'apprentissage artisanal et surtout industriel.

Dans ces conditions, il faut que nous rendions, en France, toutes leurs lettres de noblesse à la qualification et au savoir-faire. Il est dans l'intérêt des jeunes, mais également des employeurs, de pouvoir disposer des qualifications nécessaires à l'avenir, tout en assurant la transmission des compétences.

Si je me réfère à ce qui se passe en Belgique, pays très proche de mon domicile, je constate que nos voisins européens sont bien meilleurs que nous, car ils savent utiliser l'expérience de leurs salariés les plus âgés pour la transmettre aux jeunes en apprentissage, alors que, chez nous, les entreprises se séparent des seniors, ce qui constitue à mon sens un véritable gâchis. Ne faudrait-il pas permettre aux professionnels avertis qui le souhaitent de poursuivre leur activité afin de transmettre leur savoir-faire aux plus jeunes ?

Par ailleurs, j'observe avec plaisir que le Gouvernement a proposé de développer la formation en alternance dans les grandes entreprises, et j'approuve l'initiative du ministre de l'éducation nationale qui souhaite que le nombre d'apprentis double d'ici à 2010 dans les établissements d'enseignement supérieur, ce qui prouve bien que l'apprentissage est devenu une filière d'excellence.

Le Gouvernement a raison lorsqu'il souhaite redonner un nouveau souffle à l'apprentissage, et je soutiens pleinement l'idée d'abaisser l'âge d'entrée en apprentissage à 14 ans. L'apprentissage peut, en effet, être une chance pour des jeunes qui sont souvent en complet décalage avec le système scolaire traditionnel où ils ont parfois le sentiment de perdre leur temps.

Dans cet esprit, la philosophie du dispositif proposé par le Gouvernement consiste à créer un statut d'apprentissage junior pour les élèves ayant atteint l'âge de 14 ans, tout en prévoyant que ceux-ci pourront poursuivre leur scolarité obligatoire jusqu'à son terme.

Mais est-il vraiment nécessaire de scinder l'apprentissage junior en deux séquences : à partir de 14 ans, un apprentissage junior initial, prévoyant une initiation aux métiers, puis, à 15 ans, un apprentissage junior confirmé, durant lequel le jeune se trouve véritablement sous contrat d'apprentissage ?

Je pense, pour ma part, que le jeune qui entre dans la filière apprentissage junior devrait, dès le départ, être sous contrat d'apprentissage et non se trouver dans une situation quelque peu ambiguë pendant une année - et je crois savoir de quoi je parle.

Ce sont les raisons pour lesquelles je défendrai un amendement tendant à ce que les élèves ayant atteint l'âge de 14 ans puissent immédiatement bénéficier d'une formation en apprentissage, sans passer par un parcours d'initiation aux métiers.

S'agissant du contrat première embauche, je dirai en préambule que le non-emploi qui concerne encore plusieurs millions de personnes dans notre pays est un véritable cancer rongeant notre société : il touche, nous le savons bien, plus particulièrement les jeunes, les femmes et les personnes âgées de plus de 50 ans.

Le sort réservé aux jeunes qui souhaitent entrer dans la vie active n'est pas toujours enviable : eux-mêmes ne sont pas toujours motivés, c'est vrai, et il est des tâches que certains d'entre eux rechignent parfois à exécuter.

Mais, même à ceux qui « en veulent », on oppose souvent leur manque d'expérience professionnelle, on propose des contrats précaires ou des emplois temporaires pour des durées trop courtes, qui ne favorisent pas toujours leur adaptation au monde du travail et ne leur permettent en aucun cas d'améliorer leur formation.

Bien peu de jeunes, à la vérité, bénéficient d'un CDI avant l'âge de 26 ans. Ils obtiennent le plus souvent des stages plus ou moins bien rémunérés, des contrats d'intérim, auxquels il est toujours plus fréquemment recouru, des CDD à faible durée ou encore des contrats de type contrat d'avenir, contrat d'insertion dans la vie sociale, etc.

Dans ces conditions, le contrat première embauche constitue, me semble-t-il, une avancée non négligeable. Cela étant, comporte-t-il plus ou moins d'avantages que ce qui est proposé aux jeunes à l'heure actuelle ?

Il présente, c'est certain, moins d'avantages que le CDI « classique », mais, comme je l'indiquais à l'instant, il est tout de même très rare qu'un jeune de moins de 26 ans, qui en principe ne maîtrise pas encore le métier auquel il se destine, bénéficie d'un CDI.

En revanche, le CPE est plus avantageux que tous les autres dispositifs. Certes, ce contrat est assorti d'une période de « consolidation », pour ne pas dire d'essai, de deux ans, ce qui est peut-être un peu long, et pourra être rompu sans que l'employeur ait à invoquer un motif. Cependant, certaines garanties sont prévues : un délai de préavis, le versement d'une indemnité de licenciement, la prise en compte des stages ou des formations dans le décompte des droits, l'ouverture d'un droit individuel à la formation, l'attribution d'une allocation forfaitaire de chômage, l'accès direct au dispositif LOCA-PASS de caution en garantie du loyer et de financement du dépôt de garantie et, en principe, l'accès au crédit, comme s'y est engagée la Fédération bancaire française.

La principale critique qui est faite à ce contrat tient à la possibilité laissée à l'employeur de se séparer de son salarié à tout moment, pendant une période de deux ans, sans avoir à motiver sa décision. Pour ma part, je pense qu'il serait souhaitable de prévoir, sans aller jusqu'à la motivation, juridiquement contraignante, une justification écrite explicative en cas de rupture du contrat de travail.

À la vérité, nous qui, en tant qu'élus locaux, sommes souvent aussi des employeurs, nous savons bien que lorsqu'une personne que nous avons embauchée s'avère être un bon élément, il est de l'intérêt de la collectivité locale de la conserver le plus longtemps possible.

A contrario, il ne faut pas oublier les difficultés que nous rencontrons parfois, lorsqu'une personne ne s'adapte pas à sa fonction après quelques mois de médiocre activité, ce qui peut placer la collectivité dans une situation difficile. Il en va de même pour les petites entreprises.

Je pense que cette manière de voir les choses est très largement partagée dans le monde de l'entreprise : si un jeune, embauché au titre d'un CPE, donne pleinement satisfaction au terme de la période de consolidation de deux ans, il sera conservé au sein de l'entreprise. En effet, l'entrepreneur ne souhaitera pas s'en séparer. Il ne faut pas considérer, me semble-t-il, que l'ensemble des chefs d'entreprise sont d'affreux profiteurs ; ils cherchent surtout à faire en sorte que la pérennité de leur entreprise puisse être assurée, notamment grâce au professionnalisme de leurs salariés.

En conclusion, je considère avec un certain intérêt, en ce qui me concerne, cette démarche positive que représente l'institution du contrat première embauche. J'aurais aimé pouvoir la soutenir sans réserve. Toutefois, avec les membres de mon groupe, j'ai déposé quelques amendements me paraissant utiles. J'espère, messieurs les ministres, que nous pourrons obtenir de votre part, sur les points soulevés, des éléments de réponse concrets qui nous conforteront dans l'intention d'approuver ce dispositif. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, si le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est la réponse du Gouvernement à la crise que nous venons de vivre dans les banlieues, et, plus largement, aux tensions qui traversent notre société, alors nous avons des raisons de nous inquiéter.

Messieurs les ministres, comment pouvez-vous parler avec emphase de valeurs républicaines, d'égalité des chances, de respect de la jeunesse et de perspectives d'avenir quand votre projet de loi ne regroupe que des mesures où le disparate le dispute à l'indigent ?

Pour vous, l'égalité des chances, c'est l'apprentissage dès 14 ans et le travail de nuit des enfants. Pour vous, la meilleure raison d'embaucher un jeune, c'est d'avoir la certitude qu'on pourra le licencier sans invoquer de motif. Pour vous, la seule occasion de parler de civisme, c'est à propos de la répression des incivilités. Lorsque vous vous adressez aux maires, c'est pour les transformer en shérifs. Lorsque vous évoquez la responsabilité parentale, c'est seulement au travers de la démission des parents, et toujours sous l'angle des sanctions. Quant à la lutte contre les discriminations, elle se limite à quelques dispositions symboliques.

Une fois encore, vous utilisez les mots pour mieux travestir la réalité ; une fois de plus, l'intitulé d'un projet de loi ne sert qu'à masquer les buts que vous visez ; une fois de trop, vous instrumentalisez la peur de l'avenir pour faire accepter aux salariés la dégradation de leurs conditions de travail.

Votre discours sur l'égalité des chances s'appuie sur une vision dogmatique de la réalité sociale. Malgré vos belles phrases et vos bons sentiments, votre postulat peut se résumer ainsi : « vous avez les mêmes droits, la compétition est ouverte, que le meilleur gagne ». Nous savons, vous et moi, que cela est faux. Sous couvert de reconnaissance des mérites individuels, c'est l'injustice que vous consacrez.

En France, les inégalités ne cessent de s'accroître, la logique de reproduction sociale crée de plus en plus de castes et réduit les possibilités de changer de condition. L'ascenseur social est en panne, l'ambition collective en berne et la solidarité en miettes. Mais la lutte contre les inégalités n'est toujours pas votre priorité. (M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.)

Pour que l'on puisse parler d'égalité des chances, pour que la référence au mérite individuel puisse être liée à l'idée de justice, encore faudrait-il que le statut des individus ne dépende plus de leurs origines sociales. Or c'est loin d'être le cas : dès les petites classes de maternelle, on constate des différences de niveaux selon le milieu social des enfants. L'évaluation réalisée en cours élémentaire deuxième année à l'échelon national fait apparaître qu'un écart de quinze points en moyenne, sur une échelle en comportant cent, sépare déjà les enfants des ouvriers de ceux des cadres.

L'école ne parvient plus aujourd'hui à assurer un bon niveau d'éducation à tous les enfants.

Mme Raymonde Le Texier. Mais, au lieu d'intervenir dès le plus jeune âge pour compenser les inégalités de départ, vous cédez à la tentation de diriger de plus en plus d'enfants vers des filières spécifiques. Vous ne vous battez pas pour leur assurer un meilleur avenir, vous vous organisez pour les éliminer de plus en plus tôt du système.

Les premières victimes de cet abandon sont les enfants issus des milieux populaires. C'est ainsi que les enfants d'ouvriers représentent 44 % des élèves de l'enseignement professionnel, contre 1,6 % d'enfants de cadres.

Alors que toutes les enquêtes montrent que l'insertion professionnelle des jeunes est d'autant plus réussie que leur niveau de formation initiale est élevé, votre décision de permettre le placement des jeunes en apprentissage dès l'âge de 14 ans laisse perplexe. À 14 ans, on est encore un enfant. D'après les artisans eux-mêmes, à cet âge-là, on ne maîtrise pas les règles de sécurité et on a du mal à appliquer strictement les consignes. Et que dire du rétablissement du travail de nuit dès l'âge de 15 ans ! Une loi de 1874 l'avait supprimé, vous osez le remettre en vigueur !

Mme Raymonde Le Texier. En réalité, de telles mesures risquent surtout de dégoûter les jeunes de l'apprentissage, ce qui accentuera encore les difficultés de recrutement dans certains secteurs.

M. Jean-Pierre Bel. C'est la vérité !

Mme Raymonde Le Texier. Ces arguments, vous les avez entendus comme nous de la bouche même des artisans, mais cela ne vous amène même pas, semble-t-il, à vous interroger. En fait, loin de vouloir revaloriser la filière professionnelle, vous entendez surtout faire le tri entre le bon grain et l'ivraie.

Lutter contre les discriminations est aussi l'un des objectifs visés au travers de ce projet de loi. Nous savons tous que, quand on n'a pas le bon nom, la bonne couleur, la bonne adresse, on ne reçoit le plus souvent pas de réponse à sa demande d'emploi, et on a peu de chances d'obtenir un logement.

Que l'on puisse fonder l'appréciation que l'on porte sur une personne sur la couleur de sa peau est aussi stupide qu'insupportable, et je ne doute pas que nous partagions ce sentiment. Mais la façon dont vous abordez cette question nous laisse songeurs. Comment allez-vous réduire les discriminations, alors même que vous renoncez à lutter contre les inégalités ?

Combattre le racisme suppose de faire évoluer les mentalités. À tous ceux qui attendent que ce texte affirme que ce qui nous rassemble est bien plus fort que nos différences secondaires, vous mentez. Vous utilisez une cause juste sans vous donner les moyens de la défendre. Vous promettez l'espoir, mais votre texte assujettit à l'existant. Vous dites « égalité des chances », mais votre projet de loi soumet aux inégalités de naissance. Vous vous voulez les champions de la lutte contre les discriminations, mais, en ciblant les populations spécifiques sans redonner sens à la solidarité, au partage, à toutes ces valeurs qui nous unissent, c'est la division que vous instaurez. La sélection par l'échec et l'éducation par la compétition font le tri entre vainqueurs et vaincus, mais n'ont jamais produit ni lien social, ni respect de l'autre, ni société solidaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Le progrès social, ce n'est pas jouer les uns contre les autres, avec pour seul horizon la réussite individuelle ; c'est agir ensemble pour améliorer le sort de chacun, dans l'intérêt de tous.

S'il restait un doute, le fait de présenter comme mesure phare d'un texte relatif à l'égalité des chances le fameux contrat première embauche vaudrait preuve.

Cet avatar du CNE étend aux jeunes le principe d'une période d'essai de deux ans, durant laquelle le salarié est licenciable du jour au lendemain sans qu'il soit besoin d'invoquer un motif. C'est clairement avouer que, pour vous, le seul frein à l'emploi, c'est la protection du salarié, et la seule entrave à la croissance, notre modèle social. Votre lutte contre le chômage se résume ainsi à la destruction du code du travail.

Avec ce choix, c'est l'idée même de contrat que vous videz de sa substance. Par définition, un contrat suppose garanties et réciprocité. Le vôtre n'offre qu'arbitraire et inégalité. C'est ainsi que les jeunes seront corvéables et révocables à merci, tandis que leurs patrons bénéficieront immédiatement d'avantages financiers, sans qu'aucune contrepartie leur soit demandée.

Faciles à rompre, faciles à renouveler, les contrats des jeunes seront demain une variable d'ajustement pratique en cas de retournement de conjoncture. Nul doute, de ce point de vue, que le CPE ne devienne la règle pour l'emploi des moins de 26 ans. Et pour quel résultat ? La vérité, c'est que notre économie ne crée toujours pas d'emplois, que la confiance ne revient pas et que la demande intérieure reste atone. Ce n'est pas en remplaçant des contrats stables par des emplois précaires que vous changerez la donne.

Ce que vous appelez « modernisation de l'économie » n'aboutit qu'à l'impossibilité, pour la nouvelle génération, de se projeter dans l'avenir. Comment faire des choix de vie lorsqu'on peut perdre son travail du jour au lendemain ? Comment s'affirmer dans sa profession quand la peur du licenciement ne peut que développer la soumission ? En réalité, ce que vous proposez aux jeunes, c'est d'entrer dans le monde du travail par le biais d'un contrat disciplinaire.

En témoignent les premiers dossiers de salariés embauchés sous CNE puis licenciés soumis aux tribunaux des prud'hommes. Leur examen est instructif : en effet, d'après les juristes, ces licenciements sont « des licenciements "pour l'exemple", destinés à faire comprendre aux salariés de l'entreprise qu'ils doivent être malléables ». On peut ainsi être renvoyé pour avoir osé réclamer le paiement de ses heures supplémentaires, être tombé malade, avoir annoncé sa grossesse... Le CPE devrait engendrer rapidement les mêmes déboires, tant il est le décalque du CNE.

Chacun des termes de la proposition que vous faites ainsi à notre jeunesse est un chef-d'oeuvre de cynisme et un aveu de mépris. En généralisant l'emploi « jetable », c'est la formation des jeunes diplômés que vous dévalorisez, sans pour autant apporter de réponse aux milliers de jeunes qui sortent sans qualification du système scolaire. Messieurs les ministres, la politique du gouvernement auquel vous appartenez est humainement désastreuse, économiquement inopérante et politiquement désespérante.

En fait d'égalité des chances, vous « assignez à résidence » les individus dans leur statut d'origine et vous augmentez le ressentiment social, tant le fossé entre vos discours officiels et la réalité vécue par les classes moyennes et populaires se creuse. Si, réellement, vous vous interrogez sur les raisons qui ont conduit nos banlieues à s'enflammer, les réponses ne sont pas difficiles à découvrir, même si les solutions sont complexes.

Dans une société démocratique, l'accès à des conditions de vie décentes, au savoir, à la culture, n'est pas censé découler d'un statut hérité.

Quand les inégalités de naissance se cristallisent en inégalités de destin, c'est le champ des possibles qui s'étiole, c'est l'espoir qui disparaît. Pour parler d'égalité des chances, il faut d'abord arrêter de fabriquer de la pauvreté et de l'exclusion, et ce n'est pas en renforçant la précarité que l'on y parviendra.

Par vos choix politiques, c'est le dédain que vous avez pour les Français que vous marquez, l'indifférence que vous ressentez pour les plus modestes que vous affichez...

Mme Marie-Thérèse Hermange. Vous passez les bornes !

Mme Raymonde Le Texier. ... et, à terme, c'est la démocratie que vous fragilisez. On dit notre Premier ministre flamboyant, prenez garde qu'il ne finisse incendiaire ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. -Protestations sur les travées de l'UMP. )

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les trois semaines d'émeutes des mois d'octobre et de novembre derniers sont ancrées dans nos mémoires : elles ont frappé par leur violence, par la détresse, l'exaspération ou l'agressivité de leurs auteurs.

Au-delà de ces événements tragiques, il n'est pas acceptable que le quart des jeunes soit au chômage, qu'il leur faille attendre parfois près de dix ans pour obtenir un CDI et que, souvent, les entreprises les exploitent pour des stages non rémunérés.

Cette situation commande des mesures de fond et réclame aussi des mesures d'urgence. Les dispositions mises en place jusqu'à ce jour par les gouvernements de toutes tendances n'ont pas connu le succès escompté.

Ce projet de loi pour l'égalité des chances comporte un vaste ensemble de solutions imaginatives, nouvelles, concrètes, diversifiées, portant à la fois sur l'emploi, le développement économique, l'apprentissage, la politique de la ville, l'absentéisme scolaire, les incivilités ou encore la création d'un service civil volontaire.

La création du dispositif d'apprentissage junior propose aux plus jeunes de retrouver confiance en leurs capacités et le goût de la réussite. L'accession à cette formation diplômante doit consolider l'acquisition des connaissances de base. Il s'agit d'une mesure essentielle pour réduire l'écart entre les besoins des entreprises et les connaissances acquises à l'école.

Ce sont les jeunes quittant prématurément le système scolaire qui sont au coeur de ce texte. D'une part, les entreprises de plus de 250 salariés devront accroître progressivement la proportion de jeunes qu'elles emploient en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation et, d'autre part, les stages de plus de trois mois devront être rémunérés, ce qui marquera la considération de l'employeur à l'égard du travail du stagiaire.

L'accès des jeunes à l'emploi se heurte aujourd'hui à la lourdeur des contraintes réglementaires ou fiscales qui pèsent sur les entreprises. Les dispositions du projet de loi suppriment en partie ce frein en encourageant, par une prime majorée en cas d'embauche définitive, les employeurs qui recrutent en CDI un jeune âgé de 16 ans à 22 ans révolus, sans qualification ou titulaire d'un contrat d'insertion dans la vie sociale, un CIVIS.

Par ailleurs, le CPE est un outil de lutte contre la première forme de précarité qu'est l'absence de tout espoir d'embauche. Le CPE peut être considéré comme un contrat à durée indéterminée, car il valorise, pendant la période de consolidation, les stages, les périodes de formation en alternance et les CDD effectués dans les entreprises. Il offre la possibilité d'entrer dans la vie active avec des garanties en matière de droit au logement ou de validation des acquis, comme l'indemnité chômage.

Faisons preuve de bon sens : quel intérêt les entreprises auraient-elles intérêt à pérenniser la précarité de leurs salariés ? Au contraire, il serait irrationnel de licencier un salarié auquel on a donné sa confiance en le formant, ce qui constitue un véritable investissement.

M. Yannick Bodin. Certains le font pourtant !

M. Aymeri de Montesquiou. C'est bien sûr le front de l'emploi des jeunes que doit se gagner la bataille du chômage. Nous avons le devoir de rendre l'espoir aux jeunes qui vivent dans les zones sensibles et de favoriser leur intégration sociale. C'est pourquoi la mise en place de nouveaux dispositifs d'incitation à la création d'activités, notamment commerciales et culturelles, doit transformer les zones franches urbaines en véritables « zones de croissance ».

La création de l'Agence nationale de la cohésion sociale et de l'égalité des chances fait de la lutte contre les discriminations l'une des priorités du projet de loi. L'égalité des chances doit constituer une préoccupation permanente, afin de démontrer solennellement que la République ne délaisse personne.

Cette agence répond à la volonté d'accroître la présence de l'État dans les quartiers sensibles aux côtés de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, pour créer une coopération étroite avec les élus locaux. Sur le territoire national, elle contribuera aux actions en faveur des personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale ou professionnelle. Ces mesures sont complétées par les dispositions relatives à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, qui renforcent ses pouvoirs en lui donnant la possibilité de prononcer des sanctions pécuniaires.

La préservation et le développement de la cohésion sociale impliquent d'intervenir dès le stade de l'apprentissage des règles de vie en société. Face à l'absentéisme scolaire, aux difficultés sociales qui frappent certains enfants, l'action publique se doit d'être efficace auprès des parents, très en amont afin que l'avenir de l'enfant ne soit pas irrémédiablement compromis.

L'école et les institutions ne peuvent trouver de solution sans les parents : un contrat de responsabilité parentale est donc créé qui tend à aider ces derniers à remplir leur mission d'éducation.

Dans le même registre, la création du service civil volontaire entend donner à des jeunes la chance de conduire un projet collectif dans le respect des règles de vie commune.

Monsieur le ministre, le Sénat doit contribuer à simplifier votre projet de loi et à le rendre plus accessible à tous. Peut-être le contrat première embauche devrait-il avoir une durée plus courte, car deux ans peuvent entraîner impatience et même inquiétude chez les jeunes ? Si une entreprise signe un CPE c'est qu'elle a besoin de créer cet emploi. Au bout d'un an, elle sait si ce jeune répond à ses attentes.

Ce contrat a le mérite d'innover, et l'ancien Premier ministre Edith Cresson a déclaré ceci : « je souhaiterais que l'on soit plus nuancé dans la critique du CPE. Avec le CPE, la protection augmente avec la durée du contrat. Cela mérite réflexion. »

Ce texte doit permettre de redonner à la jeunesse confiance en elle-même et de la convaincre que l'égalité des chances constitue l'un des piliers de la République. La majorité du groupe RDSE le votera donc. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. André Lardeux.

M. André Lardeux. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le coeur de notre contrat social est constitué de deux éléments fondamentaux qui sont l'éducation et l'emploi. Tout ce qui contribue à améliorer la prise en compte par la nation de ces deux éléments doit être soutenu, particulièrement ce qui rapproche le monde du travail et l'enseignement. Aussi, ce projet de loi, malgré la grande diversité des dispositions qui y sont présentées, est le bienvenu, au moins pour ce qui concerne trois de ses aspects, à savoir le contrat première embauche, le contrat de responsabilité parentale et le service civil volontaire.

Le contrat première embauche est une excellente chose. D'aucuns critiquent la forme. C'est commode, car cela évite d'avoir à parler du fond. D'ailleurs, nombre de détracteurs de cette mesure masquent la disette de leur pensée sous l'abondance de leurs paroles. C'est regrettable, car le problème auquel cette proposition tente de remédier mérite mieux que nos sempiternelles querelles partisanes lors desquelles est oublié l'intérêt général, qui est en l'occurrence l'insertion des jeunes dans le monde du travail.

Il est facile de jouer au jeu des petites phrases, mais nous n'avons pas de temps à perdre avec cela, car il est urgent de mettre fin à la préférence française pour le chômage.

Le type de contrat proposé a deux mérites.

Le premier d'entre eux résulte du fait que ce contrat offre aux jeunes une possibilité de sortir de la « galère » dans laquelle un trop nombre d'entre eux se trouvent ou risquent de se trouver.

Actuellement, il arrive trop souvent aux jeunes d'aller de stage en stage plus ou moins rémunéré - d'ailleurs fréquemment moins que plus -, d'enchaîner CDD sur CDD, dont le point commun est la brièveté, quand ce n'est pas le chômage avec tous ses aléas.

Le nouveau contrat proposé apporte aux jeunes des garanties bien supérieures à celles auxquelles ils peuvent prétendre présentement, que ce soit en matière de préavis, d'indemnités en cas de rupture par l'employeur, de mesures d'accompagnement en vue du retour à l'emploi, d'accès à la formation, etc.

Il est à noter que ceux qui doivent faire des stages bénéficient également d'une amélioration de leur situation.

Aussi est-il difficile de comprendre l'hostilité excessive de certains qui ont une vision caricaturale de l'économie et de l'entreprise. Certes, le CPE n'est pas parfait, mais il constitue un grand progrès, car la précarité ne résultera pas de ce contrat : elle caractérise déjà la situation présente.

Le second mérite du CPE est qu'il engage un dépoussiérage du code du travail...

M. Yannick Bodin. Au Karcher !

M. Claude Domeizel. C'est plus qu'un dépoussiérage !

M. André Lardeux. ... qu'il faut débarrasser de son côté phraseur et verbeux et qui n'est plus qu'un élément d'un modèle social en déshérence. En effet, la prolixité de notre code du travail n'a d'égale que la confusion qui y règne. Ce code a en effet substitué à la loi de la jungle la jungle de la loi. Il ne protège que ceux qui sont insérés et empêche trop souvent l'accès à l'emploi de ceux qui ne le sont pas. En quelque sorte, il protège non pas contre les abus des employeurs potentiels, mais contre le travail lui-même. Dans notre monde globalisé, cette situation est périlleuse pour l'ensemble des travailleurs de ce pays. Dans une étape ultérieure, il faudra probablement arriver à un système de contrat unique.

M. Guy Fischer. Au mois de juillet ! (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. André Lardeux. Les dispositions concernant l'apprentissage sont un complément utile pour préparer l'insertion ultérieure dans le monde du travail, mais elles seraient plus efficaces si l'orientation scolaire était rénovée dans ses principes et dans son fonctionnement.

Elles ne méritent pas non plus les critiques acerbes que l'on entend,...

M. André Lardeux. ...car elles constituent surtout un retour à des pratiques déjà utilisées dans le passé, notamment les classes pré-professionnelles.

De trop nombreuses formations dispensées actuellement ne mènent à rien et n'ont pour objet que de maintenir les postes de ceux qui en sont chargés.

Un sénateur de l'UMP. C'est vrai !

M. André Lardeux. Un autre élément positif du projet de loi que nous examinons est le contrat de responsabilité parentale. Cette disposition est aussi un pas dans la bonne direction.

Il faut bien sûr remédier aux carences de l'autorité parentale et limiter les troubles portés au fonctionnement des établissements scolaires dont le premier est l'absentéisme scolaire. À cet égard, nous devons être beaucoup plus exigeants.

En effet, il n'y a pas que l'absentéisme des enfants de familles dépassées par les événements, lesquelles ont parfois bon dos lorsque ce problème est évoqué. Il est à noter aussi ce que l'on peut appeler « l'absentéisme de confort », de plus en plus fréquent, notamment en cette période hivernale. On me cite de plus en plus souvent le cas d'enfants ne venant pas en classe le samedi matin parce que leurs parents, qui ne sont pas des personnes en situation difficile, estiment trop fatigant de se lever ce jour-là ! En outre, certains parents partent en vacances en période scolaire - le coût des séjours est alors moins élevé -, emmenant leurs enfants avec eux en dépit de l'obligation scolaire. De telles attitudes méritent pour le moins des rappels à la loi.

Pour ce qui est de l'éventuelle suspension des allocations familiales, je m'interroge sur le fait de confier la prise d'une telle décision au président du conseil général.

M. André Lardeux. Il me semblerait plus cohérent d'octroyer cette compétence au préfet, ce qui permettrait d'assurer une application effective et plus uniforme de la mesure sur l'ensemble du territoire national.

Par ailleurs, qui va financer la mise en oeuvre de cette disposition ? Faute de l'attribution de moyens financiers aux départements à titre compensatoire, elle risque d'être une mesure supplémentaire impossible à mener à bien compte tenu du fait que le système social français n'aura pas été suffisamment réformé.

Le troisième élément positif du projet de loi en cours de discussion est l'institution du service civil volontaire. Selon moi, cette proposition pourra évoluer dans les années à venir.

Pour ce qui concerne tout d'abord son intitulé, ledit service a vocation à être qualifié de « national » puisque son objectif doit être le brassage social le plus important possible.

Il faudra également veiller, lors de la mise en place de ce dispositif, à ce qu'il ne soit pas réservé aux seuls initiés ; en effet, dans ce cas de figure, il manquerait son objectif. Il faudra aussi veiller à ce que les catégories sociales les moins favorisées y aient réellement accès.

Il serait d'ailleurs bon, à mon avis, de réfléchir à l'éventuelle extension du dispositif. Mais il est inutile de se précipiter, car le principal obstacle est le coût d'une telle opération. Comme il n'est pas question de « raser gratis » et de financer à crédit une telle disposition, de sérieuses précautions doivent être prises auparavant, faute de quoi on se retrouvera dans une situation aussi difficile que celle qui a suivi l'instauration des emplois jeunes, dont le financement n'était pas pérenne.

En effet, ceux qui se donnent bonne conscience en souhaitant la généralisation de ce dispositif se gardent bien de dire où ils trouveront les 3 à 5 milliards d'euros nécessaires. Les secteurs, très vastes, dans lesquels pourrait exister un éventuel service national peuvent être associatif, social, sportif, éducatif, sanitaire, etc.

Quoi qu'il en soit, avant de mettre en place une telle disposition et sous réserve d'en avoir les moyens, les principes constitutionnels actuels ne permettent pas de la généraliser.

Madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi aussi d'émettre quelques bémols sur d'autres aspects du projet de loi que nous examinons.

Tout d'abord, pour ce qui concerne le titre II, je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire de créer une nouvelle agence. Je me contenterai de dire que la création proposée ne serait qu'une nouvelle complication administrative démantelant l'État. Il m'aurait semblé plus pertinent d'engager une profonde réforme des administrations centrales des ministères concernés.

M. Roland Muzeau. Remplacez l'État par une agence !

M. André Lardeux. Je suis toujours aussi peu convaincu par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE. J'ai du mal à concevoir que l'on augmente déjà ses pouvoirs, alors que cette instance ne fonctionne que depuis peu de temps,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est d'accord avec moi !

M. André Lardeux. ... à moins de satisfaire certaines envies de pouvoir.

M. Roland Muzeau. Eh oui ! Vous avez tout compris ! (Rires.)

M. André Lardeux. Vous n'êtes pas le seul à tout comprendre, mon cher collègue !

Quant à l'article 23 relatif au domaine audiovisuel, sa portée normative n'apparaît pas et démontre que nos lois n'échappent pas au verbiage. De plus, je crains qu'il ne constitue une dérive dans un sens communautariste. Mais, à mes yeux, c'est secondaire par rapport à un manque essentiel dans le domaine de la lutte contre les inégalités.

En effet, je regrette que ne figure dans ce texte aucune disposition tendant à mettre fin à la principale forme de discrimination qui frappe un trop grand nombre de jeunes, à savoir la carte scolaire dont l'hypocrisie est notoire. (Mme Janine Rozier applaudit.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et M. Dominique Leclerc. Très bien !

M. Roland Muzeau. M. Sarkozy s'en occupe !

M. André Lardeux. Telle qu'elle est mise en oeuvre, cette carte scolaire représente un véritable apartheid social et instaure des ghettos scolaires de façon délibérée. Évidemment, son éventuelle révision se heurte à de profonds intérêts corporatistes, qui se sont manifestés dès hier.

La crise que nous venons de vivre nécessite de se pencher sur cette question. En effet, elle est non pas une crise des banlieues, mais une crise de l'État. Depuis l'année 2000, 34 milliards d'euros ont été consacrés à la politique de la ville. Il serait peut-être trop sévère d'affirmer que ces sommes ont été dépensées pour rien, mais on peut au moins se demander à quoi elles ont servi.

À cet égard, les zones d'éducation prioritaires, ou ZEP, sont un échec monumental, démontrant la faillite du modèle français.

M. André Lardeux. Il ne sert à rien de leur saupoudrer un peu plus d'argent. Elles contribuent à stigmatiser les populations concernées et à maintenir la ségrégation scolaire, qui n'a pas une origine financière mais résulte de nos comportements. Ne sont maintenus dans les ZEP que les enfants des familles qui n'ayant pas assez de relations ou de connaissances pour obtenir une dérogation à la carte scolaire ; Et ceux qui prônent les ZEP se gardent bien d'y scolariser leurs enfants ! Inventons donc des systèmes pour réaliser une véritable mixité scolaire et pour stimuler une saine concurrence entre les établissements.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. André Lardeux. Cela suppose que soit réalisé un effort dans un pays où la liberté de choix des familles pour l'éducation de leurs enfants est loin d'être générale et à propos de laquelle on a même constaté récemment quelques reculs.

M. Roland Muzeau. La concurrence à l'école, c'est très blairiste !

M. André Lardeux. Mon cher collègue, je n'ai pas beaucoup d'atomes crochus avec Tony Blair, mais si vous voulez me comparer à lui, je ne m'y opposerai pas !

Le troisième bémol que je veux émettre concernant le projet de loi vise son titre IV intitulé « lutte contre les incivilités ». Ce terme est un euphémisme inapproprié, hérité de plusieurs décennies de laxisme et de « politiquement correct ». Il est certain que les victimes concernées par de tels actes considèrent qu'il s'agit de violence pure et simple. Aussi me paraîtrait-il préférable d'intituler plus clairement ce titre « lutte contre la violence ».

Ce texte a donc des aspects positifs ; c'est pourquoi je le voterai. Mais le souffle de liberté qu'il représente est encore bien timide. Il en faudra plus pour bousculer un vieux pays où l'on songe plus à se protéger qu'à se lancer dans de grandes entreprises, où tout le monde, même les jeunes, hélas ! est acquis au sacro-saint « risque zéro », résultant du principe de précaution. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)

M. Roland Muzeau. Mais non !

M. André Lardeux. Il est plus qu'urgent de réconcilier nos concitoyens avec l'avenir pour leur redonner de l'espérance et pour leur rappeler, à l'instar d'Helmut Kohl, qu'une nation industrielle n'est pas un parc de loisirs où les retraités sont de plus en plus jeunes, les étudiants de plus en plus âgés,...

M. Roland Muzeau. Les riches de plus en plus riches !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On vit mieux avec 10 000 euros qu'avec 800 euros !

M. André Lardeux. ...les horaires de travail de plus en plus réduits et les congés de plus en plus longs ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Me voici, intervenant derrière mon collègue M. Lardeux, confronté à une tâche ardue pour tenter de redresser les esprits non encore endormis à cette heure, mais je vais m'employer à relever ce défi.

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, les graves événements prévisibles de novembre dernier ont révélé à certains la réalité des discriminations dont sont principalement victimes les jeunes citoyens de notre pays et la violence des inégalités socio-économiques subies par l'ensemble d'une population « ségréguée » spatialement.

Depuis, M. Dominique de Villepin a affirmé son intention de placer l'action de son gouvernement sous le signe de l'« égalité des chances » ! 

Voyons, comme semble le craindre François Dubet, sociologue, si « ce mot d'ordre n'écrase pas aujourd'hui toutes nos conceptions de la justice, et plus immédiatement s'il n'écrase pas un débat politique. »

Voyons enfin si les causes de ces drames ont été entendues et s'il nous est proposé d'y remédier. Pour ne rien vous cacher, notre sentiment est qu'il n'en est malheureusement rien.

Après avoir, entre autres, torpillé la police de proximité, liquidé les emplois-jeunes, siphonné le budget des associations, mis à mal l'éducation nationale et limité les actions publiques en direction des quartiers défavorisés, ce gouvernement s'agite en axant son action sur la rénovation urbaine, en réinjectant 100 millions d'euros de subventions aux associations, qui, à cette date, ne sont toujours pas versés, d'ailleurs, ou en réhabilitant le traitement social du chômage.

La vérité, c'est le budget, et, pour 2006, il ne témoigne pas d'un rééquilibrage social, bien au contraire : il traduit le refus de ce gouvernement et de sa majorité d'initier une autre répartition des richesses, d'un insupportable parti pris en faveur du monde de la finance, des Français les plus aisés, au détriment de la satisfaction des besoins sociaux du plus grand nombre.

Reste également, s'agissant plus particulièrement du logement, l'accentuation de situations d'exclusion ou de fragilité à l'égard d'un nombre grandissant de personnes - 5,6 millions - des jeunes en l'occurrence, comme l'a pointé cette année encore le rapport de la Fondation Abbé Pierre.

En outre, il n'a échappé à personne que le principe de mixité sociale tant mis en avant est contredit par le manque de volonté du Gouvernement de faire appliquer sérieusement la loi SRU, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

Récemment, à l'occasion de l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement, dont nous aurons de nouveau à discuter ici, certains élus de droite, de territoires les plus riches bien évidemment, ont fait preuve de leur détermination, non pas pour prévenir et inverser les phénomènes de ghettoïsation, mais pour assouplir, limiter davantage les obligations qui leur incombent de construire des logements sociaux, et ils ont obtenu gain de cause.

Sur le front de la lutte contre le chômage, enfin, M. de Villepin, en compétition permanente avec M. Sarkozy - cela devient assez banal de le dire - tente de nous convaincre à coup d'annonces frénétiques qu'il « essaie tout ».

Si chacun a sa méthode - le premier pratique la destruction du code du travail et la mise en forme accélérée du programme du MEDEF, le second communique sur la politique de rupture, la France de demain - une chose est sûre : aucun ne s'attaque au coeur des maux dont souffre notre société. Tous deux posent la primauté de la loi économique du profit, de la compétitivité, et considèrent comme naturelle et seule possible la précarisation des normes d'emploi.

L'affichage, la semaine dernière, des « super profits » engrangés par les grands groupes illustre ces choix économiques. Une petite litanie de citations concernant les bénéfices de certaines grandes sociétés manquerait à ma démonstration : France Télécom affiche 90 % de bénéfices nets supplémentaires, mais une hausse de 1 % seulement pour les salaires, avec à la clef l'annonce de 17 000 suppressions d'emplois ; 66 % de bénéfices nets supplémentaires pour ARCELOR ; 61 % pour Alcatel ; 36 % pour Michelin, contre 2,5 % pour les salaires ; 25,1 % pour BNP Paribas, contre 1,2 % pour les salaires ; 18 % pour Renault ; enfin, 16 % seulement pour Total, ce qui fait tout de même 12 milliards d'euros.

Ces chiffres confirment le mouvement de fond de diminution de la part des salaires dans le revenu national, au profit de la part des revenus financiers redistribués aux actionnaires et non réinvestis dans les outils industriels, donc en défaveur de l'emploi.

Nous ne sommes ni naïfs ni ringards et nous nous posons cette double question, que vous devriez essayer de vous poser aussi, mesdames, messieurs de la majorité : où est le bien-être humain là dedans ? Et quel sens cela a-t-il en termes de civilisation ?

« Tout essayer » signifie, pour vous, utiliser tous les outils pour généraliser la précarité. C'est vrai dans le secteur privé, mais également dans la fonction publique, où, désormais, selon la DARES, la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, 16 % des agents ont des contrats courts. Là aussi, les premières victimes sont les jeunes de moins de vingt-neuf ans et les femmes, qui représentent deux tiers des contrats courts.

Comme l'a développé le professeur Alain Supiot, la contradiction n'est qu'apparente entre l'intervention sur le marché, notamment en aidant financièrement l'entreprise qui embauche, et le laisser-faire en flexibilisant le marché, « les emplois subventionnés constituant l'archétype du travail à bas prix et à faible protection ».

Le Premier ministre, comme M. Raffarin précédemment, s'inscrit dans ce schéma classique. Il intervient largement pour peser sur l'offre d'emploi, subventionnant celle-ci sans de soucier de l'efficacité quantitative et qualitative des aides publiques ainsi distribuées aux entreprises, ni de leur coût pour les finances publiques et encore moins pour la protection sociale. Ces charges pèseraient, selon les estimations, entre 30 milliards d'euros et 60 milliards d'euros ; excusez du peu !

L'empressement mis à créer de nouvelles zones franches urbaines, l'extension du régime d'exonérations fiscales et sociales aux entreprises de moins de deux cent cinquante salariés, et non seulement de cinquante salariés au plus, au risque de favoriser plus encore les effets d'aubaine et les montages financiers des entreprises, sont à ce titre évocateurs.

Le bilan de cette politique de revitalisation économique de territoires en difficulté est pourtant loin d'être aussi positif qu'il y paraît.

D'après la DARES - cette estimation date de ce mois-ci - les résidents des quartiers en difficulté sont plus jeunes et moins qualifiés que les autres salariés embauchés. Essentiellement positionnés sur des postes d'ouvriers ou d'employés, ils reçoivent des rémunérations plus faibles, de l'ordre de 30 %. Les limites de l'insertion des populations issues des quartiers dans les zones franches sont démontrées : 69 % des entreprises n'auraient aucun salarié. Pourquoi, alors, continuer à proposer ce remède, qui coûte une fortune ?

Les effets pervers du ciblage des exonérations sociales, aides fiscales au profit de telle ou telle catégorie de notre population - les jeunes, les vieux, les bénéficiaires de minima sociaux, de certains types d'emploi, à bas salaire, faiblement qualifié ou à temps partiel, ou encore situés sur certains territoires - sont officiellement connus : fragmentation du marché de l'emploi, mise en concurrence des uns par rapport aux autres, stigmatisation des demandeurs d'emploi, de telle catégorie rendue responsable de sa situation. Pourquoi alors les ignorer et préconiser, comme c'est envisagé dans ce projet de loi, de renforcer davantage le ciblage des mesures en direction de tous les jeunes, diplômés ou non, si ce n'est pour accompagner le besoin immédiat d'adaptation des entreprises ?

Si M. de Villepin pèse sur l'offre, il n'en n'épouse pas moins pleinement la critique libérale qui voit « dans le droit du travail le principal obstacle au respect du droit au travail ».

M. Roland Muzeau. En permettant qu'il soit dérogé par voie conventionnelle aux règles du code du travail régissant le temps de travail, le calcul des heures supplémentaires, en défaisant le droit du licenciement ou en multipliant les normes d'emplois à contraintes allégées et les dérogations au principe de l'emploi à durée indéterminée, que fait-il, si ce n'est donner satisfaction au MEDEF ?

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Roland Muzeau. Que fait-il en proposant le CPE dans le prolongement du CNE ? Il assouplit la législation de la protection de l'emploi, et ce - il faut le dire ! - avec les félicitations de l'OCDE, qui appelle de ses voeux, comme nombre d'entre vous, mes chers collègues de droite, la poursuite des efforts vers la refonte du contrat de travail, pour parvenir à un contrat unique dont le CPE et le CNE seraient bien évidemment l'ébauche.

M. Roland Courteau. C'est exact !

M. Roland Muzeau. M. de Villepin rejoint là, dans la course à la présidentielle, son collègue de l'intérieur, toujours prompt à critiquer notre modèle social, qui, selon lui, serait « passéiste, injuste et inefficace ».

Or ces tenants de la « modernité » oublient de dire que la démonstration du lien entre taux d'emploi et rôle de la protection de ce dernier est loin d'être faite et que, avant tout, c'est du rythme de croissance que dépend le volume d'emploi.

Je vous renvoie à l'exemple de l'Espagne et à une tribune d'Henry Guaino, ancien commissaire au Plan et collaborateur de M. Charles Pasqua, parue la semaine dernière, intitulée Les ambiguïtés de la flexibilité du travail, et dans laquelle était relativisé le constat de l'excessive rigidité de l'emploi en France, « cette dernière étant déjà plus flexible que la majorité de ses partenaires européens s'agissant du CDI et des procédures de licenciement, même si, en revanche, la réglementation sur les emplois temporaires y est plus contraignante. »

Et si, justement, sous couvert de lutter contre le chômage des jeunes via le CPE, qui n'est rien d'autre qu'un CDD masqué, le Gouvernement remédiait à ce supposé problème des garanties offertes par les CDD ?

Le CPE court au-delà de dix-huit mois, il peut être renouvelé sans limites et rompu à tout moment durant deux ans, et ce sans motif, alors que la rupture du CDD par l'employeur n'est possible qu'en cas de faute grave.

M. Roland Muzeau. Ceux qui n'ambitionnent, en fait, rien d'autre qu'une resucée de vieilles recettes ultra-libérales avec, comme maîtres mots, l'abaissement du coût du travail et la flexibilité de l'emploi, visent la substitution d'emplois et non l'ajout d'emplois atypiques à des emplois stables, et ce dans l'objectif de faire baisser rapidement à court terme la courbe du chômage. Ils ignorent sur le long terme les besoins de notre économie en salariés qualifiés, en raison des départs massifs en retraite et des évolutions technologiques. Ils passent sous silence les effets dévastateurs de trente ans de dispositifs de lutte contre le chômage qui ont, avant tout, oeuvré en faveur de l'abaissement du coût de l'emploi d'un jeune et de la stigmatisation de ces derniers.

Aujourd'hui, 40 % des jeunes ayant un emploi bénéficient du panel de mesures spécifiques d'insertion professionnelle, sans compter la part croissante des stages effectués par un étudiant sur deux - soit 800 000 personnes - au cours de sa scolarité, des 10 000 stages reconnus par le MEDEF comme étant des emplois déguisés ou des autres formes précaires d'emploi, non réservées aux jeunes mais banalisées et proposées en priorité à ces derniers.

Vous vous dispensez toutefois, madame, messieurs les ministres, de mettre un terme aux pratiques abusives des stages, notamment en définissant législativement ce que l'on peut considérer comme étant un stage, pour en limiter la durée, ou encore pour en envisager la requalification en vrais emplois.

En revanche, avec empressement et non sans confusion, vous communiquez sur un taux de chômage des jeunes - 23 %  - en omettant de préciser que 60 % des jeunes de quinze à vingt-quatre ans sont étudiants ou lycéens.

Vous vous servez de la réelle précarité qu'ils subissent pour justifier pour tous, diplômés ou non, pour ceux qui n'ont pas de difficultés à décrocher un premier emploi en rapport avec leur qualification, l'institutionnalisation d'une norme d'emploi nouvelle, particulièrement incertaine, commettant la même erreur - je vous avertis et, ce faisant, je vous rends service - que M. Balladur en d'autres temps avec son CIP, le contrat d'insertion professionnelle. Il est temps de vous ressaisir !

Pourtant, vous ne pouvez ignorer que 54 % des jeunes entrés sur le marché du travail depuis moins d'un an en 2003 étaient en emploi stable, ni que la situation des jeunes est largement différente selon leur âge et le diplôme qu'ils possèdent.

Au final, contrairement à ce que vous prétendez, il ne s'agit pas là d'un équilibre « gagnant-gagnant », mais d'un équilibre « gagnant pour les entreprises, perdant pour les jeunes salariés », qui supportent plus de précarité sociale sans bénéficier pour autant, en contrepartie, de plus de garanties.

Comme le remarque M. Jacques Freyssinet, président du Centre d'études de l'emploi, « tous les rapports le montrent, la flexibilité c'est quand les gens acceptent de bouger parce qu'ils ont la sécurité. Avec le CPE, il n'y a aucune garantie offerte aux salariés. »

« Qu'est ce qui fera que le CPE consolidera l'expérience des jeunes, qu'il créera de l'emploi ? », s'interrogent quasi unanimement les économistes et les directeurs des ressources humaines.

Quant à la présidente du CDJ, le Centre des jeunes dirigeants - ce ne sont pas des syndicalistes ouvriers ! -, elle déclare que ses adhérents, consultés, boudent déjà le CPE préférant « la motivation » pour garder les jeunes embauchés.

Inadapté pour résoudre la question du chômage des jeunes, le CPE risque d'être aussi source d'affaiblissement de l'investissement des entreprises. Majoritairement, le CPE suscite inquiétude et rejet. Les jeunes, mobilisés aujourd'hui encore, vous l'ont fait savoir.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Roland Muzeau. Le Gouvernement reste néanmoins droit dans ses bottes, par idéologie. Il méprise les exaspérations de nos concitoyens, leurs aspirations à une autre politique.

Avec ces coups de force permanents sur l'emploi, notamment, le Gouvernement s'exonère des consultations nécessaires des partenaires sociaux et de la concertation avec les collectivités territoriales compétentes.

Lorsque des avis sont rendus - je fais référence, en particulier, à celui, négatif, de la CNAF, la Caisse nationale des allocations familiales, sur le contrat de responsabilité parentale et la suspension des allocations familiales, ou à celui du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, sur l'apprentissage - ils ne sont suivis d'aucun effet.

Certains personnels - je pense à ceux du FASILD, le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations - apprennent par la presse le sort qui leur sera réservé. Il en va de même pour ceux de la DIV, la délégation interministérielle à la ville.

Votre attitude, madame, messieurs les ministres, est tout aussi désinvolte et méprisante vis-à-vis du Parlement. Après avoir légiféré par ordonnance sur le CNE, le CTP, vous déclarez l'urgence sur un texte pour accélérer l'adoption de dispositions substantielles introduites par voie d'amendement, dont le CPE. Et je ne reviendrai pas sur l'invocation de l'article 49-3 de la Constitution à l'Assemblée nationale...

Le résultat est que vous privez les uns et les autres de la possibilité de démontrer que d'autres voies existent pour lutter contre le chômage des jeunes.

Comble de l'ironie : le Gouvernement commande des rapports, mais lorsque le contenu de ceux-ci devient gênant, dans la mesure où il va à l'encontre des initiatives gouvernementales, comme c'est le cas du rapport Proglio sur l'insertion des jeunes diplômés, que j'ai lu et relu dans sa totalité tellement il m'a étonné, alors il les cache et ne les verse pas à temps au débat. C'est bien dommage !

Il est vrai que, pour l'UMP, il est dur d'entendre un patron dire que l'insertion des jeunes ne passe pas « par une multiplication des mesures incitatives pour favoriser leur embauche au détriment d'une autre catégorie » ou encore que les entreprises doivent être responsabilisées afin de nouer « avec les jeunes qu'elles recrutent un engagement durable, notamment en revalorisant le CDI comme forme normale d'embauche. » C'est cela, une relation de confiance avec les jeunes !

Je regrette aussi que vous n'ayez pas cru bon devoir tenir compte des contre-propositions syndicales ou politiques qui ont été formulées.

Je pense également à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, dont on ne peut croire qu'elle est simplement destinée à recevoir des fonds : on ne peut se satisfaire du doute entretenu autour de sa tutelle, où l'on perçoit l'ombre du ministère de l'intérieur. Monsieur Borloo, nous attendons votre réponse à ce sujet.

Je pense aussi au renforcement des pouvoirs de sanction de la HALDE, qui revient à dépénaliser les pratiques discriminatoires et à minimiser de fait l'importance des actions menées pour prévenir les comportements racistes et sexistes, ce qui concerne plusieurs ministères.

En introduisant tout à l'heure mon propos, je m'interrogeais sur l'intitulé même de ce projet de loi, qui fait référence à l'égalité des chances et non à l'égalité des droits. Car, pour reprendre les réflexions du sociologue Roland Pfefferkorn, « là où il y a égalité, par définition, il n'y a pas besoin de chance et là où il y a chance, il n'y a pas d'égalité... le mot chance renvoyant au monde de la loterie, un monde où quelques-uns gagnent et où la plupart perdent ... ».

Vous comprendrez, au détour de nos interventions et de nos amendements que l'existence du CPE, de l'apprentissage dès l'âge de quatorze ans, comme du contrat de responsabilité parentale, est pour nous autant de dispositions inacceptables, qui nous amèneront à rejeter un texte par ailleurs épars, dangereux et sans grande ambition. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la promotion de l'égalité des chances fait appel à l'esprit de responsabilité, qu'il faut sans doute, plus que jamais, contribuer à renforcer.

Beaucoup reste à faire dans une France où notre « modèle républicain », loin de répondre à toutes ses promesses, abrite encore un certain nombre d'inégalités et de discriminations. Elles sont autant de « coups de canif » portés à notre pacte républicain, à la nation qu'il établit et au « vivre ensemble » qui en est le ciment.

L'égalité des chances doit permettre à chacun de trouver sa place dans une société qui a vocation à ne laisser personne au bord du chemin. Elle assure que les hiérarchies ne s'établissent qu'en reconnaissance du mérite et de l'effort, valeurs que l'idéologie et le « politiquement correct » ...

M. David Assouline. Vous n'avez que ce mot à la bouche !

M. Philippe Nogrix. ... ont contribué, hélas, à discréditer.

C'est au regard de cet idéal que le groupe UC-UDF propose d'examiner ce texte, sans angélisme ni diabolisation, mais plutôt avec bon sens.

Que nous dit-il, ce bon sens ?

En premier lieu, que vous aurez beau marteler que l'empilement des mesures hétéroclites (applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) proposées dans ce projet de loi est bien à même de répondre aux défis actuels, hélas, vous ne prêcherez que pour les convaincus ! (Nouveaux applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Roland Muzeau. Bravo ! C'est bien la première fois que je vous applaudis ! (Sourires.)

M. Philippe Nogrix. Je vous en dispense. Affûtez plutôt vos arguments ! (Nouveaux sourires.)

En outre, madame, messieurs les ministres, l'introduction en catimini de dispositions qui n'ont qu'un lointain rapport avec lesdits objectifs nous semble d'autant plus contestable que, ce faisant, vous bricolez sans le dire des éléments fondamentaux de la nation.

En second lieu, que la méthode retenue nous paraît doublement détestable.

Vous ne vous seriez fixé que ce seul objectif de tendre à l'égalité des chances que vous étiez déjà « disqualifiés ». Un texte à l'ambition aussi bien ancrée mérite en effet beaucoup mieux qu'un débat en urgence, « à la hussarde », sans qu'il soit procédé aux consultations d'usage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

La République, c'est l'affaire de tous, et non celle d'un parti ou d'une corporation. Au-delà de cette question de principe, nous apportons notre voix à tous les démocrates qui s'émeuvent de « l'art et de la manière » avec lesquels vous piétinez les engagements mentionnés dans la loi du 4 mai 2004, dite loi Fillon. (Murmures d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)

Notre démocratie sociale ne vous a certes pas attendus pour tomber malade, mais il est à craindre que vous lui ayez porté là un coup fatal. (Applaudissements sur les mêmes travées.) Cela est d'autant plus vrai qu'en plaquant le CPE dans un texte qui n'était pas a priori destiné à le recevoir, vous privez la nation du grand débat que son introduction appelle.

Mme Hélène Luc. C'est vrai !

M. Philippe Nogrix. Arrêtons, là encore, de nous payer de mots ! Malgré les envolées verbales du Premier ministre pour en minimiser l'impact, le choix que vous nous proposez est d'une grande portée.

Un sénateur socialiste. On n'aura plus rien à dire ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Nogrix. Mais il alourdit aussi d'un énième contrat spécifique le code du travail, qui devra nécessairement être toiletté un jour ou l'autre. Et le plus tôt sera le mieux, car les entreprises n'en peuvent plus !

Mais tout cela, pourquoi ne pas le dire et le livrer d'ores et déjà au débat ? L'enjeu porte bien ici sur un choix de société.

M. Philippe Nogrix. Les Français ont le droit de connaître les termes qui encadrent cette remise en cause ainsi que les alternatives qui se posent, et de se prononcer à leur sujet.

Il faut, madame, messieurs les ministres, jouer carte sur table et prendre les Français à témoin de votre volonté de trouver un consensus sur une question qui les engage au plus haut point.

Nous devons absolument sortir de l'ornière idéologique de la « lutte des classes », telle qu'elle s'exprime encore, hélas, dès qu'il est question de l'entreprise en France.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Là, c'est moins bien !

M. Philippe Nogrix. Vous utilisez une bien mauvaise méthode pour présenter un dispositif qui, s'il est perfectible, n'est pourtant pas complètement irrecevable dans son principe.

Le monde bouge, en effet, et particulièrement le monde des entreprises, lesquelles doivent aujourd'hui composer avec un environnement en perpétuelle mutation. Or ce sont elles qui, jusqu'à preuve du contraire, ont ou n'ont pas d'emplois à créer et donc à proposer.

Vous le savez, ce n'est pas la loi qui fait l'emploi.

Entre le possible et le souhaitable, entre le réel et le rêvé, il y a un équilibre à déterminer.

L'angle de lecture du CPE change, pour peu que l'on accepte de considérer que les intérêts de l'employeur sont ceux de l'entreprise et que ceux de l'entreprise sont ceux de l'employé auquel elle propose un travail.

L'angle de lecture change également pour peu que l'on veuille bien cesser de considérer le travail contemporain comme systématiquement aliénant, mais plutôt et surtout comme un facteur d'équilibre, d'accomplissement et d'inclusion dans la société.

Je sais que ce n'est pas chose aisée à envisager pour une gauche qui, jadis, a inventé le ministère du temps libre ...

Mme Hélène Luc. Heureusement qu'on en a du temps libre !

M. Philippe Nogrix. ... et qui porte la responsabilité historique du miroir aux alouettes des 35 heures.

Mon expérience de l'entreprise me le confirme : un recrutement, c'est à la fois un risque et un investissement.

La peur de « l'effectif » est une maladie largement répandue en France.

Le CPE n'est pas infondé à lever les freins psychologiques à l'embauche des jeunes. Il n'entraîne a priori aucune conséquence sur l'intérêt qu'a une entreprise, dès lors que son activité le lui permet, à garder un employé qu'elle a formé à son métier durant deux ans.

Je refuse le procès d'intention fait aux employeurs, selon lequel ils n'aspireraient qu'à licencier le salarié embauché en CPE au bout de deux ans.

M. Josselin de Rohan. Vous êtes un peu réactionnaire, là ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Nogrix. Il ne faut toutefois pas faire d'angélisme.

J'estime en effet que ce dispositif, dans la mesure où il est dérogatoire, doit être plus strictement encadré qu'il ne l'est à l'heure actuelle. Le délai de deux ans excède la durée nécessaire pour une période d'essai. Quant au délai de carence entre deux CPE, il doit au contraire être allongé, afin de prévenir les effets d'aubaine, de seuil et de substitution.

De même, je pense qu'il faut prévoir la mention d'une justification écrite de la rupture du contrat de travail.

Enfin, parce que nous savons que le chômage des jeunes est une question autant d'inhibitions que de formation, le groupe UC-UDF proposera un certain nombre d'amendements destinés à permettre à l'employé de « reprendre la main ». Il faut en effet lui offrir la possibilité de s'approprier son projet et son parcours professionnels, afin qu'il soit acteur du surcroît de flexibilité que l'on peut attendre de lui. On peut ainsi résumer cette relation : « Je te donne, tu me donnes, on échange un savoir-faire contre des conditions de travail ».

Il y a encore du chemin à faire avant que la nouvelle donne proposée ici soit véritablement « gagnante-gagnante ». C'est également vrai des autres volets de votre projet de loi.

S'agissant de la HALDE, la pratique du testing, inscrite d'ailleurs sous un curieux anglicisme dans la loi française - la loi Toubon aurait-elle été abrogée ? - ...

M. Jean-Louis Borloo, ministre. On dit aussi la « testation » !

M. Philippe Nogrix. Pourquoi ne pas utiliser les mots « testation », « simulation » ou « évaluation » ? Supprimons ce testing, qui n'a rien à faire chez nous !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le testage ?

M. Philippe Nogrix. Non, le testage est réservé aux animaux ! (Sourires.)

La « testation » est un mot nouveau, introduit dans le vocabulaire en 1986 par les journalistes, grâce à qui la langue française demeure une langue vivante !

M. René Garrec. Est-ce dans le dictionnaire ?

M. Philippe Nogrix. Si la possibilité qui est offerte de répondre aux discriminations par une amende pénale permet bien de pallier les lenteurs de la justice, ce dispositif pose néanmoins autant de questions qu'il n'en résout, d'abord techniquement, avec la nécessité d'un aménagement institutionnel inspiré du précédent de la Commission des opérations de bourse, la COB, et ensuite politiquement, dans la mesure où la sanction ne saurait être envisagée autrement que comme un cautère sur une jambe de bois.

Cette sanction est certes nécessaire et doit même être doublée en cas de récidive. Mais le respect et la crainte ne se confondent pas. Les regards et les mentalités ont besoin, pour évoluer, au moins autant de pédagogie que de sanctions.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !

M. Philippe Nogrix. Enfin, s'agissant du contrat de responsabilité parentale, que j'aurais aimé évoquer devant Philippe Bas, il aurait été profitable de lui trouver une place au sein d'un texte prenant plus globalement en compte la situation des familles.

M. Philippe Nogrix. Il faut, là encore, être conscient de ce que la responsabilisation telle que vous la concevez, en envisageant la possibilité de suspension des allocations familiales, inscrit sans le dire notre politique familiale dans une logique plus contractuelle qu'universelle, alors que ces allocations résultent d'une cotisation sur le salaire et donc sur le travail.

M. Philippe Nogrix. La vraie question à laquelle il nous faut répondre est celle de l'accompagnement social des familles, ce qui eût peut-être évité que l'UNAF, l'Union nationale des associations familiales, n'émette des réserves ou que la CNAF, la Caisse nationale des allocations familiales, ne rejette vos propositions.

M. Philippe Nogrix. Je vous épargnerai la métaphore de la montagne qui accouche d'une souris, ...

M. Roland Muzeau. Mais non ! Moi, je ne la connais pas ! (Sourires.)

M. Philippe Nogrix. ...mais elle s'impose à l'évidence !

Il y avait un objectif louable et ambitieux au départ. Il n'y a plus qu'un patchwork inabouti et, bien sûr, incomplet à l'arrivée.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Patchwork, c'est de l'anglais !

M. Philippe Nogrix. Au-delà du décalage, le caractère subreptice des modifications que vous apportez à nos fondamentaux me semble dommageable au regard, non seulement de nos mécanismes démocratiques, mais surtout de la possibilité offerte de confronter explicitement les Français aux voies et moyens de la société qu'ils veulent construire ensemble.

C'est parce que vous vous êtes soustraits à cette réalité qu'elle risque de se rappeler à votre souvenir avec fracas.

J'espère toutefois que l'examen des amendements nous permettra d'enrichir et de modifier le texte que vous nous proposez : la nature de notre vote en dépendra. (Applaudissements sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, il me semble qu'il faut revenir au point de départ de ce projet de loi pour en bien comprendre la portée.

Il y a trois mois, nos banlieues étaient durement frappées par ce qu'il faut bien appeler de véritables émeutes - ou riots, pour utiliser le mot anglais, qui dit bien ce qu'il veut dire ; cette situation a abouti à la déclaration de l'état d'urgence.

Ces violences intolérables pour nos concitoyens ont entraîné des dégâts très considérables, chiffrés à près de 200 millions d'euros, d'après l'évaluation réalisée par la Fédération française des sociétés d'assurances.

Ces émeutes signifiaient au Gouvernement le fort sentiment d'abandon dont se sentait victime une partie importante de notre population vivant dans des quartiers fragilisés par une politique qui n'était manifestement pas à la hauteur des enjeux.

Ces émeutes signaient également l'échec patent, dix années après son élection à la Présidence de la République, de Jacques Chirac, qui s'était successivement fait élire sur les thèmes de la lutte contre la fracture sociale, puis de la lutte contre l'insécurité.

Manifestement, ni l'un ni l'autre de ces objectifs n'ont été atteints, et les émeutes dans nos quartiers l'ont manifesté face à la nation stupéfaite et face au monde extérieur sidéré.

M. Josselin de Rohan. Et vous qu'aviez-vous fait ?

M. Roland Ries. Les deux caractéristiques de ces mouvements ont bien été la volonté de lutter contre, d'une part, les inégalités et les discriminations et, d'autre part, les violences de voie publique, c'est-à-dire très exactement contre ce que le candidat Chirac prétendait éradiquer dans ses programmes successifs.

L'échec, mes chers collègues, est donc ici manifeste.

M. Josselin de Rohan. Ségolène fera mieux ! (Sourires.)

M. Roland Ries. Dans l'urgence, voire, serais-je tenté de dire, dans la panique qui a alors frappé le sommet du pouvoir, se rendant soudain compte de la gravité de la situation, des promesses ont été faites, quelques subventions rétablies.

Mais, globalement, et particulièrement en Seine-Saint-Denis, les maires sont aujourd'hui dans la désespérance face à l'absence de mobilisation de l'État, pour reprendre le titre d'un article paru mardi dans le journal Libération.

C'est dire, mes chers collègues, à quel point les propositions du Gouvernement en faveur des quartiers étaient attendues avec impatience, mais quelle déception !

Alors qu'il aurait fallu s'interroger sur les moyens de « remettre en selle » ces quartiers avec des propositions novatrices, le projet de loi qui nous est présenté nous « sert » comme l'alpha et l'oméga de la revitalisation des banlieues un dispositif de défiscalisation des plus classiques en faveur des entreprises.

Les seuls éléments nouveaux, en dehors du CPE, dont on a beaucoup parlé, et du service civique volontaire, résident dans la mise en place d'une troisième vague de zones franches, qui ne sont d'ailleurs pas définies aujourd'hui mais qui le seront ultérieurement par décret.

Je veux exposer rapidement notre point de vue sur ces zones franches urbaines, qu'elles soient d'ailleurs anciennes ou nouvelles.

Sur le principe même des zones franches urbaines, j'ai, à la limite, envie de dire « pourquoi pas ? », même si je suis convaincu que ces zones représentent très souvent un effet d'aubaine pour les entreprises.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Entreprises qui s'en vont ensuite...

M. Roland Ries. Je rappelle à ce sujet que 20 % des implantations dans les zones franches urbaines de deuxième génération sont en fait de simples transferts d'entreprises,...

M. Alain Gournac, rapporteur. Faut-il supprimer celle de Bondy ?

M. Roland Ries. ...et je ne compte pas celles qui se seraient de toute façon créées sans la mise en place de ce coûteux dispositif.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Mais on ne parle jamais des entreprises qui ne se seraient jamais créées !

M. Roland Ries. C'est ce que j'ai pu lire dans des études de bilan sur ces ZFU de deuxième génération. On est donc loin des 70 000 créations d'emploi annoncées, car, dans le dispositif de lutte contre le chômage, il convient, on le sait, de raisonner en création nette d'emplois, et non pas en termes de vases communicants d'emplois.

Je me livrerai à présent à quelques réflexions sur les nouvelles mesures que prévoit le projet de loi en matière de ZFU, en particulier dans ses articles 6 à 15.

Tout d'abord, le dispositif proposé étant fortement dérogatoire au droit commun, il ne peut se concevoir que comme étant tout à fait exceptionnel quant au nombre de territoires concernés. Les zones franches urbaines ne trouvent en effet leur justification que si elles correspondent à une volonté forte des pouvoirs publics de « mettre le paquet » sur un nombre réduit de territoires.

Au-delà du coût important de ce dispositif, il est bien évident que, plus il bénéficiera à un nombre important de territoires, plus ses effets éventuellement positifs risquent de se diluer. Or, après les ZFU de première génération, nous avons eu les ZFU de deuxième génération et vous nous proposez à présent des ZFU de troisième génération, toutes les zones franches créées antérieurement étant non seulement maintenues, mais prolongées dans le temps sans même qu'une véritable évaluation en termes d'emplois réellement créés ait été réalisée ZFU par ZFU.

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Vous vous contredisez !

M. Roland Ries. Le caractère fortement dérogatoire du dispositif devrait, à mon sens, au contraire conduire à une limitation plus courte dans le temps. Il s'agit bien d'encourager l'installation d'entreprises, et non d'assurer des rentes de situation sans rapport avec l'intérêt social, et ce compte tenu, surtout, du coût pour la collectivité des activités en question.

Enfin, le même caractère fortement dérogatoire au droit commun devrait conduire à encadrer strictement les activités auxquelles le dispositif s'applique. Or, étendre aux entreprises de moins de 250 salariés, contre 50 actuellement, ou aux quartiers d'une taille minimale de 8 500 habitants, contre 10 000 actuellement, la possibilité de bénéficier des diverses exonérations correspond en fait à cette même logique de saupoudrage aux effets plus qu'incertains.

M. Pierre André, rapporteur pour avis. Il ne s'agit pas de saupoudrage, mais d'exonérations !

M. Roland Ries. Je note que, parallèlement, et nous déposerons un amendement pour y remédier, les professions médicales et paramédicales sont exclues du dispositif proposé pour les cotisations sociales dites personnelles, pour la maladie et pour la maternité, alors que chacun sait que les quartiers concernés souffrent d'un fort déficit d'installation de ces professions. Il faudrait au contraire, dès lors que l'on se place dans cette logique des zones franches, encourager de jeunes praticiens à installer leur cabinet dans ces quartiers.

Je terminerai ce premier propos sur deux points concernant la méthode retenue par le Gouvernement concernant l'extension du dispositif des ZFU, et notamment la création des quinze nouvelles zones.

Tout d'abord, je veux exprimer ma forte inquiétude quant à la détermination par décret du périmètre de ces quinze nouvelles zones franches. En effet, la manière dont ce gouvernement a réalisé ses choix pour les fameux collèges estampillés « ambition réussite » constitue un précédent qui n'est pas de nature à nous rassurer. Sans vouloir faire un procès d'intention, je crains que cette méthode n'ouvre la voie à des choix qui pourraient être dictés par des considérations autres que la situation objective des quartiers. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Guy Fischer. Oui ! Par des considérations politiques !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les copains d'abord !

M. Roland Ries. Aussi, j'invite vivement le Gouvernement à mettre sur la table, de manière précise et transparente, les critères qui le conduiront à retenir tel quartier par rapport à tel autre. Pourquoi ne pas lancer un appel public à projets, comme pour la première génération de ZFU ?

Ensuite, nous savons bien que la création de nouvelles ZFU est soumise à l'accord préalable de la Commission européenne. Pourquoi alors le Gouvernement ne s'est-il pas assuré de cet accord avant de soumettre son projet de loi au Parlement ? La discussion pourrait en effet se révéler nulle et non avenue si la Commission européenne décidait qu'il est impossible d'étendre les zones franches.

Le deuxième point de mon intervention porte sur l'insuffisance des contreparties exigées des entreprises par rapport à l'importance des exonérations accordées.

Soumettre les entreprises à la seule obligation de recruter 30 % de leurs salariés dans les zones urbaines sensibles me paraît être une condition bien insuffisante. Trop de ZFU aujourd'hui sont, en fait, sans lien véritable avec les quartiers grâce auxquels elles bénéficient de leur régime fiscal d'exception.

La clause locale d'embauche est donc une condition d'exonération bien insuffisante, mais, en plus, je trouverais tout simplement scandaleux que les entreprises puissent considérer leur seule obligation comme ayant été remplie parce qu'elles recourent au CPE.

En d'autres termes, la conclusion de contrats de travail précaires ne saurait être considérée comme la contrepartie exigée des entreprises pour bénéficier des avantages fiscaux de l'implantation en ZFU. Ce sont évidemment des CDI qu'il faut exiger, et nous déposerons d'ailleurs des amendements en ce sens.

M. Thierry Repentin. C'est justifié !

M. Roland Ries. Compte tenu du coût important que ces exonérations représentent pour la collectivité, nous pourrions exiger des entreprises qu'elles prennent des engagements supplémentaires pour mieux s'insérer dans leur environnement.

Ainsi, elles pourraient s'investir plus fortement dans la promotion à l'égard de leurs salariés des modes de déplacement alternatif à l'usage individuel de l'automobile, par exemple dans le cadre de plans de déplacement des entreprises, ou encore dans la vie associative du quartier.

Je rappelle tout de même que, d'après les évaluations réalisées, chaque emploi entrant dans le dispositif qui existe aujourd'hui coûterait plus de 6 000 euros par an à l'État, soit, en définitive, pas beaucoup moins que les emplois-jeunes, que la majorité actuelle a tant critiqués à cause de leur coût élevé pour la collectivité.

M. Roland Ries. Troisième et dernier point de mon intervention : il me semble important de souligner la vision parcellaire du projet du Gouvernement.

Aborder le thème de la revitalisation économique de nos quartiers sous le seul angle de la défiscalisation me semble être une approche totalement insuffisante. En effet, deux éléments devraient, à mon sens, être pris en considération pour assurer une meilleure efficacité des ZFU.

D'une part, la gestion du foncier, dont le projet de loi ne traite pas, constitue aujourd'hui un problème important dans les quartiers.

M. Jean-Pierre Sueur. Mais le Gouvernement ne veut pas en parler !

M. Roland Ries. D'autre part, les zones franches urbaines n'ont aucune chance de fonctionner correctement si elles ne s'intègrent pas dans une politique locale globale de revitalisation des quartiers, aspect que le projet de loi néglige aussi.

Globalement, les propositions qui nous sont faites sont donc bien décevantes et ne correspondent pas à la réalité des enjeux auxquels sont confrontés ces quartiers. Je suis convaincu que l'ensemble de ce projet de loi, et plus particulièrement toutes les mesures qui aboutissent à la précarisation de l'emploi des jeunes, à la pérennisation et à l'extension de dispositifs qui ont fait la preuve, au fil des ans, de leur inefficacité, n'est pas à la hauteur des énormes problèmes économiques et sociaux que connaît notre pays.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, nous ne cautionnerons évidemment pas cette politique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Janine Rozier.

Mme Janine Rozier. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi pour l'égalité des chances qui nous est soumis aujourd'hui a fait couler beaucoup d'encre. Il a mobilisé dans la rue, certes toujours les mêmes personnes, prêtes à sortir leurs banderoles et leurs contre-vérités, mais aussi des jeunes à qui, comme d'habitude, on a fait la leçon. (Oh ! sur les travées du CRC.)

Mme Hélène Luc. Croyez-vous qu'ils l'aient fait par plaisir ?

Mme Janine Rozier. Face au chômage qui sévit depuis une trentaine d'années, face à l'insécurité qui s'est manifestée dans nos banlieues, face au désarroi des familles et au mal-vivre des jeunes, l'État offre aujourd'hui une chance à ceux qui veulent s'intégrer par le travail.

Dans cette optique, le présent projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, contient cinq objectifs.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'a pas été adopté !

Mme Hélène Luc. Il est seulement considéré comme adopté.

Mme Janine Rozier. Je reprendrai point par point ces cinq objectifs : favoriser l'emploi des jeunes en instituant l'apprentissage junior et le contrat première embauche ; renforcer l'égalité des chances et lutter contre les discriminations en créant l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances ; aider les parents à exercer leur autorité parentale grâce à un contrat de responsabilité parentale confié aux conseils généraux ; renforcer les pouvoirs des maires face aux « incivilités », enfin, créer un service civil volontaire.

Si vous le permettez, madame, messieurs les ministres, je développerai en particulier deux sujets sur lesquels j'ai déjà eu l'honneur d'intervenir, à savoir, d'une part, l'apprentissage junior et le CPE, donc l'emploi des jeunes, et, d'autre part, l'autorité parentale et les mesures qui concernent les familles.

J'évoquerai d'abord le CPE et les points positifs que j'ai pu relever à son sujet.

Ce dispositif permettra aux jeunes qui sont en CDD, en intérim, en stage ou au chômage d'accéder à un véritable CDI, puisqu'il s'agit d'un emploi qui se consolide au fur et à mesure du temps passé dans l'entreprise. C'est donc un parcours d'insertion rapide.

Le CPE offre une garantie de rémunération et une garantie de consolidation...

M. Roland Courteau. Une garantie de licenciement !

Mme Janine Rozier. ...du temps de présence effectué dans l'entreprise au jeune qui aura déjà effectué un CDD ou des stages.

Je souligne qu'il prévoit une protection particulière pour les femmes enceintes ou celles qui sont en congé maternité. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Le CPE offre une rémunération normale garantie par la convention collective à laquelle adhère l'entreprise, rémunération qui ne peut être inférieure au SMIC. Les droits des salariés augmentent avec l'ancienneté, et la période d'essai est d'un mois.

Le CPE offre, en outre, un droit à la formation, et ce dès le premier mois d'activité, alors que ce délai est d'un an pour le CDD classique.

Par ailleurs, l'accès au logement et au crédit est facilité grâce au LOCAPASS, qui permet de simplifier le paiement des cautions, et les banques se sont engagées pour l'accès au crédit.

M. Guy Fischer. Demandez aux lycéens ce qu'il en est !

Mme Janine Rozier. Il n'est, en outre, pas possible de licencier du jour au lendemain, contrairement à ce que certains prétendent.

En cas de rupture de contrat, une indemnité de quatre mois de salaire est prévue. Le préavis progresse avec l'ancienneté : il est de quinze jours durant les six premiers mois du contrat et d'un mois au-delà.

En cas de licenciement après quatre mois, une allocation forfaitaire spécifique de 490 euros par mois est financée par l'État pendant deux mois si le jeune titulaire du contrat ne peut prétendre à l'assurance chômage.

Cette énumération, qui retrace les grandes lignes des bienfaits du CPE, peut, certes, paraître fastidieuse, car tous ceux qui voulaient comprendre ont compris depuis longtemps qu'il s'agissait d'une très bonne mesure !

M. Roland Courteau. Ils ne sont pas nombreux !

Mme Janine Rozier. Pourquoi des gens beaucoup plus intelligents que je ne le suis ne l'ont-ils pas compris ? (Exclamations et rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Pourquoi cette campagne de désinformation et de diabolisation lorsqu'on sait que près de 60 % des moins de trente ans ont, eux, parfaitement compris que le CPE constituait un plus et que le délai de deux ans en vue d'accéder à un emploi stable pour lequel ils ont été formés est une chance qui leur est offerte ?

Pourquoi vouloir ignorer les efforts accomplis et les résultats positifs déjà enregistrés depuis que ce Gouvernement a réfléchi aux problèmes de l'apprentissage et qu'une forte création d'emplois, notamment dans le secteur du BTP, a vu le jour en 2005, pour atteindre 36 000, si mes renseignements sont exacts. (Mme la ministre déléguée acquiesce.)

Les entreprises, dont la première difficulté est de trouver une main-d'oeuvre qualifiée - quand il ne s'agit pas d'une main-d'oeuvre tout court qu'elles puissent former -, ont fait des efforts d'attractivité, en portant, notamment, la rémunération de l'apprenti à 40 % du SMIC dès la première année.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. C'est exact !

Mme Janine Rozier. Elles ont revalorisé les conditions de travail.

Toutes ces mesures vont dans le même sens et devraient donc être comprises par tous.

Le présent projet de loi, en son article l er, vise à mettre en place l'apprentissage junior dès quatorze ans, ce dont je me réjouis. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Pour ma part, j'ai toujours placé beaucoup d'espoirs dans cette voie de l'apprentissage qui permet aux jeunes de se projeter dans l'avenir et d'en avoir une vision concrète, contrairement au système scolaire classique dans lequel beaucoup obtiennent un diplôme trop souvent sans débouché, voire n'obtiennent aucun diplôme parce que l'école ne les intéresse pas, qu'ils s'y ennuient, ce qui explique qu'ils soient prêts à toutes les bêtises.

Les jeunes trouvent dans l'apprentissage la révélation de leur utilité, ce qui leur donne envie de progresser, de construire et de se construire.

Mme Janine Rozier. C'est pour eux une chance de trouver la voie du succès, en prenant conscience de leurs possibilités.

Je regrette même, à titre personnel, que le contrat d'apprentissage ne puisse être signé dès l'âge de quatorze ans.

Mme Hélène Luc. Ben voyons !

M. Jean-Pierre Godefroy. Et pourquoi pas douze ans ?

Mme Janine Rozier. C'est une année de perdue !

N'oublions pas que toute l'excellente main-d'oeuvre qui va prochainement partir à la retraite a été formée chez les artisans et dans les entreprises, sitôt après l'obtention du certificat d'études primaires, voilà cinquante ans !

M. Guy Fischer. Ce n'est pas vrai !

Mme Hélène Luc. A quoi sert-il de faire partie de la délégation aux droits des femmes si c'est pour s'exprimer ainsi ?

Mme Janine Rozier. Il est vrai que les enseignants des années cinquante étaient exceptionnels. (Murmures sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Thierry Repentin. Les sénateurs aussi ! (Sourires.)

Mme Janine Rozier. Les enfants d'immigrés - dont j'étais - apprenaient non seulement le français et le calcul, mais aussi l'hygiène, le respect, la politesse, le civisme...

M. Guy Fischer. N'oubliez pas la morale !

Mme Janine Rozier. ... ainsi que l'amour de la France, encore convalescente après la dernière guerre mondiale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

L'école de la République savait alors former les jeunes. Elle savait aussi leur inculquer la culture du travail. Depuis qu'il est interdit d'interdire et que les valeurs ont été piétinées, le travail n'est plus une vertu.

Les entreprises du bâtiment et des travaux publics, notamment, se trouvent en réelle pénurie de main-d'oeuvre depuis que le travail manuel a été dévalorisé.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Étant donné les salaires que propose ce secteur d'activité, cela n'est pas étonnant !

Mme Janine Rozier. Les PME, qui constituent le réservoir d'embauche de demain, souhaitent apprendre un métier aux jeunes afin que soit formé un personnel efficace apte à leur permettre de développer leur activité. La formation professionnelle, si nécessaire pour les entreprises, est donc indispensable pour valoriser les capacités des jeunes.

J'en viens maintenant au contrat de responsabilité parentale.

Plusieurs sénateurs du groupe CRC. Aïe, aïe, aïe !

Mme Janine Rozier. L'égalité des chances se joue d'abord au sein des familles et à l'école.

L'autorité parentale appartient aux parents dans le but de protéger l'enfant, de subvenir à son entretien et de l'aider à bien démarrer dans la vie.

M. Yannick Bodin. C'est la Mère fouettard !

Mme Janine Rozier. Or certains parents éprouvent de grandes difficultés à exercer cette autorité. Pour de nombreuses raisons économiques, sociales ou sociétales, ils sont incapables d'empêcher l'absentéisme scolaire, voire les sorties nocturnes de leurs très jeunes enfants.

M. Yannick Bodin. On va sortir les martinets !

Mme Janine Rozier. Il convient, par conséquent, d'assigner des objectifs aux parents, de leur rappeler leurs obligations et d'organiser le dispositif d'action sociale qui doit y être associé lorsque leur situation de famille le justifie.

Familles de France (exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste), association réputée pour sa pugnacité à défendre ce qui est bon pour les familles, a fait une analyse extrêmement sérieuse du projet de loi pour l'égalité des chances. Elle fait remarquer que certaines familles entrent dans la deuxième, voire dans la troisième génération d'enfants qui n'ont pas ou très peu vu leurs parents se lever le matin pour aller travailler. La jeunesse ne peut que s'en trouver déstructurée.

Grâce au CPE, les jeunes vont pouvoir saisir l'opportunité d'une première expérience indispensable à un parcours professionnel construit et à l'autonomie économique et sociale. Il n'est pas possible de laisser la jeunesse avec pour seul avenir le chômage et le paiement de la dette publique, en la laissant dans l'assistance et l'oisiveté chroniques.

Il est dommageable pour notre société que des responsables dont la vocation devrait, de par leur métier, être la formation et l'éducation des jeunes, ne partagent pas mon analyse. Tous les gens sensés devraient penser la même chose. (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Au lieu d'inciter les lycéens à protester et à défiler dans les rues, il aurait fallu leur expliquer que l'apprentissage d'un métier avec un emploi à la clé se fait, pour 63 %, dans les PME et que, en plus du CPE, il existe le contrat initiative emploi, le contrat jeune en entreprise, le contrat de professionnalisation, le contrat en alternance - j'en oublie - et même, dorénavant, des CFA dans les universités.

Il faudrait aussi apprendre à ces jeunes que, grâce au travail des entreprises françaises, notre pays est la quatrième puissance mondiale à l'exportation et que les 45 % du budget de l'État destinés à payer les fonctionnaires proviennent de la richesse du travail apporté par les entreprises. (Oh là là ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Eh oui ! sur les travées de l'UMP.)

Il semble que ce soit difficile à entendre pour vous, mes chers collègues !

Il nous reste cependant un espoir : M. le Premier ministre a déclaré récemment que, s'il avait entendu ceux qui défilent dans les rues, il avait aussi écouté les autres, c'est-à-dire ceux qui travaillent et qui se retrouvent, à tout bout de champ, paralysés par des grèves et des manifestations qui dérangent tout le monde et affaiblissent notre pays.

M. Thierry Repentin. Travail, famille, patrie !

Mme Janine Rozier. J'espère, en effet, que M. le Premier ministre a bien entendu cette majorité silencieuse des Français qui travaillent et qui en ont assez de voir défiler des nantis cramponnés à leurs avantages, à leurs primes et à leur sécurité de l'emploi ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des nantis qui gagnent le SMIC, chère madame !

Mme Janine Rozier. Les Français qui souffrent ne sont jamais interviewés par la télévision et leurs doléances ne figurent pas dans les journaux (murmures sur les travées du groupe CRC.) même si leur masse va grandissant. Pourquoi ne se manifesteraient-ils pas à leur tour comme l'ont fait les Marseillais courageux qui se sont insurgés contre le scandale de la SNCM et contre la grève des transports en commun ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Madame, messieurs les ministres, je soutiendrai votre projet de loi, et je reprends ici à notre compte à tous une phrase que Mme Parisot, présidente du MEDEF (Ah ! sur les mêmes travées. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.), a prononcée, hier matin, devant les sénateurs de toutes tendances...

M. Josselin de Rohan. Donc, devant les sénateurs communistes également !

Mme Janine Rozier.... et selon laquelle « il faut que les enseignants apprennent aux jeunes que l'entreprise n'est pas un lieu de profit mais un lieu de projet ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Encore ! Encore ! scandé sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Josselin de Rohan. Attendez Ségolène Royal !

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, plusieurs membres de mon groupe ont déjà exposé leur point de vue sur les différents aspects du projet de loi dont nous débattons aujourd'hui. Pour ma part, je souhaiterais intervenir sur le volet CPE, objet de multiples interprétations, c'est le moins que l'on puisse dire.

Qu'on le veuille ou non, le marché du travail a profondément évolué au cours des vingt dernières années. Dans un contexte économique mondialisé, la société est fondée non plus sur la production et l'offre, mais sur la consommation et la demande.

Aujourd'hui, force est de formuler un constat d'échec. En effet, depuis plus de vingt ans, le taux de chômage des jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans est deux fois plus important que celui du chômage global.

En vingt ans, aucun gouvernement, aucun dispositif, n'est parvenu à résoudre ce problème, qui n'est pas seulement récurrent, mais aussi absolument insupportable. Pour avoir empilé les dispositifs au fil du temps sans attaquer la question de la rigidité de son marché du travail, notre pays a finalement fait le choix du chômage.

M. André Lejeune. C'est vous qui avez fait le choix du chômage, et qui continuez de le faire !

Mme Gisèle Gautier. Quelle est la réalité, aujourd'hui ? Les jeunes enchaînent les stages, rémunérés ou non, les CDD, les emplois en intérim et les contrats saisonniers, entrecoupés de périodes plus ou moins longues de chômage, sans véritable formation, sans la lueur d'espoir d'une embauche définitive. !

Que demandent aujourd'hui nos jeunes ? Qu'on leur donne leur chance, qu'on leur permette de faire leurs preuves sur une période longue présentant des garanties qui n'existaient pas jusqu'alors.

Que demandent les employeurs ? Que l'on cesse de maintenir le travail dans un carcan de rigidités qui paralyse l'embauche. Les faits sont incontestables : les pays qui ont introduit une certaine flexibilité de l'emploi connaissent un chômage moins élevé, particulièrement en ce qui concerne les jeunes, car ils misent sur la création de nouveaux emplois.

Mme Patricia Schillinger. Mais ils ont aussi introduit la sécurité sociale professionnelle ! Il faut tout dire, Mme Gautier !

Mme Gisèle Gautier. Est-il nécessaire de rappeler que les dirigeants d'entreprise n'embauchent pas pour licencier, bien évidemment, car la formation inscrite dans le CPE représente pour eux un investissement, qu'ils se doivent d'amortir ? Nous ne pouvons imaginer qu'un entrepreneur embauche et forme un jeune en se disant que, demain, il va s'en débarrasser, et que l'investissement consenti importe peu ! Les discours tenus aux jeunes aujourd'hui sont absolument invraisemblables.

Le marché du travail doit s'adapter à ces évolutions, faute de quoi la situation de la France ne pourra pas s'améliorer et risquera même de se détériorer. C'est peut-être paradoxal, mais la rigidité de notre code du travail favorise la précarisation de ceux qu'il est censé protéger.

Mme Hélène Luc. Le code du travail protège les droits des femmes, Mme Gautier !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mme Gautier ne s'intéresse pas aux droits des femmes !

Mme Gisèle Gautier. Pour que ce ne soit plus le cas, il faut dissocier le travail, qui ne manque pas, et l'emploi, qui est devenu une denrée rare.

Pour lutter contre le chômage en général, et contre celui des jeunes en particulier, il s'agit maintenant de fluidifier notre marché du travail, ce qui implique de flexibiliser l'emploi tout en renforçant les droits des salariés et leur accompagnement. C'est le modèle de la « flexsécurité » développé par le Danemark, un pays où le taux de chômage des jeunes n'est que de 7,2 %.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !

Mme Gisèle Gautier. Or il me semble que le CPE s'inspire en partie du modèle danois. Le CPE flexibilisera le marché du travail grâce à la période de consolidation qu'il institue. Il me semble qu'il s'agit d'un élément très positif, d'un message de confiance adressé à des entreprises qui en ont plus que jamais besoin. Aussi pouvons-nous attendre autant du CPE que du contrat nouvelles embauches, grâce auquel 180 000 demandeurs d'emploi ont déjà retrouvé un travail, ce qui est à la fois encore trop peu et beaucoup au regard du nombre de chômeurs.

Mais le CPE doit être examiné dans le cadre d'un projet plus global, ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un projet de précarisation plus globale !

M. Guy Fischer. Surtout pour les femmes !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Déjà 50 % des femmes ont des contrats précaires, elles seront bientôt 100 % !

Mme Gisèle Gautier. ...le contrat de travail unique. À terme, il serait envisagé de fusionner tous les contrats de travail de droit commun, ce qui constituerait une excellente mesure : chaque salarié serait embauché en CDI avec une période d'essai plus longue qu'elle ne l'est aujourd'hui. Nous devons y réfléchir, car un tel contrat marquerait la fin de la discrimination entre les signataires d'un CDI et les autres salariés.

D'ailleurs, les principaux intéressés ne s'y sont pas trompés : les jeunes de moins de 26 ans « en galère », selon l'expression consacrée, souvent répétée aujourd'hui, sont favorables au CPE. Ils ont bien compris que ce contrat leur offrirait plus que l'accumulation de stages, de CDD ou de missions d'intérim qu'ils connaissent aujourd'hui.

En effet, s'il apporte davantage de flexibilité, le CPE est en même temps très protecteur. Il prend en compte d'éventuelles périodes de stage ou de CDD dans le calcul de la période de consolidation. Il ouvre un droit à l'indemnisation du chômage après quatre mois passés dans l'entreprise, alors que le régime commun, je le rappelle, exige que le salarié ait travaillé six mois au cours des vingt-deux derniers mois. Il institue un droit à la formation - c'est un point important -, dès la fin du premier mois de travail, et non pas au bout d'un an, comme le veut la norme générale. Enfin, il permet à ses titulaires d'accéder au crédit et au logement. Le CPE est l'un des contrats les plus protecteurs qui soient. (Mme Annie David s'exclame.)

Par certains aspects, il protège davantage les salariés que le CDI de droit commun, d'autant que, d'un point de vue strictement comptable, il n'est pas certain que la rupture d'un CPE au cours de la période de consolidation coûte moins cher aux entreprises - il faudrait faire le calcul - que le licenciement d'un salarié en CDI. L'assouplissement apporté est essentiellement administratif. Ainsi, le CPE flexibilise sans précariser.

Certes, la protection offerte par le CPE pourrait encore être améliorée. Ainsi, la période de consolidation pourrait être plus courte ; il serait bon, nous semble-t-il, de la réduire à une année. De même, il est anormal que le contrat puisse être rompu sans que le salarié reçoive des explications. En effet, un jeune qui, après avoir travaillé deux ou trois mois dans une entreprise, est remercié sans connaître les raisons qui ont conduit à la rupture de son contrat se trouve en quelque sorte en situation d'échec et doit absolument être accompagné. Il faudra, me semble-t-il, prendre en compte cet élément.

Enfin, les jeunes en CPE doivent pouvoir faire l'objet d'un suivi professionnel qui facilite leur embauche définitive, car tel est bien l'objectif final du dispositif. C'est pourquoi il semble souhaitable que, durant la période de consolidation, l'employeur soit tenu de dresser chaque semestre un bilan d'étape avec ses jeunes en CPE. C'est le sens des amendements que nous défendrons au nom du groupe UC-UDF.

Reste que la bataille de l'emploi continue. Le CPE est un message de confiance qui est adressé non seulement aux entrepreneurs, mais aussi aux jeunes. Il représente une véritable amélioration des conditions d'entrée des jeunes sur le marché du travail.

Faisons le pari que le fossé qui s'est creusé ces dernières décennies entre la jeunesse et les employeurs se comblera, puisque la première ne sera plus découragée et que les seconds, grâce à des mesures incitatrices, seront prêts à relever le défi.

Il s'agit bien d'incitation, puisque l'une des dispositions proposées consiste en une exonération des charges sociales pesant sur les entreprises qui embauchent en CDI un jeune de moins de 26 ans au chômage depuis plus de six mois. Il s'agit là d'une preuve supplémentaire de l'engagement du Gouvernement en faveur de l'emploi des jeunes. Au lieu de désinformer nos jeunes, informons-les des véritables avantages que ce nouveau contrat leur propose ! Le CPE est une incitation au travail.

Je voterai donc l'article qui l'institue afin que, tous ensemble, nous gagnions la bataille de l'emploi et permettions aux jeunes, c'est-à-dire à la France de demain, de réussir et de retrouver des raisons d'espérer en leur avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. Jean-Pierre Sueur. Il y a autant de tendances à l'UDF qu'au Parti socialiste !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est un parti libre !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très libre ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, après les violentes émeutes du mois de novembre dernier, nous aurions pu penser que le Gouvernement établirait lucidement et « républicainement » un état des lieux, écouterait les acteurs, sonderait les causes sociales, morales et peut-être même de civilisation qui se trouvent à l'origine de cette violence, puis qu'il prendrait des décisions.

Nous aurions pu penser que le Gouvernement proposerait un plan global et systématique, fondé sur un accord minimum avec celles et ceux qui, au-delà de leurs appartenances particulières, ont fait front pendant les événements, essayé de colmater les brèches, tenté de maintenir les liens ténus qui unissent nos concitoyens dans les cités.

Nous aurions pu penser que le Gouvernement prendrait acte non seulement des handicaps, des retards et des manques, mais aussi de la solidarité, de la fraternité, des compétences individuelles et collectives des populations de ces quartiers dits « sensibles », afin de les transformer en une force positive.

Nous aurions pu penser que le Gouvernement ferait amende honorable, reconnaîtrait qu'il n'était pas raisonnable de casser des dispositifs qui fonctionnaient pour les remettre en place quelques mois ou quelques années plus tard, après avoir démantelé les équipes et découragé les bonnes volontés.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Dominique Voynet. Au lieu de cela, messieurs les ministres, vous avez regardé les événements avec les lunettes déformantes de la peur et de la dérogation au droit commun. Cet aveuglement produit aujourd'hui le petit texte stupéfiant dont nous débattons ici.

Je dis « petit texte », car là où il aurait fallu une palette de mesures courageuses, lisibles et bien articulées entre elles en matière d'urbanisme, d'emploi, d'activité, d'école, d'éducation populaire, de logement, de transports publics, de santé, de culture, vous nous livrez une série de dispositions disparates, hétéroclites, totalement décalées par rapport à ce que nous venons de vivre et dépourvues de lien avec les préoccupations que vous affichiez ici même en novembre dernier.

Ces dispositions sont dépourvues de lien aussi avec vos propres annonces, puisque, par exemple, les modalités d'un financement pérenne des associations de quartiers auxquelles vous aviez promis de rétablir les subventions rognées année après année, au fil des gels budgétaires et des annulations de crédit, n'apparaissent pas dans ce projet de loi.

Sans doute avez-vous manqué de temps, monsieur le ministre. C'est en tout cas le prétexte que vous avez invoqué, le 20 février dernier, pour refuser de recevoir le collectif des associations d'insertion sociale et d'éducation populaire de Seine-Saint-Denis, comme je vous l'avais pourtant demandé ici, à plusieurs reprises, oralement, en décembre dernier, puis par courrier.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Dominique Voynet. Les mesures que vous proposez sont enfin dépourvues de lien avec les faits eux-mêmes, puisque nous ne savons toujours pas, à propos des dramatiques événements de Clichy, que nous n'oublierons pas, qui a dit la vérité, qui a menti, et pourquoi deux jeunes sont morts dans un transformateur un sombre soir de l'automne dernier.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Dominique Voynet. Votre texte est petit, mais il est aussi stupéfiant, car, au lieu de faire sereinement la part de ce qui marche ou non, ou qui a cessé de marcher, de ce qui doit être rénové ou réinventé, vous avez, une fois de plus, bricolé dans votre petit coin, sans prendre en compte les travaux réalisés par le conseil national des villes ou l'observatoire des zones urbaines sensibles.

À la trappe, le collège unique de René Haby ! Au broyeur, le contrat de travail, alors qu'un rapport remis au Président de la République propose justement d'aider davantage les entreprises qui ont recours au CDI ! Aux orties la réglementation commerciale pour les zones franches, alors que toutes les associations de commerçants pestent contre la multiplication anarchique des grandes surfaces !

Mme Dominique Voynet. Au rencart le FASILD, le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, et demain, peut être, la DIV, la délégation interministérielle à la ville et au développement urbain !

Dans un texte sur l'égalité des chances qui compte quarante pages, quatorze modifient le code des impôts et une autre encore le code du commerce ! Toutefois, pas une ligne n'évoque la nécessité de remédier à l'empilement des zonages urbains à l'aune des nouveaux territoires de coopération et de développement que sont les agglomérations, les communautés de communes et les pays, où s'invente une nouvelle gouvernance qui associe les élus, les entrepreneurs, les innovateurs sociaux et les associations.

Pas un mot n'évoque la réduction des effectifs, à moyens constants, pour l'école élémentaire et le collège, dans les quartiers discriminés. Il n'y a pas un soupçon d'intérêt pour les régies de quartier, les activités d'économie sociale et solidaire ou l'innovation sociale, pas une seule évocation de l'aide à apporter à ceux qui vivent douloureusement l'apprentissage du métier de parent !

Avez-vous seulement réfléchi aux conditions actuelles des contrôles policiers dans les quartiers, à la fois du point de vue de ceux qui les subissent encore et encore, et du point de vue de ces jeunes policiers qui doivent les pratiquer, parfois pour seulement faire du chiffre et occuper le terrain ?

Mme Dominique Voynet. Avez-vous imaginé que l'implantation, en dehors des procédures normales, de hard discounters ou de multiplexes avec vigiles et chiens dans les quartiers compromettra toutes les initiatives positives pour y réimplanter de véritables commerces et établissements culturels de proximité ? (M. Godefroy applaudit.)

Mme Dominique Voynet. Non ! Ce qui vous intéresse, c'est, une nouvelle fois, en filigrane, de réduire la question sociale des banlieues, c'est-à-dire celle de la pauvreté, à un problème de savoir-vivre des classes dangereuses et - plus grave encore par les temps qui courent - à un problème d'immigrés plus ou moins bien choisis.

Ce qui vous obsède, c'est de tenir magiquement à l'écart du droit commun tous ceux qui vous font peur parce qu'ils ne sont plus, en raison des désordres de votre propre société, dans les clous de votre civilité.

Vous dites : « En apprentissage à quatorze ans ceux qui ne suivent pas à l'école ! » Ne vaudrait-il pas mieux réfléchir à la réaffectation des moyens, pour une école plus attentive aux différences de populations, de rythmes et de cultures ?

Vous dites : « Un contrat précaire, c'est mieux que rien pour ceux qui ne trouvent pas de travail ! » Ne vaudrait-il pas mieux penser aux nouvelles activités socialement et écologiquement utiles, qui pourraient être particulièrement soutenues, dans un cadre privé ou public ? Qu'avez-vous fait du travail accompli par Paulette Guinchard-Kunstler pour consolider les métiers de l'accompagnement des personnes dépendantes ?

Vous dites : « Hors des allocations familiales, les parents démissionnaires ! » Ne vaudrait-il pas mieux aider ces parents à faire face avant qu'ils ne sombrent, au lieu de les culpabiliser en permanence ? Vous avez entendu comme moi ces témoignages poignants de femmes seules, élevant des enfants qu'elles laissent tôt le matin ou tard le soir, pour aller nettoyer les bureaux dans lesquels nous travaillons.

Mme Nicole Bricq. Très bien !

Mme Dominique Voynet. Leur angoisse n'appelle-t-elle que du paternalisme culpabilisateur ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Vous dites : « Au tribunal, les auteurs d'incivilités ! » Ne vaudrait-il pas mieux multiplier les lieux et les occasions de prévention, de négociation, de médiation, de traitement des conflits d'usage ou de voisinage, en restaurant, par exemple, les moyens de la police de proximité ? Ne donnerez-vous pas enfin satisfaction au maire de Clichy, qui attend depuis des années un commissariat au coeur de sa ville ?

Chaque fois, au lieu de considérer la sanction et l'exclusion comme des solutions de dernier recours quand toutes les autres ont échoué, bref, au lieu de prévenir et d'éduquer, vous séparez, vous inventez une nouvelle catégorie, vous punissez, vous mettez « en dehors du jeu » !

Oui, vous démolissez le lien social quand vous organisez des spectacles pyrotechniques de destruction des barres d'immeubles sans reconstruire un nombre seulement équivalent de logements, comme l'indique l'intéressant rapport 2005 de l'observatoire des zones urbaines sensibles.

Il est donc logique, juste et légitime que des milliers de jeunes descendent dans la rue pour dire la colère que leur inspire votre contrat première embauche !

Le Premier ministre a dit qu'il écoutait les manifestants, mais aussi ceux qui ne manifestent pas. Je constate, à la lecture d'un texte dont on nous dit qu'il est le seul inspirateur, ou presque, qu'il écoute peut-être, mais qu'il n'entend pas.

Il n'entend pas ceux qui demandent le rétablissement de l'allocation de solidarité spécifique pour les chômeurs en fin de droit, ni ceux qui attendent qu'on mette enfin un terme à des baisses d'impôt injustes, afin de financer les mesures réclamées avec insistance par les associations de lutte contre la pauvreté. Un million d'enfants vivent sous le seuil de pauvreté, auxquels il faudrait consacrer 3,5 milliards d'euros, une somme considérable, il est vrai, mais qui doit être placée en regard des décisions que vous avez prises en matière d'impôts.

Il n'entend pas ceux qui suggèrent la mise en place d'une sécurité professionnelle tout au long de la vie, en prenant en compte les temps de formation, de travail, de chômage et de retraite.

Il n'entend pas ceux qui considèrent que le moment est venu de changer le regard de la société française sur les étrangers qui vivent dans notre pays.

À ce titre, je pense tout d'abord, bien sûr, à la décision d'accorder aux résidents étrangers régulièrement installés en France le droit de vote à la fois aux élections locales et aux élections consulaires. Notre groupe vous proposera d'adopter un amendement en ce sens.

Je pense également à la régularisation des sans-papiers qui vivent, depuis des années, dans notre pays. Beaucoup travaillent de façon clandestine dans les ateliers du Sentier, dans les cuisines de restaurants, sur de nombreux chantiers ! Je préférerais que leurs employeurs paient des cotisations sociales.

Je pense enfin à la suppression effective de la double peine, qui a fait grand bruit mais qui n'est pas encore mise en oeuvre.

Je redoute, monsieur le ministre, que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous n'ayons à reparler, dans quelques mois, malgré nos efforts, des mêmes phénomènes, en pire peut-être...

La politique de la ville ne supporte ni les bons sentiments ni l'amateurisme. Il faut de la cohérence, de la ténacité et, très probablement, des réformes d'importance : une réforme profonde de la fiscalité locale, la mise en place de mécanismes de solidarité effective entre les territoires...

Vous vous êtes vantés - vous avez bien fait - de la réforme de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, pour laquelle toute la gauche a voté. Mais la DSU ne correspond qu'à 5 % des dotations ! Il faut s'attaquer aux 95 % restants. Je sais déjà ce que vous allez me répondre : « Mais qu'avez-vous donc fait pendant que vous étiez au pouvoir ? »

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Rien !

Mme Dominique Voynet. Je suis bien placée pour savoir que ce n'est pas facile. J'ai passé des nuits au Sénat, parfois par la faute de M. Larcher,...

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Permettez-moi de vous reprendre : grâce à M. Larcher ! (Sourires.)

Mme Dominique Voynet. ...confrontée à des guérillas parlementaires, en comparaison desquelles celle d'aujourd'hui semble décidemment bien bénigne.

M. André Lejeune. Très bien !

Mme Dominique Voynet. Vous n'allez pas éternellement vous en tirer en mettant en cause ceux qui vous ont précédé. En effet, vous bénéficiez depuis quatre ans d'un concours de circonstances exceptionnel : un Président de la République élu à une majorité que l'on n'avait jamais connue, une majorité absolue à l'Assemblée nationale et presque absolue au Sénat, pas de cohabitation...

Devant l'histoire, madame, messieurs les ministres, personne ne vous trouvera d'excuses. (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, chers collègues, le projet de loi pour l'égalité des chances repose sur de multiples propositions que je vais m'efforcer de commenter et à propos desquelles je ferai quelques suggestions. Celles-ci ne donneront pas toutes lieu à des amendements, mais j'espère que certaines seront, un jour, prises en considération par le Gouvernement, comme cela a été le cas, je pense, pour l'apprentissage à quatorze ans (murmures sur les travées du groupe socialiste.) et la responsabilité des parents.

Mes remarques seront de bon sens et sans esprit partisan. (Exclamations et rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Mon unique souci est que le système fonctionne ; or je sais peut-être mieux que d'autres ce qui peut marcher et ce qui ne le peut pas.

Mme Hélène Luc. Naturellement ! (Sourires.)

M. Serge Dassault. Si l'on ne fait rien, comme certains le réclament, rien ne marchera jamais. Or le temps presse, il faut agir car notre économie va mal.

Mme Nicole Bricq. C'est indéniable ! Expliquez-le au Gouvernement !

M. Serge Dassault. Et, chers collègues de gauche, ce n'est pas vous qui allez la guérir ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Et le Rafale !

Mme Nicole Bricq. Ils ont tout faux !

Mme Hélène Luc. Le constat n'est pas difficile à faire...

M. Serge Dassault. Allez-vous me laisser m'exprimer ?

M. le président. Mes chers collègues, laissez parler M. Dassault !

M. Serge Dassault. Concernant la formation d'apprentis juniors, je suis très heureux de voir que, dès l'âge de quatorze ans, les élèves pourront désormais être admis à suivre une formation en apprentissage.

M. André Lejeune. Et pourquoi pas douze ou onze ans ?

M. Serge Dassault. Vous voulez en faire des chômeurs ?

M. Yannick Bodin. Vous n'en ferez pas des actionnaires !

M. Serge Dassault. Je n'ai qu'un seul regret. Ces jeunes seront admis à cette formation à leur demande et celle de leurs représentants légaux. Je souhaiterais proposer qu'ils puissent aussi y être admis à la demande de leurs professeurs. En effet, ces derniers sont seuls capables de savoir si l'élève aura, ou non, la capacité et la motivation de suivre la « filière diplômes » pour accéder à l'université. Si tel n'est pas le cas, il devra être orienté dès la quatrième vers la formation professionnelle et l'apprentissage, qui lui permettront d'obtenir un emploi.

Trop d'élèves continuent à suivre la quatrième et la troisième sans avoir ni les qualités ni la motivation nécessaires ; vous serez sans doute d'accord sur ce point.

M. André Lejeune. Vous avez raison, monsieur Dassault, il ne faut pas trop s'instruire ! Cela pourrait gêner.

M. Thierry Repentin. Est-ce que vos enfants ont été apprentis ?

M. Serge Dassault. Ces mêmes élèves sortent du collège souvent sans savoir lire ni écrire, ce qui est un comble. Ils deviennent, et j'en connais, des sans-écoles. Autrement dit, aucun lycée ne les accepte dès qu'ils ont plus de seize ans. Alors que font-ils ? Ils traînent et deviennent des délinquants. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce type de discours relève du café du commerce ! On croirait entendre le docteur Villermé.

Mme Michèle San Vicente. Décidément, tout le monde change, sauf la bourgeoisie !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand allez-vous nous proposer de mettre ces enfants en prison dès la maternelle ?

M. Serge Dassault. Je ne vois pas pourquoi vous protestez, ce que je dis est tout à fait évident.

S'ils avaient suivi dès la quatrième des cours d'apprentissage, ils auraient été sauvés et sûrs de trouver un emploi. Mes chers collègues, vous protestez, mais voulez-vous en faire des chômeurs ? Vous y arriverez, bravo !

Pour renforcer la présence des adultes non enseignants dans les établissements scolaires, je défendrai un amendement relatif aux contrats aidés. Ceux-ci devraient être attribués à des bénéficiaires pouvant exercer non seulement dans des établissements publics d'enseignement du second degré mais aussi dans les écoles du premier degré. Or cela n'est pas encore prévu.

Je défendrai aussi un amendement tendant à ce que l'employeur qui accueille un jeune intégrant, au terme de son contrat de volontariat, dans une formation en apprentissage, puisse également prétendre au crédit d'impôt majoré.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore plus, toujours plus...

M. Serge Dassault. Enfin, je défendrai un amendement visant à permette à un jeune, volontaire pour l'insertion, de continuer à bénéficier des prestations attachées à son statut, et ce pendant une durée au plus de trois mois, s'il signe un contrat de travail en alternance ou un contrat de travail temporaire. Cela ne mange pas de pain !

M. André Lejeune. Tout ce que peut ramasser M. Dassault est bon à prendre, n'est-ce pas ?

Mme Hélène Luc. Monsieur Dassault, c'est tout ce que vous avez à offrir aux jeunes ?

M. Serge Dassault. Vous, ça va ! (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Hélène Luc. Veuillez rester respectueux, monsieur Dassault.

M. Thierry Repentin. Vous n'avez pas honte !

M. Josselin de Rohan. Il n'a pas l'habitude qu'on lui parle comme ça !

M. Serge Dassault. Concernant les zones franches urbaines, monsieur le ministre, je ne peux que vous féliciter de votre décision de les multiplier.

Je regrette cependant les décisions qui plafonnent le nombre d'employés, le chiffre d'affaires, le bénéfice, etc., décisions prises par peur d'accorder trop d'avantages aux entreprises qui pourraient profiter de ce qu'on appelle des « effets d'aubaine ». Il ne devrait y avoir aucune limitation, me semble-t-il. En effet, il faut savoir ce que l'on veut : soit l'on souhaite multiplier les dispositions ayant pour objet de faciliter la croissance des entreprises et donc les embauches, soit l'on veut freiner cette tendance !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À l'heure actuelle, les dividendes ne mènent pas à la création d'emplois !

M. Serge Dassault. Si l'on restreint trop les entreprises, ce que vous voulez faire, on favorise les sous-traitances et les délocalisations à l'étranger. Évidemment, les entreprises quitteront notre territoire ! C'est ce qu'elles feront si vous continuez à leur casser les pieds ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Les effets d'aubaine existent largement à l'étranger et personne ne vient les attaquer. Plus on ennuiera les entreprises, plus elles partiront, plus le taux de chômage augmentera, et c'est vous qui serez responsable du nombre de chômeurs !

M. David Assouline. C'est du chantage !

M. Serge Dassault. Je présenterai deux autres amendements : l'un est relatif aux exonérations d'impôt sur les bénéfices des entreprises établies avant la création de la zone franche urbaine ;...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toujours plus du même côté !

M. Serge Dassault. ...l'autre est relatif aux bourses accordées par les régions aux étudiants des formations sociales, car il est indispensable de clarifier le périmètre de la région : il faut en effet s'assurer de la cohérence de ces mêmes bourses avec les crédits transférés par l'Etat.

Il faut, par ailleurs, opérer une distinction nette entre formation initiale et formation continue.

Certains jeunes n'ont pas les moyens de suivre des études supérieures. Ils demandent donc des bourses pour poursuivre leurs études ou, parfois, pour partir à l'étranger. Il est impératif d'avoir la possibilité de les leur accorder. Vous devez être d'accord sur ce point, n'est-ce pas ? (Sourires.)

Mme Dominique Voynet. Les bourses du premier trimestre n'ont pas encore été versées. Cela n'aide pas !

M. Serge Dassault. Quant aux contrats de responsabilité parentale, je suis heureux qu'ils figurent dans le texte ; je ne peux que les approuver. Cependant, il serait souhaitable que les maires, au même titre que le président du conseil général, puissent demander la suppression du versement des prestations et saisir le procureur ou l'autorité judiciaire de tout manquement au contrat de responsabilité parentale.

Mme Hélène Luc. Non ! moi je ne le veux pas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des shérifs partout !

M. Serge Dassault. Ce sont bien les maires, vous le savez, qui connaissent le mieux les problèmes de leur commune et qui savent ce qui va ou ne va pas. Ils pourraient ainsi agir plus rapidement.

Mme Michèle San Vicente. Ce n'est pas leur rôle !

M. Serge Dassault. Le président du conseil général qui recevra toutes les demandes ne s'en sortira pas ; en conséquence, aucune décision ne sera prise.

M. Yannick Bodin. Nous voilà revenus au temps de la féodalité !

M. Serge Dassault. Quant au service civil volontaire, je préférerais qu'il ne soit pas volontaire et qu'il s'applique à tout jeune de seize à vingt-cinq ans qui ne suit aucune formation et qui n'a aucun travail, autrement dit qui ne fait rien. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) En effet, à dix-huit ans, trop de jeunes n'exerçant aucune activité deviennent des délinquants. Quel sera alors leur avenir s'ils ne savent rien faire ?

Quand le service militaire existait, automatiquement, les jeunes de dix-huit ans quittaient leur famille et leur quartier pour apprendre la vie en groupe, acquérir l'esprit civique, faire du sport et souvent apprendre un métier. C'était un excellent moyen d'intégration.

Mme Michèle San Vicente. Et oui, monsieur Dassault, la société évolue...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je propose le travail gratuit pour les pauvres ! (Sourires.)

M. Serge Dassault. Remarquons qu'il y avait à l'époque beaucoup moins de délinquance. Un service civil obligatoire résoudrait ce problème.

En ce qui concerne les incivilités, je suis heureux de constater que la police municipale et les maires disposeront d'un peu plus de pouvoirs.

Toutefois, je voudrais aller plus loin : les troubles de voisinage, qui gênent tellement nos administrés, - qu'ils soient provoqués par des aboiements de chien, une télévision qui hurle, des restaurants qui ferment tard le soir -...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut euthanasier les chiens et les chats !

M. Serge Dassault. ...devraient être traités directement par les maires, qui sont officiers de police judiciaire. Ces derniers devraient pouvoir infliger des amendes, fermer un restaurant et contraindre un bailleur à mettre de l'ordre auprès de ses locataires pour rétablir le calme. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, car le maire n'a aucune autorité pour le faire.

M. Serge Dassault. Venons-en au contrat première embauche.

Le contrat première embauche pose un problème stratégique qui va conditionner l'avenir de l'emploi en France. Soit l'on s'oriente vers la flexibilité avec ce dispositif, et tout est possible, soit on le rejette, et l'on ferme la porte à toute embauche en France en ouvrant la voie à la délocalisation.

Aucun discours, aucune manifestation n'y pourra rien. Ce n'est pas la loi qui crée l'emploi, comme l'a dit tout à l'heure M. Lardeux. Ne paralysons pas les entreprises par des règles antiéconomiques, sinon elles quitteront le territoire français, et les emplois avec elles !

M. David Assouline. Cessez ce chantage !

M. Serge Dassault. Il existe une autre solution : revenir au socialisme et tout nationaliser ! (Rires.)

L'éternité n'existe nulle part.

Mme Dominique Voynet. Heureusement !

M. Thierry Repentin. Il est donc permis d'espérer !

M. Serge Dassault. Le poète Henri de Régnier a dit : « L'amour est éternel tant qu'il dure » ; pour ma part, je dirai que l'emploi est éternel tant qu'il dure.

M. Jean-Pierre Sueur. Le Gouvernement aussi.

M. Serge Dassault. En effet, rien n'est éternel : ni la vie, ni la santé, ni l'emploi. La santé est précaire, la vie est précaire. Tout est précaire et l'emploi n'y coupe pas, quel qu'il soit, y compris lorsqu'il se traduit par un contrat à durée indéterminé.

C'est comme cela, et aucune loi, aucun code du travail, aucun contrat n'y changera rien.

M. Serge Dassault. Ce problème est capital : sans la flexibilité, la France s'enfoncera dans la rigidité et le chômage, avec l'appui de la gauche, qui ne comprend rien à l'économie de marché (rires et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste) et qui trompe les jeunes.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Heureusement que M. Dassault est là pour expliquer les projets du Gouvernement !

M. Serge Dassault. Vous trompez les jeunes, car vous leur racontez n'importe quoi ! Vous le démontrez largement depuis ce matin.

Personne, aucune loi ne peut obliger une entreprise à embaucher si elle ne trouve pas la compétence et la flexibilité nécessaires, avec le travail correspondant.

Mme Michèle San Vicente. Il faut aussi qu'elle remplisse ses carnets de commande !

M. Serge Dassault. Si elle n'a pas de travail, elle n'embauche pas. On n'embauche pas à vie, CDI compris.

Mme Michèle San Vicente. Sans les salariés, les entreprises ne gagneraient rien !

M. Serge Dassault. Les jeunes sont intoxiqués par la gauche (rires et exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.), qui a une vision fausse de l'économie et des entrepreneurs.

L'entrepreneur - je le sais bien, car j'en suis un - ne pense pas toute la journée à licencier son personnel. Il n'est pas stupide !

M. Serge Dassault. Au contraire, il ne cherche qu'à le garder, s'il est compétent et s'il y a du travail, quel que soit son contrat.

M. David Assouline. Allez à Longjumeau !

M. Serge Dassault. Qu'il soit en CDI ou en CPE, cela importe peu à l'entrepreneur : si le personnel est bon et si le travail est là, eh bien, il le garde ! Car un chef d'entreprise a besoin de personnel compétent et il ne le met pas à la porte, CPE ou pas. Ce n'est pas ainsi que cela se passe ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

D'ailleurs, partout dans le monde où il y a la flexibilité, c'est-à-dire aux Etats-Unis, au Canada, au Danemark, en Grande-Bretagne, on constate que le taux de chômage est de 5 %. Quand la rigidité empêche de licencier, on n'embauche pas, et le chômage atteint 8% à 10 %. C'est ce qui se passe chez nous, et ce qui continuera éternellement à se passer si vous persistez à faire du raffut contre cette loi. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Jean-Pierre Godefroy. C'est là le sens du dialogue patronal !

M. Serge Dassault. C'est la flexibilité qui crée l'emploi,...

M. Serge Dassault. ...car elle rassure les entrepreneurs, qui n'embaucheront pas s'ils ne peuvent pas licencier, non pas quand ils le veulent mais quand ils n'ont plus de travail.

M. Jean-Pierre Bel. On a déjà entendu ce refrain !

M. Serge Dassault. Allez donc faire un tour dans les entreprises ! Vous n'y avez jamais mis les pieds ! Vous ne savez pas comment cela se passe ! (Protestations prolongées sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Josselin de Rohan. Ce sont tous des fonctionnaires !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ont souvent été salariés dans les entreprises à l'UMP ?

M. Serge Dassault. La flexibilité stimule l'emploi. La rigidité crée le chômage avec ou sans CDI. Mais flexibilité ne signifie pas abandon du chômeur. Bien au contraire, il s'agit de s'en occuper, de s'en occuper mieux qu'avant, et c'est précisément l'objet des maisons de l'emploi.

M. Jean-Pierre Godefroy. Des maisons de correction !

M. Serge Dassault. Merci, monsieur Borloo !

M. Roland Courteau. Elle est bien bonne celle-là !

M. Serge Dassault. Mais aujourd'hui, avec la rigidité -  attention, écoutez bien ! (Rires toujours sur les mêmes travées) -, les entreprises françaises font de plus en plus travailler les Polonais, les Roumains, les Hongrois et de moins en moins les Français, parce qu'ils trouvent là-bas le personnel nécessaire.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. C'est vrai !

M. Serge Dassault. Et on ne leur casse pas les pieds avec toutes sortes de contraintes.

M. David Assouline. C'est incroyable d'entendre ça !

M. Jean-Pierre Godefroy. Sait-il ce qu'il dit ?

M. Serge Dassault. Ce contrat première embauche est donc très favorable aux jeunes. Il faut qu'ils le comprennent.

Mme Hélène Luc. Vous aurez du mal à les convaincre !

M. Serge Dassault. Un chef d'entreprise n'embauchera pas facilement un jeune sans expérience et sans référence. Grâce à ce contrat, il le fera. Il n'y aura aucun problème. La raison du chômage des jeunes, c'est que les entreprises n'embauchent pas les jeunes, sous quelque contrat que ce soit, tant que ceux-ci n'ont pas prouvé leur efficacité et leur compétence. Si l'on n'adopte pas ce CPE, ils resteront encore plus longtemps au chômage, et ce sera grâce à vous !

Mme Dominique Voynet. Cela devient moins drôle, on fatigue !

Mme Hélène Luc. Ce n'est pas risible, monsieur Dassault !

Mme Hélène Luc. Il est en train de « bulgariser » votre politique, monsieur le ministre !

M. Serge Dassault. Si l'on se maintient dans le système actuel,...

M. Jean-Pierre Bel. Débranchez-le !

M. Serge Dassault. ...avec la rigidité de l'emploi,...

M. Jean-Pierre Godefroy. Faites-le taire !

M. le président. Laissez parler l'orateur !

M. Serge Dassault. ...tous ceux qui cherchent un CDI resteront au chômage. (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Vous feriez mieux d'écouter, ce serait plus intelligent de votre part !

M. le président. Mes chers collègues, supportez que l'on ne partage pas votre avis !

Veuillez poursuivre, monsieur Dassault.

M. Serge Dassault. Avec le CPE, l'emploi est assuré. Loin d'être un piège, Le CPE, c'est l'ouverture. Alors, réfléchissez, allez voir se qui se passe à l'étranger et cessez toute cette agitation !

M. Josselin de Rohan. Ils ne savent pas ce qu'est une entreprise, ces agitateurs !

M. Serge Dassault. Pour ma part, je soutiens totalement ce projet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention portera sur le thème de l'apprentissage, puisque le Gouvernement propose de créer pour les jeunes connaissant des difficultés dans leur parcours scolaire un dispositif d'apprentissage junior.

L'exposé des motifs du projet de loi peine à justifier cette mesure prise dans la précipitation afin de répondre à la crise des banlieues d'octobre et novembre 2005, et ce sans concertation, ce qui semble être devenu une habitude pour ce gouvernement.

L'ensemble des organisations syndicales, la plupart des fédérations de parents d'élèves, les associations de jeunes y sont opposées. Les organisations d'artisans elles-mêmes ont émis de très sérieuses réserves. Le Conseil supérieur de l'éducation a, quant à lui, exprimé presque unanimement un avis défavorable.

En fait, depuis la Seconde Guerre mondiale, la politique française en matière d'éducation nationale visait à élever le niveau scolaire du plus grand nombre. Avec cette « formation apprenti junior » qui nous est proposée, il s'agit de mettre un terme à deux éléments fondamentaux du système éducatif.

Le premier est la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans, qui, je le rappelle, fut décidée en 1959 par le général de Gaulle. Alors que tous les pays du monde tentent d'allonger le temps de scolarisation des jeunes, nous, nous nous efforçons de le raccourcir !

Le second élément est le collège unique créé en 1975, devenu le « collège pour tous » sous l'impulsion de Jack Lang. Ainsi, c'en est fini de l'objectif de porter 80 % d'une génération au baccalauréat et d'atteindre 50 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur, objectifs rappelés par la loi sur l'avenir de l'école votée par la même majorité en 2005.

Grâce à la mobilisation de la communauté enseignante, le niveau général des élèves s'est amélioré dans notre pays : 62 % d'une classe d'âge a le baccalauréat aujourd'hui, contre 25 % en 1975. Certes, les efforts se sont ralentis depuis 1990, et trop de jeunes sont sortis du système scolaire sans qualification. Pour autant, faut-il répondre à l'échec par l'exclusion ?

Car c'est bien d'exclusion scolaire qu'il est question avec ce dispositif. Je rappelle que la scolarité doit permettre l'acquisition d'un socle commun de connaissances et de compétences. Ce socle, au coeur de la réussite scolaire, devait être acquis par tous en recourant, au besoin, à des approches individualisées.

Selon M. Fillon, alors ministre de l'éducation nationale, sans la maîtrise de ce socle, il n'était pas possible de réussir sa formation initiale et donc son parcours professionnel. En excluant les élèves les plus en difficulté du système scolaire dès la fin de la classe de cinquième, vous remettez en cause la loi sur l'avenir de l'école, que vous avez pourtant votée il y a quelques mois.

Vous affirmez, ici et là, madame, messieurs les ministres, que les jeunes pourront choisir au fur et à mesure du temps, alors même qu'ils sont de très jeunes adolescents, âgés de quatorze ans à peine, de se rendre soit en apprentissage, soit au collège. Mais a-t-on vraiment idée du métier que l'on veut faire à cet âge ?

Par exemple, un jeune qui a redoublé deux fois à l'école primaire peut dès lors se retrouver en entreprise après le cours moyen 2. Le choix d'un métier peut demander du temps. En outre, un élève peut être très moyen à quatorze ans et évoluer avec l'âge ; nombre d'entre nous ont de tels exemples dans leur entourage.

N'oubliez pas non plus que l'apprentissage est difficile. Les métiers auxquels destine cette filière sont exigeants, aussi bien en raison de la difficulté des tâches à accomplir que de la complexité des machines à utiliser. Il demande aussi un effort intellectuel non négligeable. Le métier de boucher, par exemple, implique de remplir beaucoup de papiers : la traçabilité et le calcul mental sont des tâches pour lesquelles un bagage scolaire minimum n'est pas inutile.

D'après vous, monsieur le ministre, le statut scolaire de l'apprenti jusqu'à ses seize ans serait garanti et celui-ci aurait la possibilité de mettre fin à tout moment à l'apprentissage pour retourner au collège. Nous aimerions que ce soit vrai ! Mais il est difficilement concevable qu'un élève qui éprouve déjà des difficultés à acquérir le socle commun de connaissances puisse, en même temps, suivre un stage de découverte des métiers à partir de quatorze ans et supporter des horaires d'apprentissage à partir de quinze ans.

Votre projet ne précise même pas la durée des stages d'initiation aux métiers. Quant aux apprentis, dès quinze ans, ils seront soumis au code du travail et, partant, aux huit heures de travail par jour, voire au travail le dimanche, et même davantage, puisque votre texte renvoie prudemment et de façon dissimulée au décret du 13 janvier 2006 autorisant le travail de nuit.

En fait, votre argumentation tend à faire croire à des jeunes, souvent fragilisés par l'échec scolaire et par leur environnement, qu'on leur ouvre une perspective d'avenir alors qu'on leur enlève toutes les chances de réussite. En vérité, chacun sait que, si ces apprentis juniors quittent le collège dès quatorze ans, c'est pour ne plus y revenir et ne jamais maîtriser le socle commun de connaissances. C'est une terrible régression !

J'appartiens à cette génération dans laquelle de nombreux jeunes issus de familles modestes ont été enrôlés dans le préapprentissage pour servir de main-d'oeuvre bon marché au patronat. On envoyait les fils d'ouvriers en apprentissage et les filles à l'école ménagère. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Cambon. C'est fini tout ça !

Mme Gisèle Printz. Non, on veut y revenir ! J'aimerais croire que ces temps sont révolus.

Lors de l'examen du projet de loi de cohésion sociale, nous avions tiré la sonnette d'alarme à propos d'un amendement de notre collègue Serge Dassault tendant à ouvrir la possibilité d'un préapprentissage en entreprise aux jeunes dès l'âge de quatorze ans. Force est de constater que le Gouvernement a cédé au chant des sirènes du libéralisme.

Faire travailler des jeunes à quatorze ans n'est pas digne du pays des droits de l'homme (applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), qui ne cesse, à juste titre, de dénoncer le travail des enfants dans le monde.

L'exclusion de milliers de jeunes dès quatorze ans est contraire au principe républicain d'égalité puisqu'elle ne sanctionne pas les capacités intellectuelles, le mérite, les efforts mais l'appartenance à un milieu social.

La présence d'une telle disposition dans un texte qui s'intitule « projet de loi pour l'égalité des chances » est une contrevérité. Elle accentue les inégalités en créant une sous-catégorie de jeunes.

Cette mesure aura par ailleurs des incidences sur les budgets des collectivités territoriales, notamment des régions, en charge du financement de l'apprentissage. Ces dernières devront augmenter leur participation aux financements et investissements des centres de formation pour adultes, les CFA, revoir leurs modes d'aides aux apprentis en trouvant de nouveaux modes d'hébergement et de transports.

Elles devront également revoir leurs aides à l'embauche d'apprentis car très vite, au premier accident du travail d'un jeune de quatorze ou quinze ans, les entreprises demanderont d'obtenir des compléments financiers pour assurer la sécurité des apprentis.

Mme Gisèle Printz. N'oublions pas, en effet, que jusqu'à présent, la loi n'autorisait pas les jeunes de moins de seize ans à manipuler les appareils dangereux.

Je voudrais, madame la ministre, vous rendre attentive au fait que l'on emploie toujours le masculin pour parler de la jeunesse dans ce projet de loi. À aucun moment, il n'est dit qu'il concerne les filles. Est-ce un oubli ou ai-je mal compris ? Quoi qu'il en soit, j'aimerais bien que cela y figure.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Ce projet de loi concerne bien sûr tout le monde.

Mme Gisèle Printz. Madame, messieurs les ministres, mon propos n'est pas de dénigrer l'apprentissage, loin s'en faut !

M. René Garrec. Très bien !

Mme Gisèle Printz. Dans sa forme actuelle, il permet d'accéder à des métiers valorisants aux yeux des jeunes et des parents, il représente une alternative crédible. L'apprentissage junior que vous voulez mettre en place produit l'effet contraire. Il apparaît comme une voie de relégation, qui déscolarise les jeunes prématurément. Nous y sommes défavorables et en demandons la suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Hélène Luc. Très bien, cela relève le niveau !

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est un apport essentiel de la République que de considérer que l'égalité des droits à la naissance ne suffit pas et qu'une politique volontaire est nécessaire pour rétablir l'égalité des chances tout au long de la vie.

Pour ce qui est des jeunes, hélas, vingt ans de chômage de masse ont montré combien ils subissent une forte discrimination en matière d'emploi.

Les chiffres ont déjà été évoqués à plusieurs reprises. Il est bon, comme pour la dette publique de la France, de les rappeler : un taux de chômage de 23 % pour les moins de vingt-cinq ans, atteignant 40 % pour les jeunes non qualifiés, soit deux fois plus que la moyenne européenne.

Mme Hélène Luc. Et on compte une jeune fille sur cinq parmi les chômeurs.

M. Jean-Pierre Sueur. Utile précision !

M. Christian Cambon. Je vous saurais gré, madame, de bien vouloir me laisser parler.

La vérité est là, même si elle est douloureuse pour nous tous : les jeunes mettent huit à onze ans pour obtenir un emploi stable et ce qui va avec : le logement, l'accès au crédit, bref, l'installation dans la vie.

Il en résulte un phénomène inquiétant de précarité systématique, très mal vécu par les jeunes et qui explique, pour une part, les réactions violentes que nous venons de connaître dans nos banlieues.

Au delà de ces chiffres, la réalité, nous la vivons sur le terrain, dans nos responsabilités locales. Combien de fois, en tant que maire, j'ai vu les curriculum vitae de ces jeunes, décrivant sur deux pages une seule année de travail, tant s'enchaînent stages, CDD, intérim, remplacements et périodes de chômage non indemnisées.

Mme Nicole Bricq. Et contrat nouvelles embauches !

Mme Christiane Demontes. Le CPE n'arrangera rien !

M. Christian Cambon. Dans le même temps, 450 000 emplois restent non pourvus.

Cette inadéquation, invraisemblable pour un pays comme le nôtre, a pour effet de pénaliser le développement de nos entreprises, mais surtout la croissance économique de la France.

Face à ce constat déprimant, les gouvernements successifs ont tenté, pendant vingt ans, d'apporter des réponses, hélas, peu convaincantes.

Tel fut le cas des emplois-jeunes, opération coûteuse lancée en 1997. Ils ne concernaient que le secteur public et associatif, et excluaient délibérément les entreprises de leur bénéfice, comme si elles étaient des quantités négligeables dans une politique dynamique de l'emploi.

Aucun dispositif de formation n'y était associé, pas plus que l'indemnisation du chômage au terme de cinq ans.

M. Jean-Pierre Bel. C'est inexact !

M. Christian Cambon. L'évolution de ces contrats fut laissée au bon coeur des collectivités ou des associations, invitées à transformer en contrat longue durée, si elles le pouvaient, cette première expérience professionnelle, au demeurant bien fragile.

Mme Hélène Luc. Dans la Val-de-Marne, 101 de ces jeunes ont passé le concours de l'IUFM...

M. Christian Cambon. Comprenant que rien de décisif ne serait réalisé si l'on ne réconciliait pas les jeunes avec l'entreprise, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin s'inscrivit alors en rupture avec cette politique de facilité...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On a vu le résultat !

M. Christian Cambon. ... en mettant en oeuvre un vrai plan de relance de l'apprentissage, particulièrement incitatif si l'on en juge par l'augmentation de près de 9 % cette année du nombre d'apprentis.

Associé à la création des maisons de l'emploi et à la grande réforme du temps de travail, pour reconstruire ce que les 35 heures avaient détruit, cette politique montrait le chemin d'une prise de conscience nouvelle et ambitieuse en faveur de l'emploi des jeunes par les entreprises.

En affichant résolument la volonté de se battre plus efficacement encore contre le chômage, Dominique de Villepin et son gouvernement ont choisi courageusement le chemin de l'innovation en mettant en oeuvre des réformes de structure susceptibles d'agir plus en profondeur pour l'emploi et contre la précarité.

Ce fut le cas du contrat nouvelles embauches, avec le succès que l'on connaît !

M. Thierry Repentin. Aux prud'hommes, oui !

M. Christian Cambon. Ainsi, 300 000 contrats ont été signés, en quelques mois, au sein des entreprises de moins de vingt salariés.

M. Alain Gournac, rapporteur. Eh oui !

M. Christian Cambon. Je comprends que ce chiffre puisse déranger, qu'on tente de l'expliquer par la démographie, par les départs en retraite plus nombreux. J'imagine, en revanche, ce que l'on aurait entendu si le chômage, lui, avait augmenté de 300 000 demandeurs d'emploi !

M. Christian Cambon. Le Gouvernement aurait pu en rester là et se satisfaire du statu quo pour les jeunes, leur faire miroiter des CDI qu'ils mettent dix ans à obtenir et les laisser dans la précarité de fait que je décrivais il y a un instant.

Or le Gouvernement a voulu aller plus loin et apporter une réponse concrète, souple et incitative pour sortir les jeunes de ces « galères » qu'ils vivent aujourd'hui de plus en plus mal.

En proposant un parcours d'insertion rapide de deux ans, pourvu de droits nouveaux et de garanties réelles, le contrat première embauche va offrir un nouvel instrument au service de l'emploi des jeunes.

Oh, certes, le CPE n'est pas la fée Clochette : personne ne l'a prétendu ! Il ne réglera pas tous les cas et ne fera pas disparaître le chômage d'un coup de baguette magique !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ? C'est pourtant ce que l'on nous avait dit !

M. Christian Cambon. Cependant, si l'on accepte un instant d'être juste, objectif et réaliste, comment peut-on nier les avantages que ce nouveau contrat va apporter ?

C'est d'abord un CDI qui offrira, enfin, cette première expérience professionnelle en entreprise tant recherchée : les jeunes en témoignent tous les jours.

C'est ensuite l'opportunité de partir d'un bon pied, avec la garantie d'une rémunération conforme au régime commun des salariés. En un mot, c'est offrir une chance, parfois une première chance, c'est tendre la main à ces milliers de jeunes qui, aujourd'hui, « sont dans la galère » et qui pourront, à terme, accéder à un emploi stable et pérenne.

Ce sera surtout l'occasion pour ces jeunes de donner toute la mesure de leurs qualités, de leurs compétences et de leur dynamisme.

Car enfin, pourquoi vouloir toujours faire des jeunes de futurs assistés ? Pourquoi ne pas parier sur leur envie réelle, profonde, de s'investir dans un emploi au sein de l'entreprise ?

Alors, on nous lâche l'argument suprême, celui qui fait peur : la précarité. Comme si les jeunes ne vivaient pas déjà la précarité au jour le jour ! Comme si, dans un pays de rêve, des multitudes de CDI leur pleuvaient dessus au sortir de l'université ou des centres de formation !

On nous parle d'emplois « jetables », d'emplois « kleenex » ! Toutes les formules deviennent bonnes, fleurant souvent bon l'indigence des contre-propositions, à moins que ce ne soit la proximité des élections qui les inspire !

Et bien nous, avec courage, nous disons que ce contrat, au contraire, apporte des garanties qui n'existaient pas auparavant.

D'aucuns disent que le contrat première embauche peut être rompu à tout moment, sans motif. C'est faux, et je souhaite, monsieur le ministre, que vous soyez clair sur ce point. Le droit du travail s'appliquera au contrat première embauche comme à tout autre contrat.

M. Roland Muzeau. Non, ce n'est pas vrai !

M. Christian Cambon. Il faudra toujours un motif valable pour licencier un salarié. L'employeur ne pourra pas s'en séparer parce que sa tête ne lui revient plus.

M. Jean-Pierre Bel. Vous n'avez pas lu le projet ?

M. Christian Cambon. Du reste, le préavis demeure obligatoire : quinze jours durant les six premiers mois, un mois au-delà.

On nous cite les premiers contentieux liés aux contrats nouvelles embauches : la belle affaire ! C'est bien la démonstration par l'absurde que les opposants à ces contrats se trompent : s'il y a contentieux, c'est qu'il y a bien recours possible et qu'il n'y a pas non-droit !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Eh oui !

M. Jean-Pierre Sueur. Quelle démonstration !

M. Christian Cambon. De même, les opposants au contrat première embauche se trompent lorsqu'ils confondent, sciemment, période d'essai d'un mois, applicable à tous les contrats de travail, et période de consolidation qui, elle, dure deux ans.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Exactement !

M. Christian Cambon. Or, pendant cette période de consolidation, il y a bien préavis et indemnités en cas de rupture du contrat.

Bien au-delà, ce sont de nouvelles garanties que le CPE va offrir aux jeunes.

M. Roland Muzeau. Lesquelles ?

M. Christian Cambon. Tout d'abord, en termes de formation, qui n'a pas constaté, lors de l'embauche d'un jeune, diplômé ou non, dans nos mairies ou dans nos entreprises, une insuffisance de formation pratique aux tâches proposées ?

M. Roland Muzeau. Évidemment, on ne naît pas avec toutes les connaissances !

M. Christian Cambon. Désormais, mon cher collègue, le jeune bénéficiera - c'est écrit en toutes lettres - d'un « droit individuel à la formation » dès la fin du premier mois, c'est-à-dire à l'expiration de la période d'essai. Ainsi, il pourra légitimement compléter sa formation initiale en informatique ou en langue par exemple, voire acquérir des connaissances nouvelles qui ne lui auraient pas été transmises.

De même, comment ne pas se féliciter de l'accès, pour ces futurs bénéficiaires du CPE, à la garantie de loyers et à l'avance de la caution, grâce au LOCAPASS, pour obtenir un logement ? Je suis maire en région parisienne et je connais, comme vous, les difficultés que rencontrent les jeunes pour trouver un logement.

De plus, la reconnaissance du CPE comme un vrai contrat à durée indéterminée par la fédération française des banques ouvrira aux jeunes la possibilité de contracter ce fameux premier emprunt et d'accéder au crédit à la consommation.

M. Roland Muzeau. Non seulement ils n'auront pas de travail, mais ils seront endettés...

M. Christian Cambon. Enfin, en matière de rémunération, c'est le régime commun des salariés qui s'applique et le contrat première embauche ne comporte pas de salaire plafond. Il n'a jamais été question, en effet, d'offrir aux jeunes des emplois au rabais. Mais cela, vos amis de l'UNEF préfèrent le taire !

Les opposants au contrat première embauche ont même prétendu qu'il allait devenir la seule forme de contrat pour l'embauche de tous les jeunes, quel que soit leur niveau de formation.

M. Roland Muzeau. Oui, le CNE !

M. Christian Cambon. C'est faux, là aussi.

En ce qui concerne les jeunes en situation de faible qualification, qui, certes, sont encore nombreux, le CPE ne supprime ni les contrats aidés, comme le contrat jeune en entreprise, qui est lui-même renforcé, ni l'accompagnement individuel pour les jeunes en difficulté, comme le contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS.

Pour tous ces jeunes sans qualification, l'alternance, véritable réponse à leur insertion future, est massivement développée et aujourd'hui 130 000 jeunes en difficulté sont accompagnés vers l'emploi grâce au CIVIS.

Sur le fond, n'est-il pas surtout consternant, mes chers collègues, d'entendre parler des entreprises, et plus particulièrement des petites et moyennes entreprises, comme le font aujourd'hui la plupart des dirigeants de l'opposition ?

Ils n'ont pas de mots assez durs pour faire croire aux Français, et singulièrement aux jeunes, que ces dirigeants de PME sont les nouveaux « Moloch »de l'économie, embauchant et licenciant au jour le jour, comme sur le carreau des mines au XIXème siècle. (Murmures sur les travées du groupe CRC.)

Vous semblez oublier, mes chers collègues, que ce sont les PME, comme l'entreprise SKS que vous et vos amis avez chassée, à coups de boulons, dans le Val-de-Marne, qui créent 90 % des emplois en France ! Elles portent à elles seules une part importante de la croissance économique du pays et pourtant elles ne sont pas au CAC 40, leurs dirigeants ne bénéficient ni de rémunérations extravagantes ni de parachutes dorés.

Il se trouve qu'avant d'entrer dans cette maison, j'ai eu l'honneur d'exercer pendant vingt ans les fonctions de chef de PME. Je n'ai jamais licencié un collaborateur et j'ai formé des dizaines de jeunes qui, je l'affirme, ont tous connu un parcours professionnel dont nous n'avons, ni eux ni moi, à rougir.

M. Jean-Pierre Bel. Oui, sous CDI.

M. Jean-Pierre Sueur. Sans le CPE !

M. Christian Cambon. Cette expérience m'a permis de rencontrer des centaines d'autres chefs d'entreprise. Comment aujourd'hui ne pas porter témoignage des pratiques et de l'esprit qui sont ceux de tous ces chefs d'entreprise, et qui n'ont rien à voir avec les caricatures que vous propagez ?

Croyez-vous vraiment qu'un chef d'entreprise qui a recruté un jeune, qui investit sur lui de son temps et de son savoir-faire et qui, bien souvent, s'attache personnellement à lui, le licencie du jour au lendemain comme on jette un paquet ?

M. Roland Muzeau. Il n'a qu'à le prendre en CDI !

M. Christian Cambon. Croyez-vous vraiment qu'un chef d'entreprise dont le carnet de commandes est plein, c'est-à-dire lorsqu'il peut le faire, n'a pas plutôt envie de donner leur chance à des jeunes désireux de s'investir, de donner le meilleur d'eux-mêmes et d'en finir enfin avec la galère ?

C'est bien ignorer le monde de l'entreprise que de terroriser les jeunes à ce point en généralisant les rares exemples de chefs d'entreprise qui, parfois, se conduisent mal et qui, dans ce cas, doivent être sanctionnés !

M. Christian Cambon. Quant aux solutions préconisées par nos collègues de gauche,...

M. Alain Gournac, rapporteur. Il n'y en a aucune !

M. Christian Cambon. ...nous les attendons, et les Français seront à même de juger sur pièce.

Mme Hélène Luc. Quand, ce n'est pas prévu ?

M. Christian Cambon. Ils le font, du reste, si j'en crois un récent sondage du Parisien.

Ils se souviendront de ce beau moment, voilà quelques semaines, où, au sortir d'un meeting à la Mutualité, Laurent Fabius et François Hollande se disputaient les micros en proposant, l'un, un vague contrat sécurité formation, l'autre, rien moins que le rétablissement des emplois-jeunes ! Tout cela est bien léger et ne risque pas de régler le problème qui nous est posé. On peut certes le leur pardonner, compte tenu du climat de franche camaraderie qui les unit... (Rires sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Cambon. Penchons-nous sur l'exemple des régions, qui est, lui aussi, riche d'enseignements. Là, en effet, les exécutifs de gauche sont aux commandes, et les promesses de 2004 étaient alléchantes.

M. Christian Cambon. Avec les emplois tremplins, on allait voir ce que l'on allait voir ! Eh bien, on a vu !

En Île-de-France, qui compte 12 millions d'habitants, ils avaient promis 1 000 emplois au moins chaque année. Ils en ont créé 645, pas un de plus, en plus de deux ans. Et encore trouve-t-on dans ce décompte des emplois de directeur pour des associations de copains ou même des emplois créés pour le conseil régional lui-même ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. On n'est jamais si bien servi que par soi-même !

M. Josselin de Rohan. En Bretagne, nous n'avons rien eu !

M. Christian Cambon. En Midi-Pyrénées, où on avait également promis monts et merveilles, soixante-six emplois ont été créés en deux ans. Voilà bien un dispositif qui, lui, va révolutionner l'emploi des jeunes !

Peut-être que du côté de l'apprentissage, levier essentiel des régions, les efforts de nos collègues de gauche allaient être plus conséquents. Hélas ! En Île-de-France, alors même que le conseil régional vient en deux ans d'augmenter de 60 % la part régionale de la taxe professionnelle des entreprises, pénalisant d'autant la création d'emplois, les crédits d'investissement pour l'apprentissage viennent de baisser de 38 % pour 2006.

M. Roland Muzeau. La faute à Karoutchi !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. C'est qu'il coûte cher le tramway nommé désir ! (Sourires.)

M. Christian Cambon. Alors, mes chers collègues, on le voit : n'en déplaise à nos censeurs, personne n'a aujourd'hui inventé la solution miracle pour résoudre cette terrible discrimination des jeunes face à l'emploi !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'avez pas inventé la poudre !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Et vous donc !

M. Christian Cambon. Soyons donc, les uns et les autres, modestes !

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas votre cas !

M. Christian Cambon. C'est pourquoi, à l'UMP, nous avons choisi de soutenir le Gouvernement, qui tente, avec courage, d'innover et de proposer, à travers le CPE, une réponse plus adaptée aux attentes des jeunes et aux besoins de l'économie.

La vraie question nous est enfin posée. Allons-nous nous décider à tirer le bilan de vingt ans de primes, de plans successifs, d'exonérations, de mesures en tous genres, pour nous adapter enfin aux réalités du monde de l'emploi ? C'est le pari que, pour notre part, nous faisons.

Bien sur, vous pouvez faire rêver nos jeunes, vous pouvez leur promettre la lune et caricaturer la réalité à des fins purement politiciennes. Mais nos jeunes, eux, dans cette affaire, jouent leur avenir. Mieux vaut alors ne pas leur cacher la vérité ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)

M. Alain Gournac, rapporteur. Bravo Christian !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On est vraiment dans la caricature !

M. Roland Muzeau. Ce n'était pas sympathique pour l'UDF !

M. Josselin de Rohan. Occupez-vous de vos voisins, vous avez fort à faire !

M. Alain Gournac, rapporteur. Chacun sa croix ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le contrat première embauche est contraire à l'égalité des chances.

M. Josselin de Rohan. Revoilà le révérend père !

M. Jean-Pierre Sueur. Dans une même entreprise, sur un même poste, pour le même travail, la règle sera en effet différente selon que le salarié aura plus ou moins de vingt-six ans.

Mais ce que je trouve vraiment indéfendable dans le CPE, c'est la notion de licenciement sans cause. À l'instant même, M. Cambon vient de nous dire qu'aucun chef d'entreprise de bonne foi ne souhaitait licencier sans cause, mais qu'il pouvait malheureusement, par moment, y être contraint. Dans ce cas, il y a toujours une raison au licenciement. Si ce que dit notre collègue est vrai, pourquoi cet acharnement à vouloir créer le licenciement sans cause, sans raison, sans motif ?

M. Jean Desessard. Excellent !

M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi, madame, messieurs les ministres, un tel licenciement serait-il illégal, impossible pour quelqu'un de vingt-sept ans ou de trente ans alors que, pour un jeune de moins de vingt-six ans, ce licenciement sans cause deviendrait possible ? On perçoit, au sein même du Gouvernement, des difficultés pour l'expliquer...

En fait, on ne peut pas associer à la jeunesse la notion de licenciement arbitraire. Le licenciement arbitraire n'a aucune raison d'être quel que soit l'âge. Alors, pourquoi le réserverait-on aux jeunes ? Pourquoi ? Nous n'avons aucune réponse à cette question, pourtant fort simple, depuis des semaines.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons déjà fait observer que cette disposition était contraire à la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, ratifiée par la France - vous le savez très bien, monsieur Larcher -, qui prohibe, en son article 4, les licenciements « sans motifs valables liés à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondés sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise ». Et c'est le bon sens ! Je ne vois pas pourquoi la France créerait le licenciement sans cause, de surcroît réservé aux jeunes !

Vous savez aussi que cette convention de l'OIT exclut de ces dispositions les travailleurs effectuant une période d'essai, à condition que la durée de celle-ci soit raisonnable.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Et voilà !

M. Jean-Pierre Sueur. Avec le CPE, la période d'essai est en réalité de deux ans.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Non, c'est une période de consolidation !

M. Jean-Pierre Sueur. Elle sera forcément requalifiée comme telle, puisque, pendant les deux ans, on peut licencier sans cause ni motif. Or vous savez que la Cour de cassation a jugé abusives les périodes d'essai de trois mois, de six mois ou d'un an selon les professions. Alors, une période de deux ans ne nous paraît pas raisonnable. De plus, vous envoyez un très mauvais message à la jeunesse.

J'en profite pour dire que, de même que nous ne nous permettrions pas de critiquer les PME - comme cela vient de nous être reproché -, nous ne sommes pas contre l'entreprise.

M. Roland Muzeau. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes pour l'entreprise. Nous n'acceptons pas non plus d'ailleurs que, dans certaines interventions, on critique les « amis de l'UNEF ». Les syndicats étudiants sont respectables ; ils disent ce qu'ils ont à dire, de même que les lycéens, les jeunes travailleurs et les jeunes des banlieues.

M. Alain Gournac, rapporteur. Il ne faut pas les tromper !

M. Jean-Pierre Sueur. Je n'accepte pas que l'on dise à cette tribune qu'ils ne comprennent pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Ils comprennent très bien ; ils ont la capacité citoyenne de comprendre !

M. Alain Gournac, rapporteur, et M. Josselin de Rohan. Il y en a qui mentent !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous n'avons pas à présenter de manière péjorative la pensée de ces jeunes.

Monsieur le ministre, nous débattions hier soir du volontariat, présenté comme une solution innovante, intéressante. Oui, le volontariat peut être tout à fait utile et intéressant. Certains d'entre nous ont d'ailleurs signé un appel, avec de nombreux parlementaires.

Mais, compte tenu du chômage des jeunes, dans le contexte de précarité et de licenciements arbitraires que vous créez, le volontariat a peu de chance de représenter une solution crédible, parce qu'il apparaît trop évidemment comme un succédané pour trouver une solution à la question de l'emploi. Dans ces conditions, je ne crois pas que le volontariat sera bien perçu, ni qu'il sera un succès, d'autant que des organismes à but lucratif ont été introduits dans le projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif dont la discussion a été interrompue hier soir, ce qui n'est pas de bon augure.

Pour finir, je voudrais souligner que les inégalités liées au CPE figurent aussi dans l'ensemble du dispositif. Je pense à la question des territoires, évoquée par Roland Ries. Chaque génération de zone franche urbaine a été choisie d'une certaine manière. Certains quartiers hors zones franches urbaines vont plus mal que d'autres qui, pour diverses raisons, ont pourtant été classés en zone franche.

À cet égard, je crains beaucoup les effets pervers du zonage - la France est d'ailleurs championne du monde du zonage en matière de politique de la ville. Le zonage est toujours justifié au départ, et à juste titre, par la nécessité de donner plus à ceux qui ont moins.

M. René Garrec. On l'a cru aussi !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est la philosophie des ZEP. Ensuite, on se rend compte que telle ZEP génère des phénomènes de fuite. Alors, on crée des super-ZEP.

Pour ma part, je pense que le zonage, dans une certaine mesure, produit de la stigmatisation, c'est-à-dire le contraire de l'effet recherché. Il faut y réfléchir.

Prenons un exemple : dans ce texte pour l'égalité des chances, on nous propose la suppression de toute règle présidant à l'implantation des multiplexes au sein des zones franches urbaines. Je ne sais pas si l'on a bien réfléchi aux conséquences d'une telle disposition ! Celle-ci ne va pas entraîner la création de cinémas dans les centres-villes des communes de banlieue ou des communes en difficulté.

M. Jean-Pierre Sueur. Elle va favoriser la concentration des cinémas dans des multiplexes situés le long des routes nationales, à côté des parkings des hypermarchés.

M. Jean-Pierre Sueur. Elle va donc avoir un effet négatif sur la culture, parce que ne sont diffusées dans les multiplexes que certaines catégories de films.

M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. De plus, il se produira une concentration de l'offre cinématographique, au détriment de quantités de territoires, qu'ils soient centre-ville, faubourg, banlieue ou ruralité. On peut dès lors se poser la question suivante : quel rapport y a-t-il entre la concentration de l'offre cinématographique que vous proposez et l'égalité des chances ? Pourquoi faut-il inclure une telle mesure dans ce texte ?

M. Jean-Pierre Sueur. On constate d'ailleurs que bien des mesures qui sont présentées dans ce projet de loi ne permettront pas d'aller vers plus d'égalité dans les territoires.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué la DSU, dont nous avons approuvé l'augmentation. Mais Mme Voynet faisait remarquer à juste titre que cette dotation n'était qu'un élément parmi beaucoup d'autres. Ainsi, dans toutes les villes qui touchent la DSU, il conviendrait d'étudier l'évolution négative de la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle.

M. Jean-Pierre Sueur. On se rendrait alors compte que, dans beaucoup de villes, ce que l'on a donné en plus au titre de la DSU - et l'on a bien fait - a été retiré pratiquement à due concurrence du fait de l'évolution très négative - de 9 % ou 10 % - de la dotation de compensation de la taxe professionnelle !

En vérité, la réduction des inégalités entre les territoires demande un effort beaucoup plus important, en particulier au bénéfice des banlieues. Il est vrai que c'est difficile, et nous ne l'avons jamais contesté.

Je finirai en évoquant l'interview donnée dans la presse mardi dernier par le maire de Clichy-sous-Bois, car ses propos m'ont frappé.

Il affirme que, depuis trois mois, il attend vainement du Gouvernement des réponses sur deux dossiers intéressant sa ville et que, depuis trois mois, le ministère du budget persiste à refuser de créer un fonds national d'indemnisation pour les collectivités qui ont été durement touchées par les événements du mois de novembre. Pour la seule ville de Clichy-sous-Bois, les compagnies d'assurance imposent, dit-il, une franchise de 2 millions d'euros.  Je le cite : « Autant dire qu'on est proche de l'auto-assurance. Quand je pense que l'État avait indemnisé les stations de ski en raison du manque de neige ... La cause des banlieues vaut celle des remontées mécaniques ! »

Voilà la réalité de l'inégalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

L'inégalité est là, partout, elle imprègne toute la vie, et elle imprègne aussi toutes les pages de ce texte !

Alors, madame, messieurs les ministres, la vraie question qui se pose est celle-ci : comment avez-vous pu appeler cette accumulation d'inégalités supplémentaires « projet de loi pour l'égalité des chances » ? (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous savons que le chef du Gouvernement voue une grande admiration à Napoléon Bonaparte. Mais la brutalité avec laquelle il a imposé à l'Assemblée nationale - tant à l'opposition qu'à la majorité, d'ailleurs - d'approuver, sans aller au terme de la discussion, le projet de loi qu'examine aujourd'hui le Sénat me donne à penser qu'il sait aussi s'en inspirer !

Dans Napoléon le Petit, Victor Hugo écrivait : « Qu'est-ce que c'est que ça, la tribune ? s'écrie M. Bonaparte Louis ; c'est du parlementarisme ! » Et le grand poète de poursuivre : « ... le parlementarisme, c'est-à-dire la garantie des citoyens, la liberté de la discussion, la liberté de la presse, la liberté individuelle, le contrôle de l'impôt [...], la sécurité de chacun, le contrepoids de l'arbitraire, la dignité de la nation, l'éclat de la France... ».

Faut-il vous rappeler que les grandes lois qui ont contribué à établir les fondements la République, lois toujours en vigueur, ne se sont pas faites à coup de 49-3 ou en recourant à d'autres artifices de « rationalisation » du parlementarisme ?

La loi de 1901 ou celle de 1905, pour ne prendre que deux exemples auxquels le Président de la République et ce gouvernement se disent attachés, ont fait l'objet de longues délibérations, approfondies, conflictuelles aussi, mais ayant abouti à des législations qui cimentent toujours le corps social.

Qu'en sera-t-il d'une loi fourre-tout, uniquement motivée par l'opportunisme le plus politicien, je veux parler de celui qui doit permettre de s'afficher aussi libéral que M. Sarkozy ?

Madame la ministre, messieurs les ministres, je vous le demande solennellement : pensez-vous qu'une bonne décision publique est celle qui est uniquement issue des cabinets ministériels et de la technocratie d'État, au mépris de la représentation nationale et des partenaires sociaux ?

En fait, vous avez choisi de recourir au 49-3 comme certains patrons peu scrupuleux - il y en aura toujours ! - débaucheront des jeunes gens employés en CPE : sans motif sérieux, arbitrairement.

En agissant ainsi, vous nourrissez l'antiparlementarisme latent d'une partie de l'opinion, vous confortez ceux qui pensent que le jusqu'au-boutisme vaut mieux que la délibération.

Le texte que vous soumettez au Sénat après le regrettable recours au 49-3 est censé répondre au profond malaise que traverse notre pays, qui s'est notamment manifesté par les émeutes urbaines ayant agité les banlieues de nos villes à l'automne dernier.

Noble ambition que celle qui est affichée : oeuvrer à l'égalité des chances. Mais entendons-nous par là la même chose ?

Arrêtons-nous sur l'une des causes profondes de ce malaise social français : le ralentissement du processus de rattrapage entre catégories sociales, comme l'a analysé notamment le sociologue Louis Chauvel.

Au milieu des années cinquante, les cadres percevaient un salaire en moyenne quatre fois supérieur à celui des ouvriers. Mais ces derniers, sur une seule génération, pouvaient espérer, compte tenu du rythme de progression des salaires, rattraper le salaire moyen des cadres.

Au milieu des années quatre-vingt-dix, les cadres ne touchaient plus « que » 2,6 fois le salaire moyen des ouvriers, mais il fallait à ces derniers trois siècles pour espérer arriver à ce niveau ! Le temps de rattrapage a donc été multiplié par dix !

Les couches sociales moyennes sont aujourd'hui composées pour partie de catégories issues de milieux parfois très modestes, qui ont progressé dans l'échelle sociale grâce à leur travail et à la forte croissance des Trente Glorieuses. Elles observent aujourd'hui avec désespoir que bon nombre de leurs enfants « galèrent » entre stages plus ou moins sérieux, intérim, CDD et chômage, sans pouvoir espérer la même progression sociale qu'eux, voire en étant menacés de régression.

Le ressentiment de la jeunesse défavorisée vient largement du no future qui l'attend : les jeunes savent qu'il existe une autre société mais que celle-ci n'est pas pour eux.

Le ressentiment social, dans la France de 2006, repose donc d'abord sur des bases objectives : non seulement les inégalités sont fortes et tendent à s'accroître, mais, au surplus, l'ascenseur social est en panne. Or ce ressentiment profond, ce malaise qui parfois laisse éclater la violence, ne peut être qu'entretenu par le décalage grandissant entre, d'un côté, les discours et les actes officiels sur l'égalité des chances et, de l'autre, la réalité quotidienne des catégories populaires et moyennes.

Ce texte illustre parfaitement ce phénomène. Les banlieues flambent, le chômage des jeunes reste massif, les discriminations à l'embauche se perpétuent... Et quelle est la réponse du Gouvernement ? Un texte, ce texte, qui divise, stigmatise, alimente la méfiance et le discrédit à l'égard des politiques publiques !

Sous couvert de faciliter l'insertion des jeunes sur le marché du travail, ce gouvernement n'hésite pas à proposer de sortir une partie d'entre eux du système scolaire avant seize ans et d'obliger l'ensemble de la jeunesse à accepter des contrats de travail jetables pendant deux ans.

En prétextant la responsabilisation des parents, cette majorité remet sur la table le chantage aux allocations.

En affichant la volonté de recréer pour la jeunesse une période de vie commune dédiée à la collectivité, les cabinets ministériels nous ressortent un service facultatif, qui n'obligera personne à consacrer quelques mois au civisme et à la nation, mais accueillera les personnes les plus fragiles, les sortant ainsi des statistiques du chômage !

Lorsqu'on se penche attentivement sur ce texte, notamment sur deux de ses mesures-phares censées régler le problème du chômage des jeunes - l'apprentissage à quatorze ans et le contrat première embauche -, on ne peut qu'être ébahi par l'inanité des solutions proposées !

Prenons l'exemple du désormais fameux CPE : alors qu'aucune évaluation sérieuse n'a encore pu être menée à terme sur l'incidence du contrat nouvelles embauches, vous inventez un nouveau dispositif ciblé sur les jeunes demandeurs d'emploi, qui vient s'ajouter à tous ceux qui existent déjà.

Tout en prétendant simplifier la vie des entrepreneurs, vous la complexifiez - certains le disent ! - et, de plus, vous créez une nouvelle niche sur le marché du travail : déjà, est en train d'apparaître la catégorie des entreprises de moins de vingt salariés employant un volant de nouveaux embauchés tournant tous les vingt-quatre mois ; désormais, il y aura les « jeunes embauchés » tournant au même rythme, une espèce d'armée de réserve de jeunes diplômés de moins de vingt-six ans dans laquelle les employeurs pourront piocher régulièrement !

Pour ce gouvernement, la clé du succès en matière d'emploi est de créer des marchés du travail différenciés. Est-ce bien sérieux ? L'impératif, aujourd'hui, ne serait-il pas plutôt d'établir une plus grande homogénéité du marché du travail et de réduire l'incertitude qui y règne ?

Pourquoi s'acharner ainsi à précariser les relations du travail alors que l'un des objectifs des politiques publiques devrait être de renforcer la durabilité du contrat de travail ?

Personne ne prétendra qu'une entreprise, surtout à l'ère de la compétition mondialisée, n'a pas besoin de salariés compétents et qualifiés. Or l'acquisition d'un haut degré de qualification ainsi que le développement de compétences pointues et spécialisées sont des processus longs. Les entrepreneurs et les formateurs le savent. D'après les partenaires sociaux, ces processus d'acquisition prendraient au minimum une quinzaine d'années. Ils sont donc incompatibles avec des relations de travail précaires.

Un salarié, surtout s'il est jeune, doit trouver de vraies perspectives de développement professionnel pour être motivé et efficace dans son travail. La perspective de pouvoir être licencié du jour au lendemain, sans explication, y concourt-elle vraiment ?

Nous aimerions que les promoteurs du CPE, au sein du Gouvernement et de I'UMP, répondent clairement à ces questions.

Tout le monde le sait dans cet hémicycle, ce pays souffre d'un dramatique problème de sous-emploi.

Est-ce en flexibilisant toujours plus notre droit social, comme l'a reconnu M. Dassault avec une franchise qui l'honore - mais lui voit dans ce texte des objectifs que vous ne revendiquez pas, monsieur le ministre, et il faudra que vous nous disiez tout à l'heure si ce sont ou non aussi les vôtres ! -, est-ce en fragilisant toujours plus la situation de centaines de milliers de jeunes cherchant à s'insérer dans le monde du travail, sur fond de croissance atone et de dérive de notre commerce extérieur, qu'on parviendra à rétablir la situation ? Bien sûr que non !

Une étude récente démontre que la détérioration continue de la balance commerciale du pays depuis 1999 a détruit 825 000 emplois en France.

Monsieur le ministre, pouvez-vous me dire, droit dans les yeux, que cette destruction massive d'emplois est plus liée au manque de flexibilité de notre droit du travail qu'à la rigidité de la politique monétaire de la Banque centrale européenne ?

Dans le contexte actuel de compétition accrue, les pouvoirs publics devraient tout faire pour donner à notre jeunesse l'espoir de pouvoir participer à la vie de la cité et à son développement économique en disposant d'un niveau élevé de formation et de protection.

Ce gouvernement semble résolu à faire exactement l'inverse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention portera principalement sur le contrat première embauche.

Monsieur le ministre de l'emploi, j'ai écouté attentivement la présentation que vous avez faite de ce projet de loi et j'ai constaté que vous le défendiez avec peu d'enthousiasme, ...

M. Guy Fischer. Eh oui !

M. André Lejeune. C'est le moins qu'on puisse dire !

M. Jean Desessard. ... comme si vous-même n'étiez pas convaincu par le CPE et que vous aviez assuré le service minimum commandé !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le SMC ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Jean Desessard. En effet, comment un politique qui se veut social peut-il cautionner un contrat qui constitue une véritable attaque du droit du travail ?

M. Roland Muzeau. Eh bien, c'est simple : il faut qu'il soit de droite ! (Sourires sur les mêmes travées.)

M. Jean Desessard. En matière d'emploi, il existe de mauvaises réponses, et ce gouvernement les essaie les unes après les autres !

Nous pourrions dire : « Après tout, ce n'est pas si grave ! Il a le mérite de tenter quelque chose ! » En réalité, non seulement ces mauvaises réponses ne créent pas d'emplois, mais, de plus, elles accroissent la précarisation de notre société, elles attaquent un code du travail reconnu par tous et elles conduisent à une dégradation considérable de la situation de l'ensemble des salariés.

Par exemple, la mise en place du CNE n'a pas créé d'emplois : les embauches qui se concluaient traditionnellement par la signature d'un CDI ont fait l'objet d'un CNE, ce qui n'a fait qu'accroître la précarité.

M. Christian Cambon. C'est vous qui le dites !

M. Jean Desessard. La période d'essai de deux ans, c'est un retour à la toute-puissance de l'employeur, au détriment de la démocratie sociale et de la défense des droits des salariés.

Que de mauvaises réponses n'avez-vous apportées ces dernières années ! CNE, CPE, exonération de charges sociales sur les bas salaires, catégorisation des employés par classe d'âge, maquis des contrats de toutes sortes, primes incontrôlées versées aux entreprises, compétition entre régions, entre communes... Tout cela a abouti à un énorme gâchis sans donner véritablement de résultats.

Il existe quand même quelques bonnes réponses : la création d'emplois dans les services publics, principalement dans les secteurs de la santé, de la recherche, de l'éducation ; la réduction du temps de travail, notamment pour les emplois les plus pénibles ; la mise en place d'aides aux créateurs d'entreprise et aux associations qui remplissent des missions indispensables de cohésion sociale ; l'encouragement aux investissements respectueux de l'environnement ou favorables à sa protection, comme la maîtrise de l'énergie dans le secteur de la construction, la recherche sur le solaire ou la géothermie, l'aide à l'agriculture biologique. D'ailleurs, l'emploi écologique est l'emploi de demain !

À ceux qui comparent le taux de chômage de la France et celui d'autres pays je rappelle que nous avons le plus fort taux de productivité en Europe. Cela signifie que l'on effectue avec moins de personnes la même quantité de travail : en d'autres termes, c'est l'exploitation pour les uns et le chômage pour les autres.

Mme Dominique Voynet. Très bien dit !

M. Jean Desessard. L'État doit maintenir pour tous un revenu minimum décent afin d'éviter l'appauvrissement, la précarisation et l'exclusion des chômeurs.

Il est difficile pour une personne de retrouver un emploi lorsqu'elle a perdu son logement, lorsqu'elle ne peut plus se soigner ni s'habiller. Or cela reste une charge énorme pour la société, en particulier pour les collectivités locales.

En outre, nous sommes favorables à ce que les étudiants bénéficient d'un salaire. Je vous vois déjà lever les yeux au ciel, et dire : « Mais qui va financer tout ça ?»

Mme Dominique Voynet. Mais non, ils dorment !

M. Jean Desessard. Je répondrai que l'on ne transige pas sur un projet de société solidaire, non sans rappeler que différents choix gouvernementaux ont favorisé fiscalement les plus aisés au détriment des plus modestes. Je ferai également remarquer que des sociétés comme Total réalisent des bénéfices records et continuent d'embaucher des stagiaires à qui mieux mieux sans les rémunérer, sans oublier les salaires exorbitants des cadres dirigeants et les profits des actionnaires.

La droite est aujourd'hui sans tabous : elle démantèle petit à petit le code du travail pour s'aligner progressivement sur les conditions sociales des pays les moins avancés en ce domaine.

M. René Garrec. On en est loin !

M. Jean Desessard. La droite a fait le choix de s'adapter au néolibéralisme, qui conduira à la paupérisation du peuple français et du pays. Car la richesse d'un pays est intimement liée à celle de l'ensemble de ses citoyens.

Ce projet de loi ne correspond en rien à notre conception du social. Ce n'est pas notre projet de société. D'ailleurs, la majorité des Français estime que le CPE entraînera davantage de précarité. Elle sera donc très vigilante pendant la période d'essai d'un an qui vous est accordée, jusqu'en mars 2007.

Considérez cela, madame, messieurs les ministres, comme un préavis de licenciement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. de Rohan s'esclaffe.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. David Assouline. Soyez franc !

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord vous dire que le Gouvernement attache beaucoup d'importance à ce texte.

À mesure que les différents sujets seront abordés, chacun des ministres avec lesquels je vous présente ce projet de loi, Gérard Larcher et Catherine Vautrin, ici présents, mais aussi Azouz Begag et Gilles de Robien, répondra de manière détaillée sur les points qui le concernent plus spécifiquement. Pour ma part, je me contenterai de répondre de façon globale aux différentes interventions, en commençant par celle de M. Gournac.

Monsieur le rapporteur, j'ai été très frappé par ce que vous avez dit à propos des auditions, par la commission, de l'ensemble des partenaires sociaux, notamment celles des représentants des organisations de la jeunesse de ce pays.

M. Alain Gournac, rapporteur. Ces auditions étaient très intéressantes !

M. David Assouline. Quelles organisations de la jeunesse ? Pas l'UNEF en tout cas !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Toutes celles qui se sont rendues à votre invitation, sans exclusive aucune - je pense notamment aux deux témoignages importants que vous nous avez rapportés -, ont montré leur intérêt pour l'intégralité du texte, ...

M. Alain Gournac, rapporteur. Effectivement, et pas seulement pour le CPE !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... en particulier pour ce grand sujet de préoccupation qu'est la discrimination.

M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. La discrimination est aujourd'hui, en effet, le véritable poison de notre pays.

M. Alain Gournac, rapporteur. Exact !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Vous en avez fourni des illustrations assez effrayantes, y compris en matière d'apprentissage.

En fin de compte, le coeur du débat sur l'apprentissage, ce n'est pas vraiment la question de l'âge : l'essentiel est de montrer que la formation en alternance est l'une des voies royales de l'activité et de l'épanouissement personnel et qu'elle doit être ouverte à tous dans ce pays. Cela dépasse les statistiques.

M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Merci, monsieur le rapporteur, d'avoir, au-delà de vos remarques sur ce texte et des amendements que vous avez déposés au nom de la commission des affaires sociales, appelé très fortement notre attention sur ce point, car cela permet de recentrer le débat sur l'un des sujets fondamentaux du projet de loi.

M. le rapporteur pour avis de la commission des lois, Jean-René Lecerf, a martelé ce principe : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Mais il a démontré, chiffres à l'appui, que ce n'était pas, aujourd'hui, dans notre pays, une réalité en matière d'accès au logement, à l'emploi, à la formation. Ainsi, en ce qui concerne l'accès aux quatre grandes écoles françaises, il a cité des chiffres qui devraient tous nous interpeller : en vingt ans, nous sommes passés de 29 % à 10 % de diplômés issus des couches dites populaires. Comme l'a dit M. Lecerf, un pays qui recrute ainsi ses élites dans une frange réduite de sa population est un pays qui se rétrécit.

M. Jean-Pierre Sueur. Très juste !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Avec la sagesse et, surtout, la qualité d'expertise qu'on lui connaît, M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Pierre André, a coupé court aux faux débats concernant les zones franches urbaines. Idéologique il y a cinq ou six ans, cette question est désormais devenue technique et porte sur le formatage des ZFU, sur le fait que les habitants des quartiers y soient vraiment employés et que les débats publics avec la Commission européenne se passent dans les meilleures conditions.

Mme Nicole Bricq. Non, ce ne sont pas des débats publics !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Mme Catherine Vautrin s'y emploie, ce qui devrait rassurer M. Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances.

C'est probablement son sang alsacien, sa proximité géographique avec l'Allemagne - où l'on compte 1,6 million d'apprentis, contre 265 000 chez nous cette année, malgré une augmentation de 10 % -, qui a incité M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, Philippe Richert, à insister fortement sur l'apprentissage. Au-delà des textes de loi qui pourront être votés, c'est bien l'orientation à l'école et la mise en oeuvre de l'alternance qui garantiront un véritable succès des dispositifs.

Jean-René Lecerf a, pour sa part, insisté à juste titre sur la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Je comprends que la commission des lois soit préoccupée par le fait qu'une jeune institution, indispensable par ailleurs, se retrouve en situation de devenir une véritable nouvelle juridiction. Dans le même temps - je crois que nous en sommes tous les deux d'accord -, nous ne pouvons pas la cantonner à un simple rôle de consultant ou à la préparation des dossiers pour les autres. Au cours du débat parlementaire, il nous appartiendra de trouver la bonne mesure entre une forme de sanction immédiate et une validation judiciaire dans le cadre d'un débat contradictoire.

Monsieur Dallier, vous vous êtes exprimé dans un hémicycle un peu plus bruyant qu'il ne l'était lorsque vos collègues rapporteurs étaient à la tribune. (Sourires.) C'est sans doute votre qualité d'élu de la Seine-Saint-Denis qui a donné de la couleur et de la force à vos propos.

Vous avez indiqué qu'il s'agissait au moins autant de restaurer la cohésion nationale que la cohésion sociale. Toutes vos observations enrichiront certainement les débats qui vont suivre.

Madame Luc, vous nous avez reproché d'agir trop vite. Je ne peux souscrire à vos propos. Certes, nous agissons vite, ...

Mme Nicole Bricq. De manière précipitée !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... mais la situation l'exige.

Je voudrais répondre à toutes celles et à tous ceux qui sont intervenus sur les conditions de travail du Sénat. Certains ont dit que le fait de siéger le vendredi et le lundi était une idée révolutionnaire dans cette maison.

M. Alain Gournac, rapporteur. Pas vraiment !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. En tant que membre du Gouvernement, j'ai défendu des textes dans cet hémicycle tant des lundis et des vendredis que des samedis, sans parler d'un certain nombre de nuits, ...

Mme Dominique Voynet. Nous aussi !

M. Roland Muzeau. La preuve, la gauche est deux fois plus nombreuse que la droite ce soir !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... et la démocratie n'a pas eu à en pâtir.

Madame Luc, je me permets de vous rappeler que la conférence des présidents a été consultée, que des échanges nourris ont eu lieu et que quatre ministres ont été présents pendant toute la discussion générale.

Ce texte aurait dû venir en débat le 28 février et être examiné par la Haute Assemblée pendant une semaine. La conférence des présidents l'a inscrit à votre ordre du jour une semaine plus tôt afin que vous puissiez disposer de deux semaines pour l'examiner sereinement. La démocratie exige en effet que, sur un tel texte, chacun puisse s'exprimer.

Comme l'a très bien dit M. de Raincourt, le Gouvernement a voulu mettre en oeuvre un vrai principe républicain, celui de l'égalité des chances.

Mme Dominique Voynet. Le principe républicain, c'est l'égalité tout court !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. On peut discuter tel ou tel point, on peut discuter des moyens, mais on ne peut pas reprocher à un gouvernement de proposer rapidement au Parlement un débat sur l'égalité des chances, pilier de la République, qui doit être notre préoccupation permanente.

Monsieur Bel, vous avez longuement exprimé votre opinion sur le contrat première embauche, sur lequel a porté l'essentiel de votre intervention. Je peux comprendre toutes les interrogations, mais je voudrais vous rappeler un chiffre : en dix-sept ans - dont les trois quarts sous des gouvernements que vous souteniez -, le chômage des jeunes des quartiers sensibles est passé de 20 % à 50 %.

On peut débattre du CPE, et les questions que vous posez sont également posées dans l'opinion publique. On peut effectivement se demander si une période d'essai accompagnée de formation, d'un préavis, ainsi que d'indemnités dans l'hypothèse où les choses tourneraient mal, est bien une réponse adaptée. La question mérite sans doute d'être posée.

Mais il n'est pas juste de se livrer à des caricatures - Mme Gautier et M. Cambon l'ont très bien dit -, en présentant notre dispositif comme porteur de précarité ou comme des TUC privés. Les travaux d'utilité collective étaient d'ailleurs, je le rappelle, une invention d'un gouvernement que vous souteniez, monsieur Bel.

L'idée est tout de même d'essayer de trouver ensemble une solution convergente, une forme de consolidation qui soit propre à inspirer la confiance commune. N'ayons pas d'inquiétudes et tentons l'expérience ! Pourquoi ne nous dirions-nous pas simplement qu'il faut faire taire nos inquiétudes et tenter l'expérience ?

Monsieur le président Bel, il est tout de même extraordinairement différent pour un jeune d'arriver dans une entreprise avec un CDD en ayant une obsession, savoir où il effectuera son prochain CDD, et de s'insérer dans une équipe, d'essayer d'affermir sa capacité à y participer, avec la volonté de s'y maintenir et en faisant tout pour y parvenir. (Mme Le Texier s'exclame.)

M. David Assouline. Mais votre dispositif ne permet rien de tout cela ! C'est incroyable !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Oui, il y a un problème de fluidité du marché du travail ! Non, il n'est pas exact de dire que nous créons de la précarité par rapport à la situation actuelle !

Mme Gisèle Printz. Bien sûr que si !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. La précarité, c'est de n'avoir aucune chance ! C'est de risquer de perdre son emploi au bout de deux mois ! Nous offrons au contraire au jeune une chance de consolider sa situation !

M. Roland Muzeau. Cessez de prendre les Français pour des imbéciles !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Vous pouvez être en désaccord et considérer que nous nous trompons, mais vous ne pouvez pas à ce point caricaturer notre dispositif ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme Hélène Luc. Nous ne le caricaturons pas ! Vous vous en apercevrez rapidement !

M. Yannick Bodin. Nous disons simplement la vérité ! Le CPE signera votre échec dans quelques mois !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Monsieur le sénateur, si vous évoquez l'élection présidentielle...

M. Yannick Bodin. Je ne suis pas candidat ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... souvenez-vous de ce Premier ministre qui semblait dans une situation très favorable quinze mois avant l'élection ! (Rires sur les travées de l'UMP.)

M. Yannick Bodin. Vous parlez de M. Balladur ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je parle d'un Premier ministre qui paraissait très en forme.

M. Yannick Bodin. Donc de M. Balladur !

M. David Assouline. En tout cas, s'il s'agit d'un Premier ministre très en forme, ce n'est certainement pas M. de Villepin ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Monsieur Bel, vous avez également évoqué la question de l'articulation entre le dispositif d'apprentissage et l'impératif de scolarité obligatoire à seize ans. Mme Printz a elle-même consacré l'essentiel de son intervention à ce sujet. Votre interrogation est légitime.

Dans le Nord-Pas-de-Calais, une expérience a été menée : le « lycée de toutes les chances ». Nous avons essayé de travailler sur le décrochage : 6 % des jeunes sont concernés. Est-on certain de ne pas se tromper en leur faisant croire que, coûte que coûte, ils passeront une agrégation de sociologie ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça, c'est caricatural !

M. Alain Gournac, rapporteur. Non, c'est la vérité !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Madame Printz, vous évoquez le risque d'erreur. (Brouhaha sur les mêmes travées.) C'est un véritable sujet ; laissez-moi donc y répondre le plus honnêtement possible !

M. Roland Muzeau. Ça, vous aurez du mal !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Ce n'est pas mon sentiment, monsieur Muzeau !

Lorsque vous affirmez, madame Printz, qu'une orientation précoce présente un risque d'erreur,...

M. Jean-Pierre Godefroy. Irrémédiable !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...vous avez raison. Toutefois, si cette orientation précoce permet de découvrir plusieurs métiers tout en restant dans le système scolaire, vous avez déjà un peu moins raison.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Mais penser que suivre des études académiques protégerait de tout risque d'erreur serait bien mal connaître la situation de jeunes diplômés de nos universités !

Le rapport de M. Henri Proglio sur l'insertion professionnelle des jeunes - on s'y réfère d'ailleurs parfois à l'appui de thèses qui lui sont totalement étrangères - montre en effet qu'un certain nombre de jeunes diplômés d'université connaissent des taux de chômage supérieurs au reste de la population de la même classe d'âge.

Ce rapport recommande de recourir davantage aux CDI, en évitant les stages et les CDD. Il propose même aux partenaires sociaux un système de modulation. Il suggère en effet de différencier le financement de l'UNEDIC entre les acteurs s'orientant vers un CDI ou un CPE et ceux qui iraient résolument vers des CDD ou des stages.

Madame Borvo Cohen-Seat, je ne peux pas souscrire à votre affirmation selon laquelle l'apprentissage junior tournerait le dos aux savoirs fondamentaux. Vous savez comme moi que le décrochage est pire que tout : il ne permet ni de découvrir un métier, ni de s'y préparer, ni de continuer à acquérir ces savoirs.

Le système fonctionne mieux lorsqu'un jeune a une chance d'être heureux dans la découverte ou l'apprentissage d'un métier. Les sections sport-études offrent ainsi un système très efficace, y compris s'agissant de l'acquisition des savoirs, car il y a, pendant la journée, une part de bonheur qui facilite ensuite une telle acquisition.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On voit bien que vous ne connaissez rien à la réalité de l'apprentissage !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Monsieur Muzeau, vous nous avez indiqué que nous « siphonnions » le budget des associations. À l'heure où je vous parle, alors que nous ne sommes qu'en février, les fonds annuels ont été délégués dans leur intégralité. C'est la première fois depuis vingt ans ! Et cela représente 250 millions d'euros, soit 100 millions d'euros de plus qu'en 2001 ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

Ne faites pas croire, monsieur Muzeau, que nous faisons disparaître le FASILD ou la DIV.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Vous savez très bien que c'est faux. Nous avons un problème d'agence de cohésion et nous nous appuyons sur un dispositif qui doit évoluer. Vous avez lu comme moi le rapport de la Cour des comptes d'il y a deux ans. La situation de notre pays n'est pas celle de l'époque de la création du FASILD. La Cour des comptes a demandé un recentrage...

M. David Assouline. Mais pas une destruction !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...sur une action beaucoup plus proche de l'intégration. C'est eu égard au caractère territorial du FASILD que nous avons, à la demande et sous l'autorité de Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, décidé de nous appuyer sur ce fonds et sur les six préfets délégués pour l'égalité des chances.

Monsieur Ries, vous avez évoqué les zones franches urbaines et parlé d'« aubaine ». De grâce, souvenez-vous qu'il y a eu un rapport parlementaire du Sénat !

M. Jean-Pierre Sueur. Ainsi que d'autres, émanant d'autres institutions !

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Oui, mais ils étaient nuls !

M. Alain Gournac, rapporteur. Et scandaleux !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je rappelle que le conseil municipal de Strasbourg, où vous siégez, a demandé à l'unanimité la création de deux zones franches urbaines. Alors, gardez-vous de cette attitude indigne qui consiste à approuver les zones franches urbaines dans votre ville et à les dénigrer devant le Sénat ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) Vos qualités personnelles devraient, me semble-t-il, vous permettre de trouver de meilleurs arguments pour vous opposer à ce projet de loi.

M. Lardeux a évoqué la responsabilité parentale. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, aura l'occasion d'approfondir ce sujet. À l'automne, nous avons connu de grandes difficultés dans nos quartiers. Nombre d'élus ont été au contact de la population sur le terrain. Ils se sont rendu compte qu'ils avaient perdu le contact avec certains jeunes. Ils les avaient connus enfants et ils les ont retrouvés très différents, âgés de quinze ans, seize ans ou dix-sept ans.

Comment dès lors recréer une relation entre les élus, la République et les parents ? Comment aider un certain nombre de parents ? Le dispositif sera présenté par Philippe Bas. Dans chaque département, il y aura un débat entre les mairies, le préfet et les élus départementaux. C'est la démocratie !

J'ai bien noté votre souhait, Monsieur Nogrix. Vous pourriez voter ce projet de loi sous réserve que nous travaillions sur le mot de testing, auquel vous préférez « testage » ou « testation ». Je vous promets que, avant la fin des débats, nous aborderons ce problème lexical qui vous tient à coeur et qui est effectivement, à n'en pas douter, essentiel s'agissant d'une loi de la République. (Sourires.)

Madame Voynet, je suis heureux que vous soyez restée pour entendre ma réponse.

Mme Dominique Voynet. Ça va être ma fête ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Vous êtes en effet un personnage public d'importance. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme Dominique Voynet. Je ferais bien de prendre mon parapluie pour me protéger ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je vous ai écoutée attentivement, comme les autres orateurs, d'ailleurs.

Mme Raymonde Le Texier. Mme Voynet a été excellente !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Vous avez à juste titre rappelé que la crise des banlieues concernait tant les parents que les jeunes de ces quartiers. Vous avez insisté sur la nécessité d'établir des diagnostics et de lancer un débat sur l'urbanisme, le logement et l'éducation. Ce sont vos propos.

Mme Dominique Voynet. Non, ce n'est pas exactement ce que j'ai dit !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Vous avez indiqué m'avoir demandé de recevoir un collectif d'éducation populaire. Je souhaiterais donc savoir à quel moment vous avez formulé une telle demande. En effet, en trois ans, je n'ai jamais refusé de recevoir une association ou une personnalité qui m'ait été recommandée par un parlementaire ou par un maire. C'est encore plus vrai lorsque la demande m'en est faite verbalement.

Vous pouvez certes émettre des courriers. (Mme Voynet brandit une lettre.) Mais comme vous avez certifié m'avoir personnellement demandé de rencontrer les représentants ce collectif, je m'engage à les recevoir avec vous quand il vous plaira. (Mme Voynet s'approche de M. le ministre et lui tend un papier.) Ah, vous me faites le coup de la lettre prétendument envoyée !

Mme Dominique Voynet. C'est la réponse que vous m'avez adressée ! Lisez-la donc !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Eh bien, madame Voynet, je vous présente mes excuses ! C'est effectivement une réponse en date du 20 février 2006.

Mme Dominique Voynet. Ne renvoyez pas le stagiaire qui l'a rédigée !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. C'est un stagiaire rémunéré !

Mme Dominique Voynet. Mais non ! Votre gouvernement ne rémunère jamais les stages dans la fonction publique !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Voici ma réponse, madame Voynet : je recevrai cette association avec vous quand vous le souhaiterez.

Revenons à présent au sujet qui nous préoccupe. Oui, il y a un bien un problème d'urbanisme et de logement, même si cela n'explique pas tout ! Le phénomène de ségrégation territoriale tend évidemment à concentrer l'ensemble des difficultés sur certains espaces.

Où est le désaccord ente nous, madame Voynet ? Vous ne pouvez pas prétendre que nous avons découvert le sujet lors de la crise des banlieues.

Permettez-moi à cet égard de vous rappeler ce que nous expliquions ici même voilà un an, en présentant le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

« La France est l'un des pays d'Europe qui consacre le plus gros effort financier à la protection sociale. Et pourtant, nos résultats sont inquiétants.

« En effet, en quinze ans : le nombre d'allocataires du RMI est passé de 422 000 à 1 100 000 ; le nombre de familles surendettées supplémentaires est passé de 90 000 à 165 000 par an ; le chômage des jeunes de seize ans à vingt-quatre ans dans les quartiers en zones urbaines sensibles est passé de 28 % à 50 % ; chaque année, plus de 80 000 enfants entrent en 6ème sans maîtriser les savoirs fondamentaux ; les grandes écoles sont trois fois moins accessibles aux élèves de milieux modestes qu'au cours des années cinquante ; les actes racistes enregistrés sont passés de 189 à 817 chaque année ; le nombre de logements indécents a doublé ; la liste d'attente pour l'accès au logement social a été multipliée par quatre.

« La France doit faire face à un chômage structurel et à l'exclusion qui l'accompagne, aux jeunes sans espoirs et aux enfants défavorisés, aux logements insalubres, aux quartiers sans avenir, à une perte du sens de l'action collective de la République, à l'intolérance et parfois au racisme.

« Cette nouvelle réalité paraît inéluctable, elle désespère ceux qui y sont enfermés, elle décourage les autres. Elle n'est pas uniquement le fruit des difficultés actuelles de la conjoncture économique ; la situation a d'ailleurs continué à se dégrader pendant les périodes de croissance soutenue.

« Nous devons répondre clairement, ouvertement à ceux qui se découragent : la République retrouvera l'égalité des chances ; elle ne transigera pas avec son ambition, elle ne jouera pas avec son avenir.

« Inexorablement, depuis quinze ans, le fossé continue de se creuser entre ceux dont les enfants ont un avenir et ceux dont la descendance en est privée. D'innombrables talents sont ainsi gaspillés, recevant la rage en lieu et place de diplôme. »

Madame Voynet, oeuvrer en faveur de la rénovation urbaine et résoudre le problème du logement social exige une action en profondeur. Il ne suffit pas d'organiser des « spectacles pyrotechniques de destruction des barres d'immeubles », comme vous l'avez dit avec un peu de condescendance. Il s'agit de faire de ces endroits des quartiers d'avenir et de respecter ses habitants en y créant des dynamiques urbaines. Vous savez très bien tout cela !

Mme Dominique Voynet. Je vous l'ai rappelé !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. De même, vous vous interrogez sur l'implantation des « multiplexes avec vigiles et chiens dans les quartiers ». Madame Voynet, je vous invite à aller voir où le Gaumont a été implanté à Valenciennes ...

Mme Dominique Voynet. Quand vous aurez reçu mon collectif associatif ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... et à rencontrer les salariés du quartier de la Briquette. Je pense que vous changerez alors d'avis !

S'agissant du rétablissement de l'allocation de solidarité spécifique, vos intenses activités personnelles expliquent certainement que vous ne vous soyez pas rendu compte que c'est chose faite depuis déjà un an et demi !

En ce qui concerne la sécurisation des parcours professionnels, je vous invite à saisir vos amis socialistes, madame Voynet. En effet, s'agissant des contrats de transition professionnelle, qui constituent l'outil d'accompagnement des personnes licenciées pour raison économique le plus puissant qu'on puisse imaginer - il leur permet de conserver leurs revenus pendant un an et d'essayer de nouveaux métiers, dans le cadre d'une plateforme de transition professionnelle, et ce dans leur bassin de vie -, eh bien, vous n'allez pas me croire, le parti socialiste a saisi le Conseil constitutionnel pour y faire obstacle ! (M. le rapporteur s'esclaffe.) Les partenaires sociaux sont stupéfaits et je dois vous dire que moi aussi !

Madame Voynet, vous savez bien ces choses. Vous avez souffert en tant que ministre.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Nombre de sujets ont dû vous faire souffrir, mais un plus que les autres : le Gouvernement auquel vous avez appartenu est celui qui a le moins fait pour l'amélioration de la fiscalité locale des villes pauvres, qui a fait le moins pour les logements sociaux et qui a le moins investi dans la politique de la ville.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Madame Printz, avec votre sensibilité personnelle, vous avez exprimé des inquiétudes concernant l'apprentissage, notamment l'âge à partir duquel il est possible, ce que je comprends, mais je ne peux pas vous laisser dire que l'apprentissage, c'est l'exclusion.

Mme Gisèle Printz et Mme Annie David. À quatorze ans, si !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Les dispositifs de nos amis allemands sont encore plus incitatifs que les nôtres.

Mme Raymonde Le Texier. Pas à quatorze ans !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Pour nous, l'apprentissage n'est pas la voie de l'exclusion.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je ne reviens pas sur la découverte des métiers, dont j'ai déjà parlé tout à l'heure.

Monsieur Cambon, je vous remercie d'avoir dénoncé un certain nombre de caricatures sur le CPE et d'avoir remis le clocher au milieu du village. Certes, on peut débattre du délai de consolidation, mais non, le CPE, ce n'est pas une période d'essai de deux ans. La durée de cette période variera entre un et trois mois, selon les conventions collectives. Non, il ne sera pas possible de licencier un salarié sans préavis. Non, il ne sera pas possible de procéder à des licenciements sans respecter l'ordre public social. Oui, le droit des salariés à la formation et à des indemnités est renforcé par rapport à ce qu'il est dans le cadre d'un CDI, comme l'a rappelé Mme Gisèle Gautier.

Monsieur Sueur, vous avez évoqué les risques liés au zonage, sujet qui suscite de nombreux débats. Permettez-moi de relever que les élus de gauche qui ont refusé le classement de leurs quartiers en ZUS ou en ZRU lors de leur création, par crainte qu'ils ne soient stigmatisés, ce qui pouvait se concevoir, nous demandent tous aujourd'hui, sans exception, à bénéficier de ces dispositifs de soutien.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le débat sur le zonage est un vrai débat.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. S'agissant de la carte scolaire, par exemple, si l'on peut proposer des solutions différentes, nul ne peut nier que, telle qu'elle est aujourd'hui appliquée, la carte scolaire a des effets sociaux contraires à ceux qui étaient escomptés.

M. Jean-Pierre Sueur. Mais je n'ai pas mis en cause la carte scolaire !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Nous savons tous que les zonages ont des limites, mais nous savons également qu'ils ne méritent pas d'être systématiquement stigmatisés.

Enfin, il a beaucoup été question ces temps-ci, tant dans cet hémicycle que dans la presse, du maire de Clichy-sous-Bois. Je rappelle que la commune de Montfermeil, qui est située sur le même plateau, est concernée par le même projet de rénovation urbaine. Ce projet a été signé au mois de décembre 2004.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Exactement !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Il est doté de 320 millions d'euros, qui sont disponibles. Ce projet est difficile à mettre en oeuvre, car les difficultés sont concentrées, mais jamais aucun gouvernement n'avait mis 320 millions d'euros à la disposition des villes de Clichy-sous-Bois ou de Montfermeil, ni même proposé de le faire.

Et puisque vous me parlez de la DSU, monsieur Sueur, ...

M. Jean-Pierre Sueur. De la DCTP !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...et des problèmes que posent d'autres dotations, permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres : savez-vous à combien s'élevait la DSU de Montfermeil, dont vous vous préoccupez tous tant, il y a un an ? Elle était de 2,3 millions d'euros. Connaissez-vous son montant aujourd'hui ? Il est de 5 millions d'euros !

M. Jean-Pierre Sueur. Et la DCTP ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Savez-vous à combien elle s'élèvera dans trois ans ? À 10 millions d'euros ! Les moyens de cette ville, sur laquelle vous vous apitoyez et que vous invoquez sans cesse, auront donc été presque multipliés par quatre, alors que, auparavant, pendant cinq ans, elle n'a bénéficié ni d'un programme de rénovation urbaine ni d'amélioration des conditions de vie.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas ce que dit Claude Dilain !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Monsieur Desessard, on peut bien sûr créer des emplois dans les secteurs que vous évoquiez, notamment des emplois écologiques. Oui, ITER est une bonne nouvelle s'agissant des énergies alternatives. Oui, nous soutiendrons toujours la création de tels emplois. Par ailleurs, je vous remercie de la gaieté avec laquelle vous avez abordé ce sujet.

S'agissant du logement, sujet qui vous tient à coeur, monsieur Desessard, permettez-moi de vous rappeler qu'il a fait l'objet d'un long débat, auquel vous avez largement contribué. L'objectif est de passer du doublement au triplement des logements sociaux. C'est cela aussi, l'égalité des chances.

La France s'adapterait sur les moins-disants sociaux. Mais quels sont les pays que l'on vise en disant cela ? S'agit-il des grandes démocraties avancées, régies par l'économie de marché ? Ou des pays sortis de quelque glacis ? Oui, c'est vrai, c'est une difficulté, comme on l'a vu récemment à l'occasion d'un problème environnemental ou écologique. Mais moi, je ne ferme pas les yeux !

Avec ce texte, je ne prétends pas régler tous les problèmes. Toutefois, entre la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, la loi de programmation pour la cohésion sociale et le présent projet de loi, qui est un texte puissant en termes de lutte contre les discriminations territoriales, raciales et sociales, lesquelles constituent notre lot commun à tous, nous disposons d'outils de combat.

En tout état de cause, les cinq ministres concernés par le présent texte sont fiers de le défendre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous allons passer à l'examen de la motion n° 7 tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Hélène Luc. À cette heure-ci, ce n'est pas raisonnable !

M. le président. Nous avons le temps de l'examiner car, je vous le rappelle, nous ne reprendrons nos travaux demain qu'à dix heures trente.

M. Roland Muzeau. La commission des affaires sociales se réunit demain à neuf heures trente !

M. Roland Muzeau. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, il faut être raisonnable !

M. le président. J'essaie de l'être !

M. Roland Muzeau. Tout excès, surtout à une heure aussi tardive, serait dommageable !

Nous nous préparons à des débats sérieux et approfondis. Les ministres qui ne se sont pas encore exprimés vont le faire, vous nous l'avez annoncé, monsieur le ministre. Vous-même, monsieur le ministre de l'emploi, avez apporté des réponses exhaustives aux parlementaires et je vous en remercie.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. J'ai essayé !

M. Roland Muzeau. La commission des affaires sociales a travaillé dans des conditions épouvantables, que j'ai déjà décrites il y a quelques heures maintenant.

M. Alain Gournac, rapporteur. Nous nous réunirons de neuf heures trente à dix heures trente demain. Nous avons le temps d'examiner la motion !

M. Roland Muzeau. Monsieur le rapporteur, ne vous échauffez pas à cette heure-ci, ce n'est pas bon pour les nerfs ! (Sourires.)

Nous nous sommes réunis pendant l'heure du dîner - ce qui n'est pas un problème en soi, mais cela fait une fois de plus - ...

M. Alain Gournac, rapporteur. Nous avons le temps d'examiner la motion, monsieur le président !

M. Roland Muzeau. ... et nous n'avons examiné que quelques dizaines d'amendements, uniquement sur les trois premiers articles ; il en reste une quantité assez impressionnante. Le nombre d'amendements déposés est d'ailleurs la preuve que l'opposition, notamment, souhaite contribuer de façon positive au débat sur ce projet de loi.

C'est la raison pour laquelle je souhaite que la levée de la séance soit soumise au vote de notre assemblée. Les membres du groupe communiste républicain et citoyen se refusent en effet à bâcler la discussion de la motion de M. Godefroy, qu'ils ont prévu de soutenir, et à « brader » leurs explications de vote - ils en feront chacun une, comme, me semble-t-il, nos collègues socialistes -, car ils ont encore beaucoup de choses à dire.

J'invite donc mes collègues de la majorité, à cette heure avancée, à voter pour l'interruption de nos travaux.

M. le président. Si j'appelle tout de suite en discussion la motion déposée par M. Godefroy, elle pourra être débattue sans trop de difficultés. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Je vous rappelle que nous aurons demain encore deux autres motions à examiner.

Mme Hélène Luc. Ce n'est pas raisonnable, monsieur le président !

M. Roland Muzeau. Demain matin, il fera jour, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la motion. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Roland Muzeau. Il est une heure du matin !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. Et alors ? (Sourires.)

Mme Hélène Luc. Ce n'est pas sérieux !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Il ne fallait pas nous interrompre !

M. Claude Domeizel. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de cinq minutes.

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le vendredi 24 février 2006, à zéro heure cinquante-cinq, est reprise à une heure.)

M. le président. La séance est reprise.

Mes chers collègues, je vais lever la séance après vous avoir donné connaissance de l'ordre du jour du vendredi 24 février.

La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité des chances
Discussion générale (suite)

11

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu un rapport déposé par M. Henri Revol, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur le compte rendu de l'audition publique du 8 décembre 2005 sur la gouvernance mondiale de l'Internet, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Le rapport sera imprimé sous le n° 219 et distribué.

J'ai reçu un rapport déposé par M. Henri Revol, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur le compte rendu de l'audition publique du 6 décembre 2005 sur l'expertise scientifique, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Le rapport sera imprimé sous le n° 220 et distribué.

12

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, vendredi 24 février 2006 à dix heures trente, quinze heures et le soir :

1. Discussion du projet de loi (n° 203, 2005-2006) pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence ;

Rapport (n° 210, 2005-2006) présenté par M. Alain Gournac, au nom de la commission des affaires sociales ;

Avis (n° 211, 2005-2006) présenté par M. Philippe Richert, au nom de la commission des affaires culturelles ;

Avis (n° 212, 2005-2006) présenté par M. Pierre André, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan ;

Avis (n° 213, 2005-2006) présenté par M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation ;

Avis (n° 214, 2005-2006) présenté par M. Jean-René Lecerf, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à une heure cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD