sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
3. Modification de l'ordre du jour
4. Candidature à un organisme extraparlementaire
5. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Bahreïn
6. Mise au point au sujet d'un vote
MM. François Fortassin, le président.
MM. Roland Muzeau, le président.
MM. Jean-Pierre Godefroy, le président.
8. Retour à l'emploi. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Discussion générale : Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité ; MM. Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Georges Mouly, Roland Muzeau, Mme Valérie Létard, MM. Bernard Cazeau, Alain Gournac, Mme Christiane Demontès.
présidence de M. Roland du Luart
MM. Jean-Paul Virapoullé, Jean Desessard, Mme Raymonde Le Texier.
Mme la ministre déléguée.
Clôture de la discussion générale.
9. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
10. Retour à l'emploi. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Motion no 62 de M. Roland Muzeau. - MM. Guy Fischer, Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. - Rejet par scrutin public.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 38 de Mme Gisèle Printz. - Mme Gisèle Printz, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet par scrutin public.
Titre Ier (avant l'article 1er)
Amendement no 98 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Articles additionnels avant l'article 1er
Amendement no 100 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement no 99 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement no 40 de M. Bernard Cazeau. - MM. Bernard Cazeau, le rapporteur, Mme la ministre déléguée, M. Jean Desessard.
présidence de M. Guy Fischer
M. Roland Muzeau. - Rejet par scrutin public.
Articles additionnels avant l'article 1er ou après l'article 9
Amendements nos 39 de M. Bernard Cazeau et 84 de M. Roland Muzeau. - MM. Bernard Cazeau, Roland Muzeau, le rapporteur, Mme la ministre déléguée, MM. Éric Doligé, Jean Desessard. - Rejet des deux amendements.
Suspension et reprise de la séance
Présidence de M. Roland du Luart
Amendements nos 36 rectifié de Mme Valérie Létard, 63, 64 de M. Roland Muzeau, 101 de M. Jean Desessard, 2 de la commission, 41, 42 de M. Bernard Cazeau et 117 rectifié du Gouvernement. - Mme Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Jean Desessard, le rapporteur, Bernard Cazeau, Mmes Gisèle Printz, la ministre déléguée. - Retrait des amendements nos 2 et 36 rectifié ; rejet des amendements nos 63, 64, 101, 41 et 42 ; adoption de l'amendement no 117 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 1er
Amendement no 92 du Gouvernement. - Mme la ministre déléguée, MM. le rapporteur, Guy Fischer. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements nos 65 à 67 de M. Roland Muzeau, 3 à 5 de la commission et 43 à 45 de M. Bernard Cazeau. - MM. Roland Muzeau, Guy Fischer, le rapporteur, Jean-Pierre Godefroy, Bernard Cazeau, Mme la ministre déléguée. - Retrait des amendements nos 3 et 4 ; rejet des amendements nos 65, 66, 44, 67 et 45 ; adoption de l'amendement no 5, l'amendement no 43 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 2
Amendement no 102 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, Mme la ministre déléguée, M. Bernard Cazeau. - Rejet.
Amendements nos 68, 69 de M. Roland Muzeau, 6 à 10 de la commission, 46 rectifié et 47 de M. Bernard Cazeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, Jean-Pierre Godefroy, Bernard Cazeau, Mme la ministre déléguée. - Retrait des amendements nos 6 et 8 ; rejet des amendements nos 68, 69, 46 rectifié et 47 ; adoption des amendements nos 7, 9 et 10.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 70, 71 de M. Roland Muzeau, 48, 49 de M. Bernard Cazeau et 11 à 15 de la commission. - MM. Bernard Cazeau, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Retrait des amendements nos 11 et 12 ; rejet des amendements nos 70, 71, 48 et 49 ; adoption des amendements nos 13 à 15.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 5
Amendement no 93 du Gouvernement. - Mme la ministre déléguée, MM. le rapporteur, Roland Muzeau. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements nos 50 de M. Bernard Cazeau, 72 de M. Roland Muzeau, 111 rectifié du Gouvernement, 37 rectifié de Mme Valérie Létard et 16 de la commission. - MM. Bernard Cazeau, Roland Muzeau, Mmes la ministre déléguée, Valérie Létard, MM. le rapporteur. - Retrait des amendements nos 16, 72, 50 et 37 rectifié ; adoption de l'amendement no 111 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel avant l'article 7
Amendement no 29 rectifié de M. Jean-Paul Virapoullé. - MM. Jean-Paul Virapoullé, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Retrait.
Amendement no 73 de M. Roland Muzeau. - MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme la ministre déléguée, M. Josselin de Rohan. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 7
Amendement no 74 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, Mme la ministre déléguée, M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances. - Irrecevabilité.
Articles additionnels après l'article 8
Amendement no 95 du Gouvernement. - Mme la ministre déléguée, M. le rapporteur. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 60 de M. Philippe Adnot. - MM. Philippe Adnot, le rapporteur, Mme la ministre déléguée, M. Jean-Pierre Godefroy. - Rejet.
Articles additionnels après l'article 9
Amendement no 106 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Retrait.
Amendement no 105 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Dépôt d'une proposition de loi
13. Dépôt d'un rapport d'information
14. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉCÈS D'ANCIENs SÉNATEURs
M. le président. J'ai le regret de porter à la connaissance de Mmes et MM. les sénateurs le fait que j'ai été avisé du décès de Paul Alduy, qui fut sénateur des Pyrénées-orientales de 1983 à 1992, et de celui de Luc Dejoie, qui fut sénateur de la Loire-Atlantique de 1983 à 2001.
En notre nom à tous, j'exprime ma sympathie attristée à leurs familles, et notamment à notre collègue M. Jean-Paul Alduy.
3
Modification de l'ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement, m'a informé que le Gouvernement retirait de l'ordre du jour de demain soir l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.(Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Qu'est-ce que cela cache ?
M. le président. L'ordre du jour de la séance de demain, jeudi 26 janvier, s'établit donc ainsi :
À 9 h 30, l'après-midi après les questions d'actualité au Gouvernement et, éventuellement, le soir :
- Suite du projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux.
Acte est donné de cette communication.
4
CANDIDATURE À UN organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la Commission centrale de classement des débits de tabac.
La commission des finances a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Auguste Cazalet pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
5
Souhaits de bienvenue à une délégation Parlementaire du Barheïn
M. le président. Mes chers collègues, j'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation du Conseil de la Choura du Bahreïn, conduite par son président, M. Faisal Al-Mousawi.
C'est l'occasion pour moi de saluer les représentants d'un pays ami, avec lequel nous entretenons des relations de plus en plus étroites.
Vous savez, monsieur le président, tout l'intérêt que la France porte au Royaume de Bahreïn, qui a lancé ces dernières années un remarquable processus d'ouverture et de réforme en profondeur de ses institutions politiques, avec l'esprit d'ouverture et de tolérance qui caractérise votre pays et que nous apprécions tout particulièrement.
Cher président, vous pouvez compter sur notre Haute Assemblée pour veiller attentivement à la promotion de notre coopération interparlementaire.
Je forme des voeux pour que votre séjour en France soit aussi fructueux qu'instructif. Je ne doute pas qu'il annonce beaucoup d'autres échanges entre nos deux peuples. (Mme la ministre déléguée, Mmes et messieurs les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
6
MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, mes chers collègues, la nuit dernière, à la suite d'une demande du groupe CRC et du groupe socialiste tendant à la discussion immédiate de la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France, un vote a eu lieu.
Il a été indiqué que le groupe du RDSE n'avait pas pris part au vote. Or, en réalité, MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau et moi-même, favorables à la demande de discussion immédiate, souhaitions voter pour. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, monsieur Fortassin.
7
RAPPels au règlement
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour un rappel au règlement.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36 du règlement.
Je souhaite, en préalable à la discussion qui va s'ouvrir sur le projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, souligner trois faits inacceptables, qui démontrent l'affaiblissement du rôle du Parlement, le mépris affiché à son égard, et le déni de tout pouvoir d'intervention et de contrôle réel de la part de l'opposition.
Le premier point concerne la modification de l'ordre du jour de demain qui vient de nous être annoncée et qui reporte l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Le deuxième point porte sur le fait que, une nouvelle fois - et je le regrette -, le Gouvernement et sa majorité sénatoriale, main dans la main, ont repoussé une demande de discussion immédiate de la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne résidant en France, qui émanait de l'opposition.
Alors que, contrairement à l'Assemblée nationale, les groupes minoritaires au Sénat ne disposent d'aucune maîtrise de ce qu'il est convenu d'appeler leur « niche parlementaire », la majorité s'est non seulement opposée au fond, c'est-à-dire au droit de vote et d'éligibilité des étrangers aux élections municipales, mais a même refusé d'engager le débat.
La droite a fermé le verrou à double tour et s'est alignée sur la position du garde des sceaux, qui a conclu son intervention par ces propos, sommets de l'art oratoire : « L'heure est venue d'aller nous coucher et non point de voter ». (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. C'est humain !
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, je souhaite que la conférence des présidents de demain mette un terme à cet arbitraire, qui confère à l'actuelle majorité un pouvoir absolu.
Le troisième point a trait à l'attitude du Gouvernement. En effet, celui-ci dépose de plus en plus fréquemment des amendements de dernière minute, qui modifient en profondeur les projets de loi en discussion. J'espère vivement que la conférence des présidents émettra une ferme protestation à ce sujet.
Ainsi, aujourd'hui même, alors que la commission des affaires sociales examinait les amendements déposés sur le projet de loi pour le retour à l'emploi et les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, le Gouvernement a déposé un amendement qui vise à faire exploser encore un peu plus la précarité.
Ce « cavalier » - c'est en effet ainsi que cela s'appelle en langage parlementaire - a pour objet d'autoriser le Gouvernement à créer, par ordonnance, un contrat de transition professionnelle, le CTP, qui se substituerait à la convention de reclassement personnalisé créée par la loi du 18 janvier 2005.
Ces faits, auxquels il faut ajouter l'accélération du débat sur le contrat première embauche à l'Assemblée nationale, démontrent la volonté antidémocratique du Gouvernement d'imposer à marche forcée des projets de destruction du code du travail que la population rejette.
Le principe républicain de la séparation des pouvoirs assigne au Parlement la fonction de législateur. Le Gouvernement ne l'accepte décidément plus. Nous saurons porter fortement ces préoccupations en conférence des présidents, demain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Muzeau.
J'ai moi aussi fait part de mon irritation devant ces amendements déposés par le Gouvernement à la dernière minute.
M. Guy Fischer. Et ce n'est pas fini !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, mon rappel au règlement est de même nature que celui de mon collègue Roland Muzeau. À mon tour, je souhaite insister tout particulièrement sur les amendements qu'a déposés le Gouvernement sur le texte que nous allons maintenant examiner et qui sont parvenus à la commission des affaires sociales à la dernière minute, sans que nous ayons eu le temps de pouvoir les étudier.
C'est particulièrement vrai s'agissant de l'amendement relatif au CTP. Il s'agit manifestement d'un cavalier, qui n'a rien à voir avec le projet de loi d'origine, que le rapporteur nous a présenté comme un texte technique pour lequel aucune audition n'était nécessaire.
Pour notre part, nous avons procédé à des auditions : nous avons ainsi entendu toutes les personnes responsables, et les personnes concernées par ce texte, et nous nous trouvons confrontés à ce cavalier. Il est d'ailleurs véritablement scandaleux - je pèse mes mots, monsieur le président - que ce dispositif soit mis en place par ordonnance. L'urgence étant déclarée sur ce texte, cela signifie que l'Assemblée nationale ne pourra pas se prononcer sur cet article et qu'il reviendra à la commission mixte paritaire de statuer en dernier ressort. C'est dénier ses droits à la représentation parlementaire, c'est bafouer les parlementaires, qui doivent pouvoir jouer le rôle qui est le leur. Si l'on estime que nous ne sommes là que pour entériner les décisions du Gouvernement, il faut nous le dire ! Auquel cas, nous ne perdrons pas notre temps à essayer d'argumenter, monsieur le président.
Nous présenterons tout à l'heure une motion de renvoi à la commission. Elle est d'autant plus justifiée qu'il serait nécessaire que nous puissions débattre de tout cela tranquillement et dans de bonnes conditions.
J'ajoute que cette méthode me semble quelque peu contradictoire avec les recommandations du Conseil constitutionnel - mais on peut bien sûr ne pas en tenir compte.
Concernant le CPE, nous avions défini un programme de travail, fixé le calendrier de nos auditions et établi notre rythme de travail. Il était prévu que M. le ministre de l'emploi soit auditionné. Il faudra désormais procéder à la va-vite, à une date encore inconnue.
Il n'est pas acceptable de travailler dans ces conditions. La commission des affaires sociales, comme les autres commissions, travaille énormément sur des textes très importants. Elle doit être respectée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et de l'UC-UDF.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
8
Retour à l'emploi
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux (nos 118, 161).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun le sait, l'emploi est probablement notre préoccupation et notre priorité absolue communes, et le Premier ministre en a fait une volonté d'action. Cette priorité vise tout particulièrement les personnes les plus éloignées de l'emploi.
Aujourd'hui, plus de 6 millions de personnes, soit 10 % de la population, vivent des minima sociaux. Et 400 000 personnes sont au RMI depuis plus de cinq ans.
C'est dire si les mesures fondées uniquement sur l'assistance ne suffisent pas. Se contenter de verser un minimum social, c'est en quelque sorte entretenir cette exclusion.
Nul ne peut accepter que le RMI, l'allocation parent isolé, l'API, ou l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, deviennent un statut, une fin en soi.
Dans notre société, chacun a besoin d'être reconnu. L'emploi participe de cette reconnaissance à laquelle chacune et chacun d'entre nous a droit.
Nous avons le devoir d'inciter activement à reprendre un emploi toutes les personnes qui en sont aujourd'hui éloignées. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé, conformément au plan de cohésion sociale, de lancer une réforme globale des minima sociaux.
Ce projet de loi, qui en est une étape, vise à la refonte de l'intéressement.
D'autres réformes restent à faire, concernant l'accompagnement vers l'insertion et les avantages complémentaires attribués par l'État - c'est ce que l'on appelle les « droits connexes ». Elles sont à l'étude.
Je voudrais tout particulièrement saluer l'oeuvre accompli au sein de votre assemblée tant par le groupe de travail animé par Mme Létard que par la mission temporaire menée par les présidents Henri de Raincourt et Michel Mercier. (M. André Dulait applaudit.) Les uns et les autres peaufinent actuellement leurs propositions, auxquelles il faudra incontestablement donner suite.
M. Roland Muzeau. Par une proposition de loi « inspirée » !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Parlement est dans son rôle ! Le Gouvernement aura à coeur de travailler avec les parlementaires sur ce sujet.
Le texte qui vous est soumis aujourd'hui vise à réformer les dispositifs destinés à assurer l'attractivité financière du retour à l'emploi.
Les dispositifs d'intéressement actuels - la notion d'intéressement est d'ailleurs peu claire pour nombre de nos concitoyens - sont malheureusement un échec. En 2005, seuls 11,5 % des allocataires du RMI en bénéficiaient, et leur nombre est en baisse constante.
Il existe deux raisons principales à cet échec : d'une part, les dispositifs sont trop complexes et mal compris, tant par les bénéficiaires que par les travailleurs sociaux ; d'autre part, le montant des avantages consentis n'est pas assez incitatif à la reprise d'un emploi. En effet, dans bien des cas, celle-ci s'accompagne d'une réduction des revenus du foyer ou, au mieux, d'une stagnation de ces derniers.
Est-il normal que les revenus de l'assistance soient, dans certains cas, supérieurs aux revenus du travail ? Voilà l'une des questions de fond qui se pose aujourd'hui.
M. Roland Muzeau. Est-il normal que les revenus du travail soient si bas ? Là est la question !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. La réforme que nous proposons présente donc trois caractéristiques.
Premièrement, le mécanisme retenu incite à la reprise d'un emploi dans tous les cas. L'idée est que chaque heure travaillée apporte un gain, et que ce gain soit plus attractif que celui de l'assistance.
Deuxièmement, ce mécanisme est simple, lisible et équitable. Pour les trois minima sociaux que sont le RMI, l'ASS et l'API, il se présente sous la forme de primes forfaitaires et non plus sous la forme d'un cumul dégressif, difficile à calculer. L'idée est d'en améliorer la lisibilité pour le bénéficiaire, qui, au moment où il va reprendre son emploi, peut savoir tout seul ce qui constituera son revenu.
Troisièmement, c'est un mécanisme sécurisant. La personne qui reprend un emploi cumule intégralement pendant trois mois son nouveau revenu et son minimum social, afin de pouvoir faire face aux divers frais - transport, habillement, frais de garde,... - auxquels on peut être exposé lorsque l'on recommence à travailler.
La réforme vise à encourager les emplois d'une durée supérieure à un mi-temps, c'est-à-dire ceux qui permettent d'assurer l'autonomie financière des familles et leur sortie de la précarité.
Elle concernera plus des trois quarts des allocataires du RMI en intéressement, plus de 80 % des bénéficiaires de l'API et 60 % des bénéficiaires de l'ASS.
Toute personne qui reprendra un emploi d'une durée supérieure à un mi-temps cumulera pendant les trois premiers mois son salaire et son allocation, puis recevra pendant les neuf mois suivants une prime forfaitaire de 150 euros, majorée de 75 euros pour les familles. Enfin, elle percevra une prime de 1 000 euros au quatrième mois suivant l'embauche.
Plusieurs questions ont été soulevées au cours de vos débats. À cet égard, je voudrais féliciter M. le rapporteur ainsi que la commission du travail qu'ils ont effectué. Je sais que nous aurons à revenir sur cette prime et, surtout, sur le moment de son versement.
Pour autant, je tiens à dire que, dans tous les cas, une personne reprenant un emploi verra immédiatement son revenu augmenter en raison du cumul du RMI et de son salaire.
J'ajoute que toute personne retravaillant 78 heures par mois au cours de cette période bénéficiera de cette prime, même si elle n'a pas nécessairement travaillé 78 heures chaque mois. Il importe seulement que cette moyenne soit atteinte.
Le cas des travailleurs frontaliers est également important. Bien sûr, toute personne travaillant à l'étranger bénéficiera de cette prime à la reprise d'activité.
Si une personne reprend un emploi d'une durée inférieure à un mi-temps, son salaire est insuffisant pour sortir des minima sociaux. Pourtant, il est important de l'accompagner dans sa démarche. Pour cette raison, elle continuera donc de percevoir une allocation différentielle.
Dans ce cas, les primes forfaitaires ne seront pas versées, car elles réduiraient le revenu. Aussi, il sera possible de cumuler intégralement son allocation et son salaire durant les trois premiers mois. Sur le reste de l'année, c'est le différentiel qui sera versé.
L'effet incitatif de ces nouvelles primes est renforcé par les mesures introduites par la loi de finances de 2006.
La prime pour l'emploi est augmentée de 50 % pour un SMIC à temps plein et de 80 % pour un SMIC à mi-temps. Elle sera de surcroît versée mensuellement.
Un crédit d'impôt de 1 500 euros est instauré au bénéfice notamment des titulaires de minima sociaux depuis plus de douze mois qui seront amenés à déménager à plus de deux cents kilomètres pour reprendre un travail.
Chacun sait par ailleurs que l'absence de solutions pour la garde des enfants constitue l'un des principaux obstacles à la reprise d'un emploi. Pour cette raison, les parents isolés qui reprennent un emploi ou les familles dont les deux parents travaillent bénéficieront d'une aide pour faire garder leurs enfants.
Je sais que cette question fait débat. Nous y reviendrons tout au long de la discussion. J'indique néanmoins d'ores et déjà que le Gouvernement a pris des mesures pour développer les modes de garde. Le Premier ministre a annoncé la création de 15 000 places de crèche supplémentaires, le doublement du crédit d'impôt dont bénéficient les familles pour les frais de garde des enfants de moins de six ans hors du domicile familial.
Cette réforme des minima, qui est une première étape, devrait coûter 240 millions d'euros, qui seront intégralement pris en charge par l'État.
Les paramètres de la réforme ont été définis de manière qu'elle n'induise aucun coût supplémentaire pour les conseils généraux. Le nouveau dispositif aura même pour eux un coût légèrement inférieur à l'ancien.
En outre, cette réforme, en raison du retour à l'emploi qui s'ensuivra, fera baisser leurs charges. Nous en attendons de moindres dépenses pour eux-mêmes s'agissant du RMI, et pour l'État s'agissant de l'API et de l'ASS, ainsi qu'un surcroît de recettes pour la sécurité sociale.
Le versement des primes, quant à lui, sera organisé de la façon suivante : dans un souci de simplicité, la prime de 1 000 euros sera attribuée par l'organisme qui verse le minimum social, à savoir la caisse d'allocations familiales ou la caisse de la mutualité sociale agricole pour les titulaires du RMI ou de l'API, et l'ASSEDIC pour les personnes titulaires de l'ASS.
La prime mensuelle de 150 ou de 225 euros sera financée par les conseils généraux pour les allocataires du RMI, et par l'État pour les bénéficiaires de l'API et de l'ASS.
Toutes ces primes seront incessibles, insaisissables et exonérées d'impôts. Elles ne seront bien sûr pas prises en compte pour établir la base ressource qui permet d'obtenir la part différentielle du minimum social.
Ce texte a été enrichi par l'Assemblée nationale. Les députés ont souhaité que, parallèlement aux droits attachés aux minima sociaux, soient rappelés les devoirs s'imposant à ceux qui en bénéficient.
Ils ont ainsi réformé le régime des sanctions applicables en cas de fraude. Ces sanctions existaient, mais elles étaient injustes, difficilement applicables et trop sévères. Par souci d'équité, l'Assemblée nationale les a harmonisées et a fait preuve de réalisme en prévoyant la possibilité d'amendes administratives, atténuées et moins lourdes à mettre en place que les poursuites pénales.
Le projet de loi comporte enfin des dispositions diverses, parce que le retour à l'emploi passe aussi par l'insertion par l'activité économique, dont chacun d'entre nous sait qu'elle est souvent un sas permettant aux uns et aux autres de se reconstruire avant de revenir réellement sur le marché du travail.
Ce texte a pour objet d'améliorer les conditions de mise oeuvre des chantiers d'insertion en aménageant les contrats d'avenir qui pourraient maintenant varier de vingt à vingt-six heures. Cela fait suite à une concertation et à des discussions que nous avons menées avec les associations concernées.
Les chantiers d'insertion permettent à de très nombreuses personnes qui rencontrent des difficultés sociales ou professionnelles, et qui sont vraiment très éloignées de l'emploi, d'améliorer leurs compétences afin de pouvoir revenir sur le marché du travail. Nous serons unanimes, je crois, pour rendre hommage au travail réalisé par les associations et les chantiers d'insertion.
Le projet de loi assouplit également le régime des contrats aidés pour les rendre plus simples d'utilisation.
Enfin, concernant les conditions d'attribution du RMI, de nombreux élus, notamment ceux des régions frontalières, ont attiré l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'un meilleur encadrement, par la loi, de l'attribution de l'allocation aux étrangers.
Ne pourront désormais prétendre au RMI que les ressortissants de l'Espace économique européen et ceux de l'Union européenne qui résident en France depuis plus de trois mois. Cette condition, conforme aux directives européennes, permettra de mettre les départements à l'abri d'un afflux potentiellement non maîtrisé de demandes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous savons tous qu'il faudra aller plus loin, s'agissant notamment de l'appui aux allocataires et des droits connexes garantis par l'État.
Un appui personnel prenant en compte les difficultés sociales et les projets professionnels est l'élément clé d'une insertion réussie. (M. Henri de Raincourt acquiesce.)
Cet appui à la démarche de recherche d'emploi existe déjà pour les allocataires de l'ASS, et les missions confiées par l'État au service public de l'emploi doivent être poursuivies.
De même, les départements ont intensifié les efforts d'accompagnement social et professionnel des allocataires du RMI dès que la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales leur en a confié l'entière compétence. Chacun a pu voir quelle était leur mobilisation.
En revanche, cet appui, notamment l'appui à la démarche d'insertion professionnelle, doit être renforcé pour les allocataires de l'API.
Nous pouvons tous citer de nombreux exemples de cette précarité professionnelle, malheureusement liée au congé de maternité et à cette allocation.
Quant aux droits connexes garantis par l'État, leur réforme est urgente : d'une part, ils sont inéquitables ; d'autre part, la crainte de perdre le statut qui permet de les obtenir est un réel frein à l'emploi.
Je vous l'ai dit, ce texte est un premier pas. Il sera suivi d'autres réformes. Les travaux des missions parlementaires en constitueront le fondement.
Tel qu'il vous est aujourd'hui proposé, ce projet de loi est équitable, car il instaure des droits et des devoirs identiques pour tous les allocataires.
C'est un texte efficace, qui permettra aux bénéficiaires des mesures annoncées d'en profiter tout de suite. Nous n'avons pas le droit de les faire attendre trop longtemps, qu'il s'agisse de la réforme de l'intéressement ou de la prime de 1 000 euros.
Tous les partenaires, les élus, les associations membres du Conseil national de lutte contre l'exclusion, qui ont été réunis le 16 septembre sous l'égide du Premier ministre - vous étiez présent, monsieur le rapporteur -, l'ont répété : aider au retour à l'emploi est la condition absolue pour sortir de la précarité.
Tous ensemble, nous n'avons qu'une obligation : réussir ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, dans le cadre de sa « bataille pour l'emploi », le Premier ministre s'est engagé à lever les obstacles à la reprise d'activité pour les bénéficiaires de minima sociaux. Pour atteindre cet objectif, le présent projet de loi emprunte deux voies : l'amélioration des incitations financières à la reprise d'activité et la mise en place de mesures destinées à résoudre les difficultés concrètes qui freinent le retour à l'emploi.
Pour améliorer les incitations financières à la reprise d'activité, le Gouvernement a choisi de perfectionner un instrument ancien mais dont l'efficacité est aujourd'hui réduite en raison de sa trop grande complexité : il s'agit des dispositifs de cumul entre salaire et minima sociaux, autrement appelés « dispositifs d'intéressement ».
Aujourd'hui, le mode de calcul de l'allocation différentielle à laquelle peut prétendre un allocataire reprenant un emploi est tellement opaque qu'il faudrait être actuaire pour pouvoir prédéterminer le montant de cette allocation. Pour certains ménages fragilisés, il est même plus prudent de préférer les revenus d'assistance, dont le montant a au moins le mérite d'être connu à l'avance.
C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit désormais un dispositif plus simple : une prime de retour à l'emploi de 1 000 euros et des primes mensuelles forfaitaires. Les bénéficiaires pourront alors anticiper beaucoup plus facilement l'évolution de leurs ressources.
L'objectif est naturellement de favoriser une réinsertion professionnelle durable. C'est la raison pour laquelle un soutien renforcé est apporté aux emplois offrant un temps de travail et une durée d'activité suffisante, soit 78 heures par mois pendant au moins quatre mois.
En deçà de ces deux seuils, le système du cumul entre salaire et allocation sera toutefois amélioré, de façon à rendre progressif l'intéressement en fonction du temps de travail. De cette façon, ceux qui ne se voient proposer que des emplois à temps très partiel ne rencontreront pas d'obstacles financiers s'ils ont l'occasion de pouvoir accroître leur temps de travail.
Pour consolider l'insertion professionnelle, le projet de loi prévoit enfin d'aider les bénéficiaires à faire face aux frais qui accompagnent le retour à l'emploi.
La prime de retour à l'emploi, créée en août dernier, est donc pérennisée et même étendue, puisque toute condition d'ancienneté au chômage pour en bénéficier est supprimée. Elle correspond à un effort financier supplémentaire de l'État de 240 millions d'euros.
Le Gouvernement craint toutefois que le montant important de la prime - 1 000 euros - ne constitue une tentation pour les fraudeurs. C'est pourquoi son versement n'interviendra qu'après quatre mois révolus d'activité. Pour des raisons identiques, un même bénéficiaire ne pourra percevoir une nouvelle prime au titre d'une nouvelle embauche - si la première embauche s'avère restreinte ou infructueuse - qu'après un délai de dix-huit mois.
Quel sera l'impact de cette réforme sur le pouvoir d'achat des bénéficiaires ? La réponse à cette question ne peut qu'être nuancée.
Si l'on s'attache aux seules primes forfaitaires, force est de constater que, dans certaines configurations familiales, le gain apporté par l'intéressement « nouvelle formule » sera plus faible qu'aujourd'hui. Mais l'écart constaté est presque toujours comblé lorsque l'on tient compte de la prime de 1 000 euros et de la réforme de la prime pour l'emploi.
Par ailleurs, il serait réducteur de n'apprécier cette réforme que sous son seul aspect financier. La lisibilité du nouveau dispositif compense, selon moi, le fait que le gain attendu soit parfois un peu plus faible.
Pour ces motifs, la commission des affaires sociales estime que la réforme proposée va dans le bon sens. Deux points pourraient toutefois être améliorés.
Premier point, le versement tardif - quatre mois après la reprise d'activité - des 1 000 euros risque de faire manquer à la prime son but : il intervient en effet trop tard pour aider réellement le bénéficiaire à faire face à ses frais de retour à l'emploi. J'estime en outre que reporter ainsi le versement de la prime ne découragera en rien les abus.
C'est la raison pour laquelle je vous proposerai de prévoir un versement immédiat de la prime. Cela ne signifie d'ailleurs pas qu'il faille l'attribuer à tous sans condition de durée d'activité. La règle des quatre mois minimum d'activité peut tout à fait être maintenue, mais cette obligation sera supposée remplie pour les personnes qui retrouvent un emploi en CDI ou en CDD et en intérim de plus de quatre mois.
Je voudrais tempérer les craintes de fraude. Verser la prime dès la reprise d'activité suppose effectivement de faire confiance ; mais c'est cette confiance qui légitime un contrôle a posteriori plus sévère.
J'en viens au second point d'amélioration possible de la réforme proposée. La fin de l'intéressement s'accompagne d'une réduction brutale et significative des revenus à l'issue de cette période. Cette difficulté est inhérente au dispositif d'intéressement, qui ne peut en effet qu'être temporaire. Toute autre solution serait inéquitable pour les personnes qui perçoivent le même revenu d'activité sans être passées par les minima sociaux, sauf à mettre en place un dispositif de soutien généralisé aux bas salaires. Mais alors, un autre écueil apparaît : il ne faudrait pas encourager les entreprises à se décharger sur l'État de leur responsabilité d'assurer un revenu décent à leurs salariés.
Prenant acte du caractère temporaire de l'intéressement, la commission des affaires sociales avait pensé en atténuer les effets pervers en mettant en place une sortie « en sifflet » de ce dispositif. Mais elle y a renoncé, estimant qu'un tel mécanisme nuirait finalement à sa lisibilité et donc à son efficacité. C'est la raison pour laquelle elle a opté pour la création d'une prime de sortie de l'intéressement, d'ailleurs plus conforme à l'esprit du texte.
Dans un deuxième temps, le projet de loi s'attache à lever un obstacle très concret au retour à l'emploi pour les bénéficiaires de minima sociaux, celui de l'accès à un mode de garde pour leurs enfants.
Le projet de loi initial prévoyait une priorité d'accès en crèche pour les enfants de bénéficiaires de minima sociaux qui reprennent un emploi. L'Assemblée nationale a jugé ce dispositif peu opérationnel et lui a préféré un mécanisme de « places garanties » reposant, au cas par cas, sur la mobilisation soit de places réellement mises en réserve, soit de places d'accueil en surnombre.
La commission des affaires sociales ne mésestime pas les difficultés qui entourent la mise en oeuvre concrète de ce dispositif, surtout dans un contexte de pénurie de places d'accueil en crèche. Reconnaissons toutefois à nos collègues députés un mérite : la solution qu'ils proposent fait davantage appel à la mobilisation des acteurs locaux.
Ce préalable étant posé, la commission considère que le mécanisme d'accès préférentiel retenu est incomplet, car il ne s'adresse qu'à des parents ayant déjà retrouvé un emploi. Or l'impossibilité de faire garder ses enfants peut pénaliser la recherche d'emploi elle-même. La commission souhaite donc inciter les crèches à mobiliser l'accueil d'urgence et l'accueil temporaire dans ce dernier cas.
Tel était le périmètre initial de ce projet de loi. Mais l'Assemblée nationale en a très largement élargi l'objet : sur l'initiative de son rapporteur, elle a d'abord souhaité harmoniser les sanctions prévues en cas de fraude aux minima sociaux.
Ces sanctions sont actuellement très disparates, parfois disproportionnées et le plus souvent largement inappliquées en raison même de certains excès. Dans 75 % des cas, les plaintes des caisses d'allocations familiales sont classées sans suite. Désormais, la fraude sera punie de 4 000 euros d'amende, le double en cas de récidive. Afin d'offrir une alternative aux sanctions pénales, souvent lourdes à mettre en oeuvre, un régime d'amendes administratives, d'un montant maximum de 3 000 euros, a été créé.
La commission des affaires sociales considère qu'il ne faut pas voir dans ces mesures une volonté de stigmatiser les bénéficiaires de minima sociaux : l'existence d'un contrôle relève en effet d'un impératif de justice sociale. Elle vous propose donc simplement quelques amendements pour harmoniser les garanties de procédure applicables aux différentes prestations.
Sur l'initiative du Gouvernement cette fois, l'Assemblée nationale a également apporté une nouvelle série de modifications ponctuelles aux règles applicables au contrat d'avenir et au contrat insertion-revenu minimum d'activité, le CI-RMA.
Il est ainsi proposé, pêle-mêle, de prévoir une durée minimale spécifique pour les contrats d'avenir conclus avec une personne bénéficiant d'un aménagement de peine, de supprimer la limitation apportée au nombre de ses renouvellements, d'ouvrir une exception à la durée hebdomadaire de travail des titulaires en cas d'embauche par un chantier d'insertion ou encore d'autoriser la signature de CI-RMA à durée indéterminée.
Notons également la suppression de l'agrément préalable des candidats au recrutement par les chantiers d'insertion lorsque le contrat envisagé est un contrat d'avenir ou un CI-RMA et l'ouverture de ces deux contrats à tous les allocataires de minima sociaux, sans condition d'ancienneté dans ces dispositifs.
La commission approuve l'ensemble des réformes proposées par ce texte. Mais celui-ci ne représente que la première étape d'une réforme nécessairement plus globale de l'ensemble des minima sociaux.
En effet, au-delà de la question de l'articulation entre minima sociaux et revenus d'activité traitée par ce projet de loi, une véritable réforme des minima sociaux devrait, à mon sens, prendre en compte deux autres aspects.
D'abord, l'harmonisation des droits connexes attachés au bénéfice des minima sociaux est indispensable pour rétablir l'équité entre les différents types d'allocataires et entre ceux-ci et ce qu'il est convenu d'appeler les « travailleurs pauvres ». Elle doit également être l'occasion de modifier leurs conditions d'attribution, afin qu'ils soient non plus un frein au retour à l'emploi mais au contraire un élément de sécurisation du parcours d'insertion.
Ensuite, l'accompagnement professionnel et social des bénéficiaires de minima sociaux, qui n'existe aujourd'hui de façon systématique que pour les bénéficiaires du RMI, devrait être généralisé.
Deux propositions de loi, inspirées respectivement par les travaux de notre groupe de travail sur les minima sociaux, présidé par Valérie Létard, et par le rapport remis en décembre dernier au Premier ministre par Michel Mercier et Henri de Raincourt devraient prochainement être déposées sur le bureau du Sénat. Il nous reviendra de veiller, à l'occasion de l'examen de ces deux textes, à la mise en cohérence globale du système français des minima sociaux, dont l'ambition est beaucoup plus vaste que celle du texte que nous examinons aujourd'hui.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales vous propose, mes chers collègues, d'adopter ce projet de loi, complété par les amendements que je vous présenterai en son nom. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 75 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 20 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bataille pour l'emploi, obstacles à lever, incitation, activation des minima sociaux... Qui ne souscrirait à de tels objectifs ?
Pour le Conseil national de lutte contre l'exclusion, aider au retour à l'emploi est la condition absolue pour sortir de la précarité. Les initiatives du Gouvernement ne manquent pas pour y parvenir. Elles méritent d'être saluées, madame la ministre, même si elles ne sont pas toujours, tant s'en faut, claires et lisibles. J'y reviendrai. À cet égard, j'ai en mémoire l'intervention de notre collègue Mme Sylvie Desmarescaux ce matin en commission.
Pour l'heure, nonobstant les critiques qui peuvent être formulées contre le projet de loi qui nous est proposé, aucune de ses mesures ne pourrait nous conduire, selon moi, à son rejet.
Je n'ai pas cru, en d'autre temps, pouvoir m'opposer à l'adoption des dispositions visant à créer les emplois-jeunes, dont la durée était limitée et les problèmes prévisibles bien connus. Mais - pardonnez-moi une expression un peu simpliste - c'était mieux que rien ! Tous les efforts en vue du retour à l'emploi doivent être soutenus, y compris ceux qui sont accomplis aujourd'hui dans des conditions tout à fait différentes.
Toutefois, madame la ministre, la démarche actuelle aurait dû se situer dans le cadre d'une réforme plus globale des minima sociaux et de leurs droits connexes. Le rapport de MM. Michel Mercier et Henri de Raincourt, ainsi que celui, attendu, de notre excellente collègue Valérie Létard se situent dans cette perspective.
Doit-on pour autant parler de précipitation ? Je ne le pense pas. Cela étant, je crains plutôt que nous n'ayons quelques difficultés à aboutir à une forte cohérence et, je le disais à l'instant, à une claire lisibilité en la matière.
S'agissant de la lisibilité, je rappellerai la liste des contrats possibles, et sans doute en oublierai-je certains compte tenu de leur nombre : le contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS, le contrat d'aide à l'emploi, le contrat d'insertion en entreprise - rénové -, le contrat jeune en entreprise, le contrat de professionnalisation, le contrat nouvelles embauches ou CNE, le contrat d'avenir, le contrat insertion-revenu minimum d'activité, ou CI-RMA, ces deux derniers faisant l'objet de modifications ponctuelles au sein du présent projet de loi.
Certes, ces dispositifs ne sont pas mauvais, et j'entends bien qu'ils visent à cibler au mieux des situations elles-mêmes très diverses de nos concitoyens en difficulté et en recherche d'emploi.
Il n'empêche - et c'est une considération que je vous livre en cet instant - que ce manque de lisibilité reflète, au fond, d'une façon plus globale et plus générale, la situation que nous connaissons en ce moment. Le système actuel est d'une extrême complexité, ainsi que l'a souligné en commission notre excellent rapporteur, Bernard Seillier, et cela conduit à un relatif échec.
Je comprends bien qu'une personne puisse, par prudence, préférer conserver le revenu d'assistance, qui est plus sûr parce que son montant est connu d'avance.
Cela m'amène à souligner la pertinence à mes yeux des « maisons de l'emploi », à guichet unique, qu'il me paraît souhaitable de généraliser, à l'image des maisons départementales des personnes handicapées. Où en est-on à cet égard, madame la ministre ?
Par ailleurs, le rapprochement entre l'ANPE et les ASSEDIC, qui est prôné par le Gouvernement, est-il suffisamment généralisé ? Si j'en crois une information diffusée par la radio avant-hier, c'est loin d'être le cas ! (Mme Raymonde Le Texier s'exclame.)
Je ne m'attarderai pas sur le texte du projet de loi, qui a été parfaitement présenté, de même que les propositions d'amendements, si ce n'est pour en approuver les trois principes : premièrement, les mécanismes d'intéressement à la reprise d'activité plus simples et plus lisibles ; deuxièmement, pour une réinsertion professionnelle durable, la croissance de l'intéressement en liaison avec le temps de travail et la durabilité de l'emploi ; troisièmement, les aides aux bénéficiaires de minima sociaux reprenant une activité professionnelle qui ont à faire face à des frais parfois importants - c'est l'objet de la prime de retour à l'emploi.
Comme je l'ai indiqué, le texte prévoit d'apporter des modifications aux contrats d'avenir et aux CI-RMA. Ces dernières peuvent concerner, entre autres, les chantiers d'insertion, les structures d'insertion par l'économique. A cet égard, madame la ministre, je rappellerai la situation des entreprises d'insertion pour l'aide à la personne.
Avant d'être une entreprise d'insertion, la structure associative porteuse de ce service a fonctionné sous forme dérogatoire pendant de nombreuses années. Il a bien fallu qu'elle se mette en règle, et nous avons assisté à la création d'une entreprise d'insertion agréée. Mais assurer auprès des personnes âgées, entre autres services, les gardes de nuit et de week-end, n'est pas un exercice facile, en particulier s'il est accompli par des personnes fragilisées humainement et socialement.
Or, l'association porteuse de l'entreprise d'insertion est financièrement pénalisée comparativement à la situation antérieure. Dans cette dernière, en effet, les contrats emploi-solidarité, ou CES, et les contrats emplois consolidés, ou CEC, étaient exclus du calcul des effectifs. Les contrats d'insertion, eux, ne le sont pas, d'où 3 400 euros supplémentaires par an de taxe sur les salaires, ce qui n'est pas rien pour une association !
Le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux par l'entreprise d'insertion se trouve ainsi pénalisé, d'autant que, aujourd'hui, la rémunération versée aux titulaires de contrat d'insertion par l'activité - dans les départements d'outre-mer, il est vrai - est exonérée de la taxe sur les salaires.
Je ne pouvais pas, madame la ministre, ne pas m'arrêter sur ce point. Cela n'occulte cependant pas, à mes yeux, l'intérêt des diverses mesures prévues par le présent texte en termes de possibilités de cumuls - primes, mesures en faveur des jeunes pour l'emploi, crédit d'impôt, prise en considération du travail à mi-temps - auxquelles on ne saurait que souscrire ; même si l'ensemble revêt toujours quelque complexité, ainsi que M. le rapporteur l'a souligné en commission, je reconnais que les problèmes en question ne sont pas simples.
Madame la ministre, si je me réfère au vécu sur le terrain en la matière, la nécessité d'assurer un accompagnement du demandeur d'emploi s'impose comme une évidence. C'est en effet le meilleur moyen d'aider ce dernier à s'engager dans un parcours durable. Cela plaide une nouvelle fois, me semble-t-il, pour une part du moins, en faveur de la pertinence des « maisons de l'emploi », au sein de laquelle des référents pourraient être trouvés.
Je relèverai un aspect particulier du projet de loi, à savoir la volonté de lever un obstacle au retour à l'emploi par l'accès à un mode de garde pour les enfants. Beaucoup a été dit, et M. le rapporteur a insisté sur ce point. A l'évidence, la mise en oeuvre d'une telle volonté n'est pas aisée.
A cet égard, je livrerai d'abord la réflexion suivante : l'admission en maternelle des enfants de deux ans ne serait-elle pas, pour partie, une solution ? La chose, qui est possible en certains endroits du territoire, notamment dans mon département, ne l'est pas ailleurs. Ne pourrait-on pas institutionnaliser cette possibilité ?
Ensuite, je souhaite fournir, en toute modestie, un témoignage. Dans mon département, nous avons mis en place récemment un système connaissant déjà un grand succès : il s'agit d'une structure d'accueil itinérante - des véhicules aménagés et un personnel qualifié proposant des jeux et des temps d'animation - pour les enfants de dix semaines à quatre ans, qui est appelée « Bébé-bus ».
Certes, ce service ne peut être « la » réponse aux besoins des parents en situation d'emploi. Mais ce peut être, dans la périphérie de nos préoccupations d'aujourd'hui, un élément intéressant en vue de permettre à des parents de se rendre, par exemple, à un rendez-vous administratif ou à un rendez-vous lié à la recherche d'emploi.
Je ne reviendrai pas sur le texte tel qu'il a été présenté, sinon pour dire que je l'approuve, parce qu'il est la marque de la volonté du Gouvernement de lutter à tout prix contre le chômage.
Je formulerai cependant un espoir et un souhait, madame la ministre : que l'on prenne dorénavant le temps de faire le bilan des nombreuses mesures qui sont déjà mises en oeuvre. Beaucoup a été mis en chantier. Je me permets d'y insister, faisons en sorte de bien expliquer, de bien informer, afin de mieux mobiliser. Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui nécessitera cet effort, mais c'est un premier pas qui en vaut la peine ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis quatre ans, les gouvernements successifs de M. Raffarin et, plus récemment, le gouvernement de M. de Villepin affichent l'emploi au premier rang de leurs priorités.
Régulièrement, le Président Chirac intervient sur son thème de prédilection, la fracture sociale, pour dire aux Français qui sont effectivement victimes de l'aggravation des insécurités sociales et économiques que cette fracture sociale n'est pas une fatalité et que l'Etat agit pour réduire les inégalités.
Or, qu'il s'agisse de la fiscalité, des services publics, de la politique de l'emploi à proprement parler, tous les moyens à disposition ont été utilisés non pas pour agir sur les causes de la pauvreté et de l'exclusion du marché du travail, mais pour asseoir les mutations du capitalisme, la financiarisation de l'économie, au mépris des risques que ces choix emportent, à savoir la généralisation de la précarité, l'amplification du sous-emploi, donc l'aggravation de la misère et le développement du phénomène des travailleurs pauvres.
Telle est aujourd'hui la réalité d'une France qui porte les stigmates de votre politique de baisse du coût du travail et qui compte, selon les experts, entre 1,2 et 3,5 millions de travailleurs pauvres percevant des salaires mensuels inférieurs à 600 euros, soit la moitié du SMIC, une France dans laquelle la part des salaires et des prestations sociales en espèces dans le revenu des ménages est plus faible aujourd'hui qu'en 1970.
Telle est notre société, où 6 millions d'individus dépendent des minima sociaux dont le niveau - en l'occurrence celui du RMI - situe la France, sachons-le, dans le bas du tableau, par comparaison avec les autres pays européens.
C'est en pleine connaissance des réalités de notre société de plus en plus duale, de la situation actuelle qui se caractérise par un chômage de masse, que vous opposez dangereusement les smicards, les victimes de cette dévalorisation du travail salarié, qui peinent à vivre de leur travail, aux moins méritants, aux chômeurs, bénéficiaires du RMI, lesquels, avec 425 euros par mois, « profiteraient », à vous écouter, d'un système.
Aux uns, vous expliquez que la hausse du SMIC aurait un effet négatif sur l'emploi non qualifié, préparant ainsi la disparition des mécanismes actuels de fixation du SMIC, tant voulue par le Mouvement des entreprises de France, le MEDEF, et vous proposez de cumuler des miettes d'emploi pour, au final, gagner un vrai salaire.
Aux autres, vous proposez les mêmes miettes partielles d'emploi sous-rémunérées.
Pour tous, vous suggérez de réduire le degré de solidarité, de sécurité, au lieu d'agir de façon contra-cyclique pour véritablement réduire le chômage, redonner de la qualité et du sens au travail.
Comment penser que les personnes privées d'emploi retrouveront un emploi d'autant plus vite que les périodes durant les lesquelles elles sont sûres d'être indemnisées seront courtes, que les salariés seront d'autant plus dociles et appliqués que leurs conditions d'emploi, leur statut seront précaires ?
Pour une majorité d'individus, les potions sont amères, la solidarité devient un privilège et la coercition, la règle. Et ce, alors que, pour d'autres, moins nombreux mais plus nantis, le Gouvernement renforce les impunités, tout en prenant soin d'éviter les « injustices » en assurant un partage des revenus favorable au capital.
Le budget pour 2006 témoigne de ce déséquilibre et d'un parti pris insupportable en faveur des riches qui, gagnant déjà 20 000 euros mensuels, se sont vu offrir, grâce notamment au bouclier fiscal, 10 000 euros supplémentaires, alors que des gens mouraient de froid, comme n'a pas manqué de le déplorer Louis Maurin, directeur de l'Observatoire des inégalités.
C'est pour dénoncer ce même mépris envers les plus pauvres, les mal-logés que, symboliquement, l'Abbé Pierre a occupé, hier, l'Assemblée nationale, où les députés de droite ont relancé l'offensive contre la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, afin d'en abaisser les exigences en terme de logements sociaux.
Nos concitoyens, eux aussi, sont pleinement conscients du décalage constant entre le discours qui se veut socialement rassurant et la dureté des solutions néolibérales qui sont appliquées méthodiquement par ce gouvernement aux travailleurs, aux pauvres, à l'ensemble de la société. C'est d'ailleurs pourquoi deux Français sur trois se disent mécontents de la politique économique et sociale qui est menée.
En ce début d'année, malgré les efforts soutenus du Premier ministre « pour repeindre l'emploi en rose » et rendre crédible l'idée d'une baisse pérenne du chômage, à toutes les questions abordées par le baromètre mensuel de l'institut de sondage BVA pour Les Echos, nos concitoyens répondent majoritairement par le pessimisme.
Les faits sont têtus. Vous pouvez continuer à vous abriter derrière les statistiques, à rechercher la caution d'experts, du très sérieux patron de l'ANPE pour nier vos tours de passe-passe ou l'augmentation des radiations de chômeurs. Vous pouvez omettre de rappeler le poids significatif de la démographie avec les départs à la retraite des générations du baby-boom.
L'évidence s'impose pourtant à chacun : l'économie française reste faiblement créatrice d'emplois et elle en détruit beaucoup.
Par ailleurs, s'il y a moins de chômeurs - moins 5 % entre septembre 2004 et septembre 2005 -, il y a davantage de personnes acculées à vivre avec le RMI - plus 6,2 % au cours de l'année 2005 en France métropolitaine. Dans mon département, les Hauts-de-Seine, qui est l'un des départements les plus riches de France, l'augmentation du nombre de RMIstes atteint 8 %. C'est le résultat de vos choix privilégiant le traitement libéral du chômage.
Rien de surprenant, alors, que les Français aient le sentiment, à 72 %, que l'avenir de l'emploi reste sombre et, à 75 %, que la croissance gardera en 2006 son faible niveau.
À leurs dépens, ils ont appris le sens négatif donné au mot « réforme ». S'agissant de la protection sociale, en faisant du retour à l'emploi le pivot de toutes vos politiques sociales, vous avez détourné les buts de cette dernière, comme l'analyse la sociologue Catherine Lévy dans son livre Vivre au minimum.
Ainsi, il est désormais question beaucoup plus de protection sociale patronale que de sécurité de chacun face aux aléas de la vie et de protection des salariés face aux aléas du marché du travail.
Au nom de l'emploi, nombre de mesures antisociales ont été imposées aux salariés.
Obsédés par le taux de croissance outre-Atlantique, que vous attribuez à l'augmentation du nombre d'heures travaillées, mais refusant de préciser à qui profiterait l'allongement de la durée du travail, vous avez prétendu assouplir les 35 heures pour permettre à ceux qui souhaitaient « travailler plus de pouvoir gagner plus ». Le piège du chantage à l'emploi, aux délocalisations, s'est refermé sur les salariés de Bosch, d'Hewlett Packard, de Seb, de Fenwick et tant d'autres : désormais, ils travaillent 39 heures, payées 35. Et cela s'accompagne néanmoins de milliers de suppressions d'emploi !
Après le bilan lamentable des gouvernements Raffarin, qui, à la fois par réaction et par intégrisme libéral, avaient supprimé tout ce qui marchait auparavant et avaient décidé de stopper le traitement social du chômage, la loi dite « de cohésion sociale » devait, pour « réveiller une forme de citoyenneté des entreprises, rendre plus efficaces notre politique de l'emploi et son pilotage », selon les termes de M. Larcher, permettre de simplifier les contrats aidés, d'inscrire les personnes les plus fragiles dans un vrai parcours d'insertion, de leur faciliter le retour à l'emploi. Ce que nous retenons de cette réforme, ce sont avant tout les effets d'aubaine, c'est qu'elle a ouvert la porte à la dénaturation des missions des agents du service public de l'emploi, au durcissement et à la systématisation des contrôles et des sanctions des demandeurs d'emploi, et ce alors qu'à peine la moitié des chômeurs sont indemnisés. Depuis, vous n'avez pas avancé en direction du contrat unique d'insertion, bien au contraire, puisque de nouveaux types de contrat aidé ont été ajoutés.
Que dire, par ailleurs, de la loi de M. Borloo relative au développement des services à la personne, elle aussi fortement inspirée du modèle américain, si ce n'est que, une fois encore, elle « s'appuie sur les inégalités », selon le professeur d'économie Jean Gadrey ? Elle offre en outre aux employés du secteur de l'emploi domestique, principalement des femmes, des petits boulots sous-qualifiés à temps partiel, et non des emplois dignes s'accompagnant de perspectives de professionnalisation.
Enfin, le Gouvernement a abrogé certaines dispositions de la loi de modernisation sociale qui visaient à responsabiliser les employeurs en cas de licenciement et a tenté de nous convaincre que ce retour en arrière « participait à l'effort national de cohésion sociale... en renforçant la protection des salariés en cas de licenciement collectif », comme l'a dit notre collègue M. Gournac.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Je le redis !
M. Roland Muzeau. Les craintes que nous exprimions à l'époque de voir ainsi s'ouvrir une brèche légitimant l'adaptation permanente du code du travail et du droit du licenciement aux exigences du marché se sont vite confirmées. Dans la logique de la loi de programmation pour la cohésion sociale, et au-delà de ce qu'ambitionnait le MEDEF dans sa volonté que les entreprises soient autorisées à licencier afin, affirme-t-il, de sauvegarder la compétitivité, la Cour de cassation vient de permettre les licenciements préventifs.
Le MEDEF dit ouvertement vouloir peser sur les décisions publiques à l'horizon de 2007. Il n'aura pas de mal à y parvenir, puisque Thierry Breton promettait avant-hier à 400 de ses amis patrons de gérer la France comme une entreprise. Beau programme ! On mesure déjà la portée des thèses libérales dans l'action du Gouvernement. La sémantique est commune, la complicité indiscutable.
La nouvelle patronne du MEDEF déclare que « la vie, la santé, l'amour sont précaires », et demande : « Pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? » Cette explication « naturelle » de la précarité arrive à point nommé pour légitimer des politiques toujours moins-disantes socialement. Elle sert également à rendre évidente et indiscutable - impératifs économiques obligent - la prescription de remèdes visant à fluidifier le marché du travail et à abaisser le coût du travail.
Lorsque Nicolas Sarkozy entonne son refrain contre le modèle social français...
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Larcher, Sarkozy,... À qui le tour, ensuite ?
M. Roland Muzeau. Je savais, monsieur Gournac, que cela allait vous plaire : ne vous inquiétez pas, chacun en aura pour son grade !
M. Henri de Raincourt. C'est toujours la même chose...
M. Roland Muzeau. Lorsque Nicolas Sarkozy, disais-je, entonne son refrain contre le modèle social français, qu'il prétend responsable des blocages de notre économie parce qu'il pousserait « à la paresse » et créerait les fameuses « trappes à inactivité », son objectif est d'ancrer dans l'opinion publique l'idée selon laquelle la réduction de la solidarité serait une exigence de la relance de l'emploi ; l'insécurité, et non la garantie de l'emploi, serait le passage obligé du dynamisme économique. Ces propos ne font-ils pas écho à la bataille de la « fluidité » chère au patronat, qui ne veut ni plus ni moins qu'« écraser les conformismes pour réenchanter le monde »(Sourires), en clair, brûler le code du travail pour généraliser des formes atypiques d'emploi et sécuriser les procédures de licenciement au bénéfice du patronat ? (Approbation sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - M. Henri de Raincourt rit.)
M. Guy Fischer. C'est tout à fait cela !
M. Roland Muzeau. Toujours dans le même sens, et pour faire entrer « le marché du travail dans la modernité », selon les termes de l'actuel Premier ministre - au demeurant plus engagé dans la course présidentielle que dans la bataille pour le plein emploi de qualité -, mais également en raison de l'urgence de la situation, est né cet été le contrat nouvelles embauches, le CNE. Plus stable en apparence que les contrats courts à durée déterminée et à temps partiel, puisqu'il est à durée indéterminée, il n'en reste pas moins aussi précaire et aussi dangereux, sinon davantage, dans la mesure où les salariés concernés ne bénéficient plus des droits et garanties de droit commun de notre législation sociale en matière, notamment, de licenciement et d'indemnisation de leur précarité. Cette forme de contrat de travail on ne peut plus souple est en passe d'être étendue à tous les jeunes de moins de vingt-six ans avec le contrat première embauche, le CPE, remake du contrat d'insertion professionnelle, le CIP, de Balladur en 1994 (M. Henri de Raincourt rit), en attendant l'ultime étape de sa généralisation et la réforme globale du contrat de travail. L'Observatoire français des conjonctures économiques, ou OFCE -, l'INSEE et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ou ACOSS, confirment pourtant les effets d'aubaine et le risque que ces contrats ne cannibalisent les contrats à durée indéterminée.
M. de Villepin affirme ainsi clairement son choix en faveur d'un modèle de flexibilité à l'anglo-saxonne dans lequel la précarité déjà généralisée est institutionnalisée, et les embauches facilitées par de nouvelles exonérations totales de cotisations sociales. Cela ne manque d'ailleurs pas de nous conduire à nous interroger, d'une part, sur le rôle réel du Conseil d'orientation de l'emploi, censé travailler sur l'efficacité des aides publiques à l'emploi et sur leur conditionnalité, et, d'autre part, sur le sérieux du pacte de rigueur budgétaire.
Dans le modèle ainsi retenu, les obstacles aux licenciements sont levés et le niveau de protection de ceux qui perdent leur emploi abaissé, la lecture des nouvelles conventions d'assurance chômage ne laissant aucun doute à ce sujet.
Restait tout de même à traiter de l'incitation au retour à l'activité des bénéficiaires de minima sociaux, maillons indispensables de la société de plein emploi précaire dessinée par la droite. C'est chose faite, en urgence et par le petit bout de la lorgnette, avec le présent projet de loi, qui traite uniquement des mécanismes d'intéressement pour les allocataires du revenu minimum d'insertion, de l'allocation de parent isolé et de l'allocation de solidarité spécifique, mais qui consacre tout un titre aux sanctions en cas de fraude aux minima sociaux.
Une fois encore, je ne peux qu'exprimer mon mécontentement à la fois sur le fond et sur la méthode suivie par le Gouvernement pour mener à bien ces réformes, en l'occurrence celle des minima sociaux.
Autant de précipitation et d'acharnement pousse à s'interroger sur les objectifs réels du Premier ministre. Vise-t-il vraiment le retour à l'emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail ? Je ne le pense pas ; il n'aurait pu sinon se dispenser d'attendre les conclusions de la mission d'information du Sénat et aurait traité de la prise en compte sociale des titulaires de minima sociaux. Or l'accompagnement, dimension essentielle de l'insertion des individus en difficulté dans notre société, est précisément la grande absente du projet de loi.
On m'objectera qu'un texte est en préparation et qu'une fenêtre parlementaire lui est réservée ; soit. Mais alors, pourquoi une telle précipitation, préjudiciable à la qualité de nos débats ?
Mon ami Guy Fischer développera tout à l'heure d'autres arguments lorsqu'il défendra une motion tendant à opposer la question préalable. Celle-ci ne traduit pas un refus de notre part d'aborder la problématique des minima sociaux ; elle marque au contraire notre volonté d'en débattre globalement et sereinement, après consultation des partenaires institutionnels et associatifs.
Sur le contenu du projet de loi, nous ne manquerons pas non plus, en défendant nos quelque trente amendements, d'exprimer nos désaccords sur les mécanismes d'intéressement proposés, qui ne répondent pas à la volonté de simplification et de lisibilité pourtant explicitement affichée : ces mécanismes sont loin d'être aussi incitatifs qu'il n'y paraît et risquent fort d'être particulièrement injustes et pénalisants pour les personnes exerçant une activité professionnelle inférieure à 78 heures par mois. La réponse « nuancée » du rapporteur à la question de savoir si la réforme permettra d'augmenter le pouvoir d'achat des bénéficiaires de minima sociaux par rapport à celui qui est le leur avec le dispositif actuel renforce, vous vous en doutez, mes chers collègues, notre appréciation.
Nous marquerons également notre opposition au renforcement inacceptable des contrôles et des sanctions touchant, une fois de plus, des publics précarisés, et au rôle répressif que, madame la ministre, vous entendez faire jouer aux centres communaux d'action sociale, les CCAS.
Enfin, nous nous interrogerons sur la portée de l'article 6 garantissant une place en crèche aux parents de jeunes enfants retrouvant un emploi, dans la mesure où, par ailleurs, le Gouvernement se dispense bien de lever les vrais obstacles au retrait des femmes hors du champ du travail. Difficilement applicable concrètement, comme le Gouvernement en est conscient, cette disposition renvoie la responsabilité aux maires, une fois de plus sans leur donner davantage de moyens effectifs.
L'examen des principales propositions du rapporteur de la commission des affaires sociales ne laisse pas augurer d'une évolution sensible du texte, lequel manque manifestement d'ambition pour contribuer au développement de l'emploi. Pis encore, alors que ce projet de loi est déjà inacceptable en l'état, certains de nos collègues de l'UMP ou de l'UC-UDF, avec la bénédiction de la commission, proposent de le compléter par des amendements dans lesquels on trouve pêle-mêle atteintes aux heures supplémentaires, réduction des droits syndicaux, la cerise sur le gâteau étant le « cavalier » gouvernemental portant décision d'ordonnance et création dans six régions d'un nouveau contrat dit « de transition professionnelle ».
Madame la ministre, le gouvernement auquel vous appartenez méprise le travail parlementaire, tout le monde le sait. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Christiane Demontès. C'est vrai !
M. Roland Muzeau. Certains s'en accommodent : c'est ce que l'on appelait à une époque - la formule n'est pas de moi - un « parti godillot » !
Plus grave, le Gouvernement méprise les partenaires sociaux et, surtout, a déclaré une véritable guerre aux personnes privées d'emploi. Le groupe CRC s'attachera dans le débat à faire valoir son opposition résolue, mais il formulera également plusieurs propositions pour améliorer les droits des demandeurs d'emploi et les minima sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lorsque, en janvier dernier, j'ai entrepris les premières auditions qui allaient m'aider à préfigurer ce qui deviendrait quelques mois plus tard le rapport d'information sur les minima sociaux, intitulé « Concilier équité et reprise d'activité », j'avais une seule certitude : notre système social, produit d'un empilement de dispositifs résultant de notre histoire, engendre par son incohérence trop de différences de traitement pour des individus dont la situation sociale et familiale est somme toute très proche, mais dont le statut peut être divers. Opacité, effets pervers, pertes brutales de revenus, trappes à inactivité, la « désincitation » à reprendre un emploi provient parfois tout simplement du fait que le retour à une activité rémunérée peut être un risque, en particulier financier, que les personnes dont la situation est la plus précaire dans notre société ne peuvent tout simplement pas se permettre de prendre.
Le large écho qu'a eu le rapport de mai dernier montre qu'il avait visé les bonnes questions. Il importe désormais d'y apporter les bonnes réponses, de façon que ce travail n'appartienne pas à la catégorie des rapports faisant référence mais n'ayant pas réussi, dans la durée, à faire bouger quoi que ce soit.
Abordant l'examen des dispositions du projet de loi, je ne peux que me féliciter, madame la ministre, qu'en quelques mois un sujet que je considère comme central soit également devenu l'une des préoccupations fortes de la politique de l'emploi du Gouvernement. Je sais que les travaux de notre assemblée n'ont pas été étrangers à cet état de fait, et je me réjouis que vous ayez compris toute l'importance qu'il y a à s'intéresser de près à cette problématique.
Autre point positif, le dispositif d'intéressement forfaitaire mensuel que vous envisagez de mettre en oeuvre au-delà de 78 heures de travail mensuel sera simple et lisible. Au contraire du calcul de l'intéressement précédent, qui reposait sur un différentiel variant en fonction de l'allocation reçue et des revenus des heures travaillées, le montant est connu et fixe pendant neuf mois. Cela permettra à des personnes qui disposent d'un budget très serré de répondre sans équivoque à deux interrogations essentielles quand il s'agit de se décider à franchir le pas : combien vais-je percevoir, et pendant combien de temps ? Cela me suffira-t-il pour faire face aux dépenses supplémentaires liées à la reprise d'un emploi ? On peut effectivement espérer que ce nouvel intéressement fixe et connu d'entrée de jeu sera beaucoup plus utilisé que le mécanisme actuel, qui n'a pas rencontré un grand succès.
Je me réjouis également que l'amendement que j'avais présenté en mai 2003 et qui visait à supprimer le délai de latence de six mois avant de pouvoir bénéficier d'un CI-RMA ait été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. À l'époque, je m'étais interrogée sur le bien-fondé de la distinction entre plusieurs degrés d'urgence pour accorder ces contrats, ayant toujours constaté que plus les personnes étaient encore proches de l'emploi, plus vite elles pouvaient y retourner. Je constate que, bien qu'avec un peu de retard, le bon sens a prévalu.
Parmi les motifs de satisfaction que je relève à l'examen de ce dispositif, je voudrais citer les améliorations tout à fait notables qui ont été proposées par le rapporteur de la commission des affaires sociales, mon collègue et ami Bernard Seillier. Je les énumérerai brièvement, car, bien qu'elles vous aient déjà été présentées, je voudrais insister sur le fait qu'elles prennent en compte la réalité des personnes visées par l'intéressement.
Mettre la prime de 1 000 euros au premier mois et non au quatrième permet réellement de faire face aux frais occasionnés par un retour à l'emploi ; majorer le dernier versement de la prime forfaitaire permet d'esquisser un lissage, nécessaire pour éviter une rupture brusque de ressources. Perdre 150 euros par mois alors que l'on s'est habitué à les avoir peut paraître peu ; mais ramené à un budget de quelques centaines d'euros par mois, cela constitue un différentiel considérable.
Pour ma part, j'eusse préféré que l'on crée un dernier palier prolongeant le versement de la prime de trois mois avec un montant minoré, 75 euros par exemple, ce qui aurait eu deux avantages.
Le premier aurait été de calquer la durée du nouveau dispositif sur celui qui existait antérieurement puisque, en fonction de la date de début du contrat, l'intéressement pouvait aller jusqu'à quinze mois et que, en général, la date était choisie en vue de permettre le bénéfice de la prolongation.
Le second avantage était d'éviter une baisse trop brutale des ressources, dont j'ai mentionné précédemment les risques sur des budgets très serrés. Mais la fixation du nombre de mois de versement de la prime comme du montant de cette dernière relève du décret !
Rien n'empêche d'espérer, madame la ministre, qu'après quelques mois de fonctionnement du nouvel intéressement vous revoyiez ces modalités, comme cela vient d'être fait pour diverses mesures dans le titre V du projet de loi. Il n'est jamais interdit de changer d'avis. (Mme la ministre déléguée sourit.)
Ensuite, je rejoins également le rapporteur sur la clarification qu'il introduit en supprimant la possibilité de fixer un salaire maximum au-delà duquel les primes d'intéressement ne seront pas versées, un tel dispositif présentant le risque réel que les employeurs ajustent les rémunérations proposées en fonction du versement de ces primes. Mieux vaut éviter d'emblée cet effet d'aubaine.
Enfin, madame la ministre, monsieur le rapporteur, je vous remercie d'avoir défendu le périmètre de ce texte, afin de laisser au groupe de travail sur les minima sociaux, qui rendra ses conclusions le mois prochain, l'initiative des propositions d'évolution des droits connexes. Il en va d'ailleurs de même pour la partie sur laquelle portent les conclusions de la mission confiée à MM. Michel Mercier et Henri de Raincourt.
Aborder la question des droits connexes m'amène tout naturellement à vous faire part de mes regrets quant à l'examen aujourd'hui de ce texte.
Tout d'abord, mon premier regret porte bien évidemment sur le calendrier. Vu la date à laquelle la Haute Assemblée est saisie du projet de loi, je déplore que, à quelques semaines d'intervalle, nous n'ayons pu examiner un texte global, comportant tous les volets ayant trait à l'environnement des minima sociaux : intéressement, accompagnement et droits connexes.
M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
M. Bernard Cazeau. Le Gouvernement est pressé !
Mme Valérie Létard. Ce texte aurait pu reprendre, à bon escient, les propositions tant de notre groupe de travail que de la mission confiée à nos collègues Michel Mercier et Henri de Raincourt sur les problématiques de l'accompagnement et des sanctions.
En effet, en remettant l'ouvrage deux fois sur le métier, le risque n'est pas négligeable que nous ayons plus de difficultés à garder une cohérence entre toutes les mesures d'ajustement qui seront nécessaires pour rendre l'ensemble des minima sociaux plus adaptés au retour à l'activité.
Or si une constatation peut être tirée du rapport de mai dernier, c'est bien que l'empilement de dispositifs, quand ils ne sont pas coordonnés, chacun visant à répondre à un type de public particulier, crée des distorsions réelles que les situations individuelles ne justifient pas et que nos concitoyens ressentent comme autant d'injustices et de passe-droits incompréhensibles. Il nous faut rechercher l'efficacité, cela est certain, mais sans perdre de vue le fait que le dispositif doit aussi se rapprocher, autant que faire se peut, d'une plus grande équité pour déboucher à terme sur l'objectif final : à revenu égal, droits égaux.
Mon deuxième regret concerne le calibrage du dispositif d'intéressement.
Le Gouvernement a clairement choisi de proposer un intéressement qui soit le plus favorable possible pour les personnes au-delà d'un mi-temps et tendant vers le plein temps.
En soi, cela ne me dérangerait pas, puisque cela traduit la volonté d'inciter fortement à la reprise d'activité, ce qui est, pour moi, le but ultime vers lequel nous devons tendre.
Mais pour atteindre cet objectif, on se heurte à la réalité des emplois proposés aux personnes bénéficiaires de minima sociaux. Et là, force est de constater, comme le font toutes les grandes associations qui accompagnent ces publics, que le retour à l'emploi ne se fait quasiment jamais par l'intermédiaire d'un CDI à temps plein, que les personnes dans les situations les plus précaires ne retrouvent bien souvent que des emplois sur des temps très partiels, parfois seulement quelques heures par semaine.
Or le dispositif du projet de loi exclut de la prime de 1 000 euros tous les salariés qui n'atteignent pas un mi-temps : autant dire tous ceux qui sont les plus fragilisés. (Eh oui ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Par ailleurs, en laissant sous la barre des 78 heures un intéressement variable en fonction du nombre d'heures travaillées, le système demeure, pour ces personnes, aussi opaque qu'auparavant.
Pour avoir tenté de réfléchir à une solution alternative, je sais combien cela est complexe. Je pense néanmoins que, si l'on veut ramener vers l'activité la frange la plus fragile de notre société, nous ne pourrons pas faire l'économie d'un mécanisme les prenant en compte.
M. Michel Mercier. Très bien !
Mme Valérie Létard. J'en viens à mon troisième regret, et il n'est pas des moindres : je voudrais vous alerter sur l'utilisation de la procédure d'urgence lorsqu'elle est combinée avec le dépôt par le Gouvernement d'amendements de dernière minute, pour lesquels la commission des affaires sociales n'a plus le temps matériel de procéder à des auditions et à une réflexion. Nous sommes littéralement mis devant le fait accompli. C'est le cas aujourd'hui pour l'amendement n° 96, qui prévoit d'autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions pour expérimenter un contrat de transition professionnelle.
M. Roland Muzeau. Tout à fait !
Mme Valérie Létard. Sans même entrer dans le débat pour savoir ce que ce nouveau système apporte en bien ou en mal - et pour cause -, son introduction au Sénat dans un projet de loi déclaré d'urgence signifie que nos collègues députés ne pourront même pas en débattre. (M. Jean-Pierre Godefroy acquiesce.)
Quant à nous, le dépôt de cet amendement étant intervenu après l'achèvement des travaux de la commission des affaires sociales, nous n'aurons pas davantage eu l'occasion d'approfondir cette question.
M. Alain Vasselle. Eh oui !
Mme Valérie Létard. Il y a là un paradoxe, lorsque l'on sait que nous allons encore être saisis de plusieurs textes comportant des mesures relatives au droit du travail, à commencer par l'examen du projet de loi relatif à l'égalité des chances.
M. Guy Fischer. Ne parlons plus de droit du travail !
Mme Valérie Létard. On peut souhaiter aller vite pour des considérations politiques qui échappent largement à la logique parlementaire ; mais quand un gouvernement « zappe » le débat au Parlement, il n'aide pas nos compatriotes à comprendre et donc à défendre notre système démocratique. Permettez-moi de le regretter.
M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
M. Guy Fischer. Nous espérons que le groupe de l'UC-UDF votera contre ce texte !
Mme Valérie Létard. Après ces différentes remarques, je reviendrai maintenant aux dispositions du projet de loi pour formuler deux propositions et poser deux questions ayant trait au mécanisme d'intéressement.
Ma première proposition a peu de chance d'être adoptée, puisqu'elle prévoit en effet de supprimer l'une des mesures phares du projet de loi, à savoir, à l'article 1er, la prime de 1 000 euros versée à tout bénéficiaire du RMI, de l'ASS et de l'API qui reprend une activité au moins à mi-temps.
J'ai dit précédemment que le versement à partir du quatrième mois me paraissait déjà problématique. Mais s'agissant de la prime elle-même, je suis aussi très réservée.
Depuis mon arrivée au Sénat, j'ai toujours essayé de proposer des dispositifs pérennes, surtout lorsqu'ils s'adressent à des personnes en situation de précarité. Mon expérience et les contacts que je conserve avec mes anciennes collègues assistantes sociales m'amènent à considérer que ce sont les seules mesures qui soient efficaces. Pourquoi ? Parce qu'elles permettent au bénéficiaire d'un minimum social de savoir qu'il ne se retrouvera pas avec des ressources fluctuantes au détour de ses périodes d'activité. C'est en effet ce que vivent les personnes au RMI, ballottées entre inactivité et contrats précaires, ce qui les empêche de se projeter durablement dans l'avenir. Au contraire, il faut assurer à ces personnes le maintien de leurs capacités à se loger ou à se soigner lorsqu'elles acceptent de s'engager dans un emploi précaire.
Voilà pourquoi j'ai souhaité déposer un amendement visant à supprimer la prime ponctuelle de 1 000 euros pour la remplacer par un relèvement du plafond en dessous duquel les salariés modestes continuent d'être aidés pour financer leur couverture complémentaire de santé.
C'est, vous vous en doutez, madame la ministre, un amendement d'appel : il vise à signifier notre préférence pour des mesures pérennes d'accompagnement dans le retour à l'activité.
S'agissant du mécanisme d'intéressement forfaitaire de 150 euros, j'ai déjà expliqué nos réticences quant au seuil fixé à 78 heures, et je n'y reviendrai pas.
Sur le dispositif de l'article 6 concernant un accès préférentiel aux modes de garde collective, je suis, comme nombre de mes collègues membres de la commission des affaires sociales, dubitative sur l'application effective de la rédaction retenue par l'Assemblée nationale.
Personnellement, je préférerais un dispositif prenant d'abord en compte les réalités locales et s'appuyant sur la situation existante.
Les caisses d'allocations familiales ont déjà mis en oeuvre un effort en faveur des enfants de parents chômeurs ou bénéficiaires de minima sociaux, que ce soit par l'entremise de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion pour la période 2005-2008 ou, au niveau local, par la mise en place de la prestation de service unique.
La rédaction actuelle de l'article, en prévoyant le recours à un décret pour fixer le contour de la nouvelle obligation, me gêne. En effet, les situations locales peuvent être extrêmement diverses, en particulier entre les zones urbaines et les zones rurales.
Dans ces conditions, il serait à mon avis préférable de renvoyer aux conventions de financement passées au niveau local le soin de déterminer la manière de garantir l'accès aux modes de garde collectifs, et aussi de déterminer, quand ces derniers n'existent pas ou trop peu, des solutions alternatives.
Enfin, madame la ministre, je souhaiterais vous poser deux questions.
La première me tient particulièrement à coeur, et j'aimerais recevoir de votre part des assurances très précises. Il s'agit de la neutralisation des ressources. En effet, ce point est fondamental. Si l'on veut que le système soit vraiment incitatif, il ne faut pas que le complément de ressources procuré par l'intéressement disparaisse parce qu'une autre prestation serait minorée à due concurrence. Pour cela, il faut s'assurer que les primes d'intéressement prévues par le texte seront bien exclues du montant des ressources prises en compte pour le calcul d'autres prestations sociales, à l'image de ce que prévoit le décret n° 2005-1053 pour la prime de retour à l'emploi instaurée l'été dernier.
Pouvez-vous, madame la ministre, répondre aux questions suivantes ?
Le dispositif de neutralisation sera-t-il le même que celui qui a été instauré par le décret d'août 2005 ? Si oui, ce décret n'ayant pas prévu la neutralisation de la prime pour le calcul des ressources pour le complément familial, l'allocation de rentrée scolaire et la couverture maladie universelle, ces prestations seront-elles maintenues dans le calcul des ressources du nouveau dispositif, ou le décret à venir les exclura-t-il aussi ? C'est un point important sur lequel il n'a été que partiellement répondu lors du débat à l'Assemblée nationale.
Ma seconde question portera sur les aspects financiers de ce texte. Mon collègue Michel Mercier présentera un amendement visant à clarifier le montant de l'allocation versée à un bénéficiaire du RMI, lorsque celui-ci signe un contrat d'avenir. En outre, madame la ministre, lors du débat à l'Assemblée nationale, vous vous êtes engagée à ce que, concernant les départements, le nouvel intéressement n'entraîne « aucun surcoût ». « Nous ne faisons que basculer d'un système vers un autre », avez-vous dit.
Mme Valérie Létard. Pouvez-vous, madame la ministre, nous expliquer quels paramètres vous permettent d'être affirmative, alors que les présidents de conseils généraux - ils ne me contrediront pas - sont dans leur ensemble, quelle que soit leur couleur politique, beaucoup moins certains que l'opération sera blanche pour leurs finances ? Nous attendons avec intérêt vos explications.
Telles sont les quelques réflexions et interrogations que je souhaitais faire partager à la Haute Assemblée.
Pour le reste, le groupe UC-UDF soutiendra, bien que sans enthousiasme pour les raisons évoquées précédemment, la démarche du Gouvernement.
M. Guy Fischer. Vous tenez un double langage !
Mme Valérie Létard. Il le fera avec d'autant plus de conviction que les amendements présentés par M. le rapporteur auront été adoptés.
Tout effort pour simplifier et améliorer notre système de minima sociaux, si petit soit-il, mérite en effet d'être encouragé.
En ce qui me concerne, je vous ai bien entendue, madame la ministre, et j'attends avec impatience de pouvoir aborder les questions de l'accompagnement et des droits connexes, que les propositions de loi sénatoriales actuellement en préparation devraient améliorer avec, je l'espère votre soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Madame la ministre, le préambule de la Constitution fait référence au droit pour tout citoyen « d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ».
Dans nos sociétés qui transfigurent la réussite en valeur ultime de l'existence humaine et où domine en permanence le discours justificateur de la richesse, ce droit constitue pour 6 millions de femmes et d'hommes la seule preuve de leur appartenance au corps social.
Face à la précarité et à l'exclusion, les sénateurs socialistes ont su en leur temps faire adopter des dispositions de référence avec, entre autres, la loi sur le RMI, votée en novembre 1988, et la loi sur la CMU, votée en juin 1999.
Le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui non seulement prend le problème de manière très incomplète, « par le petit bout de la lorgnette », mais encore fait fi d'une véritable volonté de redonner une dignité par le travail à tous ceux qui, de nos jours, n'ont pour seul revenu que les minima sociaux.
À ce stade, je noterai le caractère désordonné, voire l'empressement mis par le Gouvernement à traiter de ce sujet.
Dans le même temps, des parlementaires en mission et un groupe de travail constitué au sein de la commission des affaires sociales du Sénat réfléchissent à la même question. Il eut peut-être été plus judicieux d'attendre les conclusions des uns et des autres afin de traiter globalement du problème sans en parcelliser les approches.
Le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui est d'abord le signe de l'échec patent de la politique de l'emploi menée depuis trois ans ; et ce ne sont pas les arguties statistiques que le Gouvernement nous présente régulièrement qui feront changer la donne.
Tout le monde sait que l'emploi industriel est au point mort et que, depuis 2002, 150 000 personnes ont rejoint le million de RMIstes que compte notre pays : aujourd'hui, 7,2 millions de personnes vivent avec moins de 720 euros mensuels.
Ni l'urgence déclarée ni l'intérêt général à intervenir aussi vite que possible ne dispensent le Gouvernement et la Haute Assemblée à agir avec discernement, notamment en définissant exactement le rôle et la place des minima sociaux dans le système de protection sociale de notre pays. Or, madame la ministre, vous nous laissez dans l'inquiétude et dans l'incertitude.
En effet, à l'heure actuelle, un nombre important de bénéficiaires des dispositifs d'insertion semble avoir intérêt à demeurer dans cette situation pour ne pas perdre les revenus de la solidarité nationale. Selon le rapport Hirsch, ces « trappes à inactivité » pénalisent un million de personnes. Pour eux, les minima sociaux sont devenus des maxima indépassables.
Par extension, cette « incitation à l'immobilité » touche tous ceux qui souhaitent reprendre un emploi. Ainsi, toujours selon le rapport Hirsch, pour un couple de RMIstes qui souhaitent reprendre leur activité à mi-temps, le surplus de rémunération passe d'environ 300 euros mensuels au cours des trois premiers mois à 20 ou 50 euros après cette période en raison de la suppression de leur droit à la couverture maladie universelle ou du recours à un système de garde d'enfants. Des études sur des cas types montrent qu'un allocataire du RMI perd du revenu quand il reprend un emploi à quart temps et n'en gagne pas s'il travaille à mi-temps.
On comprend dès lors qu'il s'agit d'un cercle vicieux. En tentant d'aider les plus démunis à travers des mécanismes de compensation, on risque de créer des situations de dépendance, sans avoir pour autant la certitude d'éliminer totalement l'exclusion. Et le projet de loi n'échappe pas à ce travers, madame la ministre. En réalité, il pérennise ce système de plusieurs manières.
Premièrement, le Gouvernement nous demande de voter un texte préparé dans l'improvisation la plus totale. Aucun bilan préalable n'a été réalisé concernant les dispositifs existants, notamment ceux qui sont issus de la loi d'orientation de 1998, relative à la lutte contre les exclusions. Aucune étude sur les conséquences du dispositif proposé pour les allocataires n'a été réalisée. Pourtant, il aurait été indispensable que de telles analyses nous fussent présentées avant d'engager le débat.
Nous regrettons en outre l'absence de consultation des conseils généraux, s'agissant du financement de ce projet, mais également des grandes associations qui auraient, elles aussi, souhaité s'exprimer.
Madame la ministre, vous avez affirmé à plusieurs reprises que quelque 140 000 personnes - soit à peine 4 % des 3,3 millions d'allocataires des minima sociaux - devraient être concernées par cette mesure, dont le coût serait de 240 millions d'euros, à la charge de l'État. C'est peu au regard de l'étendue et de la gravité du problème.
On peut aussi se demander pourquoi ni le document budgétaire de la mission « Travail emploi » pour 2006 ni l'article 92 du projet de loi de finances pour 2006, relatif à l'extension du champ des financements du fonds de solidarité à l'activation de l'ASS, ne mentionnent « la prime de retour à l'emploi » et « la prime forfaitaire » destinées aux bénéficiaires de l'ASS reprenant un emploi, aucune dotation n'étant par ailleurs prévue à cette fin pour 2006. En outre, la subvention d'équilibre de l'État pour le fonds de solidarité en 2006 est réduite de 10 %, ce qui est contradictoire.
Tout cela donne l'impression d'un projet de loi bâclé dans la seule idée de délivrer aux Français le fameux « signal fort » dont ce gouvernement est coutumier.
Deuxièmement, dans l'exposé des motifs, vous affirmez que l'actuel mode d'intéressement est trop complexe, et nous sommes d'accord avec vous sur ce point. Pourtant, avec l'article 1er du présent projet de loi, vous le maintenez pour tous ceux qui travailleront moins de 78 heures.
Or, une grande partie des bénéficiaires des minima sociaux ne retrouvent un emploi qu'à temps partiel. Ils ne profiteront donc ni de la prime de retour à l'emploi ni de la prime forfaitaire. Doit-on par ailleurs considérer comme un hasard que le seuil de 78 heures retenu par le Gouvernement corresponde au chiffrage des demandeurs d'emploi de catégorie 1, soit la statistique officielle mensuelle du chômage ?
À cet égard, il aurait peut-être été plus intéressant de subordonner le bénéfice du nouveau dispositif d'intéressement à un niveau de ressources plutôt qu'à un nombre d'heures travaillées. Toutefois, faute d'études sur des cas concrets et comparés, nul ne peut dire ce qu'il en aurait été si l'on avait retenu d'autres critères.
La même remarque vaut pour les coûts résultant de la reprise d'un emploi, qui sont élevés et effectifs dès le début de la période d'activité professionnelle, comme Mme Létard vient de le rappeler. Devoir attendre trois mois pour financer sa reprise d'emploi constitue un frein à la recherche d'activité. Nous proposerons donc de ramener l'attribution de cette prime à un délai raisonnable d'un mois.
La clarté que vous vouliez instaurer dans les conditions initiales est déjà mise à mal tant pour les travailleurs sociaux que pour les allocataires. Ce sera une difficulté supplémentaire, à moins qu'il ne s'agisse, comme ce fut le cas pour les chômeurs avec la loi de programmation pour la cohésion sociale, de nous faire croire à l'existence de bons et de mauvais pauvres, tous les moyens étant bons pour culpabiliser ces derniers. Tel est le cas de la sanction prévue à l'article 10 bis du présent projet de loi, en cas de bénéfice frauduleux de la prime de retour à l'emploi ou de la prime forfaitaire due aux bénéficiaires de l'ASS. Le montant envisagé de l'amende - 3 000 euros - est insensé ! Des sanctions sont certes indispensables lorsque des détournements organisés sont avérés. Toutefois, s'agissant de personnes simples dont les ressources mensuelles s'élèvent au maximum à 650 euros, une telle somme est disproportionnée. Vous êtes-vous posé la question de savoir comment elles pourraient l'acquitter ? Madame la ministre, une sanction doit être applicable. Tous les maires le savent bien, et ils en tiennent compte lorsqu'ils exercent leur pouvoir de police.
Une telle mesure relève, elle aussi, de l'affichage. En effet, selon une étude récente de la caisse nationale d'allocations familiales, les escroqueries représentent un phénomène marginal. (Mme Sylvie Desmarescaux s'exclame.) Il n'y a donc aucune concordance entre la gravité des faits et le montant des amendes envisagées. En revanche, madame la ministre, le dispositif prévu par le présent projet de loi, aggravé par les amendements de votre majorité à l'Assemblée nationale, reflète tout à fait l'état de défiance de celle-ci à l'égard de nos compatriotes dans le besoin.
Troisièmement, et certains des orateurs qui m'ont précédé l'ont souligné, si l'on ne peut qu'approuver le principe du dispositif relatif à la garde des enfants des bénéficiaires de l'API, du RMI ou de l'ASS qui est prévu à l'article 6, on peut s'interroger sur la priorité d'accès, concept incertain sur lequel le texte n'apporte pas de véritables précisions.
Par ailleurs, l'application de ce droit ne sera pas aisée dans la mesure où, tout le monde le sait, les offres de service d'accueil souffrent plutôt d'un déficit de capacité. Dégager des marges dérogatoires ne doit pas se traduire par une réduction des droits d'autres personnes. L'intention est donc bonne, mais les obstacles qui s'élèveront lors de la mise en oeuvre de cette disposition peuvent faire craindre que l'on n'en reste à la simple intention.
À terme, vos mesures déclencheront un effet d'aubaine pour les entreprises. En effet, ces dernières pourront bénéficier d'un personnel corvéable, au statut précaire - contrats nouvelles embauches, postes de stagiaires, temps partiel subi, intérim -, occupant un emploi mal rémunéré et doté d'un « argent de poche » accordé de manière homéopathique. Tout cela nous renvoie très loin en arrière.
Madame la ministre, plus que la perception d'un revenu régulier, la participation durable et stable des citoyens au monde de l'emploi revêt toujours une signification humaine essentielle. En effet, décrocher un CDI continue de marquer le franchissement d'une étape personnelle et sociale permettant la maîtrise de l'existence et l'inscription durable dans un « projet de vie ».
Derrière vos mesures se dissimule en fait une autre acceptation, plus tacite : une fraction importante de la population en âge de travailler est définitivement invalidée ou reléguée dans le sous-emploi. En fait, votre projet de loi nous dirige vers le travailleur pauvre.
Longtemps édulcorée, la question sociale est revenue au coeur du débat politique. À de nombreuses occasions, on a pu sentir le désir d'action publique, la nécessité de réintroduire du collectif porteur d'avenir. Et la seule perspective acceptable est celle qui s'édifie sur un projet politique dont la préoccupation centrale reste précisément l'accession à la dignité de tous nos concitoyens.
Madame la ministre, avant d'imposer de nouvelles contraintes aux allocataires des minima sociaux, il aurait été souhaitable de vérifier que l'offre d'emplois était satisfaisante.
Mme Raymonde Le Texier. Eh oui !
M. Bernard Cazeau. Or, tel n'est pas le cas,...
Mme Raymonde Le Texier. Cela ne risque pas !
M. Bernard Cazeau. ... et ce ne sont pas les mesures prises dans ce texte qui permettront de pourvoir les 500 000 postes restant vacants chaque année.
Madame la ministre, ce projet de loi est une des illustrations des choix effectués par le Gouvernement depuis 2002. Alors que vous promettiez, dans cette enceinte, de rétablir la société de confiance, votre plus grande faute aura été de manquer à tous les principes de solidarité qui justifient le contrat républicain.
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. Bernard Cazeau. Le Gouvernement s'est montré injuste avec les plus fragiles et prévenant à l'égard des plus privilégiés. Dans ces conditions, vous comprendrez aisément que le groupe socialiste s'oppose fermement à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis 2002, la priorité du Gouvernement et de la majorité est la mobilisation nationale pour l'emploi.
Les chiffres du marché du travail sont en la matière encourageants, après huit mois ininterrompus de baisse du chômage.
Pour autant, il reste beaucoup à faire, et nombreux sont ceux qui demeurent exclus du marché du travail, ce qui n'est pas tolérable.
Si le dispositif français de minima sociaux est généreux, il demeure perfectible. Face à la détresse de ces hommes, de ces femmes, de ces jeunes, sans emploi et dans des situations souvent précaires, notre système d'aide permet de ne laisser personne au bord du chemin.
Toutefois, il ne réunit pas encore tous les atouts nécessaires à une réinsertion professionnelle efficace.
Dans ce contexte, le suivi personnalisé des chômeurs mis en place par le Gouvernement depuis quelques mois devrait porter ses fruits. Grâce à un interlocuteur unique qu'ils rencontreront fréquemment, les chômeurs ne souffriront plus de l'anonymat. Ils se sentiront soutenus et, surtout, respectés.
Mais cela ne suffit pas. Il faut en effet reconnaître que le retour à l'emploi a un coût : les charges liées à la garde des enfants et aux transports, les frais vestimentaires, etc. Sans dispositif supplémentaire, il peut être plus avantageux de continuer à toucher une aide que de recommencer à travailler.
Quand le retour à l'emploi est synonyme de pertes de revenus, peut-on reprocher à l'intéressé de renoncer à une réinsertion professionnelle ?
Lors de son intervention du 1er septembre, le Premier ministre déclarait ceci : « Je veux qu'il soit plus intéressant et plus facile de travailler que de vivre d'un revenu d'assistance. »
M. Henri de Raincourt. Bien sûr !
M. Alain Gournac. Le retour à l'emploi est une priorité absolue qui exige une mobilisation sans précédent de notre majorité. Un milliard d'euros a été affecté en 2005 à la mise en oeuvre de la première phase du plan de cohésion sociale. En 2006, 3 milliards d'euros seront nécessaires pour poursuivre cette action, et vous-même, madame le ministre, consacrerez 240 millions d'euros à la mise en oeuvre du projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui.
Ce texte valorise directement le retour à l'activité. Très attendu, il comporte de réelles avancées, notamment sur le plan financier, pour les bénéficiaires des minima sociaux qui retrouvent une activité.
Il sera complété très prochainement par un texte sur la refonte des minima sociaux, issu des travaux de nos excellents collègues MM. Henri de Raincourt et Michel Mercier, qui visera à renforcer les droits mais également les devoirs des bénéficiaires des différentes aides en question.
Aujourd'hui, on recense plus de 3,3 millions d'allocataires, ce qui, avec les conjoints et les enfants, représente 6 millions de personnes.
Dans un rapport récent, notre collègue et amie Valérie Létard a procédé à un examen précis de l'ensemble des minima sociaux. Chacun est à même de constater la complexité du système et, dans bien des cas, son manque de cohérence. Rien ne permet d'expliquer de façon rationnelle les différences de montant entre les prestations. Quant aux effets de seuils, ils sont dévastateurs !
Il existe déjà un dispositif d'intéressement pour favoriser le retour à l'emploi qui ne rencontre malheureusement pas de réels succès, malgré plusieurs réaménagements.
Le texte qui nous est présenté aujourd'hui rénove considérablement les instruments d'incitation au retour à l'emploi, en instaurant un dispositif simple et identique pour les trois minima sociaux : le RMI, l'allocation de parent isolé et l'allocation de solidarité spécifique.
La période de cumul du salaire et du minimum social est d'une durée identique dans les trois cas.
Il est ainsi prévu, pour favoriser la reprise du travail, de verser au quatrième mois une prime de 1 000 euros. Cette prime est complétée par un bonus de 150 euros par mois pendant une durée d'un an.
En accompagnant financièrement le retour à l'emploi, le projet de loi offre la possibilité de le stabiliser et de le rendre durable.
L'effort est loin d'être anodin. Rémunérés 6 150 euros nets par an, les smicards à mi-temps disposeront d'un revenu complémentaire de 3 600 euros pendant la première année, ce qui représente 60 % de leur salaire. C'est une véritable incitation ! (Mme Gisèle Printz s'exclame.)
L'effet incitatif de cette mesure est complété par les mesures prises dans la loi de finances pour 2006 : la prime pour l'emploi est augmentée de 50 % pour un SMIC à temps plein et de 80 % pour un SMIC à mi-temps (Exclamations dubitatives sur les travées du groupe CRC) ; un crédit d'impôt de 150 euros est instauré, notamment pour les titulaires de minima sociaux depuis plus de douze mois qui sont amenés à déménager à plus de deux cents kilomètres pour reprendre un travail.(Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Concernant les charges pesant sur les départements, vous nous avez rassurés, madame le ministre, puisque la réforme a été conçue afin de n'introduire aucun surcoût pour les conseils généraux.
Vous nous avez également rassurés s'agissant du rétablissement immédiat des minima sociaux en cas d'échec de la réinsertion professionnelle.
Nous nous félicitons par ailleurs de la prise en compte des difficultés que peuvent rencontrer certains parents, lors d'un retour à l'emploi, pour faire garder leurs enfants non scolarisés. La garde des enfants représente en effet un coût dont il faut se préoccuper.
Le problème de la garde des enfants se pose également lorsque l'on se rend à un entretien d'embauche, et j'avais d'ailleurs évoqué ce point devant la commission des affaires sociales. M. le rapporteur propose que l'on réserve quelques places d'urgence pour les personnes concernées. Nous espérons que cet amendement pourra aboutir, car il répond à des difficultés concrètes rencontrées sur le terrain : en effet, des demandeurs d'emploi peuvent être amenés à renoncer à se rendre à un rendez-vous en raison d'un problème de garde d'enfant.
Par ailleurs, j'espère que le texte annoncé sur les minima sociaux traitera du problème de la formation de leurs bénéficiaires. On ne peut plus laisser un allocataire s'enliser dans la précarité sans mettre en place un parcours d'accompagnement personnalisé. Il est urgent de lui proposer une formation, et ce dès le début de son parcours.
Je dirai un mot sur les droits et les devoirs. Dès lors que sont mis en place un système très incitatif sur le plan financier et un parcours d'accompagnement, et que le recours aux contrats aidés est facilité, nous avons un devoir de contrôle.
La création d'un régime de sanctions administratives et l'harmonisation des sanctions pénales répondent à cette exigence. Je me félicite que le conseil général soit désormais destinataire des informations résultant des opérations de contrôle.
Enfin, plusieurs aménagements opportuns à la loi de programmation pour la cohésion sociale sont soumis à notre approbation. Je note plus particulièrement l'assouplissement du contrat d'avenir dont la durée minimale pourra être réduite à trois mois et dont le renouvellement est facilité.
Madame le ministre, vous seriez étonnée que je n'aborde pas maintenant la question des ateliers et des chantiers d'insertion. Il s'agit d'initiatives particulièrement utiles pour accompagner le retour à l'emploi, et il faut donc les encourager ; pour ma part, je les ai énormément favorisées dans mon département, ce qui a permis de sauver des personnes très éloignées de l'emploi.
Madame le ministre, il est bon de ramener à vingt heures la durée hebdomadaire minimale du contrat d'avenir pour les chantiers d'insertion. Cette mesure, réclamée par les professionnels du secteur, devrait être étendue aux contrats d'accompagnement dans l'emploi.
La suppression de l'obligation d'agrément pour les salariés en contrat d'avenir dans les chantiers d'insertion est également bienvenue. Cette dernière mesure tendra à alléger une contrainte administrative trop souvent imposée aux communes.
Par ailleurs, l'amendement de notre excellent rapporteur, M. Bernard Seillier, qui tend à autoriser les départements à gérer directement des ateliers et des chantiers d'insertion me paraît mériter l'approbation de notre assemblée.
Malgré ces nouvelles mesures positives, je souhaiterais, madame le ministre, appeler votre attention sur les difficultés rencontrées par les associations représentant les ateliers et les chantiers d'insertion. L'augmentation des coûts de fonctionnement menace en effet l'équilibre économique de ces associations. Il est très important qu'une réflexion approfondie soit menée sur ce sujet et aboutisse à des décisions concrètes afin d'aider ce secteur particulièrement important pour la réinsertion professionnelle.
Je souhaiterais clore mon propos en saluant la grande qualité du travail de M. le rapporteur...
M. Alain Gournac. ... et la sensibilité remarquable de son approche. Je tiens aussi à vous remercier, madame le ministre, de proposer au pays, avec ce texte, une avancée très importante en matière de retour à l'emploi. Vous pouvez donc compter sur le soutien du groupe UMP dans son ensemble. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de ses voeux à la presse, le 10 janvier 2006, le Premier ministre estimait que l'année 2006 devait être « une année utile », qu'elle devait être « une année de vérité, et une année de détermination et de courage ». Nous le souhaitons pour nos concitoyens et pour notre pays. Il est en effet indispensable de renouer notamment avec la justice sociale, la croissance, le développement économique et le désendettement.
Madame la ministre, le 29 novembre 2005, lors de la première lecture ce texte à l'Assemblée nationale, vous reconnaissiez qu'il y avait « urgence sociale ». Permettez-nous de saluer votre lucidité.
En effet, cette « urgence sociale » sonne comme un dépôt de bilan de votre politique sociale et économique (Exclamations sur les travées de l'UMP) qu'inspire la vieille idéologie libérale alliée à un esprit revanchard contraire à l'intérêt général, notamment à celui des plus fragiles. Depuis 2002, votre politique n'a créé aucun emploi. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. C'est comique !
Mme Christiane Demontès. Pis, vous en avez détruit. Selon la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, la DARES, depuis que vous êtes aux responsabilités, le solde négatif en matière d'emplois avoisine les 40 000. Oserai-je rappeler qu'entre 1997 et 2002 deux millions d'emplois avaient été créés ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Guy Fischer. C'est toujours plus que vous n'en avez créés !
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Des fonctionnaires...
Mme Christiane Demontès. Actuellement, le taux de chômage serait de 9,6 %. Notre collègue Alain Gournac vient de se réjouir à l'instant de la « baisse continue du chômage depuis plusieurs mois ».
M. Henri de Raincourt. Depuis huit mois !
Mme Christiane Demontès. Ce chiffre masque bien mal la manipulation statistique évidente. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Oh là là !
M. Henri de Raincourt. Ben voyons !
M. Guy Fischer. C'est la vérité !
Mme Christiane Demontès. Mais oui, mes chers collègues !
En effet, près de la moitié des sortants de l'ANPE - 41,6 % - le sont pour « absence au contrôle », et plus de 8 % pour « radiation ». S'ajoutent à cela les 400 000 « quinquas » dispensés de recherche d'emploi qui échappent aux statistiques.
Enfin, les premiers effets de l'inversion démographique et de la transformation du baby-boom en papy-boom se font sentir ; mais cela ne vous incombe pas, madame la ministre !
M. Henri de Raincourt. C'est Jospin !
Mme Christiane Demontès. Faut-il vraiment se réjouir de ce taux alors que, dans une note en date du 10 décembre, l'INSEE s'était interrogé sur les mystères de « la gestion administrative des demandeurs d'emploi par l'ANPE » ? Faut-il se féliciter, quand le nombre de chômeurs de longue durée a augmenté de plus de 9 % en un an, de voir plus de 40 % des demandeurs d'emploi ne relevant plus du système d'indemnisation UNEDIC entrer dans les dispositifs de solidarité ?
Au-delà de ce triste bilan, nous rencontrons la réalité quotidienne de nos concitoyens. Ceux-ci ont désormais peur de la pauvreté. S'ils n'y sont pas déjà plongés, ils craignent de devoir l'affronter un jour ou bien que leurs enfants, demain, n'y soient confrontés.
Face à cette situation, vous dites vouloir engager « la bataille pour l'emploi » ; mais n'est-ce pas déjà ce que vous vouliez ou deviez faire depuis 2002 ? Dès son discours d'investiture, le Premier ministre de l'époque, notre collègue M. Jean-Pierre Raffarin, n'avait-il pas pour objectif « le plein emploi » et la « revalorisation du travail » ? Or, pour revaloriser le travail, il s'agit en tout premier lieu de le créer, de le maintenir, ou tout au moins de tout mettre en oeuvre pour en faciliter la création. La vielle idéologie libérale qui vous tient lieu de vade-mecum a dévalorisé et précarisé le travail de millions de femmes et d'hommes salariés de notre pays.
Avec ce texte, nous espérions que vous alliez rompre avec cette logique de casse sociale et économique, que vous alliez faire preuve, pour reprendre les termes de votre collègue Jean-Louis Borloo voilà quelques jours, « d'humanisme et de sens social ».
M. Guy Fischer. C'est de la flûte ou du pipeau ?
Mme Christiane Demontès. Or, comme nous allons le voir et comme cela a déjà été dit par d'autres orateurs à cette tribune, tel n'est pas le cas.
Avant d'aborder le fond de ce texte, permettez-moi de m'arrêter quelques instants sur sa forme. D'autres l'ont indiqué avant moi, la discussion de ce projet de loi pour lequel l'urgence a été déclarée a commencé devant l'Assemblée nationale le 20 novembre 2005 au moment même où nos collègues Michel Mercier et Henri de Raincourt, face à une telle précipitation, avaient envisagé de renoncer à l'élaboration du rapport qui leur avait été confié par le Premier ministre et fait connaître leur intention de démissionner. Pourquoi ne pas avoir attendu la fin de leurs travaux ?
Pourquoi ne pas avoir attendu non plus le dépôt des conclusions du groupe de travail que préside notre collègue Valérie Létard ? À quoi donc sert le travail parlementaire ? (M. Bernard Cazeau s'exclame.) Pourquoi ne pas avoir consulté les grandes associations qui oeuvrent depuis des années auprès des personnes éloignées de l'emploi et qui, pour nombre d'entre elles, constituent une force de proposition ? Cette précipitation procéderait-elle de la course à l'échalote entre ministères ou bien serait-elle dictée par la nécessité de multiplier les effets d'annonces ?
Notre pays compte 6 millions d'exclus. Près de 10 % de nos concitoyens survivent avec les minima sociaux.
Penser que le temps partiel constitue la réponse adéquate au drame de l'exclusion du marché de l'emploi et de la précarité et en faire la règle du retour à l'emploi seraient une erreur.
Généralement subi, le temps partiel concerne une majorité de femmes qui ont parfois occupé un poste durant toute l'année. Certes, le fait d'avoir un emploi permet de faire baisser les statistiques du chômage ; mais n'oublions pas que l'INSEE estimait à plus d'un million le nombre de travailleurs pauvres. Cette situation n'est pas acceptable, parce qu'il s'agit de véritables drames pour les personnes qui la subissent ; mais vous le savez, car vous rencontrez comme nous ces dernières, dans vos permanences.
Pour remédier à cela, vous nous proposez la mise en oeuvre d'un nouveau dispositif d'intéressement. Il s'adressera aux bénéficiaires exclusifs du RMI, de l'ASS et de l'API. Non seulement il s'ajoute au dispositif existant, mais encore il constitue une régression par rapport au décret n° 2005-1054 du 29 août 2005 créant une prime exceptionnelle de retour à l'emploi en faveur de certains bénéficiaires de minima sociaux, qui visait également les bénéficiaires de l'allocation d'insertion et d'adulte handicapé.
Vous affichez votre volonté de simplifier et de rendre plus lisible le dispositif, mais, en fait, vous le complexifiez. En ne ciblant que les emplois d'une durée mensuelle supérieure à 78 heures, vous reprenez la classification de l'UNEDIC. Nous ne sommes pas dupes : ce choix n'est pas anodin ! N'est ce pas une nouvelle illustration de votre traitement du sous-emploi, un traitement purement statistique ?
Madame la ministre, l'intéressement que vous proposez ne concernera que les bénéficiaires de minima sociaux ayant conclu un contrat de travail de 78 heures mensuelles, parce que vous estimez, dites-vous, que 78 heures devraient suffire à garantir l'autonomie financière des bénéficiaires. Mais alors, qu'en est-il de toutes les autres formes d'emplois précaires, des temps partiels et très partiels que vous n'avez cessé de favoriser depuis plus de trois ans ?
La déréglementation du marché du travail que vous ne cessez d'accentuer et la situation économique dans laquelle vous avez mis le pays ont multiplié les contrats de courte durée. Pour survivre, les personnes éloignées de l'emploi n'ont généralement pas d'autre choix que d'accepter ces contrats les uns après les autres.
La succession de ces contrats sera-t-elle prise en compte, comme vous vous y étiez engagée à l'Assemblée nationale ? Le versement de la prime devrait être effectué dès le premier mois car, nous le savons tous, c'est bien au moment du retour à l'emploi que les besoins financiers se font le plus cruellement sentir ; il en est ainsi pour le transport, la tenue vestimentaire ou encore la garde des enfants. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat.
Enfin, la réforme du système actuel d'intéressement prévue dans ce projet de loi laisse en suspens un certain nombre de questions concernant le devenir des ayants droit : que se passera-t-il quand le dispositif d'intéressement prendra fin ? Une hausse salariale ou bien une augmentation du nombre d'heures travaillées compensera-elle la perte de revenus ? Vous ne nous dites rien sur la suite.
L'autre dimension essentielle de ce texte est que le dispositif vise de fait majoritairement les allocataires qui reprendront un emploi à temps plein pour un an, donc ceux qui sont le moins éloignés de l'emploi. Les autres, c'est-à-dire très majoritairement des femmes, se verront dans le meilleur des cas offrir un emploi à temps partiel dans les secteurs de la grande distribution, du nettoyage ou de l'aide aux personnes. Ces contrats ont généralement une durée inférieure à 65 heures mensuelles et ont concerné plus de 544 000 femmes en 2004. De fait, votre texte pénalise une fois de plus les femmes et tous ceux qui ne trouveront pas de travail au-delà de 78 heures mensuelles.
Avec ce projet de loi, vous entendez « donner au revenu du travail un avantage réel et perceptible », et les propositions faites seraient la source « d'un revenu plus incitatif ». Or, si l'on se réfère à une période de quinze mois, le nouveau mécanisme d'intéressement fera perdre à une personne seule, allocataire du RMI et retrouvant un mi-temps payé au SMIC, un peu plus de 99 euros, perte à laquelle il faut ajouter 1 101 euros du fait de l'impossibilité de cumuler intégralement minima social et revenu du travail au-delà de douze mois. Pour une personne seule ou chargée de famille, le revenu augmente de 71 euros, mais il devient négatif sur quinze mois.
Les chiffres prouvent qu'il n'y a donc pas d'incitation. Il s'agit au contraire d'une tromperie ! Qui plus est, cet encouragement est supporté par l'État, via une surcharge du fonds de solidarité - connaissant l'état de ce fonds, nous ignorons comment vous allez la financer ! - et une prime de 225 euros ou de 150 euros à la charge des départements. Selon vous, ces derniers ne débourseront rien. C'est bien difficile à croire, mais les présidents de conseils généraux ici présents sont mieux à même d'en parler.
Il est essentiel de prendre en considération la traduction de cette incitation dans les faits.
Nous observons qu'il s'agit bien souvent d'intérim, de temps partiel subi avec des conditions de travail souvent déplorables. Quant au contrat à durée déterminée, vous avez brutalement décidé, récemment, de le fragiliser par le contrat nouvelles embauches. Et le Gouvernement souhaite généraliser cette régression sociale à l'ensemble de nos jeunes via le contrat première embauche, ou CPE, nouvelle version du contrat d'insertion professionnelle, ou CIP.
Mme Raymonde Le Texier. C'est un scandale !
Mme Christiane Demontès. Quant aux 2 500 CI-RMA, ils ne font que rappeler la médiocrité de vos solutions. Dans ces conditions, parler de retour à l'emploi et de mesure incitative est pour le moins un abus de langage !
En réalité, vous généralisez la précarité et vous en faites un horizon indépassable pour des milliers de nos concitoyens. Ce n'est certainement pas en prolongeant la durée et en élargissant les dispositions du décret n° 2005-1054 du 29 août 2005 que vous inciterez les 144 000 bénéficiaires de minima sociaux que vous visez à retourner vers l'emploi !
En fait, vous avez une fois de plus réussi à donner satisfaction au patronat, qui, par la voix de sa présidente, demande la réforme du code du travail, plutôt que le détricotage que vous effectuez publiquement depuis bientôt quatre ans, et n'hésite d'ailleurs plus à exiger que « la durée légale du travail soit fixée au plus près des réalités [...] des secteurs. »
L'article 6 pose également problème. S'il est vrai que la garde des enfants constitue souvent une difficulté pour la reprise d'activité, il est aussi vrai, nous le savons tous, que c'est pour des raisons financières que seuls 3 % des enfants de bénéficiaires de minima sociaux sont en crèche.
Je ne m'étendrai pas sur ce point, mais la conséquence de cet article 6 sera, me semble-t-il, la création d'une sorte de concurrence entre les allocataires de minima sociaux et les autres parents, qui ont aussi besoin des crèches.
Ce texte est également révélateur de votre manière de considérer nos concitoyens. En effet, après avoir sous-entendu que les assurés sociaux et les demandeurs d'emploi étaient des fraudeurs, voilà que vous vous en prenez aux bénéficiaires des minima sociaux. Je ne reviendrai pas sur notre position, que mon collègue Bernard Cazeau a développée dans son intervention, mais j'ai toutefois le sentiment que, pour vous, un pauvre est un délinquant en puissance !
M. Guy Fischer. Tout à fait !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Pas du tout ! C'est n'importe quoi ! Personne n'a le monopole de la pauvreté !
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Qui souhaite la pauvreté ?
Mme Christiane Demontès. Pour résumer, ce texte est bâclé. Il ne constitue pas - loin s'en faut ! - un progrès pour les plus fragiles. De plus, il ne traite que de primes et de sanctions, et les facteurs déclencheurs de l'exclusion y sont complètement ignorés.
Alors qu'il faudrait, dans la concertation, procéder à une remise à plat des minima sociaux en intégrant l'accompagnement indispensable, l'importance des droits connexes, le rôle des maisons de l'emploi et de la formation, celui du service public de l'emploi, et la formation, vous vous en tenez à un traitement quelque peu négligent et dangereux pour ces problématiques. Et ce n'est pas l'arrivée tardive de l'amendement gouvernemental sur l'aide au reclassement des salariés licenciés pour raison économique, qui sonne définitivement comme un cavalier, qui rendra ce texte plus intéressant !
Les 6 millions de nos concitoyens exclus, qui constituent une formidable richesse pour notre pays, méritent beaucoup mieux que ce texte vite expédié, qui procède de la stigmatisation et de l'injustice sociale à laquelle vous nous avez malheureusement tellement habitués.
Je terminerai par une citation de Chateaubriand : « c'est le devoir qui crée le droit et non le droit qui crée le devoir ». Ce projet de loi n'est pas une réponse acceptable à « l'urgence sociale », car il ne répond pas au devoir de solidarité envers les plus fragiles. Ces derniers y sont au contraire stigmatisés, culpabilisés et pénalisés ! C'est pourquoi nous ne pourrons pas voter ce texte en l'état ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
(M. Roland du Luart remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est au moins la troisième ou la quatrième fois que je monte à une tribune, soit à l'Assemblée nationale, soit au sein de cette Haute Assemblée, pour défendre le statut des RMIstes.
D'abord, en décembre 1988, j'étais présent à l'Assemblée nationale lorsque nous avions voté la loi créant le RMI. A l'époque, nous pensions que le « I » de « Insertion » allait fonctionner et que le RMI ne serait qu'un pansement provisoire sur la misère. Mais, depuis, nous connaissons la situation !
En 1997, sous le gouvernement Juppé, le constat ayant été fait que le nombre de RMIstes augmentait et que le « I » de « Insertion » ne fonctionnait pas, j'avais proposé la création du RMA par un amendement qui a été adopté à la quasi-unanimité, puisque le groupe communiste s'est abstenu à l'Assemblée nationale.
M. Roland Muzeau. On a bien fait !
M. Jean-Paul Virapoullé. Vous n'avez pas voté contre, vous vous êtes abstenus !
M. Roland Muzeau. On a bien fait !
M. Jean-Paul Virapoullé. Mais ce n'était pas le RMA actuel, c'était une autre version.
M. Roland Muzeau. Je sais, mais on a bien fait quand même ! (Sourires.)
M. Jean-Paul Virapoullé. Depuis, la dissolution n'a pas permis au RMA d'entrer en fonction.
En 2003, M. Fillon a proposé ici le RMA qui a donné lieu au « contrat insertion-revenu minimum d'activité », le CI-RMA. À l'époque, je lui avais fait un certain nombre de remarques, dont je vous parlerai tout à l'heure.
Aujourd'hui, madame la ministre, vous nous conviez à voter un processus d'intéressement pour sortir de cette trappe à pauvreté dans laquelle s'engluent nos concitoyens percevant les minima sociaux.
Quelle analyse faisons-nous de cette proposition ?
D'abord, un intéressement permet de cumuler en totalité l'allocation du RMI et le revenu du travail à partir de 78 heures. Personnellement, cela me paraît une bonne solution.
Ensuite, une prime à l'emploi est versée par l'État. M. le rapporteur propose qu'elle le soit au début, alors que le Gouvernement préconise un versement au bout de trois mois. Au moment du vote de l'amendement, je me rallierai quant à moi à la proposition du rapporteur, car j'estime qu'une telle mesure est incitative. Enfin, pendant neuf mois s'ajoute au salaire une prime de 150 euros.
Selon moi, la prime aurait dû être un peu plus élevée. Mais, une autre loi devant suivre, considérons que nous entrons dans une période d'observation au terme de laquelle nous verrons les résultats. Si beaucoup d'allocataires du RMI ou des minima sociaux - allocation de solidarité spécifique et autres - sortent du système pour travailler, on considérera que la prime est bonne. S'ils n'en sortent pas, la prime devra être révisée.
Mais permettez-moi d'aller plus loin.
Lorsque j'avais proposé le RMA, je l'avais fait à la suite d'un constat : dans nos mairies, nos permanences, les RMIstes que nous recevons nous disent qu'ils sont prêts à travailler, même sur un emploi saisonnier, mais qu'ils ne veulent pas perdre leur statut de RMIste, qui leur donne droit à la CMU, à la majoration d'allocation logement, et leur permet de ne pas payer la taxe foncière. Je les comprends car, étant donné leur revenu, ils ne peuvent pas prendre le risque de perdre ce statut, qu'ils mettraient six mois à retrouver.
Par conséquent, madame la ministre, j'aimerais savoir si le RMIste qui va travailler et qui, avec le système d'intéressement prévu par le projet de loi, et non après le vote des amendements, percevra, par exemple, un salaire de 900 euros, et 400 euros au titre du RMI, soit 1 300 euros les trois premiers mois, puis, le quatrième mois, son salaire et la prime de retour à l'emploi, soit 1 900 euros, et, enfin, pendant les neuf mois suivants, son salaire et une prime de 150 euros, soit 1 050 euros, aura la garantie de bénéficier de la CMU ?
M. Jean-Paul Virapoullé. Sur cette question capitale, je souhaite que vous me confirmiez cette réponse affirmative.
M. Jean-Paul Virapoullé. Les personnes concernées sont très pauvres. Par conséquent, si elles perdaient leur droit à la CMU, elles ne pourraient pas payer de mutuelle, le coût de cette dernière neutralisant la ressource complémentaire. Une confirmation de votre part constituerait déjà une avancée.
Conserveront-elles, pendant cette période d'un an, tous les avantages connexes, c'est-à-dire la CMU, la majoration d'allocation logement et le bénéfice de l'exonération de la taxe foncière ? C'est le premier point.
Mon deuxième point concerne une amélioration de l'intéressement, amélioration en faveur de laquelle je plaide depuis 1997 - je suis un mauvais avocat, car je n'ai toujours pas encore remporté ce challenge ! - et qui pourrait intervenir à l'occasion de la prochaine loi. En effet, quand on est RMIste, c'est souvent parce que l'on n'a pas une bonne qualification ; bien sûr, certains sont qualifiés.
M. Jean-Paul Virapoullé. Mais prenons le cas de ceux qui n'ont pas une bonne qualification et dont j'ai entendu avec grand plaisir mon ami Alain Gournac parler.
J'ai exposé mon point de vue à M. Fillon lorsqu'il a proposé sa loi. Je vais vous le répéter, car il faut enfoncer le clou jusqu'à ce qu'il rentre, si vous me permettez cette expression ! (Sourires.)
M. Jean-Paul Virapoullé. Si nous ne voulons pas que les RMIstes soient casés sur des emplois saisonniers, précaires, et, finalement, exploités ou plutôt utilisés, puis se retrouvent à nouveau au RMI, il nous faut considérer le droit à la formation comme un vecteur clef d'intégration lorsque l'allocataire du RMI veut s'insérer socialement.
Le Gouvernement prévoit un cumul du RMI et d'un emploi d'un minimum de 78 heures, et donc la possibilité de conserver le statut de RMIste tout en percevant un salaire. Pour ma part, je propose que soit étudiée la solution qui consisterait, pour un RMIste, à travailler à mi-temps dans une entreprise - un contrat d'apprentissage, en quelque sorte, mais qui ne pourrait en avoir l'appellation car les personnes concernées ont plus de vingt-cinq ans -, et donc à percevoir de l'employeur un salaire légèrement supérieur au SMIC, tout en gardant le statut de RMIste, le contrat n'étant pas limité à deux, trois ou quatre mois, mais durant le temps de la formation nécessaire pour que la personne obtienne une qualification.
En effet, si vous voulez sortir les personnes en situation difficile des trappes à pauvreté, il faut leur donner la possibilité de se tourner vers la qualification !
Dans cet hémicycle, ou ailleurs, on entend dire que 100 000, 300 000, voire 400 000 emplois resteraient vacants faute de main-d'oeuvre qualifiée ! Mais alors ciblons, calibrons ! Offrons aux RMIstes en situation de désespérance une espérance ! En plus, cela ne coûterait pas cher puisque les modules de formation comme les crédits à la formation existent déjà ! Certains RMIstes sont capables de suivre un cursus de formation : proposons-leur un contrat de qualification professionnelle en les autorisant à cumuler leur statut de RMIste et leur formation afin qu'ils aient le droit au travail.
En adoptant rapidement de telles dispositions dans un prochain projet de loi, nous pourrions ouvrir la voie de l'espérance à de nombreux RMIstes.
J'en viens à ma deuxième proposition. Si je sais bien lire, en métropole, 300 000 entreprises chercheraient un repreneur.
Récemment, j'ai passé une convention avec des entreprises situées dans le département de l'Oise pour mettre de jeunes Réunionnais, qui ne sont pas forcément des RMIstes, en situation de repreneur d'entreprise. Le patron âgé de cinquante-cinq ans environ pratique le tutorat, afin de conduire le jeune à reprendre ensuite son entreprise. Cette expérience se poursuivra dans d'autres régions comme celle du Nord-Pas-de-Calais dans laquelle je dois bientôt me rendre.
Je vous propose donc, madame la ministre, de créer un nouveau contrat d'intégration, le contrat de repreneur d'entreprise. Certes, je ne puis en définir toutes les conditions dans le temps qui m'est imparti, ...
M. Jean-Paul Virapoullé. ... mais on peut effectivement déjà en parler.
Dans le prochain projet de loi qui nous sera soumis, nous pourrions créer un nouveau type d'intéressement : le RMIste conserverait ses droits tout en travaillant, moyennant un complément de revenu, chez un patron qui serait d'accord pour lui revendre ensuite l'entreprise. Il pourrait cumuler ses droits et son revenu le temps nécessaire - huit mois, un an, voire deux ans - pour qu'il soit capable de reprendre l'entreprise. La banque lui accorderait alors un prêt puisqu'il aurait la garantie de son patron. Le conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, par exemple, fait un pont d'or à tout repreneur d'entreprise.
Dans un pays comme la France, qui compte autant de personnes qualifiées, de cadres ou d'agents de maîtrise au chômage capables de reprendre très rapidement des entreprises, il est lamentable que, par manque de moyens et de circuits, ces personnes soient laissées sur le bord de la route.
Par ailleurs, cet après-midi, j'ai entendu de nombreux orateurs culpabiliser le Gouvernement. Pour ma part, face à ce problème, je fais oeuvre d'humilité. Parlementaire depuis 1986, je constate que nous avons connu deux septennats de gauche, un septennat et un quinquennat de droite, et des périodes de cohabitation.
Mes chers collègues, la disparition des entreprises ne date pas d'aujourd'hui ! Et je ne mets pas en cause les élus de gauche ! On peut battre sa coulpe autant que l'on veut, le vrai problème de fond est de savoir si l'on continue à valider, sur le plan européen, un libre-échange aveugle et déloyal. C'est cela le fond du problème !
M. Roland Muzeau. La directive Bolkestein !
M. Jean-Paul Virapoullé. Nous sommes tous complices !
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Absolument ! Nos collègues de l'opposition l'oublient !
M. Jean-Paul Virapoullé. Mes chers collègues du groupe CRC, vous n'avez pas non plus de leçon à nous donner, car vous faisiez partie du gouvernement qui a validé Marrakech !
M. Jean-Paul Virapoullé. C'est François Mitterrand qui était président lorsque les accords de Marrakech ont été signés ! Et qu'en est-il de l'AGCS, l'accord général sur le commerce des services ?
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Il a été signé sous la gauche !
M. Jean-Paul Virapoullé. Il date de Marrakech ! Ce n'est pas un président de droite qui l'a signé, il faut le dire !
M. Jean-Paul Virapoullé. Aujourd'hui, soyez donc modestes, mes chers collègues !
Madame la ministre, je le répéterai à cette tribune jusqu'à ce que je sois entendu : faites ce que vous voulez sur le plan national, mais si vous mettez en compétition, d'une part, des ouvriers qui jouissent d'un minimum de droits et de revenus et, d'autre part, la population beaucoup plus nombreuse et plus jeune de pays plus autoritaires dans lesquels le droit du travail n'est pas respecté ou n'existe même pas, pas plus que la protection de l'environnement, et où la monnaie fait l'objet d'un dumping, alors vous allez ruiner des pans entiers de notre économie ! En France, la production industrielle s'élève à 22 %, contre 9 % aux Etats-Unis.
Certains prennent l'exemple du Royaume-Uni, mais sachez, mes chers collègues, que l'économie anglo-saxonne n'est pas un exemple. J'en veux pour preuve la récente déclaration dans la presse de la ministre britannique du travail et des retraites, Mme Margaret Hodge. Pour pouvoir publier des statistiques acceptables, 3 millions de jeunes qui étaient simplement déclarés inaptes au travail ont été condamnés à endosser le statut de travailleur handicapé !
M. Guy Fischer. C'est ce qu'on est en train de faire en France ! On fait baisser les statistiques !
M. Jean-Paul Virapoullé. Mais non !
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas vrai ! Ne faites pas d'amalgame !
M. Jean-Paul Virapoullé. Pardonnez-moi, mais vous qui avez cautionné l'ultralibéralisme aveugle sous les gouvernements Jospin entre autres, ...
M. Guy Fischer. Non !
M. Jean-Paul Virapoullé. ... vous ne pouvez pas venir nous dire aujourd'hui que M. de Villepin, qui essaie avec humanisme (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) ...
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Mais oui !
M. Jean-Paul Virapoullé. Laissez-moi vous expliquer !
Mme Raymonde Le Texier. Ce n'est pas la peine de nous expliquer, nous savons ce que ça veut dire !
M. Jean-Paul Virapoullé. Si vous ne lisez que les mauvais journaux, vous ne saurez pas ce que cela signifie ! (Rires. - Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et de l'UC-UDF. -Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je vais vous dire pourquoi je parle d' « humanisme ».
Mes chers collègues de l'opposition, vous avez dit que le contrat nouvelles embauches allait nous conduire à la catastrophe ; mais de nombreux Français sont allés en toute liberté vers ces emplois.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Ils sont dans le milieu du travail !
M. Jean-Paul Virapoullé. Nous ne les avons pas menottés pour y aller ! Nous n'avons pas envoyé un huissier les chercher !
Mme Raymonde Le Texier. Quel humanisme ?
M. Jean-Paul Virapoullé. Aujourd'hui, ils travaillent ! Ils se lèvent le matin et disent à leur femme et à leurs enfants : « je vais bosser » !
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Absolument ! C'est cela la dignité humaine !
M. Jean-Paul Virapoullé. Le soir, ils rentrent fiers ! Ils ont droit à un revenu du travail !
M. Jean-Paul Virapoullé. C'est ce qu'il faut faire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Guy Fischer. Monsieur Virapoullé, vous faites de la provocation !
M. Jean-Paul Virapoullé. Vous prétendez que le contrat première embauche, c'est de l'esclavage ; certains d'entre vous ont même dit que nous sommes en train de dénouer le code du travail.
M. Guy Fischer. Mais oui !
Mme Raymonde Le Texier. Absolument ! On le déchire page par page !
M. Jean-Paul Virapoullé. Mais tous les jeunes qui acceptent aujourd'hui un contrat de travail signent pour une période inférieure à trois mois ! Or nous allons leur proposer deux ans...
Mme Raymonde Le Texier. Super !
M. Jean-Paul Virapoullé. Trois mois, ce serait la liberté, tandis que deux ans, ce serait l'esclavage ? Ça me surprend, ou alors je ne sais pas parler français ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Trois mois, c'est sans doute bien...
M. Jean-Paul Virapoullé. Où est-il question d'esclavage ?
Mme Raymonde Le Texier. Ces personnes peuvent être licenciées d'une minute à l'autre sans raison !
M. Jean-Paul Virapoullé. M. de Villepin dit qu'il faut mettre en place la préférence européenne.
Mes chers collègues, je vous invite à venir travailler avec moi au sein du groupe que je suis en train de créer. Vous le savez, je ne suis attaché à rien, sauf à mes convictions. Or je pense que l'actuelle mondialisation touche à sa fin !
M. Roland Muzeau. Ah bon ?
M. Jean-Paul Virapoullé. Eh oui, je le dis tout de go, et ce n'est pas grave si je passe pour un âne !
Il faut mettre en place une mondialisation loyale qui respecte l'homme, le droit du travail, l'environnement, la monnaie et les équilibres ; sinon, nous ne pourrons pas avancer !
Mme Raymonde Le Texier. Là, nous sommes d'accord !
M. Jean-Paul Virapoullé. Mais ni la gauche ni la droite ne l'ont fait ! Pour sa part, le Premier ministre essaie de le faire en innovant avec audace.
Monsieur Fischer, si nous n'examinons le problème du chômage que sur le plan intérieur, ce n'est pas le code du travail que nous allons dénouer, c'est le droit au travail que nous allons faire disparaître !
M. Roland Muzeau. C'est déjà fait !
M. Jean-Paul Virapoullé. Lorsque le Gouvernement propose avec courage des dispositions permettant d'avancer vers le travail dans la dignité et la responsabilité, je les vote ; et si ce n'est pas suffisant, je dis au Gouvernement de les compléter. Madame la ministre, prolongeons cette marche en avant, et revoyons cette mondialisation inhumaine qui est en train de mettre en péril la construction européenne et la dignité de nos travailleurs ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)
Mme Raymonde Le Texier. Virapoullé président !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Quel talent, monsieur Virapoullé ! Mais sans doute ai-je mal lu le sigle de votre appartenance politique. Vous faites partie de l'UMP ? Je ne reconnais pourtant pas le discours !
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Il n'y a pas de honte ; nous appartenons à un mouvement « populaire » !
M. Jean Desessard. Je n'ai pas l'impression que votre discours suive la ligne directrice de l'UMP, mais vous avez défendu avec grand talent les limites de la mondialisation !
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà un mois, dans le projet de loi de finances pour 2006, la majorité de droite s'est déjà occupée du douloureux problème du cumul des hauts salaires et des stock-options. La réponse fiscale a été favorable aux plus aisés alors que nous vivons pourtant dans un contexte de déficit public...
M. Jean Desessard. ... et que la dette est colossale !
Cette fois-ci, c'est au tour des chômeurs. Que vaut cette réforme sans plan d'ensemble, sans qu'aucune concertation avec les associations concernées ait été organisée et sans que tous les groupes de travail parlementaires aient remis leurs conclusions ?
Sur le fond, le rapporteur lui-même l'admet, avec le système proposé, de nombreux allocataires y perdront. Mais, à ses yeux, le nouveau système aura un avantage fondamental : il sera plus simple ! Ouf, il sera plus simple, peu importe que les travailleurs les plus précaires y perdent !
Selon le rapporteur, si les chômeurs restent chômeurs, c'est parce que le système d'intéressement est trop complexe. Si telle est l'analyse des causes du chômage, alors, effectivement, c'est très simple !
Pourtant, la complexité du dispositif proposé balaie même cet argument. S'agissant de l'ASS, le rapporteur lui-même a du mal à dire quels gains nous tirerons de la réforme. Je ne pense donc pas que les chômeurs s'y retrouveront facilement dans ce maquis. Bref, le dispositif reste très complexe, et certains vont y perdre !
Toutefois, comme nous y invite le rapporteur, il faut parler non pas de perte, mais « seulement de réduction des espérances de gain ». Ça va mieux comme ça !
Je vous livre donc les réflexions de M. Seillier, qui a le mérite d'être honnête : « La réforme proposée peut se traduire, dans certaines configurations familiales, par un gain plus faible que dans le système actuel d'intéressement. » S'agissant du RMI, il poursuit ainsi : « La différence de gain est beaucoup plus sensible pour les ménages avec deux enfants : les gains attendus sont plus faibles qu'aujourd'hui pour un salaire compris entre 0,5 et 1 SMIC, la différence pouvant atteindre jusqu'à 145 euros pour un emploi à trois quarts temps. » Et enfin, « dans le cas de l'API, les gains à attendre du nouveau dispositif sont systématiquement plus faibles que dans le dispositif actuel ». Dans ces conditions, comment voudriez-vous que l'on vote ces dispositions ?
De par mon engagement militant pendant près de six ans auprès des associations de chômeurs, dont je salue ici le dévouement, le travail et la générosité, je suis pour le cumul d'une activité salariée avec les minima sociaux ; mais cela doit se faire de façon simple, limpide, et dans des conditions qui soient favorables aux chômeurs.
Le système proposé, comme celui qui est actuellement en vigueur, est compliqué pour deux raisons.
Premièrement, on craint de trop donner aux pauvres ! Quelle horreur, mes chers collègues, s'ils touchaient quelques euros de trop !
Deuxièmement, l'objectif est d'abaisser le coût du travail pour l'employeur au lieu de chercher à garantir les revenus des travailleurs précaires !
Le RMI s'élève à 433 euros alors que le seuil de pauvreté est de 640 euros.
M. Roland Muzeau. Et oui !
M. Jean Desessard. Sauf à considérer que les chômeurs sont responsables de leur sort au point de leur refuser l'accès à ce seuil minimum, il est moralement et politiquement inacceptable de tolérer que tant de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté.
Augmenter les minima sociaux, ce n'est pas simplement social, c'est aussi économique. En effet, lorsque les chômeurs consomment, ils consomment tout de suite des produits de première nécessité, ...
Mme Raymonde Le Texier. Évidemment !
M. Jean Desessard. ... ils paient leurs dettes et font face aux échéances. Ils ne mettent pas leur argent dans l'épargne, ce qui a même un effet positif pour les autres catégories sociales, lesquelles préfèrent aujourd'hui épargner pour faire face à un coup dur. Cette stabilité financière pour les personnes sans emploi rassurerait l'ensemble des salariés, qui ne seraient plus ainsi obligés d'épargner par crainte de l'avenir.
Vous me direz que laisser les minima sociaux à un niveau très bas, c'est inciter les chômeurs à trouver un travail ! Cependant, un tel raisonnement est économiquement inefficace.
Forcer les chômeurs à accepter le premier emploi venu aboutit à une mauvaise affectation des compétences puisque les emplois ne correspondent pas à leur formation.
De plus, une recherche d'emploi efficace a un prix. Or, avec un RMI à 433 euros, c'est bien simple, on n'a pas les moyens d'être un vrai chercheur d'emploi !
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Jean Desessard. Avec une telle somme, on cherche tout simplement à vivre et à faire vivre sa famille !
En tout état de cause, si on prend en compte les courriers, les déplacements, le téléphone, Internet, chercher un emploi coûte environ 300 euros par mois.
Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr !
M. Jean Desessard. Or, dans la France d'aujourd'hui, avec moins de 1 000 euros par mois, on ne peut pas vivre correctement, se loger, faire des projets de vie, élever des enfants, avoir une alimentation équilibrée, se soigner, se cultiver.
Vivre avec le RMI, cela concerne directement 1 107 000 personnes. Le nombre d'allocataires du RMI a augmenté de 10,5 % entre le mois de juin 2003 et le mois de juin 2004, puis de 6,2 % supplémentaires en 2005. Et encore, les moins de vingt-cinq ans, s'ils n'ont pas d'enfants, n'y ont pas droit !
Plus largement, ce sont 3,3 millions de personnes qui dépendent directement des minima sociaux et environ 6 millions de personnes qui en dépendent indirectement. Que de misère, que de douleur se cachent derrière ce chiffre !
Quand il est question de chômage, le Premier ministre - je laisse l'intervenant précédant libre d'apprécier « l'audace » de M. de Villepin ! - s'inspire du modèle danois
Eh bien parlons-en du modèle danois, mais parlons-en sérieusement !
Les Danois dépensent trois fois plus par chômeur que les Français. On dit souvent, pour culpabiliser ceux qui vivent des minima sociaux, que la France est très, voire trop généreuse. Les chiffres d'Eurostat témoignent du contraire : pour chaque chômeur, le Danemark dépense 2,6 fois plus que la France. Les Pays-Bas, la Belgique, l'Allemagne, l'Irlande ou le Portugal font mieux que nous !
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Jean Desessard. L'indemnisation des chômeurs -les dépenses passives - est plus élevée : 40 % de plus en Allemagne, 70 % de plus en Belgique, 160 % de plus au Danemark, 170 % de plus aux Pays-Bas !
Quand Dominique de Villepin, l'audacieux, fait référence au modèle danois, il faut considérer ce modèle dans son intégralité ! Il faut l'examiner en profondeur et ne pas se limiter à quelques informations !
Quoi qu'il en soit, pourquoi y a-t-il des catégorisations dans ce projet de loi ? Les employeurs ont droit à la prime, mais pas les chômeurs qui créent leur entreprise. Les allocataires du RMI, de l'ASS et de l'API y auront droit, mais pas ceux de l'allocation d'insertion ou de l'allocation aux adultes handicapés. Ceux qui reprennent un travail pendant au moins quatre mois en bénéficieront, mais ceux qui le perdront avant en seront privés. Ceux qui retrouvent un emploi à temps partiel, les plus précaires, n'y auront pas droit, car la limite à soixante-dix-huit heures créera des effets de seuil injustes. Pourquoi toutes ces différences ?
Quant à l'amende administrative de 4 000 euros, elle est évidemment abusive. Pourquoi maintenir la tête de pauvres gens sous l'eau ? Certes, ils sont auteurs de fraudes qu'il faut combattre, mais elles sont bien minimes !
J'aimerais que la droite manifeste autant d'énergie pour combattre la délinquance en col blanc, les abus de biens sociaux, les emplois fictifs, les frais de bouche indécents, les fraudes fiscales, la criminalité économique, les paradis fiscaux !
Les outils juridiques existent déjà pour punir la fraude organisée à grande échelle. Mais c'est tellement plus simple de s'en prendre à des chômeurs !
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Jean Desessard. Ce n'est pas en culpabilisant, en stigmatisant, en punissant les chômeurs, ni même en les incitant à retourner vers l'emploi à coup de primes plus ou moins avantageuses que l'on réduira le chômage ! Manier la carotte et le bâton, ce n'est pas conduire une politique de l'emploi, car les chômeurs ne sont pas la cause du chômage ! La politique de l'emploi, ce n'est pas ça. Ce n'est pas non plus remplacer des contrats de travail normaux par des contrats précaires.
Avec le contrat « nouvelles embauches », il n'y a pas eu création d'emplois nouveaux ; il y a eu simplement transfert d'embauche de CDI vers ce nouveau type de contrat, avec une baisse du statut et une augmentation de la précarité.
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Jean Desessard. Il faut créer davantage d'emplois, alors qu'aujourd'hui la baisse du chômage est largement due aux premiers départs à la retraite des baby boomers. Il faut reparler de réduction du temps de travail, de relance européenne, d'assouplissement de la politique monétaire, d'investissements dans les économies d'énergie, de relance des emplois aidés, d'aide à l'économie sociale et solidaire, de formation continue. C'est dire combien ce projet de loi pour le retour à l'emploi n'est pas à la hauteur !
Nous aurions aimé que soient abordées la valorisation du montant du RMI, l'extension de cette allocation à tous les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans et sa non-conditionnalité, car dépendre des ressources des proches est particulièrement humiliant.
Avoir un projet solidaire, c'est permettre aux personnes privées d'emploi de pouvoir vivre normalement en toute dignité. Avoir un projet solidaire, c'est garantir un revenu minimal social supérieur au seuil de pauvreté.
Cela coûte cher, me direz-vous, mais c'est un faux calcul, car lorsqu'une personne perd son emploi, qui paie son loyer, son électricité, son chauffage ? Qui paie également pour le maintien de ses droits fondamentaux, pour l'éducation de ses enfants, pour la cantine scolaire ? Si les enfants sont déscolarisés, si les ennuis médicaux s'aggravent, qui paie sur le long terme ?
Tout cela coûte très cher à la collectivité, voire le plus souvent aux collectivités locales. Si ces personnes sont exclues, leur réinsertion coûte extrêmement cher à la collectivité.
Bref, garantir un revenu minimum décent, c'est éviter les exclusions. C'est non seulement un geste social et solidaire pour la collectivité, mais c'est aussi un geste économique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « En politique, ce qui est cru devient plus important que ce qui est vrai. » C'est probablement dans cette phrase de Talleyrand que le Gouvernement puise la lettre comme l'esprit de toute son action.
L'intitulé de la plupart des lois qui nous sont proposées sert davantage à masquer ses intentions qu'à préciser ses objectifs.
C'est ainsi qu'hier le projet de cohésion sociale était surtout le cheval de Troie de la déréglementation du licenciement et de la mise à mal du code du travail.
C'est ainsi qu'aujourd'hui, derrière le titre pompeux de projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, on ne trouve en guise d'ambition que quelques réformettes techniques destinées à inciter les bénéficiaires de minima sociaux à retrouver un travail.
Cela pourrait prêter à rire. Cela ne donne qu'à pleurer !
D'autres orateurs l'on dit avant moi : vivre, ou plutôt survivre, grâce aux minima sociaux est rarement un choix ; c'est plus souvent une conséquence et c'est toujours une souffrance.
La philosophie de ce projet de loi l'ignore quand la question du retour à l'emploi se résume à rendre plus attractif le revenu du travail que celui de l'assistance. C'est oublier qu'actuellement travailler ne protège plus de la pauvreté. En effet, à force de tirer les salaires vers le bas et de conditionner l'embauche à l'acceptation de la précarité, le phénomène des travailleurs pauvres n'a cessé de se développer.
C'est oublier, également, que notre économie ne crée plus d'emplois et que, pour faire baisser statistiquement le nombre de chômeurs, on a fait glisser les bénéficiaires de l'assurance chômage vers le RMI.
C'est nier, surtout, que la question du retour à l'emploi est autant une question d'accompagnement social qu'une question d'intéressement financier.
Quand 6 millions de personnes vivent des minima sociaux, c'est qu'un pays est en panne, qu'une société est en crise et qu'une économie est en berne. C'est rarement parce que l'assistanat est la solution !
En effet, si en 2004 seulement 12,5 % des bénéficiaires du RMI ont bénéficié d'un intéressement à la reprise de l'emploi, c'est sans doute dû autant à la persistance du chômage qu'à la complexité des procédures d'incitation.
Se retrouver dans le maquis des contrats aidés relève de l'exploit : contrat de qualification, contrat de professionnalisation, contrat d'insertion dans la vie sociale, contrat d'insertion lié au revenu minimum d'activité, contrat d'accès à l'emploi, contrat d'avenir, contrat d'accompagnement dans l'emploi, contrat initiative-emploi, sans oublier le contrat emploi solidarité.
La tête vous tourne et peu d'entre vous, mes chers collègues, ont idée du contenu réel de ces contrats ? Vous n'êtes pas les seuls ! Les professionnels eux-mêmes sont perdus dans cette jungle de propositions où les individus sont découpés en tranches, répartis en cases, où ils n'ont accès aux différents contrats qu'en fonction de conditions qui ne cessent d'être redéfinies et modifiées, au gré des annonces gouvernementales et des besoins statistiques.
Alors imaginez un peu ce qu'un tel maquis de dispositions peut avoir de déstabilisant, voire de repoussant, pour celui qui a été exclu de toute activité salariée durant des années et qui commence à peine la longue marche de l'insertion ! Boileau le disait déjà il y a plus de trois cent cinquante ans : « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément. » Le langage, comme les mesures qui concernent l'exclusion sont opaques parfois, complexes souvent, illisibles toujours !
Que le Gouvernement avance le besoin de simplification et de cohérence pour justifier son intervention ne peut qu'être louable. Malheureusement, dans les faits, la simplification n'est pas si évidente et la cohérence semble être la grande absente de cette démarche.
En guise de simplification, vous ne faites que rajouter un étage à la « fusée » : le mécanisme d'intéressement n'est réformé qu'à partir de la soixante-dix-huitième heure de travail. En deçà, le système demeure inchangé.
Quant à cette limite, exprimée en termes d'horaire, elle n'est pas pertinente. Vous nous expliquez qu'il s'agit de fixer une durée suffisante pour assurer l'autonomie financière des salariés. Si tel est votre objectif, fixez plutôt cette limite en termes de revenus ! C'est ce que réclament les professionnels du secteur et c'est ce que veut la raison.
Sur ces aspects techniques, de nombreux écueils auraient sans doute pu être évités si vous aviez travaillé avec les associations d'insertion. Mais c'est une habitude de votre gouvernement, madame, de prôner la concertation et de ne jamais la pratiquer !
La cohérence, enfin, manque à l'appel. En refusant une approche globale de l'exclusion liant accompagnement social, retour à l'emploi, formation et question des droits connexes -comme la CMU par exemple -, vous vous privez des véritables moyens d'intervention sur ce secteur et vous excluez, de fait, du dispositif les populations les plus vulnérables.
Il faut beaucoup de temps et de moyens pour remettre en selle les personnes les plus exclues. Or rien n'est prévu pour financer l'accompagnement social nécessaire. Pis, la question n'est même pas évoquée.
Par ailleurs, plus la désocialisation a été longue, plus le besoin de formation est important. Comment résoudre le décalage croissant entre les besoins des entreprises et les chômeurs de longue durée sans travailler sur la remise à niveau des compétences professionnelles ?
De plus, la question des droits connexes n'est même pas mentionnée, alors qu'un SMIC à mi-temps, tout en ne permettant pas de vivre, entraîne notamment la perte de la CMU.
Face à un tel décalage entre le titre de la loi et la réalité de son contenu, comment comprendre la décision du Gouvernement d'ignorer les travaux des parlementaires ?
Le texte qui nous est présenté aujourd'hui est bancal, inabouti, manifestement pas à la hauteur des enjeux. Le prétexte de l'urgence n'en excuse pas la médiocrité. Celle-ci est d'autant plus impardonnable qu'il existe des travaux en cours traitant de ces questions d'une façon globale, cohérente et argumentée. Je pense, bien sûr, au rapport de notre collègue Valérie Létard. Je pense également à la réflexion menée par nos collègues Raincourt et Mercier ou encore au rapport publié par Martin Hirsch sur la fusion des minima sociaux et des revenus du travail.
Une telle désinvolture prouve que ce gouvernement n'a que dédain à l'égard des parlementaires, négligeant leurs propositions, méprisant leur travail et méconnaissant leurs réflexions. Nous en avons eu un nouvel exemple aujourd'hui avec l'annonce du contrat de transition professionnel, le CTP.
Pour légitimer ce projet de loi fragmentaire et minimaliste, l'urgence sociale est le seul argument du Gouvernement. C'est le thème du pompier pyromane, car si urgence il y a, elle est largement due à la politique menée par la droite : précarisation du salaire, chute du pouvoir d'achat, explosion du coût du logement, atteintes à la protection sociale, etc.
De surcroît, cette urgence n'est invoquée, madame la ministre, que pour assurer la publicité de vos initiatives. La seule vraie logique qui explique tant de précipitation est celle de l'affichage. Parce que vous baptisez « retour à l'emploi » un projet de loi, vous espérez que nos concitoyens vous créditeront de la volonté de régler le problème et, par ce tour de passe-passe, vous comptez vous exonérer de prendre les mesures efficaces et nécessaires qui s'imposent. C'est une triste politique que celle qui réduit l'action à la communication !
Comble de l'irresponsabilité, vous n'assumez même pas les conséquences financières de vos initiatives. Le risque est porté par d'autres. Votre vision de la décentralisation se résume ici à reporter la charge financière sur les départements.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Vous avez su le faire quand vous étiez au pouvoir !
Mme Raymonde Le Texier. Vous me répondrez, madame la ministre, qu'il n'y aura pas de charge supplémentaire pour les collectivités locales ou bien que l'État les compensera.
Mme Raymonde Le Texier. Malheureusement, cette argumentation est usée jusqu'à la corde et la réalité la dément : non seulement les charges ne sont pas intégralement compensées, mais celles-ci augmentant au fil du temps, l'écart ne cesse de se creuser.
À titre d'exemple, avec l'augmentation continue du nombre de RMIstes, l'écart entre les ressources et les dépenses réelles a dépassé les 450 millions d'euros. En 2005, cet écart pourrait atteindre 1 milliard d'euros. Tout cela pèse sur la fiscalité des conseils généraux, et la droite saura l'exploiter le moment venu !
La vérité, c'est que les projections financières induites par ce projet de loi sont plus qu'approximatives, quand elles existent ... Le pudique silence qui prévaut sur ces questions n'est pas pour rassurer les présidents de conseil généraux.
Cette désinvolture est attestée par vos méthodes mêmes, madame la ministre. Pas plus que les parlementaires, l'Assemblée des départements de France n'a été associée à la préparation du projet de loi, alors même que ceux-ci doivent administrer et gérer ses conséquences. Cette façon de faire n'est pas acceptable. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard César. Et l'APA ?
Mme Raymonde Le Texier. Elle devient malheureusement coutumière. C'est d'autant plus regrettable que cette assemblée, loin de se cantonner à la seule défense de ses intérêts, pose des questions intéressantes sur les risques d'une approche réduite au transfert des seules prestations. Une réflexion par politiques publiques, fondée sur le partenariat et sur le partage des responsabilités entre l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales, aurait sans doute été plus créative et plus féconde.
De nombreux élus s'inquiètent. C'est pourquoi ils alertent les pouvoirs publics sur le risque que ce projet de loi ait, à terme, des conséquences sur le niveau des salaires. Le danger peut exister de voir certains chefs d'entreprise moins bien rémunérer leurs salariés au motif qu'ils peuvent cumuler salaire et allocation. Or, sur cet aspect du problème, il n'existe aucun garde-fou.
Pourtant, lors de la réforme du calcul des indemnités des intermittents du spectacle, on a pu constater qu'un certain nombre d'entreprises déclaraient les mois travaillés en fonction de l'ouverture des droits ASSEDIC. En réalité, le salarié travaillait plus que les heures qui étaient transmises à l'ASSEDIC, la différence entre le temps de travail réellement effectué et celui que déclarait l'employeur était prise en charge par l'assurance chômage. C'est ainsi que la solidarité nationale permet à l'entreprise de faire des économies sur la rétribution du travail qu'elle demande aux salariés.
Quel que soit le secteur, on n'est jamais à l'abri de telles dérives et, si nombre d'entreprises s'engageant pour l'insertion sont exemplaires, l'exploitation de la misère a aussi une longue histoire. La lucidité aurait réclamé que ces questions soient débattues afin que les doutes soient dissipés.
Enfin, il en va en politique comme en psychanalyse : quelles que soient les précautions oratoires, à la faveur de lapsus, la vérité finit toujours par apparaître.
Vous prétendez ne pas vouloir stigmatiser les bénéficiaires de minima sociaux. Pourtant, à l'Assemblée nationale, lorsque les députés de votre majorité ont fait voter un système de sanction aussi humiliant que disproportionné, l'amendement a été retenu, sans que vous vous y opposiez.
Vous n'avez pas la moindre suspicion à l'égard des entreprises, mais, s'agissant des demandeurs d'emploi, c'est une autre affaire ! Or, comme l'a clairement dit Bernard Cazeau, la fraude aux minima sociaux représente moins de 1 % des versements, alors même que la caisse nationale des allocations familiales ne cesse de multiplier les contrôles. Sur les sommes indûment versées, il s'avère, une fois le contrôle effectué, que la plupart des allocataires étaient de bonne foi.
Tous les conseillers généraux vous le diront, madame la ministre, la complexité des dispositifs, comme leur absence de lisibilité, est source d'erreurs. D'ailleurs, dans ce cas, les sommes en cause sont bien souvent dérisoires.
Que l'on sanctionne avec sévérité la fraude organisée et intentionnelle n'est pas contestable. Mais ce qui est proposé dans ce projet de loi, à savoir la condamnation quasi automatique à une amende unique de 4 000 euros, est choquant. Outre que la somme est disproportionnée, elle ne tient aucunement compte de la nature de l'infraction. Elle ajoute ainsi l'injustice à la misère, le discrédit à l'exclusion.
Cette amende, dont le caractère outrancier a déjà été souligné par mes collègues, révèle le peu de considération qu'a votre majorité pour les personnes qui subissent l'exclusion, mais, surtout, elle accentue le rejet social que celles-ci supportent déjà. En leur collant une image de profiteur, elle vise à tarir la source même de la solidarité nationale.
On peut s'identifier à des trajectoires de vies brisées, on sait tous au fond de nous que l'être humain est fragile, qu'il est difficile de se relever de certains accidents, que certains destins sont tragiques. En revanche, il est difficile de se sentir concerné lorsque l'on fait passer les bénéficiaires de minima sociaux pour des fraudeurs, voire des fainéants jouisseurs.
C'est là tout ce que vous avez à proposer à notre société : opposer la difficulté à l'exclusion, la pauvreté à la misère, les salaires minimums aux minima sociaux. Vous parlez souvent du respect de la valeur travail, mais vous oubliez toujours que respecter le travail, c'est d'abord le payer !
Les gens que nous rencontrons dans nos villes ou dans nos permanences n'ont pas envie de vivre des minima sociaux : ils cherchent à travailler ! Ce n'est pas seulement une question d'argent, c'est aussi une affaire de dignité, de respect de soi et de place dans la société. Ils ne choisissent pas leur statut après avoir calculé le bilan coût-avantage de l'assistanat, pas plus que, demain, les jeunes de ce pays ne choisiront de gaieté de coeur l'emploi précaire que vous leur proposez plutôt qu'un métier.
Ne nous leurrons pas, en France, le problème majeur demeure le manque d'emploi, la médiocrité des salaires et l'atonie de la croissance ! Madame la ministre, ce n'est pas en construisant une société de la précarité que vous allez redonner confiance à un pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos interventions particulièrement riches, et je vais tenter d'y répondre.
Madame Le Texier, afin de vous prouver tout l'intérêt que porte le Gouvernement au travail parlementaire, je ne citerai qu'un seul exemple : la nuit dernière, nous étions réunis dans cet hémicycle pour examiner la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple, texte que le Sénat a d'ailleurs adopté à l'unanimité. Comme vous avez pu le constater, le Gouvernement est toujours très friand de ce genre de travaux. J'ai d'ailleurs rappelé au début de mon intervention que nous étudierons avec grand intérêt, dès qu'elles seront disponibles, les propositions du groupe de travail présidé par Mme Valérie Létard et les conclusions de la mission confiée à MM. Mercier et de Raincourt, qui ont trait au sujet qui nous occupe aujourd'hui.
Monsieur le rapporteur, je tiens à vous remercier d'avoir, avec votre expérience, j'ose même dire avec votre capacité d'expertise, fort justement souligné l'opacité du système actuel d'intéressement et l'effort de lisibilité que traduit le projet de loi. Votre longue expérience au service des démunis fait de vous une autorité reconnue et écoutée dans notre pays sur ce sujet et votre parfaite connaissance des politiques sociales vous conduit à mesurer combien cette simplification et cette lisibilité sont essentielles. Nous reviendrons sur ce point tout à l'heure.
Monsieur Mouly, vous avez formulé de nombreuses réflexions. Je vais commencer par celle qui a trait à l'accueil des jeunes enfants.
L'accueil des enfants à l'école dès l'âge de deux ans est l'objet d'un grand débat dans notre pays. Vous le savez, la défenseure des enfants est fermement opposée à cette mesure. Pour autant, vous avez souligné un point sur lequel nous aurons à revenir tout à l'heure, celui de l'accompagnement que nous pouvons apporter aux mères. En effet, ce sont elles qui sont le plus souvent concernées par la difficulté de faire garder leur enfant, ne serait-ce, comme l'a rappelé M. Gournac, que lorsqu'elles veulent se rendre à un entretien d'embauche.
Vous avez également évoqué l'avancement du programme « Maisons de l'emploi ». Je ne peux que vous suivre sur ce sujet. Je vais d'ailleurs vous en dresser l'état des lieux en ce 25 janvier 2006.
La commission de labellisation a été installée en mai. Elle s'est réunie six fois. Aujourd'hui, 103 projets sont labellisés, alors que les estimations pour 2005 s'élevaient à 80 projets. Cela montre que les choses évoluent. Selon les préfets, 300 projets auront été labellisés à la fin de 2007, ce qui correspond incontestablement aux objectifs du plan de cohésion sociale. La dynamique est donc importante.
En outre, vous avez parlé des entreprises d'insertion. Je reviendrai plus longuement tout à l'heure sur ce point. Je tiens tout de même à dire que les entreprises d'insertion constituent une structure très efficace, car ce sont de véritables entreprises qui offrent de vrais contrats de travail.
Les salariés des entreprises d'insertion ne sont pas recrutés en contrat aidé, mais avec des contrats de droit commun. Ils sont donc pris en compte dans les effectifs de l'entreprise. Les représentants des entreprises d'insertion sont d'ailleurs attachés à cette disposition, qui correspond à la vraie vie et au respect du droit du travail dans toutes ses composantes.
À Mmes Le Texier et Létard, MM. Cazeau et Muzeau, je répondrai que l'action pour l'emploi est un sujet sur lequel nous avons débattu à de nombreuses reprises dans cet hémicycle. La discussion reste ouverte et nous continuons à avancer étape par étape. Il ne s'agit donc pas d'aborder aujourd'hui un point dont nous n'aurions jamais parlé ni dont personne ne se serait préoccupé. Au contraire, il s'agit de continuer à faire avancer notre réflexion et à adapter nos dispositifs. En effet, comme le Premier ministre le rappelle si souvent, on n'a pas le droit de ne pas tout tenter pour essayer de trouver des solutions au problème de d'emploi. C'est dans ce contexte précis que nous prolongeons ce débat ce soir.
Monsieur Cazeau, vous avez réclamé des études, des missions d'évaluation. Mais, vous le savez bien, les archives de la République en regorgent ! Soyons clairs : recourir à des études, mettre en place des missions, c'est souvent une façon de se donner bonne conscience et de gagner quelques mois ! En l'occurrence, le Gouvernement a choisi d'agir plutôt que de créer une mission supplémentaire.
Vous ne pouvez pas crier à l'affichage lorsque vous entendez une annonce et, dans le même temps, nous reprocher de nous atteler à sa mise en oeuvre. Après l'annonce faite par le Premier ministre en septembre dernier, que penseraient nos concitoyens s'ils n'en voyaient pas la couleur ?
Non seulement nous souhaitons faire des annonces, mais nous voulons également être capables des les mettre en pratique. Car ce qui préoccupe le Gouvernement, c'est le bien de nos concitoyens et leur accompagnement.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Il en va ainsi de la prime de retour à l'emploi de 1 000 euros. Je suis convaincue que ceux qui pourront la toucher, une fois que le Parlement aura voté le projet de loi et que les décrets d'application auront été publiés - avant la fin du premier semestre, nous l'espérons -, seront contents de voir qu'une mesure se traduit concrètement dans leur quotidien et qu'ils peuvent en bénéficier.
Monsieur Muzeau, madame Le Texier, vous avez évoqué les sanctions.
Les sanctions jusqu'ici prévues en cas de fraude étaient différentes selon qu'elles s'appliquaient à l'API, au RMI ou à l'ASS. Cette situation était injuste, d'autant que certaines de ces sanctions étaient particulièrement sévères, chacun le reconnaissait. Loin de les aggraver, le projet de loi non seulement les atténue, mais en plus il les harmonise. Ne nous reprochez donc pas d'essayer de répondre à une difficulté qui avait souvent été soulignée !
Monsieur Muzeau, vous avez également évoqué le service à la personne. Vous connaissez suffisamment bien l'évolution des courbes du chômage, non seulement en France, mais aussi en Europe, pour savoir que les chiffres des derniers mois montrent que les pays qui ont les plus fortes baisses du chômage sont ceux qui ont touché à deux activités : le bâtiment et le service à la personne.
Pourquoi ce qui marche ailleurs ne fonctionnerait-il pas en France ? C'est l'une des raisons de la mobilisation de notre pays sur ce sujet.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Madame Létard, vous avez souligné de très nombreux points positifs, et je vous en remercie. J'ai bien évidemment noté vos différentes interrogations, et je ne manquerai pas d'y répondre.
Nous avons repris l'idée de suppression du délai de latence sur les contrats aidés que vous aviez proposée dès 2003. Au départ, nous craignions que les personnes les plus éloignées ne soient pas les premières bénéficiaires de tels contrats. Mais il me paraît important de pouvoir accompagner cette démarche. C'est la raison pour laquelle il nous a semblé intéressant de reprendre votre idée.
Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, poursuivre un débat présente un intérêt. Cela permet de faire avancer les dispositifs et, éventuellement, de reprendre certaines propositions qui avaient été écartées un jour, peut-être trop rapidement.
J'en viens, madame Létard, aux trois questions que vous avez posées.
Vous m'avez tout d'abord interrogée sur la neutralisation des ressources. Je vous confirme formellement que la prime de 1 000 euros et les primes forfaitaires mensuelles sont exclues du calcul des ressources pour toutes les prestations sociales et exonérées d'impôt. En outre, ainsi que je l'ai précisé dans mon propos introductif, ces primes sont incessibles et insaisissables.
Il en est de même s'agissant de la prime de 1 000 euros introduite par le décret du 25 août 2005, qui continuera à l'avenir de s'appliquer aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé un amendement sur l'article 1er du présent projet de loi, tendant à donner à cette prime exactement les mêmes caractéristiques que celles que j'ai évoquées à l'instant.
Vous avez ensuite abordé, madame Létard, une question également soulevée par M. Cazeau : les bénéficiaires de minima sociaux seront-ils ou non gagnants dans le nouveau système ?
En fait, la réforme que nous vous proposons augmente l'effort financier global en faveur du retour à l'emploi des bénéficiaires des minima sociaux, à hauteur de près de 240 millions d'euros. Dans ces conditions, la majorité des personnes concernées seront très logiquement gagnantes.
Permettez-moi de vous citer trois exemples. Par rapport au système actuel, le gain sera de 149 euros par mois pour un bénéficiaire du RMI vivant en couple avec deux enfants et travaillant à plein temps, de 30 euros par mois pour une bénéficiaire de l'API travaillant à mi-temps et ayant un enfant, et de 160 euros par mois pour un bénéficiaire de l'ASS vivant en couple et travaillant 26 heures par semaine.
Ainsi, chacun le voit bien, notre réforme permet des avancées tout à fait importantes. La démarche est, selon nous, d'autant plus intéressante qu'elle incite au retour à l'emploi tout en offrant un supplément de revenus, ce qui constitue incontestablement une réponse aux problèmes soulevés.
Vous avez affirmé tout à l'heure, monsieur Cazeau, que nous n'avions ni observé la situation actuelle ni tiré de bilan. Alors voici quelques chiffres : seuls 11,4 % des bénéficiaires du RMI bénéficient de l'intéressement et seuls 50 % d'entre eux ont signé un contrat d'insertion. Dans ces conditions, on peut s'interroger sur ce qu'il est advenu du fameux « I » de l'insertion contenu dans le sigle RMI.
Le bilan de l'intéressement - vous le reconnaissez vous-même, monsieur Cazeau - est déplorable !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons voulu mettre en place la présente réforme, qui vise à inciter les allocataires de minima sociaux à reprendre un emploi durable et à proposer un dispositif plus lisible et plus encourageant, et ce sans aggraver les charges des départements.
Je voudrais à présent revenir - c'était votre troisième interrogation, madame Létard - sur le coût de la réforme, ainsi que sur son incidence pour les départements.
Ainsi que je vous l'ai dit, nous partons d'une base de calcul de 182 000 bénéficiaires, avec une prime s'élevant à 150 ou 225 euros. L'hypothèse retenue est une structure familiale identique à celle qui existe aujourd'hui.
En fait, le coût estimé est de 505 millions d'euros pour ceux qui reprennent un contrat de plus de 78 heures et de 199 millions d'euros pour ceux travaillant moins de 78 heures, soit un total de 704 millions d'euros. Or le coût actuel de l'intéressement, donc en l'absence de réforme, est de 706 millions. Ainsi, notre réforme permet à la marge une économie de 2 millions d'euros pour les départements.
S'agissant de la prime de 1 000 euros, son coût sera de 177 millions d'euros pour les 182 000 RMIstes, de 13 millions d'euros pour les 13 000 titulaires de l'API et de 48 millions d'euros pour les 50 500 personnes bénéficiant de l'ASS. Ainsi, 245 500 personnes bénéficieront de cette prime, pour un coût total de 238 millions d'euros, que nous avons arrondi à 240 millions d'euros.
J'aimerais à présent insister, ainsi que M. Gournac l'a fort bien fait tout à l'heure, sur une question extrêmement importante : l'insertion par l'activité économique.
N'oublions pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que, lorsque nous parlons de l'insertion par l'activité économique, sont concernées 1 000 entreprises d'insertion, 900 associations intermédiaires et près de 1 600 chantiers d'insertion, qui emploient environ 300 000 personnes. (M. Alain Gournac acquiesce.)
Ces structures font un pari audacieux. Vous avez prôné l'audace tout à l'heure, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous rappelle que les acteurs de l'insertion par l'activité économique en font preuve au quotidien. Leur pari est d'amener à l'emploi des personnes exclues du marché du travail par l'accumulation d'accidents de la vie, par des difficultés sociales ou par manque de qualification.
Oui, les structures d'insertion par l'activité économique sont un outil efficace de lutte contre le chômage !
La consolidation du secteur de l'insertion est, par conséquent, une priorité du plan de cohésion sociale que vous avez voté et que nous appliquons. Je vous rappelle que la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale est le premier texte à accorder à ce secteur des moyens aussi importants.
Il y a d'un côté ceux qui font des voeux pieux et de l'autre ceux qui agissent ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Guy Fischer. C'est faux !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Jamais les chantiers et les entreprises d'insertion n'ont eu autant de moyens. Ils ont ainsi reçu 193 millions d'euros pour la seule année 2006, hors exonérations.
Le nombre de postes dans les entreprises d'insertion passera de 11 000 à 15 000. À la fin du mois de janvier 2006, on dénombre déjà plus de 1 400 postes supplémentaires.
En outre, l'aide à l'accompagnement des associations intermédiaires a été généralisée et la dotation de l'État aux fonds départementaux d'insertion, les FDI, a été doublée. Les chantiers d'insertion ont également été reconnus comme des structures d'insertion permanente. Ils reçoivent une nouvelle aide à l'accompagnement de 15 000 euros par chantier.
Voilà des mesures concrètes qui sont mises en application ! Vous les avez votées et la loi a été promulguée en janvier 2005. Nous sommes en janvier 2006 et les mesures sont entrées en application. Tout faire pour l'emploi, c'est également cela : faire entrer en application les textes que vous adoptez. C'est ainsi que nous aurons une véritable efficacité.
Nous agissons également pour permettre un accès aux nouveaux contrats aidés adaptés aux besoins.
Ainsi, s'agissant du contrat d'avenir, l'État prend en charge 90 % de la différence entre le SMIC et le montant du minimum social activé, sans aucune dégressivité pendant toute la durée du contrat. C'était une demande très forte des ateliers et des chantiers d'insertion. Nous y avons répondu et vous avez accepté les dispositions que nous proposons.
La semaine dernière, nous avons signé avec plusieurs associations de chantiers d'insertion des accords d'objectifs pour le recrutement de 45 000 salariés en contrat d'avenir. Pour les jeunes de moins de 26 ans, le CAE, est pris en charge à hauteur de 105 % du SMIC.
Le présent projet de loi vise, à la demande des acteurs concernés et afin de faciliter leur organisation - la lettre de la fédération nationale des associations d'accueil et de réadaptation sociale, la FNARS, est à votre disposition -, à assouplir la durée du contrat d'avenir. Celui-ci passera de vingt-six heures à vingt heures : cela faisait partie des demandes qui restaient en suspens.
Les moyens nouveaux visent à professionnaliser et à consolider les structures d'insertion. En effet, les aider et les accompagner, c'est clairement leur permettre d'avoir plus de lisibilité quant à leur budget. C'est pourquoi le budget de l'insertion par l'activité économique est inscrit dans la loi de finances pour les cinq ans à venir.
Par ailleurs, les aides sont désormais versées mensuellement par le CNASEA. Il s'agissait également d'une attente forte de la part des associations. Elles avaient en effet formulé une telle demande au mois de juillet dernier et nous y répondons dès le mois de janvier.
Monsieur Gournac, je tiens à vous remercier de votre contribution. Chacun sait combien vous avez accompagné toutes les demandes que je viens d'évoquer. Celles-ci obtiennent aujourd'hui une réponse.
Dans un autre domaine, je tiens à vous dire très calmement, mais très fermement, madame Demontès, que je n'accepte pas vos insinuations selon lesquelles, pour le Gouvernement, un pauvre serait un délinquant en puissance.
M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. C'est scandaleux !
M. Guy Fischer. Pour ma part, je pourrais faire miens les propos de Mme Demontès !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. L'humain est bien entendu au coeur de nos débats. Je comprends que ceux-ci puissent susciter une certaine passion. Mais ce qui doit nous rassembler, au-delà de nos différences, c'est le respect que nous devons à nos concitoyens. Nous n'avons pas le droit de leur faire des procès d'intentions ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Guy Fischer. C'est du double langage !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Madame Demontès, je ne céderai pas à la polémique à laquelle vous m'invitez. Je vous répondrai simplement sur deux points.
D'abord, le seuil de 78 heures par mois déclenchant la prime de 1 000 euros a été fixé pour encourager les reprises d'emploi au moins à mi-temps. Cela n'a aucune incidence sur le nombre des demandeurs d'emploi de catégorie 1.
Je rappelle que les modalités de calcul du nombre des demandeurs d'emploi sont fixées par des conventions internationales sous l'égide de l'Organisation internationale du travail, l'OIT, et que rien dans le présent projet de loi ne vient les modifier directement ou indirectement.
S'agissant ensuite des perdants de cette réforme, c'est bien parce que nous voulions éviter ce que vous dénoncez que nous avons prévu le maintien du système actuel, qui restait plus favorable, pour les personnes reprenant au moins un travail à mi-temps.
Monsieur Virapoullé, votre intervention - je pense notamment à vos propos sur la dignité du retour à l'emploi - m'a interpellée. Vous avez posé des questions extrêmement pertinentes.
Je vous confirme que, dans le cas que vous avez cité, le bénéfice de la CMU est bien maintenu. S'agissant de la CMU complémentaire, j'aurai l'occasion de m'exprimer de manière plus détaillée à l'occasion de l'examen d'un amendement présenté par Mme Létard à l'article 1er.
Je sais que la taxe d'habitation est aujourd'hui due au-delà d'un seuil de revenus, avec tous les inconvénients qui s'attachent aux seuils. Mais ce prélèvement présente tout de même un avantage : il n'est pas lié à un statut tel que celui d'allocataire du RMI. C'est pour cela qu'il faudrait que nous retravaillions sur ces questions.
Vous avez formulé plusieurs propositions extrêmement intéressantes. Je prends devant vous l'engagement de les faire expertiser.
Je suis très sensible à votre proposition d'encourager la reprise d'entreprises par des demandeurs d'emploi et des allocataires de minima sociaux.
Ainsi que vous l'avez fort justement souligné, trop d'entreprises artisanales disparaissent, notamment en milieu rural, faute de repreneurs. Votre idée d'un contrat repreneur d'entreprise est très intéressante. Elle mérite d'être creusée afin d'avancer sur le sujet.
Monsieur Desessard, vous avez posé une question importante sur l'AAH. Vous demandez pourquoi les bénéficiaires de cette allocation sont exclus de la réforme.
La réforme de l'intéressement ne concernera effectivement pas les titulaires de l'AAH, car ceux-ci peuvent déjà cumuler leurs revenus d'activité avec leur allocation.
Vous le savez probablement, l'AAH est déterminée d'une manière générale en fonction des seuls revenus nets catégoriels, c'est-à-dire après les abattements fiscaux de droit commun de 10 % et 20 % et les abattements spécifiques aux personnes en perte d'autonomie. Les bénéficiaires de l'AAH reprenant une activité cumulent donc partiellement prestation et revenus, puisqu'une seule partie de ces revenus est prise en considération pour la détermination du montant de l'allocation.
Au contraire, la détermination du montant du RMI ou de l'API est faite en prenant en compte le revenu avant application d'éventuels abattements fiscaux.
Par ailleurs, le droit à l'AAH est examiné pour chaque période d'un an commençant au 1er juillet de chaque année, sur la base des ressources imposables au cours de l'année civile précédant le début de l'exercice de paiement. L'allocataire peut donc, en cas de reprise d'activité, cumuler de façon intégrale l'allocation et ses revenus d'activité pour une période allant de sept à dix-huit mois selon la date de reprise d'activité.
Enfin, la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a amélioré les possibilités de cumul en prévoyant pour l'examen des ressources une neutralisation d'une partie des rémunérations d'activité de l'intéressé tirées d'une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail. Il s'agit d'un intéressement sans aucune limitation de durée.
Le Gouvernement a veillé à ce que les décrets d'application sur l'AAH soient pris dès le 1er juillet 2005.
Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le présent projet de loi offre la possibilité de faire un pas, d'accompagner celles et ceux qui retournent vers l'emploi et de faire en sorte que le revenu de leur travail soit effectivement plus rémunérateur que celui de l'assistance. C'est une étape supplémentaire dans le grand débat, qui nous mobilise tous, sur l'emploi dans notre pays.
Je suis convaincue que nous trouverons ensemble les solutions. Telle est en tout cas la volonté du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
9
NOMINATION D'un MEMBRE D'UN organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la Commission centrale de classement des débits de tabac.
La commission des finances a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Auguste Cazalet pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
10
Retour à l'emploi
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 62, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au retour à l'emploi et aux droits et devoirs des bénéficiaires de minima sociaux (n° 118, 2005-2006).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Guy Fischer, auteur de la motion.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous assistons aujourd'hui à un démantèlement accéléré - sans précédent - du code du travail et des droits des travailleurs, droits acquis au fil de décennies de combats politiques et de luttes sociales.
Historiquement, notre société a ancré sa dynamique de progrès social dans l'amélioration progressive et continue des conditions de vie et de travail.
Or ce gouvernement s'attache à tailler en pièces ces garanties de niveau de vie et de stabilité familiale, sociale et économique, par une politique entièrement axée sur la logique du profit de quelques entrepreneurs et de grands groupes bancaires.
Au début de l'été dernier, le Gouvernement a imposé aux Français, par la voie des ordonnances, le contrat nouvelles embauches. Il ne s'est agi là que de la première étape du bouleversement sans précédent des acquis du monde du travail effectué par M. de Villepin et son gouvernement.
Ce bouleversement se poursuit aujourd'hui avec l'annonce de la création du contrat première embauche, véritable « copier-coller » du contrat nouvelles embauches, destiné à nos jeunes générations rencontrant des difficultés d'intégration dans l'emploi.
Les plus âgés des Français ne seront pas épargnés non plus. La création d'un CDD « vieux » - je le dis avec humanisme, mais ce terme, utilisé par les médias, veut bien dire ce qu'il veut dire, même s'il ne nous convient pas, madame la ministre - mettra en cause la stabilité des travailleurs en fin de carrière, alors que la durée d'activité s'allonge malheureusement toujours un peu plus.
La nouvelle conception du monde du travail mise en oeuvre par le Gouvernement fait de la précarité une règle. Ainsi Mme Laurence Parisot a-t-elle déclaré, le 30 août dernier : « La vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? ».
Alors qu'il était une garantie de stabilité, le contrat à durée indéterminée devient, avec le contrat nouvelles embauches, synonyme d'emploi précaire. Aujourd'hui, plus rien ne garantit aux travailleurs des conditions de travail, et donc de vie, relativement stables.
La précarité explose : contrats à durée déterminée de quelques mois, contrats en intérim de quelques jours, contrats nouvelles embauches avec licenciement sans raison motivée, licenciements économiques anticipés, sans recours possible, tel est, madame la ministre, le monde du travail que vous et votre majorité êtes en train de dessiner.
De plus, vous opposez les travailleurs les uns aux autres, les jeunes aux vieux, les femmes avec enfants aux hommes célibataires.
Cette segmentation dangereuse du marché du travail accroît la pression sur les travailleurs, qui sont sans cesse accusés d'être la cause du chômage alors qu'ils en sont victimes du fait du coût trop élevé du travail.
C'est bien de cela qu'il s'agit, madame la ministre, dans le dernier rapport sur le salaire minimum que les services du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement viennent de rendre public.
Personne n'est dupe : la politique du Gouvernement, qui se veut sociale, ne fait qu'institutionnaliser la pauvreté et l'instabilité sociale, familiale et économique pour toutes les générations, et ce à vie !
Tel est le paysage politique dans lequel nous abordons l'examen de ce projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux. Chacun sait que ce texte n'est que la première étape d'un projet de plus grande ampleur visant à refondre totalement les minima sociaux tels que nous les connaissons aujourd'hui.
La méthode gouvernementale nous inquiète. En effet, alors que, sous la direction de Mme Valérie Létard, un groupe de travail sénatorial, dont je fais partie, réfléchit depuis plusieurs mois à des pistes de réforme des minima sociaux, le présent texte en anticipe les conclusions. Pourquoi un tel empressement ? Quels mauvais coups sont en préparation ?
Par ailleurs, je souligne que la commission des affaires sociales, fait exceptionnel, n'a procédé à aucune audition en préparation de ce texte. Les structures d'aides sociales et les associations qui travaillent chaque jour sur le terrain avec les bénéficiaires des minima sociaux n'ont pas une seule fois été interrogées par la commission !
Je m'inquiète également au sujet d'une proposition de loi sur les minima sociaux que l'on nous a annoncée pour les jours ou les semaines à venir et sur laquelle nous ne disposons pas de la moindre information pour l'instant. Peut-être M. de Raincourt ou Mme Létard pourraient-ils nous renseigner à ce sujet ?
La méthode employée est révélatrice de vos intentions, madame la ministre. Votre volonté de réforme dissimule mal le fait que votre projet est de réduire les aides accordées, ainsi que le champ des publics concernés, afin de réaliser quelques économies sur le dos des plus démunis et de pouvoir afficher des statistiques sur le chômage en baisse à la veille de l'élection présidentielle.
Je ne serais pas étonné si la fameuse proposition de loi que l'on nous annonce pour la fin du mois de février était, entre autres, la traduction législative des vues de MM. Mercier et de Raincourt, qui évoquent clairement, dans le rapport qu'ils ont remis au Gouvernement, la fusion en une seule allocation de certains minima sociaux, c'est-à-dire du revenu minimum d'insertion et de l'allocation de parent isolé.
En fait, sous prétexte de clarifier un système qu'il considère comme trop complexe - neuf minima sociaux !-, le Gouvernement souhaite uniformiser la prise en charge des plus démunis pour aboutir à une allocation unique. Une telle uniformisation se fera au détriment des plus pauvres, mis au ban de la société et stigmatisés comme assistés et fraudeurs en puissance.
L'objectif est clair : aboutir à une allocation unique, sur critère exclusif de revenu, alors que, jusqu'à présent, dans le système en vigueur, le critère d'attribution du revenu a toujours été complété par la prise en compte du statut - femme seule élevant un enfant, handicapé ou chômeur en fin de droit par exemple -, et ce afin de respecter les spécificités de chacun. Ce critère du statut est donc grandement menacé. Ce sont les plus pauvres qui en seront les premières victimes !
L'existence de ces différents statuts ne constitue pas, madame la ministre, une complexité ou une lourdeur administrative inutile. Ils correspondent chacun à des situations et à des parcours de vie différents. Ils évitent des amalgames et des raccourcis qui conduisent à penser que la société a à sa charge une population d'assistés, dépeinte, depuis la loi Fillon, comme une masse d'indigents, informe et sans visage.
Ce texte traduit votre volonté de démanteler les systèmes d'aides et de protection sociale. Ce gouvernement organise une véritable chasse aux pauvres, aux chômeurs et aux assurés sociaux, qui s'accompagne d'une campagne médiatique sans précédent, visant à les présenter comme les seuls responsables de leur sort et comme des fraudeurs potentiels.
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Guy Fischer. Votre politique aboutit à une destruction nette d'emplois, et, je vous le rappelle, si les chiffres du chômage baissent, c'est parce que la population active est moins nombreuse et non pas parce que le volume d'emplois augmente.
Vous avez durci les conditions d'accès au régime d'assurance chômage, faisant basculer des milliers de personnes vers l'assistance.
Selon l'INSEE, le nombre de demandeurs d'emploi non indemnisés a augmenté de 9 % en 2004 ! De même, le nombre d'allocataires du RMI a augmenté de 5 % en 2003 et de 8,5 % en 2004 ! Et il en sera au moins de même en 2005.
Une autre donnée est très significative de votre politique de l'emploi : alors que le nombre de demandeurs d'emploi de plus de trois ans a diminué entre 1999 et 2003, il a augmenté de 8,8 % cette année, ce qui conduit au maintien du nombre de bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, alors même que le nombre de bénéficiaires de l'allocation équivalent retraite de remplacement, l'AER, n'a cessé d'augmenter depuis sa création en 2002. Au total, si l'on y inclut les ayants droit, un peu plus de six millions de personnes sont couvertes par les minima sociaux.
Quel avenir, madame la ministre, réservez-vous à ces personnes ?
Cette manière de légiférer, à la hussarde - nous l'avons encore constaté ce matin en commission -, quasiment en catimini et de manière décousue, n'est pas acceptable. Sous des allures de politique sociale, les mesures d'affichage contenues dans ce texte, comme la prime de 1 000 euros ou la prime d'intéressement forfaitaire, réduisent les droits des personnes les plus défavorisées tout en accroissant la complexité des modes de calcul et des critères d'attribution.
Le plus insupportable dans la politique que mène ce gouvernement est la chasse aux fraudeurs parmi les allocataires de l'assurance chômage et les bénéficiaires de minima sociaux, alors qu'ils ne constituent qu'une infime minorité.
Vous renforcez les sanctions pénales contre les plus pauvres alors que ces populations connaissent déjà de grandes difficultés financières. Vous aggravez leur situation par des sanctions administratives. En revanche, les riches bénéficient d'une totale impunité.
Comment justifier un tel acharnement alors que, selon les chiffres de la Caisse nationale des allocations familiales, les fraudes représentent environ 0,004 % des cas traités, autrement dit zéro ?
De même était-il indiqué, dans le rapport Marimbert sur le service public de l'emploi, remis au Gouvernement en janvier 2004, que seul 0,08 % des dossiers de demandeurs d'emploi donnent lieu à poursuites, soit, encore une fois, zéro !
Pourtant, le décret publié le 24 décembre dernier, en guise de cadeau de Noël, qui autorise les agents relevant du ministre chargé de l'emploi à « se faire communiquer par les administrations fiscales, en cas de présomption de fraude, toutes données et documents nécessaires à l'accomplissement de leur mission », laisse entendre, de manière perverse, qu'il y a urgence à agir.
En revanche, bien sûr, les aides astronomiques - leur montant s'élève à plus de 26 milliards d'euros - que l'État octroie aux entreprises ne donnent lieu, elles, à aucun contrôle sur le nombre de créations d'emploi qu'elles ont permis.
Alors que le chômage reste massif en France, l'objectif du Gouvernement est clairement de stigmatiser les chômeurs ou les plus pauvres, en les présentant comme responsables de leur situation, comme des paresseux et des profiteurs.
Et au moment où vous ponctionnez l'épargne populaire, votre politique fiscale permet aux 180 000 foyers les plus riches de notre pays de bénéficier d'une baisse d'impôt de 2,5 milliards d'euros !
Il est indécent de vouloir réaliser des économies budgétaires sur les personnes bénéficiant des minima sociaux, qui touchent, je vous le rappelle, 400 euros par mois. De quoi profite-t-on, madame la ministre, avec de tels revenus ? Je vous le demande !
Telles sont les raisons pour lesquelles nous avons déposé cette motion tendant à opposer la question préalable. Nous estimons qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la discussion d'un tel texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Dire du présent projet de loi qu'il bouleverse notre système de minima sociaux et qu'il met en péril la solidarité nationale me semble parfaitement excessif.
Au contraire - cela a déjà été souligné -, l'objet de ce texte est limité, ce qui lui a d'ailleurs parfois été reproché : il vise à rendre plus efficaces et plus incitatifs en termes de retour à l'emploi des dispositifs de cumul temporaire entre salaire et minima sociaux qui existent déjà mais restent peu et mal employés.
Il est évident que ce projet de loi ne résoudra pas à lui seul le problème de l'emploi dans notre pays. Telle n'est d'ailleurs pas son ambition. Mais il s'inscrit résolument dans le cadre de la « bataille pour l'emploi » que le Premier ministre s'est engagé à gagner et qui commence d'ailleurs à porter ses fruits, comme le montrent les dernières évolutions des chiffres du chômage.
Compte tenu de l'urgence de la mobilisation pour l'emploi, repousser sans l'examiner un projet de loi qui prévoit des mesures concrètes pour favoriser le retour à l'emploi de ceux qui en sont le plus éloignés, c'est encourir, à mes yeux, le reproche d'irresponsabilité.
C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur cette motion.
Je me permets d'ajouter, puisque des accusations de « chasse aux pauvres » ont été portées, que si le moindre soupçon sur cet aspect des choses, au cours de nos débats, paraissait fondé, je démissionnerais instantanément de ma fonction de rapporteur.
M. Guy Fischer. On en parlera aux présidents de conseils généraux !
M. Éric Doligé. Ils sont à votre disposition à longueur d'année !
M. Guy Fischer. Merci, monsieur Doligé !
M. Roland Muzeau. Ils sont moins nombreux qu'hier à droite de cet hémicycle !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. La discussion générale a bien montré nos divergences de vue.
Très franchement, monsieur Fischer, l'objectif du Gouvernement n'a rien à voir avec les statistiques. Notre volonté est d'aider les femmes et les hommes de notre pays qui sont les plus éloignés de l'emploi à y retourner en utilisant tous les moyens qui permettent de le faire.
D'autres réformes restent à faire, nous le savons tous. Des travaux sont en cours. Avec ce texte, qui traduit concrètement les engagements du Gouvernement, nous franchissons une première étape. Il serait dommage, pour les bénéficiaires, de ne pas le faire dès maintenant.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis défavorable à cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n°62, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 79 :
Nombre de votants | 296 |
Nombre de suffrages exprimés | 296 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 149 |
Pour l'adoption | 120 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par Mme Printz, M. Cazeau, Mmes Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Desessard, Godefroy, Sueur, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 38, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux (n° 118, 2005-2006).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à Mme Gisèle Printz, auteur de la motion.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la précarité est un phénomène inquiétant qui ne cesse de progresser dans notre pays.
Les dernières statistiques de décembre 2005 font apparaître une augmentation continue du nombre de bénéficiaires de minima sociaux, notamment du RMI. On en dénombre 1 107 000, soit 22 000 de plus en trois mois et 6,2 % de plus en un an. En outre, 470 000 personnes vivent de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, et 175 000 personnes perçoivent l'allocation de parent isolé, l'API. Avec les ayants droit, cela représente quelque six millions de personnes vivant de minima sociaux.
Cette augmentation peut s'expliquer par la situation très défavorable de la création d'emploi et par l'augmentation du nombre de chômeurs non indemnisés par l'UNEDIC après la réforme de l'assurance chômage intervenue à la fin de 2002. Ainsi, 59,5 % des chômeurs sont aujourd'hui indemnisés par l'UNEDIC, les autres relevant de dispositifs de solidarité. Les récentes négociations n'arrangeront rien, bien au contraire, puisque les conditions d'accès à l'allocation chômage ont été durcies. Ainsi, selon l'office Eurostat, 7,2 millions de personnes vivent aujourd'hui avec moins de 720 euros mensuels en France.
La précarité devient un phénomène durable et concerne particulièrement les jeunes. Un tiers des allocataires du RMI le sont depuis plus de cinq ans ; ils sont donc très loin de l'emploi, en grande difficulté sociale.
Par ailleurs, le nombre de chômeurs de longue durée a augmenté de 9,3 % en un an.
Mais le plus grave, comme le montre la dernière enquête du Secours catholique, est que les personnes en situation de grande précarité subissent en outre une perte de pouvoir d'achat. Celle-ci a été de 1,5 % en moyenne pour les personnes secourues entre 2003 et 2004.
Cette situation invraisemblable est à mettre en rapport avec les effets des dernières lois de finances en faveur des redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune, des détenteurs de portefeuilles d'actions, des bénéficiaires de niches fiscales. On prend aux pauvres pour donner aux riches, en quelque sorte.
De la précarité découle le problème du logement. Selon la Fondation Abbé Pierre, 3 millions de personnes sont aujourd'hui mal logées : SDF, habitat provisoire ou insalubre, squats, etc. Par ailleurs, 1,3 million de personnes sont officiellement en attente d'un logement social. Le « reste à vivre mensuel » des personnes en logement précaire - hôtels, caravanes, centres d'hébergement... - est ainsi tombé de 304 euros en 2002 à 261 euros en 2004.
Être sans emploi dans notre société est tellement dévalorisant que cela entraîne un repli sur soi, une perte de confiance, des soucis de santé et des problèmes familiaux.
Dans ce contexte de généralisation progressive de la précarité et d'accroissement des inégalités, et après les graves événements des banlieues, le Gouvernement semble décidé à réagir. C'est pourquoi nous examinons aujourd'hui ce projet de loi sur le retour à l'emploi, au titre très ambitieux eu égard aux mesures qui nous sont proposées. Celles-ci relèvent davantage de l'effet d'annonce que d'une volonté réelle de mettre fin à l'exclusion.
Pourtant, de nombreux rapport ont révélé des pistes de réflexion intéressantes.
Il y a eu tout d'abord le rapport du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, le CERC, présidé par Jacques Delors, puis celui de Martin Hirsch, président d'Emmaüs France, puis les rapports parlementaires établis par Michel Mercier, au nom de l'Observatoire de la décentralisation du Sénat, celui de Valérie Létard sur les minima sociaux et, enfin, celui de nos collègues Michel Mercier et Henri de Raincourt, adressé au Premier ministre.
Pour ce qui est de ce dernier rapport, le Gouvernement n'a même pas attendu ses conclusions. Sa volonté de se désengager le plus rapidement possible de l'action sociale, au détriment des collectivités territoriales, a prévalu sur la réflexion et la qualité des propositions.
Ainsi, malgré tous ces rapports, nous nous trouvons face à un texte rédigé dans la précipitation et sans concertation en amont avec les acteurs de terrain.
Pourquoi ne pas avoir travaillé avec les grandes associations ? La Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, la FNARS, l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, l'UNIOPSS, les conseils généraux, les mouvements de chômeurs auraient eu beaucoup d'observations à formuler sur ce sujet. Mais aucune d'entre elles n'a été consultée, ce qui, malheureusement, semble être devenu une habitude depuis la création du RMA. On décide sans écouter l'avis des principaux intéressés, ce qui est à déplorer.
En conséquence, nous examinons aujourd'hui un texte qui, au lieu de l'aider, stigmatise une partie de la population, puisque le non-respect des contraintes qu'il prévoit peut entraîner des radiations. En d'autres termes, il punit les chômeurs qui ne parviennent pas à retrouver un emploi, alors qu'il existe peu d'emplois disponibles sur le marché du travail.
Le volet « sanction » du texte, inséré par amendements à l'Assemblée nationale, est totalement disproportionné, et inapplicable ; il risque de provoquer un endettement à vie des personnes en difficultés. De nos jours, le chômeur, le bénéficiaire de minima sociaux est rendu responsable de son état et mis en accusation.
On peut se demander si le fait de culpabiliser ces populations n'est pas une diversion pour tenter de faire oublier l'échec du Gouvernement en matière de mise en oeuvre d'une politique créatrice de croissance et d'emplois apte à diminuer le nombre d'allocataires du RMI, comme celle qui fut mise en place en 2000 et 2001 sous le gouvernement Jospin. Il faut être honnête, notre société n'est pas créatrice de vrais emplois.
Par ailleurs, ce texte, purement technique, ne constitue pas une réponse globale au problème de la précarité. Les mesures proposées sont insignifiantes. Ce gouvernement à tendance à ne traiter les problèmes de notre société qu'à la marge, sans aller au fond des choses, à faire du « rafistolage » en quelque sorte. (M. Éric Doligé s'exclame.)
Ainsi, le seuil de 78 heures n'est pas adapté aux personnes les plus éloignées de l'emploi, qui se trouvent dans des situations de détresse extrême. Après plusieurs mois passés dans la rue, effectuer ce nombre d'heures de travail représente pour elles le même effort qu'un travail à temps plein. C'est l'activité qui doit s'adapter à la personne et non l'inverse. On doit davantage prendre en compte le problème de la personne et son itinéraire.
Le texte ne résout pas non plus les problèmes liés aux effets de rupture de soins et à la malnutrition. La question de la garde des enfants n'est abordée que de manière marginale, à travers une priorité ou un quota de places réservées dans les structures existantes, c'est-à-dire à la charge des communes et des conseils généraux. On sait pourtant combien la question de la garde d'enfants est essentielle, dans un contexte où l'API, les bas salaires et le travail à temps partiel concernent essentiellement les femmes.
Pour ce qui est de la prime de retour à l'emploi, il s'agit avant tout d'un effet d'annonce puisqu'elle existe déjà. En effet, le décret n°2005-1054 du 29 août 2005 pris en application de l'ordonnance du 2 août 2005 créait une prime exceptionnelle de retour à l'emploi d'un montant de 1 000 euros pour certains bénéficiaires de minima sociaux, versée après quatre mois de travail et pour un contrat d'au moins 78 heures par mois. Rien de très nouveau, donc ! En revanche, cette prime suscite de nombreuses interrogations liées à la complexité d'un nouveau dispositif mettant en scène une multiplicité d'acteurs.
Et comment la personne concernée fera-t-elle face aux frais inhérents au retour à l'emploi pendant les quatre premiers mois, en matière notamment de garde d'enfants et de transports ? A-t-on envisagé le maintien des droits connexes : la CMU complémentaire, l'APL à taux plein, l'exonération des impôts locaux ? Si la personne perd son emploi au bout de deux mois et demi pour quelque raison que ce soit, que percevra-t-elle ?
Est-ce uniquement un hasard si le seuil retenu par le Gouvernement, pour le versement de la prime, est de 78 heures travaillées dans le mois, horaire au-delà duquel les demandeurs d'emploi ne peuvent plus être inscrits en catégorie 1, seule prise en compte dans les statistiques officielles du chômage ? Qu'en est-il, en outre, de la formation ? Nous souhaitons des réponses précises à ces questions.
Devant les nombreuses interrogations suscitées par ce texte, et pour toutes les raisons évoquées, nous vous demandons, madame la ministre, de reprendre ce travail à la lumière des rapports qui vous ont été remis et des réflexions qui ont été menées par les grandes associations.
En l'état, votre texte exprime davantage une suspicion à l'encontre des bénéficiaires des minima sociaux qu'une volonté de traiter la précarité dont ils sont victimes. Il n'ouvre pas de perspectives d'avenir pour les jeunes en difficulté. C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter cette motion tendant au renvoi du projet de loi à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Vous estimez, madame Printz, que le Sénat n'est pas suffisamment informé pour pouvoir délibérer de ce projet de loi.
Pourtant, depuis le mois de mars dernier, la commission des affaires sociales travaille sur la question des minima sociaux. À la suite de la publication du rapport de Valérie Létard, en mai dernier, nous avons même mis en place un groupe de travail sur ce sujet, qui a procédé à nombre d'auditions et de déplacements sur le terrain. Dans ce cadre, les principales associations oeuvrant dans le secteur de la lutte contre les exclusions ont pu être entendues, et elles n'ont pas manqué de faire part de leurs observations sur le projet de loi. Il me semble donc que notre assemblée est tout à fait en mesure de se prononcer en connaissance de cause sur les mesures présentées.
Sur le fond, le rapport de Valérie Létard a mis en lumière la faible efficacité de l'intéressement actuel et le frein au retour à l'emploi que constitue la complexité extrême des règles permettant la combinaison des prestations entre elles et avec un revenu d'activité. Le présent texte vise à simplifier et à rendre plus attrayants ces dispositifs : il serait donc très dommage de le rejeter.
Par ailleurs, vous déplorez, ma chère collègue, le caractère parcellaire de ce projet de loi. La commission aurait, il est vrai, souhaité examiner un texte d'ensemble sur les minima sociaux ; elle ne s'en est pas cachée. Cela étant, le présent projet de loi n'est qu'une première étape : deux propositions de loi, examinées conjointement par la commission des affaires sociales, devraient être prochainement déposées sur le bureau du Sénat. L'une est issue des réflexions de notre groupe de travail, l'autre résulte de l'étude menée par nos collègues Michel Mercier et Henri de Raincourt. Nous aurons donc très bientôt le débat d'ensemble que vous appelez de vos voeux.
Cependant, je voudrais insister sur le point suivant : il serait illusoire d'attendre d'un texte, si complet soit-il, la résolution de l'intégralité des problèmes mis en exergue dans ce domaine. Il était urgent d'oeuvrer pour le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux, et une partie des mesures présentées étaient déjà expérimentées depuis août dernier. Par conséquent, pourquoi attendre ?
J'évoquerai maintenant - modestement, mais je ne peux tout de même pas m'en dispenser -, le rapport que j'ai remis au Premier ministre en juillet 2003 et qui montrait précisément, s'agissant de cette question de l'intéressement, que le calcul des ressources était impossible et qu'il était urgent de simplifier le dispositif. J'avais procédé personnellement, à l'époque, à plus d'une centaine d'auditions avant d'aboutir à ce constat, et j'espère répondre ainsi à vos interrogations, madame Printz.
En tout cas, pour ce qui me concerne, je pense, en conscience, que la mesure est d'une portée très restreinte mais qu'elle se révélera efficace. Or, depuis des années, la conviction unanime est qu'il faut parvenir à calculer, par anticipation, les revenus à attendre du dispositif d'intéressement. Dans ces conditions, il est difficile, et même impossible à mes yeux, de repousser ce texte.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cette motion.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement est défavorable à cette motion, notamment pour toutes les raisons que vient d'exposer M. le rapporteur.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 38, tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 80 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l'adoption | 120 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Jean Desessard. Dommage !
M. le président. L'amendement n° 98, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Dans l'intitulé de cette division, remplacer le mot :
Incitations
par le mot :
Aides
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Les demandeurs d'emploi non indemnisés par l'assurance chômage et bénéficiaires de minima sociaux ne choisissent pas d'être privés d'emploi. Or le terme « incitations » laisse supposer une réticence à la reprise d'emploi, que toutes les études démentent.
Dans cette perspective, les dispositifs prévoyant le cumul d'allocations et de rémunérations liées à une reprise d'activité ont pour objet d'apporter une aide aux personnes fragiles concernées, afin d'éviter que celles-ci ne perdent leurs droits aux minima sociaux et les droits connexes avant d'être assurées d'avoir retrouvé un emploi durable, ce qui transformerait leurs démarches en cauchemar administratif.
Il s'agit ici d'un amendement idéologique. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) En effet, ce sont des aides qu'il faut apporter, et non pas des incitations, comme si le chômeur refusait de reprendre un emploi.
Je profiterai de la présentation de cet amendement pour revenir sur des propos tenus tout à l'heure par Mme la ministre, qui a dit qu'il faut tout faire pour créer de l'emploi. Eh bien, madame la ministre, s'il s'agit, sous prétexte de créer des emplois, d'abaisser le niveau des prestations sociales et d'instaurer des salaires très faibles pour rivaliser avec ceux qui sont pratiqués en Asie, nous ne pouvons pas être d'accord ! Il faut tout faire, certes, pour développer l'emploi, mais dans le cadre légal du contrat de travail aujourd'hui en vigueur et avec un objectif de lutte contre la précarité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. L'adoption de cet amendement créerait un risque de confusion avec un autre dispositif, celui de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, qui concerne le régime de l'assurance chômage.
C'est pourquoi je suis conduit à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement est très sensible au risque de confusion évoqué par M. le rapporteur. C'est la raison pour laquelle il est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 100, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le deuxième alinéa du I de l'article L. 322-4-8 du code du travail, les mots : « peuvent prévoir » sont remplacés par le mot : « prévoient ».
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Ce projet de loi vise à favoriser le retour à l'emploi durable. Dans cette optique, les conventions de l'État ouvrant droit aux contrats initiative-emploi doivent prévoir - et non « peuvent prévoir » - des actions d'orientation, de formation, de validation des acquis de l'expérience, ainsi que des mesures d'accompagnement professionnel.
C'est une obligation qu'il est proposé ici d'inscrire dans la loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. L'adoption de cet amendement susciterait une rigidité supplémentaire, peu compatible avec une gestion convenable du dispositif du contrat initiative-emploi.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Les salariés embauchés dans le cadre des contrats initiative-emploi ont accès aux dispositifs d'accompagnement et de formation de droit commun tels qu'ils sont notamment définis dans la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.
Des actions d'orientation, de formation professionnelle, de validation des acquis de l'expérience ou des mesures d'accompagnement professionnel sont prévues lorsqu'elles s'avèrent nécessaires à l'insertion professionnelle durable du salarié et sont de nature à faciliter la réalisation du projet professionnel du bénéficiaire du contrat initiative-emploi.
Dans ce cas, les actions sont mentionnées dans la convention conclue entre l'employeur et l'ANPE qui accompagne le contrat initiative-emploi. Ces actions peuvent être prises en compte pour la détermination du niveau de l'aide perçue par l'employeur.
Enfin, dans le cadre du dispositif du contrat initiative-emploi, les salariés peuvent également bénéficier des actions d'accompagnement ou de formation mises en oeuvre par le service public, notamment par l'ANPE et l'AFPA, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 99, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du premier alinéa du III de l'article L. 322-4-8 du code du travail est supprimée.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. La suppression du nombre maximal de renouvellements possibles des CIE à durée déterminée, sans même qu'un minimum soit fixé pour celle-ci, fait du CIE un contrat particulièrement précaire, pouvant être renouvelé - ou non - au gré de l'employeur, y compris pour de très courtes durées. Il n'y a pas lieu de favoriser la précarité des contrats, s'agissant des CIE qui sont conclus dans le secteur marchand.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Dans le cadre des CIE, les besoins ou les caractéristiques propres au demandeur d'emploi sont pris en compte. Je ne crois pas souhaitable de rigidifier le dispositif et de rendre plus difficile le recours à ce dernier. Il me semble au contraire préférable de favoriser la signature de CIE, fussent-ils précaires, c'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je crois important de rappeler que, dans le plan de cohésion sociale, le contrat initiative-emploi, le CIE, est finalement le seul contrat aidé à permettre de contracter un contrat à durée indéterminée, puisqu'il offre une double possibilité.
Avec le recul, nous savons que plus de 80 % des personnes embauchées dans le cadre d'un CIE ont conclu un contrat à durée indéterminée. Cette mesure est donc clairement de nature à permettre le retour à un emploi durable de ses bénéficiaires en favorisant leur reprise d'activité dans des conditions aussi proches que possible du marché du travail.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est tout à fait défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par M. Cazeau, Mmes Printz, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Desessard, Godefroy, Sueur, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches » est abrogée.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous nous trouvons de nouveau ici devant un problème de cohérence.
Le projet de loi qui nous est présenté prétend favoriser la réinsertion des allocataires de minima sociaux. Qu'entend-on par réinsertion ? Et réinsertion dans quoi, au demeurant ?
La réinsertion dans l'emploi, qui semble être celle que vous visez, suppose, à notre sens, un minimum de stabilité. Les allocataires du RMI et de l'ASS sont des chômeurs de longue durée, et les allocataires de l'API sont en général des femmes dépourvues de qualification professionnelle, qui n'ont parfois jamais connu d'emploi.
Que vont-elles se voir proposer avec ce texte ? Un emploi, avec une prime de 1000 euros et une prime mensuelle forfaitaire. Sur quel type de contrat ? S'il s'agit d'un contrat aidé, ce contrat a au moins une date de début et une date de fin, avec, sauf pour le CIE dans le secteur marchand, un dispositif d'accompagnement ou de formation. S'il s'agit d'un CNE, il a une date de début, et rien d'autre !
Le mot « rien » est ici particulièrement adapté, puisque le salarié sait qu'il a aujourd'hui un emploi et un salaire, mais qu'il n'aura peut-être plus rien demain. Il sait aussi qu'il ne peut pas se loger dans ces conditions, sauf à être hébergé, qu'il ne peut pas obtenir le moindre crédit, qu'il ne peut pas faire de projet exigeant quelque investissement financier.
Le problème que pose ce texte, comme toutes les mesures que vous annoncez depuis quelques mois, c'est que vous condamnez une grande partie de nos concitoyens à une vie immédiate et sans projet.
Ce n'est pas tant dans le fait que des personnes occupent des emplois de services auprès de plusieurs employeurs que réside le problème - ces emplois sont utiles à la société et nous soutenons leur développement - que dans l'état d'insécurité permanente dans laquelle sont maintenus un nombre de plus grand de nos concitoyens, qu'ils aient un ou plusieurs employeurs.
Sans doute cette insécurité permet-elle de tenir les salaires à la baisse et d'empêcher les revendications, mais elle n'est pas un facteur de cohésion sociale. Au-delà d'un certain niveau, elle devient inacceptable, voire dangereuse pour l'économie. Plusieurs signaux devraient vous alerter. Le dernier en date est la brutale et stupéfiante baisse de la consommation en décembre. Les chiffres de novembre vont d'ailleurs être revus à la baisse, d'après le Figaro Économie.
Ce phénomène n'est pas tout à fait nouveau. Des salariés que l'on contraint à l'incertitude permanente du lendemain, dans un contexte de bas salaires, d'inquiétude sur les conditions de leur vieillesse et sur l'avenir de leurs enfants, ne sont pas enclins à soutenir l'économie par la consommation. Mais on va demander en plus, au bénéficiaire d'un CNE de s'investir dans son travail, alors qu'il sera dans une situation de précarité absolue pendant deux ans,... s'il a la chance d'être gardé par son employeur pendant au moins 23 mois. Il - ou elle - va connaître cette incertitude permanente alors qu'il vient d'être rejeté par le monde de l'entreprise et qu'il est, de ce fait, déstabilisé sur le plan personnel et familial.
Mais de quelle insertion dans la société parle-t-on ? Pour la presque totalité de la population, c'est le travail qui structure la vie et qui insère dans la société. Toutefois, pour que le travail soit un facteur d'insertion, encore faut-il qu'il ne détruise pas le peu qui reste de qualité de vie aux plus démunis d'entre nous. Il doit les aider à sortir de la fragile sécurité que procure, par exemple, le RMI et à passer à une plus grande sécurité, à davantage de bien-être et de dignité.
Quel degré de sécurité peut procurer un emploi d'une précarité absolue ? Quelle avancée dans la dignité peut-on attendre de l'absence totale de droits qui en découle pour le salarié ?
De notre point de vue, l'insertion professionnelle, qui conditionne l'insertion dans la société, consiste à redonner un avenir à ceux qui ont le sentiment de ne plus en avoir.
Il n'y a pas de déclin, mais le monde du travail est de plus en plus largement dominé par l'angoisse du lendemain et la recherche d'un peu de sécurité, une sécurité qui se dérobe partout par le fait d'une politique qui organise délibérément la suppression de tous les droits des salariés.
S'il y a une cohérence dans les mesures que vous prenez, elle n'est qu'immédiate et ne profite qu'à une petite minorité.
Ce n'est pas à la cohésion sociale, mais, au contraire, à la déstructuration sociale que l'on assiste. Il y aura, ainsi, une caste de privilégiés, puis une catégorie de prestataires de services et de salariés qualifiés sous contrat précaire, mais encore relativement protégés par leur qualification, et enfin, une large catégorie de personnes peu qualifiées, qui vivront tantôt de petits boulots totalement précarisés et sous-payés, tantôt d'allocations. S'agissant de ces dernières, vous avez d'ailleurs prévu, lors de la discussion du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, en déposant un amendement qui nous laisse un goût d'amertume, qu'elles pourront assurer quelques heures d'intérim pour compléter leur revenus.
Nous sommes en total désaccord avec ces orientations, indéfendables socialement et dangereuses économiquement. C'est pourquoi nous demandons que le Sénat se prononce, par scrutin public, sur le maintien ou non du CNE.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement propose de supprimer le contrat nouvelles embauches alors que celui-ci connaît un indéniable succès auprès des petites entreprises, puisqu'il semblerait que 280 000 contrats de ce type ont été signés depuis le mois d'août.
M. Bernard Cazeau. On n'en est même pas sûr !
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Il est clair, monsieur le sénateur, que nous ne faisons pas la même analyse de la situation.
Je constate, d'un côté - et jusque là, je pense que nous sommes d'accord - que la situation de l'emploi dans notre pays est extrêmement difficile...
M. Roland Muzeau. A qui la faute ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. ...et, de l'autre côté, ce qui est moins évident, que 70 % des contrats signés dans notre pays sont des contrats précaires.
Or, parler de « contrat de travail », c'est parler du marché de l'emploi et parler du « marché de l'emploi », c'est évoquer les besoins des entreprises.
Il est bien clair pour nous tous que les entreprises avaient besoin d'un outil qui soit plus souple. C'est pourquoi nous avons instauré un contrat qui, je vous le rappelle, n'est pas précaire dans son principe, mais qui, novation essentielle, peut être rompu au cours des deux premières années. Est prévu, en outre, un dispositif d'accompagnement du bénéficiaire dans sa recherche d'un nouvel emploi si, d'aventure, son contrat vient à être rompu.
Il s'agit bien de cette fameuse « flexi-sécurité » qui, outre l'accompagnement du salarié qu'elle prévoit, permet à celui-ci d'accumuler une expérience professionnelle et, surtout, répond aux besoins du marché. Comme vient de le dire excellemment M. le rapporteur, depuis l'instauration de cette formule, en août dernier, plus de 280 000 contrats de ce type ont été signés.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est résolument défavorable à cet amendement.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Mme la ministre vient de présenter le CNE comme un contrat de flexibilité...
M. Jean Desessard. Je vous remercie de le préciser, madame, car c'est cet aspect « sécurité » qui m'intéresse.
S'agissant de la flexibilité, on comprend très bien que les entreprises préfèrent utiliser ce contrat qu'un contrat à durée indéterminée, compte tenu des difficultés qu'elles ont à licencier. Il fut une époque où l'on embauchait les salariés à l'heure, quand le travail se présentait. Les salariés ne bénéficiaient alors d'aucun avantage social, et c'est par les luttes syndicales, sanctionnées par le droit du travail, que des avancées en faveur du salarié ont été obtenues.
Aujourd'hui, le Gouvernement bafoue le droit du travail en remettant en cause les acquis qu'ont obtenus les salariés au cours du siècle dernier.
Cela dit, madame la ministre, comment pouvez-vous parler à la fois de sécurité et de flexibilité ?
On pourrait certes adopter une logique consistant à favoriser la flexibilité au niveau des entreprises, tout en assurant la sécurité à l'échelle nationale. Ainsi, l'État pourrait, par exemple, garantir à ceux qui auraient des difficultés à obtenir une caution pour trouver un logement une couverture logement universelle. Or, après avoir été débattue ici, cette proposition a été repoussée par le Gouvernement, par le Sénat, comme elle l'aura été sans nul doute par l'Assemblée nationale.
En fait, comment peut-on obtenir une caution, des garanties pour accéder à un logement en ne jouissant que d'un contrat précaire, c'est-à-dire susceptible de s'arrêter à tout moment ?
Comment parler de sécurité alors que les garanties des ASSEDIC diminuent et que les minima sociaux sont insuffisants pour vivre ?
Vous auriez pu parler de sécurité si était prévu un minimum social garanti, quasiment égal au SMIC, pour toutes les situations, si les personnes ayant travaillé pendant quelques années pouvaient bénéficier d'allocations chômage d'un montant décent et pendant une durée non déterminée à l'avance.
En l'occurrence, la sécurité ne vaut pas pour les salariés, elle ne vaut que pour certains chefs d'entreprise.
(M. Guy Fischer remplace M. Roland du Luart au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Cet amendement fait écho à une exigence exprimée par la totalité des organisations syndicales représentatives dans notre pays, ce qui n'est pas négligeable et ne peut pas être balayé d'un revers de main. Il préfigure la lutte essentielle qui va être menée contre le clone du CNE pour les jeunes, le CPE, annoncé de façon précipitée ainsi que nous l'avons dénoncé à plusieurs reprises, et qui s'adresse, lui, à toutes les entreprises et non aux entreprises de moins de vingt salariés.
Ainsi, nous nageons en pleine politique de soumission aux exigences du patronat, je dirais même du plus grand patronat. En effet, lorsque nous rencontrons les représentants de l'Union professionnelle artisanale, l'UPA, ils ne nous tiennent pas tout à fait le même discours. Mais il est vrai que la CGPME et le MEDEF sont toujours forts pour revendiquer un code du travail plus allégé et moins protecteur des droits et acquis des salariés.
Par ailleurs, madame la ministre, je vous invite à faire preuve d'une plus grande prudence lorsque vous citez des chiffres. Vous avancez que 280 000 contrats auraient été signés à ce jour, mais vous omettez de dire qu'il faut prendre ce chiffre avec précaution, puisque le thermomètre qui aurait dû être conçu pour mesurer l'efficacité du dispositif n'existe pas. L'INSEE et l'ACOSS nous ont invités à prendre avec la plus extrême prudence l'analyse prétendument positive des effets du CNE. Faut-il rappeler que ce dernier, dont la mise en oeuvre ne remonte qu'à quelques mois, compte déjà à son actif 12 % de résiliations : où est la sécurité de l'emploi ? En fait, nous nageons en pleine flexibilité !
Enfin, tout cela doit être comparé aux énormes cadeaux qui sont offerts, toujours aux mêmes. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Je sais que cela ne vous fait pas plaisir à entendre, mais c'est la vérité !
Dans la loi de finances pour 2006, vous avez accordé à 180 000 de nos concitoyens les plus fortunés 2,5 milliards d'euros d'allègements fiscaux.
Quand on voit ce qui est fait pour les uns et comment sont « matraqués » les autres, on mesure la valeur que peut avoir cet amendement, annonciateur, je le répète, de luttes intenses contre le CPE.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 81 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Articles additionnels avant l'article 1er ou après l'article 9
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 39, présenté par M. Cazeau, Mmes Printz, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Desessard, Godefroy, Sueur, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. Les charges résultant pour les collectivités territoriales de l'extension des compétences réalisées par la présente loi sont compensées par le relèvement à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.
II. Les pertes de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Par ce projet de loi, madame la ministre, vous proposez de confier aux collectivités territoriales de nouvelles responsabilités en matière de minima sociaux, et cela, j'y insiste à mon tour, sans véritable concertation préalable avec les conseils généraux.
Les conditions d'octroi de la prime forfaitaire mensuelle ainsi que l'augmentation prévisible du financement des modes de garde d'enfants conduiront à un accroissement des charges des collectivités territoriales.
Plus de six millions de personnes sont en effet potentiellement concernées par ce dispositif, et les présidents de conseils généraux craignent les dérives - M. Mercier, que j'interrogeais, citait des chiffres traduisant un dépassement incontestable pour les départements.
En ce qui concerne le RMI, je le rappelle, l'impasse budgétaire pour les départements s'élevait en 2004 à 468 millions d'euros, compensée par M. Raffarin à hauteur de 456 millions d'euros, ce qui fait déjà 12 millions d'euros de dépenses non compensées. En 2005, l'impasse budgétaire atteint presque un milliard d'euros, soit la différence entre le produit de la TIPP et les dépenses occasionnées par le RMI.
Le conseil général que je préside, par exemple, n'intervenait dans la participation à l'intéressement que jusqu'à 64 heures par mois. Dorénavant, l'ensemble des prestations devra être pris en compte. Il manquera donc incontestablement des recettes lorsque nous ferons les comptes, puisque, malheureusement, les études d'impact n'ont pas été réalisées. Or les conseils généraux n'ont pas besoin de cela en ce moment, alors qu'ils rencontrent les plus grandes difficultés à voter leur budget en augmentant le moins possible les impôts locaux !
M. le président. L'amendement n° 84, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Les charges résultant pour les collectivités territoriales, de l'extension des compétences réalisées par la présente loi sont compensées par le relèvement à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.
II. Les charges découlant pour l'État de l'application du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux alinéas 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement vise à garantir la compensation intégrale par l'État des nouvelles attributions qui relèveront dorénavant des collectivités territoriales.
Malheureusement, je pense que l'on peut vous croire, madame la ministre, lorsque vous déclarez que ces nouvelles dispositions n'induiront pas de charges supplémentaires. Effectivement, la réforme de l'intéressement risque de conduire à la restriction des montants versés et, au passage, à la réalisation d'économies budgétaires sur le dos des plus défavorisés.
Cependant, la situation financière dramatique de certains départements depuis la décentralisation de la gestion du RMI nous incite à beaucoup de prudence. Le déficit des départements s'élève à 468 millions d'euros pour l'année 2004 et devrait atteindre 1 milliard d'euros en 2005. Cela conduira nécessairement à une hausse des impôts, estimée à environ 5 % par les experts. Ce désengagement financier de l'État est inacceptable.
Il en va de même pour ce qui concerne la petite enfance, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'évoquer. L'État se désengage du financement des structures d'accueil collectives par la réduction des moyens des caisses d'allocations familiales. Dans le même temps, il augmente les obligations en matière d'accueil pour les collectivités territoriales, ce qui oblige ces dernières à de très lourds investissements.
Pour certains départements, comme celui de la Seine-Saint-Denis, la prise en charge de l'accueil de la petite enfance conduit à une véritable situation d'étouffement financier.
Nous souhaitons rappeler, par cet amendement, que nous refusons une décentralisation qui consiste, sous couvert de proximité, à démanteler notre système de solidarité nationale. Les collectivités locales ne disposant tout simplement pas des moyens de rendre effectives les missions de solidarité et de justice sociale qui leur sont confiées, celles-ci sont progressivement abandonnées : nous nous opposons fermement à une telle dérive !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Les amendements nos 39 et 84 visent à compenser les charges éventuelles résultant de l'application du présent projet de loi pour les collectivités locales.
Mon analyse diffère totalement de celle des auteurs de ces amendements, puisque la réforme de l'intéressement n'aura pas d'incidence pour les départements. Ceux-ci finançaient l'intéressement actuel ; ils continueront simplement à financer l'intéressement « nouvelle formule », sans qu'il se produise un alourdissement de la charge. Au contraire, si le dispositif rencontre le succès escompté, le retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI devrait même permettre de réduire les dépenses des conseils généraux.
M. Bernard Cazeau. On va même gagner de l'argent ! (Sourires.)
M. Bernard Seillier, rapporteur. Une seule mesure - la prime de 1000 euros - engendrera un surcoût par rapport au dispositif actuel. Or elle est entièrement à la charge de l'État, qui a prévu à cet effet une enveloppe de 240 millions d'euros.
En ce qui concerne les crèches, si les dépenses devaient s'accroître, ce serait dû non pas à l'accueil des enfants relevant des minima sociaux mais à l'augmentation de la demande de l'ensemble des parents, dans un contexte de forte fécondité.
J'ajouterai que le fait de s'engager dans la voie de la compensation d'un surcoût, dont l'existence, au demeurant, ne me semble pas avérée,...
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas sûr !
M. Bernard Seillier, rapporteur. ...pourrait à l'inverse poser le problème du reversement de la compensation du fait des économies réalisées grâce à la diminution du nombre de bénéficiaires du RMI.
En tout état de cause, dans un souci de simplicité, il convient d'en rester aux dispositifs qui ont été mis en place. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. S'agissant de la concertation, monsieur Cazeau, il me semble important que nous fassions le point. M. Jean-Louis Borloo et son cabinet ont reçu les élus, et les services de l'État ont largement travaillé avec l'Assemblée des départements de France. En outre, le directeur général de l'action sociale a reçu à deux reprises - sur son initiative, puis sur celle de l'ADF - l'ensemble des directeurs généraux des services pour évoquer ce texte.
En ce qui concerne plus particulièrement les amendements, je le répète, la réforme de l'intéressement que nous menons n'entraîne pas de charges supplémentaires et l'amélioration de la garde des enfants ne crée pas d'extension de compétence à la charge des collectivités.
Enfin, je tiens à dire que le recours à la dotation globale de fonctionnement pour compenser une éventuelle charge supplémentaire supportée par les collectivités territoriales n'est pas approprié. La DGF n'est pas le support adéquat pour des compensations dont le montant varie chaque année. Elle ne peut intégrer des compensations qui fluctuent en fonction de critères relevant de politiques publiques particulières. Ce type de compensation est incompatible avec l'architecture de la DGF telle qu'elle résulte des réformes de 2004 et de 2005.
M. Bernard Cazeau. Et la DGD ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Madame la ministre, je ne voterai ni avec le parti communiste ni avec le parti socialiste dans la mesure où notre collègue M. Muzeau a fait un mauvais procès d'intention à la décentralisation, mais je m'interroge...
M. Éric Doligé. Il est dommage que M. Muzeau aille toujours un peu trop loin dans ses argumentations et manque de modération. Nous aussi, nous nous posons des questions. Il est d'ailleurs tout à fait logique, madame la ministre, de s'interroger quand les lois évoluent.
Sur le fond, je suis favorable au projet de loi et aux mesures qu'il met en place, mais il convient de considérer que les collectivités ont actuellement l'épiderme sensible s'agissant de l'évolution de certains transferts de charges. Les discussions concernant les charges transférées aux collectivités en 2005 se poursuivent, alors même qu'elles auraient théoriquement dû être closes avant le 31 décembre 2005. La date butoir a été repoussée à la fin du mois de mars alors que les nouvelles compétences sont entrées en application au 1er janvier.
Par conséquent, vous comprendrez que nous nous interrogions sur d'éventuelles charges nouvelles qui ne seraient pas compensées. Vous avez dit très justement, madame la ministre, qu'il n'était pas possible d'inclure ces risques potentiels dans les dotations. Mais on nous fait cette réponse chaque fois que des sommes devraient nous être versées et, finalement, nous prenons les charges de plein fouet !
Aussi, je souhaiterais que vous examiniez avec soin ce point particulier et que, si le risque de charges supplémentaires devait se concrétiser, vous envisagiez un moyen de les compenser. En effet, il n'est pas possible d'imposer en permanence de nouvelles charges sans que soient prévues les recettes correspondantes.
Lors de la préparation de mon budget pour 2006, il m'a semblé que les charges nouvelles allaient être supérieures aux recettes nouvelles. Peut-être mes calculs sont-ils faux,...
M. Bernard Cazeau. Ils sont bons !
M. Éric Doligé. ...à tout le moins, je l'espère - peut-être M. Cazeau a-t-il raison de me rappeler que je n'étais pas très bon en mathématiques, en tout cas, je l'en remercie (Sourires.) -, je souhaiterais néanmoins que cet aspect des choses soit considéré avec précision. Aujourd'hui, mon propos est très modéré, mais je n'aimerais pas être un jour mis dans l'obligation d'appuyer certains amendements de nos collègues.
M. Roland Muzeau. Cela ne nous gênerait pas !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Dans la mesure où je suis quelqu'un de très gentil, je vais me rallier aux propos de notre collègue Doligé, qui est beaucoup plus modéré que moi (Sourires.), et j'accepterai de modifier notre amendement.
Madame la ministre, vous prétendez qu'il n'y a strictement aucun problème. J'en déduis donc qu'il n'y aurait non plus aucun problème à prévoir une disposition qui permettrait de régler un tel problème si, malgré tout, il devait survenir...
Vous vous êtes engagée à de multiples reprises sur une compensation à l'euro près, selon la formule consacrée. Si j'ai bien entendu, M. Doligé a parlé d'une échéance qui serait reportée à la fin du mois de mars. Or nous savons tous que les budgets départementaux sont bouclés au moins un mois auparavant, ne serait-ce que pour que les documents nécessaires puissent être soumis aux assemblées. Dans ces conditions, lorsque celles-ci vont délibérer, elles ignoreront quel sort sera réservé aux départements quant aux compensations liées à la décentralisation et n'auront aucune information sur les éventuelles mauvaises surprises que pourrait leur réserver le présent texte.
Aussi, la sagesse et la prudence nous invitent à amender cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Lorsque l'on a décidé que l'ensemble des engagements de l'État devaient être tenus à l'euro près, il aurait fallu ajouter qu'ils devaient l'être à l'année près. En effet, l'État met actuellement un, deux, trois ou quatre ans pour honorer ses obligations, en fonction des moyens dont il dispose.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. Jean Desessard. À une voix près !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Roland du Luart.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 1er.
Article 1er
I. - L'intitulé du chapitre II bis du titre II du livre III du code du travail est ainsi rédigé : « Prime de retour à l'emploi ».
II. - Dans le même chapitre, l'article L. 322-12 est ainsi rétabli :
« Art. L. 322-12. - Une prime de retour à l'emploi est attribuée aux bénéficiaires de l'une des allocations instituées par les articles L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, L. 351-10 du présent code et L. 524-1 du code de la sécurité sociale lorsque ceux-ci débutent ou reprennent une activité professionnelle au cours de la période de versement de l'allocation.
« Pour les bénéficiaires de l'allocation mentionnée à l'article L. 351-10 du présent code, cette prime est à la charge du Fonds de solidarité créé par la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi. Pour les autres bénéficiaires, elle est à la charge de l'Etat.
« La prime est versée par l'organisme chargé du versement de l'allocation mentionnée au premier alinéa.
« La prime de retour à l'emploi est incessible et insaisissable. Tout paiement indu de la prime est récupéré par remboursement en un ou plusieurs versements, après information écrite sur la source de l'erreur et expiration du délai de recours. Les différends auxquels donnent lieu l'attribution et le versement de la prime relèvent de la juridiction administrative de droit commun. La créance peut être réduite ou remise en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausses déclarations. L'action du bénéficiaire pour le paiement de la prime ou l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement de la prime indûment payée se prescrit par deux ans sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausses déclarations.
« Les organismes chargés de son versement vérifient les déclarations des bénéficiaires. Pour l'exercice de leur contrôle, ces organismes peuvent demander toutes les informations nécessaires, notamment aux administrations publiques, aux organismes de sécurité sociale et aux institutions gestionnaires du régime d'assurance chômage qui sont tenus de les leur communiquer. Les informations demandées aux bénéficiaires et aux organismes ci-dessus mentionnés doivent être limitées aux données strictement nécessaires à l'attribution de la prime.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article, notamment la durée de travail minimale et le nombre de mois consécutifs d'activité auxquels est subordonné le versement de la prime, son montant ainsi que la durée de la période à l'issue de laquelle la prime peut être versée une nouvelle fois. »
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 36 rectifié, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
A la fin du premier alinéa de l'article L.863-1 du code de la sécurité sociale, le pourcentage : « 15% » est remplacé par le pourcentage : « 20% »
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Cet amendement vise à remplacer, pour chaque bénéficiaire du RMI, de l'API ou de l'ASS qui reprend une activité au moins à mi-temps, le versement d'une prime unique de 1 000 euros par un dispositif pérenne consistant à relever le plafond de ressources qui ouvre droit à un crédit d'impôt pour financer un contrat d'assurance complémentaire de santé.
Le crédit d'impôt serait ainsi accordé à toutes les personnes dont les ressources sont inférieures au plafond prévu à l'article L. 861-1 du code de la sécurité sociale, et ce même plafond serait majoré de 20 %, au lieu de 15 % actuellement.
L'objectif est de s'assurer que toutes les personnes aux revenus encore faibles et qui travaillent peuvent bien continuer à bénéficier d'une couverture maladie complète.
En effet, on constate souvent, en se penchant sur la situation des bénéficiaires de minima sociaux, que le financement d'une assurance complémentaire de santé est l'une des dépenses difficiles à maintenir lorsque le plafond des aides est atteint. Or cette assurance complémentaire est particulièrement importante pour assurer un remboursement correct de certains soins, dont l'effectivité conditionne parfois le maintien durable dans l'emploi. On connaît le lien très fort existant entre précarité des ressources et absence d'un suivi médical continu.
La philosophie du rapport d'information publié au mois de juillet dernier et la réflexion entamée sur l'articulation entre le retour à l'emploi et les minima sociaux conduisent à proposer des mesures qui s'inscrivent dans la durée : c'est seulement ainsi que nous pouvons avoir la garantie que les efforts accomplis pour aider les personnes dans cette démarche les sortiront définitivement de leurs difficultés.
Dans cette perspective, toute aide pérenne, en particulier dans un domaine aussi essentiel que la santé, paraît plus appropriée qu'une aide ponctuelle, souvent vite absorbée par les aléas du quotidien.
Vous le comprendrez certainement, madame la ministre, l'objet de cet amendement est de rappeler la philosophie qui a animé les travaux de la commission des affaires sociales, qu'il s'agisse du rapport de la mission d'information ou des réflexions du groupe de travail qui a été constitué et poursuit actuellement ses investigations.
Bien sûr, une prime de retour à l'emploi est importante en ce qu'elle est susceptible de favoriser la reprise d'un emploi. Il n'en reste pas moins que cette aide ponctuelle ne permettra pas de maintenir un niveau de santé satisfaisant, contrairement à une disposition qui, pour le même coût global de 240 millions d'euros, autoriserait le public visé par notre amendement, et qui dispose éventuellement de revenus un peu plus importants, à bénéficier d'une mutuelle. On le sait, aujourd'hui, les salariés dont les revenus représentent jusqu'à 1,5 SMIC éprouvent les plus grandes difficultés pour se soigner.
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. Au début du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 322-12 du code du travail, ajouter les mots :
Dès la signature du contrat de travail et quelle que soit la durée de travail hebdomadaire,
II. En conséquence, dans le dernier alinéa du même texte, supprimer les mots :
la durée de travail minimale et le nombre de mois consécutifs d'activité auxquels est subordonné le versement de la prime,
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement vise à éviter certains écueils du dispositif de cette prime forfaitaire de 1 000 euros, dite « prime de retour à l'emploi ».
Nous souhaitons, en particulier, écarter une partie de ses critères d'attribution du domaine réglementaire, qui échappe évidemment à la décision de la représentation nationale.
En effet, l'article tel qu'il est actuellement rédigé prévoit que c'est par un décret en Conseil d'État seront fixées « les conditions d'application, notamment la durée de travail minimale et le nombre de mois consécutifs d'activité auxquels est subordonné le versement de la prime, ainsi que la durée de la période à l'issue de laquelle la prime peut être versée une seule fois ».
Finalement, au delà du discours du Premier ministre, qui tend à faire apparaître comme très large le champ d'application de cette prime, on découvre un ensemble de restrictions à son attribution.
Madame la ministre, nous préférons prendre au mot le Gouvernement et faire en sorte que cette prime soit attribuée à tous les bénéficiaires de minima sociaux qui retrouvent un emploi.
Nous pensons donc qu'elle doit être versée dès le premier mois de reprise d'un emploi, et non pas à l'issue du quatrième mois comme il semblerait que cela soit prévu. En effet, rien ne justifie d'attendre plusieurs mois pour qu'elle soit versée, si ce n'est la pénalisation de ceux pour qui la reprise d'un emploi aurait échoué dans les premiers mois.
De plus, si cette prime a pour fonction de couvrir d'éventuels frais liés à la reprise d'un emploi, ces frais doivent être supportés dès le départ, et non pas quatre mois plus tard.
Par ailleurs, nous souhaitons que cette prime soit attribuée quelle que soit la durée de travail hebdomadaire, de façon que les personnes retrouvant un emploi à temps partiel ne soient pas pénalisées.
Conditionner le versement de la prime à une durée de travail hebdomadaire minimale de 78 heures, comme vous semblez vouloir le faire, c'est, selon moi, traiter le problème à l'envers.
Je me permets de vous rappeler que 80 % des personnes travaillant actuellement à temps partiel souhaiteraient travailler plus : c'est ce que l'on nomme le sous-emploi. Ces personnes sont donc victimes d'un marché du travail largement défavorable aux travailleurs : ce n'est pas de leur fait si elles ne trouvent pas un travail correspondant à leurs souhaits en termes de temps. Les priver de cette prime revient à les condamner à une sorte de « double peine », dont on perçoit mal la raison d'être.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande de rétablir dans le texte ce qui avait été initialement annoncé par le Gouvernement : une prime de 1 000 euros, au moment de la reprise d'emploi, pour tous les bénéficiaires des minima sociaux.
Pour autant, je ne doute pas que l'intérêt d'une telle prime en matière d'emploi soit nul. Cette prime est une simple mesure d'affichage et elle reste sans justification sur le fond, sinon le fait de créer le doute dans l'esprit des Français. Vous entendez en effet alimenter la suspicion pesant sur les bénéficiaires de minima sociaux, qui ne travailleraient pas par oisiveté, mais qui pourraient être motivés pour travailler à nouveau avec 1 000 euros.
Nous savons tout cela, mais nous considérons néanmoins qu'il serait injuste que cette prime ne soit pas perçue par tous.
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 322-12 du code du travail, après la référence :
L. 524-1
ajouter les références :
, L. 821-1 et L. 821-2
II. - Pour compenser les charges résultant pour l'État du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les charges résultant pour l'État de l'extension aux bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé et de l'allocation d'insertion de la prime de retour à l'emploi sont compensées à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement est dans la logique de celui que je viens de défendre puisqu'il tend à élargir le champ des bénéficiaires de cette prime exceptionnelle aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, et de l'allocation d'insertion, l'AI.
Une fois encore, au-delà du discours gouvernemental, les restrictions se révèlent innombrables. Pourquoi priver ces personnes de cette prime ?
Dans son rapport à l'Assemblée nationale, M. Laurent Wauquiez explique que le « niveau relativement généreux » - ce sont ses termes - de l'AAH justifie que ses bénéficiaires soient exclus du dispositif de la prime exceptionnelle.
Il ajoute par ailleurs que cette allocation est « ambiguë », parce qu'elle est une prestation compensatoire du handicap, ce qui est une autre raison pour l'exclure du dispositif.
Nous voyons ici clairement comment se dessine cette volonté de réforme des minima sociaux. Le critère unique d'attribution doit bel et bien être, selon vous, le revenu, à l'exclusion de toute autre considération. Vous écartez donc définitivement toute prise en compte du statut des bénéficiaires comme critère d'attribution. C'est une dérive insidieuse et dangereuse que vous introduisez dans le système des minima sociaux.
Comme cela a été rappelé lors de la discussion générale, la spécificité des différents statuts liés aux différentes allocations correspond à des parcours de vie et à des situations bien particulières. Cela justifie parfois des écarts dans les montants perçus ; surtout, cela évite les amalgames entre bénéficiaires de la solidarité nationale et assistés sociaux.
Si cette prime concerne les bénéficiaires de minima sociaux qui reprennent un emploi, rien ne justifie que les bénéficiaires de l'AAH ou de l'AI en soient exclus, et encore moins sous prétexte d'un régime prétendument déjà « très favorable ».
Par ailleurs, le décret du 29 août 2005 a mis en place une prime exceptionnelle pour l'emploi, destinée à l'ensemble des personnes bénéficiaires des minima sociaux susceptibles d'exercer une activité professionnelle, dont les bénéficiaires de l'AAH et de l'AI. Les critères de restriction sont différents de ceux qui sont contenus dans le présent texte. Quelle confusion !
Des mesures si peu lisibles pour des personnes déjà en difficulté d'intégration risquent de rester sans effet. Mais ce n'est peut-être pas pour déplaire au Gouvernement !
À nouveau, je vous demande de vous en tenir aux promesses faites, en laissant le bénéfice de cette prime à tous les allocataires de minima sociaux, sans aucune distinction.
M. le président. L'amendement n° 101, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery, Voynet et Printz, M. Cazeau, Mmes Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Godefroy, Sueur, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattaché, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour rétablir l'article L. 322-12 du code du travail, après la référence :
L. 524-1
insérer les références :
, L. 821-1 et L. 821-2
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. La prime exceptionnelle pour l'emploi, instituée par le décret n°2005-1054 du 29 août 2005 créant une prime exceptionnelle de retour à l'emploi en faveur de certains bénéficiaires de minima sociaux, est destinée à l'ensemble des allocataires susceptibles d'exercer une activité professionnelle, y compris les bénéficiaires de l'AAH et de l'AI.
Nous proposons donc, par cet amendement, que les bénéficiaires de ces deux allocations puissent également bénéficier de la prime de retour à l'emploi telle qu'elle est présentée dans le projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Seillier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 322-12 du code du travail, après les mots :
est versée
insérer les mots :
au cours du premier mois d'activité
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement vise à permettre un versement immédiat de la prime de retour à l'emploi.
L'objet de cette prime est en effet d'aider les bénéficiaires de minima sociaux à faire face aux différents frais qui accompagnent le retour à l'emploi : habillement, transport, garde d'enfant. Son versement au bout de quatre mois lui ferait donc manquer son but.
Un versement immédiat ne signifie toutefois pas que la prime sera versée quelle que soit la durée d'activité. La règle des quatre mois continuera à s'appliquer, ce qui veut dire que seuls bénéficieront de la prime immédiate les personnes qui reprennent une activité en CDI et en CDD ou en intérim pour plus de quatre mois.
Si l'activité s'interrompt avant ce terme du fait du bénéficiaire - démission ou licenciement pour faute -, les procédures de récupération devront naturellement s'appliquer, de même que les différentes sanctions pour fraude s'il apparaît que le bénéficiaire a manifestement eu l'intention d'abuser du dispositif. La confiance a priori que traduit le versement immédiat de la prime légitime justifie en effet une plus grande sévérité en matière de contrôle.
M. le président. L'amendement n° 41, présenté par M. Cazeau, Mmes Printz, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Desessard, Godefroy, Sueur, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. Dans le troisième alinéa du texte proposé pour rétablir l'article L. 322-12 du code du travail par le II de cet article, après les mots :
La prime est versée
insérer les mots :
au cours du premier mois d'activité
II. En conséquence, dans le dernier alinéa du même article, supprimer les mots :
et le nombre de mois consécutifs d'activité auxquels est subordonné le versement de la prime
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Cet amendement, très proche - chacun peut le constater - de celui que vient de défendre M. le rapporteur, tend à permettre à la personne en situation de retour à l'emploi de faire face aux dépenses inhérentes à sa nouvelle situation : il est évident que, si elle doit assumer des frais liés au retour à l'emploi, ce sera immédiatement et non quelques mois après.
M. Roland Muzeau. Bravo !
M. le président. L'amendement n° 42, présenté par M. Cazeau, Mmes Printz, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Desessard, Godefroy, Sueur, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour rétablir l'article L. 322-12 du code du travail par les mots :
et le nombre de fois où la prime peut être versée à la même personne.
La parole est à M. Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Madame la ministre, je suis persuadée que vous aurez perçu la pointe d'ironie que recèle notre amendement.
En effet, si nous proposons d'ajouter ces quelques mots, c'est parce que nous avons le sentiment que vous ne croyez pas vous-même aux mesures que vous présentez. Si vous envisagez aussi facilement que la prime puisse être versée une nouvelle fois, c'est que vous prévoyez déjà que le retour à l'emploi risque d'échouer.
Certes, l'échec est toujours possible, pour des raisons incombant soit à une inadaptation ou à des difficultés de la personne, soit à l'employeur, soit à un défaut d'accompagnement, soit encore à des événements extérieurs. Il est donc préférable de prévoir un nouvel essai et d'assortir cette disposition d'un délai de sécurité.
Cela m'amène à vous poser deux questions. Quel sera ce délai ? La prime forfaitaire mensuelle est-elle couplée nécessairement à la prime de retour à l'emploi dès lors que les quatre mois sont atteints ?
Au-delà de ces aspects techniques, un problème fondamental se pose : la structure de l'emploi qui commence à prévaloir dans notre pays est placée sous le signe de la précarité.
Ainsi, on peut tout à fait imaginer qu'une personne percevant l'API et ayant retrouvé un emploi dans le cadre d'un itinéraire d'insertion bénéficie d'un CNE lorsque son contrat aidé prend fin, avant d'être licenciée sans avoir acquis suffisamment de droits pour accéder à l'assurance chômage, surtout dans le cadre de la nouvelle convention : cette personne reviendra alors rapidement au RMI et entrera à nouveau dans un dispositif d'insertion, mais, cette fois, en atelier d'insertion. Et le processus peut se renouveler quelque temps après.
C'est ainsi, madame la ministre, que vous allez créer des « insérés durables ».
C'est pourquoi, par précaution, nous vous posons la question suivante : combien de fois le dispositif peut-il être actionné au cours d'une vie de précarité pour une même personne ?
M. le président. L'amendement n° 117 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 322-12 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Ce décret fixe les conditions dans lesquelles les modalités de paiement de cette prime seront organisées dès la fin du premier mois d'activité pour les titulaires d'un contrat à durée indéterminée ou d'un contrat à durée déterminée de plus de six mois ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Votre commission a longuement débattu, et vos amendements le montrent, au sujet de la prime de 1 000 euros et de son délai de versement.
Avec ce genre de prime, chacun le sait, il importe d'afficher la volonté d'aller vite, faute de quoi le délai de mise en recouvrement peut être un peu trop long. Cela pose le problème technique du moment auquel le bénéficiaire touchera réellement la prime.
Il est donc absolument nécessaire de garantir son versement dans les plus brefs délais. Je rappelle, à cet égard, que la fixation de ces derniers relève non pas de la loi mais du règlement.
Pour autant, je comprends parfaitement les motivations qui conduisent le rapporteur, comme d'autres parmi vous, à proposer d'assurer le versement immédiat de la prime, sachant que c'est au moment où l'on recommence à travailler que l'on a besoin de disposer de revenus supplémentaires.
Je vous l'ai dit tout à l'heure, le Gouvernement a, d'un côté, une approche relative au cumul du salaire et du RMI. De l'autre, il reconnaît que l'aspect incitatif doit pouvoir fonctionner très vite.
C'est pourquoi il vous propose cet amendement dans lequel, d'une part, est pris l'engagement de renvoyer à un décret les modalités de versement de la prime à la fin du premier mois d'activité et, d'autre part, il est fait mention de la nécessité de disposer d'un contrat à durée indéterminée ou d'un contrat à durée déterminée de plus de six mois.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. L'amendement n° 36 rectifié vise à consacrer l'enveloppe de 240 millions d'euros dégagée par le Gouvernement non pas à la création d'une prime de retour à l'emploi ponctuelle, mais au financement d'un relèvement du plafond de ressources ouvrant droit au bénéfice de l'aide à l'acquisition d'une assurance complémentaire de santé.
Il est vrai que la souscription d'une complémentaire santé est une charge particulièrement lourde pour les personnes à bas revenu. La couverture maladie universelle complémentaire et le crédit d'impôt en faveur de l'acquisition d'une complémentaire santé sont loin de couvrir l'ensemble des personnes aujourd'hui exclues de toute protection. Les plafonds de ressources pour y accéder ont également des effets de seuil très importants, question à laquelle je vous sais sensible, madame Létard, et qui fait d'ailleurs l'objet d'une réflexion de la mission que vous conduisez.
Cependant, en l'absence de chiffrage, il m'est difficile d'apprécier si le relèvement proposé permettrait de résoudre ce problème de couverture. J'observe, en outre, que le simple relèvement du plafond ne résout pas la question de l'effet de seuil. C'est pourquoi il me paraît préférable d'approfondir encore ce sujet.
Je suis par conséquent réservé sur cet amendement et, en l'état actuel des choses, j'en demande le retrait.
Les quatre amendements nos 63, 2, 41 et 117 rectifié abordent la question du versement immédiat de la prime de 1 000 euros.
Les amendements nos 63 et 41 vont trop loin : ils prévoient non seulement un versement immédiat, mais également la suppression de toute condition de durabilité de l'emploi pour le bénéfice de la prime. La commission émet donc un avis défavorable.
S'agissant de l'amendement n° 117 rectifié, la commission apprécie le pas en avant qu'il constitue sur la question de la date de versement de la prime de 1 000 euros. Elle avait réservé son avis sur la version initiale de cet amendement, qui lui paraissait en retrait par rapport sa propre proposition. Toutefois, nos objections ont été levées à l'issue d'un travail commun de rédaction, madame la ministre.
Ainsi, le versement immédiat de la prime pourra se faire sans nécessiter une demande expresse de l'intéressé. Il ne sera plus laissé à l'appréciation en opportunité du financeur, mais rendu possible dès lors que les bénéficiaires rempliront les conditions pour la percevoir, conditions qui seront fixées par décret.
La commission émet donc un avis favorable sur l'amendement n° 117 rectifié et, en conséquence, retire son amendement n° 2.
L'amendement n° 64 vise à élargir aux titulaires de l'AAH et de l'allocation d'insertion le bénéfice de la prime de 1 000 euros.
Je rappelle que l'allocation d'insertion a été remplacée par l'allocation temporaire d'attente, réservée aux demandeurs d'asile en attente de régularisation. Ces derniers ne sont donc pas autorisés à travailler. Par conséquent, leur ouvrir la prime de retour à l'emploi n'aurait aucun sens.
En ce qui concerne l'AAH, la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a prévu pour ses bénéficiaires un certain nombre de mesures particulièrement favorables : par exemple, le mécanisme de cumul entre l'AAH et le salaire est permanent et possible jusqu'à des salaires élevés. De plus, la prime de 1 000 euros, qui a été mise en place par décret en août dernier, subsiste pour eux jusqu'en décembre 2006. La mesure proposée me paraît donc superflue et la commission émet un avis défavorable.
Il en va évidemment de même concernant l'amendement n° 101, qui a en fait un objet identique.
L'amendement n° 42 tend, avec une pointe d'humour que Mme Printz a elle-même soulignée, à faire préciser par décret le nombre de fois où la prime peut être attribuée à un même bénéficiaire. Cette précision est inutile dès lors qu'un délai de latence est prévu - il est fixé à dix-huit mois - entre le versement de deux primes à la même personne. Il n'y a aucune raison de limiter sur le long terme le nombre de primes auquel celle-ci peut prétendre.
Il ne s'agit pas de présumer que l'insertion professionnelle ne sera pas durable. Mais elle peut, malheureusement, ne pas l'être. Le bénéficiaire peut également, après plusieurs années de réinsertion, se trouver à nouveau dans une situation ouvrant droit à la prime.
Dans tous ces cas, il serait dommage de se priver du moteur que le versement de la prime peut constituer pour le retour à l'emploi. La règle du délai de carence permet cette souplesse tout en évitant les abus. C'est à mes yeux un bon compromis.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les autres amendements ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. S'agissant de l'amendement n° 36 rectifié, on comprend, madame Létard, votre objectif d'éviter que les titulaires de minima sociaux incités à revenir dans la vie active perdent les avantages liés à leur situation s'ils acceptent un travail qui élève le niveau de leurs revenus au-dessus du plafond de ressources ouvrant droit au bénéfice d'une couverture maladie complète.
Partageant cette préoccupation, le Gouvernement a pris des dispositions visant à assurer des revenus complémentaires aux personnes sortant du dispositif CMU. Il s'agit de leur proposer un contrat comportant des garanties équivalentes, dont le tarif est défini par arrêté.
Au 1er janvier 2005, un dispositif d'aide a été mis en place en faveur des personnes dont les revenus dépassent légèrement le seuil ouvrant droit à la CMU complémentaire, afin de leur permettre de bénéficier d'un contrat d'assurance maladie complémentaire. Il est incontestable qu'un tel accompagnement est un élément extrêmement important pour les bénéficiaires et leur famille.
En outre, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, le Gouvernement a souhaité renforcer l'attractivité du dispositif d'aide à l'accès à une couverture complémentaire de santé en augmentant le montant de l'aide de 33 % pour les personnes de moins de soixante ans et de 60 % pour les personnes plus âgées.
Votre proposition, madame le sénateur, qui a pour objet d'élargir le champ du dispositif, paraît difficilement conciliable avec les contraintes pesant sur les finances sociales de notre pays. Le dispositif est encore en cours de montée en charge. Avant de définir ses adaptations possibles, il faut se laisser un peu de temps pour l'évaluer afin de déterminer s'il répond aux objectifs fixés.
Pour en financer la mise en oeuvre, le Gouvernement a prévu de dégager, à terme, plus de 280 millions d'euros de crédits. Votre proposition porterait la dépense à près de 400 millions d'euros, soit une charge supplémentaire de 120 millions d'euros, ce qui semble difficilement envisageable dans le contexte actuel.
Par ailleurs, le fonds de l'action sanitaire et sociale de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, qui assure le financement du dispositif et qui est géré par les partenaires sociaux, n'a pas budgété cette dépense supplémentaire au titre de l'année 2006. Votre proposition poserait donc tout simplement un problème au regard de ses conditions d'application.
Cependant, partageant pleinement l'objectif que vous soutenez, je m'engage à ce que l'évaluation du dispositif d'aide soit effectuée d'ici à la fin de l'année 2006, dans une approche qui permettrait, le cas échéant, de réformer le dispositif actuel.
Dans l'attente, je vous demande de retirer votre amendement, faute de quoi je serai évidemment conduite à émettre un avis défavorable : le Gouvernement ne peut envisager une telle réécriture de l'article 1er, qui crée la prime de retour à l'emploi et qui est, vous l'aurez compris, l'un des points clefs du projet de loi, auquel le Gouvernement est particulièrement attaché.
L'amendement n° 63 porte sur la date de versement de la prime, ses auteurs souhaitant que celui-ci ait lieu le plus rapidement possible afin que les personnes qui retrouvent un emploi puissent disposer des moyens financiers qui leur permettront de faire face aux frais maintes fois évoqués, transport et garde d'enfant notamment. Or, monsieur Muzeau, vous avez pu constater que l'amendement n° 117 rectifié allait dans ce sens, et vous ne serez pas surpris que j'en préfère la rédaction. Je suis donc défavorable à l'amendement n° 63.
Les amendements nos 64 et 101 portent sur la prime de retour à l'emploi, qui, à l'instar des primes forfaitaires, est pérennisée dans ce projet de loi.
Comme je l'ai indiqué au cours de la discussion générale, cette prime ne concerne effectivement pas les titulaires de l'AAH, ceux-ci bénéficiant de mesures d'intéressement spécifiques. Ainsi, dans la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et dans celle du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, des dispositions tendent à leur faciliter le retour à l'emploi : extension à leur profit de l'obligation d'emploi de 6 %, accès aux contrats aidés, nouveau système d'intéressement. Il s'agit maintenant de mettre en oeuvre les dispositifs déjà en vigueur plutôt que d'en accumuler de nouveaux. Commençons par appliquer ceux qui existent !
Je rappelle que les allocataires de l'AAH qui sont au chômage depuis plus de douze mois recevront la prime de 1 000 euros, en application du décret du 25 août 2005.
Quant aux bénéficiaires de l'allocation d'insertion, également visés par ces amendements, je répète, après M. le rapporteur, que ce sont principalement des demandeurs d'asile qui n'ont pas l'autorisation de travailler ; ils ne peuvent donc pas être concernés par cette réforme.
Le Gouvernement est par conséquent défavorable aux amendements nos 64 et 101.
La date à laquelle la prime de retour à l'emploi pourra être versée ayant été avancée, il me semble que l'amendement n° 41 est satisfait.
Reste l'amendement n° 42. Madame Printz, vous avez pu constater hier soir, alors que nous débattions d'un autre texte, l'insistance de l'un de vos collègues sur la nécessité de réserver au Parlement les dispositions d'ordre législatif ; or l'amendement n° 42 relève sans ambiguïté du domaine réglementaire. Le Gouvernement ne peut donc qu'y être défavorable.
Pour autant, c'est bien volontiers que, sur le fond, je vous apporterai quelques éléments de réponse.
Tout d'abord, la prime de 1 000 euros est, le cas échéant, versée tous les dix-huit mois, sans aucune limite, même si, bien évidemment, nous espérons tous qu'elle ne sera versée qu'une fois, car cela signifiera que l'insertion est réussie et que la personne ne retourne pas dans la précarité.
Vous avez également demandé, madame la sénatrice, comment nous pourrions verser en même temps la prime de 1 000 euros et la prime mensuelle. Cette prime faisant l'objet d'un seul versement, celui-ci aura bien lieu en même temps que celui de la prime mensuelle. Ce sera d'autant plus facile que c'est le même payeur et le même guichet qui sont concernés : cela ne soulève pas de difficulté particulière.
M. le président. Madame Létard, l'amendement n° 36 rectifié est-il maintenu ?
Mme Valérie Létard. Comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, l'amendement n° 36 rectifié est bien un amendement d'appel.
En effet, madame la ministre, nous aurions préféré que les dispositions que vous nous présentez aujourd'hui s'insèrent dans un seul et unique texte, plus global, qui aurait intégré les résultats du travail de MM. Mercier et de Raincourt et de celui de la commission des affaires sociales, reprenant les trois piliers que sont l'intéressement - avec, éventuellement, la prime -, l'accompagnement et les droits connexes.
Je n'aurais pas été amenée, aujourd'hui, à soulever la question de l'affectation de ces 1 000 euros à la prise en charge de la CMU, y compris pour des niveaux de revenus salariaux un peu plus importants, plutôt qu'à la prime à l'embauche si l'examen des présentes dispositions avait été retardé, de manière que cette question puisse être abordée au sein d'un ensemble cohérent.
Le Gouvernement a fait un choix ; je le respecte, mais je sais que nous devront revenir sur ce point.
Mme Valérie Létard. Je ferai une deuxième observation. Certes, la neutralisation des ressources liées à l'intéressement permettra que le financement de la mutuelle continue d'être assumé, et c'est là une réelle avancée. Il me semble cependant que les 240 millions d'euros en jeu auraient pu servir à relever encore le niveau des revenus salariaux pris en compte - peut-être aurait-on pu aller jusqu'à celui du SMIC - afin de donner la possibilité de se soigner à davantage de salariés qui, bien qu'ils travaillent, sont aujourd'hui dans des situations sanitaires très précaires.
Cela étant, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 36 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 63.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 117 rectifié.
M. Roland Muzeau. Le Gouvernement doit regretter, depuis le début de la discussion, d'avoir déclaré l'urgence sur un texte aussi « mal foutu » et critiqué sur presque toutes les travées, tout au moins par ceux qui osent parler (Sourires.). Ainsi, dans chacune de ses interventions, Mme Létard, qui connaît très bien le sujet, déplore que nous n'ayons pas attendu les quelques semaines nécessaires pour tenter - je dis bien « tenter » - de travailler sur un texte cohérent qui aurait visé les trois piliers. Ceux-ci sont devenus quatre dans son propos, d'ailleurs, mais, par les temps qui courent, mieux valent quatre qu'aucun,...
M. Jean Desessard. Le pilier désintéressement ! (Sourires.)
M. Roland Muzeau. ... car la situation est plutôt catastrophique du point de vue des minima sociaux et des demandeurs d'emploi !
Or donc, voilà que ce texte « mal foutu » fait l'objet d'un amendement du Gouvernement, l'amendement n° 117 rectifié. S'il est rectifié, c'est qu'il en a existé une première version. Or celle-ci posait trois conditions tout à fait farfelues. Tout d'abord, au nom de la simplicité et de la clarté des démarches, il était précisé que le versement pouvait avoir lieu le premier mois « à la demande de l'intéressé » ; belle simplification ! Ensuite, toujours par souci de simplicité, il était indiqué : « les modalités de paiement de cette prime peuvent être organisées... » ; je souhaitais bien du plaisir à ceux qui auraient eu à gérer les conséquences de ce « peuvent » ! Enfin, pour boucler la boucle, la durée du contrat conditionnant le versement de la prime dès la fin du premier mois était fixée non plus à quatre, mais à six mois. Comprenne qui pourra...
La situation est assez kafkaïenne puisque, avec l'amendement n° 117 rectifié, si la mention « à la demande de l'intéressé » a disparu et si le « peuvent être » a cédé la place à un « seront », la durée minimale de six mois a été conservée.
Vous permettrez donc, madame la ministre, mes chers collègues, que nous vous fassions part de notre opinion négative sur ce point. Vous aviez trouvé toutes les vertus à la durée de quatre mois et, si nous avions dit tout le mal que nous pensions du dispositif général, nous avions fini par accepter cette durée, dans la mesure où la prime était versée dès le premier mois. Il nous semble donc tout à fait incorrect de revenir là-dessus et d'essayer de gagner deux mois en subordonnant le versement dès le premier mois à un allongement de la durée du contrat de travail.
La situation est vraiment assez cocasse. Aussi, au terme de ces pérégrinations législatives - qui, je crois, ne mériteront pas de rester dans les annales de notre assemblée ! -, j'exprime notre totale désapprobation quant au passage de quatre à six mois. Cela ne nous semble vraiment pas être une bonne mesure.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Comme plusieurs de nos collègues, j'ai souligné à plusieurs reprises l'absence de dialogue à tous les niveaux. Ainsi, madame la ministre, vous affirmez que des discussions ont eu lieu avec l'Assemblée des départements de France. Il se trouve que j'en préside la commission ad hoc. Or je ne me rappelle pas vous avoir rencontrée à ce sujet ! Peut-être avez-vous eu des dialogues avec le directeur ou tel ou tel fonctionnaire, mais certainement pas avec les élus !
Aujourd'hui, c'est entre le rapporteur et la ministre que je constate l'absence de dialogue.
M. Bernard Cazeau. Le rapporteur nous a présenté un amendement, qu'il a ensuite rectifié et finalement retiré ; aujourd'hui, la ministre en arrive pratiquement à la même conclusion que le rapporteur de la commission.
Même si, sur certains aspects, nous étions d'accord avec M. le rapporteur, nous l'avions critiqué sur ce point précis : aux niveaux d'emploi et de ressources concernés, c'est vraiment du « chipotage » que de passer par un décret pour savoir si la prime sera versée à partir du premier mois, du deuxième mois... Au demeurant, on ne sait pas toujours obligatoirement dès le premier mois quelle sera la durée effective du contrat ! Il peut y avoir un incident, une maladie...
Madame la ministre, dans la mesure où les sommes en jeu ne sont pas susceptibles d'avoir une grande incidence sur l'immense dette de l'État, il aurait été préférable - et plus généreux - d'accepter les amendements que M. Muzeau et moi-même avons déposés, et qui relevaient du bon sens. Cela vous aurait permis de montrer votre volonté de soutenir le plus possible ces travailleurs-là, qui sont dans le besoin, qui vivent avec les minima sociaux, dès lors qu'une chance s'offre à eux. Je regrette que vous n'ayez pas fait ce petit pas.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Monsieur Cazeau, je pensais au contraire que vous alliez souligner que le dialogue entre le rapporteur et le Gouvernement, en la personne de la ministre, s'était poursuivi pendant la suspension de séance !
M. Bernard Cazeau. Il a été très tardif !
M. Roland Muzeau. La suspension de séance a été trop courte !
M. Bernard Seillier, rapporteur. Le dialogue n'en a été que plus intense !
Quant aux modalités de versement de la prime, notamment la durée de contrat exigée et les détails de la mise en place, à aucun moment de nos travaux je n'ai caché qu'elles me semblaient relever du domaine réglementaire et non du domaine législatif. C'est donc en conscience que j'ai émis un avis favorable sur l'amendement du Gouvernement, et je ne considère pas qu'il s'agisse là d'une faiblesse. Au contraire, je pense pouvoir, au nom de la commission, me rallier à cette rédaction, qui correspond bien à celle que nous avions votée - à l'unanimité, d'ailleurs, ce que j'avais beaucoup apprécié, cher collègue - lors de la première réunion de la commission.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 92, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La prime de retour à l'emploi instituée par le décret n° 2005-1054 du 29 août 2005 créant une prime exceptionnelle de retour à l'emploi en faveur de certains bénéficiaires de minima sociaux est incessible et insaisissable.
L'action du bénéficiaire pour le paiement de la prime et l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement de la prime indûment payée se prescrivent par deux ans, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration.
Les organismes chargés de son versement vérifient les déclarations des bénéficiaires. Pour l'exercice de leur contrôle, ces organismes peuvent demander toutes les informations nécessaires, notamment aux administrations publiques, aux organismes de sécurité sociale et d'indemnisation du chômage, qui sont tenus de les leur communiquer. Les informations demandées aux bénéficiaires et aux organismes ci-dessus mentionnés doivent être limitées aux données strictement nécessaires à l'attribution de la prime.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. La prime provisoire de retour à l'emploi instaurée par le décret du 29 août 2005 concerne les personnes qui reprennent un emploi avant le 1er décembre 2006.
Cet amendement apporte certaines précisions juridiques indispensables, comme je l'ai dit tout à l'heure en réponse aux orateurs. La prime exceptionnelle de retour à l'emploi sera incessible et insaisissable, ce qui est important pour des personnes qui, souvent, peuvent être endettées. Les caisses de sécurité sociale auront un pouvoir de contrôle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement vise à compléter le régime de la « prime exceptionnelle de retour à l'emploi » créée par décret en août 2005.
Il semble quelque peu « baroque » de modifier par la loi une prime régie par un décret. Cependant, pour des raisons techniques, il semble indispensable de préciser les principes applicables à cette prime en matière de prescription ou encore d'insaisissabilité et ceux-ci relèvent à n'en pas douter du domaine de la loi. C'est pourquoi la commission a émis un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Cet amendement est relatif à la prime exceptionnelle mise en place par décret le 29 août 2005, dispositif appelé à expirer le 31 décembre 2006. Mais cette prime n'est pas exactement la même que celle qui est créée par ce texte.
La prime « décrétale » est plus ciblée et temporaire, elle s'étend aux bénéficiaires de minima sociaux, mais seulement à ceux qui sont inscrits à l'ANPE. Elle ne s'applique qu'aux reprises d'emploi dans le secteur marchand ou aux créations d'entreprise. Les allocataires de l'AAH peuvent en bénéficier.
Cet amendement vise à fondre ces deux dispositifs en un seul, mais une fois de plus en tirant le tout vers le bas, au nom de la volonté de faire des économies à tout prix.
Les principaux arguments qui nous incitent à voter contre sont au moins au nombre de cinq.
M. Jean Desessard. Ce n'est déjà pas mal !
M. Guy Fischer. Premièrement, cette façon de légiférer dans la précipitation mène à une situation confuse et illisible pour les personnes qui devraient pouvoir en bénéficier.
Deuxièmement, le public visé par de telles mesures est un public fragile et les difficultés d'intégration passent souvent par des difficultés de repérage par rapport aux institutions. Les associations de terrain témoignent toutes des difficultés des bénéficiaires de minima sociaux à faire valoir leurs droits, et la multiplication de mesures comme celles-ci renforcera encore ces difficultés.
Troisièmement, cet amendement ne répond pas à la question soulevée par le public concerné par cette prime et, en particulier, à l'exclusion des bénéficiaires de l'AAH ou de l'allocation d'insertion.
Quatrièmement, surtout, cet amendement renforce le dispositif de sanctions et les procédures de récupération de la prime en cas de fraude.
Nous avons dénoncé le fait qu'une véritable chasse aux fraudeurs était engagée. Nous avons pu le vérifier dans le département des Hauts-de-Seine. En effet, dans ce département, où le nombre de RMIstes est de l'ordre de 28 000, il y a eu 24 500 contrôles et près de 4 000 sanctions ont été prises. C'est ce qui ressort des recherches que nous avons menées, mon collègue Roland Muzeau et moi-même.
L'amendement n° 92 vise à confier aux organismes chargés du versement de cette prime l'exécution des contrôles, pratique largement favorisée et encouragée par le Gouvernement.
Cinquièmement, la transmission de ces informations à l'administration, aux organismes de sécurité sociale et aux ASSEDIC fait tristement écho au décret paru le 24 décembre 2005 - c'était le cadeau de Noël du Gouvernement ! - sur la divulgation des informations concernant l'assuré social en cas de suspicion de fraude.
Telles sont les cinq raisons qui nous incitent à voter contre cet amendement n° 92.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
Article 2
I. - L'article L. 351-20 du code du travail est complété par sept alinéas ainsi rédigés :
« Les dispositions du premier alinéa s'appliquent notamment au cas des revenus tirés de travaux saisonniers.
« Le bénéficiaire de l'allocation de solidarité spécifique mentionnée à l'article L. 351-10 qui reprend une activité professionnelle a droit à une prime forfaitaire. Cette prime est versée chaque mois pendant une période dont la durée est définie par voie réglementaire, y compris s'il a été mis fin au droit à l'allocation.
« La prime forfaitaire est soumise aux règles applicables à l'allocation de solidarité spécifique relatives au contentieux, à la prescription, à la récupération des indus, à l'insaisissabilité et l'incessibilité.
« La prime est à la charge du Fonds de solidarité créé par la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi.
« La prime est versée par l'organisme chargé du versement de l'allocation de solidarité spécifique.
« La prime n'est pas due lorsque l'activité a lieu dans le cadre d'un contrat d'avenir ou d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité conclu en application respectivement des articles L. 322-4-10 et L. 322-4-15.
« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'attribution de la prime, notamment la durée de travail minimale et le nombre de mois d'activité consécutifs auxquels son versement est subordonné, ainsi que son montant. Ce décret peut fixer un montant de revenus d'activité au-delà duquel la prime n'est pas due. »
II. - Supprimé
III. - Le deuxième alinéa de l'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« Cet établissement a pour mission de rassembler les moyens de financement :
« 1° Des allocations de solidarité prévues aux articles L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail ;
« 2° De l'aide prévue au II de l'article 136 de la loi de finances pour 1997 (n° 96-1181 du 30 décembre 1996) ;
« 3° De l'allocation forfaitaire prévue à l'article 3 de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail «nouvelles embauches» ;
« 4° Des aides mentionnées au premier alinéa du II de l'article L. 322-4-12 du code du travail pour le contrat d'avenir et au troisième alinéa du I de l'article L. 322-4-15-6 du même code pour le contrat insertion-revenu minimum d'activité en tant qu'elles concernent les employeurs qui ont conclu un contrat d'avenir ou un contrat insertion-revenu minimum d'activité avec une personne en sa qualité de bénéficiaire de l'allocation de solidarité spécifique ;
« 5° De la prime de retour à l'emploi et de la prime forfaitaire instituées par les articles L. 322-12 et L. 351-20 du même code. »
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 65, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, mes explications vaudront également pour les amendements nos 68 et 70, qui visent, eux, respectivement, à la suppression des articles 3 et 4 de ce projet de loi.
Ces trois articles créent la prime forfaitaire mensuelle, qui doit remplacer le système d'intéressement actuel.
En effet, il est déjà possible, dans les premiers mois de reprise d'un emploi, de cumuler sa rémunération et son allocation.
Le dispositif actuel est certes imparfait, mais il a au moins l'avantage d'être plus intéressant que la mesure proposée ici par le Gouvernement.
Par ailleurs, et avant de détailler quelque peu ce nouveau dispositif, je tiens à faire part de mon inquiétude face à l'alignement des trois allocations : revenu minimum d'insertion, allocation de solidarité spécifique et allocation de parent isolé.
Une fois encore, je tiens à rappeler que, contrairement à ce que le Gouvernement laisse entendre, ces trois prestations découlent de situations individuelles spécifiques, qui n'appellent pas le même traitement politique et législatif.
Le RMI et l'ASS ne correspondent pas au même public, car il faut avoir travaillé au moins cinq ans pour pouvoir bénéficier de l'ASS, et les droits sont issus des cotisations de chômage, donc du travail. C'est donc très différent du revenu de subsistance auquel correspond le RMI.
De même, l'API est une aide spécifique offerte aux parents - c'est-à-dire aux mères dans 95 % des cas - qui élèvent seuls leurs enfants et qui sont en grande difficulté. C'est encore différent du revenu de subsistance qu'est le RMI.
Pourtant, par le biais de l'intéressement, vous souhaitez commencer à aligner ces trois régimes pour n'en faire plus qu'un seul, a minima, probablement dans quelques semaines ou quelques jours.
Nous condamnons fermement cette volonté d'uniformiser dans ces conditions ces différents minima sociaux pour ne faire plus qu'une seule allocation.
Nous savons déjà qu'une telle réforme se fera nécessairement par le bas, et donc au détriment des plus démunis. C'est déjà le cas avec cette réforme de l'intéressement.
Par exemple, dans le système actuel, les bénéficiaires de l'API et du RMI peuvent disposer du cumul intégral de leur allocation et du revenu de leur travail pendant une période qui peut aller jusqu'à six mois. La période de cumul intégral est aussi de six mois dans le cadre de l'ASS.
Or le Gouvernement annonce que cette période de cumul intégral dans le nouveau dispositif sera de trois mois seulement, ce qui correspond à un manque à gagner très important pour les bénéficiaires de minima sociaux.
Par ailleurs, le système actuel n'est pas conditionné au temps de travail hebdomadaire : l'intéressement s'applique à tous dans les mêmes conditions. Dans ce projet de loi, une distinction est introduite selon la durée de travail hebdomadaire, ce qui fixera deux régimes d'intéressement différents.
Dans tous les cas, ce nouveau système de prime mensuelle demeure largement moins intéressant que le précédent pour les allocataires de l'ASS, qui était au départ le public directement visé par l'intéressement puisqu'il s'agit de salariés souvent âgés et chômeurs de très longue durée.
Sous couvert de simplification, vous multipliez les modes d'attribution et les critères.
En outre, comme ce système est largement défavorable, vous maintenez l'ancien système d'intéressement pour ceux qui en bénéficient déjà et l'on voit bien pourquoi.
Vous ne pouvez plus, madame la ministre, vous cacher derrière cette fausse excuse. Il faut afficher clairement votre ambition de restriction drastique des modes de financement de la solidarité nationale, probablement en vertu des déficits abyssaux du budget de l'État, et en débattre devant la représentation nationale.
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le I de cet article :
I. - L'article L. 351-20 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 351-20 - Les allocations du présent chapitre peuvent se cumuler intégralement pendant six mois avec les revenus tirés d'une activité occasionnelle ou réduite ainsi qu'avec les prestations de sécurité sociale ou d'aide sociale, dans les conditions et limites fixées, pour l'allocation d'assurance prévue au 1° de l'article L. 351-2, par l'accord prévu à l'article L. 351-8, et, pour les allocations de solidarité mentionnées au 2° du même article L. 351-2, par décret en Conseil d'État.
« Les dispositions du premier alinéa s'appliquent notamment au cas des revenus tirés de travaux saisonniers.
« Le bénéficiaire de l'allocation de solidarité spécifique mentionnée à l'article L. 351-10 qui reprend une activité professionnelle a droit à une prime forfaitaire, quelle que soit sa durée de travail hebdomadaire, à l'issu de la période de six mois de cumul intégral. Cette prime est versée chaque mois pendant neuf mois, y compris s'il a été mis fin au droit à l'allocation.
« La prime forfaitaire est soumise aux règles applicables à l'allocation de solidarité spécifique relatives au contentieux, à la prescription, à la récupération des indus, à l'insaisissabilité et l'incessibilité.
« La prime est à la charge du Fonds de la solidarité créé par la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi.
« La prime est versée par l'organisme chargé du versement de l'allocation de solidarité spécifique.
« Les titulaires de l'allocation de solidarité spécifique reprenant une activité dans le cadre d'un contrat d'avenir ou d'un contrat insertion - revenu minimum d'activité ne bénéficient pas de la prime forfaitaire, en raison de l'intéressement appliqué, au titre de l'article R. 351-35-1 du code du travail, et dès lors que celui-ci leur est plus favorable.
« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'attribution de la prime, ainsi que son montant. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, mes explications vaudront également pour les amendements nos 69 et 71.
L'amendement n° 66 vise à corriger les situations les plus désastreuses qui peuvent découler de ce nouveau système de prime forfaitaire d'intéressement.
Je tiens avant tout à rappeler qu'il est difficile pour nous d'appréhender directement ces nouveaux mécanismes dans la mesure où les modalités d'application relèveront toutes du domaine réglementaire. Nous devons donc nous contenter, pour apprécier ce nouveau dispositif, des annonces faites par le Gouvernement en séance publique ou lors des auditions en commission.
Lors de la discussion publique à l'Assemblée nationale, Mme la ministre a semblé découvrir avec surprise les effets pervers du nouveau système.
Il apparaît en effet que, du fait du passage de l'ancien système au nouveau, certains allocataires peuvent perdre jusqu'à 3 000 euros de revenu au bout d'une année d'activité. Ce serait le cas, par exemple, d'une femme relevant de l'API et reprenant un emploi de 78 heures par mois.
Dans tous les cas, toutes les évaluations font apparaître une perte moyenne de 90 à 100 euros par mois pendant l'année durant laquelle le dispositif d'intéressement fonctionne.
Ce seront autant d'économies réalisées pour les finances publiques, mais encore faudrait-il clairement afficher vos intentions, madame la ministre.
Si votre objectif n'est pas de réaliser quelques économies en privant de moyens de subsistance les plus défavorisés d'entre nous, alors notre amendement devrait recevoir votre accord dans la mesure où il contourne les effets pervers du dispositif tel que vous l'avez conçu.
En l'occurrence, nous proposons de revenir à un cumul intégral des revenus de l'activité et de l'allocation pendant six mois, comme c'est possible aujourd'hui.
Par ailleurs, nous inscrivons dans le texte que le régime d'intéressement n'est pas conditionné par la durée de travail hebdomadaire.
Cette limite de 78 heures en dessous de laquelle le travailleur ne dépend pas du régime forfaitaire crée une situation encore plus défavorable puisque la majoration sur les revenus est bien inférieure au montant de la prime forfaitaire.
Une fois encore, seront pénalisés les travailleurs les plus défavorisés, c'est-à-dire ceux qui subissent le temps partiel imposé par des entreprises qui cherchent toujours plus de flexibilité.
Enfin, les personnes embauchées dans le cadre d'un contrat d'avenir ou d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité, ou CI-RMA sont aujourd'hui exclues de ce dispositif.
La complexité de ces deux contrats d'insertion que vous avez créés rend l'interprétation difficile. L'analyse est dans tous les cas biaisée. En effet, pour ces travailleurs, durant leur contrat, leur droit aux allocations « reste ouvert », mais ils ne perçoivent pas cette somme puisqu'elle correspond à l'aide versée à l'entreprise qui les a embauchés.
C'est donc un système d'intéressement pour les entreprises, qui disposent du cumul intégral du versement d'une allocation et d'un travailleur à leur service !
Il nous est difficile d'apprécier, dans ce cas précis, quel système est plus favorable au travailleur lui-même, mais nous souhaitons, quoi qu'il en soit, qu'il puisse avoir la garantie que c'est le système le plus favorable qui lui sera appliqué, ce qui constitue le troisième point de notre amendement.
Faute d'avoir obtenu du Gouvernement la suppression de ces dispositifs, nous ne pouvons qu'encourager ces modifications qui éviteront aux plus démunis de pâtir une fois encore directement de cette politique qui se révèle en fait inégalitaire et injuste.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Seillier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 351-20 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
Elle est majorée le dernier mois.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Mes explications vaudront également pour les amendements nos 6 et 11, qui concernent respectivement les articles 3 et 4.
Nous proposons de prévoir une majoration de la prime de retour à l'emploi le dernier mois pour instaurer une forme de prime d'intéressement pour les bénéficiaires des minima sociaux.
S'il est évident que, pour des raisons d'équité par rapport aux autres salariés, l'intéressement ne saurait être permanent, il semble utile de prendre une disposition spécifique concernant le dernier mois du bénéfice de l'intéressement.
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par M. Cazeau, Mmes Printz, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Desessard, Godefroy, Sueur, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 351-20 du code du travail.
La parole est à Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement tend à ne pas exclure les salariés en contrat d'avenir ou en contrat insertion-revenu minimum d'activité du bénéfice de la prime mensuelle forfaitaire.
Le CI-RMA et le contrat d'avenir sont très particuliers puisque leurs bénéficiaires peuvent cumuler une allocation et un revenu d'activité.
Notre amendement vise à éclaircir une situation qui nous paraît singulièrement obscurcie par le fait que l'article 15 du projet de loi, fruit d'un amendement du Gouvernement, vise en quelque sorte à créer un CI-RMA à durée indéterminée.
Comment un contrat aidé bénéficiant d'une aide financière peut-il être à durée indéterminée ? Est-ce à dire que la durée de la convention qui détermine les aides pourra excéder les dix-huit mois prévus à l'article L. 322-4-15-2 du code du travail ? Est-ce à dire que ce contrat pourra désormais être seulement oral puisque cette précision ne figure pas dans la nouvelle rédaction de l'article L. 322-4-15-4 que le Gouvernement propose à l'article 15 du projet de loi ? Comment un contrat aidé pourrait-il être oral ?
Si la convention est caduque au bout de dix-huit mois, mais que le salarié conserve son emploi, quel sera son statut ? Comment qualifiera-t-on un CI-RMA qui n'est plus financé par le département ? Ne craignez-vous pas que, si le CI-RMA ne s'accompagne ni d'une prime de retour à l'emploi ni d'une prime forfaitaire, les allocataires de minima d'insertion ne se détournent d'un dispositif déjà peu apprécié, où ils seront cette fois-ci perdants dans tous les domaines ?
Madame la ministre, ces incertitudes nous ont conduits à déposer cet amendement, qui vous permettra d'exposer au Sénat et à tous ceux qui suivent ce débat quelles dispositions vous entendez mettre en place s'agissant de la nouvelle formule du CI-RMA et du contrat d'avenir.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Seillier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 351-20 du code du travail par les mots :
et la majoration à laquelle il donne lieu le dernier mois de versement
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Monsieur le rapporteur, puis-je considérer que vous avez défendu par anticipation l'amendement n° 8, à l'article 3, et l'amendement n° 12, à l'article 4, dont les objets sont identiques ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Seillier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 351-20 du code du travail.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. En plafonnant le salaire ouvrant droit au bénéfice de la prime d'intéressement, l'article 2 créé un nouvel effet de seuil qui, s'il est fixé à un niveau trop bas par rapport au SMIC, ne sera pas exempt de conséquences perverses. Une différence de ressource de 150 ou de 125 euros est loin d'être négligeable. Proposer un salaire à peine supérieur au seuil n'encouragerait pas les personnes concernées à reprendre une activité. Ainsi, paradoxalement, ce seraient les salariés qui inciteraient les employeurs à proposer des rémunérations plus faibles pour pouvoir profiter de l'intéressement.
Lors de votre audition par la commission, madame la ministre, vous avez indiqué que le Gouvernement pourrait renoncer à faire usage de la possibilité ouverte par cet article de mettre en place un tel dispositif.
Dans ces conditions, il est sans doute plus clair de supprimer purement et simplement cette possibilité. Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur, je suppose que, comme tout à l'heure, je peux considérer que vous avez défendu par anticipation l'amendement n° 9, à l'article 3, et l'amendement n° 13, à l'article 4...
M. Bernard Seillier. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par M. Cazeau, Mmes Printz, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Desessard, Godefroy, Sueur, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 351-20 du code du travail, après les mots :
revenus d'activité
insérer les mots :
, qui ne peut être inférieur à 1,4 fois le montant de la rémunération mensuelle minimale prévue à l'article L. 141-11 du code du travail,
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Cet amendement vise à prévoir que le montant des revenus d'activité qui conduisent à mettre fin au versement de la prime forfaitaire mensuelle ne puisse être inférieur à 1,4 fois le montant de la rémunération minimale légale.
Cet amendement nous permet d'aborder la question du seuil de revenu au-dessus duquel la prime de 150 euros ne sera pas versée.
Les observations que formule M. Seillier à la page 47 de son rapport nous paraissent pertinentes. Il indique en substance que, à ce niveau de ressources, qui ne permet pas de vivre décemment, une différence de quelques euros a un impact considérable. Il estime donc que le seuil doit être le plus haut possible afin d'annuler l'effet de « désincitation » au travail. Si tel n'était pas le cas, « les intéressés eux-mêmes conforteraient les employeurs à proposer des rémunérations plus faibles : il leur serait en effet plus intéressant d'accepter un emploi moins bien rémunéré, car leurs ressources totales, compte tenu de l'intéressement, seraient plus importantes qu'avec un emploi rémunéré juste au-dessus du seuil ».
On ne saurait mieux décrire l'effet à la baisse sur les salaires, baisse qui nous inquiète tant par ailleurs.
M. le président. L'amendement n° 67, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le III de cet article pour remplacer le deuxième alinéa de l'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 par un alinéa ainsi rédigé :
« Cet établissement reçoit également la contribution de précarité, payée par les employeurs pour la signature de chaque contrat de travail précaire, relevant de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches », d'un contrat prévu à l'article L. 122-1 du code du travail d'une durée de mois de six mois, ou d'un contrat prévoyant un temps de travail inférieur à la durée légale en vertu de l'article L. 212-4-3. Un décret en Conseil d'État définit les modalités de recouvrement et le montant de cette contribution, due à compter du 1er janvier 2006. »
La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet amendement vise à assurer le financement de la prime d'intéressement pour les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique.
Le fonds de solidarité est actuellement financé par une cotisation sur les salaires des fonctionnaires, à laquelle s'ajoute une subvention d'équilibre versée par l'État.
Ce fonds a vu son budget réduit dans la dernière loi de finances. Pourtant, aujourd'hui, on étend ses attributions. On peut, dès lors, s'interroger sur sa solvabilité et, éventuellement, sur le risque de voir la prime d'intéressement des bénéficiaires de l'ASS remise en cause.
Notre amendement reprend l'une des pistes de réflexion mises en avant par la commission présidée par M. Martin Hirsch, qui encourage au développement des sanctions pénales en cas de recours abusif au travail précaire.
Malheureusement, une part importante des embauches se fait aujourd'hui sous la forme d'emplois précaires, d'autant que le Gouvernement multiplie les contrats du type « contrat nouvelle embauche », qui institutionnalisent la précarité.
À l'inverse de cette tendance désastreuse sur le plan social, mais aussi en termes économiques, nous proposons par cet amendement que le fonds de solidarité soit abondé par une contribution exceptionnelle sur les emplois précaires.
Lorsqu'on parle de retour à l'emploi, on ne peut faire l'impasse sur la question des types d'emplois, en particulier du développement des emplois dits « atypiques », c'est-à-dire de tous les emplois qui s'écartent de celui qui assurait auparavant stabilité et revenu décent aux travailleurs et à leur famille.
Les CDD, l'intérim, les contrats nouvelle embauche, bientôt les contrats première embauche, les « contrats vieux » : autant de recours à la flexibilité pour les entreprises, qui voient leur rendement boursier exploser à mesure que les salariés sont contraints à l'instabilité familiale et économique.
Madame la ministre, lors du débat qui a eu lieu à l'Assemblée nationale, vous avez justifié la réduction des moyens attribués au fonds de solidarité par la baisse du nombre de bénéficiaires de l'ASS. Mais, si leur nombre décroît, ce n'est pas parce que le nombre de chômeurs de très longue durée est en diminution - bien au contraire, il a augmenté de 8 % cette année -, c'est plutôt parce que ces bénéficiaires basculent vers le RMI, un régime bien plus défavorable qui les coupe encore davantage du monde du travail.
Face à un tel désastre, une contribution des entreprises a minima pour financer les politiques de solidarité en matière d'emploi serait, avouez-le, un moindre mal.
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par M. Cazeau, Mmes Printz, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Desessard, Godefroy, Sueur, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le fonds de solidarité créé à l'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi reçoit également la contribution de précarité due par les employeurs pour la signature de chaque contrat relevant de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches », d'un contrat prévu à l'article L. 122-1 du code du travail d'une durée de moins de six mois, ou d'un contrat prévoyant un temps de travail inférieur à la durée légale en vertu de l'article L. 212-4-3 du code du travail. Un décret en Conseil d'État définit les modalités de recouvrement et le montant de cette contribution due à compter du 1er janvier 2006.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Le projet de loi prévoit que la prime, dans le cas des bénéficiaires de l'ASS, sera financée par le fonds de solidarité, qui devra ainsi supporter une charge nouvelle. Il est donc nécessaire de lui attribuer des recettes nouvelles, d'autant que sa dotation a été révisée à la baisse dans la dernière loi de finances.
En effet, la dotation de l'État a été réduite cette année de plus de 100 millions d'euros, soit environ 10 %. Certes, en 2005, vous avez fait basculer des allocataires de l'ASS vers les départements. Ce transfert a supprimé une des charges que supportait le budget de l'État mais, corollairement, en a créé une nouvelle pour les conseils généraux.
Sauf à imaginer que les allocataires de l'ASS ne vont pas se précipiter pour retrouver un emploi, il est nécessaire de trouver de nouvelles recettes. Afin de ne pas alourdir les charges de la collectivité nationale, nous proposons que les premiers responsables de la précarité et les employeurs qui abusent du temps partiel contraint soient sollicités pour abonder le fonds de solidarité, en quelque sorte par extension du principe du pollueur-payeur.
M. Roland Muzeau. Absolument !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements autres que ceux qu'elle a déposés ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. L'amendement n° 65 vise à supprimer le dispositif des primes forfaitaires d'intéressement pour les titulaires de l'allocation de solidarité spécifique.
L'appréciation portée par les auteurs de l'amendement sur le niveau de ressources apporté par le nouveau dispositif d'intéressement est faussée, car elle ne tient pas compte de la prime de 1 000 euros ni de la réforme de la prime pour l'emploi. Or, si l'on intègre ces données, le niveau de revenu après réforme est presque toujours supérieur à celui qui résulte du dispositif actuel.
Certes, quelques cas moins favorables subsistent, mais la simplification apportée par le projet de loi au dispositif d'intéressement compense largement cet inconvénient en améliorant la prévisibilité des revenus en cas de reprise d'activité. La réforme devrait conduire à un plus grand nombre de retours à l'emploi.
Il convient également de souligner que les personnes concernées par l'ancien régime ne sont pas les mêmes que celles auxquelles s'appliquera le nouveau régime. Finalement, l'important, c'est le retour à l'emploi. Nous allons mesurer les résultats du nouveau système, mais je suis pour ma part convaincu qu'il sera beaucoup plus efficace que le dispositif actuel.
J'ajoute qu'il a vocation à être provisoire. Il est applicable pour une durée d'un an et l'objectif n'est pas de le pérenniser. L'essentiel est qu'il soit efficace et qu'au bout d'un an la personne concernée obtienne un emploi durable.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 65.
L'amendement n° 66 vise à porter à six mois la période de cumul intégral entre une allocation et un salaire et à ouvrir le bénéfice des primes forfaitaires d'intéressement à tous les allocataires de l'ASS, quel que soit le nombre d'heures travaillées.
Certes, dans l'ancien système, les bénéficiaires de l'ASS pouvaient, pendant six mois, cumuler intégralement l'allocation avec leur salaire, à la condition que ce dernier soit inférieur à un demi-SMIC.
Le nouveau dispositif limite le cumul intégral à trois mois, mais sans seuil de salaire. Le compromis me paraît donc acceptable s'agissant de l'élargissement du bénéfice des primes forfaitaires à tous, sans condition de durée de travail.
Afin de prévenir tout risque d'encourager le travail à temps très partiel, en deçà du mi-temps, je suis plutôt partisan d'un système d'intéressement progressif, chaque heure supplémentaire travaillée apportant un gain supérieur à la précédente, ce qui ne serait pas le cas dans un système forfaitaire. Il s'agit donc, pour le bénéficiaire de l'ASS, d'un régime progressif et d'incitation constante à améliorer sa situation.
En fait, le véritable problème réside dans l'emploi à temps partiel contraint. Le mécanisme mis en place doit inciter le bénéficiaire du régime, dès lors qu'il en a la possibilité, à augmenter sa rémunération, donc sa durée de travail.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l'amendement n° 66.
L'amendement n° 44 vise à étendre aux allocataires de l'ASS titulaires d'un contrat d'avenir ou d'un CI-RMA le bénéfice des nouvelles primes forfaitaires d'intéressement.
Les personnes en contrat d'avenir ou en CI-RMA bénéficient déjà d'un dispositif particulier d'intéressement. Leurs signataires voient leur revenu d'activité entièrement neutralisé pour le calcul des droits à l'allocation de solidarité spécifique. En contrepartie, l'allocation est amputée du montant de l'aide forfaitaire versée à l'employeur.
De plus, ce mécanisme s'applique pendant toute la durée du contrat, y compris au-delà des douze mois prévus par l'intéressement classique. Cumuler ce dispositif avec les primes forfaitaires reviendrait à pratiquer un double intéressement, ce qui n'est pas envisageable, et remplacer l'un par l'autre ne serait pas toujours avantageux pour les intéressés.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 44.
L'amendement n° 43 fixe à 1,4 SMIC le salaire au-delà duquel le versement des primes mensuelles d'intéressement n'est plus possible. Cet amendement est incompatible avec l'amendement n° 5 de la commission, qui supprime tout plafonnement du salaire ouvrant droit aux primes d'intéressement. Un tel plafonnement aurait des effets de seuil particulièrement pervers.
Je maintiens ce que j'ai écrit dans mon rapport. Dans certains cas, s'agissant des situations limites, les intéressés auraient intérêt à accepter un emploi un peu moins bien rémunéré, car leurs ressources totales, compte tenu de l'intéressement, seraient plus importantes qu'avec un emploi rémunéré juste au-dessus du seuil.
J'ajoute que certains chômeurs possèdent des diplômes de haut niveau et une qualification leur permettant de percevoir une rémunération assez importante. Cela n'empêche pas nombre d'entre eux de vivre des situations très dures et d'être lourdement endettés. Je connais des personnes qui ont connu une telle situation et qui, après un an de chômage, parfois davantage, ont retrouvé un emploi correspondant à leur qualification. Pour elles aussi, l'instauration, en août 2005, de la prime pour l'emploi s'est révélée bien utile. Sa pérennisation sera donc, là aussi, la bienvenue.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 43.
L'amendement n° 67 vise à attribuer une nouvelle ressource au fonds de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi, en compensation de la mise à sa charge du financement de la prime de 1 000 euros pour les titulaires de l'allocation de solidarité spécifique.
Les statuts du fonds de solidarité prévoient que ses ressources sont complétées par une subvention d'équilibre de l'État. Le financement de la nouvelle prime de 1 000 euros se traduira donc par une augmentation de cette subvention. C'est d'ailleurs en partie l'objet de l'enveloppe des 240 millions d'euros dégagée par le Gouvernement pour le financement des primes.
En outre, les nouvelles recettes que les auteurs de l'amendement envisagent d'attribuer au fonds de solidarité sont en réalité déjà affectées à d'autres dépenses. Ainsi, la contribution de précarité due au titre des contrats nouvelle embauche doit déjà servir à financer un accompagnement renforcé des titulaires du contrat nouvelle embauche en cas de rupture de leur contrat.
Adopter cet amendement reviendrait donc à déshabiller Pierre pour habiller Paul.
M. Roland Muzeau. Vous n'avez pas oublié que, parallèlement, nous proposons de supprimer le CNE ! (Sourires.)
M. Bernard Seillier, rapporteur. Dans ce cas, je pense que l'amendement devient superflu !
Quoi qu'il en soit, la commission a émis un avis défavorable.
L'amendement n° 45 vise à attribuer de nouvelles ressources au fonds de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi, en compensation de la prime. J'émets le même avis défavorable que sur l'amendement n° 67.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Concernant les amendements nos 65 et 66, je souhaite revenir sur l'affirmation selon laquelle les allocataires de l'ASS ne trouveraient aucun bénéfice dans ce dispositif, voire, pour certains, y perdraient.
Je rappelle que, sur la base du SMIC horaire, le gain mensuel moyen par rapport à l'inactivité - lorsqu'on prend en considération, évidemment, l'ensemble des données annualisées, c'est-à-dire aussi bien le revenu forfaitaire que la prime de mille 1 000 euros et la prime pour l'emploi - peut atteindre 250 euros pour un allocataire, en couple ou avec des enfants, qui travaille à temps plein.
J'ajoute, concernant l'ASS, qu'il n'existe pas de situation qui puisse être défavorable aux allocataires. Ce dispositif assure donc un gain substantiel et permet une avancée tout à fait importante pour les allocataires de l'ASS, raison pour laquelle je suis défavorable à ces amendements.
En ce qui concerne l'amendement n° 3, dont je comprends bien l'objet, il aurait pour effet d'accroître ce fameux effet de seuil auquel vous êtes si sensible, monsieur le rapporteur, et de l'accroître en fin de période.
Si, le dernier mois, le revenu des intéressés devait chuter de façon plus importante, leur situation serait encore plus difficile : la majoration serait trop éloignée dans le temps de la reprise d'activité pour avoir un effet incitatif. Enfin, la majoration de la prime forfaitaire due aux RMIstes occasionnerait un surcoût qui, force m'est de le dire, serait à la charge des conseils généraux, ce qui ne correspond pas à l'esprit qui a prévalu lors de l'élaboration de ce texte.
C'est pourquoi, monsieur le rapporteur, il me semblerait préférable que vous retiriez votre amendement.
S'agissant de l'amendement n° 44, je rappellerai que les dispositifs du CI-RMA et du contrat d'avenir sont réservés à des personnes qui sont en situation de grande difficulté d'accès à l'emploi. Notre objectif, en l'occurrence, est l'amélioration de l'employabilité de certains bénéficiaires de minima sociaux par une diminution du coût du travail et non l'incitation à la reprise d'emploi. Nous nous inscrivons dans la logique que j'ai évoquée au cours de la discussion générale : ces textes sont une succession d'avancées tendant à apporter chaque fois de nouvelles améliorations.
Les personnes embauchées dans le cadre du contrat d'avenir ou du CI-RMA bénéficient, dans le système envisagé, d'aides publiques importantes, différentes de celles qui sont attribuées aux autres bénéficiaires de minima sociaux reprenant un emploi.
Ces contrats sont plus avantageux pour les salariés que le dispositif de droit commun institué par ce texte : ils se traduisent par le versement d'une aide de 433 euros à l'employeur. Certes, cette aide n'est pas perçue directement par le salarié, mais il en bénéficie indirectement puisqu'elle lui permet de trouver un emploi qui ne lui aurait probablement pas été proposé dans d'autres circonstances.
Par ailleurs, l'employeur souscrit à des obligations de formation et de tutorat. Nous savons tous combien il est important d'accompagner l'ensemble de nos dispositifs par la formation et le tutorat, qui permettent de faciliter l'accès à l'emploi de nos concitoyens. Le dispositif est complété par le maintien des droits connexes, comme la CMU, et l'exclusion des salaires pour le calcul des allocations.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 44.
L'amendement n° 4 appelle, monsieur le rapporteur, les mêmes remarques que l'amendement n° 3, et j'en demande également le retrait.
S'agissant de l'amendement n° 5, en revanche, je partage votre analyse relative à l'effet de seuil. Il n'y aura pas de plafond de revenu d'activité au-delà duquel la prime ne serait pas due. L'avis du Gouvernement sur cet amendement est donc favorable.
Je comprends tout à fait l'objectif visé par les auteurs de l'amendement n° 43, mais le Gouvernement préfère la rédaction de l'amendement n° 5, qui a, sur le fond, le même objet.
La contribution visée par l'amendement n° 67, égale à 2 % du montant de la rémunération brute due au salarié depuis la conclusion du contrat nouvelle embauche, est recouvrée par les organismes gestionnaires du régime d'assurance chômage. L'objet de cette contribution est de financer des actions d'accompagnement renforcé du salarié par le service public de l'emploi. Le Gouvernement ne veut absolument pas modifier l'objet de cette contribution et est donc défavorable à cet amendement.
Concernant l'amendement n° 45, je voudrais préciser que le fonds de solidarité perçoit, pour s'acquitter de ses missions, la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi instituée par la loi du 4 novembre 1982. Le cas échéant, l'État lui verse une contribution d'équilibre, dont le montant est déterminé par la loi de finances en fonction, notamment, de l'évolution de ses ressources, correspondant à la contribution exceptionnelle de solidarité, et de celle de ses charges.
J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement n° 45.
M. le président. Monsieur Seillier, les amendements nos 3 et 4 sont-ils maintenus ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Les observations que vous avez faites, madame la ministre, ont un certain poids. Vous m'objectez l'effet de seuil pour la prime de sortie, ainsi que l'absence de négociation avec les départements quant à la prise en charge du surcoût.
Compte tenu des discussions que nous avons eues au cours de cette séance et de la maturation de la réflexion tout au long de l'élaboration de ces dispositions, il me semble que la prime d'intéressement de sortie n'a pas, je l'avoue, la même importance que la prime d'incitation au retour à l'emploi.
Il est clair qu'on ne supprime pas une incitation à travailler en renonçant à instaurer une prime de sortie de l'intéressement. C'est même l'effet inverse qui est recherché puisque le fait de ne plus avoir d'intéressement ne doit pas entraîner le désintérêt par rapport au travail. C'est pourquoi, madame la ministre, je me range à vos arguments et j'y ajoute même ceux que je viens d'énoncer.
En conséquence, monsieur le président, je retire l'amendement n° 3 et, par coordination, l'amendement n° 4.
M. le président. Les amendements nos 3 et 4 sont retirés.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de ne pas « charger la barque » des départements !
Je mets aux voix l'amendement n° 65.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 43 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 67.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 102, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, après les mots : « revenu minimum d'insertion », sont insérés les mots : « est un droit individuel dont le montant ».
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Le droit au RMI doit être le même pour toutes et tous. Seule l'individualisation des droits permet une véritable autonomie. Cela est le plus souvent vrai pour les femmes au chômage qui refusent de dépendre financièrement de leur conjoint ou de leur compagnon, mais également pour les hommes au chômage qui ne veulent pas plus dépendre financièrement de leur compagne.
L''affirmation selon laquelle le dispositif du RMI est un droit individuel n'exclut pas que la situation familiale puisse être prise en compte selon des modalités fixées par décret, afin d'empêcher qu'un bénéficiaire puisse être en même temps déclaré comme personne à charge par son conjoint.
L'objet de cet amendement est donc de permettre à toutes les personnes de percevoir le RMI, indépendamment des ressources de leur conjoint.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Une telle modification du droit au RMI impliquerait de revoir entièrement l'appréciation des ressources du bénéficiaire. Considérer que le RMI est un droit individuel conduirait nécessairement à ne prendre compte que les revenus personnels du demandeur, sans pouvoir apprécier ceux du conjoint.
Si l'objectif des auteurs de cet amendement est de procurer un revenu aux mères au foyer, celui-ci sera incontestablement atteint...
Mais cet amendement induirait également des effets pervers non négligeables : chaque couple pourrait décider de la manière dont il se répartit ses enfants à charge et ses revenus, afin de maximiser le montant total d'allocations perçues.
La question est sans aucun doute pertinente puisqu'elle fait l'objet d'un rapport du Conseil économique et social. Cependant, je considère que les études d'appréciation de ces effets pervers et les mécanismes mis en cause amèneraient à modifier complètement toute l'organisation du RMI. C'est délibérément - je le sais pour avoir interrogé M. Bertrand Fragonard à ce sujet - que cette solution n'a pas été retenue lors de la création du RMI.
Vous proposez, monsieur Desessard, de modifier substantiellement le dispositif. Pourquoi pas ? Toutefois, dans le cadre de ce projet de loi, les éléments difficiles à prendre en compte, voire immaîtrisables me semblent suffisamment nombreux pour que la commission émette un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement partage totalement l'avis du rapporteur et insiste effectivement sur l'idée selon laquelle le RMI est, depuis 1988, un droit « familialisé ». Il n'est pas question de remettre aujourd'hui en cause cette orientation.
En outre, personne, me semble-t-il, ne souhaiterait que l'individualisation du RMI aboutisse au versement de cette allocation au conjoint d'une personne disposant de revenus tout à fait confortables.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Mme la ministre a dit qu'elle se reconnaissait dans les propos du rapporteur. Or le rapporteur a reconnu une certaine pertinence à cet amendement. Mais je n'ai pas entendu Mme la ministre reprendre cette appréciation. J'aurais aimé qu'elle aille jusqu'au bout de la cohérence avec le rapporteur ! (Sourires.)
Le problème que je soulève est celui du droit à la dignité.
J'ai travaillé avec les chômeurs pendant six ans, comme je l'ai dit lors de la discussion générale : j'ai participé aux marches nationales et européennes contre le chômage, aux occupations d'ASSEDIC et d'ANPE... Et nous avons fait avancer les choses. Sauf sur ce point, où nous étions déjà en désaccord avec le gouvernement de gauche puisque nous sommes pour l'inconditionnalité du RMI.
Pourquoi défendons-nous cette position ?
Permettez-moi d'évoquer un cas que j'ai effectivement rencontré voilà quelques années.
Un homme au chômage se rend un jour dans une permanence et explique qu'il n'a aucun revenu du fait que sa compagne touche plus de 10 000 francs - c'était avant 2001. Selon lui, il est admissible de partager le loyer ou même les dépenses liées à l'alimentation. En revanche, pour l'achat de vêtements, c'est plus difficile, et cela est d'ailleurs vrai aussi bien pour un homme que pour une femme. Pour les petites dépenses - s'offrir une séance de cinéma, aller boire un café, acheter un paquet de cigarettes, par exemple -, cela devient quasiment impossible !
Autrement dit, priver du RMI quelqu'un qui se trouve dans une telle situation le place, par rapport à sa compagne ou à son compagnon, dans une dépendance qui affecte sa dignité.
Voilà pourquoi nous pensons que le RMI est un droit individuel qui ne doit pas être conditionné aux ressources du conjoint parce qu'il rend les personnes trop dépendantes ; cela peut d'ailleurs, à l'évidence, créer des problèmes au sein du couple.
En conséquence, c'est très fermement, monsieur le président, que je maintiens cet amendement.
M. le président. On me pardonnera de sortir quelque peu de ma neutralité, mais, monsieur Cazeau, cet amendement ne créerait-il pas une charge supplémentaire pour les départements ?
M. Jean Desessard. Je n'ai pas dit que ce n'était pas l'Etat qui devrait assurer le financement ! (Sourires.)
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, puisque vous m'invitez à m'expliquer sur cet amendement, je vais le faire.
Il ne faut pas tout confondre ! La charge pour les départements en matière de RMI tient au fait que la fiscalité transférée aux départements pour en assurer le financement est une fiscalité fixe, non modulable, non dynamique. Le jour où les départements recevront un pourcentage dynamique du produit de la TIPP, qui augmentera ou diminuera donc en fonction de l'évolution du nombre des bénéficiaires du RMI ou du montant de celui-ci, les départements ne revendiqueront plus !
Ce que nous souhaitons, c'est avoir une fiscalité dynamique. Or, pardonnez-moi, monsieur le président, mais cela est davantage du ressort de Mme Vautrin, en tant que membre du Gouvernement ! M. Desessard ne fait que poser un principe général, qui me paraît d'ailleurs humainement excellent.
M. Jean Desessard. Merci ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Bien entendu, chacun ici assume le rôle qui est le sien. Cela étant, il faut rappeler l'esprit dans lequel a été élaborée la loi du 1er décembre 1988. En créant le RMI, ceux qui nous ont précédés voulaient, au premier chef, assurer la prise en charge des enfants. Et je tiens à réaffirmer notre attachement à cette approche familiale.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3
I. - L'intitulé de la section 2 du chapitre II du titre VI du livre II du code de l'action sociale et des familles est complété par les mots : « et prime forfaitaire ».
II. - L'article L. 262-11 du même code est complété par sept alinéas ainsi rédigés :
« Les dispositions du premier alinéa s'appliquent notamment au cas des revenus tirés de travaux saisonniers.
« Les bénéficiaires qui débutent ou reprennent une activité professionnelle ou un stage de formation rémunéré ont droit à une prime forfaitaire. Cette prime est versée chaque mois pendant une période dont la durée est définie par voie réglementaire, y compris s'il a été mis fin au droit au revenu minimum d'insertion.
« La prime constitue une prestation légale d'aide sociale et est versée par le département ayant attribué l'allocation de revenu minimum d'insertion.
« La prime n'est pas due lorsque :
« - l'activité a lieu dans le cadre d'un contrat d'avenir ou d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité conclu en application respectivement des articles L. 322-4-10 et L. 322-4-15 du code du travail ;
« - le bénéficiaire perçoit la prime prévue par le II de l'article L. 524-5 du code de la sécurité sociale ou par l'article L. 351-20 du code du travail.
« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'attribution de la prime, notamment la durée de travail minimale et le nombre de mois d'activité consécutifs auxquels son versement est subordonné, ainsi que son montant qui tient compte de la composition du foyer. Ce décret peut fixer un montant de revenus d'activité au-delà duquel la prime n'est pas due. »
III. - Dans le 4° de l'article L. 131-2 du même code, après le mot : « insertion », sont insérés les mots : « et de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11, ».
IV. - Dans le deuxième alinéa de l'article L. 262-10 du même code, après les mots : « à objet spécialisé », sont insérés les mots : « ainsi que la prime instituée par l'article L. 322-12 du code du travail et les primes forfaitaires instituées respectivement par les articles L. 262-11 du présent code, L. 524-5 du code de la sécurité sociale et L. 351-20 du code du travail, ».
V. - L'article L. 262-30 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « Le service de l'allocation », sont insérés les mots : « et de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11 » ;
2° Dans le deuxième alinéa, après les mots : « le service de l'allocation », sont insérés les mots : « et de la prime forfaitaire » ;
3° Dans le troisième alinéa, les mots : « le service de l'allocation et ses modalités de financement » sont remplacés par les mots : « le service de l'allocation et de la prime forfaitaire ainsi que leurs modalités de financement, » ;
4° Le quatrième alinéa est supprimé.
VI. - Dans le premier alinéa de l'article L. 262-32 du même code, les mots : « à l'exception des décisions de suspension du versement de celle-ci prises en application des articles L. 262-19, L. 262-21 et L. 262-23 » sont remplacés par les mots : « à l'exception des décisions de suspension prises en application des articles L. 262-19, L. 262-21 et L. 262-23, ainsi qu'à la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11 ».
VII. - L'article L. 262-39 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « relatives à l'allocation de revenu minimum », sont insérés les mots : « et à la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11» ;
2° Dans le quatrième alinéa, après les mots : « de l'allocation de revenu minimum d'insertion », sont insérés les mots : « ou de la prime forfaitaire ».
VIII. - Dans l'article L. 262-40 du même code, après les mots : « de l'allocation », sont insérés les mots : « ou de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11 ».
IX. - Le premier alinéa de l'article L. 262-41 du même code est ainsi rédigé :
« Tout paiement indu d'allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire. »
X. - Dans l'article L. 262-44 du même code :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« L'allocation et la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11 sont incessibles et insaisissables. » ;
2° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « et de la prime forfaitaire » ;
3° Dans le troisième alinéa, les mots : « le revenu minimum d'insertion est servi » sont remplacés par les mots : « le revenu minimum d'insertion et la prime forfaitaire sont servis » ;
4° Dans le quatrième alinéa, les mots : « l'allocation au nom d'un organisme agréé à cet effet, à charge pour celui-ci de la reverser » sont remplacés par les mots : « l'allocation et la prime forfaitaire au nom d'un organisme agréé à cet effet, à charge pour celui-ci de les reverser » ;
5° Le cinquième alinéa est complété par les mots : « et la prime forfaitaire. ».
XI et XII. - Supprimés
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 68, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 69, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le II de cet article :
II. - L'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Art. L. 262-11. - Les rémunérations tirées d'activités professionnelles ou de stages de formation qui ont commencé au cours de la période de versement de l'allocation sont exclues intégralement pendant six mois du montant des ressources servant au calcul de l'allocation.
« Les dispositions du premier alinéa s'appliquent notamment au cas des revenus tirés de travaux saisonniers.
« Les bénéficiaires qui débutent ou reprennent une activité professionnelle ou un stage de formation rémunéré ont droit à une prime forfaitaire, quelle que soit leur durée de travail hebdomadaire, à l'issue de la période de six mois de cumul intégral. Cette prime est versée chaque mois pendant neuf mois, y compris s'il a été mis fin au droit à l'allocation.
« La prime constitue une prestation légale d'aide sociale et est versée par le département ayant attribué l'allocation de revenu minimum d'insertion.
« La prime n'est pas due lorsque :
« - l'activité a lieu dans le cadre d'un contrat d'avenir ou d'un contrat insertion - revenu minimum d'activité conclu en application respectivement des articles L. 322-4-10 et L. 322-4-15 du code du travail, en raison du bénéfice de l'intéressement appliqué au titre du neuvième alinéa de l'article R. 262-8 du code de l'action sociale et des familles, dès lors que celui-ci est plus favorable aux allocataires.
« - le bénéficiaire perçoit la prime prévue par le II de l'article L. 524-5 du code de la sécurité sociale ou par l'article L. 351-20 du code du travail.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'attribution de la prime, notamment son montant qui tient compte de la composition du foyer. »
Cet amendement a également été déjà défendu.
L'amendement n° 6, présenté par M. Seillier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour compléter l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles par une phrase ainsi rédigée :
Elle est majorée le dernier mois.
Monsieur le rapporteur, retirez-vous cet amendement comme vous avez tout à l'heure retiré l'amendement n° 3 ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.
L'amendement n° 46 rectifié, présenté par M. Cazeau, Mmes Printz, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Desessard, Godefroy, Sueur, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour compléter l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les rémunérations tirées d'activités professionnelles ou de stages de formation qui ont commencé au cours de la période de versement de l'allocation peuvent, selon des modalités définies par voie réglementaire, être exclues, en tout ou partie, du montant des ressources servant au calcul de l'allocation. Lorsque les rémunérations trimestrielles n'excèdent pas un montant fixé par décret, ces revenus ne sont pas pris en compte.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. La première question que nous posons avec cet amendement est celle du trimestre entamé pour les allocataires du RMI. Des personnes peuvent en effet être conduites à refuser de prendre un emploi immédiatement parce qu'elles ont intérêt à attendre la fin du trimestre pour bénéficier de la totalité du RMI et ne pas être perdantes.
Nous proposons donc un amendement technique pour essayer de mettre fin à cette situation absurde. On ne peut en effet moralement contraindre une personne en difficulté à accepter immédiatement un emploi sachant qu'ainsi on va lui faire perdre une somme d'argent.
La deuxième question indirecte est celle du seuil de 78 heures que vous avez fixé pour que la personne en retour à l'emploi bénéficie de l'intéressement « nouvelle formule ».
Nous ne proposons pas d'amendement sur ce point parce qu'il nous semble préférable de fixer un plafond de revenu plutôt qu'un seuil de durée du travail. Abaisser ce seuil reviendrait en effet à promouvoir les contrats à temps très partiel, ce qui n'est pas souhaitable du point de vue du revenu des personnes et de la qualité de leur réinsertion.
De plus, il est certain que la plupart des contrats qui sont proposés dans un processus de réinsertion sont en dessous d'un travail à mi-temps et que plus la personne est en difficulté, plus le contrat est, dans une première période, à temps très partiel.
Que ressort-il de ces remarques ? Principalement, deux points.
Premièrement, les personnes les plus éloignées de l'emploi vont rester en dehors du dispositif, alors que ce sont elles qui en ont le plus besoin. Sur 1 752 000 allocataires des minima sociaux d'insertion, vous estimez vous-même que 140 000 seulement pourraient entrer dans le dispositif. Compte tenu de la condition d'emploi à mi-temps, ce sont forcément celles qui sont le moins éloignées de l'emploi.
Ce sont aussi celles qui seront les plus aptes à entrer dans le secteur marchand. Cela ne manquera pas d'exercer une nouvelle pression à la baisse sur les salaires.
Ces personnes, compte tenu du niveau des salaires qui leur seront attribués, passeront de la prime de retour à l'emploi à la prime forfaitaire et à la prime pour l'emploi ensuite, en permettant, tout au long du parcours, à leur employeur de bénéficier d'allégements importants de cotisations patronales.
On nous dit qu'il s'agit de venir en aide aux personnes en difficulté, ce qui reste à prouver dans la mesure où les simulations réalisées par les associations montrent que le salarié ne sera pas forcément gagnant avec ce nouveau dispositif. Toutefois, il est clair que les employeurs ne seront pas perdants ; ils seront même les premiers gagnants avec ces salariés précaires et si peu onéreux.
Deuxièmement, le seuil de 78 heures est précisément celui qui fixe la limite du calcul des demandeurs d'emploi de catégorie 1, le chiffre qui est publié chaque mois. Nous n'imaginons pas que soit un hasard, madame la ministre.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Seillier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le troisième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour compléter l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles, remplacer les mots :
et est versée par le
par les mots :
à la charge du
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision concernant le rôle des départements en matière de primes forfaitaires d'intéressement.
M. le président. L'amendement n° 47, présenté par M. Cazeau, Mmes Printz, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Desessard, Godefroy, Sueur, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le cinquième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour compléter l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Cet amendement tend à ne pas exclure les salariés en contrat d'avenir ou en contrat insertion-revenu minimum d'activité du bénéfice de la prime mensuelle forfaitaire.
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Seillier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour compléter l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles par les mots :
et la majoration à laquelle il donne lieu le dernier mois de versement
Monsieur le rapporteur, retirez-vous également cet amendement, par coordination ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 8 est retiré.
L'amendement n° 9, présenté par M. Seillier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour compléter l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles.
Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Seillier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rétablir le XI de cet article dans la rédaction suivante :
XI. - Le chapitre II du titre II du livre V du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 522-1, après les mots : « revenu minimum d'insertion » sont insérés les mots : « et la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11 » ;
2° Au premier alinéa de l'article L. 522-14, après les mots : « est versé aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion » sont insérés les mots : « ou de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11 » et après les mots : « au moins bénéficiaires du revenu minimum d'insertion » sont ajoutés les mots : « ou de ladite prime forfaitaire » ;
3° Au troisième alinéa (1°) de l'article L. 522-17, après les mots : « Les modalités de fixation de l'allocation » sont insérés les mots : « et de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11 ».
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l'avis de la commission sur les amendements nos 68, 69, 46 rectifié et 47.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il s'agit, là encore, d'un amendement de coordination. Il vise à prévoir les adaptations nécessaires pour la mise en oeuvre des primes forfaitaires d'intéressement des bénéficiaires du RMI dans les départements d'outre-mer.
Ainsi, comme pour le RMI, l'attribution des primes d'intéressement dans les départements d'outre-mer sera effectuée par l'agence départementale d'insertion et non par le département.
Sur les amendements nos 68 et 69, par coordination, la commission a le même avis défavorable que sur les amendements nos 65 et 66, des mêmes auteurs, à l'article précédent.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 46 rectifié. En effet, la fixation d'un niveau de rémunération en deçà duquel les salaires ne sont pas pris en compte pour le calcul du RMI créerait un effet de seuil redoutable.
Lorsque les personnes se verront proposer une rémunération légèrement supérieure à ce seuil, elles seront contraintes de refuser, car leurs ressources globales diminueraient du fait de la fin du cumul intégral entre salaire et allocation.
Au contraire, l'intéressement doit aboutir à ce que chaque heure supplémentaire travaillée apporte un gain supplémentaire supérieur à la précédente, de façon à ne pas enfermer les intéressés dans des emplois à temps très partiel lorsqu'ils ont la chance de se voir enfin proposer autre chose. C'est ce que permet le dispositif proposé par le Gouvernement.
Sur l'amendement n° 47, la commission a le même avis défavorable que sur l'amendement n° 44, à l'article précédent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 68 et 69.
En effet, avec la réforme que nous proposons, au-dessus de 78 heures le gain peut s'élever jusqu'à 169 euros par mois pour un allocataire isolé avec un enfant. Le gain est également important pour un couple puisqu'il peut être supérieur à 84 euros par mois pour une famille avec deux enfants. Enfin, il peut atteindre 168 euros par mois pour un RMIste isolé travaillant 35 heures.
Là encore, le Gouvernement a cherché à mettre en place un dispositif immédiatement lisible pour les bénéficiaires et permettant aux intéressés de percevoir un revenu du travail plus incitatif.
L'amendement n° 46 rectifié introduit un mécanisme d'intéressement sans limitation de durée. Le Gouvernement ne peut y souscrire pour deux raisons : d'abord, pour éviter un supplément de charge pour les conseils généraux et, ensuite, parce que le fait d'attribuer très durablement aux allocataires des minima sociaux un surcroît de revenu sous la forme de la prime forfaitaire aurait l'effet paradoxal d'une trappe à bas salaires, ce que, me semble-t-il, les auteurs de cet amendement ne souhaitent pas.
Quant au choix du seuil de 78 heures par mois pour déclencher la prime de 1 000 euros, il correspond à un travail à mi-temps. Le souci du Gouvernement est d'engager fortement les reprises d'emploi d'une durée significative précisément pour obtenir cette sortie de la précarité. C'est pourquoi il est défavorable à l'amendement n° 46.
En revanche, il est favorable à l'amendement n° 7, qui constitue une amélioration rédactionnelle.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 47, comme il l'a été à l'amendement n° 44, qui portait sur l'article 2.
Le Gouvernement souscrit à l'amendement n° 9.
Enfin, le Gouvernement ne peut qu'être favorable à l'amendement n° 10, qui permet de sécuriser juridiquement l'application de la réforme dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
I. - Après l'article L. 524-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 524-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 524-5. - I. - Les rémunérations tirées d'activités professionnelles ou de stages de formation qui ont commencé au cours de la période de versement de l'allocation peuvent, selon des modalités fixées par voie réglementaire, être exclues, en tout ou partie, du montant des ressources servant au calcul de l'allocation.
« Les dispositions du premier alinéa s'appliquent notamment au cas des revenus tirés de travaux saisonniers.
« La rémunération d'activité des titulaires de contrats d'avenir et de contrats insertion-revenu minimum d'activité, visés respectivement aux articles L. 322-4-10 et L. 322-4-15 du code du travail, est prise en compte dans les ressources pour un montant forfaitaire égal au revenu minimum d'insertion garanti à une personne isolée en application de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles.
« II. - L'allocataire qui débute ou reprend une activité professionnelle ou un stage de formation rémunéré a droit à une prime forfaitaire. Cette prime est versée chaque mois pendant une période dont la durée est définie par voie réglementaire, y compris s'il a été mis fin au droit à l'allocation de parent isolé.
« La prime n'est pas due lorsque :
« - l'activité a lieu dans le cadre d'un contrat d'avenir ou d'un contrat insertion-revenu minimum d'activité conclu en application respectivement des articles L. 322-4-10 et L. 322-4-15 du code du travail ;
« - le bénéficiaire perçoit la prime prévue par l'article L. 351-20 du code du travail.
« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'attribution de la prime, notamment la durée de travail minimale et le nombre de mois d'activité consécutifs auxquels son versement est subordonné, ainsi que son montant. Ce décret peut fixer un montant de revenus d'activité au-delà duquel la prime n'est pas due. »
II. - Le 8° de l'article L. 511-1 du même code est complété par les mots : « et la prime forfaitaire instituée par l'article L. 524-5 ».
III. - Dans l'article L. 524-1 du même code :
1° Le troisième alinéa est supprimé ;
2° Le dernier alinéa est complété par les mots : « et de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 524-5 ».
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 70, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 71, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour insérer un article L. 524-5 dans le code de la sécurité sociale :
« Art L. 524-5. - I. - Les rémunérations tirées d'activités professionnelles ou de stages de formation qui ont commencé au cours de la période de versement de l'allocation sont exclues intégralement pendant six mois du montant des ressources servant au calcul de l'allocation.
« Les dispositions du premier alinéa s'appliquent notamment au cas des revenus tirés de travaux saisonniers.
« La rémunération d'activité des titulaires de contrats d'avenir et de contrats insertion - revenu minimum d'activité, visés respectivement aux articles L. 322-4-10 et L. 322-4-15 du code du travail, est prise en compte dans les ressources pour un montant forfaitaire égal au revenu minimum d'insertion garanti à une personne isolée en application de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles.
« II. L'allocataire qui débute ou reprend une activité professionnelle ou un stage de formation rémunéré a droit à une prime forfaitaire, quelle que soit leur durée de travail hebdomadaire, à l'issu de la période de six mois de cumul intégral. Cette prime est versée chaque mois pendant neuf mois, y compris s'il a été mis fin au droit à l'allocation de parent isolé.
« La prime n'est pas due lorsque :
« - l'activité a lieu dans le cadre d'un contrat d'avenir ou d'un contrat insertion - revenu minimum d'activité conclu en application respectivement des articles L. 322-4-10 et L. 322-4-15 du code du travail, en raison du bénéfice de l'intéressement appliqué au titre II de l'article R. 524 du code de la sécurité sociale, dès lors que celui-ci est plus favorable aux allocataires.
- le bénéficiaire perçoit la prime prévue par l'article L. 351-20 du code du travail.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'attribution de la prime, notamment son montant qui tient compte de la composition du foyer. »
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 48, présenté par M. Cazeau, Mmes Printz, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Desessard, Godefroy, Sueur, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du premier alinéa du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 524-5 du code de la sécurité sociale par les mots :
et à un accompagnement professionnel personnalisé.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Cet amendement tend à assurer les moyens d'une insertion réussie des allocataires de l'allocation de parent isolé.
Nous avons déjà eu ce débat lors de l'examen de l'amendement n° 3 de la commission ; je ne reviendrai donc pas sur les arguments qui ont été développés.
J'indiquerai seulement que le besoin est encore plus aigu pour les femmes qui sortent de l'API et qui n'ont parfois pas eu d'emploi depuis fort longtemps, voire jamais. Il est regrettable que les programmes spécifiques qui leur étaient destinés dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix aient pratiquement disparu.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Seillier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 524-5 du code de la sécurité sociale par une phrase ainsi rédigée :
Elle est majorée le dernier mois.
Cet amendement est-il retiré, par coordination, monsieur le rapporteur ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 11 est retiré.
L'amendement n° 49, présenté par M. Cazeau, Mmes Printz, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Desessard, Godefroy, Sueur, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le troisième alinéa du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 524-5 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Seillier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du dernier alinéa du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 524-5 du code de la sécurité sociale par les mots :
et la majoration à laquelle il donne lieu le dernier mois de versement
Cet amendement est-il également retiré, monsieur le rapporteur ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.
L'amendement n° 13, présenté par M. Seillier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer la seconde phrase du dernier alinéa du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 524-5 du code de la sécurité sociale.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 14, présenté par M. Seillier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
IV. - Au premier alinéa de l'article L. 551-1 du même code, après les mots : « Le montant des prestations familiales » sont insérés les mots : «, à l'exception de la prime forfaitaire mentionnée au 8° de l'article L. 511-1, » ;
V. - L'article L. 552-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions prévues au présent article ne sont pas applicables à la prime forfaitaire mentionnée au 8° de l'article L. 511-1. »
VI. - L'article L. 552-6 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions prévues au présent article ne sont pas applicables à la prime forfaitaire mentionnée au 8° de l'article L. 511-1. »
Cet amendement a également été déjà défendu.
L'amendement n° 15, présenté par M. Seillier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
VII - Le début de l'article L. 755-18 du même code est ainsi rédigé : « L'allocation prévue à l'article L. 524-1 et la prime forfaitaire mentionnée à l'article L. 524-5 sont attribuées... (le reste sans changement) »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les autres amendements.
M. Bernard Seillier, rapporteur. L'amendement n° 15 est, lui aussi, de coordination.
Compte tenu de la position qui a été la sienne sur l'amendement n° 65 à l'article 2, la commission est défavorable à l'amendement n° 70.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 71.
L'amendement n° 48 vise à prévoir la mise en place d'un accompagnement systématique des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé.
Sur le fond, la commission des affaires sociales ne peut qu'approuver une telle mesure. D'ailleurs, le rapport de Valérie Létard démontre combien l'accompagnement est un élément clé de la réussite des parcours de réinsertion professionnelle.
Toutefois, le dispositif proposé pose problème. En effet, tel qu'il est rédigé, il est réservé aux bénéficiaires de l'API en intéressement.
En outre, cet amendement ne précise pas quelle autorité est compétente pour mettre en place, organiser et financer cet accompagnement. Il me semble donc préférable de parfaire notre réflexion sur ce sujet. Nous aurons d'ailleurs prochainement l'occasion d'en reparler, puisque cette question devrait être incluse dans la proposition de loi de nos collègues Michel Mercier et Henri de Raincourt.
Je souhaiterais donc, monsieur Cazeau, que vous acceptiez de retirer votre amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Par coordination avec l'avis qu'elle a émis sur l'amendement n° 44 à l'article 2, la commission est défavorable à l'amendement n° 49.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. S'agissant de la prime que perçoivent les bénéficiaires de l'allocation de parent isolé, je tiens à préciser, compte tenu des divers éléments en notre possession, que, en dessous de 78 heures de travail par mois, il n'y aura pas de changement ; au-dessus, les allocataires seront gagnants, le gain pouvant aller jusqu'à cent euros par mois pour une allocataire avec un enfant.
Par coordination avec la position qu'il a adoptée sur les amendements du même ordre déposés aux articles 2 et 3, le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 70 et 71.
J'en viens à l'amendement n° 48. Je tiens à souligner, monsieur Cazeau, que, sur le fond, je partage totalement votre analyse. En effet, je suis sensible à l'accompagnement que l'on doit apporter aux allocataires de l'API, car nous savons combien il est nécessaire de les réorienter vers un parcours professionnel qui, souvent, a été bref, voire inexistant.
Pour autant, comme l'a indiqué M. le rapporteur, nous aurons incontestablement l'occasion de reparler de ce sujet lors de l'examen des conclusions des missions parlementaires de Mme Valérie Létard et de MM. Michel Mercier et Henri de Raincourt.
Quant à l'amendement n° 49, qui est de coordination, le Gouvernement y est défavorable.
Enfin, le Gouvernement est favorable aux amendements n°s 13, 14 et 15.
M. le président. Monsieur Cazeau, l'amendement n° 48 est-il maintenu ?
M. Bernard Cazeau. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
I. - Après le 9° ter de l'article 81 du code général des impôts, il est inséré un 9° quater et un 9° quinquies ainsi rédigés :
« 9° quater Les primes forfaitaires instituées respectivement par les articles L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles, L. 524-5 du code de la sécurité sociale et L. 351-20 du code du travail ;
« 9° quinquies La prime de retour à l'emploi instituée par l'article L. 322-12 du code du travail ; ».
II. - Dans le 3° du III de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, après la référence : « 9° bis, », sont insérées les références : « 9° quater, 9° quinquies, ». - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 5
M. le président. L'amendement n° 93, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 832-9 du code du travail est ainsi modifié :
I. - Dans le premier alinéa, après les mots : « ou de l'allocation de parent isolé » sont insérés les mots : « ainsi que les bénéficiaires des primes mentionnées aux articles L. 351-20, L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles et L. 524-5 du code de la sécurité sociale, ».
II. - Dans le 1°, le mot : « versée » est remplacé par le mot : « due ».
III. - Dans le 2° :
a) les mots : « en métropole » sont supprimés ;
b) l'alinéa est complété par les mots : « dans les départements d'outre-mer et à la caisse de prévoyance sociale à Saint-Pierre-et-Miquelon. ».
IV. - Dans le 3°, après les mots : « n'est pas cumulable » sont insérés les mots : « avec les primes forfaitaires instituées par les articles L. 351-20, L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles et L. 524-5 du code de la sécurité sociale ou ».
V. - Dans le 4°, après les mots : « allocation de parent isolé. » sont insérés les mots : « ainsi qu'aux primes instituées par les articles L. 351-20, L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles et L. 524-5 du code de la sécurité sociale. ».
VI. - Après le 4° sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« 5° Le demandeur doit avoir bénéficié d'une des allocations mentionnées au premier alinéa pendant une durée minimale de trois mois au cours des six mois précédant la date de reprise d'une activité professionnelle ;
« 6° L'allocation de retour à l'activité est versée à un seul membre du foyer bénéficiaire de l'allocation de revenu minimum d'insertion. ».
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon, à l'issue de l'intéressement, une allocation de retour à l'activité, l'ARA, est versée, pendant une durée supplémentaire de vingt-quatre mois, aux bénéficiaires des minima sociaux qui reprennent un emploi.
Cet amendement vise à adapter le dispositif de l'ARA aux nouvelles primes forfaitaires : de même que l'ARA prend aujourd'hui la suite de l'intéressement, elle prendra demain la suite des primes forfaitaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, qui est plutôt positif pour les titulaires de l'ARA.
En effet, ils n'auront pas à choisir entre les primes forfaitaires et l'allocation de retour à l'activité ; ils pourront bénéficier des deux successivement dans le temps.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. L'amendement n° 93 vise à harmoniser les nouveaux dispositifs prévus dans ce projet de loi avec ceux qui sont appliqués outre-mer. Il existe déjà une allocation de retour à l'activité que les bénéficiaires de minima sociaux peuvent demander dans les régions d'outre-mer. Cette allocation, versée par l'État, n'est pas cumulable avec d'autres formes d'allocation.
Le présent amendement vise à empêcher le cumul de cette allocation avec la prime de retour à l'emploi. Toutefois, il reste possible d'enchaîner les deux dispositifs. Ces dispositions font l'objet des cinq premiers paragraphes de cet amendement.
Cependant, le paragraphe VI est, à nos yeux, plus problématique, car il rajoute des conditions restrictives pour que l'allocataire puisse bénéficier de l'allocation de retour à l'activité.
En effet, le demandeur ne pourra plus percevoir immédiatement, comme auparavant, cette allocation ; il devra dorénavant être allocataire des minima sociaux depuis au moins trois mois. En outre, l'ARA ne sera plus versée qu'à un seul membre par foyer, ce qui ne nous semble pas acceptable.
Non seulement il s'agit là d'une réduction du nombre des ayants droit, mais, de surcroît, la condition exigée est plus que tendancieuse puisqu'elle tend à faire un amalgame : toutes les familles abuseraient du système de solidarité.
Cette mesure faite suite à certaines dispositions prévues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale - certains d'entre vous s'en souviennent sans doute ! -, qui visent à limiter, dans ces départements, le droit aux allocations familiales.
Dans ces conditions, nous nous opposons à cet amendement, surtout à son paragraphe VI.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.
Article 6
Après l'article L. 214-6 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 214-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 214-7. - Les conventions de financement des établissements et services d'accueil des enfants de moins de six ans mentionnés aux deux premiers alinéas de l'article L. 2324-1 du code de la santé publique prévoient, selon des modalités définies par décret, les conditions dans lesquelles ces établissements et services garantissent un nombre déterminé de places d'accueil au profit des enfants âgés de moins de six ans non scolarisés à charge des bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion, de l'allocation de parent isolé, de l'allocation de solidarité spécifique ou des primes forfaitaires instituées respectivement par les articles L. 262-11 du présent code, L. 524-5 du code de la sécurité sociale et L. 351-20 du code du travail qui vivent seuls ou avec une personne travaillant ou suivant une formation rémunérée et ont une activité professionnelle ou suivent une formation rémunérée. »
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 50, présenté par M. Cazeau, Mmes Printz, Le Texier, Demontès et Schillinger, MM. Desessard, Godefroy, Sueur, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article L. 214-7 du code de l'action sociale et des familles :
« Art. L. 214-7. - Les établissements et services d'accueil des enfants de moins de six ans mentionnés aux deux premiers alinéas de l'article L. 2324-1 du code de la santé publique accueillent en priorité le ou les enfants âgés de moins de quatre ans non scolarisés à charge des bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion, de l'allocation parent isolé ou de l'allocation de solidarité spécifique qui vivent seuls ou avec une personne travaillant ou suivant une formation rémunérée ou non et ont une activité professionnelle salariée ou non ou suivent une formation rémunérée ou non.
« Les établissements et services d'accueil prévoient également les conditions dans lesquelles ils peuvent mobiliser des places d'accueil d'urgence ou d'accueil temporaire pour recevoir en priorité les enfants de moins de quatre ans à la charge des bénéficiaires des allocations susmentionnées inscrits sur la liste visée à l'article L. 311-5 du code du travail pour leur permettre d'accomplir les démarches nécessaires à une recherche active d'emploi. »
La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Je ne reviendrai pas sur le problème financier que l'adoption de cet article risque de poser aux conseils généraux, puisque nous avons déjà longuement évoqué ce point lors de la discussion générale.
La rédaction de cet article telle qu'elle est issue des travaux de l'Assemblée nationale ne nous paraît tout simplement pas applicable en raison de la forte demande en matière de garde d'enfants ; on peut même parler de pénurie. Dans ces conditions, le gel du nombre de places n'est tout simplement pas possible, car cette concurrence risque de créer une atmosphère difficile entre les parents.
Par notre amendement, nous proposons de revenir à la rédaction initiale de cet article, qui, certes, n'est pas parfaite, mais qui permet aux élus de préserver une application souple.
De la même manière, nous souhaitons que les conventions de financement ne mentionnent pas cette priorité. En effet, il doit revenir aux élus, en fonction du contexte local en matière de modes de garde, de décider, en concertation avec les responsables des établissements et des services concernés, quelle solution est la plus adaptée, sans que le financement soit pour eux une épée de Damoclès.
Pour autant, nous estimons qu'il est nécessaire de rappeler à tous que la garde des enfants de personnes en situation de retour à l'emploi est un élément important du processus de réinsertion.
Rejoignant en cela le rapporteur et les associations que nous avons auditionnées, nous souhaitons que les établissements et les services d'accueil se mobilisent pour favoriser la garde des enfants des allocataires en recherche active d'emploi.
Je n'ai pas besoin d'insister sur le fait que la véritable recherche d'emploi exige non seulement du temps, mais également des moyens financiers et que le niveau des minima sociaux, souvent, ne permet pas de faire face aux différents frais relatifs au courrier ou aux transports, par exemple. Si s'ajoute à cela l'impossibilité de faire garder ses enfants, alors la recherche d'emploi est sérieusement compromise.
Des services de halte-garderie s'organisent déjà dans bien des communes. Par cet amendement, nous voudrions que cette mesure puisse se généraliser partout où le besoin se manifeste.
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour insérer un article L. 214-7 dans le code de l'action sociale et des familles :
« Art. L. 214-7. - Les établissements et services d'accueil des enfants de moins de six ans mentionnés aux deux premiers alinéas de l'article L. 2324-1 du code de la santé publique accueillent en priorité, dans le respect des engagements assumés par les collectivités locales, le ou les enfants âgés de moins de quatre ans non scolarisés à charge des bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion, de l'allocation de parent isolé ou de l'allocation de solidarité spécifique qui vivent seuls ou avec une personne travaillant ou suivant une formation rémunérée et ont une activité professionnelle ou suivent une formation rémunérée.
« Les modalités selon lesquelles les personnes visées par le présent article demandent à bénéficier de la priorité qui leur est reconnue sont définies par décret. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Cet article concerne la petite enfance, et en particulier la garde des enfants en bas âge en cas de reprise d'emploi.
Il est vrai que, s'agissant des familles monoparentales notamment, la charge d'enfants pour des personnes titulaires de minima sociaux peut être un frein à la reprise d'un emploi. Mais la solution proposée dans cet article par le Gouvernement est vraiment trop partielle et restera très probablement sans effet.
L'Assemblée nationale a choisi de supprimer la notion de priorité prévue initialement, mais la formulation qu'elle a retenue laisse entendre que les services d'accueil collectif devraient conserver un nombre déterminé de places pour les enfants âgés de moins de quatre ans non scolarisés qui sont à la charge des titulaires du RMI, de l'ASS ou de l'API.
Cette formulation est si évasive qu'elle laisse à penser qu'elle sera inapplicable ou, pire, qu'elle conduira à mettre en concurrence les parents titulaires de minima sociaux et les autres.
La commission a choisi de préciser les modalités de l'attribution en mettant à disposition des places d'accueil d'urgence ou des places d'accueil temporaire. Mais cela n'apporte toujours pas de réponse satisfaisante à la question de la garde des enfants qui, en fait, relève avant tout de choix budgétaires. Or, madame la ministre, ceux de votre gouvernement s'orientent de plus en plus vers une diminution du financement des services collectifs au profit des gardes privées à domicile.
En 2004, par exemple, le Fonds d'action sociale, qui finance les services collectifs au nom de la Caisse des allocations familiales, a été doté de 1,64 milliard d'euros, alors que le Gouvernement a consacré, dans son budget, 7,31 milliards d'euros aux prestations légales permettant aux familles de recourir à une garde à domicile.
Si l'on tient compte du versement de l'assurance vieillesse du parent au foyer, ce sont au total environ 9 milliards d'euros qui sont attribués pour l'accueil individuel, contre à peine plus de 1,5 milliard d'euros pour les équipements collectifs.
Ces choix budgétaires ont de lourdes conséquences sur les familles et sur les collectivités.
De plus, la PSI vient à peine d'être mise en place ; il est donc encore impossible pour l'instant d'évaluer ses véritables effets sur la garde des enfants.
Madame la ministre, la solution que vous proposez à travers cet article reste bien hypocrite par rapport à la question de la garde des enfants des familles les plus modestes. Dans tous les cas, seuls 10 % des enfants sont actuellement accueillis en crèches. Par ailleurs, le surnombre en accueil collectif est déjà malheureusement une réalité, puisque les contrats peuvent dorénavant être signés à l'heure et non plus à la journée ou à la demi-journée.
Pourtant, des solutions existent comme, par exemple, la modulation de la PSI en faveur des bénéficiaires de minima sociaux, ou bien encore des investissements pour construire des crèches qui font cruellement défaut à de nombreuses familles. Cela répondrait à une demande qui va bien au-delà de celle des bénéficiaires des minima sociaux.
Le Gouvernement ne propose que des mesures qui n'ont aucun coût. Au-delà des discours, il ne considère pas la question de l'accueil des jeunes enfants comme une priorité, sinon, il s'en donnerait les moyens.
C'est pourquoi l'amendement que je défends ici vise à revenir à la notion de « priorité, dans le respect des engagements assumés par les collectivités locales ».
En effet, de nombreuses communes se sont déjà engagées vers une plus grande souplesse dans les horaires d'accueil et le coût des places, l'un des objectifs de la réforme de la prestation de service unique, la PSU. Il est donc au moins essentiel que cette nouvelle disposition tienne compte des outils instaurés par la nouvelle PSU et des politiques locales mises en oeuvre en la matière pour la petite enfance.
M. le président. L'amendement n° 111 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 214-7 du code de l'action sociale et des familles :
« Art. L. 214-7. - Le projet d'établissement et le règlement intérieur des établissements et services d'accueil des enfants de moins de six ans mentionnés aux deux premiers alinéas de l'article L. 2324-1 du code de la santé publique prévoient les modalités selon lesquelles ces établissements garantissent l'accueil d'un nombre déterminé d'enfants non scolarisés âgés de moins de six ans à la charge des bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion, de l'allocation de parent isolé, de l'allocation de solidarité spécifique ou des primes forfaitaires instituées respectivement par les articles L. 262-11 du présent code, L. 524-5 du code de la sécurité sociale et L. 351-20 du code du travail qui vivent seuls ou avec une personne travaillant ou suivant une formation rémunérée et qui ont une activité professionnelle ou suivent une formation rémunérée.
« Ils prévoient également les conditions dans lesquelles des places d'accueil peuvent être mobilisées en faveur des enfants non scolarisés âgés de moins de six ans à la charge des bénéficiaires des allocations susmentionnées inscrits sur la liste visée à l'article L. 311-5 du code du travail, pour leur permettre d'accomplir les démarches nécessaires à une recherche active d'emploi.
« Un décret définit les modalités d'application du présent article. »
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. L'article 6 de ce projet de loi vise à essayer d'apporter des solutions à la question essentielle des modes d'accueil des enfants pour les bénéficiaires de minima sociaux qui reprennent un emploi ou suivent une formation.
On le sait bien - nous en avons largement parlé au cours de la discussion générale - pour une femme, notamment, reprendre un emploi, c'est avant tout trouver une réponse au problème de la garde des enfants.
L'article 6 a suscité des inquiétudes et des interrogations, pour partie justifiées, au sein de plusieurs groupes de votre assemblée ainsi qu'au sein de l'Association des maires de France. Le rapporteur, comme M. Cazeau, a fait des propositions tendant à prendre en compte les besoins en matière d'accueil liés à l'accomplissement des démarches pour rechercher un emploi.
L'amendement que nous présentons vise à répondre aux inquiétudes exprimées par le groupe de l'UC-UDF, le groupe socialiste et le groupe du CRC. Pour autant, il importe de conserver une approche volontariste des difficultés spécifiques que rencontrent aujourd'hui les bénéficiaires de minima sociaux ayant de jeunes enfants pour reprendre une activité.
Nous supprimons la notion de « garantie de places » pour éviter qu'elle soit interprétée comme une obligation de « geler » un certain nombre de places, alors même que, dans certains endroits, des parents cherchent à en obtenir.
Cette notion est remplacée par un objectif de résultat : garantir l'accueil d'un nombre déterminé, les gestionnaires restant, bien sûr, libres des moyens à mobiliser. Chacun sait combien c'est localement, à l'échelon de la commune ou de la communauté de communes, souvent avec des associations, que l'on peut effectivement trouver les solutions les plus appropriées.
Cet objectif et les moyens pour l'atteindre devront bien sûr être prévus, non pas dans les conventions de financement avec les CAF, mais dans le projet d'établissement et le règlement intérieur que doit élaborer chaque équipement, ce qui montre une volonté de chercher une solution et d'apporter une réponse.
Cela permettra non seulement de tenir compte de l'analyse des besoins du contexte local, sur laquelle s'appuie l'élaboration des documents qui traduisent la politique de l'établissement, mais aussi de donner plus d'autonomie aux gestionnaires, qui sont souvent des communes, dans la définition de l'objectif des moyens de mise en oeuvre.
Le contrôle de la CAF et du conseil général, via l'agrément, voire de la commune qui subventionne une crèche à gestion associative, ne sera plus qu'indirect. La CNAF et l'Association des maires de France, l'AMF, qui ont été consultées, sont favorables à cette modification.
Cette nouvelle rédaction de l'article permet d'aboutir à un meilleur équilibre entre l'affirmation d'une volonté nationale et d'une claire obligation donnée à tous les gestionnaires d'équipement d'accueillir des enfants, surtout quand les parents n'ont pas d'autre choix, et une autonomie laissée au gestionnaire dans la définition précise de l'objectif et des moyens à mettre en oeuvre.
Bien sûr, cela passe par une réflexion sur l'attribution des places et sur la gestion des demandes. Cela passe surtout par une meilleure anticipation par les bénéficiaires de minima sociaux et de ceux qui les accompagnent de la reprise de l'emploi ou de formation, et donc de leurs besoins d'accueil.
J'ajoute que les communes qui gèrent plusieurs établissements et développent une véritable politique de l'accueil des jeunes enfants sur leur territoire pourront mener une réflexion, concevoir un projet plus global permettant de mobiliser de manière articulée tous les équipements, voire d'autres solutions d'accueil. Il est en effet important de souligner que, là encore, les approches doivent être plurielles et que des solutions de remplacement peuvent exister, je pense notamment aux assistantes maternelles.
M. le président. Le sous-amendement n° 112 rectifié, présenté par Mmes Debré et B. Dupont, MM. Karoutchi, Milon, Vasselle et Lardeux, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 111 pour l'article L. 214-7 du code de l'action sociale et des familles par un alinéa ainsi rédigé :
« Le coût résultant de l'accueil d'urgence ou de l'accueil temporaire des enfants de moins de six ans non scolarisés à charge des bénéficiaires de minima sociaux dans les établissements et services d'accueil de la petite enfance est pris en charge dans les conditions définies par décret ».
Ce sous-amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 37 rectifié, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Après le mot :
prévoient
rédiger comme suit la fin du texte proposé par cet article pour l'article L. 214-7 du code de l'action social et des familles :
les conditions dans lesquelles, en fonction des spécificités de leur territoire, sont accueillis les enfants âgés de moins de six ans non scolarisés à charge des bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion, de l'allocation de parent isolé ou de l'allocation de solidarité spécifique qui vivent seuls ou avec une personne travaillant ou suivant une formation rémunérée et ont une activité professionnelle ou suivent une formation rémunérée.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. La rédaction initiale de cet article instituant une priorité d'accès aux crèches collectives tout comme celle qui a été adoptée par nos collègues de l'Assemblée nationale présentent l'inconvénient de vouloir créer un dispositif unique, défini par décret, qui viserait à garantir des places pour les enfants de bénéficiaires de minima sociaux.
Or la nouvelle convention d'objectifs et de moyens de la Caisse nationale des allocations familiales a déjà inscrit cette priorité et la met en oeuvre par l'intermédiaire de la prestation de service unique, qui vise à introduire davantage de souplesse dans la gestion des structures de petite enfance et prévoit déjà l'accueil d'urgence et l'accueil en surnombre.
Le marché de l'emploi étant très divers suivant les régions, et les problématiques très différentes entre les zones urbaines et les zones rurales, il semble opportun de ne pas essayer de réglementer à l'échelon national, et de laisser les collectivités territoriales et les CAF décider de la meilleure manière de remplir cette obligation.
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Seillier, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 214-7 du code de l'action sociale et des familles par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles prévoient également les conditions dans lesquelles les places d'accueil d'urgence ou d'accueil temporaire peuvent être mobilisées en faveur des enfants de moins de six ans à la charge des bénéficiaires des allocations susmentionnées inscrits sur la liste visée à l'article L. 311-5 du code du travail, pour leur permettre d'accomplir les démarches nécessaires à une recherche active d'emploi. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il s'agit de compléter la rédaction proposée pour permettre un accueil en urgence ou un accueil temporaire des enfants de bénéficiaires de minima sociaux, lorsque les parents doivent se rendre à un entretien d'embauche ou accomplir toute autre démarche nécessaire à la recherche d'emploi.
Il est en effet important de lever les obstacles, non seulement pour la reprise d'activité elle-même, mais également pour son préalable, la recherche d'emploi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les autres amendements en discussion ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je donnerai un avis général sur l'ensemble des amendements, car ils tournent tous autour d'un même problème dont la solution, on le voit bien, est délicate à mettre en oeuvre. Je ferai donc un « balayage » général de ces amendements en les comparant et en observant la progression de notre démarche.
Il est vrai que la priorité d'accès prévue par le texte initial comme le quota de places garanties issu de la rédaction de l'Assemblée nationale posent d'importantes difficultés de mise en oeuvre.
S'agissant de la priorité, son application stricte dans un contexte de pénurie de places conduirait à attribuer systématiquement toute place devenant disponible à un enfant de bénéficiaire de minima sociaux.
Le dispositif de places garanties est plus satisfaisant de ce point de vue. Toutefois, il est difficile à gérer pour les structures et coûteux, car même en faisant appel aux possibilités d'accueil en surnombre, il ne peut fonctionner sans un minimum de places réellement mises en réserve.
Il me semblait qu'en s'appuyant sur les conventions passées entre chaque crèche et la CAF, comme le suggéraient les députés, les gestionnaires auraient un moyen de négocier une forme de rémunération des places mises en réserve. Le fait de définir les besoins à l'échelon local me paraissait également séduisant. En tant que maire, je mesure néanmoins toute la difficulté de mettre en oeuvre ce dispositif.
L'amendement proposé par Mme Létard a l'avantage d'être plus souple. Il affirme un principe d'accueil sans prescrire de moyen particulier de mise en oeuvre. Mais ce faisant, il risque de n'être qu'une pétition de principe. En effet, il sera peu appliqué ou ne sera pas appliqué, selon la bonne volonté locale.
Finalement, l'amendement proposé par le Gouvernement me semble répondre, en l'état actuel de la question, à l'ensemble de nos préoccupations.
En imposant une obligation de résultat aux crèches, mais en laissant celles-ci déterminer les moyens à mettre en oeuvre pour y parvenir, le dispositif qu'il prévoit reste contraignant tout en étant souple et adapté aux réalités locales.
Il tient compte, en outre, de la préoccupation de la commission concernant les parents à la recherche d'un emploi.
C'est la raison pour laquelle je retire l'amendement de la commission au profit de l'amendement n° 111 rectifié présenté par le Gouvernement et demande à mes collègues de bien vouloir faire de même s'agissant de leurs amendements. À défaut, je serai contraint d'émettre un avis défavorable sur ces amendements qui, je ne le conteste pas, tendent à améliorer le dispositif et à cerner une réalité un peu insaisissable.
Nous sommes tous d'accord sur l'objectif, à savoir fixer un principe. Mais s'agissant de la mise en oeuvre des moyens, c'est dans la pratique que les choses pourront se préciser. Le cheminement proposé à travers l'amendement du Gouvernement me semble, en l'état actuel, le plus réaliste.
M. le président. L'amendement n° 16 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 50, 72 et 37 rectifié?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Que dire après tous ces commentaires ?
Les amendements nos 50 et 72 visent à substituer la notion de garantie de places à celle de priorité d'accès, qui figurait dans le projet de loi déposé par le Gouvernement.
L'amendement n° 72, présenté par M. Muzeau, tend à préciser que la priorité s'exerce dans le respect des engagements assumés par les collectivités locales.
L'amendement n° 50 de M. Cazeau vise à élargir, en outre, cette priorité aux bénéficiaires des minima sociaux qui suivent une formation non rémunérée. Il vise également à élargir la priorité, comme l'amendement n° 16 de la commission, aux personnes en recherche active d'emploi.
L'amendement n° 37 rectifié, présenté par Mme Létard, a pour objet de substituer à l'inscription dans les conventions de financement des conditions dans lesquelles est garanti un nombre déterminé de places d'accueil, les conditions dans lesquelles sont accueillis les enfants des bénéficiaires de minima sociaux.
Quant à l'amendement de la commission, que M. le rapporteur vient de retirer, il visait à prendre en compte les besoins d'accueil liés aux démarches de recherche active d'emploi.
Très clairement, nous voyons que le Sénat a la volonté de répondre très ponctuellement, mais de façon extrêmement juste, à différentes problématiques. C'est pourquoi le Gouvernement vous a proposé un amendement qui vise à réaliser une synthèse. Je n'entre pas dans les détails. Je précise simplement que, comme vous avez pu le constater, il reprend les compléments proposés par M. le rapporteur et par M. Cazeau, tout en répondant largement aux préoccupations exprimées tant par Mme Létard que par M. Muzeau.
C'est la raison pour laquelle je vous suggère, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir, à l'instar de M. le rapporteur, retirer vos amendements au profit de l'amendement du Gouvernement, qui deviendrait ainsi un amendement de consensus.
M. le président. Monsieur Muzeau, l'amendement n° 72 est-il maintenu ?
M. Roland Muzeau. Je suis un peu dubitatif, madame la ministre, même si je reste toujours plein de bonne volonté, quelle que soit l'heure !
M. Roland Muzeau. Objectivement, cette partie du texte correspond à une volonté commune : aider les gens qui ont besoin de l'être dans des démarches de retour à l'emploi, notamment grâce à l'accueil de l'enfant. Il est évident que nous sommes tous d'accord sur ce point.
Lors de la présentation de notre amendement, nous avons souligné les insuffisances de la politique d'accueil de la petite enfance, qu'il s'agisse du financement ou des programmes. Concernant ce type d'équipements, les financements qui restent à la charge des collectivités locales sont élevés. Néanmoins, une fois que tout ça a été dit, le problème demeure.
Il est vrai qu'il ne nous est pas très difficile de retirer notre amendement, au motif que celui qui a été proposé par le Gouvernement est issu d'une volonté de trouver un compromis, qui vaut ce que valent tous les compromis !
En fin de compte, cet amendement du Gouvernement exprime une ferme volonté de voir l'ensemble des partenaires gérant des équipements de petite enfance pointer du doigt cette question.
Nous devrons être très vigilants s'agissant de la publication des décrets car, derrière tout ça se trouvent les budgets de gestion de déficits assez colossaux par tous les acteurs et les gestionnaires. Il faudra veiller à ne pas imposer des déficits budgétaires supplémentaires et à en rester à un appel ferme et éclairé sur une priorité d'accès donné aux publics concernés.
En tout état de cause, l'amendement du Gouvernement est probablement le meilleur compromis possible sur un sujet bien délicat.
M. le président. L'amendement n° 72 est retiré.
Monsieur Cazeau, l'amendement n° 50 est-il maintenu ?
M. Bernard Cazeau. Vous ne nous avez pas beaucoup épargnés jusqu'à présent... et M. le rapporteur, avec bonhomie, a tout fait pour que nous en fassions autant.
M. Jean Desessard. C'est normal, c'est une politique de droite, elle doit être combattue ! (Sourires.)
M. Bernard Cazeau. Cependant, je dois reconnaître que l'amendement proposé par le Gouvernement semble à peu près entrer dans le cadre de celui que nous avions déposé. Aussi, j'accepte de retirer notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 50 est retiré.
Madame Létard, l'amendement n° 37 rectifié est-il maintenu ?
Mme Valérie Létard. Nous avons débattu. Le Gouvernement nous fait une proposition qui essaye effectivement de prendre en considération tout ce qui a été proposé par les parlementaires. Comme mes collègues, j'accepte donc de retirer l'amendement du groupe UC-UDF.
M. le président. L'amendement n° 37 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 111 rectifié.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ALLOCATION DE REVENU MINIMUM D'INSERTION
Article additionnel avant l'article 7
M. le président. L'amendement n° 29 rectifié, présenté par M. Virapoullé, est ainsi libellé :
Avant l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 322-4-15-1 du code du travail est supprimée.
La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Nous avons aujourd'hui un certain recul s'agissant de l'application du CI-RMA.
Environ huit mois après le vote de la loi et alors que l'idée correspondait pourtant à un besoin, nous constatons que les objectifs fixés n'ont pas été atteints.
Quelles en sont les raisons ?
À mon avis, comme je l'ai dit tout à l'heure, la rigidité du texte et le faible intérêt des personnes potentiellement concernées par un CI-RMA. J'y ajouterai le fait que nous n'avons pas été assez généreux dans la conception de ce contrat d'insertion, puisque nous l'avons limité à un nombre peu important de secteurs. Nous avons notamment exclu les services à la personne pour les employeurs particuliers.
Devant ce constat d'échec partiel du RMA, je vous propose de relever un défi qui s'inscrit dans le cadre du retour à l'emploi de tous les RMIstes susceptibles de le vouloir. Le risque est limité : si cette mesure fonctionne, tout le monde y gagnera ; si elle ne marche pas, on fera une nouvelle fois un constat d'échec.
La suppression de la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 322-4-15-1 du code du travail permettrait donc d'étendre le CI-RMA aux particuliers employant une aide ménagère, une personne s'occupant de personnes âgées à domicile ou une garde d'enfant. À cet égard, tout le monde sait que l'on manque de place dans les crèches, dans les haltes-garderies ou dans les jardins d'enfants. En outre, j'ai eu le plaisir de constater un regain de la démographie en métropole. Il existe donc peut-être là un vivier d'emplois intéressant.
Je voudrais ajouter un autre élément. Le RMIste a besoin de revenus améliorés, mais il a également besoin d'un lien social renforcé. C'est ça l'intégration ! Le fait de retrouver la chaleur d'un foyer ou un lien affectif avec une famille consolide sa dignité et le renforce dans sa démarche.
Voilà pourquoi je présente cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je suis toujours admiratif devant le talent de notre collègue M. Virapoullé et face à l'énergie qu'il déploie.
M. Michel Mercier. Ça commence mal ! (Sourires.)
M. Bernard Seillier, rapporteur. Je me souviens des contacts que nous avions eus en 1998 à l'occasion de l'examen de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions. Il faisait preuve de ténacité et d'ingéniosité. Ce mécanicien de génie cherchait à utiliser des mécanismes juridiques pour faire avancer l'idée de la réinsertion et du retour à l'emploi.
Malheureusement, la commission a dû émettre un avis défavorable sur cet amendement, pour deux raisons.
L'employeur qui embauche un salarié en CI-RMA doit le faire bénéficier - c'est dans la loi - d'actions de formation et d'accompagnement qu'il serait déraisonnable de mettre à la charge d'un particulier.
En outre, le Gouvernement a déjà pris des mesures, dans le cadre du plan de développement des services à la personne, afin d'encourager l'embauche par des particuliers : le coût de ces embauches est allégé et les formalités simplifiées grâce à un nouveau chèque emploi-service. Ouvrir le CI-RMA aux particuliers interférerait donc avec ces dispositifs, alors qu'ils viennent tout juste d'être mis en place.
Je souhaite quand même que cet avis défavorable ne décourage pas M. Virapoullé de rester aussi imaginatif. Un jour, cet apport nous sera très précieux, car notre collègue cherche à faire progresser les démarches pour l'insertion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Monsieur Virapoullé, je partage une grande partie de votre analyse, notamment en ce qui concerne l'importance des services à la personne et le gisement d'emplois que ce secteur pourra représenter. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement avait proposé le texte que le Sénat a adopté cet été.
Nous avons instauré ces dispositifs. Ainsi, a été créée l'Agence nationale des services à la personne. Les enseignes nationales se mettent en place. De plus, je rappelle que nous venons d'instaurer un nouveau titre de paiement, le CESU - le chèque emploi-service universel -, qui sera un élément très important. Il simplifiera la rémunération, il nécessitera une implication plus forte de l'employeur et il permettra de créer de nouvelles approches en matière de service et d'y répondre.
Il faut laisser le temps à tous ces dispositifs d'entrer en vigueur. Ils sont plus particulièrement destinés aux personnes à la recherche d'un emploi et ils comprennent des modifications en matière de formation et d'accompagnement.
Pour avoir été en charge du secteur des personnes âgées, je sais, comme vous, combien la présence humaine au quotidien est importante. Celle-ci représente souvent le dernier contact avec la vie quotidienne. On m'a souvent dit que l'arrivée de l'aide ménagère était un rayon de soleil. Quant à la personne qui occupe cet emploi, c'est souvent pour elle une reconnaissance, l'impression d'être utile, d'avoir un rôle dans la société.
Conforter cette démarche, c'est tout le sens du texte relatif au développement des services à la personne. Laissons d'abord ce dispositif fonctionner.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Virapoullé, l'amendement n° 29 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Paul Virapoullé. Comme l'a dit M. le rapporteur, et je l'en remercie, je cherche à faire avancer tous les modes d'intégration.
Mme la ministre déléguée m'indique que la loi que nous avons adoptée récemment a mis en place un nouveau dispositif. Je propose donc d'observer ses effets induits et, si vous me le permettez, madame la ministre déléguée, je continuerai à travailler avec vous...
M. Jean-Paul Virapoullé. ...et avec les membres de la commission afin d'imaginer une synthèse lors de l'examen d'un prochain texte. Il faudra donc réaliser un constat du nouveau dispositif pour voir s'il a fonctionné ou pas et proposer des améliorations qui permettront de créer ce lien social fort entre le RMIste, qui est exclu, et les personnes qui ont besoin de services à domicile. Si l'on crée ce lien, on renforcera la cohésion au sein de la société.
Cela étant dit, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 29 rectifié est retiré.
Article 7
L'article L. 262-9-1 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Art. L. 262-9-1. - Pour l'ouverture du droit à l'allocation, les ressortissants des États membres de l'Union européenne et des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen doivent remplir les conditions exigées pour bénéficier d'un droit de séjour et avoir résidé en France durant les trois mois précédant la demande. Cependant, cette condition de résidence n'est pas opposable :
« - aux personnes qui exercent une activité professionnelle déclarée conformément à la législation en vigueur ;
« - aux personnes qui ont exercé une telle activité en France et soit sont en incapacité temporaire de travailler pour raisons médicales, soit suivent une formation professionnelle au sens des articles L. 900-2 et L. 900-3 du code du travail, soit sont inscrites sur la liste visée à l'article L. 311-5 du même code ;
« - aux ascendants, descendants et conjoints des personnes mentionnées aux deux alinéas précédents.
« Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article. »
M. le président. L'amendement n° 73, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L'article 7 vise à restreindre les conditions dans lesquelles les étrangers communautaires peuvent bénéficier du RMI, puisqu'il crée une condition de résidence sur le territoire français. En effet, seuls les étrangers ayant rempli les conditions du droit au séjour et ayant séjourné au moins trois mois avant la demande pourront bénéficier du RMI.
Le Gouvernement justifie cette proposition par le fait que notre système de protection sociale crée toujours trop de phénomènes d'aubaine ou encore de multiples appels d'air dont profiteraient abusivement les étrangers, en l'occurrence les ressortissants de l'Union européenne.
Il est toujours étonnant de constater que ce même gouvernement défend bec et ongles la libre circulation des capitaux, encourage le dumping social - je pense bien évidemment à la directive Bolkestein -, mais refuse d'assumer les conséquences sociales d'une telle libéralisation des échanges et la commercialisation des individus devenus ainsi marchandises.
Toujours est-il que cet article rend encore plus difficile l'accès au RMI pour les étrangers communautaires.
Jusqu'à présent, pour percevoir le RMI, ces personnes devaient remplir les conditions exigées pour bénéficier d'un droit au séjour. Comme le souligne M. le rapporteur, « les conditions à remplir pour un ressortissant de l'Union européenne pour acquérir un tel "droit au séjour" sont le fait de disposer de ressources suffisantes et d'une protection maladie ». M. Seillier ajoute : « si l'on s'en tient à cette définition, il est donc impossible à un ressortissant communautaire d'accéder au RMI ».
Mais, au lieu d'assouplir les conditions de séjour, vous décidez de les restreindre en y ajoutant une condition de résidence de trois mois sur le territoire.
Il est important de préciser que l'ajout de cette condition de résidence pour obtenir le bénéfice du RMI est contraire au principe d'égalité et de non-discrimination devant la protection sociale consacré tant par la Constitution du 4 octobre 1958 que par les textes internationaux directement applicables en France.
Certes, vous prévoyez des exceptions : la condition de résidence n'est pas opposable notamment aux personnes qui exercent une activité professionnelle. Permettez-moi de faire remarquer qu'il est fort peu probable qu'un étranger communautaire exerçant une activité professionnelle ait droit au RMI.
Le Gouvernement saisit toutes les occasions pour limiter le nombre de personnes qui pourraient bénéficier d'une aide sociale. Cet article en est un exemple parmi d'autres. C'est pourquoi nous demandons sa suppression.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Le RMI est versé sous condition de résidence en France. S'agissant des étrangers, cette condition de résidence est assortie d'une exigence de durée minimale afin d'éviter des phénomènes migratoires uniquement motivés par le bénéfice de cette prestation.
Cet article vise simplement à lever une difficulté juridique : compte tenu du principe de libre circulation des travailleurs, la durée minimale de résidence peut-elle être appliquée aux ressortissants communautaires ? La jurisprudence européenne a décidé que oui, dans certaines limites. Cet article ne fait qu'en tirer les conséquences.
Le supprimer, comme le prévoit cet amendement, reviendrait à nous replonger dans l'incertitude quant aux catégories de ressortissants communautaires susceptibles ou non de bénéficier de l'allocation. L'adoption de cet amendement ne serait donc pas opportune. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Monsieur Fischer, la rédaction de cet article, issue des travaux de l'Assemblée nationale, est totalement conforme au droit communautaire. Nous avons d'ailleurs eu de très longs échanges avec le secrétariat général aux affaires étrangères sur ce point depuis novembre 2005, tant ce sujet nous préoccupait.
L'accès des citoyens de l'Union européenne au RMI n'est pas inconditionnel. Conformément au droit communautaire, il n'est pas possible de venir en France sans aucune ressource en vue de percevoir le RMI.
En revanche, les citoyens de l'Union ayant acquis un droit au séjour et qui, à la suite d'un revers de fortune - licenciement, rupture, accident de la vie -, perdent leurs ressources ont droit au RMI dans les mêmes conditions que les Français.
Cet article a pour objet de clarifier le droit en vigueur en utilisant une faculté ouverte aux États membres par la directive communautaire de 2004 sur le droit au séjour. Les demandes de RMI des citoyens de l'Union résidant en France depuis moins de trois mois récemment installés sur le territoire seront automatiquement écartées.
Enfin, je voudrais insister sur le fait que ce dispositif a été inspiré par des présidents de conseils généraux de zone frontalière confrontés très régulièrement à ce type de problème. Là encore, un travail de concertation a été mené. C'est le fruit de ce travail qui vous est présenté.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote.
M. Josselin de Rohan. J'ai eu l'occasion, lors d'un déplacement dans mon département, de constater qu'un très grand nombre de citoyens britanniques cherchaient à obtenir le RMI.
M. Roland Muzeau. Ah !
M. Josselin de Rohan. Mais oui ! La Bretagne est une terre d'accueil, et les Britanniques aiment beaucoup s'y fixer.
Il existe même, en Grande-Bretagne, un petit livret qui leur explique comment bénéficier des avantages sociaux que permet la législation française. Ils sont extrêmement réceptifs à ce qu'ils lisent dans cet opuscule.
Devant les maires un peu interloqués, ils expliquent qu'ils ont réalisé tous leurs biens en Grande-Bretagne pour acheter une longère en France, qu'ils restaurent tant bien que mal, d'ailleurs généralement en recourant au travail au noir, et qu'ils sont désormais dépourvus de toutes ressources. En conséquence, ils demandent qu'on leur accorde le bénéfice du RMI.
Imaginez les réactions qui peuvent se produire lorsqu'ils leur arrivent de l'obtenir dans ces conditions. S'ils vont ensuite à la pharmacie du secteur, comme ils ont également droit à la CMU, ils repartent avec un bon sac de médicaments, sous les yeux des smicards bretons qui ne bénéficient pas de tous ces avantages.
Monsieur Fischer, si ce genre de pratique, qui est à la limite de la fraude, se multipliait, nous risquerions d'assister à des réactions xénophobes de la part des populations.
Selon un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes, on a le droit de s'installer librement dans les pays de l'Union, à condition de disposer de ressources suffisantes et de ne pas peser sur le système social du pays d'accueil. Cela me semble normal.
Le dispositif que tend à introduire cet amendement irait tout à fait à l'encontre de ce que je viens d'évoquer et risquerait d'encourager la fraude et la perversion du système. Ce n'est pas du tout dans cette voie qu'il faut nous engager. En effet, le RMI n'a pas été institué afin de bénéficier à quelques individus qui, loin de se trouver dans la situation de détresse que l'on souligne parfois, désirent simplement obtenir quelques avantages personnels.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article additionnel après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 74, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Dans le premier alinéa de l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles, les mots : «, sous réserve d'avoir satisfait sous ce régime aux conditions prévues au premier alinéa de l'article 14 de ladite ordonnance, » sont supprimés.
II - L'augmentation des charges résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par le relèvement des taux fixés au III bis de l'article 125 A du code général des impôts.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Il s'agit d'un amendement que nous avons déjà eu l'occasion de déposer à plusieurs reprises.
Le Gouvernement nous oppose systématiquement une fin de non-recevoir, notamment en invoquant l'article 40 de la Constitution. Pourtant, nous persistons et nous ne désespérons pas de voir notre amendement adopté un jour, car il s'agit simplement d'une question d'équité.
Cet amendement tend à modifier l'article L. 262-9 du code de l'action sociale et des familles, afin de supprimer la condition de résidence à laquelle sont soumis les étrangers régulièrement installés en France pour l'accès au RMI. Il se situe dans le prolongement de notre amendement de suppression de l'article 7, puisque nous rejetons toute idée d'instaurer une condition de résidence pour le bénéfice du RMI.
En effet, pour les étrangers, la durée minimale de séjour a été portée de trois ans à cinq ans. C'est la conséquence de la modification de l'article 14 de l'ordonnance de 1945 par la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, auquel renvoie la rédaction actuelle de l'article L. 262-9.
À cet égard, je note que des questions sociales sont désormais abordées dans le cadre de dispositions législatives portant sur des problématiques relevant de la compétence du ministère de l'intérieur. C'est la mode.
Comme nous venons de le rappeler à propos de l'amendement de suppression de l'article 7, l'introduction d'une durée de résidence conditionnant l'octroi d'une prestation sociale est contraire au principe d'égalité et de non-discrimination entre les nationaux et les résidents étrangers.
Je rappellerai simplement pour mémoire que la Cour de justice des Communautés européennes a rendu une décision claire sur les discriminations entre nationaux et étrangers. Notre lecture de cette décision est différente de celle qui a été rappelée il y a peu de temps.
La Cour a en effet estimé en 1996 que constituait une discrimination indirecte une disposition « susceptible, par sa nature même, d'affecter davantage les travailleurs migrants que les travailleurs nationaux » et risquant par conséquent « de défavoriser plus particulièrement les premiers ».
Elle a ainsi considéré que des critères tels que la soumission de l'attribution du revenu minimum garanti à des conditions de résidence préalable sur le territoire d'un État constituaient une discrimination indirecte violant le principe d'égalité entre nationaux et étrangers.
La seule condition de séjour régulier sur le territoire doit suffire à octroyer les droits sociaux dont les nationaux bénéficient, en l'occurrence le RMI.
C'est pourquoi nous souhaitons supprimer la condition de résidence pour les étrangers non communautaires, ainsi que nous avons voulu le faire pour les étrangers communautaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Sous prétexte de simplifier l'accès des étrangers au RMI, cet amendement tend au contraire à le rendre plus complexe et injuste.
Ainsi, les titulaires d'une carte de résident resteraient soumis à la condition de durée de résidence en France, alors que ceux qui bénéficieraient d'un titre de séjour différent mais de durée équivalente en seraient dispensés.
Au demeurant, il semble normal de maintenir une exigence de durée minimale de séjour, afin d'éviter des phénomènes migratoires uniquement motivés par le niveau des prestations sociales et susceptibles de créer les mouvements de rejet et de xénophobie que M. de Rohan vient d'évoquer avec raison.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Les problèmes que poserait le dispositif que tend à mettre en place cet amendement ont été parfaitement illustrés - je dirais même de façon presque prémonitoire - par M. de Rohan.
L'accès des étrangers non communautaires au RMI est clairement subordonné à une résidence en France ininterrompue depuis cinq ans et le Gouvernement n'a nullement l'intention de revenir sur le sujet.
De toute façon, cet amendement n'est pas réellement gagé et le Gouvernement n'envisage en aucun cas de lever le gage.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
J'ajoute que l'article 40 de la Constitution peut s'appliquer à cet amendement.
M. le président. Invoquez-vous l'article 40 de la Constitution, madame la ministre ?
M. le président. L'article 40 est-il applicable ?
M. Michel Mercier, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Oui, monsieur le président, il l'est.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 74 n'est pas recevable.
M. Guy Fischer. M. Mercier est décidément toujours dans les mauvais coups. (Sourires.)
Article 8
L'article L. 262-12-1 du code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Dans le deuxième alinéa, les mots : « celui-ci continue de percevoir l'allocation de revenu minimum d'insertion à hauteur du montant de l'aide du département versée à l'employeur jusqu'à son réexamen sur le fondement des dispositions de la présente section » sont remplacés par les mots : « l'allocation de revenu minimum d'insertion est rétablie dans des conditions fixées par voie réglementaire » ;
2° Dans le troisième alinéa, après les mots : « informations relatives au contrat insertion-revenu minimum d'activité », sont insérés les mots : « et au contrat d'avenir ». - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 8
M. le président. L'amendement n° 95, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le deuxième alinéa de l'article L. 262-35 du code de l'action sociale et des familles, les mots : « et 342 » sont remplacés par les mots «, 342 et 371-2 ».
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Les bénéficiaires du RMI sont tenus de faire valoir leur droit à pension alimentaire.
Cet amendement a pour objet d'aménager la liste des obligations alimentaires, afin de tenir compte des modifications apportées dans le code civil par les lois réformant l'autorité parentale et le divorce.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il s'agit d'un simple amendement de coordination, sur lequel la commission émet un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 8.
L'amendement n° 60, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le sixième alinéa de l'article L. 262-38 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf dans les cas où le contrat d'insertion comporte une des mesures mentionnées au 3°, au 4° ou au 5° du présent article ou dans celui où l'intéressé bénéficie des dispositions de l'article L. 262-11, le contrat d'insertion comporte obligatoirement un engagement du bénéficiaire à accomplir un nombre d'heures, fixé par décret, de travaux d'intérêt général au profit d'une collectivité locale ou d'une association. »
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Une conférence sur les finances publiques s'est récemment tenue - toutes les sensibilités politiques y étaient représentées -, à partir du travail d'une commission. Elle a mis en évidence la nécessité de contenir notre endettement.
Or il se trouve que le Gouvernement se propose de maîtriser les dotations affectées aux collectivités locales. Les conseils généraux sont obligés de verser le RMI et se trouvent aujourd'hui dans une impasse financière.
La taxe professionnelle étant désormais plafonnée à 3,5 %, il est extrêmement difficile de lever cet impôt. Les seules possibilités pour les collectivités locales seront donc la taxe d'habitation et la taxe sur le foncier bâti.
Nous devons bien évidemment trouver des solutions pour que le RMI aille à ceux qui en ont réellement besoin.
M. Roland Muzeau. En général, c'est déjà le cas !
M. Philippe Adnot. Il faut faire en sorte que ceux qui touchent une telle allocation indûment ne puissent plus y accéder aussi facilement.
La situation est aujourd'hui différente. Nombre d'associations ont en effet besoin de trouver des bénévoles pour que certains services leur soient rendus, ce qui devient de plus en plus difficile.
Cet amendement tend donc à faire en sorte que les bénéficiaires du RMI puissent en contrepartie consacrer une partie de leur temps - la durée en sera fixée par décret ; je n'ai pas voulu la déterminer dans l'amendement, car c'est le principe qui compte - à la collectivité.
Ainsi, en échange d'une prestation tout à fait légitime, un service devra être rendu. Ce sera la condition pour que l'on puisse continuer de verser le RMI.
M. de Rohan évoquait son département. Pour ma part, je me suis récemment rendu dans une petite commune de 500 habitants. Il y avait dix-sept RMI versés en poste restante ! De telles pratiques ne sont pas légitimes et il faut y mettre un terme.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer une obligation d'effectuer quelques heures de travaux d'intérêt général pour les bénéficiaires du RMI qui ne sont pas en situation d'emploi - intéressement, emploi aidé - ou de formation.
L'adoption de cet amendement modifierait profondément la philosophie du RMI, telle qu'elle a été mise en place dès l'origine.
M. Guy Fischer. Absolument !
M. Bernard Seillier, rapporteur. En effet, aujourd'hui, l'effort d'insertion demandé au bénéficiaire du RMI constitue non pas une contrepartie de l'allocation, mais plutôt une exigence constitutionnelle attachée à la dignité de la personne humaine.
La Constitution dispose ainsi que chacun a « le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi », mais elle énonce également : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »
C'est la combinaison d'affirmations indissociables. Cette dialectique des devoirs réciproques entre la personne et la collectivité publique ne saurait être mise en jeu de manière mécanique.
Exiger de façon systématique une contrepartie à l'allocation sous forme de bénévolat de la part des bénéficiaires irait donc à l'encontre des principes constitutionnels que je viens de rappeler.
J'ajoute que les titulaires du RMI ont l'autorisation d'effectuer des heures de bénévolat ; ils y sont même encouragés. Mais il s'agit bien d'une possibilité, et non d'une obligation.
En outre, imposer à des personnes de consacrer ainsi plusieurs heures de leur temps serait contradictoire avec la notion de bénévolat.
Le dispositif qui nous est proposé introduirait donc une forme de travail non rémunéré - l'allocation versée ne saurait être considérée comme une forme de rémunération -, ce qui aurait des conséquences particulièrement injustes.
Certes, lors de la création du RMI, un autre mécanisme - tel, par exemple, que celui que tend à mettre en place cet amendement, à savoir l'existence d'une contrepartie au versement de l'allocation - aurait pu être retenu. Mais ce n'est pas la voie qui a été choisie.
En réalité, depuis l'instauration du RMI, le souci constant est bien d'améliorer la qualité des contrats d'insertion. En effet, c'est faute d'offre d'insertion de qualité et de contrats de travail, qu'il s'agisse de CDD ou de CDI, que nous nous trouvons dans la situation actuelle, même si nous progressons.
Si les mesures proposées à l'allocataire dans le cadre de son contrat, le suivi réalisé et l'évaluation de leur mise en oeuvre sont à la hauteur des enjeux, le soupçon d'oisiveté pesant sur les bénéficiaires ne pourra que disparaître. L'idée d'imposer une contrepartie au versement de l'allocation tombera alors d'elle-même.
Il me paraît d'ailleurs tout à fait significatif de trouver dans le présent projet de loi - c'était pour moi, je l'avoue, totalement inattendu - l'extension du contrat d'insertion RMA à durée indéterminée. Cela montre bien qu'une telle avancée se développe dans la continuité. (Mme la ministre acquiesce.)
Je me permets d'insister, car ce point n'est pas évident et il est souvent méconnu. Il est nécessaire de faire la synthèse entre trois principes fixés dans la Constitution : le devoir de travailler, le droit d'obtenir un emploi et, à défaut, pour des raisons tenant à la personne - handicap, difficultés, âge - ou en raison de la situation économique, le droit d'obtenir une compensation, une rémunération de la part de la collectivité.
Je ne veux certes pas du tout émettre un avis péjoratif à l'encontre de l'amendement de M. Adnot. Je souhaite simplement souligner qu'il existe une réelle continuité depuis 1988, date de la création du RMI.
Nous n'avons pas renoncé à l'objectif initial, à savoir faire en sorte que les bénéficiaires du RMI trouvent finalement un emploi effectif. Dans ces conditions, les accusations portées contre cette allocation - elles sont d'ailleurs en grande majorité infondées, car il n'y a que quelques personnes qui cherchent à abuser du système - tomberaient d'elles-mêmes.
J'ajoute que le travail de la commission présidée par Mme Létard et les mesures législatives qui en découleront permettront d'améliorer le dispositif.
En effet, deux séries de facteurs expliquent, à mon sens, certaines situations qui peuvent être jugées critiquables. D'une part, l'offre de contrats de qualité est insuffisante. D'autre part, un phénomène très pervers est en train d'être mis à jour : les droits connexes.
En réalité, ce n'est pas le RMI en soi qui pose problème. D'ailleurs, la différence entre le RMI et le SMIC, contrairement à ce que certains affirment parfois, est considérable.
En revanche, un certain nombre de droits sont venus s'ajouter. Il peut s'agir de droits en nature, de droits différents attribués par les collectivités locales, comme les communes. Cela crée des distorsions de fait invisibles et seuls les intéressés peuvent dès lors mesurer ce qu'ils perdraient en renonçant au RMI.
C'est pourquoi je pense qu'une action délibérée, déterminée, patiente et tenace nous permettra de perfectionner le système pour le retour à l'emploi et pour l'harmonisation des droits directs et des droits connexes. À ce moment-là, je suis convaincu que les observations un peu gênantes qui peuvent parfois être émises tendront à disparaître. J'espère vivement qu'elles auront complètement disparu dans un avenir proche.
En l'état actuel des choses, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, même si elle en comprend les motivations, liées aux critiques émises par la population, qui sont fondées sur des bruits et des rumeurs. D'ailleurs, les maires et les présidents des conseils généraux, qui gèrent le système, le savent bien.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je partage totalement l'avis de M. le rapporteur. Comme lui, je rappellerai le droit au travail mentionné dans le préambule de la Constitution de 1946.
Je rappelle également que notre approche consiste à accompagner l'insertion, élément indispensable au retour à l'emploi. À cette fin, nous procédons par étapes, comme l'a fort bien dit M. le rapporteur à l'instant.
L'étape suivante sera l'harmonisation que l'on est en droit d'attendre notamment concernant les droits connexes. Le travail qui a été fait par MM. Henri de Raincourt et Michel Mercier sur les droits et les devoirs des bénéficiaires des revenus sociaux d'insertion sera fort utile.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Monsieur Adnot, l'amendement n° 60 est-il maintenu ?
M. Philippe Adnot. Oui, monsieur le président.
Les élus connaissent ces situations et savent exactement comment les choses se passent sur le terrain. Nous savons tous que l'une des raisons pour lesquelles les bénéficiaires des minima sociaux n'ont pas forcément envie de reprendre un travail est qu'ils disposent de temps et peuvent faire un peu de travail au noir, tranquillement, tout en touchant le RMI. Cela peut durer ainsi très longtemps !
Or il faudra bien maîtriser la dépense. Le Gouvernement, madame la ministre, sera bien obligé de prendre des initiatives. Sinon, alors que les dotations n'augmentent pas, que l'impasse est faite sur le financement du RMI et que vous refusez de diminuer le nombre de bénéficiaires percevant indûment le RMI, il faudra nous expliquer comment faire pour verser cette allocation que nous n'avons pas les moyens de payer.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Permettez-moi de rappeler un détail, mais qui a son importance. Le dispositif prévoit que, en cas de soupçon de travail au noir, le président du conseil général en est informé afin de pouvoir prendre des dispositions en conséquence.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je partage tout à fait les propos de M. le rapporteur.
Je tiens tout de même à rappeler qu'un travail d'intérêt général est une sanction pénale.
M. Jean-Pierre Godefroy. Les RMIstes doivent-ils être sanctionnés pénalement, a priori, sans jugement ? Il y a beaucoup à dire sur une telle mesure. Estime-t-on que tous les RMIstes relèvent d'un traitement pénal ?
Pour cette seule raison, l'amendement n° 60 est totalement irrecevable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 9
L'article L. 262-43 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Art. L. 262-43. - Les dispositions de l'article L. 132-8 ne sont pas applicables aux sommes servies au titre de l'allocation et de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11. » - (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 9
M. le président. L'amendement n° 106, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Au premier alinéa de l'article L. 115-1 du code de l'action sociale et des familles, sont supprimés les mots : « qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation de l'économie et de l'emploi, se trouve dans l'incapacité de travailler, »
II. Le premier alinéa du même article est complété par les mots : « sous certaines conditions de ressources »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à rendre inconditionnel le droit à un revenu social minimum, garantissant des moyens convenables d'existence. La seule condition à son obtention doit être un revenu insuffisant, afin que personne ne passe à travers les mailles de cet ultime filet de protection sociale. En effet, rien ne peut justifier que, dans une société relativement prospère telle que la nôtre, on puisse manquer du strict nécessaire.
Aujourd'hui, la loi garantit des moyens convenables d'existence à ceux qui se trouvent dans l'incapacité de travailler. Cette notion, bien floue, ouvre la voie à toutes les exclusions. Qui détermine ceux qui sont dans l'incapacité de travailler ? On le constate, la tentation est permanente d'assimiler les chômeurs à des fainéants, qu'il faudrait punir ou inciter à retrouver un emploi.
Je vous propose donc de supprimer les conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 115-1 du code de l'action sociale et des familles et d'instaurer une condition unique de ressources, afin que les minima sociaux bénéficient à ceux qui en ont besoin.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La rédaction actuelle de l'article L. 115-1 du code de l'action sociale et des familles est une reprise du préambule de la Constitution de 1946, qui dispose que « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »
Il me paraît donc préférable de respecter le parallélisme, à moins que les auteurs de l'amendement ne considèrent qu'il faille également modifier le préambule de la Constitution de 1946. Mutatis mutandis, une symétrie existe.
M. Michel Mercier. C'est la même chose que tout à l'heure.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Oui, mais dans l'autre sens.
En tant que membre de la commission des affaires sociales depuis de nombreuses années, j'ai eu l'occasion de travailler sur cette question, pour laquelle je me suis passionné, et j'ai découvert ce qu'il y a d'admirable dans cet alinéa du préambule.
En fait, l'articulation qui existe depuis la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que l'on retrouve dans le préambule de la Constitution de 1946 et dans la Constitution de 1958, entre le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi ou, à défaut, quand cela n'est pas possible, soit pour des raisons physiques personnelles ou du fait de la situation économique, générale ou individuelle, une aide de la collectivité est exigeante, difficile, mais admirable. C'est en effet le seul système qui soit pleinement respectueux de la dignité de la personne humaine.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement considère que l'esprit de l'amendement est satisfait par l'article L. 115-5 du code de l'action sociale et des familles. Il émet donc un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 106 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 106 est retiré.
L'amendement n° 105, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 115-1 du code de l'action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les minima sociaux doivent permettre à chaque résident sur le sol français de subvenir à ses besoins de base, et donc de bénéficier d'un revenu au moins égal au montant du seuil de pauvreté défini par l'Insee. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement vise à rendre effectif le principe mentionné dans le premier alinéa de l'article L. 115--1 du code de l'action sociale et des familles, selon lequel toute personne « a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ».
À cette fin, aucun des minima sociaux, quand ils constituent les seules ressources de leurs allocataires, ne doit être d'un montant inférieur au seuil de pauvreté. Le seuil retenu est un revenu par unité de consommation inférieur à la moitié du revenu médian avant impôts, soit, en 2002, selon l'INSEE, 640 euros par mois pour une personne seule, 832 euros pour un couple sans enfant ou pour une famille monoparentale avec un enfant.
Actuellement, 4 200 000 personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit 8 % de la population.
Monsieur le rapporteur, le préambule de la Constitution de 1946 répond-il également à cette question ? (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Par cet amendement, il s'agit, d'une façon détournée, de modifier les modalités de révision du montant des minima sociaux. Actuellement, le seuil de pauvreté se définit comme le revenu égal à la moitié du revenu médian d'un pays donné. L'Union européenne retient le chiffre de 60 %, référence que la France va adopter. Prendre comme référence le seuil de pauvreté conduit en réalité à indexer les minima sociaux sur les salaires et non plus sur les prix.
En outre, pour apprécier le niveau de revenu des bénéficiaires de minima sociaux, il est nécessaire de tenir compte des autres prestations sociales qui leur sont octroyées. Ainsi que l'a montré dans son rapport notre collègue Valérie Létard, ces droits connexes ont une importance considérable dans les ressources des foyers à bas revenus. Il convient donc d'aborder de façon plus globale la problématique du revenu des bénéficiaires de minima sociaux.
Je pense que le rapport en cours nous permettra d'y voir plus clair et de faire des propositions raisonnables dans ce domaine. Pour l'heure, je demande à M. Desessard de bien vouloir retirer son amendement, même si sa démarche a incontestablement sa logique. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 105 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Oui, monsieur le président.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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DÉPÔT DE PROPOSITIONs DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. Roger Karoutchi, Mme Isabelle Debré, M. Philippe Goujon, Mmes Bernadette Dupont, Lucienne Malovry, MM. Dominique Braye, Alain Gournac, Hugues Portelli, Jean-Jacques Hyest, Michel Houel et Mme Colette Melot une proposition de loi relative au fonctionnement du syndicat des transports d'Île de France, le STIF.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 177, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Jean-Louis Masson une proposition de loi tendant à élargir à la Lorraine l'expérimentation du péage pour les poids lourds et à en améliorer les modalités.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 178, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
12
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président. J'ai reçu de M. Jean Bizet un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur le projet de loi relatif aux obtentions végétales et modifiant le code de la propriété intellectuelle et le code rural (n° 145, 1996-1997).
Le rapport sera imprimé sous le n° 172 et distribué.
J'ai reçu de M. Pierre Fauchon un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de résolution (n° 83, 2005-2006) présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du règlement par M. Robert Del Picchia sur le projet de décision du Conseil concernant l'amélioration de la coopération policière entre les États membres, en particulier aux frontières intérieures et modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen (n° E-2932).
Le rapport sera imprimé sous le n° 173 et distribué.
J'ai reçu de M. Richard Yung un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de résolution (n° 132, 2005-2006) présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du règlement par M. Robert Del Picchia sur la proposition de décision du Conseil sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II) (E-2897), la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II) (E-2898) et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l'accès des services des États membres chargés de l'immatriculation des véhicules au système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II) (E-2899).
Le rapport sera imprimé sous le n° 174 et distribué.
J'ai reçu de M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 99 894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense (n° 108, 2005-2006).
Le rapport sera imprimé sous le n° 175 et distribué.
13
DéPôT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de MM. Jean-Paul Emorine, Gérard César, Gérard Le Cam, Paul Raoult et Daniel Soulage un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan à la suite d'une mission effectuée en Estonie et en Lituanie du 3 au 7 juillet 2005.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 176 et distribué.
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ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, fixée à aujourd'hui, jeudi 26 janvier 2006 :
À neuf heures quarante-cinq :
1. Suite de la discussion du projet de loi (n° 118, 2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux.
Rapport (n° 161, 2005-2006) de M. Bernard Seillier, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
À quinze heures et, éventuellement, le soir :
2. Questions d'actualité au Gouvernement.
3. Suite de l'ordre du jour du matin.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins (n° 114, 2005-2006) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 30 janvier 2006, à dix-sept heures.
Projet de loi relatif aux obtentions végétales et modifiant le code de la propriété intellectuelle et le code rural (n° 145, 1996 1997) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 31 janvier 2006, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 31 janvier 2006, à onze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 26 janvier 2006, à zéro heure vingt-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD