compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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Modification de l'ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement m'a informé qu'il modifiait l'ordre du jour des séances du mardi 20 décembre, après-midi et soir, et du jeudi 22 décembre.
L'ordre du jour des prochaines séances s'établit donc comme suit :
Demain, jeudi 15 décembre, matin, après-midi, après les questions d'actualité, et le soir :
- Projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.
Vendredi 16 décembre, le matin :
- Suite du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.
L'après-midi et le soir :
- Projet de loi de programme pour la recherche.
Lundi 19 décembre, matin, après-midi et soir :
- Projet de loi de finances rectificative pour 2005.
Mardi 20 décembre, l'après-midi, le matin étant consacré aux questions orales :
- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2005 ;
- Suite du projet de loi de programme pour la recherche.
Mardi 20 décembre, le soir :
- Commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2006 ;
- Suite de l'ordre du jour de l'après-midi.
Mercredi 21 décembre, matin, après-midi et soir :
- Suite du projet de loi de programme pour la recherche.
Jeudi 22 décembre, matin, après-midi et, éventuellement, le soir :
- Commissions mixtes paritaires sur les projets de loi suivants :
- projet de loi relatif à la sécurité et au développement des transports ;
- projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers ;
- projet de loi d'orientation agricole ;
- projet de loi de finances rectificative pour 2005 ;
- Suite du projet de loi de programme pour la recherche.
Acte est donné de cette communication.
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rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, mon rappel au règlement concerne l'organisation de nos travaux, dont nous venons d'avoir eu partiellement connaissance.
De toute évidence, l'ordre du jour fixé par le Gouvernement ne permet pas, depuis plusieurs semaines, un examen serein et approfondi des projets de loi soumis au Parlement.
Le chevauchement inédit de deux débats très importants, à savoir l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement et l'examen du projet de loi de finances pour 2006, témoigne d'une désorganisation du travail parlementaire, qui nuit au principe de séparation des pouvoirs.
Comment ne pas déplorer le fait que, dans le cadre de la discussion budgétaire, le débat - attendu - sur l'impôt de solidarité sur la fortune ait eu lieu un lundi matin ? Comment ne pas regretter encore que l'examen du fameux « bouclier fiscal » ait eu lieu un samedi après-midi, les débats s'étant même poursuivis un dimanche, l'après-midi et le soir ?
Au cours de la dernière conférence des présidents, plusieurs voix de l'opposition, dont la mienne, s'étaient élevées contre cette manière de faire et contre la densification excessive des travaux d'ici au 23 décembre,...
M. Bernard Frimat. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... densification qui nuit, je le répète, à la qualité du travail d'élaboration de la loi.
Cette même conférence des présidents avait d'ailleurs rejeté l'idée de prévoir, ce mercredi soir, une séance consacrée à l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme. Or non seulement le Gouvernement n'a pas respecté ce souhait, mais, surtout, il a décidé, comme cela vient de nous être annoncé, d'avancer la discussion à dix-sept heures.
Le 16 décembre, nous devons commencer l'examen du projet de loi de programme pour la recherche. Or, le 19 décembre, au beau milieu de ce débat, nous devrions débuter l'examen du collectif budgétaire de 2005 et ne reprendre l'examen du projet de loi de programme pour la recherche que le mardi 20 décembre, après une séance constitutionnellement consacrée à des questions orales sans débat.
De toute évidence, ce calendrier osé - c'est le moins que l'on puisse dire ! - ne sera pas tenu, et le mois de décembre se terminera, comme on pouvait le craindre, dans la précipitation, la confusion, et certainement, malheureusement, dans l'indifférence de nos concitoyens.
Monsieur le président, je souhaite donc que la prochaine conférence des présidents, qui ne se tiendra que mardi prochain, puisse être informée de manière précise de l'organisation de nos travaux futurs,... et peut-être même pourrions-nous engager une réflexion sur nos travaux passés.
J'insiste également sur le maintien, mardi matin, de la séance de questions orales sans débat, outil important d'expression des parlementaires, de l'opposition en particulier.
Monsieur le président, j'interroge tout autant la présidence que le Gouvernement, et je souhaiterais obtenir des réponses précises. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Je confirme que la conférence des présidents se réunira mardi 20 décembre à onze heures. Elle nous permettra de fixer le nouvel ordre du jour et, éventuellement, de commenter l'ordre du jour des séances passées.
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PRéalable au Conseil européen des 15 et 16 décembre 2005
Débat sur une déclaration du Gouvernement
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, préalable au Conseil européen des 15 et 16 décembre 2005.
Avant de donner la parole à M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, je me félicite avec vous tous, mes chers collègues, qu'un débat préalable au Conseil européen soit organisé dans notre assemblée, comme cela a été le cas à l'Assemblée nationale.
C'est une demande que nous avions formulée depuis fort longtemps et, pour la deuxième fois, elle reçoit satisfaction.
Vous savez combien nous avons insisté, les uns et les autres, au nom du Sénat, pour que le Parlement puisse débattre en amont des grands enjeux des Conseils européens, de telle manière que les commissions, la délégation du Sénat à l'Union européenne et les groupes puissent exprimer leurs points de vue et dialoguer avec le Gouvernement. Ainsi, celui-ci, mieux informé, pourra participer aux débats européens de manière plus efficace encore.
Sur l'initiative de M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, ce voeu se réalise une fois encore aujourd'hui, après le premier débat qui s'est tenu ici même le 15 juin dernier.
Je me réjouis que s'établisse ainsi une coutume permettant d'associer toujours plus étroitement le Parlement aux différentes étapes de la construction européenne. J'observe d'ailleurs que cette consultation en amont est devenue une tradition chez nombre de nos partenaires européens.
M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. C'est sûr !
M. le président. Comme nous le savons tous, le sommet qui se tiendra demain et après-demain sera décisif pour tracer les perspectives d'avenir de l'Union européenne et définir les grandes enveloppes financières de son action dans les prochaines années. Il revêtira une dimension particulière au regard tant des conséquences de l'élargissement que de l'avenir, notamment de la politique agricole commune, si essentielle pour notre pays.
Le calendrier de nos travaux, particulièrement contraint par l'examen du projet de loi de finances et des autres textes inscrits à l'ordre du jour, et les dates mêmes du Conseil européen ne nous ont pas offert d'autre choix que d'entendre cette déclaration du Gouvernement en ce jour réservé à l'initiative parlementaire.
C'est la raison pour laquelle j'ai indiqué tout à l'heure que, lors de la prochaine conférence des présidents, certains seront sans doute amenés à commenter l'ordre du jour d'aujourd'hui, pour en tirer quelque enseignement.
M. Charles Gautier. Il sera temps !
M. le président. Monsieur le ministre, la conférence des présidents a accepté d'inscrire ce débat aujourd'hui à son ordre du jour, dans l'intérêt de l'information du Sénat tout entier. Pour autant, je souhaite que cela ne constitue pas un précédent et que nous prenions par la suite le temps nécessaire pour débattre des sujets européens, qui sont particulièrement importants !
La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, monsieur le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, mesdames, messieurs les sénateurs, le Premier ministre m'a demandé d'ouvrir ce débat aujourd'hui, à la veille du Conseil européen qui marquera la fin de la présidence britannique et qui constitue, vous le savez, un rendez-vous décisif pour l'avenir immédiat de l'Union européenne.
Dès le lendemain du vote du 29 mai dernier, le Premier ministre avait tenu à ce qu'un débat soit organisé avant chaque Conseil européen. Ce rendez-vous est devenu l'un des moments forts des relations entre le Gouvernement et le Parlement, ce dont je me réjouis. En effet, la représentation nationale - j'en ai la conviction profonde - doit être mieux associée au processus de décision européen.
Le Premier ministre a pris un certain nombre de décisions qui vont dans ce sens. Il a demandé aux ministres de rendre compte, devant les commissions parlementaires compétentes, des enjeux et des résultats des conseils des ministres de l'Union européenne. Catherine Colonna et moi-même veillons à nous exprimer aussi régulièrement que possible devant les commissions parlementaires et à y préciser le contenu des négociations communautaires qui ont lieu à Bruxelles.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a à peine six mois, une majorité de Français a rejeté le projet de Constitution. Ma conviction est qu'ils n'ont pas dit non à l'idée européenne, mais qu'ils ont refusé l'absence de visibilité sur l'évolution du projet européen. Les Français veulent savoir où va l'Europe, et ce que nous voulons pour elle.
Certes, l'Europe continue à fonctionner, mais nos concitoyens ne voient souvent plus quel est notre horizon collectif. Malgré des réussites indéniables, telles Galileo, les Européens, les jeunes notamment, ne se reconnaissent pas dans une ambition commune pour l'Europe.
Il faut donc redoubler d'efforts et travailler avec nos partenaires, d'abord pour une Europe dynamique qui renoue avec la croissance et l'emploi, ensuite pour une Europe capable de défendre son modèle social fondé sur la solidarité - c'est l'esprit même du projet européen -, enfin pour une Europe à la pointe de l'innovation, de la recherche et des nouvelles technologies.
Nous relèverons tous ces défis tout en défendant une Europe des projets, qui avance sur la base de décisions et de résultats réalistes et concrets. C'est un impératif si nous voulons montrer aux Français que l'Europe les protège et qu'elle garantit leur avenir.
Rien de tout cela ne sera possible si nous ne parvenons pas, dans l'immédiat, à régler la question du financement de l'Union après 2006. C'est l'enjeu central du Conseil européen qui s'ouvre demain à Bruxelles.
Autant le dire, la négociation sera difficile. Nous avons pris connaissance voilà une heure des dernières propositions britanniques et, malheureusement, elles ne fournissent pas une base pour un accord acceptable par tous.
Nous sommes déterminés à parvenir vendredi soir à un accord entre les vingt-cinq États membres sur ce qui constitue le premier budget pluriannuel de l'Union depuis le dernier élargissement. Un accord est, en effet, indispensable pour permettre la mise en oeuvre des politiques communes pour la période 2007-2013.
C'est important pour la France, pour nos régions, pour nos centres de recherche, pour nos agriculteurs, pour toutes celles et tous ceux qui bénéficient d'un appui financier de l'Union.
C'est important pour les nouveaux États membres de l'Union, dont la priorité est le rattrapage économique et social grâce au soutien de la politique régionale. Ce rattrapage, je le rappelle, aura de nombreux effets positifs sur l'économie française : il réduira notamment au sein de l'Union les possibilités de dumping social, qui inquiètent nos concitoyens.
Les pays de l'Union, en particulier les nouveaux États membres, ont besoin de connaître au plus vite le montant des fonds structurels qui leur seront alloués, afin de programmer les projets qui devront être mis en oeuvre dès 2007.
C'est donc dans un esprit de responsabilité que la France abordera demain le Conseil européen.
Après l'échec du Conseil européen du mois de juin dernier, il est d'autant plus important que nous trouvions un accord dès cette semaine. La France est prête, naturellement, à négocier, comme elle l'avait fait lors du dernier Conseil européen. Pour autant, elle n'acceptera pas un accord à n'importe quel prix.
Chaque pays doit faire face à ses responsabilités pour parvenir à un partage à la fois juste et équitable du financement de l'élargissement. La présidence britannique a, cela va sans dire, une responsabilité toute particulière. Nous attendons donc du Royaume-Uni qu'il accomplisse sa part du chemin, ce qu'il refuse toujours de faire.
Comme Catherine Colonna et moi-même l'avons rappelé à chaque Conseil Affaires Générales et comme le Président de la République le redira avec force cette semaine à Bruxelles, le budget de l'Union doit impérativement respecter trois principes : solidarité, équité, fidélité à la parole donnée.
Le principe de solidarité est au coeur de l'idée européenne et, plus que jamais, au coeur du budget, puisque c'est l'intégration économique et sociale des nouveaux États membres qui est en jeu.
La présidence britannique a proposé la semaine dernière une réduction de 8 % des fonds structurels à destination de ces pays : nous ne l'avons pas accepté. Elle suggère aujourd'hui une augmentation légère de ces crédits : ceux-ci ne sont toujours pas à la hauteur de l'enjeu.
S'agissant du principe d'équité, vous savez que la France a accepté, au mois de juin dernier, d'augmenter de 11 milliards d'euros sa contribution au budget européen pour la période 2007-2013. Elle a également accepté une réduction substantielle de ses retours sur les fonds européens.
Il s'agit d'un effort important, c'est un geste fort, mais l'effort doit être partagé par l'ensemble des pays riches de l'Union. Chacun doit prendre sa part du fardeau.
Or, jusqu'à présent, qu'a proposé la présidence britannique ?
Le Royaume-Uni a refusé obstinément de réviser le montant et le système du chèque britannique, alors même qu'il n'est plus dans la situation économique et sociale d'il y a vingt ans et que son chèque est devenu, de fait, une anomalie historique.
La question du rabais britannique est bien au coeur de la discussion. Elle l'est pour tous les États membres, pas seulement pour la France, même si notre pays, ne l'oublions pas, paie près de 30 % de ce rabais. Le maintien en l'état du rabais britannique signifierait, ni plus ni moins, une exemption du Royaume-Uni de sa contribution financière à l'élargissement, avec un transfert de charges principalement vers trois pays : la France, l'Italie et l'Espagne. C'est évidemment inacceptable, et la France ne l'acceptera pas.
Ce message, nous l'avons fait passer clairement aux autorités britanniques en espérant qu'elles en tiendraient compte. Or nous venons de prendre connaissance de la nouvelle proposition de la présidence britannique : cette nouvelle boîte de négociation démontre malheureusement que le Royaume-Uni n'est toujours pas prêt à assumer sa juste part du fardeau financier. Les nouvelles propositions sur le rabais britannique sont en effet identiques aux propositions précédentes, alors même que nous avions souligné que celles-ci ne pouvaient constituer une base de négociation.
La nouvelle boîte de négociation est donc inacceptable pour la France dès lors qu'elle refuse de réviser de manière durable et pérenne le mode de calcul du rabais britannique.
Nous voulons espérer que les autorités britanniques n'ont pas dit leur dernier mot à ce sujet et qu'elles comprendront la nécessité de s'engager enfin dans la voie d'un réexamen en profondeur du mécanisme du chèque britannique. En l'absence d'un tel changement de la part de Londres, il ne faut pas attendre de la France qu'elle adopte une autre position.
M. Gérard César. Très bien !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Sur ce sujet, le Gouvernement compte donc sur le soutien du Parlement.
Vous êtes appelés, mesdames, messieurs les sénateurs, à voter chaque année, dans le cadre du projet de loi de finances, le montant de notre contribution au budget de l'Union européenne. Toute modification des modalités de financement de l'Union européenne nécessitera votre accord. Plus nous serons unis pour défendre nos positions, mieux nous pourrons convaincre nos partenaires.
Le principe de fidélité à la parole donnée concerne plus particulièrement la politique agricole commune, la PAC, à laquelle nous sommes tous attachés.
Aujourd'hui, nos partenaires britanniques mettent en question l'avenir de la PAC, alors que son financement a fait l'objet d'un accord qui vaut jusqu'en 2013.
L'accord conclu - à l'unanimité, je le rappelle - en 2002 est donc doublement menacé.
D'une part, cet accord est menacé par les propositions britanniques, qui prévoient une nouvelle baisse pour les dépenses de marché de la PAC - de l'ordre de 2 milliards d'euros dans les propositions datant de la semaine dernière - par rapport à la proposition luxembourgeois du mois de juin dernier. Cette baisse est maintenue dans les dernières propositions dont nous avons eu connaissance voilà une heure.
D'autre part, cet accord est menacé parce que certains, nous le voyons bien, sont tentés de faire de l'agriculture la variable d'ajustement des négociations à l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC.
La France a clairement dit au commissaire au commerce extérieur, M. Peter Mandelson, et au président de la Commission, M. José Manuel Barroso, qu'elle s'opposerait à tout accord partiel sur l'agriculture. Nous voulons un accord global et équilibré, qui prenne en compte les intérêts de l'Europe dans l'industrie et les services et qui soit également bénéfique aux pays en voie de développement, notamment aux plus pauvres. N'oublions que le cycle de Doha est avant tout le cycle du développement !
S'agissant du budget européen, le Gouvernement est disposé à discuter dès avant 2013 d'une large réforme du budget, qui devra porter sur toutes les dépenses et sur toutes les ressources. Il s'agit d'amplifier, pour l'après-2013, la modernisation du budget de l'Union, notamment pour les politiques de recherche, qui, je le rappelle, augmenteront de près de 30 % dès 2007 si l'on s'en tient aux propositions luxembourgeoises du mois de juin dernier.
La réforme du budget de 2014 devra être préparée avec minutie. Elle ne saurait remettre en cause la stabilité dont ont besoin les régions, les ménages, les entreprises, les chercheurs, les agriculteurs européens. Elle ne devra donc produire ses effets qu'après 2013.
Le Gouvernement n'acceptera aucune remise en cause de la PAC avant cette échéance. La PAC connaît d'ores et déjà une profonde réforme, dont la dernière en date, celle de 2003, ne produira totalement ses effets qu'en 2008.
Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de l'Union pour la période 2007-2013 devra préserver la PAC en garantissant le maintien du montant des aides directes versées à nos agriculteurs jusqu'en 2013.
Même si la question du budget doit occuper l'essentiel du Conseil européen, les chefs d'État et de gouvernement doivent aussi prendre des décisions sur trois autres sujets importants.
D'abord, le statut de l'ancienne République yougoslave de Macédoine : la Commission européenne a recommandé le 9 novembre dernier que ce pays reçoive le statut de candidat à l'Union.
La France abordera cette question avec une double exigence.
La première, c'est la stabilité des Balkans, qui repose aujourd'hui en grande partie sur la perspective européenne, avec trois étapes distinctes : d'abord, la signature d'accords de stabilisation et d'association - tous les pays de la région en ont signé ou ont entamé les négociations pour y parvenir - ; ensuite, l'octroi du statut de candidat que demande aujourd'hui l'ancienne République yougoslave de Macédoine ; enfin, l'ouverture de négociations d'adhésion, comme cela a été décidé le 3 octobre dernier pour la Croatie.
Tout cela devrait nous permettre d'ancrer la paix dans cette région de l'Europe trop souvent instable et d'y garantir, dans le même temps, le respect des droits de l'homme et des minorités.
La seconde exigence, c'est de préserver l'adhésion des citoyens européens à l'Union. Or, nous le savons, les derniers élargissements n'ont pas toujours été compris : les Français ont le sentiment d'être entraînés dans une fuite en avant, un processus irréversible où l'élargissement n'aurait pas de fin, et ce alors même que l'approfondissement politique de l'Europe marque le pas.
Pour la Macédoine, comme pour l'ensemble des pays candidats à l'entrée dans l'Union, nous disposons d'un certain nombre de garanties.
La Commission l'a rappelé : l'octroi du statut de candidat à la Macédoine ne signifie en aucune manière l'ouverture des négociations.
Par ailleurs, les critères d'adhésion ont été complétés : la capacité d'absorption par l'Union sera désormais un critère essentiel pour l'ouverture et la conduite des négociations d'adhésion.
Enfin, en tout état de cause, vous le savez, nos concitoyens auront le dernier mot : cette exigence est désormais inscrite dans la Constitution.
Le Conseil européen devra aussi se prononcer sur la question de la TVA à taux réduit. La France est déterminée à obtenir, dans ce domaine, un résultat concret.
Nous voulons pérenniser la TVA à taux réduit qui s'applique aujourd'hui aux services d'aide à la personne et aux travaux à domicile dans le secteur du bâtiment. Dans ces secteurs, la TVA à 5,5 % a créé plus de 40 000 emplois et a fait reculer le travail illégal. Il est important d'assurer aux professionnels de ces secteurs la visibilité dont ils auront besoin au-delà du 1er janvier 2006, pour établir leurs devis et assurer leurs commandes.
Par ailleurs, nous allons tout faire pour étendre la TVA à taux réduit à la restauration, le Premier ministre l'a redit hier : c'est une mesure nécessaire si nous voulons créer des emplois dans ce secteur important pour notre économie.
Enfin, le Conseil européen devrait évoquer également - c'est le dernier sujet important - la révision de la directive « Temps de travail ».
Le Conseil des ministres de l'Union européenne en charge de l'emploi du 8 décembre dernier n'est pas parvenu à trouver un accord sur la révision de cette directive de 1993.
La France souhaite la disparition progressive de la clause d'exemption de cette directive, parce qu'elle permet trop souvent aux États membres de s'exonérer de la durée du travail hebdomadaire maximale autorisée dans l'Union.
Bien entendu, cette norme européenne ne pourra pas être appliquée uniformément dans tous les secteurs ou dans tous les États : nous avons besoin, avant tout, d'une approche flexible et progressive.
Je rappelle que la directive n'empêche pas, bien sûr, les États qui le souhaitent d'appliquer une législation plus protectrice pour les salariés : la législation française n'est donc ni menacée ni modifiée par le contenu de la directive.
Enfin, nous souhaitons sécuriser notre système de décompte forfaitaire du temps de garde, notamment dans les hôpitaux et le secteur médico-social. Sur une question qui préoccupe tant nos compatriotes, il est essentiel que nous puissions parvenir à un accord.
Pour terminer, je veux évoquer plus brièvement deux autres sujets inscrits à l'ordre du jour de ce Conseil européen.
Il s'agit en premier lieu de la lutte contre l'immigration clandestine, qui concerne l'ensemble des pays membres de l'Union. Chacun a en mémoire les événements dramatiques survenus à Ceuta, il y a quelques mois.
Sur l'initiative de la France et de l'Espagne, l'Union européenne se mobilise, et la Commission proposera bientôt les premières lignes d'un partenariat européen en trois volets.
Premier volet, un meilleur contrôle des frontières de l'Europe : c'est la vocation de l'Agence européenne qui se met en place à Varsovie, avec pour objectif de parvenir à une police européenne des frontières.
Deuxième volet, l'amélioration de la mise en oeuvre des accords de réadmission avec les pays tiers.
Troisième volet, la mise en oeuvre d'une politique de co-développement plus ambitieuse, indispensable si nous voulons répondre aux raisons de fond qui sont à l'origine de l'immigration. On ne traitera pas le problème de l'immigration clandestine uniquement en plaçant des policiers aux frontières, on le règlera par le développement et le co-développement, d'où l'idée d'un outil financier bancaire euro-méditerranéen.
La France rappellera demain l'importance d'une relance du processus euro-méditerranéen pour répondre notamment à ces défis.
Enfin, le Conseil européen doit adopter une « Stratégie de l'Union européenne à l'égard de l'Afrique ».
Cette stratégie préfigure le sommet Europe-Afrique qui devrait avoir lieu en 2006. C'est une nouvelle étape dans les relations avec l'Afrique, après les engagements pris par le Conseil européen de juin dernier.
L'aide publique au développement devrait être augmentée collectivement à hauteur de 0,7 % du revenu national brut d'ici à 2015. La moitié de cette augmentation sera réservée à l'Afrique, soit l'équivalent de 23 milliards d'euros supplémentaires par an d'ici à 2015.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tous les enjeux que je viens de rappeler exigent une Europe forte, ambitieuse et solidaire.
Avec le Premier ministre, je formule le voeu que le Conseil européen des 15 et 16 décembre nous donne les moyens de cette ambition.
Les négociations risquent d'être extraordinairement difficiles au regard des dernières propositions britanniques et du refus persistant de Londres d'accepter de payer sa simple part du financement de l'élargissement.
Le Président de la République, qui conduira les négociations pour la France, est néanmoins déterminé à tout faire pour que ce Conseil européen soit un succès.
Au-delà du Conseil européen de demain, un travail de longue haleine sera indispensable pour restaurer la confiance. La France prendra toute sa part dans cet effort. Nous le ferons, Catherine Colonna et moi-même, en proposant des avancées concrètes, des projets pragmatiques et réalistes, qui répondent aux aspirations des citoyens de l'Union.
C'est indispensable : l'Europe doit à nouveau démontrer aujourd'hui qu'elle est efficace, qu'elle agit au quotidien et que le projet européen est plus que jamais une grande ambition pour le XXIe siècle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, nous saurons à la fin de la semaine si l'Union européenne a pu trouver un accord sur les perspectives financières 2007-2013, ce qui revient à dire que nous saurons alors si l'Union a pu se redonner des perspectives tout court. Car, à travers les choix financiers qu'elle décide, c'est bien l'ensemble de ses progrès politiques, de ses orientations et de sa stratégie qui est en cause. Or certaines de ces perspectives semblent bien incertaines.
Ses perspectives institutionnelles, d'abord. La dynamique qui s'était installée ces deux dernières années a été brisée net après les votes français et néerlandais, témoignant de ce que certains peuples, dont le nôtre, semblent ne plus reconnaître leur espérance dans cette Europe qu'ils comprennent mal.
Ses perspectives géographiques, ensuite. Nous voyons bien aujourd'hui que les perspectives de nouveaux élargissements de l'Union, au-delà des pays avec lesquels des négociations sont engagées ou prévisibles, sont désormais confuses.
Après l'obligation historique qui a fondé la vague d'élargissement - qui n'est pas encore achevée - au profit des pays de l'Europe centrale et orientale, après la délicate gestion de la candidature turque, la sagesse recommande sans aucun doute une pause dans les élargissements, mais cette attitude, on le sait, n'est pas partagée par tous nos partenaires.
En ce qui concerne, en particulier, l'Europe balkanique, dont certains des pays attendent aux portes de l'Union - je pense à la Macédoine -, nous savons qu'il faudra, là encore, trouver un compromis difficile entre, d'une part, l'invitation faite à ses peuples de progresser rapidement vers la réconciliation, la réforme, la démocratie, en échange d'une intégration promise à terme et, d'autre part, le rythme souhaitable et réaliste de futurs élargissements.
Les perspectives sont incertaines, enfin, sur l'identité ultime de l'Union entre deux modèles concurrents, celui d'un grand marché d'un côté, celui de l'union politique de l'autre, pour lequel la France a toujours oeuvré et que le projet de traité institutionnel permettait de conforter.
C'est dans ce climat de doute, d'incertitude et d'inquiétude que s'inscrit la négociation sur les perspectives financières.
La querelle budgétaire est désormais un « classique » du débat européen ; elle suit un cycle bien connu de rebondissements et de crispations, et nous sommes aujourd'hui au coeur d'une crise qui devra nécessairement trouver son dénouement au plus tard au début de l'année 2006.
Cette fois, cependant, l'exercice semble bien difficile, et même périlleux, après l'échec du projet luxembourgeois en juin et avec la nature même des propositions britanniques dont la dernière version, semble-t-il, ne modifie pas l'économie générale.
Pour des raisons de calendrier, d'abord, il importe d'aboutir à un accord sous présidence britannique afin de dénouer rapidement cette crise qui pèse lourdement sur le fonctionnement de l'Union.
Mais un accord rapide est aussi et surtout nécessaire pour des raisons qui tiennent aux objectifs mêmes de l'Union. Au-delà du débat sur le poids financier de telle ou telle politique, c'est bien la capacité et la légitimité de l'Union à mener des politiques communes qui est en question.
Entre les lignes des propositions britanniques que décèle-t-on ? Il y aurait, d'un côté, les partisans de la « modernité », qui voudraient la remise à plat des politiques de l'Union et, de l'autre, ceux de la « tradition », par principe opposés aux réformes. La réalité n'est pas celle-là !
L'ambition qui anime les Européens, c'est de construire l'Europe comme un espace de paix et de prospérité à même de faire valoir des intérêts communs.
Cette ambition repose sur des règles communes, mais aussi sur l'exercice de solidarités quotidiennes qui sont l'essence même des politiques communes. La politique agricole et la politique régionale traduisent concrètement ce modèle original d'intégration.
Plus récemment, la stratégie de Lisbonne a défini des objectifs de croissance et d'emploi pour redonner un élan aux économies des États membres. Dans un contexte où les Européens, singulièrement les Français, ne semblent plus percevoir les bénéfices de la construction européenne, une action dans ces domaines est plus que jamais nécessaire.
Le financement des infrastructures, l'objectif de croissance et d'emploi, la promotion de la recherche et de la compétitivité font naître de nouveaux besoins. Ces ambitions pour l'Europe appellent un financement équitable.
La politique agricole commune est aujourd'hui au coeur d'une double pression : celle de la présidence britannique, mais aussi, au même moment, celle de la négociation de l'OMC. Or la PAC n'a rien de ce monstre immobile qui serait à l'origine de tous nos maux.
La PAC a en effet été réformée à plusieurs reprises. En vingt-cinq ans, sa part dans le budget européen est passée de 90 % à 43 %. En octobre 2002, dans la perspective de l'élargissement, les Quinze se sont accordés sur le plafonnement des dépenses agricoles au niveau de 2006 sur la durée des prochaines perspectives financières. À vingt-cinq États membres, les dépenses agricoles ne seront pas supérieures à ce qu'elles représentaient pour quinze.
Après cette réforme, nous pouvions légitimement penser que cette question de la politique agricole commune était réglée, au moins pour un temps. Cela ne doit pas nous empêcher de commencer à réfléchir ensemble, dès maintenant, à l'après-2013 et à ce que pourraient être les contours techniques, politiques et financiers d'un nouveau compromis agricole pour l'Europe.
Faut-il rappeler, en revanche, que le « rabais » britannique, instauré en 1984, il y a plus de vingt ans et sans limitation de durée, n'a été réexaminé qu'une seule fois, en 1999, par un mécanisme complexe destiné à en limiter le coût pour les principaux contributeurs ?
La France en finance désormais le tiers mais, surtout, cette « taxation » touche aussi les États membres dont le revenu national est inférieur, et ce alors même que les écarts de richesse se sont accrus au sein de l'Union après l'élargissement et que le revenu national britannique a notablement progressé.
C'est bien dans la réduction du rabais britannique, ou à tout le moins dans son plafonnement, que se situe aujourd'hui la véritable réforme.
Faut-il aller vers une correction des soldes de tous les contributeurs nets, comme le proposent certains ? Je ne le pense pas.
En effet, à moyen terme, la réduction des écarts de richesse entre les États membres est dans l'intérêt même de l'Union. C'est dans cet esprit que nous avons dit aux Français qu'il ne fallait pas craindre l'élargissement ni l'afflux massif de travailleurs venus d'Europe centrale et orientale. Forts des exemples irlandais, espagnol et portugais, nous avons démontré que ces États pouvaient gérer des transitions douloureuses et assurer leur croissance, dans l'intérêt d'une Europe plus forte, plus cohérente et plus harmonieuse.
Cette solidarité a un prix. Il revient aux États les plus riches de l'assumer équitablement. Or c'est sur les nouveaux membres que les propositions britanniques font porter l'effort, au risque de perpétuer une fracture entre anciens et nouveaux membres.
La présidence a certes fait valoir que les conditions d'octroi des aides régionales pourraient être assouplies par l'abaissement de la part nationale des cofinancements, par l'inclusion de la TVA dans ces cofinancements et par la possibilité d'utiliser les fonds sur une plus longue période.
Une telle perspective pourrait conduire les nouveaux membres à accepter une réduction des aides, qu'ils avaient d'ailleurs eux-mêmes proposée en juin dernier, en contrepartie de la certitude d'une mise en place rapide. Mais, reconnaissons-le, la symbolique est désastreuse.
Si un compromis devait être trouvé sur ces bases, ce serait au détriment d'une véritable réforme du financement de l'Union. La réduction du rabais britannique ne serait que la contrepartie mécanique d'une réduction des dépenses : un tel compromis n'est pas acceptable.
J'observe aussi, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, que les difficultés que rencontre l'Union pour financer son élargissement témoignent de la pertinence de la condition qu'a toujours posé notre pays à de nouvelles adhésions : celle de sa capacité à absorber de nouveaux États.
Alors que certains de nos partenaires soutiennent l'ouverture de nouvelles négociations, je crois que ce serait tromper à la fois ces candidats, mais aussi nous-mêmes, que de considérer que l'Union a la capacité financière, mais surtout politique, de s'élargir toujours plus. C'est pourquoi, en toute logique, il importe de développer, mais surtout de préciser une politique de voisinage ambitieuse et dynamique afin de lever des ambiguïtés encore trop présentes quant aux objectifs ultimes de notre partenariat avec les États voisins.
J'évoquais tout à l'heure les perspectives incertaines de l'Union. Je ne voudrais pas omettre ses nombreuses réalités, parmi lesquelles je mentionnerai plus spécialement la défense commune ainsi que la politique étrangère et de sécurité.
Je prendrai un seul exemple : vue de Paris, la mission qui vient d'être confiée à l'Union pour le contrôle de la frontière entre Gaza et l'Égypte peut paraître modeste. En réalité, elle ne l'est pas sur le terrain, où la vie de milliers de Palestiniens commence à changer. Mais c'est une avancée qui est aussi un symbole lourd de sens : elle illustre qu'au moment où elle se débat dans une négociation interne difficile l'Europe représente une forte espérance hors de ses frontières. Je forme des voeux pour qu'elle en redevienne une, et vite, pour ses propres citoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.
M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, les sujets à traiter lors du Conseil européen sous présidence britannique illustrent assez bien, malheureusement, ce qui ne va pas aujourd'hui en Europe.
Je commencerai par le plus petit de ces sujets - ce qui ne veut pas dire qu'il soit sans importance - à savoir la TVA à taux réduit.
Tout d'abord, est-il normal que les taux de TVA sur la restauration ou sur les travaux dans l'habitat ancien relèvent d'une décision européenne ? À l'évidence, la réponse est non, trois fois non !
En effet, il n'y a pas d'incidence transfrontière, pas de distorsion de concurrence possible. Si l'on avait respecté le principe de subsidiarité, l'Europe aurait laissé chaque État membre statuer dans de tels domaines. Et, aujourd'hui, nous n'aurions pas besoin d'une décision à l'unanimité des vingt-cinq États membres pour régler un problème particulier qui n'a rien d'européen.
Ensuite, est-il normal que cette question doive être traitée par le Conseil européen ? La réponse est non, trois fois non !
Le traité sur l'Union européenne, dans son article 4, définit le rôle du Conseil européen de la manière suivante : « Le Conseil européen donne à l'Union les impulsions nécessaires à son développement et en définit les orientations politiques générales. »
Peut-on sérieusement dire que le taux réduit de la TVA entre dans ce cadre ? Non ! Seulement voilà, lorsque le Conseil des ministres ne parvient pas à statuer, il y a toujours la solution - de facilité - de faire remonter le niveau de décision d'un cran, en l'occurrence au niveau des chefs d'État et de gouvernement. Et, finalement, l'ordre du jour du Conseil européen se trouve encombré de questions qui n'y ont pas leur place.
Cela m'amène à évoquer un autre point de l'ordre du jour, qui est l'attribution du statut de pays candidat à la Macédoine.
Mon propos n'est pas de mettre en cause la candidature de ce pays : je connais bien la région des Balkans et j'y suis très attaché. Certes, pour l'ensemble des pays des Balkans, la perspective européenne est une incitation décisive à la paix et à la stabilité. Mais tout laisse à penser que, une fois encore, une décision significative concernant l'élargissement va être prise presque en catimini, alors qu'elle va inévitablement créer un précédent. Or il me semble qu'une des leçons du 29 mai 2005, c'est que nos concitoyens acceptent mal l'absence d'une doctrine européenne claire sur la question de l'élargissement.
Jusqu'où peut aller l'élargissement ? Pas de réponse ! Quels approfondissements sont prévus pour compenser l'élargissement alors que le traité constitutionnel est dans les limbes ? Pas davantage de réponse !
Comment s'étonner que nos concitoyens soient inquiets, désorientés, quand l'incertitude et la confusion règnent sur un sujet aussi central ?
Au lieu de décider au coup par coup, sans vision d'ensemble, les chefs d'État et de gouvernement devraient avoir un débat de fond sur l'élargissement, ses limites et ses contreparties institutionnelles, afin de clarifier les choses une fois pour toutes.
J'en viens au sujet phare de la réunion, à savoir les perspectives financières.
Le grand danger que court l'Europe, depuis les résultats négatifs des référendums organisés en France et aux Pays-Bas, est que la tendance au « chacun pour soi » l'emporte de plus en plus.
La négociation sur les perspectives financières est un révélateur de cette tendance. Les progrès de l'Europe ont toujours passé par des compromis à la fois équilibrés et porteurs d'avenir ; et, lorsqu'il il était clair que ce point d'équilibre était trouvé, un consensus s'établissait. Or, cette fois-ci, il en a été autrement. La présidence luxembourgeoise avait pourtant défini, après beaucoup d'efforts, un bon compromis, un bon équilibre, mais ce compromis n'a malheureusement pas fait l'unanimité.
J'ajoute que, d'ordinaire, la présidence fait tout pour parvenir à un accord. Afin de réussir dans son rôle d'« honnête courtier », elle est normalement disposée à faire même un peu plus d'efforts que les autres. Nous n'avons rien pu observer de tel, jusqu'à présent, avec la présidence britannique.
Dans ce contexte inquiétant, une crise n'aurait aucune chance d'être salutaire, contrairement à ce que l'on prétend parfois : l'absence d'accord sur des perspectives financières présenterait au contraire de graves inconvénients.
Bien sûr, l'Europe peut vivre sans elles, mais les perspectives financières donnent de la visibilité, permettent d'inscrire les politiques européennes dans la durée. En même temps, elles encadrent le débat budgétaire annuel.
Sans perspectives financières, nous assisterons chaque année à une guérilla entre le Parlement européen et le Conseil, avec une incertitude permanente. Et il sera très difficile aux nouveaux États membres de programmer les travaux, cofinancés par l'Union, qui doivent permettre leur convergence économique et sociale avec les anciens États membres.
Un accord est donc souhaitable dès que possible. Je ne veux pas surtout pas dire, naturellement, que n'importe quel accord serait préférable à une absence d'accord ! Je veux simplement dire que, si chacun brandit sans relâche ses « lignes rouges », nous n'avancerons pas.
Pour ce qui nous concerne, nous devons éviter le piège que constituerait le refus, le moment venu, d'un débat de fond sur la PAC. Certes, l'accord de Bruxelles protège les crédits de la PAC jusqu'en 2013, et ce point doit rester intangible. Mais un grand débat sur l'avenir de la PAC après 2013 ne doit pas nous faire peur : il est même nécessaire !
La France ne manque pas d'arguments pour montrer que l'Europe a besoin d'une politique agricole commune, que cette politique est globalement efficace et capable d'évoluer. Ne nous laissons donc pas enfermer dans un rôle de gardien du passé quand d'autres incarneraient la modernité, et ne nous prêtons pas à un énième duel franco-britannique, qui serait pour le Royaume-Uni le meilleur des prétextes pour refuser le réexamen de son rabais.
Je souhaite donc, pour ma part, que notre pays se présente au Conseil européen en artisan du compromis, comme il l'a fait toujours fait, y compris sous la présidence luxembourgeoise : le compromis que proposait M. Juncker était bon !
Plus les antagonismes se durciront, plus le Royaume-Uni sera en situation de maintenir un statu quo qui lui est favorable.
C'est en faisant souffler un peu d'esprit européen sur la réunion du Conseil européen que notre pays défendra le mieux ses intérêts et qu'il sera le plus utile.
Nos concitoyens attendent des signaux positifs pour recommencer à croire en l'Europe. Un accord sur les perspectives financières serait un premier signal, mais il en faudrait d'autres !
Je crois que notre pays devrait pour cela reprendre l'initiative. En effet, la crédibilité européenne de la France a été lourdement affectée par le « non » au référendum. Si nous voulons regagner un peu du terrain perdu, nous devons contribuer à une relance européenne.
Cette relance doit s'effectuer sur des sujets concrets, correspondant à des attentes fortes de nos concitoyens.
Je citerai deux exemples.
Tout d'abord, une impulsion européenne en faveur de la croissance est indispensable, mais elle suppose une forte coordination des politiques économiques. L'action de M. Jean-Claude Juncker pour donner consistance à l'Eurogroupe est importante et doit être saluée. Mais un pas reste à franchir pour que l'Eurogroupe devienne ce « gouvernement économique » qui serait requis pour une gestion dynamique de la zone euro.
Ensuite, l'Union doit montrer qu'elle peut répondre au besoin de sécurité des Européens en menant une lutte plus efficace contre les diverses formes de délinquance transfrontalière. Cela suppose d'aller beaucoup plus vite dans la construction d'un véritable espace judiciaire européen. Et n'attendons pas que tout le monde soit d'accord sur ce point !
Lors d'une récente réunion de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, M. Robert Badinter a suggéré la mise en place d'une coopération renforcée dans ce domaine, ce qui est possible sur la base des traités actuels. Voilà un domaine, en effet, où tout laisse à penser qu'il faut envisager d'avancer sans le Royaume-Uni, comme ce fut le cas pour les accords de Schengen et pour l'euro.
En contribuant à une relance de la construction européenne sur des thèmes précis, notre pays présenterait un visage plus positif à l'Europe. Nous ne devons pas être le « pays du non », un pays craintif, frileux, uniquement préoccupé de se protéger. Au contraire, la France doit à nouveau apparaître comme un pays moteur et tourné vers les autres, car c'est de loin son meilleur visage.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, oui, la France se doit de contribuer à redorer le blason européen ; oui, elle se soit de donner une autre image des prises de décisions au sein du Conseil européen. Ainsi, notre pays retrouvera sa juste place dans le concert européen ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean François-Poncet.
M. Jean François-Poncet. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 30 mai 2005 au matin, au lendemain du référendum, nous nous posions avec inquiétude deux questions. Que resterait-il de l'influence de la France en Europe ? Comment relancerait-on la construction européenne, et avec qui, tant l'entente franco-allemande, sur laquelle tout avait été construit, paraissait menacée par les votes contradictoires des deux pays ?
À la première question, vous venez, monsieur le ministre, de nous apporter des réponses très encourageantes, notamment par la fermeté dont elles témoignent.
Tout indique que la résolution du Président de République, celle du Premier ministre, et la vôtre, ont fait réfléchir, sinon reculer, M. Tony Blair et que l'avenir de la politique agricole commune à moyen terme est assuré. C'est pourquoi je ne désespère pas, personnellement, de l'issue du Conseil européen.
Le coup de semonce adressé au négociateur de la Commission européenne à l'Organisation mondiale du commerce a tempéré sa frénésie de concessions. Il est vrai que la messe n'est pas dite et que la plus grande vigilance continue de s'imposer, à Hong-Kong et après.
Nous savons, monsieur le ministre, que vous veillerez avec la même fermeté à ce que la nouvelle version de la directive Bolkestein nous arrive expurgée de ce qui la rendait inacceptable.
Enfin, au sommet de Hampton Court, des projets ont vu le jour qui, s'ils sont mis en oeuvre, montreront à l'opinion ce que l'Europe peut concrètement apporter aux États membres en valeur ajoutée.
M. Raymond Courrière. Tout va bien !
M. Jean François-Poncet. Je salue donc, au nom de l'UMP, l'efficacité et la détermination du Gouvernement dans la conjoncture particulièrement difficile, il faut le dire, de l'après-référendum.
Reste la deuxième question, la question clé, qui concerne l'avenir de la construction européenne. Le Conseil européen du mois de juin dernier a invité les gouvernements à la réflexion. Six mois se sont écoulés. Où en sont nos réflexions ? Voici quelques modestes considérations que je me permets de verser au débat.
La France, monsieur le ministre, devra, le moment venu, prendre clairement position sur trois grands problèmes dont dépend l'avenir de l'Union : les institutions, la mondialisation et les frontières.
L'Union à 25, à 27 ou à 30 ne survivra pas avec les institutions du traité de Nice. Chacun en convient, en France et hors de France. La Convention européenne, présidée par M. Valéry Giscard d'Estaing a accompli dans ce domaine un travail remarquable qui, d'ailleurs, n'a jamais été sérieusement mis en cause dans la campagne référendaire. Par conséquent, moins on y touchera, mieux cela vaudra.
Encore faudra-t-il s'entendre avec nos partenaires sur la meilleure façon d'intégrer les principales dispositions constitutionnelles dans le corps des traités existants et décider, en ce qui nous concerne, si un nouveau référendum s'impose.
J'en viens à la mondialisation. L'assaut contre la Constitution a porté, nous en avons tous fait l'expérience, presque exclusivement sur la troisième partie du traité, qui ne changeait rien à l'existant et ne faisait que codifier « l'acquis communautaire », comme on dit en jargon bruxellois.
Si cet assaut a néanmoins reçu un écho dévastateur, c'est parce que l'Union a cessé d'être perçue comme un atout face à la mondialisation, parce que l'Union apparaît aujourd'hui comme son cheval de Troie. Il est essentiel que nous corrigions cette image et l'Union peut y parvenir en mettant en oeuvre deux politiques complémentaires.
L'une est offensive. Elle doit avoir pour objectif de rendre l'Europe compétitive, d'une part, en réalisant de courageuses réformes économiques et sociales et, d'autre part, en développant, avec d'importants moyens, la recherche, l'innovation, la création d'entreprises, et aussi, ne l'oublions pas, la mise à niveau de nos universités.
L'autre politique est protectrice, mais elle n'est pas protectionniste. Faire croire à un renouveau possible de la « préférence communautaire » susciterait de faux espoirs. Le récent et excellent rapport de la délégation du Sénat pour l'Union européenne l'a démontré on ne peut plus clairement.
Orientons-nous donc, comme nos amis américains, vers des mesures concrètes. Les États-Unis n'hésitent jamais à venir en aide à leurs secteurs industriels menacés à coups de tarifs anti-dumping ou d'avantages fiscaux. Soyons efficaces et pragmatiques.
En ce qui concerne les frontières de l'Union européenne, monsieur le ministre, la perspective de l'adhésion de la Turquie a déclenché, en France, mais aussi ailleurs en Europe, un puissant réflexe identitaire.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est vrai !
M. Jean François-Poncet. La majorité des Européens souhaitent, désormais, que l'Union soit bordée de frontières clairement établies, n'incluant que des pays unis par la géographie, l'histoire et la culture. Il est possible que cette aspiration contredise les intérêts stratégiques de l'Europe dans le Caucase et au Moyen-Orient. Mais le plus convaincant des plaidoyers géopolitiques n'y changera rien, tant cette aspiration à l'identité est profondément ancrée.
En l'ignorant, nous mettrions en danger non seulement l'adhésion de la Turquie - que, personnellement, je ne souhaite pas -, mais aussi les candidatures à l'entrée dans l'Union des pays héritiers de l'ex-Yougoslavie : la Croatie, la Macédoine et, plus tard, la Bosnie, le Kosovo, l'Albanie et la Serbie. Vous venez de souligner, et d'autres après vous, à quel point ces candidatures étaient essentielles à la stabilisation et à la démocratisation des Balkans.
Or chacune de ces éventuelles adhésions devra, après celles de la Roumanie et de la Bulgarie, et du fait de la réforme constitutionnelle du 28 février 2005, faire l'objet d'un référendum.
Voici ce que je redoute. Si les frontières de l'Union ne sont pas clairement fixées avant tout nouveau référendum, l'opinion, en France, aura le sentiment que la fuite en avant vers toujours plus d'élargissements a repris. Les adversaires auront beau jeu de dénoncer toute nouvelle adhésion comme étant un précédent à l'adhésion de la Turquie. Nous aurons beau, mes chers collègues, clamer le contraire, nous ne serons pas mieux entendus que nous ne l'avons été pendant la campagne référendaire.
Le fait est que l'élargissement de l'Union, après les adhésions de la Roumanie et la Bulgarie, ne dépendra plus, désormais, ni du Président de la République, ni du Gouvernement, ni du Parlement ; il relèvera du suffrage universel. Il est temps d'en mesurer les conséquences.
Sur ces trois points, institutions, mondialisation, frontières, les positions de la France et du nouveau gouvernement allemand sont heureusement très proches. La fracture que l'on pouvait redouter, au lendemain du référendum, ne s'est pas produite.
Quant au Royaume-Uni, il n'a pas saisi l'occasion unique que lui offrait le non de la France. Il a, me semble-t-il, laissé passer sa chance. J'ajoute que son attitude dans le débat budgétaire a pris à contre-pied ses meilleurs alliés d'Europe centrale et orientale. C'est donc à la France et à l'Allemagne qu'il appartiendra, une nouvelle fois, quand le moment sera venu, de reprendre le flambeau et de montrer à l'Europe le chemin à suivre, avec toute la modestie désormais requise.
La seule chose que ni l'Europe ni la France ne peuvent se permettre, c'est un nouveau référendum raté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'année 2005 a marqué un profond tournant de la construction européenne, telle que la France l'a toujours voulue et défendue.
Après notre « non » à la Constitution, après notre « oui » à l'ouverture des négociations avec la Turquie, le Conseil européen demande en réalité quelle Europe nous voulons et, si nous n'y prenons pas garde, j'y vois le réel risque que l'Europe que nous avons toujours voulue, c'est-à-dire l'Europe des solidarités de fait, l'Europe de l'intégration, nous échappe définitivement.
Je retiendrai deux questions : les perspectives financières 2007-2013, d'une part ; l'octroi du statut de candidat à la Macédoine, d'autre part, qui sous-entend, dès maintenant, le lancement d'une nouvelle vague d'élargissement de l'Union, cette fois en direction de l'ensemble des Balkans.
Madame le ministre, nous ne devons accepter ni un accord sur les perspectives financières à n'importe quel prix ni le dernier « paquet » proposé par la présidence britannique.
Le Président de la République, en donnant son accord au « paquet Juncker » en juin dernier, a montré la bonne volonté de la France, qui est prête à payer sa part de l'élargissement et à donner à l'Union européenne un budget lui permettant de répondre aux défis de la période 2007-2013. Ainsi, nous avons accepté d'augmenter de 11 milliards d'euros notre contribution sur cette période.
En revanche, le dernier « paquet » proposé par le Premier ministre britannique, où n'apparaît pas une volonté européenne, est inacceptable pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, il ne propose qu'un plafonnement forfaitaire, partiel et temporaire du « chèque britannique ».
Ainsi, le mécanisme proposé exonère toujours le Royaume-Uni de sa participation aux dépenses d'élargissement. Il ne suggère que de limiter son chèque à un montant fixé arbitrairement, et seulement pour la période 2007-2013. De ce fait, il ne répond en aucune façon au principe de la participation égale de tous à l'élargissement.
Il est choquant que soient dispensés de cet effort certains États membres parmi les plus riches.
Plus grave encore, ce chèque n'est pas remis en cause dans son principe même, alors qu'il a perdu sa raison d'être plus de vingt ans après le Conseil européen de Fontainebleau.
Par ailleurs, ce « paquet » signe l'arrêt de mort des politiques communes.
Tout d'abord, il accroît la dégressivité des aides directes agricole, notamment sous les plafonds sanctuarisés en 2002 au Conseil européen de Bruxelles. Ensuite, il taille dans les dépenses de développement rural, deuxième pilier de la PAC, dont nous savons qu'elles préparent l'avenir, puisqu'il s'agit du caractère multifonctionnel de l'agriculture. Enfin, il propose d'accroître la modulation des dépenses de la PAC-marché. Cela marquerait l'amorce d'une nouvelle réforme en profondeur de la PAC pour la période à venir, contrairement à ces accords de 2002. Nos agriculteurs ont déjà dû consentir des efforts très importants pour se mettre en ordre de bataille à l'OMC, comme en témoigne encore la récente réforme de l'Organisation commune du marché du sucre.
Ce « paquet » signe également la mort de la politique régionale et de la cohésion territoriale telle que nous l'avons toujours défendue.
En effet, le « paquet » Blair vise à donner 14 milliards d'euros en moins aux nouveaux États membres au titre de la politique de cohésion. Pour faire passer cette pilule amère, il bouleverse toutes les règles d'éligibilité qui assuraient la discipline et l'unité de cette politique. Pour les nouveaux membres, il supprime ainsi la règle n+2 pour les engagements et abaisse de 25 % à 15 % le seuil de cofinancement national, et ce pour les seuls États membres.
Par conséquent, M. Blair propose une politique de cohésion à deux vitesses : moins d'argent que prévu, mais un blanc-seing total sur les dépenses éligibles pour les nouveaux ; des règles strictes d'utilisation pour les anciens. Cela signifie le maintien des contraintes de programmation figurant dans le document unique de programmation, le DOCUP, et, à terme, la disparition d'une politique de cohésion pour tous, notamment la disparition programmée des programmes qui nous intéressent spécifiquement, tels que INTERREG et URBAN.
Enfin, avec un budget fixé à 1,03 % du revenu national brut de l'Union, M. Blair propose pour l'Union européenne à vingt-cinq un budget en régression. S'il en était ainsi, l'Union ne pourrait plus relever les défis les plus importants qui s'annoncent, comme la mondialisation et la stratégie de Lisbonne. Un budget moindre entraînera pour nous une augmentation de notre contribution au budget communautaire identique à celle qui résulte du « paquet Juncker ».
Personne ne parle de cet autre enjeu du Conseil européen qu'est le possible octroi du statut de candidat à la Macédoine. Pouvons-nous accepter que, demain, en catimini, comme le rappelait le président Haenel, le Conseil européen prenne la décision de lancer une nouvelle phase d'élargissement, alors que, nous le mesurons tous, nous sommes encore loin d'avoir absorbé le précédent ? Les Balkans sont en Europe, c'est une évidence. D'ici à vingt ans, ils auront sans doute tous rejoint l'Union européenne.
Avant de se poser la question de l'octroi du statut de candidat, le premier constat est que la stabilité politique n'existe pas dans la région ; c'est un leurre de croire que le statut de candidat suffira à l'instaurer.
Est-il urgent de relancer la fuite en avant de l'élargissement, alors que les incertitudes sur le fonctionnement institutionnel de l'Union sont, et pour longtemps, loin d'être apaisées ?
Madame le ministre, ne laissez pas l'équivoque s'installer. Peut-on lancer le signal d'un nouvel élargissement, alors qu'un État membre, non fondateur, serait exonéré de participer à son financement ?
Comment n'avons-nous pas tiré les leçons du Conseil européen d'Helsinki de décembre 1999 ? À l'époque, donner le statut de candidat à la Turquie était perçu avant tout comme un symbole politique qui « conforterait l'ancrage européen de la Turquie ». On voit où cela nous a menés : à l'échec du référendum constitutionnel et donc au recul de la construction européenne.
Il faut que le Conseil européen cesse de s'autoriser à octroyer des statuts à valeur symbolique sans en mesurer les conséquences politiques, budgétaires et institutionnelles. Je note que l'Union s'est ainsi fait une spécialité de l'octroi de ces statuts : statut de l'économie de marché à l'Ukraine, statut de pays candidat à la Macédoine, dont je relève par ailleurs qu'elle n'a pas, elle, le statut d'économie de marché.
Madame le ministre, l'Union a accueilli dix nouveaux États membres en 2004 ; la Bulgarie et la Roumanie nous rejoindront en 2007, tandis que les négociations d'adhésion viennent d'être ouvertes avec la Turquie et la Croatie. Je le répète, les Balkans sont en Europe et rejoindront vraisemblablement l'Union européenne. Au-delà de la seule Macédoine, le moment est-il vraiment le meilleur pour lancer une nouvelle étape de l'élargissement de l'Union, cette fois aux Balkans ? Pensez-vous vraiment que notre opinion publique comprendra une telle décision ?
Nous savons tous ce que voulait Robert Schuman lorsqu'en 1950, dans le salon de l'Horloge du Quai d'Orsay, il a lancé l'idée intégratrice des solidarités de fait. Cette impulsion s'est traduite d'abord par la réconciliation franco-allemande et le développement de politiques communes, que ce soit la PAC ou la politique régionale, le Marché unique, l'euro, l'espace Schengen.
Nous le savons tous, si nous acceptons le « paquet » budgétaire de Tony Blair, en particulier un paquet confirmant que le Royaume-Uni est exonéré des dépenses d'élargissement, et si, en même temps, nous lançons le signal d'un nouvel élargissement, nous saurons que 2005 aura marqué un tournant radical de la construction européenne. Avec ce « paquet » Blair, ce sera la victoire de la vision d'une Union européenne comme vaste zone de libre-échange et la mort de la vision intégratrice de l'approfondissement et des solidarités de fait.
Depuis plusieurs années, à chaque Conseil européen, on nous explique qu'il valait mieux céder sur un mauvais compromis que d'hériter du mistigri de la responsabilité d'un échec. N'est-ce pas ce que l'on nous a dit au lendemain du Conseil européen de Nice ?
Demain, Tony Blair cherchera à faire céder les nouveaux États membres en leur expliquant que, certes, ils auront moins d'argent, mais qu'ils pourront le dépenser comme ils veulent. Il cherchera à nous faire avaler un plafonnement très limité de son chèque à 8 milliards d'euros sur la période, en nous appâtant avec la TVA à 5,5% dans la restauration, moyennant le maintien de son opt-out pour la durée hebdomadaire du temps de travail.
Madame le ministre, depuis la catastrophe du 29 mai, c'est une France affaiblie qui a récupéré ce mistigri. Nous n'avons pas à nous excuser de ce vote en nous sentant obligés d'accepter ce « paquet » désastreux, au motif que nous ne voudrions pas être, une nouvelle fois, ceux qui ont dit non. Nous ne sommes pas seuls ; nous avons des partenaires et des alliés dans cette Union européenne, et le Royaume Uni va devoir ajuster sa proposition au cours du Conseil européen.
Tony Blair a voulu lier le chèque britannique et la PAC. Or la PAC en est à sa troisième réforme depuis quinze ans et elle n'aura pas d'autre choix que de continuer à se réformer après 2013. Par ailleurs, aucun ajustement n'a été apporté au chèque britannique depuis sa création en 1984. Dans ces conditions, il vaudra toujours mieux dire non, même seuls, plutôt que d'accepter quelque « paquet » que ce soit permettant au Royaume Uni de ne pas payer sa part de l'élargissement.
Dans ce débat, nous devons prendre position non seulement en tant que ministre et parlementaires français, mais aussi en tant qu'Européens convaincus ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, qu'est-ce qui a changé depuis le non au référendum du 29 mai dernier ? À vrai dire, peu de choses ! La France n'a pas retiré sa signature du projet du traité. Elle aurait pu, mais elle ne l'a pas fait. Elle n'a pas non plus proposé de grands projets alternatifs. Tout juste a-t-on entendu parler d'« Europe de projets », d'« Europe avec préférence européenne », mais ces termes, qui sont restés extrêmement vagues, reflètent plus une habileté sémantique qu'un contenu véritable, c'est-à-dire des mesures précises. On a vraiment le sentiment, aujourd'hui, que la machine continue à fonctionner sur sa lancée, par sa propre inertie.
Je citerai trois exemples.
Le premier est l'ouverture de la négociation avec la Turquie, qui refuse toujours obstinément de reconnaître l'un des États membres. On poursuit avec la Macédoine.
Le deuxième exemple est le service diplomatique européen que l'on est en train de créer, qui sera composé, à terme, de plusieurs milliers de fonctionnaires et qui était visé dans la troisième partie du Traité établissant une Constitution pour l'Europe, exactement à l'article III-296, alinéa 3.
Enfin, le troisième exemple porte sur la Banque centrale européenne : tout le monde s'accorde à déplorer son attitude compte tenu de son obsession monomaniaque à lutter contre une inflation virtuelle, de sa conception purement monétariste de la réalité économique, mais aucun gouvernement n'est porteur d'un véritable projet de réforme de ses statuts !
Pourtant, une chose a changé : les Français considèrent désormais que l'échelon européen ne va pas de soi, qu'il ne s'agit pas d'une vérité d'évidence et que son utilité devra être prouvée tant pour le présent que pour l'avenir. Pour ce faire, deux occasions vont se présenter.
En effet, lors du prochain sommet, deux questions importantes, emblématiques, vont être étudiées. La première touche à l'emploi, avec la TVA ; la seconde concerne la mondialisation, avec la PAC.
S'agissant de l'emploi, tout d'abord, je suis parfaitement d'accord avec Hubert Haenel : le taux réduit de TVA est une question subsidiaire. La réduction de ce taux est une mesure positive qui a créé des milliers d'emplois, pratiquement 50 000, et apporté des recettes fiscales supplémentaires. On pourrait encore gagner des emplois non seulement dans le bâtiment, mais aussi dans la restauration, secteurs qui sont tous deux protégés de la concurrence internationale et donc de la mondialisation. L'enjeu économique est donc important.
Alors que cette mesure a été proposée comme un engagement pris par le Président de la République, la France en est réduite à quémander la permission d'abaisser le taux réduit de TVA ! C'est d'autant plus incompréhensible que certains partenaires européens font du dumping fiscal. Mais, nous, nous n'aurions pas le droit de maintenir une taxe à taux réduit. Il s'agit pourtant d'un impôt à la consommation. Jean Arthuis le disait ici même, samedi dernier : il n'y a plus de différence entre les impôts sur la production et les impôts sur la consommation. Je ne connais pas une charge, un impôt sur la production, qui ne soit pas payé au final par le consommateur !
La seconde question, relative à la mondialisation, est importante. Quel rôle pour l'Europe face à la mondialisation ? Va-t-on laisser M. Mendelson, qui a une conception toute personnelle du périmètre de son mandat, démembrer, dépecer, pièce après pièce, la préférence européenne ? Aujourd'hui, avant de parler de préférence européenne, protégeons la véritable préférence européenne, celle qui existe et qui est dans la PAC. Sommes-nous capables de faire prévaloir ce que j'appellerai une exception « agriculturelle » ? Sommes-nous capables de le faire au nom, non pas d'un principe capricieux, mais de la sécurité alimentaire, quantitative, qualitative, au nom des pays les plus pauvres aussi, car les pays qui nous disent que nous nous protégeons trop sont les grands pays agro-exportateurs et non les pays les plus démunis !
J'ai le sentiment, à entendre Philippe Douste-Blazy, que nous avons finalement de la chance d'avoir les Britanniques. Ils ont bon dos ! La perfide Albion est un prétexte pour ne pas définir notre propre projet européen. Madame la ministre, il reste à la France à dire à ses partenaires quelle Europe elle souhaite. Les Français veulent désormais, effectivement, du concret et des résultats. Ils ne veulent plus qu'on leur impose des décisions qui ne seraient pas les leurs et qui ne seraient pas conformes à l'intérêt national. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd'hui, s'il marque un progrès, autorise seulement notre Parlement à donner son avis en vue du Conseil européen, sans aucun pouvoir de contrainte. Cela n'est pas satisfaisant.
On le sait, la notion de déficit démocratique, qui caractérise la construction européenne, renvoie notamment à l'absence de contrôle exercé par le Parlement français sur l'activité communautaire du Gouvernement. Les prérogatives reconnues aux parlements nationaux sont absolument insuffisantes, madame la ministre.
Rappelons que les résolutions votées dans le cadre de l'article 88-4 n'ont aucun caractère contraignant ; leur effet dépend donc de la volonté du Gouvernement. Le constat lucide du déficit démocratique, qui marque la construction européenne et qui a été dénoncé le 29 mai dernier, ne se résorbera certainement pas par la tenue de ce genre de débat.
À la veille du Conseil européen de Bruxelles, il est important de rappeler aux gouvernants que les électrices et les électeurs ont rejeté le traité constitutionnel lors du référendum. Il est temps, madame la ministre, d'en tirer toutes les conséquences.
Le verdict du 29 mai est devenu la décision de la France et doit être respecté.
À cet égard, la décision prise par le Conseil européen du mois de juin dernier d'ouvrir une période de réflexion est inadmissible. Laisser les États membres qui le souhaitent libres de poursuivre leur ratification est une véritable hypocrisie. Pour entrer en vigueur, le traité constitutionnel doit être ratifié par tous les États membres de l'Union européenne. Or tel n'est pas le cas puisque les référendums français et néerlandais ont été négatifs. Ce traité est donc rejeté.
En conséquence, pour que le suffrage universel soit respecté, madame la ministre, le groupe communiste républicain et citoyen demande que le Président de la République retire la signature de la France du traité établissant une Constitution pour l'Europe. Il lui demande par ailleurs de mettre notre Constitution en conformité avec le vote du 29 mai. Le maintien du deuxième alinéa de son article 88-1 est une insulte au suffrage universel.
Sans attendre que le Gouvernement agisse, nous allons déposer une proposition de loi constitutionnelle portant abrogation de cet article.
L'Union européenne doit décider une nouvelle négociation sur ses institutions et sur les politiques économiques et sociales. Cette nouvelle discussion doit s'ouvrir aux exigences des peuples, qui doivent être associés et consultés. Il faut réorienter la construction européenne dans le sens d'une Europe des peuples, démocratique, synonyme de progrès social, de coopération et de paix.
Cela nécessite, notamment, le retrait pur et simple de la directive Bolkestein et de toutes les directives de mise en oeuvre des politiques libérales. Rappelons tout de même que le projet de directive n'a jamais été retiré.
Le Gouvernement, qui, avant le référendum du 29 mai, déclarait que la directive était « inacceptable » et qu'elle devait « faire l'objet d'une remise à plat », laisse aujourd'hui la procédure législative se poursuivre, alors même que le texte n'a pas abouti à un consensus sur les points clés du projet.
Le dossier est actuellement en attente de la décision en première lecture du Parlement européen. Contrairement à ce que l'on avait voulu nous faire croire, le Conseil européen des 22 et 23 mars dernier n'a donc pas enterré la directive Bolkestein. Or celle-ci consacre le choix de la dévotion aux règles du marché et du nivellement de la protection sociale par le bas à travers le principe du pays d'origine.
Ce principe constitue clairement un renoncement à la logique d'harmonisation qui était théoriquement la doctrine officielle de l'Union européenne. Plus précisément, ce principe instaure une harmonisation « par le bas », un véritable dumping social, en rendant encore plus illusoires les possibilités de contrôle des normes sociales.
Il s'agit là de l'application à la lettre du principe de la concurrence « libre et non faussée », objectif stratégique de la Constitution européenne, rejetée par les Françaises et les Français.
Une manifestation aura lieu à Strasbourg contre la directive Bolkestein, à la veille du débat en séance plénière au Parlement européen. Nous y participerons avec tous les parlementaires qui le voudront. Il faut désormais respecter la parole du peuple souverain et il faut rediriger la construction européenne dans le sens d'une véritable Europe des peuples.
Les négociations calamiteuses sur les perspectives financières pour 2007-2013 reflètent bien la crise existentielle que traverse l'Europe. Et pourtant, ces négociations offrent une occasion historique de répondre à cette attente, madame la ministre. En effet, il s'agit non pas d'une décision technique, mais bien d'un véritable programme politique qui va structurer l'action de l'Union européenne durant les sept prochaines années. Il s'agit de donner à l'Union européenne les moyens de s'engager dans un nouveau projet européen.
Pour qu'elle s'affirme sur la scène mondiale, il faudrait accorder à l'Union européenne des moyens budgétaires nettement accrus et orientés vers des secteurs que, selon notre conception du projet européen, nous considérons comme primordiaux : l'éducation, la culture, la recherche ou les aides extérieures.
S'agissant précisément des aides extérieures, nous déplorons que la politique de coopération et d'aide au développement de l'Europe se soit concentrée, ces dernières années, sur des mesures répressives en débloquant de plus en plus de fonds pour le contrôle des frontières. L'Union européenne ne doit pas se construire une forteresse et mettre en place des politiques fondées sur des systèmes de contrôle policiers sophistiqués, sur le recul de la politique d'asile, sur les centres de rétention.
Face aux graves événements qui se sont produits aux frontières de Ceuta et de Melilla, l'Europe a sa part de responsabilité en externalisant sa politique d'immigration vers des pays tiers. Elle doit apporter d'autres réponses, par exemple en déployant tous les efforts nécessaires pour relancer le partenariat euroméditerranéen. Car dix ans après la déclaration de Barcelone, il reste une coquille vide.
Malgré les nombreux discours sur les objectifs et la portée du partenariat, ce dernier reste indéfini, principalement parce que ses ambitions immenses n'ont pas été réalisées. Il importe donc aujourd'hui que l'Union se donne enfin, au-delà des déclarations d'intention, un projet politique et les moyens de le réaliser, un projet au service de la paix, de la justice et de la solidarité avec le Sud.
Pour 2007-2013, le budget de l'Europe devrait permettre de répondre à des défis considérables tels que la solidarité dans le contexte de l'Union à vingt-cinq, puis à vingt-sept, l'affirmation d'une Europe plus forte, l'affirmation d'une Europe agissant pour un monde plus solidaire et plus sûr, ou encore le progrès de la citoyenneté et de la participation des peuples et la résorption du déficit démocratique de l'Union.
Malheureusement, les gouvernants des États membres ne sont pas à la hauteur de l'attente des peuples nationaux. Les intérêts divergents des gouvernements prennent le dessus et occupent tout l'espace des négociations, conduisant l'Europe à l'impasse.
Le Royaume-Uni, selon les derniers chiffres connus, propose 849,3 milliards d'euros pour la période 2007-2013, soit une diminution de près de 22 milliards d'euros par rapport à l'enveloppe budgétaire proposée au mois de juin par la présidence luxembourgeoise.
Afin de préserver le rabais obtenu par Margaret Thatcher en 1984, le projet préparé par Londres coupe dans les dépenses communautaires, en particulier dans les fonds structurels - aides régionales - au profit des dix pays qui ont intégré l'Union européenne en 2004.
Il s'agirait, en fait, de couper drastiquement dans les crédits alloués au développement des régions pauvres de l'Union et de diminuer ainsi la contribution des pays riches tels que l'Allemagne, la Suède ou les Pays-Bas.
Il semble, d'après les dernières informations, que le gouvernement britannique, dans son projet révisé, soit revenu sur la réduction de près de 10 % qu'il envisageait. Les coupes passeraient de 14 à 12,5 milliards d'euros.
Nous refusons, madame la ministre, que l'accord sur les perspectives financières se fasse sur le dos des nouveaux États membres et des régions les plus pauvres des Quinze. Nous savons qu'une réduction de 55 % des zones éligibles est d'ores et déjà annoncée. Les nouveaux États membres redoutent que la baisse du financement de la politique de cohésion n'ait de graves conséquences. Ils ont d'énormes besoins pour se développer, avec des investissements à réaliser dans les infrastructures, les innovations techniques, l'éducation, etc.
Les nouveaux États membres ont donc rejeté la proposition britannique. En fait, quinze à vingt délégations sont franchement hostiles à la proposition britannique. Seules Malte, la Slovaquie et la Slovénie ont soutenu cette proposition.
Tous les regards sont donc tournés vers la présidence britannique. Les négociations sont fondées sur la base des seules propositions de la présidence de l'Union, ce qui les rend très difficiles.
Le Royaume-Uni reste intransigeant sur son rabais. Il ne propose qu'un geste unilatéral de 8 milliards d'euros sur son chèque, soit un peu plus de 1 milliard d'euros par an, la France réclamant, me semble-t-il, 14 milliards d'euros. Ainsi, le Royaume-Uni ne participerait qu'à la moitié du financement de l'élargissement.
La France refuse avec raison les propositions avancées par Londres sur la réduction de son chèque. Elles sont en effet très insuffisantes. Il est vrai que plus rien ne justifie le maintien de ce rabais, car le Royaume-Uni est aujourd'hui l'un des pays les plus prospères d'Europe.
Certes, notre pays est le plus gros contributeur au rabais britannique. Cependant, nous devons garder à l'esprit, madame la ministre, que la France reçoit aussi beaucoup du budget européen, essentiellement au titre de la politique agricole commune, dont elle est la principale bénéficiaire.
De manière générale, nous désapprouvons les calculs comptables de retours nationaux des dépenses communautaires, lesquels empoisonnent les discussions et s'opposent à l'esprit de solidarité qui devrait animer la construction européenne. La contribution des États membres devrait être présentée comme une ambition et non simplement comme un coût.
Concernant la volonté de votre gouvernement, madame la ministre, de ne pas remettre en question les accords conclus pour la PAC - M. Douste-Blazy a parlé de fidélité aux engagements pris jusqu'en 2013 -, nous tenons à réaffirmer notre inquiétude à l'égard d'une politique qui crée des discriminations envers les petites et moyennes exploitations nationales et qui affecte l'agriculture des pays du tiers-monde en maintenant les aides à l'exportation.
À l'heure où se tient la conférence ministérielle de Hong Kong, je tiens à souligner les conséquences négatives de la libéralisation agricole pour les pays en développement et les exploitations les plus vulnérables.
Alors que cette conférence tente de relancer les négociations du vaste programme de Doha, je rappelle que si ce programme de négociations évoque à de multiples reprises l'importance de la promotion du développement, il répond en fait surtout aux attentes des pays riches et contribue à donner davantage de pouvoirs à l'OMC, tout en restreignant le droit pour chaque pays de promouvoir son propre modèle de développement.
Pour conclure, en dépit du contexte exceptionnel que nous vivons, on ne perçoit aucune volonté de mettre en oeuvre une véritable politique de relance. La bataille sur les perspectives financières reflète simplement l'absence d'un esprit de solidarité en Europe. La question fondamentale d'une augmentation du budget européen est éludée. Pourtant, seul un budget digne de ce nom serait à même de permettre à l'Union de financer des politiques communes ambitieuses et solidaires et de répondre aux attentes des peuples. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)