agriculture, pêche, forêt et affaires rurales
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 4 311 162 007 euros ;
Crédits de paiement : 2 932 991 922 euros.
M. le président. L'amendement n° II-145, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural Dont Titre 2 |
|
- 2.000.000 |
|
- 2.000.000 |
Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés |
|
- 2.000.000 |
|
- 2.000.000 |
Forêt |
|
|
|
|
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture Dont Titre 2 |
|
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|
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TOTAL |
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- 4.000.000 |
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- 4.000.000 |
SOLDE |
- 4.000.000 |
- 4.000.000 |
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre. Cet amendement est un complément à l'amendement gouvernemental adopté lors du vote de la Mission « Enseignement scolaire », qui a attribué 10 millions d'euros au programme 143 « Enseignement technique agricole », destinés notamment à l'aide sociale aux élèves, dont 6 millions d'euros provenant du budget du ministère de l'éducation nationale.
Le redéploiement proposé ici, au sein de la Mission « Agriculture, pêche et affaires rurales », doit permettre de rééquilibrer le précédent amendement dont le solde était positif de 4 millions d'euros. Ces redéploiements se feront dans un certain nombre de programmes du ministère de l'agriculture.
Compte tenu des crédits qui ont déjà été votés, il s'agit d'un nouvel abondement de 15 millions d'euros au programme « Enseignement technique agricole » pour équilibrer les dotations, comme l'ont rappelé plusieurs sénateurs, notamment l'aide sociale aux élèves sous forme de bourses.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. M. le ministre a déjà évoqué ce sujet dans sa réponse aux orateurs. La commission des finances émet un avis favorable sur cet amendement. Elle estime que cette proposition de redéploiement va dans le bon sens puisque l'enseignement technique agricole risquait d'être privé de ressources.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Carle. Je tiens à remercier M. le ministre de l'effort qu'il consent en faveur de l'enseignement technique agricole. Conjugué à celui qui a été fait voilà quelques jours par M. Gilles de Robien, il permet en effet d'abonder les crédits de 15 millions d'euros.
Cet effort, certes important, est indispensable, car les établissements de l'enseignement technique agricole sont dans une situation très difficile. Cela ne les empêche pas de réaliser un excellent travail en permettant souvent à des jeunes en difficulté d'obtenir un métier.
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, pour explication de vote.
M. Bernard Piras. Comme je l'ai dit dans mon intervention liminaire, on déshabille Paul pour habiller Pierre. Mais comme Paul était déjà mal habillé, cela ne résout pas le problème. Il aurait à mon avis fallu trouver d'autres solutions. Nous voterons contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Pastor. Plusieurs des amendements qui nous sont soumis visent à prélever de l'argent sur une des actions phares de la loi d'orientation agricole.
Monsieur le ministre, vous avez précisé à la tribune que, à la suite de la loi d'orientation agricole, vous vouliez développer, pour les années 2006, 2007 et 2008, une sorte de contrat entre la société et l'agriculture, autour de l'environnement. Or, votre première démarche consiste à prélever de l'argent sur les CAD, qui correspondent pourtant à la seule intervention de l'Etat en direction des exploitants agricoles. Alors que vous aviez prévu de financer 10 000 CAD en 2006, il n'y en aura finalement que 6 000.
Certes, et nous en avons bien conscience, l'enseignement agricole se trouve dans une situation difficile et mérite à ce titre une attention particulière. Mais il est dommage de commencer à amputer le financement d'un volet phare du projet de loi d'orientation agricole avant même son entrée en application ! C'est vrai pour le présent amendement et pour un autre que nous serons amenés à examiner dans un instant.
M. le président. L'amendement n° II-129 rectifié bis, présenté par MM. Amoudry, Jean Boyer, Jacques Blanc, Deneux, Badré et Besse, Mme Létard, MM. Vial et Hérisson, Mme Férat, MM. Fournier, Jarlier, Murat et Carle, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural Dont Titre 2 |
16 000 000 |
|
15.424.000 |
|
Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés |
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16.000.000 |
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15.424.000 |
Forêt |
|
|
|
|
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture Dont Titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
16.000.000 |
16.000.000 |
15.424.000 |
15.424.000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Les indemnités compensatrices de handicap naturel, ou ICHN, permettent la présence d'agriculteurs dans les zones défavorisées, spécialement en montagne, où elles constituent un complément indispensable de revenu pour les agriculteurs. Sans cet apport, les conséquences sur la vie dans les vallées et dans les massifs, comme en matière d'aménagement du territoire seraient extrêmement lourdes.
Le ministre de l'agriculture s'était engagé, en 2003, à porter à 50 % sur trois ans le différentiel d'indemnisation des vingt-cinq premiers hectares par rapport aux hectares suivants, afin d'aider les exploitations de taille modeste à se maintenir sur l'ensemble du territoire. Après une augmentation de 10 à 20 % en 2004, puis de 20 à 30 % en 2005, le projet de budget pour 2006 ne prévoit aucune mesure nouvelle. Il est indispensable de poursuivre cette évolution, en inscrivant une nouvelle tranche de 10 % en 2006, pour atteindre, en 2007, l'engagement annoncé.
C'est pourquoi il est proposé de majorer de 16 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 15,424 millions d'euros en crédits de paiement les crédits inscrits sur l'action 05 du programme 154 « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural » pour 2006. La répartition entre autorisations d'engagement et crédits de paiement correspond à la proportion retenue par le projet de budget pour la couverture en crédits de paiement des nouveaux engagements : 241 millions d'euros sur 250 millions.
En compensation, des efforts d'économie supplémentaires peuvent être réalisés sur les dépenses de fonctionnement des offices agricoles, dont les frais de structure justifient un effort de rationalisation, puisque la réforme des offices agricoles, annoncée par le Gouvernement, a été mise en oeuvre, dans le cadre de l'article 29 du projet de loi d'orientation agricole. Il est donc proposé une réduction de 16 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 15,424 millions d'euros en crédits de paiement inscrits des dépenses de l'action 04 du programme 227 « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés » pour 2006, au titre de la subvention pour charges de service public versée aux opérateurs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Le Gouvernement a déjà indiqué qu'une amélioration des crédits d'ICHN était intervenue au cours des années précédentes, se traduisant par une revalorisation de 30 % sur trois ans du montant moyen de l'indemnisation.
Pourquoi ne pas aller plus loin ? Il ne faut néanmoins pas oublier que la revalorisation proposée nécessiterait probablement une négociation avec la Commission européenne puisque nous arrivons au terme du programme de développement rural. Dès lors, il conviendrait que le Gouvernement négocie cette revalorisation dans le cadre de la nouvelle programmation budgétaire 2007-2013.
Puisque c'est une question qui enchaîne le Gouvernement à la Commission européenne, je souhaiterais connaître l'avis de M. le ministre avant de donner celui de la commission.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, ministre. L'amendement de M. Jean-Paul Amoudry a été déposé en termes quasiment identiques à l'Assemblée nationale par M. Alain Marleix, député du Cantal. Voyons d'abord l'état des lieux que j'ai rappelé à l'instant, comme vient de le faire M. le rapporteur spécial : nous avons augmenté en trois ans le montant de l'indemnisation de 30 %, ce qui constitue un geste fort.
Il est vrai que cette indemnité pourrait naturellement encore augmenter. Nous avons ajouté cette année 7 millions d'euros au financement national, le financement des ICHN comportant en effet une part nationale et une part communautaire.
L'amendement n° II-129 rectifié bis représenterait un surcoût de 16 millions d'euros. La difficulté tient à la nécessité de recueillir l'accord de la Commission européenne pour le mettre en oeuvre. Et cet accord ne sera pas obtenu immédiatement pour la raison que vient d'indiquer M. Joël Bourdin.
En effet, nous arrivons à la fin de la programmation du développement rural et nous attendons, pour décider de la nouvelle programmation, de connaître les perspectives financières européennes et de voir ce qui se passera au sommet des chefs d'État et de gouvernement de la semaine prochaine.
Pour l'instant, et tant que l'incertitude européenne n'est pas levée, la démarche engagée au travers de l'amendement n° II-129 rectifié bis est prématurée. Je vous demande donc, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer provisoirement cet amendement. Ce faisant, je vous assure de notre volonté politique de poursuivre la revalorisation de l'ICHN en zone de montagne et de mettre en oeuvre cette disposition dès que nous aurons connaissance des moyens précis du deuxième pilier, qui nous permettront d'établir la programmation 2007-2013.
Sachez que le Gouvernement partage votre état d'esprit et que nous pourrons peut-être, en cours d'année, trouver des solutions en fonction des financements européens mis à notre disposition. Mais, pour l'instant, je le répète, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Amoudry, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Paul Amoudry. Je voudrais bien pouvoir accéder à la demande du ministre, et je comprends les interférences, dans cette affaire, entre le droit européen et notre situation.
Toutefois, je voudrais rappeler qu'un engagement a été pris pour cinq ans, il n'y a pas si longtemps. Il devait arriver à son terme en 2007, et je pense qu'il est difficilement soutenable, à l'égard de l'ensemble du monde rural, d'alléguer en cours de route que nous devons nous en référer à des décisions européennes.
Par ailleurs, je pense qu'il est intéressant pour le Gouvernement de pouvoir s'appuyer, lors de la négociation, sur un vote du Parlement sur cette question.
Enfin, je souligne que la situation actuelle n'est pas satisfaisante, malgré les efforts qui ont été faits et qui ont porté le différentiel d'indemnisation à 30 % aujourd'hui. L'objectif était d'atteindre 50 % en 2007, et nous aurions dû en être à 40 % cette année. Je crois que nous pouvons trouver, dans le cadre de la LOLF, les moyens nécessaires pour financer cette opération, s'agissant d'une des branches de l'agriculture les plus fragilisées, et ce pour différentes raisons tenant aux contraintes climatiques, environnementales et à toutes sortes de difficultés. Je souhaite donc que le Sénat puisse se prononcer sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre. Je comprends très bien la position de M. Jean-Paul Amoudry.
Je tiens cependant à souligner qu'il a gagé son amendement sur le fonctionnement des offices. Or, si nous prélevions 16 millions d'euros sur le fonctionnement des offices, dont les crédits s'élèvent à 100 millions d'euros, nous remettrions complètement en cause ce fonctionnement, et les offices ne seraient plus en mesure d'assurer le paiement des aides du premier pilier aux agriculteurs.
Il y a là, monsieur Amoudry - et mon propos tend simplement à votre information - une difficulté réelle qui pourrait porter un préjudice important à la profession agricole.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Pastor. Je retrouve des propos que j'ai tenus en tant que rapporteur sur le volet du développement rural : j'avais en effet soulevé la question que vient de poser à l'instant même notre collègue Amoudry avec son amendement, à savoir l'engagement pris pour arriver aux 50 % de différentiel d'indemnisation.
J'ai donc tendance, pour ma part, à adhérer à l'esprit de cet amendement.
Les membres du groupe socialiste considèrent comme important d'attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'approfondir cette démarche. Les ICHN sont en effet un encouragement direct adressé à des exploitations qui connaissent des situations difficiles, comme les exploitations de montagne.
Cela dit, il serait dangereux d'adopter cet amendement si une augmentation des ICHN devait aboutir, demain, à la suppression des offices !
Nous avons tous reconnu, lors du débat sur la loi d'orientation agricole, c'est-à-dire assez récemment, l'impérieuse nécessité de conforter toutes les filières économiques. Or, ces dernières dépendent quand même, pour une très grande partie, du fonctionnement des offices.
On ne peut pas, sur ces questions, dire tout et son contraire en quinze jours de temps ! J'ajoute que nous venons de discuter deux amendements proposés directement ou indirectement par la majorité gouvernementale, l'un pour réduire les interventions en faveur du développement durable et l'autre pour augmenter au contraire ces interventions ! Essayons quand même d'être cohérents ! Voilà pourquoi le groupe socialiste s'abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. Je comprends et j'approuve l'esprit de cet amendement.
En revanche, je saisis l'occasion fournie par le gage de l'amendement de M. Amoudry, qui risque d'affaiblir les offices, pour exprimer ma préoccupation quant à un office parmi d'autres, celui de la viticulture. Je n'ai pas pu prendre part à la discussion générale sur cette mission, puisque je suis aujourd'hui rapporteur pour avis sur le sujet de la pêche, au nom de la commission des affaires économiques. J'ai par ailleurs entendu avec émotion l'intervention de mon collègue et ami Roland Courteau sur la situation de la viticulture.
Je tiens à vous dire, monsieur le ministre, à la fin de ce débat, que je suis consterné par la faiblesse de vos réponses, ou plus exactement par le refus du Gouvernement, depuis trois ou quatre ans, de prendre en charge jusqu'au bout ce sujet. Si ce dernier, certes - et nous en convenons tous - est très difficile, il faut néanmoins bien qu'à un moment donné un gouvernement, un ministre, un Premier ministre aident à rendre les arbitrages nécessaires. Nous ne sommes pas gouvernés sur ce sujet !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Gérard Delfau. Les parlementaires que nous sommes n'ont pas d'interlocuteur au Gouvernement ! Nous sommes complètement laissés de côté ! Le mois de janvier sera celui du rendez-vous, et je souhaite, monsieur le ministre, que vous preniez d'ici là conscience de la nécessité, au-delà des rencontres coutumières, routinières, dans vos bureaux de la rue de Varenne, d'exposer à tout prix la gravité de la situation à l'ensemble de la profession, des élus et du Gouvernement.
Arrivé au Sénat en 1980, j'avais dit la même chose au ministre de l'agriculture de l'époque, M. Pierre Méhaignerie. Ensuite sont venues des mesures courageuses et nécessaires, et la viticulture a trouvé un second souffle, et pas seulement dans le Languedoc-Roussillon.
Nous nous trouvons à un moment identique, monsieur le ministre, et cette responsabilité repose sur vos épaules
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre. Nous sortons du débat, mais je voudrais répondre à MM. Gérard Delfau, Roland Courteau, Jacques Blanc et à d'autres.
Le Gouvernement, monsieur Delfau, est très conscient de la gravité de la situation. Mais j'aimerais aussi, et je vous le dis de manière très solennelle, que vous ne vous contentiez pas d'interpeller le Gouvernement. Puisque nous mettons en marche des mesures de distillation et de réduction de la production, je souhaiterais que vous diffusiez ce message-là sur le terrain, dans vos départements.
Ce faisant, vous nous aideriez beaucoup, et nous pourrions ensemble faire nettement plus, car, s'il est facile de revendiquer, il faut aussi, là où vous êtes acteur, participer, pas simplement par le langage - je sais que vous êtes très sincère, monsieur Delfau -, et nous aider à mettre en place les mesures de restriction de la production. En effet, sans restriction de la production et sans mesures à l'exportation, quel que soit le gouvernement, quel que soit l'argent public investi, nous ne sortirons pas de cette situation ! Je sais pouvoir compter sur votre sens de la responsabilité républicaine.
M. Gérard César. Très juste !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je tiens à rappeler ce qu'a très justement indiqué M. le ministre tout à l'heure : il s'agit d'un amendement de redéploiement. Si les crédits sont augmentés, comme le propose l'amendement n° II-129 rectifié bis, ce sont effectivement les offices qui en pâtiront.
Cela me paraît difficilement acceptable. J'ajoute qu'il faut, de temps en temps, faire primer le principe de réalité sur le principe de plaisir. L'augmentation des crédits demandée est suspendue à des négociations qui auront lieu dans quelque temps avec l'Union européenne.
Cet amendement n'est pas applicable dans l'immédiat. Je crois donc qu'il vaudrait mieux surseoir, le garder en mémoire parce qu'il va dans le bon sens. Mais ne nous créons pas de complications.
M. le président. Monsieur Amoudry, l'amendement n° II-129 rectifié bis est-il toujours maintenu ?
M. Jean-Paul Amoudry. J'avais cru possible la compensation contenue dans cet amendement, dans la mesure où elle avait été étudiée au Sénat ; je n'avais donc pas le sentiment de porter un coup fatal aux offices. Par ailleurs, j'ai entendu M. le ministre annoncer, à la fin de son intervention, une réforme des offices, une rationalisation. Je pensais donc, en toute bonne foi, que cette compensation était envisageable.
Cela étant, je m'interroge sur la marge de manoeuvre véritable qui est laissée au Parlement dans le cadre de la LOLF : si, quand nous étudions une proposition, on nous explique, comme dans le cas présent, que ce n'est pas défendable car cela risque de tuer les offices, on peut s'interroger sur la capacité du Parlement à formuler des propositions.
Mme Évelyne Didier. Excellente remarque !
M. Jean-Paul Amoudry. Puisque, d'une part, M. le ministre a indiqué que des possibilités existaient au niveau des discussions européennes et que, d'autre part, nous connaissons sa pugnacité, sa volonté de défendre ce dossier, et son engagement solennel, je retire cet amendement, même si ce retrait est teinté d'une certaine amertume. Sachez néanmoins, monsieur le ministre, que le monde agricole et nous tous serons extrêmement vigilants.
M. le président. L'amendement n° II-129 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° II-131 rectifié bis, présenté par MM. Emorine, César et Cornu, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural Dont Titre 2 |
|
2 500 000 |
|
2 500 000 |
Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés |
2 500 000 |
|
2 500 000 |
|
Forêt |
|
|
|
|
Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture Dont Titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
+ 2 500 000 |
- 2 500 000 |
+ 2 500 000 |
- 2 500 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Cet amendement vise à financer par une réaffectation de crédits au sein de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » le quart de l'enveloppe budgétaire - 10 millions d'euros - nécessaire pour 2006 à l'extension progressive du mécanisme d'assurance récolte à l'ensemble des productions agricoles.
À cette fin, il vous est proposé de procéder à un prélèvement de 2,5 millions d'euros sur le programme 154 « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural », ce prélèvement étant réaffecté au sein du programme 227 « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés ».
Une telle réaffectation interne à un programme ne pouvant faire l'objet d'un amendement en loi de finances, je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de nous préciser la façon dont vous allez financer cette opération. Par ailleurs, quelles assurances pouvez-vous nous donner ?
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Au début de ce débat, j'ai précisé - ce problème avait déjà été évoqué lors de l'examen de la loi d'orientation agricole - que les crédits inscrits ne me semblaient pas à la hauteur de l'extension de l'assurance récolte prévue dans cette loi.
Par conséquent, la commission est favorable à cet amendement qui va dans le bon sens.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Emorine. Je soutiens bien évidemment cet amendement dont je suis cosignataire. Je souhaite faire une remarque au Gouvernement.
Monsieur le ministre, après le vote de la loi d'orientation agricole, j'ai constaté avec étonnement que le plus grand journal de référence du monde agricole, La France agricole, titrait en première page : « L'assurance récolte : le Gouvernement se désengage ».
L'assurance récolte a été l'un des thèmes forts de la discussion du projet de loi d'orientation agricole. C'est aussi un thème auquel je suis très attaché, car, outre les crises qui affectent différents secteurs - je pense, par exemple, à la crise de la viticulture -, le monde agricole souffre aujourd'hui de problématiques majeures.
La première est celle des prix dans le cadre de l'Union européenne et de l'Organisation mondiale du commerce.
La seconde est celle des aléas climatiques, qui fragilisent une exploitation agricole, surtout quand un jeune vient de s'y installer, et cela malgré le Fonds national de garantie des calamités agricoles. Je pense aux années difficiles en raison de la sécheresse, 2003 et 2005 pour une partie de territoire, au cours desquelles les rendements en maïs ont baissé de 50 % ! Les exploitations agricoles sont fragilisées durablement. Il existe des prêts de « consolidation de la dette », terme qui me choque à chaque fois que je l'entends, même si je comprends très bien l'esprit dans lequel ils sont faits.
Le mécanisme de l'assurance récolte permettra de conforter la stabilité de l'ensemble des exploitations agricoles de notre pays, puisque c'est son élargissement progressif qui a été retenu dans la loi d'orientation. C'est d'ailleurs ce qui nous a permis d'obtenir l'unanimité sur cette mesure.
Pourquoi cette assurance récolte est-elle nécessaire ? À Hong Kong, avec l'Union européenne représentée par le commissaire Mendelson, vous allez être en première ligne, monsieur le ministre !
M. Bernard Piras. Il n'est pas encore Premier ministre !
M. Jean-Paul Emorine. Monsieur Piras, permettez-moi de vous faire remarquer que le ministre de l'agriculture sera vraisemblablement à Hong Kong.
M. Bernard Piras. Oui, mais il n'est pas Premier ministre !
M. Jean-Paul Emorine. Je tiens beaucoup à sa présence à Hong Kong. Je ne voudrais pas, en effet, que se renouvelle la mauvaise expérience que j'ai vécue à Seattle, où M. François Huwart, le ministre du commerce extérieur, n'était pas accompagné du ministre de l'agriculture. Ce dernier était absent pendant la négociation, et c'était un peu dommage. Voilà pourquoi je souhaite que le ministre de l'agriculture française soit présent à Hong Kong au côté du ministre du commerce extérieur ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Piras. Nous ne sommes pas en désaccord sur ce point !
M. Jean-Paul Emorine. J'insiste sur cette assurance récolte, car, voilà quelques années, mon collègue Marcel Deneux et moi-même avons rédigé un rapport sur l'évolution de la politique agricole commune. Nous nous sommes rendus aux Etats-Unis et en Espagne. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le gouvernement américain consacre à l'assurance récolte de 4 milliards à 5 milliards de dollars !
M. Bernard Piras. C'est le modèle américain que vous cherchez ?
M. Jean-Paul Emorine. Mon cher collègue, si je vous donnais la nature de mon exploitation, sur laquelle j'ai travaillé toute ma vie, vous constateriez qu'elle n'a rien de comparable avec une exploitation américaine ! Laissez-moi vous dire en toute amitié, cher collègue Bernard Piras, que ma volonté est surtout de défendre la notion d'entreprise agricole.
À Hong Kong, vous serez face à des Américains qui auront préservé leur activité agricole grâce à l'assurance récolte, monsieur le ministre. Voilà pourquoi ce thème me tient à coeur.
Je voudrais convaincre mon collègue Jean-Paul Amoudry et démontrer que la LOLF donnera peut-être au Parlement - le président Arthuis y est très attentif - des marges de manoeuvre.
S'agissant de l'assurance récolte, nous demandons seulement, contrairement au titre de journal que je mentionnais, que l'Etat ne se désengage pas. Les dotations visant à financer l'aide aux cotisations d'assurance récolte - 10 millions d'euros en 2005 pour 60 000 contrats - devraient se révéler insuffisantes si de nombreux autres contrats étaient souscrits. Pour 2006, le montant affiché s'élève à 20 000 euros.
Dans un premier temps, nous proposons un redéploiement de crédits au sein du ministère de l'agriculture. Avec votre appui, monsieur le ministre, peut-être pourrons-nous, dans un second temps, atteindre 30 millions d'euros !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je ne reviendrai pas sur la symbolique de la ponction des crédits consacrés à l'agriculture durable, puisque mon collègue Jean-Marc Pastor s'est exprimé sur ce point tout à l'heure. Chacun voit midi à sa porte, je le comprends.
En revanche, je comprends un peu moins que le Gouvernement soit d'accord avec cette proposition, qui me fournit une illustration parfaite du manque d'intérêt - que j'évoquais tout à l'heure - pour un entretien véritable et durable de la forêt méditerranéenne. (M. Gérard César s'exclame.)
La façon la plus simple, la plus pérenne, la moins coûteuse pour entretenir cette forêt, c'est le sylvopastoralisme. Mais il n'est viable que grâce à un certain nombre d'aides : il y a eu les aides européennes, les contrats territoriaux d'exploitation, etc. On compte effectivement sur les nouveaux contrats. Mais on ponctionne, on ponctionne... Cela prouve bien que personne ne s'intéresse vraiment à ce problème !
M. Bernard Piras. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. Je ferai tout d'abord un constat sur la forme. La LOLF me laisse toujours quelque peu perplexe, car elle restreint, selon moi, la capacité d'intervention des parlementaires. En effet, nous sommes obligés de réfléchir par mission, et l'on ne nous donne même pas le choix. Quoi que vous en disiez, nous avons en réalité moins de liberté qu'avant !
Second constat, avec la nouvelle règle du jeu que vous avez donnée tout à l'heure, la recherche d'argent pour l'enseignement agricole se fait au détriment d'un certain nombre d'actions.
Quand on connaît le rôle de l'enseignement agricole tant pour des formations non agricoles, comme l'agroalimentaire, qu'en termes d'insertion sociale, pour un certain nombre de jeunes en difficulté qui sont rejetés par l'enseignement général et qui trouvent une formation et du travail grâce aux formes nouvelles de l'enseignement agricole, le fait que les moyens financiers nécessaires à la formation scolaire dans l'enseignement agricole, cet enseignement de base qui, par rapport à l'enseignement général, est l'un des meilleurs enseignements, n'aient pas été inscrits initialement dans le budget paraît aberrant.
Après les MAE, puis les CTE - c'était déjà difficile ! -, on s'en prend maintenant aux CAD ! Dans mon parc naturel régional, entre 300 et 400 MAE sont devenus CTE et, maintenant que nous avons des CAD, on nous dit qu'il faut attendre une nouvelle possibilité financière !
De plus, j'apprends que le nombre de CAD va encore diminuer dans le cadre des transferts de crédits ! Comment les agriculteurs des petites exploitations familiales de l'Avesnois, qui font de l'élevage laitier et dont le revenu diminue parce que le prix du lait baisse, vont-ils entretenir les haies, les pâturages ? Ils trouvaient de l'aide grâce aux MAE puis aux CTE et aux CAD. On va maintenant leur dire qu'ils auront moins d'argent en raison de la disparition de mesures qui présentaient pourtant un intérêt environnemental fondamental ? En effet, si l'on n'aide pas les agriculteurs à entretenir ces haies, elles disparaîtront et, si l'on supprime le bocage, c'est la biodiversité qui en pâtira ! Voilà, concrètement, ce qui va se passer, et vous le savez !
On se fait plaisir ! Mais si un effort est nécessaire pour l'assurance récolte, ce que je comprends, cela ne peut se faire au détriment des actions agro-environnementales qui existent depuis des années et qui ont fait leur preuve !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'avais pris l'engagement auprès de la présidence que nous terminerions ce débat avant vingt et une heures. Je m'aperçois que je vais perdre mon pari, mais je trouve ce débat particulièrement intéressant !
Je ne peux pas laisser dire que la LOLF nous prive de marges de manoeuvre. En effet, mes chers collègues, quel était le système antérieur ? Le seul choix que vous aviez était de baisser les crédits et rien d'autre. La LOLF vous ouvre une possibilité, celle de procéder à des arbitrages pour transférer des crédits à l'intérieur d'une mission, en les prélevant sur un programme au profit d'un autre programme. Il s'agit quand même d'une marge tout à fait appréciable qui donne du relief aux débats !
Il y a un moment passionnant, c'est celui de la discussion générale, avec les différentes interventions à la tribune. Mais la discussion des amendements constitue également un moment assez riche.
Je me souviens avec émotion de la discussion des crédits de l'enseignement scolaire, mission interministérielle, l'enseignement agricole abandonné, en quelque sorte, par l'agriculture, avec un gage de crédits peut-être légèrement insuffisants, mais nous avons trouvé une solution. Je vous ai écoutés, les uns et les autres. Cela n'a pas été simple, monsieur le ministre, que de boucler ce budget ! Quand je pense qu'on a laissé partir, à l'article 9 du projet de loi de finances, 140 millions d'euros correspondant à une diminution de 20 % de la taxe sur le foncier non bâti... (M. le ministre rit)
Enfin, je le dis comme ça. C'est voté, on n'y reviendra plus. Mais je n'ai pas résisté à l'envie de vous le dire...
M. Paul Raoult. Il est cruel !
M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote.
M. Gérard César. C'est en tant que rapporteur de la loi d'orientation agricole que je répondrai à M. Collombat. Contrairement à ce qu'il a dit, nous avons fait beaucoup pour la forêt dans cette loi.
M. Pierre-Yves Collombat. J'ai parlé des incendies de forêt, pas de la forêt en général !
M. Gérard César. S'agissant des incendies, nous avons voté pour la première fois la défiscalisation pour ceux qui sont regroupés en associations syndicales autorisées de défense des forêts contre l'incendie, ou DFCI !
M. Pierre-Yves Collombat. Allez le dire aux forestiers !
M. Gérard César. Et pour la première fois, nous avons voté des crédits défiscalisés concernant les massifs forestiers pour ceux qui acceptent un plan de gestion. Voilà ce que je tenais à préciser à M. Collombat.
M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limité.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », ainsi modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural
M. le président. Nous allons maintenant procéder au vote des crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » figurant à l'état B.