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NOMINATION DE MEMBRES D'organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle que les commissions des finances et des affaires économiques ont proposé des candidatures pour des organismes extraparlementaires.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame M. Philippe Dominati membre du conseil d'administration de l'établissement public de la Cité des sciences et de l'industrie de la Villette, MM. Yvon Collin et François Gerbaud membres du Comité consultatif des liaisons aériennes d'aménagement du territoire et MM. François Fortassin, Pierre Hérisson et Jean Pierre Vial membres du Conseil national de la montagne.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
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Réalisation de l'autoroute A89
Adoption des conclusions du rapport d'une commission
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 189) de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi (n° 171 rectifié) de Mme Elisabeth Lamure, MM. Jean Boyer, Bernard Fournier, Jean-Claude Frécon, Michel Thiollière et Michel Charasse, relative à la réalisation de l'autoroute A89 entre Lyon et Balbigny.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Elisabeth Lamure, rapporteur de la commission des affaires économiques.
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qu'il me revient de vous présenter aujourd'hui est fortement liée à l'aménagement du territoire, car elle tend à clore un dossier ouvert il y a près de vingt ans, celui de l'autoroute A89, reliant Bordeaux à Lyon.
En préambule, je tiens à préciser que, bien entendu, cette proposition de loi ne traite pas du tracé de l'autoroute, tracé fixé dans le cadre d'une déclaration d'utilité publique en 2003. Il s'agit ici essentiellement de questions de procédures, relatives au droit des marchés publics.
Je crois utile, aussi fastidieux que puisse vous paraître l'exercice, de brosser rapidement l'historique de ce dossier.
Dès les années 1980, l'État a décidé la réalisation d'une liaison transversale entre Lyon et Bordeaux. L'objectif était naturellement de désenclaver les départements du Massif central, mais aussi d'établir la connexion entre la façade atlantique et l'est de l'Europe, via les autoroutes A6 et A46.
M. Jean-Pierre Raffarin. Absolument !
Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. La construction et l'exploitation de cette autoroute A89 ont été confiées à ASF, la société des autoroutes du sud de la France.
Dès le milieu des années 1980, la réalisation de la dernière section de cette autoroute, entre Balbigny, dans la Loire, et Lyon, était envisagée et faisait l'objet de discussions entre l'État et ASF, retenu comme concessionnaire en 1988.
La difficulté est née de l'entrée en vigueur, en 1990, de la directive européenne n° 93/97/CEE, dite « directive travaux », transposée en droit français en deux temps, en 1993 et 1996.
La Commission européenne a en effet estimé, en 1995, que le tronçon Balbigny-Lyon devait être soumis aux règles nouvellement posées par la « directive travaux », alors même que le projet avait été lancé avant l'entrée en vigueur de celle-ci.
En 1997, la Commission européenne a demandé à la France de finaliser le projet avant la fin de l'année en cours. Cela n'a pu être fait et le gouvernement de l'époque a été amené à retirer cette section de la convention liant l'État à ASF.
Or, en 2000, la Cour de justice des Communautés européennes a estimé, dans un arrêt concernant le métro de Rennes, que la Commission européenne avait eu tort de vouloir appliquer rétroactivement à des dossiers déjà engagés des règles entrées en vigueur par la suite. Le Gouvernement a donc maintenu le projet, qui a fait l'objet, je l'ai dit, d'une déclaration d'utilité publique en 2003.
Je précise que ce tracé ne va pas jusqu'à Lyon même. Les derniers kilomètres qui relieront l'A89 au réseau autoroutier de l'agglomération lyonnaise constituent en effet un dossier spécifique, sur lequel il serait hautement souhaitable, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des informations complémentaires.
En juillet 2005, la Commission européenne a approuvé la poursuite de la réalisation de cet ouvrage. Elle a en effet rejeté un recours fondé sur le motif selon lequel les stipulations du droit communautaire des marchés de travaux publics auraient été méconnues.
Ce point est donc acquis, mes chers collègues : la Commission européenne estime que le projet actuel, qui doit permettre d'achever l'A89, est conforme au droit communautaire.
Il semble toutefois que le Conseil d'État, saisi d'un projet de décret par le Gouvernement au début de mois de janvier, n'ait pas partagé l'analyse de la Commission européenne. Cela peut paraître curieux quand on sait que la Commission est garante de l'exécution des traités communautaires.
Je tiens ici à rappeler que l'avis rendu par le Conseil d'État est, selon la règle, à l'attention exclusive du Gouvernement. Je n'en ai donc pas eu communication.
Ayant évoqué cette « saga » juridique particulièrement complexe, j'en viens au fond politique de ce dossier : il s'agit d'une desserte autoroutière d'intérêt national, qui aura un impact particulièrement important pour les départements de la Loire et du Rhône, mais qui est bloquée depuis plus de quinze ans dans des méandres juridiques.
C'est pourquoi, apprenant qu'il était question de reporter à nouveau la conclusion de ce dossier, non pour des raisons de fond mais, semble-t-il, pour des raisons de divergence d'analyse entre le Conseil d'État et la Commission européenne, j'ai souhaité, avec plusieurs de nos collègues, que le Parlement s'en saisisse.
Je voudrais de nouveau rappeler que cette liaison désenclavera tout le nord du département de la Loire, le bassin de Roanne en particulier, et permettra de désengorger Saint-Étienne, qu'il faut aujourd'hui traverser pour continuer vers Lyon.
Au regard d'un tel enjeu, il me paraîtrait peu satisfaisant d'attendre encore quelques années que les différentes lectures du droit communautaire se recoupent entièrement pour voir ce projet mené à son terme.
J'en viens, enfin, au dispositif des conclusions de notre commission.
L'article unique qui compose ces conclusions tend à approuver l'avenant signé le 31 janvier entre l'État et ASF pour prévoir la construction et l'exploitation de la section de l'A89 qui reliera Balbigny et La Tour-de-Salvagny.
Aux termes de cet avenant, la construction et l'exploitation de ce tronçon seront assurés par ASF, en contrepartie d'un léger relèvement des tarifs de péage sur le reste du réseau qui lui est déjà concédé.
En conclusion, mes chers collègues, j'insisterai sur le fait que les auteurs de la proposition de loi siègent sur les travées de plusieurs groupes politiques, ce dont je me félicite. Il me semble que de telles convergences, qui demeurent plutôt rares, sont tout à l'honneur de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme Mme le rapporteur vient de le rappeler, la réalisation de la section Balbigny-La Tour-de-Salvagny est indispensable si l'on veut que l'autoroute A89 joue pleinement son rôle de grande liaison transversale, qu'elle raccorde dans des conditions satisfaisantes Bordeaux et la façade atlantique à Lyon et au sillon rhodanien.
Vous le savez, une des grandes faiblesses de l'organisation des infrastructures françaises réside dans le manque de liaisons transversales. Il n'existe en effet aujourd'hui qu'une seule liaison est-ouest de nature à peu près équivalente, mais qui n'est pas aujourd'hui achevée et ne remplit pas exactement les mêmes fonctions : je veux parler de la route Centre-Europe-Atlantique, entre Royan et Saintes, à l'ouest, et Chalon et Mâcon, à l'est.
L'un des objectifs assignés à l'autoroute A89 est d'éviter les zones denses pour permettre au trafic de transit de s'écouler. Je pense notamment à l'arrivée sur Lyon, qui a pu susciter des interrogations ; j'y reviendrai.
Je confirme que ce projet prendra tout son sens en contournant la métropole et en se raccordant à l'A6 et à l'A46, au nord.
Des aménagements complémentaires, dont les études sont en voie de finalisation, seront réalisés dans le même temps que l'achèvement de l'A89. Mme le rapporteur s'interrogeait sur ce point : la réalisation de ces liaisons complémentaires et l'achèvement de la partie principale de l'ouvrage devraient être concomitants.
Vous l'avez dit, madame le rapporteur, l'autoroute A 89 est un projet ancien, qui a connu bien des vicissitudes. De nombreux gouvernements se sont attelés à sa réalisation depuis près de vingt ans, et leurs efforts n'auront pas été vains. J'en veux pour preuve les récentes inaugurations, dans le Puy-de-Dôme et en Corrèze, qui ont ajouté plus de 50 kilomètres de sections nouvelles aux tronçons déjà construits.
Aujourd'hui, à l'ouest de Clermont-Ferrand, il ne reste que quelques kilomètres à achever d'ici à 2008, autour de Brive, pour qu'une autoroute relie directement et continûment Bordeaux à Clermont-Ferrand.
La section terminale de ce projet, qui doit notamment éviter de traverser l'agglomération de Saint-Étienne, est l'élément qui nous manque. C'est ce dont il est aujourd'hui question dans cet hémicycle.
Pourtant, la réalisation de cette section a été prévue dès 1987, date à laquelle l'État a décidé de confier à la société ASF la réalisation de la totalité du tracé de l'A89 entre Bordeaux et Lyon. Il aura fallu bien du temps pour surmonter les difficultés et franchir les étapes qui nous ont permis de préciser les conditions techniques et financières de la réalisation de ce tronçon d'une cinquantaine de kilomètres.
Les conditions ont été réunies pour que l'avenant soit conclu avec la société ASF.
Je salue donc l'initiative des parlementaires qui, en déposant cette proposition de loi, ont souligné que la prompte réalisation de cette section était d'intérêt général.
Vous savez l'attachement du Gouvernement à ce projet : en 2003, sous l'autorité du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire a affirmé par deux fois le caractère prioritaire du projet et l'intention du Gouvernement de l'incorporer dans la concession d'ASF.
Certains ont évoqué l'évolution du droit européen. Ils se sont demandé si la procédure que nous avons suivie pendant près de vingt ans pouvait être poursuivie.
Aujourd'hui, cette question ne fait plus débat.
Je rappelle que plusieurs autres sections d'autoroute étaient dans la même situation : leur réalisation avait été décidée avant 1990, et elles ont pu être incorporées dans des contrats de concession par voie d'avenant ; je pense, par exemple, à l'autoroute A66, entre Toulouse et Pamiers, à l'autoroute A87, entre Angers et La Roche-sur-Yon, ou encore à la section de l'autoroute A51 qui relie Grenoble et le col du Fau.
Étant donné que l'État a décidé dès 1987 de confier la réalisation de l'autoroute A89 entre Bordeaux et Lyon à la société ASF, et que des études et même des travaux ont déjà été réalisés par la société sur la section Balbigny-La Tour-de-Salvagny, la Commission européenne n'a pas contesté le recours à cette procédure.
Il vous revient donc de dire, compte tenu de tous ces éléments et de l'intérêt majeur que présente cette opération, s'il vous paraît opportun que la loi approuve un avenant qui permettra d'achever la réalisation d'une autoroute décidée il y a dix-huit ans et de mettre ainsi un terme à des années d'hésitation.
Le Gouvernement, pour sa part, y est favorable.
Je reviens sur le raccordement à hauteur de Lyon. Il a été évoqué lors de l'enquête publique de 2001 et a fait l'objet d'engagements précis de l'État.
Deux aménagements sont prévus : d'une part, le raccordement de la nouvelle section à l'autoroute A6, qui se fera en empruntant la voirie existante, laquelle sera aménagée afin de lui donner des caractéristiques autoroutières ; d'autre part, un barreau de liaison entre les autoroutes A6 et A46. Ces deux aménagements seront réalisés par voie de concession.
Les études d'avant-projet sommaire sont en cours d'achèvement. Les enquêtes publiques seront lancées à l'été 2007. Mais ces aménagements devraient être réalisés d'ici à 2012, c'est-à-dire, je le répète, en même temps que la construction de la partie principale de l'ouvrage ; cela me semble de nature à rassurer celles et ceux que la question du raccordement aux autoroutes existantes inquiétait. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon.
M. Jean-Claude Frécon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi pose un problème de forme. Mais, pour bien vous parler de la forme, il me faut aussi aborder le fond.
Que représente ce tronçon de l'autoroute A89 entre le nord de Lyon et Balbigny ? C'est le dernier tronçon d'une grande liaison autoroutière entre Bordeaux et Genève, en passant par toute la région située à l'est de Bordeaux, par Clermont-Ferrand et l'ensemble du Massif central et, bien entendu, par Lyon.
Sur ce projet, dont l'origine remonte à la fin des années 1970, des décisions successives de l'État ont été prises en 1988, puis en 1992, pour attribuer la concession à la société ASF.
Différentes péripéties juridico-administratives ont beaucoup retardé ce projet ; je n'y reviendrai pas, Mme le rapporteur les ayant évoquées tout à l'heure d'une façon à laquelle je m'associe. Je rappellerai seulement quelques dates.
En 2000, la Cour de justice des Communautés européennes a donné raison à la procédure engagée par l'État français et le projet a été déclaré d'utilité publique en 2003.
Cette même année, les 26 mai et 18 décembre, les deux comités interministériels pour l'aménagement et le développement du territoire ont conforté l'avancement de ce projet.
Dernièrement, la Commission européenne n'a pas fait droit à une plainte visant ce projet, et nous avons donc été quelque peu surpris d'un avis défavorable du Conseil d'État sur un projet de décret approuvant l'avenant nécessaire à la convention avec ASF.
J'ai signé cette proposition de loi de Mme Élisabeth Lamure afin que ce projet, selon moi indispensable, ne soit pas encore retardé par des lourdeurs administratives et qu'il soit validé par la nation.
Ce projet est-il indispensable pour la France ? Sans hésitation, je réponds : oui !
En effet, dans un pays où beaucoup d'infrastructures sont en étoile en direction de la capitale, voilà enfin un grand projet transversal qui relie la côte atlantique au centre-est de notre pays, en passant notamment par Clermont-Ferrand et Lyon.
Ce projet est-il indispensable pour l'Europe ? Je réponds également oui, car, au-delà de Bordeaux, il dessert la péninsule ibérique et, au-delà de Lyon, la Suisse, l'Allemagne, l'Italie du Nord, etc.
Ce projet est-il indispensable pour la région Rhône-Alpes ? En tant que Rhône-alpin, je réponds encore oui. En effet, il ouvrira cette région sur l'Ouest, en même temps qu'il donnera à la région Auvergne et à l'ensemble du Massif central une ouverture supplémentaire sur le couloir rhodanien, ouverture bien nécessaire quand on connaît l'engorgement de l'autoroute A 47 entre Saint-Étienne et Lyon, et offrira ainsi entre Clermont-Ferrand et Lyon une voie presque rectiligne préférable à un grand détour par le sud et par la vallée du Gier, qui est très encombrée.
Ce projet est-il indispensable pour le département de la Loire, que je représente ici avec d'autres collègues, et notamment pour les régions de Roanne et de Feurs ? Là encore, je réponds sans hésitation : oui !
Du reste, il s'agit d'un engagement qui avait été pris par l'État voilà vingt ans, d'un projet pour lequel les élus locaux du nord du département de la Loire n'ont, comme moi, cessé d'oeuvrer et qu'ils ont courageusement entériné.
Je dis « courageusement » parce que, à l'époque, pour les élus de la région roannaise, élus politiques et élus des chambres consulaires, il n'était pas facile d'accepter que la ville de Roanne soit la seule ville importante de la région Rhône-Alpes à ne pas être desservie directement par le réseau autoroutier. Ils l'ont néanmoins fait, moyennant la promesse de la réalisation d'une voie rapide d'une trentaine de kilomètres pour rejoindre Balbigny. La concrétisation de cette promesse, ils l'attendent depuis vingt ans !
S'agissant de cette voie rapide, monsieur le ministre, permettez-moi de vous solliciter pour que les travaux engagés entre Vendranges et L'Hôpital-sur-Rhins soient enfin menés à bien ; il y a urgence !
Mes chers collègues, je vous invite donc à voter cette proposition de loi, qui permettra la réalisation de ce grand projet.
Cependant, une question demeure : ce projet est-il complet dans l'état actuel ? Pas tout à fait, car, si la construction d'une cinquantaine de kilomètres est d'ores et déjà prévue, il en restera une bonne dizaine à réaliser au nord de l'agglomération lyonnaise pour rejoindre l'autoroute A6.
Bien sûr, il vaut mieux, souvent, traiter les problèmes les uns après les autres, et je ne doute pas que la réalisation du tronçon entre Balbigny et La Tour-de-Salvagny débouchera ensuite sur la réalisation de la liaison entre La Tour-de-Salvagny et soit l'agglomération lyonnaise soit, un peu plus au nord, la jonction des autoroutes A6 et A46, vers Anse.
À ce sujet, je remercie M. le ministre de nous avoir apporté d'intéressantes précisions dans son intervention. Si les deux projets pouvaient être réalisés ensemble, ce serait heureux, mais il faut pour cela que les études puissent être terminées en temps voulu.
C'est bien parce qu'il existe de telles incertitudes que certains de nos collègues élus de cette région se posent des questions. Pour ma part, j'admets volontiers la position de mon ami et collègue Gérard Collomb, maire de Lyon et sénateur du Rhône, qui souhaite s'abstenir sur cette proposition de loi. Je respecte sa décision, mais j'ai la conviction que la réalisation de ce tronçon sera bénéfique pour notre pays, notamment pour les régions Auvergne et Rhône-Alpes, ainsi pour nos deux départements de la Loire et du Rhône.
Cette loi servira à assurer juridiquement la réalisation de ce projet sans perte de temps. Naturellement, les enquêtes réglementaires, en particulier les habituelles études d'impact, doivent être réalisées et les mesures éventuellement nécessaires qui en découleront devront être respectées.
Ne remettons toutefois pas en cause par des argumentations juridico-administratives l'indispensable réalisation de ce grand axe européen, puisque l'Europe a déjà référencé cette grande liaison est-ouest. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, de l'UMP et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur une proposition de loi bien particulière.
N'est-il pas étrange, voire extrêmement curieux d'inviter la représentation nationale à s'exprimer sur la réalisation d'un tronçon d'autoroute ?
L'initiative de nos collègues est présentée comme une marque de pragmatisme, comme une démarche d'intérêt général empreinte du souci de ne pas prendre de retard dans l'aménagement du territoire.
Certes, la construction d'infrastructures autoroutières participe pleinement d'une politique de développement des territoires, des régions et de notre pays.
Mme le rapporteur de la commission des affaires économiques, notre collègue du Rhône Mme Lamure, invoque à juste titre, à propos de l'A89, « la nécessité de réaliser une liaison autoroutière transversale entre Bordeaux et Lyon » devant « permettre à la fois le désenclavement du Massif central et la connexion de la façade atlantique à l'axe nord-sud traversant la vallée du Rhône, mais aussi à l'est de l'Europe et en particulier à l'Italie et à la Suisse ».
Ce vaste projet, entamé dès les années 1980, est en voie d'achèvement. Il reste cinquante kilomètres d'autoroute à construire, entre le département de la Loire et celui du Rhône, dont les conseils généraux sont dirigés de longue date par la majorité UMP-UDF.
Or l'une des causes principales de l'impasse dans laquelle se trouve l'achèvement nécessaire de la seule autoroute transversale de notre pays réside dans le retard pris sur la définition du tracé de ces cinquante kilomètres, représentant moins de 10 % de l'ensemble !
Outre les questions de tracé, objet universel de contestations - mais c'est après tout le droit légitime des futurs riverains -, des difficultés de financement expliquent le retard pris dans la finalisation de cette liaison d'importance nationale, voire européenne.
Il n'est pas anodin que ce retard affecte deux départements dirigés par des gens qui oeuvrent pour un libéralisme absolu. (Rires sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Guy Fischer. C'est la vérité !
M. Michel Mercier. C'est une révélation !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Il y a quelques années, avant 1997, il aurait été possible de boucler cette autoroute par la technique dite « de l'adossement ». Mais, aujourd'hui, les ravages de la « concurrence libre et non faussée » reviennent au visage de ceux-là mêmes qui l'ont érigée en règle supérieure, et qui viennent d'ailleurs de privatiser les sociétés autoroutières...
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Josiane Mathon-Poinat. En septembre dernier, M. le ministre Pascal Clément, au demeurant président du conseil général de la Loire, ...
M. Jean-Pierre Raffarin. Excellent président !
Mme Josiane Mathon-Poinat. ... avait obtenu de son ami le commissaire européen Jacques Barrot une exception à cette règle de mise en concurrence pour tout marché d'importance, et claironnait déjà victoire en annonçant bruyamment que la Loire, sous son impulsion, aurait son autoroute sans rien payer !
Mais, depuis, le Conseil d'État vient de réfuter la thèse de M. Pascal Clément et de ses amis, thèse insoutenable de l'adossement du tronçon Balbigny-la Tour-de-Salvagny sur l'autoroute de deux ou trois kilomètres qui le précède et qui est gérée par ASF. Hélas pour le ministre de la justice, le Conseil d'État ne pouvait pas dire autre chose que le droit !
La proposition de loi que nous avons sous les yeux est alors déposée en toute hâte, sur commande, je le suppose, d'un ministre président de conseil général qui confond autorité politique conférée par son portefeuille ministériel et ce qu'il considère comme son fief (Exclamations sur les travées de l'UMP) et par un autre ministre, candidat dans le Rhône, M. Perben.
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Mes chers collègues, quelles que soient vos protestations, une question de fond se pose à nous. Au-delà des clivages politiques, que je respecte, au-delà des territoires, pouvons-nous accepter qu'une loi entérine un montage juridique ? Pouvons-nous accepter de légiférer pour cinquante kilomètres de bitume, aussi importants soient-ils pour un département comme le mien ? Pouvons-nous légiférer pour sortir de l'impasse un dossier particulier ?
Je pense vraiment qu'il y a là un sérieux problème d'éthique.
Il s'agit en effet de contourner un avis du Conseil d'État sur un sujet très précis, un avis motivé nullement par une opposition politique à la réalisation d'un tronçon d'autoroute, mais par l'argumentation technique, si je puis dire, qui a été soumise à sa sagacité, à son expertise.
Faire une loi non pour résoudre un problème politique nouveau surgissant d'une jurisprudence générale, mais pour éviter un avis technique dans un dossier particulier, est-ce bien là la mission du législateur ?
M. Guy Fischer. Non !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Vous ne répondez pas, chers collègues ?
M. Guy Fischer. Monsieur Mercier, vous pourriez dire non !
M. Michel Mercier. Mais j'ai dit non !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Je vous remercie de me soutenir !
Franchement, nous en arrivons à un bricolage législatif qui ne passerait pas la rampe du Conseil constitutionnel si ce dernier était saisi ! (M. Mercier acquiesce.)
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Je vois que vous m'approuvez toujours, monsieur Mercier !
M. Michel Mercier. Mais le Conseil constitutionnel ne sera pas saisi !
Mme Josiane Mathon-Poinat. On ne peut pas instrumentaliser à ce point et à des fins, non pas personnelles, mais si particulières l'expression des représentants du peuple.
M. Laurent Béteille. Nous sommes le peuple !
Mme Josiane Mathon-Poinat. La représentation nationale n'est pas là pour légiférer sur cinquante kilomètres d'autoroute, ni pour détourner les règles de la République !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la finalisation de l'A89 est nécessaire. Les habitants du bassin roannais et de tout le département de la Loire souhaitent, c'est vrai, la réalisation de ce tronçon, mais cela ne justifie en rien un détournement de la loi.
Le retard pris sur ce dossier est précisément dû à des choix politiques, des choix dont il faut assumer les conséquences devant ses électeurs : une privatisation des autoroutes qui nuit à la population, un aménagement du territoire où rail et route ne sont pas pensés dans leur globalité. En somme, ces choix sont ceux de la droite, et je ne les assumerai pas.
Mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen et moi-même soutenons certes l'achèvement de l'A89, mais nous ne soutiendrons pas cette proposition de loi ; nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je regrette que notre collègue Élisabeth Lamure n'ait pas cru bon d'informer les autres sénateurs du Rhône de sa proposition de loi.
Dois-je vous dire à quel point les habitants des trois communes de mon canton, qui sont directement concernés, ont été choqués par la désinvolture avec laquelle vous désavouez, avec cette proposition de loi, la position du Conseil d'État ?
Quelle confiance les électeurs peuvent-ils nous accorder s'il suffit de déposer une proposition de loi pour contrer l'instance suprême de contrôle et de conseil de l'autorité administrative ?
Hier soir, lors d'une réunion qui s'est tenue sur ce sujet à Lissieu, une commune de mon canton qui est directement affectée par l'A89, les élus se sont fait traiter de « tous pourris » !
Sur le fond, cet avis du Conseil d'État est l'occasion de remettre à plat la place de l'A89 dans l'ensemble des infrastructures qui doivent contourner l'agglomération lyonnaise. Nul ne conteste l'utilité d'une transversale est-ouest contournant Lyon et désenclavant à la fois le département de la Loire et les zones nord et ouest du département du Rhône. Mais comment a-t-on pu concevoir un tel tracé ? Cette voie, qui était censée, au départ, contourner l'agglomération lyonnaise, va en réalité précipiter la plus grande partie de la circulation dans la ville même de Lyon ?
Comment a-t-on pu imaginer relier l'A89 à l'A46 via l'A6, en créant dans une zone protégée un échangeur monstrueux qui se trouvera à 100 mètres d'un lotissement de 350 villas abritant 1 300 habitants ?
Je suis l'élue du canton le plus touché par cette liaison A89-A6, et j'aurais apprécié de pouvoir évoquer ces problèmes avec ma collègue du Rhône.
La direction départementale de l'équipement avance masquée, dévoilant peu à peu les tracés, sans que soient jamais évoquées les incidences de cette nouvelle voie sur l'environnement, la faune, la flore... pour ne rien dire des habitants !
On refuse de nous répondre sur la question de la protection contre le bruit, qu'il s'agisse de murs, de merlons, ou encore de tranchées couvertes. Les élus sont ignorés, les habitants méprisés.
Je vous le dis, monsieur le ministre, on en est arrivé là parce que les services de l'État, qui prétendent détenir la vérité, n'ont jamais voulu entendre les élus locaux - 1 500 d'entre eux se sont regroupés dans une association dénommée ALCALY - qui ont pourtant proposé plusieurs solutions moins pénalisantes.
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Ah ?
Mme Muguette Dini. Nous savons tous que l'A89 est nécessaire et que les zones qu'elle sera amenée à traverser seront pénalisées, mais il y a des degrés dans les inconvénients. Rabattre sur Lyon, par l'A6, une grande partie du trafic qui devrait justement en être exclue est totalement aberrant.
L'avis du Conseil d'État est justement l'occasion de remettre le dossier à plat, d'engager une vraie concertation en prenant en considération les élus de terrain.
Or, monsieur le ministre, vous proposez de passer en force. Bien évidemment, je voterai contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour examiner une proposition de loi visant à passer outre l'avis négatif du Conseil d'État pour approuver le énième avenant signé entre l'État et ASF en vue de la construction de l'A89.
Je dirai d'abord quelques mots de la proposition de loi elle-même. Je m'attarderai ensuite un moment sur toutes les infrastructures prévues dans le département du Rhône, car c'est bien là l'essentiel. Enfin, j'évoquerai les problèmes de méthode : si nous voulons un jour, monsieur le ministre, non plus parler de ces infrastructures, mais les inaugurer tous ensemble, il faut en effet fixer une méthode.
La proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise pose un certain nombre de problèmes juridiques. En effet, nous intervenons dans un domaine parfaitement réglementaire puisqu'il s'agit tout simplement de remplacer un décret par une loi.
M. le Premier ministre a récemment abordé cette question d'empiétement. Dans une note également récente, le secrétaire général du Gouvernement a souligné qu'il ne fallait plus faire des lois d'ordre réglementaire. De même, à l'occasion d'une cérémonie de voeux à l'Elysée, le président du Conseil constitutionnel a lui aussi évoqué toutes ces lois qui interviennent dans le domaine réglementaire.
En l'espèce, c'est bien un décret, et non pas la loi, qui doit régler le problème. Toutefois, le Conseil d'État ayant remis un avis négatif sur le projet de décret, eh bien, nous n'appliquerons pas la loi ! Car c'est bien de cela qu'il s'agit : on nous demande de faire une loi pour ne pas appliquer la loi !
M. Jean-Claude Frécon. Non !
M. Michel Mercier. Mais si, monsieur Frécon ! J'ai l'avis du Conseil d'État sous les yeux !
M. Laurent Béteille. La loi, c'est nous qui la faisons !
M. Michel Mercier. Personne n'a dit le contraire ! Simplement, mon cher collègue, depuis 1958, la Constitution a défini le champ de compétence du législateur : les articles 34 et 37 établissent une distinction nette. Or, il faut bien l'avouer, de plus en plus souvent, nous perdons cette distinction de vue !
M. Jean-Jacques Hyest. Nous saurons vous le rappeler le moment venu !
M. Michel Mercier. Mon cher collègue, nous pouvons nous le rappeler les uns aux autres à longueur de temps, mais, comme vous êtes le président de la commission des lois, c'est surtout à vous que nous le rappellerons !
Il ne s'agit pas d'un problème de droit européen, comme on l'a trop souvent entendu, mais tout simplement d'une question de droit interne ! La loi du 29 janvier 1993, dite « loi Sapin », encadre les délégations de service public et impose de consulter le Conseil d'État. En matière de délégation de service public, il faut lancer un appel à concurrence.
En l'espèce, le Conseil d'État n'a fait que rappeler le droit ; on ne peut donc rien lui reprocher, aussi commode cela soit-il de le faire aux yeux de certains !
Ainsi, l'objet même de cette proposition de loi est de dire que nous n'appliquerons pas la loi de 1993 et que nous passerons outre l'avis du Conseil d'État en approuvant l'avenant. Ce sera possible, sauf si le Conseil constitutionnel déclasse le texte, ce qui arrive tout de même de temps en temps.
Nous devrons donc expliquer aux maires concernés que, lorsqu'ils veulent changer le fournisseur de leur cantine scolaire, ils doivent appliquer la loi de 1993, mais que l'État n'a pas besoin de le faire pour modifier un de ses équipements !
En fin de compte, cette proposition de loi redonne vie à une boutade du doyen Vedel, un grand juriste, qui savait regarder les choses avec la relativité nécessaire. Il avait dit un jour que « l'état de droit n'est finalement que la dose de juridique que la société peut supporter sans étouffer ». Je crois que nous en avons aujourd'hui la preuve. Mais on ne peut pas accepter que la loi ne s'applique pas à l'État, qui a lui-même fait voter la loi.
En tout cas, il faut dire clairement ce qu'il en est aux élus locaux, qui doivent, eux, appliquer la loi scrupuleusement, car ils sont soumis à un contrôle tatillon.
Cette proposition de loi permettra-t-elle de réaliser l'autoroute A89 ? Peut-être, mais peut-être pas !
Il est aujourd'hui prévu de faire arrêter l'autoroute aux confins de Lantilly, La Tour-de-Salvagny et Dommartin, trois communes d'ailleurs fort sympathiques. Cette proposition de loi n'y changera rien : dans l'état actuel des choses, l'A89 restera « encalminée » à La Tour-de-Salvagny. Pourtant, il faudra bien opérer la jonction avec l'A6 et surtout l'A46 pour lui donner tout son sens.
Je constate que l'examen de cette proposition de loi a mobilisé de nombreux sénateurs, mais je note que peu d'élus du Rhône l'ont signée.
M. Jean-Pierre Raffarin. C'est un sujet d'intérêt très large ! Ce n'est pas un sujet local !
M. Michel Mercier. Pardonnez-moi, monsieur le Premier ministre, mais cette affaire pose des problèmes éminemment locaux !
M. Gérard Cornu. Nous passons tous par Lyon !
M. Michel Mercier. Eh bien, maintenant, mon cher collègue, vous finirez...
M. Guy Fischer. Dans le tunnel de Fourvières !
Mme Muguette Dini. Exactement !
M. Michel Mercier. ... à La Tour-de-Salvagny, et vous verrez que ça vaut le coup !
Monsieur le ministre, s'agissant des grandes infrastructures prévues dans le département du Rhône, je voudrais que nous trouvions une solution globale.
Certes, je le sais, ce n'est pas facile, car, depuis plus de vingt ans, nous attendons en vain une telle solution. Il est vrai que le département du Rhône a une physionomie particulière dans la mesure où ce petit territoire, à forte densité de population, concentre un grand nombre de projets, notamment sur son pôle de développement de Saint-Exupéry. Cet ensemble doit très naturellement être relié à son environnement.
Je le dis très clairement, nous sommes tous d'accord pour que l'est et l'ouest de la région Rhône-Alpes, qui concernent non seulement le département du Rhône, mais également celui la Loire, soient reliés à Lyon et à l'ensemble du bassin rhodanien, où se réalise le développement économique. C'est le premier objectif.
Certes, l'État y pourvoit en soutenant des projets tels que l'A45 et l'A89, le contournement routier et ferroviaire de Lyon, avec des TER pour la région, des transports en commun pour l'agglomération et le développement de Saint-Exupéry dans son ensemble. C'est bien, mais la métropole lyonnaise ne peut accepter un plus grand nombre de véhicules automobiles. Il est inacceptable de faire arriver tout le trafic en plein coeur de l'agglomération lyonnaise, au sud et au nord du tunnel de Fourvières, comme c'est déjà le cas aujourd'hui. Le second objectif est précisément de trouver des solutions propres à mettre fin à cette saturation.
Je reconnais que ces deux objectifs, de valeur égale, sont contradictoires. Si l'on ne peut pas rejeter la demande des habitants de la Loire et de l'ouest de la région Rhône-Alpes, on ne peut pas plus ignorer le refus des habitants de l'agglomération lyonnaise de voir cette autoroute aboutir au coeur de celle-ci. Quelle ville, aujourd'hui, l'accepterait ? Aucune !
L'A89 ne traverse pas Clermont-Ferrand ; de même, elle passe à trente kilomètres de Roanne. Plus aucune autoroute n'aboutit au coeur des villes. Pourquoi, alors même que la traversée de son territoire par l'A6 et l'A7 constituent un drame pour Lyon, cette ville, déjà envahie par une circulation automobile de transit, devrait-elle de surcroît voir aboutir l'A89 en son coeur ?
Monsieur le ministre, notre seule interrogation sur cette autoroute est celle-là. Autant nous souhaitons vivement que le département de la Loire soit correctement relié au Lyonnais et à l'est de la région Rhône-Alpes, que ce soit par le sud ou par le nord, autant nous ne voulons pas que ces jonctions se fassent au coeur de l'agglomération lyonnaise. J'invite tous ceux qui sont favorables à l'achèvement de l'A89 à se prononcer en faveur d'un tracé nord ou sud qui épargnerait ainsi le coeur de Lyon. À défaut, nous ne parviendrons à rien.
À cet égard, monsieur le ministre, je tiens à vous décerner un bon point, quoique j'ignore s'il m'appartient de le faire.
M. Guy Fischer. C'est à noter ! J'en suis le témoin ! (Sourires.)
M. René-Pierre Signé. Il sera sûrement maire de Lyon ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Mercier. Vous pouvez en être témoin, monsieur Fischer ! Ayant dit clairement le fond de ma pensée jusqu'à présent, rien ne m'interdit de continuer à m'exprimer librement.
Ce dossier est ouvert depuis plus de vingt ans. Il n'est que temps de trancher, dans un sens ou dans un autre. Bien que l'État ait naturellement ce droit, vous avez défini une nouvelle méthode de travail, ce dont je vous félicite. Ainsi, le directeur régional de l'équipement, homme de haute valeur, organise des conférences réunissant tous les responsables techniques des grandes collectivités concernées Pour la première fois depuis bien longtemps, on discute, on met les choses sur la table. C'est la seule façon de trouver une solution.
Je doute fort que cette proposition de loi résolve le problème de l'A89. En revanche, je crois que la méthode de travail que je viens d'évoquer peut y parvenir. Aussi, je souhaite que ce travail de fond soit poursuivi pour permettre un examen de tous les aspects de la question, des besoins tant de la Loire et de l'ouest de la région Rhône-Alpes que ceux, tout aussi légitimes, de l'agglomération lyonnaise. Afin de trancher, il faut, monsieur le ministre, que vous présidiez vers la fin de l'année une grande conférence consacrée à l'ensemble des infrastructures concernant le département du Rhône, qu'il s'agisse du contournement ferroviaire, des projets autoroutiers ou de Saint-Exupéry.
Compte tenu de cette nouvelle perception des choses, ces sujets peuvent avancer. C'est pourquoi je regrette quelque peu que cette proposition de loi bloque ce processus. C'est la raison pour laquelle je ne prendrai pas part au vote sur l'ensemble. Cela étant, monsieur le ministre, vous avez su ouvrir la voie et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre. Je voudrais répondre à un certain nombre d'interrogations qui ont été formulées par les différents orateurs.
S'agissant de la compatibilité avec le droit européen, il me paraît important de rappeler que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes confirme clairement la possibilité d'attribuer un marché sans mise en concurrence dès lors que la procédure d'attribution dudit marché a été lancée avant la date d'entrée en vigueur de la directive, soit avant 1990. Par conséquent, les conditions d'attribution de la réalisation de la section Balbigny-La Tour-de-Salvagny respectent sans ambiguïté ces exigences.
S'agissant de la compatibilité avec le droit français et des interrogations soulevées par le président Mercier, je rappelle que l'article 47 de la loi Sapin du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques prévoit la possibilité de déroger au principe général de publicité et de mise en concurrence pour les contrats dont le titulaire a été pressenti avant le 22 juillet 1990 et « a, en contrepartie, engagé des études et des travaux préliminaires. » Là encore, cette exigence a été respectée.
J'ai évoqué tout à l'heure les raccordements à hauteur de Lyon. Il est effectivement nécessaire que nous continuions à travailler sur ce sujet. En particulier, la mise au point des avant-projets sommaires sur les raccordements à l'A6 et à l'A46 est indispensable si l'on veut obtenir cette cohérence d'ensemble que vous appelez de vos voeux, monsieur Mercier, et si l'on veut notamment que les véhicules de transit en provenance de l'ouest puissent rejoindre les zones économiques de l'est de l'agglomération lyonnaise et de la région Rhône-Alpes, mais également Saint-Exupéry, sans passer par le centre de Lyon.
Avec la ferme volonté d'aboutir, nous parviendrons à définir des tracés de façon que ces voies complémentaires soient réalisées en même temps que cette portion principale.
Enfin, M. Frécon m'a interrogé sur la liaison entre Roanne et la future autoroute. La partie sud de cette liaison - sa partie nord est en effet déjà en grande partie aménagée - devrait bénéficier de crédits sur la programmation 2006.
M. René-Pierre Signé. Et l'A77 après Nevers ?
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi, tel qu'il ressort des conclusions du rapport de la commission.
Article unique
Sont approuvés l'avenant du 31 janvier 2006 à la convention du 10 janvier 1992 passée entre l'État et la société des autoroutes du sud de la France, concernant la section de l'autoroute A89 Balbigny-La Tour-de-Salvagny, ainsi que les modifications apportées par cet avenant au cahier des charges annexé à cette convention.
M. Guy Fischer. La présente proposition de loi a pour objet de permettre le parachèvement de la liaison Bordeaux-Lyon et, plus largement, de la transversale Bordeaux-Lyon-Genève.
Il est question de ce projet depuis un quart de siècle. La réalisation de cette portion de cinquante kilomètres, qui devrait être mise en service en 2012, coûtera 1,2 milliard d'euros.
Ma collègue Josiane Mathon-Poinat a fait valoir que le contexte économique a évolué, en raison de la privatisation d'ASF. Je ne reviendrai pas sur la pertinente critique de fond qu'elle a développée.
Je note tout d'abord que cette proposition de loi a été déposée et étudiée dans des délais records. Il nous est demandé aujourd'hui 7 février 2006 d'approuver un avenant qui a été signé le 31 janvier 2006 à la convention du 10 janvier 1992 passée entre l'Etat et la société ASF ainsi que les modifications apportées par cet avenant au cahier des charges annexé à cette convention. Saluons l'efficacité de notre collègue et de M. le ministre des transports !
Pour notre part, nous souhaitons vivement que ce dossier soit traité en toute clarté. Le dépôt de cette proposition de loi le 24 janvier dernier, aussitôt qu'il a été révélé par la presse, a provoqué une levée de boucliers chez tous les élus des cantons concernés, ainsi que dans différentes associations, dont ALCALY, qu'a évoquée Muguette Dini. Les élus des cantons de l'Arbresle, de Limonest, de Vaugneray, de Mornant, directement ou indirectement affectés par ce projet, se sentent mis sur la touche. On décide sans qu'ils aient été consultés sur l'objet de la proposition de loi, sur ses conséquences, sur les dates de réalisation du tronçon et, surtout, sans qu'il ait été répondu aux interrogations que nous soulevons.
Ainsi que M. le ministre l'a dit - et nous sommes ici, cet après-midi, un certain nombre de sénateurs et de conseillers généraux du département du Rhône à pouvoir en porter témoignage -, ce projet a fait l'objet au cours des dernières années et même des dernières décennies de multiples délibérations. Aujourd'hui, c'est le tronçon Balbigny-La Tour-de-Salvagny qui est au coeur du débat. Or quiconque connaît le dossier vous dira que c'est - pardonnez le caractère brutal de la formule - une « connerie monstre ».
Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à ce qu'une véritable réponse soit apportée à tous les élus sur le débouché de cette autoroute, dont les travaux de réalisation devraient être engagés très rapidement. En l'occurrence, une solution claire consisterait à déplacer le tronçon de l'A89 qui reste à réaliser au nord de l'agglomération lyonnaise, c'est-à-dire au sud d'Anse, et de le faire déboucher dans le noeud autoroutier où se rejoignent l'A6 et la branche nord de l'A46.
Il faut parler clairement aux populations de la plaine de Chères et à toutes celles et à tous ceux qui s'interrogent, qui sont inquiets pour leur environnement, pour leur qualité de vie ou pour les activités économiques.
Certes, il s'agit de desservir les zones de la plaine de l'Ain, de l'est du Lyonnais et du nord de l'Isère. Il s'agit aussi de desservir Saint-Exupéry, la région Rhône-Alpes dans toute sa partie est, la Suisse et l'Italie. Mais ce projet devra être réalisé avec intelligence, de manière à éviter de reproduire ce qui s'est passé avec le contournement est de Lyon.
En effet, on a trouvé le moyen de constituer dans l'agglomération lyonnaise un fantastique noeud autoroutier, situation dont nous sommes tous plus ou moins responsables. Ainsi, au pied du viaduc de Sermenaz se rejoignent l'A42 et l'A46, laquelle effectue le contournement est de Lyon.
Il ne faudrait surtout pas ajouter de nouvelles difficultés. Nous demandons solennellement que ce projet soit étudié dans la transparence afin de faire en sorte qu'il soit déplacé vers le nord. Pour autant, il n'est pas question que la réalisation à cet endroit du débouché de l'autoroute A89 ait pour conséquence de renvoyer toute la circulation sur la partie de l'A6 située juste à l'entrée de Lyon, sur le boulevard périphérique nord, puis sur le contournement est.
Dans la mesure où ne contestons pas qu'il faille de toute évidence réaliser cette grande transversale, nous nous abstiendrons, car nous ne saurions approuver un texte qui passe outre un arrêt du Conseil d'État.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, pour explication de vote.
M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe de l'UMP soutiendra la proposition de loi que nous venons d'examiner et qui a été déposée par des sénateurs issus de presque tous les groupes de notre assemblée.
Par ce texte, il s'agit d'approuver l'avenant signé le 21 janvier dernier entre la société Autoroutes du sud de la France et l'État afin de lancer les travaux du tronçon manquant entre Lyon et Balbigny, ou plus précisément, comme l'a justement fait remarquer Mme Lamure, entre Balbigny et La Tour-de-Salvagny.
L'achèvement de cette liaison autoroutière transversale est attendu depuis un grand nombre d'années, plusieurs de nos collègues l'ont rappelé. C'est un enjeu évident d'aménagement du territoire puisqu'elle relie Bordeaux à Lyon et dessert le Massif central.
Ce tronçon est un maillon essentiel pour la cohérence d'ensemble de l'A89.
Cet axe, essentiel pour le Roannais et qui désenclavera la Loire à l'Est et à l'Ouest, constitue la première transversale de l'Europe. Il permet de relier Genève à Bordeaux en passant par Lyon et Clermont-Ferrand.
Il est urgent d'achever cette autoroute. Nous exprimons aujourd'hui, en passant par la loi, une volonté politique forte de faire aboutir ce dossier dans les meilleurs délais. Nous réaffirmons aussi, de cette façon, que l'A89 est un projet d'intérêt général.
La Loire va enfin obtenir les infrastructures nécessaires à son développement. C'est une véritable bouffée d'oxygène pour les départements concernés. Je tiens, dans cet hémicycle, à féliciter le ministre de la justice et président du conseil général de la Loire, M. Pascal Clément, pour la persévérance dont il a fait preuve pendant toutes ces années. Cette proposition de loi représentera, si elle est adoptée - ce dont je ne doute pas -, un espoir de développement économique supplémentaire pour notre département et pour le Massif central.
Dans ces conditions, le groupe de l'UMP votera le texte qui nous est proposé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Thiollière, pour explication de vote.
M. Michel Thiollière. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de ce débat sur l'A89. En effet, comme cela a été dit à de nombreuses reprises par divers intervenants, il convient de relier dans de meilleures conditions le Rhône et la Loire, notamment au Nord.
Aujourd'hui, les liaisons routières entre ces deux départements sont nettement insuffisantes par rapport au trafic, en termes non seulement de sécurité sur les axes existants, mais aussi de fluidité. Le temps nécessaire pour relier l'Auvergne et la région Rhône-Alpes varie effectivement en fonction des intempéries et du nombre de véhicules sur la route.
Cette première réflexion m'invite donc à soutenir cette proposition de loi, qui va dans le bon sens.
Mais, au-delà du tronçon de l'A89, il s'agit d'aménager notre territoire à l'échelon national. Il est bon de pouvoir aussi discuter au Sénat de l'aménagement du territoire entre l'Ouest et l'Est afin de mieux relier nos grandes régions françaises, en particulier l'Auvergne et la région Rhône-Alpes.
La région lyonnaise a besoin, pour son développement, d'une ouverture sur l'Auvergne, de la même manière que l'Auvergne et la Loire, en particulier à l'ouest de Rhône-Alpes, ont besoin d'une ouverture sur l'Est.
Deux axes sont prioritaires pour ces liaisons : l'A89 dont il est question aujourd'hui, et l'A45 au Sud, puisque, comme chacun le sait, l'A47, qui traverse la ville de Saint-Étienne, ne permet pas des liaisons sûres entre l'Ouest et l'Est, mais est aujourd'hui le seul itinéraire possible, notamment pour pallier l'insuffisance des axes routiers au nord du département de la Loire.
Enfin, la discussion de cette proposition de loi est l'occasion d'évoquer ce que je considère comme un drame national, à savoir la lenteur de l'action publique. Il faut en effet vingt ans pour réaliser quelques dizaines de kilomètres d'autoroute qui sont indispensables, tout le monde le reconnaît aujourd'hui, au bon fonctionnement de nos régions et aux liaisons entre nos territoires.
Cette proposition de loi va donc dans le bon sens. Si elle permet d'aller plus vite, j'en serai ravi. Car, aujourd'hui, par rapport aux autres États européens, notre pays souffre démesurément de la lenteur de l'action publique. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je vous indique que la commission propose de rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi relative à la réalisation de la section entre Balbigny et La Tour-de-Salvagny de l'autoroute A 89 ».
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission sur la proposition de loi n° 171 rectifié.
(La proposition de loi est adoptée.)