sommaire
Présidence de M. Roland du Luart
2. Loi de finances pour 2006. - Suite de la discussion d'un projet de loi
MM. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances ; François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances ; Philippe Nogrix, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères (Forces aériennes) ; Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères (Capacité interarmées) ; André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères (Forces terrestres) ; André Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères (Forces navales) ; Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères (Environnement et soutien de la politique de défense) ; Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
MM. Didier Boulaud, Robert Del Picchia, André Boyer, Mmes Hélène Luc, Josette Durrieu, M. Jacques Peyrat, Mme Dominique Voynet, Jean-Pierre Plancade, Jean-Pierre Godefroy, Yves Pozzo di Borgo.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
3. Modification de l'ordre du jour
4. Loi de finances pour 2006. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense ; M. le président.
Amendement no II-144 rectifié du Gouvernement. - Mme la ministre, M. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances. - Adoption.
Amendement no II-257 rectifié bis du Gouvernement. - Mme la ministre, MM. Yves Fréville, rapporteur spécial, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères ; Didier Boulaud, Mme Hélène Luc. - Adoption par scrutin public.
Mme Hélène Luc.
Adoption des crédits modifiés de la mission « Défense ».
Mme la ministre.
Adoption de l'article.
MM. Roger Besse, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Jean Boyer, en remplacement de M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Dominique Mortemousque, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Mme Bariza Khiari, MM. Bernard Saugey, Aymeri de Montesquiou, Mme Évelyne Didier.
Présidence de M. Adrien Gouteyron
M. Claude Biwer, Mme Yolande Boyer, MM. Nicolas Alfonsi, Roland Ries, Yves Krattinger.
MM. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ; Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme.
Adoption des crédits de la mission « Politique des territoires »
5. Communication relative à une commission mixte paritaire
6. Loi de finances pour 2006. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Administration générale et territoriale de l'État
MM. Henri de Raincourt, rapporteur spécial de la commission des finances ; José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Christian Cambon.
Suspension et reprise de la séance
Mme Josiane Mathon, MM. Jean-Pierre Sueur, Richard Yung.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales.
Adoption des crédits « Administration générale et territoriale de l'État »
Relations avec les collectivités territoriales
Compte de concours financiers : Avances aux collectivités territoriales
MM Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois.
MM. Aymeri de Montesquiou, Mme Josiane Mathon, MM. Claude Biwer, Pierre-Yves Collombat, Daniel Goulet, Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Bricq.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales.
Amendement no II-264 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur spécial. - Adoption.
Adoption des crédits modifiés de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
Amendement no II-219 de M. Pierre-Yves Collombat. - MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur spécial, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no II-210 rectifié de M. Yves Détraigne. - MM. Claude Biwer, le rapporteur spécial, le ministre délégué. - Adoption.
Amendement no II-211 de M. Charles Guené. - MM. Roger Karoutchi, le rapporteur spécial. - Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 82
Amendement no II-220 de M. Pierre-Yves Collombat. - MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, spécial, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no II-213 de Mme Josiane Mathon. - Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur spécial, le ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements nos II-157, II-158, II-214 et II-215 de Mme Josiane Mathon. - Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur spécial, le ministre délégué. - Rejet des quatre amendements.
Amendements nos II-222 et II-221 de Mme Nicole Bricq. - Mme Nicole Bricq, MM. le rapporteur spécial, le ministre délégué, Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Retrait des deux amendements.
Amendement no II-159 de Mme Josiane Mathon. - Mme Josiane Mathon. - Retrait.
Amendement no II-223 de Mme Nicole Bricq. - Mme Nicole Bricq, MM. le rapporteur spécial, le ministre délégué. - Retrait.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 84
Amendement no II-136 rectifié de M. Jacques Blanc. - M. Jacques Blanc. - Retrait.
Amendement no II-137 rectifié de M. Jacques Blanc. - M. Jacques Blanc. - Retrait.
Amendement no II-138 rectifié de M. Jacques Blanc. - MM. Jacques Blanc, le rapporteur spécial, le président de la commission des finances, le ministre délégué. - Retrait.
Amendement no II-139 rectifié de M. Jacques Blanc. - M. Jacques Blanc. - Retrait.
Amendement no II-140 rectifié de M. Jacques Blanc. -M. Jacques Blanc. - Retrait.
Amendement no II-135 rectifié de M. Jacques Blanc. - M. Jacques Blanc. - Retrait.
Amendement no II-134 rectifié bis de M. Jacques Blanc. - MM. Jacques Blanc, le rapporteur spécial, le ministre délégué, le président de la commission. - Rejet.
Article 84 bis et 84 ter. - Adoption
Article additionnel avant l'article 84 quater
Amendement no II-217 rectifié de Mme Josiane Mathon. - - Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur spécial, le ministre délégué. - Retrait.
Article additionnel après l'article 84 quater
Amendement no II-218 de Mme Josiane Mathon. - - Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur spécial, le ministre délégué. - Retrait.
Article 84 quinquies. - Adoption.
Amendement no II-212 de M. Roger Besse. - Mme Colette Mélot, MM. le rapporteur spécial, le ministre délégué. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 85
Amendement no II-141 rectifié de M. Roger Karoutchi. - MM. Roger Karoutchi, le rapporteur spécial, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Loi de finances pour 2006
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 98, 99).
défense
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense » (et article 75 quater).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans un contexte budgétaire tendu, le budget de la défense est solide, cohérent en cette première année de mise en oeuvre de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, et conforme, pour la quatrième année consécutive, à la LPM, la loi de programmation militaire, puisqu'il respecte les engagements de la nation envers son armée.
Tout d'abord, ce budget est solide, et je le situerai en faisant du benchmarking.
La France consacre 1,7 % de son revenu national à la défense. Certes, c'est plus que la plupart des pays européens, à l'exception de la Grande-Bretagne, mais l'Europe, dans son ensemble, fait deux fois moins bien que les Etats-Unis, dont le budget relatif à la défense atteint 3,4 % du PIB.
La stabilisation de l'effort budgétaire en matière de défense suit une période de forte régression ; de même, une nouvelle définition du format de la défense a été proposée.
Actuellement, le budget de la défense est le troisième budget de l'État, avec 36 milliards d'euros, soit 600 euros consacrés par chacun de nos concitoyens à la sécurité extérieure.
Ensuite, ce budget est cohérent dans sa structure. Son périmètre comprend désormais les pensions militaires. La contribution de l'État employeur s'élève à 100 % du montant des pensions militaires, alors que la part n'est que de 50 % dans le secteur civil.
À la suite d'un amendement gouvernemental, ce budget n'intègre plus cette année les crédits de la gendarmerie nationale. La commission des finances est favorable à cette décision cohérente dans la mesure où le statut militaire de la gendarmerie nationale reste affirmé. À cet égard, je note que la gendarmerie nationale participe aux OPEX, les opérations extérieures, comme les autres militaires.
La structuration par programmes de la mission « Défense » présente la spécificité de prévoir un programme « Équipements des forces », doté de 10,6 milliards d'euros. Mes chers collègues, le budget de la défense est le seul budget de l'État où la part investissements est essentielle. En effet, celui-ci regroupe environ 79 % des crédits d'équipement inscrits dans le budget général.
À cet égard, certains se sont demandé s'il fallait créer un tel programme. Sans revenir sur les différentes controverses qui ont animé ce budget, le découpage que vous proposez, madame le ministre, me semble conforme aux droits du Parlement.
En effet, dans le domaine de la défense, le Parlement doit rendre un arbitrage entre le présent, avec la préparation et l'emploi des forces, et le futur, une prospective à très long terme puisque la durée de vie d'un équipement militaire peut atteindre quarante ans ou cinquante ans. Cet arbitrage relève non pas d'une fongibilité asymétrique au sein du ministère des armées, mais des prérogatives du Parlement. Par conséquent, la commission des finances est tout à fait favorable à ce découpage.
Enfin, ce budget est conforme à la LPM, et j'en approuve les trois grandes priorités.
La première priorité concerne la recherche. Un effort est consenti en faveur notamment des études amont, dont les crédits sont passés de 350 millions d'euros en 2004 à 600 millions d'euros cette année ; ils atteindront même 700 millions d'euros en 2008. Au moment où la commission des finances examine le projet de loi de programme pour la recherche, n'oublions pas cette composante essentielle. On voit la qualité des laboratoires, notamment en matière de recherche nucléaire ; je pense, par exemple, au LETI de Grenoble, le laboratoire d'électronique de technologie de l'information. Il ne faut pas négliger cet effort en matière de recherche duale.
La deuxième priorité concerne le maintien en condition opérationnelle des forces armées, le MCO.
Nous avons connu, il faut bien le reconnaître, des situations critiques. Au début de l'année 2004, un seul sous-marin nucléaire d'attaque sur six était disponible. La situation s'est considérablement améliorée. L'effort ainsi réalisé se poursuit cette année, afin de résoudre une crise qui revêtait un caractère non seulement financier, mais également institutionnel. La mise en place du SSF, le service de soutien de la flotte, et de la SIMMAD, la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense, a contribué à cette réussite.
Après la reconstitution, au cours des années précédentes, du potentiel de l'armée de l'air, votre troisième priorité porte, madame le ministre, sur les grands programmes navals.
L'année dernière, on a lancé le programme des FREMM, les frégates européennes multi-missions ; cette année, nous mettons en place le programme Barracuda. Les sous-marins nucléaires d'attaque constituent le capital ship de toute marine, qui s'appuie aussi sur les porte-avions. Les crédits relatifs au lancement du second porte-avions sont engagés.
Je formulerai maintenant un certain nombre d'observations relatives à la pluriannualité et à la recherche de la performance.
Il y a bien longtemps, selon Robert Mac Namara, le budget de la défense devait s'organiser autour d'une stratégie de planification à long terme, de programmation à moyen terme et de budgétisation à court terme. Au fond, nous suivons ce schéma, mais de façon quelque peu rigide.
S'agissant de la planification, la question est de savoir quel sera le futur format des armées. Certes, le format est prévu jusqu'en 2015, mais nous devons commencer à réfléchir - et je suis sûr que vous le faites, madame le ministre - sur l'inflexion que nous voulons lui donner face aux nouveaux risques mondialisés. Nous avons mis l'accent sur la projection de forces. Mais ne devrions-nous pas nous tourner davantage vers la protection du territoire national ?
Par ailleurs, s'agissant des risques de prolifération, nous avons porté notre effort sur la dissuasion. Mais, à l'échelle de notre continent, ne devrions-nous pas plutôt réfléchir à la lutte antimissile ? À terme, ces questions se poseront.
Quant à la programmation à moyen terme, je dois dire que ce cadre d'action nous est imposé par les institutions.
Au fur et à mesure que nous avançons dans le déroulement de la LPM - comme je l'ai indiqué, au début de mon propos, nous appliquons cette loi pour la quatrième année consécutive -, nous voyons sa visibilité à moyen terme s'atténuer.
En effet, au titre des autorisations d'engagement et en matière de planification des investissements, nous constatons que nous allons aujourd'hui voter des tranches de programmes dont nous ne connaissons pas le devis complet, alors que celui-ci est en partie classifié. À cet égard, vous pourrez peut-être, madame le ministre, nous indiquer le coût global d'un programme tel que le programme Barracuda.
Ensuite - et cela n'est pas le fait du budget de la défense -, sur les 150 milliards d'euros votés au titre des engagements pour les programmes en cours, 10 milliards d'euros seront couverts par les crédits de paiement inscrits dans le projet de budget pour 2006, mais 37 milliards d'euros resteront à financer. Le bleu budgétaire ne présente pas d'échéancier de paiement. Pour améliorer la visibilité du budget à moyen terme, la France devra revenir sur les procédures de programmation en matière d'équipement en acceptant une programmation glissante triennale.
S'agissant, enfin, de la budgétisation à court terme, vous avez consenti un effort important, madame le ministre, en essayant de réduire ce que l'on appelle « la bosse des reports » des crédits de paiement, qui s'élevait l'an dernier à 2,9 milliards d'euros.
Celle-ci devrait diminuer du fait de la budgétisation progressive des OPEX et de l'utilisation effective des fonds de concours ainsi que du rattrapage des reports de la précédente loi de programmation. En commission des finances, vous avez indiqué, madame le ministre, que vous comptez sur les instructions du Président de la République pour pouvoir utiliser et consommer ces reports d'ici à trois ans, nous nous en réjouissons.
Madame le ministre, vous avez accompli cette année un effort considérable pour les OPEX. Nous espérions une budgétisation de 250 millions d'euros. Or, à la suite d'un engagement que vous présenterez tout à l'heure, cet effort sera réduit provisoirement, je l'espère, à 175 millions d'euros. Je le comprends fort bien, la fongibilité au sein du programme « Préparation et emploi des forces » permettra sans doute de compenser le mieux possible cet effort dans d'autres postes. Tel est mon souhait, mais nous en reparlerons sans doute tout à l'heure.
J'en arrive maintenant à la performance et à l'efficacité de notre effort en matière de défense.
La commission des finances a étudié les indicateurs de performance proposés. Ils sont très utiles pour ce qui concerne l'état d'avancement physique de certains programmes. Par ailleurs, les indicateurs concernant la disponibilité des équipements permettent non seulement d'améliorer, comme je l'ai déjà souligné tout à l'heure, la MCO, mais surtout d'apprécier la réalisation des contrats opérationnels, ce qui témoigne de la volonté du ministère de la défense de programmer la performance au sein des forces armées. Je regrette cependant que ces indicateurs soient plus institutionnels ou financiers que militaires, car l'efficacité est aussi militaire.
Je sais que le programme envisagé est très vaste. Toutefois, il ne faudrait pas tomber dans un excès de juridisme. La construction de la ligne Maginot aurait sans doute présenté d'excellents indicateurs de performance.
Cela étant dit, l'efficacité de notre effort de défense dépend de la productivité de l'industrie d'armement. Nous avons très largement fait en sorte que GIAT-Industries et DCN-SA, grâce à des mises de fonds importantes, soient redressés. Nous attendons également le rapprochement de Thales et de DCN-SA.
La fabrication en série nous permettra d'abaisser les coûts unitaires et d'améliorer la productivité. Pour cela, la réalisation de programmes européens dans le cadre de l'OCCAR, l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement, est nécessaire. C'est grâce aux programmes de coopération comme ceux qui concernent les frégates multimissions, pour lesquelles un contrat a été signé, ou l'avion de transport militaire A400M, que nous arriverons à obtenir des résultats.
Madame le ministre, voilà ce que je souhaitais dire au sujet de la pluriannualité et de la performance.
J'ai la conviction qu'il faudra accroître la visibilité à long terme de votre budget ; mais en attendant et au regard de l'instabilité de la situation internationale actuelle et future, de l'engagement de nos troupes sur de nombreux théâtres d'opérations à qui je veux rendre particulièrement hommage, de l'effort de redressement que vous avez entrepris et continué, la commission des finances a donné un avis favorable sur les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. François Trucy, rapporteur spécial.
M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame le ministre, vous montrez une rare persévérance à bâtir et défendre des budgets qui, année après année, redonnent à nos armées les moyens dont elles ont besoin pour accomplir leurs missions. Ce n'est pas une mince prouesse !
Pour la quatrième année consécutive, vous faites respecter la loi de programmation pour les années 2003 à 2008 ; c'est bien la première fois que cela se produit.
En outre, les rapporteurs, Yves Fréville et moi-même, en conviennent volontiers, ce budget respecte la loi organique relative aux lois de finances, son esprit et ses objectifs.
Vos services, états-majors en tête, ont parfaitement répondu à nos questionnaires et les nombreuses auditions que nous avons menées ont été très riches en enseignements.
Avant d'aborder le corps même du budget, je souhaite souligner d'autres points positifs.
Tout d'abord, parmi les efforts d'économies, j'évoquerai les 415 millions d'euros entre 2003 et 2005, mais aussi, pour 2006, les 86 millions d'euros escomptés, dont 7,9 millions d'euros attendus de l'externalisation de l'entretien des véhicules de la gamme commerciale.
Ensuite, parmi les autres financements innovants, je citerai la formation initiale de tous les pilotes d'hélicoptères qui aura lieu à Dax et celle à l'appontage aux États-Unis ; cela surprend, mais dans le bon sens !
Enfin, parmi les mesures structurantes, je soulignerai les efforts de réforme que vous conduisez et tout spécialement la rationalisation des réseaux de systèmes d'information.
À ne rien vous cacher, la LOLF m'a causé quelques soucis, car j'ai souvent rencontré des difficultés à retrouver mes crédits dans le bleu budgétaire de la défense, soigné et prolixe certes, mais bien difficile à scruter.
J'ai donc résolu de présenter les parties du budget qui concernent essentiellement le programme 178 « Préparation et emploi des forces » de manière transversale et essentiellement pragmatique.
En agissant ainsi, j'espère ne pas trop choquer les gardiens de la loi. À tout prendre, ce qui m'intéresse, c'est de chercher à savoir et à vous dire si les effectifs budgétaires et les crédits de rémunérations et charges sociales, les RCS, sont atteints et suffisants, si l'action sociale des armées est efficace, si le matériel est en bon état et garantit la sécurité des personnels, si les crédits du maintien en condition opérationnelle, le MCO, sont revenus à un taux convenable et surtout si la France tient son rôle dans le monde et remplit ses missions.
Je ne citerai que quelques chiffres clefs parmi les plus importants.
D'un montant de 36,061 milliards d'euros, pensions incluses et avec 5 % du budget de la gendarmerie, ce budget est le troisième de l'État et représente 1,7 % du produit intérieur brut.
Toutefois, nous sommes encore loin des objectifs que visait, il y a peu, un chef d'état-major des armées qui parlait de 3 % du PIB ; nous sommes également loin des normes de l'OTAN et du taux de 3,6 % des États-Unis ; enfin, comme l'a dit mon collègue, nous sommes légèrement derrière la Grande-Bretagne, mais largement devant l'Allemagne dont le budget de la défense ne représente que 1,09 % du PIB.
Madame le ministre, quel est votre point de vue sur le débat relatif au pourcentage de PIB ?
Comme l'a dit Yves Fréville, ce budget consacre 30 % de lui-même, soit 10,6 milliards d'euros de crédits de paiement, aux investissements, réalisant à lui tout seul 78,6 % des crédits du titre 5 de l'État. C'est spectaculaire !
La défense est donc le premier acheteur public français avec 67 % des marchés publics, 10 000 entreprises et deux millions de salariés concernés, dont 176 000 pour les seules industries de défense.
Pour la mission « Défense », il y a 17,829 milliards d'euros de dépenses de personnel RCS, soit une baisse de 1,32 % par rapport aux inscriptions de l'année précédente.
Les effectifs civils et militaires atteignent 432 314 équivalents temps plein travaillé, dont 352 110 militaires et 80 204 civils, soit un déficit de 3 % par rapport à la loi de programmation militaire ; sur ce plan, madame le ministre, ce sous-effectif persistant vous préoccupe-t-il ?
Pour renforcer l'attractivité du métier militaire, le fonds de consolidation de la professionnalisation est doté de 22,57 millions d'euros et le plan d'amélioration de la condition militaire de 25,96 millions d'euros.
Par ailleurs, on relève quelque sept milliards d'euros pour le fonctionnement, soit une baisse de 1,2 %. Mais surtout, on note une augmentation très insuffisante de la dotation de carburant de 8,2 %. Comment arriverez-vous à réaliser cette quadrature de cercle ?
La réserve déclarée des crédits de la loi de finances initiale de 2 % serait réduite à 0,5 % pour vos crédits de RCS, ce qui est une bonne chose, mais par voie de conséquence elle serait portée à 5 % pour les autres chapitres. Quelles précisions pouvez-vous nous apporter à ce sujet ?
Parlons-nous vraiment pour la dernière fois du financement des OPEX ? Je sais que vous vous y attachez particulièrement. Nous ne comptons plus les années où leur non-financement en loi de finances initiale a causé les désordres que l'on sait dans un budget de la défense contraint de les payer dès le premier euro et le premier jour, de le faire sur les crédits du titre 5, de différer ainsi les dépenses de matériel jusqu'au jour hypothétique d'un remboursement en loi de finances rectificative, après avoir entre-temps perturbé de manière majeure les industries et supporté les critiques hypocrites de l'État pour les reports et les bosses de reports dont on a parlé précédemment.
Avec, cette année, une dotation initiale de 250 millions d'euros qui représenterait un odieux 50 % de la dépense probable, vivons-nous la dernière étape ?
Comment évaluer, en « lolfiens » persuadés que nous sommes, la performance de la mission « Défense » ? Le sujet a été abordé, je n'y reviens pas.
Je m'interroge encore sur les critères de MCO et les taux de disponibilité des matériels. Ces derniers sont très dispersés et un taux moyen pour une armée ne veut strictement rien dire.
Fournir aux OPEX un matériel à 100 % de disponibilité et l'y maintenir sur le terrain au mieux est indispensable, mais cela équivaut, nous le savons bien, à léser les unités en France et réduire leurs activités.
J'en viens aujourd'hui, après avoir longtemps cherché les solutions, à m'aligner sur le pragmatisme des militaires qui affrontent ces difficultés, l'obsolescence rapide de leurs matériels et le coût croissant des investissements nécessaires pour la remise à niveau de matériels de plus en plus complexes et sophistiqués
À ce sujet, madame le ministre, on attend des industriels de la défense qu'il donne un excellent matériel et qu'ils en assurent, si on le leur demande, la meilleure maintenance. Ne faudrait-il pas que les armées, de leur côté, ajustent bien leur commande ?
Prenons l'exemple du système de pose rapide de traverse. L'armée de terre, après en avoir commandé dix-huit, réduit a posteriori sa commande à dix. Pendant ce temps, que fait l'industriel à qui l'on s'est adressé ? Soit on a mal dimensionné la commande au départ, soit on fait preuve d'une grande légèreté à l'égard du partenaire que doit être un industriel. Comment demander aux industriels d'être sérieux dans leur travail si on ne les y aide pas par une commande ferme ?
Je note avec satisfaction l'effort budgétaire accompli pour les réserves, 110 millions d'euros, qui permettra une plus grande souplesse dans leur emploi et crée un crédit d'impôt, que nous retrouverons un peu plus tard en loi de finances rectificative, pour les employeurs qui maintiendront l'intégralité des rémunérations pour leurs salariés appelés à une période de réserve. J'imagine les difficultés que vous avez dû rencontrer pour obtenir cet aménagement !
Le coût de cette mesure est estimé à 3,7 millions d'euros pour 2006 et serait de 6,8 millions d'euros en régime de croisière.
Le service de santé des armées, SSA, entrevoit le bout du tunnel après des années de rudes efforts pour corriger les sous-effectifs créés par la disparition du service national ; mais il lui manque encore 246 médecins sur les 2 287 prévus par la loi de programmation militaire.
Il a dû faire face, en outre, à de nombreux départs que l'on qualifiera de naturels, car le numerus clausus d'une médecine civile qui a connu, elle aussi, des départs accélérés en retraite a créé une aspiration supplémentaire sur les médecins militaires.
Il a répondu à ces difficultés par une augmentation des promotions d'élèves et un recours à des recrutements complémentaires.
Pourtant, vous le savez mieux que quiconque, jamais le service de santé des armées n'a autant soutenu les OPEX.
En 2004, il a fourni 1 500 personnes et, jusqu'au 30 septembre 2005, il en a déjà fourni 1 316. Cet effort considérable correspond à la mobilisation de tout le personnel d'un hôpital militaire, alors que le SSA ne dispose plus que de neuf hôpitaux militaires sur le territoire national, après les réductions que nous connaissons.
Si j'insiste, madame le ministre, sur les mérites de ce grand service, c'est qu'il a besoin, plus que jamais, de votre soutien. En effet, il rencontre deux problèmes.
L'effectif de médecins comprend déjà 15 % de femmes, c'est une excellente chose ! Cependant, les promotions de l'école de Lyon en comptent 66 %. Cela crée une réelle inquiétude, au sujet non pas de la capacité des femmes, mais de leur disponibilité et leur fidélisation futures, si l'on en croit les études déjà menées dans le domaine de la médecine civile.
Je tiens ensuite à évoquer une préoccupation financière plus immédiate. Le passage à la tarification à l'activité s'imposera aux hôpitaux civils en 2011 ; on nous dit que, pour le SSA, ce serait en 2007. Pourquoi cette discrimination, qui posera des problèmes budgétaires importants ?
En général, madame le ministre, j'estime que la très grande majorité des chapitres les plus importants de ce qui fut le titre 3 de votre budget est correctement pourvue ; seule la conjoncture a limité les améliorations que vous auriez souhaité apporter à tel ou tel secteur.
Dans le domaine de l'opérabilité des matériels, nous observons d'importants progrès ! La défense, sous votre impulsion, prend sa part dans la lutte contre le chômage avec le plan « Défense deuxième chance » et les activités soutenues du service militaire adapté, dont on redécouvre soudain toutes les vertus.
Puissent vos efforts pour une Europe de la défense conforter l'action politique de ce continent et faciliter l'évolution de notre industrie de défense.
Avec mes félicitations très sincères pour votre détermination, votre énergie et les résultats que vous obtenez, madame le ministre, je recommande, comme l'a exprimé la commission des finances du Sénat, le vote du budget de la défense pour 2006. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis.
M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Forces aériennes). Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les crédits affectés, au sein de la mission « Défense », à l'équipement des forces aériennes leur permettront de poursuivre la rénovation de la flotte de combat, avec la constitution, annoncée pour 2006, d'un premier escadron de Rafale sur la base de Saint-Dizier. Nous serons tous heureux d'aller les voir.
Les faiblesses les plus criantes de la flotte de transport stratégique seront compensées par la location, avec option finale d'achat, de deux A340, qui seront affectés à l'armée de l'air en juillet 2006 et janvier 2007. Voilà ce que l'on appelle les financements innovants !
Ces avions se substitueront avantageusement aux deux vieux DC8 qui volaient depuis 1968 au sein de l'armée de l'air. Leur financement englobera la mise à disposition et l'entretien de ces deux appareils, dont le coût des opérations de maintenance, parfois d'un niveau plus élevé que prévu, a nécessité leur arrêt.
Par ailleurs, la flotte de transport tactique sera modernisée à partir de 2010 avec l'arrivée progressive de cinquante A400M commandés par la France. Ils prendront opportunément le relais des quarante-deux Transall les plus anciens, qui volent depuis 1967.
Les grandes commandes à venir devront se faire en partenariat européen, notamment pour les futurs avions dits multirôles, qui assureront indifféremment le transport de troupes ou de carburant. Pour en minorer le coût, ce programme devrait découler d'une commande commune de plusieurs pays européens, comme pour l'A400M.
Les quelques facteurs d'incertitude du budget pour 2006 tiennent à l'impact d'une éventuelle persistance du coût élevé du pétrole sur l'entraînement, dont le haut niveau classe les armées françaises et britanniques parmi les premières d'Europe. En effet, seules ces deux armées assurent 180 heures de vol d'entraînement à leurs pilotes de chasse. C'est la norme requise par l'OTAN, qui assure la sécurité et l'efficacité de nos pilotes. Il faut savoir les protéger !
Ensuite, le coût croissant du maintien en condition opérationnelle de matériels de plus en plus sophistiqués - les technologies évoluent à un rythme de plus en plus rapide - est une source de préoccupation. Une concertation avec les industriels est nécessaire.
Enfin, le réseau des bases aériennes, composé actuellement de trente-huit implantations en métropole, doit être progressivement restructuré. Nous savons, à la commission, que ce sera un passage très difficile, mais absolument indispensable.
Parmi les récentes missions humanitaires accomplies par l'armée de l'air, notre commission tient à saluer particulièrement, madame le ministre, son action au profit des populations du Cachemire pakistanais, durement affectées par le séisme du 8 octobre dernier. Dès le 19 octobre, la France a organisé, en tant que nation dirigeante de la force de réaction rapide de l'OTAN, un pont aérien entre la base turque d'Incirlik et le Pakistan. Composé d'une dizaine d'avions de transport Hercules C-130, dont deux français, ce pont aérien a permis d'acheminer, en dix jours, plus de neuf cents tonnes d'aide, dont des tentes et des appareils de chauffage. L'armée de l'air a également contribué à l'installation d'un héliport, ô combien ! nécessaire, dans la zone touchée. Cette contribution méritait d'être soulignée, alors que les soutiens aux populations du Cachemire restent, hélas ! très insuffisants.
En conclusion, notre commission se félicite de l'évolution budgétaire de la mission « Défense », mais souligne, madame le ministre, l'impérieuse nécessité de concevoir les futurs programmes de l'armée de l'air, tels que les avions de transport multirôle ou les drones aériens d'observation et de combat, en coopération européenne. Le coût des programmes ne peut plus être supporté par une seule nation. Poursuivons dans le domaine des équipements la réussite de l'école européenne de formation des pilotes de chasse et de transport, permise par une coopération initiale franco-belge. Il faut se servir de l'exemplarité pour convaincre nos collègues européens.
De la même façon, je souhaite que la vision et les pratiques interarmées se développent pour réussir au mieux les projections, rapidement, en toute efficacité, sur les terrains d'opération. Il me semble que la stratégie de capacité de projection doive être absolument maintenue, étant donné les opérations qui engagent nos forces.
Sous réserve de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Défense » s'agissant des forces aériennes. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Capacité interarmées). Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, en cohérence avec la redéfinition des responsabilités au sein du ministère de la défense et la mise en oeuvre de la LOLF, la dimension interarmées se trouve renforcée dans ce projet de budget pour 2006.
J'évoquerai, tout d'abord, les deux grands domaines privilégiés de l'action interarmées : les forces nucléaires, puis les équipements spatiaux.
S'agissant de la dissuasion nucléaire, nous constatons pour 2006 une progression sensible des dotations, laquelle correspond à l'avancement, conforme aux prévisions, de nos différents programmes. Nous nous trouvons dans un cycle de renouvellement complet de nos moyens, engagé il y a plus d'une quinzaine d'années. Il touche à la fois les sous-marins, les missiles de nos deux composantes et les têtes nucléaires qui les équipent. En outre, l'abandon des essais et le passage à la simulation exigent d'importants investissements. À terme, la simulation représentera un coût inférieur à la moitié de celui des essais dans le Pacifique.
Cet effort, concentré dans le temps, pèse lourdement sur le budget de la mission « Défense ». Pour autant, il ne faut pas oublier que le budget de la dissuasion a été divisé par deux en quinze ans, en raison de la révision de notre posture décidée à la fin de la guerre froide. C'est donc une décrue importante à laquelle nous avons assisté pour arriver à un nouveau palier défini par la notion de « stricte suffisance ».
Cette stricte suffisance repose sur un arsenal plus réduit que par le passé, mais qui, à l'horizon d'une vingtaine ou d'une trentaine d'années, demeure crédible et adapté à une large gamme de situations.
Dans le contexte inquiétant d'affaiblissement du régime international de non-prolifération - avec les crises nord-coréenne et iranienne -, le choix de maintenir une dissuasion strictement suffisante mais crédible apparaît pleinement justifié. Il importe donc de mener à leur terme les différents programmes destinés à assurer cette posture et aussi de veiller au niveau des crédits d'études et de recherche. Dans cette optique, le lancement d'un démonstrateur portant sur le troisième étage d'un missile balistique est un point positif, mais on peut pourtant se demander si ces travaux seront suffisants pour maintenir d'ici à une dizaine d'années nos compétences dans le domaine des lanceurs stratégiques.
Le budget dévolu aux équipements spatiaux progressera, quant à lui, de 4 % et atteindra en 2006 près de 500 millions d'euros, soit le plus haut niveau depuis 1998. Nos capacités de télécommunication et d'observation ont été notablement améliorées avec la mise en service des satellites Syracuse iii et Hélios ii.
D'ici à deux ans, nous commencerons, en outre, à disposer d'une capacité d'observation radar, possible même avec une couverture nuageuse, grâce aux accords d'échanges d'images avec nos partenaires allemand et italien.
Enfin, le lancement de plusieurs démonstrateurs, dans les domaines de l'écoute électronique ou de l'alerte avancée, marque la volonté de la France d'élargir la gamme des applications militaires de l'espace. Toutefois, pour l'instant, aucune échéance n'est fixée pour passer de ces démonstrateurs à des programmes opérationnels.
En dépit des efforts très significatifs de la France, nous savons que les capacités spatiales militaires restent en Europe en deçà de nos besoins. Vous-même, madame le ministre, avez souligné à plusieurs reprises le rôle désormais stratégique de l'espace dans les politiques de sécurité. Tous les experts soulignent qu'un doublement de l'effort européen en la matière serait indispensable. La progression de 1 à 2 milliards d'euros ne paraît pas hors de portée d'une Europe comptant vingt-cinq membres, d'autant que les progrès technologiques et l'intensification de l'approche duale - civile et militaire - devraient permettre d'abaisser le coût des équipements par rapport aux générations précédentes.
Il est donc utile, comme vous l'avez fait, madame le ministre, de sensibiliser nos partenaires à la nécessité d'accentuer l'effort, mais il ne faudrait pas que cette concertation européenne retarde à l'excès la définition de futurs programmes. Je pense notamment au successeur d'Helios ii, dont il faudrait, me semble-t-il, lancer sans tarder les études préparatoires. La France aura en tout état de cause un rôle de leader dans ce domaine, compte tenu de la compétence qu'elle a acquise dans la filière optique.
Pour conclure, je note plusieurs avancées très positives dans le domaine des actions à caractère interarmées : le renforcement de nos capacités de commandement pour des opérations multinationales, la rationalisation des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information, sous l'égide d'une nouvelle direction, ou encore l'effort constant réalisé depuis trois ans pour améliorer le recrutement et la fidélisation du personnel du service de santé.
La commission des affaires étrangères et de la défense, présidée efficacement par notre collègue Serge Vinçon, a ainsi émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Défense » s'agissant de la capacité interarmées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. André Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Forces terrestres.) Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les moyens consacrés à la préparation et à l'équipement des forces terrestres évolueront en 2006 en cohérence, pour la quatrième année consécutive, avec la loi de programmation militaire. Notre avis portera essentiellement sur deux des vingt-quatre actions de la mission « Défense ».
Comme le Gouvernement s'y était engagé l'an passé, des dotations supplémentaires ont majoré en cours d'exercice les crédits de personnel, si bien qu'en 2005 les effectifs ont pu être maintenus à un niveau compatible avec nos engagements opérationnels. L'enveloppe prévue en 2006 doit permettre de garantir ce niveau d'effectifs tout en finançant des mesures d'amélioration de la condition militaire et de consolidation de la professionnalisation. C'est un premier motif de satisfaction, même si, il faut le reconnaître, cet effort s'accompagne de nouvelles mesures d'économie dans un budget de fonctionnement déjà très serré.
S'agissant des équipements, l'ensemble des crédits destinés aux forces terrestres et figurant dans le périmètre de la loi de programmation progressent de près de 3 %, pour atteindre 3,1 milliards d'euros. Pour la plupart des programmes, les commandes et les livraisons suivent l'échéancier prévu. Les difficultés industrielles et techniques rencontrées avec les premières livraisons de ce matériel hautement sophistiqué, tel que l'hélicoptère Tigre, semblent désormais résolues.
Le montant élevé des crédits reportés, tout comme l'augmentation continue des coûts de maintien en condition opérationnelle, créent cependant une tension réelle sur les crédits d'équipement. L'annulation du projet de rénovation de quarante-cinq hélicoptères de transport Puma en est l'illustration.
Malgré le redressement très important des ressources effectué par l'actuelle loi de programmation, les échéances de remplacement de bien des matériels des forces terrestres apparaissent tardives au regard de leur âge moyen élevé et de leur utilisation désormais intensive en opérations extérieures, les OPEX.
À leur propos, je veux dire un mot de leur budgétisation.
Vous vous êtes engagée, madame le ministre, à ce que les surcoûts OPEX fassent l'objet d'une provision en loi de finances initiale. En 2005, cette provision s'élève à 100 millions d'euros. En 2006, cette provision devrait s'élever à 250 millions d'euros.
Cependant, compte tenu de l'effort que le ministère de la défense consenti en faveur du plan « banlieues », effort qui a été chiffré à 75 millions d'euros lors de l'examen de vos crédits à l'Assemblée nationale, vous proposez, dans un amendement que nous discuterons tout à l'heure, d'imputer cette somme sur la provision OPEX. Dans cette hypothèse, cette provision s'établirait à 175 millions d'euros, ce qui représente encore une augmentation de 75 % par rapport à l'année précédente. Je voterai cet amendement, parce qu'il nous permet d'engager une action que le Gouvernement se devait d'entreprendre dans les banlieues. Cependant, j'aimerais que vous assuriez les membres de la commission de la défense que les surcoûts des OPEX seront couverts, en 2006, par le projet de loi de finances rectificative.
M. Jean-Pierre Plancade. Les banlieues, ce sont les opérations extérieures !
M. André Dulait, rapporteur pour avis. Dans le domaine des blindés moyens et légers, l'arrivée du véhicule blindé de combat d'infanterie, le VBCI, constituera une première réponse, mais l'essentiel de nos matériels actuels resteront en service au-delà de 2015. Vous avez fort heureusement engagé d'importants programmes de rénovation, comme pour l'AMX 10 RC ou le Sagaie, mais le maintien de ces capacités très sollicitées en OPEX reste un défi pour les dix à quinze prochaines années.
Nous insistons également depuis plusieurs années, vous le savez, madame le ministre, sur la question de l'aéromobilité, elle aussi, cruciale pour nos opérations. L'absence de rénovation du parc des Puma accentue, bien entendu, nos préoccupations quant à l'érosion des capacités de transport d'ici à 2011, lorsque commenceront seulement à arriver les NH 90.
Je voudrais cependant souligner trois éléments plus positifs.
Tout d'abord, huit Cougar adaptés aux besoins des forces spéciales, dont on sait le rôle qu'elles jouent dans nos engagements actuels, seront prochainement livrés.
Ensuite, il est prévu de recourir à un partenariat public-privé pour les appareils destinés à la formation initiale des pilotes d'hélicoptères à Dax. Il s'agit, dans ce cas aussi, d'une opération innovante. Pouvez-vous nous confirmer, madame le ministre, que ce projet est en bonne voie et qu'il permettra de mieux utiliser nos ressources ?
Enfin, dans le cadre de la forte augmentation des crédits d'études amont, un démonstrateur d'hélicoptère apte au vol tout temps sera réalisé.
Il est important de préparer dès maintenant les équipements qui permettront à nos forces terrestres d'être plus efficaces sur le terrain. Ce sera le cas avec le démonstrateur de missile de combat terrestre, dont les enjeux vont au-delà des seules capacités opérationnelles et sont également technologiques et industriels, puisque est concernée la succession du missile Milan, qui équipe non seulement la France, mais aussi de très nombreuses armées étrangères.
Quant au démonstrateur de « bulle opérationnelle aéroterrestre », destiné à concevoir les systèmes de combat futurs, il nous semble qu'il serait opportun d'y intéresser d'autres partenaires européens, de manière à préparer dans le domaine des équipements terrestres une harmonisation qui est aujourd'hui très insuffisante.
En conclusion, l'effort soutenu, tel qu'il est prévu en 2006 en faveur des forces terrestres, tant en matière de personnels que d'équipements, se justifie pleinement compte tenu de leur engagement opérationnel permanent sur tous les théâtres où la France est présente. Il devra nécessairement être prolongé sur la durée pour réaliser les équipements neufs qu'il n'est plus possible de décaler et, dans l'attente de leur livraison, pour maintenir en condition des matériels déjà anciens et très sollicités dans les opérations.
La commission des affaires étrangères et de la défense a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Défense » s'agissant des forces terrestres. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. André Boyer, rapporteur pour avis.
M. André Boyer, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Forces navales). Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2006 permet le lancement de programmes d'armement emblématiques pour les forces navales : le second porte-avions et la nouvelle génération de sous-marins nucléaires d'attaque.
Après quelques péripéties, le programme des frégates multimissions a été enfin lancé il y a quelques semaines. Avec le missile de croisière naval, autre capacité majeure dont la commande est prévue l'an prochain, ce sont plus de 7 milliards d'euros d'autorisations d'engagement qui auront été mobilisés sur quatre programmes.
Ces programmes sont à la fois emblématiques et symptomatiques.
Ils sont emblématiques, parce qu'ils marquent l'engagement de l'État en faveur des capacités océaniques de notre marine, au service des intérêts de notre pays. Mais ils sont symptomatiques aussi du manque de crédits pour les forces navales au cours des dernières décennies et du retard pris dans le renouvellement de la flotte, de capacités vieillissantes coûteuses à l'entretien et même parfois déficitaires.
Cet effort massif pour les forces navales témoigne donc de l'état des équipements actuels de notre marine.
Je souhaiterais, madame le ministre, que vous nous apportiez des précisions sur trois points.
Ma première question est relative au programme Horizon. Les documents budgétaires font état de son abandon, alors que la commande du troisième exemplaire devait intervenir en 2007, et mentionnent que les capacités antiaériennes seront assurées par la construction de deux frégates anti-aériennes à partir de la plateforme des frégates multimissions. Faut-il voir ici une réduction du modèle 2015 au détriment du programme FREMM ou ce programme sera-t-il au contraire complété pour aboutir au format de quatre bâtiments dédiés à la lutte antiaérienne ? Selon quel calendrier ?
Ma deuxième question est relative au deuxième porte-avions. Après une première approche consistant à privilégier une coopération industrielle, le dossier a été repris au niveau gouvernemental. Pouvez-vous nous dire quel est l'état d'avancement du programme britannique auquel est suspendue la commande du bâtiment français ? Les CVF du Royaume-Uni sont-ils réellement financés et comment doit-on interpréter le dernier report ? Le bénéfice, autre que le soutien à la politique de défense européenne, d'une coopération a-t-il pu être évalué financièrement par rapport à une solution nationale ?
Ma troisième question est relative au dossier DCN-Thalès. L'État est le principal actionnaire de ces deux entités, dont le rapprochement est indispensable en préalable à une consolidation européenne. Que pouvez-vous nous dire, madame le ministre, de l'état d'avancement de ce projet ?
Avant de conclure, je formulerai quelques observations sur les documents qui ont été soumis à la commission pour cette première année d'application de la LOLF. Nous avons été unanimes à considérer que la justification des crédits « au premier euro » devait être entendue dans un sens plus littéral. Trop souvent, elle reste approximative, voire lacunaire. Il est essentiel que l'entretien programmé des matériels, auparavant considéré comme de l'investissement, puisse être mieux identifié au sein de l'enveloppe de fonctionnement.
Enfin, pour apprécier véritablement la portée des engagements pris, il nous paraît indispensable d'assortir ces documents d'échéanciers mieux renseignés sur les différents programmes. Pourriez-vous ainsi nous transmettre, madame le ministre, les premières projections sur les annuités de la future loi de programmation ? Elles nous permettront d'apprécier la soutenabilité budgétaire de ce que nous votons aujourd'hui et de mieux nous préparer aux efforts à consentir.
Telles sont, madame le ministre, les interrogations et les observations que je souhaitais formuler après l'avis favorable donné par la commission des affaires étrangères à l'adoption des crédits de la mission « Défense » s'agissant des forces navales. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis.
M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Environnement et soutien de la politique de défense). Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'évoquerai rapidement le nouveau programme « Soutien de la politique de défense », qui regroupe les principales fonctions transverses assurées par l'administration centrale. Il est appelé à jouer un rôle important dans la mise en oeuvre de plusieurs axes de la modernisation du ministère. Je pense en particulier à la rationalisation nécessaire de l'informatique de gestion, ainsi qu'aux opérations d'infrastructure.
Sur ce point, l'Assemblée nationale a réduit le périmètre du programme de 600 millions d'euros, en transférant les crédits relatifs à la gendarmerie sur la mission « Sécurité ». Pouvez-vous nous confirmer, madame la ministre, qu'en tout état de cause une vision centralisée sera assurée sur toutes les opérations d'infrastructure relevant de la défense et sur leur programmation ?
Par ailleurs, il semblerait que la tension constatée ces deux dernières années sur les crédits d'équipement se soit répercutée sur les dotations d'infrastructure. Si les grosses opérations paraissent préservées, nous sommes inquiets de constater que l'armée de terre a dû réduire de 100 millions à 23 millions d'euros l'annuité qu'elle consacre à l'amélioration des conditions de logement des engagés dans les unités. Nous souhaitons que la globalisation des crédits des trois armées permette de redresser cette situation préjudiciable à la fidélisation des personnels.
Enfin, je me félicite de la parution, très attendue, des textes réglementaires destinés à accélérer les travaux de dépollution qui retardent les cessions d'emprises immobilières aux collectivités locales.
S'agissant du programme « Environnement et prospective de la politique de défense », j'ai signalé dans mon rapport écrit différentes interrogations portant sur son périmètre - par exemple, la direction du renseignement militaire est séparée des autres services de renseignement du ministère - mais aussi sur son fonctionnement, compte tenu de l'hétérogénéité des actions qu'il regroupe. Il est toutefois positif d'avoir donné aux crédits de recherche et de technologie une meilleure visibilité et de les avoir dissociés des autres crédits d'équipement, ce qui devrait, en principe, mieux les préserver.
Les crédits d'études amont connaîtront en 2006 une progression très significative d'environ 9 %, sous réserve que les 4,4 millions d'euros éventuellement retirés du programme « Environnement et prospective de défense » ne viennent pas mettre à bas l'effort promis. Vous avez annoncé un résultat similaire pour 2007. Ce rattrapage est bienvenu, car un certain retard avait été pris en début de loi de programmation militaire. Il permettra d'amplifier la politique de lancement de démonstrateurs technologiques, même si, hors domaine nucléaire, le niveau de notre effort de recherche de défense reste inférieur à celui du Royaume-Uni.
La publication d'indicateurs de performances prévue par la LOLF permettra de suivre nos résultats, notamment la progression des capacités technologiques. Il serait également souhaitable de publier l'an prochain un indicateur sur la part des recherches réalisées en coopération, qui concernent aujourd'hui 20 % des programmes d'études amont.
De nombreux efforts restent à réaliser dans ce domaine. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, comment réagissent nos principaux partenaires à l'idée de porter le budget de recherche de l'Agence européenne de défense à 200 millions d'euros d'ici à quelques années, comme l'a suggéré notre délégué général pour l'armement ?
Je terminerai par le renseignement, dont les moyens humains et matériels bénéficient depuis plusieurs années d'un renforcement régulier. On peut toutefois se demander si cet effort est suffisant au regard des besoins. À l'Assemblée nationale, vous avez à juste titre insisté, madame la ministre, sur la nécessaire valorisation des carrières dans le renseignement. Il est également utile de poursuivre la mutualisation de certains moyens de recueil ou d'exploitation du renseignement qui s'amorce entre services. Cela va d'ailleurs dans le sens d'une coordination devenue indispensable dans le contexte sécuritaire actuel.
Lors de la discussion au Palais-Bourbon du projet de loi sur la lutte contre le terrorisme, la question des relations entre le Parlement et les services de renseignement a ressurgi, sur l'initiative de la commission des lois et d'un certain nombre de députés de la majorité comme de l'opposition. Des amendements ont été retirés au bénéfice de la création d'un groupe de travail, qui devra rendre ses conclusions avant le 15 février, avec en perspective, le dépôt d'un texte législatif.
Plusieurs de nos collègues avaient effectué par le passé des propositions du même ordre au Sénat et à l'Assemblée nationale. Je crois traduire un sentiment assez unanime des membres de la commission des affaires étrangères - sous le contrôle de son président - en estimant légitime, à l'image de ce que pratiquent la plupart des grandes démocraties occidentales, que, dans le respect des règles de confidentialité, des représentants de la nation dûment mandatés puissent bénéficier d'une information générale sur les missions, les moyens et l'organisation des services de renseignement, et cela sans interférer bien sûr avec le domaine opérationnel.
Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, les suites qui ont été données par le Gouvernement aux initiatives annoncées aux députés le 24 novembre dernier ?
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable sur les crédits de la mission « Défense » s'agissant de l'environnement et du soutien de la politique de défense. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les masses financières que nos différents rapporteurs viennent d'évoquer démontrent que le redressement de l'effort de défense sera consolidé en 2006. Ce budget traduit aussi, une nouvelle fois et pour la quatrième année de suite, les engagements pris par le Président de la République, puis ratifiés par le Parlement et que, madame le ministre, vous mettez en oeuvre depuis trois ans avec une détermination et une efficacité qui vous honorent.
C'est ensuite un budget qui s'inscrit dans le cadre de la nouvelle présentation budgétaire, permettant davantage de transparence et d'efficience dans la gestion, une présentation plus claire des dépenses et donc une capacité nouvelle pour le Parlement d'assurer sa responsabilité de contrôle.
Mais, au-delà de l'analyse comptable, indispensable pour guider une bonne gestion de la dépense publique, il me semble surtout que, si ce budget est bon, c'est qu'il vise un objectif central, qui reste le souci constant de la commission des affaires étrangères et de la défense : permettre à nos armées, aux femmes et aux hommes qui y travaillent, d'effectuer les missions que la nation leur confie dans les meilleures conditions de réactivité et d'efficacité.
C'est parce que la ressource financière de la mission « Défense », en phase avec la loi de programmation votée par le Parlement, correspond, ni plus ni moins, à cette priorité de bon sens, que le budget que vous nous présentez, madame le ministre, est bon pour le pays, et c'est pourquoi la commission des affaires étrangères et de la défense y a donné un avis favorable.
Permettez-moi d'insister sur quelques points. On le sait, la gestion de ces crédits fait apparaître de façon récurrente la question des retards de paiement, des intérêts moratoires qu'ils entraînent, et surtout celle des reports de charges.
L'origine de ces derniers n'est pas imputable au ministère de la défense : le retard initial de quelque 800 millions d'euros, héritage de la précédente programmation, avait affecté la première annuité de la loi en cours ;...
M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis. Oh !
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. ...ensuite, le mode de financement des opérations extérieures, les OPEX, avait contribué, lui aussi, au gel de crédits en cours d'exercice, pesant ainsi sur le montant des reports. (M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis, sourit.) Ce dernier point est désormais en voie de règlement avec, cette année, la dotation provisionnelle nettement majorée, conformément à vos engagements.
Enfin, troisième cause, le plafond de dépenses imposé chaque année par Bercy, pour de louables raisons de limitation de déficit, contraint la défense à ne pas utiliser tous ses crédits disponibles et à reporter ses dépenses sur l'année suivante.
M. Didier Boulaud. Eh oui !
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. Cette dernière hypothèque n'est pas complètement levée, et on peut craindre qu'elle ne pèse, chaque année, sur l'exécution du budget de la défense, avec les conséquences que l'on sait.
M. Didier Boulaud. Quelle clairvoyance, monsieur le président !
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. Vous est-il possible de dissiper cette inquiétude, madame le ministre ?
Le deuxième point concerne l'avenir, monsieur Boulaud, c'est-à-dire la prochaine programmation militaire.
L'arrivée à maturation de nombreux programmes majeurs d'équipement nécessitera de mobiliser des ressources, au minimum égales, voire supérieures, à ce qu'a prévu l'actuelle loi de programmation militaire, pour la fabrication des équipements neufs indispensables à la modernisation de notre outil militaire.
Nous devrons également sanctuariser dans ce budget une enveloppe suffisante pour la recherche et la technologie, et l'effort entrepris en ce sens ces dernières années devra être poursuivi.
Enfin, il faudra nourrir le poste, de plus en plus gourmand en crédits, du maintien en condition opérationnelle. On connaît, là encore, les causes de cette envolée des coûts d'entretien, que ce soit la sophistication croissante des nouveaux équipements ou le vieillissement d'une partie importante de nos matériels.
Madame le ministre, vous avez engagé une mission d'évaluation sur ce point et vous envisagez une stratégie contractuelle avec les industriels pour tenter d'intégrer désormais cette charge d'entretien dans le coût d'acquisition des équipements. Il est souhaitable que cette démarche soit couronnée de succès, car l'évolution préoccupante de ces coûts d'entretien pourrait finir par compromettre la bonne allocation des ressources dédiées au renouvellement des équipements proprement dits.
Ainsi, alors que nous entrons dans la seconde moitié de la loi de programmation, nous voyons bien les contraintes fortes qui pèsent sur la réalisation de notre nouveau modèle d'armée. Elles exigeront une grande continuité dans l'effort budgétaire et une recherche constante de l'optimisation des moyens, à laquelle le ministère de la défense s'emploie activement, à travers les nombreuses réformes engagées ces derniers mois et, en particulier, le renforcement des prérogatives du chef d'état-major des armées.
Ce budget s'inscrit également, comme la programmation militaire elle-même, dans la construction de l'Europe de la défense. Cette dernière, dans une Union européenne un peu atone depuis quelques mois, continue de vivre et de progresser.
Je ne reviendrai pas sur les nombreuses opérations militaires ou civiles que l'Union a menées ces dernières années, et qu'elle continue de mener, notamment en Afrique et en Europe. On peut y ajouter la mission civile qui vient de lui être dernièrement confiée pour la supervision de la frontière entre l'Égypte et Gaza, au point de contrôle de Rafah.
De même a été décidée la constitution de dix-huit groupements tactiques interarmées de mille cinq cents hommes, qui seront l'ossature de sa capacité de réaction rapide. Par ailleurs, une nouvelle étape a été récemment franchie vers un marché européen des équipements de défense, plus transparent et plus fluide, avec l'adoption d'un « code de conduite » piloté par l'Agence européenne de défense. Cette Agence suscite d'ailleurs beaucoup d'attentes.
Pouvez-vous dire, madame le ministre, quelles avancées concrètes nous pouvons en espérer dans les prochains mois, notamment sur le renforcement de démarches communes en matière de programmes de recherche ou d'équipement ?
Activement engagée dans cette Europe de la défense, la France l'est aussi opportunément au sein de l'OTAN : elle l'est dans ses nouveaux commandements, celui de la Force de réaction rapide ou celui de la transformation de l'Organisation. Elle l'est aussi dans ses opérations militaires au Kosovo, ainsi qu'en Afghanistan, où, avec la force internationale d'assistance à la sécurité, la FIAS, chargée de conforter la stabilisation du pays, l'OTAN effectue, pour la première fois, une importante opération « hors zone ».
Cette opération de l'OTAN en Afghanistan est symbolique, car elle soulève plusieurs questions.
La première, immédiate, concerne les conditions d'extension territoriale de la FIAS, vers le sud, puis vers l'est du pays, où, jusqu'à présent, c'est la mission « Liberté immuable », sous commandement américain, qui est en charge de combattre les terroristes et les combattants talibans. Cette extension territoriale sera-t-elle, sur le terrain, compatible avec la spécificité de chacune des deux missions, l'une de guerre, l'autre de stabilisation ?
La seconde question est plus large et porte sur le rôle futur de l'OTAN, qui semble depuis quelque temps traverser une crise d'identité. Ainsi, cette première opération « hors zone » restera-t-elle l'exception ou bien en annonce-t-elle d'autres, au Proche-Orient ou en Afrique ? Quelle utilisation opérationnelle sera faite de sa nouvelle Force de réaction rapide ? Plus généralement, l'éventail de ses missions doit-il s'élargir au delà de sa compétence militaire ? L'Alliance doit-elle être ce « lieu où les Etats membres doivent se tourner en premier pour traiter des questions politiques et de sécurité communes », comme l'a récemment déclaré la nouvelle Chancelière d'Allemagne ?
Ces thèmes seront au coeur du sommet de l'OTAN prévu à la fin de l'année prochaine. Il serait intéressant, madame le ministre, que vous nous rappeliez la position de la France sur ces différentes questions, dans la mesure même où, dans la logique de complémentarité qui lie la défense européenne à l'Alliance, l'évolution de celle-ci affectera nécessairement celle-là. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 53 minutes ;
Groupe socialiste, 37 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 19 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 15 minutes.
Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe, pour chaque discussion, comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de cinquante minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Madame le ministre, le projet de budget de la défense que nous examinons cette année est le premier budget totalement mis en oeuvre selon les règles de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
Je me permets de souligner cet aspect technique de notre budget, puisqu'il a une influence sur l'examen que nous pouvons en faire. Ce changement de présentation rend plus délicate toute comparaison avec les budgets des années antérieures.
Nous reconnaissons tous que cette nouvelle présentation budgétaire apporte clarté et transparence dans le suivi des moyens consacrés au ministère de la défense et devrait permettre d'améliorer le contrôle de l'action gouvernementale
Pour que ce suivi soit réellement effectif, il faudra, d'une part, que les ministères concernés, notamment le ministère de la défense et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, jouent le jeu de la transparence et, d'autre part, que nos commissions parlementaires exercent tous leurs droits en matière de contrôle budgétaire.
Le débat sur le budget de la défense nous oblige à nous pencher sur une situation internationale particulièrement instable, dont certains développements nous contraignent à une vigilance accrue.
Je m'attarderai quelques minutes sur cette situation internationale extrêmement préoccupante, à commencer par le problème du terrorisme.
Les attentats de Londres, en juillet dernier, ont confirmé la menace qui pèse sur nos pays. Nous devons affirmer que la lutte contre le terrorisme doit, dans le cadre de la légalité, être menée sans faiblesse. Le respect des droits fondamentaux de l'individu et la nécessaire lutte contre les actes terroristes ne doivent pas, dans notre démocratie, être contradictoires. Nous ne devons pas oublier qu'il faut combattre les sources du terrorisme et pas seulement ses effets criminels.
Nous savons qu'il y a dans le monde des conflits sans solution politique, des crises qui s'éternisent, des injustices criantes, qui constituent un terreau fertile pour les terroristes. La menace terroriste se nourrit de ces situations, vécues dans la douleur par les populations civiles du Caucase, de la Corne de l'Afrique, du Proche et du Moyen-Orient, d'Afghanistan, du Pakistan et d'ailleurs.
Ces foyers de crise affaiblissent les États, détruisent les sociétés, pervertissent les économies, créant de vastes zones de non-droit où, terroristes et criminels, peuvent trouver gîte, couvert et terrains de manoeuvres pour préparer leurs entreprises meurtrières et lancer leurs attaques.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour exprimer une conviction profonde : la lutte contre le terrorisme ne peut et ne doit pas s'affranchir des lois ! Les conventions internationales doivent s'appliquer à tout le monde, à tous les pays, qu'ils soient forts ou faibles, qu'ils se situent en Occident ou en Orient, au Nord ou au Sud. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Si, pour lutter contre le terrorisme, certains font appel à des méthodes et des pratiques illégales, nous devons dire haut et fort notre réprobation. On ne rend pas service à la liberté et à la démocratie en utilisant, pour leur défense, les mêmes méthodes que les terroristes.
Contribuer à la résolution des conflits, éviter de les aggraver, prévenir leur départ, constituent aussi une priorité de notre défense. Pour cela, le renseignement est primordial, et le renforcer est une nécessité, comme le confirme d'ailleurs l'actualité internationale. Je pense notamment à l'affaire, dont nous ne savons pas grand-chose, des vols suspects et secrets, organisés par la CIA, qui auraient transité et fait escale sur des aéroports européens.
Je veux simplement souligner, comme je l'ai fait dans le rapport écrit que j'ai présenté, au nom de la commission des affaires étrangères, sur le budget de la défense, qu'il nous sera nécessaire de consacrer de plus en plus d'efforts au renseignement en explorant toutes ses possibilités, humaines et techniques, sachant que c'est le renseignement qui nous permettra d'anticiper et de nous préparer à affronter les dangers. Je salue donc l'effort budgétaire qui sera fait en 2006 en cette matière.
Madame le ministre, je constate aussi avec satisfaction que votre projet de budget apporte un soutien important aux crédits de recherche. J'ai été agréablement surpris devant l'augmentation des crédits consacrés aux études amont et à la recherche. Cela contribue utilement, sous réserve d'une correcte consommation des crédits en cours d'année, au développement d'une base industrielle et technologique de défense.
Je tiens également à évoquer votre attitude, madame le ministre, face à l'acte condamnable qui a été commis par des militaires en Côte d'Ivoire. Vous avez pris, rapidement, les décisions difficiles qui s'imposaient. Votre souci de protéger les soldats français n'a pas été un obstacle, bien au contraire, à l'éclatement d'une douloureuse vérité. L'affaire est aujourd'hui dans les mains de la justice. Cette dernière doit pouvoir faire son travail dans la sérénité, avec la coopération sans restrictions de toutes les personnes qui peuvent l'aider.
Permettez-moi, d'une part, de dire notre solidarité avec les soldats français qui sont exposés à des dangers multiples sur différents fronts dans le monde et, d'autre part, de souligner que la situation en Côte d'Ivoire reste un sujet majeur de préoccupation. Nos soldats évoluent dans un contexte très difficile et dangereux, et je crains que cette mission ne devienne, étant donné les circonstances, une « mission impossible » !
J'en viens au projet de budget. Il présente des aspects positifs et je salue votre opiniâtreté à défendre les crédits de votre ministère. Au moment où l'idéologie néfaste du « moins d'Etat » fait fureur dans les rangs de la majorité, il est urgent de remarquer cette exception.
Pourtant, les adversaires du budget de la défense ne manquent pas et vous faites preuve d'ardeur et de pertinence dans votre démarche.
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !
M. Didier Boulaud. Dommage que le Gouvernement ait mis les finances de la France dans l'état que nous connaissons aujourd'hui, ce qui empêche notre pays de faire face aux nécessités essentielles en matière budgétaire ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Sous une apparence flatteuse, ce budget déploie des crédits qui semblent en harmonie avec la lettre de la loi de programmation militaire. Mais, comme l'a déclaré Jean-Michel Boucheron, à l'Assemblée nationale : « Soit on aime les contes de fées et on l'approuve ; soit on s'intéresse au monde réel, on est donc beaucoup plus circonspect et on ne peut l'approuver. »
Et encore ! Au moment où il prononçait ces fortes paroles, il ne savait pas que des coupes budgétaires, qui avaient été préparées à Bercy et acceptées rue Saint Dominique, allaient amputer ce projet de budget de la bagatelle de 75 millions d'euros... et cela avant même que le projet de loi de finances 2006 n'arrive sur le bureau du Sénat !
Les aspects positifs et les efforts budgétaires que j'ai soulignés ne doivent cependant pas occulter ce que je considère comme un manquement essentiel dans les budgets de la défense : l'absence de rigueur dans leur exécution !
Récemment, la Cour des comptes et la mission d'information de l'Assemblée nationale sur le contrôle de l'exécution des crédits de la défense ont constaté, en 2004 et 2005, des écarts flagrants entre les chiffres annoncés et la réalité de l'exécution. Le taux de consommation des crédits d'équipement, qui s'élevait en moyenne à 91,8 % de 1997 à 2001, a chuté à 88,7 % en 2003, et à 81,7 % en 2004.
Formellement, le projet de loi de finances respecte la loi de programmation militaire. Le projet de budget de la défense, qui s'établit à 47 milliards d'euros, est en augmentation de 3,4 % en valeur, soit de 1,8 % en volume. Nous devrions nous déclarer satisfaits...
Or, compte tenu de l'état des comptes de la France et des déclarations du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, nous pensons que les engagements financiers du Gouvernement ne pourront pas être tenus. Et cette impression est partagée au-delà des travées de l'opposition, puisque notre commission des finances vient de vous demander, madame le ministre, de vous engager « à renforcer la sincérité de votre budget » !
Le projet de budget, tel qu'il nous est présenté aujourd'hui, supporte, d'une part, le sous-calibrage des crédits nécessaires pour respecter le volume d'équipements prévu par la loi de programmation militaire et, d'autre part, le décalage croissant et accumulé entre les crédits annoncés et ceux qui sont réellement consommés.
L'on nous dit que la résorption de « la bosse des reports de crédits » de 2005 aura lieu en 2006, et l'on nous promet la résorption globale des crédits reportés pour la fin de 2008... ! Or nous savons, et vous savez, que ces reports sont d'ores et déjà une lourde hypothèque sur la prochaine programmation.
Les crédits reportés sont des crédits de paiement destinés à l'investissement, essentiels pour tenir les objectifs de l'actuelle loi de programmation militaire. Ainsi, malgré les vertueuses recommandations qui entourent la LOLF, il est déjà prévu dans l'article 57 du projet de loi de finances initiale pour 2006 une majoration des plafonds de reports de crédits de paiement de 2005 s'agissant de la défense.
Les sujets d'inquiétude sont donc nombreux et nos rapporteurs ne les ont pas cachés, ce dont je les félicite. Signalons notamment les retards pris par certains programmes : le chef d'état-major des armées a souligné les retards sur le Rafale, sur la version navale de l'hélicoptère NH 90, ainsi que le nombre réduit d'hélicoptères Tigre qui seront livrés.
Comment ne pas remarquer que, pour les programmes déjà engagés, l'écart reconnu est de plus de 2 milliards d'euros entre les crédits prévus dans la loi de programmation militaire et ceux qui seraient nécessaires pour tenir les échéances et respecter les volumes d'équipements annoncés ?
Un autre indicateur négatif est la flambée des intérêts moratoires qui s'élèvent à 14,7 millions d'euros en 2005.
Par ailleurs, comment ne pas souligner que, pour l'ensemble du ministère, on constate une adaptation des crédits de personnel aux sous-effectifs constatés les années précédentes. En 2005, l'effectif budgétaire était en régression de 879 postes par rapport à 2004 et inférieur de 3 809 postes à la programmation ; en 2006, il sera inférieur de 2 913 postes aux 443 242 postes prévus par la programmation. On s'installe dans une situation de déficit chronique de personnel.
Vous l'avez reconnu, madame le ministre, le maintien en condition opérationnelle reste une préoccupation majeure. Des efforts ont été faits, et la croissance des crédits consacrés au maintien en condition opérationnelle se poursuit cette année, avec une augmentation de 8,5 %. Toutefois, on dirait que les résultats ne sont pas au rendez-vous. Il est prévu que, après 2007, les crédits consacrés au maintien en condition opérationnelle progresseront inéluctablement de près de 10 % par an : ils pèseront donc lourdement sur le financement des nouveaux programmes.
Ces problèmes récurrents jettent un doute sérieux sur la réalité des crédits consacrés à la défense. Ainsi, si la « budgétisation » pour 2006 d'une partie des OPEX est un progrès, cette prévision semble très insuffisante au regard des surcoûts observés en 2004, qui se sont élevés à 633 millions d'euros, et de ceux que l'on peut prévoir pour 2005, soit 566,9 millions d'euros. Où allez-vous, madame, prendre les crédits nécessaires aux OPEX pour 2006 ?
Certains programmes font apparaître un financement plutôt flou : les frégates européennes multimissions, ou FREMM, les sous-marins Barracuda, le second porte-avions... autant d'engagements qui compromettent déjà l'avenir.
Nous sommes face à la réalisation d'une loi de programmation militaire qui semble d'ores et déjà bien virtuelle, malgré vos propos relevant de la méthode « Coué », qui ne nous rassurent pas. La situation des comptes publics, fort dégradée, et une croissance molle seront fatales à la réalisation de la loi de programmation militaire et du modèle d'armée 2015. Devrons-nous attendre 2007 pour rendre compte publiquement de cette situation ?
Dès maintenant, nous devons poser la question d'un nouveau modèle d'armée adapté à l'état réel de nos finances, conséquent avec les priorités sociales et économiques de la nation, et capable d'apporter une intégration profonde de notre défense dans la défense européenne. Un modèle d'armée pour 2025 ou 2030 : je sais que votre ministère travaille dans ce sens. Pourquoi ne pas ouvrir la réflexion ?
Notre pays doit s'engager dans un développement plus ambitieux de la politique européenne de sécurité et de défense ; il s'agit maintenant d'inscrire toute notre défense dans le cadre européen. La prochaine loi de programmation doit rompre avec le franco-centrisme des précédentes programmations, et ce même si l'environnement politique européen actuel n'y est pas très propice. Assumons un rôle moteur au sein de l'Union européenne dans le domaine de la défense !
L'accroissement des capacités européennes communes de défense est l'un des chantiers à approfondir. À budget de défense égal, l'Europe pourrait être bien plus efficace si les membres de l'Union consentaient à coordonner leurs politiques d'équipement militaire. Additionner les efforts nationaux est insuffisant pour constituer une défense commune et, plus tard, une armée européenne. Il est donc absolument indispensable de rompre avec les stratégies nationales en matière de politique d'équipement et d'accorder la priorité à la construction des capacités communes européennes.
Le projet de loi de finances pour 2006 montre que cette nécessaire évolution n'est pas encore à l'oeuvre : il est, à l'instar de la loi de programmation dans lequel il s'inscrit, une occasion manquée de nous impliquer fortement dans l'Europe de la défense.
Madame le ministre, tout en reconnaissant vos efforts pour défendre les crédits de votre ministère, et parce que, immergé dans une politique économique et sociale négative, il tend à conforter un passé révolu et ne prépare pas l'avenir, le groupe socialiste ne votera pas votre projet de budget pour 2006. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. C'était sévère !
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Madame le ministre, je ne suis pas le premier à prendre la parole sur ce projet de budget pour le soutenir. Vous me permettrez cependant de répéter ce qui a déjà été dit, que je résumerai en deux mots fort simples : merci et bravo !
Merci, car vous nous présentez, pour la quatrième fois consécutive, ainsi que l'ont souligné les rapporteurs, un projet de budget qui respecte l'objectif de la loi de programmation militaire, conformément aux engagements pris par le Président de la République : à format constant, les crédits de la défense s'accroissent de 3,4 % par rapport à 2005. Il garantit également la modernisation des équipements retenus dans la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité intérieure.
Bravo, aussi, madame le ministre, à votre ministère, et bien sûr à vous-même, d'avoir si brillamment réussi à relever le défi de la LOLF. Ce n'était pas tâche facile, on le sait, mais vous y êtes parvenue.
C'est un projet de budget clair et instructif que vous nous présentez. Désormais, en effet, nous pouvons pleinement apprécier les atouts comme les objectifs qui restent à satisfaire pour la défense nationale.
Si vous me le permettez, j'évoquerai toutefois certaines perspectives qui me paraissent importantes.
Tout d'abord, madame le ministre, vous avez lancé le programme Défense - 2e chance. Au regard des récents événements de violence urbaine, auxquels elle est au demeurant antérieure, votre initiative me semble particulièrement pertinente. Vous avez en effet parfaitement compris le rôle de liaison qu'a l'occasion de jouer votre ministère : liaison entre la République et ceux qui s'en sentent éloignés, liaison entre ceux qui décident d'y souscrire ; car, au-delà des valeurs de la République qu'ils y trouveront et qu'ils apprendront à défendre, c'est aussi dans l'esprit de corps qui caractérise les militaires que ces jeunes pourront s'entraîner, mais aussi s'entraider.
Ainsi, madame le ministre, en donnant cette deuxième chance à quelque 20 000 volontaires en grande difficulté scolaire, professionnelle et sociale, par la formation et la référence de l'armée que vous leur procurez, vous participez activement à l'action prioritaire du Gouvernement : la lutte contre le chômage. Je sais que deux centres sont déjà ouverts, et beaucoup suivront. J'aimerais vous assurer de mon soutien enthousiaste pour cette opération très prometteuse.
La deuxième piste de réflexion, madame le ministre, concerne l'industrie navale, et plus particulièrement le dossier du rapprochement entre DCN et Thales, qui a été plusieurs fois discuté. Le sujet est d'importance, car il recèle les bases d'une véritable industrie européenne de l'armement naval, dont nous avons besoin pour résister à la concurrence étrangère. Qu'en est-il exactement aujourd'hui, notamment dans la perspective d'alliances européennes ultérieures ? Quelles seront les bases de développement du partenariat en Europe ?
J'en viens, madame le ministre, à un troisième point, qui intéresse aussi les Français de l'étranger : les 33 000 hommes et femmes à travers le monde, notamment les 11 000 envoyés au titre des opérations extérieures.
Les ressortissants français établis dans les zones à risque apprécient l'engagement de nos forces armées et le soutiennent. Nombre d'entre eux, en effet, vivent quotidiennement la nécessité de la présence des militaires français, que ce soit dans les situations d'urgence humanitaire, je pense au Pakistan, ou dans les conflits armés, et me vient immédiatement à l'esprit la Côte d'Ivoire. Au nom de mes compatriotes établis dans ces régions à risque, je voudrais vous remercier et, à travers vous, l'armée et les militaires en général.
Je tiens à souligner aussi les progrès réalisés en matière de budgétisation des OPEX, dont il vient d'être question. Nous pouvons choisir de voir le verre à moitié vide et considérer que près des deux tiers des opérations extérieures ne sont toujours pas préfinancés. Cela est problématique à bien des titres, notamment dans la mesure où l'ouverture de crédits complémentaires entraînera des reports qui risquent de déstabiliser l'exécution budgétaire.
Toutefois, nous pouvons aussi choisir de voir le verre à moitié plein : 24 millions d'euros en 2003, 100 millions en 2004, une nouvelle majoration qui doit intervenir pour 2006, même si elle n'atteint pas ce qui était initialement espéré.
Néanmoins, dans un deuxième temps, il semblerait utile de conduire une réflexion sur la définition des modes d'intervention qui seraient plus adaptés pour faire face aux crises où nos forces sont impliquées durablement. En effet, là où elles interviennent, on assiste souvent à la pérennisation de l'engagement sur le terrain, comme au Kosovo, en Bosnie ou en Afghanistan, sans que quiconque soit malheureusement en mesure de prévoir d'échéance.
Aussi, je vous remercie, madame le ministre, de bien vouloir nous expliquer le dispositif militaire français à l'étranger, plus précisément en Afrique ; brièvement bien sûr, car vous n'aurez pas le temps, dans les cinquante-trois minutes qui vous sont imparties, d'entrer dans le détail !
Dans ce contexte international marqué par la lutte contre le terrorisme et la multiplication des menaces, vous nous proposez une diplomatie de défense déterminante. C'est une bonne chose, car cela contribue à la stabilité de l'environnement international et permet à la France de s'impliquer efficacement dans la prévention et dans la résolution des crises.
Je pense également aux actions que nous développons en coopération avec nos partenaires dans les opérations multinationales : que ce soit en Ituri, en Macédoine ou au Kosovo, la France a su participer efficacement au déploiement des forces multilatérales. Pouvez-vous nous dire, madame le ministre, si notre pays a aujourd'hui la capacité de conduire et de diriger ces forces multinationales ? Je le pense, mais il serait peut-être bon de nous préciser de quelles capacités il nous resterait éventuellement à nous doter pour y parvenir parfaitement.
Dernière observation, la France affiche une volonté remarquable d'indépendance militaire, à travers notamment le nucléaire et une industrie de défense qui est en pleine expansion. Dans le même temps, elle oeuvre avec détermination pour la construction d'une défense européenne crédible et solide, comme on l'a vu dernièrement avec, notamment, la création de l'Agence européenne de la défense, qui est peut-être ce qui marche le mieux en Europe.
En outre, le ministère de la défense développe un grand nombre de projets industriels de coopération bilatérale : les frégates avec l'Italie, le porte-avions avec la Grande-Bretagne, ainsi que d'autres projets en coopération avec l'Espagne, l'Allemagne, la Belgique... Les divers projets engagés sont plutôt encourageants.
Parallèlement, l'OTAN reste le pilier de la défense commune pour les États qui en sont membres. La France, on le sait, y est elle-même très active. Quant à l'ONU, nous ne pouvons placer la légitimité de nos interventions internationales dans un meilleur cadre que celui de la communauté des nations, légitimité de toute intervention.
Madame le ministre, cela m'amène à une question simple, mais difficile : pouvons-nous aujourd'hui être partout ? Quels seront les cadres prioritaires d'engagement de la France à l'avenir ? Seront-ils plus volontiers nationaux, européens ou atlantiques ?
Madame le ministre, je vous remercie des éclaircissements que vous voudrez bien nous apporter. Sachez que toutes ces interrogations ne m'empêcheront pas de soutenir avec conviction et enthousiasme votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. André Boyer.
M. André Boyer. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, avec ce projet de loi de finances pour 2006, nous examinons, en ce qui concerne les investissements de la défense, la quatrième annuité de la loi de programmation militaire.
À mi-parcours de la programmation actuelle, il est possible de tenter un premier bilan et d'envisager la physionomie de la programmation suivante. Plus que jamais, en ces temps budgétaires difficiles, l'exercice de programmation reste indispensable pour préparer des investissements très importants - certains portent sur plusieurs milliards d'euros - dont le calendrier s'étale parfois sur près de vingt ans, pour une durée de service équivalente.
Vous l'avez rappelé, madame le ministre, l'annuité 2006 est conforme à l'enveloppe prévue, comme c'est le cas depuis trois ans. Un effort substantiel a été consenti sur tous les postes : condition des personnels, maintien en condition opérationnelle et programmes d'équipement.
Mais, après trois ans, des inquiétudes persistent. La situation d'entrée dans la programmation était, il est vrai, dégradée, tant pour l'organisation de l'entretien et son financement que pour le niveau des commandes de matériels neufs, en deçà des prévisions.
On peut constater que la disponibilité des matériels en service ne s'est pas totalement redressée en dépit de l'investissement massif réalisé. Le maintien en condition opérationnelle reste très coûteux en raison du vieillissement des matériels et de l'entrée en service d'équipements plus sophistiqués. La situation de monopole des industriels chargés de l'entretien est loin d'orienter les coûts à la baisse, et l'organisation de la filière de maintien en condition opérationnelle n'est pas stabilisée. Pourriez-vous à ce sujet, madame le ministre, nous informer des aménagements envisagés, plus particulièrement, pour l'entretien des matériels aéronautiques ?
Il est vraisemblable que les coûts de cet entretien seront au mieux contenus ; ils pourraient même progresser encore. Or un équilibre fragile doit être maintenu entre l'entretien, l'achat de matériels neufs et le fonctionnement courant, pour préserver à la fois la motivation et l'entraînement des personnels. Les indicateurs d'activité de nos forces restent insuffisants, à l'exception de certaines unités.
Si les annuités budgétaires prévues ont été respectées, il n'en va pas de même des prévisions de la loi de programmation en matière de réalisation des équipements. Certains programmes ont été sous-calibrés ; d'autres - je pense aux sous-marins nucléaires d'attaque, les SNA - ont subi la répercussion de normes nucléaires plus exigeantes ; d'autres enfin, comme les frégates, ont vu leur enveloppe vidée pour faire face à d'autres besoins.
Pour des raisons diverses, des programmes de grande ampleur ont subi des retards importants. Tel est le cas du char Leclerc, en raison de problèmes internes à l'entreprise, du programme de SNA, différé pour des raisons à la fois techniques et budgétaires, mais aussi de l'hélicoptère de transport NH-90, qui rencontre des problèmes de mise au point par l'industriel.
Sur ce point, madame le ministre, quelles sont les mesures que vous comptez prendre, alors que la marine continue de financer ce programme sans résultat tangible à l'échéance prévue ?
Si les restructurations industrielles ont lourdement pesé sur l'enveloppe des programmes, l'accumulation des reports de crédits, 2,77 milliards d'euros accumulés à la fin de l'année 2005, témoigne de la difficulté à dépenser l'enveloppe prévue dans le régime actuel de financement des opérations extérieures, qui sont remboursées en fin d'année, mais aussi de la difficulté de gestion des programmes.
En dépit des aménagements du régime de la LOLF, pour répondre aux besoins spécifiques du déroulement des programmes d'armement, c'est la situation budgétaire de notre pays qui rendra difficile la consommation de ces reports dans un délai raisonnable. Et, s'ils ont été pour partie consommés cette année, c'est parce que la défense n'a pu obtenir le remboursement du coût des opérations extérieures. Il s'agit d'une consommation de crédits non génératrice d'équipements.
La nécessité de consommer les reports, ajoutée au lancement, en 2006, de programmes extrêmement lourds, comme le porte-avions ou les sous-marins nucléaires d'attaque, laisse présager un gonflement des annuités budgétaires au cours des prochaines années. Cette dépense sera-t-elle supportable pour le budget de l'État ?
Il est vraisemblable que la réponse sera négative si aucune des composantes du coût des programmes d'équipement n'évolue. Dans le cas contraire, faute de pouvoir dépenser plus, le ministère de la défense sera contraint de rechercher une baisse des coûts ou de réviser ses ambitions à la baisse.
La coopération avec nos partenaires européens, que nous appelons naturellement de nos voeux, reste trop souvent source de difficultés et de surcoûts. Le programme de frégates antiaériennes Horizon en apporte la démonstration. Sur ce sujet, madame le ministre, pouvez-vous nous dire quelles sont les perspectives de développement de l'Agence européenne de défense ? Comment le rôle de cette instance est-il perçu par vos homologues européens ? Pourra-t-elle disposer des moyens nécessaires à son développement ? Est-il envisageable qu'elle assure à moyen terme un pilotage des programmes véritablement générateurs d'économies ?
En l'absence de véritable intégration industrielle, la coopération européenne reste bien souvent incantatoire. Nous en mesurons les effets dans le dossier du porte-avions. Réalisée en partie pour les matériels aéronautiques, elle est à peine esquissée pour les matériels terrestres et dans le domaine naval. Peut-on envisager, en préservant les savoir-faire les plus stratégiques, un renforcement de cette intégration qui soit synonyme de baisse des coûts ?
Quel regard le ministère de la défense, en particulier la délégation générale pour l'armement, porte-t-il ainsi sur les tentatives de la Commission européenne d'instiller une dose minimale de libéralisation dans le marché de l'armement ? En d'autres termes, la France soutient-elle le maintien de la conception très large de l'article 296 du traité sur l'Union européenne ou peut-elle en accepter une vision plus restrictive ?
Certes, trop souvent, le déroulement des programmes d'armement souffre, faute de crédits, d'un étalement mais aussi de modifications des spécificités après le lancement de la phase industrielle. La modification des pouvoirs du chef d'état-major des armées, responsable, aux côtés de la DGA, de la gestion des programmes d'armement, est-elle de nature à contribuer à un meilleur cadrage de ces programmes ?
Enfin, s'il est convenu que le format 2015 ne sera pas atteint à cette date, pouvez-vous nous dire quels sont les aménagements d'ores et déjà prévus et les arbitrages à réaliser ?
En conclusion, madame le ministre, je voudrais souligner combien c'est la capacité même de la défense à investir qui est en jeu pour les années à venir. Je suis convaincu que seule une réflexion menée à l'échelle européenne pourra dégager les marges de manoeuvre nécessaires, en réservant nos réflexes nationaux aux domaines les plus strictement stratégiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le budget que vous nous présentez fait partie des quatre grands budgets sanctuarisés par le Gouvernement, c'est-à-dire qu'ils échappent à la logique de l'austérité imposée aux ministres à vocation sociale, bien que l'éducation et la justice soient loin de correspondre aux nécessités.
Je ne contesterai pas, bien sûr, la nécessité de donner à notre pays les moyens de sa défense et la possibilité de tenir ses engagements internationaux. En tant que parlementaires, nous devons, en effet, allouer à nos armées et à leurs personnels les moyens nécessaires à la bonne exécution de leurs missions, en respectant la loi de programmation militaire.
Vous affirmez, madame la ministre, que celle-ci sera respectée pour la quatrième année consécutive, nous surveillerons cette question de près.
Cela étant, le projet de budget que vous nous présentez n'est pas adapté à la situation internationale, aux nouvelles menaces qui pèsent sur les intérêts de notre pays, ainsi qu'aux besoins opérationnels de nos armées. Nous ne partageons pas non plus les mêmes choix stratégiques.
Votre projet de budget est en hausse de 3,4 % hors pensions, bien que la comparaison avec 2005 soit difficile à établir cette année en raison de l'entrée en vigueur de la LOLF, car le périmètre et le volume des programmes de la mission « Défense » ne recoupent pas précisément ce qui se faisait auparavant. Je pense, en particulier, aux programmes « Préparation et emploi des forces », doté de 20,9 milliards d'euros, et « Équipement des forces », doté de 10,6 milliards d'euros.
S'agissant des crédits alloués à l'armée de terre, les dépenses d'effectifs ont été réparties entre différents programmes. En outre, les comparaisons sur les effectifs sont difficiles, dans la mesure où la loi de finances initiale fixe non plus des effectifs, mais un plafond d'emplois autorisé, c'est-à-dire un maximum théorique dans la limite duquel les effectifs sont déterminés par une masse salariale.
Dans ces conditions, il est impossible pour un parlementaire, même le plus averti des questions de défense, de faire des propositions de recrutement, de départ, de transfert de militaires ou de civils, d'un programme à un autre. Nous ne pouvons pas toucher aux personnels.
Contrairement à ce que vous dites, mesdames et messieurs de la majorité, la LOLF ne permettra pas au Parlement de modifier, même à la marge, les projets de budgets qui lui sont présentés. Avec les nouveaux indicateurs de mesure des résultats obtenus, nous sommes tout simplement cantonnés au contrôle, d'un exercice sur l'autre, de la bonne utilisation d'enveloppes de crédits, dont le montant est définitivement fixé par le Gouvernement.
J'évoquerai maintenant quelques éléments positifs.
Ainsi, la réforme des procédures d'acquisition de la délégation générale pour l'armement et le renforcement des pouvoirs d'arbitrage du chef d'état-major des armées sont des éléments qui contribuent à une plus grande clarté et à une plus grande efficacité pour l'équipement de nos forces. Il faut souligner l'effort de mutualisation des services avec la création d'un service d'infrastructures de la défense, rassemblant l'ensemble des services constructeurs, l'augmentation des crédits de la gendarmerie pour un effort significatif en faveur de la rénovation et de la construction de logements et la création de 2 000 postes.
Les crédits destinés à la recherche passent de 550 millions d'euros à 600 millions d'euros. Ceux qui sont alloués au nucléaire sont, selon nous, trop importants et ils devraient plutôt servir au développement de notre industrie nationale de l'armement : je pense à GIAT-Industries et à DCN, bien évidemment.
Le renforcement de nos capacités de renseignement, avec la création d'une direction générale de l'information et de la communication, la mise en service prochaine du bâtiment Dupuy de Lôme et l'augmentation des effectifs de la DGSE font également partie des éléments positifs, comme les emplois créés au sein du service de santé des armées.
Nous approuvons la mise en place du dispositif Défense-2e chance, qui, avec la création des établissements publics d'insertion, permettra d'offrir une formation et des perspectives d'emplois à des jeunes en difficulté.
Enfin, l'augmentation de 15 millions d'euros des moyens alloués aux réserves, pour un total de 110 millions d'euros, peut être une bonne chose si cela permet de rendre la réserve plus attractive et incite les employeurs à libérer plus facilement leurs salariés pour effectuer des périodes. Cette attention portée aux réserves pourrait être de nature à revaloriser et à renouer le lien armée-nation mis à mal par la professionnalisation.
Je veux redire ici combien il a été préjudiciable de suspendre le service militaire, car, aujourd'hui, notre jeunesse ne se sent plus concernée par la défense nationale, et c'est bien dommage !
Madame la ministre, je tiens à vous dire par ailleurs que j'apprécie votre position sur les sanctions appliquées en Côte d'Ivoire.
Après avoir évoqué ces quelques points positifs, je pense, néanmoins, madame la ministre, que les choix que vous avez opérés dans ce projet de budget, la répartition des crédits entre les différents programmes de la mission « Défense », sont mal adaptés aux exigences de notre sécurité et aux enjeux internationaux.
Ainsi, la priorité qui est encore accordée, en termes de moyens, à la dissuasion nucléaire et, par conséquent, l'importance des crédits qui lui sont consacrés, ne correspond plus aux nouvelles menaces que sont le terrorisme international et la prolifération nucléaire. Et pourtant vous augmentez de 13,4 % les autorisations d'engagement et de 5,53 % les crédits de paiement, soit 21,5 % des crédits d'équipement contre 20,9 % en 2005.
Si la recherche dans le domaine nucléaire sous la forme de la simulation peut sembler conforme aux engagements de la France de renoncer aux essais nucléaires, je pense, en revanche, que l'augmentation des crédits pour le reste va au-delà du seul maintien à niveau et de la crédibilité de nos armes nucléaires, fondement de la dissuasion.
Au demeurant, face aux méthodes qu'utilise maintenant le terrorisme international, la dissuasion nucléaire n'est pas la réponse adaptée et il faudra bien affronter ce problème que commencent même à se poser certains cadres de nos armées. Sur le plan militaire, il serait bien plus efficace d'augmenter nos capacités de renseignement. Quoi qu'il en soit, la lutte contre le terrorisme ne saurait justifier la mise en cause des droits des prisonniers. Les « prisons volantes » de la CIA suscitent beaucoup de réprobations dans le monde.
C'est non pas en développant notre potentiel nucléaire que nous lutterons le mieux contre la prolifération, mais en travaillant, dans le cadre de l'ONU, à l'interdiction de toutes les armes nucléaires. C'est de ce côté-là que se situent l'avenir de l'humanité, la diminution des injustices sociales dans le monde et l'avenir de la planète.
Notre pays s'honorerait de prendre des initiatives diplomatiques fortes pour que soient respectés par tous les engagements sur l'élimination des armes nucléaires et le développement des moyens de contrôle.
Agissons pour que soit remise en chantier la révision du traité de non-prolifération nucléaire, auquel nous contribuons tout à fait normalement, et qui est d'autant plus nécessaire à l'heure de la relance de nouveaux programmes par les États-Unis. Entrons enfin dans ce que Paix en mouvement appelle la « culture de la paix ». Je profite de l'occasion pour vous annoncer, mes chers collègues, que nous allons créer au Sénat et à l'Assemblée nationale, en janvier, un groupe de parlementaires pour la paix.
L'amélioration de l'équipement de nos forces est une impérieuse nécessité. L'équipement de nos forces doit être maintenu à un niveau élevé et la disponibilité technique opérationnelle des matériels en service a besoin d'un sérieux redressement.
Or les besoins pour l'entretien programmé du matériel sont en très forte hausse. Le maintien en condition opérationnelle nous coûte trop cher et déséquilibre votre budget parce qu'il est mal maîtrisé. Le matériel ancien arrivant en fin de course présente un coût d'entretien renchéri par le prix des pièces de rechange, et le matériel neuf a, de par sa haute technicité, un coût de maintenance particulièrement élevé.
Cette explosion des coûts de maintien en condition opérationnelle a d'ailleurs été pointée dans un récent rapport de la Cour des comptes qui relève que des crédits très importants lui sont consacrés et font défaut ailleurs. Cette explosion, mal maîtrisée, a des conséquences négatives sur la disponibilité opérationnelle de nos matériels. Certes, elle est de 90 % en OPEX, mais celle des véhicules blindés à connu une dégradation et oscille entre 58 % et 63 % pour les VAB, les blindés ERC 90 et les chars AMX 10 RC.
Quant à celle du char Leclerc, elle ne dépasse pas 40 %. Nous avons pu apprécier ses performances en matériel neuf, mais nous regrettons que les livraisons ne soient toujours pas terminées. Ce char a par ailleurs connu quelques problèmes de fiabilité dus aux difficultés de GIAT Industries.
Celle de nos avions est passée de 58,3 % en 2002 à 63 % en 2004. Enfin, la disponibilité technique globale des bâtiments de la marine nationale a retrouvé son niveau de 2002 et tourne autour de 70 %.
Les sommes très élevées qui sont consacrées au maintien en condition opérationnelle ont aussi des répercussions négatives sur les crédits affectés à l'entraînement des personnels, qui est pourtant une variable déterminante.
Ainsi, l'absence d'actualisation des coûts de fonctionnement et la nécessité de réaliser 3,5 % d'économies budgétaires par rapport à 2005 ont conduit le chef d'état-major de l'armée de terre à aligner les prévisions d'entraînement sur l'activité enregistrée en 2005. Pour l'armée de terre, ce seront 96 jours sur le terrain au lieu des 100 prévus pour une bonne formation, 147 heures de vol pour les pilotes d'hélicoptère au lieu de 180, 325 pour les pilotes d'avion au lieu de 400 et 88 jours de mer, pour la marine, loin de l'objectif de 100 jours qui avait été fixé.
M. le président. Veuillez conclure, madame Luc.
Mme Hélène Luc. Le chef d'état-major des armées avait d'ailleurs évoqué les handicaps dont souffrent nos armées devant la commission des affaires étrangères du Sénat. Ils figurent dans les rapports, je n'y reviendrai donc pas.
Madame la ministre, tout cela me conduit à m'interroger sur la sincérité de votre budget. Voilà plusieurs années que vous adaptez les crédits de personnels aux sous-effectifs réels. Cela paraît contradictoire avec la nécessité que vous rappelez, à juste titre, de disposer de forces suffisantes en soutien, capables d'être présentes sur les différents théâtres d'opération.
M. le président. Je vous demande de bien vouloir conclure, madame Luc.
Mme Hélène Luc. Cela se traduira, et je conclurai sur ce point, par 5 307 emplois civils de moins et par des taux de sous-effectifs de 7 % pour la marine, de 6 % pour l'armée de terre et de 4 % pour l'armée de l'air.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen ne pourra pas voter les crédits de la mission « Défense ».
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de cette journée étant particulièrement chargé, j'invite chacun des orateurs à respecter le temps de parole qui lui a été imparti.
La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Madame la ministre, je reprends à mon compte la question qui vient de vous être posée à l'instant : les crédits de la défense sont-ils sincères ?
Cette préoccupation est à l'évidence légitime lorsque l'on constate le décalage, évoqué par tous les orateurs qui m'ont précédée, de plus de 2,7 milliards d'euros, donc presque de 3 milliards d'euros. La Cour des comptes a d'ailleurs présenté des observations à ce sujet.
Si ces reports sont des renoncements aux projets (Mme le ministre fait un signe de dénégation), c'est grave. S'ils résultent de difficultés d'ordre technique ou de nature financière, s'ils traduisent un renoncement final pour apurement des comptes, on peut avoir une appréciation différente.
Quoi qu'il en soit, ces reports sont très nombreux. Le processus s'allonge, les coûts augmentent et la technologie devient obsolète. Madame la ministre, il est difficile d'identifier l'interaction des aspects techniques et financiers. Nous attendons des réponses et des éclaircissements sur ce point.
Permettez-moi d'ajouter quelques exemples à ceux qui ont déjà été donnés.
Certes, s'agissant des systèmes intérimaires de drone MALE, dits SIDM, pour lesquels le retard atteint dix-huit mois, il semble que ce soit le constructeur qui est en cause. Le retard atteint malgré tout dix-huit mois. Ces nouveaux matériels devaient remplacer les drones HUNTER en 2006. Cela ne peut que nous interpeller.
On peut en effet s'interroger sur les conséquences de ces retards pour les capacités de l'armée de l'air. Pourraient-ils expliquer un éventuel transfert du projet français de drone EuroMALE vers l'Agence européenne de défense ? (Mme le ministre fait un signe de dénégation.) Par ailleurs, le financement de ce projet est-il assuré ?
Ces retards sont encore plus difficiles à admettre s'agissant du Rafale ; ils sont aujourd'hui de 116 mois, ce qui fait presque dix ans. Quant aux chars Leclerc, sur les 90 livraisons prévues en 2004, seuls 35 ont eu lieu.
Dans ces conditions, on peut légitimement se demander ce que devient le modèle d'armée 2015, pour lequel il manque entre 40 millions et 70 millions d'euros ? Même si l'on reportait l'échéance à 2020 ou à 2025, il manquerait toujours plus de 20 millions d'euros. Finalement, ce modèle d'armée 2015 peut-il être atteint ou est-ce une chimère ?
Sur les six programmes prévus pour 2006, trois doivent être rediscutés : le deuxième porte-avions, les missiles liés à la dissuasion et les sous-marins nucléaires.
J'en viens à la coopération internationale. Si nous avons des doutes sur le modèle d'armée 2015, pouvons-nous envisager d'intégrer notre défense dans un système européen ?
Nous avons le droit de nourrir des craintes à ce sujet. Comme nous avons pu le constater, les coopérations européennes se résument plutôt à des négociations au coup par coup. Il semble que l'on veuille, coûte que coûte, maintenir l'objectif national. Le principe du juste retour n'est jamais éliminé et le protectionnisme, voire le nationalisme sont toujours présents.
Madame la ministre, dans l'optique de la concurrence ouverte en 2006, vous parlez d'un code de bonne conduite. Vous avez même évoqué, à titre personnel, le « patriotisme économique européen », et nous nous en réjouissons. Mais cela ne nous dit pas ce que va devenir l'Europe de la défense.
J'en viens au secteur industriel. Le budget européen des vingt-cinq États de l'Union s'élève à 180 milliards d'euros. Mais, madame la ministre, le marché européen est petit, morcelé, ouvert, il ne croît plus depuis dix ans et les programmes ne sont que nationaux.
Aux États-unis, le paysage est tout différent : le budget atteint 387 milliards d'euros et le marché est vaste, unifié, protégé, en croissance de 25 % ; en outre, il n'y a qu'un seul programme fédéral.
Dès lors, on peut légitimement s'interroger sur les mesures justes, nécessaires et urgentes que l'Europe devra mettre en place.
Elle est confrontée à un défi, à un challenge entre, d'un côté, la menace du terrorisme et, de l'autre côté, le risque de la prolifération nucléaire. Et je ne parle pas des conflits régionaux toujours latents ! On n'a pas encore réglé la question du Kosovo et on ignore ce qui en découlera. Je ne parle pas non plus des crises nombreuses, militaires ou civiles, des post-crises, du désengagement américain - qui n'est pas un retrait politique - ou encore de la faiblesse politique de l'Europe, faiblesse que le « non » des Français n'a pas provoquée mais simplement révélée et qui exige maintenant des initiatives
En matière de prolifération nucléaire, l'initiative diplomatique de la France, du Royaume-Uni et de l'Allemagne est positive. Elle nous a permis de gagner du temps et de faire évoluer ou de voir évoluer les choses.
Cependant, madame la ministre, force est de constater qu'il y a beaucoup de silences ou de double langage à ce propos. Dans une zone que l'on pourrait appeler le grand Moyen-Orient, le risque de prolifération concerne certes l'Iran, mais également l'Inde et le Pakistan... sans oublier Israël ! Il faudra bien, à un moment donné, dire ce que l'on veut pour cette zone, c'est-à-dire une dénucléarisation qui portera son nom et que nous devrons énoncer clairement.
Dans un tel climat, quelles mesures devons-nous prendre, quelles réformes devons-nous conduire ?
Récemment, M. Denis Ranque, le président de Thales, évoquant les mêmes questions que celles que nous avons soulevées les uns et les autres, soulignait la nécessité de donner priorité à la recherche. M. Fréville, rapporteur spécial, a bien dit qu'il ne fallait pas oublier cette priorité ; hier, s'exprimant sur les crédits de la mission « Recherche », il avait déjà regretté que l'on n'insiste pas suffisamment sur ce point.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Absolument !
Mme Josette Durrieu. Il faudrait aussi privilégier la coordination et la spécialisation.
Comme vous le savez, madame la ministre, seize lois différentes régissent les modalités d'exportation des vingt-cinq pays de l'Europe - ou peut-être des vingt-quatre, car je ne sais pas si l'on doit y inclure le Danemark. Sans doute est-il temps de faire un état des lieux sur les duplications. Cela nous permettrait de mieux réfléchir à la coopération. Toutes ces disparités se traduisent par une dispersion des énergies et par un gaspillage financier.
Enfin, il faudrait une meilleure gestion des coopérations et des partenariats. Il convient en effet de contrôler la concurrence, d'identifier les vraies firmes européennes afin de mieux les accompagner, voire de favoriser les champions industriels européens. Mais reconnaissons que, du fait de l'imbrication des capitaux, il est assez difficile d'identifier une vraie firme européenne.
Finalement, il s'agit de parvenir un jour, que l'on espère proche, à avoir un réel budget militaire commun, des programmes d'armement communs, en fait une armée européenne.
La question que vous a posée M. Boyer reflète la préoccupation de chacun d'entre nous : quel est l'avenir de l'Agence européenne de défense. Il s'agit d'un bel outil qui suscite de nombreux espoirs, mais son budget n'est que de 24 millions d'euros, donc à peine un budget de fonctionnement. Peut-il, dans un avenir proche, être porté à 200 millions d'euros ? C'est en tout cas absolument nécessaire.
Bref, madame la ministre, il nous faut plus de moyens et plus d'ambitions. Comme vous l'avez vous-même déclaré, il faut montrer que l'Europe peut être un acteur militaire de premier plan.
Nous sommes déjà présents sur une dizaine de chantiers à travers le monde. Je crois que nous occupons notre place et que nous remplissons politiquement notre rôle. Comme vous le savez, on attend beaucoup de l'Europe, et ce dans certaines zones plus que dans d'autres. Il est devenu urgent de nous doter des moyens d'être un acteur militaire de premier plan, d'assurer notre destin dans une perspective de défense européenne autonome. Ce n'était pas prévu dans le projet de Constitution pour l'Europe, et c'est peut-être ce qui a conduit certains à voter « non » au référendum sur le traité.
Madame la ministre, je conclurai en citant quelques chiffres. A l'usine GIAT Industries de Tarbes, 680 emplois ont été supprimés dans le cadre du plan 2006. A ce jour, 150 salariés ne sont pas et ne seront pas reclassés malgré nos efforts. Il n'est pas envisageable de demander à la municipalité de Tarbes, à l'agglomération et au conseil général des Hautes-Pyrénées de créer chacun 50 emplois. Nous ne pourrons pas le faire. Ces 150 reclassements dépendent vraiment de votre responsabilité, madame la ministre, et ils requièrent une réponse très rapide de votre part.
M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat.
M. Jacques Peyrat. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, cela devrait réjouir tout le monde : je ne crois pas utile d'utiliser la totalité du temps de parole qui m'a été imparti. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Madame le ministre, si le budget de la défense n'allait pas dans le bon sens, je le dirais naturellement à cette tribune. Si le processus de déroulement de la loi de programmation militaire n'était pas respecté, je le dénoncerais. Si l'entretien des matériels, les remises à niveau, l'adaptation des nouveaux équipements aux formes nouvelles du combat marquaient le pas, je le critiquerais ouvertement. Si vous n'aviez pas pensé à revoir, pour l'adapter aux changements de notre armée qui s'est professionnalisée, le statut de la fonction militaire, je vous suggérerais de le faire. Si l'appui de la nation française à la lutte contre le terrorisme, contre le trafic mortel de la drogue ou de l'injustice où qu'elle soit dans le monde, venait à faiblir, je vous le reprocherais. Tel n'est pas le cas.
Il ne me reste plus, dès lors, qu'à vous exprimer mon approbation et ma satisfaction profonde. Il n'est pas nécessaire de gloser pour cela, il suffit de le dire clairement et simplement.
En vingt ans, notre défense s'était malheureusement habituée aux coupes sévères de son budget ou de ses lois de programmation successives. Les militaires se chagrinaient d'épuiser leurs efforts et leurs mérites dans des reports toujours recommencés de crédits sur les matériels, sur les munitions, sur les entraînements et sur les exercices de la fonction militaire. Vous avez fermement donné un coup d'arrêt à ces hémorragies qui discréditaient l'essence même de notre armée, alors qu'elle devenait une armée de métier et qu'elle légitimait la fierté de notre nation.
Pour cet exercice réussi, il a fallu attendre, en dehors de ce qui revient sans doute à notre président de la République, à vos collaborateurs, au chef d'état-major des armées, peut-être un peu aussi aux parlementaires, une personnalité d'intelligence, de lucidité, d'opiniâtreté et de courage. Cette personnalité est une dame. Souffrez que je lui dise que c'est un honneur de la servir ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, se prononcer sur les crédits de la défense, c'est porter une appréciation sur la situation des conflits qui menacent la sécurité des peuples, évaluer les risques de conflits et les facteurs de paix, faire des choix d'avenir pour garantir la sécurité de notre continent et de notre pays.
L'année qui s'achève aura été malheureusement marquée par l'aggravation des tensions internationales, la persistance de nombreux conflits et la confirmation, voire l'extension de la menace terroriste.
Chaque jour confirme l'impasse dans laquelle se trouve la coalition qui s'est formée en Irak autour des USA, avec son cortège de victimes militaires et surtout civiles, et son effet désastreux dans l'ensemble du monde arabe.
Le conflit entre la communauté internationale et l'Iran au sujet de son programme nucléaire témoigne, une fois de plus, de l'inefficacité du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires dans sa forme actuelle. L'échec de sa renégociation est, à mes yeux, un grave sujet d'inquiétude. Depuis sa signature, le « club » des États disposant d'une arme nucléaire opérationnelle ou pouvant l'être dans des délais rapides a doublé.
Pour ce qui concerne plus directement la France, notre action en Côte d'Ivoire n'a pas permis, à l'heure où nous parlons, d'avancer dans le règlement pacifique du conflit, et l'absence du Chef d'État ivoirien au sommet de Bamako n'augure rien de bon.
Dans ce contexte, les crédits de la mission « Défense » s'inscrivent dans la continuité des orientations politiques antérieures. Ils témoignent de la nostalgie française du statut de grande puissance, très largement en décalage avec la réalité géopolitique et géostratégique d'abord, avec la réalité de nos moyens budgétaires ensuite, avec nos capacités technologiques et industrielles enfin.
Même en assurant un rythme de progression des dépenses supérieur à celui de l'État et à la croissance de la richesse nationale - ce qui pose d'ailleurs problème -, nos moyens resteront inférieurs aux ambitions affichées. On me permettra de douter de notre capacité à conduire de front l'ensemble des programmes majeurs d'armement alors que bon nombre de matériels en service sont soit obsolètes, soit à bout de souffle.
Je citerai trois exemples.
Le premier concerne la frégate FREMM. Lorsque la première entrera en service, d'ailleurs avec retard, la génération précédente aura une trentaine d'années d'âge.
Le deuxième concerne les Super Frelon de la marine nationale. Ils n'auront pas de véritables successeurs, comme les EH101 Merlin en service dans les marines italienne et britannique.
Enfin, le troisième concerne les blindés légers. Censés protéger les fantassins, ils sont totalement obsolètes.
Je m'arrêterai là pour les exemples, mais la liste pourrait être plus longue, notamment pour l'armée de terre.
En commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à propos de la préparation des forces terrestres, ce n'est pas moi, c'est le rapporteur pour avis qui soulignait que les dotations destinées aux carburants opérationnels ne prenaient que très partiellement en compte les augmentations des cours du pétrole ou que les objectifs d'entraînement des personnels avaient été descendus à quatre-vingt-seize jours au lieu des cent prévus.
Nous le disons depuis longtemps, la priorité confirmée en faveur de la dissuasion nucléaire constitue une impasse : elle prive notre pays de toute capacité à réorienter notre effort de défense dans un cadre budgétaire réaliste, vers des objectifs qui soient en conformité avec l'évolution des menaces et, surtout, le choix d'une vision européenne de la sécurité et de la paix.
Trois objectifs fondamentaux devraient guider l'action de notre pays sur le plan international.
Le premier réside dans la réaffirmation du choix de la sécurité collective garantie par l'ONU. Il n'y a pas d'autre garantie pour la paix que la mobilisation de la communauté internationale en faveur de la construction d'un ordre international fondé sur le droit et non plus sur la force, la force devant rester au seul service du droit.
Le deuxième objectif, qui découle du premier, doit viser au désarmement multilatéral des États, à commencer par la mise hors la loi des armes de destruction massive et le démantèlement progressif des arsenaux nucléaires existants.
La dissuasion nucléaire n'est pas pertinente dans la prévention des conflits à caractère régional, pas plus qu'à l'égard de la menace terroriste. Poursuivre dans cette logique, c'est, aux yeux de tous les peuples et les États du monde, justifier, sinon légitimer, la prolifération. La France, avec l'Union européenne, doit prendre l'initiative et s'engager clairement dans le renoncement unilatéral à l'arme nucléaire.
Une première étape pourrait être franchie par l'arrêt des recherches sur les armes de nouvelle génération au-delà des munitions en service, l'abandon du programme ASMP amélioré et la reconversion des escadrons de Mirage 2000 N ayant encore un potentiel important pour d'autres missions que la dissuasion nucléaire. Ce serait un message fort en faveur de la relance des négociations pour le désarmement.
Le troisième et dernier objectif est la construction d'une Europe de la défense, à laquelle le « non » français au traité établissant une constitution pour l'Europe ne doit pas nous faire renoncer, ...
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères. C'est vrai !
Mme Dominique Voynet. ... d'autant qu'elle n'a guère été l'objet de critiques au cours de la campagne référendaire.
Il s'agit d'intervenir d'une voix plus forte en faveur de la prévention et de la résolution des conflits, d'une capacité commune d'intervention sur le terrain, pour assurer la protection des plus faibles sans dépendre du seul bon vouloir du gouvernement des États-Unis.
Il s'agit d'avancer de façon plus pragmatique. Les États membres de l'Union consacrent en moyenne 1,7 % de leur PIB à leur défense, contre plus de 2,5 % pour notre pays. Il y a là des marges de rééquilibrage !
Encore faut-il que la France cesse de jouer en solitaire, en particulier sur les sujets industriels, et accepte de ne plus entretenir la fiction d'une défense nationale qui reposerait sur des intérêts vitaux spécifiques, voire en contradiction avec ceux de ses voisins et partenaires.
Je ne reviendrai pas sur l'armement nucléaire, qui suscite une réelle gêne chez la plupart de nos voisins, pour insister sur deux points.
Premièrement, en matière d'équipement des armées nous devrions accorder une vraie priorité budgétaire aux programmes conduits en coopération, sur la base d'une cohérence opérationnelle définie à l'échelle de l'Union.
Secondement, la France doit dépasser son statut de puissance tutélaire, notamment en Afrique subsaharienne, ultime avatar de son passé de puissance coloniale. Elle doit cesser d'être juge et partie dans le traitement des conflits du continent pour, là encore, poser en termes européens la question du lien entre le développement et la sécurité des peuples africains.
Vous l'aurez compris, madame la ministre, ce n'est pas la forme de votre budget qui est en cause. Ce n'est pas non plus votre capacité à rester dans l'épure de la loi de programmation. Ce qui nous sépare, c'est une divergence politique de fond sur les objectifs et les méthodes, divergence qui me conduira à ne pas voter les crédits de la mission « Défense ».
Vous me permettrez, avant de conclure, de vous poser deux questions précises.
Avez-vous l'intention d'apporter le soutien de la France, comme le défendra avec force Jean-Pierre Plancade tout à l'heure, au nom du groupe socialiste, à la résolution du Parlement européen demandant un moratoire sur l'usage, le stockage, la production, le transfert ou l'exportation des (...) sous-munitions ?
Quelles initiatives entendez-vous prendre, madame la ministre, pour répondre aux inquiétudes des personnels exposés à des maladies professionnelles ?
Hier, des milliers de salariés, par exemple à la DCN à Cherbourg, ont été exposés à l'amiante. Il a fallu des années et la dernière mission d'information du Sénat, qui dressa un réquisitoire sévère sur la gestion par l'État du drame de l'amiante, pour que la responsabilité de l'employeur soit reconnue.
Aujourd'hui, ce sont les vétérans civils et militaires des essais nucléaires qui se mobilisent, en raison de l'augmentation du nombre de cancers qui les frappent. Loin de procéder à une étude épidémiologique exhaustive permettant de retrouver les salariés qui ont été exposés aux essais, tant au Sahara qu'en Polynésie, le ministère de la défense procède actuellement à la destruction des abris antinucléaires de Tureia et de Mangareva.
Madame la ministre, faudra-t-il attendre vingt ans de plus, comme pour l'amiante, avant que la responsabilité de l'État ne soit reconnue et assumée ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, mon intervention ne portera que sur la question des bombes à sous-munitions.
Ces systèmes d'armes, employés pour « saturer » de larges zones, afin qu'elles deviennent inaccessibles et impraticables, présentent deux caractéristiques qui les rendent, selon moi, totalement inacceptables.
Premièrement, elles sont disséminées sur des zones tellement vastes qu'il est impossible de garantir qu'elles ne toucheront pas les populations civiles, non seulement en temps de guerre, mais aussi après.
Secondement, elles sont censées exploser à l'impact. Mais entre 5 % et 30% de ces bombes n'explosent pas ; elles se transforment automatiquement en mines antipersonnel - ni plus ni moins ! -, qui continueront de tuer ou d'amputer des victimes civiles. Une fois la guerre terminée, l'horreur continuera donc.
En Irak, près de 2 millions de sous-munitions ont déjà été larguées. Si l'on considère un taux d'échec minimal de 5 %, il resterait sur le terrain près de 90 000 sous-munitions prêtes à exploser. Selon les spécialistes, cette estimation est probablement en dessous de la réalité.
Ces deux caractéristiques font des bombes à sous-munitions une arme qui ne fait pas de discrimination entre les combattants et les populations civiles. Pourtant, ce principe de discrimination, conformément aux conventions de Genève, est un impératif juridique du droit de la guerre.
Madame le ministre, je sais la force et la pérennité de l'engagement de la France, sous tous les gouvernements, pour une approche concertée et multilatérale de cette question. C'est ainsi que la France a oeuvré sans relâche pour que voie le jour la convention d'Ottawa, qui interdit la production et l'usage des mines antipersonnel.
Mais, aujourd'hui, la France est encore opposée à une convention internationale qui interdirait l'usage, le stockage, la production, le transfert ou l'exportation des armes à sous-munitions. Ainsi, nous acceptons que continuent de sévir ces armes qui procèdent précisément des mêmes défauts et qui ont les mêmes conséquences meurtrières que les mines antipersonnel que nous avons supprimées.
Devant cette situation, on nous présente deux types d'arguments.
Premièrement, ces armes sont un outil dont nos forces armées ne peuvent se passer. Si l'argument est audible, encore faut-il qu'une expertise exhaustive soit menée. Or je ne crois pas que cela ait été fait récemment. En outre, il faut rappeler que cet argument était déjà avancé, voilà quelques années, lorsque l'on rejetait l'interdiction des mines antipersonnel. On voit bien aujourd'hui tout le chemin citoyen et humanitaire que nos états-majors ont fait sur ce sujet !
Secondement, on nous dit que des recherches sont conduites pour tenter de contrecarrer à la fois le fort taux d'échec des explosions à l'impact et l'absence de ciblage. La limite de cette réponse est claire : ces éventuelles améliorations techniques ne retireront rien au caractère non discriminant de ces armes. En temps de paix, les bombes continueront de détruire comme si c'était toujours la guerre !
D'ailleurs, madame le ministre, au sujet du programme de recherche français concernant les systèmes d'autodestruction et d'autoneutralisation des bombes à sous-munitions, on constate que, depuis juillet 2002, aucune information n'est disponible sur le montant des budgets consacrés à ces programmes. Est-ce à dire qu'ils ont été abandonnés ?
Face aux horribles conséquences des sous-munitions non explosées, les industriels ont décidé de les identifier... Sur certains modèles, elles le sont par des rubans roses, rose bonbon ! Aussi les enfants sont-ils les premières victimes de ces sous-munitions. Et ce modèle, fabriqué par une société nationale française, porte un nom terrible, presque prémonitoire, celui de « Ogre ».
J'insiste, la France vend de par le monde et possède dans son armement des bombes enrobées de rubans roses ! Madame la ministre, ne pensez-vous pas qu'il est urgent de prendre des mesures ?
Avant de conclure, je rappelle qu'en 2005 trente-quatre pays ont produit des bombes à sous-munitions, cinquante-sept pays en ont stocké et onze pays ont déjà, par le passé ou cette année encore, utilisé ces armes, lors des guerres en Afghanistan, au Vietnam, en Bosnie, Irak, etc.
Plus généralement, chaque année, les mines, les bombes à sous-munitions ou tous les autres « résidus explosifs » tuent, blessent, mutilent entre quinze mille et vingt mille civils : hommes, femmes et enfants. Des enfants !
Il faut que cela change ! La façon dont nous faisons la guerre, directement sur le terrain ou indirectement par le type d'armes que nous utilisons et que nous vendons, définit la démocratie dans laquelle nous vivons. Comme l'a dit Mme Voynet, le Parlement européen a déjà voté une résolution pour demander un moratoire.
Madame le ministre, la France devrait montrer l'exemple et s'engager dans la création d'une convention internationale interdisant l'emploi, la production et le stockage des bombes à sous-munitions. Notre pays a déjà montré l'exemple, je l'ai évoqué à l'instant. Ne nous arrêtons pas en chemin ! Il faut continuer à travailler ensemble, avec les militaires, les politiques, les ONG, pour que, étape par étape, la France soit non plus dans le camp de ceux qui mutilent, mais bien dans le camp de ceux qui réparent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, j'évoquerai, à l'occasion de l'examen du projet de budget de la mission « Défense », la situation de la marine nationale et de ses programmes d'acquisition d'équipements - assez importants en 2006 -, qui sont vitaux pour préserver ses capacités opérationnelles.
Des incertitudes pèsent sur les programmes Horizon et FREEM, notamment, du fait des hésitations italiennes, qui, je l'espère, seront sans conséquences pour les industriels français. En outre, s'agissant du second porte-avions, les perspectives de coopération avec le Royaume-Uni ne sont pas très claires. J'espère que vous m'apporterez quelques éclaircissements, madame le ministre. (Sourires.)
Comme je dispose d'un temps très restreint, j'en viens directement aux sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda, dont les crédits prévus pour 2006 s'élèvent à 188,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 159,1 millions d'euros en crédits de paiement, sans compter les reports d'autorisations d'engagement pour 2005. Ce programme est celui qui m'inquiète le plus.
En effet, conformément au contrat d'entreprise signé entre l'État et DCN, la notification du projet Barracuda devait intervenir au plus tard le 31 décembre 2005. En réponse à l'une de mes questions écrites, vous avez confirmé que cela ne serait pas possible à cette date et repoussé l'échéance « dans le courant de l'année 2006 ». Comme vous le savez certainement, madame la ministre, la marine nationale estime que le mois de juin 2006 constitue l'ultime délai pour cette notification, sous peine de connaître de graves problèmes de rotation de ses bâtiments avant la livraison des nouveaux sous-marins.
Un tel délai ne pose pas seulement des problèmes à la marine nationale. Ainsi que je l'ai déjà évoqué, c'est le plan de charge de DCN Cherbourg et de l'ensemble des sous-traitants locaux qui est fragilisé, ce qui aura certainement des répercussions sur l'emploi local, déjà soumis à de fortes pressions depuis plusieurs années. Je rappelle en effet que, en 1988, l'établissement faisait travailler 6 000 personnes, dont environ 1 000 sous-traitants, contre seulement 2 600 personnes, dont 500 sous-traitants, aujourd'hui.
Certes, je comprends parfaitement que la complexité d'un tel programme puisse nécessiter des délais, mais le plus inquiétant est qu'aucun signe ne vienne confirmer que le dossier avance réellement : les instances représentatives du personnel n'ont toujours pas été entendues pour évoquer le projet.
Les délais seraient-ils liés au fait que le groupe DCN Framatome, constitué pour l'occasion, voudrait faire payer à la marine nationale des garanties importantes que celle-ci refuse de prendre en charge ? Qu'en est-il exactement, madame le ministre, de ces controverses et de ces retards ? Je note d'ailleurs - c'est un sentiment personnel - qu'un tel problème ne se serait sans doute jamais posé si DCN était resté dans sa configuration initiale, au sein de la délégation générale pour l'armement, la DGA. (Mme la ministre manifeste son désaccord.)
À l'occasion de la discussion du projet de loi relatif à l'ouverture du capital de DCN et à la création par celle-ci de filiales, vous affirmiez, madame le ministre, que les salariés devaient avoir confiance en l'avenir et que DCN, ainsi que Thales, conforteraient leur position et assureraient leur développement. Votre précipitation de l'époque, voilà un an exactement, avait laissé croire que le rapprochement entre DCN et Thales, annoncé depuis longtemps, était imminent. Le dossier, depuis lors en panne, semble aujourd'hui se concrétiser.
Vous le savez, lors d'un récent comité central d'entreprise, les syndicats, qui avaient lancé une procédure de droit d'alerte en octobre 2004, ont dévoilé un rapport - je ne le fais pas mien -, réalisé par les deux cabinets Syndex et Secafi Alpha, qui va à l'encontre du schéma sur lequel vous vous étiez engagée, prévoyant une entrée limitée de Thales dans DCN. Ce document indiquerait que la participation de l'État a vocation à devenir minoritaire, confiant le contrôle de DCN à Thales. Aux dernières nouvelles, Thales prendrait, si j'en crois la presse du matin, 25 % du capital de DCN, en échange d'un montage réduisant la charge financière.
En manifestant à nouveau mon opposition toujours aussi résolue à une telle perspective, que j'avais déjà dénoncée l'année dernière, j'aimerais que vous puissiez apporter à la représentation nationale toutes les informations nécessaires. Il semble qu'un conseil d'administration soit convoqué chez Thales le 15 décembre prochain et qu'un autre soit prévu le même jour chez DCN sur le projet de convergence. Je suppose que le problème de la gouvernance sera abordé, ce qui est déterminant. Madame le ministre, vous recevrez la veille au soir, si mes informations sont exactes, les organisations syndicales. Où en sommes-nous exactement ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la structuration de la mission « Défense » en quatre programmes, « Environnement et prospective de la politique de défense », « Préparation et emploi des forces », « Soutien de la politique de défense » et « Équipement des forces », permet de mieux rendre compte du caractère multifonctionnel de nombreuses forces, ce que n'aurait sans doute pas permis une répartition organique par armée.
Ainsi que cela a déjà été évoqué, la mission « Défense », avec un peu plus de 36 milliards d'euros en crédits de paiement, est le troisième poste de dépenses de l'État, après les missions « Enseignement scolaire » et « Engagements financiers de l'État », et représente 13,5 % des dépenses de l'État. Mais c'est également - il est important de le souligner - le principal budget d'investissement de l'État, puisque 30 % de ses crédits y sont consacrés, ainsi que le premier acheteur public, puisqu'il passe 67 % des marchés publics de l'Etat et 28 % des marchés de l'ensemble des administrations publiques. Avec 2% du PIB, l'effort français de défense est certes légèrement inférieur à celui du Royaume-Uni, mais très nettement supérieur à celui de l'Allemagne, si mes chiffres sont exacts.
Le poids de la dépense en matière de défense est donc considérable, mais, dans le contexte budgétaire délicat que nous connaissons aujourd'hui, votre ministère, madame, doit aussi participer à l'effort de notre pays en matière de finances publiques, malgré les contraintes que nous impose la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, dont vous vous félicitez d'avoir respecté les principaux objectifs au cours de ces dernières années.
Permettez-moi d'évoquer à présent la sincérité budgétaire. Je regrette en effet que certaines parties du projet de budget de la mission « Défense » remettent en cause ce principe. Je pense notamment à la budgétisation des opérations extérieures. Depuis l'an passé, des efforts ont été faits en la matière pour provisionner les dépenses, à hauteur de 100 millions en 2005, mais, sur les 250 millions prévus pour 2006, ce qui est en nette augmentation, mais demeure insuffisant par rapport aux besoins, il est déjà prévu d'en reprendre 75 millions pour les affecter au plan Banlieues !
J'ai bien conscience des enjeux, ainsi que des efforts déjà mis en oeuvre afin d'adapter le budget de la défense aux grands principes de la LOLF, aux efforts de modernisation et à la réflexion menée sur la stratégie ministérielle de réforme : rationalisation des réseaux interarmées et des systèmes d'information, réorganisation de la fonction achats ou encore déconcentration de la gestion du personnel civil, dont les économies ainsi obtenues sont évaluées à 21,75 millions d'euros pour 2006.
De la même façon, la politique d'externalisation des dépenses de la mission « Défense » devrait dégager un certain nombre d'économies. Ainsi, en matière d'économies, je ne remets absolument pas en cause les efforts déjà entrepris. Simplement, au regard de la situation budgétaire de notre pays, je ne pense pas que la réforme puisse s'arrêter là.
Compte tenu des enjeux stratégiques et techniques, il est nécessaire de mener à bien une réflexion en profondeur sur les missions de la France en matière de défense. Il est également évident qu'il ne peut pas et ne doit pas s'agir d'un désengagement financier sec, mais plutôt d'une nouvelle réflexion sur les missions.
Pour nous, qui, au sein de notre famille politique, sommes tant attachés à l'Europe et à la construction européenne, une poursuite des efforts en matière de coordination et de rationalisation des moyens au niveau communautaire - et cela a déjà été évoqué - aurait le double avantage d'alléger le budget de la défense, notamment en matière d'équipement et d'investissement dans la recherche et le développement, et de relancer une Europe en panne, bloquée et dans l'incapacité de prendre quelque décision que ce soit depuis l'échec du référendum. Il suffit de voir combien il est difficile de faire aboutir les négociations sur les perspectives budgétaires !
L'an passé, à l'occasion de la discussion des crédits budgétaires du ministère, je me félicitais de ce que la force armée de 7000 soldats de l'Union européenne, EUFOR, avait officiellement pris la relève de l'OTAN en Bosnie, ce qui marquait une étape décisive dans l'histoire de la construction et de l'approfondissement de la politique européenne de sécurité et de défense. Je vous demandais alors quelles adaptations seraient nécessaires dans le cadre de la Constitution européenne. Certes, le résultat a été celui que nous connaissons. Je souhaite donc vous interroger aujourd'hui sur les futures avancées en matière de défense européenne.
S'agissant des acquisitions de matériel de défense, on sait notamment que d'importantes économies d'échelle ont été faites aux États-unis, qui se caractérisent par un très vaste marché unifié et protégé, ce que nous n'avons pas encore la chance d'avoir. Il est également temps de procéder à un inventaire des duplications éventuelles, afin d'optimiser nos moyens au niveau européen.
De la même façon, et compte tenu du caractère hautement stratégique des dépenses du ministère de la défense en matière de recherche - cela a déjà été dit -, il conviendrait d'affecter des fonds importants à la recherche dans le domaine de la défense et de coordonner nos efforts en la matière. Il y a, bien évidemment, un problème d'arbitrage. Est-ce que l'arbitrage des moyens ne doit pas prendre le pas sur celui des effectifs ? C'est certes une question difficile, mais je crois que la droite et le centre doivent avoir le courage politique d'aborder ces problèmes-là et de faire des propositions au pays.
En outre, il est nécessaire que nous consolidions l'industrie européenne de défense, à l'instar de ce qui est pratiqué aux États-unis, afin de relever les défis futurs et de ne pas prendre de retard dans un domaine hautement stratégique pour notre sécurité et l'efficacité de notre politique de défense.
Tous ces objectifs doivent aujourd'hui être ceux de l'Agence européenne de défense, notamment en ce qui concerne la régulation du marché européen de la défense, des partenariats avec les industries européennes et la mutualisation des efforts de recherche. Il est peut-être nécessaire d'impulser un peu plus de volontarisme dans cette agence.
Enfin, dans la même ligne que ce que je viens d'évoquer, je souhaiterais souligner un point particulier de la politique de défense : les capacités militaires spatiales. Celles-ci ne doivent pas être négligées, mais, au contraire, développées.
Je sais que l'année 2005 a été riche en avancées en la matière, en particulier grâce au lancement des deux satellites de nouvelle génération et à l'accord entre les membres de l'Agence spatiale européenne, signé à Berlin cette semaine, qui a adopté le principe de préférence communautaire, afin de soutenir la technologie européenne en matière de lancement.
Cependant, face à la volonté de l'Amérique de contrôler ce domaine, les moyens spatiaux militaires sont en Europe très en deçà du rôle qu'ils devraient jouer dans notre politique de défense et dans la conduite des opérations militaires, alors que leur caractère stratégique est de plus en plus criant aujourd'hui.
En outre, il ne paraît pas envisageable de laisser l'Europe à l'écart d'autres applications militaires de l'espace telles que l'écoute, la détection des tirs de missiles balistiques ou la surveillance de l'espace.
Peut-être suis-je sous l'influence des films de James Bond, mais je m'interroge toujours, s'agissant des zones géostationnaires, sur la fragilité de nos satellites de communication ou d'autres satellites qui tournent autour de notre planète sans y être rattachés.
Je rêve peut-être, mais j'imagine un satellite tueur qui passerait et détruirait le satellite ; nous serions pratiquement muets. De tels films m'influencent peut-être, mais je crois qu'il est important d'avoir une réflexion dans ce domaine-là. Cela doit d'ailleurs certainement être déjà le cas.
Je suis convaincu, comme le Président de la République ou comme vous, madame le ministre, et ainsi que le montrent les conclusions du groupe d'orientation stratégique de politique spatiale de défense, le GOSP, de la nécessité d'affecter plus de moyens à la politique spatiale et d'en faire l'une des priorités de la prochaine loi de programmation militaire, afin de donner un signal fort à nos partenaires pour parvenir à relever le défi. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
3
Modification de l'ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, je voudrais vous faire une communication concernant notre ordre du jour.
En effet, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement propose, en accord avec la commission des lois, d'avancer le début de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers au mercredi 14 décembre au soir, jour de la séance mensuelle réservée.
Je consulte le Sénat sur l'inscription de ce projet de loi à l'issue de l'ordre du jour réservé de la séance du mercredi 14 décembre.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Nous siégerons donc sur le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme le mercredi 14 décembre au soir ; le jeudi 15 décembre, matin, après-midi et soir ; et, éventuellement, le vendredi 16 décembre au matin.
4
Loi de finances pour 2006
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 98, 99).
défense (suite)
M. le président. Nous reprenons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour 2006 concernant les crédits de la mission « Défense ».
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez, à cet instant du débat, de remercier très sincèrement MM. les rapporteurs pour le travail qu'ils ont accompli et pour leurs présentations.
Je tiens à remercier également tous les orateurs pour la qualité des débats de ce matin et pour les questions qu'ils ont soulevées. J'ai été sensible aux approbations qui ont émané de certaines travées, mais également aux suggestions, aux analyses, voire aux critiques, dès lors qu'elles étaient constructives, qui ont été formulées sur certaines autres.
Les crédits de la mission « Défense » s'élèvent, pour 2006, à 35,5 milliards d'euros, soit une augmentation de 3,4 %. Ce budget représente, selon les normes de l'OTAN, 1,7 % de notre PIB, un peu plus selon les normes européennes.
M. François Trucy m'a demandé si, selon moi, la part que représente ce budget dans notre produit intérieur brut était ou non suffisante. Bien entendu, l'effort que nous consentons est inférieur à celui des Etats-Unis, par exemple. Toutefois, et il convient de le noter, c'est l'un des plus importants en Europe.
Aujourd'hui, même si, comme tout ministre de la défense, j'aimerais disposer de crédits un peu plus conséquents, il me semble, compte tenu du contexte économique et social actuel, que ce budget est équilibré, dans la mesure où il permet au ministère de faire face à ses ambitions.
En effet, le budget que j'ai l'honneur de vous présenter est au service d'une politique ambitieuse. Il est au coeur des priorités du Gouvernement et constitue un effort important pour la nation. Ce montant nous oblige. Le ministère de la défense se doit donc d'utiliser au mieux les moyens qui lui sont alloués. Par ailleurs, je le souligne, ce budget nous permet de respecter la volonté du Parlement, exprimée voilà près de trois ans, lors du vote de la loi relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008.
La défense s'inscrit en effet au coeur des priorités gouvernementales.
La première de ces priorités est, bien entendu, la sécurité des Français. Le contexte stratégique actuel, presque tous les orateurs l'ont relevé, est encore marqué, d'une part, par le terrorisme - une menace réelle pèse sur tous les pays occidentaux - et, d'autre part, par la multiplication des crises dans le monde entier, que ce soit en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie centrale, voire aux frontières de l'Europe.
Notre impératif principal, c'est donc de protéger les Français où qu'ils se trouvent dans le monde. C'est la mission première de nos militaires.
Ainsi, les 35 000 militaires des trois armées et de la gendarmerie nationale, les sapeurs et marins pompiers, les unités d'intervention de la sécurité civile forment le socle permanent de protection de notre territoire.
M. Fréville m'a posé une question concernant l'équilibre général de nos forces, me demandant si, finalement, dans les années qui viennent, nous ne devrions pas recentrer notre effort sur une protection stricte de notre territoire et éventuellement réduire notre participation aux OPEX.
Je réponds très clairement par la négative. Aujourd'hui, que ce soit dans le contexte du terrorisme ou dans celui des crises multiples, la sécurité de notre propre territoire commence à l'extérieur.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. À l'évidence, réagir quand le terrorisme est sur notre territoire, c'est presque déjà trop tard. Il faut intervenir le plus en amont possible s'il l'on veut prévenir les actions terroristes.
De la même façon, les crises multiples, qu'elles interviennent dans les Balkans ou en Afghanistan, ont des conséquences directes sur notre territoire. À l'occasion et sur les lieux de ces crises, se développent des trafics de toutes sortes - trafics d'armes, de drogue, de personnes - qui se retrouvent forcément chez nous et alimentent le grand banditisme. Ces retombées ont donc des conséquences très directes sur nos conditions de vie.
J'entends parfois dire que notre présence en Afrique serait inutile, voire contre-productive. Mais il faut être conscient que l'embrasement de l'Afrique, par des crises multiples, entraînerait une déstabilisation, au premier chef, de l'Europe et, d'une façon générale, du monde.
L'Afrique possède en effet un certain nombre de sources d'énergie, y compris pétrolières, qui entrent dans l'équilibre général du monde. Surtout, en cas de crise dans les pays du Golfe, il est évident que, pour compenser les chutes brutales de production du pétrole, nous aurions besoin de diversifier nos sources d'approvisionnement.
Et n'oublions pas que, si l'Afrique s'embrase, des millions de personnes fuiront des zones de combat où elles risquent d'être massacrées, entraînant la désertification des régions productrices d'aliments où elles vivent aujourd'hui. Elles iront vers le premier continent qui leur paraîtra un continent de paix et où elles pourront trouver des conditions de vie plus propices, c'est-à-dire directement vers l'Europe.
Alors que nous avons du mal à traiter aujourd'hui le problème de l'immigration clandestine, qui ne concerne que quelques dizaines de milliers de personnes, nous serions obligés de faire face à l'afflux de millions de personnes.
Tel est aussi l'enjeu qui justifie notre présence sur un certain nombre de théâtres d'opérations extérieures et qui explique que nous ne pouvons pas dissocier nos actions de sécurité intérieure de nos actions extérieures.
En avons-nous les moyens, ainsi que M. Del Picchia en a fait la remarque ?
Oui, aujourd'hui, la France est à la fois capable d'assurer les différentes opérations extérieures dans lesquelles elle se trouve impliquée et de conduire des opérations de niveau international. Elle l'a largement montré au cours de ces dernières années, soit seule dans un certain nombre de cas, soit dans le cadre de l'action de l'Union européenne, en particulier lors de l'opération très difficile en République démocratique du Congo. Elle l'a montré également, plus récemment, par le biais du commandement de la Force internationale d'assistance à la sécurité, la FIAS, en Afghanistan ou de la KFOR au Kosovo. Nous avons effectivement cette capacité, que nous devons entretenir.
Monsieur Boulaud, je sais bien qu'il n'est pas possible de régler le problème du terrorisme uniquement par la voie militaire, même si cette voie est aujourd'hui notre meilleure protection. Il doit être aussi réglé par la voie diplomatique, à travers des actions de développement, mais nous ne pouvons pas écarter l'action militaire.
Sur la façon directe de lutter contre le terrorisme, je partage votre point de vue : on ne peut pas utiliser tous les moyens. Ce serait, effectivement, la meilleure façon de fédérer contre nous, et contre ceux qui luttent contre le terrorisme, d'autres personnes. C'est l'une des raisons, en dehors des raisons éthiques, qui justifient notre condamnation de la torture. Le recours à une telle méthode disqualifierait, en quelque sorte, les valeurs au nom desquelles nous combattons le terrorisme.
Mme Hélène Luc. Absolument !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd'hui, plus de 33 000 militaires sont engagés hors métropole, dont 10 900 en permanence en OPEX, là où commence effectivement notre combat pour la sécurité de notre pays, là où également se poursuit notre combat pour la stabilité du monde et pour la paix.
Cela explique que la défense participe également à des actions humanitaires. M. Del Picchia a souligné la part très importante que la France a prise en Afghanistan, au sein de l'Europe, puis de l'OTAN, mais également sur son initiative personnelle. N'oublions pas non plus le rôle qu'a joué notre pays lors du tsunami. Il nous faut rendre hommage à l'efficacité, à la réactivité et au dévouement de nos forces dans ces actions humanitaires. (Applaudissements.)
Mme Voynet et M. Plancade m'ont interrogé sur le problème des armes à sous-munitions, auquel j'ai déjà apporté des réponses à l'occasion de plusieurs questions écrites. Permettez-moi de rappeler que la France n'utilise en aucun cas les armes à sous-munitions et que, à défaut de pouvoir obtenir une interdiction totale acceptée par tous, nous défendons le principe d'un emploi strictement limité de ces armes, notamment en veillant à ce qu'elles ne soient utilisées que pendant la durée du conflit.
Bien entendu, la France agit aussi et de toutes ses forces pour développer le droit humanitaire dans l'ensemble du monde.
Pour ces raisons, je voudrais, une nouvelle fois, rendre hommage au dévouement sans limites des hommes et des femmes de la défense, qui, au service de notre sécurité, acceptent de s'engager totalement et parfois au péril de leur vie. La réponse que nous donnons à leurs besoins en termes d'équipements et de crédits est une façon de leur exprimer notre reconnaissance. (Applaudissements.)
L'an dernier, dix-sept d'entre eux ont été tués dans l'exercice de leur mission, plus de deux cents ont été blessés. Je voudrais qu'en cet instant nous ayons une pensée pour eux et pour leurs familles.
La deuxième priorité de notre défense est d'être au service de la construction de l'Europe.
Sans la volonté française, appuyée sur un effort financier important, sur la sécurité des engagements apportés par la loi de programmation militaire, la défense européenne n'aurait pas progressé comme elle l'a fait depuis trois ans. Je remercie M. Vinçon et l'ensemble des orateurs de l'avoir souligné.
Nous avons en effet permis à la politique européenne de sécurité et de défense de devenir une réalité sur le terrain. Nous l'avons vu à travers les opérations qui ont été menées par l'Union européenne. Nous continuons à lui donner les moyens d'exister, notamment grâce à la création de la force d'intervention très rapide européenne, les « groupements tactiques 1 500 », qui sont aujourd'hui au nombre de vingt, car de nouveaux pays ont accepté de les compléter. C'est une action à laquelle participent, je le souligne, les vingt-cinq pays de l'Union européenne. Même les petits pays et les nouveaux entrants ont donc accepté d'y prendre part.
La force de gendarmerie européenne est également un élément original et complémentaire qui a été voulu par la France et qui nous permet de compléter le spectre de nos moyens d'action sur une crise, notamment lorsqu'elle se termine.
Nous plaçons beaucoup d'ambition dans l'Agence européenne de défense, l'AED, dont plusieurs d'entre vous ont parlé. Cela nous paraît indispensable à la fois pour consolider la démarche capacitaire de l'Europe, pour développer de nouveaux programmes européens en fonction de nos priorités stratégiques définies en commun, mais également pour développer notre recherche commune.
Le budget de l'AED, qui a été voté voilà dix jours, augmente de 66 % cette année par rapport à l'an dernier, et nous souhaitons que cette progression se poursuive dans les années qui viennent.
Je remercie MM. du Luart et Vinçon d'avoir souligné les potentialités qu'offre l'Agence.
L'AED s'inscrit en même temps dans les avancées des programmes d'armement européens. Vous ne pouvez nier, monsieur Boulaud, les avancées réalisées, au cours de ces dernières années, en ce domaine. L'A-400M, le NH90, le Tigre, le missile Meteor, ne sont-ils pas des programmes européens ? Et il y en a bien d'autres.
Des crédits ont été alloués à l'AED pour les programmes de recherche et de développement, notamment dans le domaine des drones, du spatial, des communications. Il y a donc bien une volonté commune de développer la recherche et les nouveaux programmes.
Madame Durrieu, les programmes transférés à l'AED ou, pour l'instant, à l'OCCAR, l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement, ne l'ont pas été en vue de se débarrasser d'un poids financier ; au contraire, nous finançons nous-mêmes un certain nombre de programmes.
Si nous avons transféré le programme de drones à l'AED ou le programme de frégates multimissions, les FREMM, à l'OCCAR, c'est pour donner une impulsion à des programmes européens. L'argent investi correspondait au budget que nous avions défini. Nous souhaitons que nos partenaires, suivant notre exemple, s'impliquent également financièrement. Nous savons tous en effet que, si la Grande-Bretagne et la France consentent des efforts financiers importants, il n'en est pas de même pour d'autres pays. Nous ne pouvons que le regretter et inciter ces pays, notamment à travers ces programmes, à faire des efforts supplémentaires.
J'ai la profonde conviction que la défense européenne, qui, comme cela a été dit, fait l'objet d'un consensus entre tous les peuples des pays européens, en poursuivant sa progression concrète, sera finalement le moteur de la relance et de l'approfondissement du projet européen.
Certains m'ont interrogé sur les rapports avec l'OTAN.
La construction de l'Europe de la défense ne se fait pas en concurrence avec l'OTAN. En effet, face à la multiplication des crises, nous aurons besoin, malheureusement, des efforts de tous. Ces crises devront être réglées en fonction de certaines spécificités qui seront celles de la défense européenne ou de l'OTAN.
Nous agissons parfois en autonomie ; c'est ce que nous avons fait au Congo et ce que nous faisons en Bosnie aujourd'hui. Nous agissons également avec le soutien de l'OTAN, et, parfois, au sein de l'OTAN, par exemple, lorsque le Corps européen a assumé le commandement des forces de l'OTAN en Afghanistan. En ce domaine, nous montrons bien que, plus la défense européenne s'affirme, plus elle est capable de participer à la résolution des crises.
Des questions particulières m'ont été posées sur les nouvelles actions de l'OTAN et sur ce qui se passe en Afghanistan.
En Afghanistan, se déroulent trois opérations principales : une opération de stabilisation, qui est assurée par les forces de l'OTAN et la FIAS ; une action de formation, qui est assurée dans un cadre bilatéral ; enfin, l'opération Enduring Freedom de lutte contre le terrorisme.
Il avait été question de fusionner l'opération Enduring Freedom et la FIAS ; la France s'y est opposée. Cette distinction n'empêche pas les synergies, notamment en ce qui concerne l'utilisation des appareils de transport, afin d'éviter les redondances en ce domaine, mais les deux opérations restent bien séparées.
Quant aux nouvelles opérations de l'OTAN, elles peuvent être menées en dehors du champ d'action initial de l'Europe, puisque le problème de l'Union soviétique ne se pose plus. Néanmoins, l'OTAN est une alliance militaire - il est donc indispensable de rester dans ce cadre - à laquelle il n'appartient pas de faire le travail de l'ONU, notamment dans le secteur civil.
Voilà donc pour ce qui concerne la deuxième priorité gouvernementale à laquelle participe la défense, c'est-à-dire le développement de l'Europe.
Nous participons également - c'est la troisième priorité gouvernementale - au développement de l'économie française. Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que la défense est le premier investisseur public de l'État. Je remercie MM. Fréville et Pozzo di Borgo d'avoir souligné cet aspect parfois ignoré de ses activités.
En effet, le secteur de la défense fait travailler plus de 10 000 entreprises, des grandes mais également des petites et des moyennes, réparties sur l'ensemble de notre territoire et qui emploient plus de 2,5 millions de salariés. Investir et s'équiper en moyens modernes, adaptés aux nouvelles menaces, supposent de disposer d'un outil industriel performant et compétitif. Nos crédits permettent d'apporter un certain nombre d'aides.
Ce que je veux pour la défense, c'est une politique industrielle rénovée, qui vise à conforter l'excellence technologique française et la compétitivité de nos industries. C'est ainsi que j'agis, y compris à l'égard des entreprises qui sont plus directement rattachées au ministère de la défense ; je veux parler de GIAT et de DCN.
Lorsque je suis arrivée au ministère de la défense, GIAT était dans une situation telle, après dix ans de plans de redressement, que l'on me conseillait de le faire disparaître purement et simplement.
Parce que je pense que nous avons besoin d'une entreprise d'armement terrestre pour garantir notre autonomie stratégique, j'ai souhaité conforter la situation financière de GIAT et éviter sa disparition.
S'en est suivi un plan aux conséquences désagréables pour les personnels, je le sais parfaitement ; c'est la raison pour laquelle j'ai voulu que le ministère de la défense s'y implique totalement. Plusieurs d'entre vous ont reconnu qu'il avait rempli tous ses engagements de reclassement, des ouvriers comme des fonctionnaires, et qu'il était même allé au-delà en ouvrant des postes d'ouvriers d'État à des salariés qui étaient sous convention collective.
Nous avons réalisé un gros effort et je regrette que les autres administrations ou les collectivités locales n'en aient pas fait de même. Étant donné que nous reclassons environ cinquante personnes par mois, nous devrions avoir reclassé à peu près tout le monde à la fin du plan, y compris dans la région de Tarbes.
Je m'emploie également, avec la mission pour les restructurations, à trouver localement des activités qui permettent d'accompagner ce plan.
La situation de DCN n'était pas aussi dramatique que celle de GIAT, mais il convenait de lui redonner une impulsion. Aujourd'hui, DCN obtient d'excellents résultats, sa réputation internationale est parfaitement établie et je souhaite, Mme Luc, M. Del Picchia, que, très prochainement, les rapprochements avec Thalès nous permettent de disposer d'un pôle d'industrie d'armement naval extrêmement performant, qui soit susceptible de faire face à la concurrence, notamment à celle, de plus en plus dure, de l'Asie du Sud-Est. C'est important sur le plan stratégique comme sur le plan économique.
Une politique de défense doit être volontariste, concrète, mais également visionnaire. En effet, les problèmes ne se traitent pas au jour le jour ; il convient d'anticiper, de préparer l'avenir.
C'est pourquoi j'ai été conduite à sanctuariser les crédits des études-amont et à consentir d'importants efforts en matière de recherche. Dans le projet de budget qui vous est soumis, les crédits des études-amont s'élèvent à 600 millions d'euros ; j'ai pour objectif d'atteindre 700 millions d'euros en 2008, ce qui correspond au souhait exprimé par M. Fréville.
M. Pintat a évoqué la dissuasion nucléaire, qui est concernée par la recherche. Oui, nous restons dans le principe de la stricte suffisance, mais pour que cette dissuasion soit efficace, il convient que la recherche atteigne un degré de précision qui la rende crédible aux yeux de nos adversaires potentiels.
En effet, je ne crois pas du tout, madame Voynet, qu'il n'existe plus de risque nucléaire, même si le terrorisme et les crises multiples sont notre lot quotidien. Un certain nombre de pays dans lesquels la stabilité démocratique est loin d'être établie cherchent à se doter de l'arme nucléaire. C'est la raison pour laquelle nous devons continuer à assurer d'une façon déterminée la protection de notre territoire par le biais de la dissuasion nucléaire.
Madame Luc, votre demande est assez paradoxale, car vous ne pouvez pas à la fois réclamer moins de nucléaire et plus de travail pour DCN. Vous savez parfaitement que DCN, avec les sous-marins, participe à la dissuasion nucléaire. Il faut choisir : il ne peut pas y avoir moins d'un côté et plus de l'autre pour la même entreprise.
Mme Hélène Luc. C'est une question de conception !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Moi, ce que je perçois surtout, c'est la menace et la nécessité d'y répondre ! Encore une fois, vous ne pouvez pas me demander de faire davantage travailler une entreprise dont les activités ont un rapport direct avec le nucléaire et d'avoir moins recours au nucléaire ! Se pose là un vrai problème de cohérence.
Dans le domaine spatial, évoqué par MM. Pintat et Pozzo di Borgo, il ne peut y avoir de défense d'avenir sans une politique ambitieuse. Je prévois donc d'y consacrer 0,5 milliard d'euros en 2006.
Le groupe d'orientation stratégique de politique spatiale de défense, que j'ai créé, a élaboré un rapport qui sera l'un des documents de référence dans le cadre de la mise au point de la prochaine loi de programmation militaire.
Je considère, pour ma part, que la politique spatiale est aussi importante pour le XXIè siècle que la dissuasion nucléaire l'a été pour le XXè siècle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Nous avons d'ores et déjà engagé plusieurs initiatives qui vont dans ce sens. Nous sommes dans le post-Hélios II et nous avons des contacts avec la plupart de nos partenaires européens afin de mener au plus tôt les travaux d'étude du système d'observation future. Il en va de même pour le nouveau projet de démonstrateur, qui sera lancé prochainement, dans le domaine du renseignement d'origine électromagnétique. Par ailleurs, la France pousse l'Agence européenne de défense à s'investir dans ce domaine.
La quatrième priorité gouvernementale à laquelle participe activement le ministère de la défense, c'est le lien social, et notamment l'emploi.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le ministère de la défense est un acteur majeur dans le domaine de l'emploi, notamment en matière d'emploi des jeunes en France. Nous sommes en effet le premier recruteur dans le pays, avec 35 000 jeunes recrutés chaque année.
Ce sont les savoir-faire que nous développons qui nous ont conduits à jouer un rôle de premier plan en matière d'insertion professionnelle des jeunes.
Monsieur Del Picchia, la défense est mobilisée depuis plusieurs mois sur ce sujet. Nous avons créé le projet « défense deuxième chance », qui tend à offrir à des jeunes en grande difficulté une remise à niveau à la fois scolaire, comportementale et professionnelle.
Nous avons déjà ouvert plusieurs centres. Un premier centre, qui accueille 174 jeunes, a été inauguré à Montry par le Premier ministre le 30 septembre. Un deuxième centre, consacré aux métiers de la forêt, a été ouvert à Étang-sur-Arroux en Saône-et-Loire. Enfin, j'inaugurerai bientôt le centre de Montlhéry dans l'Essonne, qui a une capacité d'accueil de deux cents stagiaires. Les centres seront ensuite ouverts à une cadence de un à deux par mois. Nous avons pour objectif d'accueillir 10 000 jeunes en 2006 et 20 000 jeunes à la fin de 2007. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Voilà donc quelles sont mes ambitions en matière de priorités gouvernementales pour la défense.
Cependant, parce qu'elle est ambitieuse, cette politique doit être menée dans une logique de performance et d'efficacité.
La mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2006 s'inscrit dans cette logique d'objectifs et de résultats. Elle permet au Parlement de disposer d'indicateurs pour mesurer les résultats obtenus en matière d'efficience, de qualité de service ou d'efficacité socioéconomique.
La mission « Défense » comprend 45 objectifs qui sont évalués par 104 indicateurs. J'ai bien conscience, monsieur Fréville, que nous n'avons sans doute pas réussi à atteindre la perfection dans ce premier exercice. Je propose donc que nous travaillions ensemble pour essayer de définir les indicateurs les plus performants possibles, sachant que nous ne parvenons pas toujours à obtenir des définitions totalement satisfaisantes, notamment pour ceux qui sont liés aux contrats opérationnels.
Toujours dans cette préoccupation d'efficacité, je voudrais vous dire un mot de la stratégie ministérielle de réforme de la défense.
J'ai voulu la mener dans l'esprit de la LOLF et ma première action en ce sens a concerné la clarification des responsabilités. Cela m'a amenée à réformer profondément la Délégation générale pour l'armement, la DGA, et à renforcer les pouvoirs d'arbitrage du Chef d'état-major des armées, le CEMA.
La mutualisation des services a constitué le deuxième élément de cette recherche d'efficacité. En 2004, j'ai créé le Service historique de la défense, qui concrétisait la mutualisation des archives. Au début du mois de septembre, j'ai créé le Service d'infrastructure de la défense, qui permet le regroupement des services constructeurs des armées sous l'autorité du secrétaire général pour l'administration.
Je souhaite dire à M. Boulaud que si les crédits immobiliers de la gendarmerie se trouvent dans une autre mission que celle-ci, la gestion demeurera commune et qu'ils seront gérés par le service d'infrastructure de la défense. La prochaine étape concerne la création d'une direction générale des systèmes d'information et de communication, d'ici à deux mois. Elle permettra de mettre en place une politique dans des domaines qui comportent de lourds enjeux financiers, opérationnels et industriels.
Le troisième élément d'efficacité, c'est la modernisation des modes de gestion.
Ainsi, un contrat a été signé à la fin du mois de juillet, comme le rappelait M. Nogrix, qui prévoit la location en longue durée d'avions de transport à long rayon d'action en attendant la montée en puissance de l'A-400 M. Peut-être ce contrat sera-t-il prolongé, car l'A-400 M ne répondra pas forcément à tous les besoins. De plus, certains besoins ponctuels ne nécessiteront pas de disposer en permanence de ce type d'appareils. Dans ces conditions, il vaut mieux les louer, et une location de longue durée est toujours plus intéressante, financièrement et en termes de sécurité, qu'une location de courte durée.
Par ailleurs, l'externalisation des 22 000 véhicules de la gamme commerciale devrait être notifiée dans les prochaines semaines, après examen des différentes études que j'ai commandées.
Enfin, l'externalisation de la gestion immobilière sera mise en oeuvre avant la fin de 2006.
Dans ce cadre, j'ai, également apporté mon soutien au développement de contrats de partenariat de l'État en matière de formation initiale des pilotes d'hélicoptère.
Je voudrais souligner, devant la représentation nationale, que l'ensemble de ces actions de mutualisation, de modernisation, de recherche de formules nouvelles représentent plus de 500 millions d'euros d'économies réalisées depuis 2002. Je pense que cela méritait d'être dit. Cela correspond à ce que j'appelle une saine gestion publique.
Dans le même esprit de clarté, je voudrais me féliciter devant vous, en vous remerciant une nouvelle fois de votre appui en la matière, de la progression de la budgétisation initiale des OPEX.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il y a encore des marges de progression !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Le financement des OPEX en loi de finances initiale, que vous aviez souhaité voilà trois ans déjà,...
M. Yves Fréville, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Oui !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. ...et que nous mettons en oeuvre progressivement, est bien dans l'esprit de sincérité et de transparence de la LOLF.
La dotation inscrite à ce titre au projet de loi de finances, tel que je l'avais présentée à l'Assemblée nationale, s'élevait à 250 millions d'euros. L'année dernière, ce montant était de 100 millions d'euros ; la progression était donc importante.
Depuis, les événements survenus dans les banlieues ont conduit le Gouvernement à mettre en oeuvre un plan d'urgence et à faire appel à la solidarité de tous les ministères, en particulier celui de la défense, qui ne pouvait rester à l'écart de cet effort. Il nous a été demandé d'apporter une contribution de 75 millions d'euros, et j'ai souhaité que ce montant soit prélevé sur la ligne budgétaire des OPEX, dont les crédits progressent donc finalement de 75 millions d'euros par rapport à l'année dernière, pour s'établir à 175 millions d'euros.
Bien entendu, monsieur Boulaud, les OPEX sont totalement financées en fin d'année. Cela est vrai pour 2005, cela le sera pour 2006. Mais si j'ai choisi d'opérer un prélèvement sur les crédits qui leur sont affectés, c'est aussi parce que nous constatons une diminution des dépenses liées aux OPEX : il est prévu qu'elles atteignent 520 millions d'euros cette année, contre 550 millions d'euros en 2004 et 620 millions d'euros en 2003. En tout état de cause, je puis vous rassurer, si besoin est : le remboursement est toujours intégral.
Cette réduction temporaire ne remet d'ailleurs absolument pas en cause l'objectif, qui a été voulu par le Président de la République, d'aboutir à un financement total des OPEX en loi de finances initiale à l'échéance de 2007.
Enfin, toujours dans un esprit d'efficacité et de clarté, la transparence à l'égard du Parlement, notamment en matière financière, est un autre élément que je souhaitais évoquer.
À cet égard, je rappelle que j'ai ouvert à la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale un accès très régulier aux comptes du ministère. En effet, une réunion se tient chaque trimestre, qui permet à des représentants de ces commissions de rencontrer les responsables administratifs du ministère et d'obtenir des réponses à toutes les questions qu'ils souhaitent soulever. J'ouvre la même possibilité à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat.
En ce qui concerne les services, sous réserve, bien sûr, de la protection normale de leurs intérêts, je suis tout à fait favorable, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, à ce que le Parlement puisse être informé de l'utilisation des crédits mis à notre disposition, monsieur Boulaud. D'ailleurs, il existe déjà, s'agissant notamment de la DGSE, des contrôles parlementaires.
On parle aujourd'hui d'une nouvelle modalité ; pour ma part, je suis tout à fait disposée à l'approuver. Encore une fois, il n'y a aucune raison que le Parlement ne soit pas informé en la matière, dès lors que nous sommes bien d'accord sur les limites de cette information.
M. Didier Boulaud. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Voilà comment ce projet de budget permettra de répondre aux ambitions de la défense et aux priorités gouvernementales, voilà comment j'entends que les sommes importantes en jeu soient utilisées, en toute clarté et avec une plus grande efficacité.
Enfin, je voudrais mettre en exergue ma troisième ambition, qui est loin d'être négligeable : avec ce projet de budget, je compte garantir le redressement de l'effort de défense, conformément à la volonté que vous aviez exprimée, mesdames, messieurs les sénateurs, au travers de la dernière loi de programmation militaire.
Je tiens à l'affirmer, il n'y a aucun doute quant au respect de cette loi de programmation militaire ou, madame Durrieu, à la mise en oeuvre du modèle 2015, les deux étant d'ailleurs liés.
À cet égard, nous avons réussi à combler un certain nombre des lacunes dues à la non-exécution de la précédente loi de programmation militaire. Bien entendu, parfois, parce qu'interviennent des évolutions du contexte stratégique et des techniques, des adaptations sont nécessaires. Nous procédons à ces adaptations au fur et à mesure des besoins. Il serait, en effet, stupide de figer les choses au prétexte de s'en tenir à des décisions prises voilà quinze ans. Les militaires ne raisonnent pas de cette façon, les nécessités de notre sécurité et leur volonté d'être toujours plus opérationnels nous conduisent à réagir à toutes les innovations qui se présentent.
Pour autant, précisément parce que l'objectif pour 2015 a été fixé en fonction de données qui n'ont pas foncièrement changé - la menace terroriste, que malheureusement notre pays connaissait bien avant 2001, et le risque de crises multiples ayant été pris en compte -, le modèle 2015 n'a pas à être fondamentalement remis en cause. Cela étant, dans le cadre notamment de nos programmes, nous reconsidérons bien entendu un certain nombre d'éléments, afin d'avoir toujours le plus d'avance possible.
Cela signifie aussi que nous commençons à nous préoccuper d'échéances plus lointaines. Nous mènerons ainsi une réflexion sur l'horizon 2025. Dans cette perspective, je suis assez disposée à faire miennes certaines remarques qui ont été formulées sur le caractère relativement rigide de la loi de programmation militaire, même si celle-ci représente un progrès considérable par rapport à l'annualité budgétaire. Il est vrai que l'on ne saurait, si l'on veut être efficace, s'en tenir simplement aux termes de ce texte. D'ores et déjà, nous avons commencé à travailler sur la prochaine loi de programmation militaire.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Très bien !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Tout naturellement, cela nous amène aussi à prendre en compte l'ensemble des programmes.
À ce propos, on m'a demandé si nous avons une vision de la charge financière que représentent les programmes sur la période couverte par la loi de programmation militaire. Eh bien oui, nous disposons de telles estimations, et elles nous sont nécessaires. Même si, pour les raisons qui ont été évoquées, les chiffres ne sont pas dévoilés, il est évident que, dès le début d'un programme, nous disposons d'évaluations du coût total de son exécution.
Certains d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont mis l'accent sur les retards enregistrés par certains programmes. Or les causes de ces retards peuvent être très diverses, et différents cas doivent donc être distingués.
Ainsi, quand j'entends évoquer un retard dans l'exécution du programme du Rafale, j'ai envie de rétorquer : à qui la faute ? En effet, le Rafale était prêt depuis bien longtemps. Ce programme aurait donc parfaitement pu être intégré dans la précédente loi de programmation militaire et même, probablement, dans celle qui a précédé cette dernière.
M. Alain Gournac. Eh oui !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cela n'a pas été fait, et si cela pose des problèmes à nos armées, cela veut dire que cela pose aussi des problèmes industriels.
M. Didier Boulaud. Je croyais que c'était un domaine réservé du Président de la République !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Si ce programme, qui était prêt dans les années quatre-vingt-dix, avait été retenu par les gouvernements de l'époque, le Rafale aurait été présent sur le marché bien avant le JSF ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Dans ces conditions, il est probable qu'il aurait été choisi par la plupart des pays, ce qui aurait représenté un gros apport financier pour la France. Ne l'oublions pas ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Didier Boulaud. C'est le même chef des armées depuis 1995 !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, madame la ministre seule a la parole !
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Au début des années quatre-vingt-dix, monsieur Boulaud, le chef des armées n'était pas le même qu'actuellement ! Par ailleurs, des gouvernements se sont succédé, qui étaient chargés de préparer et de financer les lois de programmation militaire, ainsi que d'en faire respecter l'exécution.
J'ajouterai, pour être tout à fait objective, que des retards peuvent être dus à l'industriel. Ce fait a été souligné, en particulier, s'agissant du char Leclerc. Les difficultés de GIAT Industries et les nombreuses grèves survenues n'ont guère facilité les choses.
Certains retards peuvent également être liés à des problèmes techniques. Cela est vrai, notamment, en ce qui concerne le NH 90. Pour ma part, je ne manque pas, alors, d'intervenir auprès des industriels, pour leur signifier que de telles situations, susceptibles à la fois d'entraver la capacité opérationnelle de nos forces et de porter atteinte à notre image aux yeux d'un certain nombre de clients potentiels, sont inadmissibles.
Pour en revenir à des points plus concrets et positifs concernant le projet de budget pour 2006, j'indiquerai que celui-ci prévoit les commandes et les livraisons des équipements nécessaires à l'exercice de leurs missions par nos armées.
À cet égard, nous allons poursuivre notre effort pour la dissuasion. L'année 2006 verra en outre la commande du second porte-avions, le lancement du programme du sous-marin Barracuda - je pense répondre ainsi aux inquiétudes qui ont été exprimées -, ainsi que la montée en puissance des programmes Félin, de l'A 400 M et des hélicoptères de la gendarmerie.
Par ailleurs, M. André Boyer m'a interrogée sur un abandon éventuel du programme des frégates Horizon. Il était prévu de doter notre marine de quatre bâtiments de ce type, mais, étant donné la commande de nouvelles frégates multimissions et la grande capacité opérationnelle de ces dernières, il a été décidé de la pourvoir de deux frégates Horizon et de substituer aux deux autres des frégates multimissions, qui sont parfaitement propres à remplir les mêmes missions. Nous aurons ainsi un éventail de moyens à notre disposition.
Quant au porte-avions, comme je l'ai dit à l'instant, la commande va être passée. Notre collaboration avec les Britanniques se poursuit dans de bonnes conditions. Comme toujours, on constate des hauts et des bas, mais je note que la volonté des militaires rejoint ici la volonté politique. Si nous rencontrons parfois des difficultés, elles sont le plus souvent dues aux industriels. On peut d'ailleurs, à la rigueur, le comprendre, puisque la passation de deux commandes différentes implique qu'ils doivent procéder deux fois à des études ou à des recherches très voisines et que, finalement, le client est en situation de se montrer plus exigeant sur les prix et de demander un rabais plus important.
Quoi qu'il en soit, la volonté politique d'aboutir se manifeste très régulièrement, et si les Britanniques ont quelque peu tardé au début, cela nous arrange, d'une certaine façon, car ils avaient pris leur décision avant que nous n'ayons arrêté la nôtre ; nous avons ainsi pu rattraper notre retard initial. Cela nous permet maintenant de travailler ensemble, notamment en associant les équipes françaises et britanniques dans la recherche de tous les éléments communs, afin de gagner du temps et, surtout, de découvrir le maximum de choses à faire en coopération, car tel est bien le but que nous visons.
Enfin, en 2006, le lancement du satellite Syracuse III B sera un atout essentiel pour améliorer notre capacité de maîtrise de l'information. L'année 2006 verra également la livraison de quatorze avions Rafale, des missiles Scalp et de trente-quatre chars Leclerc. Ce sera aussi l'année d'admission au service actif du second bâtiment de projection et de commandement, le Tonnerre.
En ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle, sujet abordé notamment par MM. Fréville, Trucy, Nogrix, Dulait et Vinçon, c'est là pour moi une préoccupation constante, non seulement parce que certains matériels sont vieillissants, mais aussi parce que les nouveaux équipements sont très sophistiqués. Or plus un matériel est sophistiqué, plus il demande d'entretien et plus il y a de risques d'obsolescence rapide. On a parfois un peu l'impression d'être enfermé dans un cercle vicieux.
C'est la raison pour laquelle j'ai demandé que soit envisagée la possibilité d'établir de nouveaux rapports avec les industriels. En disant cela, je me tourne vers M. le président de la commission des finances. À mon sens, il devrait être intéressant, dans l'avenir, d'acheter des heures d'utilisation plutôt que de simples matériels. Dans cette optique, il conviendrait que le MCO soit aussi, et surtout, assumé par les industriels. En effet, ce qui nous intéresse, en termes opérationnels comme en termes d'entraînement, c'est d'avoir à disposition un matériel qui fonctionne.
Toutefois, il est évident que les industriels vont alors nous demander de payer en même temps le matériel et son maintien en condition opérationnelle sur la durée. Par conséquent, cela peut poser des problèmes lourds au regard de l'exécution d'une loi de programmation militaire, puisque, si le coût final sera pratiquement identique, et sera même, j'en suis persuadée, moins élevé, la dépense à engager au départ sera beaucoup plus forte.
C'est là où nous rejoignons également les préoccupations, exprimées en particulier par M. Boyer, quant aux annuités qui dépassent une loi de programmation militaire. En effet, généralement, nos matériels sont utilisés pendant quinze ans, vingt ans, vingt-cinq ans, voire trente ans, et il est évident qu'il y a là matière à engager une réflexion commune.
Le projet de loi de finances répond, par ailleurs, aux engagements prioritaires en termes d'effectifs, lesquels sont globalement maintenus à leur niveau actuel. A ce propos, et en réponse à la préoccupation de M. Trucy, relative au sous-équipement des effectifs de 3 %, je dirai qu'il est aujourd'hui bien géré : il l'est sur le plan militaire, mais également sur le plan civil. Bien entendu, nous souhaiterions, là encore, obtenir davantage, ce qui éviterait des tensions à l'échelon du personnel militaire et permettrait de combler les insuffisances dont souffrent certains postes.
Nous parvenons pourtant à nous en accommoder et, de ce point de vue, les réserves constituent un apport utile. Je me réjouis d'ailleurs que le texte que je me propose de vous soumettre sur ce sujet, au mois de février, nous permette de mieux prendre en compte la place des réserves dans une armée professionnelle.
D'ores et déjà, je souligne que, dans ce domaine, monsieur Trucy, j'ai consenti un effort important, puisque les crédits qui figurent dans le projet de budget pour 2006 sont en augmentation de 15 millions d'euros pour atteindre un total de 135 millions d'euros.
Les mesures pour le personnel civil non seulement en maintiennent les effectifs, mais améliorent également - je m'y attache depuis trois ans - les aides qui leur sont accordées : elles représentent chaque année, je le rappelle, l'équivalent de celles qu'avait octroyées en cinq ans le précédent gouvernement.
Pour en revenir aux militaires, nous nous sommes fixé pour objectif d'avoir, fin 2005, 50 000 réservistes dont 18 000 gendarmes et, fin 2006, 55 000 réservistes dont 20 000 gendarmes.
En outre, ainsi que vous l'avez souligné, pour renforcer l'attractivité de ce statut auprès des employeurs, j'ai obtenu en leur faveur la création d'un crédit d'impôt. Il vous sera présenté à l'occasion du projet de loi de finances rectificative.
Le respect de la loi de programmation militaire, ainsi que plusieurs d'entre vous l'ont relevé, suppose d'utiliser les reports. Comme vous le savez, les reports constatés à la fin de l'année 2004 ne sont pas notre fait. Je tiens à redire à tous que nous sommes parfaitement capables de consommer tous les crédits mis à notre disposition.
Nous avons été victimes, au cours de ces dernières années, de la conjugaison de deux problèmes.
D'une part, le fait que les OPEX ne soient remboursées qu'en fin d'année nous obligeait à faire une avance de trésorerie dont nous ne retrouvions généralement pas la disponibilité avant le mois de décembre. Il nous était alors parfaitement impossible de dépenser ces quelque 500 millions d'euros ou 600 millions d'euros avant le début de l'année suivante !
D'autre part, le fait que cette situation combinée aux normes de dépense nous interdisait de consommer, au cours d'une année, plus que ce qui était inscrit en loi de finances initiale, de sorte que nous ne pouvions pas consommer les reports de l'année précédente.
Ces impératifs m'ont paru susceptibles de porter atteinte à la transparence de la loi de programmation militaire et c'est la raison pour laquelle j'ai obtenu un arbitrage qui nous permettra de consommer, avant la fin de cette loi, l'ensemble des crédits qu'elle met à notre disposition. Dès cette année, nous pourrons ainsi consommer, outre la norme de dépense, 600 millions d'euros au titre des reports dont je peux vous affirmer qu'ils seront tous utilisés d'ici à la fin de l'année 2007 : j'en ai donné l'assurance au Président de la République.
En ce qui concerne le carburant, je voudrais dire à M. Trucy que nous avons, d'une part, intégré une augmentation de 17 % et, d'autre part, en liaison avec le ministère des finances, prévu un mécanisme contre les risques, qui nous permet de ne pénaliser les armées, ni au stade de leur entraînement que j'estime être essentiel, ni, bien sûr, au stade de leur engagement opérationnel.
En vous demandant de bien vouloir m'excuser, monsieur le président, d'avoir dépassé de quelques minutes le temps de parole qui m'était imparti, j'en arrive à la fin de la présentation de la partie du projet de loi de finances pour 2006 qui a trait à la mission « Défense ». Je crois qu'elle a à la fois pour but de permettre à mon ministère d'assurer les missions et les ambitions qui lui sont confiées, mais également de montrer a nos armées et à nos militaires la considération dont ils sont l'objet.
Je remercie celles et ceux d'entre vous qui leur ont rendu hommage et qui ont rendu hommage au ministère de la défense. J'ai été très sensible aux propos aimables qui ont pu être tenus en ce sens, particulièrement aux compliments de M. Peyrat (Sourires sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.), mais également à ceux de tous les rapporteurs et de tous les orateurs.
Ces crédits permettront à la France de disposer, dans la durée, d'une défense cohérente et efficace.
Il ne s'agit pas d'accorder des crédits pour une mission comme les autres : notre mission, mesdames et messieurs les sénateurs, n'est pas comme les autres ! C'est la raison pour laquelle, dans un contexte de finances publiques dont je connais les difficultés, je sais que votre vote exprimera aussi un engagement collectif, qui dépasse les clivages idéologiques qui peuvent exister sur les travées de cette assemblée, un engagement à l'égard de celles et de ceux qui, dans ce pays, sont prêts à prendre tous les risques pour nous, pour notre sécurité collective, un engagement finalement pour ce à quoi nous sommes tous attachés : l'idéal de servir la France !(Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Merci, madame le ministre.
Pour ma part, j'ai apprécié le souci qui est le vôtre - délicate attention ! - de répondre à tous les intervenants, quels qu'ils soient.
Mme Hélène Luc. Ce que n'ont pas fait tous les ministres !
M. le président. J'y ai été particulièrement sensible et je ne doute pas que ce sentiment soit unanimement partagé par les membres de cette assemblée. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Défense » figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 36 290 963 699 euros ;
Crédits de paiement : 35 379 506 049 euros.
M. le président. L'amendement n° II-144 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Environnement et prospective de la politique de défense Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Préparation et emploi des forces Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Soutien de la politique de la défense Dont Titre 2 |
|
58.707.860 |
2.175.229 |
|
Équipement des forces Dont Titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
|
-58.707.860 |
+2.175.229 |
|
SOLDE |
-58.707.860 |
+2.175.229 |
La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit d'un amendement technique, d'un amendement « miroir », si je puis dire, qui vient compléter celui qui a été voté mardi matin, ici même, lors de l'examen des crédits de la mission « Sécurité ».
Je rappelle que, au départ, j'avais estimé que, compte tenu du caractère militaire de la gendarmerie, les différents éléments afférents à son budget, notamment dans le domaine immobilier et dans le domaine informatique, devaient être présentés avec ceux des autres armées.
Par la suite, plusieurs parlementaires m'ont fait valoir qu'il serait plus aisé de juger de l'action et des moyens mis au service de la gendarmerie si ses crédits étaient isolés. J'ai donc déposé un amendement qui tend à prélever des crédits sur la mission « Défense » pour les imputer sur la mission « Sécurité ».
Par ailleurs, les crédits déplacés reposaient sur l'hypothèse que le montant des autorisations d'engagement prévu en 2006 pour les opérations d'infrastructure et d'informatique générale était égal à celui des crédits de paiement. Comme nous nous sommes aperçus, par la suite, que tel n'était pas exactement le cas, il s'agit de corriger cette erreur.
Concrètement, l'amendement qui est présenté a donc pour objet de transférer 58 707 860 euros d'autorisations d'engagement supplémentaires vers le programme « Gendarmerie nationale » en les prélevant sur la mission « Défense » et d'augmenter, par ailleurs, de 2 175 229 euros les crédits de paiement de la mission « Défense » afin de tenir compte de la fixation, maintenant définitive, du périmètre respectif des deux missions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. La commission avait donné un avis favorable sur l'amendement initial du Gouvernement, car il s'agissait d'un amendement de clarification qui rattachait les crédits d'infrastructure et d'informatique de la gendarmerie, tout en lui conservant son caractère militaire, à la mission interministérielle « Sécurité ».
Elle est donc également favorable à la rectification de forme de l'imputation de ces crédits.
M. le président. L'amendement n° II-257 rectifié ter, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Environnement et prospective de la politique de défense Dont Titre 2 |
4 394 374 |
|
4 394 374 |
|
Préparation et emploi des forces Dont Titre 2 |
|
51 929 962 50 000 000 |
|
51 929 962 50 000 000 |
Soutien de la politique de la défense Dont Titre 2 |
8 241 639 |
|
8 241 639 |
|
Équipement des forces Dont Titre 2 |
39 293 949 |
|
39 293 949 |
|
TOTAL |
51 929 962 |
51 929 962 |
51 929 962 |
51 929 962 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons longuement parlé de cet amendement, qui vise à retirer 75 millions d'euros de la ligne concernant le financement initial des OPEX pour ramener les crédits à 175 millions d'euros.
Je crois avoir déjà donné toutes les explications à ce sujet et je ne m'étendrai donc pas sur les motivations de cet amendement et ses conséquences.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. Mes chers collègues, la commission des finances n'ayant pas examiné cet amendement, je m'exprimerai à titre personnel.
Devant l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait proposé de réduire les crédits de l'ensemble de la mission « Défense » de 75 millions d'euros.
Cet amendement prévoit d'imputer cette réduction au seul programme « Préparation et emploi des forces », qui comprend effectivement en son sein les OPEX, mais aussi des crédits de bien d'autres types.
La commission s'était réjouie de voir les « crédits OPEX », si vous me permettez cette formule, passer de 100 millions d'euros à 250 millions d'euros, car elle avait toujours souhaité que, dans un souci de sincérité budgétaire, on se rapproche au plus vite du niveau estimé des OPEX.
Il est donc évident que je regrette cette diminution de 75 millions d'euros tout en reconnaissant que, cette année encore, ces crédits sont en augmentation, puisqu'ils passent de 100 millions d'euros à 175 millions d'euros.
A titre personnel, j'approuve le changement d'affectation, mais - et là, madame le ministre, je vais jouer le jeu de la LOLF - à une condition : dès lors que vous nous avez annoncé que la réduction de crédits serait imputée sur le programme « Préparation et emploi des forces » sans toutefois préciser qu'elle concernerait nécessairement les OPEX, j'attends du ministère qu'il fasse une économie suffisante, au sein de ce programme, pour éviter de devoir procéder à un rétablissement de crédits en fin d'année. Vous avez d'ailleurs évoqué une possibilité d'y parvenir en nous disant pouvoir escompter, ce que nous espérons, une diminution du montant des OPEX. Ainsi, l'économie se ferait tout naturellement.
Si tel ne devait pas être le cas, j'estime que cette économie pourrait intervenir sur la masse des crédits de personnel. Ainsi, vous n'auriez pas à passer, comme vous le faites - ce que, au demeurant, je comprends - par un jeu d'écritures, à la faveur du vote d'un amendement, pour arriver au résultat que nous souhaitons tous : rétablir au plus vite ces crédits OPEX.
Sous cette réserve, à titre personnel, je voterai cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission des finances n'ayant pas pu se réunir, c'est également à titre personnel que je m'exprimerai.
Je voudrais vous dire, madame la ministre, que la commission des finances a beaucoup de considération pour l'action que vous menez et que, lors de votre audition, nous avons eu confirmation de votre souci de tendre vers la sincérité budgétaire ; nous avons salué votre effort.
Le montant des OPEX doit atteindre quelque 700 millions d'euros...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances....en tout cas, un montant bien supérieur aux 250 millions d'euros que vous aviez inscrits. Cependant, faisant un effort de compréhension, nous avions estimé qu'il s'agissait là d'une sincérité relative et qu'il fallait saluer le plan de progression.
La commission des finances avait donné un avis favorable sur les crédits de la mission « Défense », puis sont intervenues les violences urbaines : le Gouvernement a alors rendu public un plan qui a fait l'objet d'un arbitrage.
Dans le cadre du redéploiement budgétaire, votre ministère a dû apporter sa contribution, sans doute dans des conditions un peu rapides et quelque peu brutales, que certains pourraient considérer comme un manquement à la philosophie de la loi organique sur les lois de finances.
M. Didier Boulaud. Eh oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Aujourd'hui, vous nous expliquez que, finalement, vous avez fait porter tout le redéploiement sur les OPEX : nous retombons dans nos vieilles habitudes, alors même que nous sommes dans la première année d'application de la LOLF !
Ce qui fait la force d'un pays, c'est naturellement l'opérabilité de ses systèmes d'armes, sa capacité à assurer sa sécurité militaire, à être présent dans des actions internationales pour des opérations de maintien de la paix. Mais c'est une grande fragilité pour un pays que de rester en retrait de la sincérité budgétaire et de s'abandonner à des niveaux de déficit tout à fait excessifs, qui génèrent des montagnes de dettes.
Donc, à titre personnel, je vivrais vraiment mal le fait que vous fassiez porter l'effort de 51 929 962 euros sur les OPEX. Il convient vraiment que le redéploiement soit opéré sur l'ensemble du programme, soit sur un budget d'un peu plus de 20 milliards d'euros, et porte sur les autres actions. En essayant de sanctuariser les OPEX à 250 millions d'euros, vous êtes sur le bon chemin de la sincérité.
Hier, nous discutions de la mission « Action extérieure de l'État » et Adrien Gouteyron disait combien il était malheureux de voir la France incapable d'inscrire dans sa loi de finances initiale le montant de ses contributions obligatoires aux organismes internationaux. Cette situation altère l'autorité de la France et c'est la raison pour laquelle, à mon avis, il convient de ne pas toucher aux OPEX.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangère, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n'a pu examiner, pour les mêmes raisons, cet amendement.
Je tiens à souligner que l'inscription des OPEX est une demande constante de notre commission, parce que nous connaissons les désagréments de l'exécution annuelle du budget.
Pour ma part, je voudrais rendre grâce à Mme la ministre d'avoir cherché, année après année, à apporter une réponse à cette question qui nous préoccupait, avec une dotation de 100 millions d'euros l'an dernier, une dotation intentionnelle de 250 millions d'euros cette année, peut-être de 175 millions d'euros dans un instant.
Je constate également que l'amendement est déposé au moment de la discussion budgétaire, que l'écart est constaté en séance publique : je veux en rendre hommage à Mme le ministre.
Donc, à titre personnel, je soutiendrai cet amendement parce qu'il est un élément de vérité en cet instant, compte tenu de la crise que nous venons de vivre dans les banlieues. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, pour explication de vote
M. Didier Boulaud. Les amendements du Gouvernement viennent, hélas ! confirmer ce que nous dénoncions dans nos interventions : un projet de budget hors sanctuaire, insuffisamment sincère et qui risque de devenir la variable d'ajustement d'un Gouvernement gérant, comme je l'ai dit ce matin, les finances de la France à la godille.
M. François Trucy, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ce n'est pas la première fois !
M. Didier Boulaud. Les banlieues, l'endettement de la France, la croissance molle, tous les arguments, hélas ! seront bons pour piocher dans vos poches, madame la ministre !
Nous l'avons reconnu, vous avez fait preuve de beaucoup de détermination dans la défense de votre budget, qui est celui qui garantit la sécurité de notre pays. Toutefois, ses adversaires sont nombreux, redoutables, et ils parviennent aujourd'hui, avec les amendements que vous avez défendus vous-même, comble du raffinement, à écorner sérieusement ce que vous aviez obtenu naguère de haute lutte : le financement des opérations extérieures.
Ce financement, prévu au moins en partie par le projet de budget pour 2006, était présenté comme un gage de bonne gestion future. Dois-je rappeler à nouveau ce que nos excellents rapporteurs spéciaux, MM. Fréville et Trucy, écrivent sur le financement des OPEX dans leur dernier rapport ?
Je les cite : « Vos rapporteurs spéciaux notent que la dotation initiale de 250 millions d'euros inscrite au projet de loi de finances 2006 ne devrait couvrir qu'un peu moins de la moitié des surcoûts des OPEX pour 2006. Ils se félicitent toutefois que la ministre de la défense ait pris l'engagement, le 25 octobre 2005, devant votre commission des finances, d'achever la budgétisation des surcoûts des OPEX en loi de finances initiale pour 2007. »
Mes chers collègues, si nous adoptons les amendements du Gouvernement, tout sera à refaire. Et je ne voudrais pas interpréter de façon outrancière le satisfecit délivré ce matin même par notre collègue André Dulait sur cette manoeuvre dont la ficelle nous paraît un peu grosse.
En effet, après avoir stigmatisé les banlieues, rétabli et maintenu un couvre-feu désormais inutile, et surtout dressé les frontières de notre pays à la limite desdites banlieues au travers de la médiocre loi sécuritaire présentée par M. Sarkozy visant scandaleusement à amalgamer, dans l'esprit de nos concitoyens, terrorisme et immigration, voilà le Gouvernement qui nous sort l'arme de la générosité, en transférant les dépenses des OPEX sur les quartiers !
Eh bien, nous ne voulons pas, nous ne pouvons pas vous aider à entamer la démolition du projet de budget pour 2006 et à trahir d'entrée de jeu l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances !
M. Henri de Raincourt. C'est le comble !
M. Didier Boulaud. Nous ne voterons pas cet amendement pour lequel nous demandons un scrutin public, monsieur le président.
M. François Trucy, rapporteur spécial. Qui veut noyer son chien... (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Une fois encore, nous nous trouvons dans le paradoxe de la LOLF, dans la confusion des genres et face à un choix que je me refuse à faire. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
Cet amendement vise à annuler des crédits qui avaient été affectés pour la contribution de la mission « Défense » au plan gouvernemental pour les banlieues et à les transférer sur une provision au titre des surcoûts liés aux OPEX.
Il est tout de même paradoxal de retirer des crédits prévus pour améliorer les conditions de vie de populations défavorisées, selon un plan élaboré en toute hâte par le Gouvernement, mais par ailleurs positif, et de les reporter pour absorber les coûts élevés de l'action de nos armées à l'étranger, qui ont été mal évalués.
Dans le contexte actuel, le symbole me paraît particulièrement malvenu. Quel message allons-nous envoyer à tous les jeunes des cités aux prises avec les difficultés que l'on sait ? N'aurions-nous rien retenu de ce qui s'est passé voilà quelques semaines ?
Ces jeunes souffrent aussi d'un manque d'identité, de repères, ils ont le sentiment de ne pas être des citoyens à part entière. Je ne pense pas qu'en adoptant de telles mesures nous renforcerons chez les jeunes le lien avec l'armée et la nation dont nous déplorons tous qu'il se soit distendu.
Je voterai donc contre cet amendement et je demande, moi aussi, un scrutin public ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-257 rectifié ter.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 49 :
Nombre de votants | 330 |
Nombre de suffrages exprimés | 286 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 144 |
Pour l'adoption | 161 |
Contre | 125 |
Le Sénat a adopté. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
J'ai été saisi d'une demande d'explication de vote sur les crédits de la mission « Défense » par Mme Hélène Luc.
Je lui donne donc la parole. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. C'est une explication de vote à laquelle j'ai droit, puisqu'on ne peut intervenir sans être inscrit !
Madame la ministre, je veux particulièrement insister sur les objectifs que vous fixez en matière d'armement.
Même à l'heure de la politique européenne de défense et de sécurité, les industries nationales d'armement jouent encore un rôle important pour assurer la souveraineté, l'autonomie de décision et l'indépendance de chaque pays. C'est pourquoi je ne pense pas que la voie du désengagement de l'État de nos industries nationales, dans la perspective de restructurations à l'échelon national et européen, soit la bonne.
En privilégiant la privatisation, l'ouverture du capital avec prise de participation de capitaux privés, plutôt que la conclusion d'accords de partenariat et de coopération entre les entreprises concernées, vous affaiblissez notre maîtrise de ces industries et notre contrôle sur elles.
La question qui nous est posée est celle du renforcement de nos propres outils industriels ; je pense évidemment à GIAT-Industries et à DCN, qui sont hautement performants et comptent parmi les meilleurs en Europe. Nous devons les placer dans les conditions les plus favorables possibles pour leur permettre non seulement d'affronter la concurrence, mais aussi de réaliser les alliances et les coopérations nécessaires avec leurs partenaires européens.
Cette concurrence risque d'ailleurs d'être exacerbée par le code de bonne conduite qui a été adopté le 21 novembre dernier par les ministres européens de la défense et par lequel ils acceptent d'ouvrir encore plus leur marché d'armement à la concurrence, sur la base de la transparence des appels d'offres.
Les alliances et les coopérations sont d'autant plus urgentes et nécessaires que la politique européenne de défense est encore trop tributaire de l'OTAN et que, par ce biais, les États-Unis sont en mesure de nous imposer certains de leurs standards techniques en matière d'armement ainsi que leurs stratégies.
Madame la ministre, comme vous le savez, nous ne remettons pas en cause la participation de l'armée française en Afghanistan pour assurer la sécurité - j'ai même eu l'occasion de saluer son action - mais nous ne voulons pas nous laisser entraîner à devenir une armée d'occupation dans ce pays. J'insiste sur ce point, car j'y tiens énormément, comme l'ensemble de mon groupe.
Vous empruntez non pas la voie des alliances et des coopérations, mais celle de la perte de la maîtrise de nos industries d'armement et du contrôle de l'État.
C'est du moins ce que l'on constate avec l'entrée de Thales dans le capital de DCN, entrée qui recèle des dangers puisque l'électrotechnicien de défense est prêt à accepter une participation réduite et à renoncer à la minorité de blocage, à condition de pouvoir intervenir dans la gestion opérationnelle. Il y a là un risque de pilotage progressif de cette entreprise publique par des intérêts privés.
J'en veux pour preuve l'incident qui a eu lieu le 30 novembre dernier, lors de la réunion du comité central d'entreprise de DCN au cours de laquelle les organisations syndicales ont révélé l'existence d'une déclaration commune d'intention entre DCN, l'État et Thales. Celle-ci laissait supposer que la participation de l'État avait vocation à devenir minoritaire, et que Thales pourrait devenir l'actionnaire industriel de référence.
Cette information est confirmée aujourd'hui par un journal du soir que vous avez dû lire, ...
M. Henri de Raincourt. On ne le lit pas ! (Sourires.)
Mme Hélène Luc. ... avant même que les salariés en soient informés : c'est inadmissible !
Je crains, madame la ministre, que ce ne soit cette nouvelle que vous annoncerez le 15 décembre au cours des comités centraux extraordinaires des deux entreprises, DCN et Thales. L'inquiétude et la colère - je puis vous l'assurer - sont très grandes chez les salariés, qui ont alerté les parlementaires. J'espère que vous apporterez aux organisations syndicales, lorsque vous les recevrez prochainement, les éclaircissements nécessaires que vous n'avez pu nous fournir aujourd'hui.
Les conséquences du désengagement de l'État peuvent également se mesurer à l'aune des différents plans de restructuration de GIAT. Il est encore temps, madame la ministre, de rectifier le tir en donnant à GIAT les moyens d'honorer les commandes en cours et d'accélérer les programmes de rénovation.
Madame la ministre, nous ne voterons donc pas les crédits que vous nous présentez.
Pour conclure, je souhaite m'adresser au président du Sénat et à Mme la ministre au sujet de la Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, au sein de laquelle je représente le Sénat. Nous commençons d'ailleurs à étudier le problème des bombes à sous-munitions.
J'apprécie que le ministère de la défense, en la présence d'un général, participe aux travaux de cette commission nationale.
Dernièrement, une question a été posée aux parlementaires - Mme Garriaud-Maylam était avec moi - au sujet du non-remplacement de l'ambassadeur, qui part à la retraite. Cet ambassadeur avait évidemment toute autorité pour soulever les problèmes dans les différents pays.
Je vous demande donc, monsieur le président, madame la ministre, d'intervenir auprès de Bercy pour que ce poste d'ambassadeur soit pérennisé, car il est d'une très grande utilité.
M. le président. J'ai pris note de votre demande, madame Luc, et le président de commission des finances du Sénat ne manquera pas de relayer votre observation.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Défense », ainsi modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 75 quater, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Défense ».
Article 75 quater
I. - La responsabilité pécuniaire des militaires est engagée :
1° Lorsqu'ils assurent la gestion de fonds, de matériels ou de denrées ;
2° Lorsque, en dehors de l'exécution du service, ils ont occasionné la destruction, la perte ou la mise hors service des effets d'habillement ou d'équipement qui leur ont été remis et des matériels qui leur ont été confiés.
II. - Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du I, notamment les compensations pécuniaires dont peuvent bénéficier les intéressés.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'Assemblée nationale a présenté et adopté un amendement tendant à insérer cet article additionnel qui vise à reconduire une disposition du statut général des militaires de 1972, laquelle a été tout simplement omise dans le statut de 2005.
Cet article 75 quater définit les conditions de responsabilité de certains militaires détenteurs de fonds publics, d'équipements, de matériels ou de denrées. Une telle mesure ne soulève aucune difficulté de principe puisqu'il s'agit uniquement de reprendre un dispositif qui existait auparavant et que l'on a oublié lorsque l'on a rédigé le statut.
Quoi qu'il en soit, cette disposition est essentielle pour permettre l'exécution normale de la dépense militaire.
M. Yves Fréville, rapporteur spécial. La commission est favorable à cet article !
M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Défense ».
politique des territoires
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Politique des territoires ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mission « Politiques des territoires », mission interministérielle en six programmes, retrace principalement trois grandes politiques publiques : celle de l'urbanisme, celle du tourisme, et le coeur de l'aménagement du territoire.
De la sorte, cette petite mission, qui, avec 701,8 millions d'euros demandés pour 2006, représente seulement 0,21 % des crédits de paiement du budget général de l'État, constitue néanmoins un enjeu majeur pour l'économie de notre pays et pour nos concitoyens.
C'est désormais en « mode » LOLF que les crédits de ces politiques nous sont présentés. Je n'y reviendrai pas dans le détail : la LOLF, à cet égard, a grandement amélioré la lisibilité budgétaire. La commission des finances du Sénat s'en est d'ailleurs félicitée.
En revanche, je formulerai deux remarques sur les fonds de concours et les dépenses fiscales associés à ces crédits.
Première remarque : pour 2006, au titre de la mission « Politique des territoires », des fonds de concours non négligeables sont attendus - 33,8 millions d'euros en crédits de paiement, soit l'équivalent de près de 5 % des crédits de la mission.
Or, si la commission se félicite de l'inscription de ces fonds de concours dans les « bleus » budgétaires, elle souhaite, pour l'avenir, que soit également précisée l'origine de ces fonds. La visibilité de la mission s'en trouverait encore renforcée. Actuellement, cette information n'est disponible qu'au travers des questionnaires budgétaires.
Seconde remarque : en 2006, plus de 2,6 milliards d'euros de dépenses fiscales contribueront aux finalités de la mission « Politique des territoires », soit l'équivalent de presque quatre fois les crédits de paiement demandés au titre de la mission elle-même. Cette situation n'est pas sans poser un problème pour l'équilibre de la mission.
Quant à son organisation même, trois des six programmes qui la composent appellent de ma part des observations.
Tout d'abord, le programme « Stratégie en matière d'équipement », compte tenu de la complexité de son périmètre, pourrait être fondu avec profit, en 2007, dans le programme « Conduite et pilotage des politiques d'équipement » de la mission « Transports ».
Ensuite, le programme « Information géographique et cartographique » a fait l'objet d'un transfert de crédits décidé par l'Assemblée nationale, en vue d'éviter une position ambiguë au directeur général de l'Institut géographique national, l'IGN, qui, à l'origine, était responsable de ce programme en même temps que de son unique opérateur. La commission des finances a approuvé cette initiative, qui permettra au ministère chargé de l'équipement de retrouver la pleine maîtrise du programme.
Enfin, le programme « Interventions territoriales de l'État » présente une cohérence incertaine. Sans doute comporte-t-il des spécificités, puisque chacune de ses actions a été proposée par les préfets de région.
Toutefois, le rattachement de l'accueil des demandeurs d'asile en Rhône-Alpes à ce programme, pour 2006, est apparu discutable à la commission. Pourquoi inscrire cet accueil dans la mission « Politique des territoires », alors qu'il existe au sein de la mission « Solidarité et intégration » un programme qui paraît s'y prêter spécifiquement : le programme « Accueil des étrangers et intégration » ?
Au demeurant, la commission des finances s'est interrogée sur les critères qui avaient présidé à l'inscription dans ce programme de ses différentes actions. À l'avenir, ce point mériterait d'être clarifié.
Les instruments des grandes politiques que la mission « Politique des territoires » retrace, n'ont, quant à eux, pas changé, ou très peu. Ils sont nombreux et complexes. Je ne les détaillerai donc pas, vous renvoyant sur ce sujet à mon rapport écrit.
Toutefois, un dispositif nouveau mérite d'être mentionné : il s'agit des cinquante-cinq pôles de compétitivité, validés par le Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité du territoire du 14 octobre dernier. À cet égard, la commission des finances salue l'impulsion qui a été donnée en la matière.
Cependant, malgré les paroles rassurantes de M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire lors de son audition par la commission le 22 novembre dernier, je tiens à exprimer mon inquiétude sur l'effet de décalage aggravé, qui risque d'être introduit par ce nouveau dispositif, entre les territoires labellisés et ceux, économiquement fragiles, qui ne pourront pas l'être, en particulier en milieu rural.
La commission des finances attend beaucoup des pôles d'excellence ruraux qui ont été annoncés et qui suscitent d'ailleurs des espoirs. Le Gouvernement pourrait-il nous préciser leur contenu ?
La LOLF a introduit l'exigence de performance. Or aucun programme de la mission « Politique des territoires », à l'exception du programme « Information géographique et cartographique », ne donne entièrement satisfaction. En effet, les mesures de la performance associées à ces programmes s'avèrent pour le moins perfectibles. C'est en particulier le cas des objectifs et des indicateurs du programme « Interventions territoriales de l'État », qui peuvent être qualifiés de médiocres.
Bien souvent, tous programmes confondus, les objectifs aménagés relèvent davantage de la description du programme que d'une véritable stratégie de performance. Notre commission souhaite vivement que cette stratégie soit améliorée et affinée pour les prochains projets de loi de finances.
Sous réserve des observations que je viens de formuler, la commission des finances a décidé de vous recommander, mes chers collègues, l'adoption des crédits de la mission « Politique des territoires ».
Avant de clore mon propos, je souhaite l'assortir de quelques considérations personnelles de portée générale.
Par ses différents engagements en matière de grands projets d'urbanisme, de couverture du territoire en téléphonie mobile, d'aide aux territoires subissant des reconversions industrielles, par sa volonté de mettre un terme à la rupture entre la France urbaine et la France rurale, le Gouvernement prouve sa volonté de s'engager dans une politique d'aménagement du territoire ambitieuse, qui garantira à la fois l'attractivité et la solidarité des territoires.
Je salue ce nouvel élan, ce nouvel engagement, mais il est de mon devoir, en ma qualité de rapporteur spécial, d'appeler votre attention, messieurs les ministres, mes chers collègues, sur ce qui peut se cacher derrière les chiffres et les mots : je veux parler des hommes et des femmes !
D'un côté, il y a la France riche, opulente, parfois insolente, à l'image de ce maire d'une grande ville qui a déclaré voilà quelques mois : « De l'argent, nous en avons à gogo ! Ni surendettement ni augmentation d'impôts ne sont à prévoir pour les trois ans à venir. Grâce à une gestion saine, nous avons les moyens de nos ambitions ». Tant mieux s'il peut réaliser des investissements, créer des emplois, implanter des entreprises !
M. le président. De qui s'agit-il ?
M. Roger Besse, rapporteur spécial. Je ne le connais pas.
Mais, de l'autre, il y a la France sans autoroute, sans TGV, sans aéroport, sans pôle de compétitivité, sans pôle d'excellence ; la France besogneuse, celle des maires de petites communes, qui, parfois laminés par l'intercommunalité et privés de perspective, attendent, « espoir suprême et suprême pensée », quelques euros de la DGF ou de la réserve parlementaire d'un quelconque sénateur afin d'agrandir leur cimetière ou de couper un virage sur une route communale qui accumule les accidents depuis plus de dix ans.
Je vous prie, messieurs les ministres, de bien vouloir prendre en compte les attentes de cette France privée de perspective, qui, à l'instar des jeunes des banlieues, se sent exclue et marginalisée. Certes, cette France meurtrie est trop âgée et trop clairsemée pour se soulever. En revanche, elle attend que le nouveau ministre délégué à l'aménagement du territoire aille à sa rencontre pour lui tendre la main, tienne compte de son existence et se risque peut-être à faire des promesses dans l'espoir qu'elles puissent enfin être tenues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'interviendrai sur l'ensemble de la mission « Politique des territoires », mes deux collègues rapporteurs pour avis, Christian Gaudin et Dominique Mortemousque, ayant choisi, quant à eux, de traiter plus spécifiquement de deux politiques financées par le programme « Aménagement du territoire ». En fait, j'axerai surtout mon propos sur les problèmes que pose la mise en oeuvre de la LOLF, même si, je m'en rends bien compte, mon intervention recoupera quelque peu les conclusions de l'excellent rapport de Roger Besse.
La première difficulté concerne la définition d'une architecture cohérente et d'un périmètre clair de la mission. Toutefois, j'ai l'impression que des améliorations sont possibles.
Tout d'abord, si les programmes « Aménagement, urbanisme et ingénierie publique », « Tourisme », « Information géographique et cartographique » ou « Aménagement du territoire » sont bien identifiés, il n'en est pas de même pour les programmes « Stratégie en matière d'équipement » et « Interventions territoriales de l'État ».
Le programme « Stratégie en matière d'équipement », sera probablement fusionné en 2007 avec le programme « Conduite et pilotage des politiques d'équipement » de la mission « Transports ». Quant au programme « Interventions territoriales de l'État », je ne comprends pas pourquoi il n'a pas été intégré à l'action n° 03 du programme « Aménagement du territoire », puisqu'il s'agit en fait de deux programmes d'aménagement du territoire pilotés de manière interministérielle, même si le pilotage s'effectue sur le terrain.
Ensuite, le périmètre de la mission laisse de côté une grande masse de crédits, qui, bien que lui bénéficiant, restent inscrits dans les programmes d'autres missions. Tel est le cas, en particulier, d'une grande partie des dépenses de personnel et de fonctionnement du ministère de l'équipement, qui ont été regroupées dans la mission « Transports ».
À titre d'exemple, le programme « Aménagement, urbanisme et ingénierie publique », qui est doté de 92 millions d'euros en crédits de paiement, bénéficiera par ailleurs de 1,1 milliard d'euros inscrits dans le programme « Conduite et pilotage des politiques d'équipement » de la mission « Transports ». On comprend qu'il ne soit pas possible de « couper en petits morceaux » les directions départementales ou les directions régionales de l'équipement, mais cette répartition rend incohérente la lisibilité du programme et ne permet pas aux parlementaires d'effectuer un travail efficace.
La deuxième difficulté a trait à l'harmonisation et à la présentation des différents programmes de la mission.
Il n'est en effet pas possible d'appréhender dans le « bleu » budgétaire la répartition des crédits au sein des différentes actions, le contenu de celles-ci y étant décrit de manière vague et « littéraire ». Il serait nécessaire d'adopter une même présentation des projets annuels de performance pour l'ensemble de la mission. Ainsi, une avancée pourrait consister à faire figurer systématiquement dans la partie « éléments transversaux au programme » une rubrique consacrée aux contrats de plan État-régions.
La commission des affaires économiques s'est interrogée sur l'état de la consommation des fonds de concours avancés à l'État par les collectivités territoriales au titre des contrats de plan 2000-2006, et elle a souhaité qu'une telle information figure à l'avenir dans le « bleu » budgétaire, éventuellement sous la forme d'un nouvel indicateur. À mon avis, cet indicateur serait un élément de réussite des contrats de plan.
Enfin, la commission des affaires économiques plaide pour une amélioration des indicateurs de performance proposés pour la mission « Politique des territoires ». Trop d'indicateurs ne sont pas encore construits. En conséquence, ils ne comportent pas de résultats chiffrés pour 2004 ni de valeurs cibles à atteindre pour 2005 et 2006. Par ailleurs, leur pertinence laisse parfois à désirer.
Ainsi, l'indicateur retenu dans le programme « Stratégie en matière d'équipement » en vue d'évaluer l'efficacité du réseau scientifique et technique, le RST, tend à mesurer « la fiabilité des prévisions de trafics établies par ce réseau sur les tronçons autoroutiers mis en service depuis cinq ans », ce qui est pour le moins réducteur.
De même, l'indicateur retenu pour l'objectif « Contribuer à une meilleure organisation de l'occupation de l'espace » - bel objectif ! - est la proportion, que l'on veut croissante, de logements autorisés dans les communes périurbaines. Cela signifie grosso modo qu'un nouveau dogme est en train d'apparaître, celui de l'étalement urbain, les centres-villes ne faisant bien évidemment plus partie de l'organisation utile du territoire.
Je m'exprime avec le sourire, mais le moins que l'on puisse dire est que les indicateurs sont à revoir. Toutefois, j'ai conscience que 2006 est une année de transition pour la LOLF. Tout cela s'améliorera donc au fil des exercices budgétaires.
Sous réserve de ces observations, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Politique des territoires ».
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, rapporteur pour avis.
M. Jean Boyer, en remplacement de M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'interviens au nom de mon collègue Christian Gaudin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, qui ne peut être présent aujourd'hui. Il se trouve actuellement sur des terres à la fois lointaines et glaciales. (Sourires.)
Cette intervention porte sur les pôles de compétitivité, qui, depuis plus d'un an, font la « une » des comités interministériels pour l'aménagement et le développement du territoire - les CIADT - et, désormais, des comités interministériels d'aménagement et de compétitivité des territoires - les CIACT -, traduisant l'intégration dans la politique de l'aménagement du territoire d'une dimension de politique industrielle axée sur l'innovation et la recherche de valeur ajoutée.
La commission des affaires économiques se félicite de cette nouvelle orientation et des modalités retenues pour la mise en place des pôles. L'incitation publique à la mise en réseau - sur un territoire donné - d'entreprises, de centres de formation et de laboratoires de recherche existe depuis plus ou moins longtemps dans d'autres pays, et elle faisait incontestablement défaut en France. La création des technopôles avait bien constitué une tentative pour rapprocher physiquement des acteurs impliqués dans un même secteur d'activité, mais une simple concentration géographique ne suffit pas à générer des projets communs : il manquait une obligation de coopération.
L'appel à projets lancé en novembre 2004 a rencontré, on le sait, un très grand succès. S'il n'a pas été possible de retenir les cent cinq dossiers présentés, le nombre inespéré de candidatures a indéniablement démontré le dynamisme et la créativité de nos territoires et a initié des synergies qui, nous le souhaitons, perdureront avec d'autres mesures publiques de soutien pour les candidats écartés.
Les soixante-six projets labellisés, dans des domaines aussi divers que l'aéronautique, les nanotechnologies, les ressources halieutiques, la sécurité informatique, la vente par correspondance, l'agroalimentaire - il est impossible de tous les citer -, semblent, quant à eux, bien avancer. Avec une petite réserve, cependant, pour onze dossiers qui doivent encore être approfondis ; nous aimerions, messieurs les ministres, obtenir des précisions sur la date de leur réexamen.
Les structures de gouvernance des pôles, pour la plupart des associations de la loi de 1901, se mettent en place. À cet égard, il nous semble satisfaisant que le pilotage local des pôles de compétitivité revienne aux concepteurs des projets - acteurs économiques ou scientifiques -, et non aux représentants de collectivités publiques, car cela traduit la priorité donnée à l'initiative économique.
Quant aux contrats-cadres entre les pôles, l'État et les collectivités territoriales, ils devraient être signés avant la fin de l'année 2005.
En qui concerne l'accompagnement financier, nous avons noté que 1,5 milliard d'euros sur trois ans seraient consacrés à cette politique, répartis entre 300 millions d'euros d'exonérations fiscales et d'allègements de charges sociales, 400 millions d'euros de soutiens budgétaires et 800 millions d'euros alloués par l'intermédiaire des agences pour la recherche et l'innovation.
Le dispositif d'exonérations fiscales et d'allègements de charges sociales, qui bénéficiera aux entreprises des pôles situées dans des « zones recherche et développement », s'appliquera au 1er janvier 2006, grâce à trois décrets qui sont sur le point d'être publiés.
S'agissant des crédits budgétaires de soutien, quelque 132 millions d'euros sont prévus en faveur des pôles de compétitivité pour 2006, dont 28 millions sur le programme « Aménagement du territoire » de la mission « Politique des territoires » au titre de la prime d'aménagement du territoire, la PAT, et du fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT. Mes chers collègues, je sais que ces termes ne vous sont pas étrangers. (Sourires.)
En revanche, aucun montant n'a a priori été fixé pour les financements que les agences consacreront en 2006 aux pôles de compétitivité afin de préserver leur autonomie de gestion.
Concernant le volet financier, l'une de nos interrogations porte sur les conséquences de la distinction entre les quinze pôles mondiaux ou à vocation mondiale et les pôles à simple vocation nationale sur le plan de la répartition des financements.
Un autre sujet de préoccupation est la question de l'affectation prioritaire de quelque 3 000 postes de chercheurs en 2006 vers les six pôles de compétitivité mondiaux, qui a été annoncée par le Premier ministre dans son discours au CIADT du 12 juillet. Qu'en sera-t-il vraiment ? Est-il possible d'obtenir des garanties sur la concrétisation de cette mesure ?
Enfin, pour conclure, il convient d'évoquer les futurs pôles d'excellence ruraux, qui sont, pour les zones rurales, l'indispensable pendant des pôles de compétitivité. M. Roger Besse a tout a l'heure dressé un constat à la fois émouvant et malheureusement vrai, monsieur le ministre. Force est, en effet, d'admettre que les pôles bénéficieront surtout aux zones urbaines.
Encore faut-il, cependant, que de véritables moyens soient dégagés pour ce nouveau dispositif, à la hauteur des ambitions affichées. S'agit-il de crédits supplémentaires ou d'un simple fléchage de crédits existants ? Par ailleurs, sur quel périmètre pourront s'appuyer les projets choisis ? Enfin, notre commission souhaite que les pôles d'excellence ruraux puissent favoriser, le cas échéant, le développement d'activités industrielles en milieu rural.
Comme l'a dit M. Jean-Paul Alduy tout à l'heure, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, rapporteur pour avis.
M. Dominique Mortemousque, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, votre rapporteur pour avis souhaite mettre l'accent, dans cette intervention, sur l'aménagement numérique du territoire, qui est l'une des politiques soutenues dans le cadre du programme « Aménagement du territoire » de la mission « Politique des territoires ».
Dans la sphère économique, comme pour les particuliers, les technologies de l'information et de la communication, les TIC, sont désormais incontournables. Déterminants essentiels de l'attractivité d'un territoire, elles conditionnent aujourd'hui les décisions d'installation voire de maintien des entreprises. Elles sont aussi, de plus en plus, un facteur de cohésion sociale, en permettant à chacun d'être relié au reste du monde et d'accéder à des services devenus indispensables dans la vie quotidienne.
Des progrès importants ont été réalisés ces dernières années dans la diffusion des TIC à l'échelle de notre territoire. Concernant les réseaux de téléphonie mobile, on estime ainsi à 98 % la part de la population couverte et à près de 90 % la surface couverte du territoire. En outre, plus de 90 % de la population ont aujourd'hui la possibilité de se connecter au haut débit, contre 62 % fin 2002, notre pays comptant plus de 8 millions d'abonnés.
Ces progrès sont en partie le résultat, cela mérite d'être rappelé, de l'action volontariste menée depuis trois ans par les gouvernements successifs de l'actuelle majorité. Dès la réunion du 13 décembre 2002 du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, constatant le retard pris antérieurement, le Gouvernement a décidé une accélération des mesures en faveur de l'aménagement numérique du territoire.
Pour la téléphonie mobile, il a lancé dès 2003 un plan de résorption des zones blanches, cofinancé par l'État, les collectivités territoriales et les opérateurs, en vue de couvrir quelque 3 000 communes. En 2006, la DATAR devrait attribuer à ce plan 1,5 million d'euros au titre du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT, en complément des 28,5 millions d'euros qu'elle lui a déjà consacrés antérieurement.
S'agissant du haut débit, le Gouvernement a d'abord souhaité favoriser l'implication des collectivités territoriales dans la construction de réseaux actifs et passifs de télécommunications, grâce à la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. L'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales connaît un réel succès puisque, en septembre 2005, on recensait 62 réseaux locaux d'initiative publique effectivement lancés ou en voie de l'être sur un total de près de 140 projets.
Au-delà de cette initiative législative, le Gouvernement a appuyé les projets des collectivités territoriales à travers le Fonds de soutien au développement du haut débit, instauré en 2004 et doté de 100 millions d'euros issus du Fonds européen de développement régional, le FEDER, pour la période 2004-2007.
En outre, il a permis le financement par la DATAR de plusieurs appels à projets, notamment pour encourager le développement des technologies alternatives et pour développer les usages du haut débit.
Enfin, l'État conduit, en partenariat avec des associations et des collectivités locales, une politique tendant à ouvrir des points d'accès publics à Internet sur l'ensemble du territoire.
Des progrès doivent néanmoins encore être accomplis. Selon les chiffres communiqués par la DATAR, seules 250 communes sur les 3 000 visées auraient à ce jour bénéficié du plan de résorption des zones blanches en téléphonie mobile, un résultat encore modeste par rapport aux objectifs affichés.
Par ailleurs, près de 10 % de la population et 30 % du territoire bâti ne sont pas encore couverts par le haut débit. Cette exclusion concernerait quelque 10 000 communes ou parties de communes, essentiellement rurales et peu densément peuplées.
Une mise à niveau apparaît d'autant plus urgente que de nouvelles fractures territoriales surgissent, à mesure du progrès technologique ; je pense, par exemple, au téléphone mobile de troisième génération, l'UMTS, à l'utilisation de la fibre optique pour raccorder au très haut débit des zones d'activités, voire des quartiers résidentiels.
La possibilité de choisir entre plusieurs opérateurs, qui dépend du « dégroupage » de la boucle locale cuivre, engendre aussi des inégalités territoriales puisque, comme l'a indiqué notre collègue Claude Belot, dans un rapport de la DATAR, le prix et la qualité technique des offres proposées sont plus intéressants dans les zones concurrentielles.
Les territoires qui demeurent à l'écart de la révolution numérique, pour l'essentiel des espaces ruraux enclavés n'offrant aucune rentabilité aux opérateurs, subissent ainsi un handicap supplémentaire accentuant leur déclin. Cette situation est devenue insupportable pour leurs populations, qui saisissent de plus en plus les élus.
L'évocation de ces difficultés me conduit à poser deux questions.
D'une part, quel bilan peut être tiré des expérimentations de technologies alternatives menées avec l'appui de la DATAR ? Quel vous paraît être, en particulier, le potentiel du Wimax pour raccorder au haut débit les petites communes rurales éloignées des répartiteurs de France Télécom ?
D'autre part, que compte faire le Gouvernement pour les communes non concernées par le plan « zones blanches », dans lesquelles il n'est toujours pas possible d'utiliser son téléphone portable ? En matière de téléphonie mobile, l'objectif ne doit-il pas désormais viser à couvrir 100 % de la population et du territoire ? C'est en tout cas l'opinion de votre rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 29 minutes ;
Groupe socialiste, 22 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 5 minutes.
Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
En application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre délégué au tourisme, nous nous retrouvons quelques mois après une décision que je salue, celle d'avoir codifié les règles de votre secteur dans le code du tourisme, par une loi dont j'ai été, dans cette assemblée, le rapporteur.
Je ferai part d'une autre bonne nouvelle : il semble qu'à l'Assemblée nationale le débat sur les stations classées avance. Il est évident qu'au Sénat je continuerai le travail sur ce point qui le mérite vraiment.
S'agissant du budget qui nous occupe aujourd'hui, j'ai en revanche quelques raisons d'être plus critique.
Pour cette année, la LOLF ne nous facilite pas les comparaisons. Mais, dans l'avenir, cette Constitution financière qui amorce la réforme de l'État nous permettra, je l'espère, de mieux suivre les budgets et leur application.
Le choix a été fait de rattacher le tourisme à l'une des huit missions interministérielles que comporte, dans sa nouvelle présentation, le budget de l'État : la mission « Politique des territoires ». Ce choix peut, sans doute, se justifier.
En effet, l'aménagement du territoire est l'un des objectifs de la politique du tourisme et l'attractivité touristique influence de toute façon les choix d'installation et d'investissements des acteurs, aussi bien privés que publics. Mais ce choix d'affectation aurait mérité d'être discuté.
L'aménagement du territoire n'est qu'un des volets de la politique touristique. Le tourisme est d'abord un enjeu économique de tout premier plan ; je ne vous rappellerai pas les chiffres dans le temps qui m'est imparti, vous les connaissez. C'est également un enjeu social considérable.
Parmi les indicateurs qui structurent le programme « Tourisme », aucun n'évoque l'aménagement du territoire ! Bref, au moins en matière de tourisme, le titre « Politique des territoires » ne dégage pas une vision claire de la politique d'aménagement du territoire, comme l'a très bien souligné ma collègue Marie-Françoise Pérol-Dumont, lors du débat à l'Assemblée nationale.
C'est pourquoi je vous invite à réfléchir au rattachement du programme « Tourisme » à une mission plus en rapport avec les finalités de l'industrie touristique, qui sont fortement économiques. Cela est d'autant plus important que ce secteur est aujourd'hui en recul, notamment dans deux domaines économiques et sociaux non négligeables.
En premier lieu, je tiens à rappeler que le tourisme est une activité économique déterminante pour notre pays. La France est, depuis plusieurs années, le premier pays d'accueil dans le monde. Ce constat fait notre fierté, mais la réalité économique est plus contrastée. En effet, le nombre de nuitées et le chiffre d'affaires induit ne nous placent qu'au troisième rang. Les recettes du tourisme augmentent considérablement dans l'Union européenne quand celles de la France ne progressent pas au même rythme.
La fréquentation étrangère reste pour partie stable, mais le nombre des touristes européens est en diminution. La part du tourisme dans le PIB est en baisse, selon l'INSEE : entre 2000 et 2004, il est passé de 6,8 % à 6,4 %. Il faut donc agir, et agir vite, notamment sur la qualité et la durée des séjours.
Je regrette, dès lors, que l'action « Promotion de la France et de ses savoir-faire » voie son budget diminuer de un million d'euros cette année, alors que nos principaux concurrents consacrent beaucoup de moyens à la promotion de l'image de leur pays.
De plus, vous le savez bien, monsieur le ministre délégué, les événements récents dans nos banlieues ont entraîné un certain nombre de gouvernements et de médias étrangers à conseiller à leurs ressortissants ne pas voyager en France. Je sais que vous vous préoccupez de cette question et que vous allez lancer une nouvelle campagne pour promouvoir l'image de notre pays.
Je me réjouis également de l'ouverture de deux nouveaux bureaux de Maison de la France. C'est principalement le rôle de la puissance publique que de défricher de nouveaux marchés. Sur les marchés matures, le relais doit davantage être pris par les opérateurs qui en tirent bénéfice.
Je regrette qu'une demande, faite il y a longtemps par notre collègue Jean Arthuis, n'ait pas été prise en compte. Il avait indiqué une possible amélioration du premier indicateur de l'objectif l, en prenant en compte l'effet de levier induit par la subvention de l'État au GIE Maison de la France sur les financements apportés par le partenariat, qu'il soit de nature privée ou qu'il soit apporté par les collectivités territoriales.
En second lieu, je souhaite évoquer le problème de l'accès aux vacances, élément essentiel dans le contexte actuel où plus d'un tiers de nos concitoyens ne partent pas en vacances. Le taux de départ des Français régresse depuis le milieu des années 1990. Il avoisine aujourd'hui les 65 %, selon le rapport de notre collègue Roger Besse. Cette situation devrait vous faire réagir.
Sur ce point, nous avons toutes les raisons d'être inquiets.
Ainsi, à l'heure actuelle, la ligne pour la consolidation de l'hébergement social n'est pas dotée. Cela n'est pas acceptable. Vous le savez, monsieur le ministre, sans la participation de l'État, qui crée un effet de levier, les opérateurs risquent de reporter le coût des travaux de mise aux normes sur le prix de séjour, ce qui exclura davantage les familles les plus modestes.
Le deuxième outil important pour la politique d'accès aux vacances est la bourse solidarité vacances, créée par notre collègue Michelle Demessine et que vous avez consolidée. J'attacherai du prix à ce que cette bourse contribue davantage à l'égal accès aux vacances et aux loisirs des jeunes, compte tenu des évènements récents
Enfin, toujours sur la question de l'hébergement social, j'insisterai sur les chèques vacances. Ils sont pour l'instant très mal diffusés dans les PME. Il est important d'en ouvrir plus largement le bénéfice aux salariés des entreprises de moins de 50 salariés. Si l'émission des chèques doit toujours rester publique, et nous y veillerons, la distribution peut se faire par le biais de structures ayant une véritable expérience en la matière.
Je souhaite également attirer votre attention sur la situation de l'Agence nationale pour les chèques-vacances, l'ANCV. Monsieur le ministre délégué, ne serait-il pas possible de rattacher l'ANCV, pour mémoire, à ce programme « Tourisme » ? En effet, si cet organisme ne reçoit pas de fonds publics et n'a pas vocation à se substituer à l'État, il concourt, conformément à ses statuts, et notamment à travers ses excédents, à la politique du tourisme social.
Je souhaite conclure sur une considération un peu plus générale, parce que le tourisme recoupe, au fond, un grand nombre de domaines.
Les métiers du tourisme contribuent particulièrement à l'intégration sociale par l'emploi. Il nous faut donc valoriser ces métiers et développer les formations y préparant, à la fois des formations courtes, qui pourraient donner une perspective positive aux jeunes qui n'ont pas eu la chance de poursuivre leurs études dans l'enseignement supérieur, et une filière universitaire d'excellence.
J'ajoute, et vous le savez, que le tourisme favorise le brassage des cultures. C'est donc le secteur rêvé pour encourager la diversité à l'embauche.
J'espère, monsieur le ministre délégué, que vous contribuerez efficacement à la valorisation des métiers du tourisme auprès de tous les publics et, notamment, auprès de tous les jeunes qui subissent la spirale des discriminations et du chômage. Le secteur du tourisme dispose d'une palette d'emplois très large, qui peut favoriser l'égalisation des chances.
Bien sûr, certaines décisions sont positives, monsieur le ministre délégué, et je me félicite - vous en connaissez la raison - du fait que les délégations régionales au tourisme soient confortées dans leur existence même. Mais j'éprouve aussi quelques déceptions.
En effet, le budget du tourisme est en stagnation. Il ne marque pas une ambition, alors que ce secteur est essentiel pour la croissance et l'emploi dans notre pays. Activité de service en plein essor et en pleine diversification, non délocalisable, le tourisme constitue un secteur d'avenir. À mon sens, c'est donc une erreur de ne pas le soutenir davantage.
Par ailleurs, le Gouvernement refuse de participer à la consolidation des hébergements sociaux ; c'est une seconde erreur majeure. Le tourisme ne peut pas être qu'une source de revenus. L'égal accès aux vacances et aux loisirs doit être élargi à un nombre de plus en plus grand de nos concitoyens les plus défavorisés. Notre pacte républicain exige qu'il soit mis fin à cette inégalité supplémentaire.
Monsieur le ministre délégué au tourisme, je connais votre implication personnelle et je ne désespère pas de votre ténacité à obtenir des moyens supplémentaires en faveur du tourisme social. Comme nos collègues de l'Assemblée nationale, nous serons à vos côtés dans ce combat.
M. le président. La parole est à M. Bernard Saugey.
M. Bernard Saugey. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne commenterai pas en détail la mission « Politique des territoires » que nous examinons dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, car mes collègues rapporteurs viennent de se livrer à cet exercice en donnant toutes les précisions et explications requises par la première année d'application de la LOLF.
Pour ma part, je me contenterai de rappeler que cette mission regroupe les actions de l'ancien budget de l'aménagement du territoire et de celui du tourisme, en y intégrant un volet « urbanisme et infrastructures », ce qui permet de mieux appréhender la globalité de notre stratégie en la matière.
Les crédits paraissent être à la hauteur des enjeux puisque, globalement, en 2006, l'effort financier en faveur de l'aménagement du territoire sera de 9 milliards d'euros au titre des autorisations d'engagement et de 8,5 milliards au titre des crédits de paiement. Bien sûr, ce n'est jamais suffisant, mais ce n'est déjà pas mal !
Au-delà des changements opérés par l'application de la LOLF, cette présentation correspond également à l'approche volontariste et prospective que le Gouvernement a choisie en lançant, à l'automne dernier, les comités interministériels d'aménagement et de compétitivité des territoires et en transformant la DATAR en DATC, la délégation à l'aménagement du territoire et à la compétitivité.
En effet, notre politique d'aménagement du territoire est résolument engagée sur la voie de la promotion, de l'attractivité et de la compétitivité, au service de l'emploi et de la solidarité entre les territoires.
Dans cette perspective, je ne puis qu'évoquer mon intérêt pour le pôle de compétitivité de Grenoble puisque, dans l'Isère, nous avons eu la chance d'être retenus pour promouvoir les nouvelles technologies ; notre ambition est de faire de la vallée du Grésivaudan la Silicon Valley de l'Europe.
MM. André Dulait et Henri de Raincourt. Eh bien !
M. Bernard Saugey. Rien de moins, mes chers collègues ! (Sourires.)
Enfin, je soulignerai que l'année 2006 est une année charnière pour notre politique d'aménagement et de développement du territoire. Cette remarque orientera mes questions, messieurs les ministres.
D'abord, à côté des pôles de compétitivité, vont être prochainement mis en place des pôles d'excellence ruraux. Pouvez-vous nous donner quelques informations à ce sujet, l'appel à projet devant débuter au mois de janvier prochain.
Ensuite, la quatrième génération des contrats de plan État-régions arrive à échéance. Au cours de l'année 2006, nous devrons préparer la génération suivante de ces contrats et les améliorer. Comment le Gouvernement prépare-t-il cette échéance ? Envisage-t-il un dérapage ou un rattrapage du contrat de plan actuel ?
Par ailleurs, au niveau européen, la politique de cohésion économique et sociale connaîtra, elle aussi, une nouvelle génération pour la période 2007-2013. Les nouveaux documents, dont le cadre de référence stratégique national, sont en cours de préparation. Pouvez-nous nous donner des détails ?
Enfin, la réforme des documents d'urbanisme, et plus particulièrement des permis de construire, sera mise en place l'année prochaine. Elle aura un impact important pour nos concitoyens et pour les élus représentant les collectivités territoriales. J'espère que l'on gagnera en simplicité, et que cela ne restera pas un voeu pieux.
M. Aymeri de Montesquiou. Vous avez raison !
M. Bernard Saugey. Pour terminer, j'évoquerai le volet « tourisme » de cette mission.
Monsieur le ministre délégué au tourisme, je me félicite du maintien des moyens budgétaires qui vous sont alloués dans un contexte général contraint. Ils vous permettront, je l'espère, de continuer à mettre en oeuvre les décisions retenues par les comités interministériels du tourisme qui se sont tenus en 2003 et 2004, notamment le plan qualité et la stratégie marketing de Maison de la France.
À la suite des événements qui sont intervenus dans les banlieues, et qui ont quelque peu atteint l'image de notre pays à l'étranger, vous avez présenté, ce matin même, la campagne visant à relancer pour la fin de l'année la France comme destination touristique.
Il convient, en effet, d'être offensif dans un environnement concurrentiel accru, et donc de dégager des moyens financiers nécessaires pour les campagnes de promotion, car le tourisme représente pour notre pays quelque 200 000 entreprises et 2 millions d'emplois directs et indirects. C'est dire toute l'importance qu'il revêt dans la bataille pour l'emploi qui a été engagée par le Gouvernement.
En attendant vos réponses, messieurs les ministres, j'indique que notre groupe adoptera les crédits de la mission « Politique des territoires ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. « Questions de territoires : partout en France, les mêmes chances » ; c'est en ces termes, monsieur le ministre délégué, que votre prédécesseur lançait, en février dernier, six chantiers relatifs aux questions de territoire. Nous partageons tous cette ambition.
Issu du département le plus rural de France, avec un taux de croissance de la population que votre administration a évalué entre moins 7 % et moins 20 % entre le recensement partiel de 1999 et la projection de 2030, je suis particulièrement sensible au combat en faveur de l'aménagement du territoire. Toutefois, je défends aussi bien la Conférence nationale des services publics en milieu rural que la loi relative au développement des territoires ruraux, qui a permis, entre autres, une extension des zones de revitalisation rurale, ou la loi relative à la régulation des activités postales, qui a rendu obligatoire l'amélioration du maillage territorial.
Budgétairement, comment se traduit cette politique des territoires ?
La LOLF a permis une meilleure lisibilité des actions de l'État en faveur des territoires par le biais de la transversalité de cette mission. Avec 0,21 % des crédits de paiement du budget général de l'État, votre politique ne saurait toutefois constituer qu'un levier, monsieur le ministre. Eu égard à l'immensité de l'enjeu en matière non seulement d'harmonisation territoriale, mais également de répartition de la population, cette mission a heureusement la possibilité de disposer de plus de 2,625 milliards d'euros au titre des dépenses fiscales, soit l'équivalent de 3,75 fois les crédits de paiement de la mission !
Deux programmes ont attiré mon attention.
Tout d'abord, le programme 112 « Aménagement du territoire, qui est au coeur de cette politique.
Il est utile que les missions de la DATAR évoluent et intègrent des notions nouvelles de compétitivité des territoires. Cependant, tout comme je m'étais élevé contre le changement de nom de l'INAO, au regard de sa notoriété en France comme à l'étranger, il ne me semble pas utile de remplacer le nom de DATAR par celui de DIACT.
De manière précise, l'action n° 02 « Développement territorial et solidarité » mérite toute notre attention : elle doit être renforcée, et il est nécessaire de poursuivre les investissements publics stratégiques relatifs au haut débit et à la téléphonie mobile dans les territoires les plus reculés.
Ensuite, pour ce qui concerne les interventions territoriales de l'État, si la décentralisation et l'intercommunalité ont permis l'éclosion de projets au niveau local, sur des territoires redessinés, le rôle de l'État reste primordial dans sa capacité à financer des actions.
Ainsi, alors que la place de l'action n° 08 « Accueil des demandeurs d'asile en Rhône-Alpes » paraît évidemment inadaptée, tous les autres projets sont, en revanche, totalement légitimes. Monsieur le ministre délégué, j'ai saisi le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire du projet du barrage de Charlas, qui s'étendrait sur les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées. A-t-il des chances d'être retenu l'année prochaine ?
Enfin, et bien que les pôles d'excellence ruraux ne figurent pas expressément dans cette mission, je me réjouis de leur création ; les appels à projet devraient débuter en 2006. Monsieur le ministre délégué, comment vont-ils s'inscrire budgétairement ?
Conscient des efforts que consent le Gouvernement dans sa lutte contre la fracture territoriale, et tout en restant attentif au fait qu'il les maintienne, notamment pour lutter contre la fracture numérique, je voterai, avec la majorité du RDSE, les crédits alloués à la mission « Politique des territoires ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 13 avril 2002, Jacques Chirac, Président de la République, déclarait : « La présence de l'Etat dans nos campagnes est un gage d'équilibre du territoire et une obligation pour que chaque Français puisse bénéficier d'un égal accès aux services publics. »
M. Roger Besse, rapporteur spécial. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Bravo !
Mme Évelyne Didier. Je partage tout à fait cette analyse. Cependant, trois ans après cette déclaration, force est de constater que tel n'est pas le cas !
Mme Évelyne Didier. Tout d'abord, dans ce projet de budget, nous constatons que l'État continue de se désengager, s'agissant notamment du financement des politiques publiques, par le biais de la mise en oeuvre du deuxième volet de ce qu'on appelle la « décentralisation ».
Rappelons au préalable que la mission interministérielle « Politique des territoires » comprend six programmes et associe le ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer à celui de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Les politiques concernées par cette mission au contenu somme toute hétérogène sont toutes importantes. Il s'agit de la politique de l'urbanisme, du tourisme, de l'aménagement du territoire, et curieusement, de la politique des routes et voies navigables pour ce qui concerne les personnels de la DDE et de Voies navigables. J'espère que cela ne préfigure pas un désengagement de l'Etat dans ce domaine, monsieur le ministre. Comme je ne crois pas aux coïncidences, pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
L'importance de cette mission contraste avec les crédits que l'État entend consacrer à la politique des territoires. En termes budgétaires, cette mission apparaît comme étant de faible importance. En effet, les autorisations d'engagement ne représentent que 0,25 % de celles du budget général ; quant aux crédits de paiement, ils en représentent seulement 0,21 %. Des fonds de concours s'y ajouteraient, mais nous savons peu de choses à ce sujet. De plus, nous déplorons - et nous ne sommes pas les seuls - que les collectivités territoriales soient souvent conduites à avancer à l'État les crédits qu'elles consentent au titre des dépenses communes.
Comme le note le rapporteur spécial de la commission des finances, il serait intéressant que soit précisée, à l'avenir, l'origine de ces fonds. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si vous prévoyez, dans les années à venir, de mieux informer le Parlement ?
Finalement, au moyen de ce budget, vous payez les salaires de l'administration centrale, les études, les évaluations, mais celui-ci est très insuffisant pour les collectivités locales, qui supportent pourtant de plus en plus de missions en lieu et place de l'État. De surcroît, à l'Assemblée nationale, sur l'initiative de M. Louis Giscard d'Estaing, un amendement tendait à supprimer 2 millions d'euros destinés justement aux politiques locales.
En outre, nous estimons que la politique retenue traduit le glissement sémantique du concept de développement équilibré des territoires vers la notion de compétitivité des territoires, rompant ainsi avec les notions de péréquation, de mutualisation et de solidarité territoriale. Les maîtres mots de l'action publique sont désormais ceux de « rentabilité » et de « mise en concurrence ».
En témoigne la volonté du Premier ministre, ces dernières semaines, de rebaptiser le Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire en Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires. Cette nouvelle dénomination intervient au moment de la mise en oeuvre des pôles de compétitivité, alors que l'on abandonne clairement le principe de péréquation.
Enfin, nous regrettons, une fois encore, le manque de lisibilité des « bleus » budgétaires. Bien sûr, cette année constitue une année de transition, mais le contenu hétérogène de la mission laisse penser que le manque de clarté ne tient pas seulement à la nouveauté de l'exercice.
Abordons à présent plus en détail le contenu et les choix retenus pour les différents programmes.
En ce qui concerne les contrats de plan, le budget du FNADT, le fonds national d'aménagement et de développement du territoire, est intéressant à examiner. Même s'il est globalement en hausse, la partie correspondant au volet territorial des contrats de plan État-région augmente peu ; les crédits sont calculés sur la base d'un huitième de l'engagement global de l'État, ce qui donne à penser que le Gouvernement prend acte du retard cumulé dans l'exécution de ces contrats et que la prolongation de ces derniers est d'ores et déjà acquise, sans moyens supplémentaires.
Pourtant, l'enveloppe déjà réduite que consacre l'État à ces contrats est, chaque année depuis 2002, soumise à la régulation budgétaire, c'est-à-dire à l'annulation plus ou moins importante de crédits de paiement.
Dans la même logique, par la promotion des pôles de compétitivité, nous passons d'une politique générale et de long terme à une politique visant à soutenir de manière temporaire, sélective et hiérarchisée des projets en fonction tout d'abord des marchés et des stratégies des grandes firmes nationales.
À ce titre, messieurs les ministres, rappelons que, le 25 octobre, vous avez déclaré que la péréquation financière n'est pas un outil fondamental pour l'aménagement du territoire et que, s'il faut être attentif aux territoires les plus défavorisés, il est nécessaire de récompenser ceux qui progressent le plus fortement. Cela a au moins le mérite d'être clair.
Vous confirmez ainsi une France à deux vitesses, où seuls les territoires les plus riches bénéficieront des moyens nécessaires pour faire face aux enjeux de demain, tout d'abord parce qu'ils auront leurs propres forces, ensuite parce qu'on les aidera.
Je voudrais maintenant parler des pôles d'excellence ruraux qui soulèvent un certain nombre de questions. Roger Besse, dans son rapport, a déclaré, à ce sujet, « qu'il doutait que les pôles d'excellence ruraux annoncés puissent satisfaire aux besoins importants qu'éprouvaient ces territoires ».
En effet, la disparition des services publics de proximité dans les zones rurales accélère la perte de substance de ces territoires avec des conséquences sociales et économiques dramatiques sur leur devenir et sur la population.
Concernant, par exemple, la carte scolaire, on nous dit que, pour éviter les fermetures brutales d'écoles, serait prévue une concertation avec les élus locaux sur une durée de trois ans devant précéder toute décision en ce sens. Nous sommes ainsi rassurés au moins jusqu'aux élections présidentielles !
Par ailleurs, ce budget énonce les aides aux territoires fragiles, qu'ils soient ruraux ou urbains. En fait, ces aides se font surtout sous forme d'exonérations pour les entreprises qui s'installent dans ces lieux.
Abordons maintenant la question de la DATAR, nouvellement baptisée DIACT, ou Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires. On assiste à une mutation des missions de cette délégation, beaucoup plus économiques qu'auparavant.
Nous craignons que cela ne renforce un peu plus la tendance à privilégier un certain nombre de cibles au détriment d'une politique d'ensemble d'aménagement du territoire, ce que reflète également la mise en place du programme « Interventions territoriales de l'État » ou PITE.
En outre, le développement des territoires ne peut se faire sans la promotion de l'accès pour tous aux technologies de l'information et de la communication. Les principes de mutualisation, solidarité et tarif unique devraient toujours sous-tendre les politiques engagées en ce domaine.
En effet, les technologies de l'information et de la communication sont une condition nécessaire à l'implantation des entreprises mais également un facteur de cohésion sociale. Des progrès doivent être réalisés en ce domaine, car 10 % de la population n'est pas couverte par le haut débit. Les téléphones mobiles, on le sait bien, se taisent dans de nombreux secteurs.
Les territoires ruraux sont d'autant plus touchés qu'ils n'offrent aucune rentabilité aux opérateurs. Or, nous devons exiger que 100 % du territoire soit couvert par les nouvelles technologies.
Quant aux outils de prospective, certains disparaissent. Ainsi, alors que, face aux délocalisations, de nombreux élus et acteurs économiques avaient demandé à l'État de se doter d'outils d'anticipation et de prospective des mutations économiques, vous avez supprimé, voilà deux mois, la mission interministérielle des mutations économiques qui avait été créée à cet effet. Le Commissariat général du Plan a connu le même sort il y a peu de temps.
Pouvez-vous, messieurs les ministres, nous indiquer quelle est aujourd'hui l'architecture des outils d'analyse et de prospective de l'État ?
Le Premier ministre a écrit dans une lettre adressée à Mme Boissard, nouvellement nommée commissaire au Plan, que « la logique de planification qui a présidé à la création du Commissariat général du Plan n'est plus adaptée aux caractéristiques d'une économie ouverte et d'une société complexe ».
En effet, la politique libérale mise en oeuvre par le Gouvernement ne permet pas d'intégrer le long terme. Il sera substitué au Commissariat général un centre d'analyse stratégique. Tout se passe comme si l'on assistait à un effacement programmé de l'État, la dépense publique étant relayée par un appel croissant au secteur privé et aux territoires.
J'en viens enfin au programme « Tourisme ».
Par le poids économique qu'il représente, le tourisme doit être reconnu comme un secteur structurant économiquement, comme un véritable vecteur d'aménagement et d'équilibre de nos territoires et, enfin, comme un outil essentiel de l'exercice d'un droit fondamental : le droit aux vacances.
Or, le budget consacré au tourisme, après avoir été victime de coupes claires pendant plusieurs années, stagne. Ce secteur présente une inquiétante atonie !
En effet, comme le note très justement le rapporteur de la commission des finances, nous assistons depuis 2001 à une baisse du solde touristique de la France : baisse de 14,5 % en 2003 et de 15,7 % en 2004.
Alors que la clientèle nous venant de très loin est plutôt intéressée par l'Île-de-France, le tourisme des citoyens européens contribue à une répartition des activités touristiques sur l'ensemble de nos régions. Il est important de soutenir ce tourisme européen. Messieurs les ministres, pourriez-vous nous dire ce que vous comptez faire dans ce domaine ?
En outre, les ressources pour la promotion de Maison de la France stagnent. Vous serait-il possible de préciser les actions que vous tenez à mener en cette matière ? Au contraire de tous nos concurrents, nous ne sommes pas, semble-t-il, à la hauteur en ce domaine.
Par ailleurs, même si les nouveaux « bleus » budgétaires ou projets annuels de performance ne permettent pas d'identifier vos priorités politiques, nous savons que rien n'est fait pour développer le tourisme social et pour concrétiser un véritable droit aux vacances pour tous. Rappelons que 34 % des Français ne sont pas partis en vacances en 2004.
Enfin, le programme « Tourisme » bénéficiera de 1,67 million d'euros de fonds de concours, soit 2 % des crédits du programme. Or, M. le rapporteur spécial nous apprend que « ces fonds de concours résultaient, en pratique, de participations au financement d'études et d'enquêtes dans le domaine du tourisme, en provenance de la Banque de France et de la SNCF » !
Il est tout de même inquiétant que l'on compte encore sur la participation de la SNCF, déjà étouffée par un certain nombre de charges. Ensuite, on nous dira qu'elle n'est pas performante...
Face au manque de lisibilité du budget politique des territoires et par conséquent de la volonté politique elle-même, face à la faiblesse des moyens dégagés, vous comprendrez, messieurs les ministres, que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne voteront pas le budget de la mission « Politique des territoires ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la récente crise des banlieues démontre aussi à quel point nous avons, durant des décennies, failli dans notre politique d'aménagement harmonieux du territoire.
La présence d'une mégalopole francilienne qui concentre, à la fois, une très grande, voire une trop grande, partie de la richesse nationale et, en même temps, des poches de pauvreté affligeantes ne lasse pas de nous préoccuper.
Fort heureusement, nous ne connaissons pas les mêmes problèmes dans nos milieux ruraux ; ces derniers sont néanmoins, hélas ! confrontés à d'autres difficultés bien réelles sur lesquelles je ne cesse d'insister depuis que je représente mon département au sein de la Haute Assemblée.
Tout d'abord, je voudrais féliciter le Gouvernement d'avoir mis en place des pôles de compétitivité qui vont permettre d'associer de manière plus efficace les entreprises ainsi que les centres de formation et de recherche et pour lesquels, très souvent - le grand Est n'y déroge pas -, plusieurs départements se sont associés.
Le Gouvernement va consacrer près de 1,5 milliard d'euros en trois ans à ces pôles de compétitivité. Fort bien ! Mais je souhaiterais que le même effort soit consacré aux pôles d'excellence ruraux !
Le Premier ministre a en effet souhaité que la démarche des pôles de compétitivité soit étendue au domaine rural pour valoriser le patrimoine naturel, culturel et touristique.
En conséquence, a germé cette idée, au demeurant excellente et dont la véritable paternité vous revient, monsieur Estrosi, de créer des pôles d'excellence ruraux. Vous vous êtes en effet rendu compte que la répartition des pôles de compétitivité laissait sur la carte de France de très grands vides qu'il convenait impérativement de combler.
Nous mobiliserons nos collègues élus afin d'être en mesure de vous faire des propositions pertinentes en temps et en heure.
Mais comme je l'indiquais voilà peu, je ne souhaiterais pas que, s'agissant des moyens financiers qui seront consacrés respectivement aux pôles de compétitivité et aux pôles d'excellence ruraux, se produise le même déséquilibre qu'entre l'aide apportée aux centres urbains à travers la DSU - les événements récents démontrent que l'argent ne fait pas le bonheur - et la dotation de solidarité rurale qui, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à votre collègue ministre de la cohésion sociale, est devenue le parent pauvre.
Une politique d'aménagement du territoire bien pensée passe également par une politique d'infrastructures de transports qui permettent d'irriguer tous les territoires.
Je n'insisterai guère dans la mesure où, dès demain, je solliciterai M. le ministre des transports sur le sujet. Je dirai simplement que, si la construction de lignes à grande vitesse est une bonne chose en termes de réduction des temps de transport, encore faut-il que ce nouveau service soit accessible au plus grand nombre !
Or, de ce point de vue, alors que le TGV Est n'est pas encore en service, les usagers commencent à se rendre compte que les horaires envisagés et la desserte des gares classiques se révéleront souvent problématiques. Cela n'est pas forcément cohérent...
Par ailleurs, nos territoires ruraux ne pourront jamais rivaliser avec les zones urbaines s'ils ne sont pas non plus correctement desservis en infrastructures de télécommunications.
Or, malgré les efforts qui ont été entrepris, malgré l'importance des crédits inscrits à votre budget au titre du développement territorial et de la solidarité, la fracture numérique est très loin d'être résorbée dans nos régions.
Cette fracture concerne bien évidemment la téléphonie mobile ainsi que l'Internet à haut et à très haut débit. Je ne cesse d'intervenir auprès des opérateurs afin qu'ils fassent droit aux doléances de nombreux maires de la Meuse, qui se plaignent d'un immense retard dans ce domaine.
Messieurs les ministres, sachez, par exemple, que le centre-bourg de ma commune n'est toujours pas relié à l'Internet à haut débit, si ce n'est grâce à une mesure exceptionnelle que j'ai prise et qui implique l'utilisation d'un satellite. Sur la zone industrielle de ma ville, le téléphone mobile ne fonctionne pas à l'intérieur des bâtiments !
Comment voulez-vous attirer, voire retenir des entreprises si vous n'êtes pas en mesure de leur offrir ces services, qui sont devenus indispensables à leur activité ? Comment voulez-vous développer le télétravail, lorsque les outils vous manquent ?
Mais il y a bien pis ! Certains élus, dans nos villages reculés, se plaignent même de la mauvaise qualité du téléphone filaire, ce qui est tout de même un comble en ce début de XXIe siècle.
Le milieu rural a un énorme besoin de services publics qui, dans mon esprit, ne se limitent pas seulement à la présence postale.
Je sais gré à M. le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire d'avoir donné provisoirement un coût d'arrêt à la fermeture intempestive des services publics en décidant de suspendre les réorganisations jusqu'à la fin de la présente année, dans l'attente d'une très large concertation, et ce afin de pouvoir proposer des mesures visant à améliorer la qualité et l'accès aux services en milieu rural.
J'attends avec beaucoup d'intérêt vos propositions à ce sujet, messieurs les ministres. Vous le savez bien, lorsqu'il n'y a plus de gare, plus de perception, plus d'agence postale, plus de services divers, la population, inexorablement, se détourne des communes victimes de cette disparition, et tout cela contribue à la désertification.
Mais d'autres décisions peuvent être ravageuses. Ainsi vient-on de décider une diminution sensible du financement des heures d'aide à domicile, ce qui suscite, croyez-moi, de multiples protestations et de l'inquiétude.
Nous avons réalisé de gros efforts avec les associations concernées pour développer l'aide à domicile afin de maintenir chez elles les personnes âgées moyennement dépendantes et éviter leur hospitalisation ou leur admission en maison de retraite qui, vous le savez bien, coûterait autrement plus cher que des heures d'aide à domicile.
S'agissant des crédits européens de la politique régionale qui s'élevaient, jusqu'alors, à 2,3 milliards d'euros, je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous préciser quelles sont les perspectives de les voir pérennisés à compter de l'an prochain ; par ailleurs, pouvons-nous espérer que tous les départements de Lorraine soient traités dans l'équité, ce qui ne nous semble pas toujours être le cas.
En second lieu, je voudrais insister sur les difficultés auxquelles les élus se heurtent souvent, non seulement pour accéder à ces crédits, dans la mesure où tous les projets présentés par nos collègues ne sont pas toujours retenus, mais aussi, à supposer qu'ils le soient, pour obtenir leur règlement.
En effet, le mode de calcul de la participation au titre de ces fonds européens - je fais notamment référence à ceux des programmes Leader + - n'est pas toujours très judicieux et peut réserver de très mauvaises surprises. Les modalités d'application sont parfois étonnantes, voire décevantes : on a laissé croire aux élus qu'ils pouvaient prétendre à une certaine somme, avant que celle-ci ne diminue largement.
Il faut dire que le poids de l'administration, présente dans les débats au lieu et place des élus, perturbe quelquefois les meilleures intentions et paralyse les plus beaux projets. Je me permettrai, monsieur le ministre, de vous poser prochainement une question orale sur ce thème afin que vous puissiez m'apporter toutes les précisions utiles.
Enfin, je dirai quelques mots sur le tourisme. Comme vous le savez, le tourisme militaire représente une activité non négligeable dans notre département.
En 2006 sera célébré le quatre-vingt-dixième anniversaire de la terrible bataille de Verdun. Les communes concernées - et en premier lieu la ville de Verdun -, les associations patriotiques et le département se mobilisent d'ores et déjà dans cette perspective. Je souhaiterais qu'ils puissent compter sur un concours financier de l'État. À événement exceptionnel, moyens exceptionnels, si possible !
Le tourisme favorise une activité économique qui passe par des investissements en infrastructures, mais aussi par l'entretien du patrimoine, y compris le patrimoine culturel, dont les financements devraient tenir compte du fait qu'il s'agit d'une richesse nationale permettant un tourisme performant. Or il est souvent difficile de bâtir des projets ou des programmes sans être assuré de la pérennité de l'engagement financier.
Telles sont donc les réflexions dont je souhaitais vous faire part, messieurs les ministres, dans le cadre de l'examen des crédits de cette mission désormais interministérielle de la « Politique des territoires ».
En conclusion, je souhaiterais qu'à côté du nécessaire concept de compétitivité on n'oublie pas la notion de péréquation. Vous le savez bien, monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, vous qui êtes à la tête d'un département dont la façade méditerranéenne est très urbanisée, mais dont l'arrière-pays, au charme fou, compte des villages très dispersés et quelquefois difficilement accessibles en cas d'intempéries. Je suis persuadé que le conseil général de votre département fait jouer la solidarité et la péréquation afin de venir en aide aux communes qui en ont le plus besoin.
Il serait bon qu'il en soit également ainsi au niveau national, afin que les territoires ruraux puissent enfin bénéficier des mêmes services, des mêmes infrastructures et de la même technologie que l'ensemble des centres plus importants. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.
Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans le cadre de la mission « Politique des territoires », je m'en tiendrai au programme « Aménagement du territoire », programme qui est le plus largement doté, avec 275 millions d'euros en crédits de paiement et 382 millions d'euros en autorisations d'engagement Il représente à lui seul 40 % des crédits de la mission.
Je retiendrai en premier lieu le changement d'appellation du comité interministériel à l'aménagement et au développement du territoire, le CIADT, ainsi que le futur nom de la DATAR.
Ces changements ne sont pas neutres et nous font craindre que la compétitivité ne devienne le maître mot, au détriment de la solidarité. Vous faites ainsi rimer territoire et compétition.
En effet, dans un domaine aussi sensible, la péréquation financière et la notion d'égalité doivent être la règle et le principe de base, si l'on veut un développement harmonieux, juste et solidaire.
À travers certaines de vos interventions, monsieur le ministre délégué, j'ai cru comprendre que vous souhaitiez favoriser les acteurs les plus dynamiques et les plus volontaires, les collectivités les plus imaginatives.
Certes, il est important d'encourager volontarisme et dynamisme, mais il est encore plus important de permettre à ceux qui sont le plus en difficulté de s'en sortir. Tel me semble être le rôle de régulation de l'État.
Après cette introduction, je souhaite aborder trois dossiers, et tout d'abord la question des contrats de plan État-région.
On note - et c'est récurrent - un retard dans l'exécution de ces contrats. On constate également que les collectivités locales sont obligées d'augmenter leur part dans les programmes pour éviter la remise en cause de ceux-ci.
Le Gouvernement semble vouloir profiter de ce décalage pour finaliser la nouvelle génération de contrats calqués sur la durée des mandats. Mais on en ignore aujourd'hui et le périmètre et le contenu.
Ce sont les gels et les annulations de crédits qui sont en cause, pas seulement la complexité des procédures ou la multiplicité des partenaires.
Selon les domaines, les taux d'exécution varient. La « palme » du retard revient au volet « santé social », ce qui est vraiment regrettable. Des retards importants affectent également les volets routier et ferroviaire. Cette politique est dangereuse, car elle risque de favoriser les collectivités les plus riches et d'aggraver la fracture territoriale.
Peut-on parler de compétitivité sans donner à toutes les régions des moyens équivalents pour se battre, notamment dans le domaine des transports ? Cette question est d'autant plus d'actualité en raison de la crise de l'énergie. On ne peut dissocier territoire, transport, environnement et énergie : c'est bel et bien une politique de développement durable qu'il faut mettre en oeuvre.
Je pense tout particulièrement à une région excentrée comme la mienne, la Bretagne, pour laquelle le développement du TGV est essentiel. Il faut rappeler que Brest ou Quimper sont encore à quatre heures et quinze minutes de la capitale, l'objectif étant de limiter à trois heures le temps du parcours.
Tous les élus bretons, de quelque bord qu'ils soient, s'accordent sur ce constat et sur cette nécessité. Il est temps que le Gouvernement s'engage sur un calendrier précis concernant la TGV Ouest.
J'en viens - c'est le deuxième dossier - aux pôles de compétitivité, déjà longuement cités.
Le principe de ces pôles me paraît intéressant. Le succès de l'appel à projet est clair. Mais précisément, le nombre élevé de dossiers retenus laisse craindre un saupoudrage.
Il existe trois types de pôles : les pôles mondiaux, les pôles à vocation mondiale et les pôles nationaux. L'État ne risque-t-il pas de « hiérarchiser » ses moyens en fonction de l'importance des pôles ? Cela mérite d'être clarifié, car les partenaires se sont mobilisés et risquent d'être déçus. En outre, certains de ces pôles souffrent de carences en matière d'infrastructures routières et ferroviaires.
Enfin, j'aborderai un troisième dossier : celui des pôles d'excellence ruraux.
Lors d'une audition devant la commission des affaires économiques, M. le délégué à l'aménagement du territoire a évoqué ces pôles en les définissant ainsi : « Ils viseront à faire fructifier des partenariats locaux à l'échelle de pays ou d'intercommunalités autour de thématiques variées - patrimoine, tourisme, culture, énergies renouvelables, etc. », en précisant qu'ils seraient conçus à l'échelle d'intercommunalités afin de renforcer leur attractivité.
Depuis lors, le Premier ministre s'est exprimé devant le congrès de l'Association des maires de France et a annoncé que trois cents pôles d'excellence ruraux seront retenus, dans l'objectif de renforcer les synergies locales. Il a également évoqué les modalités financières.
Pouvez-vous nous confirmer et nous préciser ces dispositions, et répondre tout particulièrement aux interrogations suivantes : quels seront les critères de sélection ? Quelle procédure sera retenue ? Qui sera le porteur du projet ? Comment, et selon quel calendrier, les dossiers seront-ils sélectionnés ? Qui assurera la maîtrise d'ouvrage ?
La question du zonage mérite aussi des explications : il est question de bassins de vie ruraux structurés par des aires urbaines de 30 000 à 50 000 habitants. Ne peut-on imaginer d'y intégrer les petites villes qui jouent un rôle dans l'équilibre et le maillage du territoire ?
La directrice de la DATAR, lors des assises de l'Association des petites villes de France, l'APVF, en septembre dernier, s'exprimait ainsi : « Les petites villes sont les bases arrière de la compétitivité de tout le territoire national. »
Comment cela se traduira-t-il dans vos propositions ?
Par ailleurs, la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire du 25 juin 1999 avait jeté les bases d'un développement concerté des territoires. Vous vous appuyez sur l'intercommunalité, mais quel rôle entendez-vous faire jouer aux pays issus de cette loi ?
Je pense que la création de ces pôles suscite un réel intérêt, mais encore faut-il disposer d'explications claires à leur sujet.
Pour conclure, je rappellerai les craintes que j'ai soulignées dans mon intervention. Vous voulez encourager les territoires à être ambitieux. Mais les territoires ont tous des ambitions pour leur développement. Simplement, il leur faut les moyens de les réaliser.
Vous promouvez une politique qui rompt avec les solidarités territoriales et qui repose sur une prime au mérite. Nous ne pouvons l'accepter. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre vos propositions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention se limitera à l'examen du programme 162 consacré aux « Interventions territoriales » et portera plus particulièrement sur le programme exceptionnel d'investissement, ou PEI, pour la Corse.
Je rappelle que ce programme, institué par la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, entamera en 2006 la quatrième année effective de sa mise en oeuvre, la première année - 2002 - n'ayant donné lieu qu'à une programmation très réduite. Il va également atteindre en 2006 la dernière année de la première convention d'application.
L'examen du traitement réservé au PEI dans le projet de loi de finances pour 2006, dans le nouveau cadre de la LOLF, est donc l'occasion de tirer un premier bilan de ce programme et de tracer des perspectives pour la suite de son exécution. Faut-il rappeler que celle-ci, en vertu de la loi de 2002, doit se poursuivre jusqu'en 2017 ?
Une première approche conduirait à être prudent dans l'analyse de ces quatre premières années, qui ne représentent après tout qu'à peine plus d'un quart des quinze années prévues pour le PEI.
Une analyse plus poussée incite cependant à dresser un constat rigoureux qui débouche sur une véritable stratégie pour la mise en oeuvre de ce rattrapage structurel, indispensable à la Corse. À la fin de l'année 2006, en effet, c'est le tiers du PEI qui, théoriquement, aura été engagé.
La durée d'élaboration des projets d'investissement, les difficultés de la maîtrise d'ouvrage, la complexité technique des travaux envisagés, la lourdeur de certaines procédures administratives et financières laissent penser que ce qui n'aura pas été programmé dans les quatre ou cinq prochaines années ne saura plus s'inscrire dans le cadre d'un programme qui doit lui aussi obéir à une programmation rationnelle et à une grande rigueur d'exécution.
Or, d'après les chiffres d'exécution actuellement connus, à la lecture du budget que vous nous proposez pour le PEI en 2006, au moins quatre sujets d'interrogation, sinon d'inquiétude, méritent de votre part quelques éclaircissements.
En premier lieu, je vise le rythme d'exécution du PEI. À la fin de l'année 2005, la programmation des crédits consacrés aux travaux représente 330 millions d'euros, soit 68 % de la première convention d'application. Sur ce total, la part de l'État, conformément à la loi, s'élève à 60 %, soit environ 200 millions d'euros. Mais si ce rythme de programmation peut paraître convenable, compte tenu notamment de la montée en charge depuis deux ans, il n'en va certainement pas de même de l'exécution. Les chiffres communiqués voilà quelque temps faisaient état d'un taux de paiement de l'ordre de 12% de la programmation. Il convient donc de s'interroger sur ce décalage et sur les moyens de le résorber.
Une deuxième question, plus fondamentale, concerne la lisibilité de ce programme.
Certes, la convention-cadre et la convention d'application fixent les grands axes du financement éligibles au programme, un accent très fort étant d'ailleurs mis sur les infrastructures de transports intérieures. Mais ces conventions ne fixent pas le détail, et les grands projets, jusqu'à présent étroitement programmés par l'État et la collectivité territoriale, ne laissent pas l'impression d'une vigoureuse planification de la résorption du retard structurel de l'île.
De plus, la spécificité du PEI et son articulation avec les autres grandes sources de financement n'apparaissent pas très clairement.
Ainsi, l'une des opérations les plus lourdes jusqu'ici programmées concerne le chemin de fer de Corse. Or ce secteur reçoit également des financements au titre du contrat de plan ou des fonds européens. Qu'est-ce qui justifie dans ce contexte l'intervention d'un plan exceptionnel ? Comment cela va-t-il s'articuler avec la baisse prévisible de ces financements de droit commun ? Le PEI a-t-il simplement vocation à se substituer aux fonds européens, qui diminueront très probablement à partir de 2007 ? Quelle est la position de l'État sur ce sujet ? Plus généralement, quels sont les moyens mis en oeuvre pour éviter que les crédits du programme n'échappent au risque de financement d'opérations symboliques non justifiées, ou encore à celui d'un saupoudrage certes satisfaisant pour un grand nombre de maîtres d'ouvrage, mais finalement peu déterminant pour le développement réel de l'île ? En définitive, quelle est la position de l'État sur les grands axes de la future programmation du PEI ?
Ces considérations m'amènent tout naturellement à, l'examen de ce qui est prévu dans le projet de loi de finances pour 2006.
La première question porte sur le mécanisme de la ligne budgétaire unique, mis en place par M. Sarkozy en 2003 et destiné à permettre une souplesse dans l'utilisation des fonds du programme : ce mécanisme est-il préservé avec le passage en système « LOLF » ?
Parallèlement, le programme 162 en question ne comporte pas uniquement le programme exceptionnel d'investissement. On y trouve, dans un inventaire à la Prévert, des « actions » aussi diverses que le « Rhin et la bande rhénane », la « filière bois en Auvergne et Limousin » ou « l'accueil des demandeurs d'asile en Rhône-Alpes ». La cohérence de ces actions au sein d'un même programme n'apparaît pas d'emblée...
Mais l'essentiel n'est pas là : les prévisions d'autorisations d'engagement pour le PEI en 2006 s'élèvent à 45,937 millions d'euros. Je rappelle que la première convention d'application doit théoriquement s'achever en 2006. Un calcul rapide de ce qui reste à programmer pour cela donne un résultat d'environ 150 millions d'euros de total de travaux, soit une part pour l'État de près de 90 millions d'euros, c'est-à-dire le double de ce qui est prévu en autorisations d'engagement.
Ce chiffre traduit-il donc un ralentissement prévu de la programmation ? Cela semble d'autant plus vraisemblable que, compte tenu de la montée en charge progressive du programme depuis 2002-2003, le total des engagements de l'État en 2005 a certainement déjà dû être supérieur au chiffre prévu pour 2006.
Par ailleurs, les crédits de paiement prévus s'élèvent à 18,043 millions d'euros. Dès lors, anticipez-vous, monsieur le ministre, une poursuite du décalage entre la programmation et l'exécution ?
Un dernier point, plus technique, nous ramène à la mise en oeuvre de la LOLF pour cette action particulière qu'est le PEI pour la Corse.
L'examen de la partie dépenses du projet de loi de finances pour 2006 montre bien l'accent qui va devoir être mis sur l'appréciation des résultats, souvent à partir d'indicateurs dont la réalisation conditionnera la poursuite du financement.
Je souhaiterais donc obtenir quelques éclaircissements sur l'application de ces contraintes de la LOLF dans le cas de ce programme si spécifique qu'est le PEI. En effet, au moins deux points semblent singulièrement complexes.
En premier lieu, comment la responsabilité financière de l'État, accentuée par les mécanismes de la LOLF, peut-elle se combiner avec la nécessité de conduire le programme exceptionnel en étroite concertation avec les maîtres d'ouvrage locaux ? Ne risque-t-on pas de constater quelque paradoxe dans la conduite par l'État - qui en a, encore une fois, la responsabilité - d'un programme dont il n'assumera jamais ou quasiment la maîtrise d'ouvrage ?
Dans une Corse dont il n'est pas nécessaire de rappeler le haut niveau de décentralisation, l'exécution et donc la réussite du PEI dépendent totalement de la capacité et de l'efficacité de maîtres d'ouvrage locaux, dont on peut craindre, au minimum, qu'ils puissent être rapidement dépassés par l'ampleur de la tâche si le programme se développe réellement sur le rythme envisagé en 2002.
En second lieu, et en lien direct, quels sont les indicateurs aujourd'hui envisagés pour apprécier la réussite du PEI ? Comment peut-on mesurer dès aujourd'hui l'impact d'un programme à qui la loi du 22 janvier 2002 assigne la mission de « résorber les handicaps dus au relief et à l'insularité, et combler le déficit en équipements et services collectifs » durant quinze ans ? Enfin, au regard des indicateurs choisis, quelles conséquences l'État entend-il tirer de leur plus ou moins bon respect, sur la poursuite et l'évolution du PEI ?
Messieurs les ministres, j'attends avec intérêt, sinon avec gourmandise, les réponses à ces questions. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans le cadre de la mission « Politique des territoires », je concentrerai à mon tour mon intervention sur le programme 162 intitulé « Interventions territoriales de l'État ». En effet, il s'agit, à mon sens, d'une parfaite illustration d'un dispositif apparemment séduisant, mais finalement bien mal utilisé.
Oui, le programme « Interventions territoriales de l'État » aurait pu être un outil au service d'une meilleure gouvernance, à l'échelle déconcentrée, des projets de nature interministérielle.
Composé, comme vous le savez, de huit actions dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, et doté de 134,83 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 81,17 millions d'euros de crédits de paiement, ce programme se caractérise par le rôle joué au niveau déconcentré par le préfet de région et par la fongibilité des crédits au sein d'une même action.
Ces deux caractéristiques vont, me semble-t-il, dans le bon sens, à la condition expresse que le renforcement des pouvoirs des préfets de région n'aboutisse pas, par ricochet, à une « reconcentration » masquée des pouvoirs au profit du ministère de l'intérieur.
En ce qui concerne le contenu du programme lui-même, je souhaiterais mettre l'accent sur plusieurs incertitudes et approximations.
Tout d'abord, convenons-en, la frontière entre les « grands projets interministériels » et les actions des « Interventions territoriales de l'État » n'est pas du tout évidente. Je prendrai pour exemple le « plan Loire grandeur nature-Centre », qui faisait, jusqu'en 2005, partie de ces grands projets et qui relèvera en 2006 du programme « Interventions territoriales de l'État ». Je note d'ailleurs que le fonds de concours spécifique à cette action manque singulièrement de précision.
Plus importante, l'intégration au sein du programme « Interventions territoriales de l'État » de l'action 8 « Accueil des demandeurs d'asile en Rhône-Alpes », dotée tout de même pour 2006 de 34 millions d'euros de crédits de paiement, est difficilement justifiable, comme l'ont déjà souligné les rapporteurs spéciaux, notre collègue Roger Besse et le député Louis Giscard d'Estaing.
Ces crédits, dont je ne discute pas au fond l'utilité, auraient dû à l'évidence être inscrits au sein de la mission « Solidarité et intégration » dans laquelle un programme spécifiquement dédié à l'accueil des étrangers existe.
En tout état de cause, mes chers collègues, on ne voit pas pourquoi cette action a été retenue pour la seule région Rhône-Alpes. Certes, ce problème y est important, mais il ne l'est pas beaucoup plus ni beaucoup moins que dans d'autres régions frontalières. La région Alsace, par exemple, en raison de sa situation géographique et de son histoire, se trouve confrontée à la même difficulté. Pourtant, elle ne peut pas faire appel, semble-t-il, à la même solidarité nationale pour le développement et l'amélioration de ses capacités d'accueil.
D'ailleurs, plus profondément, au-delà du renforcement des capacités d'accueil de telle ou telle région concernée par ce phénomène, c'est d'abord, me semble-t-il, la question de la répartition sur l'ensemble du territoire national des demandeurs d'asile qui doit être posée au niveau de l'État.
Enfin, l'action pour la région Rhône-Alpes a été sélectionnée, avec sept autres. Mais selon quels critères ? S'agissant de la méthode, le Gouvernement a pratiqué une mise en concurrence des territoires pour déterminer quelles régions allaient bénéficier de la manne - ou de l'espoir de manne, j'y reviendrai - représentée par ce programme budgétaire « Interventions territoriales de l'État ».
Je crois savoir que de nombreux projets ont été déposés par les préfets de région. Mais je ne sais rien des critères qui ont permis de retenir tel projet plutôt que tel autre. En toute hypothèse, l'influence de tel ou tel préfet de région au niveau de son administration centrale ne saurait évidemment tenir lieu de politique d'aménagement du territoire.
Je ne reviendrai pas sur les conclusions de notre rapporteur spécial Roger Besse concernant la mesure tout à fait insuffisante de la performance des actions du programme « Interventions territoriales de l'État ». L'évaluation ne me paraît pas avoir été prévue dans les conditions posées par la LOLF.
Bref, aujourd'hui, le Gouvernement a fait de ce programme un véritable bric-à-brac budgétaire, dont la future évaluation sera particulièrement difficile, sans cohérence d'ailleurs avec le reste de la politique qu'il mène.
Je crains fort que tout ce programme ne dépasse guère les effets d'annonce sans lendemain. Ce que vient de dire notre collègue Nicolas Alfonsi sur la Corse illustre tout à fait ce propos.
En conclusion, messieurs les ministres, je voudrais vous donner rendez-vous dans un an. Nous pourrons alors constater ensemble quels sont les beaux projets élaborés par les préfectures de région, dont vous aurez effectivement permis la réalisation en débloquant les crédits prévus. Malheureusement - le plan exceptionnel d'investissement pour la Corse en témoigne d'une manière éclatante -, après les effets d'annonce, la déception est souvent à la mesure des espérances que l'on a fait miroiter ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Yves Krattinger. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vais m'intéresser plus particulièrement au programme « Aménagement du territoire ». Ce dernier compte des priorités ambitieuses, ainsi qu'une légère hausse budgétaire par rapport à 2005.
Cet affichage doit cependant s'apprécier au regard des engagements antérieurs et du retard cumulé au niveau des politiques contractuelles d'aménagement.
À travers l'exemple des contrats de plan État-région, les CPER, et celui de la création des « pôles de compétitivité », on peut se demander quels sont les objectifs réels du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire.
Il est intéressant de constater que, si le budget du FNADT est globalement en hausse, la partie « volet territorial » des contrats de plan État-région augmente peu. L'indispensable rattrapage aura-t-il lieu dans ces conditions ? La réponse est évidemment négative !
Notre sentiment est le suivant : le Gouvernement prend acte du retard accumulé dans l'exécution des CPER et laisse entendre que leur prolongation est d'ores et déjà acquise, sans que cela ait fait l'objet d'une décision officielle.
Au rythme actuel des délégations de crédits, les CPER présenteront à la fin de 2006 un retard considérable, conduisant à envisager leur prolongation non pas d'une année, ce qui serait compréhensible, mais de deux voire de trois années, ce qui nuit à la crédibilité même de la notion de contrat.
Le Gouvernement affiche ainsi sa très grande difficulté, ou son absence de volonté, à consolider ce dispositif, et son renoncement devant les enjeux de l'aménagement du territoire.
Sur la base de ces retards, vous contestez l'efficacité des CPER, oubliant que ce sont les gels et les annulations de crédits qui sont la cause principale des décalages accumulés, beaucoup plus que la complexité des procédures ou la multiplicité des partenaires.
Il n'est pas inutile de rappeler que les gels de crédits n'ont cessé d'augmenter : 13 % de la programmation en 2002, 19 % en 2003, 29,3 % en 2004.
En ce qui concerne plus particulièrement le domaine des transports, seulement 50,4 % des crédits avaient été délégués sur le volet routier à la fin de 2004. Monsieur le ministre, combien avaient réellement été consommés ?
Malheureusement, le bilan à la fin de 2005 ne sera pas moins déprimant.
Pour le volet ferroviaire, les montants délégués sont véritablement catastrophiques - respectivement de 33 % à la fin de 2004 et de 46 % à la fin de 2005 -, et ceux qui reflètent les sommes effectivement consommées sont dérisoires.
Ce bilan est le signe d'une très grande faiblesse de l'État dans la politique d'investissement. Pour l'avenir, il faut absolument écarter le risque qui consisterait à préférer une contractualisation à la carte où seules les collectivités riches, dotées de moyens humains et financiers importants, pourraient financer une part sans cesse croissante des investissements de l'État.
Nombre de collectivités locales sont aujourd'hui dans une situation bien moins confortable qu'à la fin des années quatre-vingt-dix, et sont dans l'incapacité totale de parer aux insuffisances de l'État.
L'an dernier, le rapport de la délégation à l'aménagement du territoire préconisait le maintien des CPER dans leur cadre actuel, avec cependant un resserrement des objectifs sur l'essentiel. Ce rapport concluait à la nécessité pour l'État d'assurer une plus grande stabilité aux CPER et de s'engager sur les contrats déjà signés.
Nous souhaitons vivement, messieurs les ministres, que l'Etat renoue le dialogue de la contractualisation avec les collectivités territoriales.
L'Etat ne doit pas céder à la tentation du laisser-faire, du laisser-aller, au risque d'amplifier les déceptions et les mécontentements.
Vous avez décidé que le comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires se substituerait désormais au comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire. Ce n'est pas neutre.
Il faut effectivement renforcer la compétitivité des territoires. Il s'agit de les tirer vers le haut et de permettre le développement de l'emploi.
La politique des territoires demande une volonté politique, une stratégie et des moyens, pour permettre à chaque bassin de développer un ou plusieurs projets attractifs et ambitieux.
Mais sans péréquation financière, sans solidarité entre les territoires riches et les territoires pauvres, sans déclinaison du principe d'égalité dans l'aménagement du territoire, il y a un risque important d'accentuer le sentiment d'enclavement vécu dans un grand nombre de territoires ruraux et urbains.
Le vote du 29 mai est également marqué par cette réalité.
Messieurs les ministres, vos intentions ne sont bien sûr pas méprisables.
Pour conforter une économie nationale qui vacille, vous voulez renforcer la compétitivité des territoires. C'est une ambition que chacun partage dans cette enceinte.
Qui n'a pas rêvé de voir chaque territoire engagé dans un vrai projet de développement économique, social et culturel ?
Mais les moyens que vous affectez à votre politique sont tellement loin des ambitions affichées ! Vos actes de ces dernières années affaiblissent la crédibilité de vos intentions. Comment vous croire quand on mesure la somme des annulations de crédits de ces dernières années ? Comment vous croire lorsque vous plaidez le renforcement des liens entre les acteurs publics et les acteurs privés, alors que, simultanément, vous affaiblissez le ressort historique de cette relation entre eux que constitue la taxe professionnelle ?
En pratique, vous en restez aux intentions, et nous ne trouvons, dans ce projet de budget, ni volonté, ni stratégie, ni suffisamment de moyens mis au service de la politique des territoires.
C'est pourquoi nous ne voterons pas les crédits correspondants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'évoquerai les grandes lignes du budget du programme « Aménagement du territoire » pour l'année 2006.
Je veux tout d'abord remercier sincèrement M. Roger Besse, rapporteur spécial, et MM. Jean-Paul Alduy, Jean Boyer et Dominique Mortemousque, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques, pour l'excellent travail qu'ils ont accompli et pour la pertinence de leurs remarques, dont nous tirerons le meilleur profit.
Sans revenir sur le détail des chiffres de mon budget, je rappelle simplement à M. Aymeri de Montesquiou, qui s'interrogeait sur les moyens de la politique des territoires, que ce projet de budget pour 2006 est tout entier dédié à nos territoires, au service de ces derniers. Il totalise 382 millions d'euros d'autorisations d'engagement - plus 11 % par rapport à 2005 - et 275 millions d'euros de crédits de paiement - plus 3,5 % par rapport à 2005.
J'évoquerai les différents points qui ont été soulevés et j'aurai à coeur de défendre une vision de l'aménagement du territoire, qui est d'ailleurs partagée sur la plupart de ces travées mais avec des termes parfois différents - suscitant des incompréhensions, voire des caricatures qui sont à mes yeux le signe de véritables malentendus - ou avec des mots derrière lesquels on essaie de se cacher ou de se faire peur.
J'observe, d'abord, la contradiction affichée par certains d'entre vous, pour ne prendre que l'exemple de celle qui existe entre, d'une part, Mmes Evelyne Didier et Yolande Boyer dénonçant toutes deux les efforts du Gouvernement en vue de développer et dynamiser la compétitivité de nos territoires et, de l'autre, M. Yves Krattinger soulignant, au contraire, combien il partageait notre volonté d'accroître la compétitivité des territoires et considérant que notre ambition n'était encore pas assez forte dans ce domaine.
Je veux vous dire, pour ma part, sans a priori idéologique et sans sectarisme aucuns, que nous devons conduire une politique non pas d'égalité, mais d'équité.
Certains ont affirmé, notamment M. Krattinger, qu'il fallait lire dans le résultat du référendum du 29 mai dernier sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe un certain désarroi dans notre monde rural. Je partage cette analyse, car l'étendue du fossé qui s'est creusé en France au cours de ces vingt ou trente dernières années entre les citoyens de la ville et ceux du monde rural est le fruit de véritables incompréhensions, qui sont aussi le résultat d'un profond désengagement de la part de l'État au fil des années.
La preuve en est que le monde rural a voté pour le « non » à 60, 65, voire 70 %, alors que les grands centres urbains ont enregistré des pourcentages avoisinant 50 % pour le « oui » et 50 % pour le « non ».
Cela montre que nos concitoyens ruraux avaient besoin de s'exprimer sur autre chose que sur la question qui leur était posée et, en particulier, sur ce désengagement de l'État sous les gouvernements successifs, au cours des vingt ou trente dernières années.
La mission m'a été confiée par le Premier ministre de réconcilier la France des villes et la France de la ruralité. J'ai conscience que les risques d'échouer sont plus grands que mes chances de réussir, mais je mets toute mon énergie dans ce budget pour donner un signe et, au-delà, des moyens, des outils supplémentaires.
Nous devons conduire une politique d'équité, et non d'égalité, ai-je dit. En effet, l'égalité, c'est donner la même chose à tous, que l'on se situe sur un territoire favorisé ou un territoire défavorisé. L'équité, c'est donner plus à ceux qui en ont le plus besoin.
Madame Didier, vous avez reproché au Gouvernement de reculer en matière de péréquation. J'ai le sentiment que vous avez mal regardé la ligne budgétaire, puisque la dotation de solidarité rurale est en augmentation de 15 % en 2006, ce qui représente un effort substantiel par rapport aux exercices précédents en faveur de cette péréquation à laquelle je reste profondément attaché. De même, la dotation de solidarité urbaine est doublée sur une période de quatre ans.
Contrairement à vos affirmations, ce budget montre bien le souci du Gouvernement de se préoccuper du développement des territoires les plus défavorisés et de donner plus, pour accompagner plus, et fournir davantage d'outils à ceux qui ont la volonté d'entreprendre.
À mes yeux, donner plus de moyens à ceux qui ont des projets à soumettre au Gouvernement n'est nullement une « prime au mérite », comme vous l'affirmez. Il s'agit de mettre des outils à la disposition de celles et de ceux qui manifestent une véritable volonté, de l'imagination, des capacités d'inventivité et de travail.
À quoi bon donner des outils à ceux qui n'ont pas envie de s'en servir ?
Le Gouvernement veille donc à donner à la fois plus de moyens à ceux qui en ont besoin et des outils - et j'aurai l'occasion de préciser ce point -, à ceux qui ont la volonté de les saisir pour favoriser la création de richesses, d'activités et d'emplois sur leur territoire.
Nous proposons donc une carte et non pas un menu, tout en veillant à ce que cet effort de péréquation soit non seulement maintenu, mais amplifié. Il ne s'agit pas d'aider les plus riches, mais de consacrer des moyens substantiels aux territoires qui ont des projets.
D'ailleurs, la démonstration est faite ne serait-ce que par les zones de revitalisation rurale. Vous conviendrez qu'à partir du moment où un territoire est classé en zone de revitalisation rurale, cela signifie qu'il est identifié comme étant un territoire plus fragile que les autres.
J'ai d'ailleurs veillé, dès mon arrivée à ce ministère, à ce que les décrets d'application de la loi relative au développement des territoires ruraux, concernant les zones de revitalisation rurale, qui n'étaient toujours pas pris, soient immédiatement soumis au Conseil d'État. Le décret a été pris le 21 novembre dernier et, grâce à ce dernier, 13 103 communes représentant un peu plus de 5 millions d'habitants sont désormais classées en zone de revitalisation rurale.
Un département comme le Gers - le plus rural de France, selon M. de Montesquiou - compte dorénavant, sur un total de 463 communes, 436 communes classées en ZRR, contre 417 auparavant : plus de 90 % du territoire est donc couvert par les ZRR.
En outre, s'agissant des pôles d'excellence ruraux, les projets en zones de revitalisation rurale sont subventionnés à hauteur de 50 %, ce qui démontre bien que le Gouvernement apporte une aide plus importante aux territoires les plus fragiles.
S'agissant des services publics en milieu rural, sujet évoqué par nombre d'intervenants, notamment par M. Claude Biwer, leur désengagement a suscité des réactions de la part de nos concitoyens ruraux et un sentiment de désamour de la part de l'État.
Quelles mesures avons-nous prises dans ce domaine ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, et moi-même avons adressé une circulaire à tous les préfets de France pour leur annoncer la suspension de toute fermeture de service public.
En prenant cette décision, nous avons mis un terme à un long processus qui avait été engagé depuis très longtemps, permettez-moi de vous le dire ! Il n'est pas dans mon intention de polémiquer sur ce sujet, mais, lorsque j'entends dire que ce gouvernement a décidé de fermer des perceptions ou des trésoreries, je pose la question suivante : qui a décidé de fermer ces services publics en milieu rural, si ce n'est un ministre de l'économie et des finances du gouvernement de M. Jospin, M. Christian Sautter ? Si les perceptions rurales existent encore aujourd'hui, elles n'ont plus pour seule responsabilité que celle qui relève de leur collaboration avec les collectivités territoriales ! Elles n'accueillent plus de public depuis bien longtemps !
C'est à cette époque-là aussi que la décision avait été prise, par l'une des ministres qui m'a précédé, de mettre en place, dans le cadre de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, des schémas nationaux d'aménagement du territoire, qui reflétaient une vision unilatérale de la France, impliquant que les décisions soient prises à Paris et s'appliquent de façon identique sur tous les territoires de France, sans respecter l'identité, la spécificité, l'histoire et l'authenticité de ces derniers.
Pour ma part, je ne peux pas admettre qu'un ministre de l'économie et des finances impose à tous ses trésoriers-payeurs généraux d'appliquer de manière unilatérale la même gestion du territoire sur toute la France quant aux fermetures de perceptions et de trésoreries, qu'un ministre de l'équipement réorganise de manière unilatérale toutes les directions départementales de l'équipement, qu'un ministre de l'éducation nationale mette en oeuvre une gestion identique en matière de fermeture de classes dans tout le pays, etc. Je pourrais citer aussi la carte judiciaire, la fermeture des greffes de tribunaux d'instance, lesquels ont quasiment disparu de notre monde rural au cours des années écoulées.
Tout cela ne correspond pas à ma vision des choses, car, selon moi, les schémas nationaux sont destructeurs.
Au contraire, le Gouvernement a voulu engager une véritable concertation avec les élus locaux. Toutes les fermetures de service public sont gelées et aucune décision n'est prise sans le moindre accord avec l'ensemble des acteurs locaux, et au premier chef les maires de France. En effet, quel service public de notre pays est-on toujours assuré de trouver dans les 36 000 communes de France, si ce n'est la mairie ?
À partir de là, discutons avec les maires sur leurs priorités, par exemple sur les fermetures d'écoles ! De fait, plus personne ne peut supporter qu'un inspecteur d'académie vienne au mois de juin annoncer au maire qu'il n'y aura pas de rentrée dans son école en septembre, ou qu'une classe sera fermée. C'est devenu tout à fait inacceptable, à mes yeux.
C'est pourquoi je veux que nous mettions en place un système d'alerte permettant aux maires d'être prévenus trois ans à l'avance que, s'ils ne veillent pas à favoriser l'implantation d'activités et de familles nouvelles sur leur territoire, la courbe démographique de leur commune conduira à une fermeture de classe.
Un tel système, par la vision différente du dialogue et de la concertation qui le sous-tend, présenterait l'avantage d'éviter la brutalité qui accompagne les procédures actuelles. Il permettrait également - et c'est peut-être le plus important - de respecter la diversité qui caractérise la ruralité de notre pays : pour moi, la France des montagnes n'est pas celle des villes, celle des plaines et des campagnes n'est pas celle des littoraux.
Alors, respectons l'identité de chacun, et veillons à ce que, désormais, la gestion des services publics, plus précisément des services au public, se fasse, sans tabou, en relation directe avec l'ensemble des élus locaux de notre pays. D'ailleurs, le Premier ministre l'a annoncé à l'Association des maires de France : en 2006 seront engagés 50 millions d'euros pour soutenir la réorganisation d'un certain nombre de ces services.
Vous m'avez également interrogé, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les contrats de plan. M. Alduy, en particulier, a émis le souhait que figure dans les documents budgétaires une rubrique consacrée aux contrats de plan État-région et mentionnant les indicateurs qui leur sont propres. C'est de toute évidence une bonne proposition.
Cependant, je suggère d'attendre la prochaine génération des contrats de plan pour la mettre en oeuvre, afin de partir sur des bases saines. En effet, c'est actuellement la DATAR qui assure le suivi de la mise en place des crédits d'État dans le cadre des contrats de plan : je suis d'accord avec vous, monsieur le sénateur, c'est complexe, ce n'est pas toujours précis, et l'outil informatique de suivi n'est pas des plus performants.
En revanche, pour la prochaine génération, allons-y ! Mettons en place un outil budgétaire performant de suivi ! Dotons d'abord la DATAR d'un logiciel de suivi de qualité. Ensuite, nous pourrions établir dans les documents budgétaires, comme le prévoit la LOLF, un document de politique transversale - un DPT, dans le jargon « LOLFien » - qui ferait une présentation synthétique de tous les crédits mobilisés par l'État pour les contrats de plan.
Monsieur Krattinger, vous avez évoqué la possibilité que l'exécution des contrats de plan de la génération actuelle soit reportée de deux ans. Je le dis clairement à cette tribune, c'est effectivement ce que je propose aujourd'hui au Gouvernement. J'ignore si j'aurai gain de cause, mais un débat est ouvert.
Vous contestez, monsieur le sénateur, que cela puisse être porteur de résultats ; mais mon sentiment et ma conviction sont que ce serait une bonne formule. Quoi qu'il en soit, la question mérite de faire l'objet d'une discussion, que j'ai effectivement entamée avec l'Association des maires de France, avec l'Assemblée des départements de France, à laquelle vous appartenez, et avec l'Association des régions de France, là encore sans dogmatisme aucun.
Vous nous reprochez aujourd'hui la mauvaise exécution de certains volets des contrats de plan, et Dominique Perben, tout à l'heure, entrera certainement davantage dans le détail. Cependant, l'exemple du volet « infrastructures » montre qu'aucun des trois derniers contrats de plan n'a connu d'exécution supérieure à 70 %, ou 75 % dans le meilleur des cas. En outre, il se trouve que, du fait du jeu de l'alternance politique permanente, chaque contrat de plan a été négocié par un gouvernement et mené à son terme par un autre : tous, quelle que soit leur couleur politique, ont reporté ce terme pour essayer de consommer davantage de crédits.
Mais il est un point sur lequel je vous donne totalement raison : ainsi que le préconise le rapport dont vous avez fait état, il faut des contrats mieux identifiés, plus resserrés, permettant une gestion plus rigoureuse. Je ne peux sur ce point que partager votre analyse et votre sentiment.
Je vous ferai observer, mesdames, messieurs les sénateurs, que le contrat de plan 2000-2006 est pour ainsi dire virtuel : l'effet d'affichage est énorme du fait des montants annoncés, mais beaucoup de ceux-ci sont sous-évalués, et aujourd'hui, moins de cinq ans après la signature du contrat, certains projets d'infrastructures voient leur chiffrage atteindre plus du double de celui qui avait été initialement avancé. Quel État, quelle collectivité pourrait disposer des moyens nécessaires pour y faire face ?
En prorogeant les contrats de deux ans et en abondant plus largement, dans le même temps, l'Agence de financement des infrastructures de transports de France, l'AFITF, conformément au choix qu'a fait le Premier ministre à la demande de Dominique Perben et de Nicolas Sarkozy, nous réussirons à obtenir une meilleure exécution du volet « infrastructures ». Qui plus est, nous pourrons mettre cette période à profit pour établir une nouvelle génération de contrats de plan, mieux ciblés, mieux identifiés, plus rigoureux, dont nous serons désormais à peu près certains de pouvoir respecter les engagements.
MM. Biwer et Saugey ont abordé le problème de la politique européenne.
Je voudrais d'abord vous rassurer, monsieur Biwer : la Lorraine bénéficiera d'un traitement équitable dans la négociation que nous menons aujourd'hui avec Bruxelles. Néanmoins, je ne vous cache pas, mesdames, messieurs les sénateurs, que, pour l'élaboration du cadre de référence stratégique national, le CRSN, qui doit régir l'utilisation des fonds européens en France pour la période 2007-2013, la discussion, qui se déroule sous présidence britannique, est aujourd'hui difficile. J'étais encore à Bruxelles jeudi dernier pour en débattre : on peut affirmer qu'une épreuve de force s'est engagée.
Nous avons la ferme volonté de défendre les régions françaises et d'obtenir au plus tard dans le courant du premier semestre 2006 des garanties pour la période 2007-2013. Nous nous sommes attelés à cette tâche. Au demeurant, la première version du CRSN a été transmise aux régions à la mi-novembre 2005 pour consultation, toujours sous la coordination des préfets de région ; ceux-ci devront rendre leur copie pour le 20 janvier 2006. Une deuxième version devrait être élaborée dans le courant du mois de février 2006 pour prendre en compte les retours régionaux.
Je tiens toutefois à préciser que les crédits européens attribués à nos régions jusqu'à la fin de 2006, dans le cadre de l'actuelle génération de contrats de plan, sont encore disponibles, et un certain nombre de programmes en bénéficieront : nous ne sommes pas encore arrivés au terme de cette aide, loin s'en faut.
M. le président. Monsieur le ministre, puis-je vous attirer votre attention sur le fait que l'ensemble des ministres disposent d'un temps de parole de trente minutes ? J'en suis désolé, mais je suis obligé de vous le rappeler.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dans ce cas, je ne pourrai pas répondre à l'ensemble des intervenants, et je le regrette pour eux. Mais, bien évidemment, monsieur le président, je respecterai votre volonté.
Je rappellerai rapidement, en ce qui concerne la fracture numérique, que le Gouvernement a pour préoccupation et pour priorité de respecter tous ses engagements d'ici à 2007, que ce soit pour la téléphonie mobile ou pour le haut débit. Dans les deux cas, le rythme actuel nous garantit que nous y parviendrons. Il est vrai que, semaine après semaine, nous veillons à ce que les opérateurs tiennent le calendrier que nous leur avons imposé.
Cela vaut aussi pour la télévision numérique terrestre, et c'est important. Aujourd'hui, 50 % des foyers peuvent bénéficier sur notre territoire de dix-huit chaînes de télévision gratuites ; je souhaite que nous arrivions à 100 % d'ici à 2007, en même temps que la téléphonie mobile et que le haut débit. Cela nous permettrait de proposer une date plus rapprochée pour le passage de l'analogique au numérique. Grâce aux fréquences qui se seront libérées, l'ensemble de nos concitoyens pourront accéder à la quatrième génération de téléphonie mobile et bénéficier de ce que l'on appelle le « dividende numérique ». La France aura alors, à l'horizon 2007, la meilleure couverture du tout-numérique de tous les pays de l'Union européenne.
Monsieur Mortemousque, votre rapport sur les NTIC était très argumenté, et je tiens à vous rassurer. Le WiMax, en particulier, qui fait l'objet d'un appel à projets lancé par le ministère de l'industrie, nous permettra de combler dès la fin de 2006, au plus tard au début de 2007, les 2 % ou 3 % manquants de notre territoire demeurant en zone blanche. Au-delà, nous pourrons recourir à certaines solutions alternatives comme le réseau Wifi et le satellite.
Pour ce qui est du changement de nom de la DATAR, ce n'est qu'affaire de mots et, je veux vous rassurer, le Premier ministre, en choisissant le nouvel intitulé - DIACT, ou délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires -, lui a essentiellement apporté un contenu supplémentaire. Ce n'est pas une soustraction, c'est une addition, c'est un effort supplémentaire pour dynamiser cette structure, à laquelle nous sommes attachés, en lui confiant la mission de veiller à l'accompagnement territorial des mutations économiques. Le terme « compétitivité » exprime à la fois une ambition économique - les sénateurs, je pense, y seront sensibles - et une nouvelle légitimité.
Je mentionnerai brièvement le programme « Interventions territoriales de l'État », le PITE, pour vous indiquer que l'inscription à ce programme permet d'aller plus loin dans la mutualisation des moyens de l'État, l'objectif étant la réduction du délai global de traitement des demandes. Certes, le ministère de la cohésion sociale est le principal contributeur de cette action, puisqu'il apporte 31 des 34 millions d'euros prévus ; mais d'autres ministères participent aussi : l'intérieur, les affaires étrangères - au travers de l'OFPRA - et l'éducation nationale. L'approche est donc globale. Je souligne au passage que les préfets ne s'y sont pas trompés. Pour l'instant, c'est vrai, l'expérimentation se limite à une région, la région Rhône-Alpes. Mais deux autres préfets de région - Île-de-France et Centre - avaient souhaité disposer de cet outil pour conduire une politique intégrée efficace.
Je terminerai en évoquant un point que tous les intervenants ont abordé : les pôles de compétitivité et les pôles d'excellence ruraux. Nombre d'entre vous ont soutenu ces initiatives du Gouvernement, en particulier MM. Boyer et Saugey, que je remercie.
Madame Didier, je ne comprends pas vos contradictions, je ne comprends pas que vous critiquiez notre politique des pôles, qui est une politique en faveur de la création de richesse et d'emploi. (Mme Evelyne Didier s'exclame.) Ainsi, au moment où la France se dote d'une politique qui lui permet de lutter contre des délocalisations et une désindustrialisation que vous n'avez cessé de dénoncer ces dernières années, vous préféreriez voir de grandes entreprises françaises continuer d'aller vers l'étranger et être rachetées par des capitaux étrangers ? Cela me paraît peu acceptable.
De même, Mme Yolande Boyer, d'un côté, parle de saupoudrage lorsque nous décidons de créer 67 pôles et, de l'autre côté, nous reproche de hiérarchiser six pôles mondiaux. C'est une vraie contradiction !
Nous, nous restons sereins. Nous avons parfaitement répondu aux objectifs de décloisonnement de l'Université, de la recherche publique et privée, de l'innovation industrielle, pour que notre pays ait de véritables champions du monde industriels et non pas de simples champions de région. Nous avons engagé à cet effet 300 millions d'euros d'exonérations fiscales et de charges sociales et près de 1,2 milliard d'euros d'aides à l'investissement, à la recherche, à l'innovation, auprès des meilleures industries de notre pays et des meilleurs centres de recherche de notre pays. Oui, nous sommes en train de doter notre pays d'une véritable politique de compétitivité, qui se situe aussi au service de nos territoires.
Pour moi, la France qui innove, la France qui imagine, la France qui a de grands projets structurants, ce n'est pas simplement la France des grands projets scientifiques et industriels. Telle est la raison pour laquelle j'ai proposé pour la ruralité de notre pays, à la demande du Premier ministre et du ministre d'État, de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, la création de pôles d'excellence ruraux.
Nous avons sur nos territoires ruraux des savoir-faire, des talents, une matière grise tout à fait exceptionnelle auxquels nous devons donner des outils de développement. C'est ce que nous ferons au travers des pôles d'excellence ruraux.
J'évoquerai maintenant les quatre thématiques prioritaires retenues : la promotion des richesses naturelles, culturelles et touristiques, la valorisation et la gestion des bio-ressources, l'offre de services et l'accueil de nouvelles populations, enfin l'excellence technologique pour des productions industrielles, artisanales et de services localisés.
L'économie industrielle, bien au-delà de l'activité agro-industrielle, constitue l'un des piliers de l'économie rurale.
Nous consacrerons 150 millions d'euros à ce nouveau label des pôles d'excellence ruraux que nous accorderons dans le courant du premier semestre de l'année 2006 à un certain nombre de territoires qui se porteront candidats, sans compter, bien évidemment, les exonérations de charges sociales dont bénéficieront les zones de revitalisation rurale sur l'ensemble des projets qui se rattacheront à ces pôles d'excellence ruraux.
Monsieur Alfonsi, l'exécution du programme exceptionnel d'investissement a pris un certain retard, mais je vous rassure : en 2006, l'État abondera de 29 millions d'euros les autorisations d'engagement en complément des 38 millions d'euros prévus. Tous les engagements de l'État seront donc tenus. Je regrette bien sûr que ce programme ait démarré avec un peu de retard, mais je souhaite que nous rattrapions ce dernier au cours des deux prochaines années.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que nous unissions nos efforts pour relever ce formidable défi autour d'une équité au service de nos territoires. Je remercie toutes celles et tous ceux qui soutiennent les propositions du Gouvernement ; je crois avoir démontré notre volonté farouche de veiller à ce que chacun, du plus fragile au plus nanti, bénéficie en n'importe quel lieu du territoire de notre plus totale solidarité et, surtout, d'une équité qui, demain, sera reconnue et qui permettra de réconcilier enfin les citoyens de la ville et les citoyens de la ruralité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier MM. les rapporteurs des analyses très précises qu'ils ont réalisées.
Je rappellerai, avant de laisser Léon Bertrand évoquer les questions relatives au tourisme, l'importance de ce secteur avec quelques chiffres : 2 millions d'emplois, 106 milliards d'euros de consommation touristique. Il s'agit d'un secteur tout à fait stratégique en termes d'emplois et d'économie.
J'en viens tout de suite aux questions qui m'ont été adressées.
S'agissant de la mission « Politique des territoires », je dirai à MM. Besse et Alduy qui m'ont interrogé sur l'articulation des programmes « Stratégie en matière d'équipement », d'une part, et « Conduite des politiques d'équipement », d'autre part, que cette dichotomie est à l'évidence une imperfection qu'il nous faut corriger pour 2007.
Messieurs les sénateurs, je vous donne également acte du fait que nous devons faire évoluer l'articulation du programme « Conduite des politiques d'équipement » qui regroupe aujourd'hui l'ensemble des crédits de personnels. Nous le ferons dès que la structure de l'administration déconcentrée sera stabilisée, c'est-à-dire après la deuxième phase de la décentralisation qui sera réalisée au cours de l'année 2006. Il était extrêmement difficile de le faire avant la décentralisation des routes, mais il nous faudra y procéder pour 2007.
M. Alduy a également évoqué les indicateurs du programme « Stratégie en matière d'équipement ». Les services de mon ministère ont cherché, pour cette année, à proposer des indicateurs susceptibles d'être renseignés, c'est-à-dire relativement simples. Cela étant, je conviens avec vous que nous ne sommes pas à l'optimum. Il nous faudra revoir ce dispositif d'indicateurs, et je vous propose que nous essayions de le faire ensemble, monsieur le rapporteur pour avis, puisque vous avez montré, lors de votre intervention, que vous l'aviez analysé de près. Je pense que c'est un vrai sujet et qu'il faut nous donner les moyens méthodologiques d'apporter des éclairages plus précis sur la pertinence et l'efficacité de nos actions.
M. Saugey m'a interrogé sur la réforme du permis de construire et des autorisations de travaux. Je citerai un chiffre qui montre l'importance de cette question pour la vie de nos concitoyens et de nos entreprises : 500 000 permis de construire ou autorisations de travaux ont été délivrés l'année dernière, dont un tiers à des particuliers.
J'ai présenté hier en conseil des ministres une ordonnance relative aux permis de construire et aux autorisations d'urbanisme. Les décrets d'application seront mis au point au cours du premier semestre de l'année 2006. Nous devrons ensuite réaliser un important travail de pédagogie et de présentation de l'ensemble de la réforme lorsqu'elle sera complète, avec d'un côté l'ordonnance, c'est-à-dire la partie législative, et de l'autre le décret, c'est-à-dire la partie réglementaire.
Cette réforme constituera un vrai changement.
Elle permettra tout d'abord une meilleure lisibilité, avec un système juridique beaucoup plus clair qu'auparavant : alors que nous avions un empilement de textes, ce qui devenait totalement illisible, à part pour quelques spécialistes, l'un des objectifs de l'ordonnance est de réécrire l'ensemble du droit concerné par les permis de construire et les déclarations de travaux. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle cette ordonnance est relativement longue, tout en étant cependant plus courte que la première ébauche, très largement conçue avec les associations d'élus.
Par ailleurs, le nombre des différentes autorisations sera réduit, puisque nous passerons de onze à trois.
En outre, des dispositifs très pragmatiques permettront de gérer la question des délais. En effet, comme le savent bien tous ceux qui ont été maires, la règle des deux mois n'était que très rarement appliquée : en général, avant le trentième jour, une lettre de demande de complément pour le dossier permettait de faire redémarrer le délai.
Le dispositif, tel qu'il est proposé, passe à deux mois plus un mois, délai au terme duquel l'autorisation sera tacite. À mon avis, c'est une règle qui devrait être extrêmement efficace et qui devrait nous permettre d'accélérer la construction et de soulager la vie de nos concitoyens et la vie des entreprises sur le plan administratif.
Enfin, dernier point très important, l'ordonnance permet de modifier les règles d'octroi du certificat de conformité. Le dispositif actuel avait pour conséquence d'entraîner une certaine insécurité juridique pour les bénéficiaires d'un permis de construire. Le dispositif tel qu'il est proposé devrait nous donner une meilleure sécurité juridique.
Par ailleurs, comme vous le savez les uns et les autres compte tenu de vos responsabilités locales, nous avons engagé une transformation assez profonde des directions départementales de l'équipement, avec un rôle croissant de la fonction de conseil de ces dernières. Il est important que nous puissions réussir cette évolution, en particulier pour les communes de petite taille - moins de 10 000 habitants -, qui continueront à avoir évidemment besoin de la fonction de conseil des directions départementales de l'équipement.
Mais les directions départementales de l'équipement doivent aussi assurer un rôle d'ingénierie publique, en particulier dans les zones relativement moins denses sur le plan économique. En effet, s'il est possible de trouver assez facilement un concours en matière d'ingénierie privée dans un certain nombre d'agglomérations ou de régions, ce n'est pas le cas partout. Il est donc nécessaire que les structures déconcentrées du ministère de l'équipement puissent poursuivre cette tâche.
Je répondrai également en quelque sorte en avant-première à deux questions qui concernent les crédits de la mission « Transports » que nous examinerons demain après-midi.
Madame Boyer, comme cela a été annoncé aujourd'hui même à Saint-Malo par le président de Réseau ferré de France, la liaison TGV entre Le Mans et Rennes sera réalisée pour 2012 ou 2013. L'enquête d'utilité publique devrait être lancée en avril ou mai 2006 avec des travaux commençant, si toutes les procédures se passent bien, en 2009, ce qui permettrait d'atteindre l'objectif que vous évoquiez tout à l'heure de trois heures pour atteindre Brest ou Quimper à partir de Paris et d'une heure et demie entre Rennes et Paris. Voilà qui sera, pour la capitale de Bretagne, un changement tout à fait considérable sur le plan économique !
Madame Didier, je confirme les propos de Christian Estrosi, voilà un instant, c'est-à-dire la possibilité pour les budgets relatifs aux infrastructures de transports d'un rattrapage, pour la fin de l'année 2006, des retards par rapport aux engagements faits sous forme d'avances par les collectivités territoriales. Telles sont les réponses que je tenais à apporter aux différents intervenants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Léon Bertrand, ministre délégué.
M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier MM. les rapporteurs pour la qualité et la pertinence de leurs travaux.
Je note que la commission des affaires économiques et du Plan a donné un satisfecit à ce projet de budget, présenté pour la première fois sous la forme d'un programme, et j'y suis tout à fait sensible.
Le programme « Tourisme » s'élève en 2006 à 78,3 millions d'euros. Il est pratiquement stable par rapport à la loi de finances initiale de 2005.
La politique menée par le ministère délégué au tourisme est articulée autour de trois axes principaux.
Le premier tient à la promotion de la destination « France », assurée par le GIE « Maison de la France », avec une enveloppe de 29 millions d'euros cette année. En 2006, la mise en place du site « franceguide.com » nous permettra d'entrer dans une nouvelle phase de commercialisation, et nous ouvrira par conséquent des horizons tout à fait intéressants.
Le deuxième axe est constitué par le soutien à l'économie touristique. Nous y avons consacré plus de 28 millions d'euros, avec de grandes opérations comme le plan « Qualité France », que nous avons lancé au début de l'année dernière.
Enfin, le troisième axe concerne la partie sociale du programme, avec le développement de l'accès aux vacances : nous y consacrons cette année 3,7 millions d'euros.
Je répondrai maintenant aux différents orateurs qui m'ont interrogé.
Madame Khiari, depuis quelques années, nous constatons en effet une baisse de notre PIB, même si le chiffre de 75 millions de touristes reste stable. Telle est la raison pour laquelle ce gouvernement a mis en place deux comités interministériels, lancé un nouveau plan marketing et le plan « Qualité France ». Je dirai « heureusement » ! Nous vivons dans un monde où le tourisme est de plus en plus concurrentiel, et il nous fallait réagir : nous avons ainsi pu réduire les dégâts.
Vous avez demandé, madame, pourquoi le programme « Tourisme » était rattaché à la mission « Politique des territoires ».
Les activités touristiques entretiennent des liens extrêmement directs avec l'aménagement du territoire. Elles contribuent d'ailleurs à la création d'emplois directs et indirects et au maintien de l'activité économique. C'est donc tout à fait naturellement que ce rattachement a été opéré.
Vous avez évoqué la capacité de « Maison de la France » à mobiliser les partenariats financiers et vous vous êtes demandée, au même titre que beaucoup de parlementaires d'ailleurs, pourquoi la lisibilité n'était pas meilleure.
Cette année, nous allons un peu plus loin : non seulement nous avons des indicateurs qui comprennent un ratio, mais nous disposons également d'une indication précise des valeurs des parts des financements publics et privés. Cela permet, progressivement, de satisfaire le besoin de lisibilité que vous évoquiez dans votre intervention.
Vous avez également fait état du non-rattachement de l'ANCV à l'action 3 du programme « Tourisme ». L'ANCV ne bénéficiant pas de financements publics, elle ne peut être considérée comme un opérateur de l'État.
Vous évoquez, à juste titre, l'extension des chèques-vacances au secteur des PME et des PMI. Sachez que cet objectif reste au nombre de nos préoccupations. Je sais que les parlementaires ont mené des opérations qui, malheureusement, n'ont pas abouti, sans doute du fait du coût trop important de l'exonération de cotisations sociales. Néanmoins, nous continuons à travailler sur ce sujet avec l'espoir de réussir et de permettre aux PME et aux PMI de moins de cinquante salariés de bénéficier de cette possibilité.
Enfin, vous évoquez l'absence de crédits en faveur du programme de consolidation des hébergements de tourisme social. Une réflexion est en cours avec le ministère délégué au budget et à la réforme de l'État. Nous étudions notamment une solution impliquant l'ANCV, avec la mise en oeuvre d'un fonds de concours. Il s'agit là aussi d'un sujet majeur pour lequel nous ne cessons de nous battre.
Enfin, vous vous posez la question de savoir si le tourisme ne pourrait pas être considéré comme un secteur propice à l'intégration sociale. Je vous répondrai par l'affirmative. Nous conduisons des opérations afin que le tourisme soit reconnu comme une véritable filière universitaire. Dans le même temps, nous travaillons dans le cadre du plan « banlieues », parce que nous savons que, là, il y a des choses à faire, notamment en matière de formation et d'apprentissage. Il convient de trouver de bonnes passerelles et de faire en sorte que le tourisme joue un rôle dans le domaine social, qu'il apporte un « plus » et qu'il contribue ainsi à éviter que ne se renouvellent les événements observés voilà quelques semaines autour de Paris.
M. Bernard Saugey a parlé de Maison de la France, qui, je le rappelle, joue un rôle éminent. C'est la raison pour laquelle nous y consacrons un financement important, qui représente quelque 47 % du programme « Tourisme ». Nous faisons tout notre possible pour porter le solde de notre balance des paiements de 33 milliards d'euros aujourd'hui à 40 milliards d'euros en 2010.
Mme Evelyne Didier considère que le solde du tourisme a tendance à baisser. En fait, les recettes du tourisme ne diminuent pas. Mais en 2004, nous avons enregistré plus de départs à l'étranger. C'est pourquoi la différence entre le poste des sorties du territoire et celui des entrées révèle une contraction du solde de la balance des paiements. Cela dit, pour l'année 2005, les tendances s'annoncent très intéressantes, et je pense que nous allons rattraper ce retard.
La clientèle européenne fait partie de nos préoccupations, et Maison de la France constitue un instrument adapté pour nous permettre de la toucher. Le plan marketing que j'ai mis en place à la fin de l'année 2004 et les moyens financiers que nous y consacrons, tout comme la campagne que j'ai lancée ce matin même, précisément pour corriger l'image négative de notre pays à l'étranger à la suite des événements qui se sont déroulés dans les banlieues, nous permettront non seulement de maintenir l'attractivité de notre pays, mais également de regagner des parts de clientèle européenne.
S'agissant du droit aux vacances pour tous, vous vous interrogez notamment sur la participation de la SNCF au développement du tourisme.
La SNCF, au même titre que la Banque de France et d'autres partenaires, participe depuis de nombreuses années à des enquêtes. Ces dernières bénéficient bien entendu à Maison de la France, mais aussi à la SNCF elle-même. Nous avons en effet besoin de connaître certains paramètres afin de définir des stratégies et de gagner des parts de marché. Voilà qui explique la participation de la SNCF à ces enquêtes, à hauteur de 260 000 euros sur un budget total de 1,3 million d'euros.
Enfin, monsieur Biwer, sachez que le tourisme de mémoire fait partie de nos stratégies. Depuis maintenant deux ans, nous conduisons des opérations conjointes avec le ministère de la défense, le ministère délégué aux anciens combattants et le ministère de la culture. Nous avons signé des conventions.
Monsieur Biwer, le ministère délégué au tourisme est à votre disposition pour vous aider à préparer la célébration du quatre-vingt-dixième anniversaire de la bataille de Verdun, comme il a participé, l'année dernière, au soixantième anniversaire du Débarquement sur les plages de Normandie. Il s'agit là, en effet, d'événements qui sont des facteurs importants d'attractivité. De telles commémorations attirent de nombreux touristes. Je suis donc prêt à examiner favorablement votre dossier.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voici, en quelques mots, les réponses que je souhaitais apporter aux orateurs qui sont intervenus sur le programme « Tourisme ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Politique des territoires » figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 881 443 267 euros ;
Crédits de paiement : 718 708 201 euros.
Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Politique des territoires ».
(Ces crédits sont adoptés.)
5
Communication relative À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation agricole est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
6
Loi de finances pour 2006
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2006.
administration générale et territoriale de l'état
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » est constituée de trois programmes.
Le premier programme, « Administration territoriale », contient les moyens alloués à l'ensemble des préfectures et sous-préfectures, soit 72 % des crédits de paiement de la mission.
Le deuxième programme, « Vie politique, cultuelle et associative », qui représente 7 % des crédits de la mission, comporte les crédits liés au financement de la vie politique, à la mise en oeuvre de la loi sur la séparation des églises et de l'État, ainsi qu'à l'application des textes sur la liberté d'association.
Le troisième programme, « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », avec 21 % des crédits de paiement, a pour objet les moyens logistiques de plusieurs missions, pilotées ou copilotées par le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
J'évoquerai tout d'abord le programme le plus important de la mission, qui s'intitule « Administration territoriale » et qui contient l'ensemble des moyens des préfectures de région, de département, de zone et des sous-préfectures. Ce programme couvre aussi bien les attributions préfectorales exercées pour le compte du ministère de l'intérieur que celles qui sont accomplies pour un autre ministère.
Les équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, du programme s'établissent à 30 384, en baisse de 186 par rapport à l'année dernière.
Je me suis inquiété de l'éventualité de transferts de charges de travail des préfectures vers d'autres services administratifs qui résulteraient de la mise en oeuvre de la LOLF.
Un seul transfert de cette nature interviendra en 2006, celui des procédures d'ordonnancement des dépenses de fonctionnement des juridictions, qui sera désormais à la charge de la justice. Les deux ministères concernés conviennent du fait que ce transfert de charges ne sera pas accompagné d'un transfert d'emplois.
Le ministère de la justice évoque 200 ETPT. La question est importante, compte tenu des problèmes spécifiques posés à la justice pour l'application de notre nouveau droit budgétaire.
Le ministère de l'intérieur, pour justifier le défaut de transfert d'emplois, a fait valoir les nouvelles attributions des agents de préfecture dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF. Celles-ci seront en effet prestataires de plusieurs ministères et assureront pour leur compte l'engagement et le suivi des dépenses de leurs unités opérationnelles. Cela devrait concerner au moins dix programmes. En outre, les préfets devront élaborer un avis sur les projets de budget de chaque service déconcentré et suivre la mise en oeuvre des actions, la réalisation des objectifs et l'exécution des dépenses de ces services.
Je me suis néanmoins interrogé sur l'opportunité de vous présenter un amendement de réduction des crédits de personnels afin de tenir compte de cette situation.
Cependant, le préfet est chargé, par l'article 72 de la Constitution, de représenter chacun des membres du Gouvernement, de se charger des intérêts nationaux, du contrôle administratif, du contrôle de légalité et du respect des lois. Dans ce contexte, son rôle dans la mise en oeuvre de la LOLF paraît primordial.
J'ai donc finalement estimé que, du moins cette année, la situation devait rester en l'état, à charge pour moi de veiller attentivement, lors de l'exécution de la loi de finances pour 2006, à la bonne utilisation qui sera faite des moyens ainsi maintenus.
S'agissant de la mesure de la performance, je regrette que trop d'indicateurs se limitent à mesurer l'activité des préfectures et soient ainsi de nature à encourager des demandes de moyens supplémentaires. Je propose donc la création de trois indicateurs de performance destinés à mieux mesurer l'efficience ou la qualité de services rendus à l'usager.
Le premier indicateur porterait sur le coût unitaire de chaque type de document établi en préfecture : titres de séjour, passeports, cartes nationales d'identité, permis de conduire ou cartes grises. Les grands projets du programme, tels que le système d'immatriculation à vie des véhicules, le passeport électronique ou la carte nationale d'identité électronique sécurisée, sont présentés à juste titre comme étant de nature à permettre des économies. La performance doit donc être mesurée.
Le deuxième indicateur concernerait le délai d'attente du public dans les locaux préfectoraux lors d'une demande initiale de titre d'identité ou de séjour.
Le troisième indicateur mesurerait la qualité de l'accueil, à partir d'un sondage qui pourrait être réalisé par un organe indépendant.
J'en viens au deuxième programme de la mission, qui s'intitule « Vie politique, cultuelle et associative ». Il concerne essentiellement le financement de la vie politique, pour lequel 62,6 % des crédits du programme sont attribués, l'application des lois sur la séparation des églises et de l'État, qui absorbe 35,8 % des crédits du programme, et la liberté d'association à laquelle sont dévolus 1,6 % des crédits.
Dans ces conditions, il est logique que l'évolution des crédits du programme soit quelque peu liée au calendrier électoral : le financement des élections devrait bien évidemment être bien moins élevé en 2006 que, me dit-on, en 2007 et en 2008 ! (Sourires.)
On peut observer que, sur les 1 495 équivalents temps plein travaillé du programme, 95,6 % se trouvent concentrés sur l'action « Cultes ». Il s'agit de la rémunération des ministres des cultes exerçant en Alsace-Moselle.
Plus globalement, ce programme pose la question de la mesure de la performance de la vie politique : comment cela peut-il être possible ?
Le ministère a prévu un indicateur sur le délai d'envoi au Premier ministre du projet de décret portant répartition de l'aide publique aux partis, à compter de la publication de la loi de finances. Y a-t-il une telle urgence à publier ce décret ? Passer d'un délai de trente-cinq jours en 2004 à une « cible » de vingt-cinq jours en 2008 constitue-t-il une performance essentielle ?
La mesure de la performance électorale n'est pas aisée. Ainsi, le coût moyen des élections prévu par le projet annuel de performances ne me paraît pas constituer un indicateur adéquat. En effet, ce coût dépend du nombre de candidats et de la proportion de ceux qui ont obtenu le seuil légal de suffrages ouvrant droit au remboursement de leurs dépenses de campagne ou à leur maintien au second tour.
En revanche, l'indicateur de performance sur le délai de traitement des comptes des partis politiques par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques me paraît acceptable. L'objectif est de passer d'un délai de onze mois pour l'exercice 2004 à sept mois pour l'exercice 2007.
L'indicateur mesurant le taux des demandes de reconnaissance d'utilité publique des associations et fondations traitées en moins de six mois me paraît également intéressant.
Le troisième et dernier programme de la mission, intitulé « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », concerne notamment l'exploitation des systèmes d'information et de communication transverses à l'ensemble du ministère, la programmation immobilière, la gestion et la formation du personnel, et l'ensemble des activités juridiques de la Place Beauvau.
Les crédits de ce programme se déversent dans les autres programmes du ministère, qu'ils appartiennent à la mission « Administration générale et territoriale de l'État » ou à une autre mission pilotée ou copilotée par le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Comme l'indique son intitulé même, le présent programme comporte plus la logistique d'un ministère que celle d'une mission. Ce programme n'est pas vraiment « LOLFien ». Pour les prochains exercices budgétaires, il conviendrait qu'il corresponde plus à la mission à laquelle il appartient formellement qu'à un ministère dont le périmètre peut évoluer en fonction de la constitution des gouvernements.
Il me semble excessif d'avoir prévu sept objectifs et quinze indicateurs de performance pour ce programme, même si l'on peut noter que la moitié d'entre eux mesurent utilement l'efficience des services. En revanche, il y a lieu de s'interroger sur l'opportunité de certains indicateurs de performance. Ainsi, celui qui concerne le taux de satisfaction de la demande en personnel exprimée par les autorités d'emploi pour l'exécution de leur schéma d'emplois me paraît de nature à « pousser à la création d'emplois ».
Enfin, deux indicateurs de performance m'intriguent quelque peu, modérément je l'avoue.
Le premier sert à mesurer le pourcentage des travaux de l'Inspection générale de l'administration n'ayant pas donné lieu à des suites dans un délai de six mois. Il ne me semble en effet pas obligatoire de donner systématiquement suite à un rapport d'inspection.
Le second indicateur qui m'a intrigué porte sur le taux de réponse de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère aux consultations émanant des préfectures, des services de police et des autres directions du ministère. En effet, le taux de réponse prévu pour 2006 est fixé à 70 %, ce qui signifie que près du tiers des interrogations ne devrait pas recevoir, l'an prochain, la moindre réponse. Que faut-il alors en penser ?
Pour conclure, la commission des finances propose au Sénat l'adoption des crédits prévus pour la mission et pour chacun de ses programmes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'application de la réforme budgétaire a conduit la commission des lois à se saisir pour avis, pour la première fois, des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
Comme l'a indiqué notre ami Henri de Raincourt, rapporteur spécial, cette mission regroupe plusieurs activités, sous la responsabilité du ministère de l'intérieur, au sein de trois programmes complémentaires : « Administration territoriale », « Vie politique, cultuelle et associative » et « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ».
Le plafond d'équivalents temps plein travaillé autorisés inscrit dans le projet de loi de finances pour 2006 s'élève, pour cette mission, à 35 517, ce qui place cette dernière en deuxième position après la mission « Sécurité » en ce qui concerne les emplois relevant du ministère de l'intérieur.
Le programme « Administration territoriale » comprend l'ensemble des activités des préfectures et des sous-préfectures réparties en cinq actions, dont mon rapport écrit détaille la composition.
Le programme : « Vie politique, cultuelle et associative » comporte également cinq actions, dont « Cultes » et « Vie associative et soutien ».
Enfin, le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » comprend sept actions.
La deuxième partie de notre rapport traite de l'administration territoriale dans une nouvelle approche issue de la LOLF, avec sa logique de performance et de réforme dont le préfet est le pivot.
Le projet de loi de finances pour 2006 a retenu six objectifs et douze indicateurs pour le programme « Administration territoriale », permettant de rendre efficacement compte de l'activité des services préfectoraux et de la réduction de leurs coûts de fonctionnement. Vous trouverez également dans mon rapport écrit l'évolution de l'activité contentieuse de l'administration centrale du ministère de l'intérieur depuis 2000.
Mais la performance ne s'obtient que par la modernisation des outils - c'est le sujet de la troisième partie de mon rapport écrit -, afin de structurer la mise en oeuvre des politiques nationales.
C'est ainsi que, dans le projet de loi de finances pour 2006, huit actions des plus diverses sont prévues dans le programme « Interventions territoriales de l'État », au sein de la mission « Politique des territoires », offrant la possibilité, pour les préfets de région, de présenter des actions de nature interministérielle couvrant des projets d'envergure et ayant un enjeu national ; c'est une initiative très importante qui figure dans ces nouveaux textes.
Le développement d'une véritable gestion des ressources humaines est indispensable, car les services préfectoraux devraient connaître un quasi-doublement des départs à la retraite de 2005 à 2010, la moitié de ces départs ne devant pas être remplacée ; cela nous permettrait bien évidemment de réaliser des économies !
Nous examinons également l'amélioration des conditions matérielles des préfectures, grâce à une gestion immobilière active - je vais y revenir - et à la poursuite de l'informatisation des services.
C'est ainsi que, dans le cadre du plan ADELE 2004-2007 pour le développement de l'administration électronique, toutes les préfectures sont dorénavant dotées de serveurs de messagerie, interconnectés entre eux et avec les autres serveurs du ministère de l'intérieur. Un Intranet commun à l'ensemble des préfectures et des services centraux du ministère de l'intérieur devrait également être déployé prochainement.
En outre, le ministère de l'intérieur poursuit son développement des téléprocédures et téléservices : la quasi-totalité des formulaires des préfectures est désormais accessible sur Internet.
Les demandes de cartes grises peuvent faire l'objet d'une télétransmission par le concessionnaire lors de l'achat d'un véhicule neuf et les demandes et délivrances de certificats de non-gage peuvent être effectuées directement en ligne.
Enfin, les projets de passeport électronique et de carte nationale d'identité sécurisée avec l'introduction d'éléments biométriques devraient être développés, avec la télétransmission des données relatives à l'identité du demandeur et la création d'une banque centrale de données. Monsieur le ministre, je pense que l'introduction de ces éléments biométriques, qui constitue une amélioration, est urgente, car, faute de ces éléments, les titulaires d'un passeport délivré à partir du 26 octobre 2005 ont à l'heure actuelle l'obligation de solliciter un visa pour se rendre aux États-Unis, ce qui n'est pas le cas avec les passeports plus anciens.
La commission des lois se félicite des importants efforts fournis par le ministère de l'intérieur en matière de téléprocédures, qui améliorent considérablement la qualité des services fournis aux usagers, ainsi que des études concernant le nouveau Système d'immatriculation des véhicules, SIV, immatriculation attribuée jusqu'à la fin de vie du véhicule. Ce système, d'ores et déjà mis en oeuvre pour les cyclomoteurs de petites cylindrées, devrait aboutir à la dématérialisation d'environ 60 % des opérations effectuées pour l'immatriculation des véhicules.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, selon moi, toutes ces réformes sont urgentes, car, dans les préfectures, les files d'attente sont importantes devant les différents services et bureaux, que ce soit pour la délivrance d'une carte d'identité, d'un titre de séjour ou d'un autre document. Je le constate à la préfecture de mon département, les Alpes-Maritimes.
Nous assistons également à un contrôle de légalité rénové et simplifié, le projet de loi de finances pour 2006 prévoyant d'ailleurs la réduction du nombre d'actes non conformes des collectivités territoriales et établissements publics.
De plus, pour la dématérialisation des transferts de documents soumis au contrôle de légalité, l'application ACTES, mise en service depuis avril 2005, devrait permettre à un nombre croissant de collectivités territoriales de communiquer par télétransmission les actes devant faire l'objet d'un contrôle par le préfet.
Le rôle des préfets a également été accru dans le domaine financier, avec la globalisation des crédits des préfectures. La dotation étant totalement fongible, le préfet peut, sous conditions, librement décider de l'affectation des moyens aux missions qu'il souhaite privilégier.
Cette réforme a produit une amélioration significative des performances des préfectures : baisse de 53 % du délai de traitement des dossiers de demandes de cartes nationales d'identité et baisse de 30 % pour les passeports.
Une autre partie de mon rapport écrit concerne l'évolution des activités relatives aux droits et libertés des citoyens, notamment les actions relatives à la vie politique, c'est-à-dire la délicate définition du parti politique et le financement des partis.
La vie cultuelle dans la République, cent ans après la loi de 1905, fait également l'objet d'une étude dans le rapport.
La Commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République, dans son Rapport au Président de la République, remis le 11 décembre 2003, définit la laïcité à la française comme « un principe juridique appliqué avec empirisme », car « la laïcité n'a pas les mêmes contours à Paris, Strasbourg, Cayenne ou Mayotte. »
À cet égard, est évoquée dans le rapport la garantie du « libre exercice des cultes », inscrite dans la loi de 1905.
La dernière partie du rapport est consacrée à l'examen de la gestion immobilière du ministère de l'intérieur, secteur dans lequel d'importantes réformes sont en cours sur votre initiative, monsieur le ministre, ainsi que sur l'initiative de votre collègue des finances.
À ce propos, l'attention de la commission des lois a été attirée par le poids des loyers payés par le ministère de l'intérieur, puisque 48 % des crédits de fonctionnement de l'administration centrale en 2004 y sont consacrés.
Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de réduire rapidement cette part des loyers dans les dépenses de fonctionnement du ministère, alors que la part de l'immobilier du ministère - et même de tous les ministères - est très importante ? De plus, les cessions traînent de façon anormale, vous le savez ; d'ailleurs le ministre des finances, notamment, s'est exprimé sur ce point.
Vous avez mis en place trois objectifs : dresser l'état du patrimoine immobilier, rationaliser l'utilisation du patrimoine et dynamiser la gestion immobilière.
En 2004, votre ministère a engagé une consultation pour s'adjoindre le concours d'une société spécialisée pour l'élaboration d'un schéma directeur. Pouvez-vous nous dire où en est l'élaboration de ce schéma ?
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la mission « Administration générale et territoriale de l'État » dans le projet de loi de finances pour 2006. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants:
Groupe Union pour un mouvement populaire, 32 minutes ;
Groupe socialiste, 22 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes.
Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'un des mérites de la LOLF - et non des moindres ! - est de permettre au Parlement de mieux cerner et apprécier les différentes missions de l'État.
La mission « Administration générale et territoriale de l'État » relève certainement des missions dont les collectivités territoriales, d'une part, et nos concitoyens, d'autre part, ont une appréciation la plus concrète.
Qui n'a pas trouvé, un jour, un motif de se plaindre des contraintes administratives, de la bureaucratie ou de la paperasserie des services de l'État, qui entraînent, bien souvent à juste titre, une mauvaise image de l'administration auprès des citoyens ?
Or singulièrement depuis 2002, l'action gouvernementale en matière de simplification des procédures a été décisive. Hommage en soit rendu notamment à Henri Plagnol, ancien secrétaire d'État à la réforme de l'État, ...
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial. Il est du Val-de-Marne !
M. Christian Cambon. Il est du Val-de-Marne, effectivement, ce qui ne gâte rien ! (Sourires.)
... Henri Plagnol, disais-je, qui, le premier, a efficacement incité à engager ce mouvement, avec des résultats tangibles que ses successeurs, Eric Woerth et Jean-François Copé, ont largement développés depuis.
Parmi les avancées en matière de simplification, je voudrais m'attarder un instant sur le plan ADELE pour le développement de l'administration électronique.
Ce plan repose sur le principe simple du développement des téléprocédures et téléservices, qui doivent permettre des gains de temps et de qualité, afin d'assurer le service public entre les différentes administrations, mais également entre l'administration et nos concitoyens.
À ce titre, la quasi-totalité des formulaires des préfectures est désormais accessible sur Internet. Ainsi, les demandes de cartes grises - cela vient d'être évoqué par M. le rapporteur pour avis - peuvent faire l'objet d'une télétransmission par le concessionnaire lors de l'achat d'un véhicule. En outre, les demandes de non-gage et leur délivrance peuvent être effectuées directement en ligne.
Puisque la problématique est très proche, je mentionnerai également l'obtention des titres de séjour. Souvenons-nous - nous connaissons bien le phénomène dans le département du Val-de-Marne - des files interminables, dès l'aurore, devant toutes les préfectures des départements urbains ! Le traitement en ligne a, en grande partie, mis un terme à de telles situations, puisque les intéressés n'ont plus qu'à se rendre le jour de leur convocation au service concerné.
Il faut poursuivre rapidement dans cette voie. Je me félicite donc de la présentation, hier, en conseil des ministres, par M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, de l'ordonnance relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives elles-mêmes, qui établit une équivalence juridique entre le courrier électronique et le courrier sur support papier. Dans nos administrations locales, une telle réforme sera particulièrement appréciée !
Les élus, confrontés en permanence à l'incertitude juridique, en raison notamment des faibles moyens dont disposent les petites et moyennes communes, sont, par ailleurs, dans l'attente d'un traitement rapide de leurs actes.
La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a permis de réduire le nombre d'actes des collectivités soumis à obligation de transmission, afin que les préfets concentrent leur contrôle de légalité sur les actes les plus importants.
Mesure complémentaire, à l'instar du plan ADELE que j'évoquais à l'instant, l'application ACTES, ou Aide au contrôle de légalité dématérialisé, a été mise en oeuvre en avril dernier, afin de rénover la relation avec les collectivités territoriales, en développant la transmission par voie électronique de leurs documents administratifs. L'utilisation de l'informatique sera ainsi de nature à réduire les délais de traitement et les coûts de fonctionnement, ce qui est évidemment très important.
Tout ce qui pourra être mis en oeuvre pour supprimer les tâches les plus répétitives des préfectures permettra à ces dernières de bénéficier de temps supplémentaire, afin de jouer de plus en plus un rôle non pas de contrôleur a posteriori, mais bel et bien de conseil a priori auprès des élus locaux.
Aussi, comme l'ont rappelé nos excellents collègues M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis, je souhaiterais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité d'affiner, pour les exercices budgétaires futurs, les indicateurs de performance du programme que je viens d'évoquer.
Outre que certains indicateurs ne font l'objet d'aucune donnée chiffrée, comme la réduction du nombre d'actes non conformes des collectivités, nous partageons les regrets formulés par M. le rapporteur spécial sur le fait que la qualité du service rendu à l'usager ne soit pas davantage appréciée. Les délais d'attente du public dans les préfectures, la mesure de la qualité de l'accueil et du service offert et les coûts de gestion des formalités administratives sont autant d'indicateurs de performance qui répondent à la logique de la LOLF et à la culture de gestion que nous appelons de nos voeux.
Je souhaiterais enfin que cette intervention me permette, au nom de notre groupe, de saluer celles et ceux qui, dans chaque département, assurent la responsabilité de mettre en oeuvre cette belle mission d'administration générale et territoriale de l'État : je veux parler des préfets et des sous-préfets.
Véritables « soutiers de la République », ainsi que certains les ont surnommés, les membres du corps préfectoral oeuvrent quotidiennement au service de l'État, dont ils assurent la continuité et l'efficacité dans le maillage territorial. Chacun aura pu le constater dernièrement, lors des événements qui ont douloureusement frappé nombre de nos communes.
Je suis le maire d'une commune, Saint-Maurice, dans laquelle, alors même qu'une crèche venait d'être incendiée et brûlait entièrement, le préfet du département, M. Patrice Bergougnoux,...
M. Christian Cambon. ... que je salue, puisqu'il quitte aujourd'hui notre département, est venu personnellement en pleine nuit exprimer à mon équipe municipale et à moi-même la sollicitude de l'État. Une telle démarche est tout à fait réconfortante pour des élus placés dans des situations aussi terribles.
Nous, les élus, qui faisons fréquemment des préfets la cible idéale de nos récriminations lorsqu'ils n'accèdent pas à toutes nos volontés, les oublions également souvent lorsqu'ils participent à la mise en oeuvre de nos politiques locales et aident les maires à décrypter les complexités de l'État.
Je souhaite que, à la faveur de l'examen des crédits de cette mission, nous puissions trouver l'occasion de rendre hommage au travail des préfets et des sous-préfets. Ainsi que M. le rapporteur spécial le rappelait à l'instant, la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a consacré leur rôle dans l'article 72 de la Constitution. Mais ce sont avant tout des hommes et des femmes qui, de la plus petite sous-préfecture à la prestigieuse préfecture de région, donnent de l'État l'image attentive et humaine des intérêts de la puissance publique et du respect de ses lois.
Cet hommage de notre groupe n'est qu'une raison supplémentaire - il y en a bien d'autres - pour apporter notre soutien au projet de budget de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances pour 2006 concernant les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » comprend trois programmes : « Administration territoriale », « Vie politique, cultuelle et associative » et « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ». Les crédits de paiement de cette mission s'élèvent à 2,2 milliards d'euros.
Mon propos portera principalement sur le programme « Administration territoriale ». Celui-ci précise les moyens alloués à l'ensemble des préfectures - préfectures de région, de département et de zone - et des sous-préfectures. Ces moyens correspondent à 72 % des crédits de paiement de la mission et s'élèvent à 1 586,6 millions d'euros, soit une baisse de 2 %. Cette diminution est essentiellement due à une réduction des dépenses de personnel.
Par rapport à 2005, le nombre d'emplois est en baisse de 186 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT. Cette baisse s'inscrit dans la politique globale de réduction des effectifs du Gouvernement et traduit le recentrage de l'État sur ses missions régaliennes. Celui-ci n'assure donc plus toutes les missions qui étaient encore les siennes voilà trois ans.
Ce recentrage est l'une des conséquences de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et des transferts de compétences aux collectivités locales que celle-ci a entraînés. Bien évidemment, ce phénomène se traduit, à l'échelon local, par une déconcentration accrue.
Le préfet, « représentant de l'État, représentant de chacun des membres du Gouvernement », a des responsabilités considérables : il « a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ». C'est l'inverse de la décentralisation !
L'État transfère ses compétences aux collectivités territoriales sans toutefois les compenser financièrement - cela est de plus en plus criant -, se défaussant ainsi de ses responsabilités en matière de services publics. En revanche, le rôle dévolu au préfet permet à l'État de resserrer son action et d'accroître sa présence. En effet, le préfet devient le garant de la politique mise en oeuvre, en veillant aux objectifs de performance assignés au programme. Son rôle est donc essentiel pour la réussite de la LOLF.
Ainsi, compte tenu de l'application à la fois de la LOLF et de la loi relative aux libertés et responsabilités locales de 2004, les transferts de charges de travail des préfectures vers d'autres services administratifs sont considérables. En outre, ces transferts sont mal évalués financièrement.
Je prendrai l'exemple du transfert des procédures d'ordonnancement des dépenses de fonctionnement des préfets vers les juridictions. L'une des conséquences de la LOLF est que les premiers présidents et les procureurs généraux des cours d'appel deviennent les ordonnateurs secondaires conjoints du programme « Justice judiciaire » de la mission « Justice ». Toutefois, ce transfert de charges n'est pas accompagné des transferts d'emplois - ceux-ci sont estimés à environ 300 équivalents temps plein travaillé - nécessaires à sa mise en oeuvre.
Dans ces conditions, est-il vraiment surprenant que la majorité des élus locaux - je pense plus particulièrement à ceux de la majorité - se plaignent aujourd'hui de la mise en oeuvre de lois qu'ils ont pourtant votées sans hésitation, en 2001 s'agissant de la LOLF et en 2004 s'agissant de la loi relative aux libertés et responsabilités locales ? Tous se rendent bien compte aujourd'hui que les compétences transférées ne seront pas intégralement compensées financièrement, contrairement à ce que leur avait pourtant promis le Gouvernement.
Le Gouvernement refuse obstinément de régler ce problème sur le fond. L'État se trouve dans un processus avancé de désengagement de ses compétences et tente de trouver des artifices pour pallier les dérives à venir, comme en témoigne la volonté du Gouvernement d'accroître la mobilité du personnel afin de compenser les baisses d'effectifs.
Ainsi, le ministre de l'intérieur avait proposé au mois de novembre dernier de donner aux fonctionnaires n'étant pas employés à temps plein la possibilité d'exercer des missions du ressort d'une autre administration, notamment en zone rurale.
Cette proposition s'inscrit parfaitement dans la logique de rentabilité, de performance et de réduction des coûts induite par la LOLF. Elle est toutefois difficilement applicable dans le cadre de cette mission.
En ce qui concerne les objectifs de performance, l'amélioration du service rendu voulue passe par une dématérialisation accrue des actes administratifs et, de manière plus générale, par une informatisation croissante des relations entre les divers services publics et administrations et les usagers. C'est oublier que peu de foyers français disposent d'une installation informatique et qu'Internet est insuffisamment accessible sur l'ensemble du territoire.
Dans ces conditions, nous ne pouvons qu'émettre des réserves sur l'accroissement du nombre de téléprocédures, dont le coût est supporté par les usagers.
Par ailleurs, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur l'avenir des sous-préfectures. La disparition de ces administrations de proximité aurait bien évidemment des conséquences nocives pour les usagers et pour la cohérence territoriale.
Pour conclure, je soulignerai une contradiction résultant de la mise en oeuvre de la LOLF, contradiction qu'a également relevée M. le rapporteur spécial. Elle porte sur les effectifs. En effet, la mise en oeuvre de la LOLF dans l'administration générale et territoriale de l'État révèle la nécessité de créations d'emplois pour certaines mesures d'application. En outre, dans l'intérêt du service public, il est extrêmement important d'offrir aux usagers le meilleur service, par exemple en réduisant les délais d'attente lors de la remise des titres et en veillant à la qualité de l'accueil. Cela implique une humanisation des services, et donc des emplois. Pourtant, le Gouvernement s'évertue à diminuer les effectifs, la masse salariale étant présentée comme la bête noire des dépenses publiques !
Finalement, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » est un révélateur des effets pervers de la loi organique relative aux lois de finances, loi qui, par ailleurs, rend l'action des parlementaires impossible quand il s'agit de corriger certaines incohérences.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « un bon budget n'est plus forcément un budget qui augmente (...), mais un budget qui permet, au moindre coût, d'atteindre les objectifs fixés ». Je cite les propos que vous avez tenus à l'Assemblée nationale le 3 novembre dernier, monsieur le ministre.
M. Jean-Pierre Sueur. Ces propos vous ont valu des applaudissements sur plusieurs bancs - j'insiste sur ce point - du groupe de l'UMP (Applaudissements sur les travées de l'UMP), comme cela figure à la page 6240 du Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale.
Permettez-moi une seconde citation, monsieur le ministre. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) L'objectif 5 de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » est d'« optimiser l'efficience de la fonction animation ».
Nous devrions inviter M. Fabrice Luchini, qui décortique avec une grande virtuosité la prose de Louis-Ferdinand Céline, à venir goûter avec nous toute la saveur de cette formule : « optimiser l'efficience de la fonction animation » ! (M. le rapporteur spécial rit.)
Monsieur le ministre, ce jargon contente peut-être tout le monde - à bas prix ! -, mais il n'a pas grande signification. Ne pourrions-nous en être préservés ?
Après ces considérations liminaires, je constate, comme Mme Mathon, que les équivalents temps plein travaillé du programme sont en recul de 186. Y a-t-il de quoi pavoiser aux fenêtres des préfectures et des sous-préfectures ? La question se pose, monsieur le ministre, d'autant plus que vous avez également déclaré le 3 novembre - vous le voyez, je lis vos oeuvres ! - que « le ministère va connaître à court terme plusieurs évolutions majeures, comme le quasi-doublement des départs à la retraite d'ici à 2010-2015 ». Cela dit, je suis d'accord avec vous sur le fait que des évolutions sont nécessaires. Toutefois, ces départs à la retraite étant programmés, des effectifs doivent être prévus en conséquence.
S'agissant de la dématérialisation des actes, il y a beaucoup à faire. Il faut naturellement aider les collectivités locales à se doter de moyens informatiques afin d'éviter les inégalités qu'a évoquées Mme Mathon. De plus, les personnels doivent être formés aux nouvelles techniques informatiques, afin que cette dématérialisation soit mise en place dans de bonnes conditions.
Monsieur le ministre, le dossier de présentation du projet de loi de finances pour 2006 précise que « la réalisation de cet objectif doit cependant inclure un accompagnement des agents, en particulier en matière de formation ».
Là encore, je trouve cette formule quelque peu contournée. C'est comme si l'on disait qu'il fallait apporter aux élèves un « accompagnement » en matière de formation !
Veuillez m'excusez d'aborder la question sous un angle un peu trivial, mais je m'offusque, ce soir, de certaines habitudes de langage qui font affront à la simplicité et aux enseignements de Nicolas Boileau.
Toujours est-il que, malgré mes efforts, je n'aperçois pas, dans votre budget, les crédits de formation continue déconcentrés qui permettraient d'« accompagner », comme vous le dites si bien, les agents en les formant. Peut-être, monsieur le ministre, pourrez-vous nous apporter quelques informations sur ce point.
J'évoquerai maintenant le contrôle de légalité.
Nécessaire, ce contrôle est prévu par la loi. Et, lorsque vous nous dites que 8,7 millions d'actes ont été transmis aux préfets en 2004. Je suis quelque peu impressionné par ce très grand nombre, même si je sais que les préfets ont envoyé 100 000 lettres et qu'ils ont déposé 1 422 recours. Il me paraît toutefois nécessaire que le contrôle de légalité soit revu pour être plus efficace.
À cet égard, il est sans doute souhaitable qu'il soit plus sélectif, car les 8,7 millions d'actes rendus chaque année n'ont pas tous la même importance.
Il est primordial aussi que l'on favorise les fonctions de conseil. À cet égard, les sous-préfectures jouent un rôle tout à fait essentiel, en particulier à l'égard des petites communes, dont les services sont forcément limités.
Il est bon de faire appel aux chambres régionales des comptes et aux tribunaux administratifs, même si l'on ne peut méconnaître que leur fonction n'est pas de conseiller, mais de juger des comptes ou de la légalité des actes.
À ce sujet, je tiens à vous indiquer que je suis très attaché, pour ma part, à l'indépendance des préfets dans la mise en oeuvre de leur fonction relative au contrôle de légalité. Ce dernier s'exerce au regard du respect de la loi, mais aussi de l'opportunité. Or, pour avoir consulté les avis du Conseil d'État, j'ai constaté que l'on ne pouvait pas reprocher à un préfet de s'être abstenu d'agir au titre du contrôle de légalité.
Cela étant, dans le cas où une illégalité est patente, probable ou plausible, vous paraît-il normal qu'un préfet s'abstienne d'agir ? Est-il normal qu'il puisse ne pas même motiver son refus d'agir dès lors qu'il est saisi par un citoyen ? Cette question me préoccupe et je pense que l'on aurait intérêt à davantage mettre en oeuvre la notion de responsabilité à ce sujet, mais aussi la notion d'indépendance.
Sur la notion d'indépendance, je tiens - n'y voyez pas malice, monsieur le ministre -, à m'enquérir de la situation de M. le préfet du département des Hauts-de-Seine. En effet, j'imagine tout à fait la difficulté dans laquelle doit se trouver ce représentant de l'État pour exercer dans la plus grande indépendance le contrôle de légalité des actes du président du conseil général de son département, alors même que ledit président exerce nécessairement, puisqu'il est ministre de l'intérieur, une tutelle sur ledit préfet.
M. Roger Karoutchi. Et dire que c'est un ancien ministre qui parle ainsi !...
M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial. C'est un procès d'intention !
M. Jean-Pierre Sueur. Il y a là un vrai problème, que je voulais évoquer à cette tribune : avez-vous réfléchi, monsieur le ministre, aux règles qui pourraient être mises en oeuvre afin d'empêcher ce type de situation forcément contradictoire et susceptible d'engendrer un embarras dont on pourrait peut-être, à l'avenir, faire l'économie ?
S'agissant de la modernisation indispensable de nos structures de fonctionnement de l'État dans nos territoires, plusieurs conditions doivent être réunies.
La première est la dématérialisation, une dématérialisation effectuée correctement. L'enjeu est de taille, et vous le savez.
La deuxième condition est la déconcentration.
Je suis très attentif au programme des interventions territoriales de l'État, même s'il ne relève pas de la mission que nous examinons, et aux projets interministériels, rendus fongibles et regroupés sur une ligne unique, tels que la filière « bois » en Auvergne, en Limousin, en Corse, ou le plan « eau propre » en Bretagne, dont vous avez également parlé à l'Assemblée nationale. Le montant de ce programme pour 2006 est de 134 millions d'euros en autorisations d'engagement. Il me semble que, si l'on croit en la décentralisation mais également en la déconcentration, qui en est le pendant, ces chiffres devraient être beaucoup plus élevés à l'avenir.
En troisième lieu, nous sommes tous très attachés aux sous-préfectures, qui rendent des services très appréciables auprès des communes. En même temps, je suis favorable à la conjugaison d'une logique territoriale avec une logique de mission. Celle-ci trouve une illustration dans le fait que, de plus en plus, les préfets confient aux sous-préfets des missions transversales qui concernent l'ensemble d'un département, voire d'une région.
Enfin, la quatrième condition de la modernisation de l'État me paraît être la publication plus rapide des décrets et textes d'application.
Dans notre République, tout gouvernement peut certes se dispenser d'appliquer la loi, en s'abstenant de publier les décrets ou les textes d'application. Ainsi, un an après le vote - à l'unanimité - d'un texte sur les contrats d'obsèques, nous attendons toujours la circulaire qui permettra son application : nous en parlions ce matin même avec certains de vos collaborateurs, monsieur le ministre. Le résultat, c'est que la circulaire d'application en vigueur est celle du texte antérieur, qui est contradictoire avec l'intention du législateur telle qu'elle s'est exprimée depuis.
Je pense également à un décret concernant les femmes dont la mère avait absorbé du Distilbène, médicament dont l'État avait, à l'époque, décidé la mise sur le marché. Plus d'un an après, les textes d'application de mesures décidées par le Parlement ne sont toujours pas parus. Et, lorsque l'on interroge le ministère, il nous est répondu qu'il faut attendre les conclusions du groupe de travail, que le problème est plus vaste qu'il n'y paraît et que certaines conséquences n'ont pas été analysées... Et, de groupe de travail en groupe de travail, la loi n'est pas appliquée.
Une réflexion sur cette question est donc nécessaire si l'on veut que l'État fonctionne bien.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques observations que je voulais formuler à l'occasion de l'examen de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, intervenant sur le budget de la mission « Administration générale et territoriale », je souhaite plus particulièrement insister sur le projet à venir concernant les passeports et les cartes d'identité biométriques.
Monsieur le ministre, depuis que le forum des droits de l'Internet a remis son rapport au mois de juin dernier, on a l'impression que ce projet INES - identité nationale électronique sécurisée - est gelé.
Ce projet vise à introduire deux éléments biométriques, une photographie numérisée et une image des empreintes digitales dans une carte nationale d'identité munie d'un microprocesseur. Il tend également à simplifier et à sécuriser la délivrance de ce futur titre.
D'autres pays européens travaillent sur cette question et envisagent d'introduire de tels documents d'identité. Certains les ont déjà instaurés - je pense à la Grande-Bretagne -, non sans un certain nombre de difficultés sur le plan technique comme au niveau des débats au Parlement.
La France en est au stade de la réflexion et des études. En septembre, à l'occasion du forum mondial sur la démocratie électronique, M. Chambon, le directeur du projet ACTES à la direction générale des collectivités locales du ministère de l'intérieur, a affirmé que cette future carte d'identité, dont la mise en place est prévue d'ici à 2008, serait bel et bien électronique et biométrique : elle comprendra les deux éléments biométriques dont j'ai parlé et elle sera aussi dotée de la capacité de signature électronique.
Vous semblez également vous engager dans la voie d'un traitement automatisé et d'une centralisation des données personnelles. Toutefois, selon le ministère, un accès illégitime aux informations serait impossible et il ne serait pas non plus possible de remonter des empreintes à l'identité. Si tel est le cas, nous nous en réjouissons.
Mais il est légitime que nous nous posions un certain nombre de questions. Quelles seront les informations enregistrées dans ce registre national ? Quelles seront les administrations qui auront accès à ces informations, et selon quelles règles ? Ces interrogations sont évidemment nombreuses et rejoignent celles de notre collègue Alex Türk.
Je souhaite notamment obtenir des explications en ce qui concerne la question de la centralisation des données personnelles. J'aimerais, en particulier, savoir quel sera le rôle de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, en matière de contrôle de l'utilisation de ce registre.
Les crédits alloués à la CNIL, dont le montant s'élèvera à 9 millions d'euros en 2006 - c'est l'action n° 5 du programme 213 -, seront-ils abondés pour permettre à la CNIL de mener ce travail de contrôle des données incluses dans les fichiers centralisés ?
Sur le plan technique, je me réjouis de constater que, à l'inverse de ce qui était initialement prévu, la lecture « sur place » - c'est-à-dire à l'aide d'un petit appareil dont seront dotées en particulier les forces de l'ordre - de la future carte nationale d'identité serait privilégiée par rapport à la lecture à distance. Cette technique aura au moins pour effet de limiter le risque de traçage systématique de nos concitoyens !
Le coût de la mise en place de la nouvelle carte est estimé à 200 millions d'euros par an, y compris les investissements de départ. Pourriez-vous nous confirmer ce chiffre et nous donner le coût unitaire des titres qui seront ainsi délivrés ?
Pour 2006, le coût de la conduite du projet est estimé à 1,62 millions d'euros en crédits de paiement. Ces crédits, imputés sur les crédits d'investissement pour l'informatique de l'action n° 2, seront destinés à l'élaboration du montage juridique et financier du projet INES.
D'après mes informations - confirmées par le document budgétaire -, ce montage prendrait la forme d'un partenariat public-privé. Pouvez-vous le confirmer, monsieur le ministres, et nous donner davantage de détails sur ce point ?
En outre, votre administration souhaite conduire un certain nombre d'études et, si celles-ci aboutissent, passer un premier marché public de développement et de fourniture d'équipements.
Pour ce faire, 60 millions d'euros en autorisations d'engagement ont été ouverts, mais seulement 1,6 million d'euros en crédits de paiement. Il y a donc une différence assez sensible ! Ces crédits devraient servir en particulier à l'achat de ces fameux boîtiers de lecture de cartes, dont j'ai parlé à l'instant.
Je m'interroge toutefois sur la pertinence cette action. En effet, pour quelle raison acheter ces boîtiers alors même que la norme des nouvelles cartes d'identité n'est pas encore totalement définie et que ces cartes ne seront opérationnelles que vers la fin de 2006 ?
Enfin, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les études que vous souhaitez mener dans ce domaine ?
Voilà, monsieur le ministre, les questions que je souhaitais vous poser sur ce projet important pour l'ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous présenter, au nom de Nicolas Sarkozy, les crédits que le ministère de l'intérieur consacrera en 2006 à l'administration générale et territoriale de l'État.
Je voudrais tout d'abord remercier les rapporteurs, Henri de Raincourt et José Balarello, pour le travail remarquable qu'ils ont effectué et pour leurs observations si pertinentes, dont je compte bien que nous tirerons ensemble le plus grand profit.
MM. Balarello et Cambon ont rappelé que l'administration territoriale savait se moderniser. Les téléprocédures sont aujourd'hui le quotidien des préfectures et, comme vous, monsieur Cambon, nous souhaitons que leur usage se développe davantage.
Comme vous l'indiquez, l'application ACTES, qui permet la transmission par la voie électronique des actes des collectivités locales, va améliorer le fonctionnement du contrôle de légalité dans les préfectures.
Je tiens à dire à Mme Mathon que, si les téléprocédures se développent, elles permettent également de dégager du temps pour mieux accueillir ceux qui ne peuvent pas ou ne savent pas bien les utiliser.
En outre, grâce au nouveau système d'immatriculation des véhicules, près de 60 % des 23 millions d'opérations touchant à l'immatriculation seront bientôt dématérialisées. Cela signifie très concrètement, monsieur Sueur, que nous nous avançons.
La modernisation s'applique aussi aux documents d'identité, monsieur Yung. Quelles que soient les polémiques, nous sommes convaincus que, d'ici à une décennie, tous ces documents seront sécurisés par des moyens biométriques. C'est là une nécessité impérieuse, particulièrement face aux risques de fraude et aux coûts - pas seulement financiers, d'ailleurs - que cette fraude engendre.
C'est aussi une exigence de sécurité que nous devons aux Français.
Déjà, le visa biométrique est en cours de mise en oeuvre dans les consulats et au sein de la police aux frontières, nous l'avons évoqué mardi devant la Haute Assemblée lors de l'examen des crédits de la mission « Sécurité ».
Notre objectif est qu'il en soit de même dans les plus brefs délais pour les passeports électroniques. Toutefois, comme vous le savez, la procédure destinée à attribuer le marché de personnalisation des passeports électroniques a été provisoirement suspendue par le juge administratif. Le Gouvernement explore cependant toutes les voies permettant de reprendre cette procédure et d'aboutir très rapidement à la production de ces passeports.
Je tiens à vous apporter des précisions sur ce dossier, qui provoque une vive inquiétude parmi les salariés de l'Imprimerie nationale et la population du douaisis.
Tout d'abord, ce projet résulte d'obligations internationales, notamment de la décision américaine d'exiger à compter du 26 octobre 2005 que les passeports produits après cette date soient sécurisés, l'absence de sécurisation se traduisant par l'obligation d'obtenir un visa, y compris pour les passagers en transit.
Le ministère de l'intérieur a donc organisé, dans le respect du code des marchés publics, une consultation en vue de la production de tels passeports. Dans le cadre de cette consultation, l'Imprimerie nationale n'a pas été retenue par le comité d'experts chargé d'analyser les offres.
Pour autant, le plan de charge de l'entreprise n'est pas compromis, puisque celle-ci conserve, exactement comme aujourd'hui, la production des livrets vierges de ces passeports. Or leur nombre va augmenter mécaniquement avec le nombre de renouvellements, et le chiffre d'affaires associé augmentera également, puisque les documents vierges seront plus complexes, et que leur coût sera donc plus élevé. Il n'y a donc aucune menace, ni sur l'activité ni sur le chiffres d'affaires.
Le passeport électronique constitue la première étape d'une modernisation plus globale des titres d'identité.
Des éléments de biométrie seront, à terme, introduits dans la carte nationale d'identité, selon des modalités juridiques et financières qui doivent être précisées. Il est encore trop tôt, monsieur Yung, pour développer ces différents points. Mais, comme nous l'avons fait par le passé, ces modalités, notamment techniques, seront publiquement et longuement débattues.
Le prix du futur contrat dépendra du schéma qui sera retenu ; nous n'avons donc prévu à ce stade que des études.
La modernisation de l'État passe aussi, vous l'avez noté, monsieur Balarello, par le développement du vote électronique, en espérant que ce moyen constitue une réponse à l'abstention.
Après l'expérience de vote par Internet menée en 2003 pour le Conseil supérieur des Français de l'étranger, deux nouvelles expérimentations ont été conduites, d'abord pour les élections aux chambres de commerce, puis pour certains conseils d'université.
Un appel d'offres a également été lancé pour la fourniture en 2006 d'un système de vote par Internet applicable à l'élection de l'Assemblée des Français de l'étranger dans la zone Europe-Asie-Levant.
La prochaine étape concerne l'extension du vote électronique à des élections politiques. Pour cela, nous sommes en train de nous assurer de l'inviolabilité des réseaux et du respect du caractère personnel du vote, qui est évidemment indispensable.
Monsieur de Raincourt, madame Mathon, vous avez évoqué la question du transfert de l'ordonnancement des dépenses vers les juridictions judiciaires. Je vais donc vous livrer sur ce point quelques réflexions qui me tiennent à coeur.
Premièrement, comme vous l'avez indiqué, le transfert des dépenses des tribunaux n'allégera que de manière très marginale la charge de travail des préfectures, puisqu'elles auront aussi à gérer toutes les dépenses d'autres ministères dont la gestion leur a été confiée. Elles ne peuvent donc pas rendre d'emplois à ce titre, et ce transfert sera en réalité facteur de surcoûts et non d'économies. Je le déplore, mais je constate qu'il s'est fait à la demande du ministère de la justice, qui n'avait alors demandé aucun transfert d'emplois.
Vous proposez, monsieur de Raincourt, une mission de contrôle budgétaire sur les moyens de fonctionnement dans les préfectures et les sous-préfectures. C'est une démarche intéressante, et vous pouvez compter sur notre entier soutien.
Je signale toutefois que, pour 2006, le ministre d'État a fait le choix, comme les années précédentes, de reconduire les crédits de fonctionnement des préfectures. En effet, le principe de la LOLF - et de la globalisation des préfectures avant elle - est de laisser aux préfets une autonomie dans la gestion de leurs crédits, notamment entre le fonctionnement et l'investissement. Les finances publiques s'en sont jusque ici plutôt bien portées, mais nous étudierons avec intérêt les propositions que vous serez amenées à formuler.
S'agissant des indicateurs de performance, que MM. les rapporteurs ont étudiés avec beaucoup d'attention, je souhaite faire quelques observations.
Tout d'abord, je veux rappeler que les préfectures ont été les précurseurs d'une gestion construite selon les principes qui se généralisent aujourd'hui dans le cadre de la LOLF.
Il faut donc songer à rendre un hommage appuyé à la capacité d'adaptation des personnels des préfectures, qui n'ont pas craint d'ouvrir la voie et qui ont vu leurs efforts récompensés.
Les marges de manoeuvre significatives qui ont été dégagées ont pu être attribuées à la reconnaissance des mérites des agents, mais aussi à l'amélioration de l'outil de travail et de l'accueil du public.
J'associe à cet hommage les membres du corps préfectoral, que vous avez eu raison, monsieur Cambon, de saluer. Eux aussi ont su évoluer pour mieux servir les Français, tout en conservant les qualités d'efficacité, de disponibilité et d'initiative que chacun s'accorde à leur reconnaître.
À cet égard, les sous-préfectures, madame Mathon, sont l'indispensable échelon de proximité de l'État, et elles ne sont aucunement menacées.
Quant à l'indépendance des préfets - ou plus exactement de l'un d'entre eux -, rien ne vous autorise, monsieur Sueur, à la mettre en doute. Vous nous faites là un mauvais procès d'intention, et je suis curieux de connaître les mesures que vous aviez vous-même prises, lorsque vous étiez membre du Gouvernement, vis-à-vis du préfet du département dans lequel vous exerciez des responsabilités électives. Je serais très intéressé de connaître le fruit de vos réflexions et de vos méditations à ce sujet ! (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
MM. de Raincourt et Balarello ont souhaité évoquer les pistes d'évolution des indicateurs. À cet égard, M. Sueur a glosé sur le jargon utilisé, mais c'était une facilité oratoire : seul le fond doit nous occuper en l'occurrence.
Il faut toutefois veiller à ce que deux critères soient remplis.
Tout d'abord, les indicateurs doivent pouvoir être mesurés. Cela nécessite parfois des évolutions de nos systèmes d'information, et donc un délai de mise en oeuvre. C'est pour cette raison, monsieur Balarello, que cinq des douze indicateurs retenus ne sont pas encore renseignés, mais ils le seront dès le mois de février 2006.
Ensuite, les responsables de programmes doivent avoir une véritable prise sur les résultats obtenus. S'agissant, par exemple, du coût unitaire que vous proposez de retenir pour les documents établis dans les préfectures, monsieur de Raincourt, je crains que les préfectures n'aient pas entièrement les moyens de le maîtriser. Ainsi, l'augmentation de 33 % constatée ces trois dernières années s'explique notamment par le surcoût, non pas maîtrisé par les préfectures, du transport sécurisé des titres.
Bien évidemment, il faut aussi que ces indicateurs soient un vrai reflet de l'efficacité de l'action des services : ainsi, j'admets volontiers que le délai d'envoi au Premier ministre du décret répartissant l'aide aux partis ne saurait suffire à mesurer la performance de la mission relative à la vie politique, mais il faut toutefois rappeler que ces aides représentent une part extrêmement importante des ressources des partis, et que la rapidité de leur versement n'est donc pas totalement neutre.
Par ailleurs, il nous paraît utile que les rapports de l'Inspection générale de l'administration, l'IGA, ne restent pas sans suite. Bien entendu, ni le Gouvernement ni le Parlement ne sont tenus de leur donner des suites, mais si un rapport est suivi d'effets, c'est souvent parce que ses préconisations sont pertinentes et opérationnelles. C'est donc un bon indicateur de l'efficacité de l'inspection. Au demeurant, se débarrasser du « classement vertical » constitue un véritable objectif de réforme de l'État... (Sourires.)
Vous vous étonnez, enfin, de l'objectif assigné à la direction des affaires juridiques de répondre à 70 % des consultations des services. Mais il ne sert à rien de se voiler la face : si nous voulons améliorer le fonctionnement de l'administration, c'est indispensable !
Il est vrai que cette direction est absorbée par ses missions normatives et contentieuses, au point de ne pouvoir répondre en temps réel à l'ensemble des consultations juridiques qui lui sont adressées. Nous nous emploierons donc à y remédier, même si j'ai bien conscience qu'il s'agit sans doute d'un voeu pieux...
Vous avez regretté, monsieur de Raincourt, que le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » réponde davantage à une logique de ministère qu'à une logique de mission.
Vous avez sans doute raison eu égard à l'esprit de la LOLF, mais le choix de conserver des programmes de soutien a été fait par le Gouvernement pour de nombreuses missions.
Dans le cas présent, vous pouvez noter que, précisément, notre objectif affiché est de réduire à la fois la taille et le coût du programme : moins de moyens de « soutien », plus d'activités opérationnelles.
S'agissant, à présent, de la Fondation des oeuvres de l'Islam de France, sur laquelle M. Balarello a souhaité obtenir des précisions, je rappellerai qu'elle a été reconnue d'utilité publique par un décret du 26 juillet dernier. Il appartient maintenant aux quatre associations signataires des statuts de cette instance de procéder, comme c'est leur responsabilité, à la constitution des organes dirigeants. Le ministère de l'intérieur facilite cette démarche, qui devrait aboutir prochainement.
Permettez-moi cependant de préciser, monsieur Balarello, que ce dossier est naturellement sans incidence sur le projet de budget que nous examinons aujourd'hui.
A été aussi évoqué le rôle des associations pour la cohésion sociale, notamment dans les quartiers sensibles. L'effort en direction des associations des quartiers va être renforcé, à concurrence de 100 millions d'euros.
Le ministre d'État estime cependant qu'il est indispensable, simultanément, d'améliorer l'efficacité de ces subventions. En effet, dans le cadre de la préparation du plan de prévention de la délinquance, qu'il présentera prochainement, Nicolas Sarkozy préconise que les préfets disposent d'une enveloppe globale et fongible pour allouer des fonds aux collectivités en fonction d'un programme d'ensemble pour la prévention de la délinquance sur leur territoire, et non plus d'enveloppes fragmentées par action.
Par ailleurs, une plus grande sélectivité devrait être appliquée pour repérer d'éventuelles pratiques frauduleuses et pour faire un tri entre les associations qui prônent un enfermement communautaire et celles qui contribuent activement à affermir les valeurs de la République au coeur des quartiers.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Vous vous êtes également interrogé, monsieur Balarello, sur les moyens mis en oeuvre pour réduire la part des loyers dans les dépenses de fonctionnement de l'administration centrale.
Je précise qu'un schéma directeur immobilier de l'administration centrale sera très prochainement mis au point. Il prévoit une rationalisation de l'implantation des services centraux autour de quatre pôles : ministre, police active, renseignement et administration.
La première étape de ce plan sera mise en oeuvre dès 2006, avec l'implantation du pôle « renseignement » à Levallois-Perret, dans les Hauts-de-Seine, ce qui n'aura pas échappé à M. Karoutchi ! (M. Roger Karoutchi le confirme.) Cette opération permettra de libérer 17 000 mètres carrés...
En ce qui concerne le programme « Interventions territoriales de l'État », monsieur Sueur, il s'agit d'une démarche expérimentale de globalisation interministérielle des crédits à l'échelon local. Je vous indique cependant très nettement que nous irons certainement beaucoup plus loin dès que ce programme aura montré son efficacité, ce qui, dans mon esprit, ne fait aucun doute.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Reconnaissez tout de même que les 135 millions d'euros qu'il est prévu de consacrer dans un premier temps à ce programme ne représentent pas une petite somme ! Cela témoigne à la fois de notre volonté et de notre confiance dans la pertinence de ce programme.
En ce qui concerne, monsieur Sueur, la promotion des agents, il est vrai qu'une baisse des crédits affectés à la formation a été enregistrée en 2004. Cela est incontestable, mais les moyens alloués à ce titre sont en voie de redressement : en 2005, 4,4 millions d'euros sont consacrés à l'effort de formation, soit une augmentation de 2,3 %.
À cet égard, la première priorité, pour l'année 2006, sera l'accompagnement du plan de requalification qui a été mis en place pour le personnel. La deuxième priorité sera l'achèvement de la mise en oeuvre du schéma directeur 2004-2006 de formation en matière de systèmes d'information, c'est-à-dire tout ce qui a trait à l'informatique.
Voilà, monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je souhaitais dire pour présenter la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». J'insiste pour conclure sur le fait qu'elle illustre très concrètement, à mes yeux, la volonté du ministre d'État que le ministère de l'intérieur continue à être exemplaire, en plaçant son organisation et son fonctionnement sous le signe de l'innovation, de la responsabilité et de la performance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 2 555 519 767 euros ;
Crédits de paiement : 2 211 873 804 euros.
M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission.
M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste vote contre.
M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».
relations avec les collectivités territoriales
compte de concours financiers : avances aux collectivités territoriales
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 82, 83, 84, 84 bis, 84 ter, 84 quater, 84 quinquies et 85), et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ce débat relatif aux relations de l'État avec les collectivités territoriales intervient après le débat sur les recettes des collectivités territoriales qui nous avait réunis la semaine dernière, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, et qui portait, dans une large mesure, sur le même sujet. De surcroît, nous consacrerons la journée de samedi prochain, voire, si M. le président de la commission des finances le veut bien, la nuit et le dimanche suivants (Sourires), à l'examen de l'article 67 de la seconde partie du projet de loi de finances, relatif à la réforme de la taxe professionnelle.
Par conséquent, puisqu'il ne faut pas abuser des meilleures choses, il convient ce soir de ne pas répéter ce que l'on a déjà dit et de ne pas anticiper sur ce que l'on dira dans quelques jours. Je me bornerai donc à formuler quelques brèves observations, d'autant que la mission « Relations avec les collectivités territoriales » a un intitulé certes imposant, mais largement surfait.
En effet, on ne peut pas réduire les relations que l'État entretient, sur le plan financier, avec les collectivités territoriales aux seuls 2,9 milliards d'euros de crédits affectés à la mission qui nous occupe, les prélèvements sur recettes constituant, bien entendu, l'essentiel des masses financières mises en jeu à ce titre. C'est là aussi un sujet qui intéresse les collectivités territoriales, mais nous aurons l'occasion d'y revenir samedi prochain.
En ce qui concerne la mission proprement dite, je ferai tout d'abord observer que les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales se prêtent mal à la démarche de la LOLF,...
Mme Nicole Bricq. C'est exact !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. ... et ce pour une raison simple : ces relations sont largement - presque complètement ! - réglées par la loi. Ainsi, le seul contrôle que nous ayons à exercer porte sur le respect, par le Gouvernement, de toutes les obligations que la loi lui impose s'agissant du calcul des dotations.
Pour vous être très agréable, monsieur le ministre, je dirai que non seulement vous avez pleinement satisfait aux prescriptions légales - vous ne pouviez d'ailleurs pas faire autrement -, mais que vous l'avez fait de bonne grâce et que vous êtes même allé au-delà, en maintenant le principe du contrat de solidarité et de croissance.
Ces remarques étant faites, j'indiquerai que la commission des finances vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir approuver les crédits présentés.
Vous trouverez dans le rapport écrit les commentaires techniques pouvant compléter mes quelques brèves observations. Je me contenterai, en cet instant, de répéter que, me faisant le porte-parole de la décision de la commission des finances, je propose au Sénat d'approuver les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. C'est le service minimum ! Nous restons sur notre faim !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais essayer d'être aussi bref que M. Mercier, ce qui nous permettra de gagner du temps ! (Sourires.)
Ainsi que je l'ai indiqué au cours du débat sur les recettes des collectivités territoriales organisé lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, je n'évoquerai ce soir que les incidences de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Elles s'avèrent assez marginales, ce qui constitue d'ailleurs, pour la commission des lois, un motif d'interrogations.
Tout d'abord, la nouvelle nomenclature budgétaire se prête mal à l'analyse des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales : près des trois quarts des concours financiers versés aux collectivités territoriales prennent la forme de prélèvements sur recettes et figurent dans la première partie du projet de loi de finances.
La mission « Relations avec les collectivités territoriales » retrace uniquement les dotations inscrites au budget du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, leur montant étant fixé à 2,9 milliards d'euros.
En outre, certains crédits budgétaires alloués aux collectivités territoriales sont rattachés à d'autres missions encore, placées sous la responsabilité d'autres ministères que le ministère de l'intérieur : je pense, par exemple, à la dotation générale de décentralisation versée au titre des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la culture.
Enfin, les dispositions affectant la fiscalité locale que comporte généralement tout projet de loi de finances ne peuvent être ignorées. Mais je n'évoquerai pas ici la réforme de la taxe professionnelle, nous en débattrons longuement samedi prochain...
Si les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales n'ont pu être regroupés au sein d'une seule mission, des objectifs de performance leur ont été assignés et des indicateurs ont été créés pour apprécier les résultats obtenus.
S'agissant des dotations budgétaires, c'est-à-dire des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », les objectifs et indicateurs de performances ne sont guère nombreux, et quelques-uns d'entre eux sont sûrement perfectibles.
Tout d'abord, aucun indicateur n'a été prévu ni pour la dotation générale de décentralisation, ni pour la dotation départementale d'équipement des collèges, ni pour la dotation régionale d'équipement des lycées, de sorte que le programme « Concours financiers aux régions » en est totalement dépourvu. L'explication avancée tient au fait que ces dotations ont pour objet de compenser les charges des collectivités territoriales résultant de transferts, de créations et d'extensions de compétences.
Ensuite, la plupart des indicateurs retenus sont encore en construction. Aussi l'annexe au projet de loi de finances comporte-t-elle peu d'éléments d'information.
Enfin, certains de ces indicateurs semblent peu pertinents ou méritent d'être précisés.
À titre d'exemple, les délais d'élaboration des décrets relevant de la responsabilité de la direction générale des collectivités locales ne présentent qu'un intérêt limité, dans la mesure où rares sont les textes d'application des lois de décentralisation qui relèvent de la seule compétence du ministère de l'intérieur.
De la même façon, le nombre et la durée des connexions aux sites Intranet et Internet de la direction générale des collectivités locales ne permettent pas de savoir si les visiteurs y trouvent les informations qu'ils recherchent.
Par ailleurs, la loi organique relative aux lois de finances n'impose pas d'objectifs et d'indicateurs de résultats pour les prélèvements sur recettes. L'importance des montants en cause a toutefois conduit le Gouvernement à en prévoir, ce dont je me félicite.
Trois objectifs sont ainsi assignés aux concours financiers de l'État aux collectivités territoriales et à leurs groupements : premièrement, accroître le degré d'intégration des établissements publics de coopération intercommunale ; deuxièmement, poursuivre la couverture du territoire par l'intercommunalité ; troisièmement, assurer la péréquation des ressources entre collectivités.
La péréquation constitue désormais une exigence constitutionnelle. La nécessité de la renforcer est unanimement reconnue, et diverses mesures ont été prises au cours des dernières années pour y parvenir. Nous en avons d'ailleurs longuement débattu.
Permettez-moi, dans ces conditions, d'évoquer plus particulièrement la coopération intercommunale.
Son développement s'avère indispensable afin de permettre aux communes de mutualiser leurs moyens pour l'exercice de leurs compétences.
Toutefois, elle est actuellement très décriée, pour trois raisons principales. Premièrement, le périmètre de certains établissements manque de pertinence. Deuxièmement, loin de favoriser des économies d'échelle, leur création génère des surcoûts, et c'est souvent le vrai problème
M. Jean-Pierre Sueur. On l'a dit depuis longtemps !
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Certes, on l'a déjà dit, mais cela reste vrai, cher collègue !
Troisièmement, l'intérêt communautaire, qui constitue la ligne de partage entre les compétences transférées à un établissement et celles qui sont conservées par ses communes membres, n'est pas toujours bien défini.
Pour remédier à ces difficultés, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a prévu diverses mesures.
Une gestion commune des personnels et des équipements entre les communes et leurs établissements a ainsi été autorisée pour favoriser les économies d'échelle.
Par ailleurs, des possibilités de fusion et de transformation des structures existantes, dans un but de rationalisation, ont été instituées. Toutefois, elles n'ont encore guère été utilisées
Enfin, un délai a été imposé aux communes pour définir l'intérêt communautaire qui s'attache à l'exercice de telle ou telle compétence transférée à l'établissement dont elles sont membres. Passé ce délai, qui a été reporté au 18 août 2006 par la loi d'orientation sur l'énergie, l'ensemble de la compétence sera exercé par l'établissement.
Les concours financiers de l'État aux communes et à leurs groupements ont eux aussi pour objectif d'accroître le degré d'intégration des établissements publics de coopération intercommunale, et la loi de finances pour 2005 a simplifié les modalités de calcul du coefficient d'intégration fiscale, qui en constitue le principal indicateur.
Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, quel bilan le Gouvernement tire de ces différentes réformes et s'il a l'intention de proposer au Parlement de nouvelles mesures législatives pour conforter la coopération intercommunale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 36 minutes ;
Groupe socialiste, 26 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 16 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
En outre, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose, au total, de vingt-cinq minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, a introduit des changements de périmètre budgétaire.
C'est ainsi que la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représente qu'une faible partie de l'ensemble des recettes versées par l'État aux collectivités territoriales, soit 3 milliards d'euros sur un total de près de 80 milliards d'euros.
Comme le souligne dans ses conclusions M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, il y a certainement là une amélioration à apporter pour améliorer la lisibilité budgétaire s'agissant des relations qui lient l'État aux collectivités.
En outre, les dispositions du présent projet de loi de finances relatives aux collectivités territoriales revêtent une importance très particulière puisqu'elles interviennent dans une période charnière en matière de relations entre l'État et les collectivités territoriales. En effet, l'année 2006 sera la deuxième année d'entrée en vigueur progressive des transferts de compétences résultant de l'acte II de la décentralisation.
Désormais, les collectivités territoriales disposent de plus de responsabilités et apparaissent de plus en plus comme les véritables acteurs du développement local de notre pays. Elles occupent donc une place croissante dans la vie quotidienne de nos concitoyens. C'est pourquoi elles sont un outil incontournable pour réconcilier les Français avec la décision publique.
Malgré un contexte budgétaire difficile, dans lequel la réduction de la dépense publique en volume est un principe directeur nécessaire, il convient de saluer l'effort consenti par le Gouvernement en faveur des collectivités territoriales et des élus locaux qui les pilotent.
A structure constante, les concours de l'État progressent de quelque 5 %, hors fiscalité transférée, pour atteindre un total de 64,5 milliards d'euros. C'est en grande partie le résultat du choix politique de reconduire pour 2006 le pacte dit « de croissance et de solidarité » avec un taux d'indexation de 2,37 %, portant l'enveloppe normée à plus de 43,5 milliards d'euros.
C'est ce même choix qui permet à la dotation globale de fonctionnement, la DGF, d'augmenter de 2,73 %, ce qui représente 1,5 milliard d'euros. Il faut reconnaître que la reconduction du « pacte de croissance et de solidarité » représente un effort considérable pour l'État.
Quant aux transferts de compétences pour 2006, ils représentent un total de 10 milliards d'euros, dont plus de 7 milliards d'euros pour les départements.
Dans cette double période de refondation de la relation État-collectivités territoriales et de conjoncture budgétaire contraignante, ces chiffres attestent que la décentralisation demeure l'une des grandes priorités budgétaires de ce gouvernement.
La part dévolue aux communes et aux intercommunalités devrait permettre de pérenniser la réforme intervenue l'année dernière, en privilégiant la DSU, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale.
Faut-il rappeler que la loi a prévu son augmentation de 120 millions d'euros par an jusqu'en 2009 ? Ce présent projet de loi consolide ce dispositif et prévoit un mécanisme de sortie progressif pour les communes ayant perdu le bénéfice de la DSU.
De plus, le projet de loi de finances pour 2006 prévoit une progression de 15 % de la dotation de solidarité rurale, la DSR, soit l'équivalent de 80 millions d'euros. Désormais, les communes isolées seront éligibles à la seconde fraction de la DSR, et l'augmentation de cette dotation vient compléter la réforme de la dotation de développement rural, la DDR.
La DDR est un outil indispensable pour soutenir les projets de développement économique et social, ou encore les actions en faveur des espaces naturels proposées par les groupements de communes. Les élus ruraux, dont je suis, ne peuvent que se réjouir de l'engagement de la réforme de la DDR, qui permettra de renforcer et de maintenir les services publics en milieu rural.
Sur ce thème, la conférence nationale des services publics en milieu rural, installée l'année dernière par le Premier ministre au congrès de l'Association des maires de France, a rendu son rapport il y a quelques semaines. Elle y réaffirme que l'enjeu permanent de l'aménagement du territoire dans les zones rurales, l'attente des populations rurales en termes de services publics et l'accompagnement des efforts de développement initiés par les élus locaux nécessitent un effort de solidarité nationale et la mise en oeuvre d'un mécanisme de péréquation.
Elle prône notamment la mise en oeuvre, par l'État, d'un instrument de financement ad hoc destiné à apporter une aide pérenne à des projets de réorganisation ou de création de services publics ou au public, et à adapter l'offre de service public aux spécificités d'un territoire.
Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, les suites qu'entend donner le Gouvernement aux mesures contenues dans ce rapport, et plus particulièrement à cette proposition d'instaurer une dotation pour financer des projets visant au maintien des services publics sur l'ensemble du territoire ?
À un moment où l'urgence de l'actualité nous conduit à renforcer notre politique de la ville et à débloquer des moyens budgétaires exceptionnels en faveur des banlieues des grandes villes, il faut préciser que cela ne se fera pas au détriment de nos communes et de nos territoires ruraux qui, eux aussi, sont confrontés à de réelles et sérieuses difficultés économiques et sociales. Les problèmes ne sont pas seulement là où il y a de la violence, du bruit et de l'agitation : je crois que cela devait être précisé.
Aussi, je tiens véritablement à souligner les efforts faits par ce gouvernement en faveur de la ruralité, notamment à travers les dotations et l'indispensable péréquation financière des ressources, dont l'efficacité des dispositifs a été saluée par une récente étude du Commissariat général au Plan.
Malgré un contexte budgétaire difficile, le budget de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » est de nature à rassurer les collectivités territoriales, notamment les communes rurales. C'est pourquoi je lui apporterai mon soutien. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de cette mission va donner lieu à de vives et longues discussions étant donné les problèmes fiscaux et financiers des collectivités territoriales soulevés, d'une part, par la loi de décentralisation du 13 août 2004 et, d'autre part, par les choix budgétaires du Gouvernement.
L'autonomie financière des collectivités territoriales se retrouve fortement remise en cause par la loi relative aux libertés et responsabilités locales.
Les transferts de compétences instaurés par cette loi de décentralisation ne sont pas accompagnés des transferts financiers suffisants, ce qui est maintenant un problème récurrent. Je ne m'attarderai donc pas sur ce constat, partagé par tous les élus locaux : le compte n'y est pas !
Les compétences dévolues aux collectivités territoriales sont plus nombreuses et l'augmentation des charges grève sérieusement les finances locales, ce qui explique en partie les hausses conséquentes de la fiscalité locale intervenues cette année.
L'autonomie financière des collectivités locales est également remise en cause par le manque de recettes versées par l'État. De plus, ces recettes tendent à augmenter moins rapidement que par le passé. Ainsi, l'enveloppe de la dotation globale de fonctionnement devrait croître de 2,73 % en 2006, contre 3,29 % cette année.
Il n'est pas surréaliste d'imaginer que cette perte de recettes pour les collectivités locales soit durable.
De même, l'insuffisance des compensations financières des transferts de compétences vers les départements, qui doivent assumer les mesures sociales les plus lourdes et les plus évolutives - le RMI-RMA, l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH - aura forcément une incidence sur toutes les autres collectivités locales.
Le transfert des personnels aggrave les problèmes. En effet, l'échéance au 1er janvier 2006 de la mise en oeuvre du droit d'option rend fébriles les élus locaux et justifie l'inquiétude des personnels de la fonction publique face à l'incertitude de leur devenir. Tout cela nous incite à redemander un moratoire à ce sujet.
Nous avions alerté le Gouvernement sur les conséquences financières de la décentralisation, mais nos craintes n'ont pas été prises en compte.
Aujourd'hui, ce sont tous les élus locaux qui critiquent les modalités d'application de cette réforme, face aux réalités budgétaires des collectivités locales.
La perte de recettes pour les collectivités a également été confirmée par deux études, rendues successivement à un mois d'intervalle, entre octobre et novembre, par deux cabinets d'études
Leur constat est le même. La première étude est claire : le projet de loi de finances pour 2006 conduira à « une nouvelle perte d'autonomie financière pour les collectivités locales ». La seconde étude pointe un autre aspect du problème de l'autonomie financière : « les dépenses transférées ont une dynamique d'évolution supérieure à la croissance de la ressource transférée ».
Par exemple, la progression des recettes de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, s'annonce bien moins rapide que prévue, et c'était prévisible !
Ainsi, nous le voyons, l'autonomie financière des collectivités territoriales est fortement remise en cause, mais elle sera aggravée en 2006 par une forte perte de leur autonomie fiscale.
Ce ne sera certainement pas pour vous une surprise si nous dénonçons les nouvelles mesures fiscales du Gouvernement présentées dans ce projet de loi de finances pour 2006. Je pense en particulier au « bouclier fiscal » et à la réforme de la taxe professionnelle.
Je tiens à affirmer que nous dénonçons ces deux mesures, tout d'abord parce qu'elles s'adressent en priorité aux foyers les plus aisés - mais cela n'est plus une surprise de la part de ce gouvernement ! -, ensuite parce qu'elles viendront inévitablement pénaliser les collectivités locales.
La réforme de la taxe professionnelle se traduira par un plafonnement de 3,5 % de la valeur ajoutée. Au nom de l'« attractivité », il s'agit en réalité d'un avantage supplémentaire consenti aux entreprises, et cela, soit dit en passant, sans contrepartie en termes de création d'emplois.
Si je devais résumer cette réforme de manière plus sommaire, je dirais qu'elle représente moins d'impôt pour les entreprises mais une charge plus importante pour l'État, qui la fait endosser aux collectivités territoriales.
Quelles conséquences sur les établissements publics de coopération intercommunale cette réforme de la taxe professionnelle unique, la TPU, va-t-elle engendrer pour ces collectivités et, par effet de cascade, pour les communes ?
L'impact risque d'être important sur les finances locales, et plus encore sur les finances des communes les plus pauvres : le coût de cette mesure est évalué à 1,5 milliard d'euros, ce qui constitue bien évidemment un important manque à gagner pour toutes les collectivités.
Le mécanisme du « bouclier fiscal » est, lui aussi, extrêmement critiquable, puisqu'il consiste à plafonner à 60 % des revenus le montant total des impôts directs d'un contribuable, englobant l'impôt sur le revenu, l'ISF, la taxe d'habitation, la taxe foncière sur l'habitation principale et même, si l'on en croit ce qui se dit, la contribution sociale généralisée, la CSG...
Outre le fait que l'instauration d'un tel bouclier fiscal sert, entre autres choses, à réformer l'ISF, elle rejaillira négativement sur les finances locales puisque les collectivités supporteront une partie des dégrèvements de la taxe d'habitation et de la taxe foncière.
M. Mercier, rapporteur spécial de cette mission, a fait part en commission des finances de sa crainte de voir les départements n'avoir d'autre choix que d'augmenter ces deux taxes afin de compenser le plafonnement de la taxe professionnelle. Mais les effets d'une telle augmentation risquent d'être faibles si le bouclier fiscal est effectivement mis en application, car en seront exempts les plus riches foyers fiscaux.
Avec les nouvelles mesures fiscales proposées par le Gouvernement, les collectivités territoriales ne disposeront plus des moyens financiers leur permettant non seulement de faire face à leurs compétences, mais surtout de répondre autant que possible à leur raison d'être, c'est-à-dire à la satisfaction des besoins et des aspirations des habitants eux-mêmes.
Le groupe CRC a déposé en ce sens une proposition de loi sur les finances locales, qui vise à répondre à ces exigences simples : assurer aux collectivités locales les moyens financiers de leur action, leur permettre de répondre aux attentes de leurs administrés et, par voie de conséquence, redonner tout son sens à la démocratie locale.
Le rapporteur pour avis de la commission des lois, M. Saugey, appelle de ses voeux une réforme d'ensemble des finances locales. S'il est entendu, le groupe CRC y apportera sa contribution. Mais, pour l'heure, nous voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on aurait pu penser que, depuis l'adoption de la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 et de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, les relations financières entre l'État et lesdites collectivités se seraient considérablement apaisées, mais force est de reconnaître que tel n'est malheureusement pas encore tout à fait le cas.
M. Jean-Pierre Sueur. Hélas !
M. Claude Biwer. Certes, le Gouvernement applique la réforme de la dotation globale de fonctionnement et se conforme au contrat de croissance et de solidarité, qui permet une augmentation de 2,73 % de la DGF en 2006.
Mais cette réforme n'a pas, hélas ! mis fin aux inégalités dans la répartition de la DGF entre, d'un côté, les grandes villes qui perçoivent une dotation abondante - et quelquefois injustifiée pouvant, dans certains cas, s'élever à plusieurs centaines d'euros par habitant -...
Mme Nicole Bricq. Certaines seulement !
M. Claude Biwer. ... et, de l'autre, les petites communes rurales qui perçoivent beaucoup moins et doivent se contenter de quelques euros par habitant.
À cet égard, le gouffre ne cesse de se creuser. Il nous a été indiqué tout à l'heure que la DSU comme la DSR augmentaient de 15 %. Cette progression est importante, je ne le conteste pas, mais elle ne se traduit pas pour autant par une amélioration de la péréquation.
Que dire également de la solidarité à égard des différentes communes : vous avez sciemment privilégié la dotation de solidarité urbaine en l'augmentant de 120 millions d'euros, en estimant que les villes abritant des quartiers difficiles devraient bénéficier plus que d'autres de la solidarité nationale.
Cela part évidemment d'un bon sentiment, mais, à la lumière des récents événements, on peut se demander si le fait de consacrer encore plus d'argent à ces quartiers constitue véritablement la solution pour apaiser le profond malaise qui y règne !
A quoi bon habiter dans des immeubles rénovés ou reconstruits si les habitants ne trouvent pas d'emploi, si les enfants sont en situation d'échec scolaire, ou encore si les diplômés n'arrivent pas à percer sur le marché du travail ? Cette situation relève non pas d'une question d'argent, mais bien d'un changement des mentalités.
Les fonds considérables consacrés à la DSU ont tout naturellement été prélevés sur la masse globale de la DGF, et retirés du même coup aux autres communes, notamment aux communes rurales.
À cet égard, les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2006, sous réserve des décisions qui seront prises par le comité des finances locales, la DSU passerait de 759,6 millions d'euros à 880 millions d'euros, à partager entre quelques dizaines de villes. Or, dans le meilleur des cas, la DSR passerait de 505 millions d'euros à 575 millions d'euros, en augmentation de 15 %, comme je l'évoquais précédemment, mais sur une masse financière bien inférieure, que se partagent plusieurs dizaines de milliers de communes.
Comment peut-on, dans ces conditions, parler de péréquation et d'équité ? Ce fut déjà l'objet du débat de 2004, au cours duquel il nous fut répondu que la péréquation allait s'intensifier. Or ce n'est malheureusement pas le cas.
L'apaisement des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales a également été perturbé par l'annonce de trois mesures très importantes : la réforme de la taxe professionnelle, celle de la taxe foncière sur les propriétés non bâties et l'instauration du « bouclier fiscal » dans le cadre de la réforme de l'impôt sur le revenu.
J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur la réforme de la taxe professionnelle lors de la discussion d'une récente question orale sans débat.
Alors que l'on nous annonçait une grande réforme de cette taxe - que le rapporteur général de notre commission des finances, au demeurant, estimait naguère « infaisable » - voilà que l'on se contente d'instaurer un plafonnement qui s'appliquera à toutes les entreprises, quel que soit leur chiffre d'affaires, à hauteur de 3,5 % de la valeur ajoutée. Cela pose un problème de fond ! En effet, à toute augmentation future du taux de la taxe professionnelle s'appliquant à des entreprises plafonnées situées sur le territoire d'une commune correspondra un nouveau prélèvement pratiqué par l'État sur les ressources de celle-ci.
Le ministre délégué au budget a spécifié plus clairement devant le Sénat que les augmentations et les taux intervenant dans la situation que je viens de décrire « ne rapporteront plus rien » aux collectivités territoriales. Le non-dit, c'est que ces augmentations de taux ne coûteront, en réalité, plus rien au budget de l'État !
Cela signifie, à l'extrême limite, que les collectivités ayant sur leur territoire une majorité d'entreprises plafonnées n'auront plus aucune marge de manoeuvre.
Qu'adviendra-t-il, par ailleurs, des communautés de communes ayant opté pour la taxe professionnelle unique si celle-ci s'applique également à des entreprises plafonnées ? Elles n'auront plus d'autre ressource que d'instaurer des impôts sur les ménages, ce qui n'était tout de même pas le but recherché par le législateur.
Cette mesure pose un problème de principe : une fois de plus, l'autonomie fiscale des collectivités est écornée.
S'agissant de la taxe foncière sur les propriétés non bâties payée par les agriculteurs, vous appliquez un allégement de 20 %, correspondant au taux fixé par le code rural pour la part de taxe que le preneur doit payer au propriétaire, à défaut d'un accord amiable différent. Ainsi, cet allégement profiterait intégralement à l'exploitant, qu'il soit propriétaire ou locataire.
Il donnera lieu à une compensation versée par l'État aux communes et aux EPCI à fiscalité propre, pour un montant estimé à 140 millions d'euros en 2006.
Compte tenu de ma qualité d'ancien exploitant agricole, je ne peux qu'être sensible à cette mesure, qui permettra d'alléger quelque peu le poids de cette taxe pour les agriculteurs ; mais, en tant qu'élu local, jusqu'à la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances, je demeurais partagé. En effet, la taxe foncière sur les propriétés non bâties constitue une ressource importante pour les communes rurales.
Certes, le dispositif que l'on nous propose d'adopter comporte une compensation financière de 140 millions d'euros, mais le passé nous a appris à nous méfier des compensations, qui n'ont jamais de valeur historique permettant leur indexation.
Certaines d'entre elles ont été rognées au fil des ans - je pense à la dotation de compensation de la taxe professionnelle -, d'autres n'ont jamais évolué, d'autres encore ont été calculées de manière telle qu'elles ne correspondaient pas toujours aux charges effectives résultant du transfert de compétences correspondant : l'APA en constitue le meilleur exemple, sans parler du RMI !
Toutefois, sur notre insistance, concernant la taxe foncière sur les propriétés non bâties, le Sénat a finalement obtenu du Gouvernement que cette compensation soit indexée sur l'évolution de la DGF à compter de 2007, ce qui constitue un motif d'apaisement réel.
Enfin, il est prévu dans le projet de loi de finances la mise en oeuvre d'un « bouclier fiscal » visant à plafonner les impôts nationaux et locaux à 60 % du revenu des contribuables, mesure qui devrait profiter à environ 93 000 contribuables et dont le coût serait partagé entre l'État et les collectivités territoriales.
Je ne comprends toujours pas pourquoi on a cru devoir mélanger des impôts d'État et des impôts locaux dans ce bouclier fiscal ! Pour parler clair, l'une des principales raisons de l'évasion fiscale est le caractère parfois confiscatoire du cumul de l'impôt sur le revenu et de l'ISF, mais certainement pas le poids de la taxe foncière et de la taxe d'habitation qui, rappelons-le, est ridiculement faible,... notamment à Paris, sans doute en raison de l'énorme DGF que la capitale reçoit ou de ses abondantes recettes de taxe professionnelle actuellement.
Cette mesure ne doit en aucun cas être mise à la charge des collectivités territoriales !
Dans un récent éditorial, le président de l'Association des maires de France, notre collègue député Jacques Pélissard, a rappelé à juste titre qu'il ne pouvait y avoir de relations fructueuses entre les maires et l'État sans confiance, surtout lorsque l'État est conduit à s'appuyer de plus en plus sur les communes pour assurer la mise en oeuvre des politiques publiques.
Il a reconnu que les finances et la fiscalité locales constituaient des domaines dans lesquels un véritable dialogue restait à nourrir, en rappelant que les interrogations des maires étaient nombreuses à ce sujet et appelaient des réponses rapides, sauf à susciter de profondes incompréhensions.
Je souhaite, pour ma part, que nos débats contribuent à clarifier les intentions du Gouvernement dans ces domaines. Cela me semble d'ailleurs en bonne voie, puisque, sur l'insistance de notre commission des finances et de son président, le ministre délégué au budget a donné son accord à une remise à plat du mode de financement des collectivités territoriales, ce dont je ne peux que me réjouir.
Si tel doit être le cas, il faudra que celui-ci soit, à l'avenir, plus juste et plus équitable. Il conviendra notamment impérativement que les principes constitutionnels de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales et de la péréquation - j'y insiste beaucoup - soient effectivement respectés. (M. Michel Mercier, rapporteur spécial, applaudit.)
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu de l'heure tardive et du temps qui m'est imparti, je me limiterai à trois remarques.
Premièrement, le découpage budgétaire façon LOLF est censé donner une plus grande lisibilité au budget. Constatons, s'agissant d'un domaine aussi important que les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales, qu'il n'en est rien.
Comme l'ont fait remarquer les orateurs précédents, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » porte sur 4,6 % des concours financiers de l'État aux collectivités locales seulement, soit 2,9 milliards d'euros, c'est-à-dire sur tout ce qui ne renvoie pas à un prélèvement sur recettes et à des remboursements ou à des dégrèvements.
Le malheureux élu local - mais il n'en est point ici (Sourires) - qui penserait en tirer une vue claire et synthétique de la politique de l'État envers les collectivités locales en serait donc pour ses frais.
Mme Nicole Bricq. Il aurait du mal !
M. Pierre-Yves Collombat. Nous traitons donc de l'accessoire et non de l'essentiel !
L'essentiel, c'est d'abord la DGF : 38,2 milliards d'euros et 60,3 % des concours.
Toutes les envolées sur les beautés du contrat de croissance et de solidarité, sur l'amélioration de la péréquation entre collectivités - au prix cette année d'un détournement de la régulation de la DGF de 2004 -, tous les micro-perfectionnements ne sauraient nous faire oublier le caractère profondément injuste de l'architecture de cette dotation, particulièrement envers les petites communes.
Le système des strates démographiques, fossilisé lors de la création de la dotation forfaitaire devenue la dotation la plus importante pour le plus grand nombre de nos collectivités, pénalise en effet fortement les communes rurales.
En 2004, un urbain valait 2,5 ruraux. L'année dernière - et j'avais salué cette avancée à cette même tribune - l'écart avait été ramené à 2,2. Mais, sauf erreur de ma part, cet effort de justice ne sera pas poursuivi en 2006.
C'est d'autant moins normal que les charges des communes rurales sont de plus en plus semblables à celles des communes urbaines. En effet, sous l'effet de la pression foncière, de la hausse des loyers et de la difficulté à faire garder les enfants, de plus en plus de personnes, dont certaines sont en grande difficulté, désertent les villes et les agglomérations. Les communes rurales accueillent donc cette population, dont les aspirations - sinon les exigences - demeurent urbaines.
Les communes rurales d'aujourd'hui n'ont plus grand-chose à voir, du moins pour la moitié d'entre elles, avec les communes rurales d'autrefois. Pourtant, financièrement parlant - encore une fois, à quelques microaméliorations de la DGF ou à quelques créations de dispositifs palliatifs supplémentaires près -, rien ne change.
Le choix d'une évolution identique de la DSU et de la DSR, à hauteur de 15,8 % en 2006, est incontestablement positif. On est cependant loin du compte sur l'essentiel.
L'essentiel, je l'ai dit, c'est l'architecture cachée de la DGF. C'est aussi la réduction comme peau de chagrin des bases fiscales sur lesquelles les communes pourront asseoir leur développement futur.
Avec la neutralisation de parts de plus en plus considérables des bases de la taxe professionnelle, la réforme de 2006 vient s'ajouter aux précédentes. Il est à noter qu'elle affecte davantage les départements ruraux et montagnards que les autres : 28,5 % des bases seront plafonnées dans les Hauts-de-Seine contre 71 % dans les Alpes-de-Haute-Provence, 33,4 % dans le Val-d'Oise contre 76 % dans l'Ariège, 32 % dans l'Essonne contre 80 % dans la Manche et 66,8 % dans l'Aveyron. Et je pourrais continuer encore longtemps ma litanie !
La réforme se traduit également par la neutralisation de 20 % des bases du foncier non bâti, ressource non négligeable pour l'ensemble des communes rurales, et même ressource essentielle pour les plus petites communes, puisqu'elle représente 21 % de la fiscalité directe des 21 000 communes de moins de 500 habitants. Entre parenthèses, ce foncier non bâti est d'ailleurs payé à hauteur d'un tiers par les agriculteurs.
Elle se traduit enfin, avec le « bouclier fiscal », dernière trouvaille de ce Gouvernement pour lutter contre la fracture sociale, par la neutralisation des bases de taxe d'habitation et de foncier bâti des immeubles, qui rapportent le plus aux collectivités.
Ma deuxième remarque portera sur ce qui est présenté comme une mesure particulièrement favorable au monde rural, à savoir l'enveloppe de 20 millions d'euros destinée à financer le service public en milieu rural.
Cette disposition semble répondre comme en écho à une préconisation du rapport que vient de remettre au Premier ministre la Conférence nationale des services publics en milieu rural : « L'État, au nom de l'intérêt général, de l'aménagement du territoire et de la péréquation entre les territoires, accompagne cette politique d'amélioration et de développement par des moyens financiers spécifiques. Cela se traduit par la mise à disposition d'une dotation identifiée, lisible et pérenne, destinée à financer tant les charges d'investissement que de fonctionnement des projets retenus. »
Si l'emballage est de qualité, chacun sait qu'il ne s'agit en aucun cas d'un effort supplémentaire de l'État envers les communes rurales, mais seulement du « fléchage » - selon le vocabulaire établi - d'une fraction de la dotation de développement rural.
Au final, il appartient toujours aux ruraux, et parfois aux opérateurs de service public, comme c'est le cas pour La Poste, de puiser sur leurs maigres ressources s'ils persistent à vouloir assurer le maintien de leurs prestations.
Certes, ces crédits n'étaient pas consommés, mais à qui en imputer la faute, sinon à la complexité de la dotation de développement rural ?
Multiplier les contraintes est d'ailleurs devenu une méthode classique pour faire des économies : du fait que les crédits ne sont pas consommés, on tire comme conclusion qu'ils sont inutiles et non pas qu'il faudrait simplifier leurs règles d'attribution ! Ainsi en a-t-il été récemment avec le FNDAE, dont nous sommes loin d'avoir mesuré toutes les conséquences de la suppression.
L'État, contrairement aux déclarations répétitives, n'entend toujours pas déployer une véritable politique de maintien et de développement du service public en zone rurale.
Si tel était le cas, il s'y prendrait autrement, par exemple en abondant le Fonds postal national de péréquation territoriale, car La Poste est un service public essentiel pour le monde rural et une préoccupation première de ses élus. Or, sauf erreur de ma part, le projet de loi de finances pour 2006 ne prévoit rien dans ce sens. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement pour y remédier !
Selon le rapport Larcher, que tout le monde a présent en mémoire, le surcoût du réseau postal rural pour La Poste est de l'ordre de 500 millions d'euros. L'objet d'un fonds de péréquation serait d'en assurer le financement. Or le fonds créé la loi relative à la régulation des activités postales n'est financé qu'à hauteur de 150 millions d'euros, et seulement par La Poste, en contrepartie des exonérations de taxe professionnelle dont elle bénéficie. Autant dire que le réseau rural n'est financé que par les collectivités locales, puisque les exonérations dont bénéficie La Poste sont autant de ressources en moins pour elles !
Lors de la discussion de la loi relative à la régulation des activités postales, toutes les propositions d'abondement du Fonds national postal de péréquation territoriale par le budget de l'État ont été refusées. Ces refus sont d'autant plus injustifiés que la création de la banque postale entraînera des facturations de services entre la maison mère et sa filiale bancaire, donc un surplus de TVA !
Ma troisième remarque concernera l'incidence qu'a le projet de loi sur les finances départementales.
La suppression de la première part de la DGE, après compensation asymétrique, entraînera globalement une perte en 2006 de l'ordre de 30 millions à 50 millions d'euros, selon les estimations. Elle s'élèvera à plus du double en 2007.
C'est peu de chose, me direz-vous. Ce serait peu de chose, en effet, si les budgets départementaux ne devaient supporter eux aussi le choc des mesures que j'ai évoquées précédemment : réformes de la taxe professionnelle et de la taxe sur le foncier non bâti, « bouclier fiscal ». Ce serait peu de chose également s'il n'existait pas des incertitudes quant à l'évolution du RMI et quant aux conséquences du remplacement des anciens contrats aidés par les nouveaux.
En 2005, le Gouvernement, au vu des comptes réels, a consenti aux départements un versement supplémentaire exceptionnel de 470 millions d'euros. L'année prochaine, le différentiel entre les charges compensées et les charges réelles est estimé à 1 milliard d'euros.
Il est question d'un nouveau versement exceptionnel lors du prochain collectif budgétaire, mais l'on ne sait à combien il s'élèvera, ni même si la rallonge de 470 millions d'euros de 2005 sera pérennisée. Peut-être, monsieur le ministre, pourrez-vous nous rassurer sur ce point, car la croissance du rendement de la TIPP sera bien loin d'y suppléer.
Pour conclure, je dirai que, si le projet de loi de finances pour 2006 parvient encore à masquer la misère, les bombes à retardement sont bien en place ! En 2004, comparés aux comptes de l'État et aux comptes sociaux, les comptes des collectivités locales témoignaient d'une insolente santé financière. En deux ans, le Gouvernement y aura mis bon ordre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis au moins cinq exercices budgétaires, et lors de chaque débat concernant directement ou indirectement l'aménagement du territoire et des territoires ruraux, j'essaie d'avancer des propositions pour réduire le « millefeuille », que nous connaissons bien, des compétences locales !
Oui, je cherche régulièrement à atténuer les effets désastreux de ce millefeuille, car il faut bien se résoudre à engager une première réflexion et tenter de lui donner une certaine concrétisation.
J'avais fait part à M. Sarkozy, lors de son premier passage au ministère de l'intérieur, puis lors de son séjour à Bercy, des conclusions d'une étude réalisée sur mon initiative par un groupe d'étudiants, portant - c'était un bon sujet ! - sur la réorganisation de nos territoires.
Je veux ici revenir devant vous, monsieur le ministre, sur un sujet que j'ai déjà évoqué avec plusieurs de vos collègues qui sont également concernés.
Je me livrerai à un premier constat.
Savez-vous, monsieur le ministre, que de nombreux cantons dans nos départements comptent moins de 1 000 habitants ?
Au-delà de son aspect électoral, qui pourrait paraître bassement politicien, et de l'application du seuil de 9 000 habitants fixé pour établir les comptes de campagne, cette situation entraîne des inégalités manifestes. Personne ne peut le nier ! Ainsi, notre pays compte 3 714 cantons. Or 15 % d'entre eux comptent moins de 4 000 habitants, et je ne parle pas de ce canton des Hautes-Alpes qui n'en compte - situation exceptionnelle - que 270 !
Sur cette base, nous avons cherché à établir une nouvelle carte de France avec des cantons représentant environ 4 000 habitants, seuil de viabilité que l'on exige d'ailleurs lors de la constitution des communautés de communes. Il s'agissait là, pour nous, d'une référence.
Prendre en considération cette étude serait une simple mise en cohérence, rendue d'autant plus nécessaire que, sur le fond, le rôle des communautés de communes réduit désormais en proportion celui des conseillers généraux,... pour peu que ces derniers ne les président pas eux-mêmes. En tout état de cause, cela reviendrait à simplifier ce genre de représentativité et, surtout, à éviter d'en superposer les différentes couches.
Je pourrais vous donner des exemples qui vous frapperaient encore davantage : savez-vous ainsi que trois conseillers généraux siègent quelquefois au sein d'une même communauté de communes ? Que faire dans ce cas de figure ? Et c'est une situation que je connais personnellement !
Certes, cette restructuration conduirait à une diminution du nombre d'élus, et donc à une économie très importante qui, calculée sur la durée du mandat de six ans et sur la base des indemnités mensuelles actuelles, représenterait 106 millions d'euros. Cette observation ne peut laisser indifférent le ministre de l'économie et des finances, tout préoccupé qu'il est - nous le sommes tous, d'ailleurs - par la dette considérable du pays et qui nous dit souvent que la France vit au-dessus de ses moyens !
Nicolas Sarkozy, que j'avais saisi de cette proposition alors qu'il était place Beauveau, m'avait alors répondu, en des termes que je considère comme inappropriés, qu'il s'agissait d'un véritable « charcutage » électoral. À Bercy, je lui ai reposé de nouveau la question ; elle est restée cette fois sans réponse.
Pourtant, c'est avec un certain plaisir que j'ai pu lire, le 24 novembre dernier, dans Ouest France, les déclarations qu'il a faites et les propositions qu'il a avancées en vue de réduire ce millefeuille !
Bien entendu, le modeste représentant de la nation que je suis n'a pas eu le pouvoir d'attirer son attention. Le dernier rapport de la Cour des comptes, en revanche, l'a fait revenir sur le sujet !
C'est donc avec un certain intérêt que j'attends vos propositions concrètes, monsieur le ministre, et que je tiens l'étude réalisée par mes soins à votre disposition. Nous jugerons ici ce qui relève de l'imprécation et ce qui relève du courage politique !
Aux actes citoyens !
Monsieur le ministre, ce petit rappel de circonstance étant fait, j'en reviens à notre sujet.
J'ai eu le privilège d'être parmi les tout premiers fondateurs de l'intercommunalité dans notre pays, via la création du premier syndicat de communes le 14 septembre 1960, puis via son prolongement par la formule de la communauté de communes. J'ai également compté parmi les tout premiers créateurs de regroupements pédagogiques.
C'est parce que je crois avoir une certaine expérience, un certain recul, que j'ai quelques raisons d'être surpris, voire choqué, de vos récentes déclarations concernant les communautés de communes, monsieur le ministre. Vous avez dressé un constat « accablant », pour reprendre votre propre terme, et vous avez accusé les communautés de communes d'être source d'inflation fiscale !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. De quelle déclaration s'agit-il ? C'est incroyable !
M. Daniel Goulet. S'il y a malentendu, ne tardez pas à le dissiper, monsieur le ministre, car vos déclarations n'ont pas été bien comprises.
M. Daniel Goulet. Je ne suis pas là pour polémiquer, j'énonce simplement les faits !
Permettez-moi de vous faire part, tout d'abord, de quelques interrogations à propos de ces sévères appréciations - mais le demeureront-elles ?
Qui a incité les communes, parfois de façon comminatoire, à intégrer une communauté de communes ? Qui est responsable du millefeuille des compétences locales que nous dénonçons aujourd'hui ? Qui est responsable - pas vous, sans doute - du délire de finances locales que personne ne peut reformer tant leur degré de complexité est grand ? Qui est responsable de la création des parcs, des « pays » et d'autres structures parfois invertébrées, qui sont des espaces de pouvoirs ou de véritables fiefs électoraux ?
À bien y réfléchir, j'ai l'impression que, dans ce contexte, l'Etat s'est conduit comme un vulgaire organisme de crédit, un de ces organismes qui sont tant décriés depuis peu !
C'est ainsi que, en proposant des incitations - sortes de « carottes fiscales », pardonnez-moi l'expression -, dans le cadre des contrats de pôle, des contrats de pays, des contrats de site, mais sans jamais attirer l'attention des souscripteurs sur les conséquences à terme de ces engagements, il laisse à la charge des collectivités les frais de fonctionnement et les coûts de réalisations plus ou moins justifiées. Il serait d'ailleurs parfois nécessaire de s'interroger sur le bien-fondé de ces dernières !
Monsieur le ministre, porter des appréciations sur la gestion des collectivités en les généralisant sans retenue, sans nuance - mais peut-être encore une fois me démentirez-vous ? -, alors que cette gestion s'apparente parfois à une mission impossible, est injuste à l'égard de ces centaines d'élus locaux qui travaillent sans relâche, sans compter leur peine, pour aménager leur propre territoire !
Ces maires de petites communes, dont nous parlons tant au Sénat, gèrent au marc le franc un budget de ménagère, de peur que l'autorité de tutelle ne sanctionne leurs comptes administratifs difficilement tenables !
Ah, si l'État et nos ministères étaient gérés comme les communes de mon département, Thierry Breton et nous tous ici dormirions d'un sommeil bien plus réparateur ! (Sourires.)
C'est au nom de ces maires que je m'autorise à vous dire, monsieur le ministre : assez de grands-messes, assez d'assises de la démocratie locale et d'états généraux de toute sorte, parfois réalisés à grands frais !
Mme Nicole Bricq. C'est vrai !
M. Daniel Goulet. Assez de colloques, de questionnaires aux 36 000 maires de France, d'appels à de nouvelles initiatives pour savoir quelles mesures il nous faut encore prendre afin de désengorger et de simplifier notre administration territoriale ! Nous avons en notre possession toutes les données. Alors, agissons !
M. Jean-Pierre Sueur. Quel formidable plaidoyer !
M. Daniel Goulet. Le constat est sans appel : ces concertations permanentes posent chaque fois les mêmes questions sans que nous n'obtenions jamais de réponse définitive et déterminante.
Chacun de nous connaît depuis longtemps ce millefeuille des compétences locales et le délire kafkaïen qu'il suscite au sein de nos finances locales ! Nous devons donc faire preuve de courage - de nombreux intervenants l'ont dit ici même avant moi - afin de nous mettre à l'ouvrage et de faire cesser toutes ces inepties devant lesquelles nous nous sentons démunis.
Mais je sais, monsieur le ministre, que vous êtes courageux, que vous conduirez ces réflexions et que vous serez à la tête de ces actions.
M. Jean-Pierre Sueur. Ouf ! (Sourires.)
M. Daniel Goulet. Le courage consiste à décider, et non à renvoyer les élus et leurs désagréments d'un débat à l'autre, comme on le ferait de pommes de terre chaudes.
Rappelons-nous, l'an dernier, de la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux : nous avons été quelques-uns à déposer des amendements, que l'on nous a très vite invités à retirer avec la promesse qu'ils seraient examinés dans un texte ultérieur. Ils ont ensuite été reportés, une fois encore, sur le projet de loi de finances, puis, enfin, sur le texte concernant la réorganisation des services publics...
Ah ! les services publics : parlons-en. On nous a expliqué ici même, au banc du Gouvernement comme à celui de la commission, qu'il fallait les réformer, mais on a refusé d'instaurer un moratoire - alors que personne ici n'y était opposé -, sous prétexte que cela aurait interdit la modernisation, une modernisation à laquelle personne non plus dans cette assemblée, d'ailleurs, ne s'oppose.
Ce que nous refusons, c'est l'autorité de la chose décidée : nous voulons une vraie démocratie locale.
Et voilà qu'aujourd'hui, alors que la majeure partie des fermetures de service public est une réalité, on décide à nouveau de mettre en place un moratoire !
De qui se moque-t-on ? Que doit-on penser de cette décision ? Monsieur le ministre, allez-vous à votre tour préparer une nouvelle concertation ou un autre projet de loi ?
Quoi qu'il en soit, ne décrétez surtout aucun nouveau seuil de viabilité !
À ce propos, permettez-moi de vous donner l'exemple d'une communauté de communes de 3 000 habitants de mon département de l'Orne, celle de Rânes. Il s'agit sans doute de la plus petite communauté de communes de l'Orne, mais elle ferait pâlir d'envie bien des communautés plus grandes, tant ses réussites et son fonctionnement sont exemplaires.
Sans les maires ruraux, mes chers collègues, le tissu rural n'existerait pas. Alors, simplifiez cette mission si difficile qui est la leur au lieu de la rendre plus complexe et plus décourageante !
Si vous le souhaitez, monsieur le ministre, je vous invite à visiter mon département : vous y découvrirez ses 293 000 habitants, ses 41 communautés de communes, ses 5 pays, ses 2 parcs régionaux, ses 505 communes réparties en 40 cantons, ses multiples syndicats spécialisés - dirigés et gérés parfaitement par des dizaines de bénévoles absolument irremplaçables -, et vous verrez que l'ambition et le dynamisme de tous sont des valeurs sûres, indispensables à la revitalisation de notre tissu territorial.
Nos élus locaux sont de véritables passionnés de la chose publique. Il faut le savoir : ils ne cherchent en rien l'assistance des différents pouvoirs de tutelle, ils ne rechignent pas à assumer leurs responsabilités, qui deviennent de plus en plus lourdes et multiples, mais ils ne veulent pas davantage - ils l'expriment unanimement avec force - qu'on leur complique la tâche.
Sans eux, nous en sommes tous convaincus, cette démocratie à la française, qui reste l'une des plus précieuses conquêtes de la République, ne pourrait plus s'exercer normalement. Or, malgré les difficultés que nous connaissons, elle reste l'un des fondements les plus solides et les plus sûrs de l'unité de notre nation !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me souviens de la commission présidée par Pierre Mauroy : nous étions en l'an 2000, à moins que ce ne soit en 1999.
Les membres de cette commission, qui appartenaient à toutes les formations politiques, étaient presque d'accord sur tout,... quand, soudain, M. Jean-Pierre Raffarin, M. Fourcade et quelques autres nous expliquèrent qu'il était impossible de continuer à siéger. Et pourquoi donc ? Parce que le ministre des finances de l'époque, M. Laurent Fabius, venait de décider que l'État supprimerait tel impôt local pour le remplacer par une dotation.
Souvenez-vous, mes chers collègues : à la suite de cette décision « insupportable », MM. Poncelet, Raffarin, Fourcade et bien d'autres cosignèrent une proposition de loi qu'ils présentèrent au cours d'une conférence de presse solennelle afin d'appeler de leurs voeux au respect - enfin ! - de l'autonomie financière des collectivités locales.
Je dois vous avouer que, depuis quelques mois, je pense beaucoup à M. Jean-Pierre Raffarin : devenu Premier ministre, il a en effet déployé une grande énergie pour faire entrer l'autonomie financière dans les moeurs. Il y eut d'abord une loi, puis deux, puis trois. Nous avons même réformé la Constitution, ce qui nous a donné l'occasion de nous pencher sur les ressources propres afin de savoir si leur part devait être « prépondérante » - mais cela eut été trop précis -, « significative », ou « déterminante ». On retint finalement « déterminante », et nous eûmes alors le sentiment d'entrer dans une ère nouvelle.
Finalement, M. Raffarin est parti, et M. de Villepin est arrivé. M. Sarkozy est retourné au ministère de l'intérieur, M. Hortefeux a été nommé ministre délégué aux collectivités territoriales. Et voilà que l'on nous annonce la réforme de la taxe professionnelle et la création du bouclier fiscal,... qui auront pour effet de remplacer l'impôt local par une dotation de l'État.
Je comprends que M. Raffarin ne soit pas présent parmi nous ce soir : il doit être extrêmement gêné de voir son oeuvre ainsi piétinée par ses propres amis !
À l'époque, on a tellement entendu parler de l'autonomie que j'avais fini par penser que celle-ci était devenue la grande cause de la République ! Il m'arrivait d'ailleurs de dire à mes collègues qu'il existait d'autres sujets.
Alors, monsieur le ministre, la seule question que je me dois de vous poser en ce jour est la suivante : pourquoi prenez-vous à ce point le contre-pied de ce qui a été décidé par M. Raffarin ?
La taxe professionnelle et le bouclier fiscal auront trois effets : ces mesures provoqueront un transfert des grandes entreprises vers les PME - qui seront très satisfaites, n'en doutons pas ! -, mais aussi des entreprises vers les ménages, et des ménages aisés vers ceux qui le sont moins. Là, je vous dis « bravo » !
Décidément, je ne comprends pas pourquoi vous faites tout cela.
Ces dispositions s'accompagneront, bien entendu, de leur cortège de discours sur les dotations de compensation. Nous les entendons depuis plus de vingt ans ! Article 1er : « Une dotation compensera... »
Ici, cependant, on ne le dit même pas : on dit plutôt que l'on ne compensera pas tout à fait - la taxe professionnelle retenue sera celle de 2004, l'année 2005 ayant été marquée par un certain nombre d'événements - mais que l'on compensera quand même un peu.
Ensuite, se produira inéluctablement l'éternel phénomène de la dotation qui ne compense pas. À cet égard, il y aurait une thèse à écrire sur le douloureux sort de la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui, de manière géologique, est le réceptacle des décisions de tous les gouvernements qui diminuent ladite taxe professionnelle. Elle a toujours été censée compenser cette diminution, mais elle est inévitablement devenue ce qu'on appelle pudiquement une « variable d'ajustement ». Donc, ce système ne fonctionne pas.
Pourquoi ne pas prendre le problème autrement ? Nous pourrions nous diriger vers une plus grande autonomie des collectivités locales, puisque le fondement du concept de collectivité locale depuis la Révolution est que les élus désignés au suffrage universel, et eux seuls, décident du prélèvement des recettes et de l'affectation des dépenses.
Mais, finalement, nous nous éloignons constamment de cette définition, à laquelle en France - ce n'est pas pareil en Allemagne ou dans d'autres pays - nous avons constamment été attachés.
Le paradoxe du système, c'est que vous allez, une fois de plus, augmenter les dotations de l'État, qui sont déjà très élevées dans le budget.
Le seul argument qui justifie l'importance de ces dotations, c'est que l'État peut créer le contrepoids indispensable à l'autonomie nécessaire des collectivités locales en mettant en oeuvre la péréquation. Or comment se fait-il que, avec autant de dotations, on ait si peu de péréquation ? Tout le problème est là !
Oui, monsieur le ministre, avec les mesures que vous prenez, il y aura moins de péréquation.
Prenons, par exemple, la DGF : la part forfaitaire de cette dotation est peu péréquatrice, précisément parce qu'elle est forfaitaire. Je sais bien qu'un rapport dit le contraire, mais je ne suis pas d'accord avec ses conclusions. Et nous pourrions en débattre longuement, mes chers collègues ! Mais je vous dispenserai de cette argumentation à cette heure tardive.
J'en viens aux dotations à caractère rural.
Il est très important de soutenir le monde rural, mais il faut reconnaître que les dotations ne sont pas toutes aussi péréquatrices qu'on pourrait le souhaiter : je pense notamment aux différents volets de la DSR.
Pour ce qui est de la DSU, je fais partie de ceux qui plaident pour son augmentation. Mme Bricq va d'ailleurs y revenir dans un instant.
Quant à la dotation d'intercommunalité, elle a pour objet de favoriser l'essor du regroupement communal et, que la structure intercommunale soit riche ou pauvre, c'est-à-dire nonobstant les correctifs relatifs au coefficient d'intégration fiscale et à d'autres dispositifs, la dotation n'est pas particulièrement péréquatrice.
Pour finir, je dirai un mot des procès qui sont faits aujourd'hui à l'intercommunalité.
Monsieur le ministre, j'ai moi aussi été fâché de lire certains propos mettant en cause le mouvement de l'intercommunalité. Mais peut-être allez-vous nous apporter des précisions à ce sujet, ce dont je me réjouirais.
Mes chers collègues, comme vous tous, j'ai lu le rapport de la Cour des comptes qui remet en cause les périmètres. Toutefois, quand le Sénat a examiné la loi de 1992 relative à l'administration territoriale de la République, personne ici n'a défendu l'idée selon laquelle on allait imposer ces périmètres ! Et, si les textes sur l'intercommunalité ont pu être adoptés, celui de 1992 comme celui de 1999, c'est justement parce que le principe du respect de la libre volonté des communes était affirmé dès l'article 1er.
Aujourd'hui, il existe des milliers de communautés de communes, de communautés d'agglomération et de communautés urbaines. En dix ans, le mouvement a été formidable, on n'a jamais connu un changement institutionnel d'une aussi grande ampleur en si peu de temps.
Si l'on avait mis en oeuvre les préconisations du rapport de la Cour des comptes et si l'on avait écouté un certain nombre de déclarations, on aurait agi au conditionnel passé. Or le conditionnel passé présente deux défauts : le premier est que c'est le conditionnel, le second que c'est le passé. (Sourires.)
Oui, si l'on avait laissé les préfets imposer les contours de l'intercommunalité, je suis sûr qu'il y aurait eu beaucoup moins de structures créées. Ne regrettons donc pas ce que nous avons fait, car c'est la voie de la modernisation. En effet, il existe beaucoup de compétences, et une commune, qu'elle soit petite ou de taille moyenne, ne peut pas les exercer seule. Elle doit donc se regrouper avec d'autres afin de mettre en commun les potentiels de chacun. C'est même la condition sine qua non si l'on veut qu'elles puissent continuer à vivre !
Il faut aller de l'avant. Malheureusement, les mesures qui sont prises en matière de taxe professionnelle porteront un rude coup à l'intercommunalité et les communautés de communes, dont c'est la principale ressource, se retrouveront en difficulté s'il n'y a pas de compensation. Certaines d'entre elles envisagent déjà, d'ailleurs, de revenir en arrière, ce qui est très regrettable.
Avec ce projet de loi de finances, il y a moins d'autonomie, moins de justice, moins de péréquation. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la Constitution dispose, en son article 72-2, dernier alinéa, que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ». Cet alinéa est limpide : il prévoit bien la solidarité financière qui, pourtant, malgré l'effort constitutionnel, est peu ou mal assurée.
L'étude réalisée par le Commissariat général au Plan, couvrant la période de 1994 à 2001, a montré que l'effet péréquateur est passé, en six ans - sept ans si l'on compte en année pleine - de 34 % à 40 % du pouvoir d'achat des services collectifs de proximité. Il reste donc 60 % ! Au rythme de 1 % par an, sans rien changer, il faudrait soixante ans pour réduire les écarts...
Néanmoins, la correction qui a été observée est imputable pour l'essentiel à la montée en puissance des dotations : dotation d'aménagement de la DGF, dotation d'intercommunalité, DSU, DSR et, pour l'Île-de-France, Fonds de solidarité de la région d'Île-de-France.
L'année dernière, la loi de programmation pour la cohésion sociale a organisé le doublement de l'enveloppe de la DSU et a réformé le mode d'attribution de cette dotation au profit des communes comportant des zonages prioritaires selon la politique de la ville, c'est-à-dire ayant de lourdes charges et de faibles ressources.
Cette refonte n'est pas véritablement satisfaisante, parce qu'elle est à la fois limitée dans le temps - jusqu'en 2009 - et parce que, comme cela a été dit avant moi, elle a un impact sur la DGF, même s'il est relatif. Elle aura au moins permis de mettre en évidence les villes les plus en difficulté, celles qui, précisément - pour la plupart d'entre elles en tous cas - se sont retrouvées au premier plan de l'actualité dans les journées de violence que notre pays a connues en novembre. Et je ne veux pas qu'on les oublie, c'est tout le sens de mon intervention.
Il est donc intéressant de se pencher sur la DSU devenue DSUCS, la cohésion sociale ayant été ajoutée à l'intitulé de la dotation de solidarité urbaine.
Cet instrument est, à mes yeux, adapté à son objectif de réduction des écarts de ressources par rapport au niveau des charges.
Le mécanisme de la DSU, créée en 1991, était relativement simple. La dotation était attribuée, d'une part, aux trois premiers quarts des communes de plus de 10 000 habitants classées chaque année en fonction de l'indice synthétique des ressources et des charges et, d'autre part, au premier dixième des communes dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants, également classées par un indice synthétique.
Au fil des ans, ce dispositif qui, en 1991, ne prenait pas en compte l'intercommunalité, s'est trouvé pénalisé à la fois par le montant trop faible des dotations et par la trop grande dispersion des crédits. En effet, on est passé, en quinze ans, pour les communes de plus de 10 000 habitants, des trois quarts originels aux neuf dixièmes aujourd'hui.
La loi de programmation pour la cohésion sociale a prévu le doublement de l'enveloppe de la DSU d'ici à 2009, et comporte un effet multiplicateur pour les zonages prioritaires.
À ceux qui rechignent à reconnaître la pertinence de cette solidarité - j'ai entendu notre collègue Claude Biwer tout à l'heure et je sais que l'idée est en débat -, à ceux qui pourraient considérer qu'un tel effort financier est vain et qui seraient tentés de baisser les bras, je rappelle que l'effort fait pour la DSU représente à peine 2 % de la DGF. Il est donc, en termes relatifs, très modeste.
En 2006, l'entrée dans le dispositif des villes de plus de 200 000 habitants, que nous avons acceptée l'année dernière, ne devrait pas bouleverser le système car la prise en compte du potentiel financier à la place du potentiel fiscal permettra d'en lisser les effets. Néanmoins, cette entrée pèsera sur les villes moyennes, qui étaient la cible originelle du dispositif de la DSU en 1991.
Pour autant, l'éparpillement de l'effort de solidarité nationale peut-il perdurer sous peine de perdre de sa substance par rapport à l'esprit d'origine ? Le temps est certainement venu, monsieur le ministre, quinze ans après la mise en place de la DSU, de remettre à plat le dispositif et, surtout, de concentrer l'effort de solidarité, car la question de la disparité entre communes et la lourdeur des charges qui pèsent sur les plus pauvres, loin d'être derrière nous, reste un chantier d'avenir.
C'est particulièrement vrai dans les agglomérations où les écarts sont les plus criants. En Île-de-France, il existe d'ailleurs un mécanisme supplémentaire de péréquation qui fait que les communes les plus riches alimentent un fonds destiné aux communes les plus pauvres. Je l'ai cité tout à l'heure : il s'agit du FSRIF, acronyme un peu barbare du fonds de solidarité de la région d'Île-de-France, créé lui aussi en 1991.
Depuis quelques années, les villes les plus pauvres, qui reçoivent la contribution des villes les plus riches, voient fondre le montant des aides : 300 000 euros de moins en 2004 pour Sarcelles, par exemple, 200 000 euros de moins pour Clichy-sous-Bois, d'où sont partis les événements dramatiques que nous avons connus.
M. Jean-Jacques Hyest. Pourquoi ne citez-vous pas Melun ?
Mme Nicole Bricq. Dans le même temps, les villes les plus riches contribuent de moins en moins. Je les cite à regret : il s'agit de Neuilly-sur-Seine, qui versait 6 millions d'euros en 2004 et qui ne verse plus que 3 millions d'euros en 2005, ou de Puteaux, qui versait 14 millions d'euros et ne verse plus que 6 millions d'euros en 2005. Et ces communes profitent également de manière indirecte de la réforme de la taxe professionnelle de 1999. C'est un accroc sévère à la solidarité financière !
L'année dernière, dans le cadre de la loi de finances pour 2005, j'avais déjà soumis le problème au ministre du budget sans qu'il y apporte une solution satisfaisante.
Je souhaitais poser à nouveau la question ce soir, par voie d'amendement, mais le service de la séance a estimé qu'il s'agissait d'une question connexe à la réforme de la taxe professionnelle. Nous en reparlerons donc samedi ou dimanche.
Pour terminer, monsieur le ministre, assurer l'ordre républicain dans les banlieues est nécessaire, nous ne le contestons pas. Mais cela n'exonère pas le Gouvernement de remédier aux graves inégalités qui frappent ces villes et leurs résidents, et de le faire par tous les moyens. Les dotations de solidarité en sont un, ne l'oubliez pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd'hui pour examiner la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et les articles qui y sont rattachés, après le débat riche et, je crois, fructueux, que nous avons eu la semaine dernière sur les ressources des collectivités territoriales.
Je veux tout particulièrement remercier vos rapporteurs, Michel Mercier et Bernard Saugey, pour la qualité de leur travail et la pertinence de leurs observations. Au demeurant, pour M. Mercier, un tel hommage devient régulier : je le lui ai rendu la semaine dernière dans cet hémicycle, je le fais à nouveau aujourd'hui, et je le fais souvent au conseil général du Rhône...
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Si vous pouviez le faire samedi prochain ici même, j'en serais très heureux ! (Sourires.)
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Le projet de loi de finances pour 2006 est le premier budget à mettre pleinement en oeuvre la LOLF. Dans ce cadre, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » regroupe quatre programmes représentant, cela a été dit par de nombreux orateurs, un montant de près de 2,9 milliards d'euros en crédits de paiement, contre 2,8 milliards d'euros en 2005.
Les trois premiers concours correspondent naturellement aux trois strates principales de collectivités territoriales avec, pour chaque strate, les deux actions distinctes que sont le soutien aux projets de développement de territoires, d'une part, et la dotation générale de décentralisation, d'autre part.
Le dernier programme, le programme 122, regroupe à la fois les aides exceptionnelles aux collectivités territoriales et l'administration des relations avec les collectivités territoriales par la direction générale des collectivités locales du ministère de l'intérieur. Je saisis d'ailleurs l'occasion qui m'est offerte ici pour remercier ses représentants du travail accompli au service du ministère et des collectivités.
M. Saugey a exprimé ses « frustrations » quant aux indicateurs de performance associés à cette mission. Qu'il me soit permis de lui répondre sur un certain nombre de points.
D'abord, vous l'avez noté, nous n'avons pas associé d'indicateur à certains concours financiers, notamment à la dotation générale de décentralisation. La raison en est simple : il s'agit de dotations libres d'emploi, attribuées en compensation de transferts de compétences.
Ensuite, seules les collectivités locales sont à même de définir les objectifs qu'elles assignent à ces dotations. L'État ne peut avoir, pour sa part, qu'un seul objectif : leur assurer la progression assignée par la loi, c'est-à-dire, s'agissant de la dotation globale de décentralisation, une évolution conforme à celle de la dotation globale de fonctionnement. À cet égard, M. Michel Mercier a rappelé, et je le remercie, que l'État a même été au-delà de ses obligations légales.
Enfin, vous l'avez également rappelé, près des trois quarts des concours financiers versés aux collectivités locales prennent la forme de prélèvements sur recettes. Or, en toute orthodoxie, l'objectif annuel de performance de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » aurait dû se concentrer sur les seuls crédits budgétaires. Mais nous avons jugé que cela n'aurait pas été conforme à l'esprit du législateur organique, et n'aurait pas assuré une complète information du Parlement sur l'effort de l'État en faveur des collectivités locales. C'est pourquoi je suis très sensible au fait que M. Saugey ait reconnu que nous avions prévu des objectifs et des indicateurs concernant les prélèvements sur recettes.
Vous avez noté que nous avions aussi retenu des indicateurs relatifs à l'intercommunalité, et vous m'avez interrogé sur les objectifs du Gouvernement en la matière.
Sur la question de l'intercommunalité, je voudrais répondre à Jean-Pierre Sueur et à Daniel Goulet. Si ce dernier lit le journal, il ne lit malheureusement pas la totalité des déclarations qui y sont retranscrites. Or, en ne lisant que des fragments, on ne peut pas comprendre la cohérence de l'ensemble, monsieur le sénateur ! (M. Daniel Goulet brandit une coupure de presse.)
Je crois que le succès quantitatif de l'intercommunalité est incontestable, et les efforts financiers de l'État n'y sont, dans mon esprit, pas étrangers.
Ce succès ne doit pas occulter certaines erreurs et certains tâtonnements, monsieur Goulet. Je les ai qualifiés d'« erreurs de jeunesse ». Mais, après la jeunesse, il y a beaucoup d'étapes,...
M. Roger Karoutchi. Certes !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ...qui doivent permettre, précisément, de corriger et d'améliorer.
Pour y parvenir, je crois qu'il faut recentrer le débat autour de quatre priorités.
La première porte sur la définition d'un intérêt communautaire. Je pense - peut-être un peu simplement - que cette définition est indispensable pour savoir qui fait quoi, afin que nos concitoyens s'y retrouvent. L'intercommunalité ne doit pas être une formule pour initiés ni un club d'amis qui font leurs affaires entre eux. Il faut que l'opinion publique, les électeurs, le citoyen, le contribuable comprennent à quoi cela sert. Nous avons donc fixé une date butoir qui, vous l'avez dit, a été reportée au 18 août 2006, pour définir l'intérêt communautaire. Il n'y aura pas de nouvelle prolongation du délai, mais cela laisse un an pour définir cet intérêt de manière plus cohérente.
La deuxième priorité, c'est la rationalisation des périmètres. J'entends bien ce qu'a dit Daniel Goulet concernant des communautés de communes qui fonctionnent merveilleusement avec 3 000 habitants et, très honnêtement, je reconnais qu'il y a des exceptions. Je me réjouis même de cette particularité remarquable de l'Orne. Mais l'on ne peut se satisfaire de certaines données statistiques : je vous rappelle que vingt-quatre communautés de communes ne rassemblent aujourd'hui que deux communes seulement. Or ce n'est ni l'objectif ni l'esprit qui doivent présider à la création des intercommunalités.
Je vous rejoins toutefois sur un point, monsieur Goulet : il ne s'agit pas de formater toutes les communautés selon un moule unique. Ce serait insupportable, et vraisemblablement inefficace.
M. Jean-Pierre Sueur. Cela ne pourrait pas fonctionner !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je propose simplement de vérifier si le périmètre retenu est vraiment pertinent et, si tel n'est pas le cas, il conviendra de le redessiner.
La troisième priorité, qui me semble essentielle, c'est la clarification des relations financières entre les EPCI et les communes. Le sujet est récurrent et chacun de mes interlocuteurs me le rappelle, à mon avis à juste titre. La solution passe par une mise à plat des dépenses de reversement aux communes, qui sont parfois excessives.
Enfin, la quatrième priorité porte sur l'exercice effectif et cohérent par les EPCI des compétences qui leur sont transférées. En effet, on en est souvent au stade des études et de l'investissement bien plus qu'à celui du fonctionnement pour ce qui est des compétences les plus lourdes. Mais je suis persuadé que cela changera, et relativement rapidement.
En la matière, nous faisons confiance, par définition, aux élus, mais aussi aux préfets, auxquels nous avons adressé une instruction à la fin du mois de novembre. Et peut-être sera-t-il utile que je vous la communique, monsieur Goulet, car elle répond, à mon avis, à vos préoccupations.
Cela étant, évitons les faux procès, monsieur Sueur ! Pour être tout à fait précis, je tiens à dire que j'ai été le premier à défendre l'intercommunalité, le 15 juin dernier, lors de mon audition par la commission d'enquête sur l'évolution de la fiscalité locale. Je le répète, je suis très attaché à l'intercommunalité, et c'est pour cette raison que je souhaite passer du quantitatif au qualitatif.
Effectivement, monsieur Sueur, nous devons aller de l'avant. Toutefois, lorsque se posent des problèmes, il n'y a pas cinquante solutions ! Soit on pratique la politique de l'autruche, on se met la tête dans le sable pour ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire, mais alors on ne fait rien ; soit, au contraire, on tient compte des remarques formulées par les parlementaires, par la Cour des comptes, par certains organismes et certaines associations d'élus pour en tirer un certain nombre de leçons et corriger ce qui doit être corrigé. C'est précisément la méthode que j'ai retenue, et qui ne peut, à mon avis, que recueillir l'unanimité.
Par ailleurs, ce n'est sans doute pas le jour d'évoquer la question de la taxe professionnelle, ...
Mme Nicole Bricq. Nous en parlerons samedi !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ... mais je souhaiterais quand même vous apporter quelques précisions.
Le mécanisme du ticket modérateur est l'un des outils qui permet d'assurer un juste équilibre entre les besoins des entreprises et des collectivités. Il s'agit d'un partage raisonnable de l'effort entre l'État et les collectivités. Ce n'est pas une simple formule : il y va en réalité non seulement de la compétitivité de nos entreprises mais aussi de l'attractivité de nos territoires.
Toutefois, il est vrai que les collectivités dont les bases plafonnées représentent la majeure partie des bases de taxe professionnelle pourraient subir une contrainte particulière.
À cet égard, je reprendrai un exemple que j'ai peut-être déjà cité. Dans mon département, le Puy-de-Dôme, j'ai fait réaliser un certain nombre de simulations pour la commune d'Issoire. Les bases plafonnées des entreprises s'y élèvent à 64 millions d'euros sur 74 millions d'euros de bases totales de TP, soit 86 %.
On le voit bien, il faut corriger ce mécanisme. Cela dit, par honnêteté intellectuelle, il faut prendre en considération l'ensemble du raisonnement et, même plafonnées, n'oublions pas que les bases augmentent en moyenne de 4,5 % par an.
Avec Jean-François Copé, nous veillons à ajuster encore ce mécanisme, afin de préserver les collectivités qui ne pourraient supporter un ticket modérateur trop important au regard de leurs finances, notamment celles qui, dans le passé, ont fait preuve de modération dans leurs taux.
Nous aurons l'occasion d'en débattre samedi prochain avec Jean-François Copé, mais je peux d'ores et déjà répondre à Mme Mathon que cette réforme ne portera pas atteinte à l'autonomie financière des collectivités telle que nous l'avons inscrite dans la Constitution.
Pour ce qui concerne les articles rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », il s'agit de poursuivre l'effort en faveur des collectivités territoriales, malgré la contrainte budgétaire que vous connaissez.
Je rappellerai très brièvement quelques points.
Comme l'a rappelé M. de Montesquiou, dont l'intervention a été particulièrement brève et brillante, les concours de l'État représentent 64,9 milliards d'euros, soit un cinquième du budget de l'État, ce qui est une proportion importante. Au départ, contrairement à ce que certains ont affirmé, la reconduction du contrat de croissance et de solidarité n'était pas acquise. Nous nous sommes battus pour l'obtenir, nous avons pesé de tout notre poids pour que les règles d'indexation de ce contrat soient reconduites en 2006. Je remercie d'ailleurs MM. Mercier et de Montesquiou d'avoir salué cet effort.
Permettez-moi également de remercier ceux qui, au-delà des clivages partisans, ont su reconnaître les efforts du Gouvernement en faveur de la dotation globale de fonctionnement et du contrat de croissance et de solidarité. Cet effort représente, je le répète, plus de 1 milliard d'euros.
Monsieur Collombat, vous avez évoqué la dotation de solidarité rurale, la DSR. J'ai eu la curiosité de regarder l'évolution de la DSR dans votre commune de Figanières : il semble qu'elle ait augmenté de 12,7 %. J'imagine, dans ces conditions, que votre intervention marquait votre satisfaction personnelle...
M. Pierre-Yves Collombat. J'ai dit que la DSR évoluait comme la DSU, ce qui est bien !
M. Christian Cambon. Vous avez de la chance !
M. Pierre-Yves Collombat. Je constate que vous travaillez les détails, monsieur le ministre !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. J'imaginais que cela vous ferait plaisir à cette heure avancée. Je suis heureux de contribuer à votre bonheur ! (Sourires.)
Concernant la rénovation du soutien à l'investissement des collectivités territoriales, je ne reviendrai pas sur la réforme du FCTVA, que vous avez adoptée en première partie et qui recueille d'ailleurs un large consensus, ni sur celle de la DGE des départements, dont nous avons encore renforcé, la semaine dernière, les mesures d'accompagnement.
Nous voulons une croissance équilibrée et solidaire tant pour les zones urbaines que pour les communes rurales.
Ce projet de loi de finances en est la preuve. Ainsi, l'affectation de la régularisation de 2004 que vous avez adoptée en première partie, mesdames, messieurs les sénateurs, permettra d'assurer une croissance de la DSR similaire à celle de la DSU.
M. Pierre-Yves Collombat. C'est ce que j'ai dit !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Toutes deux connaîtront donc une progression de 15,8 %.
À cet égard, monsieur Sueur, je dois vous rappeler que l'on n'a jamais fait autant pour la péréquation qu'en 2004 et en 2005. Et c'est d'ailleurs bien nous qui avons inscrit, en 2003, cet objectif dans la Constitution !
Concernant la consolidation de la réforme de la DSU, le Gouvernement s'est engagé, vous le savez, à faire augmenter cette dotation de 120 millions d'euros par an pendant cinq ans. En 2005, elle aura atteint quelque 759 millions d'euros et, en 2006, conformément au plan de cohésion sociale, elle progressera tout de même de 120 millions d'euros.
Il faut ajouter la consolidation de la majoration de 20 millions d'euros de l'enveloppe réservée aux communes de 5 000 habitants à 10 000 habitants qui est intervenue en 2005. En l'absence d'une telle mesure dans le projet de loi de finances pour 2006, ces communes auraient subi une chute extrêmement brutale de leur dotation.
Ensuite, afin de répondre à une attente assez largement exprimée, notamment par Mme Bricq, le Gouvernement propose d'étendre aux communes de plus de 200 000 habitants les deux coefficients multiplicateurs proportionnels à la population en ZUS, en zone urbaine sensible, et en ZFU, en zone franche urbaine.
A titre d'exemple, la DSU de Marseille progressera dès 2006 de plus de 12 %, celle de Toulouse de plus de 7 %, et je pourrais citer la ville de Lille ou bien d'autres villes encore.
J'ajoute, madame Bricq, que cela ne se fera pas au détriment des autres communes, puisque le coût de cette mesure, évalué à 6 millions d'euros, ne représente que 2,5 % de la croissance enregistrée par la DSU sur deux ans. Cette somme peut donc être assez facilement assimilée.
La troisième consolidation proposée est relative à la mise en place d'une deuxième tranche de garantie pour les communes ayant perdu leur éligibilité en 2005. Elles ont bénéficié en 2005 d'une garantie à 100 %. Pour 2006, il leur est proposé de leur attribuer 50 % du montant perçu précédemment.
Les dispositions qui vous sont présentées, mesdames, messieurs les sénateurs, permettront donc de poursuivre l'effort engagé envers les zones urbaines. À cet égard, monsieur Biwer, je ne partage pas votre sentiment : il ne faut pas remettre en cause cet effort.
Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je ne reviendrai pas sur les mesures qui ont prises à la suite des dégâts causés par les émeutes.
Par ailleurs, vous avez bien voulu voter à une large majorité, mesdames, messieurs les sénateurs, un amendement relatif au FCTVA, déposé par le Gouvernement à la demande du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Si l'actualité peut laisser penser que nous nous tournons de manière urgente vers les cités - ce qui est justifié -, nous n'oublions pas pour autant les collectivités rurales, qui sont soumises à des difficultés pérennes et qui connaissent aujourd'hui une forte croissance démographique, supérieure à la moyenne. À ce sujet, monsieur de Montesquiou, je rejoins vos propos : nous devons accompagner ce redémarrage.
Je rappelle que le projet de loi de finances pour 2006 comporte un certain nombre de mesures visant à soutenir concrètement et efficacement le monde rural.
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. En ce qui concerne la péréquation en faveur des collectivités rurales, comme je l'ai dit, la DSR augmentera de plus de 15 %.
Par ailleurs, le mécanisme de garantie de sortie de la dotation particulière « élu local » a été revu, vous le savez, afin qu'aucune collectivité ne soit pénalisée. Par le biais des amendements présentés par MM. Besse, Murat, Jarlier et Charasse, adoptés en première partie, nous avons mis en place un mécanisme visant à concilier garantie de sortie et possibilité de retour, ce qui règle le problème dont nous avons tous eu connaissance dans les zones rurales.
Enfin, une enveloppe de 20 millions d'euros, attribuée pour soutenir les projets innovants en matière de services au public en milieu rural, sera redéployée au sein de l'enveloppe globale de la DDR, la dotation de développement rural, qui s'élève à près de 124 millions d'euros.
S'agissant de la poursuite des transferts de compétence, le projet de loi de finances pour 2006 traduira, sur le plan financier, leur mise en oeuvre.
Ces transferts ont été compensés dans le strict respect des principes posés par la loi du 13 août 2004. La Commission consultative sur l'évaluation des charges, la CCEC, sous la présidence de votre collègue Jean-Pierre Fourcade, en a donné acte au Gouvernement, tout particulièrement lors de ses dernières réunions. Nous en avons longuement débattu en première partie, je n'y reviens donc pas, même si Mme Mathon, contre toute évidence - mais sans surprise -, se refuse à le reconnaître : cette commission s'est exprimée sans ambiguïté aucune.
Au demeurant, vous avez reconnu, madame la sénatrice, que le Gouvernement avait rempli ses obligations légales. Je dirai même qu'il est allé au-delà : en effet, les dix réunions successives de la CCEC se sont tout de même traduites par un effort supplémentaire de 79 millions d'euros, sans compter les 400 millions d'euros que le Gouvernement a accepté de consacrer à la rénovation du matériel roulant dans le cadre de la décentralisation du STIF, le syndicat des transports d'Île-de-France., et je sais M. Karoutchi particulièrement attentif à cette question. Certes, ce matin encore, à Bordeaux, M. Huchon a souhaité que l'effort soit porté à 800 millions, mais ces 400 millions étaient tout de même les bienvenus !
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures contenues dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Ce projet de loi de finances comporte de réelles avancées, comme la réforme du FCTVA, il préserve certains acquis, comme le contrat de croissance et de solidarité, et il donne des gages de transparence et de loyauté s'agissant de la compensation intégrale des transferts de compétences. J'espère que la Haute Assemblée y sera sensible car, dans cette période complexe d'un point de vue budgétaire, nous avons très clairement voulu manifester une attention particulière à la péréquation en général, et aux territoires les plus fragiles en particulier.
Le projet de loi de finances pour 2006 est donc incontestablement marqué par un effort de solidarité et d'équilibre de l'État envers toutes les collectivités. La mission du Gouvernement est donc aujourd'hui tenue. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » figurant à l'état B.
relations avec les collectivités territoriales
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 3 175 516 638 euros ;
Crédits de paiement : 2 970 971 638 euros.
M. le président. L'amendement n° II-264, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Concours financiers aux communes et groupements de communes |
|
|
|
|
Concours financiers aux départements |
|
|
|
|
Concours financiers aux régions |
1 222 956 |
|
1 222 956 |
|
Concours spécifiques et administration Dont Titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
1 222 956 |
|
1 222 956 |
|
SOLDE |
+ 1 222 956 |
+ 1 222 956 |
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Cet amendement vise à modifier le montant de la dotation générale de décentralisation attribuée aux régions d'outre-mer en compensation des compétences qui leur ont été transférées, afin de tenir compte des ajustements décidés notamment par la Commission consultative sur l'évaluation des charges.
Cet amendement est le pendant de celui qui a été déposé par le Gouvernement à l'article 26 du projet de loi de finances.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, ainsi modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits du compte de concours financier « Avances aux collectivités territoriales » figurant à l'état B.
avances aux collectivités territoriales
État B
Autorisations d'engagement : 75 056 800 000 euros ;
Crédits de paiement : 75 056 800 000 euros.
M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte de concours financier « Avances aux collectivités territoriales ».
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 82, 83, 84, 84 bis, 84 ter, 84 quater, 84 quinquies et 85 ainsi que les amendements tendant à insérer des articles additionnels, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Relations avec les collectivités territoriales
Article 82
I. - L'article L. 2334-40 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« À compter de 2006, la dotation de développement rural comporte deux parts. En 2006, le montant de la première part est fixé à 104 370 000 € et celui de la seconde part à 20 000 000 €. A compter de 2007, le montant des deux parts est fixé par application du taux de croissance défini ci-dessus. » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) Dans la première phrase, après le mot : « Bénéficient », sont insérés les mots : « de la première et de la seconde parts » ;
b) Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Les communes éligibles à la seconde fraction de la dotation de solidarité rurale prévue à l'article L. 2334-22 bénéficient de la seconde part de la dotation de développement rural. » ;
3° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) Dans la première phrase, après le mot : « crédits », sont insérés les mots : « de la première part » ;
a bis) Le mot : « financier » est remplacé par le mot : « fiscal » ;
b) Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Les crédits de la seconde part sont répartis entre les départements en proportion du rapport entre la densité moyenne de population de l'ensemble des départements et la densité de population du département. » ;
4° La seconde phrase du quatrième alinéa est ainsi modifiée :
a) Après le mot : « attribuées », sont insérés les mots : «, au titre de la première part, » ;
b) Sont ajoutés les mots : « et, au titre de la seconde part, en vue de la réalisation de projets destinés à maintenir et développer les services publics en milieu rural. » ;
5° Dans le cinquième alinéa, après les mots : « les attributions », sont insérés les mots : « au titre de la première part » ;
6° Le sixième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« À compter du renouvellement général des conseils des établissements publics de coopération intercommunale mentionné au II de l'article 54 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003), les représentants des maires de communes éligibles à la seconde part sont également membres de la commission et se prononcent sur les projets présentés au titre de cette part. » ;
7° La dernière phrase du huitième alinéa est complétée par les mots : « ou les maires ».
II. - Dans le sixième alinéa de l'article L. 2334-33 du même code, le mot : « financier » est remplacé par le mot : « fiscal ».
M. le président. L'amendement n° II-219, présenté par MM. Collombat, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Dans la deuxième phrase du texte proposé par le 1° du I de cet article pour compléter le premier alinéa de l'article L. 2334-40 du code général des collectivités territoriales remplacer le montant :
104 370 000 €
par le montant :
124 370 000 €
II. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les pertes de recettes pour l'État résultant de la création d'une nouvelle enveloppe au sein de la dotation de développement rural, sont compensées à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. En fin d'après-midi, nous avons assisté à un vibrant plaidoyer de M. Estrosi en faveur des services publics en milieu rural. Ses accents de sincérité m'ont beaucoup ému, et le moment est donc venu, pour le Gouvernement, de manifester cette sincérité.
À ce titre, l'amendement n° II-219 tend à revenir sur le « bricolage » de la DDR qui nous est proposé et à abonder cette dotation de 20 millions d'euros. En effet, il convient que l'État contribue au développement des services publics en milieu rural sans utiliser des crédits déjà existants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Une augmentation de 20 millions d'euros de l'enveloppe de la DDR constituerait certes une mesure intéressante !
Toutefois, la commission n'a eu l'occasion d'examiner ni cet amendement ni les suivants. Or un certain nombre d'entre eux sont financièrement lourds, même si d'autres le sont moins.
Cela dit, étant donné les positions que la commission des finances a adoptées tout au long de la discussion du projet de loi de finances et compte tenu de l'augmentation du déficit que l'adoption de l'amendement n° II-219 ne manquerait pas d'entraîner, je me prononce, à titre personnel, contre cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Cela étant, je suis très sensible, monsieur Collombat, à vos propos concernant le « bricolage » de la DDR, et je pense que les collectivités qui en bénéficieront y seront extrêmement sensibles aussi !
M. Pierre-Yves Collombat. Il s'agit d'une augmentation !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. La proposition du Gouvernement permet précisément d'identifier 20 millions d'euros au sein de la DDR. Voilà qui est suffisamment clair et efficace ! Il n'est pas utile, me semble-t-il, d'en rajouter.
M. le président. L'amendement n° II-210 rectifié, présenté par M. Détraigne et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter le a) du 2° du I de cet article par les mots :
, et après les mots : « 5000 habitants », sont insérés les mots : «, ainsi que les syndicats mixtes composés uniquement d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre répondant aux mêmes règles d'éligibilité ».
La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Cet amendement tend à ouvrir aux syndicats mixtes la possibilité de bénéficier de la DDR.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Cet amendement traduit la volonté du ministre d'étendre le champ des bénéficiaires de la DDR.
La commission est assez favorable à ce que les engagements pris par les ministres soient tenus ! Nous sommes donc heureux d'y contribuer en donnant un avis favorable à cet amendement. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je ne peux rien dire de mieux : je réponds aux compliments de M. Michel Mercier en me déclarant favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-211, présenté par MM. Guené, Sido et Karoutchi, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le b du 2° du I de cet article pour ajouter une phrase au deuxième alinéa de l'article L. 2334-40 du code général des collectivités territoriales :
« Bénéficient de la seconde part de la dotation de développement rural les communes éligibles à la seconde fraction de la dotation de solidarité rurale prévue à l'article L. 2334-22 qui n'appartiennent pas à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou qui sont membres d'un groupement de communes à fiscalité propre n'exerçant pas la compétence en matière d'aménagement de l'espace et de développement économique concernée par le projet. »
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Je ne serai ici que le pâle représentant de M. Charles Guené : les questions relatives aux communes rurales ne ressortissent pas spécifiquement à mon domaine de compétence.
Cet amendement tend à permettre aux communes éligibles à la seconde fraction de la dotation de solidarité rurale qui n'appartiennent pas à un EPCI à fiscalité propre ou qui sont membres d'un groupement de communes à fiscalité propre n'exerçant pas la compétence en matière d'aménagement de l'espace et de développement économique concerné par le projet de bénéficier de la seconde part de la DDR, la part de péréquation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. M. Roger Karoutchi vient de présenter cet amendement brillamment,...
M. Roger Karoutchi. Avec conviction ! (Sourires.)
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. ... en se mettant pour cela au service des communes rurales. Je pense que le Sénat tout entier l'en remerciera ! (Nouveaux sourires.)
Toutefois, il ne lui aura pas échappé que cet amendement a un coût, de l'ordre de 20 millions d'euros. À ce titre, il conviendrait peut-être de le retirer plutôt que lui soit opposé un avis défavorable...
M. le président. Monsieur Karoutchi., l'amendement n° II-211 est-il maintenu ?
M. Roger Karoutchi. Devant l'amicale pression de M. Mercier, je ne peux que le retirer.
M. le président. L'amendement n° II-211 est retiré.
Je mets aux voix l'article 82, modifié.
(L'article 82 est adopté.)
Article additionnel après l'article 82
M. le président. L'amendement n° II-220, présenté par MM. Collombat, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 82, insérer un article additionnel rédigé comme suit :
Le fonds postal national de péréquation territoriale, institué par la loi n° 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales est abondé à hauteur de 20 millions d'euros.
Cet abondement est financé par l'attribution d'une fraction des recettes de la taxe sur la valeur ajoutée générées par la facturation de services entre la banque postale, créée par la loi précitée, et le groupe La Poste.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je récidive : je considère que l'on a procédé à un « bricolage » de la DDR et, pour permettre le développement des services publics en milieu rural, nous vous proposons d'abonder de 20 millions d'euros le fonds de péréquation postale, qui concerne un service auquel élus ruraux et communes rurales sont très attachés.
Cela n'entraînerait pas de dépenses supplémentaires pour l'État, dans la mesure où la création de la banque postale va entraîner des échanges et des facturations, donc de la TVA, entre cette dernière et la maison mère. L'État va donc gagner de l'argent, voire beaucoup d'argent.
Que ce dernier consacre 20 millions d'euros au service public postal en milieu rural nous paraît parfaitement légitime !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Cher collègue, vous avez été très persuasif, et je reconnais que la mesure que vous proposez est intéressante. Néanmoins, elle se heurte à certaines dispositions constitutionnelles. En effet, elle entraîne une perte de recettes pour l'État, car l'amendement n'est pas gagé.
En conséquence, je suis obligé d'y donner un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-220.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 83
I. - L'article L. 1614-10 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du premier alinéa, après les mots : « des bibliothèques municipales », sont insérés les mots : « et de l'équipement des bibliothèques départementales de prêt, » ;
2° La seconde phrase du même alinéa est ainsi rédigée :
« Ils sont répartis, par le représentant de l'État, entre les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale réalisant des travaux d'investissements au titre des compétences qu'ils exercent en vertu des articles L. 310-1 et L. 320-2 du code du patrimoine. »
II. - Les articles L. 1614-12, L. 1614-13, L. 1614-14 et L. 1614-15 du même code sont abrogés.
III. - Le premier alinéa du d du 1° de l'article L. 1613-1 du même code est complété par les mots : « dans sa rédaction antérieure à son abrogation par la loi n° du de finances pour 2006 ».
M. le président. L'amendement n° II-213, présenté par Mmes Mathon, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... La seconde phrase du second alinéa de l'article L. 1613-2 du code général des collectivités territoriales est supprimée.
... - Les taux prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, cet amendement est relatif à la régularisation de la dotation globale de fonctionnement.
Je m'efforcerai d'être concise et simple.
La progression de la DGF procède d'un indice de variation fondé sur l'indice des prix à la consommation hors tabac majoré de la moitié de la croissance du produit intérieur brut marchand tel que définie par l'annexe économique et financière du projet de loi de finances. Une progression de l'indice des prix de 2 % et une croissance estimée à 2 % produisent ainsi une progression de la DGF de 3 %.
Par ailleurs, la progression de la DGF est fixée aujourd'hui aux trois quarts de la croissance en valeur. Mais, une fois définies les hypothèses de prix et de croissance donnant la progression de la dotation, arrive, un beau jour, le constat de la réalité.
Ainsi, pour reprendre notre exemple, si les prix augmentent de 2,5 % et le PIB de 2 %, la progression de la DGF finalement constatée sera de 3,5 %, soit un demi-point de plus. Si, a contrario, les prix évoluent de 2 % et que la croissance s'effrite à 1 %, la DGF se fixe avec une hausse de 2,5 %, soit un demi-point en dessous.
Aujourd'hui, la régularisation est donc exactement symétrique, et la DGF, avec ses composantes diverses, corrigée à la hausse ou à la baisse. Dans une enveloppe aussi contrainte que celle de la dotation, cela peut produire des effets dommageables, notamment en termes de péréquation des ressources des collectivités locales.
Nous estimons donc que la DGF ne doit plus être corrigée à la baisse, par régularisation négative, lorsque les prévisions de croissance en valeur ne sont pas atteintes.
La DGF prévue doit donc devenir une sorte de concours intangible, et les seules régularisations pouvant intervenir sont celles qui découleraient d'une sous-estimation de la croissance.
Il y va de la stabilité des ressources des collectivités locales, aujourd'hui confrontées à des défis et des enjeux qui nécessitent des moyens suffisamment importants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. L'amendement que vient de nous présenter Mme Mathon modifie considérablement les règles d'ajustement de la DGF.
Actuellement, cette dotation varie suivant les données économiques que nous connaissons l'année suivante, soit à la hausse, soit à la baisse. Or cet amendement viserait à supprimer la régularisation négative tout en acceptant la régularisation positive.
Je pense très honnêtement que nous ne pouvons pas, à l'occasion de l'examen d'un amendement - aussi intéressant soit-il -, procéder à une telle réforme.
C'est pourquoi je demande à Mme Mathon de bien vouloir retirer son amendement, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Mme Mathon a dit qu'elle présenterait son amendement de manière simple, et je lui répondrai de manière très simple à mon tour : schématiquement, vous voulez bien, madame, de la régularisation lorsqu'elle est positive, mais vous n'en voulez pas lorsqu'elle est négative !
Vous comprendrez que, malheureusement, nous ne puissions pas vous suivre sur ce terrain. En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 83.
(L'article 83 est adopté.)
Article 84
I A. - Le sixième alinéa de l'article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Les organismes d'habitations à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte locales sont tenus de fournir au représentant de l'État dans la région, chaque année avant le 31 octobre, un inventaire par commune des logements sociaux dont ils sont propriétaires au 1er janvier. Le défaut de production de cet inventaire ou la production d'un inventaire manifestement erroné donne lieu à l'application d'une amende de 1 500 € recouvrée comme en matière de taxe sur les salaires. Un décret fixe le contenu de l'inventaire mentionné ci-dessus. »
I. - L'article L. 2334-18-1 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est supprimé ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« A compter de 2006, l'enveloppe à répartir entre les communes de 5 000 à 9 999 habitants éligibles à la dotation est égale au produit de leur population par le montant moyen par habitant perçu l'année précédente par les communes éligibles de cette catégorie, indexé selon le taux d'évolution pour l'année de répartition du montant moyen par habitant de l'ensemble des communes éligibles à la dotation. »
II. - Dans le deuxième alinéa de l'article L. 2334-18-2 du même code, les mots : « de moins de 200 000 habitants » sont supprimés.
III. - Le deuxième alinéa de l'article L. 2334-18-3 du même code est ainsi modifié :
1° Les mots : « non renouvelable » sont supprimés ;
2° Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« En 2006, cette commune perçoit à titre de garantie une attribution égale à la moitié du montant perçu en 2004. »
M. le président. L'amendement n° II-157, présenté par Mmes Mathon, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I A de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... 1°) Au troisième alinéa du 1° de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, le taux : « 75 % » est remplacé par le taux : « 70 % »
2°) Après le quatrième alinéa du 4° du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle n'est pas versée aux communes définies à l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation ».
L'amendement n° II-158, présenté par Mmes Mathon, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I A de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... 1. - Dans le deuxième alinéa (1°) de l'article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales, le mot : « financier » est remplacé deux fois par le mot : « fiscal »
2. - Le neuvième alinéa du même article est ainsi rédigé :
« L'indice synthétique de ressources et de charges est obtenu par addition des rapports visés aux 1°, 2°, 3° et 4°, en pondérant le premier par 30 p. 100, le deuxième par 20 p. 100, le troisième par 35 p. 100 et le quatrième par 15 p. 100. Toutefois, chacun des pourcentages de pondération peut être majoré ou minoré pour l'ensemble des communes bénéficiaires d'au plus cinq points dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'État. »
L'amendement n° II-214, présenté par Mmes Mathon, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le paragraphe I A de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'indice synthétique de ressources et de charges mentionné à l'article L. 2334-16 pour les communes de 10.000 habitants et plus est constitué :
1° Du rapport entre le potentiel fiscal par habitant des communes de 10.000 habitants et plus et le potentiel fiscal par habitant de la commune, tel que défini à l'article L. 2334-4 ;
2° Du rapport entre la proportion de logements sociaux dans le total des logements de la commune et la proportion de logements sociaux dans le total des logements des communes de 10.000 habitants et plus ;
3° Du rapport entre la proportion de logements définis au sens des dispositions du chapitre 1 du titre 3 du Livre 3 du code de la santé publique et le nombre global de logements de la commune ;
4° Du rapport entre la proportion du total des bénéficiaires d'aides au logement, y compris leur conjoint et les personnes à charge vivant habituellement dans leur foyer, dans le nombre total de logements de la commune et cette même proportion constatée dans l'ensemble des communes de 10.000 habitants et plus ;
5° Du rapport entre le revenu moyen par habitant des communes de 10.000 habitants et plus et le revenu par habitant de la commune, calculé en prenant en compte la population définie au premier alinéa de l'article L. 2334-2 et, pour 2000 et 2001, au troisième et quatrième alinéas du même article.
L'amendement n° II-215, présenté par Mmes Mathon, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le paragraphe I A de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les huitième et neuvième alinéas de l'article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales sont ainsi rédigés :
« Le revenu pris en compte pour l'application du 5° est le dernier revenu imposable connu.
« L'indice synthétique de ressources et de charges est obtenu par addition des rapports visés aux 1°, 2°, 3°, 4° et 5° en pondérant le premier par 30 p.100, le deuxième par 15 p.100, le troisième par 5 p.100, le quatrième par 25 p.100 et le cinquième par 25 p.100. Toutefois, chacun des pourcentages de pondération peut être majoré ou minoré pour l'ensemble des communes bénéficiaires d'au plus cinq points dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'État. »
La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter ces quatre amendements.
Mme Josiane Mathon. L'amendement n° II-157 tend à donner, par la voie de la progression indiciaire, un signe destiné à majorer la part de la DGF destinée à la péréquation.
Nous observons d'ailleurs que ce chemin semble être suivi pour ce qui concerne la DGF des départements, pour laquelle une part plus importante risque fort d'être consacrée à la solidarité par le biais de la dotation de fonctionnement minimale des départements ruraux et de la dotation de solidarité des départements urbains, du moins si l'on suit l'esprit de l'article 84 ter que nous examinerons plus tard.
Il s'agit de moduler la progression de la dotation forfaitaire en réduisant l'importance de sa progression au regard de l'indice global de progression de la DGF.
La même observation vaut d'ailleurs pour la garantie de versement de la DGF aux communes, qui sont a priori consommatrices d'une part non négligeable des ressources de cette dotation. Toutefois, cette garantie présente un autre caractère plus discutable : celui d'être versée de manière relativement indifférente à toutes les communes, quels que soient par ailleurs les efforts qu'elles accomplissent ou non dans la mise en oeuvre de certaines dispositions légales.
En l'occurrence, il nous semble discutable que la garantie de versement de la DGF soit accordée à des collectivités se plaçant hors-la-loi dans la mise en oeuvre de la politique nationale de développement du parc locatif social, en ne respectant pas les critères de 20 % de logements sociaux posés par le code de la construction et de l'habitation.
Le retrait de la garantie de ces communes constituerait un mode d'abondement complémentaire de la péréquation, notamment en direction des localités remplissant les objectifs de la politique nationale du logement et éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale.
Il permettrait en outre, dans la logique et l'économie générale de la DGF, d'alimenter la dotation de solidarité rurale et la dotation d'intercommunalité.
La DGF, même dans l'enveloppe contrainte qui est la sienne, doit être un outil de péréquation entre collectivités locales plus performant encore qu'il ne l'est pour l'heure.
C'est le sens de cet amendement que nous vous invitons à adopter.
L'amendement n° II-158 vise à renforcer la capacité péréquatrice de la dotation de solidarité urbaine.
Comme nous l'avons déjà dit à plusieurs reprises, la DSU ne trouvera sa pleine efficacité que lorsqu'elle sera plus représentative de la réalité des difficultés sociales des habitants des communes couvertes par son champ d'application.
En effet, il peut être fréquent que, paradoxalement, des communes ayant une certaine vitalité économique en raison du nombre d'entreprises qui y sont implantées ou en raison des emplois situés sur son territoire aient une population résidante particulièrement pauvre ou modeste.
La taxe professionnelle n'étant plus une ressource communale pour de nombreuses localités, il est donc logique de faire porter l'attention sur les autres éléments de l'indice synthétique.
C'est donc au nom de cette simple logique que nous vous invitons à adopter cet amendement.
Les amendements n°s II-214 et II-215 portent sur la définition de l'indice synthétique de la DSU.
Dans la foulée de la réforme de la dotation intervenue lors de la discussion de la loi de programmation pour la cohésion sociale, il est nécessaire de rappeler plusieurs points.
L'un d'entre eux a trait à la situation sociale de nombreux quartiers et de nombreuses villes de notre pays qui, c'est un fait, nécessite des dispositions spécifiques.
Il faut doter certaines collectivités locales, souvent dépourvues de moyens financiers et humains à la hauteur de leurs besoins, des outils leur permettant de faire face aux défis qu'elles ont à relever.
La DSU comme la DSR sont précisément des instruments permettant d'atteindre cet objectif. La DSU ne représente que l'un des éléments du financement de l'action menée dans les quartiers sensibles de nos villes.
À la suite des événements qui ont eu lieu à la fin du mois d'octobre et au début du mois de novembre, comment ne pas comprendre l'urgence d'une adaptation de cette dotation aux réalités ?
On peut même considérer qu'elle peut être utilisée - et c'est semble-t-il le cas - comme l'instrument d'une péréquation qui consisterait, pour l'essentiel, à demander aux moins pauvres de se sacrifier quelque peu pour les plus pauvres.
Au-delà même de la DSU, c'est l'ensemble de l'architecture des concours de l'État aux collectivités locales qui est en effet remis en cause par les dispositions dont nous débattons. La DSU, avant toute autre considération, est un correctif des excédents de charges dont souffrent certaines villes.
En ce sens, nos amendements visent à modifier les éléments de constitution de l'indice synthétique de la dotation, aujourd'hui largement marqué par la prise en compte du potentiel fiscal et bien moins par les autres éléments, singulièrement ceux qui participent de la prise en compte de la situation sociale réelle des habitants.
Cette notion est d'autant plus importante que la DGF a été profondément affectée par l'adoption de la notion de potentiel financier, celle-ci lissant les différences plus nettes qui s'exprimaient en termes de potentiel fiscal.
Nous proposons donc que la composante « potentiel fiscal » de l'indice soit réduite au profit du parc locatif et des revenus des ménages.
Le nombre de logements sociaux dans le parc total des logements de la commune doit bien entendu être pris en compte, comme doit l'être celui des allocataires des aides personnelles au logement, qui permet d'intégrer la situation des locataires du parc privé « conventionné » ainsi que celle des accédants à la propriété d'origine modeste.
On notera d'ailleurs que cet habitat est présent dans un certain nombre de zones urbaines sensibles telles qu'elles sont définies par le pacte de relance pour la ville, notamment dans certains centres villes anciens ou dans certaines communes proches de Paris.
Nous proposons donc que ce critère soit retenu à hauteur de 5 % dans l'indice synthétique de la DSU.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Le premier amendement concerne la DGF et les trois suivants la DSU.
S'agissant du premier amendement, Mme Mathon nous propose de diminuer la part de la dotation forfaitaire pour augmenter la capacité péréquatrice de la DGF. Cet amendement présente, bien sûr, un intérêt : dans une enveloppe fermée, il répartit différemment les montants de la DGF.
Cependant, je veux attirer l'attention de Mme Mathon sur un point qu'elle a elle-même soulevé à de nombreuses reprises ici même : la part forfaitaire de la DGF sert, pour les communes et les autres collectivités territoriales, à financer partiellement des dépenses de fond, par exemple les salaires des fonctionnaires municipaux. Diminuer la part forfaitaire me semble donc aller à l'encontre du souhait de Mme Mathon que toutes les communes continuent à avoir les moyens de faire fonctionner leurs services.
Aussi généreuse que soit cette idée, elle aura un effet secondaire dangereux.
À défaut d'avoir pu étudier précisément les conséquences de cet amendement, je demanderai à son auteur de le retirer, quitte à le redéposer ultérieurement.
Les trois amendements suivants sont très techniques et ont pour objet d'améliorer l'efficacité de la DSU, notamment ses capacités péréquatrices.
Nous avons mis en place les nouveaux modes de calcul de la DSU l'an dernier. Ne faut-il pas prendre un peu de recul pour pouvoir juger d'une réforme aussi récente ? Très honnêtement, je pense que deux ou trois ans sont nécessaires pour déterminer les effets réels de cette réforme. Que le Sénat se charge de veiller aux évolutions, certes, mais ne changeons pas la règle du jeu si précipitamment.
Pour ces raisons, je demande le retrait de ces amendements. A défaut, je serai contraint d'émettre, à titre personnel, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. S'agissant de l'amendement n° II-157, la loi SRU a déjà prévu un dispositif de sanctions. Vous proposez d'en ajouter un nouveau au travers de la DGF. Tel n'est pas l'objet de cette dotation. Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
En ce qui concerne les amendements n°s II-158 et II-214, je rejoins entièrement ce que vient de dire M. le rapporteur spécial. Le potentiel financier est un thermomètre. On ne va pas le modifier chaque année pour un oui ou pour un non.
Pour ce qui est du changement de critère de calcul de la DSU, nous ne disposons d'aucune simulation. Il serait donc très aventureux d'adopter ces amendements. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
De manière plus précise, il ne faut pas perdre de vue que la DSU est une dotation de péréquation. Pour réaliser celle-ci, il faut pouvoir mesurer objectivement la richesse. Tel est l'objet du potentiel financier, qu'il n'est pas question, à mon sens, d'adapter en fonction de politiques particulières.
En outre, cette dotation est libre d'emploi. Il est assez curieux de proposer de revenir sur cette liberté d'emploi et d'utiliser la DSU pour « flécher » des politiques, si légitimes soient-elles. Votre conception de la DSU est un contresens, me semble-t-il.
M. le président. L'amendement n° II-222, présenté par Mme Bricq, MM. Collombat, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. Compléter le texte proposé par le 2° du I de cet article pour compléter l'article L. 2334-18-1 du code général des collectivités territoriales par un alinéa rédigé comme suit :
« Les conditions d'éligibilité des communes de 5 000 à 9 999 habitants membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre sont alignées sur celles des communes de plus de 10 000 habitants visées au 1° de l'article L. 2334-16 du présent code. »
II. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les pertes de recettes pour les collectivités territoriales résultant des modifications des critères d'éligibilité à la dotation de solidarité urbaine sont compensées par une majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.
Les pertes de recette pour l'État sont compensées à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° II-221, présenté par Mme Bricq, MM. Collombat, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. Après le I de cet article, insérer un paragraphe rédigé comme suit :
... Dans le troisième alinéa (2°) de l'article L. 2334-16 du code général des collectivités territoriales, remplacer les mots : « le premier dixième » par les mots : « le premier vingtième ».
II. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les pertes de recettes pour les collectivités territoriales résultant de l'élargissement de l'éligibilité à la dotation de solidarité urbaine sont compensées par une majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.
Les pertes de recette pour l'Etat sont compensées à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Ces deux amendements procèdent du même esprit.
Les critères d'éligibilité à la DSU varient selon que les communes comptent plus ou moins de 10 000 habitants.
Lorsque les caractéristiques des communes sont similaires, tant au plan social qu'au plan de l'urbanisation, la différence de traitement entre les communes de plus de 10 000 habitants et celles qui comptent entre 5 000 et 9 999 habitants est difficilement justifiable. C'est notamment le cas des intercommunalités urbaines dans lesquelles plusieurs communes sont éligibles à la DSU.
Cette différence de traitement est souvent très mal comprise, car elle génère des écarts importants de dotation d'une commune à l'autre, alors que le niveau des charges y est semblable.
L'amendement n° II-222 vise donc, dans le cas spécifique de communes appartenant à un groupement, à aligner les critères d'éligibilité des communes de plus de 10 000 habitants sur ceux des communes comptant de 5 000 à 9 999 habitants. En Seine-et-Marne, par exemple, la commune de Nandy pâtit de cette situation.
L'amendement n° II-221 concerne, lui aussi, les règles d'éligibilité à la DSU. Les différences de traitement aboutissent à la dilution des crédits DSU pour les communes de plus de 10 000 habitants. Par ailleurs, les critères d'attribution sont très exigeants pour les communes de 5 000 à 9 999 habitants.
Lorsque les caractéristiques de ces communes, tant au plan social qu'au plan de l'urbanisation, sont similaires, cette différence de traitement n'est pas justifiable.
Or le présent article vise à pérenniser la majoration de 20 millions d'euros de la part de DSU affectée aux communes comptant de 5 000 à 9 999 habitants qui est prévue dans la loi de programmation pour la cohésion sociale.
Cette disposition avait conduit à un doublement de l'enveloppe de DSU affectée à cette catégorie de communes, laquelle est passée de 19 millions d'euros en 2004 à 39 millions d'euros en 2005.
Un élargissement des critères d'éligibilité à cette enveloppe permettrait de réduire cette différence de traitement entre les communes au vu de leur population, qui, si elle pouvait être justifiée à l'origine, ne l'est plus aujourd'hui.
C'est pourquoi, dans un souci d'équité vis-à-vis de toutes les communes urbaines, nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Les problèmes que soulève Mme Bricq sont probablement réels.
M. Jean-Pierre Sueur. Certainement !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Pour autant, cela ne suffit pas !
La raison en est très simple : il faudrait que nous disposions d'un minimum de simulations. Or la commission ayant pris connaissance aujourd'hui même de ces amendements, elle n'a pu en mesurer les conséquences. Vouloir traiter pareillement les communes de 10 000 habitants et celles de 5 000 habitants...
Mme Nicole Bricq. À l'intérieur d'une intercommunalité !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Oui, mais en assimilant les conditions d'éligibilité à la DSU, vous créez deux catégories au sein d'une intercommunalité, ce qui pose un certain nombre de problèmes.
Aussi, il m'est impossible d'émettre un avis favorable sur ces amendements. Je vous demande donc, madame Bricq, de bien vouloir les retirer. Nous pourrions étudier leur effet lors de l'examen d'un prochain texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je souscris à ce que vient de dire M. le rapporteur spécial. En effet, nous ne disposons pas de suffisamment de simulations. Néanmoins, je comprends votre préoccupation, madame Bricq.
Il s'agit d'une enveloppe fermée, qui augmente tout de même de 120 millions d'euros chaque année. Dès lors, si l'on augmente le nombre des bénéficiaires, on diminue évidemment le montant de chaque part qui est attribuée. C'est la raison pour laquelle cela ne me paraît pas très cohérent.
Je formulerai par ailleurs une remarque, mais sans doute s'agit-il d'une erreur rédactionnelle : en fait, l'amendement n° II-221 réduit le nombre de communes de 5 000 à 10 000 habitants éligibles à la DSU, puisqu'il fait passer la part des communes éligibles de un dixième à un vingtième. J'imagine que vous souhaitiez, au contraire, porter le nombre des communes de 5 000 à 10 000 habitants éligibles à la DSU à 20 %, et non le restreindre à 5 %. De fait, cet amendement est en contradiction avec le précédent.
En tout état de cause, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Madame Bricq, les amendements n°s II-222 et II-221 sont-ils maintenus ?
Mme Nicole Bricq. Oui, je les maintiens, monsieur le président.
Je l'ai dit tout à l'heure, mais M. le ministre ne m'a pas répondu : il faudrait que nous prenions le temps de remettre à plat l'ensemble de la DSU. Le débat sur la révision des critères qui a eu lieu tout à l'heure avec le groupe CRC l'atteste. Nous y reviendrons l'année prochaine !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous ressentons, vous le comprenez bien, une grande frustration, parce que tous les amendements qui sont présentés ce soir sont certainement excellents. Mais vous comprendrez que nous ayons besoin de procéder à des simulations. Il est impossible, en effet, à près d'une heure du matin, d'instruire dans de bonnes conditions les propositions que vous faites. Et il serait dommage de prendre le risque de les faire sanctionner par un vote négatif.
Je prends l'engagement, au nom de la commission des finances, d'ouvrir un chantier dès le mois de janvier sur le financement des collectivités territoriales. Nous avons pris la décision, voilà un an, de doter le Sénat, qui est le grand conseil des collectivités territoriales, d'une banque de données ; le processus est en train de se mettre en place.
Tant que nous n'aurons pas ces moyens d'expertise, nous ne pourrons pas travailler dans de bonnes conditions. Il s'agit d'enveloppes fermées ! Nous manifestons des intentions, mais ce n'est pas une bonne méthode.
Je le redis à Nicole Bricq, à Josiane Mathon et à Jacques Blanc : il serait regrettable de prendre le risque de faire sanctionner ces amendements, qui sont certainement excellents, par un vote négatif. Nous le vivons très douloureusement, cher Jacques Blanc ! (Sourires.)
La sagesse consisterait à nous mettre en appétit, à nous donner du coeur à l'ouvrage par une présentation synthétique, afin que nous nous puissions nous atteler résolument à ce très beau chantier au début de l'année 2006.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. J'ai entendu la remarque de M. le président de la commission des finances et je la prends dans un sens positif : nous allons travailler à ce sujet sérieusement.
Nous, modestes parlementaires, n'avons que la possibilité de déposer des amendements pour faire entendre nos revendications par le Parlement et le Gouvernement. Bien sûr, ces amendements peuvent ne pas être parfaits, parce que nous ne disposons pas de tous les outils nécessaires.
Je fais confiance à M. le président de la commission et je retire mes amendements.
M. le président. Les amendements nos II-222 et II-221 sont retirés.
L'amendement n° II-159, présenté par Mmes Mathon, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter in fine le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le troisième alinéa du même article est complété par les mots : «, et 3 millions d'euros quand la population de la commune éligible est supérieure à 200.000 habitants ».
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-159 est retiré.
L'amendement n° II-223, présenté par Mme Bricq, MM. Collombat, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter in fine cet article par deux paragraphes rédigés comme suit :
... . À compter de 2006, pour financer l'élargissement de l'éligibilité à la dotation de solidarité urbaine prévue au II, la dotation globale de fonctionnement des communes est abondée de six millions d'euros.
... Les pertes de recettes pour l'État résultant du paragraphe précédent sont compensées à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux article 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. L'engagement qui a été pris l'année dernière, notamment sur l'initiative de l'Association des maires des grandes villes de France, présidée par notre collègue Jean-Marie Bockel, sera appliqué en 2006 : les communes de plus de 200 000 habitants seront éligibles à la majoration de DSU en fonction des critères de population en ZUS et en ZFU.
Je voudrais faire remarquer que la nouvelle extension du dispositif implique, de fait, une dilution des crédits affectés au titre de la DSU. J'ai plaidé, dans mon exposé liminaire, pour la concentration, qui devrait intervenir dans le cadre d'une réforme globale. À partir du moment où aucun abondement supplémentaire n'est prévu, cette extension interviendra au détriment de la DSU des autres communes urbaines.
Je souhaiterais que l'on puisse assurer une neutralité financière aux nouvelles communes qui entrent dans le dispositif. Il faudrait procéder à un élargissement du dispositif afin que l'État fasse un effort supplémentaire de 6 millions d'euros. Ainsi, le système serait lissé, ce qui n'est pas le cas actuellement.
M. le président. La commission et le Gouvernement vous ont entendue, madame Bricq.
L'amendement est-il maintenu ?
Mme Nicole Bricq. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° II-223 est retiré.
Je mets aux voix l'article 84.
(L'article 84 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 84
M. le président. L'amendement n° II-136 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Amoudry, Jarlier, Faure, P. Blanc, J. Boyer, Cazalet, Carle et Hérisson, est ainsi libellé :
Après l'article 84, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est inséré, après l'article L. 1611-6 du code général des collectivités territoriales, un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - La répartition des concours de l'Etat aux collectivités territoriales tient compte des caractéristiques des territoires ruraux, notamment de leur faible densité de population, ainsi que des nouvelles obligations de nature environnementale qui s'imposent aux collectivités de ces territoires. Elle prend en compte notamment, selon des critères adaptés, les charges liées à la longueur des réseaux et des infrastructures de desserte, à la dispersion de l'habitat, aux surcoûts dus au relief et au climat, aux coûts liés à l'entretien et à l'amélioration de la qualité environnementale des espaces et réseaux hydrographiques ainsi que les charges liées à la protection contre les risques. »
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Je ne veux pas faire de peine au président de la commission des finances, mais je me dois ici, devant le ministre, d'affirmer un certain nombre de convictions fortes !
Sur les cinq amendements concernant les communes, je n'en retiendrai qu'un seul.
L'amendement n° II-136 rectifié a pour objet de sensibiliser à la fois la commission des finances,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Elle l'est !
M. Jacques Blanc. ...qui va travailler sur l'évolution des ressources, et le Gouvernement sur l'importance des charges qui pèsent désormais sur les territoires ruraux.
En effet, après la réforme de la dotation globale de fonctionnement inscrite dans la loi de finances de 2005, ces territoires ruraux ont subi une diminution de la prise en charge de leurs spécificités, comme la longueur des réseaux et des infrastructures de desserte, la dispersion de l'habitat, les surcoûts dus au relief et au climat, ou encore les coûts liés à l'entretien et à l'amélioration de la qualité environnementale des espaces.
Je souhaite que ces surcoûts soient analysés objectivement pour que les communes rurales puissent y faire face. (Le ministre, le président de la commission des finances et le rapporteur spécial font un signe d'approbation.)
Devant les signes positifs de M. le président de la commission des finances, de M. le rapporteur spécial et même de M. le ministre, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-136 rectifié est retiré.
L'amendement n° II-137 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Amoudry, Faure, P. Blanc, J. Boyer, Cazalet, Carle et Hérisson, est ainsi libellé :
Après l'article 84, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « l'année précédente, », sont insérés les mots : « dans la limite de 25 % du montant du même potentiel fiscal pour les communes classées montagne dont la part de la garantie prévue au huitième alinéa (4°) de l'article L. 2334-7 représente plus de la moitié de la dotation forfaitaire, »
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Pour éviter de pénaliser les communes de montagne dont le montant de la dotation forfaitaire est très élevé, du fait de la part prépondérante de la dotation de garantie, par rapport à leur potentiel fiscal, et pour avoir une appréhension plus réaliste de leur richesse, nous proposons de limiter la proportion de cette dotation dans le calcul du potentiel financier à un niveau plus réaliste.
Je souhaite que cet élément soit pris en compte dans les études que vous allez réaliser. (Le ministre acquiesce.) Puisque vous en prenez acte, monsieur le ministre, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-137 rectifié est retiré.
L'amendement n° II-138 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Amoudry, Jarlier, Faure, P. Blanc, J. Boyer, Cazalet, Carle et Hérisson, est ainsi libellé :
Après l'article 84, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales, est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les communes de montagne, le potentiel financier s'entend en excluant le montant de la part majorée de leur attribution par hectare par rapport à l'attribution par hectare des autres communes au titre de la dotation proportionnelle à la superficie prévue au cinquième alinéa (2°) de l'article L. 2334-7 ».
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Mes chers collègues, je voudrais vraiment que l'on soit cohérent ! En 2005, nous avons tous reconnu la spécificité des communes de montagne et majoré la dotation attribuée en fonction de la superficie : pour les communes de montagne, l'indice est passé de 3 à 5.
Dès lors, il est totalement aberrant de tenir compte de cette compensation de charges dans le calcul du potentiel financier, car cela revient à annihiler complètement la prise en compte de cette spécificité.
Je souhaiterais donc que cet amendement soit adopté.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. M. Blanc nous dit que les communes de montagne ont vu augmenter les dotations attribuées en fonction de la superficie et qu'il ne devrait pas en être tenu compte dans le calcul du potentiel financier. Or le potentiel financier mesure la capacité des collectivités à financer leurs dépenses.
Si l'on sort une recette d'une collectivité du potentiel financier, cela revient à vider de son sens cette notion, qui consiste à prendre en compte toutes les capacités financières.
Je n'ai pas pu examiner cet amendement,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce serait dommage de le sacrifier par un vote négatif !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. ...puisqu'il vient de nous parvenir.
J'aimerais connaître l'avis du Gouvernement. Mais comme je veux assumer ma responsabilité, je demanderai à M. Blanc de retirer cet amendement après avoir entendu cet avis, afin que nous puissions réfléchir à cette question dès le mois de janvier.
Car faute de simulations, nous irions vraiment à l'aventure en votant cet amendement. Après avoir voté un surplus de dotations pour tenir compte de la situation des communes situées en zone de montagne, on n'en tiendrait pas compte dans le potentiel financier pour permettre une comparaison avec les autres communes. Or ce surplus a précisément pour objet d'établir une comparaison équitable avec les communes qui ne sont pas en zone de montagne.
Il faudrait procéder à des calculs et non pas nous demander, à une heure du matin, de nous prononcer pour ou contre cet amendement, car nous serons forcément contre !
Nous examinerons cette proposition dès les premiers jours de l'année nouvelle. Pour l'heure, nous n'en avons pas mesuré toutes les conséquences. Par exemple, dans un même département, les rapports risquent d'être modifiés pour les communes qui ne seraient pas situées en zone de montagne. Des zizanies peuvent apparaître là où l'entente devrait régner.
Monsieur Blanc, je conçois que le retrait de cet amendement représente pour vous un effort important, d'autant que vous avez déjà retiré de nombreux amendements. D'ailleurs, nous vous en remercions tous.
Je comprends la passion qui vous anime pour la montagne, en particulier pour les communes rurales du Massif central, puisque j'y suis moi-même élu. Mais il faut d'abord prendre le temps d'examiner cette question. L'année dernière, une aide supplémentaire a été accordée et vous nous demandez de l'enlever pour procéder à des comparaisons.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Mon argument est d'une simplicité totale : l'effort qui a été décidé l'année dernière est annihilé si le potentiel financier inclut la majoration.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais poser une question à Jacques Blanc.
Au départ, certaines communes étaient moins riches ou plus pauvres que d'autres. En étant attributaires de compensations, elles apparaissent plus riches ou moins pauvres qu'auparavant.
Si je vous ai bien compris, vous souhaiteriez enlever une partie des compensations qu'elles reçoivent pour que l'on n'ait pas l'impression qu'elles sont moins pauvres.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Si vous maintenez dans le potentiel fiscal les deux points d'indice concernant la superficie, ceux-ci ne servent à rien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Certaines communes ont effectivement perçu des dotations significatives. Le dispositif est d'ailleurs fait pour ça. On ne peut pas ne pas prendre en compte ces dotations pour pouvoir leur en verser un peu plus !
Nous examinerons cette disposition au mois de janvier. Il serait dommage de prendre le risque de faire sanctionner par un vote négatif une si belle proposition, monsieur Blanc !
M. le président. Monsieur Blanc, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jacques Blanc. J'aimerais connaître l'avis du Gouvernement avant de me prononcer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Monsieur Blanc, très concrètement, vous proposez d'exclure de la dotation forfaitaire des communes de montagne les montants correspondant à la part « superficie » pour le calcul du potentiel financier.
Je l'ai indiqué tout à l'heure à Mme Bricq, il s'agit d'un système à « enveloppe fermée ». Avantager systématiquement les communes de montagne en minorant leur potentiel financier revient, en réalité, à défavoriser, tout aussi systématiquement, l'ensemble des autres communes.
Monsieur Blanc, comme l'ont souligné Michel Mercier et Jean Arthuis, vous vous battez avec passion sur de nombreux sujets : la Lozère, le Massif central ; récemment, vous êtes monté au créneau, avec force et conviction, sur le thème de l'Europe.
Aujourd'hui, vous nous présentez une nouvelle proposition. Le système que vous suggérez est simple et, s'il s'appliquait à une personne physique, il se résumerait ainsi : « Je reçois une prime et je demande à ce qu'elle ne figure pas sur ma déclaration d'impôt ». Vous comprenez que ce système a ses limites !
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Je ne suis pas du tout d'accord avec cette présentation !
Au contraire, le système actuel revient à dire ceci : « on vous aide en vous accordant un indice de superficie un peu plus élevé, et la prise en compte de cet indice dans le calcul du potentiel financier vous enlève par ailleurs des ressources ». C'est sur cette réalité que je veux attirer clairement l'attention.
Comme je constate que j'embête tout le monde (Protestations sur l'ensemble des travées.), je vais retirer cet amendement, la mort dans l'âme, mais je vous demande de l'étudier, car l'argumentation qui m'a été opposée ne correspond pas à la réalité.
M. le président. L'amendement n°II-138 rectifié est retiré.
L'amendement n° II-139 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Amoudry, Jarlier, Faure, P. Blanc, J. Boyer, Cazalet, Carle et Hérisson, est ainsi libellé :
Après l'article 84, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le onzième alinéa de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les communes dont la garantie représente plus de 40 % de la dotation forfaitaire, cette part évoluera conformément au taux de progression de la dotation de base prévue au deuxième alinéa (1°) du présent article, arrêté chaque année par le comité des finances locales. ».
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. La réforme qui a été engagée dans le but de renforcer la péréquation n'atteint pas obligatoirement l'objectif fixé.
Je propose donc d'assurer une croissance significative à l'ensemble des composantes de la dotation forfaitaire des communes dont le potentiel fiscal et les bases de taxe professionnelle sont faibles.
Il est capital que la commission des finances prenne en compte cet aspect des choses dans l'analyse qu'elle fera de la situation.
Cela étant, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n°II-139 rectifié est retiré.
L'amendement n° II-140 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Amoudry, Jarlier, Faure, P. Blanc, J. Boyer, Cazalet, Carle et Hérisson, est ainsi libellé :
Après l'article 84, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L.2334-22 du code général des collectivités territoriales est modifié comme suit :
1° Au troisième alinéa (1°) et au cinquième alinéa (3°), le pourcentage : « 30 p. 100 » est remplacé par le pourcentage : « 25 p. 100 » ;
2° Après le sixième alinéa (4°), il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Pour 10 % de son montant, proportionnellement à la surface communale située dans des espaces protégés des parcs nationaux, dans des réserves naturelles nationales ou dans des grands sites , ou faisant l'objet d'un arrêté de biotope ainsi que les territoires relevant du conservatoire du littoral. En cas de chevauchement partiel des différents régimes de protection, la surface du périmètre concerné ne sera considérée qu'une seule fois. »
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Cet amendement vise à prendre en compte les charges que supportent les communes lorsqu'une partie de leur territoire se situe dans des espaces protégés des parcs nationaux, dans des réserves naturelles nationales ou dans des grands sites, ou faisant l'objet d'un arrêté de biotope, ainsi que les territoires relevant du conservatoire du littoral.
Je connais la réponse, monsieur le ministre : vous allez me dire que ce point sera étudié dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien vu ! (Sourires.)
M. Jacques Blanc. Dans la mesure où vous me le confirmez, monsieur le ministre, et pour faire gagner du temps, je suis prêt à retirer cet amendement. Mais je vous demande de faire part de cette volonté au ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Nous sommes garants de son engagement !
M. Jacques Blanc. Nous avons déjà défendu, dans cet hémicycle, ces territoires qui font l'objet de mesures de protection particulière et qui assument donc des charges supplémentaires.
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n°II-140 rectifié est retiré.
L'amendement n° II-135 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Amoudry, Jarlier, Faure, P. Blanc, J. Boyer, Cazalet, Carle et Hérisson, est ainsi libellé :
Après l'article 84, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la fin du deuxième alinéa de l'article L. 3334-6 du code général des collectivités territoriales, les mots : « et de la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 3334-3, hors les montants antérieurement perçus au titre de la compensation prévue au I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 » sont supprimés.
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Je souhaiterais vivement que le Sénat adopte cet amendement qui concerne, lui, les départements.
La réforme de la dotation globale de fonctionnement, qui est intervenue en 2005 et s'est traduite, notamment, par la création du potentiel financier, nouvel indicateur de richesse des départements, aboutit à des situations totalement aberrantes.
Je prendrai l'exemple de la Lozère. Ce département, qui ne s'est pas beaucoup enrichi et qui bénéficie des dotations de solidarité, était classé deuxième, avec la Creuse, parmi les départements les plus pauvres. Le calcul qui nous est proposé aboutit à le placer maintenant au trente-cinquième rang des départements les plus pauvres ! Même la Mayenne est classée comme étant plus pauvre que la Lozère ! (Sourires.)
Cette situation n'est pas tenable ! Par conséquent, je vous fais confiance, non pas pour rétrograder la Mayenne (Nouveaux sourires.),...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le point culminant du Massif armoricain se situe en Mayenne !
M. Jacques Blanc. ...mais pour que la commission en revienne à des analyses plus objectives, afin de prendre en compte la vraie richesse des départements. Sinon, nous désespérerons les plus pauvres.
Cela étant, comme je connais, là encore, l'argumentation qui me sera opposée, je retire cet amendement, mais avec l'engagement que ce problème sera examiné.
M. le président. L'amendement n°II-135 rectifié est retiré.
L'amendement n° II-134 rectifié, présenté par MM. J. Blanc, Amoudry, Jarlier, Faure, P. Blanc, J. Boyer, Cazalet, Carle et Hérisson, est ainsi libellé :
Après l'article 84, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
Après le cinquième alinéa de l'article L. 3334-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La dotation revenant aux départements éligibles en 2004 à la dotation de fonctionnement minimale évolue chaque année au moins au taux de progression de l'ensemble des ressources de la dotation globale de fonctionnement ».
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Il s'agit de prévoir que la dotation revenant aux départements éligibles en 2004 - je veux bien supprimer la référence à l'année 2004 - à la dotation de fonctionnement minimale évolue chaque année au moins au taux de progression de l'ensemble des ressources de la dotation globale de fonctionnement. Sinon, il est inutile de mettre en place des dotations minimales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Il m'est difficile d'émettre un avis définitif sur cet amendement, qui est défendu d'ailleurs avec constance par Jacques Blanc puisqu'il l'a déjà présenté l'an dernier. Le dispositif proposé n'a pas eu de succès pour une raison très simple : il vise, comme le sait parfaitement M. Blanc, à reconstituer le « club » des vingt-quatre départements qui bénéficiaient de la dotation de fonctionnement minimale, laquelle est désormais étendue à tous ceux qui en ont besoin.
Je m'exprime sous le contrôle du président du conseil général de la Mayenne, qui a bien compris le sens de mon propos.
Cet amendement vise donc à reconstituer, au sein de la DGF des départements, le groupe des vingt-quatre départements « historiques », parmi lesquels certains sont doublement bénéficiaires, puisque j'ai pu voir que le département le plus pauvre au regard du potentiel financier était non plus la Creuse, mais la Haute-Loire ! (M. Karoutchi s'exclame !)
Comme vous le voyez, c'est un sujet qui mérite d'être approfondi, ce que nous pourrons faire grâce à la banque des données que le président Jean Arthuis mettra en place dès les premiers jours de janvier.
Si elle était adoptée, cette disposition ne changerait rien pour cette année, mais elle aurait forcément des conséquences les années suivantes : tous les autres départements bénéficiant de la dotation de fonctionnement minimale voudront rattraper le « club des vingt-quatre ».
Il a fallu des années pour sortir de cette situation ! Les départements ont été classés en deux catégories : ceux qui bénéficient de la dotation rurale et ceux qui bénéficient de la dotation urbaine, avec une progression beaucoup plus rapide pour les premiers que pour les seconds.
On peut casser le système, mais je sais très bien que nous susciterons une demande reconventionnelle des départements qui sont éligibles à la dotation rurale et qui ne figurent pas parmi les vingt-quatre départements « historiques ».
Je souhaite entendre le Gouvernement sur ce point.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Monsieur Blanc, vous nous proposez de mettre en place une garantie de progression minimale pour les vingt-quatre départements éligibles à la dotation de fonctionnement minimale en 2004.
J'ai bien entendu les arguments et l'analyse du rapporteur spécial.
Si cette mesure était étendue à l'ensemble des départements, le Gouvernement s'en remettrait à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Monsieur le président, afin de répondre à la demande de M. le ministre, je rectifie mon amendement en supprimant la référence à l'année 2004.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n°II-134 rectifié bis, présenté par MM. J. Blanc, Amoudry, Jarlier, Faure, P. Blanc, J. Boyer, Cazalet, Carle et Hérisson, et ainsi libellé :
Après l'article 84, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
Après le cinquième alinéa de l'article L. 3334-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La dotation revenant aux départements éligibles à la dotation de fonctionnement minimale évolue chaque année au moins au taux de progression de l'ensemble des ressources de la dotation globale de fonctionnement ».
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Avec une telle disposition, il n'y aurait plus de péréquation possible !
On sait, monsieur Blanc, que certains écarts sont choquants et c'est tout l'intérêt d'une démarche de transparence.
Cela me ferait plaisir d'adopter votre amendement, mais ce ne serait pas une bonne méthode législative Ces dernières années, nous avons trop souvent modifié la législation pour régler des situations, sans savoir ce que nous faisions. C'était une espèce de loterie générale, un peu comme si nous fabriquions un modèle automobile en laissant chaque ouvrier agir à sa guise avec un petit bout de ferraille et un fer à souder.
Il faudrait au moins consulter l'ensemble des départements avant de légiférer sur ce point.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Dans la mesure où la mention « en 2004 » est supprimée, cela veut dire qu'une garantie est apportée à tous les départements bénéficiant de la dotation de fonctionnement minimale que cette dernière évoluera chaque année au moins au taux de progression de l'ensemble des ressources.
Les mots « au moins » signifient que le taux de progression est variable : il y aura des plus et des moins ! Mais il n'y aura pas de perdants !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tous les départements progresseront, ce qui fait que le processus qui a été enclenché l'an dernier pour essayer de dissoudre le « club des vingt-quatre » s'interrompra immédiatement.
M. Jacques Blanc. Je ne le crois pas !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Puisque nous ne connaissons pas les implications de cet amendement, il serait préférable de nous abstenir.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-134 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 84 bis
Le quatorzième alinéa de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Les mots : « en 2005 » sont remplacés par les mots : « à compter de 2006 » et le mot : « douzième » est remplacé par le mot : « treizième » ;
2° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :
« Pour le calcul du potentiel fiscal de ces communes, la part de la dotation de compensation répartie entre les communes membres en application du treizième alinéa est prise en compte à hauteur d'un seuil de 20 % en 2006. Ce seuil augmente de 20 points par an pour atteindre 100 % en 2010. » - (Adopté.)
Article 84 ter
Dans le cinquième alinéa de l'article L. 3334-3 du code général des collectivités territoriales, le taux : « 60 % » est remplacé par le taux : « 35 % ». - (Adopté.)
Article additionnel avant l'article 84 quater
M. le président. L'amendement n° II-217 rectifié, présenté par Mmes Mathon, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 84 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le quatrième alinéa de l'article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« À cette fin, le Conseil régional est habilité à constituer une commission de contrôle de suivi et d'évaluation des aides publiques versées aux entreprises, composées à parts égales de représentants de l'assemblée délibérante et des représentants du comité économique et social régional. Cette commission peut être saisie, en tant que de besoin, par tout élu local, organisation syndicale ou professionnelle représentative. »
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. La décentralisation, dans le mouvement qui lui a été imprimé depuis 2002, a confié aux collectivités territoriales des responsabilités accrues en matière économique.
La loi d'août 2003 a pourvu les communes de pouvoirs d'intervention économique.
Dans le même temps, les entreprises sont de plus en plus enclines à solliciter les deniers publics pour mener certaines politiques d'investissement ou, plus simplement, de maintien des activités économiques.
Des masses financières allant croissant sont aujourd'hui mises en oeuvre vers l'activité économique, au-delà des aides publiques directes que constituent, entre autres, les exonérations fiscales et les allégements de cotisations sociales prises en compte par l'État.
Un contrôle, un suivi et une évaluation de ces engagements sont donc nécessaires tant en amont qu'en aval des versements et contributions apportés par les collectivités territoriales.
La région, ayant vocation à être chef de file de l'intervention économique des collectivités territoriales et étant par ailleurs investie de la mission de développer la formation continue et l'apprentissage, est parfaitement placée pour mettre en oeuvre ce contrôle, ce suivi et cette évaluation des aides publiques aux entreprises. Cela est d'autant plus nécessaire que les engagements des collectivités territoriales dans la vie économique sont l'une des utilisations des ressources fiscales et des dotations, qui constituent l'essentiel de leurs recettes.
Le bon usage des deniers publics étant une valeur assez largement partagée sur ces travées, vous comprendrez que nous vous invitions à voter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. La commission ne s'étant pas réunie, je ne peux donner que mon avis personnel.
Je comprends très bien l'objectif de Mme Mathon : faire en sorte que les conseils régionaux constituent une commission pour suivre les aides accordées à des entreprises. Mais il n'est pas besoin de disposition législative : cela relève de l'exercice de la libre administration des collectivités territoriales, qui ont d'ores et déjà la faculté de constituer une telle commission, de suivre les décisions d'ordre économique et de recevoir toute information, demande, plainte... de qui voudra. Cette commission peut ensuite demander à l'assemblée plénière de faire jouer les mécanismes de remboursement prévus dans la loi dès lors que les obligations n'auraient pas été remplies par les parties bénéficiaires de l'aide.
Il n'est pas nécessaire de légiférer, car c'est là un droit normal de toute collectivité territoriale. Mais le Gouvernement peut avoir un autre avis.
Pour ma part, sous le bénéfice de ces observations, je demande à Mme Mathon de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je partage l'analyse de Michel Mercier : à ma connaissance, il n'est pas besoin d'habilitation législative pour créer une commission de travail, de contrôle ou d'expertise. L'amendement me paraît donc être sans objet.
M. le président. Madame Mathon, l'amendement n° II-217 rectifié est-il maintenu ?
Mme Josiane Mathon. J'ai bien entendu les arguments qui viennent d'être exposés. J'aurais certes préféré que l'existant soit davantage formaté. Cependant, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-217 rectifié est retiré.
Article 84 quater
L'article L. 4332-5 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Dans la dernière phrase du premier alinéa, les mots : « et de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation » sont supprimés ;
2° Dans l'avant-dernier alinéa, les mots : « et de la taxe d'habitation », et les mots : « et de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation » sont supprimés ;
3° Dans le dernier alinéa, les mots : « et celui de la taxe d'habitation » et les mots : « et la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation » sont supprimés ;
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« À compter de 2006, le produit potentiel tient compte des montants correspondant, dans la dotation forfaitaire, aux compensations servies par l'État aux régions jusqu'en 2003 au titre de la suppression de la part régionale de la taxe d'habitation et en application du I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998), pour un montant égal chaque année à celui pris en compte pour la répartition de la dotation de péréquation de l'année précédente, indexé comme la dotation forfaitaire de la pénultième année. » - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 84 quater
M. le président. L'amendement n° II-218, présenté par Mmes Mathon, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 84 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter de 2006, les communautés d'agglomération dont le revenu par habitant est inférieur d'au moins 20 % au revenu par habitant de la catégorie ne peuvent percevoir à compter de la deuxième année d'attribution de la dotation dans la même catégorie une attribution inférieure à celle perçue l'année précédente. »
II. - La perte de recettes pour l'État est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. À l'article L. 5211-33 du code général des collectivités territoriales est instaurée, en quelque sorte, une garantie de versement des dotations globales de fonctionnement d'intercommunalité tenant compte de la relative faiblesse du potentiel fiscal des EPCI concernés. Toutefois, cette garantie ne recouvre que la notion de potentiel fiscal, ignorant donc la situation des habitants eux-mêmes. Or, chacun le sait, ce n'est pas parce que l'activité connaît un réel développement sur le territoire d'une communauté d'agglomération que la situation sociale de ses habitants s'améliore automatiquement.
Même si la structure intercommunale est de nature à conduire des projets de développement économique et d'aménagement de l'espace à l'échelle qu'il convient d'appliquer, dès lors que l'intercommunalité est conçue comme un projet fédérateur des communes participantes, il n'en reste pas moins que la population peut demeurer frappée par des difficultés sociales et économiques majeures : insuffisance de formation et taux de chômage important frappant lourdement les jeunes, les femmes, les résidents d'origine étrangère, victimes qui plus est de multiples discriminations, conduisent bien souvent à des situations de ressources particulièrement modestes pour les résidents.
Il convient donc de faire en sorte que la situation réelle des résidents des communes engagées dans des structures de coopération intercommunale soit prise en compte au travers d'une garantie de versement de la dotation intercommunale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Je vais encore faire la même réponse à Mme Mathon : il faudrait examiner l'effet qu'aurait sa proposition, car on travaille à enveloppe constante.
Je rappelle que la disposition actuelle du code général des collectivités territoriales vise à garantir la DGF des communautés d'agglomération où le revenu par habitant est inférieur à 50 % du revenu moyen de la catégorie. Si l'on fixe ce seuil à 20 %, le montant attribué aux communautés d'agglomération où le revenu par habitant est inférieur à 50 % diminuera au profit de celles où il est inférieur à 20 %. Je ne pense pas, madame, que ce soit ce que vous recherchez : votre but, je suppose, est que l'enveloppe soit élargie. Mais vous savez bien que ce n'est pas possible aujourd'hui ! Quoi qu'il en soit, c'est l'un des points que le Sénat souhaite étudier.
Si, monsieur le président, nous disposons effectivement de cette fameuse banque de données dès le mois de janvier,...
M. Jacques Blanc. J'espère !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. ... nous pourrons mener des études d'impact avant même de déposer des amendements. Ce sera plus intéressant pour nous tous !
Sous le bénéfice de cette observation, je vous demande instamment, madame, de retirer votre amendement. Il faut que vous nous laissiez le temps d'en étudier les conséquences pour les plus pauvres, dont nous sommes tous ici les défenseurs à vos côtés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je connais déjà cet amendement, puisqu'il a été présenté à l'Assemblée nationale. Vous proposez, madame, une septième garantie. Cela aurait pour effet d'alourdir le système et de le rendre plus complexe, moins lisible, et sans doute un peu moins efficace.
Je serai très intéressé par le résultat des travaux qui auront lieu au mois de janvier et dont le programme sera incontestablement très chargé.
M. Jacques Blanc. Il ne faudra pas oublier la montagne !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. J'étais sûr qu'une voix allait s'élever derrière moi pour le rappeler ! (Sourires.)
Il serait donc effectivement préférable, aujourd'hui, de retirer cet amendement.
M. le président. Madame Mathon, l'amendement n° II-218 est-il maintenu ?
Mme Josiane Mathon. Je prends bonne note de cette étude à venir, et je vous rappellerai votre engagement s'il devait vous arriver de l'oublier !
Mme Nicole Bricq. Nous serons vigilants !
Mme Josiane Mathon. Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° II-218 est retiré.
Article 84 quinquies
I. - Le II de l'article 15 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux est ainsi rédigé :
« II. - Les pertes de recettes pour les collectivités territoriales sont compensées à due concurrence par le prélèvement sur les recettes de l'État au titre de la compensation des exonérations relatives à la fiscalité locale. »
II. - Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er janvier 2007. - (Adopté.)
Article 85
Lorsque le droit d'option prévu par les dispositions de l'article 109 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales est exercé avant le 31 août d'une année, l'intégration ou le détachement de l'agent et le droit à compensation qui en résulte ne prennent effet qu'à compter du 1er janvier de l'année suivante.
Lorsque le même droit d'option est exercé entre le 1er septembre et le 31 décembre d'une année, l'intégration ou le détachement de l'agent et le droit à compensation qui en résulte ne prennent effet qu'à compter du 1er janvier de la deuxième année suivant l'exercice de ce droit.
Lorsque le même droit d'option n'est pas exercé, le détachement de l'agent et le droit à compensation qui en résulte ne prennent effet qu'à compter du 1er janvier de la troisième année suivant la publication du décret en Conseil d'État fixant les transferts définitifs des services lorsqu'il est publié entre le 1er janvier et le 31 août et à compter du 1er janvier de la quatrième année suivant la publication du décret précité lorsqu'il est publié entre le 1er septembre et le 31 décembre.
Un décret précise les modalités d'application du présent article.
M. le président. L'amendement n° II-212, présenté par MM. Besse, de Broissia, Bailly, J. Blanc, Cazalet, César, Doublet, Gerbaud, Houel, Lardeux et Trucy, Mmes Mélot et Sittler, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Par dérogation aux dispositions de l'article 110 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, l'agent non titulaire de droit public relevant du ministère en charge de l'équipement et affecté dans un service ou une partie de service transféré à une collectivité territoriale en application de cette loi qui devient agent non titulaire de droit public de la fonction publique territoriale demeure rémunéré par l'État jusqu'au 31 décembre de l'année d'entrée en vigueur du décret en Conseil d'État fixant les transferts définitifs des services.
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. L'article 110 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales prévoit que les agents non titulaires de droit public de l'État et de ses établissements publics deviennent agents non titulaires de droit public de la fonction publique territoriale dès la publication des décrets en Conseil d'État fixant les transferts définitifs des services.
Dans sa formulation actuelle, cet article pourrait poser un problème d'application pour le transfert des personnels non titulaires relevant du ministère chargé de l'équipement, notamment de ceux qui sont en charge des routes.
En effet, s'agissant du transfert des routes, il est prévu la publication du décret de partition de services ouvrant le droit d'option avant la période de viabilité hivernale. Or cette publication entraînerait à mi-année le transfert des personnels non titulaires, avec les difficultés que cela pourrait poser en termes de mise en oeuvre de la compensation correspondante pour les collectivités territoriales, notamment dans le cadre des nouvelles règles budgétaires et comptables en vigueur.
C'est pourquoi il est proposé que les agents non titulaires de droit public relevant du ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, et affectés dans un service ou une partie de service transféré à une collectivité territoriale devenus agents non titulaires de droit public de la fonction publique territoriale restent à la charge de l'État entre la date d'entrée en vigueur du décret en Conseil d'État fixant les transferts définitifs des services et le 31 décembre de cette même année.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Il s'agit là encore d'un amendement que la commission n'a pas pu étudier, mais sa rédaction me laisse à penser qu'il a été puisé aux meilleures sources (Sourires.), qu'il est particulièrement bien bâti et qu'il répond bien entendu à une situation réelle à laquelle il faut trouver des solutions.
Je pense que nous pouvons attendre sans crainte l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. L'occasion m'est une nouvelle fois fournie de souligner la très grande perspicacité de M. Mercier !
Dans sa formulation actuelle, cet article pourrait effectivement poser un problème d'application et d'interprétation s'agissant du transfert des personnels non titulaires relevant du ministère de l'équipement.
Votre proposition, madame, permet de résoudre cette question, et le Gouvernement émet, comme M. Mercier s'y attendait, un avis favorable.
Mme Nicole Bricq. Bien sûr ! C'est un amendement du Gouvernement !
M. le président. Je mets aux voix l'article 85, modifié.
(L'article 85 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 85
M. le président. L'amendement n° II-141 rectifié, présenté par M. Karoutchi, est ainsi libellé :
Après l'article 85, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 822-1 du code de l'éducation est ainsi modifié :
I. - Dans la première phrase du quatrième alinéa, après les mots « Les biens appartenant à l'État » sont insérés les mots « ou à un établissement public ».
II. - Dans l'avant-dernière phrase du cinquième alinéa, après les mots « à l'État » sont insérés les mots « ou, le cas échéant, à un établissement public ».
La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. J'espère la même générosité gouvernementale, surtout que cet amendement vise à alléger les charges financières de l'État.
En effet, l'article 66 de la loi du 13 août 2004 permettait à l'État de transférer à titre gratuit aux communes ou aux EPCI volontaires les résidences universitaires, à charge pour eux de les rénover et de les réhabiliter, tout en en laissant par convention la gestion aux centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires, les CROUS.
Or quelques résidences universitaires ont déjà été transférées par l'État à titre gracieux soit à un établissement public, soit à un CROUS. Il est donc devenu difficile de les transférer, le cas échéant, à une commune ou à un EPCI volontaire.
L'amendement vise donc à corriger cet élément de la loi de 2004 afin que le Gouvernement ou l'établissement public puisse effectuer le transfert à la commune ou à l'EPCI volontaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Là aussi, c'est un amendement bien construit !
La loi du 13 août 2004 prévoyait effectivement que seul l'État pouvait céder gratuitement les immeubles dans lesquels sont logés les étudiants. Cet amendement vise à étendre cette possibilité aux EPCI.
Une question peut néanmoins se poser à propos d'un tel amendement : a-t-il vraiment sa place dans une loi de finances ? Cependant, la rédaction de M. Karoutchi me semble particulièrement subtile, bien étudiée, puisée à la meilleure des sources.
Mme Nicole Bricq. C'est un amendement du Gouvernement !
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Je souhaite donc entendre l'avis du Gouvernement. Si celui-ci souhaite inclure dans une loi de finances un texte qui n'a qu'un rapport assez lointain avec une loi de finances sans que le Conseil constitutionnel y voie d'inconvénient, bien entendu, monsieur le ministre, nous nous rangerons à votre avis.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Monsieur le sénateur, à l'évidence, M. le rapporteur spécial vient de le souligner, la correction que vise à apporter votre amendement permettrait de faire respecter l'esprit de la loi, qui comprenait bien dans son champ l'ensemble des résidences universitaires.
Toutefois, contrairement à ce que suppose M. Mercier, cet amendement n'est pas puisé aux meilleures sources, aux sources gouvernementales. Je n'en connais pas l'origine, même si éventuellement, compte tenu de l'attache géographique de Roger Karoutchi,...
M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Je pensais à Antony !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Ah, vous avez des appréciations sur lesquelles nous pourrions éventuellement nous rejoindre !
Quoi qu'il en soit, cette proposition n'a pas d'incidence budgétaire ; on pourrait donc en tirer un certain nombre de conclusions quelque peu complexes.
Par conséquent, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Si l'amendement était adopté, monsieur le ministre, il aurait une légère incidence budgétaire, puisque, les CROUS pouvant alors transférer la réhabilitation et la rénovation des résidences universitaires concernées aux communes ou aux EPCI volontaires, le Gouvernement pourrait réduire leur dotation.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 85.
L'amendement n° II-155 rectifié bis, présenté par MM. J.C. Gaudin et Vanlerenberghe et Mme Keller, est ainsi libellé :
Après l'article 85, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l'article L. 2333-67 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 1 % des salaires définis à l'article L. 2333-65 lorsque la population de la commune ou de l'établissement public est comprise entre 10 000 et 100 000 habitants et que l'autorité organisatrice a délibéré en faveur de la mise en oeuvre d'une démarche de planification globale des déplacements telle que prévue à l'article 28 de la loi d'orientation des transports intérieurs (n° 82-1153 du 30 décembre 1982). Si le plan n'a pas été approuvé par l'autorité délibérante dans un délai maximum de 4 ans à compter de la date de cette délibération, le taux applicable à compter de la quatrième année est ramené à 0,55 % au plus. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-156 rectifié bis, présenté par MM. J.C. Gaudin et Vanlerenberghe et Mme Keller, est ainsi libellé :
Après l'article 85, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 2333-67 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La population à prendre en compte est celle qui résulte de l'addition de la population municipale totale et de la population comptée à part, augmentée, le cas échéant, du nombre d'habitants recensés sur le territoire des zones urbaines sensibles. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-150 rectifié bis, présenté par MM. J.C. Gaudin et Vanlerenberghe et Mme Keller, est ainsi libellé :
Après l'article 85, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le deuxième alinéa du I de l'article L. 5211-30 du code général des collectivités territoriales, les mots : « janvier 2003 » sont remplacés par les mots : « janvier 2006 », et les mots : « comme la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7 » sont remplacés par les mots : « comme la dotation globale de fonctionnement ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-151 rectifié bis, présenté par MM. J.C. Gaudin et Vanlerenberghe et Mme Keller, est ainsi libellé :
Après l'article 85, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le deuxième alinéa du I de l'article L. 5211-30 du code général des collectivités territoriales, les mots : « janvier 2003 » sont remplacés par les mots : « janvier 2007 », et les mots : « comme la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7 » sont remplacés par les mots : « comme la dotation globale de fonctionnement ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-152 rectifié bis, présenté par MM. J.C. Gaudin et Vanlerenberghe et Mme Keller, est ainsi libellé :
Après l'article 85, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
I. - Le deuxième alinéa du I de l'article L. 5211-30 est ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2006, les sommes affectées à la catégorie des communautés urbaines sont réparties de sorte que le montant de l'attribution par habitant de chacune d'entre elles est égal à l'attribution par habitant perçue l'année précédente indexée selon un taux égal à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation hors tabac associée au projet de loi de finances. L'attribution par habitant à prendre en compte au titre de 2005 est majorée pour chaque communauté du montant dû en application du I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) et du 2° bis du II de l'article 1648 B du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003). Pour les communautés urbaines soumises pour la première fois à compter de 2006 aux dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, les crédits correspondant à la compensation antérieurement perçue en application du I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 précitée, versés à l'établissement en lieu et place des communes, sont intégrés dans la dotation d'intercommunalité à prendre en compte au titre de l'année précédente. »
II. - L'article L. 5211-28-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-28-1. - À compter de 2004, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre autres que les communautés urbaines perçoivent une dotation de compensation égale aux montants dus au titre de 2003 en application du I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) et du 2° bis du II de l'article 1648 B du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003), indexés selon le taux fixé par le comité des finances locales en application du 3° de l'article L. 2334-7.
« Les établissements publics de coopération intercommunale autres que les communautés urbaines soumis pour la première fois à compter de 2004 aux dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts perçoivent en lieu et place de leurs communes membres la part de la dotation forfaitaire correspondant à la compensation antérieurement perçue en application du I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 précitée. Lorsqu'une ou plusieurs de leurs communes membres subissait, l'année précédant la mise en oeuvre des dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, un prélèvement sur la fiscalité en application du 2 du III de l'article 29 de la loi de finances pour 2003 (n° 2002-1575 du 30 décembre 2002), la dotation de compensation versée à l'établissement est minorée du montant de ce prélèvement, actualisé chaque année selon le taux fixé par le comité des finances locales en application du 3° de l'article L. 2334-7. »
III. - L'article L. 2334-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les communes membres de communautés urbaines faisant application des dispositions de l'article 1609 nonies C ou du II de l'article 1609 quinquies C du code général des impôts, la dotation de compensation prévue à l'alinéa précédent est calculée en appliquant, à la dotation d'intercommunalité prévue à l'article L. 5211-30 perçue l'année précédente, le rapport constaté l'année précédente entre la dotation de compensation prise en compte l'année précédente dans le potentiel fiscal et la dotation d'intercommunalité de la pénultième année. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-153 rectifié bis, présenté par MM. J.C. Gaudin et Vanlerenberghe et Mme Keller, est ainsi libellé :
Après l'article 85, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 5211-30 est ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2007, les sommes affectées à la catégorie des communautés urbaines sont réparties de sorte que le montant de l'attribution par habitant de chacune d'entre elles est égal à l'attribution par habitant perçue l'année précédente indexée selon un taux égal à l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation hors tabac associée au projet de loi de finances. L'attribution par habitant à prendre en compte au titre de 2005 est majorée pour chaque communauté du montant dû en application du I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) et du 2° bis du II de l'article 1648 B du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003). Pour les communautés urbaines soumises pour la première fois à compter de 2006 aux dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, les crédits correspondant à la compensation antérieurement perçue en application du I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 précitée, versés à l'établissement en lieu et place des communes, sont intégrés dans la dotation d'intercommunalité à prendre en compte au titre de l'année précédente. »
II. - L'article L. 5211-28-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-28-1. - À compter de 2004, les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre autres que les communautés urbaines perçoivent une dotation de compensation égale aux montants dus au titre de 2003 en application du I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 (n° 98-1266 du 30 décembre 1998) et du 2° bis du II de l'article 1648 B du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003), indexés selon le taux fixé par le comité des finances locales en application du 3° de l'article L. 2334-7.
« Les établissements publics de coopération intercommunale autres que les communautés urbaines soumis pour la première fois à compter de 2004 aux dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts perçoivent en lieu et place de leurs communes membres la part de la dotation forfaitaire correspondant à la compensation antérieurement perçue en application du I du D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999 précitée. Lorsqu'une ou plusieurs de leurs communes membres subissait, l'année précédant la mise en oeuvre des dispositions de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, un prélèvement sur la fiscalité en application du 2 du III de l'article 29 de la loi de finances pour 2003 (n° 2002-1575 du 30 décembre 2002), la dotation de compensation versée à l'établissement est minorée du montant de ce prélèvement, actualisé chaque année selon le taux fixé par le comité des finances locales en application du 3° de l'article L. 2334-7. »
III. - L'article L. 2334-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les communes membres de communautés urbaines faisant application des dispositions de l'article 1609 nonies C ou du II de l'article 1609 quinquies C du code général des impôts, la dotation de compensation prévue à l'alinéa précédent est calculée en appliquant, à la dotation d'intercommunalité prévue à l'article L. 5211-30 perçue l'année précédente, le rapport constaté l'année précédente entre la dotation de compensation prise en compte l'année précédente dans le potentiel fiscal et la dotation d'intercommunalité de la pénultième année. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° II-154 rectifié bis, présenté par MM. J.-C. Gaudin et Vanlerenberghe et Mme Keller, est ainsi libellé :
Après l'article 85, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter de 2006, afin de compenser la diminution enregistrée d'une année sur l'autre de la dotation prévue au IV de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30 décembre 1986), il est versé à chaque commune et établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre qui connaissent une telle diminution une compensation dans les conditions suivantes :
a) La compensation est versée aux communes touchées par cette baisse qui sont éligibles au titre de l'année précédente à la dotation de solidarité urbaine prévue à l'article L. 2334-15 du code général des collectivités territoriales et aux communes bénéficiaires, au titre de l'année précédente, de la première fraction de la dotation de solidarité rurale visée à l'article L. 2334-21 du code général des collectivités territoriales.
Dans ce cas, les attributions qui reviennent aux communes bénéficiaires de cette compensation sont égales à la baisse enregistrée par chaque commune, entre 2005 et l'année en cours, de la dotation prévue au IV de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30 décembre 1986) ;
b) La compensation est versée aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre touchés par cette baisse dont un membre au moins est éligible, au titre de l'année précédente, soit à la dotation de solidarité urbaine prévue à l'article L. 2334-15 du code général des collectivités territoriales, soit à la première fraction de la dotation de solidarité rurale visée à l'article L. 2334-21 du code général des collectivités territoriales.
Dans ce cas, les attributions qui reviennent aux groupements bénéficiaires de cette compensation sont égales à la baisse enregistrée par chaque groupement, entre 2005 et l'année en cours, de la dotation prévue au IV de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30 décembre 1986), à hauteur du pourcentage que représente la population des communes éligibles soit à la dotation de solidarité urbaine, soit à la première fraction de la dotation de solidarité rurale, membres du groupement dans la population totale du groupement ;
c) La compensation est versée aux communes touchées par cette baisse bénéficiaires au titre de l'année précédente de la seconde fraction de la dotation de solidarité rurale visée à l'article L. 2334-22 du code général des collectivités territoriales et dont le potentiel financier par habitant, tel qu'il est défini à l'article L. 2334-4 du code précité est inférieur à 90 % du potentiel financier moyen par habitant des communes appartenant au même groupe démographique.
Dans ce cas, les attributions qui reviennent aux communes bénéficiaires de cette compensation sont égales à la baisse enregistrée par chaque commune, entre 2005 et l'année en cours, de la dotation prévue au IV de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30 décembre 1986).
Cet amendement n'est pas soutenu.
Nous avons achevé l'examen des crédits relatifs à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et des crédits du compte de concours financiers : « Avances aux collectivités territoriales ».
La suite de la discussion du projet de loi de finances est renvoyée à la prochaine séance.
7
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président. J'ai reçu de M. Gérard César, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation agricole.
Le rapport sera imprimé sous le n° 121 et distribué.
J'ai reçu de MM. Maurice Blin, Henri Revol et Jacques Valade, un rapport fait au nom de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi de programme pour la recherche (n° 91, 2005-2006).
Le rapport sera imprimé sous le n° 122 et distribué.
8
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, vendredi 9 décembre 2005 à dix heures trente, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 98 et 99, 2005-2006) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).
Deuxième partie. - Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales :
- Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation (+ articles 75, et 75 bis) :
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 5) ;
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 103, tome I).
- Transports (+ articles 90, 90 bis et 90 ter),
- Budget annexe : Contrôle et exploitation aériens,
- Compte d'affectation spéciale : Contrôle et sanction automatisés des infractions du code de la route :
M. Alain Lambert, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 32) ;
M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 32) ;
M. Gérard Miquel, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 32) ;
M. Yvon Collin, rapporteur spécial (Contrôle et exploitation aériens - rapport n° 99, annexe n° 32) ;
M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 101, tome X).
M. Charles Revet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 101, tome X) ;
M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (Contrôle et exploitation aériens - avis n° 101, tome X) ;
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 101, tome X) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque mission
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque mission est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à onze heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits des missions pour le projet de loi de finances pour 2006
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits des missions et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2006 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion à onze heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits des missions du projet de loi de finances pour 2006
Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits des missions du projet de loi de finances pour 2006, est fixé au vendredi 9 décembre à onze heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, préalable au Conseil européen des 15 et 16 décembre 2005 ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 13 décembre 2005, à dix-sept heures.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers (n° 109, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 14 décembre 2005, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 13 décembre 2005, à dix-huit heures.
Projet de loi de programme pour la recherche (n° 91, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : jeudi 15 décembre 2005, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : jeudi 15 décembre 2005, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 9 décembre 2005, à une heure trente.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD