Article 12 ter
I. - Non modifié.
II. - L'article L. 933-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le calcul des droits ouverts au titre du droit individuel à la formation, la période d'absence du salarié pour un congé de maternité, d'adoption, de présence parentale ou pour un congé parental d'éducation est intégralement prise en compte. » - (Adopté.)
TITRE III
ACCÈS DES FEMMES À DES INSTANCES DÉLIBÉRATIVES ET JURIDICTIONNELLES
Article 13 bis
Après le premier alinéa de l'article L. 225-17 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil d'administration est composé en recherchant une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes. Il comprend un nombre de représentants de chacun des deux sexes ne pouvant être supérieur à 80 %, et au moins un représentant de chaque sexe lorsque le nombre total des membres est inférieur à cinq. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 5, présenté par Mme Sittler, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Esther Sittler, rapporteur. L'article 13 bis vise à instituer un quota de femmes dans les conseils d'administration des sociétés anonymes.
Il nous semble inapproprié de modifier le droit des sociétés par un amendement déposé en deuxième lecture sans que le dispositif proposé ait été expertisé et discuté par les intéressés et les instances compétentes. Or l'intervention du législateur dans l'exercice par les actionnaires des sociétés anonymes de prérogatives qu'ils tiennent de leur droit de propriété pose des problèmes spécifiques et mérite, à tout le moins, une vraie réflexion.
En particulier, il ne faut pas négliger le fait que des personnes physiques peuvent être les actionnaires majoritaires, voire représenter la totalité de l'actionnariat de sociétés anonymes. Ces personnes peuvent légitimement demander à disposer de tous les mandats d'administrateurs prévus par les statuts. Comment concilier ce droit avec un principe d'équilibre entre les hommes et les femmes conçu de façon mécanique ?
Le code de commerce prévoit également que les personnes morales peuvent être nommées au conseil d'administration. Ce sont elles qui désignent alors librement leurs représentants. Faut-il remonter jusqu'à elles pour leur imposer un comportement ?
Je note par ailleurs que l'obligation instituée à l'article 13 bis n'est pas sanctionnée par la nullité des nominations effectuées en contradiction avec elle. Cela ne correspond pas aux techniques habituelles du code de commerce.
Je relève aussi que cette disposition ne vise que les sociétés anonymes : les sociétés à directoire et conseil de surveillance sont exonérées, pour des raisons inexpliquées.
Tout cela est donc manifestement peu réfléchi et mal étayé. C'est pourquoi la commission, tout en approuvant, naturellement, le principe d'un meilleur équilibre entre les hommes et les femmes au sein des conseils d'administration des sociétés anonymes, propose de supprimer l'article 13 bis, trop directif et interventionniste.
M. le président. L'amendement n° 41, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - Après le premier alinéa de l'article L. 225-17 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil d'administration est composé en recherchant une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes. »
II. - L'article L. 225-69 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil de surveillance est composé en recherchant une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes. »
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Chacun s'en souvient, le Sénat avait proposé dans un premier temps de renvoyer au règlement intérieur des conseils d'administration le soin de prévoir des mesures permettant d'atteindre les objectifs de parité. Malheureusement, cette solution n'est pas opérationnelle pour la simple raison que les sociétés anonymes ne sont pas dans l'obligation d'établir un règlement intérieur. Or nous souhaitons tous trouver des solutions qui soient très rapidement applicables et permettent de faire avancer la cause qui nous occupe.
L'Assemblée nationale est intervenue sur le sujet et a montré une très grande volonté de faire avancer les choses pour que, enfin, les femmes soient présentes au plus haut niveau dans nos entreprises.
Vous souhaitez, madame le rapporteur, supprimer cet article, et je ne puis m'empêcher de craindre que cela ne revienne à abandonner toute ambition concernant l'amélioration de la place des femmes dans les instances décisionnelles des sociétés anonymes. Je ne peux donc qu'être défavorable à cet amendement.
Le souci qui nous anime est précisément la recherche d'une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes - notion à laquelle je suis très attachée - dans les conseils d'administration.
Vous avez raison, madame le rapporteur : la référence aux conseils d'administration des sociétés anonymes doit elle-même être étendue aux conseils de surveillance, qui constituent bien sûr le pendant des conseils d'administration lorsque les statuts de la société anonyme ont opté pour la constitution d'un directoire.
Nous sommes un peu dans une impasse. La commission est défavorable au dispositif proposé par l'Assemblée nationale, et le Gouvernement, quant à lui, ne veut pas le supprimer ; il faut donc que nous trouvions ensemble une solution.
Le Gouvernement vous propose donc, mesdames, messieurs les sénateurs, un amendement qui vise à restaurer le principe d'une représentation équilibrée et qui, s'agissant des modalités d'application, renvoie au décret du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales, actuellement en cours de révision.
Afin de s'assurer que le débat existe bien au sein de l'assemblée générale sur la composition des conseils d'administration et de surveillance, nous pourrions modifier ce décret, en le complétant par une disposition rappelant, d'une part, que les projets de résolution de nomination d'administrateurs ou de membres du conseil de surveillance doivent être conformes au principe de composition équilibrée et, d'autre part, qu'ils doivent mettre en avant les moyens que la société compte mettre en oeuvre pour aboutir à cette représentation équilibrée.
Par ailleurs, j'indique d'ores et déjà que le Gouvernement émettra un avis défavorable sur l'amendement n° 5.
M. le président. Le sous-amendement n° 45, présenté par Mme Sittler, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après le I de l'amendement n° 41, insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
... - Dans la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 225-37 du code de commerce, après les mots : « d'organisation des travaux du conseil », sont insérés les mots : «, de l'application dans sa composition du principe de la représentation équilibrée des hommes et des femmes »
... - Dans le dernier alinéa de l'article L. 225-68 du code du commerce, après les mots : « d'organisation des travaux du conseil », sont insérés les mots : «, de l'application dans sa composition du principe de la représentation équilibrée des hommes et des femmes »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Esther Sittler, rapporteur. L'amendement n° 41 du Gouvernement rompt avec le caractère excessivement interventionniste et directif du texte de l'Assemblée nationale, dont l'application aurait posé de très nombreux problèmes de principe et de pratique. Il pose un principe auquel nous pouvons tous adhérer. Les éventuelles modalités d'application seront fixées par décret. Ce support juridique exclut le recours à des mesures privatives des droits des actionnaires, telles que la fixation de quotas, ce qui nous convient.
Cet amendement correspond donc à la logique du débat que nous avions eu en commission.
Il nous semble qu'il serait tout à fait parfait s'il était complété par une disposition par laquelle la loi donnerait à chaque société anonyme le moyen de réfléchir régulièrement à la façon dont elle applique le principe de la représentation équilibrée. Il suffirait que ce sujet figure obligatoirement dans le rapport du président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance joint au rapport annuel de gestion. Ce rapport, qui traite notamment des conditions de la préparation et de l'organisation des travaux du conseil, pourrait aborder aussi l'application du principe de la représentation équilibrée des hommes et des femmes. Tel est le sens de notre sous-amendement n° 45.
Sous réserve de l'adoption de ce sous-amendement, la commission se rallie au texte du Gouvernement et, en conséquence, retire l'amendement n° 5.
M. le président. L'amendement n° 5 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n°45 ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. L'amendement n° 41 et le sous-amendement n° 45 sont complémentaires, parce que, à ce stade, nous aurons travaillé sur l'ensemble de la situation, c'est-à-dire aussi bien sur le conseil d'administration que sur l'échelon supérieur que seront le directoire ou toutes les instances dirigeantes de l'entreprise. Nous aurons donc marqué notre volonté d'une représentation équilibrée.
Le Gouvernement émet par conséquent un avis favorable sur le sous-amendement n° 45.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 45.
M. Roland Muzeau. Je formulerai plusieurs remarques.
La majorité devrait reconnaître qu'elle a laissé passer sa chance au début de l'examen de ce texte. En effet, madame, la ministre, madame le rapporteur, si vous aviez accepté notre proposition tendant à ajouter avant le titre Ier une division additionnelle intitulée « Favoriser l'égalité des conditions d'emploi », le Sénat aurait pu étudier de façon légitime la question qui nous est maintenant soumise.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Roland Muzeau. Je vous rappelle tout de même que ce projet de loi est relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Dès lors, que vient faire dans ce projet de loi une disposition concernant la représentation des femmes dans les conseils d'administration ? C'est assez curieux !
Je persiste à dire que le capitalisme n'a pas de sexe, que le fait qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme n'a strictement aucun intérêt et que, en la matière, les dispositions prises par les entreprises sont régies par un choix économique dont on pourrait débattre très longuement. En règle générale, les sénateurs du groupe CRC sont d'ailleurs toujours présents dans ce type de débat ; mais, au-delà, on ferme le dossier. Quoi qu'il en soit, l'amendement n° 41 et le sous-amendement n° 45 ne portent pas sur l'égalité salariale et constituent donc un « cavalier ».
Par ailleurs, je veux dire combien je regrette la nature de l'intervention qu'a faite hier la présidente de la délégation du Sénat aux droits des femmes : Mme Gautier a en effet consacré les trois quarts de son propos - le Journal officiel en fera foi - à cette question de la représentation des femmes au sein des conseils d'administration des entreprises,...
Mme Hélène Luc. Tout à fait !
M. Roland Muzeau. ...mais n'a pas dit un mot sur la précarité des femmes au travail et sur le temps partiel ! On croit rêver ! Son rapport ne reflétait pas les débats ayant lieu au sein de la délégation !
Dans ces conditions, vous l'aurez compris, nous ne nous sentons pas très mobilisés sur la question qui vous occupe depuis quelques minutes.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote.
Mme Gisèle Printz. Certes, cet amendement ne concerne pas l'égalité salariale ; mais comme c'est l'un des rares amendements, avec l'amendement sur la maternité, en faveur de l'égalité des femmes et des hommes dans le monde du travail, je considère que c'est toujours mieux que rien, et je le voterai donc.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Il y a aussi, dans un certain nombre de conseils d'administration, des représentants des salariés.
Madame la ministre, ne pourrait-on pas prévoir, lors de la rédaction du décret, que, quand les représentants des salariés au sein des conseils d'administration sont au nombre de deux, ce soient forcément une femme et un homme, et que, quand ils sont plus nombreux, la représentation soit équilibrée ?
M. Roland Muzeau. Comment fait-on s'il y a plusieurs syndicats, madame ?
Mme Catherine Procaccia. Il y a des élections dans les entreprises.
M. Roland Muzeau. Elles ont lieu à la proportionnelle !
M. Christian Cambon. Il faut faire entrer les femmes dans les syndicats !
Mme Catherine Procaccia. Monsieur Muzeau, dans l'entreprise dont je fais partie, il y a une élection à laquelle se présentent l'ensemble des syndicats ainsi que des salariés non syndiqués, et il suffit que les listes présentées soient équilibrées, comme pour les élections nationales !
M. Christian Cambon. Comme pour les élections sénatoriales !
M. Roland Muzeau. Et s'il n'y a qu'un représentant ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Madame Procaccia, je partage totalement votre analyse. Cette question concerne l'ensemble des collèges, et il est important que chacun d'eux recherche la représentation la plus équilibrée possible.
M. Roland Muzeau. On croit rêver !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Non, nous devons tous, à tous les niveaux - et c'est vrai aussi bien dans le monde syndical que dans le monde politique -, travailler en faveur de cette évolution vers une représentation équilibrée des femmes et des hommes. (M. Roland Muzeau s'exclame.)
M. le président. En conséquence, l'article 13 bis est ainsi rédigé.
Article 13 ter
Après le huitième alinéa de l'article L. 433-2 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ces listes respectent, à l'unité près, dans un délai de cinq ans, la proportion de femmes et d'hommes de chaque collège électoral. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 34, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le huitième alinéa de l'article L. 433-2 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour ce faire, les organisations présentant des listes de candidats devront faire en sorte de présenter une proposition de femmes et d'hommes réduisant d'un tiers, par rapport au précédent scrutin, l'écart entre la représentation du sexe sous-représenté au sein des listes et sa part dans le corps électoral selon les modalités prévues à favoriser la progression du pourcentage des femmes élues ».
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. S'agissant de la présence des femmes au sein des instances délibératives et représentatives du personnel dans les comités d'entreprise et parmi les délégués du personnel, des points de désaccord subsistent entre les deux assemblées.
Contre l'avis du Gouvernement, les députés sont revenus à une rédaction plus contraignante que celle qui avait été adoptée en première lecture par le Sénat.
À l'objectif de représentation équilibrée des hommes et des femmes sur les listes électorales, les députés ont substitué le respect d'ici à cinq ans du principe de parité à l'unité près des listes de candidatures.
Reprenant l'argumentation de Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, dans un « esprit de volontarisme réaliste », la majorité sénatoriale, dont on sait par ailleurs qu'elle n'est pas franchement favorable aux mesures législatives contraignantes pour réaliser la parité dans la sphère politique, ni particulièrement prompte à garantir l'exercice du droit syndical, ne s'oppose pas frontalement au texte tel qu'il a été adopté par les députés ; elle tente néanmoins d'introduire plus de souplesse.
Ainsi, il est proposé de confier aux inspecteurs du travail le soin d'autoriser des dérogations aux exigences législatives posées. Permettez-moi d'attirer l'attention sur le fait que l'on demande de plus en plus de choses aux inspecteurs du travail !
Cette solution ne nous paraît pas opportune, en raison principalement du nombre notoirement insuffisant d'inspecteurs du travail - il en manque 700 -, lesquels manquent de moyens et de temps, y compris pour remplir pleinement des missions considérées comme prioritaires, telles que la santé au travail et les conditions de travail.
Comment imaginer dans ces conditions que, demain, le Gouvernement fasse intervenir en priorité son corps d'inspection pour éviter les situations de blocage qui ne manqueront pas d'arriver lorsque les organisations syndicales seront dans l'impossibilité de présenter des listes de candidatures paritaires ? Il est fort à craindre que nombre de comités d'entreprise ne puissent être constitués, privant de fait les salariés de délégués participant à la détermination des conditions collectives de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises.
Cette situation affaiblissant encore le syndicalisme français ne serait pas sans déplaire au patronat qui s'accommode aujourd'hui de l'absence d'institutions représentatives du personnel dans un trop grand nombre d'entreprises, un patronat peu exigeant concernant la représentativité des syndicats avec lesquels il négocie et signe des accords dérogatoires au code du travail.
Si nous sommes favorables à toute disposition de nature à satisfaire l'exigence de parité, nous regardons avec beaucoup de précaution les articles 13 ter et 13 quater, qui pourraient avoir pour conséquence de fragiliser encore davantage le droit des salariés à être collectivement représentés.
Nous n'oublions pas que ce gouvernement, vantant pourtant la démocratie sociale, n'a de cesse de décourager l'engagement syndical en multipliant les obstacles à un vrai exercice de la liberté syndicale.
Pour s'en convaincre, il suffit de regarder la hausse des demandes de licenciement des salariés protégés, le nombre d'autorisations données. Il suffit également de regarder les incidences, notamment sur l'engagement des femmes, de l'extension de deux à quatre ans de la durée des mandats des représentants du personnel.
J'en viens maintenant à notre proposition de réécriture des articles 13 ter et 13 quater.
Sur le modèle des dispositions actuellement applicables aux élections prud'homales, nos amendements visent à un objectif de mixité des listes et des élus, respectivement pour les élections des comités d'entreprise et des délégués du personnel, solution qui, tout en tenant compte des réalités de l'entreprise, de sa composition sociologique selon les activités considérées, reste néanmoins exigeante dans la mesure où la progression du pourcentage de femmes élues, notamment, est un objectif posé.
Enfin, il nous faut refuser le parallèle établi avec les élections politiques pour une raison simple : en France, les élections politiques sont soumises à des exigences et à des contraintes financières de la part de l'État, ce qui n'est absolument pas le cas dans les entreprises. C'est donc un argument qui s'ajoute à ceux que je viens d'avancer.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mme Sittler, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour insérer un alinéa après le huitième alinéa de l'article L. 433-2 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :
L'inspecteur du travail peut, à la demande motivée d'une organisation syndicale représentative, autoriser des dérogations au présent alinéa.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Esther Sittler, rapporteur. Les arguments intéressants développés par M. Muzeau ont conduit la commission à déposer un amendement.
L'article 13 ter prévoit que les listes de candidatures aux élections du comité d'entreprise devront respecter « à l'unité près, dans un délai de cinq ans, la proportion de femmes et d'hommes de chaque collège électoral ».
Il faut cependant prévenir le risque que certaines organisations syndicales représentatives ne soient pas en mesure, dans certaines entreprises, de présenter une liste conforme aux exigences de parité.
On peut même imaginer que certains comités d'entreprise ne puissent être constitués faute de listes conformes aux exigences de la loi. Une souplesse est donc indispensable. À cette fin, la commission propose au Sénat d'insérer une disposition qui permettra, à la diligence de l'inspecteur du travail, de prévenir ces risques.
M. le président. Le sous-amendement n° 42, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par l'amendement n°6, remplacer les mots :
L'inspecteur du travail
par les mots :
Le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Il nous paraît plus raisonnable que ce soit le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, et non l'inspecteur du travail, qui autorise les dérogations. Tel est l'objet de ce sous-amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 34 et sur le sous-amendement n° 42 ?
Mme Esther Sittler, rapporteur. La commission est favorable au sous-amendement n° 42 et défavorable à l'amendement n° 34, l'amendement n° 6, modifié par le sous-amendement du Gouvernement, lui paraissant en effet plus souple.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 34 et 6 ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 34 et favorable à l'amendement n° 6, sous réserve de l'adoption de son propre sous-amendement.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote sur l'amendement n° 34.
Mme Hélène Luc. L'amendement n° 34 est important. Certes, madame le rapporteur, l'amendement n° 6 de la commission va dans le même sens, mais notre texte est beaucoup plus clair. Nous ne le retirerons donc pas.
Comme l'a fort bien démontré mon ami Roland Muzeau, la situation des femmes au travail est marquée par le chômage - une travailleuse sur quatre de moins de vingt-cinq ans est aujourd'hui sans emploi -, mais aussi par la lutte contre le travail précaire et par l'extension du temps partiel subi.
La discussion sur l'égalité salariale passe forcément par la précarité extrême, reconnue et démontrée, de la situation des femmes qui travaillent.
La délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, présidée par Mme Gisèle Gautier, avait très opportunément commandé un sondage téléphonique sur la situation professionnelle des femmes et sur l'application de la loi du 9 mai 2001, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dite « loi Génisson ».
Elle a souhaité que l'enquête, afin d'avoir une valeur statistique solide, soit conduite sur un échantillon large de 2 000 responsables des ressources humaines d'entreprises de cinquante salariés et plus.
L'enquête, qui a été réalisée du 27 septembre au 18 octobre 2004, produit des résultats très révélateurs de la persistance des inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes, et montre que les femmes demeurent minoritaires au sein des fonctions dirigeantes et parmi les rémunérations les plus élevées de l'entreprise.
Quant à la loi Génisson, les résultats du sondage prouvent que son application reste médiocre. Ainsi - et j'appelle votre attention sur ces chiffres, mes chers collègues -, 33 % des entreprises du secteur de l'hôtellerie et de la restauration comptent plus de 60 % de femmes travaillant à temps partiel, contre 5 % en moyenne.
L'analyse, réalisée au vu des résultats de ce sondage, du nombre de femmes figurant parmi les dix rémunérations les plus élevées des entreprises laisse apparaître une forte inégalité salariale entre les femmes et les hommes. En effet, si la proportion de femmes parmi les dix salaires les plus élevés était conforme au taux d'activité des femmes, il devrait y avoir trois ou quatre femmes parmi les dix premiers salaires. Or, dans 23 % des entreprises, aucune femme ne figure parmi les dix premières rémunérations et, dans 71 % des cas, on compte moins de trois femmes.
Même au sein des entreprises les plus féminisées, on relève des inégalités importantes de rémunération entre les femmes et les hommes. Ainsi, seules 56 % des entreprises employant 80 % de femmes comptent cinq femmes ou plus parmi les dix premières rémunérations.
S'agissant de l'organisation de négociations spécifiques sur le thème de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, prévue par la loi, on note que 72 % des entreprises n'en ont jamais organisé.
Dans 19 % des entreprises, les négociations spécifiques prévues par la loi ont eu lieu en 2004, soit le même taux qu'en 2002 et légèrement moins qu'en 2003, année au cours de laquelle le pourcentage était de 23 %. Cette proportion monte à 32 % parmi les entreprises de plus de 1 000 salariés.
Ce sondage, réalisé par l'IFOP, a été présenté à la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes par Mme Parisot qui, depuis, est devenue la présidente du MEDEF. C'est avec beaucoup de conviction et de volonté qu'elle avait alors déclaré qu'il fallait que cela change.
Mais aujourd'hui, Mme Parisot n'a de cesse d'aggraver la précarité de la situation des travailleurs. Et on sait bien que, lorsque la précarité s'accroît pour les hommes, elle augmente de manière encore plus forte pour les femmes.
C'est pourquoi je demande au Sénat d'adopter l'amendement n° 34, qui vise à instituer la mixité dans les élections de délégués du personnel et parmi les membres des comités d'entreprise.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Permettez-moi d'apporter une précision, madame la ministre.
Il y a une différence essentielle entre le dispositif prévu par l'amendement n° 6 de la commission, modifié par le sous-amendement n° 42, et celui que nous préconisons dans l'amendement n° 34, même si les propositions que vous formulez me paraissent relativement intéressantes : vous ne tenez pas compte de la part des hommes et des femmes dans le corps électoral de l'entreprise.
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Roland Muzeau. Je connais bien le monde de l'entreprise, tout comme Mme Procaccia, je le sais. Certaines entreprises emploient 80 % d'hommes et 20 % de femmes, d'autres 80 % de femmes et 20 % d'hommes. Vous ne pouvez pas, dans ces entreprises, exiger la constitution d'une liste paritaire : un homme, une femme. Cela ne peut pas fonctionner !
Dans l'ensemble du corps électoral français, l'égalité prévaut, même si l'on compte un peu plus de femmes que d'hommes. La parité ne souffre là aucune discussion - c'est du moins notre point de vue.
Mais il n'en est pas de même pour le fonctionnement d'une entreprise. Les hommes et les femmes ne se répartissent pas comme dans la société, et il faut donc intégrer le critère de proportionnalité.
Madame la ministre, madame le rapporteur, vous ne pouvez pas éluder la part respective des hommes et des femmes dans le corps électoral des entreprises. Il faut donc imposer la proportionnalité : une représentation égale, mais à proportion des effectifs représentés dans l'entreprise ; sinon, cela ne fonctionnera pas.
Mme Hélène Luc. Bien sûr !
M. Roland Muzeau. Les organisations syndicales, dans l'immense majorité des cas, ne pourraient pas souscrire à un dispositif ne respectant pas cette proportionnalité.
Je vous invite donc à rectifier le mécanisme que vous nous proposez, car il s'agit d'un point très important.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Esther Sittler, rapporteur. Monsieur Muzeau, la commission a tenu compte des difficultés que vous avez soulevées : l'inspecteur du travail, ou le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle si le sous-amendement du Gouvernement est adopté, pourra autoriser des dérogations, à la demande motivée d'une organisation syndicale.
M. Roland Muzeau. Je ne suis pas favorable à un système de dérogations !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous rappeler les termes de l'article 13 ter : « Ces listes respectent, à l'unité près, dans un délai de cinq ans, la proportion de femmes et d'hommes de chaque collège électoral. »
En d'autres termes, si l'on compte 25 % d'hommes dans l'entreprise, la représentation syndicale est de 25 % d'hommes. Il ne s'agit donc pas de listes comprenant un homme, une femme. Nous cherchons à respecter la composition de l'entreprise. Comme vous l'indiquiez à juste titre, monsieur Muzeau, une entreprise peut fort bien employer 80 % d'hommes et 20 % de femmes. Votre argument était donc pris en compte dans le corps même de l'article 13 ter.
Le dispositif intéressant proposé par la commission et sous-amendé par la commission, qui semble plus facile à mettre en place que la réduction d'un tiers à chaque élection, vise à permettre au directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle d'accorder une dérogation en cas de difficulté.
Ce texte tend donc à assurer une représentation plus équilibrée des personnels, proportionnelle à la composition de l'entreprise.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote.
Mme Gisèle Printz. J'aimerais bien savoir quelle organisation syndicale est contre la parité, contre l'égalité entre hommes et femmes ? (Sourires.)
M. le président. Des problèmes similaires se posent parfois au sein des partis politiques ! (Nouveaux sourires.)