compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Loi de finances pour 2006
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 98, 99).
conseil et contrôle de l'état
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » (et article 75 ter).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Conseil et contrôle de l'État » est constituée de trois programmes : « Conseil d'État et autres juridictions administratives », « Conseil économique et social » et « Cour des comptes et autres juridictions financières ».
Cette mission, issue d'un arbitrage gouvernemental, correspond, pour la Cour des comptes, à la nécessité de tirer les conséquences de sa nouvelle mission de certification des comptes de l'État. Les moyens du certificateur ne pouvant dépendre de ceux du certifié, la Cour des comptes ne devait plus relever de Bercy. En revanche, la commission des finances du Sénat regrette que les juridictions administratives aient été séparées de la mission « Justice ».
S'agissant du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », je me limiterai, compte tenu du temps dont je dispose, à une seule observation.
La poursuite de l'augmentation du contentieux administratif - elle a été de 16 % en 2004 - confirme la pertinence de l'objectif principal de ce programme qui est de ramener de dix-huit mois à un an, à la fin de l'année 2007, les délais de jugement devant les juridictions administratives. C'est non seulement un droit pour les citoyens, mais aussi une nécessité pour les administrations et les collectivités territoriales. Je pense en particulier aux nombreux projets qui sont suspendus durant la durée des contentieux.
Pour autant, un tel objectif risque fort de ne pas être atteint. D'abord, les prévisions de la loi d'orientation et de programmation pour la justice de septembre 2002 concernant le recrutement de greffiers ne sont plus respectées depuis l'exercice 2005.
Ensuite, cet objectif a été établi sur la base d'une augmentation du contentieux limitée à 5 %. Or la complexification du droit administratif, l'insuffisance de l'information des justiciables et de la formation des fonctionnaires de certains services alimentent inévitablement une plus forte progression du contentieux.
Le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » devrait ajouter à ces finalités celles, d'une part, de mieux contribuer à l'élaboration d'un droit plus lisible et, d'autre part, d'assigner aux membres du Conseil d'État et aux magistrats administratifs détachés une mission de formation des services et, peut-être même, de médiation.
S'agissant du programme « Conseil économique et social », la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, n'a pas de conséquences lourdes, a priori, sur cette assemblée constitutionnelle, qui, depuis sa création, bénéficie d'une autonomie de gestion.
J'ai toutefois noté avec satisfaction que cette assemblée s'était engagée dans un processus de changement, destiné à s'assurer de l'utilisation optimale de ses moyens, ce dont nous ne pouvons que la féliciter.
Le Conseil économique et social a montré sa bonne volonté en présentant des indicateurs, mais sa fonction consultative se prête mal à la logique « lolfienne » de résultat. Certains de ces indicateurs devront être examinés avec des précautions particulières. En effet, une évolution donnée, qu'elle soit à la hausse ou à la baisse, pourra être perçue favorablement par les uns et défavorablement par les autres. Je pense notamment aux indicateurs relatifs aux colloques ou à l'accueil de délégations ou de stagiaires étrangers.
Enfin, pour le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières », sur 1 843 emplois équivalents temps plein, on en dénombre 401 mis à la disposition des juridictions financières par Bercy. La sortie des juridictions financières de la sphère du ministère et leur insertion dans une mission budgétaire autonome n'auraient pas de sens si près de 22 % de leur personnel relevaient toujours du ministère en cause.
Il faut donc se réjouir que ces personnels soient effectivement intégrés dans les emplois de ces juridictions. Cependant, une telle évolution ne pouvait suffire. Aussi, la Cour des comptes a opportunément engagé une réflexion visant à créer des statuts appropriés à ces personnels et à résorber le grand nombre de mises à disposition. L'autonomie budgétaire des juridictions financières implique en effet une gestion directe des personnels par la Cour des comptes.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances propose au Sénat l'adoption des crédits prévus, d'une part, pour la mission « Conseil et contrôle de l'État » et, d'autre part, pour chacun de ses programmes. Elle vous propose aussi l'adoption de l'article 75 ter, qui, rattaché à cette mission, est destiné au maintien d'une prime dévolue aux magistrats et fonctionnaires des juridictions financières, malgré leur départ de la « sphère budgétaire » de Bercy. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Simon Sutour, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord rappeler la position de la commission des lois, qui regrette le rattachement de la justice administrative à une mission distincte « Conseil et contrôle de l'État.
En effet, la justice administrative et la justice judiciaire sont les deux versants d'une même politique publique, qui consiste à rendre la justice.
Monsieur le ministre, je formulerai deux observations et poserai trois questions.
Première observation, la hausse des crédits du programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » est de 6,4 %, hors transfert de charges, contre 3,5 % pour l'exercice précédent. Cette augmentation, qui peut paraître importante, est due, pour une bonne part, à la création d'un tribunal administratif à Nîmes, dont je me réjouis profondément en tant que sénateur gardois. Sont prévus à cet égard 3,7 millions d'euros en investissements et la création de 18 emplois ETPT, équivalents temps plein travaillés.
Ma seconde observation concerne l'évaluation des frais de justice, qui perdront leur caractère limitatif à compter du 1er janvier 2006. En effet, au cours des auditions, les représentants du Conseil d'État m'ont indiqué que l'abondement de 2,3 millions d'euros prévu cette année, qui porte le montant total de l'enveloppe alloué à 7,7 millions d'euros, risquait d'être insuffisant.
Cette remarque me conduit à me demander, à l'instar de mon collègue Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial, si la somme consacrée aux frais de justice dans le projet de loi de finances pour 2006 est vraiment conforme au principe de sincérité budgétaire.
J'en viens à mes trois questions.
Tout d'abord, la création de 22 postes de magistrats et de 27 postes d'agents de greffes, ce qui représente 25 ETPT, est très inférieure aux engagements inscrits dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002. En outre, 18 postes sont créés - je viens de m'en réjouir ! -, uniquement pour la mise en place du tribunal administratif de Nîmes, à compter, certes, du 1er septembre 2006. Cette échéance tempère ma satisfaction, puisque les effectifs sont évalués en ETPT.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, le plan quinquennal adopté en 2002 pourra-t-il être respecté ? Pouvez-vous m'assurer qu'un rattrapage interviendra l'année prochaine ? Quel sera son ordre de grandeur ?
Ensuite, la progression très soutenue du contentieux nous conduit à réfléchir sur l'organisation du travail dans les juridictions administratives. Sans doute un recentrage des magistrats sur l'activité juridictionnelle, qui constitue le coeur de leur activité, est-il nécessaire, en particulier en limitant leur participation à des commissions administratives.
À cet égard, les dispositions relatives à la présidence des instances disciplinaires de neuf professions de santé prévues par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé devraient entrer en vigueur au cours de l'année 2006.
Le Conseil d'État, qui évalue à quarante magistrats supplémentaires les besoins induits par ce nouveau dispositif, préconise de détacher auprès du ministère de la santé quelques magistrats administratifs, qui assureront ces présidences. Que pense le Gouvernement de cette proposition ?
Enfin, certains contentieux, qui paraissent inutiles, pourraient être évités. Par exemple, les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, qui sont notifiés par voie postale, contribuent à alimenter l'inflation des recours. De 2003 à 2004, dans les tribunaux administratifs, une augmentation de 78 % a été constatée. Cette procédure complexe donne lieu à une exécution très faible, de l'ordre de 1 %. Dans ces conditions, le Gouvernement est-il prêt à engager une réflexion dans ce domaine ?
Au bénéfice de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » dans le projet de loi de finances pour 2006. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP. - M. Michel Moreigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite axer mon intervention sur le problème de la « sortie » du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » de la mission « Justice ». Ce programme est désormais placé au sein de la mission « Conseil et contrôle de l'État », aux côtés de deux autres programmes, « Conseil économique et social » et « Cour des comptes et autres juridictions financières ».
Nous avons d'ailleurs eu l'occasion de faire part de notre opposition à cette nouvelle organisation budgétaire lors du débat sur la mise en oeuvre de la LOLF dans le domaine de la justice.
Un tel choix est d'ailleurs contesté sur toutes les travées de cette assemblée.
La commission des finances et, en son nom, notre collègue Roland du Luart s'interrogent en ces termes : « L'indépendance nécessaire du Conseil d'État et des autres juridictions administratives, ainsi que l'application de règles budgétaires spécifiques à leur situation ont-elles jamais été contrariées par leur "dépendance budgétaire" du ministère de la justice ? »
Monsieur Frécon, vous préconisez, dans votre rapport sur la mission « Contrôle et conseil de l'État », le regroupement dans une seule mission des juridictions judiciaires et administratives avec une nécessaire adaptation de certaines règles budgétaires à leurs spécificités.
Monsieur le ministre, nous considérons que le choix du Gouvernement de détacher le Conseil d'État et les juridictions administratives de la mission « Justice » est contraire au principe constitutionnel d'indépendance de la juridiction administrative. Ce principe a pourtant été clairement consacré par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 22 juillet 1980 relative à la loi portant validation d'actes administratifs.
En effet, le Conseil constitutionnel considère qu'« il résulte des dispositions de l'article 64 de la Constitution en ce qui concerne l'autorité judiciaire et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en ce qui concerne, depuis la loi du 24 mai 1872, la juridiction administrative, que l'indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement ».
L'indépendance de la juridiction administrative était ainsi constitutionnalisée. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel réaffirme ce principe dans sa décision du 23 janvier 1987 relative à la loi transférant à la juridiction judiciaire le contentieux des décisions du conseil de la concurrence et, enfin, dans sa décision du 25 juillet 2001 relative à la LOLF, au profit, cette fois, de la Cour des comptes. Il considère ainsi que, « en vertu du code des juridictions financières, la Cour des comptes est une juridiction administrative ; (...) la Constitution garantit son indépendance par rapport au pouvoir législatif et au pouvoir exécutif ».
Au vu de ces trois décisions, il semble tout à fait contestable de scinder, comme c'est le cas, les deux ordres de juridiction et de faire sortir les juridictions administratives de la mission « Justice ». En effet, qu'est-ce qui justifie que les tribunaux administratifs ne dépendent pas du même budget que les tribunaux judiciaires ?
Au regard du budget qui nous est présenté, nous pourrions croire que le Gouvernement souhaite, à terme, instaurer un lien de dépendance entre, d'une part, le Conseil d'État et les juridictions administratives et, d'autre part, le ministère de l'économie et des finances.
Ce serait alors prendre le risque de contourner la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon laquelle le Gouvernement ne peut empiéter ni sur l'indépendance ni sur les fonctions spécifiques des juridictions judiciaires et administratives.
Par ailleurs, le principe de l'indépendance financière des juridictions administratives est l'une des conditions de l'indépendance de ces juridictions à l'égard du pouvoir exécutif, d'autant plus que celles-ci sont chargées de contrôler les décisions de l'Etat.
Or une telle organisation budgétaire renforce la dépendance financière de la juridiction administrative à l'égard de Bercy.
Sur ce point, je reprendrai les propos de M. le rapporteur spécial concernant l'indépendance de la Cour des comptes à l'égard de Bercy, lesquels s'appliquent parfaitement au Conseil d'Etat et aux autres juridictions administratives : « Les moyens du certificateur ne peuvent dépendre de ceux du certifié ».
Dans ces conditions, mes chers collègues, le groupe communiste républicain et citoyen votera contre les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, la mission « Conseil et contrôle de l'État » présente une originalité forte. Elle regroupe, en effet, des crédits qui, dans la configuration précédant la LOLF, se trouvaient dispersés au sein du budget de l'État.
En revanche, les trois programmes qui composent la mission - « Conseil d'État et autres juridictions administratives », « Cour des comptes et autres juridictions financières », « Conseil économique et social » - sont soumis au même régime que les autres programmes du budget général, notamment en termes de performances. Ils sont seulement exemptés de l'obligation de mise en réserve et bénéficieront de modalités allégées de contrôle financier.
Je présenterai, d'abord, le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières », qui a été créé afin de permettre aux juridictions financières de remplir en totale indépendance le nouveau rôle qui leur est confié par la LOLF, et qui a été plus directement rattaché à mon ministère. Je détaillerai ensuite le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », qui a demandé son rattachement à la mission « Conseil et contrôle de l'État ». Enfin, j'examinerai le programme « Conseil économique et social ».
En ce qui concerne le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières », l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 confie à la Cour des comptes deux nouvelles missions d'assistance au Parlement, qu'elle doit remplir en veillant à rester équidistante entre le Parlement et le Gouvernement.
Il s'agit, d'une part, du « dépôt d'un rapport conjoint au dépôt du projet de loi de règlement, relatif aux résultats de l'exécution de l'exercice antérieur et aux comptes associés, qui, en particulier, analyse par mission et par programme l'exécution des crédits » ; d'autre part, de « la certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes de l'État. Cette certification est annexée au projet de loi de règlement et accompagnée du compte rendu des vérifications opérées ».
Le nouveau statut conféré par la LOLF à la loi de règlement, qui devient un texte législatif de première importance, et la nouvelle mission de certification des comptes de l'État confiée à la Cour des comptes appellent pour celle-ci une totale indépendance la mettant en mesure de jouer pleinement son rôle d'assistance du Parlement et du Gouvernement. C'est d'ailleurs ce qu'a rappelé le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 25 juillet 2001, en relevant qu'« il appartiendra aux autorités compétentes de la Cour des comptes de faire en sorte que l'équilibre voulu par le constituant ne soit pas faussé au détriment de l'un de ces deux pouvoirs ».
Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » s'inscrit ainsi dans une démarche stratégique engagée dès 2002, qui vise d'abord à améliorer la gestion publique, ensuite à affirmer l'identité professionnelle des juridictions financières et à garantir la qualité de leurs travaux, puis à rendre l'institution plus transparente et plus compréhensible, enfin à mieux intégrer l'action européenne et internationale.
L'indépendance budgétaire de la Cour des comptes se traduira également par des procédures allégées en matière d'exécution de la dépense. À cet égard, un projet d'arrêté ministériel, qui sera publié très prochainement, allégera très substantiellement les contrôles a priori.
Par ailleurs, la Cour des comptes ne sera plus affectée par les mises en réserve de crédits qui pourraient être décidées par le Gouvernement.
Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » présente, pour 2006, trois caractéristiques essentielles.
Tout d'abord, ce budget reflète le développement des nouvelles missions des juridictions financières, notamment avec la certification des comptes. En effet, plus des trois quarts des moyens des juridictions financières sont dévolus aux missions de contrôle, de conseil et d'expertise.
Ensuite, il s'agit d'un budget à dominante « crédits de personnel ». Environ 88 % des moyens sont consacrés au financement des dépenses de personnel.
Enfin, c'est un budget dans lequel est inscrite la totalité des moyens en personnel affectés aux juridictions financières. Il prend donc en compte en emplois, pour la première fois, les 401 mises à disposition du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
En ce qui concerne le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives », le rattachement du Conseil d'État à la mission « Conseil et contrôle de l'État » vise à préserver son indépendance - je réponds ainsi à l'interpellation de M. Bernard Vera. Ce rattachement, adopté par le Gouvernement, est tout à fait justifié.
D'abord, il importe d'indiquer que l'application pure et simple, à structure constante, de la loi organique relative aux lois de finances aurait fait du Conseil d'État et des autres juridictions administratives un simple programme de la mission « Justice ». Les responsables du ministère de la justice auraient donc pu procéder à des arbitrages internes pour modifier le montant de la dotation budgétaire destinée au programme « Juridictions administratives ».
Il en serait résulté une remise en cause de l'autonomie budgétaire de la juridiction administrative, puisque le Conseil d'État et son vice-président ont traditionnellement, vous le savez, la maîtrise du budget de l'ensemble de la juridiction administrative.
Ensuite, la place du Conseil d'État au sein de la mission « Conseil et contrôle de l'État » paraît naturelle aux côtés de la Cour des comptes et du Conseil économique et social. En effet, le Conseil d'État incarne parfaitement cette double mission consultative et juridictionnelle. Il s'agit bien d'identifier une fonction particulière de contrôle de l'exécutif, dans la logique de la LOLF.
À cet égard, la justice administrative est totalement différente de la justice judiciaire : elle conseille, en même temps qu'elle contrôle, le pouvoir exécutif. La justice judiciaire n'exerce ni l'une ni l'autre de ces missions. Certes, le rôle consultatif des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est, pour l'instant, relativement limité. Mais ces juridictions sont gérées par le Conseil d'État, ce qui justifie l'unité de ce programme.
Au demeurant, ce rattachement budgétaire ne modifiera pas le niveau de contrôle, notamment parlementaire, qui doit naturellement s'exercer sur le Conseil d'État et les autres juridictions administratives. Il n'exonérera pas la juridiction administrative de la recherche de la performance qui lui incombe pour rendre le service qu'est en droit d'attendre le justiciable.
Sur ce point, il est clair - cela a été rappelé - que le Conseil d'État veille à utiliser les moyens qui lui sont alloués, dans un souci constant d'amélioration de la performance des juridictions administratives.
La justice administrative est effectivement confrontée à une difficulté majeure, celle des délais de jugement. La loi d'orientation et de programmation pour la justice a fixé comme objectif de ramener à un an, d'ici à la fin de l'année 2007, les délais de jugement devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, comme c'est déjà le cas devant le Conseil d'État.
Il est vrai que ce délai s'avère très difficile à tenir, compte tenu de l'explosion du contentieux devant les juridictions administratives. En 2003 et en 2004, le nombre des entrées devant les tribunaux administratifs a connu une hausse extrêmement importante - respectivement de l'ordre de 14 % et de 16 %. Le nombre des entrées devant le Conseil d'État a augmenté, quant à lui, de 22 % en 2004. Or la loi d'orientation et de programmation de la justice prévoyait une augmentation du contentieux de 5 % seulement
Le Conseil d'État a donc dû revoir ses objectifs pour 2006 et 2007. On devrait parvenir à des délais moyens de jugement d'un an devant le Conseil d'État, de treize mois devant les cours administratives d'appel, de dix-huit mois devant les tribunaux administratifs.
Je tiens à mentionner les efforts très importants accomplis par le Conseil d'État.
Je pense notamment à l'établissement de contrats d'objectifs et de moyens avec les cours administratives d'appel. Ils ont permis d'obtenir, depuis leur mise en oeuvre, des résultats spectaculaires.
Je pense également à la politique de gains de productivité, avec la mise en place d'indicateurs de productivité, y compris pour les membres du Conseil d'État, et au renforcement de la modulation des primes des magistrats administratifs en fonction du mérite.
Je pense encore à la politique de maîtrise des frais de justice, notamment avec l'expérimentation des téléprocédures, qui permet d'échanger les mémoires par voie électronique. Un bilan économique de cette expérimentation, en termes de coûts de fonctionnement, sera dressé.
Le budget pour 2006 n'est pas aussi favorable qu'il le paraît au premier abord. Les créations d'emploi - vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur pour avis - sont très limitées, alors même que le Conseil d'État doit faire face à la création d'un nouveau tribunal administratif à Nîmes à compter du 1er septembre 2006.
Quant à l'augmentation des crédits de fonctionnement, elle correspond, pour une part, à la réévaluation des frais de justice, dont le montant est directement corrélé à l'évolution du contentieux. Cette réévaluation était indispensable dès lors que la dotation, qui était très déficitaire, devient limitative dans le cadre de la LOLF.
En ce qui concerne le programme « Conseil économique et social », la progression des crédits correspond à l'augmentation de la valeur du point de la fonction publique et à un abondement de crédits permettant le paiement des charges patronales pour pension des personnels, qui relevaient jusqu'alors du budget des charges communes.
S'agissant des objectifs de performances et des indicateurs pour cette mission, je me bornerai à souligner la difficulté que l'on rencontre à définir des indicateurs de performance pour les activités de conseil. Plusieurs objectifs et indicateurs ont été dégagés. M. le Premier ministre et moi-même serons attentifs à toute suggestion susceptible de les promouvoir et de les améliorer.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les observations que je tenais à présenter sur la mission « Conseil et contrôle de l'État ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » (+ article 75 ter) figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 453 427 276 euros ;
Crédits de paiement : 445 552 131 euros.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, comme vous, nous sommes attentifs à l'exigence d'indépendance de l'institution judiciaire. Qu'elle soit administrative ou judiciaire, la justice est indépendante !
Les membres de la commission des finances s'étonnent donc des arbitrages relatifs à cette mission « Conseil et contrôle de l'État ». Dans un premier temps, ils avaient suggéré que la Cour des comptes échappe à une mission qui se trouvait largement sous la responsabilité du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. En effet, monsieur le ministre, vous l'avez rappelé à la suite de M. le rapporteur spécial : celui qui certifie les comptes - c'est la grande mission confiée à la Cour des comptes par la loi organique relative aux lois de finances - ne peut dépendre de celui qui les tient et les arrête.
Cette réflexion a été reprise par M. Philippe Séguin, lorsqu'il est devenu Premier président de la Cour des comptes. Nous l'avons vu, non sans surprise, reprendre l'argumentation développée par la commission des finances du Sénat, ce que n'avait pas fait, à l'époque, son prédécesseur.
M. Philippe Séguin a obtenu gain de cause, entraînant avec lui le Conseil d'État, mais laissant le programme « Justice judiciaire » sous la responsabilité de la mission « Justice ». Nous nous en sommes étonnés. Dans notre esprit, la justice est absolument indépendante : c'est la Constitution qui en a posé l'exigence ! Nous ne voudrions donc pas qu'il y ait d'ambiguïté à cet égard.
Nous nous sommes même demandé si ce n'était pas l'École nationale d'administration qui l'avait emporté sur l'École nationale de la magistrature ! (M. le ministre délégué sourit.) Seuls des esprits malicieux ont pu former de telles hypothèses ! (Sourires.)
Toujours est-il que nous considérons que l'arbitrage rendu n'est pas satisfaisant et sans doute faudra-t-il un jour réexaminer cette question. Il serait en effet fâcheux que les magistrats de l'ordre judiciaire nourrissent quelque incompréhension vis-à-vis de leurs collègues de l'ordre administratif.
Certes, nous comprenons que la juridiction supérieure - la Cour des comptes, le Conseil d'État - participe à la mission « Conseil et contrôle de l'État ». En revanche, nous ne pouvons totalement agréer l'arbitrage qui consiste à inclure, dans cette même mission, les juridictions administratives et les juridictions financières, notamment les chambres régionales des comptes.
Tel est le sentiment de la commission des finances en la matière, monsieur le ministre.
M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 45 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 298 |
Contre | 29 |
Le Sénat a adopté.
J'appelle en discussion l'article 75 ter qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » :
Article 75 ter
L'article 126 de la loi de finances pour 1990 (n° 89-935 du 29 décembre 1989) est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après les mots : « ministère des finances », sont insérés les mots : « et des juridictions financières » ;
2° Dans les deuxième et quatrième alinéas, après les mots : « ministère des finances », sont insérés les mots : « et dans les juridictions financières ».
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, sur l'article.
M. Yves Détraigne. Je souhaite revenir sur une question centrale pour la mission que nous examinons.
Monsieur le ministre, j'ai bien entendu les raisons pour lesquelles les crédits du Conseil d'État et des juridictions administratives figurent dans la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
En tant que rapporteur de la mission « Justice » et membre de la commission des lois, dont j'exprime le sentiment, je suis surpris par l'argumentaire utilisé pour justifier le rattachement des crédits des juridictions administratives à la mission « Pouvoirs publics ».
Vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que deux arguments justifiaient ce rattachement : le souci de l'indépendance de la juridiction administrative et le rôle de conseil que joue la juridiction administrative, et en tout cas le Conseil d'État.
S'agissant du premier argument, il est évident que la justice doit être indépendante, mais je ferai remarquer que les crédits de la Cour de cassation, juridiction suprême de l'ordre judiciaire, dont l'indépendance doit également être garantie, sont pourtant restés rattachés à la mission « Justice », et que le directeur du programme qui les gère se trouve être un responsable du ministère de la justice !
S'agissant du second argument invoqué, à savoir que le Conseil d'État, comme son nom l'indique, conseille l'État, même si ce n'est pas là sa fonction principale, je ferai remarquer que la Cour de cassation, elle aussi, a notamment pour mission de donner des avis à l'État. Elle a exercé cette fonction récemment, suscitant un certain nombre de commentaires, puis un débat au Sénat.
Sans entrer dans les détails, à la suite de l'avis rendu par la Cour de cassation, en effet, une proposition de loi relative à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité a été déposée par notre collègue Laurent Béteille, puis adoptée par notre assemblée.
Les arguments présentés pour justifier que les crédits du Conseil d'État soient retirés de la mission « Justice » et rattachés à la mission « Pouvoirs publics » auraient pu, mutatis mutandis, être appliqués à une partie au moins de l'institution judiciaire.
Sans trop anticiper sur la discussion, lundi prochain, du budget de la mission « Justice », je souhaitais le faire remarquer. (Mme Jacqueline Gourault applaudit.)
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, rapporteur spécial. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi organique relative aux lois de finances a transféré les crédits destinés au fonctionnement des pouvoirs publics vers une mission spécifique, clairement identifiée, dont le périmètre est inchangé par rapport au budget précédent, mais dont la nomenclature a été légèrement remaniée.
La mission regroupe, ainsi, les crédits destinés à la présidence de la République, à l'Assemblée nationale et au Sénat, en dissociant le coût du fonctionnement de notre institution parlementaire de ceux du jardin et du musée du Luxembourg. Elle comprend, également, une action « Chaîne parlementaire », qui distingue La Chaîne Parlementaire de l'Assemblée nationale et Public Sénat. Enfin, la mission regroupe les crédits destinés au Conseil constitutionnel, à la Haute Cour de justice et à la Cour de justice de la République.
L'évolution des crédits est maîtrisée, puisqu'elle est en hausse de 1,88 % par rapport à la loi de finances pour 2005.
Monsieur le ministre, reconnaissons que, lorsque la loi de finances a été approuvée par le Conseil des ministres et que les bleus ont été mis à notre disposition, nous n'avons pas été surinformés ! En effet, le bleu concerné ne contenait pratiquement rien.
M. François Marc. C'est une catastrophe !
M. Jean Arthuis, rapporteur spécial. Les contrôles que j'ai pu réaliser ont donc été extrêmement sommaires.
M. François Marc. Nous n'avons rien contrôlé du tout !
M. Jean Arthuis, rapporteur spécial. Toutefois, l'esprit de la loi organique, c'est le contrôle a posteriori, celui de l'exécution budgétaire. (Sourires.)
J'exprime le voeu que, l'an prochain, lors de l'examen de la loi de finances pour 2007, nous recevions une information détaillée, dès que le projet de loi de finances sera soumis à l'approbation du Conseil des ministres, afin que le rapporteur spécial puisse mener ses contrôles avec diligence.
Cela dit, mes chers collègues, la commission des finances vous invite à approuver les crédits de la mission « Pouvoirs publics ». (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aux termes de la LOLF, la mission « Pouvoirs publics » regroupe une ou plusieurs dotations constituant des unités budgétaires dérogatoires, affranchies, notamment, des contraintes de performance.
Se trouvent, par exemple, dans cette mission, les crédits concernant le Conseil constitutionnel, la Haute Cour de justice et la Cour de justice de la République, juridictions reconnues par la Constitution, mais qui exercent un rôle tout à fait spécifique et qui, en conséquence, ne sont pas rattachées à la mission « Justice ».
Je note, au passage, que le Conseil constitutionnel, qui, en 2004, s'était engagé à limiter ses dépenses afin de contribuer à l'effort de rigueur budgétaire, a effectivement réduit ses demandes de crédits. Je crois que cela mérite d'être souligné.
Toutefois, en tant que rapporteur pour avis du budget de la justice, je profiterai de l'examen des crédits de la mission « Pouvoirs publics » pour me faire l'écho des remarques formulées par la commission des lois sur la place du Conseil supérieur de la magistrature, le CSM, qui, dans la nouvelle nomenclature budgétaire, constitue une simple action du programme « Justice judiciaire », au sein de la mission « Justice ».
Pour la commission des lois, en effet, ce rattachement exprime imparfaitement la position institutionnelle du CSM qui, en raison de son rôle singulier, consacré par la Constitution, mériterait de bénéficier d'un traitement budgétaire adapté, analogue à celui des juridictions que j'ai citées.
La commission des lois considère que la mission particulière du CSM n'est réductible à aucune autre fonction exécutive ou judiciaire et que le rôle qu'il assure auprès du Président de la République, garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire, devrait conduire à inscrire ses crédits dans la mission « Pouvoirs publics ». Nous souhaitons donc que les contours de cette mission continuent d'évoluer.
Enfin, j'observe, à l'instar de M. le président de la commission des finances, que, de façon assez surprenante, ont été nommés deux rapporteurs, l'un à la commission des finances et l'autre à la commission des lois, pour examiner les crédits de la mission « Pouvoirs publics », alors même que le bleu budgétaire se résume à deux tableaux que n'accompagne aucun commentaire ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
Je me contenterai de faire un seul commentaire sous la forme d'une question : cette présentation s'inscrit-elle bien dans l'esprit de la LOLF ?
Sous ces réserves, et en espérant que leur répartition soit améliorée à l'avenir, comme l'a demandé M. le président de la commission des finances, je voterai les crédits de cette mission. (M. François Marc applaudit.)
M. Jean Arthuis, rapporteur spécial. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Pouvoirs publics » présente une dotation relativement réduite pour 2006, légèrement inférieure à 872 millions d'euros. Cette mission représente en fait un ensemble issu de l'ancien titre II du budget des charges communes, budget qui est dorénavant scindé en cinq missions que nous allons examiner successivement dans la journée.
Nous nous interrogeons sur la pertinence de la définition des missions budgétaires découlant de ce découpage, d'autant que nous sommes confrontés, avec cette mission précise, à un budget de dotations sans contrepartie en termes d'évaluation. Il n'y a pas, en effet, de projet annuel de performance dans la mission « Pouvoirs publics ».
Nous sommes donc en présence de crédits destinés à être utilisés sans être évalués, et tout se passe comme si nous fonctionnions « à guichets ouverts ».
Sans doute la nature des budgets concernés justifie-t-elle cette exception à la règle, mais cela doit-il dispenser d'une transparence plus grande dans l'affectation des sommes rassemblées dans le cadre de cette mission ?
Comme le note M. Bourguignon dans le rapport spécial de l'Assemblée nationale sur cette mission, si le mouvement global est caractérisé par une relative stabilité, puisque l'évolution des crédits se situe dans la norme de progression des dépenses budgétaires, ce résultat est atteint grâce à un jeu de compensation des hausses de crédits par des baisses observées ailleurs.
Ainsi, la dotation au Conseil constitutionnel est en réduction, tandis que le coût de fonctionnement de la chaîne parlementaire connaît une nouvelle progression sensible. Sans nous inquiéter outre mesure d'une telle évolution, nous pourrions peut-être réfléchir à l'impact du travail accompli par les équipes des deux chaînes concernées, surtout depuis que ces dernières sont toutes les deux diffusées de manière plus large grâce à la télévision numérique terrestre et au développement des réseaux câblés.
Si nous voulions procéder à une évaluation dans ce domaine, il serait intéressant de mesurer l'intérêt des Françaises et des Français pour l'activité parlementaire ainsi que leur degré de satisfaction, à une époque où il est souvent de bon ton de critiquer l'activité politique dans son ensemble.
En outre, ici comme ailleurs, la gestion des budgets dévolus à nos institutions appelle la recherche du meilleur coût au regard de l'efficacité attendue. Nous pourrions notamment réaliser quelques économies, en ayant moins recours aux services extérieurs dans un certain nombre de domaines.
Enfin, nous ne pouvons que regretter le caractère assez fragmentaire des éléments de mesure de la dépense de la Présidence de la République, ce qui nuit à une parfaite connaissance des faits et motive, en retour, certaines interrogations. Dans son rapport, M. Bourguignon évoque à ce propos un « refus de la transparence ». Peu de précisions ont en effet été apportées sur la réalité des dépenses de fonctionnement, notamment en personnel, de la Présidence de la République, ce qui ne peut que nourrir bien des questionnements.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont les observations que nous comptions formuler sur les crédits de cette mission.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai bien noté les observations de MM. Arthuis et Détraigne sur la mission « Pouvoirs publics ». Comme vous l'avez dit, monsieur le président de la commission des finances, il s'agit d'une mission tout à fait spécifique, et ce à un triple point de vue.
D'abord, elle regroupe les crédits de la plupart des organes constitutionnels de la République, qui, dans la présentation antérieure à la LOLF, se trouvaient dispersés au sein du budget de l'État.
Ensuite, les crédits de cette mission constituent des dotations, et non des programmes : ils bénéficient en effet d'une dérogation au droit commun établi par la LOLF et sont dispensés à la fois des contraintes de performance et de régulation budgétaire.
Enfin, monsieur Vera, dans la mesure même où ces dotations concernent les pouvoirs publics, elles sont soumises au principe de la séparation des pouvoirs. Comme l'indique le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juillet 2001, ce traitement particulier a pour objectif d'assurer « la sauvegarde du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics concernés », conformément à la règle selon laquelle « les pouvoirs publics constitutionnels déterminent eux-mêmes les crédits nécessaires à leur fonctionnement ». Or je sais que l'ensemble du Sénat est particulièrement attaché au respect de ce principe.
Il n'y a donc pas lieu, pour le Gouvernement, de commenter ces dotations, non seulement celles des assemblées, mais aussi celles de la Présidence de la République, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République.
Dans ces conditions, je me bornerai à constater, comme vous, monsieur Arthuis, que les dotations de cette mission se caractérisent par une évolution fermement maîtrisée.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !
M. Henri Cuq, ministre délégué. Les dotations des deux assemblées parlementaires font apparaître une augmentation uniforme de 1,8 %, soit le taux d'inflation retenu pour l'élaboration du projet de loi de finances. Cette modération doit être soulignée, alors que plus de 80 % des dépenses de chaque assemblée sont des dépenses de personnel.
La chaîne parlementaire relève non pas de la compétence du Gouvernement, mais exclusivement des deux assemblées. J'observerai donc simplement que sa dotation pour 2006 affiche un taux d'augmentation plus modéré que celui de 2005, lequel était d'ailleurs justifié par la nécessité, à l'époque, de prendre en compte les coûts de diffusion de la télévision numérique terrestre.
La Présidence de la République relève, comme les assemblées parlementaires, de la mission « Pouvoirs publics ». À l'instar de ces dernières, sa dotation est caractérisée par une évolution très modeste, en augmentation de 1,77 %, soit un taux très légèrement inférieur à celui du taux prévisionnel d'inflation.
Le budget de la Présidence de la République est également marqué par un effort de bonne gestion, qui s'applique naturellement aux services de l'Élysée comme à tous les services de l'État. Nous pouvons notamment constater un effort particulier d'économies dans les dépenses de fonctionnement, qui permettra, je le précise, de financer, sans majoration de la dotation, des dépenses inéluctables d'équipements et de travaux.
La dotation du Conseil constitutionnel montre, elle aussi, un souci de bonne gestion. Elle diminue, dans la mesure où n'est proposée qu'une seule « dotation exceptionnelle », en vue de financer la première phase de préparation de l'élection présidentielle, au lieu des deux dotations exceptionnelles constatées en 2005.
Enfin, la dotation de la Cour de justice de la République fait apparaître une parfaite stabilité en 2006, avec la reconduction de la dotation de 945 900 euros décidée en 2005.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les observations que je tenais à présenter sur la mission « Pouvoirs publics ».
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Pouvoirs publics » figurant à l'état B.
État B
Autorisations d'engagement : 871 981 683 euros ;
Crédits de paiement : 871 981 683 euros.
M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
(Ces crédits sont adoptés.)
direction de l'action du gouvernement
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement (et article 79).
La parole est à M. Michel Moreigne, rapporteur spécial.
M. Michel Moreigne, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Direction de l'action du Gouvernement » regroupe l'essentiel des crédits relevant des services du Premier ministre. Ces dotations concourent soit à l'accomplissement de fonctions d'état-major de la politique gouvernementale, quasi régaliennes, soit à la mise en oeuvre d'actions interministérielles, qui ont donc un caractère transversal. Ainsi, une telle mission ne peut pas correspondre à la mise en oeuvre au sens strict d'une politique publique, tel que précisé à l'article 7 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
Les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », qui s'élèvent à 535 millions d'euros, sont répartis entre deux programmes.
Le programme « Coordination du travail gouvernemental » est doté de 397 millions d'euros. Il comprend les crédits du Secrétariat général de la défense nationale, le SGDN, ceux du Commissariat général au Plan, de plusieurs autorités administratives indépendantes, telles que le Médiateur de la République et le Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, ainsi que les crédits des directions d'administration centrale qui sont rattachés au Premier ministre.
Le programme « Fonction publique », doté de 138 millions d'euros, correspond aux crédits, somme toute modestes, d'action sociale interministérielle, qui sont gérés par la Direction générale de l'administration et de la fonction publique.
La constitution de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » est ainsi le moins mauvais choix possible pour regrouper des crédits par nature hétérogènes.
Toutefois, certaines dépenses ne relèvent ni de l'exercice des fonctions gouvernementales d'état-major ni de l'action interministérielle. La maquette budgétaire doit donc encore évoluer. À cette fin, la commission des finances a adopté un amendement tendant à créer un nouveau programme intitulé « Développement et régulation des médias ».
Après ces observations sur l'architecture de la mission, il faut souligner que la mise en oeuvre de la LOLF est un facteur de plus grande lisibilité de dépenses qui étaient auparavant opaques. Le Parlement dispose désormais d'une information détaillée sur les emplois de la mission et la finalité des crédits regroupés de manière généralement cohérente, par action ou sous-action. En outre, l'augmentation des fonds spéciaux représente un effort de sincérité.
Cela étant, la nouvelle présentation budgétaire met aussi en relief certaines lacunes et déficiences dans la programmation des crédits.
Ainsi, les comparaisons avec les dotations 2005 montrent une augmentation des dépenses, au-delà de la progression affichée des crédits de 1,5 %, soit 7 millions d'euros. En effet, en totalisant la hausse des seuls crédits du SGDN, des fonds spéciaux, du nouveau dispositif de chèque emploi-service universel et des aides au logement, le total des augmentations de dépenses dépasse 30 millions d'euros, sans qu'elles soient compensées par les rares diminutions de crédits.
Certaines hausses de crédits sont insuffisamment motivées. Ainsi, le bleu ne justifie pas la hausse de 300 % des crédits d'action sociale interministérielle dans le domaine du logement. Dans un souci de plus grande sincérité budgétaire, et à défaut d'explication, les rapporteurs spéciaux proposent dans un autre amendement de « seulement » doubler ces crédits, ce qui permettrait de limiter la hausse des crédits proposés par le Gouvernement. Nous souhaitons fortement qu'à cette occasion le Gouvernement veuille bien en préciser l'affectation et la justification, tout en sachant qu'il s'agit de crédits d'action sociale, malgré tout fort modestes, que nous n'avons pas l'intention de supprimer.
M. Jacques Mahéas. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
M. François Marc, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, prolongeant ainsi les propos de Michel Moreigne, également rapporteur spécial de la commission des finances, je voudrais souligner que d'autres augmentations de crédits sont erronées : le bleu affiche une progression de 900 % des dépenses de personnel de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, alors qu'il nous avait été précisé que l'intention du Gouvernement était de majorer ces crédits de 0,29 million à 0,38 million d'euros, et non de 0,29 million à 2,91 millions d'euros. Pour corriger cette erreur matérielle, il vous sera proposé, mes chers collègues, un amendement de rectification portant sur 2,5 millions d'euros.
Au demeurant, les services financiers du Premier ministre reconnaissent que les outils dont ils disposent ne permettent pas la vérification des documents et calculs transmis par les différents services contributeurs. À titre d'exemple, l'absence de mise en place d'ACCORD 2 par le Médiateur de la République ne facilite certes pas un tel suivi.
A contrario, d'autres lignes de crédits semblent avoir été malencontreusement oubliées. Ainsi, les 100 000 euros de recettes attendues par le Commissariat général au Plan au titre de fonds de concours n'apparaissent pas dans les prévisions budgétaires.
Quant au Conseil d'analyse de la société, aucune dépense n'est inscrite dans le présent projet de loi de finances dans la sous-action « Conseil d'analyse de la société », alors que les besoins estimés sont identiques à ceux de l'année 2005, soit 150 000 euros. Il peut donc être supposé que les moyens du Conseil d'analyse de la société ne relèvent pas de la sous-action relative à cette autorité administrative indépendante : si tel était le cas, il conviendrait alors de mettre en cohérence la maquette budgétaire avec les dotations proposées.
La traditionnelle sous-évaluation en loi de finances initiale des crédits d'action sociale interministérielle, gérés notamment par la Mutualité fonction publique, n'est pas soutenable à terme : le fonds de roulement a été continûment sollicité pour combler cette sous-évaluation ou, comme en 2005, répondre à « l'effort » de régulation budgétaire. En 2007, il ne sera certainement plus possible d'opérer un nouveau prélèvement, et un effort accru de sincérité budgétaire devra être opéré en loi de finances initiale.
Vos rapporteurs spéciaux soulignent pourtant que d'autres autorités administratives indépendantes ne disposent pas des moyens nécessaires au développement de leurs missions. Le CSA déplore une diminution de ses crédits à périmètre constant, alors qu'il doit faire face au déploiement de la télévision numérique terrestre. Quant à la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, ses moyens n'augmentent pas en proportion des sollicitations croissantes : ses membres ont dû prendre personnellement en charge une partie de leurs frais de mission, et le bouclage des dossiers en fin d'année est désormais assuré habituellement par un stagiaire de l'Institut d'études politiques de Paris, ce qui est regrettable.
La préparation de la prochaine loi de finances devra ainsi fournir l'occasion de justifier au premier euro l'ensemble des crédits demandés, ainsi que je vous y invite dans le rapport cosigné par notre collègue M. Michel Moreigne.
Dans cette perspective, la réflexion sur les objectifs et indicateurs de performance devra être poursuivie et approfondie. Si les objectifs et indicateurs proposés sont globalement satisfaisants, il est regrettable qu'ils ne décrivent qu'un tiers des moyens du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental ». Le Secrétariat général de la défense nationale, le Commissariat général du Plan, le CSA et le Médiateur de la République, doivent aussi inscrire leur action dans une démarche de performance. Le SGDN a d'ailleurs engagé une réflexion en ce sens, dont il a fait part à vos rapporteurs spéciaux.
Compte tenu de ces observations, la commission des finances a proposé l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » ainsi modifiés, et l'adoption de l'article 79 rattaché, sous réserve d'un amendement de coordination à cet article.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a décidé de se saisir pour avis de l'intégralité de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Cette mission constitue un ensemble hétérogène dans la mesure où elle regroupe, dans un premier programme, les crédits alloués au service du Premier ministre et à certaines autorités administratives indépendantes et, dans un second programme, le budget du ministère de la fonction publique.
L'avis rendu par la commission des lois comprend également un large développement sur les charges de personnel et l'évolution générale de la fonction publique, mais je n'y reviendrai pas, puisque nous avons déjà eu l'occasion d'en débattre en première partie.
S'agissant des crédits alloués au ministère de la fonction publique, je ne ferai que trois remarques ponctuelles.
Premièrement, les crédits relatifs à la réforme de l'État et à la prospective n'étant plus inscrits dans ce programme, ne serait-il pas plus logique que le directeur général de l'administration et de la fonction publique en soit le gestionnaire plutôt que le secrétaire général du Gouvernement ?
Deuxièmement, les objectifs et indicateurs de performance fixés pour ce programme permettent de couvrir de façon effective l'essentiel du champ d'intervention du ministère de la fonction publique. Toutefois, il pourrait être bienvenu d'évaluer la qualité de la formation initiale assurée par l'ensemble des écoles bénéficiant de subventions, une enquête annuelle étant actuellement uniquement prévue pour les Instituts régionaux d'administration et non pour l'École nationale d'administration. Cette remarque figurait d'ailleurs également dans le rapport de la commission des finances.
Enfin, troisièmement, je me félicite des trois mesures nouvelles prévues dans le budget en matière d'action sociale interministérielle, à savoir : la mise en place, pour les agents de l'État, du chèque-emploi-service universel, le CESU, et de la garantie de paiement des loyers et des charges, dite garantie LOCA-PASS, ainsi que l'extension à l'ensemble du territoire et la revalorisation, pour certains secteurs, de l'aide et du prêt à l'installation des personnels de l'État.
Le programme « Coordination du travail gouvernemental » se distingue, quant à lui, par un contenu assez hétéroclite. On y trouve d'abord les services du Premier ministre, tels que le Secrétariat général du Gouvernement, le Commissariat général du Plan en voie d'intégration dans le nouveau centre d'analyse stratégique ou la direction de la Documentation française.
Ce programme comprend ensuite sept autorités administratives indépendantes, et non des moindres, puisqu'elles participent à la défense des libertés : le Médiateur de la République, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, ou encore la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Ce regroupement de services et d'autorités très divers m'amène à faire une première observation : les objectifs et indicateurs de performance du programme « Coordination du travail gouvernemental » devraient être plus exhaustifs.
En effet, seules trois des onze actions du programme sont dotées de tels objectifs, la plupart mesurant la qualité et l'efficacité de l'information administrative. Le champ très large du programme est donc loin d'être couvert par les indicateurs de performance.
Pourquoi ne pas doter d'objectifs et d'indicateurs certaines missions de coordination qui en sont aujourd'hui dépourvues ?
La commission des lois vous suggère en particulier, monsieur le ministre, de créer pour le nouveau Secrétariat général aux affaires européennes un objectif portant sur l'exécution des directives communautaires par la France et, pour le secrétariat général du Gouvernement, un objectif visant les délais de publication des textes réglementaires d'application des lois.
Des objectifs et indicateurs devraient en outre être institués pour les autorités administratives indépendantes. Certaines d'entre elles ont d'ailleurs lancé une réflexion commune afin d'élaborer des indicateurs pertinents. Cette information nous a été communiquée par le Médiateur de la République.
Enfin, je souhaite évoquer la situation des autorités administratives indépendantes dans la nouvelle architecture budgétaire définie par la LOLF. Le nouveau cadre budgétaire a abouti à la dispersion de ces autorités, sans critère précis, dans plusieurs missions et programmes. L'article 7 de la LOLF dispose pourtant qu'un programme doit regrouper « les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions ». Aussi peut-on se demander s'il est vraiment cohérent de ranger le CSA et le Médiateur de la République aux côtés des services du Premier ministre !
Qui plus est, le rattachement des autorités administratives indépendantes à des programmes où figurent des administrations relevant directement du Gouvernement leur rend applicable le principe de fongibilité des crédits instauré par la LOLF, ce qui porte atteinte à l'autonomie de gestion de ces autorités.
En effet, pour assurer leurs missions de régulation et de protection des libertés en toute indépendance, ces autorités doivent bénéficier d'une autonomie financière. Elles n'échappent pas pour autant à tout contrôle, puisque leur activité est soumise à l'examen de la Cour des comptes et du Parlement.
La commission des lois vous invite par conséquent, monsieur le ministre, à mieux prendre en compte les spécificités des autorités administratives indépendantes dans la nouvelle architecture budgétaire, et vous présente à cette fin un amendement.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du projet de loi de finances pour 2006 consacrés à la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n'appartenant à aucun groupe.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », c'est la place que l'on accorde, dans le paysage institutionnel français, aux autorités administratives indépendantes spécifiques à certaines activités économiques et sociales qui est en question.
En effet, une fois écarté le travail gouvernemental et, singulièrement, le fonctionnement des services du Premier ministre, nous nous trouvons face à la liste des autorités indépendantes qui, au fil des ans, ont été créées par le législateur.
Dans ces domaines, l'actualité récente a été marquée par au moins deux événements significatifs.
Le premier, c'est l'appel à l'opinion publique du président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, Pierre Truche, soulignant dès septembre 2005 que ses services n'étaient plus en situation de fonctionner correctement, leur budget ayant été amputé d'une bonne part des crédits votés par le Parlement.
Au moment où nous devons éviter toute coupure entre la nation et sa police, comment ne pas considérer surprenant de réduire les moyens de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, alors que l'on prévoit d'accroître, de manière très sensible, ceux de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS ?
Second événement : l'interruption subite des fonctions du Commissaire général au Plan qui a appris, par la presse, qu'il était démis de ses fonctions par décret.
Au-delà de la procédure, pour le moins discutable, c'est en fait la conception même de la planification qui est aujourd'hui en question.
La décentralisation est en effet largement conçue comme un outil de désengagement de l'État dans des domaines tels que le développement des investissements dans les réseaux routiers, le développement des services associés à l'activité scolaire, de larges pans de l'action culturelle, la majeure partie de la politique sociale, l'essentiel de la politique du logement, une grande part des politiques de l'emploi, au profit d'une extension des compétences confiées aux collectivités locales.
Tout se passe comme si, peu à peu, nous assistions à un effacement de l'État sur le terrain, accompagnant le déclin d'une dépense publique de plus en plus concurrencée par l'appel aux financements privés et le développement de la fiscalité purement incitative.
Les termes de la lettre de mission adressée par le Premier ministre à la nouvelle titulaire du poste de commissaire au Plan, Mme Sophie Boissard, sont sans équivoque : « La logique de planification qui a présidé à la création du Commissariat général du Plan n'est plus adaptée aux caractéristiques d'une économie ouverte et d'une société complexe. Dans le même temps, la conduite de l'action gouvernementale, dans un univers incertain et soumis à des évolutions de plus en plus rapides, doit davantage, que par le passé, reposer sur une analyse précise des défis posés par la mondialisation et une meilleure compréhension des problèmes de la société. C'est pourquoi j'ai décidé, le 27 octobre dernier, de faire du Commissariat général du Plan un centre d'analyse stratégique directement rattaché au Premier ministre. »
Ce choix purement idéologique signifie la soumission de l'action publique aux impératifs financiers et stratégiques des groupes engagés dans la mondialisation économique.
Compte tenu de cette orientation, le groupe CRC ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de la nouvelle loi de finances, la mission « Direction de l'action du Gouvernement », que nous examinons ce matin, regroupe deux programmes, qui n'ont pourtant pas de lien direct : le programme 129, « Coordination du travail gouvernemental », qui rassemble des crédits pour le moins hétérogènes et le programme 148, « Fonction publique ».
Ce dernier programme, auquel je vais me limiter, faute de temps, est divisé en deux actions : « Formation des fonctionnaires » et « Action sociale interministérielle ».
Avec 138,4 millions d'euros, les crédits alloués à la fonction publique augmenteraient de 4,3 %, mais la nouvelle nomenclature rend les comparaisons avec le dernier exercice budgétaire hasardeuses, voire impossibles. De surcroît, en ce qui concerne l'action sociale interministérielle, de nombreux transferts étaient intervenus dans le budget pour 2005, notamment celui de la gestion des allocations familiales vers les caisses d'allocations familiales. Comme, à structure constante, le budget pour 2005 diminuait de 8 %, on conçoit aisément que 2006 ne sera pas une année de rattrapage pour les fonctionnaires.
Même si la baisse de 1 % des crédits de formation peut sembler modique, ne trouvez-vous pas, monsieur le ministre, que la faiblesse de l'effort consenti contredit les objectifs affichés de modernisation et de transparence ?
Les crédits relatifs à l'action sociale interministérielle augmentent, eux, de 10,5 %, mais le budget pour 2005 avait vu disparaître de son périmètre les allocations familiales et l'aide à l'amélioration de l'habitat des fonctionnaires retraités, tandis que les aides ménagères à domicile pour les retraités étaient fortement réduites.
Pour 2006, les crédits d'insertion des personnes handicapées ont disparu du programme « Fonction publique », au profit d'un fonds interministériel. Il serait intéressant que vous nous précisiez, monsieur le ministre, à combien s'élève ce fonds pour les agents de la fonction publique.
Les agents de l'État auront désormais accès au chèque emploi service universel dont bénéficient les salariés du secteur privé. Cette formule sera ciblée sur la garde d'enfants de moins de trois ans. C'est une bonne mesure, mais qui ne doit ni être présentée comme alternative à une revalorisation salariale, ni masquer le manque évident de places de crèche.
Autre innovation, un dispositif analogue à celui des LOCA-PASS sera expérimenté, mais nous manquons d'informations sur l'usage des 500 000 euros affectés à ce projet.
Toujours est-il que, chaque année, l'action sociale interministérielle se vide un peu plus de son contenu.
Peau de chagrin donc que les actions menées en faveur de la fonction publique !
La séparation en deux missions distinctes de la fonction publique et de la modernisation de l'État, passée sous tutelle de Bercy, montre bien l'orientation purement comptable prise par votre gouvernement, monsieur le ministre. Ce choix politique, déjà lisible dans l'organisation des ministères, se fait au détriment de la cohérence, car la réforme de l'État ne saurait s'opérer sans les fonctionnaires, qui en sont les acteurs principaux.
Mercredi soir, M. Copé a tenté de nous expliquer l'efficience d'une telle architecture, mais j'avoue qu'il ne m'a guère convaincu.
D'autre part, il nous a annoncé « une procédure d'audit, comme jamais l'État n'en a réalisé ». Dont acte ! Mais, bien que cette démarche soit prévue dans les six mois à venir, le ministre nous certifie déjà qu'il va « accentuer la baisse des effectifs de l'État ». Il anticipe par conséquent les conclusions de cet audit. À quoi sert d'établir un diagnostic supposé transparent lorsqu'on a une idée si précise du remède, en l'occurrence, de la purge ?
Monsieur le ministre, j'aimerais, en outre, que vous nous précisiez qui est responsable du programme « Fonction publique ». Est-ce le secrétaire général du Gouvernement, le directeur de la Direction générale de l'administration et de la fonction publique, la DGFAP, ou vous-même ?
Dans un contexte de nouvelle réduction des effectifs, de diminution du pouvoir d'achat, tant des actifs que des retraités, de coups répétés portés au statut, les membres du groupe socialiste du Sénat ne voteront pas un projet de budget qui manque à ce point de l'ambition nécessaire pour aider les fonctionnaires à relever les défis d'un État moderne.
La LOLF ne saurait servir de prétexte à opérer des coupes claires dans les dépenses et les effectifs, sans mener, avant tout, un véritable débat d'orientation sur le devenir de la fonction publique.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs spéciaux, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j'interviens aujourd'hui, au nom du Premier ministre, sur les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » comprenant les crédits du programme « Coordination du travail gouvernemental » et ceux du programme « Fonction publique ».
S'agissant du premier programme, les crédits demandés pour 2006 s'élèvent à 396 500 000 euros, soit une augmentation de 0,5 % par rapport à l'année précédente. Cette somme doit permettre aux services rattachés du Premier ministre de l'assister dans les fonctions d'état-major liées à la direction du Gouvernement, les fonctions de stratégie et de prospective, les fonctions de coordination sectorielle et les fonctions d'information administrative.
Le plafond d'emploi utilisé s'établit à 2 954 emplois, soit 34 emplois équivalents supplémentaires par rapport à 2005 et 20 créations nettes.
Les crédits du programme « Fonction publique » s'élèvent, quant à eux, à 138 millions d'euros, soit une légère augmentation, de 4 %, par rapport à 2005. Ils sont répartis de façon équilibrée entre deux actions. Ainsi, 70 millions d'euros sont affectés à la formation des fonctionnaires et 67,8 millions d'euros sont attribués à l'action sociale interministérielle.
Cette hausse doit permettre, d'une part, d'assurer le financement des actions de formation et de prestations sociales existantes et, d'autre part, de mettre l'accent sur l'environnement quotidien du fonctionnaire, point évoqué par plusieurs d'entre mesdames, messieurs les sénateurs, notamment en dynamisant l'action sociale interministérielle.
S'agissant des crédits consacrés à l'action « Formation des fonctionnaires », ils permettent notamment le financement de la formation initiale assurée à la fois par l'École nationale d'administration, l'ENA, et par les cinq instituts régionaux d'administration, les IRA, celui de la préparation aux concours administratifs de la formation interministérielle continue et du soutien aux associations de formation et aux organisations syndicales dans le cadre de leur action de formation.
La subvention de fonctionnement de l'ENA est reconduite au niveau de la loi de finances initiale de 2005. Sur le plan budgétaire, ces crédits permettent d'intégrer les effets du transfert effectif de l'école à Strasbourg et la mise en place de la réforme de la scolarité.
Quant aux crédits consacrés à l'action sociale, ils sont en augmentation de 10 % par rapport à l'année précédente. Ils vont nous permettre, d'une part, de maintenir les prestations actuelles individuelles et collectives et, d'autre part, de modifier le contenu des prestations existantes de manière à les rendre plus efficaces et à créer de nouvelles prestations pour les agents. Je souhaite en évoquer trois devant vous.
L'aide à l'installation des personnels de l'État, l'AIP, bénéficie de 7,5 millions d'euros. Cette aide est actuellement affectée en Île-de-France, en région PACA et dans les zones urbaines sensibles, secteurs dans lesquels les difficultés de logement sont les plus importantes. Après discussion avec les organisations syndicales, je souhaite pouvoir rénover ce dispositif afin de le revaloriser sur les zones existantes et réfléchir à son extension sur l'ensemble du territoire.
Le Gouvernement travaille avec les partenaires sociaux depuis plusieurs mois sur ce sujet, qui sera évoqué de nouveau mardi à l'occasion des premières négociations salariales.
Le chèque-emploi-service universel, le CESU, titre de paiement qui peut faire l'objet d'une participation de l'employeur, se voit affecter 8,5 millions d'euros. Le Gouvernement souhaite le cibler notamment sur les gardes d'enfants de zéro à trois ans, qu'elles soient individuelles ou collectives. Pour répondre à une question posée précédemment, cette mesure concerne donc bien l'ensemble des gardes.
Prenons l'exemple d'un ménage disposant d'un revenu mensuel de 2 000 euros et devant faire face à des frais de garde de 230 à 235 euros mensuels, pour retenir ces moyennes. Le CESU appliqué à la fonction publique permettrait de ramener ce coût de garde, une fois les aides de la caisse d'allocations familiales attribuées, à 150 euros, soit une diminution d'un tiers des frais engagés.
La troisième mesure que je veux évoquer vise à expérimenter dans la fonction publique l'aide à l'accès au logement en instituant un système comparable au LOCA-PASS, qui existe dans le secteur privé et qui s'appuie sur le 1 % logement.
Prenons l'exemple d'un jeune fonctionnaire de catégorie C percevant un salaire mensuel de 1 200 euros et supportant un loyer de 600 euros. Lorsqu'il change de logement, il doit acquitter par avance son premier mois de loyer et verser une caution d'un montant équivalant à deux mois de loyer. Il doit donc débourser l'équivalent d'un mois de salaire, parfois même davantage. Ce raisonnement peut être appliqué à des fonctionnaires d'autres catégories.
L'idée est de trouver une solution qui permettrait d'avancer cette trésorerie à la place du fonctionnaire.
Les 500 000 euros visés correspondent au coût de gestion des différents organismes publics qui ont été sollicités pour pouvoir prendre en charge la gestion du système.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les premiers éléments d'information dont je voulais vous faire part avant l'examen des amendements.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » (et article 79) figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 534 469 302 euros ;
Crédits de paiement : 533 749 302 euros.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-13 rectifié, présenté par Mme Gourault, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. Créer le programme :
Autorités administratives indépendantes
II. En conséquence, modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental Dont Titre 2 |
|
47 540 294 22 561 546 |
|
47 510 294 22 561 546 |
Fonction publique |
|
|
|
|
Autorités administratives indépendantes Dont Titre 2 |
46 097 761 21 119 013 |
|
46 067 761 21 119 013 |
|
TOTAL |
46 097 761 |
47 540 294 |
46 067 761 |
47 510 294 |
SOLDE |
-1 442 533 |
-1 442 533 |
La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. Cet amendement comporte deux parties.
La première concerne la création d'un nouveau programme qui regroupe les sept autorités administratives indépendantes actuellement dans le programme « Coordination du travail gouvernemental », autorités administratives que vous connaissez tous, mes chers collègues.
Cette mesure est garante de l'indépendance de ces AAI et de la neutralisation du principe de fongibilité à l'intérieur du programme.
Les membres de la commission des lois ont repéré une erreur dans le « bleu » budgétaire de l'ordre de 2,5 millions d'euros. Ils ont donc souhaité, à l'unanimité, reporter une partie de ces crédits sur la CNDS et sur le CSA. M. le ministre m'ayant déjà informée que des solutions seraient apportées au moins pour l'une des autorités administratives indépendantes, je rectifie cet amendement en le limitant à la création d'un programme « Autorités administratives indépendantes ».
M. le président. Je suis donc saisi, par Mme Gourault, au nom de la commission des lois, d'un amendement n° II-13 rectifié bis ainsi rédigé :
I. Créer le programme :
Autorités administratives indépendantes
II. En conséquence, modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental Dont Titre 2 |
|
47 540 294 22 561 546 |
|
47 510 294 22 561 546 |
Fonction publique |
|
|
|
|
Autorités administratives indépendantes Dont Titre 2 |
47 540 294 22 561 546 |
|
47 510 294 22 561 546 |
|
TOTAL |
47 540 294 |
47 540 294 |
47 510 294 |
47 510 294 |
SOLDE |
0 |
0 |
L'amendement n° II-22, présenté par MM. Marc et Moreigne, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. Créer le programme :
Développement et régulation des médias
II. En conséquence, modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental Dont Titre 2 |
|
40.438.955
21.480.955 |
|
40.438.955
21.480.955 |
Fonction publique |
|
|
|
|
Développement et régulation des médias Dont Titre 2 |
40.438.955 21.480.955 |
|
40.438.955 21.480.955 |
|
TOTAL |
40.438.955 |
40.438.955 |
40.438.955 |
40.438.955 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
M. François Marc, rapporteur spécial. Le présent amendement tire profit des nouvelles modalités offertes par la LOLF. Il vise à la création d'un nouveau programme « Développement et régulation des médias » auquel sont transférés 40,44 millions d'euros pris sur le programme 129, dont 21,48 millions d'euros de dépenses de personnel du titre 2, et plus précisément sur l'action n° 9-129 « Conseil supérieur de l'audiovisuel », sur la sous-action « Direction du développement des médias » de l'action n° 4-129 et sur certains crédits de l'action soutien n° 10-129 relatifs à la direction du développement des médias, la DDM.
En vue du rattachement ultérieur de ces crédits à la mission « Médias », les rapporteurs spéciaux suggèrent que les moyens du Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, et de la DDM relèvent de programmes différents. Ainsi les crédits de la DDM pourraient être inscrits au programme « Presse » et ceux du CSA pourraient constituer un programme spécifique.
Par coordination au sein de l'action n° 4-129, il serait souhaitable que le Gouvernement rattache les crédits du Conseil d'analyse économique, du Conseil d'orientation des retraites et du Conseil d'analyse de la société à l'action n° 11, qui correspond aux moyens du Commissariat général du Plan, afin d'identifier l'ensemble des moyens concourant aux missions « Prospective de l'État ».
M. le président. L'amendement n° II-23, présenté par MM. Marc et Moreigne, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental Dont Titre 2 |
|
2 526 000 2 526 000 |
|
2 526 000 2 526 000 |
Fonction publique |
|
|
|
|
TOTAL |
|
2 526 000 |
|
2 526 000 |
SOLDE |
- 2 526 000 |
- 2 526 000 |
La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
M. François Marc, rapporteur spécial. Cet amendement de réduction des crédits vise à corriger une erreur matérielle. Le « bleu » budgétaire a porté le montant des dépenses de personnel de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité à 2 910 500 euros, alors que les crédits demandés ne s'élèvent qu'à 384 500 euros, selon les informations fournies à vos rapporteurs spéciaux ; il s'agit d'une réduction de crédit de 2 526 000 euros.
M. le président. L'amendement n° II-123, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental Dont Titre 2 |
|
2 000 000 |
|
2 000 000 |
Fonction publique |
|
|
|
|
TOTAL |
|
2 000 000 |
|
2 000 000 |
SOLDE |
- 2 000 000 |
- 2 000 000 |
La parole est à M. le ministre.
M. Christian Jacob, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement répond à certaines préoccupations que vous avez exprimées, notamment en déposant des amendements qui visaient à retirer des crédits, par exemple à l'AIP ou sur d'autres lignes, pour les affecter au CSA.
Or le budget global du CSA s'élève à 32 400 000 euros. Ce conseil a pour mission de garantir la protection du signal, c'est-à-dire la vérification de la qualité de l'image. Jusqu'à aujourd'hui, il n'assurait pas directement cette mission mais la déléguait à Télédiffusion de France, TDF. À ce titre, le CSA percevait 6 millions d'euros.
Dans le cadre du développement de la TNT, cette mission a été confiée à l'Agence nationale des fréquences, établissement public sous la responsabilité du ministère de l'industrie qui assure cette mission pour 2 millions d'euros. De ce fait, le CSA peut disposer de 4 millions d'euros supplémentaires, ce qui répond aux inquiétudes exprimées par un certain nombre d'entre vous.
M. le président. L'amendement n° II-105, présenté par M. de Broissia, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental Dont Titre 2 |
3 000 000 |
|
3 000 000 |
|
Fonction publique |
|
3 000 000 |
|
3 000 000 |
TOTAL |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos II-13 rectifié bis et II-123 ?
M. François Marc, rapporteur spécial. L'amendement déposé par Mme Gourault relève de la même inspiration que l'amendement n° II-22, mais il est plus complet. La commission des finances, afin de ne pas allonger nos débats, se rallie à cet amendement et, par conséquent, retire les amendements nos II-22 et II-23.
M. le président. Les amendements nos II-22 et II-23 sont retirés.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur spécial.
M. François Marc, rapporteur spécial. La commission des finances est favorable à l'amendement n° II-123, bien que son dépôt tardif ne lui ait pas permis de l'examiner à fond. Cet amendement lui semble néanmoins répondre à ses préoccupations.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-13 rectifié bis ?
M. Christian Jacob, ministre. Je remercie d'abord M. le rapporteur spécial et M. le président de la commission des finances de la compréhension dont ils ont fait preuve concernant le dépôt tardif de l'amendement du Gouvernement.
S'agissant de l'amendement de Mme Gourault, la position du Gouvernement a toujours été, conformément à l'esprit même dans lequel a été élaborée la LOLF, de refuser la création d'un programme « Autorités administratives indépendantes », car cela reviendrait à créer un programme spécifique par type d'organismes. Au contraire, l'esprit de la LOLF veut que l'on crée des programmes par type d'actions ou par destinations.
C'est pourquoi le Gouvernement est opposé au principe qui sous-tend cet amendement.
Cependant, nous avons veillé à ce qu'il y ait une fongibilité limitée des crédits. J'ai, en effet, bien compris le souci de Mme le rapporteur pour avis de préserver aussi l'indépendance de ces organismes. Dans la mesure où la fongibilité est limitée, c'est-à-dire que la masse salariale est « sanctuarisée », l'indépendance de ces organismes est préservée, ce à quoi nous sommes bien entendu tous attachés.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis. Je ne suis pas du tout d'accord avec l'analyse de M. le ministre en ce qui concerne l'esprit de la LOLF et il me semble que mon amendement y satisfait totalement.
Il ne s'agit pas d'une affaire thématique puisque chacune des administrations indépendantes a sa propre mission. C'est donc la commission des lois qui se situe dans la ligne de la LOLF.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et la commission des finances, madame Gourault !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dans un premier temps, la LOLF étant une coproduction du Gouvernement et du Parlement, le Gouvernement a interrogé les commissions des finances des deux assemblées pour connaître leur opinion sur le projet de matrice « Définition des missions ».
La commission des finances du Sénat s'est prononcée pour la création d'une mission regroupant la Cour des comptes, celle-ci devenant le certificateur de sincérité des comptes publics, et les autorités indépendantes, afin que ces dernières soient garanties contre des régulations budgétaires qui, quelquefois, apparaissent comme une pression exercée sur elles.
Imaginez qu'un jour le CSA soit amené à prendre une décision légèrement différente de celle que le pouvoir politique aurait pu suggérer et que survienne, quelques jours plus tard, une régulation budgétaire. On ne pourrait alors éviter de présumer que des pressions ont été ainsi exercées par le politique sur cette autorité indépendante.
Il faut donc se mettre à l'abri de tout soupçon de cette nature.
Dès lors, l'idée qui consiste à regrouper toutes les autorités indépendantes relevant de l'action du Gouvernement nous paraît a priori bonne. C'est pourquoi la commission des finances s'est ralliée à la proposition de Mme Gourault.
Laisser les autorités indépendantes dans un programme signifie que le responsable du programme peut, à sa guise, opérer des transferts de crédits d'une action à l'autre, les autorités indépendantes apparaissant alors comme de simples actions, qui seraient donc soumises à des pressions pouvant faire douter de leur indépendance.
Dans ces conditions, la création d'un programme « Autorités administratives indépendantes » nous apparaît comme un facteur de clarification, ce programme devant être une sorte de sanctuaire. Sans doute ce sanctuaire n'échapperait-il pas à toutes les régulations budgétaires lorsque, malheureusement, elles se produisent, mais cette « présomption de sanctuarisation » nous paraît conforme à l'esprit dans lequel la LOLF a été rédigée.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Jacob, ministre. J'ai bien compris votre argumentation, monsieur Arthuis, et le Gouvernement est prêt à engager une réflexion en vue d'une sanctuarisation des crédits, à vous apporter des éléments de précision et à formuler de nouvelles propositions sur ce sujet.
Je considère cet amendement comme un amendement d'appel.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je vous remercie de cette ouverture, monsieur le ministre.
La commission mixte paritaire se réunira dans un peu plus de deux semaines. D'ici là, vous nous ferez connaître vos observations. Si des difficultés insurmontables se présentent, nous les prendrons bien sûr en considération, mais, pour l'heure, j'invite le Sénat à voter l'amendement de la commission des lois.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents
Je mets aux voix l'amendement n° II-123.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° II-24, présenté par MM. Marc et Moreigne, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Coordination du travail gouvernemental Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Fonction publique |
|
3 402 664 |
|
3 402 664 |
TOTAL |
|
3 402 664 |
|
3 402 664 |
SOLDE |
- 3 402 664 |
- 3 402 664 |
La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
M. François Marc, rapporteur spécial. Cet amendement était un amendement d'appel. Il visait à minorer des crédits - conformément à l'esprit dans lequel a été rédigée la LOLF - puisque nous n'avions pas obtenu les informations nécessaires quant à leur vocation. M. le ministre nous ayant apporté dans son exposé les éléments que nous attendions, nous retirons cet amendement.
M. le président. L'amendement n° II-24 est retiré.
Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », ainsi modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 79, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
Article 79
I. - A. - Au I de l'article 154 de la loi de finances pour 2002 (n° 2001-1275 du 28 décembre 2001), les mots : « crédits inscrits au chapitre 37-91 du budget des services généraux du Premier ministre » sont remplacés par les mots : « fonds spéciaux inscrits au programme intitulé : "Coordination du travail gouvernemental" ».
B. - Dans le premier alinéa du VII bis du même article, les mots : « budget des services généraux du Premier ministre » sont remplacés par les mots : « programme intitulé : "Coordination du travail gouvernemental" ».
II. - Dans le premier alinéa de l'article L. 2312-3 du code de la défense, les mots : « budget des services du Premier ministre » sont remplacés par les mots : « programme intitulé : "Coordination du travail gouvernemental" ».
III. - Dans le premier alinéa de l'article L. 1412-4 du code de la santé publique, les mots : « budget des services généraux du Premier ministre » sont remplacés par les mots : « programme intitulé : "Coordination du travail gouvernemental" ».
IV. - Dans le premier alinéa de l'article 15 de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République, les mots : « budget du Premier ministre » sont remplacés par les mots : « programme intitulé : "Coordination du travail gouvernemental" ».
V. - Dans le premier alinéa de l'article 18 de la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques, les mots : « budget des services du Premier ministre » sont remplacés par les mots : « programme intitulé : "Coordination du travail gouvernemental" ».
VI. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 12 de la loi n° 2000-196 du 6 mars 2000 instituant un Défenseur des enfants, les mots : « budget du Premier ministre » sont remplacés par les mots : « programme intitulé : "Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales" ».
VII. - Dans la première phrase de l'article 14 de la loi n° 2000-494 du 6 juin 2000 portant création d'une Commission nationale de déontologie de la sécurité, les mots : « budget des services du Premier ministre » sont remplacés par les mots : « programme intitulé : "Coordination du travail gouvernemental" ».
M. le président. L'amendement n° II-25, présenté par MM. Marc et Moreigne, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après le III de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
III bis. - Dans le premier alinéa de l'article L. 941-3 du code du travail, les mots : « budget des services du Premier ministre »sont remplacés par les mots : « programme intitulé "Fonction Publique" ».
La parole est à M. François Marc, rapporteur spécial.
M. François Marc, rapporteur spécial. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
M. le président. Il faut effectivement garder à l'esprit ce genre de considération.
budget annexe des journaux officiels
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits du budget annexe des Journaux officiels (et article 94).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Vera, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. En premier lieu, je tiens à dire à M. le ministre notre étonnement de voir le budget annexe des Journaux officiels conforté dans ce statut. En effet, la mise en vigueur de la LOLF avait fait peser des incertitudes sur le sort de l'institution. Il reste une interrogation, au regard de l'article 7, quant à la régularité de la division en un seul programme de la « mission ».
L'hypothèse d'une grande mission « État éditeur », rassemblant l'ensemble des organismes du secteur public chargés des tâches d'édition, de diffusion et d'information juridique, pourrait résoudre cette irrégularité.
L'adaptation aux évolutions technologiques et la modernisation des appareils de production permettent d'envisager le développement, au service du public, d'un pôle d'excellence en termes d'éditions publiques. Une ébauche est en cours, avec le rapprochement entre les Journaux officiels et la Documentation française. De nouveaux partenaires devraient être trouvés.
Il convient de poursuivre la réflexion en y associant les personnels concernés.
La direction des Journaux officiels, la DJO, est en bonne santé financière : elle enregistre un excédent d'exploitation de 11,6 millions d'euros, la baisse annoncée des recettes d'annonces légales depuis la refonte du code des marchés publics l'année dernière reste limitée, et les annonceurs continuent de faire confiance aux Journaux officiels, bien qu'ils n'y soient plus tenus réglementairement pour la plupart de leurs annonces.
Au-delà, c'est l'ensemble des publications de la DJO qui est concerné par la dématérialisation.
Pour ma part, je me réjouis que les nécessaires évolutions technologiques s'accompagnent d'un élargissement de l'accès au droit et d'une meilleure qualité du service rendu. Cependant, je veillerai au maintien de l'équilibre et de la complémentarité entre les supports papier et électronique, qui répond à une exigence démocratique et doit permettre à chaque citoyen de bénéficier d'un égal accès à la norme juridique.
L'effort de modernisation de la DJO se traduit par des dépenses d'investissement dans la continuité de celles des années précédentes.
La mesure de la stratégie de performance des Journaux officiels sera facilitée par les nouveaux systèmes informatiques en cours d'installation, qu'il s'agisse de la refonte du système de production des bases de données juridiques ou de la nouvelle plate-forme éditoriale informatique. Les indicateurs choisis sont pertinents : par exemple, le taux moyen de saisie à la source, le délai moyen de traitement d'une demande d'annonce ou encore le coût moyen de traitement de la page publiée.
Bien que les effectifs soient en baisse tant à la SACI-JO qu'à la DJO, les charges de personnel sont en forte augmentation, essentiellement en raison d'une provision de près de 10 millions d'euros inscrite au budget pour anticiper la réforme de la caisse des pensions et garantir le système de retraite.
Les personnels sont très touchés par le processus de modernisation en cours. Un plan de réduction des effectifs est engagé depuis deux ans.
Les représentants du personnel que nous avons rencontrés font état d'une grande inquiétude quant à leur avenir. Ils soulignent l'urgente nécessité d'importer de nouveaux travaux pour maintenir les emplois et ils craignent que la fabrication des documents de l'administration de l'État ne soit de plus en plus confiée au secteur privé, malgré le savoir-faire des salariés du secteur public, qui constitue une garantie incomparable en ce qui concerne la qualité, la fiabilité et les délais.
Sur ce point, dans un souci de maîtrise des coûts, le secrétariat général du Gouvernement préconise le développement des travaux communs entre la Documentation française et les Journaux officiels. Cette collaboration suscitant des mouvements chez les personnels impliqués, elle requiert une concertation avec les organisations syndicales et les intéressés.
Enfin, l'article 94 tend à ratifier le décret en Conseil d'État qui définit les redevances pour services rendus perçues par les Journaux officiels.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits du budget annexe des Journaux officiels, ainsi que l'article 94 rattaché. (M. le président de la commission des finances applaudit.)
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, pour cette discussion, à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n'appartenant à aucun groupe.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de cinq minutes pour intervenir.
La parole est à M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique.
M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, je rappelle que les crédits du budget annexe des Journaux officiels s'élèvent pour 2006 à plus de 171 millions d'euros, répartis sur trois actions.
L'action 1, « Intégration et édition des données », à laquelle sont consacrés environ 62 millions d'euros, concerne la publication des normes juridiques françaises, des débats parlementaires et des décisions du Conseil constitutionnel.
L'action 2, « Diffusion des données », à laquelle sont consacrés environ 59 millions d'euros, concerne le Journal officiel mais aussi l'internet, et notamment le site « legifrance.gouv.fr ».
L'action 3, « Soutien technique, administratif et commercial », à laquelle sont consacrés environ 50 millions d'euros, correspond au budget de personnel et de fonctionnement. À cet égard, les effectifs des Journaux officiels sont en diminution : ils passeront de 590 équivalents temps plein en 2005 à 574 équivalents temps plein en 2006.
Je conclurai en vous confirmant, monsieur le rapporteur spécial, que nous sommes tout à fait d'accord pour continuer à réfléchir à un rapprochement entre les Journaux officiels et la Documentation française, comme vous nous y avez invités.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits du budget annexe des Journaux officiels (et article 94) figurant à l'état B.
État B
Autorisations d'engagement : 170 421 902 euros ;
Crédits de paiement : 171 181 902 euros.
Nous allons procéder au vote des crédits du budget annexe des Journaux officiels figurant à l'état B.
Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du budget annexe des Journaux officiels
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion l'article 94, qui est rattaché pour son examen aux crédits du budget annexe des Journaux officiels.
Journaux officiels
Article 94
Est autorisée, à compter du 1er janvier 2006, la perception des rémunérations de services rendus par la direction des Journaux officiels instituées par le décret n° 2005-1073 du 31 août 2005. - (Adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant le budget annexe des Journaux officiels.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures vingt, est reprise à quinze heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale.
Développement et régu lation économiques
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Développement et régulation économiques » (et articles 76, 76 bis, 76 ter, 77, 78 et 78 bis) figurant à l'état B.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Éric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, en application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er août 2001, la mission « Développement et régulation économiques » a été créée pour rassembler tous les moyens concourant à la politique de soutien aux entreprises et au développement de leur activité.
Tous, dans cet hémicycle, nous savons que de la bonne santé de nos entreprises dépend la bonne santé de notre pays.
Ces moyens, qui étaient dispersés dans onze des anciens agrégats et dans plusieurs fascicules, représenteront en 2006 près de 4 milliards d'euros.
Pour autant que l'on puisse risquer une comparaison avec la loi de finances initiale pour 2005, comparaison rendue difficile par les changements de périmètre et les modalités de répartition des dépenses de personnel, le montant des crédits demandés correspond à une augmentation de l'ordre de 2 %.
Compte tenu de la situation contrainte de nos finances publiques, cela démontre, et je m'en félicite, que le Gouvernement ne relâche pas son effort en faveur des entreprises, effort qui a produit ces dernières années de remarquables résultats.
Je voudrais également souligner l'effort déterminant des collectivités locales, qui apportent une contribution majeure au développement économique grâce à leur rôle dans l'aménagement du territoire, à leur action économique et au volume de leurs investissements.
Les moyens en personnel de la mission - 29 194 emplois en équivalent temps plein travaillé - font apparaître une modeste réduction des effectifs, de 45 emplois, mais ce chiffre global ne doit pas dissimuler les réels efforts de productivité accomplis dans certains secteurs ; je pense, par exemple, au réseau des missions économiques à l'étranger ou à la direction générale des douanes et des droits indirects.
Telle qu'elle se présente en cet An I de la LOLF, cette nouvelle mission a vocation, je le crois, à devenir un outil efficace au service de la croissance économique, du renouveau de notre appareil productif et donc de l'emploi.
Sans vouloir trop sacrifier au « discours de la méthode », je voudrais dire, madame et messieurs les ministres, que cet outil nous semble encore perfectible et que la structure, un peu composite, de la mission pourrait sans doute être améliorée.
Nous observons en effet que la mission ne rassemble pas tous les instruments du soutien aux entreprises, tandis qu'elle inclut des dépenses qui n'ont qu'un rapport assez indirect avec ses finalités.
En ce qui concerne le premier point, nous regrettons en particulier que les aides à la recherche et à l'innovation n'entrent pas dans le périmètre de la mission et que l'effort en faveur des pôles de compétitivité ne relève que très partiellement d'une mission pourtant centrée sur le développement de l'activité économique.
Sur le second point, nous pouvons certes admettre qu'il soit difficile de faire totalement abstraction des structures administratives existantes, dont le découpage transparaît parfois assez nettement dans celui des différents programmes.
Il est toutefois dommage que cela entraîne le rattachement à la mission de moyens qui n'y ont pas toujours parfaitement leur place : je pense notamment aux moyens consacrés par les douanes à la lutte contre le trafic de stupéfiants.
Il est plus surprenant encore que l'on retrouve dans la mission un certain nombre de dépenses qui figuraient déjà dans l'ancien budget de l'industrie et qui sont dépourvues de tout lien avec le soutien aux entreprises : aides à la presse, remboursement de TVA à l'exploitant des pipelines de l'OTAN, versement de prestations sociales aux anciens mineurs.
Il nous semble que l'élaboration de la nouvelle nomenclature budgétaire aurait dû permettre de corriger ces anomalies.
Les dispositifs de mesure de la performance associés aux programmes de la mission ont, dans l'ensemble, été nettement améliorés, mais ils demeurent perfectibles.
Il est vrai que nous manquons de recul ; à l'avenir, il sera nécessaire de mettre en place des éléments d'analyse fiables, indiscutables et performants.
Toutes les actions ne sont pas couvertes par des objectifs ou des indicateurs de performance, tous les indicateurs ne sont pas pertinents. Un certain nombre d'indicateurs ne sont pas construits ou ne comportent pas de renseignements chiffrés permettant d'apprécier les ambitions fixées quant aux cibles retenues.
Si nous n'avons pas de recul dans le temps, nous manquons aussi de recul dans l'espace. Il serait intéressant de disposer d'indicateurs de comparaison de performance avec les pays qui sont nos concurrents.
Quant au principe de la justification au premier euro des crédits demandés, il paraît encore inégalement respecté.
Je voudrais en outre faire observer, d'une part, que la liberté de gestion accordée par la loi organique suppose, me semble-t-il, un effort accru de documentation des demandes budgétaires et, d'autre part, que la fongibilité des crédits ne saurait en aucun cas justifier une présentation insuffisamment détaillée des dépenses prévues.
Je m'étonne donc d'avoir éprouvé quelque difficulté à obtenir des réponses à certaines de mes demandes et de n'avoir pas trouvé, dans les documents budgétaires, d'indication sur les crédits d'aide qui pourraient être délégués aux régions.
Vous le savez, la décentralisation a permis aux régions de développer à titre exceptionnel des schémas de développement économique. Il ne faudrait pas que, d'armes économiques, ces schémas deviennent des armes politiques.
Le temps qui m'est imparti ne me permettra pas d'examiner dans le détail les quatre programmes qui relèvent de la mission. Je me bornerai donc à formuler quelques questions et observations.
En ce qui concerne le programme « Développement des entreprises », je noterai d'abord l'importance des dépenses fiscales qui lui sont rattachées : 10,56 milliards d'euros, soit près de dix fois le montant de ses crédits budgétaires.
La politique de dépense fiscale peut certainement être un instrument efficace du soutien aux entreprises, comme le démontrent les mesures récentes adoptées pour favoriser les exportations et les mesures incluses dans les lois Dutreil.
Il faut aussi, comme l'a d'ailleurs prévu le Gouvernement, que la culture de la performance soit étendue à la dépense fiscale. Je souhaiterais donc avoir confirmation de l'intention du Gouvernement d'intégrer dès 2007 une évaluation ex post des principales dépenses fiscales dans les rapports annuels de performance.
Le programme « Développement des entreprises » regroupe des actions dont les finalités sont très diverses mais dont le contenu est en général cohérent. Je pense en particulier à l'action consacrée au soutien des PME, dont je me félicite qu'elle prévoie les moyens d'appliquer la loi du 2 août 2005 et de renforcer considérablement les dotations accordées à OSEO-Sofaris au titre des garanties aux PME.
En revanche, je m'interroge sur l'action « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information ». Son contenu ne paraît pas, en effet, tenir les promesses de son intitulé. Je note d'ailleurs qu'aucun objectif ni aucun indicateur ne se rapporte à cette action.
Je regrette aussi que l'action consacrée au développement international de l'économie ne donne qu'une vue partielle du soutien budgétaire aux exportations, réparti entre trois missions, et de la politique volontariste définie en faveur des PME par le plan « Cap Export ».
En ce qui concerne le programme 127, qui retrace l'activité des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, je rappellerai que c'est le programme sur lequel est imputée la majeure partie des dépenses de la mission en faveur des pôles de compétitivité, soit 25 millions d'euros, qui seront consacrés à l'animation des pôles et à des actions ponctuelles.
Je ferai ici une remarque personnelle au sujet des pôles de compétitivité : je constate que l'Etat, face à l'indéniable réussite de ces pôles, et de peur qu'ils ne lui échappent, a fortement tendance à vouloir « reprendre la main ».
Même s'il faut ajouter à ces 25 millions d'euros quelque 6,5 millions d'euros de crédits, du reste non individualisés, financés sur le programme « Développement des entreprises », la contribution de la mission reste modeste au regard du total des dotations budgétaires - 132,5 millions d'euros - et de l'ensemble des moyens - 482,5 millions d'euros - dont bénéficieront les pôles en 2006.
Je remarque d'ailleurs que ces moyens proviendront de huit programmes relevant de six missions différentes, ce qui ne contribue pas à leur lisibilité et n'en facilitera sans doute pas le suivi.
Si le programme 127 est celui des DRIRE, le programme 199, « Régulation et sécurisation des échanges de biens et de services », est celui de la direction générale de la consommation de la concurrence et de la répression des fraudes et de la direction générale des douanes et droits indirects. Il fait aussi intervenir trois autorités administratives indépendantes : le Conseil de la concurrence, la CRE - Commission de régulation de l'énergie - et l'ARCEP - Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
En ce qui concerne ces autorités indépendantes, j'ai été frappé par l'inégalité des moyens de fonctionnements qui leur sont attribués, le Conseil de la concurrence étant de loin la moins bien dotée. Je souhaiterais donc obtenir des éclaircissements sur ces différences de traitement.
Enfin, le champ du programme « Passifs financiers miniers », qui regroupe des dépenses dont le seul point commun est d'être liées à la fin de l'exploitation minière, s'élargira en 2006 avec la budgétisation des dépenses d'après mines des Mines de potasse d'Alsace.
Sous réserve de ces diverses observations, mes chers collègues, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits de la mission « Développement et régulation économiques ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, sous réserve d'un amendement qu'elle a adopté à l'unanimité, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable quant à l'adoption des crédits de la mission « Développement et régulation économiques », sur le montant et la répartition desquels elle n'a pas d'observation particulière à formuler.
Avec la LOLF, en effet, il ne s'agit plus de savoir si un budget ministériel est bien doté - c'est-à-dire beaucoup doté -, mais si l'Etat utilise efficacement l'argent public pour atteindre les objectifs fixés dans les projets annuels de performance des programmes, les fameux PAP.
Pour exercer utilement cette nouvelle façon d'aborder l'examen du projet de loi de finances, le Parlement doit être correctement et clairement informé.
Or des progrès peuvent être réalisés en la matière, après cette première année de mise en oeuvre effective de la LOLF.
La première partie du rapport pour avis de notre commission dresse la liste de ces possibles améliorations. Je ne ferai donc ici que présenter les principales d'entre elles.
En ce qui concerne les questionnaires budgétaires, tout d'abord, il est essentiel, pour les rapporteurs des commissions parlementaires, que la date limite de réponse prévue par la LOLF soit respectée et que la qualité des réponses soit rendue plus homogène.
Je propose donc qu'un échéancier précisant la répartition des questions entre les différentes administrations ainsi que les coordonnées de leurs responsables soit régulièrement communiqué aux rapporteurs, leur permettant d'être directement réactifs en cas de difficulté.
Il en est de même du contenu du « bleu » budgétaire. L'utilité de ce document est évidente, mais pour qu'elle soit réelle, il faudra dès l'an prochain s'attacher à homogénéiser les explications relatives aux PAP et à la justification des crédits, préciser les informations concernant les dépenses fiscales et les fonds de concours et achever la construction des indicateurs de performance.
Il faudrait en outre que tous les programmes comportent des informations sur leurs principaux opérateurs, même si ces informations figurent de manière identique dans les « bleus » de plusieurs missions, et sur leurs opérateurs secondaires.
N'est-il pas surprenant, en effet, que nous ne disposions d'aucune précision ni sur le budget, ni sur l'activité de l'agence française pour les investissements internationaux, l'AFII, de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, ou de l'agence pour la création d'entreprises, l'APCE ?
La structure même de la mission, de ses programmes et de ses indicateurs de performance appelle également plusieurs observations.
En premier lieu, l'architecture interne de la mission ne respecte pas l'article 7 de la LOLF, qui dispose qu'« un programme regroupe les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère ».
C'est pourquoi, au nom de la commission unanime, je défendrai un amendement visant à créer un programme propre au développement des PME, du commerce et de l'artisanat.
Par ailleurs, la nouvelle structure budgétaire ne facilite pas plus que par le passé la compréhension globale de certaines politiques menées par l'Etat.
Mes collègues et moi-même avons ainsi regretté que l'éparpillement des dépenses fiscales et crédits budgétaires entre plusieurs programmes et missions empêche, comme le disait à l'instant M. Doligé, de prendre la mesure de l'effort de l'Etat en faveur des pôles de compétitivité, voire de l'identifier.
Notre dernière observation porte sur les indicateurs de performance : nous avons été étonnés du nombre important des indicateurs qui ne sont pas pertinents pour évaluer la performance de l'administration. Dans la perspective du rendez-vous de la loi de règlement, il est sans aucun doute nécessaire que les services affinent leur réflexion et apportent rapidement de substantiels aménagements à l'actuelle batterie des indicateurs de la mission.
Madame, messieurs les ministres, nous avons en quelque sorte « essuyé les plâtres », lors de ce premier exercice.
J'invite avec insistance vos collaborateurs à prendre connaissance, dans le détail, des remarques formulées au nom de la commission dans le rapport écrit et à tenir compte des propositions nombreuses et précises qui y sont formulées.
Cela permettrait en effet que se tienne l'an prochain entre le Parlement et le Gouvernement un dialogue plus fructueux encore et que l'examen du projet de loi de finances soit réellement le rendez-vous que tous, avec les concepteurs de la LOLF, nous avions imaginé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, rapporteur pour avis.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la conjoncture actuelle se caractérisant par les prix élevés de l'énergie, il m'a semblé pertinent d'orienter mon analyse sur la maîtrise de la consommation d'énergie.
Cette politique constitue le premier des quatre axes majeurs retenus par la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de la politique énergétique.
Il est vrai que les gisements d'économies d'énergie sont importants et encore sous-exploités dans tous les secteurs de l'économie.
Celui des transports est le plus problématique puisque sa consommation globale d'énergie a augmenté de 93 % depuis 1973. C'est pourquoi, comme je l'ai indiqué lors de la discussion de la loi d'orientation, je regrette à titre personnel que l'on n'ait pas fait davantage pour le rééquilibrage rail-route par le développement du transport ferroviaire.
Le programme 134 de la mission « Développement et régulation économiques » avance, au nombre de ses priorités, celle consistant à « renforcer l'indépendance énergétique du pays notamment par la maîtrise de la consommation d'énergie ». C'est à ce titre que j'ai analysé dans le rapport écrit les incitations fiscales et le rôle de l'ADEME.
À cet égard, le « bleu » budgétaire devrait être plus précis sur le coût du crédit d'impôt dédié aux dépenses d'équipement de l'habitation principale destinées à économiser la consommation énergétique, ainsi que sur le dispositif d'amortissement exceptionnel immédiat ouvert aux entreprises pour les achats de certains équipements.
S'agissant de l'ADEME, il semble paradoxal de la tenir pour un outil essentiel de mise en oeuvre d'un programme et de n'avoir aucun élément d'information la concernant dans le projet annuel de performance.
Je m'interroge également sur la pertinence de l'indicateur de performance retenu pour mesurer les effets des certificats d'économies d'énergie. Je crains en effet qu'on ne puisse tirer aucun enseignement des résultats observés quant aux inflexions à apporter à la politique en la matière.
Je crois aussi utile, monsieur le ministre délégué à l'industrie, que vous nous apportiez la garantie que la dotation de votre ministère à l'ADEME prévue par le PAP, soit 38,5 millions d'euros, sera intégralement mise à sa disposition
Plus largement, la commission des affaires économiques s'inquiète du financement public de l'agence en 2006 et elle demande à être rassurée à cet égard.
J'ai par ailleurs été chargé de vous interroger sur les suites données aux conclusions du groupe de travail sur les secteurs électro-intensifs et d'attirer votre attention sur l'importance de la filière bois-énergie pour l'emploi et le développement de l'économie rurale.
Au-delà de ces observations, je souhaite, à titre personnel, appeler votre attention sur deux difficultés qui expliquent en partie que je voterai contre les crédits de la mission.
D'une part, je m'inquiète des réticences qui s'expriment parfois au niveau local quant à la mise en oeuvre de la politique publique en faveur de l'énergie éolienne, les préfets ne semblant pas toujours disposés à favoriser la définition des zones de développement de l'éolien.
D'autre part, il conviendrait, et c'est bien le moins que l'on puisse souhaiter, que la représentation nationale puisse avoir connaissance du nouveau contrat de service public signé entre l'État et EDF afin de vérifier dans quelles conditions vont désormais s'exercer les missions de service public de l'entreprise.
Je vous remercie à l'avance des réponses que vous apporterez à l'ensemble de ces questions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis.
M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Trois actions de la mission « Développement et régulation économiques » concernent directement le secteur des postes et télécommunications électroniques, pour des montants qui, entre la subvention à l'Agence nationale des fréquences et à divers organismes et associations, la quote-part pour l'aide à la presse, le financement du groupe des écoles des télécommunications et la dotation pour le fonctionnement de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, s'élèvent au total à près de 300 millions d'euros.
Ce qui m'a semblé significatif cette année, c'est l'aboutissement d'un très important processus législatif : depuis moins de deux ans, quatre lois ont profondément modifié l'économie du secteur pour accompagner la montée en puissance des récents bouleversements technologiques.
Mon rapport écrit dresse le bilan de l'acquis et évoque les pistes restant à emprunter pour achever l'ouvrage. Pour ce qui est de mon intervention orale, je m'en tiendrai aux deux réflexions qui, aujourd'hui, me semblent les plus importantes et je poserai trois questions plus strictement budgétaires.
Ma première réflexion porte sur la téléphonie mobile. La véritable démocratisation dans ce domaine passe par une extension de la couverture du territoire. Or, vous ne l'ignorez pas, le bilan n'est pas très enthousiasmant. Seize mois après la signature de l'accord d'extension de couverture des zones blanches, beaucoup reste à faire : 95 sites seulement, sur les 1 250 qui avaient été repérés et inscrits sur les cartes, étaient ouverts commercialement au 1er août dernier. C'est encore beaucoup trop peu au regard de l'impatience légitime des « oubliés du mobile ». Il est de notre devoir, à nous, représentants des collectivités territoriales, de les sortir de l'oubli en rappelant aux opérateurs, au régulateur et au Gouvernement que la couverture mobile du territoire est la priorité nationale, certes, mais qu'il s'agit aussi d'une question d'égalité.
Cette remarque peut aussi bien être transposée à l'accès au haut débit, qui fera l'objet de ma seconde réflexion. Si on constate une baisse générale des tarifs dans les zones ayant accès à l'ADSL, il ne faut pas ignorer que le haut débit reste inaccessible en de nombreux points du territoire. D'ailleurs, je vous proposerai tout à l'heure un amendement visant à faciliter l'activité des petits opérateurs, qui sont les plus dynamiques dans les technologies alternatives, bien adaptées aux territoires ruraux.
Quant à l'autorisation désormais faite aux collectivités territoriales de devenir opérateurs de télécommunications, je veux rappeler ici qu'elles ne souhaitent pas entrer dans des débats techniques sur les outils auxquels elles doivent recourir pour exercer cette nouvelle compétence.
Par ailleurs, monsieur le ministre délégué à l'industrie, je me permettrai de vous poser trois questions budgétaires relatives au secteur postal.
Tout d'abord, notre commission jugerait plus clair et donc plus conforme à la stricte logique « lolfienne » que, dans le projet de loi de finances pour 2007, le montant de la contribution versée par l'État à La Poste au titre de l'aide au transport de presse, soit 242 millions d'euros, soit globalisé au sein d'une seule mission. À cet égard, la présente mission « Développement et régulation économiques » semble être plus pertinente que la mission « Médias » puisque cette aide relève directement de la mise en oeuvre du service universel postal. Vous nous direz, monsieur le ministre, ce que vous en pensez.
Ensuite, chacun se souvient que la loi de régulation des activités postales a créé le Fonds postal national de péréquation territoriale pour assurer le financement de la présence postale sur le territoire. Ce fonds doit être abondé par le dégrèvement de taxe professionnelle dont bénéficie La Poste depuis la loi de 1990 pour alléger la charge que représente son réseau de 17 000 points de contact. Cela a représenté plus de 150 millions d'euros en 2004, comme en 2005.
Or, la réforme de la taxe professionnelle étant organisée par le présent projet de loi de finances, il est essentiel que vous indiquiez au Sénat comment sera garantie la pérennité du Fonds postal, qui est l'expression de la présence de proximité du service public qu'incarne La Poste pour maintenir le lien social dans des zones où les habitants se sentent abandonnés.
Enfin, le développement de La Poste passe par un nouveau cadre de financement des retraites de ses fonctionnaires. Il faut neutraliser la charge de 70 milliards d'euros que représentent ses engagements en la matière et éviter que, désormais soumis aux normes comptables en matière de consolidation des comptes, l'exploitant public ne se retrouve avec des fonds propres négatifs au titre de l'exercice 2007.
Monsieur le ministre, quelles sont les solutions envisagées et dans quel délai le Parlement les examinera-t-il ? Attend-on du groupe d'étude Poste et télécommunications du Sénat qu'il contribue à élaborer des solutions qui soient acceptables à la fois pour le budget et pour la grande entreprise publique ?
Telles étaient les observations et questions qu'il me paraissait utile de vous livrer, avant de vous inviter à mon tour, mes chers collègues, à adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 29 minutes ;
Groupe socialiste, 22 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;
Je rappelle qu'en application de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.
Je rappelle enfin que le temps de parole attribué à chaque groupe pour la discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mission ministérielle « Développement et régulation économiques » qu'il nous est proposé de contrôler recoupe des domaines aussi importants que variés. Le seul programme « Développement des entreprises » comprend sept actions dans des domaines aussi essentiels que la politique industrielle, les télécommunications, le développement des PME ou le commerce extérieur. Il nous faut cependant constater que notre temps de parole n'a pas pour autant augmenté, bien au contraire.
Un autre élément demeure : l'affichage de grands principes par le Gouvernement et leur démenti immédiat par la politique budgétaire. Comment prétendre, par exemple dans l'action politique de l'énergie, renforcer l'indépendance énergétique du pays et assurer le bon fonctionnement du service public de l'énergie alors que vous bradez nos entreprises publiques ? Je reviendrai tout à l'heure sur les conséquences néfastes de tels choix politiques.
En bref, vous nommez cette mission ministérielle « Développement et régulation économiques », alors que le PIB stagne et que les dérégulations se multiplient au point de faire loi dans notre pays.
En réalité, les choix que vous avez faits et que vous confirmez dans les crédits de cette mission se traduisent par l'abandon d'une politique industrielle offensive, par une financiarisation de l'économie niant totalement les droits des travailleurs, enfin par la destruction de tous nos leviers d'action par la privatisation de nos grands établissements publics.
Or, à l'heure actuelle, la situation générale des entreprises françaises se caractérise par un faible niveau d'emplois et par une forte soumission aux exigences de la finance.
Ainsi, les fermetures d'usines se multiplient et le phénomène des délocalisations prend de plus en plus d'ampleur. Une grande partie du travail a en effet été délocalisée dans les pays les plus pauvres par des investisseurs soucieux de produire au plus faible coût. Rappelons que, le 22 novembre, la directive Bolkestein a été soumise à l'examen des eurodéputés. Si le champ d'application de la directive a été restreint, sans grande garantie pour l'avenir d'ailleurs, le principe du pays d'origine a lui été maintenu !
Face à cette situation critique, les dépenses engagées par le Gouvernement paraissent bien faibles. Les crédits de paiement demandés pour 2006 au titre du développement des entreprises sont diminués de 5 millions d'euros par rapport aux autorisations d'engagement demandées pour 2006.
Cette insuffisance de moyens est sans doute justifiée par la logique de la politique gouvernementale.
En effet, vous ne cessez de répéter que les difficultés de nos entreprises sont dues au niveau trop élevé des prélèvements obligatoires et aux contraintes administratives et réglementaires. Selon vous, le développement des entreprises passerait par des exonérations fiscales favorisant de préférence les grosses structures et par des exonérations de charges fiscales.
Les dépenses fiscales montrent d'ailleurs que tout est fait, dans votre politique, pour favoriser une financiarisation de l'économie.
Ainsi, l'une des principales initiatives de votre gouvernement, et c'est plus que révélateur, consiste dans l'allégement de l'imposition des bénéfices. Mais vous n'en restez pas là : on trouve en bonne position le crédit d'impôt sur certains revenus distribués par des sociétés françaises et étrangères, qui favorise largement les délocalisations. Et j'en passe !
Le groupe communiste républicain et citoyen a montré à plusieurs reprises qu'il serait, au contraire, nécessaire de soumettre l'impôt sur les sociétés à une progressivité incitative. Cette progressivité pourrait tenir compte du besoin de soutien aux petites entreprises, et à celles dont l'activité ne permet pas forcément de dégager une forte valeur ajoutée tout en utilisant une main-d'oeuvre importante. Ainsi, on pourrait imaginer une modulation du taux de l'impôt sur les sociétés en fonction de la part des bénéfices affectée à la création d'emplois, à la formation et aux salaires. Les bénéfices tirés de placements financiers seraient, eux, exclus de cette modulation.
La financiarisation de l'économie française s'accompagne de la privatisation d'un secteur aussi essentiel et vital pour nos concitoyens que l'énergie. Ainsi, après La Poste et GDF, c'est EDF que vous avez décidé de privatiser.
Dans le programme budgétaire, le Gouvernement se targue d'assurer à l'ensemble des consommateurs la disponibilité en quantité et en qualité de l'énergie et des matières premières qui leur sont nécessaires, tout en veillant, dites-vous, à préserver une indépendance énergétique maximale et en respectant l'environnement.
En réalité, la privatisation sert la recherche du profit contre la réponse aux besoins du peuple. Les détenteurs de capitaux, spéculateurs et investisseurs financiers vont être à la fête ! Même minoritaires dans le capital - 15 % -, ils imposeront les normes de rentabilité financière dans la gestion de l'entreprise EDF contre l'emploi. Pour le moment, cela dit, le résultat est connu : EDF a d'ores et déjà perdu un milliard d'euros lors de son entrée en bourse ! Les usagers, les salariés, les familles pauvres, les chômeurs et l'économie du pays paieront la facture !
La privatisation d'EDF rime avec l'augmentation des tarifs. La privatisation va coûter cher aux usagers. C'est déjà le cas avec la privatisation de GDF, qui a entraîné une hausse des tarifs de 14 %. L'ouverture du marché de l'électricité pour les professionnels a conduit à des augmentations allant jusqu'à 33 %, ce qui contribue évidemment à l'augmentation du coût de la vie.
Cette politique revient aussi à inciter les entreprises à accentuer l'austérité salariale en réduisant les coûts salariaux.
La privatisation rime également avec privation : le droit à l'énergie ne sera pas égal pour tous.
L'énergie fait partie de ces biens communs qui doivent rester biens publics, car elle conditionne la dignité de la vie humaine et ne peut devenir une marchandise comme les autres.
Les choix politiques doivent mettre l'économie au service des besoins et du développement des êtres humains. Des générations successives ont lutté pour créer les conditions de mise en oeuvre du droit à l'énergie pour toutes et tous, où que l'on soit en France. L'entreprise publique EDF-GDF est née de cette volonté.
Non contents de brader ces entreprises - rentables, rappelons-le -, vous diminuez encore de plus de 20 millions d'euros les crédits affectés à la politique de l'énergie par rapport à 2005. Nous ne pouvons cautionner de telles dérives !
Enfin, en ce qui concerne le programme relatif au passif financier minier, en dépit d'un effort consenti en faveur de la gestion de l'après-mines, les crédits de paiement restent globalement insuffisants pour répondre aux besoins de ce secteur.
L'exploitation minière de notre pays a duré deux cents ans, laissant derrière elle les problèmes d'affaissement minier, de remontée des eaux d'exhaure, du fonctionnement des stations de pompage, ou encore la question du devenir des terrils. L'intervention de l'État est essentielle pour répondre à ces questions. En effet, les communes minières, qui sont parmi les plus pauvres de France et qui ont un taux de chômage extrêmement élevé, ne pourront pas supporter le financement des opérations nécessaire dans le secteur minier.
Cela étant dit, je voudrais attirer plus particulièrement l'attention du Gouvernement concernant l'action « prestations à certains retraités des mines ».
Les dépenses d'intervention ont diminué de 30 millions d'euros entre 2005 et 2006. Or cette action a pour finalité de définir les droits collectifs des mineurs qui découlent, notamment, du statut des mineurs. L'État a promis de garantir ce statut aux mineurs et à leurs ayants droit jusqu'à la fin de leurs jours.
L'État a le devoir de leur garantir la retraite, la gratuité du logement et les indemnités de chauffage. La création, par la loi du 3 février 2004, de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs a apporté une première réponse. Encore faut-il qu'elle ait les moyens de remplir ses missions !
Ces crédits nous paraissent d'autant plus insuffisants qu'il faut tenir compte de la partie affectée au remboursement des retraites de certains retraités des industries électriques et gazières. Pour 2006, le montant des crédits s'élève à 19,6 millions d'euros.
Madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, compte tenu du temps qui m'était imparti, j'ai concentré mes propos sur ce qu'il me paraissait essentiel de dire sur les politiques concernant le commerce, l'artisanat et l'industrie. Je regrette de ne pas pouvoir m'exprimer plus en détail pour évoquer notamment le commerce extérieur ou la faiblesse des mesures prises en faveur de la formation.
Compte tenu des inquiétudes et des vives critiques que je viens d'exprimer, vous aurez compris que mes collègues du groupe CRC et moi-même ne voterons pas les crédits de la mission « Développement et régulation économique ».
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, la mission « Développement et régulation économiques » regroupe quatre programmes.
Une observation s'impose immédiatement : cette mission, qui rassemble des domaines d'intervention très disparates et hétérogènes, a un caractère transversal, touchant à des domaines aussi divers que vastes.
Dans ces conditions, l'identification - en conformité avec les principes de la LOLF - d'une stratégie de performance, qui « doit être énoncée en termes clairs et précis » est complexe et difficile.
Il est, au demeurant, possible de s'interroger sur le terme même de « régulation » figurant dans le titre de la mission dès lors que la régulation est concernée par un seul programme, qui se révèle bien en deçà de ce qu'on peut qualifier de « politique de régulation économique ».
Deux attentes peuvent donc être avancées en cette année 1 de la LOLF : la nécessité de dégager plus clairement une stratégie politique homogène, la recherche d'améliorations en ce qui concerne le découpage des programmes et la recherche de bons indicateurs.
La dimension de la mission et les contraintes de nos règles quant au temps de parole obligent à faire des choix et à privilégier certains thèmes. J'en retiens quatre : politique industrielle, énergie, commerce extérieur, poste et communications électroniques.
Bernard Dussaut traitera des questions concernant les PME, l'artisanat et le commerce et François Marc évoquera le commerce extérieur.
S'agissant tout d'abord de la politique industrielle, m'en tenant à l'examen du programme 134, je veux évoquer les mutations industrielles et les pôles de compétivité.
L'action 06 est intitulée « Accompagner les mutations industrielles ». Elle est marquée par deux faits : la diminution des crédits inscrits de 44 % et la suppression de la MIME, Mission interministérielle pour les mutations économiques, lancée en fanfare en janvier 2003 et désormais fondue au sein d'une DATAR rebaptisée DIACT, Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires.
Au cours du travail préparatoire à la mise en place de la LOLF, l'objectif d'améliorer l'efficacité des interventions de l'État pour anticiper et accompagner les mutations industrielles était associé à cette action. Il ne figure plus au rang des objectifs, et nous le déplorons.
Voilà bien une illustration de la nécessité d'un bon choix d'objectifs et d'indicateurs permettant de déterminer la performance du Gouvernement en matière de développement des entreprises, de défaillance de celles-ci, d'emplois créés ou préservés.
Les pôles de compétitivité apparaissent dans les programmes 134 et 127 de la mission. L'appel à projet a suscité une mobilisation remarquable et a fait apparaître une dynamique qui s'est développée entre industriels, chercheurs, universitaires, État et collectivités territoriales. Le Gouvernement a prévu de consacrer 1,5 milliard d'euros sur trois années aux projets labellisés, qui, je l'espère, deviendront des espaces de fertilisation croisée.
Il reste des interrogations fortes : elles portent sur la gouvernance des pôles, leur financement, le rôle d'entraînement attendu des grandes entreprises.
Sur le financement des pôles, je veux tout d'abord remercier notre collègue Eric Doligé, rapporteur spécial, de la présentation, dans son rapport écrit, d'un tableau qui rend plus lisibles les moyens budgétaires dédiés à ces pôles en 2006. L'exercice, qui n'a pas dû être facile, révèle une grande dispersion des crédits entre huit programmes relevant de six missions différentes !
Le tableau fait aussi apparaître l'effort attendu des agences ; l'usage de leurs crédits ne manquera pas de poser des problèmes de coordination et d'arbitrage.
Votre tableau, monsieur le rapporteur spécial, vient aussi illustrer le poids des exonérations de charges et des allégements fiscaux. Il est, dès lors, indispensable, nous en sommes d'accord, de disposer d'indicateurs qui permettront de mesurer l'efficacité de ces dépenses fiscales en termes d'emplois créés.
Dans la vie des pôles de compétitivité, il est un autre enjeu essentiel : la liaison entre grandes entreprises et PMI-PME. Il s'agit de savoir si nous assisterons bien à une croissance de la diffusion de l'innovation, à un meilleur partage de la connaissance et de la veille technologique. Mais il faut désormais laisser un peu de temps à ces pôles. Rendez-vous dans quelques mois, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues : nous pourrons alors vraiment parler de « performances ».
Il reste que le lancement de ces pôles de compétitivité ne saurait valoir, à nos yeux, reconnaissance de l'existence d'une véritable politique industrielle.
En effet, on ne trouve pas dans ce budget 2006 la trace d'une politique industrielle volontariste.
Sur l'énergie, le programme 134, consacré au développement des entreprises, est divisé en sept actions. L'action 01 concerne la politique de l'énergie et des matières premières et a pour ambition d'assurer l'approvisionnement des entreprises en énergie et matières premières. Les crédits de paiement affectés à cette ambition sont en recul de près d'un quart par rapport à la loi de finances de 2005.
Quatre priorités intéressantes sont affirmées, mais il y a loin des priorités affichées aux réalités vécues. J'en veux pour preuve ce qui ressort, par exemple, d'une observation ciblée sur l'ADEME ou sur la maîtrise du prix de l'énergie.
Les actions de l'opérateur ADEME sont au coeur des exigences liées au développement durable, au coeur des engagements de la France, comme l'a rappelé M. le rapporteur pour avis dans son rapport écrit. Or les crédits qui lui sont affectés, dont la lisibilité est loin d'être évidente, ne lui permettent pas de faire face pleinement à ses missions.
Comment, dès lors, la France sera-t-elle capable de respecter ses engagements européens et internationaux ?
Lors de l'élaboration de la LOLF apparaissait dans le programme un objectif visant à assurer la fourniture d'énergie aux consommateurs à un prix compétitif. À cet objectif étaient associés trois indicateurs : le prix du gaz et de l'électricité en France rapporté à son prix dans les pays européens, le nombre de coupures d'électricité, le nombre de clients raccordés au gaz dans l'année. L'objectif et les indicateurs ont disparu. Nous le regrettons, car nous avions là la possibilité de voir si les missions de service public et d'aménagement du territoire renvoyaient bien à la politique de l'État touchant à la maîtrise et à la régulation des prix de l'énergie ainsi qu'à la desserte de l'ensemble du territoire en électricité et en gaz et si elles étaient bien respectées.
Deux points appellent des précisions de votre part, monsieur le ministre délégué.
Votre prédécesseur, M. Patrick Devedjian, avait mis en place un groupe de travail concernant les entreprises électro-intensives. Vous pourrez sans doute nous en présenter les conclusions.
Par ailleurs, le Parlement a appris, par voie de presse, la signature d'un contrat de service public entre l'État et EDF, contrat qui contient des éléments extrêmement importants, dont l'un concerne la maîtrise du prix. Nous souhaiterions, bien entendu, être les destinataires de ce contrat, car nous nous demandons si nous n'allons pas inexorablement vers un alignement des tarifs sur les prix mondiaux tels qu'ils sont fixés dans les bourses de l'électricité.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Pierre-Yvon Trémel. S'agissant du commerce extérieur, madame la ministre déléguée, nous sommes face à un véritable paradoxe : notre balance commerciale affiche un déficit record et, dans le même temps, le budget du commerce extérieur a disparu de la loi de finances, les moyens budgétaires qui y étaient alloués étant désormais dispersés entre trois missions.
Très sensibilisé, encore plus que par le passé, par l'enjeu des relations économiques internationales depuis j'ai eu la chance de participer à la récente mission de notre commission des affaires économiques en Chine, je souhaite simplement vous poser deux questions.
En premier lieu, s'appuyant sur le fait que l'exportation est aujourd'hui un objectif majeur pour les entreprises françaises, le rapporteur spécial à l'Assemblée nationale a proposé la création d'un programme permettant de mieux identifier toutes les actions à mener dans le secteur de nos relations économiques internationales.
Êtes-vous oui ou non favorable à la création d'un tel programme dans la future loi de finances pour 2007 ?
En second lieu, la France perd structurellement des parts de marché dans le commerce mondial, affirme, arguments à l'appui, le rapporteur pour avis de l'Assemblée nationale.
Quelles informations pouvez-vous nous apporter brièvement sur ce point, madame la ministre ?
En ce qui concerne les postes et communications électroniques, est prévue une action qui porte d'ailleurs assez mal son nom, tant il est vrai que, derrière les crédits inscrits, essentiellement consacrés à l'aide à la recherche, nous ne pouvons découvrir tous les enjeux de ce secteur important.
Je tiens ici à vous remercier, monsieur Hérisson, d'avoir, dans votre rapport écrit, bien identifié les enjeux des mutations pouvant toucher ce domaine d'activité.
M. le président. Veuillez conclure, je vous prie, monsieur Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Je souhaiterais, monsieur le ministre, vous interroger brièvement sur quelques points.
Tout d'abord, quel est le devenir de la Commission supérieure du secteur public des postes et des communications électroniques ?
Ensuite, pouvez-vous nous dire comment vous envisagez d'atteindre l'objectif visant à assurer l'accès de tous sur tout le territoire à la téléphonie mobile et au haut débit ?
Par ailleurs, en ce qui concerne la banque postale, quid de la marche vers un service bancaire universel, que nous avions évoqué lors de la discussion du projet de loi de régulation postale.
En outre, s'agissant du fonds postal national de péréquation territoriale, il me paraît très important de savoir comment il sera pérennisé à partir de la réforme de la taxe professionnelle et quand il sera opérationnel.
Enfin, nous souhaiterions savoir si vous avez l'intention de déposer un projet de loi concernant l'épineux problème des retraites à la Poste.
En conclusion, comme nous l'avons indiqué lors de la réunion de la commission des affaires économiques, je puis dire que le groupe socialiste ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. André Ferrand.
M. André Ferrand. C'est principalement à vous, madame la ministre déléguée au commerce extérieur, que je m'adresserai, puisque c'est fondamentalement de l'action « Développement international de l'économie française » que je souhaite parler.
Je souhaiterais, en fait, profiter de l'occasion qu'offre ce débat pour vous faire part de certaines réflexions et propositions que m'inspirent, d'une part, la situation de notre commerce extérieur et, d'autre part, les contacts que j'ai pu nouer sur le terrain, principalement à l'étranger, avec les acteurs de notre dispositif.
La situation de notre balance commerciale est préoccupante, nous le savons tous. Nous sommes tous aussi plus ou moins d'accord, me semble-t-il, sur les principales raisons d'une telle situation : pas assez d'entreprises exportatrices, faiblesse dans les secteurs à haute valeur ajoutée, spécialement dans les biens d'équipement, présence insuffisante sur les grands marchés en forte expansion.
Vous avez, madame la ministre, rapidement pris conscience de la situation. C'est ainsi que dans la « foulée » de votre prédécesseur, M. François Loos, en même temps que vous avez pris votre bâton de pèlerin et multiplié les missions à l'étranger, vous avez lancé votre plan Cap Export, ce dont je vous félicite.
Je connais votre détermination et votre capacité à poursuivre avec succès votre action.
J'évoquerai cinq points liés à l'organisation et au fonctionnement de notre dispositif, principalement à l'étranger, en formulant, en toute liberté et simplicité, critiques et suggestions.
Premier point : nos missions économiques à l'étranger exercent deux métiers. L'un relève du domaine régalien : mission de veille après des gouvernements, dossiers multilatéraux, OMC, FMI, etc. L'autre est celui qui nous intéresse aujourd'hui : faire venir des entreprises françaises sur les marchés dont ces missions ont la charge ; je vous ferai remarquer, à cet égard, que je n'ai pas dit « appuyer » mais « faire venir » les entreprises, cette nuance me semble d'importance.
Ce sont là deux métiers différents et ceux qui les exercent ne doivent pas avoir le même profil.
Il faut tirer toutes les conséquences de ce constat et, en particulier, privilégier, pour le second métier, des personnalités proches de celles des entrepreneurs à qui elles ont affaire. Ce sont elles qui devraient constituer le réseau que l'agence Ubifrance a la charge d'animer. La question de l'adéquation des profils des hommes aux missions me paraît en effet fondamentale.
De même, le rôle d'animation qui est désormais dévolu à Ubifrance est essentiel. Il faut cependant que, pour être efficaces, les troupes qui tiennent le terrain sachent qui est leur véritable chef.
Deuxième point : les acteurs du dispositif à l'étranger sont généralement peu coordonnés. Le cloisonnement reste trop souvent la règle, chacun agissant sans la nécessaire concertation dans ce domaine. Il est vrai que des conventions ont été passées, notamment entre la direction générale du Trésor et de la politique économique, la DGTPE, et l'Union des chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger, l'UCCIFE, entre les missions économiques et les chambres de commerce, et il convient, bien entendu, de ne pas généraliser, car les situations sont diverses. Cela dit, globalement, beaucoup reste à faire.
Les chambres de commerce à l'étranger, dont le rapport qualité-prix est très compétitif, devraient voir leur rôle largement gagner en importance.
Il faut encore accélérer la concertation avec le Quai d'Orsay afin que les ambassadeurs, qui sont au centre du dispositif, soient les catalyseurs de cette ardente obligation.
Troisième point : l'adaptation de la carte du réseau DGTPE, déjà entamée avec clairvoyance, doit être poursuivie à un rythme aussi soutenu que possible avec la même détermination. Si l'on sait se concentrer sur les coeurs de métier, il est sans doute encore possible d'alléger, mais il faut aussi penser à la nécessité de couvrir le terrain d'une manière ou d'une autre partout où cela en vaut la peine, quitte à recourir à des idées innovantes et économiques ; je pense, par exemple, au VIA auprès d'ambassadeurs. Selon moi, le balancier est allé beaucoup trop loin dans le sens de la sectorisation, et il faut donc revenir au terrain et au contact direct.
Les trois points précédents relèvent du constat et des souhaits. Permettez-moi maintenant, et ce sera mon quatrième point, madame la ministre, de proposer une méthode. Celle-ci sera fondée sur deux idées : d'une part, un plan d'optimisation du dispositif par pays et par grandes régions économiques mondiales, et, d'autre part, l'expérimentation.
J'évoquerai d'abord le plan par pays.
Après consultation des différents acteurs, sur l'initiative et sous la responsabilité de l'ambassadeur, dont l'implication personnelle est essentielle, il conviendra, au vu des forces et des faiblesses de chacun, de son potentiel, de sa pérennité, de sa capacité d'adaptation à l'environnement local, de dessiner le dispositif optimal. On pourra alors définir le rôle imparti à chacun et les moyens dont il disposera.
Le premier cercle prendra en compte les acteurs principaux, à savoir la mission économique, la chambre de commerce ou le club d'affaires, la section des conseillers du commerce extérieur, voire la SOPEXA.
Dans un second cercle, selon le cas, il sera possible d'associer les autres partenaires utiles, même si c'est de manière moins directe, il est vrai, à notre présence économique, je veux parler du Service de coopération et d'action culturelle, le SCAC, des Instituts de recherche pour le développement, les IRD, des centres culturels, de l'Alliance française, etc. Quoi qu'il en soit, dans tous les cas, les animateurs, les responsables seront l'ambassadeur et le chef de mission économique.
J'en viens à l'expérimentation.
En prenant comme critère non seulement les données liées à l'environnement économique - taille du marché, potentiels dans les différents secteurs, etc. - mais aussi, on l'a vu, la personnalité des acteurs et des animateurs, on devra choisir comme pays d'expérimentation ceux où les chances de succès paraissent les plus grandes afin de pouvoir ensuite multiplier les expériences ; je note, au passage, qu'il ne s'agit pas forcément des plus grands pays, à savoir des cinq pays cibles, même si je partage votre analyse sur ce sujet, madame la ministre.
Des objectifs seront définis autour du thème « aller chercher en France les entreprises », un calendrier sera prévu et des moyens mis en oeuvre pour suivre et évaluer les résultats.
Le cinquième point concerne le commerce extérieur dans nos régions et les directions régionales du commerce extérieur, les DRCE. Étant beaucoup moins familier de la réalité de ce problème, je n'ai pas vraiment de suggestion à formuler.
En revanche, comme c'est, je crois, le cas de tous les acteurs et observateurs concernés, je ne puis que regretter le grand flou qui entoure cette question. En effet, on a avancé, reculé, cherché et, d'évidence, on n'a pas encore trouvé la solution. Pendant ce temps, les DRCE restent apparemment l'arme au pied. Cela fait partie, me semble-t-il, madame la ministre, des chantiers qui restent à mener à bien.
Je ne puis quitter cette tribune sans évoquer l'action de l'AFII, l'Agence française pour les investissements internationaux, dont j'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de mesurer l'utilité.
Je dirai simplement que, face à nos grands concurrents, nous avons plus que jamais besoin que cette agence soit efficace et performante.
Madame la ministre, il me faut conclure. Peut-être va-t-on penser que j'ai été quelque peu direct dans mon propos, mais quand la patrie est en danger il faut parler clair !
La situation de notre balance commerciale impose une approche volontariste.
On a beaucoup constaté, beaucoup analysé, beaucoup agi aussi, mais, du moins en ce qui concerne nos PME, nous n'avons guère eu de succès.
C'est la raison pour laquelle je vous propose aujourd'hui de décréter la mobilisation générale des acteurs de terrain à l'étranger.
Je connais, par expérience, les capacités d'enthousiasme de nombre d'entre eux ; je pense en particulier aux conseillers du commerce extérieur, qui, vous le savez, sont chers à mon coeur. Ces derniers sont prêts à vous suivre, satisfaits de tout ce qu'ils ont pu, déjà, apprécier de votre action !
Avant de terminer, je voudrais vous demander de bien veiller sur Ubifrance. Il me semble que cet établissement, au sein du conseil d'administration duquel j'ai l'honneur de représenter le Sénat, est aujourd'hui sur la bonne voie. Il conviendra donc de lui donner les moyens de continuer dans le bon sens son action, en assurant, en particulier, la pérennisation de son fonds de labellisation au-delà de la période 2006-2007.
Il me reste, maintenant, à formuler des voeux pour le succès des positions que vous aurez à défendre pendant la difficile épreuve qui vous attend prochainement à Hong Kong, lors de la conférence interministérielle de l'OMC.
Enfin, je le confirme, madame, messieurs les ministres, je voterai, avec mes collègues du groupe UMP, les crédits de la mission « Développement et régulation économiques ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite, après mon collègue et ami Yves Coquelle, intervenir à mon tour sur le programme « Passifs financiers miniers », tant le sujet est d'actualité en Lorraine, particulièrement dans mon propre département, la Meurthe-et-Moselle, mais aussi en Moselle.
Le programme est prévu pour gérer l'après-mines, c'est-à-dire pour assurer la continuité des droits des mineurs, d'une part, et pour faire face aux conséquences néfastes de l'exploitation minière, d'autre part.
Concernant, tout d'abord, la continuité des droits des mineurs, j'évoquerai essentiellement la question du logement. En effet, le statut du mineur prévoyait la gratuité du logement et le maintien dans celui-ci, ainsi qu'une priorité en cas de vente pour les mineurs et leurs ayants droit, notamment leur veuve.
Or, à l'heure actuelle, Bail Industrie vend 1 000 logements du parc Arcelor à des sociétés n'ayant aucun lien avec la mine, ce qui lui procure, au passage, des bénéfices substantiels. Cette liquidation s'explique par la forte pression de la demande immobilière, en particulier sur les territoires transfrontaliers lorrains.
Il aurait fallu, au contraire, selon moi, confier la gestion de ces logements à un organisme public, par exemple l'Établissement public foncier de Lorraine, afin de répondre aux besoins des collectivités et des populations concernées en matière de logements sociaux. La création, dans la loi du 3 février 2004, de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l'ANGDM, chargée de veiller aux intérêts des mineurs et de régler toutes ces questions, aurait pourtant dû éviter ce genre de problèmes. Pour nous, il s'agit là d'une remise en question du droit au logement gratuit.
Concernant les conséquences de l'exploitation minière, j'évoquerai l'inquiétude des élus et des habitants du bassin nord de la région Lorraine.
Depuis le 30 novembre dernier, le pompage des eaux d'exhaure est arrêté, et ce malgré la ferme opposition de la population, des associations, des syndicats et des collectivités. Les premiers dégâts risquent d'apparaître dès le mois de décembre, alors même qu'il reste des familles sur place. Pourquoi une telle précipitation ?
Cette décision, guidée essentiellement par des considérations financières, est tout à fait regrettable. En effet, nous ne sommes qu'au début de l'après-mines. Toute l'Europe a les yeux tournés vers notre démarche d'expérimentation ; elle est prête à ouvrir des crédits pour étudier les conséquences économiques, sociales et environnementales de l'exploitation minière.
Avec la décision d'ennoyage, l'Etat vient de signer la destruction d'un chantier d'investigation dont nous aurions pu tirer d'utiles enseignements.
De plus, tout porte à croire que les fonds prévus par le projet de budget pour 2006 pour l'indemnisation liée aux sinistres et à l'expropriation sur les sites miniers seront insuffisants.
Par ailleurs, il reste à régler définitivement la question des désordres survenus avant le 1er septembre 1998. On constate que, sur 287 dossiers d'indemnisation déposés, 87 ont été étudiés et 30, rejetés, car la majorité des dégâts sont antérieurs à l'année 1998, que la loi du 30 juillet 2003 prend pour point d'origine, malgré nos demandes maintes fois réitérées de retenir l'année 1994. Ainsi, même si, ici ou là, on a pu apporter des réponses, la situation est toujours bloquée pour le bassin de Piennes-Landres, en Meurthe-et Moselle.
Tous les sinistrés payent aujourd'hui les erreurs des concessionnaires et de l'État, véritables responsables de la situation actuelle. Les premiers ont fait fi de la sécurité, en ne pensant qu'au profit, sans se soucier des conséquences. Le second n'a pas su, ou n'a pas voulu, exiger réparation au moment de l'abandon des concessions. Aujourd'hui, les responsabilités doivent être totalement assumées ; c'est la moindre des choses que l'on doit aux populations de ces territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention concernera pour l'essentiel le programme 134 « Développement des entreprises », dont l'ambition est de créer « un environnement favorable au développement et à la compétitivité des entreprises ».
La conjoncture actuelle est difficile. Sur les douze derniers mois, on a enregistré une forte hausse du nombre des entreprises qui ont connu une défaillance. Selon les statistiques fournies par la société d'assurance-crédit Euler Hermes SFAC, les défaillances ont connu, en données cumulées à la fin du mois de septembre dernier, une hausse de 5,8 %.
Par ailleurs, pour l'ensemble de l'année 2005, les prévisions en matière de dépôts de bilan sont également préoccupantes, avec 51 000 dépôts de bilan dans des secteurs particulièrement touchés comme le BTP et le commerce. Quant à « l'acquis de croissance » pour 2005, comme le souligne l'INSEE, il n'est que de 1,5 %, avec 0,7 % pour le troisième trimestre. Il n'y a donc vraiment pas de quoi se réjouir de cette croissance qui est, somme toute, encore bien « molle » !
En matière de politique des territoires et de soutien en faveur des entreprises, vous disposez, monsieur le ministre, d'outils d'intervention économique.
Ainsi, le Fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC, constitue un instrument important en matière d'aménagement de notre territoire. Au moment où cohérence et solidarité territoriale doivent plus que jamais devenir réalité, ce fonds est primordial ; 80 millions d'euros lui sont attribués.
Toutefois, si les crédits annoncés semblent marquer une augmentation, puisque, dans la loi de finances de 2005, le FISAC était crédité de 71 millions d'euros, la réalité est tout autre.
En effet, nous nous en souvenons tous, la loi de finances rectificative de 2004 avait doté le FISAC de 29 millions d'euros supplémentaires ; les crédits votés pour 2005 s'élevaient donc à 100 millions d'euros. Pour 2006, il s'agit donc d'une baisse de 20 millions d'euros.
Nous ne sommes pas les seuls à constater l'extrême faiblesse des dotations du FISAC puisque M. Cornu, au nom de la commission des affaires économiques, a déposé un amendement visant à augmenter ses crédits de 5 millions d'euros. Ce dispositif, géré par le ministère des petites et moyennes entreprises et principalement destiné à financer les opérations de création, de maintien, de modernisation, d'adaptation ou transmission des entreprises de commerce, de l'artisanat et des services, mérite mieux que cela.
Le souci de la préservation et du développement d'un tissu d'entreprises de proximité a toute sa place dans la réflexion que nous devons conduire. Or, non seulement les crédits baissent, mais leur utilisation est, de surcroît, complexe, voire opaque, à tel point que, selon le rapporteur de la commission des affaires économiques, il restait encore, à la fin de l'année 2004, 712 dossiers territoriaux en instance, pour un montant de 96 millions d'euros !
En outre, nous attendons également les conclusions du rapport d'enquête commandé par la commission des finances à la Cour des comptes. Nous ne pouvons en rester là : il n'est plus envisageable que nous utilisions si mal cet outil efficace pour le maintien d'un tissu de PME, de commerçants et d'artisans dans les zones rurales et urbaines fragiles.
Je souhaiterais maintenant évoquer un autre dispositif dont on parle moins, mais dont il me semble indispensable de développer les interventions. Il s'agit de l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l'EPARECA.
Créé en 1996 par la loi relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, cet établissement public a pour objectif de mener à bien des restructurations de grande ampleur dans des quartiers sensibles.
Ses missions sont clairement définies : achat et restructuration de centres commerciaux en difficulté et maintien, de façon pérenne, de la présence du commerce de proximité, en préservant la diversité de l'offre commerciale.
Le mercredi 23 novembre dernier, vous avez signé, monsieur le ministre, avec le président de l'EPARECA, la convention d'objectifs et de moyens déterminant la feuille de route de cet établissement d'ici à 2008.
Dans la presse, on annonce que cette dotation s'élève à 16 millions d'euros. Elle complète les autres sources de financement, qui sont très larges et comprennent notamment les contributions apportées par les collectivités locales ainsi que le produit des emprunts que l'établissement est autorisé à contracter.
Dans leur rapport d'information intitulé « Peut-on sauver le commerce dans les banlieues ? », déposé au Sénat en juillet 2002, nos collègues de la commission des finances MM. Eric Doligé et Auguste Cazalet précisent que la dotation initiale s'élevait à 19,86 millions d'euros et dénoncent le manque d'ambition dont aurait fait preuve le gouvernement de Lionel Jospin avec une si modeste dotation ! Or, je constate que nous sommes désormais en deçà de la dotation initiale, alors que les objectifs définis sont loin d'être atteints !
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur le fonctionnement de cet établissement et sur la provenance de la dotation. Est-elle prélevée sur la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, la TACA ?
Cette question m'offre une transition pour le troisième point que j'aborderai, à savoir les vives inquiétudes suscitées par le maintien en l'état de la TACA.
Le Gouvernement n'ayant pas pris d'initiative, le groupe socialiste a déposé un amendement, que je défendrai la semaine prochaine, tendant à limiter l'effet de la hausse de la TACA. En aucun cas, l'augmentation ne peut être supérieure à 50 % par an. De plus, je rappelle que certaines entreprises qui n'ont rien à voir avec les objectifs fixés doivent néanmoins l'acquitter.
Le développement des zones commerciales en entrée. de ville est un phénomène qui est loin de se calmer. Des priorités en termes d'urbanisme commercial sont à définir et à appliquer sans tarder. On ne peut pas faire l'économie d'une réflexion globale qui prenne en compte tous les paramètres. L'utilité du FISAC et de l'EPARECA doit être mise en perspective avec la politique conduite en termes d'équipement commercial. Si les relations entre la grande distribution et les PME ne sont pas rééquilibrées, ces outils, déjà fort mal exploités, ne peuvent faire le poids.
Dans la foulée du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, nous avons examiné la proposition de loi d'Alain Fouché tendant à garantir l'équilibre entre les différentes formes de commerce. Cette démarche est demeurée lettre morte à l'Assemblée nationale.
Nous attendons de vous, monsieur le ministre, que vous mettiez en réelle synergie tous les moyens dont vous disposez pour que les choses avancent dans ce domaine, car l'enjeu est majeur. Mais je crains que cela ne soit pas encore pour cette année. En effet, les arbitrages financiers sont rendus depuis longtemps et les signes de malaise n'ont en aucun cas changé les orientations qui étaient prises.
Le programme 134 bénéficie de 81 mesures qualifiées de « dépenses fiscales ». Ce sont en réalité des mesures visant à accorder des réductions et des crédits d'impôt, des abattements fiscaux et des exonérations fiscales, des exonérations de plus-values, etc. Au total, ce sont ainsi près de 10 milliards d'euros qui n'entreront pas dans les caisses de l'État !
Ce choix politique est révélateur du caractère très libéral de la politique actuelle. Pourquoi ne pas assujettir toutes ces exonérations à des créations d'emplois ?
Enfin, j'aborderai la question de la TVA à 5,5 %, qui se situe en marge du débat budgétaire, mais qui aura des incidences primordiales sur des pans entiers de notre économie.
Lors du congrès de l'Union professionnelle artisanale, vous avez revêtu, monsieur le ministre, le tee-shirt blanc réclamant une TVA à 5,5 % dans le bâtiment.
M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. J'en ai un à votre disposition, si vous voulez ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Dussaut. Nous ne doutons pas de votre engagement et de votre souhait de voir cette disposition pérennisée mais, à quelques jours du dernier conseil Écofin de l'année, ne croyez-vous pas que le Gouvernement a manqué quelques rendez-vous, notamment en juin dernier ?
Comme nombre de mes collègues, je me permets d'insister sur l'indispensable pérennisation de cette mesure, dont nous avons pris, nous, l'initiative.
En conséquence, nous n'apporterons pas notre soutien au Gouvernement, qui n'a pas fait les choix susceptibles de mettre en place une véritable politique de développement des entreprises sur le territoire, préférant à un projet volontariste une politique d'exonération fiscale, dont l'efficacité en termes de création d'emplois n'est pas prouvée et qui ne va conduire qu'à accroître les disparités territoriales.
C'est pourquoi nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, au sein de la mission « Développement et régulation économique », le programme « Développement des entreprises » est doté de 1,163 milliard d'euros, ce qui correspond à une baisse de 5 % en volume.
Par ailleurs, je note une baisse de 4,5 % en volume des crédits intéressant l'action « Développement international de l'économie française ». Il est vrai que certains crédits relatifs à l'activité du ministère délégué au commerce extérieur figurent dans d'autres programmes, s'agissant notamment des aides publiques au développement.
Comment faire un usage optimal de ces moyens financiers ? La question est d'importance, car le déficit commercial de la France avoisinera les 28 milliards d'euros en 2005, soit une hausse très sensible par rapport à la précédente législature, celle du gouvernement Jospin.
L'internationalisation de notre économie constitue plus que jamais un enjeu capital. Faut-il rappeler qu'un quart de l'économie française concourt aux échanges commerciaux, la France étant le cinquième exportateur mondial, qu'un cinquième de la population active française travaille directement ou indirectement pour l'exportation et que 1 milliard d'euros d'exportations supplémentaires pourraient représenter entre 12 000 et 15 000 emplois nouveaux ?
Toutefois, à la surprise générale, vous déclarez, madame la ministre, ne pas vous donner explicitement l'objectif de réduire le déficit commercial de la France ; vous voulez avant tout donner une nouvelle dynamique aux exportations.
À vrai dire, la situation est très inquiétante. Même si les importations sont largement dopées par les prix de l'énergie, force est de constater qu'elles progressent trois fois plus vite que les exportations. Ainsi, à la fin du mois de juillet, les exportations ne progressaient que de 2,2 % en rythme annuel, contre 6,4 % pour les importations.
Nous ne pouvons pas attendre un éventuel recul du taux de change effectif de l'euro, ni un rebond de la demande intérieure de nos principaux partenaires commerciaux pour donner une bouffée d'oxygène à l'industrie française.
On entend dire ici ou là que le déficit du commerce extérieur français serait en quelque sorte un déficit « dynamique », et que le problème tiendrait au fait non pas que nous n'exportons pas assez, mais que nos importations connaissent un trop grand dynamisme. Le plus grand scepticisme s'impose à l'égard de ce discours officiel !
Dans la mesure où certains pays de la zone euro comme l'Allemagne, les Pays-Bas ou l'Irlande parviennent à maintenir des résultats excédentaires de leur commerce extérieur, en dépit de l'effet euro et de l'alourdissement de la facture pétrolière, pourquoi ces facteurs neutres pour certains sont-ils pénalisants pour la France ?
J'exprime les plus grands doutes quant au caractère conjoncturel des difficultés que traverse notre commerce extérieur.
Certes, depuis le milieu de l'année, les exportations françaises augmentent enfin, mais elles le font à un rythme très léger ; ce rythme ne permet pas à la France de conserver ses parts de marché, et c'est là que le bât blesse.
Alors que ces parts de marché représentaient 8 % de l'ensemble des exportations de l'OCDE en 2002, elles sont tombées à 7,3 % en 2004. Dans le même temps, celles de l'Allemagne sont restées stables.
Comment expliquer que l'Allemagne obtienne des résultats probants, alors qu'elle est confrontée aux mêmes handicaps, et se trouve même dans une situation moins favorable, s'agissant du coût du travail et de la productivité horaire de sa main-d'oeuvre ?
Nous mettons en avant deux explications à ce recul structurel : d'une part, la France compte trop peu d'entreprises exportatrices ; d'autre part, elle exporte trop peu de biens de haute technologie.
Pour y remédier, il conviendrait de mieux informer le tissu dense des PME-PMI sur les possibilités que leur offrent les pouvoirs publics et de mieux assurer le relais de l'Etat vers nos collectivités.
La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales prétendait mettre fin à cette confusion : on peut donc la considérer, à cet égard, comme une réforme ratée. L'objectif initial de la réforme était, notamment dans l'esprit du précédent ministre délégué au commerce extérieur, de supprimer les directions régionales du commerce extérieur, les DRCE - directions déconcentrées de l'État en région - et de confier sans réserve aux régions la compétence en matière de commerce extérieur, en cohérence avec la compétence qui leur est reconnue pour le développement économique.
Mais, comme cela a été le cas pour bien d'autres points de cette loi, ce n'est pas cette solution, simple et claire, qui a été retenue, mais une solution bâtarde : la loi précitée prévoit en effet la délégation aux régions qui le souhaitent, dans le cadre du schéma régional expérimental de développement économique, des compétences et des personnels des DRCE, ainsi que des crédits budgétaires y afférents.
Aujourd'hui, force est de constater que l'État n'a pas de vraie politique régionalisée du commerce extérieur : les DRCE ne sont nullement en mesure de jouer le rôle qui est théoriquement le leur ; les régions, quant à elles, n'ont de rôle qu'autant qu'elles sont en mesure de dégager les moyens nécessaires. Or on sait combien il leur est difficile de réunir ces moyens dans un contexte budgétaire particulièrement perturbé.
Madame la ministre, compte tenu de l'enjeu essentiel que constitue le commerce extérieur, il faut une mobilisation accrue de tous - d'autres avant moi l'ont dit - et une meilleure coordination des efforts engagés par l'État et par les collectivités locales. Nous serons très attentifs à vos explications quant à la façon de coordonner au mieux cette mobilisation de tous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les PME sont au coeur de la bataille pour l'emploi que le Gouvernement a engagée.
D'ores et déjà, quelque trois mois après le lancement du contrat nouvelle embauche, qui bénéficie aux entreprises de moins de vingt salariés, près de 200 000 de ces contrats ont été signés.
Le résultat ne se fait pas attendre, ainsi que l'atteste la baisse régulière, mois après mois, du taux de chômage : il était de 10,2 % en avril dernier ; il est aujourd'hui de 9,7 %.
Il nous faut inlassablement travailler à conforter ces résultats, notamment en favorisant le développement de nos PME.
La création d'entreprises est particulièrement dynamique dans notre pays et enregistre des résultats spectaculaires depuis 2002. En 2004, 224 000 entreprises ont été créées en France, soit un bond de 25 % par rapport à l'année 2002. Ces chiffres relativisent assez largement l'augmentation de 5,5 % du nombre de défaillances d'entreprises, relevé par M. Dussaut. En effet, plus grand est le nombre d'entreprises créées, plus grand est celui des défaillances ! Il reste que la progression du nombre des défaillances est sensiblement plus faible que celle du nombre des créations.
Ces créations d'entreprises contribuent fortement au développement de l'emploi puisque chaque entreprise nouvelle crée en moyenne plus de deux emplois.
Nous avons également lancé, en faveur de la transmission d'entreprise, une politique active qui commence à porter ses fruits.
En outre, nous avons engagé les réformes fiscales nécessaires pour que nos entreprises puissent canaliser l'épargne des Français vers l'investissement, vers l'innovation, vers la recherche.
Mon ministère disposera en 2006 d'un budget de 171 millions d'euros, budget modeste, certes, mais entièrement tourné vers les artisans, les commerçants, les professions libérales, les PME de l'industrie et des services.
Ce budget est intégré au programme « Développement des entreprises », qui inclut également les actions d'autres ministères.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire ni même opportun de créer un programme supplémentaire. Une telle solution supposerait des emplois supplémentaires pour gérer ce programme et une organisation administrative spécifique, et elle serait source d'un surcroît de complexité, alors que mon action est destinée à simplifier non seulement la vie des entreprises, mais particulièrement l'organisation de l'État au service des entreprises.
Je tiens en revanche à vous rassurer, monsieur Cornu : le budget que je vous présente sera préservé tel que vous l'aurez voté et il n'y aura aucun transfert.
Environ la moitié du budget de mon ministère est consacrée au FISAC, qui est un outil essentiel, doté en 2006 de 80 millions d'euros. Cette dotation est en forte progression puisqu'elle augmente de 9 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2005. Pour autant, la dépense publique est maîtrisée puisque la loi de finances rectificative pour 2004 avait porté à 100 millions d'euros le montant disponible pour le FISAC.
Certains ont estimé que cette dotation de 80 millions d'euros était insuffisante. Gardons à l'esprit que la dotation de 2005 correspondait à une campagne exceptionnelle. Pour cette raison, il est normal en 2006 de revenir à 80 millions d'euros. En outre, nous résorberons le retard qui s'est accumulé pendant l'année 2004 et le début de l'année 2005.
Je voudrais à présent dire un mot de l'AFII, dont un amendement vise à diminuer le budget pour abonder le FISAC. Le Gouvernement est très réservé sur cette proposition. Les investissements directs étrangers dans notre pays ont permis d'y créer ou d'y maintenir 33 000 emplois en 2004. Christine Lagarde aura sans doute l'occasion d'y revenir, mais je veux d'ores et déjà souligner que les investissements étrangers sont un enjeu majeur pour l'emploi sur notre territoire, et nous devons accompagner davantage encore cette action.
La prime de transmission sera mise en place dès l'année 2006. Ces actions en faveur de la transmission seront dotées de 33 millions d'euros, soit une progression de l'ordre de 3 % par rapport aux crédits consommés à ce titre en 2005.
Là encore, la priorité du Gouvernement est de permettre que les quelque 500 000 artisans, commerçants et professionnels libéraux qui vont partir à la retraite aient bien un successeur, car il vaut mieux céder une activité que la laisser en déshérence.
J'en viens maintenant à la taxe pour frais de chambre.
Les chambres de métiers mènent une action utile, et je veux rendre hommage à leur mobilisation en faveur des nouveaux outils de promotion de l'emploi : le chèque-emploi très petites entreprises, le contrat nouvelle embauche. L'ensemble de leur réseau a accompagné la création d'emplois dans les PME.
Le projet de loi de finances prévoyait une réévaluation de un euro - soit une hausse de 0,9 % - de la taxe pour frais de chambre perçue par les chambres des métiers. J'ai accepté à l'Assemblée nationale que ce montant soit réévalué de 2,6 %, afin de donner aux chambres les moyens qui leur sont nécessaires pour accompagner les artisans dans leur croissance.
J'émettrai également un avis favorable sur l'amendement n° II-43 relatif à l'Assemblée permanente des chambres de métiers, l'APCM, qui est la tête de réseau des chambres de métiers.
J'indique enfin que de nombreuses autres actions ont été engagées. Je voudrais mentionner les moyens supplémentaires qui ont été accordés à OSEO-Sofaris. Ils feront un bond spectaculaire en passant de 120 millions à 200 millions d'euros. C'est un outil essentiel de la dynamisation de nos PME.
Les chantiers qui ont été lancés par la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises sont en cours et avancent. L'ensemble des textes d'application seront pris dans les toutes prochaines semaines. Je pense notamment au patrimoine vivant, qui est un élément important.
Je pense également à la réflexion que nous avions engagée ici même sur l'équipement commercial. J'ai indiqué qu'un groupe de parlementaires pourrait se pencher sur ce sujet délicat qui touche à l'aménagement de la périphérie de nos villes, mais également à l'équilibre entre le commerce de proximité de centre-ville et le commerce de périphérie.
Quant à la réforme de la loi Galland, elle se met en place. Je publierai à ce sujet une circulaire dans les toutes prochaines heures. Cette réforme essentielle au maintien du pouvoir d'achat des consommateurs français est maintenant bien avancée. Les prix, qui ont connu une dérive inflationniste très forte entre 1997 et 2002, du temps que rien n'était fait pour protéger le pouvoir d'achat des consommateurs, sont revenus aujourd'hui à un rythme de progression beaucoup plus raisonnable, ce qui s'est traduit par une restitution de pouvoir d'achat aux consommateurs français de plusieurs milliards d'euros.
Voilà des réformes concrètes, et qui s'accompagnent d'une maîtrise de la fiscalité !
A ce sujet, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous rappeler que, parfois pour d'excellentes raisons, nous nous laissons aller à augmenter des taxes ou, pis, à en créer de nouvelles, décisions qui peuvent avoir des effets dramatiques pour les petites entreprises. C'est pourquoi j'attire votre attention sur la taxe sur les articles de textile-habillement, nouvellement créée par les députés.
En dépit des intentions très pures qui, à l'Assemblée nationale, ont inspiré les auteurs de l'amendement qui est à l'origine de la disposition en cause, je demanderai au Sénat, en particulier à Mmes et MM. les sénateurs de la majorité, d'avoir la sagesse de ne pas approuver cette nouvelle taxe, laquelle pèsera sur des entreprises françaises du textile et de l'habillement qui sont aujourd'hui fragilisées et qui ne peuvent supporter un nouveau prélèvement fiscal. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'efforcerai, dans le temps qui m'est imparti, de répondre au plus grand nombre possible des questions qui m'ont été posées. Aussi, je traiterai directement les thèmes précis qui ont été abordés, commençant par celui des passifs miniers, qu'ont évoqué Mme Didier et M. Coquelle.
L'évolution des crédits de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l'ANGDM, est directement liée à la démographie des ayants droit. Le budget de cette agence a été voté par son conseil d'administration, composé pour un tiers par les organisations syndicales. Sa dotation budgétaire est conforme aux moyens qui ont été demandés. S'agissant de la gestion de l'après-mines, l'État, à partir du 1er janvier 2006, assumera toutes ses responsabilités techniques avec le Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, tout comme il assume, depuis le 1er janvier 2005, ses responsabilités sociales avec l'ANGDM.
L'exhaure est effectivement stoppée depuis le 30 novembre 2005. La seule zone présentant des risques d'effondrement brutal a fait l'objet d'une procédure d'expropriation, pour un montant de 5 millions d'euros. Dans ce domaine, notre priorité va bien évidemment à la sécurité. À la suite de différents rapports qui nous ont été remis, nous considérons que la poursuite de l'exhaure, qui nous coûterait 7 millions d'euros par an, ne se justifie plus.
L'ANGDM et Bail Industrie ont signé de nouveaux baux, qui garantissent pleinement le droit au logement. Le montant du loyer est adapté à l'indemnité chauffage-logement et à l'aide personnalisée au logement. Tout cela a été approuvé par le conseil d'administration de l'ANGDM.
Les crédits correspondant au programme « Passifs financiers miniers » se montaient à 654 millions d'euros dans la loi de finances pour 2005 ; ils passent à 672 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances. En revanche, il est vrai que l'action « Prestations à certains retraités des mines » connaît une légère baisse puisque les crédits concernés passent de 602 millions à 586 millions d'euros, diminution évidemment liée à l'évolution de la pyramide des âges. En tout état de cause, l'État assume et assumera ses engagements dans ce domaine.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur le budget de l'ADEME.
Cette agence est évidemment un outil très important de notre politique énergétique, à la fois pour la maîtrise de la demande énergétique et pour le développement des énergies renouvelables. Ce n'est toutefois qu'un outil parmi d'autres. En effet, il en existe de nombreux autres, qu'il s'agisse des certificats d'économies d'énergie, que nous mettons en place, pour un coût - appelé probablement à croître - de 180 millions d'euros par an, ou de la contribution aux charges de service public de l'électricité, la CSPE, d'un coût annuel de 200 millions d'euros, pour les énergies renouvelables.
Le coût de ces outils augmentera avec le développement de l'énergie éolienne ou d'autres sources d'énergie renouvelable.
La dépense fiscale consécutive à la défiscalisation des biocarburants se monte aujourd'hui à 200 millions d'euros par an. Les politiques que nous avons engagées auront pour conséquence un accroissement important de cette dépense, puisque, grâce aux biocarburants, nous économiserons 3 millions de tonnes de pétrole en 2007, contre 400 000 tonnes aujourd'hui. Des investissements ont été engagés à cette fin.
Les crédits d'impôt en faveur des énergies renouvelables et des économies d'énergie dans le logement représentent une dépense de plus de 100 millions d'euros par an. L'Agence de l'innovation industrielle et l'Agence nationale de la recherche ont prévu de consacrer plus de 100 millions d'euros par an aux nouvelles technologies dans ce domaine.
Je suis, bien sûr, très attentif au budget de l'ADEME. En raison d'une nouvelle méthode de financement, cette agence perçoit la taxe intérieure sur les consommations de gaz naturel, la TICGN, pour un total de 170 millions d'euros. Cette innovation explique les différences que vous avez pu constater dans les budgets du ministère des finances et du ministère de l'écologie et du développement durable.
Je tiens à confirmer de la manière la plus claire qu'il n'y aura aucune coupure d'électricité cet hiver.
Concernant le prix du gaz, Thierry Breton et moi-même réunirons le 8 décembre l'ensemble des opérateurs pour aboutir à une solution convenable, semblable à celle à laquelle nous avons abouti avec les pétroliers.
S'agissant des engagements pris par EDF à l'occasion de l'ouverture de son capital, je suis à la disposition des commissions intéressées pour leur transmettre le contrat de service public qui a été signé entre l'État et EDF, afin que vous puissiez l'étudier tout à loisir.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Il aurait tout de même été préférable que nous l'ayons un peu avant !
M. François Loos, ministre délégué. Ce contrat a été signé avant la décision d'ouverture du capital et il contient beaucoup d'éléments très favorables aux consommateurs.
Pour ce qui est du prix de l'énergie pour les électro-intensifs, nous avons réuni les industriels concernés et ils sont actuellement en train de constituer un consortium, qui demandera aux opérateurs d'électricité de passer avec eux des contrats à long terme. Le Conseil de la concurrence, en France, ainsi que la Commission européenne sont saisis du dispositif d'agrément fiscal que nous nous apprêtons à proposer par voie d'un amendement dans le projet de loi de finances rectificative pour 2005. Il s'agit, à travers cet agrément fiscal, d'énoncer les critères objectifs en fonction desquels une entreprise pourra faire partie de ce consortium, qui est d'ores et déjà en cours de création avec les principales entreprises concernées, telles que papetiers, fabricants de chlore, etc.
Vous le constatez, nous sommes très actifs sur toutes ces questions. Nous souhaitons que la représentation nationale soit rassurée quant à la volonté et à la détermination du Gouvernement de faire en sorte que l'énergie soit effectivement délivrée à nos concitoyens et à nos entreprises dans les meilleures conditions ; d'ailleurs, à cet égard, notre pays est plutôt bien placé.
Concernant les questions qui ont trait aux postes et télécommunications, je voudrais d'abord rassurer M. Trémel à propos de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques. Les trois personnalités qualifiées désignées par le Gouvernement ont été renouvelées. La Commission supérieure doit poursuivre son travail et je suis à sa disposition pour envisager les sujets qui, en dehors des textes, sont les plus importants et pour lesquels elle pourrait agir.
S'agissant de la régulation postale, je voudrais également vous rassurer : les premiers décrets seront publiés prochainement.
Par ailleurs, vous le savez, le CECEI, le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, a émis un avis favorable sur l'ouverture de la banque postale ; celle-ci pourra donc naître au 1er janvier 2006.
S'agissant du service bancaire universel, une négociation est en cours avec les banques au niveau du ministère des finances.
Vous avez également fait part de vos préoccupations concernant les retraites des postiers. Une réforme est en cours d'élaboration. Aucune incidence n'est envisagée sur les droits des personnes concernées, pas même sur le mode de versement de leur pension. C'est un projet qui vise à remplacer le dispositif actuel par une cotisation libératoire versée par La Poste et assise sur la masse salariale concernée, cotisation libératoire dont le taux sera progressivement ramené à un niveau permettant de placer l'entreprise en situation d'égalité concurrentielle.
Dans ce cadre, et sous réserve de l'adoption de cette réforme, La Poste verserait en 2006 une contribution exceptionnelle estimée aujourd'hui à 2 milliards d'euros. Selon les règles comptables édictées par Eurostat, cette contribution sera comptabilisée en recettes des administrations publiques.
Cette réforme passe, notamment en 2006, par un aménagement de l'article 30 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service de la poste et des télécommunications. Le Parlement sera ainsi pleinement associé à la réforme du financement des retraites des fonctionnaires de La Poste.
Vous m'avez aussi interrogé sur le fonds postal de péréquation territoriale, créé dans la loi de régulation postale pour financer la contribution de La Poste à l'aménagement du territoire. Comme vous l'avez rappelé, ce fonds bénéficie de recettes fiscales équivalant à la taxe professionnelle qui devrait être versée. En fait, d'après nos simulations, nous n'avons pas le sentiment, aujourd'hui, que les évolutions de la taxe professionnelle sont de nature à modifier le montant.
Donc, à ce stade, le Gouvernement n'envisage pas de nouvelles conditions d'abondement du fonds. Ce ne pourrait être qu'à la suite d'un bilan de l'action de restructuration du réseau postal dans le respect des obligations d'aménagement du territoire, à l'horizon de deux ou trois ans, que cette question devrait être examinée.
Je suis assez confiant et optimiste sur la capacité de La Poste à assurer une présence postale au-delà de la simple obligation légale. La Poste assume pleinement ses obligations en matière d'aménagement du territoire et je pense que la plupart des élus locaux se rendent compte aujourd'hui que cela se traduit par des garanties très intéressantes pour les usagers. La Poste en est même aujourd'hui à créer de nouveaux bureaux de poste. La tendance me semble donc s'inverser par rapport à ce qui se passait voilà encore un an. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Toujours en ce qui concerne La Poste, j'en viens à la question de M. Hérisson sur le transport de la presse.
Aujourd'hui, les aides de l'État dans ce domaine résultent d'un accord qui a été signé le 22 juillet 2004 entre l'État, La Poste et les entreprises de presse, pour la période 2005-2008. C'est sur la base de cet accord que le budget est établi.
En l'occurrence, l'action de l'État passe par deux canaux. D'une part, il prend à sa charge le soutien aux seuls titres de la presse d'information politique et générale bénéficiant de l'abattement sur les tarifs postaux en attribuant une aide à l'exemplaire distribué, et cela figure dans les crédits spécifiquement destinés à la presse. D'autre part, l'État apporte une aide pour compenser le surcoût pour La Poste de la distribution de l'ensemble de la presse dans les zones de moindre densité de population, et cela figure dans le budget de mon ministère. Les deux sommes sont rigoureusement conformes à ce qui a été prévu dans le protocole d'accord.
Concernant les télécommunications, M. Hérisson et plusieurs autres orateurs ont évoqué les problèmes de la couverture en téléphonie mobile et de la couverture en haut débit.
Il y a bien sûr, d'abord, une réponse strictement technique : il s'agit aujourd'hui de faire en sorte que tous les répartiteurs puissent distribuer l'ADSL. Ainsi, 97 % du territoire seront couverts à la fin de 2006.
Au-delà, il existe de nouvelles technologies encore peu employées mais tout à fait utilisables, notamment le WiMax et le courant porteur en ligne. Actuellement, ces nouvelles technologies font l'objet soit d'études, soit d'appels d'offres : c'est le cas pour le WiMax. S'agissant de ce dernier, le succès est considérable puisque nous avons reçu quelque 175 réponses. Cette technologie permettra d'accroître sensiblement la couverture de la desserte en haut débit.
Pour ce qui est de la couverture en téléphonie mobile, les engagements qui ont été pris sont à présent partiellement réalisés et leur mise en oeuvre se poursuit convenablement. Plus de 300 sites, qui concerneraient environ 500 communes, devraient être opérationnels d'ici à la fin de l'année 2005. Au-delà de ces engagements, compte tenu des obligations que nous avons fixées aux opérateurs dans le cadre du renouvellement des licences, ceux-ci ont indiqué qu'ils assureraient la couverture totale du territoire d'ici à la fin de 2007.
J'aurais aimé vous parler longuement des pôles de compétitivité et des aspects de la politique industrielle stricto sensu, même si tout ce que je viens d'évoquer est une contribution directe à l'action des entreprises et à l'aide que l'État peut apporter en créant un cadre favorable à leurs investissements.
Je vous dirai simplement que la politique des pôles de compétitivité a démarré de façon satisfaisante non seulement parce qu'elle est le fruit d'une dynamique créée à l'échelon local, mais aussi parce que les moyens correspondants ont été engagés dès que les pôles présentaient des dossiers cohérents au regard des objectifs qu'ils s'étaient assignés. C'est ainsi qu'un très grand pôle de la région parisienne a engagé 100 millions d'euros de crédits. Sur ces 100 millions d'euros, 20 millions provenaient des collectivités et 10 millions de l'État, ces apports faisant jouer l'effet de levier.
Aujourd'hui, on dénombre soixante-sept pôles qui sont quasiment tous organisés, avec leur pilotage et leur gouvernance. Les collectivités locales peuvent largement participer à la gouvernance. Pour ce qui est du pilotage direct, comme il s'agit de la mise en oeuvre de crédits d'État, chaque pôle s'est vu désigner un correspondant pour les propositions qu'il formule ; jusqu'à présent, nous avons su satisfaire les demandes qui ont été présentées. Je n'ai qu'un souhait, c'est que l'organisation des pôles permette de « booster » encore plus notre industrie nationale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter le budget du commerce extérieur qui, dans la nouvelle présentation, fait partie du programme « Développement des entreprises », au sein de la mission « Développement et régulation économiques ».
Comme l'a indiqué le rapporteur spécial, M. Éric Doligé, les crédits du commerce extérieur ne reflètent que partiellement l'action déterminée du Gouvernement en faveur des entreprises pour les aider à gagner des marchés à l'étranger et ainsi créer des emplois en France. Dans le cadre de Cap Export, le Gouvernement va en effet proposer à la représentation nationale un certain nombre de mesures, sous forme de dépenses fiscales, qui devraient fortement encourager l'exportation.
Je limiterai mon propos à quelques commentaires concernant les acteurs de l'exportation et le dispositif de l'exportation.
Vous l'aurez remarqué, les crédits du commerce extérieur sont particulièrement vertueux. En effet, les crédits de fonctionnement sont en diminution, ce qui montre les efforts de productivité engagés par les agents de mon ministère, qui vont d'ailleurs contractualiser leur relation avec le budget pour trois ans.
Quelles sont les priorités données aux acteurs du commerce extérieur ?
S'agissant des missions économiques à l'étranger, nous leur avons d'abord demandé de redéployer leurs forces sur les marchés les plus porteurs. Nous en avons identifié cinq : deux économies développées et trois économies en développement et émergentes. Il s'agit respectivement des Etats-Unis et du Japon, d'une part, de la Russie, de l'Inde et de la Chine, d'autre part.
Deuxième grande priorité affirmée pour les missions économiques à l'étranger : rendre un meilleur service aux entreprises dans le cadre de la certification qualité ISO 9001, et ce en liaison avec Ubifrance.
Précisément, concernant cet autre acteur important qu'est l'établissement public Ubifrance, les réformes menées portent aujourd'hui leurs fruits. Ubifrance a été rapprochée de l'Agence française pour les investissements internationaux sur le plan logistique. Les deux entités fonctionneront dans les mêmes locaux à compter du premier trimestre 2006, et nous en attendons un certain nombre d'économies et de synergies.
Par ailleurs, j'ai demandé à l'AFII et à la DGTPE, la direction générale du Trésor et de la politique économique, de renforcer significativement le travail en commun qu'elles réalisent à travers leurs équipes à l'étranger.
Ubifrance, dont la dotation reste constante, mais qui a pu redresser ses finances grâce à la vente de ses locaux de l'avenue d'Iéna et de l'avenue d'Eylau, est maintenant totalement opérationnel.
Pour ce qui est des priorités qui ont été fixées à Ubifrance, il s'agit d'abord de faire connaître aux entreprises les opportunités des marchés étrangers et de mettre à leur disposition un certain nombre de prestations, tantôt gratuites tantôt payantes, afin de les accompagner dans leur démarche à destination de l'étranger. Je comprends bien, monsieur Ferrand, qu'il s'agit de les inciter et de les encourager, et pas seulement de les « pousser ». (Sourires.)
Les missions économiques à l'étranger ont été placées clairement sous la direction d'Ubifrance, de manière à assurer un meilleur service aux entreprises.
Ubifrance a deux priorités tout à fait pratiques pour 2006 : d'une part, encourager considérablement le volontariat international en entreprise et, d'autre part, labelliser les opérations commerciales à l'étranger.
Je dirai à présent quelques mots du dispositif de soutien à l'exportation. Il obéit à trois principes : simplicité, lisibilité, efficacité. Il vise trois objectifs prioritaires : favoriser l'emploi à l'export, partir gagner des marchés à l'étranger, « jouer collectif » à l'export.
Monsieur Ferrand, je reprendrai volontiers votre slogan : mobilisons au service de l'export et allons chercher les entreprises à l'étranger, comme nous le faisons pour la croissance.
Les mesures prises pour atteindre ces objectifs, regroupées sous l'intitulé « Cap Export », consistent à mobiliser des moyens sur quelques outils particulièrement incitatifs, qui pourront être utilisés en priorité par les petites et moyennes entreprises. Vous l'avez noté, les petites et moyennes entreprises ne sont pas suffisamment dynamiques à l'exportation ; nous nous devons de les y encourager.
Au sein des vingt-cinq pays cibles, légitimement identifiés par M. François Loos, nous avons choisi cinq pays pilotes, qui feront l'objet de visites accompagnées d'entreprises dans les prochains mois. Je me suis déjà rendue en Chine, à trois reprises, ainsi qu'aux États-Unis. Nous irons dans les trois autres pays au cours des prochains mois, afin de mettre en cohérence les acteurs publics et les acteurs privés de l'exportation. Il est impératif que les acteurs agissent de concert, de la même façon que les entreprises participent ensemble à l'oeuvre d'exportation.
Pour développer les initiatives de tous, la politique de labellisation des opérations collectives à l'étranger sera renforcée. Les outils les moins utilisés par les entreprises seront soit réformés soit supprimés.
Permettez-moi de vous présenter plus en détail certaines des mesures de Cap Export, autour des trois thèmes que j'ai identifiés : favoriser l'emploi, aller chercher la croissance et naviguer en escadre - je ne peux résister à cette analogie le jour de l'ouverture du salon nautique, sachant que les entreprises qui construisent des bateaux de plaisance consacrent 80 % de leur activité à l'exportation ! (Sourires.)
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée. La première mesure vise à favoriser l'emploi à l'export. Il s'agit, en l'espèce, de renforcer le crédit d'impôt export, qui sera étendu à l'Union européenne et couvrira les salaires des jeunes volontaires internationaux en entreprise.
Cette demande avait été formulée à plusieurs reprises par les petites et moyennes entreprises, qui exportent essentiellement dans les pays de l'Union européenne - ce sont les plus proches - et qui recourent aux volontaires internationaux en entreprise.
Cette mesure cible autant les jeunes que la prospection commerciale. Plus de 40 000 jeunes ont fait acte de candidature afin de partir en entreprise dans le cadre de ce programme de volontariat.
La deuxième mesure tend à nous aider à gagner des marchés à l'étranger.
Pour ce faire, nous proposons au Parlement de déduire de l'assiette de l'impôt sur le revenu la fraction du salaire correspondant aux périodes passées à l'étranger par les salariés en charge de l'export, dès lors que ce temps passé excède 120 jours.
Cette proposition a suscité un très vif intérêt chez les acteurs de l'exportation, qu'il s'agisse des salariés ou des entreprises qui les emploient. Ces dernières considèrent que cette mesure fortement incitative leur permettra de s'engager sur les marchés extérieurs. C'est en effet sur place, et non au siège de l'entreprise, derrière un ordinateur, que l'on peut gagner ces marchés.
Pour faciliter l'accès au financement des PME et des entreprises de taille intermédiaire, nous proposons d'augmenter de 50 % à 70 % le taux de contre-garantie et d'améliorer l'assurance prospection dans les pays pilotes. Les entreprises rencontrent des difficultés pour trouver des financements bancaires, car les établissements financiers sont parfois bien frileux dans leur appréciation du risque pris par les petites et moyennes entreprises.
Nous souhaitons également que la France puisse se rassembler à l'export et que les entreprises naviguent ensemble. Le commerce extérieur est en effet fédérateur, et nos entreprises gagneront à travailler ensemble. Pour ce faire, trois mesures sont nécessaires.
Il s'agit d'abord d'une labellisation par Ubifrance des opérations de parrainage à l'export réalisées par les grands exportateurs, dès lors qu'ils acceptent d'entraîner dans leur sillage un certain nombre de petites et moyennes entreprises nécessaires au renforcement de notre tissu exportateur français.
Ensuite, il convient de développer les initiatives de tous à l'export. Les opérations de labellisation étaient jusqu'à présent réservées à des opérations organisées par des fédérations professionnelles dans des secteurs précis. Il suffit désormais que cinq entreprises décident ensemble d'exporter pour qu'elles soient « labellisables ». J'ai d'ailleurs demandé à Ubifrance que le nombre d'opérations « labellisables » au cours de l'exercice 2006 soit porté de cent à deux cents.
Enfin, le Gouvernement souhaite favoriser l'action internationale des pôles de compétitivité, qui ont créé une dynamique au sein des régions entre les différents opérateurs, et engager les petites et moyennes entreprises à rejoindre ces pôles de compétitivité. Les entreprises doivent savoir qu'elles peuvent bénéficier du crédit impôt export, qui s'élève à 40 000 euros pour des entreprises seules et à 80 000 euros pour des entreprises qui décident de « jouer collectif ».
Vous le voyez, ces mesures en faveur du commerce extérieur, principalement sous la forme de dépenses fiscales, auront, nous l'espérons, un effet rapide sur l'emploi. Elles seront efficaces, car elles se concentrent aujourd'hui sur les outils les plus simples, les plus utilisés par les entreprises. Ces dispositions ont d'ailleurs été mises en oeuvre après une longue concertation avec les différents opérateurs du commerce extérieur.
Je souhaite indiquer, à cet égard, que la reprise de la croissance, perceptible en Europe, en particulier chez nos voisins d'outre-rhin, permettra probablement à nos exportations d'augmenter plus vite que nos importations au cours du deuxième trimestre 2006.
Cap Export ne suffira pas à résorber le déficit commercial auquel il a été fait allusion tout à l'heure, compte tenu de nos importations, notamment en matière énergétique, mais aussi dans un certain nombre d'autres secteurs. Le volume de nos importations s'explique d'ailleurs aussi par le fait que notre croissance est assez bonne.
En tant que ministre déléguée au commerce extérieure, je souhaite engager les exportateurs à exporter plus et mieux et à générer ainsi de la croissance. J'attire à cet égard votre attention sur le fait que, pour la première fois depuis le deuxième trimestre 2005, le commerce extérieur contribue de nouveau à la croissance du produit intérieur brut.
Certes, monsieur Marc, un certain nombre de pays comme l'Allemagne, l'Irlande et les Pays-Bas bénéficient aussi d'une croissance de leurs exportations et ont réussi à maintenir leurs parts de marché.
Vous m'avez demandé mon sentiment sur les réformes structurelles qui seraient nécessaires.
De ce point de vue, la comparaison avec les Pays-Bas n'est pas particulièrement éclairante puisque toute une série d'importations et d'exportations de ce pays correspondent en fait à de simples transits par le port de Rotterdam. Toutes les exportations néerlandaises ne sont donc pas nécessairement à mettre au compte de la politique exportatrice des Pays-Bas.
En revanche, les réformes structurelles conduites en Allemagne et en Irlande méritent attention. Leurs capacités d'accueil et d'encouragement de l'activité économique ont certainement favorisé la croissance.
D'ailleurs, le développement économique de l'Allemagne repose essentiellement sur son activité d'exportation, et non sur la croissance du marché intérieur, qui, nous le savons, est aujourd'hui particulièrement atone. Nos exportations en ont d'ailleurs été pénalisées, car l'Allemagne est non seulement le premier fournisseur, mais aussi le premier client et le fournisseur de la France.
Monsieur Ferrand, j'emprunterai à nouveau à votre slogan pour formuler ma conclusion : mobilisons les entreprises, mobilisons tous les acteurs, y compris l'ensemble des pouvoirs publics, qui doivent notamment agir en cohérence avec les chambres de commerce, afin de favoriser l'emploi et la croissance de notre pays grâce à l'exportation vers des destinations phares ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. François Marc applaudit également. )
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, je voudrais d'abord remercier les trois ministres ici présents, qui sont venus défendre les crédits de la mission « Développement et régulation économiques ». Je salue leur engagement et l'ardeur qu'ils manifestent pour assurer la réussite économique de la France.
Je voudrais revenir brièvement sur trois points.
En les écoutant, j'ai pris soudainement conscience qu'ils nous présentaient une mission dite ministérielle alors qu'elle est en fait interministérielle. En effet, M. Dutreil est ministre à part entière : par conséquent, il doit être responsable d'un programme. Partant de là, nous devons admettre que la mission « Développement et régulation économiques » est une mission interministérielle. C'est en cela que l'amendement que présentera M. Cornu au nom de la commission des affaires économiques quand nous examinerons les crédits est sans doute le bienvenu.
Ma deuxième observation concerne le FISAC, qui est d'un maniement assez compliqué. A-t-il sa place à l'échelon ministériel alors qu'il participe au financement d'actions locales ? Il a parfois été utilisé pour honorer des engagements liés à des fléaux naturels, comme des inondations. Or, lorsqu'on examine la répartition des crédits du FISAC par région et par habitant, on constate que les écarts sont assez considérables : sur la période de 1992 à 2004, l'écart par habitant va, selon la région, de 1 à 4.
Monsieur le ministre des petites et moyennes entreprises, il faudra donc, dans les mois qui viennent, entamer une réflexion sur ce que vous souhaitez faire du FISAC. Ce sera d'autant plus opportun que la commission des finances, en application du 2°de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, a demandé à la Cour des comptes de diligenter une enquête. Nous souhaiterons vous entendre pour tirer les conséquences de cette enquête.
Ma dernière observation a trait aux autorités de régulation. Ce matin, nous avions à discuter les crédits mis à la disposition du Premier ministre. Nous avons accepté un amendement de la commission des lois tendant à placer les autorités relevant de ces crédits dans un programme spécifique, de manière à mieux garantir leur indépendance.
Or nous observons que, dans le programme « Régulation et sécurisation des échanges de biens et services », sont présentes trois autorités : le Conseil de la concurrence, dont chacun connaît le rôle éminent quant au respect des règles du jeu - il vient encore de manifester son autorité et son indépendance pour que la concurrence profite aux consommateurs et que les ententes éventuelles entre les opérateurs soient prohibées -; la CRE, la Commission de régulation de l'énergie et enfin l'ARCEP, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
Nous n'avons pas déposé d'amendement à ce sujet, mais, d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire, en relation étroite avec vous, nous pourrions éventuellement examiner cette question et, pour tenter de respecter le parallélisme des formes, inclure ces trois autorités indépendantes dans un programme spécifique.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Développement et régulation économiques » (et articles 76, 76 bis, 76 ter, 77, 78 et 78 bis) figurant à l'état B.
État B
Autorisations d'engagement : 3 991 700 855 euros ;
Crédits de paiement : 3 955 104 705 euros.
M. le président. L'amendement n° II-49, présenté par M. Cornu, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I - Créer le programme :
développement des PME, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales.
II - En conséquence, modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Développement des entreprises Dont Titre 2 |
|
296.292.879 14.136.879 |
|
296.292.879 14.136.879 |
Développement des PME, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales Dont Titre 2 |
296.292.879 14.136.879 |
|
296.292.879 14.136.879 |
|
Contrôle et prévention des risques technologiques et développement industriel Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Régulation et sécurisation des échanges de biens et services Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Passifs financiers miniers |
|
|
|
|
TOTAL |
296.292.879 |
296.292.879 |
296.292.879 |
296.292.879 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. La mission ministérielle « Développement et régulation économiques » contrevient, comme l'a signalé à l'instant M. le président de la commission des finances, aux dispositions de l'article 7 de la LOLF, car les crédits du ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat font l'objet d'une simple action.
C'est pourquoi cet amendement tend à créer un programme nouveau en lui transférant les crédits de l'actuelle action 2 du programme 134, soit 291 292 879 euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement.
À ce montant s'ajouteraient en outre 5 millions d'euros destinés à alimenter le budget du FISAC, qui seraient prélevés sur les crédits de l'AFII.
Le projet de loi de finances prévoit en effet d'augmenter de 5 millions d'euros la subvention attribuée en 2006 par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie à l'AFII, afin de compléter le financement de la campagne « Image de la France », destinée à promouvoir l'image de notre pays auprès des investisseurs étrangers.
Or, sans remettre en cause le principe de l'existence de cette agence, je ne suis pas particulièrement convaincu à la fois de l'opportunité et de l'efficacité de ce type de campagne. S'agissant de notre commerce extérieur, je crois beaucoup plus à l'utilité de l'action que vous menez, madame la ministre déléguée, et pour laquelle je tiens à vous rendre hommage, qu'à celle d'une campagne comme celle qu'a menée l'AFII, et je ne suis pas sûr qu'il faille y consacrer 5 millions d'euros, surtout dans la conjoncture actuelle.
Cela dit, ma volonté est surtout d'abonder les crédits du FISAC.
En effet, comme l'ont souligné certains de nos collègues, aussi bien en commission que dans l'hémicycle, les crédits du FISAC, qui avaient été portés à 100 millions d'euros en 2005 grâce à un abondement de 29 millions d'euros inscrits dans la loi de finances rectificative pour 2004, ne sont plus que de 80 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances.
Quand on sait l'importance qu'attachent tous les élus locaux aux crédits du FISAC, compte tenu de l'ampleur des besoins, cette somme est insuffisante.
M. Bernard Dussaut. Il a raison !
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. La seule marge de manoeuvre dont je disposais, à l'intérieur de cette mission, était de proposer d'abonder de 5 millions d'euros les crédits du FISAC.
Certes, cette somme paraît modeste, mais, sachant qu'un dossier en milieu rural instruit par le FISAC représente en moyenne 40 000 euros, elle permettrait de traiter 125 dossiers supplémentaires dans l'année ! Vous pouvez donc juger de son incidence.
C'est pourquoi la commission des affaires économiques, a décidé, à l'unanimité,...
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis, et M .Bernard Dussaut. Oui !
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis...de proposer d'abonder la subvention au FISAC initialement prévue de 5 millions d'euros supplémentaires, de façon à la porter à 85 millions d'euros.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Le Gouvernement est tout à fait défavorable à cet amendement.
M. Cornu s'étonnera peut-être de ce que le ministre qui pourrait bénéficier d'un programme autonome soit opposé à la proposition qui est faite. Je m'explique.
Tout d'abord, il s'agit d'un tout petit budget, de 200 millions d'euros, ce qui représente une goutte d'eau dans l'ensemble des dépenses de l'État, lesquelles avoisinent 400 milliards d'euros. Il est donc proposé de créer un programme correspondant à un millième des dépenses de l'État. Je le souligne pour que chacun ait bien à l'esprit l'ampleur de cette « petite révolution », qui est directement inspirée de la LOLF.
Cette réflexion me conduit, monsieur le président de la commission des finances, à mon deuxième argument : la LOLF prévoit-elle qu'à chaque ministre doit correspondre un programme budgétaire ? Je ne le crois pas et, à cet égard, je me permets de citer, avec son autorisation expresse et très récente, Alain Lambert - s'agissant de la LOLF, c'est un bon auteur ! -, qui disait ceci : « Il n'est pas souhaitable d'essayer de caler exactement l'architecture des programmes du budget de l'État sur l'organisation du Gouvernement. »
Et l'on comprend bien pourquoi : l'organisation du Gouvernement est fluctuante ; elle peut changer d'une année à l'autre. On sait bien que les raisons qui guident la répartition des compétences entre les ministères ne sont pas nécessairement le reflet exact des objectifs tels qu'ils sont conçus dans la LOLF. Faire varier l'organisation budgétaire en fonction des découpages d'un gouvernement paraît contraire aux objectifs de clarté de la LOLF.
La volonté du Gouvernement est précisément de faire en sorte que, pour être suivie, l'action soit lisible. Or, elle l'est beaucoup plus dans le cadre actuel que dans celui que vous proposez, monsieur le rapporteur pour avis.
Imaginez que nous créions aujourd'hui, comme vous le suggérez, un programme correspondant au ministère des petites et moyennes entreprises et que, demain, il n'y ait plus de ministre des PME de plein exercice, mais un ministre délégué ou un secrétaire d'Etat : il nous faudra alors changer l'organisation budgétaire, au risque de rendre très peu lisible l'action que je conduis.
C'est la raison pour laquelle le ministre qui est directement intéressé par votre amendement n'y est pas du tout favorable.
Je me permets de citer encore une fois Alain Lambert : « Les programmes ne sont pas les étuis dorés des organigrammes. » Ce qui compte, en effet, c'est la finalité de l'action.
Or ces crédits, compte tenu de la garantie que m'a donnée le Premier ministre de leur maintien tout au long de l'exercice 2006 - et c'est là le point essentiel -, me permettront de mener à bien l'action du ministère dont j'ai la charge. C'est cela qui doit importer aux yeux de la représentation nationale.
S'agissant du FISAC, il est vrai, monsieur le président de la commission des finances, que ce fonds a été souvent mal utilisé.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !
M. Renaud Dutreil, ministre. Je souhaite donc le recentrer sur sa vraie vocation, qui n'est pas - je tiens à le dire ici de la façon la plus claire - de financer la réfection de trottoirs, l'aménagement de rues ou l'implantation de mobilier urbain : elle est de venir en aide à des artisans et à des commerçants.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Renaud Dutreil, ministre. Trop souvent, les élus locaux ont utilisé le FISAC pour parachever les plans de financement d'opérations urbaines. J'entends donc réorienter les fonds disponibles du FISAC vers ceux qu'il a vocation à soutenir et je réviserai prochainement la circulaire qui fixe les règles d'attribution des aides qu'on peut y puiser.
Par ailleurs, monsieur le président Arthuis, certaines régions peuvent sans doute apparaître comme étant favorisées par le FISAC. Toutefois, ce dernier étant un outil destiné à financer des projets, les aides sont fonction du nombre de projets, et il se peut que des projets émergent en plus grand nombre, à tel ou tel moment, dans telle ou telle région. Par conséquent, rien n'interdit à une région qui se trouverait désavantagée d'inciter les collectivités locales, les commerçants ou les artisans à présenter plus de projets. L'administration les instruit tous avec une grande équité et une impartialité qui n'a jamais été remise en cause. Je le soulignerai d'ailleurs dans le cadre de l'enquête qui a été diligentée sur le FISAC.
J'en viens à la proposition d'abondement de 5 millions d'euros de la subvention au FISAC.
Je connais votre attachement, monsieur le rapporteur pour avis, aux opérations du FISAC en faveur du commerce et de l'artisanat en milieu rural. Je souhaite également, pour ma part, que ce fonds soit davantage un outil de financement de ce type d'actions, qui ont sans aucun doute un effet de levier permettant de lutter contre la désertification commerciale et artisanale dont nos campagnes sont parfois victimes.
Je compte faire des propositions en ce sens. Aucune action ne peut être réalisée dans le monde rural lorsque les soutiens financiers sont trop faibles. C'est pourquoi j'envisage d'augmenter les taux d'intervention du FISAC sur les petites opérations du monde rural, afin d'être sûr que ces actions seront effectivement conduites et menées à bien.
En revanche, « déshabiller » l'Agence française pour les investissements internationaux, c'est-à-dire l'organisme qui cherche à attirer des investissements sur notre, pour « habiller » le FISAC ne me paraît pas vraiment conforme à l'intérêt général.
Nous avons besoin aujourd'hui de valoriser l'attractivité de notre territoire, comme l'a excellemment souligné Christine Lagarde. A cet égard, je tiens à saluer l'action efficace menée par l'AFII sous la houlette de Clara Gaymard. Cette action est d'autant plus souhaitable que notre pays fait parfois, surtout depuis quelques semaines, dans la presse anglo-saxonne, l'objet de vives critiques, qui ne sont pas toujours inspirées par une observation très fine des réalités françaises !
Il est nécessaire d'attirer en France les investissements étrangers, très importants pour créer des emplois et apporter des capitaux favorisant le développement de nos PME. Dès lors, prendre de l'argent à l'AFII pour le donner au FISAC ne correspond ni à la volonté du Gouvernement ni, surtout, à l'intérêt de nos PME.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. Monsieur le président, la commission des finances n'a pu s'exprimer sur cet amendement, qui a été déposé après sa dernière réunion.
C'est un amendement intéressant, qui pose de vrais problèmes. La preuve en est qu'il suscite déjà un débat et qu'il a fait l'objet de remarques préalables de la part du président de la commission des finances.
Tout d'abord, ainsi que celui-ci l'a déjà indiqué, la commission des finances n'est pas opposée à la création d'un programme consacré au développement des PME, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales.
Ensuite, s'agissant du FISAC, j'ai bien entendu vos remarques, monsieur le ministre. Toutefois, je vous fais observer que les élus locaux s'interrogent souvent sur l'utilisation du fonds et sur la lourdeur de cette structure. Aujourd'hui, pour instruire de petits dossiers, correspondant à des sommes relativement modestes, il faut réunir des représentants de l'État, de la région, du département, de la commune, de la chambre de commerce, de la chambre de métiers, etc., qui discutent pendant des heures sur les modalités d'attribution des aides et sur la question de savoir qui va apporter des financements complémentaires pour faire en sorte que tel dossier soit éligible. Ne serait-il pas plus simple de déléguer directement l'étude des dossiers à une collectivité ?
Je me demande si, dans ces conditions, on ne pourrait pas faire beaucoup plus qu'on ne fait aujourd'hui avec ces 80 millions d'euros de crédits.
Par ailleurs, les chiffres font bien apparaître des différences énormes entre les régions. Vous avez expliqué que ces disparités étaient liées à la vigueur ou à l'atonie de la demande locale. Mais je pourrais vous citer nombre d'opérations qui, bien que prêtes à démarrer, ne parviennent pas à aboutir, et ce plutôt en raison d'une efficacité insuffisante de la représentation locale de votre ministère pour « pousser » tel ou tel dossier.
Enfin, pour ce qui est de l'AFII, il est vrai que la campagne lancée récemment contre la France dans la presse étrangère, à la suite des problèmes que nous avons connus dans nos banlieues, doit nous inciter à renforcer son rôle, surtout si nous comparons cette agence aux organismes similaires qui existent à l'étranger, notamment en Italie, en Angleterre ou en Allemagne.
Indiscutablement, la situation était différente il y a un mois. Aujourd'hui, je m'interroge, à titre personnel, sur le bien-fondé du transfert proposé, qui conduirait à une diminution des ressources de l'AFII.
J'indique donc que, globalement, cet amendement me paraît intéressant, mais que, la commission ne l'ayant pas examiné, je ne peux formuler d'avis. M. le président de la commission apportera éventuellement des éléments d'appréciation complémentaires.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La LOLF est, je l'ai déjà dit, le résultat d'une coproduction. Le Gouvernement et le Parlement se sont mis conjointement à l'oeuvre pour se donner des instruments de lucidité et de bonne gestion des fonds publics.
Monsieur le ministre, je ne crois pas que le critère de l'importance du volume des crédits consacrés à un programme soit déterminant. En tout cas, je pourrais vous trouver une liste suffisamment garnie de programmes dont le niveau de crédits n'a rien à envier à ceux que nous proposons.
Puisque vous faites du « Lambert dans le texte », je vais m'y efforcer également. Ce qu'Alain Lambert a voulu dire, et je ne crois pas déformer sa pensée, c'est que, selon la formation des gouvernements, telle mission qui était ministérielle hier peut devenir interministérielle. Si nous validons le format des missions, nous aurons sans doute à en tirer la conséquence : il faudra, un jour, faire coïncider la composition du Gouvernement avec les missions ; sinon nous serons confrontés aux pires difficultés. Il faut qu'un ministre soit responsable d'une mission.
MM. Paul Girod et Bernard Dussaut. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. S'agissant des programmes, permettez-moi de citer l'« Alain Lambert » le plus contemporain et le plus « supra-partisan » ! (Sourires.)
Notre collègue a été chargé de vous faire part de ses recommandations sur les bonnes pratiques « lolfiennes ». Il a rendu voilà quelques semaines au Gouvernement un rapport cosigné avec Didier Migaud, député socialiste et rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale lorsque la LOLF a été conçue et votée, sous le gouvernement de M. Jospin. C'est donc une oeuvre supra- partisane que celle réalisée par M. Didier Migaud, député socialiste, et par M. Alain Lambert, sénateur du groupe UMP et ancien président de la commission des finances du Sénat.
Voici ce qu'ils ont écrit à propos des programmes : « Une structuration efficace de la chaîne de responsabilité de la gestion publique conduit la mission - celle que les deux parlementaires avaient reçue du Gouvernement - à formuler plusieurs recommandations [...] qui visent notamment à délimiter les responsabilités respectives du ministre et de son cabinet, et du responsable de programme : resserrer le format du Gouvernement ou, à tout le moins, limiter le nombre de ministres dotés de compétences budgétaires ». Ils ajoutaient : « Dans la logique de la LOLF, un ministre sans programme n'est qu'un ministre sans portefeuille ».
Voilà la pensée d'Alain Lambert la plus contemporaine, monsieur le ministre.
J'en viens à l'amendement de la commission des affaires économiques. Il nous paraît fondé et- je ne pense pas être démenti par les membres de la commission des finances ici présents en disant cela - nous regrettons même de ne pas avoir eu cette bonne idée.
Toutefois, il serait peut-être bon, monsieur Cornu, que vous rectifiiez votre amendement, qui tend à prélever 5 millions d'euros sur le budget de l'AFII, ce qui pourrait être pris comme un contre signal. Afin de ne pas gêner l'action de l'AFII sur la scène internationale, pourquoi ne pas réduire le montant des crédits que vous proposez de transférer ?
M. le président. Que décidez-vous, monsieur le rapporteur pour avis ?
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Nous sommes au coeur de deux débats, monsieur le président.
Le premier concerne la notion de mission telle que pensée par la LOLF. Je ne vais pas m'étendre sur ce premier débat après l'excellent discours du président de la commission des finances.
Concernant le deuxième débat, qui se rapporte aux crédits du FISAC, je vais m'adresser solennellement au ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce de l'artisanat et des professions libérales. J'ai bien compris que son intervention était empreinte de solidarité gouvernementale. Pourtant, tout le monde sait bien que le FISAC manque de crédits, et je salue d'ailleurs sa volonté de réorienter les crédits du FISAC vers le monde rural. Comme je l'ai rappelé, l'engagement sur un dossier représente en moyenne 40 000 euros. Ainsi, 5 millions d'euros représentent 125 dossiers.
Pour répondre à M. le président de la commission des finances, nous pourrions être tentés de faire un petit peu baisser ces chiffres. Mais, parallèlement, depuis que j'ai déposé mon amendement, des éléments nouveaux sont apparus, et notamment, M. le Premier ministre est intervenu en personne, voilà deux jours, pour indiquer : « Le fonds d'intervention en faveur du petit commerce pourra intervenir plus facilement dans les zones franches urbaines. » Cela signifie que le Premier ministre veut lui-même que le FISAC soit utilisé pour des projets en rapport avec les zones franches urbaines.
Je me dis qu'à budget constant - 80 millions d'euros -, le pauvre FISAC, à la suite de la déclaration du Premier ministre, va devoir en plus intervenir dans les zones franches urbaines. À un moment, il y aura un problème.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. C'est sûr !
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Je comprends bien, monsieur le président de la commission des finances, qu'il faut faire un geste et je suis gêné de pénaliser l'AFII, parce que je sais qu'il faut défendre le commerce extérieur. Néanmoins, mon but étant de défendre le FISAC, je ne peux, à mon niveau, faire autrement que de prendre quelque part pour donner ailleurs.
A ce stade et tenant compte des déclarations du Premier ministre, je pense qu'abonder de 5 millions d'euros les crédits du FISAC est un minimum.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre. Je constate que M. Cornu a repoussé la proposition faite par le président de la commission des finances de modifier son amendement qui, s'il était adopté, supprimerait des crédits de l'AFII. Cela doit être bien clair aux yeux de tous ceux qui seront appelés à se prononcer sur cet amendement.
Le deuxième point est un peu plus politique.
Depuis 2002, je suis en charge du secteur des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales, et je n'ai vraiment pas l'impression, monsieur le président de la commission des finances, que mon action ait été mesurée à l'aune des crédits dont j'ai disposé.
Considérer que les PME n'attendent de la part de l'État que des dépenses publiques, c'est aller à l'encontre de la conception que j'ai de l'entreprise et à la liberté qui est essentielle à son développement.
Je souhaiterais donc que nous fassions attention à ce qu'une lecture trop étroitement budgétaire de l'organisation gouvernementale ne fasse oublier une chose essentielle : un ministre peut être en mission, cette mission peut être efficace et représenter un levier politique puissant sans pour autant que les crédits alloués soient importants.
Ce que je dis a été démontré entre 2002 et 2005 sur la création d'entreprise, le développement des entreprises, la transmission des entreprises et le climat général du secteur de la petite et de la moyenne entreprise.
Certes, nous sommes dans le cadre d'un examen budgétaire. Toutefois, ne réduisons pas l'action politique d'un gouvernement et des ministres qui le composent aux seuls crédits qu'ils dépensent car, si cette conception est admissible pour certains membres de l'opposition, il me semble qu'elle ne l'est pas pour les membres de la majorité.
Cela dit, monsieur le président de la commission des finances, je suis tout à fait favorable à ce que nous améliorions l'efficacité du FISAC. Je soumettrai des propositions aux parlementaires, et notamment aux sénateurs, qui s'intéressent de très près à cet outil.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, rapporteur pour avis.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Je tiens à rappeler que cet amendement a été soutenu à l'unanimité par la commission des affaires économiques. Aujourd'hui, je renouvelle ce soutien.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée. Je désire renforcer le point de vue exprimé par M. le président de la commission des finances en considérant cette somme de 5 millions d'euros dans un contexte international.
Vous le savez, un ministre délégué au commerce extérieur passe les trois-quarts de son temps hors du territoire national afin d'accompagner les entreprises françaises, d'encourager les exportations, mais aussi afin d'encourager les investisseurs étrangers à investir en France plutôt qu'ailleurs.
Il faut savoir que, depuis à peu près un mois et demi, l'ensemble des questions que je reçois de la part des entreprises, de la part des pouvoirs publics de tous les pays d'où peuvent provenir des investissements, concernent l'état de déliquescence et de déclin de la France.
Nous nous attachons à rassurer, mettant l'accent sur l'action des pouvoirs publics et essayant de minorer les effets assez désastreux, orchestrés par la presse, liés aux problèmes qui ont affecté nos banlieues.
Dans ce contexte, il serait tout à fait contre-productif d'interrompre des campagnes destinées à mettre en valeur l'image de la France dans les médias internationaux, dans the economist, à la BBC, sur CNN, qui sont tous des vecteurs d'opinion extrêmement importants pour les décideurs économiques.
Je vous rappelle que la France est aujourd'hui le quatrième pays d'accueil des investissements étrangers, et nous tenons absolument à maintenir cette position, voire à l'améliorer.
Dans ce contexte, transférer ailleurs les 5 millions d'euros essentiellement destinés à financer une campagne destinée à valoriser l'image de la France serait tout à fait désastreux.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais d'abord saluer les propos de M. Dutreil qui sont éminemment « lolfiens » : un bon budget n'est pas forcément un budget dont les crédits progressent.
Nous allons d'ailleurs nous préparer à saluer et à rendre hommage à tous les ministres qui viendront avec des budgets dont les crédits seront en baisse. (Sourires.)
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. Et oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Sinon les propos que nous avons tenus lors de la discussion générale pour nous indigner face au déficit public et à l'amoncellement de dettes seraient d'une duplicité insupportable. Nous avons un devoir de cohérence, mes chers collègues.
Concernant l'AFII, je voudrais bien un jour examiner ce que l'on intègre dans les investissements étrangers en France. Je me demande s'il n'y a pas d'investissements immobiliers et si on ne se raconte pas quelque histoire.
Par ailleurs, je ne suis pas sûr que l'attractivité de la France dépendra uniquement des campagnes de communication, madame le ministre. Il y a des actions infiniment plus profondes et structurelles qui sans doute rendraient la France infiniment plus attractive. Dès lors, nous n'aurions plus besoin de faire des campagnes de communication. Bien souvent, la communication se substitue à la réalité des choses.
Bref, 5 millions d'euros, ce n'est pas grand-chose et peut-être M. Cornu a-t-il des propositions à nous faire.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Madame le ministre, moi aussi j'ai la préoccupation de ne pas défendre un amendement qui aurait un effet désastreux à l'international.
Cela étant, il est hors de question pour moi de déshabiller l'AFII. Le budget de l'AFII était de 10 millions d'euros. Il a été porté à 15 millions d'euros, soit une augmentation de 50 %, ce qui n'est pas rien compte tenu des contraintes budgétaires actuelles.
S'agissant de la proposition de la commission des finances, avec l'assentiment de mes collègues de la majorité, je pense que nous pouvons faire un effort. J'ai peut-être été effectivement un peu dur mais, que voulez-vous, c'est le rôle des parlementaires que d'essayer de déplacer les lignes, et c'est un rôle parfois ingrat.
Si le budget de l'AFII passait à 11,5 millions d'euros, ce qui représenterait quand même une augmentation de 15 % - ce n'est déjà pas si mal - le budget du FISAC pourrait alors s'établir à 83,5 millions d'euros. Certes, ce n'est pas assez, je vous le dis franchement, chers collègues, mais cette solution permettrait de faire un effort tant pour l'AFII que pour le FISAC. Ces crédits supplémentaires auraient des effets bénéfiques dans nos provinces : 3,5 millions d'euros, pour une dépense moyenne de 40 000 euros par dossier, cela ferait une centaine de dossiers supplémentaires.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-49 rectifié, présenté par M. Cornu, au nom de la commission des affaires économiques, et ainsi libellé :
I - Créer le programme : développement des PME, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales.
II - En conséquence, modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Développement des entreprises Dont Titre 2 |
|
294.792.879 14.136.879 |
|
294.792.879 14.136.879 |
Développement des PME, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales Dont Titre 2 |
294.792.879 14.136.879 |
|
294.792.879 14.136.879 |
|
Contrôle et prévention des risques technologiques et développement industriel Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Régulation et sécurisation des échanges de biens et services Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Passifs financiers miniers |
|
|
|
|
TOTAL |
294.792.879 |
294.792.879 |
294.792.879 |
294.792.879 |
SOLDE |
0 |
0 |
Quel est l'avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement?
M. le président. L'amendement n° II-121, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Développement des entreprises Dont Titre 2 |
2 000 000 |
|
2 000 000 |
|
Contrôle et prévention des risques technologiques et développement industriel Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Régulation et sécurisation des échanges de biens et services Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Passifs financiers miniers |
|
|
|
|
TOTAL |
2 000 000 |
|
2 000 000 |
|
SOLDE |
+ 2 000 000 |
+ 2 000 000 |
La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Je présenterai en même temps l'amendement n° II-122, qui porte sur le même sujet.
En 1997 a été créée l'Agence nationale des fréquences. En effet, les fréquences sont utilisées dans tous les domaines, et il faut disposer des compétences nécessaires pour pouvoir prendre part aux discussions techniques relatives à ces questions : l'Agence nationale des fréquences participe, que ce soit à l'échelon européen ou à l'échelon mondial, aux négociations internationales sur l'octroi des fréquences.
Depuis le 1er décembre 2004, elle mène en Alsace-Lorraine une expérimentation qui la conduit à contrôler elle-même le spectre et la protection contre les brouillages, contrôle qui, actuellement, revient au Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA. Les conclusions de cette expérimentation nous ont été présentées voilà quelques semaines, et nous en avons déduit qu'il était désormais possible de confier à l'Agence l'ensemble de ce travail sur le plan national.
Cela entraîne une double conséquence. D'une part, il est indispensable de prendre une décision de principe, et c'est l'objet de l'amendement n° II-122, dans lequel il est précisé : « Le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'Agence nationale des fréquences prennent les mesures nécessaires pour assurer une bonne réception des signaux et concluent entre eux à cet effet les conventions nécessaires. » D'autre part, il faut rendre possible le financement de ces opérations par le transfert de 2 millions d'euros du budget du CSA vers celui de l'Agence nationale des fréquences. Tel est l'objet de l'amendement n° II-121.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas d'objection contre l'amendement n° II-121.
En revanche, elle s'interroge sur l'amendement n° II-122, qui lui paraît relever purement du règlement et ne pas avoir sa place dans un projet de loi de finances : ce cavalier budgétaire ne présente pas un grand intérêt.
M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Développement et régulation économiques », ainsi modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 76, 76 bis, 76 ter, 77, 78 et 78 bis, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Développement et régulation économiques ».
Article 76
I. - Dans le premier alinéa du a de l'article 1601 du code général des impôts, les montants : « 95,50 € », « 7 € », « 12,50 € » et « 102,50 € » sont remplacés respectivement par les montants : « 98 € », « 8 € », « 13 € » et « 104 € ».
II. - 1. Le deuxième alinéa du a de l'article 1601 du code général des impôts est supprimé.
2. Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 1601 A du même code, la référence : « au premier alinéa du a » est remplacée par la référence : « au a ».
M. le président. L'amendement n° II-43, présenté par M. Cornu, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Dans le I de cet article, remplacer le montant :
« 13 € »
par le montant :
« 14 € »
La parole est à M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Il s'agit de porter de 13 euros à 14 euros le droit fixe perçu par l'Assemblée permanente des chambres de métiers, l'APCM. Nous connaissons tous les missions de cette assemblée, parmi lesquelles figure celle de reverser aux chambres locales une partie non négligeable de ses ressources.
Notre amendement a donc pour objet de soutenir l'action de l'APCM.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. M. le ministre soulignait tout à l'heure que l'efficacité ne se mesurait pas à l'aune des crédits. La commission des finances se demande effectivement s'il faut mesurer l'efficacité de l'APCM à l'importance des crédits qui lui sont alloués ou s'il faut avoir de meilleures perspectives sur l'efficacité que pourrait avoir cet organisme avec des crédits inchangés. La commission s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
Elle tient cependant à rappeler qu'il serait peut-être bon que la loi de finances ne soit plus régulièrement sollicitée pour fixer les participations financières à des organismes de ce type. Il ne lui semble pas que ce soit au Parlement que revienne cette tâche : ces institutions doivent assumer leurs responsabilités et décider par elles-mêmes des participations de leurs mandants, qui jugeront de la nature de leur participation en votant pour ceux qui leur proposent une certaine efficacité, et pas forcément des tarifs.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Tout d'abord, j'indiquerai à la commission des finances que, s'agissant d'un prélèvement obligatoire qui ne peut être levé qu'avec l'exercice de la puissance publique, il est nécessaire que ce type de dispositions soient soumises à l'examen du Parlement, car, en réalité, c'est un impôt ; or c'est bien le rôle du Parlement que de décider comment l'impôt est levé.
Je partage votre sentiment, monsieur le rapporteur spécial, que nous ne devons pas évaluer les compagnies consulaires à l'aune de leurs recettes et des prélèvements obligatoires dont elles sont l'origine.
Cela étant, je voudrais rendre hommage à l'action qu'ont engagée les chambres de métiers et de l'artisanat depuis un certain nombre de mois, voire d'années, pour accompagner notre politique en faveur de l'artisanat. Elles se sont mobilisées sur des chantiers essentiels pour l'action gouvernementale : la création d'entreprise, la formation des artisans, les droits nouveaux apportés aux conjointes des artisans, l'apprentissage - aujourd'hui, une grande partie des apprentis français sont formés dans des CFA qu'elles gèrent.
Encore récemment, l'APCM, qui est la tête du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat, s'est mobilisée pour valoriser les nouveaux outils que nous avons instaurés en faveur des très petites entreprises de moins de dix salariés, les TPE, en particulier le contrat nouvelle embauche et le chèque emploi TPE. Certes, ces actions ont été lancées par le Gouvernement ; mais elles ne descendront pas jusqu'à chacun des 800 000 artisans français sans relais, à défaut desquels nous serons amenés à constater que notre communication politique est parisienne mais que, sur le terrain, règne la plus grande ignorance. Grâce à cette mobilisation de tous les réseaux, notamment des chambres de métiers et de l'artisanat, l'information est descendue de façon très fine jusqu'aux artisans.
L'APCM s'est aussi fortement mobilisée pour l'apprentissage, et elle aura encore à le faire dans le cadre de la nouvelle politique que le Gouvernement souhaite conduire en faveur des jeunes, notamment pour le développement du pré-apprentissage ou de l'apprentissage junior, qui nécessite aujourd'hui un examen attentif ; autant de nouvelles missions qui me paraissent justifier ce petit coup de pouce, très raisonnable, de 1 euro, c'est-à-dire le plus petit montant possible : on ne peut pas faire moins, puisque les services fiscaux réévaluent toujours à l'unité entière les augmentations de tarifs.
Cet amendement me paraît donc tout à fait raisonnable.
Je saisis l'occasion pour rappeler que l'APCM alimente et gère un fonds de péréquation destiné à donner des compléments de revenus aux chambres de métiers et de l'artisanat les plus petites, généralement situées en zone rurale ou dans les DOM-TOM, et bien souvent confrontées à des difficultés. Il est évident qu'elle aura d'autant plus à coeur d'exercer cette mission de solidarité et de péréquation et qu'il lui sera d'autant plus facile de la remplir que l'amendement de M. Cornu lui permettra de disposer de ressources plus importantes.
M. le président. L'amendement n° II-6 rectifié, présenté par M. Darniche et Mme Michaux-Chevry, est ainsi libellé :
À la fin du I de cet article, remplacer le montant :
« 104 »
par le montant :
« 106 »
La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Cet amendement vise à rectifier une erreur matérielle.
En effet, l'Assemblée nationale a voté la revalorisation du droit fixe pour les chambres de métiers départementales et régionales en omettant de modifier en conséquence le droit fixe pour les chambres de métiers des départements d'outre-mer.
En effet, le montant alloué aux chambres d'outre-mer correspond à l'addition du montant alloué aux chambres départementales et de celui des chambres régionales. Or, puisque ce sont respectivement 98 euros et 8 euros qui ont été alloués, le total doit atteindre 106 euros et non 104.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. Je voudrais tout d'abord faire remarquer à M. le ministre, à propos de l'amendement précédent, que l'augmentation du droit fixe est seulement de 1 euro, certes, mais que, lorsqu'on passe de 13 euros à 14, cela représente tout de même une hausse de 6 %.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Mais on ne peut pas faire moins !
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. Quand on passe de 1 euro à 2 euros, on double ! Il faut donc être prudent avec l'effet euro.
Quant à l'amendement de Mme Lucette Michaux-Chevry, la commission des finances a émis un avis évidemment favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 76, modifié.
(L'article 76 est adopté.)
Article additionnel après l'article 76
M. le président. L'amendement n° II-122, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 76, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article 22 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il contrôle leur utilisation.
« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'Agence nationale des fréquences prennent les mesures nécessaires pour assurer une bonne réception des signaux et concluent entre eux à cet effet les conventions nécessaires. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Je voudrais tout d'abord remercier le Sénat d'avoir adopté tout à l'heure l'amendement n° II-121, permettant ainsi à l'Agence nationale des fréquences de disposer des crédits nécessaires.
Toutefois, pour que l'Agence puisse utiliser ces crédits, il faut que soit modifiée la loi du 30 septembre 1986, par laquelle a créé le CSA, afin que celui-ci ait la possibilité de donner à l'Agence l'autorisation de se charger de cette mission. C'est pourquoi je préférerais que le Sénat adopte l'amendement n° II-122, quitte à confier à la commission mixte paritaire le soin de réexaminer ce point.
M. le président. La commission des finances s'est déjà exprimée.
La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. J'interviens en tant que président de la commission des affaires culturelles pour faire part de tout l'intérêt que porte celle-ci à la mesure proposée par le Gouvernement.
Le fait de conforter l'Agence nationale des fréquences va lui permettre d'agir de façon encore plus efficace et plus approfondie. En outre, la ponction qui est réalisée sur le budget du CSA n'allant pas jusqu'au bout de l'exercice, le Conseil supérieur disposera d'un crédit qu'il pourra utiliser pour mieux exercer ses missions. Nous ne pouvons que nous réjouir de ces deux mesures.
Je pense, comme François Loos, que c'est une bonne chose que d'acter dès aujourd'hui la mission confirmée de l'Agence nationale des fréquences.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je suis convaincu que les lois inutiles nuisent aux lois nécessaires : monsieur le ministre, si la convention n'est pas interdite, c'est qu'elle est possible !
J'ai bien entendu M. Valade. De fait, dans notre pays, il faut que la loi précise tout ce qu'il y a à faire. Et l'on déplore ensuite l'hyperréglementation, l'hyperlégislation, l'asphyxie législative et réglementaire !
Je suggère que nous fassions droit à votre requête, monsieur le ministre, et que, d'ici à la commission mixte paritaire, nous recueillions les meilleurs avis. Si nous pouvons éviter cette scorie qui n'a pas sa place dans la loi de finances, la commission mixte paritaire l'en éliminera.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 76.
Article 76 bis
Après le a du 1° de l'article L. 432-2 du code des assurances, il est inséré un a bis ainsi rédigé :
« a bis) Pour ses opérations d'assurance couvrant le risque de non-paiement des sommes dues par des entreprises à des banques, des établissements de crédit ou des compagnies d'assurance dans le cadre d'opérations de commerce extérieur dans des conditions prévues par décret ; ».
M. le président. L'amendement n° I--53, présenté par M. Doligé, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour insérer un a bis dans le 1° de l'article L. 432-2 du code des assurances, remplacer les mots :
des banques, des établissements de crédit ou des compagnies
par les mots :
des établissements de crédit ou des entreprises
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. Cet amendement est purement rédactionnel. En effet, la commission a estimé qu'il n'était pas nécessaire de mentionner à la fois les « banques » et les « établissements de crédit », les banques étant des établissements de crédit. De même, il n'est pas utile que figurent les « compagnies », le mot entreprise se suffisant à lui-même puisque les « compagnies d'assurance » sont en réalité des « entreprises d'assurance ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 76 bis, modifié.
(L'article 76 bis est adopté.)
Article 76 ter
I. - Pour 2006, l'augmentation maximale du taux de la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie prévue par la première phrase du deuxième alinéa du II de l'article 1600 du code général des impôts est fixée à 1 %.
II. - Pour les chambres de commerce et d'industrie dont les bases de la taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie pour 2006 diminuent par rapport aux bases imposées à leur profit en 2005 ou augmentent dans une proportion qui n'excède pas 1,5 %, le taux de l'année 2005 est corrigé en proportion inverse de la variation des bases constatée entre 2005 et 2006 ; le taux ainsi corrigé peut être augmenté dans la limite de 1,5 %. Cette disposition est applicable que la chambre de commerce et d'industrie ait ou non délibéré favorablement pour mettre en oeuvre un schéma directeur régional prévu par l'article L. 711-8 du code de commerce.
III. - Les chambres de commerce et d'industrie dont la circonscription s'étend sur plus de deux départements sont autorisées à augmenter le taux de taxe pour frais de chambres de commerce et d'industrie dans une limite qui ne peut être supérieure à 3 % en 2006 et 2 % en 2007 lorsque le taux qu'elles ont voté en 2005 est égal à celui résultant du produit qu'elles ont arrêté au titre de 2004. Cette disposition ne se cumule pas avec les dispositions des I et II. - (Adopté.)
Article 77
Les 1° et 2° du VII du E de l'article 71 de la loi de finances rectificative pour 2003 (n° 2003-1312 du 30 décembre 2003) sont ainsi rédigés :
« 1° Pour les produits des secteurs de la mécanique, des matériels et consommables de soudage, et du décolletage : 0,091 % ;
« 2° Pour les produits du secteur de la construction métallique : 0,25 % ; ». - (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 77
M. le président. L'amendement n° II-44, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l'article 77, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le VII de l'article 45 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30 décembre 1986) est ainsi rédigé :
« VII. - Les opérateurs exerçant les activités de communications électroniques mentionnées à l'article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques sont, à compter de l'année 2005, assujettis au paiement d'une taxe administrative dans les conditions prévues ci-après :
« 1° Le montant annuel de la taxe administrative est fixé à 20 000 euros. Toutefois :
« a. Les opérateurs ayant un chiffre d'affaires inférieur à 1 000 000 euros en sont exonérés.
« b. Les opérateurs exerçant à titre expérimental, pour une durée n'excédant pas trois ans, les activités visées au premier alinéa, en sont exonérés.
« c. Pour les opérateurs dont le chiffre d'affaires est compris entre 1 000 000 et 2 000 000 euros, le montant de la taxe est déterminé par la formule (CA/50 - 20 000), dans laquelle CA représente le chiffre d'affaires, entendu comme le chiffre d'affaires hors taxes lié aux activités de communications électroniques mentionnées à l'article L. 33-1 susvisé.
« Le bénéfice des dispositions prévues aux a, b et c est subordonné à la fourniture par l'opérateur, en application de l'article L. 33-1 susvisé, des justifications nécessaires.
« 2° Le montant de la taxe administrative résultant de l'application des dispositions du 1 est :
a. Divisé par deux lorsque les activités visées au premier alinéa sont limitées aux départements d'outre-mer ou couvrent au plus un département métropolitain.
b. Multiplié par quatre lorsque l'opérateur figure sur l'une des listes prévues au 8° de l'article L. 36-7 du code des postes et des communications électroniques.
« 3° La taxe est annuelle. Elle est exigible au 1er mai de l'année suivant l'année considérée. La taxe appelée au titre de l'année 2005 est exigible au 1er mai 2006.
« Les montants correspondant à la première année d'exercice sont calculés prorata temporis à compter de la date d'autorisation de l'activité ou de réception de la déclaration de l'opérateur par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Les montants correspondant à la dernière année d'exercice d'activité sont calculés prorata temporis à compter de la date de cessation d'activité de l'opérateur. »
La parole est à M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à exonérer totalement de l'acquittement de la taxe administrative de 20 000 euros tous les opérateurs de réseaux ouverts au public et les fournisseurs de services de communications électroniques, dont le chiffre d'affaires lié aux activités de télécommunications est inférieur à un million d'euros, et de limiter son poids à moins de 1 % du chiffre d'affaires pour les acteurs dont celui-ci est compris entre un million et deux millions d'euros.
Ces petits opérateurs, spécialisés dans les technologies alternatives de type Wifi ou Wimax, comme l'a rappelé tout à l'heure M. le ministre de l'industrie, sont efficaces pour couvrir en haut débit les zones rurales, en complément de l'ADSL, qui ne peut pas être installé sur les lignes téléphoniques longues. Le maintien de l'activité de ces opérateurs est donc essentiel pour l'aménagement du territoire. Or, si on les taxe trop fortement, ils risquent de disparaître.
D'où cet amendement, qui sera neutre pour les finances publiques, le produit de la taxe susceptible d'être appelée au titre de 2005 restant égal à celui qui a été perçu en 2004, soit 2,2 millions d'euros.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. Cet amendement nous paraît très positif, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 77.
L'amendement n° II-45, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l'article 77, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A la fin du deuxième alinéa de l'article L. 44 du code des postes et des communications électroniques, les mots : «, destinée à couvrir les coûts de gestion du plan de numérotation téléphonique et le contrôle de son utilisation » sont remplacés par les mots : « qui tient compte de la nécessité d'assurer une utilisation optimale de cette ressource ».
La parole est à M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis. Cet amendement supprime l'obligation, pour les redevances liées aux ressources de numérotation, de refléter les coûts de gestion du plan national de numérotation téléphonique établi et géré par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'ARCEP, et soumet l'attribution de ces ressources au paiement de redevances reflétant réellement leur rareté.
Son objectif est de rapprocher le financement de l'attribution des numéros téléphoniques de celui qui s'applique au domaine des fréquences radioélectriques, qui constituent également une ressource rare.
Il a été adopté à l'unanimité par la commission.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. La commission a le même avis sur cet amendement que sur celui que vient de présenter le Gouvernement et qu'elle a considéré comme un cavalier.
Elle estime que cet amendement n'apporte pas grand-chose, mais, si on lui réserve le même sort qu'à celui du Gouvernement, il va sans doute finir par être adopté. (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 77.
Article 78
Les droits et obligations afférents aux contrats d'emprunts figurant au bilan de l'établissement public dénommé « Entreprise minière et chimique » ainsi qu'aux instruments financiers à terme qui y sont associés sont transférés à l'État à compter de la date de dissolution de cet établissement et, au plus tard, le 31 janvier 2006. Les intérêts afférents à cette dette ou au refinancement de celle-ci seront retracés au sein du compte de commerce « Gestion de la dette et de la trésorerie de l'État », en qualité d'intérêts de la dette négociable.
Ce transfert n'ouvre droit ni à remboursement anticipé, ni à la modification des conditions auxquelles les contrats d'emprunts ont été conclus.
Est en outre autorisé, à l'issue de la liquidation de l'établissement, le transfert à l'État des éléments de passif subsistant à la clôture du compte de liquidation, des droits et obligations nés de l'activité de l'établissement ou durant la période de liquidation et non connus à la fin de celle-ci, et du solde de cette liquidation. - (Adopté.)
Article 78 bis
A l'occasion de la présentation du projet de loi de finances de l'année, le Gouvernement transmet aux commissions chargées des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur les opérations effectuées par la Coface pour le compte de l'État. - (Adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Développement et régulation économiques ».
engagements financiers de l'état
compte d'affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l'état
compte d'affectation spéciale : participations financières de l'état
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits des missions : « Engagements financiers de l'État », « Compte d'affectation spéciale : gestion du patrimoine immobilier de l'État », « Compte d'affectation spéciale : participations financières de l'État ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Paul Girod, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Engagements financiers de l'État », pour 2006, représente quelque 40,68 milliards d'euros. C'est, par son volume, la troisième mission la plus importante du budget général, dont 95 % des crédits - 38,93 milliards d'euros - correspondent au seul programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État », qui abrite la gestion des titres de dette aujourd'hui émis par l'Agence France Trésor.
Par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2005, la charge nette de la dette, en dehors des opérations d'échange de taux d'intérêt, devrait diminuer l'année prochaine de 2,2 %, soit 880 millions d'euros. Cette situation résulte, pour l'essentiel, du maintien des taux d'intérêt à un niveau historiquement bas, quoique hélas, monsieur le ministre, la décision que vient de prendre la banque centrale européenne, il y a quarante-huit heures, conduit à s'interroger sur le sujet.
En effet, le stock prévu en 2006 s'établissait dans le bleu à 97,2 milliards d'euros. Il a été diminué de 200 millions d'euros par un amendement du Gouvernement à l'article 51, lors du vote de l'article d'équilibre au Sénat. La hausse du quart de point qui vient d'être décidée par la Banque centrale européenne devrait normalement avoir une incidence de 242,5 millions d'euros.
Je pense que vous aviez anticipé cette hausse, monsieur le ministre, mais je serais heureux, en tant que rapporteur spécial, que vous nous confirmiez que tel est bien le cas, sinon nous serions obligés de nous interroger sur la réalité de la situation.
En tout état de cause, cette diminution de la charge de la dette de l'État pour 2006 - si elle est confirmée - ne doit masquer ni l'importance du stock de la dette, ni sa progression constante, ni d'ailleurs sa fragmentation. Je rappellerai que nous avons eu, mercredi dernier, un débat intéressant sur ce sujet.
Il n'en reste pas moins que la dette négociable gérée par l'Agence France Trésor, au 30 septembre de cette année, a atteint 874 milliards d'euros et que son rythme de progression actuel - ce qui est encore plus grave - est de l'ordre de 4 % par an, c'est-à-dire plus de deux fois l'inflation.
En outre, si, pour 2006, on s'attend à ce que les taux d'intérêt remontent encore, l'impact budgétaire de cette hausse ne sera visible qu'en 2007 et, cette fois-ci, c'est l'élaboration du projet de loi de finances pour 2007 qui se révélera plus problématique encore.
Pour le reste, je souhaiterais évoquer la stratégie de performance du programme « Appels en garantie de l'État » et du programme « Épargne ». En effet, la commission des finances a estimé que des améliorations en la matière étaient souhaitables, afin d'établir de véritables indicateurs de performances, au lieu des indicateurs actuellement en place, que l'on pourrait qualifier d'indicateurs « de contexte ».
Au demeurant, alors que les objectifs et indicateurs associés au programme « Charge de la dette et trésorerie de l'État », précis et pertinents, reflètent un très fructueux dialogue entre l'Agence France Trésor et les commissions des finances des deux assemblées, les préconisations formulées par le Parlement, pour ce qui concerne la mesure de la performance du programme « Appels en garantie de l'État » et du programme « Épargne », n'ont pas été suivies d'effet pour ce projet de loi de finances. La commission, naturellement, le regrette.
J'en viens à présent aux deux comptes spéciaux.
Le compte « Participations financières de l'État » retrace non pas directement la politique de l'État actionnaire, mais les seules opérations de patrimoine relatives aux entreprises dans lesquelles il détient des participations. Pour 2006, près de 12 milliards d'euros sont consacrés au désendettement de l'État et de ses établissements publics, soit l'établissement public de financement et de restructuration amortissant la dette du Crédit Lyonnais, Charbonnages de France, et la Caisse de la dette publique.
Le reste des crédits, 1,9 milliard d'euros, est consacré aux augmentations de capital de la direction des constructions navales, de GIAT-Industries et de la SNCF, ainsi qu'à la capitalisation de la future société de valorisation des biens immobiliers auparavant détenus par Réseau ferré de France, RFF, créée par ce projet de loi de finances. L'essentiel des recettes du compte devrait provenir de la privatisation partielle des trois sociétés d'autoroutes.
La commission des finances estime que la justification de ces crédits dans le bleu budgétaire, contrairement à l'esprit de la LOLF, monsieur le ministre, est pour le moins approximative. Elle est globale, alors qu'une justification « au premier euro » supposerait le détail des crédits affectés à chaque opération. En outre, les dotations à l'Agence nationale de la recherche, à l'Agence de l'innovation industrielle et à l'Agence de financement des infrastructures de transports en France, annoncées par le Gouvernement comme financées par les privatisations en 2006, ne figurent pas dans le compte « Participations financières de l'État ». Par conséquent, la commission s'interroge sur la pertinence de cette stratégie de « débudgétisation », alors que la LOLF devait engendrer une plus grande transparence et, sur cette question, monsieur le ministre, la commission donne au Gouvernement un assez mauvais point.
Le compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », quant à lui, s'inscrit dans le cadre de la dynamisation de la gestion des biens immeubles de l'État menée depuis 2004. Il a été introduit à la suite des travaux du Parlement. La commission se félicite de cette innovation, et elle sera particulièrement attentive aux réalisations auxquelles conduira la politique entreprise en 2006 : 479 millions d'euros de cession sont attendus.
Cependant, le compte est assorti d'un indicateur de performance unique, qui mesure le « nombre d'immeubles dont la cession sera proposée grâce à une prise d'initiative formelle du service des domaines ». Cet indicateur ne concernant que le nombre des immeubles cédés est de toute évidence incomplet : il ne permet pas de rendre compte du montant des cessions ainsi réalisées. La commission souhaite donc l'introduction d'un indicateur complémentaire qui permette de mesurer la performance au moment de la vente entre l'estimation des domaines et les sommes réellement perçues. Monsieur le ministre, cela nous semblerait être le moins que peut attendre le Parlement en la matière.
Cela dit, mes chers collègues, avec cependant trois questions, la première concernant le relèvement des taux de la banque centrale européenne, la deuxième, l'opacité des participations financières de l'État et la manière dont elles nous sont présentées et la troisième, de moindre importance, concernant la création d'un indicateur complémentaire sur la gestion immobilière de l'État, la commission des finances vous recommande l'adoption des crédits de la mission et des deux comptes spéciaux.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Adeline Gousseau, en remplacement de M. Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d'abord vous prier d'excuser mon collègue M. Michel Bécot, rapporteur pour avis sur la mission « Participations financières de l'État », au titre de la commission des affaires économiques, qu'un contretemps a empêché de venir vous présenter l'avis de la commission sur ce compte, inscrit au projet de loi de finances pour 2006, ce qui me conduit à le faire à sa place.
Comme vous le savez, ce compte retrace la gestion des parts que l'État détient dans le capital de certaines entreprises. Il peut s'agir, bien sûr, d'entreprises publiques ayant un statut de société, comme EDF, ou d'établissements publics, comme la SNCF, mais il peut aussi s'agir d'entreprises à capital majoritairement privé comme Renault ou, depuis l'année dernière, comme Alstom.
Suivre le compte des participations financières de l'État présente donc un double intérêt : d'une part, un intérêt budgétaire, puisque ce compte fait apparaître les recettes des privatisations ainsi que leur utilisation et, d'autre part, un intérêt économique, puisque les entreprises concernées représentent plus de 1 300 000 emplois et près de 9 % de la production nationale.
Pour l'année 2006, l'enjeu budgétaire est considérable, puisque le Gouvernement s'est engagé dans un effort sans précédent de désendettement public en y consacrant 12 milliards sur les 14 milliards d'euros de privatisations prévus. Je rappelle que, sur ces 14 milliards d'euros, 13 milliards proviennent de la cession des sociétés d'autoroutes.
J'en viens à l'enjeu économique. Il est essentiel, car les opérations de privatisation ou de recapitalisation des entreprises ne constituent que la traduction budgétairement visible d'une politique beaucoup plus large : celle de la valorisation du patrimoine de l'État, qu'il s'agisse de ses actifs comme de son passif.
La bonne valorisation des participations de l'État est une exigence pour les entreprises ayant vocation à être privatisées mais aussi pour les autres.
En ce qui concerne cette préoccupation, je souhaiterais formuler, dans l'esprit de la LOLF, deux remarques et deux questions.
Première remarque en forme de satisfaction : l'État a considérablement professionnalisé son intervention en tant qu'actionnaire par la création il y a deux ans de l'Agence des participations de l'État, qui a d'ores et déjà contribué à améliorer la gouvernance des entreprises publiques.
Deuxième remarque et deuxième satisfaction : le fait que le Gouvernement fasse de la bonne santé de ses participations financières son objectif premier, avant même la réussite des opérations de cessions, comme en témoigne le programme annuel de performance qui nous a été présenté.
Si la hiérarchie des objectifs de la mission est la bonne, la commission des affaires économiques a manifesté en revanche quelques réserves quant aux indicateurs de performances qui leur sont associés.
Ils sont en effet globalement trop prudents s'agissant des performances de gestion des entreprises concernées. Peut-être cette prudence provient-elle du caractère trop hétérogène des entités concernées, qui vont de Renault à la RATP. Cela nous amène à suggérer le choix d'indicateurs différenciés selon qu'il s'agit ou non d'entreprises gestionnaires de service public. Monsieur le ministre, nous souhaitons avoir votre sentiment sur ce sujet.
Le second objectif de la mission est de réussir les opérations de cessions de participations. La commission des affaires économiques estime que les indicateurs proposés pourraient être avantageusement complétés par un critère permettant de savoir à combien d'années de bénéfices de l'entreprise correspond la valeur des actions vendues. Il s'agirait d'une bonne mesure de l'intérêt patrimonial des opérations de privatisations, comme l'a montré le débat récent sur les privatisations de sociétés autoroutières. Monsieur le ministre, pourriez-vous également nous donner le sentiment du Gouvernement sur ce point.
Comme dans bien des domaines, la première année de mise en place de la LOLF laisse des marges importantes d'amélioration.
Quoi qu'il en soit, la nouvelle présentation du budget, l'action de l'Agence des participations de l'Etat et la publication du rapport annuel relatif à l'État actionnaire constituent de véritables progrès dans le sens d'une gestion plus transparente et plus performante du patrimoine des Français ; la commission des affaires économiques s'en félicite.
Cette amélioration du cadre nous incite encore davantage à donner un avis favorable sur le contenu des recettes et des dépenses qui nous sont proposées pour 2006.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme M. le rapporteur spécial vient de le rappeler, les crédits de cette mission s'élèvent à près de 41 milliards d'euros, soit environ un septième de la totalité des dépenses budgétées en 2006.
L'essentiel des crédits de cette mission correspondent aux charges communes des budgets précédents, c'est-à-dire le service de la dette publique. Un débat thématique a eu lieu sur ce sujet : je n'y reviens donc pas.
Mon intervention portera sur les mesures qui ont été prises en direction de l'épargne, sur les politiques immobilières et sur les participations de l'État.
S'agissant de l'épargne, la mission est porteuse de crédits évaluatifs pour un montant de 1,2 milliard d'euros, la quasi-totalité de cette dépense étant liée au financement de l'épargne logement.
Plus de 7,5 milliards d'euros de dépenses fiscales sont mobilisés sur ce programme. Cela concerne notamment les conditions de la défiscalisation des livrets d'épargne, qu'il s'agisse du livret A, du livret bleu, des comptes pour le développement industriel et de bien d'autres.
Ces formes de financement d'un certain nombre d'actions économiques mériteraient, nous semble-t-il, d'être expertisées avec plus de précision afin d'en apprécier la « performance ».
Il serait également souhaitable de mieux connaître l'usage des fonds de garantie existant en ces matières.
En ce qui concerne la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat, la création d'un compte spécial relatif à toutes les opérations menées sur ce patrimoine s'inscrit dans une démarche de valorisation que nous estimons devoir être encadrée.
L'absence de visée sociale nettement affirmée dans la politique de valorisation du patrimoine de l'État soulève quelques questions.
Les conditions de vente du patrimoine public, notamment les immeubles bâtis situés en centre-ville, risquent d'obérer tout espoir de transformation des locaux cédés en logements sociaux de qualité ou en équipements collectifs indispensables.
Les prix de vente proposés portent naturellement vers la réalisation soit de bureaux de standing, soit de logements en location ou en accession dite libre, donc à des prix bien souvent trop élevés.
Les mêmes observations valent d'ailleurs pour ce qui est de la politique de l'Etat en matière de gestion de ses participations au capital d'entreprises.
Nous savons parfaitement que la majorité appelle de ses voeux un large désengagement de l'Etat dans les champs ouverts à la concurrence. Mais cette politique a deux défauts essentiels.
D'une part, elle prive la nation d'un outil majeur d'impulsion de la vie économique du pays, au travers des politiques menées par les entreprises publiques dans leurs domaines respectifs de compétence.
D'autre part, elle met l'économie à la remorque des soubresauts et des incertitudes nées de la privatisation élargie de nombreux champs d'activité.
Les objectifs assignés, dans son exécution, au compte d'affectation spéciale sont parfaitement éclairants dans ce domaine. Il s'agit de veiller à l'augmentation de la valeur des participations financières de l'Etat, d'assurer le succès des opérations de cessions des participations financières, de contribuer au désendettement de l'Etat et d'administrations publiques.
Aucun de ces indicateurs ne porte sur l'impact réel de l'intervention des entreprises à capitaux publics dans la vie économique et sociale du pays.
Il n'y a pas de mesure de la qualité de l'action, de la satisfaction éventuelle des usagers, pas d'indicateurs sur le caractère utile des investissements effectués par ces entreprises.
Lorsque l'on constate qu'EDF a perdu un milliard d'euros lors de son introduction en bourse, on mesure le caractère plus que discutable des choix imprimés à la gestion des participations financières de l'État.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen ne peut que rejeter les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et des deux comptes spéciaux qui lui sont joints.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, madame la rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, j'aborderai successivement les engagements financiers de l'État, le compte d'affectation spéciale de la gestion immobilière de l'État, enfin le compte d'affectation spéciale sur les participations financières de l'État.
S'agissant tout d'abord de la charge de la dette et la trésorerie de l'État, nous avons eu l'occasion voilà deux jours, M. Girod s'en souvient, d'évoquer très longuement cette politique. Ce programme retrace les crédits afférant à la charge nette de la dette et la loi organique relative aux lois de finances rend sa présentation plus lisible.
Il faut se féliciter de la réduction prévisionnelle de la charge nette de la dette de 39,85 milliards d'euros à 39,17 milliards d'euros entre 2005 et 2006, en dépit d'une augmentation prévisionnelle de l'encours de 41 milliards d'euros.
Cette situation est exceptionnelle. Elle reflète le bas niveau des taux d'intérêt. Mais, comme la Banque centrale européenne l'a rappelé, nous sommes exposés à un risque de hausse des taux, donc d'augmentation de la charge d'intérêt.
Ce constat a conduit le Gouvernement à allouer 12 milliards d'euros de recettes de privatisation au désendettement des administrations publiques, dont 10 milliards issus du produit de la privatisation des sociétés autoroutières.
La mission « Engagements financiers de l'État » est le deuxième poste de dépenses de l'État. Désormais, l'article d'équilibre fixe le plafond de la variation nette de la dette négociable de l'État d'une durée supérieure d'un an. Il sera, en 2006, de 41 milliards d'euros. Il s'agit là d'une nouveauté essentielle, dont je sais que les modalités ont été préparées avec soin par la commission des finances. Ce plafond devient ainsi un gage de la sincérité des prévisions budgétaires.
J'en viens maintenant au compte d'affectation spéciale de la gestion immobilière de l'État.
Depuis l'été dernier, j'ai décidé de m'impliquer personnellement sur le sujet de l'immobilier de l'État. Je considère que le rapport de la mission parlementaire, dont le rapporteur était Georges Tronc, a mis les pieds dans le plat s'agissant de l'incapacité de l'État à conduire une politique claire, lisible et qui correspondent aux attentes des uns et des autres. Je suis en train de mettre en oeuvre un plan d'action très opérationnel, transparent, dont le compte d'affectation spéciale est une composante.
Je suis convaincu que les choses commencent à bouger. D'abord, parce que nous disposons d'instruments de gestion. Ensuite, parce que nous savons désormais que l'immobilier de l'État compte 26 000 immeubles pour une valeur de 33 milliards d'euros. La simplification des procédures a été engagée, avec le déclassement des bureaux.
Toutefois, l'État était encore en deçà des objectifs. J'ai donc « tapé du poing sur la table » de manière que nous nous fixions des objectifs que nous puissions tenir. C'est le cas. Nous étions à 170 millions d'euros en 2004. Nous serons à 600 en 2005, ce qui démontre qu'avec de l'organisation, des équipes mobilisées et une volonté politique, la machine fonctionne beaucoup mieux.
Cela dit, comme j'ai eu l'occasion de le souligner à maintes reprises, madame la rapporteur pour avis, vendre n'est pas une fin en soi. Il ne s'agit pas de vendre pour le plaisir. Il s'agit de vendre dans une optique de réforme de l'État et de qualité de travail pour nos fonctionnaires. C'est dans cet esprit que je travaille.
Le montant prévisionnel des produits de cession est fixé à 480 millions d'euros en 2006, ce qui est un niveau ambitieux, d'autant qu'il y aura moins d'opérations exceptionnelles. Si nous faisons mieux, ce sera très bien.
Les ministères pourront utiliser 85 % au plus des produits des cessions des immeubles qu'ils occupent pour leurs dépenses immobilières, ce qui n'est pas négligeable, le reste étant reversé au budget général et viendra réduire la dette.
En parallèle, j'ai pris la décision d'anticiper ce dispositif en projet de loi de finances rectificative, ce qui permettra de l'appliquer aux produits de cessions réalisés en 2005 et d'accélérer sa mise en place en 2006.
J'ai aussi décidé d'expérimenter les loyers budgétaires, en m'inspirant des préconisations du Parlement et d'expériences étrangères.
Enfin, compte tenu de vos questions, voici des précisions sur la dynamisation de l'administration des domaines. Je veux que l'administration des domaines propose et monte cent opérations au cours de l'année 2006. J'ai décidé d'en faire un véritable service, appelé France Domaines. Je veux que tout soit formellement en place au 1er janvier 2007.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est une belle réforme.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je savais que vous seriez sensible à cette initiative !
La préparation du projet de loi de finances a été l'occasion de préciser les objectifs poursuivis à travers le programme « Participations financières de l'État ».
L'Etat actionnaire doit veiller aux intérêts patrimoniaux de ce qui constitue un élément du patrimoine collectif.
Lorsqu'elle est décidée, la cession d'une participation doit être parfaitement maîtrisée. La question est de savoir si ces cessions sont réalisées au meilleur moment de l'année et dans les meilleures conditions de coûts pour l'État. C'est dans cet esprit que nous travaillons.
Cet objectif me conduit à aborder la question des prévisions de recettes du compte « Participations financières de l'État ». Ces prévisions intègrent la cession des sociétés autoroutières, ainsi que le produit résultant de l'offre réservée aux salariés dans le cadre de l'opération EDF. Ce sont au total 14 milliards d'euros qui pourraient être enregistrés en recettes.
Les choix d'affectations de ces recettes qui ont été faits sont doubles et je vais à cette occasion répondre aux questions posées par la commission des finances s'agissant de la justification au premier euro des dépenses.
Il s'agit, en premier lieu, de permettre à l'Etat de jouer pleinement son rôle d'actionnaire. Même si elle diminue, cette part demeure importante, puisque, en 2006, 1,9 milliard d'euros devraient y être consacrés.
Il s'agit pour l'essentiel de la poursuite de la recapitalisation de GIAT-Industries, pour 350 millions d'euros, du financement de la restructuration de l'activité fret de la SNCF, pour 450 millions d'euros, et de la libération de l'avant-dernière tranche de la capitalisation de DCN, pour 150 millions d'euros. S'y ajoute la dotation à la société de valorisation des biens immobiliers de RFF ainsi qu'une réserve « de précaution ».
Il n'y aura en 2006 ni substitution du compte d'affectation spéciale au budget général ni financements qui auraient un caractère de subvention ou qui pourraient s'apparenter à une mise de fonds sans perspective de retour clairement identifiable.
Les recettes de cession pourront donc être affectées massivement au désendettement des administrations publiques, qu'il s'agisse des établissements publics qui entrent dans cette catégorie, tels que Charbonnages de France et l'Établissement public de financement et de restructuration, l'EPFR, ou de l'Etat directement, pour 10 milliards d'euros, comme cela avait été fait en 1987 et 1988. Le niveau actuel de notre dette exige en effet de notre part une réaction vigoureuse.
Dans ce contexte, une dotation en capital de 4 milliards d'euros en faveur de l'Agence de financement des infrastructures de transport en France, l'AFITF, sera bien effectuée avant la fin de l'année 2005 à partir du compte d'affectation spéciale, comme l'état d'avancement du processus de cession des participations de l'Etat dans les sociétés d'autoroutes devrait le permettre.
De même, monsieur le rapporteur spécial, il y aura bien une dotation avant la fin de 2005 pour l'Agence de l'innovation industrielle et pour l'Agence nationale de la recherche.
Bien gérer, bien vendre lorsque cela est utile et possible, et ce afin de pouvoir contribuer de manière significative au désendettement des administrations publiques : tels sont donc les trois grands objectifs de l'Etat actionnaire.
J'ajoute, à l'intention de madame le rapporteur pour avis et de Mme Beaufils, qu'il faut en effet mesurer l'efficacité des services publics avec des indicateurs de performances. En revanche, ce n'est pas nécessairement au sein du programme « Cession de participations » qu'il faut les insérer. Il faut avoir une optique plus large.
Je conclurai en évoquant les conséquences du relèvement des taux décidé par la Banque centrale européenne. Comme vous le savez, monsieur le rapporteur spécial, nous avions provisionné une majoration progressive des taux d'intérêt à court et long termes. C'est la contrepartie heureuse de la reprise de la croissance économique.
Par ailleurs, comme le souligne de manière assez claire le Gouverneur de la Banque centrale européenne, il s'agit surtout d'une démarche de prévention. Il est important de garder cela présent à l'esprit.
Dans le projet de loi de finances, nous avons retenu une hypothèse de taux à trois mois d'une moyenne de 2,3 % en 2006. Pour l'heure, la Banque centrale relève ses taux à 2,25 %. Nous sommes encore dans les clous, si je puis dire. Nous devons néanmoins faire preuve de la plus grande vigilance. Les options que nous avons retenues sont consensuelles. De ce point de vue, nos hypothèses budgétaires sont parfaitement sincères.
Engagements financiers de l'état
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission : « Engagements financiers de l'État », figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 40 689 500 000 euros ;
Crédits de paiement : 40 689 500 000 euros.
M. le président. L'amendement n° II-126, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Charge de la dette et trésorerie de l'État (crédits évaluatifs) |
|
|
|
|
Appel en garantie de l'État (crédits évaluatifs) |
5.000.000 |
|
5.000.000 |
|
Épargne |
|
|
|
|
Majoration de rentes |
|
|
|
|
Versement à la Caisse nationale d'allocations familiales Dont Titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
5.000.000 |
|
5.000.000 |
|
SOLDE |
+5.000.000 |
+5.000.000 |
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. A partir du 1er janvier 2006, l'État reprendra à sa charge les engagements souscrits par le fonds de garantie de l'accession sociale à la propriété, le FGAS.
À la suite des négociations avec les banques, un accord global a été trouvé. Il permettra de garantir dans les mêmes conditions de sécurité l'ensemble des prêts, c'est-à-dire les prêts accordés dans l'ancien système du FGAS et ceux qui seront couverts par le nouveau système, système que nous sommes en train de finaliser avec les établissements de crédit.
Désormais, l'État indemnisera les banques, tant pour les anciens prêts que pour les nouveaux, sur la base des sinistres constatés et non plus par le versement d'une cotisation annuelle à un fonds.
Soucieux d'assurer dans de bonnes conditions la transition avec le nouveau système, le Gouvernement a décidé de doter ce programme de 5 millions d'euros au titre de cette garantie. Ce montant est important au regard des sinistres indemnisés depuis l'origine, au total environ 8 millions d'euros, soit moins d'un million d'euros par an. Toutefois, le Gouvernement a souhaité asseoir la crédibilité du nouveau système et se prémunir contre une évolution défavorable de la sinistralité de ces prêts.
Un amendement miroir réduisant d'autant les crédits de la mission : « Ville et logement » a été présenté à l'occasion de la discussion de cette mission. Voilà qui devrait apaiser les appréhensions nombreuses et bruyantes du système bancaire français, et, en tout état de cause, j'espère que cela mettra un terme aux arrière-pensées qui ne me paraissent vraiment pas adaptées en la circonstance.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Paul Girod, rapporteur spécial. Il s'agit d'un amendement miroir d'une disposition déjà prise. Par conséquent, la commission y est favorable.
M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission : « Engagements financiers de l'État », ainsi modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
Gestion du patrimoine immobilier de l'état
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits du compte d'affectation spéciale : « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 479 000 000 euros ;
Crédits de paiement : 479 000 000 euros.
M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte d'affectation spéciale : « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».
(Ces crédits sont adoptés.)
Participations financières de l'état
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits du compte d'affectation spéciale : « Participations financières de l'État », figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 14 000 000 000 euros ;
Crédits de paiement : 14 000 000 000 euros.
M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte d'affectation spéciale : « Participations financières de l'État ».
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission : « Engagements financiers de l'État », du compte d'affectation spéciale : « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et du compte d'affectation spéciale : « Participations financières de l'État ».
budget annexe des monnaies et médailles
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission : « Budget annexe des monnaies et médailles ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bertrand Auban, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai par poser deux questions.
Premièrement, comment faut-il qualifier ce budget annexe ? De budget « rescapé » ou de budget « condamné », car « hors la loi » ?
La loi, c'est désormais la LOLF. Son article 18 impose aux Monnaies et médailles, ce grand service public régalien qui participe au rayonnement de la France sous la marque prestigieuse « Monnaie de Paris », une triple condition : demeurer un service de l'État non doté de la personnalité morale, percevoir des redevances et les percevoir à titre principal. Or aucune recette n'a été qualifiée de redevance et, surtout, cette question juridique semble occultée par une question plus essentielle, celle du futur statut de la direction.
Cela m'amène à ma seconde question, teintée de regret.
Monsieur le ministre, vos services ont beaucoup travaillé sur ce dossier. Des décisions ont été prises. Les personnels concernés, forcément inquiets, ont enfin été informés, au début du mois de novembre, de ce qui pouvait les attendre. Mais le Gouvernement n'a pas jugé nécessaire de communiquer avec la représentation nationale. Ce n'est qu'en séance publique à l'Assemblée nationale qu'il a fini par annoncer son intention de transformer la direction en établissement public à caractère industriel ou commercial, EPIC, au 1er janvier 2007. Pourquoi tant de mystère, tant d'opacité autour de la direction des Monnaies et médailles ? En tout état de cause, s'il doit y avoir changement de statut, une concertation étroite avec le personnel me semble absolument nécessaire.
Mais revenons au budget « format LOLF » pour 2006, même si l'exercice peut paraître artificiel, parce que probablement sans prolongement sur 2007.
Cette mission, c'est 106 millions d'euros, 659 équivalents temps plein et deux programmes de poids comparables.
Le premier est le programme « Activités régaliennes », consacré essentiellement à la frappe de nos euros. Cette frappe sera de 818 millions de pièces en 2006, concentrée pour la troisième année consécutive sur les plus petites coupures. L'accroissement d'activité de 45 % se fait à effectif stable, signe d'une meilleure mobilisation des ressources humaines de l'établissement monétaire de Pessac.
Le second est le programme « Activités commerciales », qui couvre les secteurs des monnaies courantes étrangères, monnaies de collection, médailles, décorations et divers objets d'art. La Monnaie de Paris subit une concurrence féroce et souffre sur tous ses marchés. Les crédits demandés diminuent nettement pour s'adapter à une situation mêlant morosité et déconvenues. Ce programme supporte à lui seul la totalité de la baisse des effectifs de la mission : moins 31 équivalents temps plein.
Je tiens à insister sur les efforts sans relâche de toute la Direction des monnaies et médailles, DMM, pour « dépenser moins et mieux », efforts qui lui ont permis de diminuer radicalement son « point mort » et de demander une subvention limitée à 1,3 million d'euros cette année.
Je termine par le volet performances, pour lequel la DMM s'est montrée volontariste et constructive. Quelques propositions figurent dans mon rapport.
Pour l'essentiel, il s'agit de simplifier en supprimant certains indicateurs n'offrant pas de marge de progression, de clarifier le partage de responsabilité entre la DMM et le Trésor, d'étendre la couverture d'indicateurs très pertinents à des secteurs d'activités commerciales non retenus à ce stade et, enfin, d'ajouter un indicateur visant à bien cerner la rentabilité économique de notre institut monétaire, dont nous connaissons tous les forces et les faiblesses.
La Monnaie de Paris - et ce sera ma conclusion - doit en effet relever un double défi : d'une part, se placer au mieux lors d'une éventuelle réorganisation de la frappe dans une Europe à vingt-cinq et, d'autre part, trouver un équilibre entre la recherche d'activités bénéficiaires et la conservation d'un savoir-faire précieux.
Monsieur le ministre, les crédits 2006 pour ce budget annexe font l'objet d'un relatif consensus et nous ne disposons que d'un petit quart d'heure au total. Aurez-vous l'obligeance de concentrer votre réponse sur le statut et le devenir de la direction des Monnaies et médailles ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Je vais vous répondre !
M. Bertrand Auban, rapporteur spécial. Le Sénat manque cruellement d'informations à ce sujet.
Sous réserve de ces observations, il est proposé d'adopter les crédits du budget annexe.
M. le président. La parole est à Mme Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Comme vient de le dire le rapporteur spécial, le débat sur le budget annexe des Monnaies et médailles est évidemment dominé par le projet de transformation du statut de cette administration en établissement public industriel et commercial, annoncé au conditionnel, le 3 novembre dernier, aux élus du comité d'entreprise.
Ce projet de modification de statut s'appuie, bien sûr, sur les termes et l'interprétation de la loi organique relative aux lois de finances ; je n'y reviens pas, notre collègue rapporteur spécial l'ayant rappelé.
À dire vrai, il nous semble que la volonté du Gouvernement est plutôt d'avancer vers une privatisation des Monnaies et médailles, au travers de dispositions conduisant au développement de l'externalisation progressive des activités avant que, la coquille une fois vidée, le but recherché ne soit atteint !
Cette situation appelle plusieurs observations.
L'argument juridique ne nous semble pas bon. Ainsi, l'État a décidé de financer désormais les Journaux officiels, dont la situation est comparable à celle des Monnaies et médailles, par une redevance. Pourquoi ne pourrait-il pas faire de même pour les Monnaies et médailles ? Cette situation n'est pas sans inquiéter, de façon tout à fait légitime, les agents techniques et les personnels des Monnaies et médailles.
Les dernières années ont été marquées par des choix de gestion contestables.
Ainsi, à Pessac, 7,5 millions d'euros ont été investis dans le secteur de la fabrication des flans, disques qui permettent de fabriquer ensuite la monnaie. L'arrêt de ce secteur depuis trois ans représente, à notre avis, un énorme gâchis non seulement matériel, mais aussi humain. Ce choix entraîne une dépendance totale de la Monnaie vis-à-vis des fournisseurs de flans, avec des conséquences négatives en matière de délai et de qualité.
Parallèlement, les salariés de la Monnaie portent la revendication d'une étude sur les possibilités de diversification de Pessac, dans le cadre du service public, en coopération avec la Banque de France, concernant, par exemple, le tri et le conditionnement des pièces euro en circulation. Malgré l'engagement pris par le ministère en septembre 2004, aucune avancée sensible n'a été enregistrée en ce domaine.
L'avenir du site historique du quai de Conti à Paris est compromis du fait des transferts d'activité vers le site de Pessac. N'est-ce pas la cession des biens immobiliers qui est en fait prévue ? La valorisation est évidente dans un quartier comme le faubourg Saint-Germain.
Selon nous, les Monnaies et médailles doivent évidemment rester un budget annexe, et cela pour plusieurs raisons.
D'abord, battre monnaie est un droit régalien - le rapporteur le rappelait tout à l'heure - qui ne peut prendre corps dans un des multiples démembrements des outils de l'État. L'activité des Monnaies et médailles n'est d'ailleurs que subsidiairement commerciale : deux tiers de son chiffre d'affaires, sur une moyenne période, proviennent de la frappe monétaire. Certes, ce chiffre a baissé ces dernières années après l'introduction de l'euro. Mais tout laisse à penser que la frappe de nouvelles pièces reprendra bientôt. L'Espagne vient ainsi d'annoncer qu'elle allait refrapper des pièces d'un euro. Quant à notre pays, le programme euro redevient important, puisqu'il atteint 818 millions de pièces pour 2006.
Ensuite, la création d'un EPIC ne garantirait ni les fonds propres de ce budget annexe, ni les projets d'investissements futurs. Comme les Monnaies et médailles ne sont pas rentables - elles ne sont pas censées l'être d'ailleurs -, leur changement de statut ne pourrait évidemment que les fragiliser. Les trois quarts du programme 2006 concernent la frappe de pièces de 1 et 2 centimes d'euro, dont le coût de revient excède la valeur faciale...
C'est bien pour ces raisons que le projet a recueilli l'opposition de toutes les organisations syndicales des Monnaies et médailles. Tous les syndicats représentatifs l'ont rejeté. Le 10 novembre dernier, ce sont 70 % des ouvriers de Pessac qui se sont mobilisés contre ce projet.
Pour notre part, nous nous prononçons pour que les Monnaies et médailles restent organisées comme un budget annexe dans le cadre d'une mission monoprogramme. Cela nous semble indispensable pour la fiabilité de l'ensemble de la production de monnaie métallique dans notre pays. Par conséquent, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne voteront pas les termes de ce budget annexe.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Je voudrais tout d'abord rassurer Mme Beaufils et M. Auban : nous travaillons de manière très méthodique sur le service des Monnaies et médailles.
La première orientation est la poursuite d'une gestion rigoureuse pour une vision analytique des activités, tant régaliennes que commerciales.
La seconde orientation est la recherche d'un équilibre pérenne des comptes dans la perspective d'un changement de statut dans les meilleures conditions.
Comme vous le constatez, la subvention d'équilibre au budget annexe s'inscrira en baisse en 2006, puisqu'elle passe à 1,3 million d'euros contre 2,3 millions d'euros l'année dernière. Dans un contexte qui est peu porteur, les Monnaies et Médailles démontrent leur capacité à équilibrer leurs comptes.
Il faut maintenant donner des perspectives d'avenir au Monnaies et Médailles. La LOLF ne permet le maintien de budgets annexes que dans des conditions très restrictives. Or, selon la Cour des comptes elle-même, les conditions ne sont pas remplies, ce qui ne permet plus d'envisager le maintien du statut de budget annexe au-delà de 2006. En effet, des activités industrielles sont exercées dans un secteur concurrentiel et il faut en tenir compte. Cela dépasse les différences de conviction que nous pouvons avoir les uns et les autres. C'est vrai aussi pour les marchés étrangers, la fabrication de médailles ou de bijoux.
Dans ce contexte-là, nous avons engagé une réflexion sur les voies d'une possible clarification du statut des Monnaies et Médailles. Le directeur suit cela de très près avec l'ensemble des équipes. Nous avons validé un dispositif qui tiendrait compte d'un projet industriel à moyen terme.
Je veux insister sur un point : pour se donner le temps d'approfondir ce projet avec la direction de l'établissement et après une large concertation avec les personnels sur les enjeux de cette transition, le Gouvernement propose de réaliser cette transformation du budget annexe des Monnaies et médailles en établissement public à caractère industriel et commercial à compter du premier janvier 2007.
Cette forme juridique présente, en effet, des avantages décisifs pour les Monnaies et médailles. Elle leur donne une véritable personnalité morale, sans remettre en cause leur unité, ce qui la rend compatible avec la LOLF ; elle permet de maintenir le statut de leurs biens et personnels dans le cadre du service public et les installe dans une perspective pérenne, en tant qu'acteurs industriels et commerciaux.
Les Monnaies et médailles disposent d'atouts remarquables, en particulier un savoir-faire unique au monde dans certains domaines, un très haut niveau d'exigence et de qualité et une réelle capacité d'adaptation. Leur évolution statutaire, en leur apportant plus de souplesse de gestion, et la mise en place d'un véritable projet industriel devraient leur permettre d'utiliser pleinement ces atouts et de remédier aux handicaps structurels persistants que nous connaissons.
Vous le voyez, Madame Beaufils, il n'est pas question de privatiser les monnaies et médailles, et pas davantage de céder leur patrimoine immobilier !
Monsieur Auban, vous l'avez bien noté, nous veillerons à garantir une concertation étroite avec les personnels. D'ailleurs, comme la transformation en EPIC est un travail difficile et considérable, nous nous sommes donnés une année de plus pour le réaliser.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Budget annexe des Monnaies et médailles » figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 101 989 614 euros ;
Crédits de paiement : 105 684 614 euros.
M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Budget annexe des Monnaies et médailles ».
(Ces crédits sont adoptés.)
gestion et contrôle des finances publiques
compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
compte de concours financiers : avances à divers services de l'état ou organismes gérant des services publics
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits des missions : « Gestion et contrôle des finances publiques », « Compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », « Compte de concours financiers : avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Angels, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Gestion et contrôle des finances publiques » constitue le « coeur de métier » de Bercy.
Compte tenu du temps très court qui m'est imparti pour évoquer ce qui constitue, en termes de crédits et d'effectifs, la principale mission du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, je ferai seulement quelques réflexions sur ses objectifs et ses performances.
Grâce à l'indéniable avance de Bercy, due aux « contrats de performances », les indicateurs ont pu être améliorés au fil du temps. Ils sont disponibles sur des séries temporelles longues, ce qui facilite les comparaisons et les rend crédibles pour le Parlement. Nous pouvons éviter de débattre des moyens, pour nous concentrer sur la performance et les améliorations possibles, à travers deux réflexions.
La première porte sur la productivité. Les efforts dans ce domaine, qui vont de pair avec l'objectif affiché d'améliorer la qualité du service rendu aux usagers, seront poursuivis, et même accélérés, en 2006. Sur l'ensemble de la mission, nous notons ainsi la réduction de 2 419 emplois.
Cette mission est l'une des rares du budget général à se plier à la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux ; il ne faudrait pas, d'ailleurs, que cette réduction d'effectifs nuise à son efficacité. Le programme « Soutien de la mission » affiche une volonté forte d'économiser 100 millions d'euros, en 2006, et 150 millions d'euros, en 2007, grâce à la modernisation des achats.
J'exprimerai un souhait, celui que le sens de cet effort de productivité soit partagé par les agents du ministère. De ce point de vue, le taux de connaissance des évolutions du ministère de l'économie et des finances déclaré par les agents apparaît faible. Sa valeur cible est de 55 % seulement à l'horizon 2008. En outre, cet indicateur ne permet pas de mesurer l'adhésion des agents à ces évolutions. Or la performance d'une communication tient à sa capacité à convaincre !
En outre, les procédures d'intéressement des personnels du ministère à la performance appellent une stratégie claire, si possible partagée par les agents. Aux primes pour sujétions particulières se sont ajoutés successivement des gratifications individuelles au mérite, pour les principaux cadres du ministère, en 2004, l'annonce d'une prime collective de performance de 400 euros, pour un nombre limité d'agents, puis un nouveau mécanisme d'intéressement de tous les agents aux résultats de leur direction. En matière de rémunération au mérite, la lisibilité est de mise pour réussir toute réforme !
Enfin, un objectif paraît ignoré, celui qui découle de la « présence territoriale » des administrations financières, déterminée par un impératif d'aménagement du territoire pourtant reconnu par le Gouvernement. Ainsi, 650 trésoreries emploient moins de trois agents et reçoivent de cinq à dix visites par semaine. Quel avenir leur sera-t-il réservé ?
Ma seconde réflexion porte sur la modernisation de l'impôt. Les indicateurs liés au respect de leurs obligations fiscales par les contribuables montrent que les administrations fiscales ont déjà atteint un bon niveau dans l'encouragement au civisme fiscal. Il reste à continuer de réfléchir à la faisabilité et aux avantages de la retenue à la source.
Je tiens à souligner cependant trois insuffisances.
D'abord, l'indicateur de la part des recettes de TVA acquittées par télérèglement révèle que, à ce stade, la procédure de téléTVA constitue un semi-échec, lié à l'insuffisante attractivité du produit aux yeux des entreprises. Avec 81 500 télédéclarants en 2004, les résultats restent très éloignés de la cible de 2005. L'abaissement du seuil du chiffre d'affaires au-delà duquel la téléprocédure est obligatoire ne sera pas de nature, à lui seul, à garantir le succès du produit téléTVA.
Ensuite, l'indicateur relatif au nombre de particuliers ayant souscrit leur déclaration de revenus par Internet manifeste des ambitions certaines, puisqu'il vise dix millions de télédéclarations en 2006 et quinze millions en 2008. Ces objectifs sont indéniablement facilités par la réduction d'impôt de vingt euros introduite sur l'initiative de notre commission des finances. Néanmoins, l'augmentation rapide du nombre de télédéclarants à l'impôt sur le revenu doit aller de pair avec une amélioration, toute aussi rapide, de la fiabilité et de la qualité de service du site « impots.gouv.fr ».
Ainsi, il convient de renforcer la fiabilité du système d'information, qui, malheureusement, a connu des ratés lors de la campagne de 2005. Il faut, surtout, améliorer les services offerts en ligne aux contribuables. L'absence d'interface commune entre les pages consacrées à la déclaration et à la consultation du compte fiscal, d'une part, et celles consacrées au paiement de l'impôt, ainsi qu'aux changements d'adresse, d'autre part, rend en effet la consultation du site « impots.gouv.fr » trop peu conviviale. L'obligation, pour la déclaration d'impôt sur le revenu et, pour chaque adhésion à la mensualisation des différents impôts, de disposer d'identifiants distincts, fort complexes, fait sentir la nécessité d'un identifiant fiscal unique.
Enfin, les indicateurs relatifs aux taux de recouvrement des créances de contrôle fiscal et des amendes et condamnations pécuniaires affichent des valeurs cibles trop peu ambitieuses à mes yeux.
Le taux de recouvrement des créances fiscales reste limité. Alors que 1 420 personnes à temps plein sont affectées à la direction générale de la comptabilité publique, la DGCP, le taux de recouvrement contentieux des amendes et condamnations pécuniaires était de seulement 34 % en 2004. Il devrait passer à 42 % en 2008.
Je ne mésestime pas les difficultés inhérentes à ces recouvrements, et la distinction des taux selon la nature du recouvrement contentieux - amendes majorées ou décision de justice -, serait d'ailleurs la bienvenue. Toutefois, les montants financiers en jeu exigent des efforts accrus de la part des administrations concernées. Je m'interroge, d'ailleurs, sur l'opportunité de réaliser un travail de contrôle sur ce sujet en 2006.
En conclusion, sous ces réserves, la majorité de la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits proposés pour la présente mission et les deux missions « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » et « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sous ce nouveau vocable de mission, se décline, en réalité, pour l'essentiel, l'ancien budget des services financiers.
Pour l'essentiel, puisqu'une part importante des services fiscaux, en l'occurrence la plus grande part des crédits de fonctionnement de la direction générale des douanes et droits indirects, la DGDDI, ne figure pas dans le périmètre de cette mission. De fait, celle-ci regroupe, surtout, les crédits de recouvrement et l'assiette des principaux impôts d'État et contributions locales.
La mission sera marquée, en 2006, par une légère progression des crédits, au moins en apparence, puisque ce mouvement sera largement contrecarré par les réductions d'effectifs exemplaires qui affectent le ministère de l'économie et des finances. (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
De plus, la structuration même des crédits du programme « Gestion financière et fiscale de l'État et du secteur public local » montre clairement quels choix idéologiques président à la politique menée en ce domaine.
La différence de traitement opérée entre les dossiers fiscaux des grandes entreprises et ceux des petites, le confinement du traitement de la fiscalité des particuliers dans une action spécifique et la constitution d'une sorte de nébuleuse des services fragmentés d'audit et de stratégie ne participent pas d'une conception globale de l'action des services financiers de l'État, mais plutôt d'une définition offrant la possibilité ultérieure d'une externalisation des tâches.
Isoler le traitement de la fiscalité des petites entreprises, c'est ouvrir la voie à la constitution d'un service minimum de fixation de l'assiette et du recouvrement ; de la même manière, les tâches et fonctions des personnels occupés dans les secteurs d'assiette pourront être sous-traitées par la suite.
Il est évident qu'une réflexion doit s'engager sur le devenir de nos services fiscaux, pour les rendre à la fois plus proches des citoyens et plus efficaces dans les missions essentielles qui leur sont assignées. Les organisations syndicales du ministère des finances ont, d'ailleurs, formulé des propositions en ce sens, qui me semblent judicieuses.
Quatre axes essentiels de propositions sont ainsi dessinés.
Le premier, c'est la mise en place d'une méthodologie négociée avec les représentants du personnel, qui servirait de base à la réalisation d'un état des lieux, pour chaque service, du niveau de réalisation de l'ensemble des missions, ce qui éviterait, peut-être, la méconnaissance des réformes évoquée tout à l'heure par M. le rapporteur.
Une deuxième proposition porte sur l'organisation de discussions au niveau local, entre syndicats et directions, pour dresser l'état des lieux de chaque service, comprenant la réalisation des missions, les besoins quantitatifs et qualitatifs en emplois - y compris la réduction du temps de travail -, l'organisation des structures de travail. Ces discussions aboutiraient à une synthèse nationale.
Un troisième axe est relatif à création de commissions départementales regroupant les acteurs sociaux et économiques représentatifs, c'est-à-dire les élus locaux, les syndicats, les usagers et l'administration. Ces commissions seraient chargées de définir les implantations et de donner un avis sur les moyens nécessaires au fonctionnement du service public. Vous le savez, les élus locaux sont très attentifs à cette question.
La quatrième proposition porte sur la mise en place concomitante d'une structure ministérielle s'appuyant sur les compétences des services informatiques de chacune des administrations chargées de l'élaboration du dossier informatique fiscal unique.
L'ensemble de ces dispositions sont aujourd'hui en débat, et la modernisation de la fonction publique, dans les services financiers, ne peut se concevoir à travers le prisme étroit des initiatives plus ou moins originales de quelques directeurs de service, qui seraient confortés par une lecture spécifique de la loi organique.
Nous devons relever les défis de la relation avec le citoyen contribuable, de la qualité du service, du respect de l'initiative des salariés des administrations financières, enfin de la justice fiscale, qui passe, entre autres, par une application effective de la loi à tous les contribuables.
Nous craignons, toutefois, que les orientations définies par le Gouvernement, à travers les objectifs de cette mission, ne s'éloignent des préoccupations que je viens d'évoquer.
Nous ne voterons donc pas en faveur des crédits de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques ».
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Permettez-moi de revenir un bref instant sur les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » que nous avons examinés tout à l'heure.
En effet, dans sa réponse qui était excellente et très complète, M. le ministre n'a pas répondu à l'une des questions posées par M. le rapporteur spécial Paul Girod, qui portait sur l'impact de la hausse du taux d'intervention de la Banque centrale européenne. M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a déclaré que cette décision se traduirait, selon lui, dès 2006, par une charge d'intérêts de 250 millions d'euros supplémentaires pour notre pays.
Par conséquent, monsieur le ministre, l'enveloppe inscrite pour 2006 permettra-t-elle de couvrir ce supplément de charges ? Certes, des expertises doivent être diligentées en la matière. Malgré tout, n'ayant pas entendu de réponse très précise de votre part et connaissant votre souci de précision et de sincérité, je me permets de vous interroger à ce propos.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Monsieur Arthuis, pour tout vous dire, je croyais vous avoir déjà répondu sur ce sujet. Je vais donc bien préciser les choses.
Le coût évoqué par Thierry Breton est tout à fait exact. Alors que nous avons pris une hypothèse d'un taux moyen à trois mois de 2,3 % pour 2006, la Banque centrale européenne a décidé de relever son taux à 2,25 %. D'une certaine manière, nous avons donc anticipé le dispositif. Évidemment, je me tiens à votre disposition pour vous apporter toutes les précisions que vous jugerez utiles.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le marché sera un peu au-dessus.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. En l'occurrence, tel est l'ordre de grandeur que nous avons anticipé. Si jamais la situation devait évoluer, je ne manquerais pas de revenir devant vous pour évoquer de nouveau cette question.
Pour ce qui concerne la mission « Gestion et contrôle des finances publiques », vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'elle est très importante. Elle traduit en effet le double objectif que nous nous sommes fixé dans le cadre de la réforme de l'État : rendre en permanence le meilleur service public au meilleur coût. À cette fin, 136 000 agents et 8,8 milliards d'euros de crédits sont mobilisés.
Le premier objectif est donc d'améliorer encore la qualité du service en 2006, en passant à la vitesse supérieure dans trois domaines : les relations entre l'administration fiscale et les contribuables, grâce la charte du contribuable qui est maintenant disponible dans toutes les trésoreries et directions de services fiscaux, ainsi, bien sûr, que sur Internet ; les nouvelles technologies, avec un programme très ambitieux de rapprochement entre les centres des impôts et les trésoreries, qui représente un enjeu majeur de la réforme de l'État pour Bercy ; enfin, l'interlocuteur fiscal unique.
Premièrement, la charte du contribuable est, à certains égards, un document fondateur, madame Beaufils, des nouvelles relations entre l'administration et les contribuables. Elle contient l'ensemble des droits et obligations en la matière, en incluant des éléments très concrets tels que la publication des rescrits, la réduction à trois mois maximum de la durée des contrôles fiscaux pour les petites entreprises, ainsi que l'harmonisation à 4,8 % des taux d'intérêts moratoires et des taux d'intérêts de retard. Il y est également précisé un certain nombre de procédures d'amélioration de nos relations avec les contribuables, notamment la relance amiable.
Deuxièmement, en ce qui concerne les nouvelles technologies, vous avez évoqué, monsieur Angels, la télédéclaration des revenus sur Internet. Plus qu'un succès, c'est un triomphe ! En effet, 3,7 millions de nos concitoyens ont choisi ce mode de déclaration.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tant mieux !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Les mauvaises langues prétendent qu'ils y ont été incités par la promesse d'une ristourne de vingt euros. Pour ma part, je pense que cette réussite doit d'abord être mise sur le compte de l'enthousiasme des Français par rapport à Internet. Certes, la télédéclaration n'a pas toujours été très simple cette année ; il y a même eu, par moment, quelques cafouillages, mais tout sera réglé pour 2006, grâce à la mise en place d'un dispositif qui permettra d'accueillir sur notre site jusqu'à 10 millions de télédéclarants.
Troisièmement, nous entendons poursuivre le chantier de l'interlocuteur fiscal unique. Ainsi, en 2006, les PME disposeront d'un nouveau service des impôts des entreprises. Pour les particuliers, nous avons décidé d'engager un plan très ambitieux de regroupement immobilier des centres des impôts et des trésoreries, avec le lancement de deux cent trente projets. Lorsqu'un tel regroupement s'avérera impossible, notamment en milieu rural, nous expérimenterons l'année prochaine, dans une douzaine de départements, un protocole de délégations croisées de compétences entre la DGI et la DGCP, ce qui permettra de renforcer le service fiscal de proximité.
S'agissant plus spécialement du réseau des trésoreries, mon action s'inscrit pleinement dans les orientations gouvernementales, que j'ai d'ailleurs de nouveau précisées à l'occasion du récent congrès de l'Association des maires de France. Toute évolution de ce réseau sera naturellement conduite en étroite concertation avec les élus, sur la base d'engagements précis en termes de respect du service public.
Sur la retenue à la source, si nous avons beaucoup progressé sur le plan technique, il reste encore bien du travail. Avant d'envisager une avancée en la matière, il nous faut évidemment amorcer au préalable un grand débat, sur lequel nous avons d'ailleurs déjà engagé une réflexion.
Quant au taux de recouvrement des créances de contrôle fiscal et des amendes, monsieur le rapporteur spécial, je partage votre souci d'améliorer encore nos résultats. Dans ce domaine, comme les marges de progression sont plus fortes pour les amendes, j'ai lancé au mois d'octobre dernier un audit visant à moderniser l'État sur ce thème.
Le deuxième objectif que nous nous sommes fixé est donc la réduction des coûts.
Il convient d'abord de mener une politique de diminution des effectifs. À cet égard, Bercy concentre l'essentiel des réductions réalisées. Vous avez vous-même salué, monsieur le rapporteur spécial, la suppression prévue de 2 221 équivalents temps plein, qui représente pour Bercy un effort très important, le plus important d'ailleurs depuis vingt ans. J'en profite pour rendre hommage à l'ensemble des fonctionnaires de notre ministère, qui font un travail véritablement remarquable, dans des conditions qui ne sont pas toujours très faciles. L'exercice de modernisation se traduit par des redéploiements et des réorganisations auxquels nous sommes très attentifs. C'est d'ailleurs l'une des missions qui a été confiée à l'excellent secrétaire général du ministère des finances. Au final, ce ministère contribuera pour près de la moitié aux réductions d'effectifs publics inscrites au projet de loi de finances.
Vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur spécial, réduire les coûts, cela suppose aussi de faire des économies de fonctionnement : 100 millions d'euros seront ainsi économisés sur l'ensemble du ministère en 2006 par rapport à 2004, grâce à la création de l'Agence centrale des achats.
Réduire les coûts, c'est aussi poursuivre les grands projets informatiques, qui portent d'ailleurs tous des noms magiques : COPERNIC et HÉLIOS, pour la gestion des collectivités locales, ACCORD et CHORUS, pour la mise en oeuvre de la LOLF.
Thierry Breton et moi-même souhaitons associer à ces projets l'ensemble des agents du ministère. Nous avons donc lancé des chantiers très importants avec l'objectif de concrétiser une nouvelle ambition sociale. J'en citerai deux en particulier.
Il s'agit, d'abord, de la mise en place d'un mécanisme de primes d'intéressement à la performance pour tous les agents du ministère, primes qui pourront atteindre 150 euros par agent lorsque tous les objectifs de performance auront été atteints. C'est une grande première dans ce domaine : ce mécanisme sera mis en place en 2006 pour les six directions à réseaux du ministère, ce qui représente potentiellement 170 000 agents. Autant vous dire, monsieur Angels, que je ne partage pas toutes vos inquiétudes. Si vous avez bien été dans votre rôle en les évoquant, je suis dans le mien en vous apportant les assurances nécessaires sur ce sujet : vous me connaissez, j'y mets toute mon énergie !
Il s'agit, ensuite, de la requalification des emplois : grâce à un plan pluriannuel de promotion interne que nous allons élaborer, les agents seront mieux qualifiés et leur champ de compétences étendu. Nous discuterons de cette ambition sociale avec les organisations représentatives le 16 décembre prochain.
Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, Thierry Breton et moi-même souhaitons engager le ministère des finances sur un haut niveau de performances, pour réduire son coût de fonctionnement et satisfaire l'ambition sociale de ses agents : en résumé, nous voulons un ministère en pointe sur la réforme de l'État. Ne voyez dans cet objectif aucun wishful thinking, comme disent nos amis anglo-saxons. Nous entendons simplement démontrer concrètement que, pour la réforme de l'État, le ministère en première ligne commence par s'occuper d'abord de ses propres troupes !
Gestion et contrôle des finances publiques
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques », figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 9 019 302 414 euros ;
Crédits de paiement : 8 805 721 487 euros.
M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques ».
(Ces crédits sont adoptés.)
Compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 10 950 000 euros ;
Crédits de paiement : 10 950 000 euros.
M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
(Ces crédits sont adoptés.)
Compte de concours financiers : avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Compte de concours financiers : Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 13 600 000 000 euros ;
Crédits de paiement : 13 600 000 000 euros.
M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Compte de concours financiers : Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
(Ces crédits sont adoptés.)
provisions
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Provisions ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Provisions » est une mission originale : en deux programmes constituant des dotations, elle regroupe en effet des crédits destinés à couvrir des dépenses indéterminées au moment du vote du projet de loi de finances.
Ces crédits sont répartis, en tant que de besoin, en cours d'exercice, entre les autres missions. En outre, conformément aux dispositions de la LOLF, puisque la mission « Provisions » se trouve dénuée de stratégie de performance, les deux programmes qui la composent ne font l'objet ni d'objectif ni d'indicateur.
La dotation du programme, « Provision relative aux rémunérations publiques » correspond aux mesures générales intéressant la rémunération des agents du service public, dont la répartition, par programme, ne pourrait être déterminée a priori avec précision.
Aucun crédit n'est demandé à ce titre pour 2006, ce qui suppose que l'ensemble des rémunérations a pu être réparti entre les programmes des autres missions. La commission s'en félicite, car un tel résultat s'inscrit dans la perspective d'une rationalisation des crédits et d'une meilleure lisibilité budgétaire.
La dotation du second programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles », correspond aux crédits naguère consacrés aux dépenses accidentelles, qui sont fusionnés avec les crédits pour dépenses éventuelles. Cette dotation, comme son nom l'indique clairement, assure les crédits nécessaires à des dépenses accidentelles, imprévisibles et urgentes. Il s'agit notamment des dépenses qu'occasionneraient des catastrophes naturelles, en France ou à l'étranger, ou des événements extérieurs qui nécessiteraient le rapatriement de Français.
Au titre de cette seconde dotation, pour 2006, 487 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 135 millions d'euros de crédits de paiement étaient demandés dans le projet de loi de finances initial. L'Assemblée nationale a majoré ces crédits de plus de 98 millions d'euros, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement.
De la sorte, par rapport aux crédits équivalents inscrits en loi de finances pour 2005, sept fois plus de crédits d'engagement et près de trois fois plus de crédits de paiement sont demandés.
Pour justifier la hausse des crédits de paiement, le Gouvernement a indiqué dans l'une des réponses fournies au questionnaire budgétaire que celle-ci était notamment liée à l'accroissement de ces dépenses depuis plusieurs années, ce qui a conduit dans certains cas à traiter ces dépenses par décret d'avances.
Selon les éléments d'information recueillis, la hausse des autorisations d'engagement serait imputable aux frais de justice. Cependant, le 10 novembre dernier, lors du débat qui s'est tenu ici même sur le rapport d'information de notre collègue Roland du Luart concernant la mise en oeuvre de la LOLF dans la justice judiciaire, M. le ministre de la justice a certes annoncé la possibilité de mobiliser certaines dépenses de frais de justice au titre de la mission « Provisions », mais il n'a mentionné qu'un montant de 50 millions d'euros.
Autant dire, monsieur le ministre, que nous attendons vos explications avec impatience !
Au reste, d'une manière générale, la commission des finances s'interroge sur les raisons du « transit », par la mission « Provisions », de crédits qui sont d'avance affectés à des dépenses identifiées. Comme le relevait déjà en 2000 la commission dans un rapport ad hoc, la sincérité budgétaire impose de veiller à ce que les crédits demandés au titre de ces dépenses ne servent pas, au risque d'être dénaturés, à corriger des évaluations initiales de crédits insuffisantes pour d'autres missions.
Sous réserve des observations que je viens de présenter, la commission des finances a décidé de vous recommander, mes chers collègues, l'adoption de la mission « Provisions ».
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, la mission « Provisions » regroupe donc deux programmes.
Il s'agit, d'une part, du programme « Provision relative aux rémunérations publiques », qui, en cohérence avec l'esprit de la LOLF, n'a pas été doté en 2006. En effet, tous les crédits de rémunérations des agents de l'État sont répartis selon les missions et programmes associés à une politique publique spécifique. S'agissant de ces rémunérations, je souhaite en outre que, à l'intérieur des enveloppes arrêtées pour chaque mission, tout ou partie de l'impact d'une éventuelle hausse des rémunérations publiques puisse être financé.
Il s'agit, d'autre part, du programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles », doté, pour 2006, de 487 millions d'euros en autorisations d'engagement et 135 millions d'euros en crédits de paiement. L'augmentation par rapport à 2005 s'explique par notre souci de rehausser le niveau de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, le passage en mode LOLF se traduisant par des virements et des transferts entre missions moins simples, ainsi que par un durcissement de la procédure pour les décrets d'avances.
À l'instar d'autres pays fonctionnant déjà selon un mode comparable à la LOLF, la provision pour aléas a été augmentée. Au Canada, elle atteint ainsi 3 milliards de dollars canadiens.
En outre, l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement s'explique par la volonté du Gouvernement de provisionner des autorisations d'engagement, pour faire face à d'éventuels besoins complémentaires.
Les autorisations de programme non affectées à la fin de 2005 vont disparaître : c'est une bonne chose, car nous allons pouvoir rompre avec la pratique des « AP dormantes » ; cela a toutefois pour corollaire pratique la suppression du « matelas de sécurité ».
Dans le même temps, nous devrons gérer les conséquences de la bascule comptable des anciens crédits de paiement. Comme vous le savez, le plafond de 3 % sur les reports s'appliquera sur les crédits de paiement de tous les chapitres, y compris, le cas échéant, sur des crédits engagés sur le plan juridique, mais non mandatés. Cela peut être le cas sur des marchés complexes ou des opérations entamées en fin d'année.
Si ces crédits tombent, dès lors que des engagements juridiques existent, il faudra naturellement engager de nouveau les crédits en ouvrant des autorisations d'engagement.
Vous le voyez, la bascule comptable de 2005 sur 2006 pose de vraies difficultés. La provision prévue a naturellement un caractère non reconductible : elle s'explique par la « bascule comptable » et a vocation à disparaître dans le projet de loi de finances pour 2007.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous propose un amendement visant à minorer le programme « Dépenses accidentelles et imprévisibles » de 35 millions d'euros. Nous souhaitons, d'une part, financer la majoration de 20 millions d'euros de la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui a été votée ici même avant-hier. Nous entendons, d'autre part, gager l'abondement de 15 millions d'euros du plafond de la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques », que nous vous proposerons au cours de l'examen de cette mission, abondement prévu pour financer l'accélération en 2006 du programme interministériel d'audits de modernisation.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Provisions », figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 585 266 107 euros ;
Crédits de paiement : 233 266 107 euros.
M. le président. L'amendement n° II-124, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Provision relative aux rémunérations publiques Dont Titre 2 |
|
|
|
|
Dépenses accidentelles et imprévisibles |
|
35.000.000 |
|
35.000.000 |
TOTAL |
|
35.000.000 |
|
35.000.000 |
SOLDE |
-35.000.000 |
-35.000.000 |
Cet amendement a été soutenu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial. Avis favorable, monsieur le président.
M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Provisions », ainsi modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
régimes sociaux et de retraite
compte d'affectation spéciale : pensions
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits des missions « Régimes sociaux et de retraite » et « Compte d'affectation spéciale : Pensions ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient de vous exposer les principales observations de la commission des finances sur les crédits dévolus aux pensions et aux régimes sociaux de retraite.
Comme je l'ai indiqué en commission, le rapporteur spécial ne partage pas l'approche strictement gestionnaire et comptable à laquelle nous contraint le cadre de la LOLF, car il estime que ces questions sont essentielles en matière de politiques publiques et qu'elles devraient être au coeur d'un débat d'ensemble sur la solidarité nationale.
Les dépenses de pensions constituent la partie la plus dynamique des dépenses de personnel. Les pensions civiles et militaires représentent plus de 14 % du budget général, alors qu'elles ne dépassaient guère 9 % de ce budget en 1990.
Malgré leur volume, ces charges sont aujourd'hui disséminées dans le budget de l'État. Réciproquement, leur financement n'est pas identifié, en raison du principe de non-affectation des recettes aux dépenses.
C'est pourquoi la LOLF a prévu l'instauration d'un compte de pensions, équilibré en recettes et en dépenses, qui représente plus de 45 milliards d'euros en 2006.
Pour la commission des finances, l'enjeu majeur du compte est la responsabilisation des gestionnaires de programmes, qui devront verser, à proportion des rémunérations d'activité, une « contribution employeur » dont le taux est calculé pour équilibrer les charges et les recettes.
Pour 2006, le taux d'équilibre est fixé à 49,9 % concernant les personnels civils, et à 100 % concernant les personnels militaires.
Cet écart se comprend car on compte aujourd'hui 1,6 actif pour 1 pensionné chez les fonctionnaires civils, et 0,8 actif pour 1 pensionné chez les militaires.
Or ces rapports démographiques sont appelés à se dégrader avec, respectivement, 1,3 fonctionnaire civil actif et 0,7 militaire actif par pensionné à partir de 2010. Ainsi, les taux de « contribution employeur » vont rapidement augmenter. Cette évolution se conjugue avec la fongibilité asymétrique, qui ne permettra pas de redéployer des crédits vers des dépenses de personnel.
La démarche de responsabilisation des gestionnaires est ainsi bien avancée, même si elle n'est pas parfaitement aboutie pour les trois sections du compte d'affectation spéciale « Pensions ». Mais c'est encore le mérite de la nouvelle présentation de mettre en lumière certains cas d'asymétrie dans la formation des taux de cotisation, propres à alimenter un débat constructif sur leur évolution.
J'en arrive à la mesure de la performance. L'activité principale d'un régime de retraite est de liquider et de payer les retraites de ses ressortissants. Dès lors, les comptes de pensions se prêtent moins spontanément que d'autres à la logique de performance inspirée par la LOLF. La plupart des indicateurs existants se bornent donc à la mesure de l'efficacité de la gestion ou de la qualité du service rendu.
Je signale que la commission des finances vous présente par ailleurs un amendement tendant à modifier les règles d'attribution de l'indemnité temporaire attribuée aux fonctionnaires retraités de l'État dans certaines collectivités d'outre-mer.
Il me revient également d'aborder l'examen de la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Elle représente 4,5 milliards d'euros de crédits et consiste à subventionner divers régimes en vue de contribuer à leur équilibre. Cette mission ne correspond pas non plus à une politique publique pour laquelle la définition d'objectifs comporterait des enjeux fondamentaux. Il s'agit, ici encore, de payer des retraites et des prestations liquidées en application de la réglementation en vigueur, objectif généralement atteint.
De même, il est difficile de poursuivre des objectifs d'efficacité socio-économique quand les leviers d'action sont inexistants. En revanche, il est normal que les différents gestionnaires des régimes concernés optimisent les moyens dont ils disposent afin de garantir le meilleur service à l'usager tout en maîtrisant leurs dépenses.
Perspective de maîtrise des effectifs et transparence des coûts : c'est essentiellement pour ces raisons, mes chers collègues, que la commission des finances vous recommande l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et de la mission « Pensions », assortie des remarques que votre rapporteur spécial a formulées à titre personnel.
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mise en oeuvre de la LOLF nous conduit à examiner cette nouvelle mission « Régimes sociaux et de retraite », ce qui nous donne l'occasion d'étudier les principaux régimes spéciaux, ces fameux régimes maintenus à titre provisoire en 1945, qui font figure de monde à part au sein de l'édifice de l'assurance vieillesse : je citerai les régimes de la SNCF, de la RATP, des marins, des mineurs, mais aussi des routiers du secteur privé.
Ce document budgétaire complète utilement le travail que la commission des affaires sociales mène chaque année dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale.
Cette mission décrit les fonds qui sont apportés par l'État pour assurer l'équilibre des régimes spéciaux.
J'observe, au préalable, que l'insuffisance structurelle de financement qui les caractérise ne s'explique que pour partie par leur structure démographique défavorable. C'est vrai pour les mineurs, qui ne touchent d'ailleurs que de faibles pensions, et à un moindre degré pour les marins. C'est aussi vrai pour tous les autres régimes spéciaux, pour lesquels le déficit trouve surtout son origine dans le coût des avantages servis au-delà du niveau des prestations du régime général : c'est ce que l'on appelle la partie « chapeau ». Ce différentiel concerne en particulier la précocité des départs en retraite qui interviennent en moyenne à cinquante-trois ans et demi à la RATP, et à cinquante-quatre ans et quatre mois à la SNCF. La présente mission budgétaire en montre l'étendue : respectivement 374 millions d'euros par an pour la RATP, 675 millions d'euros pour les marins et 2,5 milliards d'euros pour la SNCF.
Mes chers collègues, nous le savons tous, si la pérennité de ces régimes est encore assurée, c'est depuis longtemps grâce à la mise à contribution, sous toutes ses formes, de la solidarité nationale. Ce sont donc les autres assurés sociaux, les contribuables et les usagers qui financent, souvent sans le savoir, ces avantages conçus il y a plus d'un siècle, à une époque où la pénibilité des métiers était autre que celle que nous connaissons aujourd'hui, ce dont nous pouvons nous réjouir.
Ainsi - et je me permets de vous renvoyer à mon rapport écrit pour plus d'informations - les transferts reçus de l'extérieur assurent près des deux tiers du financement des retraites de la SNCF ; le taux est le même pour les cotisations fictives perçues par la RATP.
Je me félicite donc que la LOLF nous donne l'occasion d'approfondir le contrôle parlementaire sur ces régimes. Pour être parfaitement efficaces, je crois toutefois que les indicateurs choisis mériteraient d'être améliorés et complétés. Pour l'instant, ils se bornent à appréhender les dépenses de gestion courante, c'est-à-dire 2 % seulement des crédits.
Tout cela est utile, mais l'essentiel est ailleurs. Il serait infiniment plus précieux de pouvoir compléter cette approche comptable par une série d'indicateurs portant, premièrement, sur le niveau des engagements de retraite à long terme de ces régimes, deuxièmement, sur la décomposition entre les droits de base, c'est-à-dire la part équivalente à celle du régime général, et les avantages spécifiques de ces régimes spéciaux, troisièmement, sur les hypothèses de projection et le mode de calcul de ces estimations.
La commission des affaires sociales préconise aussi d'intégrer au bleu budgétaire de nouveaux indicateurs portant sur l'âge moyen de liquidation des pensions, ainsi que sur la proportion des départs en retraite des personnes en service actif et sur la répartition de ces départs par tranches d'âge, avant cinquante-cinq ans et entre cinquante-cinq ans et soixante ans.
Il serait également utile de disposer de données sur la durée moyenne de perception, sur le montant moyen des pensions, ainsi que sur l'espérance de vie à soixante ans des assurés sociaux des principaux régimes de retraite.
L'objectif de notre commission consiste à mieux connaître la population des cotisants et des retraités des régimes spéciaux, afin d'être en mesure de procéder à des comparaisons avec les assurés sociaux des autres régimes.
En définitive, mes chers collègues, cette nouvelle mission nous conduit inévitablement à nous interroger sur l'avenir de ces régimes spéciaux, bien que cette question reste un véritable tabou. Nous comprenons naturellement que le Gouvernement ait choisi en 2003 de disjoindre leur cas de celui de l'ensemble des autres assurés sociaux. Mais il nous faudra aller au-delà à l'avenir, ce qui suppose un vaste travail préparatoire qui peut utilement commencer par l'amélioration des indicateurs de la présente mission interministérielle dans la perspective du prochain rendez-vous de 2008 qu'il convient de préparer dès maintenant.
Il s'agira à l'évidence d'une oeuvre difficile et de longue haleine. Mais je suis convaincu que les assurés sociaux des régimes spéciaux ne peuvent rester éternellement à l'écart de l'effort de sauvegarde de notre pacte social.
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, rapporteur pour avis.
M. Bernard Piras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a été rappelé par notre collègue Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances, les crédits de cette mission sont principalement consacrés au financement des régimes spéciaux de retraite des transports terrestres et maritimes.
Contrairement aux autres missions budgétaires, son périmètre ne recouvre donc pas une politique publique spécifique. Surtout, contrairement, là aussi, à d'autres missions, ces crédits visent à honorer le respect d'engagements pris par l'État pour verser des prestations sociales ou des pensions de retraite à des ayants droits.
Le caractère contraint de ces dépenses ne permet donc pas aux gestionnaires et au Parlement d'en contrôler directement ou indirectement l'évolution, si ce n'est dans le très long terme, en cas de modification par le législateur des conditions de constitution des droits. En conséquence, les objectifs de performance ne peuvent tendre qu'à une amélioration de la gestion des prestations et de la qualité du service rendu aux usagers.
Mes chers collègues, il y a maintenant plus de deux ans, nous avons voté une loi qui a réformé profondément le régime général d'assurance vieillesse. Inutile de rappeler longuement qu'à titre personnel je ne partage pas la philosophie de cette réforme. Toutefois, la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites n'a pas touché aux régimes spéciaux qui font l'objet de la présente mission.
En outre, aucune réforme du régime de retraite de la SNCF n'a été mise pour le moment à l'ordre du jour et seule une modification des circuits de financement du régime de la RATP a été réalisée par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » ont pour principal objet de compenser les déficits financiers des régimes spéciaux de la SNCF, de la RATP, des marins et des mineurs du fait de leurs déséquilibres démographiques.
La situation est cependant contrastée en fonction de chaque régime.
La compensation du déficit du régime des mineurs est avant tout une expression de la solidarité nationale à l'égard de cette profession. En effet, nous savons tous ce que la nation doit aux mineurs, qui, au risque bien souvent de leur santé et parfois de leur vie, ont apporté une contribution déterminante à l'essor économique de notre pays. Or, leur régime de retraite est en voie d'extinction puisque seulement 5 % des dépenses sont couvertes par des cotisations sociales. C'est donc en toute logique que l'État assure le paiement de leurs pensions.
Pour ce qui concerne les marins, les avantages sociaux dont ils bénéficient relèvent d'une logique de compensation de la pénibilité du travail. Personne ne peut nier la dangerosité de leur métier et les conditions particulièrement difficiles dans lesquelles ils exercent leur activité. De surcroît, ce régime est également fortement déficitaire puisqu'il compte 42 000 actifs contre 128 000 pensionnés, ce qui justifie le versement d'une subvention d'équilibre d'un montant de 637 millions d'euros.
Enfin, j'en viens aux deux régimes spéciaux auxquels est consacrée la très grande majorité des crédits de la mission, à savoir ceux de la SNCF et de la RATP.
D'une part, l'État verse à la SNCF une subvention d'équilibre d'un montant de 2,45 milliards d'euros pour financer le déséquilibre démographique du régime. En 2004 ont été dénombrés près de 172 000 actifs pour 309 300 pensionnés, soit un rapport de 0,55 actif pour un retraité.
D'autre part, l'État compense le déséquilibre démographique du régime de la RATP pour un montant de 374,11 millions d'euros.
Je dois cependant préciser que ces deux régimes présentent chacun leur spécificité. En effet, alors que le ratio des actifs et des pensionnés de la SNCF devrait s'améliorer au cours des cinquante prochaines années en raison d'une stabilisation des effectifs de l'entreprise, pour la RATP, ce même ratio devrait connaître une évolution inverse.
A titre personnel, je n'estime pas que ces déséquilibres financiers justifient une réforme radicale de ces régimes spéciaux. En effet, je considère que les avantages dont bénéficient les personnels au titre de la retraite et de la protection sociale sont partie intégrante de leur statut.
Sur la base de ces observations, je rappellerai que je ne partage pas l'approche retenue par le Gouvernement pour l'évolution du système des retraites proposée en 2003. Au demeurant, cette mission vise à financer des régimes spéciaux qui n'ont pas été touchés par cette réforme et pour lesquels les bénéficiaires conservent des avantages qui m'apparaissent tout à fait légitimes. En conséquence, conformément à ma proposition, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.
M. le président. J'indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n'appartenant à aucun groupe.
Je vous rappelle également que l'intervention générale vaut explication de vote pour ces deux missions.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous assistons depuis plusieurs années à une forte dégradation du pouvoir d'achat des retraités. Ils sont parmi les plus touchés par les diverses politiques de ce gouvernement. Je donnerai juste quelques exemples à titre de démonstration.
Doit être notée la hausse sans précédent des frais médicaux, encore accentuée par le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui prévoit l'augmentation du forfait hospitalier, le déremboursement de nombreux médicaments, le remboursement partiel d'autres, l'instauration malheureuse du forfait de dix-huit euros sur les actes lourds.
Doivent aussi être relevées la contraction des critères des affections de longue durée qui touche directement les personnes âgées et l'augmentation du prix des complémentaires santé. Or nous savons que ce sont surtout ces mêmes personnes âgées qui supporteront les hausses de cotisations, parce qu'elles représentent une clientèle captive, qui ne risque pas de partir chez le concurrent.
Doivent enfin être rappelés l'augmentation et l'élargissement de l'assiette de la CSG qui n'épargnera pas les retraités ainsi que l'augmentation des prix des loyers, des transports et du chauffage.
Nous assistons à une véritable paupérisation des personnes âgées, qui s'explique aussi grandement par le mode de calcul des pensions depuis les récentes réformes des retraites.
La revalorisation annuelle des pensions est en principe indexée sur l'indice des prix. Or le Gouvernement propose pour 2006 une revalorisation de 1,8 %, alors que l'inflation risque de se situer autour de 2,2 %.
Par ailleurs, on assiste à un accroissement des écarts de pension, et une frange de plus en plus grande des retraités tombe dans l'extrême pauvreté. Dans quelques décennies, les futures générations seront confrontées à des difficultés pour obtenir une véritable pension.
Il est donc urgent d'aligner le minimum de pension contributif sur le SMIC ou le minimum de pension. De même, vous ne devez pas ignorer plus longtemps la situation des veuves de certains corps de métiers qui perçoivent des pensions d'un niveau indigne.
Par ailleurs, les régimes sociaux et de retraites dont il est question en cet instant mériteraient un autre débat que celui que nous menons.
Le Gouvernement a engagé sa parole sur les vingt-cinq années à venir en proposant que l'État se substitue aux entreprises publiques pour garantir l'équilibre de ces régimes, le dernier exemple en date étant celui de la RATP. Mais il ne peut s'agir d'une garantie à propos.
Il faut donner d'autres réponses, d'ordre législatif et financier par exemple, de façon non seulement à assurer la solvabilité de l'adossement, mais aussi à garantir le maintien du statut spécifique des agents qui ont fait leur carrière dans ces entreprises privées. Il existe autant d'histoires que de régimes spéciaux.
La méthode est contestable. Elle met les assurés sociaux dos à dos, jouant sur les avantages de certains et le sentiment d'injustice des autres, pour unifier le régime a minima.
Cette unification cache mal les véritables intentions de privatisation progressive de l'assurance vieillesse. Elle passe d'ailleurs par la vente des biens immobiliers dont les entreprises publiques sont encore propriétaires. Mais cette dilapidation du patrimoine relève d'un opportunisme de très court terme.
Enfin, je terminerai mon intervention en disant quelques mots sur l'avenir de nos régimes de retraite.
Les dernières estimations du Conseil d'orientation des retraites, le COR, ne sont guère encourageantes quant à l'efficacité de la réforme Fillon. A peine un peu plus de la moitié du déficit des régimes des retraites serait financée et, de surcroît, les hypothèses conjoncturelles retenues sont irréalistes. Comment envisager un retour au plein emploi pour 2015, avec un taux de chômage de 4,5 % ?
En agissant ainsi, le Gouvernement ne fait pas preuve de sincérité. En témoigne d'ailleurs le traitement qu'il réserve, depuis son arrivée au pouvoir, au Fonds de réserve des retraites. En écartant tout débat de fond sur l'avenir de notre système de retraite, le Gouvernement ne tient pas ses engagements vis-à-vis de ce fonds. Ce dernier n'a jamais été abondé, exception faite de la soulte d'EDF et de la privatisation de la Société des autoroutes du Sud de la France en 2002.
Il est à craindre que cela soit insidieusement le moyen de faire basculer ce manque à gagner dans la dette de l'État, ce qui apparaîtrait, pour vous, comme une justification supplémentaire à la privatisation du système de solidarité nationale.
Les membres du groupe CRC ne peuvent accepter une telle dérive de notre système des retraites. Comme l'indique fréquemment M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, nous serons certainement confrontés à une remise en cause des avantages acquis des régimes spéciaux, à des hausses de cotisations en matière d'assurance vieillesse. D'ailleurs, au 1er janvier prochain, ce sera chose faite. Les taux de remplacement enregistreront probablement une diminution. Dans les années qui viennent, notamment dans l'optique du rendez-vous de 2008, l'âge légal de la retraite ne sera-t-il pas repoussé de soixante ans à soixante-cinq ans, voire soixante-sept ans ?
Les problèmes sont bien réels. Il faudra les examiner en toute clarté, ce qui ne semble pas devoir être fait aujourd'hui. Je peux le concevoir, eu égard à l'ordre du jour de notre séance.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de la mission « Régimes sociaux et de retraite » est l'occasion de rappeler le caractère inachevé de la réforme de l'assurance vieillesse.
La grande réforme du 21 août 2003 était nécessaire compte tenu de l'évolution démographique qui menaçait l'ensemble du système par répartition, auquel nous sommes tous attachés. Un pas important a été franchi avec cette loi courageuse. Après la réforme Balladur de 1993, il fallait que le secteur public consente à son tour un effort vital.
Mais lors des débats relatifs à la loi portant réforme des retraites, nous avons aussi essayé d'attirer l'attention de la Haute Assemblée sur la nécessité de prendre à bras-le-corps la question des régimes spéciaux.
L'ensemble des petits régimes traités par la mission « Régimes sociaux et de retraite » ont comme point commun de souffrir de déséquilibres démographiques prononcés et d'être restés, contrairement à ce que nous souhaitions, en dehors des réformes de 1993 et de 2003.
En matière de régimes spéciaux de retraite, comme en beaucoup d'autres domaines, la démarche selon la LOLF permet un meilleur contrôle du Parlement sur les engagements assumés par l'État.
La LOLF a conduit à la création d'une mission interministérielle consacrée aux régimes sociaux et de retraite qui résulte du démantèlement de l'ancien budget des charges communes et du budget des transports. Cette nouvelle présentation permet, d'une part, de mieux identifier la charge financière liée aux principaux régimes de retraite spéciaux et surtout, d'autre part, de connaître avec clarté l'ampleur du soutien financier de l'État à ces mécanismes de retraite.
L'objet de cette mission est d'équilibrer trois catégories de régimes sociaux et de retraite spéciaux, au moyen de trois programmes, à savoir les régimes sociaux et de retraite des transports terrestres, les régimes de retraite et de sécurité sociale des marins, et le régime de retraite des mines, de la SEITA et divers.
L'essentiel des crédits de la mission est naturellement concentré sur les régimes de la SNCF et de la RATP, qui se voient affecter 3 milliards d'euros sur les 4,49 milliards d'euros que compte la mission. L'enjeu est de taille. Les quatre principaux régimes de retraite spéciaux financés par cette mission versent plus de 8,6 milliards d'euros par an au titre des prestations vieillesse. Ils représentent 5,7 % du montant total des retraites de base et concernent 830 000 retraités. La survie de ces régimes n'est possible qu'en raison des mécanismes de compensation et de surcompensation et de la contribution servie par l'État.
L'évolution actuelle du traitement de ces régimes nous paraît aller dans le bon sens. Ils ne peuvent avoir vocation à perdurer indéfiniment, tant pour des raisons d'équité élémentaire que par nécessité économique. Mais, si certains de ces régimes sont « fermés », ces fermetures ne peuvent avoir lieu sans que soient garantis les droits de leurs bénéficiaires.
La fermeture du régime de la SEITA est à ce titre emblématique. Lors de la privatisation de l'entreprise en 1994, l'État s'était engagé à assurer l'équilibre du régime après perception de la cotisation annuelle libératoire et d'une soulte de 400 millions de francs.
Ce précédent a permis de régler de façon analogue le dossier des retraites de France Télécom en 1997. Les droits acquis dans le passé par les personnels ont été garantis mais tous les nouveaux embauchés ont intégré le régime général.
C'est à une évolution similaire, et à notre avis souhaitable, du régime de la RATP que l'on assistera lorsque sera créée la nouvelle caisse adossée au régime général à partir du début de l'année à venir.
Un seul bémol doit tout de même être émis. Comme l'a souligné M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, dans une « optique LOLF », les indicateurs actuels sont encore trop parcellaires. Ils ne portent que sur les seules dépenses de gestion courante, soit sur moins de 4 % des crédits. Le Parlement aura bien besoin dans l'avenir de critères d'évaluation plus performants.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Nouvelle sénatrice, ayant été élue voilà un an, j'ai la chance de me pencher sur la mission « Régimes sociaux et de retraite », qui est intéressante et semble pour la première fois bien identifiée. Grâce au rapport clair et précis de Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, l'ex-salariée du privé que je suis à pu appréhender un sujet compliqué qui a longtemps été tabou, les régimes spéciaux de retraite.
Ces derniers sont d'ailleurs demeurés à l'écart des réformes des retraites de 1993 et de 2003, alors que les personnels des trois fonctions publiques sont désormais associés à l'entreprise de sauvegarde du régime d'assurance vieillesse.
Ces régimes sont très hétérogènes. Ils regroupent aussi bien les régimes de grandes entreprises publiques, telles la SNCF ou la RATP, que le régime des mines ou celui des clercs de notaire.
Même s'ils ne sont pas inclus dans le processus programmé par la loi de 2003, certains d'entre eux changent. Plusieurs régimes touchant une faible population sont en voie d'extinction ou intégrés au régime général.
D'autres ont évolué, avant ou après la réforme, selon des modalités variées. Ainsi, le régime d'EDF et de GDF a été adossé au régime général moyennant le versement d'une soulte, comme vous le savez tous.
Les quatre principaux régimes de retraite spéciaux financés par cette mission versent au total plus de 8,6 milliards d'euros par an de prestations vieillesse : 2 milliards d'euros aux mineurs et à leurs ayants droit, 4,7 milliards d'euros aux assurés sociaux de la SNCF, 757 millions d'euros à la RATP et 1,1 milliard d'euros aux marins.
Leur part dans le système français d'assurance vieillesse n'est pas négligeable : elle correspond à 5,7 % du montant total des retraites de base versées mais ne rassemble que 2 % des cotisants.
La mission permet désormais d'examiner avec précision quelle est l'origine du financement de ces régimes spéciaux.
Ainsi, pour la SNCF, il apparaît que les cotisations constituent moins de 40 % des produits de la branche vieillesse, 37,6 % exactement en 2005. Le solde provient de sources extérieures : les mécanismes de compensation tiennent une part décroissante en raison de la réforme du mécanisme en 2003, 7,3 % en 2005 contre 18 % en 1995, tandis que la subvention de l'État contribue désormais pour plus de la moitié du total, 54,6 % en 2005 contre 48,9 % en 1995.
Pour la RATP, les cotisations constituent environ 38 % des produits de la branche vieillesse. Le solde provient de cotisations fictives financées par le STIF, le syndicat des transports d'Île-de-France.
La part des ressources externes dans le financement des prestations des marins dépasse 85 %.
Enfin, la participation de l'État à la retraite des mineurs et de leurs ayants droit se traduit par le versement d'une subvention d'équilibre à la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines, la CANSSM, dont le montant suit l'évolution du nombre des bénéficiaires : 91,7 % des prestations pour 2006.
Or, si les prestations versées aux marins sont proches de celles qui sont versées au régime général et si celles qui sont versées aux assurés du régime des mines sont notoirement faibles, il n'en va pas de même pour la SNCF ou la RATP.
Ainsi, pour cette dernière, le coût des avantages spécifiques versés par le régime est estimé à 38 % de ses engagements de retraite totaux.
Un projet est actuellement en cours de négociation. Il a pour objet de réformer ce mode de financement en créant, à compter du 1er janvier 2006, une caisse autonome adossée au régime de droit commun.
Je suis extrêmement attachée à notre système par répartition. Il est juste et solidaire. Afin qu'il le reste, je pense qu'une remise à plat s'impose.
En effet, je suis, comme je l'ai dit, une salariée du privé à laquelle on promettait encore, il y a quelques années, une retraite à soixante ans en prenant en charge les dix dernières années. Je sais qu'à l'issue de mon mandat de six ans, je devrai retravailler encore trois ans pour avoir mes annuités complètes. Je l'accepte, comme mes anciens collègues et collaborateurs ; nous sommes tous conscients des enjeux. Cependant, cela me donne, monsieur le ministre, une approche, pour ne pas dire une sensibilité, un peu différente de celle de certains de mes collègues.
S'agissant des conditions de travail particulièrement contraignantes ou pénibles, il me paraît logique que les personnels concernés puissent bénéficier d'un traitement différent. C'est d'ailleurs l'objet des négociations des partenaires sociaux pour le régime général. Cela signifie, pour moi, que les pathologies dont souffrent ces salariés en vieillissant doivent être analysées, tout comme leur espérance de vie par rapport à la moyenne, ainsi que les conditions de travail plus ou moins stressantes qu'ils connaissent.
Cependant, l'absence de transparence des prestations servies, la complexité des règles applicables à chaque régime et le caractère tabou des avantages octroyés laissent perdurer des idées reçues et des doutes, pas seulement chez le grand public.
Ces doutes, chacun a intérêt à ce qu'ils soient levés, afin que les réformes soient comprises. Comme cela a été nécessaire pour la réforme des retraites de 2003, nous avons besoin d'un diagnostic partagé, à l'image de celui qui a été établi par le COR, le conseil d'orientation des retraites, pour la réforme des retraites, mais, cette fois-ci, sur les régimes spéciaux.
Les enjeux sont très importants, puisque les sommes à financer au cours des prochaines décennies sont colossales : 103 milliards d'euros d'engagements « hors bilan » pour la seule SNCF, 89 milliards d'euros pour EDF et GDF, plus de 60 milliards d'euros pour les fonctionnaires de La Poste et 21 milliards d'euros pour les 80 000 retraités actuels et futurs de la RATP. Aucune provision n'a d'ailleurs été constituée depuis soixante ans pour y faire face.
En tant que représentante des salariés du privé, j'ai très peur pour l'avenir de tous ces régimes comme du mien. Il va de soi, monsieur le ministre, qu'il est de notre responsabilité de femmes et d'hommes politiques de faire quelque chose.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. La mission « Régimes sociaux et de retraite », ainsi que le compte d'affectation spéciale « Pensions », que nous examinons conjointement, forment un ensemble cohérent qui représente un enjeu majeur pour nos finances publiques.
Je dirai quelques mots, tout d'abord, de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
Les programmes relevant de la mission « Régimes sociaux et de retraite » consistent essentiellement en des subventions destinées à assurer l'équilibre financier de régimes spéciaux de retraite, auparavant dispersés sur les budgets des charges communes et des transports.
Les régimes aidés financièrement par cette mission connaissent des situations démographiques déséquilibrées et des contraintes structurelles. L'État manifeste la solidarité de la nation envers ces régimes par des subventions d'équilibre dont le montant est de 4,5 milliards d'euros.
La subvention d'équilibre au régime de retraite de la SNCF s'élève à 2,5 milliards d'euros.
S'agissant de la SNCF, vous avez regretté, monsieur le rapporteur spécial, la vente du patrimoine immobilier des caisses de retraite des mines et de la SNCF. Je rappelle que ce patrimoine n'était pas géré de façon optimale. Profiter de la situation actuelle favorable du marché de l'immobilier à Paris pour valoriser ces actifs est donc une bonne décision de gestion.
Le financement de l'équilibre financier du régime de retraite de la RATP est également désormais intégré au programme « Régime sociaux et de retraite » des transports terrestres pour 374 millions d'euros.
L'affichage de cette subvention d'équilibre au régime de retraite de la RATP est la conséquence de la décentralisation du STIF.
Je m'arrêterai enfin sur les indicateurs de performances de cette mission. MM. Leclerc et Piras ont noté que, s'agissant de dépenses obligatoires, les indicateurs de performances étaient d'abord des indicateurs de qualité du service rendu aux assujettis et de bonne gestion des régimes.
Cette efficacité de la gestion des régimes est notamment estimée, pour tous les régimes, au travers du coût de l'activité de liquidation d'une pension de retraite, comme l'a dit M. le rapporteur spécial.
Cette approche transversale des indicateurs permet des comparaisons entre régimes.
Concernant le compte d'affectation spéciale « Pensions », le regroupement de l'ensemble des crédits que l'État consacre au service de pensions et d'allocations viagères au sein de ce nouveau compte d'affectation spéciale constitue un grand progrès pour la modernisation de l'État. En effet, cela conduit à tenir compte, dans l'appréciation des dépenses de personnel de l'État, de la contribution que celui-ci consacre aux pensions de retraite.
Ainsi, la nouvelle méthode de budgétisation, issue de la réforme budgétaire, prévoit que le compte d'affectation spéciale « Pensions » sera notamment alimenté, en recettes, par une cotisation employeur, inscrite, comme toute cotisation sociale, dans chacun des programmes du budget général.
Cette nouvelle méthode permet donc aux gestionnaires des personnels de l'État de fonder leurs décisions de gestion sur des bases qui incluent la totalité du coût d'emploi des agents.
Le programme « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité », par sa dimension, concentre l'essentiel des enjeux du compte d'affectation spéciale « Pensions ».
Je tiens à apporter une précision importante à l'intention de M. le rapporteur spécial : le décalage existant, en cours d'exercice, entre le rythme d'encaissement des recettes et le rythme d'engagement des dépenses nécessite de prévoir la mise en place d'un fonds de roulement ab initio. Le Gouvernement propose de constituer ce fonds de roulement au moyen d'un versement exceptionnel d'un milliard d'euro provenant de l'établissement public de gestion de la contribution exceptionnelle de France Télécom.
Destiné à gérer les décalages de trésorerie infra-annuels, il devra être reconstitué à l'identique en fin d'exercice. Cette opération, qui vise uniquement à assurer une trésorerie suffisante au compte d'affectation spéciale « Pensions », n'a pas d'impact sur l'appréciation des déficits publics au sens de Maastricht.
Je voudrais m'arrêter enfin sur les indicateurs du compte d'affectation spéciale « Pensions ». M. le rapporteur spécial a noté qu'aucun indicateur n'était prévu pour retracer l'écart entre la provision et l'exécution du programme « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité ». Je vous indique que cela sera pris en compte dans le prochain projet de loi de finances.
Régimes sociaux et de retraite
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 4 491 460 000 euros ;
Crédits de paiement : 4 491 460 000 euros.
M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
(Ces crédits sont adoptés.)
Compte d'affection spéciale : Pensions
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits du Compte d'affectation spéciale : Pensions, figurant à l'état B.
état B
Autorisations d'engagement : 45 250 283 208 ;
Crédits de paiement : 45 250 283 208.
M. le président. L'amendement n° II-119, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité Dont Titre 2 |
2.558.100.000 2.558.100.000 |
2.558.100.000 |
2.558.100.000 2.558.100.000 |
2.558.100.000 |
Ouvriers des établissements industriels de l'État Dont Titre 2 |
1.000.000 1.000.000 |
1.000.000 |
1.000.000 1.000.000 |
1.000.000 |
Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions Dont Titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
2.559.100.000 |
2.559.100.000 |
2.559.100.000 |
2.559.100.000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cet amendement à caractère technique vise à rectifier une simple erreur d'imputation de certaines dépenses du compte d'affectation spéciale « Pensions ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. Cet amendement tend à transférer du titre VI, qui regroupe des dépenses d'intervention, au titre II, qui concerne les dépenses de personnels, les crédits relatifs aux compensations démographiques ainsi, bien sûr, que ceux qui sont relatifs aux versements effectués au régime général d'assurance vieillesse et au régime complémentaire des agents non titulaires de l'État au titre des titulaires sans droit.
La commission n'a pas donné son avis sur cet amendement. Je ne vais pas contester la modification qui nous est proposée, fondée sur une analyse fine de la nomenclature budgétaire. Une fois n'est pas coutume - je le dis sans malice à M. le ministre - je vais donner un avis favorable à cet amendement technique.
M. le président. Je mets aux voix les crédits du Compte d'affectation spéciale : Pensions, ainsi modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Je vais maintenant appeler en discussion les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 81, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraites ».
Articles additionnels après l'article 81
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-64 est présenté par MM. Marini et Arthuis, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-72 est présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. Après l'article 81, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est inséré dans le code des pensions civiles et militaires de retraite, après l'article L. 57, un article L. 57-1 ainsi rédigé :
« Art. L.57-1 - A compter du 1er janvier 2006, le bénéfice du régime d'indemnité temporaire accordé aux personnes retraitées tributaires du code des pensions civiles et militaires de retraite est réservé aux fonctionnaires ayant été en poste, pendant les cinq années qui précèdent la liquidation de leur pension, à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Polynésie française, à Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie.
« A compter de cette même date, l'indemnité temporaire versée à ces agents est plafonnée à 20 % du montant en principal de la pension.
« Ces dispositions ne sont pas applicables aux personnes bénéficiant de cet avantage avant le 1er janvier 2006 et qui pourront attester qu'elles remplissent la condition de résidence effective dans ces territoires. »
II. En conséquence, faire précéder cet article par la mention :
Régimes sociaux et de retraite
La parole est à M. le président de la commission des finances, pour présenter l'amendement n° II-64.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je salue, tout d'abord, M. Baroin, ministre de l'outre-mer, que nous avons l'honneur d'accueillir.
Le débat que va sans doute susciter cet amendement a déjà eu lieu dans notre hémicycle en 2003 et en 2004 et, si Philippe Marini et moi-même avons cru devoir reprendre l'initiative de le rouvrir, c'est parce que nous estimons que certaines situations offensent un principe fondamental d'équité dans la République.
Si nous reprenons cet amendement, c'est parce que nous avons un profond respect pour nos compatriotes ultramarins et que nous ne pouvons pas plus longtemps accréditer l'idée que se développeraient, hors de métropole, des pratiques qui sont à la lisière de ce que certains pourraient appeler des situations scandaleuses.
M. Guy Fischer. Quatorze niches fiscales !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. De quoi s'agit-il ? Les titulaires d'une pension de l'État justifiant d'une résidence effective à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna bénéficient, depuis un décret de 1952, d'une majoration de pension dont le montant varie entre 35 % et 75 %.
En l'état actuel, les fonctionnaires de l'État qui choisissent de passer leur retraite dans l'un de ces territoires, qu'ils y aient exercé ou non une activité professionnelle, peuvent percevoir cette indemnité ; permettez-moi de dire au passage mon étonnement de ce que certains territoires ultramarins ne bénéficient pas de ces dispositions.
Les revenus bénéficient, de plus, de régimes fiscaux particuliers applicables outre-mer, notamment en ce qui concerne l'impôt sur le revenu et, à l'exception de la Réunion, ne sont soumis ni à la CSG ni à la CRDS. La seule condition posée par le décret de 1952 porte sur les conditions de résidence, qui doivent être « au moins équivalentes à celles imposées aux fonctionnaires en activité de service ».
Ainsi, si le fonctionnaire retraité n'a pas effectué sa carrière en outre-mer, une période probatoire de six mois est nécessaire pour obtenir le bénéfice de la majoration, et ce pour autant que le pensionné aura manifesté le désir d'y résider au moins neuf mois.
Si le pensionné est originaire du territoire et s'y réinstalle ou y a effectué sa carrière, cette condition de résidence n'est pas applicable. L'instruction comptable du 20 janvier 1982 demeure la seule base légale pour le contrôle de la résidence.
L'article 60 de la loi du 5 juillet 1996 précisait que les services du Trésor étaient habilités à contrôler la condition de résidence et que, dans ce cas, le secret professionnel n'était pas opposable.
Cependant, l'arrêté du Conseil d'État du 20 décembre 1995 a privé cet article de toute portée en annulant les mesures restreignant la circulation des nationaux et l'élaboration de fiches spéciales d'identité, qui auraient permis aux services du Trésor, notamment grâce au fichier transfrontière de la police de l'air et des frontières, de s'assurer des dates d'entrée et de sortie des territoires.
Il semble donc que, s'agissant de cette indemnité, certaines fraudes soient possibles. Dans un rapport consacré aux pensions des fonctionnaires civils de l'État, daté d'avril 2003, la Cour des comptes soulignait qu'il s'agissait d'une indemnité avantageuse, pratiquement impossible à contrôler.
J'ai encore en mémoire ces propos de l'un d'entre nous selon qui, chaque année, près de 500 personnes se rendent à La Réunion pour y louer ou acheter un appartement à la seule fin de disposer d'une adresse, unique formalité indispensable à remplir pour bénéficier de l'avantage en question, adresse en général fictive car, souvent, ces personnes ne font que passer et résident en réalité en métropole ; aucun contrôle sérieux n'est effectué.
C'est la raison pour laquelle nous nous sommes efforcés, en 2003 et 2004, de mettre un terme à ces dérives qui offensent la République et ses valeurs.
En déposant cet amendement, nous sommes dans la continuité des principes que nous avons déjà invoqués, il est vrai sans succès.
Le dispositif que nous proposons a fait l'objet d'une étude sérieuse, réalisée en étroite collaboration avec la commission des affaires sociales.
Cet amendement tend à insérer un article L.57-1 dans le code des pensions civiles et militaires de retraite. J'insiste sur le fait que les actuels bénéficiaires de l'indemnité temporaire ne sont pas concernés et continuent donc à percevoir, dans des conditions inchangées et en dépit des observations que je viens de faire, leur indemnité temporaire.
En premier lieu, le dispositif que nous vous proposons tend non pas à supprimer l'indemnité temporaire mais à limiter son taux à 20 % du montant de la pension.
En second lieu, cette indemnité temporaire serait réservée aux fonctionnaires ayant été en poste pendant les cinq années précédant la liquidation de leur retraite dans un de ces départements, territoires ou collectivités. Ces dispositions seraient applicables au 1er janvier 2006.
Il convient de remarquer que ce taux de 20 % correspond à l'estimation de l'écart de prix entre la métropole et l'outre-mer, qui a été réalisée en 2004 par l'inspection générale de l'Institut national des études statistiques et économiques, l'INSEE.
Après deux tentatives infructueuses, j'espère que le Gouvernement acceptera enfin notre proposition.
En tant que parlementaires, nous avons une certaine idée de la justice et de l'équité : c'est parce que nous considérons que de telles pratiques offensent l'équité et la justice et qu'elles portent atteinte à l'image de l'outre-mer, que nous voulons y mettre un terme.
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-72.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis. Cet amendement s'inscrit dans la continuité de la réforme de 2003 que j'évoquais tout à l'heure.
La commission des affaires sociales, après un large débat, l'a adopté la semaine dernière, ce qui n'est une surprise pour personne. En effet, cet amendement fait suite à une initiative lancée l'année dernière par le président de cette commission, Nicolas About, lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale de 2005, ainsi qu'à plusieurs amendements d'inspiration identique déposés en 2002 et 2003 par le président et le rapporteur général de la commission des finances, Jean Arthuis et Philippe Marini. Par ailleurs, notre collègue Henri Torre a largement contribué à nourrir ce débat.
Nous assistons en fait à un véritable dialogue de sourds.
Selon certains, notamment la Cour des comptes, qui a formulé des critiques très sévères, le statu quo ne serait pas tenable. D'autres soutiennent en revanche qu'il est impossible d'espérer la moindre évolution.
Où allons-nous ? Devrons-nous vivre avec ce problème sans jamais pouvoir le résoudre ?
Je reprendrai à mon compte les propos de M. Fischer : c'est l'honneur du Parlement en général, et du Sénat en particulier, que de pouvoir débattre de situations et de sujets difficiles.
On nous a aussi objecté - le président Arthuis vient d'y faire référence - qu'il n'existait pas d'estimation fiable permettant de comparer les prix d'outre-mer et de métropole. Certes, ce n'est pas le fond du débat, mais l'inspection générale de l'INSEE a tout de même publié une étude récente sur ce sujet, datant de juillet 2004, et qui fait autorité !
Qui peut croire que, dans un pays aussi administré que le nôtre, un organisme public ne se soit jamais penché sur cette question ? Il serait vain d'engager une polémique sur l'ampleur du différentiel de prix entre la métropole et l'outre-mer. Pour notre part, nous préférons en revenir à la décision de la Cour des comptes, qui plaide pour une suppression pure et simple de ce mécanisme.
On nous a également dit l'an dernier que toutes les parties prenantes au débat devraient s'accorder sur les termes de la réforme ou que celle-ci devait tout au moins recueillir l'adhésion des acteurs ultramarins.
Il me semble important de préciser qu'il n'est pas question pour nous d'empêcher de modestes sous-officiers et fonctionnaires servant en métropole de retourner dans leur pays d'origine. Là n'est pas le fond du débat, comme l'a souligné le président Arthuis.
Ce qui est en cause, c'est l'existence de certains avantages substantiels, perçus dans des conditions fiscales pour le moins favorables - absence d'imposition à la contribution sociale généralisée, la CSG, ou à la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS -, et qualifiés par les magistrats financiers d'« avantages injustifiés ayant un montant exorbitant ».
La commission des affaires sociales souhaite que l'on empêche certains Français métropolitains de profiter de l'absence de contrôle pour se faire domicilier dans ces territoires, alors qu'ils vivent en réalité en métropole tout en bénéficiant de ces avantages.
Ces fraudes - car c'est le mot qui convient ! - sont d'ailleurs loin de constituer des phénomènes isolés, comme cela a déjà été dit en 2003, lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale et de la loi de programme sur l'outre-mer. En effet, chaque année, 500 personnes louent ou achètent un appartement outre-mer afin d'y disposer d'une adresse, car c'est l'unique formalité indispensable pour bénéficier de cet avantage.
Selon la Cour des comptes, toute tentative de rationalisation du contrôle de ces adresses fictives serait vaine et impossible à réaliser.
Enfin, mes chers collègues, en tant qu'élus, nous sommes nombreux à être las de cette situation, qui perdure et même s'aggrave. Et nous ne sommes pas les seuls : certains médias nationaux, notamment des hebdomadaires, ont porté ce dispositif à la connaissance du public, au risque de susciter de nouvelles « vocations ».
La commission des affaires sociales et la commission des finances se sont donc attachées, et ce dans les mêmes termes, à remettre à plat ces fameuses indemnités temporaires. Nous sommes en effet convaincus que la situation actuelle est de nature à nuire à l'image de nos territoires ultramarins.
La solution que nous proposons est équilibrée : il ne s'agit pas de supprimer totalement le dispositif actuel, mais de le réorganiser en modifiant les conditions d'attribution, à partir du 1er janvier 2006, pour les nouveaux bénéficiaires, sans remettre en cause la situation des personnes qui en bénéficient actuellement. Nous voulons, d'une part, réserver l'accès à ce dispositif aux seuls fonctionnaires civils et militaires ayant passé sur ces territoires les cinq dernières années précédant la liquidation de leur retraite et, d'autre part, plafonner cet avantage à 20 % du montant de la pension.
Enfin, je souhaite vivement que toutes les économies qui seront réalisées soient affectées à la couverture de réels besoins sociaux en outre-mer.
Tel est le sens de la démarche conjointe de la commission des affaires sociales et de la commission des finances.
M. le président. L'amendement n° II-98, présenté par M. About et Mme Procaccia, est ainsi libellé :
I - Après l'article 81, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 57, il est inséré dans le code des pensions civiles et militaires de retraite, un article L. 57 1 ainsi rédigé :
« Art. L. 57-1 - A compter du 1er janvier 2006, le bénéfice du régime d'indemnité temporaire accordé aux personnes retraitées tributaires du code des pensions civiles et militaires de retraite est réservé aux fonctionnaires ayant été en poste, pendant les cinq années qui précèdent la liquidation de leur pension, à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Polynésie française, à Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie.
« A compter de cette même date, l'indemnité temporaire versée à ces agents est plafonnée à 35 % du montant en principal de la pension.
« Ces dispositions ne sont pas applicables aux personnes bénéficiant de cet avantage avant le 1er janvier 2006 et qui pourront attester qu'elles remplissent la condition de résidence effective dans ces territoires. »
II - En conséquence, faire précéder cet article par la mention :
Régimes sociaux et de retraite.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Il s'agit d'un amendement de repli.
Certes, le débat sur cette question a déjà eu lieu, mais vous permettrez à la nouvelle élue que je suis de s'exprimer sur les pratiques qu'elle a pu découvrir depuis son arrivée au Parlement.
Notre amendement est un peu plus généreux que celui de MM. Arthuis et Leclerc puisqu'il tend à plafonner l'indemnité temporaire à 35 % du montant en principal de la pension, c'est-à-dire le taux le plus bas proposé dans chacun de ces territoires.
Il s'agit donc d'une première étape et non d'un bouleversement. En effet, comme l'ont dit mes deux collègues, cette mesure ne concernerait pas les ayants droit actuels de cette indemnité mais uniquement ceux qui pourraient dorénavant en bénéficier.
Cet amendement me paraît équitable, pour reprendre le terme utilisé par le président Arthuis, dans la mesure où il n'y a pas de raison que seuls certains territoires et départements d'outre-mer puissent bénéficier de cet avantage.
Par ailleurs, le décret d'application relatif à l'indemnité temporaire date de 1952. Or les conditions de vie, en 2005, dans ces départements et territoires sont complètement différentes de celles de 1952, et vous ne ferez croire à personne qu'il est difficile d'y passer sa retraite ! D'ailleurs, comme je discutais de ce sujet avec certains de mes collègues, ceux-ci m'ont demandé si ce dispositif leur était applicable, car ils auraient souhaité en bénéficier.
M. Guy Fischer. Ah bon ? C'est « toujours plus » !
Mme Catherine Procaccia. Je connais de nombreux fonctionnaires qui, découvrant l'existence de cet avantage au moment de prendre leur retraite, le trouvent très intéressant, quitte à vivre de six à neuf mois dans ces départements. Les articles de presse dont parlait Dominique Leclerc constituent à cet égard de véritables « appels d'air ».
Je tiens d'ores et déjà à dire, dans le cadre de l'examen de ce budget, que la publicité faite autour de ce dispositif est préjudiciable, mais je sais que nous aurons l'occasion d'en débattre à nouveau l'an prochain.
Enfin, je ne vois pas pourquoi les salariés du privé, dont je suis, qui travaillent dans ces territoires et concourent à leur développement économique, ne pourraient pas bénéficier de ce type d'avantage.
Décidément - peut-être est-ce dû au fait que je suis du signe de la balance ? -, je ne vois la justice nulle part dans ce dispositif ! Je souhaite donc que cette première étape soit retenue, dans la mesure où nous parlons tout de même de retraite prise volontairement dans un endroit librement choisi. Aller vivre à Nice, à Lille ou à Saint-Denis de la Réunion, c'est un choix, ce n'est pas une obligation ! Autant il est concevable que des fonctionnaires mutés indépendamment de leur volonté bénéficient d'indemnités, autant il est exclu que des choix de vie personnels soient financés par l'État.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° II-98 ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il s'agit, comme l'a indiqué Mme Procaccia, d'un amendement de repli. Nous souhaitons ne pas avoir à nous prononcer sur lui. Nous espérons que le Sénat se ralliera aux deux amendements identiques de la commission des affaires sociales et de la commission des finances.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord exprimer mon respect, monsieur Arthuis, à l'égard de la continuité de la réflexion de la commission des finances et de la commission des affaires sociales.
Je tiens à dire que nous avons eu, avant l'été, l'occasion de discuter, de réfléchir, d'étudier les possibilités d'avancée commune. Cela s'est fait dans un souci de dialogue, dans la prise en considération de l'important travail de la commission des finances.
Vous l'avez dit, monsieur Arthuis, ce point important fait débat. Je crois utile de rappeler quelques éléments de réflexion susceptibles de compléter les arguments que vous avez développés.
Le montant des majorations de pensions de retraite servies aux fonctionnaires de l'Etat installés dans certaines collectivités d'Outre-Mer trouve son origine dans la nécessité de compenser le différentiel entre le coût de la vie dans ces collectivités et ce coût en métropole.
Ces majorations représentent par ailleurs aujourd'hui un revenu non négligeable, injecté dans des économies locales, dont chacun connaît les handicaps structurels et la fragilité. Je n'y reviendrai pas : certains d'entre vous prendront sans doute la parole pour rappeler que, dans ces collectivités, le taux de chômage est deux à trois fois plus élevé que la moyenne nationale, que le nombre de RMIstes l'est également, tout comme le nombre d'allocataires de prestations sociales. Ils rappelleront que les difficultés en matière de production de logements sociaux accentuent ces difficultés et ces tensions. Ils considéreront qu'accorder ces avantages, c'est répondre non seulement à l'exigence de solidarité, mais aussi à l'exigence d'un rattrapage rapide sur le plan économique.
Les majorations de pension constituent, au niveau des retraites, le pendant des surrémunérations versées aux fonctionnaires en activité.
Les régimes de retraite des fonctionnaires locaux peuvent au demeurant constituer des avantages similaires, identiques en montant, comme c'est le cas en Nouvelle Calédonie.
J'ai bien compris, monsieur Arthuis, que les compléments de retraite constituaient l'une des préoccupations de la commission des finances. Cette préoccupation est, avec d'autres, à l'origine d'une réflexion qui se veut équitable et juste pour l'ensemble du territoire national, métropole et Outre-Mer.
En fait, la distance, le « sel du lointain » comme avait dit avec bonheur M. le Premier ministre dans son discours de politique générale, altère la sincérité du regard que l'on peut porter non seulement sur l'exigence du soutien, mais aussi, lorsqu'il s'agit de réforme, sur le rythme, la pédagogie et le calendrier d'une méthodologie que l'on voudrait partagée par tous.
L'exigence d'un consensus, sur ce point comme sur beaucoup d'autres, est une méthode d'action politique partagée par les parlementaires ultramarins ; ce n'est pas contestable. C'est pourquoi le Gouvernement considère que la réforme, même à la marge de ce dispositif, suppose au préalable que soient réunies deux conditions.
Il faut tout d'abord que les arguments d'une opposition au système actuel puissent se fonder sur des éléments sûrs et indiscutables. Vous avez soulevé des points de référence et en avez conforté votre argumentaire. Vous avez souligné les aspects négatifs de ce dispositif. La difficulté, c'est que nous ne disposons pas d'éléments suffisamment précis sur les aspects positifs. Aucune étude complémentaire valable n'a permis de voir de quelle façon l'argent octroyé sous forme de prestation complémentaire a été injecté dans l'économie.
Par ailleurs, il y a une très grande disparité de situations, nul ne saurait le contester. La différence de coût de la vie entre la métropole et la Réunion, par exemple n'est certainement pas le même qu'entre la métropole et Wallis-et-Futuna.
Est-il besoin de rappeler que, lorsqu'on se trouve à Wallis et Futuna, que l'on soit à la retraite ou en activité, on est obligé de prendre l'avion si l'on a un problème dentaire : le coût du traitement dentaire est multiplié par quatre ou cinq, parce qu'on ne peut se faire traiter qu'à Nouméa. Cet exemple est-il pertinent ou non, je ne sais, mais je pourrais dresser une liste complète de ces disparités liées à l'insularité de certains de nos territoires.
Le plafonnement proposé aujourd'hui se traduirait en réalité par une diminution de revenu dans des proportions totalement différentes à la Réunion ou à Mayotte d'une part, où l'indemnité est actuellement égale à 35 % du principal, en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie, ou dans les îles Wallis et Futuna d'autre part, où l'indemnité représente 75 % du principal.
Limiter le bénéfice de l'indemnité aux fonctionnaires en poste dans les collectivités concernées pendant les cinq ans précédant la liquidation de leur pension écarterait des agents ayant exercé dans ces collectivités pendant de longues périodes, mais à un autre moment de leur carrière.
C'est pourquoi un traitement individualisé est nécessaire.
Les quelques études réalisées sur ce sujet n'ont pas traité de manière suffisamment approfondie des effets positifs de ces compléments de rémunération.
Dans l'analyse à laquelle vous avez fait allusion, monsieur Arthuis, l'INSEE soulignait également que le poids de l'économie administrée dans les économies d'Outre-Mer est tel qu'une réforme des dispositifs existants « ne pourrait être amorcée que graduellement, et en compensant la diminution des transferts publics sous forme de salaires par d'autres dépenses ».
Il ne faut pas perdre de vue que les fonctionnaires retraités présents dans ces collectivités d'Outre-Mer sont des seniors. Ils ne pèsent pas sur l'emploi, mais apportent en revanche à l'économie locale leur revenu et, le cas échéant, leur compétence.
Le dossier mérite une expertise préalable, qui nous fait manifestement défaut aujourd'hui.
Le deuxième pilier sur lequel se fonde la position du Gouvernement est une concertation approfondie avec l'ensemble des élus et des décideurs locaux. Lorsqu'il s'agit de l'Outre-Mer, le principe fondateur est l'action consensuelle, pour parvenir à des avancées durables et structurelles.
Cette concertation est d'autant plus légitime que les dispositions proposées, même si elles n'ont vocation qu'à s'appliquer à de futurs pensionnés, ne sont pas sans incidence sur les économies locales.
Une évaluation de l'impact économique de cette mesure doit donc être réalisée de façon à en atténuer les effets négatifs, par une dégressivité par exemple.
Cette absence d'évaluation et de concertation explique pourquoi tous les élus ultramarins que je rencontre demeurent hostiles à cette réforme.
De plus, l'exclusion proposée des fonctionnaires n'ayant pas servi outre-mer précédemment à leur retraite est parfaitement inéquitable.
Comme Mme Payet l'expliquait devant la commission des affaires sociales le 19 octobre dernier, les personnes originaires de l'Outre-Mer attendent parfois leur mutation pendant toute leur carrière et ne retournent dans leur région d'origine qu'au moment de leur retraite seulement.
Je précise qu'aucune articulation avec les régimes locaux n'est actuellement prévue.
En conséquence, monsieur Arthuis, s'il vous semble que la réflexion sur ce sujet peut et doit être menée, le temps de la réforme n'est pas encore venu.
Dans le contexte de la LOLF, dont l'objet est d'atteindre une plus grande rationalisation de la dépense, il ne nous paraît pas opportun d'adopter une mesure visant à une économie non mesurable, mesure qui risque d'entraîner des injustices plus grandes que les hypothétiques injustices dénoncées.
Il convient donc pour l'heure d'approfondir l'analyse. Je propose que nous lancions une réflexion dans le cadre de la commission d'évaluation prévue dans le cadre de la loi de programme. Cette commission doit rassembler - un consensus se dégage sur ce point - des parlementaires appartenant aux commissions des finances des deux assemblées, des parlementaires ultramarins, ainsi que des représentants des services du ministère de l'économie et des finances, du ministère des affaires sociales et du ministère de l'outre-mer.
Ce point, qui n'est pas inscrit dans la loi en termes de politique d'évaluation, pourra ainsi malgré tout, lorsque la commission se mettra en place, faire l'objet d'une réflexion. Nous verrons ensuite, sur des bases sincères et objectives, comment définir une position qui soit favorable aux uns comme aux autres.
Vous l'aurez compris, le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements nos II-64, II-72 et II-98 et demande qu'ils soient mis aux voix par scrutin public.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, ne vous méprenez pas sur le sens de ce que je vais dire, j'ai beaucoup de sympathie pour vous, et je sais que votre tâche est difficile. Je voudrais toutefois que vous compreniez l'état d'esprit des parlementaires que nous sommes, qui entendent donner du sens à leur engagement, à leur présence, à leur participation au débat.
A certains moments, ils s'interrogent sur leur propre contribution. S'agit-il d'accomplir un acte formel pour respecter les apparences de la démocratie, à une époque où l'on sent bien qu'un fossé se creuse entre l'opinion publique et ceux qui ont reçu mandat d'être acteurs politiques, à un moment où l'on a l'impression que la politique devient image virtuelle, communication, gesticulation ?
Nous sommes, nous, sur le terrain.
Il est sans doute heureux que le Sénat soit, un samedi soir, un relatif purgatoire médiatique, car ce qui vient d'être dit ici offense l'idée que le citoyen se fait de l'équité dans la République.
Bien sûr, il faut le consensus ; il faut des rapports, des évaluations. Mais on nous fait le coup chaque fois, monsieur le ministre, et rien ne change !
Je tiens à dire à nos collègues qui représentent les collectivités ultramarines combien nous sommes attachés à l'outre-mer, combien nous le respectons. Mais je voudrais aussi les mettre en garde contre l'apparente compréhension qu'ils ont à l'égard de telles pratiques : ils mettent le lien qui nous unit à rude épreuve.
Chacun sait que ce lien n'est en aucune façon un sujet de discussion : on l'a bien vu à l'occasion du drame qui a endeuillé la Martinique. Tous les Français ont exprimé leur émotion : c'est dire la force de la relation. Mais, parce que nous avons des convictions fortes sur le sujet, nous avons estimé en conscience qu'il était de notre devoir de déposer cet amendement.
Vous demandez un scrutin public : que chacun assume ses responsabilités.
La commission des finances a longuement délibéré. Dans sa grande majorité, elle a approuvé cet amendement. Il ne s'agit pas seulement de faire une économie. Cette prime représente une perte de ressource fiscale, estimée à 200 millions d'euros par la Cour des comptes.
Monsieur le ministre du budget, nous passons notre temps à tenir des propos sur la nécessité de maîtriser la dépense publique, de réduire le déficit public, pour qu'enfin la dette publique cesse d'être un sujet d'inquiétude pour nos compatriotes. Le Gouvernement ne peut passer son temps à mettre en évidence l'ampleur de la dette sans commencer à proposer des dispositions de nature à réduire le déficit !
Finalement, monsieur le ministre, ne sommes-nous pas en train de vous rendre service en cherchant à dissiper les ambiguïtés qui pourraient demeurer dans vos échanges avec nos collègues ultramarins ?
Ce n'est pas de gaieté de coeur que nous avons déposé cet amendement°: c'est par souci du respect des principes. La République a besoin de principes, elle a besoin de les respecter.
M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le président, mes chers collègues, l'occasion est belle pour moi de parler de ces terres lointaines qui ont fait la grandeur de la France. Il est quand même terrible d'entendre un collègue, pour qui j'ai par ailleurs beaucoup d'estime, évoquer des situations qui offensent la République.
La République, mon cher collègue, a-t-elle été offensée quand, en 1946, le général de Gaulle, soutenu par les communistes, a fait voter des lois sociales applicables sur tout le territoire français mais qu'il a fallu attendre 1995 pour que le Président Chirac accorde aux départements d'outremer - pas à Mayotte, pas à Saint-Pierre-et-Miquelon, pas à Wallis-et-Futuna - l'égalité des droits ?
Mon cher collègue, avons-nous le même SMIC que celui de la métropole ? Non !
Vous avez laissé dire, à l'échelon européen, que l'Allemagne était le plus grand pays ; c'était oublier que les territoires d'outre-mer donnaient à la France son espace marin !
Vous n'avez pas tenu compte de la situation de nos jeunes ! Savez-vous, mes chers collègues, qu'un enfant qui tombe d'un arbre à Wallis-et-Futuna n'a pas à proximité d'hôpital où se faire soigner ?
Pourquoi avez-vous fait venir des fonctionnaires à Wallis-et-Futuna et ailleurs ? Vous saviez très bien que les métropolitains qui venaient chez nous se trouvaient isolés : il faut dix jours de bateau pour quitter les Antilles et aller à Paris ! Tous nos étudiants qui venaient faire leurs études ici n'allaient jamais en vacances chez eux ! J'ai fait toutes mes études à Paris : je n'ai pas vu mes parents pendant six ans. Je restais dans ma petite chambre, même si, à Noël, des amis, des étudiants métropolitains m'amenaient en Bretagne ou ailleurs.
À toutes ces régions, vous n'avez jamais appliqué l'égalité sociale. Vous les avez, et j'emploie à dessein un mot fort, exploitées ! Le fret colonial était beaucoup plus cher chez nous que le fret international. Ce sont des dossiers que je maîtrise bien et je suis choquée quand j'entends dire que c'est notre image que l'on veut rétablir ! Moi, je ne suis pas fonctionnaire, et ce texte n'est pas applicable chez moi !
Nous n'avons jamais eu un véritable débat sur l'outre-mer : vous vous contentez chaque fois de « mesurettes » !
On vient de nous annuler 66 millions d'euros de crédits, sur la formation professionnelle, sur le soutien aux communes, sur l'emploi, etc : nous n'avons rien dit, nous n'avons pas protesté, car nous savons qu'il faut faire des économies. Mais vous avez une arrière-pensée : vous voulez toucher aux fameux 40 % ! Soyons sérieux, s'il y a des dérapages, on les connaît : ils sont le fait de fonctionnaires d'État qui vont dans les îles et qui y passent leur retraite !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ils n'y sont pas !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Mon cher collègue, ne faites pas un monde avec les rapports de la Cour des comptes ! Quelques-uns, et on les connaît, ne vivent pas là, mais les autres sont bien présents, ils ont leur maison, ils ont du personnel !
Oui, les contraintes budgétaires sont réelles, mais il y a longtemps qu'il n'y a pas eu de véritable débat sur l'outre-mer ! Il y en a eu un avec Pierre Mesmer, en 1972 ; il y en a eu un autre, en 1986, avec Bernard Pons. Depuis, l'outre-mer doit se contenter de « mesurettes » et de petites économies !
Il a fallu que l'on se batte, mes chers collègues, pour obtenir la continuité territoriale alors que vous versez des sommes considérables pour l'assurer avec la Corse, qui, elle, fait partie intégrante de la France, tandis que, nous, nous n'apparaissons même pas sur la carte géographique de la France !
Il faut que la France apprenne à connaître la France, il faut qu'elle connaisse la réalité de ces régions ! Nous, nous avons le sens de nos responsabilités. Si le statut de la Guadeloupe n'a pas changé, si nous n'avons pas voulu de cette superposition de communes, de communautés de communes, etc, c'est parce que certains parlaient encore de l'indépendance de la Guadeloupe !
Aujourd'hui, il faut faire des économies budgétaires, nous en sommes conscients, mais pour mettre fin à une injustice, vous proposez de la remplacer par une autre injustice ! Puisque c'est une injustice, supprimons-la carrément ! Pourquoi parler de 25 % ou de 35 % ? C'est un marchandage !
M. le président. Il vous faut conclure, ma chère collègue !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Nous avons demandé un véritable débat sur l'outre-mer pour que l'on puisse traiter les problèmes de la Nouvelle-Calédonie d'une certaine façon, ceux de Wallis-et-Futuna d'une autre façon, ainsi que ceux de Mayotte, qui, depuis 1986, réclame en vain la départementalisation et le bénéfice des lois sociales.
C'est pourquoi même si, en apparence, il s'agit de dispositions qui ne semblent pas équitables, je demande à mes collègues, eu égard à la façon dont l'outre-mer est traité, de ne pas voter ces amendements, parce que, pour le ministre de l'outre-mer, il n'est pas facile de gérer les différentes facettes de cette France ultramarine qui aime la France autant que les « vrais » Français !
M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau, pour explication de vote.
Mme Gélita Hoarau. Je m'associe entièrement à ce que vient de dire Mme Michaux-Chevry ainsi qu'à la protestation de celles et de ceux d'entre nous qui regrettent que ces amendements aient été déposés sans qu'il y ait un semblant de consultation et de concertation outre-mer.
De plus, ces amendements ne s'insèrent pas dans une démarche globale et cohérente de développement de l'outre-mer : ils ne visent qu'à servir l'objectif de faire des économies dans le budget de l'État. Ce n'est pas acceptable !
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ces amendements qu'il est de la responsabilité de la majorité de retirer.
Cependant, M. Dominique Leclerc apporte un élément nouveau dans son exposé des motifs. Après M. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits de la mission « Outre-mer », il signale l'existence d'un rapport qui établirait que l'écart des prix entre l'outre-mer et la métropole serait de 20 %. La référence à un tel document, que l'on dit être réalisé par l'INSEE, a suscité de l'intérêt chez nous.
Notre collègue fait référence au document annexé au projet de loi de finances pour 2005 et fourni au Parlement en octobre 2004. Ce document, c'est tout simplement le « jaune » budgétaire, produit par les services de l'État, portant sur la situation des collectivités locales d'outre-mer. Ne faudrait-il pas, par conséquent, réactualiser ce document ?
Je rappelle qu'à la Réunion nous avons connu, au premier semestre 2005, une hausse sensible du fret maritime, qui a encore joué sur l'évolution des prix. En tout cas, cela fait des années que nous demandons que l'on établisse, avec le plus de précision possible, l'écart des prix entre la métropole et l'outre-mer.
Ce problème se pose régulièrement à propos des traitements de la fonction publique. Chez nous, ils sont indexés à 53 % au titre d'un coût de la vie estimé supérieur de 40 % à celui de la métropole. S'étant saisie des débats ouverts à ces occasions, la Réunion a demandé - en vain, hélas ! - la transparence la plus totale sur la formation des prix dans l'île.
Il y a cinq ans, en décembre 2000, la loi d'orientation pour l'outre-mer était promulguée. L'article 75 de cette loi, dont l'initiative revient aux députés réunionnais, instaure l'installation d'un observatoire des prix et des revenus dans les DOM, afin notamment de mener une politique d'harmonisation des revenus, de tous les revenus. Quarante-six décrets d'application de la LOOM ont été publiés, mais nous attendons toujours celui qui est relatif à l'Observatoire des prix et des revenus. Nous interrogeons donc de nouveau aujourd'hui le Gouvernement : quand sera promulgué au Journal officiel le décret créant cet observatoire ?
La Réunion n'est pas rétive aux réformes quand elles sont strictement tournées vers le développement. Sortons donc de ces schémas simplificateurs qui portent atteinte à notre dignité et qui divisent la population de l'outre-mer entre assistés et privilégiés !
Aujourd'hui, on a beaucoup parlé de rendre hommage à la population ultramarine ; je pense qu'avant tout il faut la consulter et l'écouter avant de prendre quelque décision que ce soit pour son avenir.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous voterons contre ces trois amendements. Nous demandons un scrutin public, car l'enjeu est important : je le lie à la déclaration que je faisais tout à l'heure.
M. Arthuis, M. Leclerc et Mme Procaccia ont donné le ton. Il s'agit d'une véritable remise en cause et les arguments utilisés confortent mes craintes concernant une attaque frontale prévisible qui serait portée, dans un premier temps, contre ce régime particulier, mais qui le sera, dans un second temps, contre les régimes spéciaux et le système de retraite en général.
Ces amendements visent donc à réformer le système des majorations de retraites appliqué dans certains territoires d'outre-mer. En commission, nous avions auditionné à ce propos Mme Girardin. Le ton était très vif, Mme Girardin ayant alors laissé entendre qu'il fallait s'adresser au Président de la République pour traiter d'un tel sujet. Aujourd'hui, loin de baisser les bras, les auteurs des amendements continuent.
On va même plus loin : certains regrettent qu'on ne discute pas aussi des compléments de rémunération pour les fonctionnaires en poste outre-mer, des congés bonifiés dont bénéficient les fonctionnaires ultramarins prenant leurs congés dans leur département d'origine, de la TVA non perçue remboursée, qui constitue de fait une mesure de soutien représentant 90 millions d'euros, ou encore de l'indemnité temporaire destinée aux fonctionnaires !
On propose d'évaluer le coût des quatorze « niches » fiscales recensées outre-mer, mais, reconnaissons-le, le discours que nous entendons aujourd'hui n'est absolument pas le même que celui que nous avons entendu à propos de l'ISF et qui tendait alors à justifier que l'on donne toujours plus à ceux qui ont plus et toujours moins à ceux qui ont moins ! Là, au nom de la lutte contre les inégalités, on s'en prend aux fonctionnaires.
Je mets en garde les populations ultramarines : l'initiative de M. Arthuis, de M. Leclerc et de Mme Procaccia doit être prise au sérieux. Elle a été préparée sans concertation et sans consultation avec l'outre-mer, alors que M. Baroin était à la Réunion au début du mois d'octobre.
Nous étions outre-mer durant le mois de septembre et nous avons largement débattu de ces problèmes, notamment à la Réunion et à Mayotte. Bien entendu, pour pouvoir discuter d'une situation, il faut connaître la réalité. En l'occurrence, on est dans un contexte où les problèmes cruciaux s'amplifient : emplois insuffisants, taux de chômage record, proportion des allocataires de minima sociaux très importante, logements sociaux en panne du fait de la défiscalisation sur le foncier, faiblesse de la continuité territoriale, conséquence de la réforme de l'OCM sucre, implications des difficultés rencontrées par l'Union européenne pour se doter d'un budget pour 2007-2013...
Ces problèmes doivent être discutés globalement si l'on veut y faire face. Or le Gouvernement et sa majorité se montrent hésitants, sinon défaillants et sans réelles solutions à proposer.
M. Arthuis, au cours de ces dernières vingt-quatre heures, nous a fait la démonstration de ce que j'appellerai son intégrisme financier ; je ne l'ai pas « digéré » !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce que vous dites est irrecevable !
M. Guy Fischer. Le débat doit avoir lieu. Sachez que nous allons faire connaître la réalité de la situation. Nous ne pouvons accepter de tels amendements, qui ont des conséquences très importantes. En effet, après, vous vous en prendrez aux régimes spéciaux. C'est tout le problème des retraites qui est en cause ; nous en discutons vivement, mais sérieusement avec notre collègue Dominique Leclerc.
Voilà pourquoi nous appelons à ne pas voter ces amendements. Nous invitons une nouvelle fois toutes celles et tous ceux qui sont concernés à définir, de manière constructive, leurs projets d'avenir, notamment pour les territoires ultramarins, qui sont confrontés à de multiples difficultés.
C'est la raison pour laquelle nous avons demandé ce scrutin public.
M. le président. Nous avons encore deux intervenants. Je les incite à être brefs, car il va nous falloir suspendre la séance.
La parole est à M. Bernard Piras, pour explication de vote.
M. Bernard Piras. Je serai bref, monsieur le président.
Monsieur le président de la commission des finances, si votre souci d'équité et d'égalité vous honore, encore faudrait-il l'avoir jusqu'au bout. Or, là, je pense que vous allez ajouter de l'injustice à l'injustice !
Premièrement, vous placez l'ensemble des territoires d'outre-mer et le département concerné sur un pied d'égalité. Or, je considère, pour ma part, que leur situation n'est pas égale.
Deuxièmement, vous proposez une mesure de suppression en prétextant qu'un certain nombre d'ayants droit abusent d'une situation et trichent. Dès lors, ceux qui ne trichent pas vont être placés systématiquement dans la même situation que ceux qui trichent. Vous les mettez tous sur un pied d'égalité : permettez-moi de trouver cela un peu bizarre !
Pour vous qui aimez la démocratie, un minimum de concertation est de mise. Elle n'a pas eu lieu et c'est la raison pour laquelle nous voterons contre ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, on est presque tenté de se laisser emporter par la force de l'argumentation déployée à l'appui de ces amendements. Et puis, l'on se demande pourquoi nos collègues, qui se livrent à une critique si radicale du régime des indemnités temporaires, nous proposent un aménagement si modeste. Là, je rejoins les propos de ma collègue Lucette Michaux-Chevry.
À les écouter, on serait tenté de supprimer immédiatement et complètement, à la faveur de cette discussion, un régime apparemment si scandaleux et si dépourvu de justification ! J'espère que cela n'aura pas lieu, la sagesse légendaire du Sénat lui inspirant de ne pas modifier ce dispositif.
En effet, nous savons, et les auteurs de ces amendements ne l'ignorent pas, que leur argumentation ne fait pas vraiment le tour de la question.
À se référer seulement à la Cour des comptes et à l'INSEE, on oublie les réalités politiques et sociales de l'outre-mer, ces réalités qui expliquent la longévité de certains régimes juridiques tels que celui-ci, ces réalités en fonction desquelles personne n'envisage de lancer la grande opération de nivellement qui nous a été proposée.
Les indemnités temporaires sont un aspect de la politique mise en place de longue date afin de donner aux collectivités d'outre-mer les fonctionnaires de qualité qu'elles ne formaient pas elles-mêmes. La situation a changé, heureusement ! L'enseignement s'est développé, la formation a fait des progrès, dans le sillage de la départementalisation.
La situation continue à évoluer grâce à une mobilisation de l'État qui porte des fruits, nous le verrons mercredi en discutant le budget de la mission « Outre-mer » et la mise en oeuvre de la loi d'orientation de juillet 2003. Cette mobilisation de l'État doit perdurer, et c'est l'un de nos combats de cette année que de sauvegarder la pérennité de l'engagement de l'État en faveur de l'outre-mer. J'ajoute que nous y parvenons grâce au dynamisme des élus, à celui du ministre, grâce à l'écoute du Président de la République.
La situation a changé, donc, mais, entre-temps, des équilibres légitimes se sont construits sur les dispositifs que l'on conteste ici. C'est pourquoi les initiatives réformatrices apparemment les moins contestables peuvent avoir des incidences très intempestives. A titre d'exemple, je ne voudrais pas que nos ardeurs réformatrices aboutissent à pénaliser les fonctionnaires d'origine ultramarine qui exercent en métropole, qui n'ont pas eu la possibilité de recevoir une affectation dans leur lieu d'origine et qui tablent sur la possibilité d'y prendre leur retraite.
Si nous levons l'étendard de l'équité, sachons la voir à l'oeuvre quand des compatriotes, généralement de condition modeste, ont bâti leurs projets de vie sur un système qui n'est pas sans défaut mais qui a quand même quelques qualités.
La situation a changé, nous dit-on, et je viens d'en convenir. Mais a-t-elle changé au point de justifier le début de démantèlement des spécificités juridiques consenties dans le passé à l'outre-mer pour des raisons bien précises ?
Ce dispositif a été institué afin d'établir l'égalité de condition entre les fonctionnaires retraités et les fonctionnaires en service outre-mer, ceux-ci bénéficiant d'un complément de rémunération destiné à compenser la différence du coût de la vie entre nos régions et la métropole.
On nous dira que les surcoûts ont presque disparu. J'attends de voir les études qui le montrent. Ce que je constate, de mon côté, c'est que l'Observatoire des prix et des revenus, dont l'article 75 de la loi d'orientation du 13 décembre 2000 pour l'outre-mer avait prévu la création dans les régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion, n'a pas vu le jour !
M. le président. Madame, veuillez conclure !
Mme Anne-Marie Payet. Je termine, monsieur le président.
Ce que je constate également, avec la revue UFC-Que choisir, c'est le coût exorbitant des produits de grande consommation dans les grandes surfaces de la Réunion. Il s'agit, non de produits de luxe, mais bien du « panier de la ménagère ».
Mes chers collègues, la réforme se négocie et, pour négocier, il faut disposer de l'ensemble des informations nécessaires. Nous pouvons aujourd'hui nous envoyer des chiffres à. travers l'hémicycle, nous n'aboutirons pas à une conclusion sérieuse.
On nous dit qu'il y a trop de fraudes. J'aimerais que l'on m'explique en quoi cela implique de supprimer le système ! Il y a aussi des fraudes à la TVA : faut-il pour autant la supprimer ? Je préfère que l'État contrôle. Il ne devrait pas être difficile de repérer par sondage, dans la population concernée, les quelques fraudeurs dans la masse des 24 000 bénéficiaires.
M. le président. Madame Payet, il faut vraiment conclure !
Mme Anne-Marie Payet. L'exemplarité de la peine ferait le reste. Encore faut-il vouloir agir !
Monsieur le ministre, tous les ans, nous assistons à un dialogue de sourds. Des parlementaires consciencieux, au nom de la justice, remettent en cause ce dispositif qui leur paraît inéquitable et le Gouvernement répond qu'il faut d'abord une large concertation et mesurer non seulement les effets négatifs...
M. le président. Madame, je vais être obligé de couper le micro !
Mme Anne-Marie Payet. ... mais aussi les effets bénéfiques de ce système sur l'économie locale, ce qui me paraît tout à fait nécessaire.
J'aimerais donc, monsieur le ministre, que vous preniez des engagements fermes quant à la création d'un observatoire des prix, à un contrôle plus sévère, et, surtout, quand au lancement d'une mission d'enquête chargée d'étudier en profondeur ce dispositif.
En conclusion, mes chers collègues, les deux amendements dont nous discutons aujourd'hui, tant de fois évoqués dans cet hémicycle, n'en restent pas moins prématurés. Admirablement argumentés,...
M. le président. Madame Payet, vous ne pouvez pas continuer ! Je vais vraiment devoir couper le micro !
Mme Anne-Marie Payet. ... ces amendements n'en sont pas moins infondés. Inspirés par un souci d'équité, ils n'en sont pas moins porteurs d'injustice.
C'est pourquoi je vous demande de ne pas les adopter.
M. le président. Mes chers collègues, je sais que les auteurs des amendements et M. le président de la commission des finances souhaitent prendre la parole. Je vais néanmoins devoir suspendre la séance. J'ai multiplié les rappels à l'ordre, mais, force m'est de constater que l'on ne peut pas continuer ainsi.
Nous allons donc maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-trois heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 98 et 99).
Le Sénat va poursuivre l'examen des dispositions du projet de loi concernant les crédits des missions « Régimes sociaux et de retraite » et « Compte d'affectation spéciale : Pensions ».
Nous avons entendu cinq explications de vote sur amendements nos II-64, II-72 et II-98, tendant à insérer des articles additionnels après l'article 81.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la suspension de séance nous a accordé un délai de réflexion. Le débat a eu lieu avant le dîner et il n'est évidemment pas question de le rouvrir. Chacun votera en conscience.
Je dirai seulement que je ne me sens pas autorisé à retirer l'amendement que j'ai déposé avec Philippe Marini, au nom de la commission des finances ; il est donc maintenu.
M. Guy Fischer. Je le regrette !
M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis, pour explication de vote.
M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis. Effectivement, un débat a bien eu lieu, même s'il n'était pas celui auquel nous aurions pu nous attendre.
En effet, dans notre esprit - telle était l'opinion émise par la très grande majorité des membres de la commission des affaires sociales - il n'était absolument pas question de refaire l'histoire des DOM-TOM ; je pense que nous n'y étions d'ailleurs nullement autorisés.
Nous étions tout à fait conscients que certaines situations économiques induisaient des rémunérations spéciales, et que tout cela s'inscrivait dans une logique purement républicaine.
En revanche, ce qui nous avait émus - et c'est la raison pour laquelle notre commission des affaires sociales avait fait siens les propos de la Cour des comptes -, c'est que, dès l'instant que l'accent était mis sur le mot « fraude », nos concitoyens n'avaient retenu que ce terme. Or, je pense, partageant en cela l'avis général de la commission, que cela donne une mauvaise image non seulement de certains territoires de notre République, mais de la République elle-même.
Par conséquent, c'est dans cet esprit que nous avions demandé que soit mis fin à des abus et non pas - nous ne l'avons jamais dit et nous ne le dirons jamais - que l'on remette en cause certains avantages économiques qui conditionnent un état social délicat et difficile dont nous sommes parfaitement conscients.
Dès lors, la commission des affaires sociales s'étant montrée très claire sur ce point, nous ne pouvons que maintenir l'amendement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-64 et II-72.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du Gouvernement et, l'autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 46 :
Nombre de votants | 322 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 8 |
Contre | 314 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre de l'outre-mer. Madame Procaccia, s'il existe un parallélisme des formes concernant les amendements, je ne souhaite pas qu'il en soit de même pour ce qui est de l'issue des scrutins.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, avec bienveillance, de bien vouloir retirer l'amendement n° II-98.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, madame Procaccia ?
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement, que j'ai défendu avant le dîner, était un amendement de repli.
Compte tenu du caractère sans équivoque du scrutin qui vient d'intervenir, je le retire, tout en espérant que seront tenus les engagements qui ont été pris ce soir dans cette assemblée, à savoir que sera diligentée une étude qui permettra à tous les parlementaires de se prononcer à nouveau l'an prochain, sur cette mission comme sur d'autres, en toute connaissance de cause.
M. le président. L'amendement n° II-98 est retiré.
Nous avons achevé l'examen des crédits concernant les missions « Régimes spéciaux et de retraite » et « Compte d'affectation spéciale : Pensions ».
remboursements et degrevements
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Remboursements et dégrèvements » est, de par son volume, la mission la plus importante du budget général de l'État. Elle regroupe, en effet, pour 2006, 68,4 milliards d'euros de crédits, soit plus, notamment, que la mission « Enseignement scolaire », qui représente, elle, 59,7 milliards d'euros de crédits.
Cette mission est composée de deux programmes, inégalement dotés : le programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État », dans lequel sont inscrits 55 milliards d'euros de crédits, et le programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux », qui, lui, s'élève à 13,3 milliards d'euros pour 2006.
La commission des finances du Sénat s'interroge sur la raison d'être de cette mission, qui retrace des dépenses résultant de divers textes, notamment législatifs, qui participent de politiques publiques différentes. Ces dépenses, comme telles, présentent donc un caractère essentiellement hétéroclite.
Dans son rapport d'information relatif à la mise en oeuvre de la LOLF, paru en 2005, la commission des finances du Sénat avait jugé nécessaire de ventiler entre les différentes missions concernées les crédits de cette mission, afin d'accroître la lisibilité des dépenses de l'État.
Le Gouvernement avait alors justifié son refus de procéder à une semblable ventilation par finalité en invoquant deux arguments. D'une part, cette opération n'aurait pas été possible du point de vue technique, pour le projet de budget pour 2006 ; d'autre part, il ne souhaitait pas la coexistence, au sein d'une même mission, de crédits limitatifs et de crédits évaluatifs.
La commission des finances s'interroge toujours sur la pertinence de ces arguments. Elle estime que, pour le prochain projet de loi de finances initiale, rien ne paraît sérieusement s'opposer à une ventilation par finalité entre les différentes missions du budget de l'État des remboursements et dégrèvements d'impôts nationaux ou locaux.
De plus, pour s'en tenir à l'existant, il est frappant de constater que la plus lourde mission du budget fasse l'objet d'une stratégie de performances des plus sommaires.
Tout d'abord, les indicateurs actuels ne permettent pas d'évaluer de manière satisfaisante dans quelle mesure on a atteint l'objectif unique associé à la mission, objectif qui consiste à « permettre aux usagers de bénéficier de leurs droits le plus rapidement possible ». Par exemple, dans le cadre du programme relatif aux impôts locaux, le seul indicateur porte sur le « taux de réclamations contentieuses relatives à la taxe d'habitation traitées dans le délai d'un mois ». En ne concernant que la taxe d'habitation, cet indicateur ne couvre que 20 % du programme environ !
Par ailleurs, l'objectif unique de « permettre aux usagers de bénéficier de leurs droits le plus rapidement possible » n'est pas, à l'évidence, suffisant. En effet, aucun indicateur ne permet de mesurer la performance des dégrèvements et des remboursements législatifs.
Une autre anomalie, et non la moindre, réside dans le fait que le « bleu » budgétaire indique que « le premier objectif » de chacun des programmes « consiste à permettre progressivement l'identification précise et complète des dégrèvements et des remboursements concernés [...], grâce à la mise en oeuvre des systèmes d'information futurs ». Ce faisant, la présentation des programmes fixe un « objectif » qui, paradoxalement, ne figure pas parmi ceux qui sont associés aux programmes eux-mêmes.
Madame la ministre, je tiens à insister de nouveau sur la nécessité de remettre les remboursements et les dégrèvements au sein des missions auxquelles ils sont rattachés. En effet, apprécier l'intérêt ou non des décisions législatives nécessite une évaluation de l'intérêt ou non des décisions fiscales qui donnent lieu à ces dégrèvements ou à ces remboursements.
Nous attendons de savoir quelles améliorations seront apportées sur les différents points que je viens d'aborder, et je souhaiterais attirer votre attention sur les risques que posent des remboursements trop automatiques ou trop rapides, qui ne seraient pas fondés sur une vérification suffisante des impôts les justifiant.
La commission des finances vous fixe en quelque sorte rendez-vous pour l'examen du projet de loi de règlement, en espérant que nous aurons des réponses dans ce domaine.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances, à la majorité, vous recommande, mes chers collègues, l'adoption de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec la mission « Remboursements et dégrèvements », nous sommes en présence d'une mission dont les engagements sont particulièrement importants.
En effet, ce sont près de 68,4 milliards d'euros qui y sont retracés, en crédits évaluatifs. Encore convient-il de noter qu'il s'agit là surtout d'opérations blanches, puisqu'une part importante de ces crédits s'imputent sur les recettes fiscales brutes, notamment la TVA déductible par les entreprises au titre de leurs achats - pour près de 37 milliards d'euros -, ou encore le remboursement des excédents d'acomptes de l'impôt sur les sociétés, pour plus de 7 milliards d'euros.
Figurent également au titre de ces crédits le remboursement des crédits d'impôt sur le revenu non imputable sur le montant des cotisations des contribuables et le financement de la prime pour l'emploi.
Il convient d'ajouter à la prise en charge des restitutions et remboursements divers au titre des impôts d'État les remboursements et dégrèvements sur impositions directes locales, notamment la taxe professionnelle avec le plafonnement de la taxe à la valeur ajoutée, pour une évaluation de 9,3 milliards d'euros en 2006.
De fait, à bien y regarder, ce sont les entreprises qui sont les principales bénéficiaires des opérations retracées dans les crédits de la mission. Si l'on ajoute les crédits de TVA - avec près de 37 milliards d'euros - aux 9,3 milliards perçus au regard de la correction de la taxe professionnelle, on arrive en effet à un total proche du montant des recettes prévues au titre de l'impôt sur les sociétés net fixé à 49,4 milliards d'euros.
Dans l'absolu, on pourrait presque dire que l'impôt sur les sociétés sert donc à plafonner la taxe professionnelle et à rembourser la TVA déductible.
Si l'on ajoute nombre de mesures diverses et variées, dont l'impact n'est pas réellement évalué - je pense en particulier aux effets de l'allégement transitoire de 16 % des bases de la taxe professionnelle - on peut être amené à se demander s'il reste encore quelque chose du produit de l'impôt sur les sociétés pour financer l'action publique.
De plus, comment ne pas se poser quelques questions sur le fait que les relations entre l'État et les contribuables sont fort différenciées selon la qualité de ceux-ci ? En effet, les grandes entreprises bénéficient le plus largement non seulement des mesures d'allégement fiscal qui ont été prises depuis longtemps, mais aussi d'un système de remboursement de la TVA qui fait des guichets de notre administration fiscale un véritable guichet ouvert chargé de distribuer, sans un véritable contrôle, l'argent public aux entreprises. À notre avis, les comptes de la TVA deviennent, pour certains groupes, comme une banque à moindre coût qu'ils peuvent régulièrement solliciter sans la moindre difficulté.
En conclusion, les crédits de cette mission n'ayant qu'un caractère évaluatif, il est presque superflu de se prononcer sur leur quotité. En revanche, l'orientation des dépenses et le fait que seule une partie de la dépense fiscale ne soit retracée dans ces comptes nous amènent à nous interroger sur l'absolue pertinence des choix qu'ils traduisent.
Ainsi, la complexité des procédures de défiscalisation existantes entraîne la complexité symétrique des conditions de son contrôle. Ne serait-ce que pour cette raison, il faudra sans doute, madame la ministre, regarder de plus près, et le plus tôt possible, la réalité et la consistance de la dépense fiscale dans notre législation.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les deux programmes de la mission « Remboursements et dégrèvements » - l'un concernant les impôts d'État, l'autre, les impôts locaux - représentent une masse très conséquente de crédits, avec un total de 68 milliards d'euros.
Cette mission présente des caractéristiques tout à fait particulières par rapport aux autres.
Tout d'abord, les dépenses qui y sont regroupées ont parfois un caractère automatique qui résulte de la loi fiscale elle-même.
C'est tout particulièrement le cas pour les deux plus grands postes figurant dans cette catégorie, à savoir les remboursements de TVA, avec 37 milliards d'euros en 2006, qui découlent de la possibilité pour chaque entreprise d'imputer la TVA qu'elle acquitte et d'en demander le remboursement si elle est supérieure à la TVA qu'elle facture, ou les restitutions d'impôts sur les sociétés, avec 7 milliards d'euros en 2006, qui résultent de la régularisation pour les entreprises des acomptes qu'elles ont versés l'année précédente.
Les montants inscrits dans les deux programmes de la mission sont donc le pendant direct des recettes brutes perçues par l'État, et sont naturellement classés en crédits évaluatifs.
Par ailleurs, la mission « Remboursements et dégrèvements » a aussi la particularité de ne pas avoir de crédits de fonctionnement propres. Ceux-ci relèvent en effet du programme « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local ». Ils en sont une part indissociable dans la mesure où les procédures de dégrèvement, remboursement ou restitution de l'impôt font partie intégrante de l'ensemble du processus de gestion et de contrôle de l'impôt ; il n'existe d'ailleurs aucun fonctionnaire affecté à cette seule tâche, l'organisation privilégiant, au contraire, un interlocuteur unique pour le contribuable, quel que soit le sujet.
Malgré ces spécificités, la mise en place de la LOLF a conduit à isoler de manière plus systématique les différentes opérations de remboursements et dégrèvements. Cela permet notamment de traduire les objectifs de qualité de service aux usagers dans ces domaines.
S'agissant, par exemple, des remboursements de crédits de TVA, dont les enjeux économiques pour les entreprises sont extrêmement importants, l'administration s'est fixée pour objectif d'en effectuer 80 % en moins de trente jours, conciliant rapidité pour le plus grand nombre et vigilance pour les cas présentant le plus de facteurs de risque.
À votre demande, mesdames, messieurs les sénateurs, cette démarche a été complétée pour d'autres actes importants, concernant l'impôt sur les sociétés, par exemple. Des indicateurs de délais très exigeants sont également affichés pour les citoyens qui auraient un contentieux avec l'administration fiscale.
Ces objectifs continueront naturellement d'être améliorés en fonction des nouveaux outils offerts dans les administrations fiscales.
J'aborderai enfin la question du choix de présentation que nous avons adopté lorsque la maquette LOLF a été arrêtée.
On nous pose fréquemment la question suivante : pourquoi les dépenses du programme « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » ne sont-elles pas rattachées à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ?
Cette préoccupation peut a priori sembler légitime, puisqu'il s'agit d'appréhender globalement l'effort de l'État en faveur des collectivités locales. Aujourd'hui, l'organisation du débat y répond.
Selon la même logique, des dépenses de « remboursements et dégrèvements » pourraient être rattachées à la mission « Solidarité et intégration » ou à la mission « Développement et régulation économiques » pour, au final, ne conserver qu'un programme résiduel « Remboursements et dégrèvements ».
Après une intense réflexion et après un débat avec les commissions des finances des deux assemblées, nous avons fait le choix de procéder à une approche « intégrée » des dépenses de « remboursements et dégrèvements ». Leur ventilation dans les autres missions aurait présenté deux inconvénients majeurs.
D'une part, auraient coexisté des crédits évaluatifs et des crédits limitatifs dans un même programme, sujet bien connu ; d'autre part, cette décision aurait conduit à une mission « monoprogramme », alors que le Parlement lui-même a enjoint le Gouvernement d'éviter cette formule pour le budget général.
La présentation des dépenses fiscales relatives à chaque programme répond au souhait, légitime, de rendre compte du coût réel de dispositifs tels que la PPE, la prime pour l'emploi, ou le crédit d'impôt-recherche. Les remboursements et dégrèvements ne peuvent répondre à un tel objectif, car ils ne retracent que la partie de crédit d'impôt excédant l'impôt dû, et non la part d'impôt évitée du fait de dispositions fiscales.
Avant d'avoir vu fonctionner l'État en mode LOLF, il paraît plus sage de s'en tenir aux périmètres actuels, en restant bien évidemment ouvert sur des évolutions pertinentes et possibles.
La LOLF est un modèle vivant qui devra évoluer. Sachez, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous en tirerons tous les enseignements utiles et que nous oeuvrerons bien évidemment pour la présentation de cette mission.
M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 68 378 000 000 euros ;
Crédits de paiement : 68 378 000 000 euros.
M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 47 :
Nombre de votants | 322 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 194 |
Contre | 128 |
Le Sénat a adopté.
Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
stratégie économique et pilotage des finances publiques
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission dont je suis le rapporteur spécial constitue une mission majeure, car elle concerne la conduite de la politique économique et financière de la France et, depuis la décision du Gouvernement intervenue en juillet 2005 de rattacher la réforme de l'État au ministère du budget, elle concerne aussi le pilotage des actions de modernisation de la gestion publique.
A l'aune des réponses au questionnaire budgétaire que nous avons reçues, je dois dire avant toute chose que la performance du ministère m'est apparue catastrophique, comme elle l'est apparue d'ailleurs à mes collègues chargés des trois autres missions de ce ministère, Éric Doligé, Bernard Angels et Paul Girod. Le 10 octobre, date limite fixée par l'article 49 de la LOLF, seulement 5 % des réponses nous avaient été adressées. On ne peut que déplorer que le ministère n'ait pas pu, en cette année de réforme budgétaire, se placer « en tête ».
Même si j'ai découvert cette mission avec intérêt, la présentation qui nous en est faite me laisse perplexe. Si la finalité du programme « Stratégie économique et financière et réforme de l'État » est bien décrite dans les documents budgétaires, tel n'est pas le cas des acteurs et du pilotage. L'émiettement et l'interaction des nombreuses directions et services d'état-major du ministère ainsi que la polyvalence des moyens et emplois du programme rendent peu claire la structure finale et délicate l'analyse des coûts.
L'ensemble des objectifs et des indicateurs, en revanche, sont assez bien définis.
Ce programme se distingue par la qualification de ses effectifs, qui en font un programme d'état-major où les objectifs du gestionnaire de programme se confondent avec ceux du politique. En cas de non-réussite de l'objectif, la responsabilité paraît dans ce cas partagée entre les acteurs administratifs et les acteurs politiques.
Réformer l'État est une tâche difficile qui mobilise de nombreux acteurs, des moyens de fonctionnement et des personnels polyvalents.
Mais Bercy doit apprendre à travailler avec la réforme de l'État, à être plus efficace. Une première vague de dix-sept audits de modernisation de l'État a été lancée. A leur conclusion devront être proposés des solutions opérationnelles, un plan et un calendrier de mise en oeuvre ainsi que des scénarios visant à une meilleure performance et une maîtrise accrue de la dépense. Nous serons attentifs aux résultats, tout spécialement à ceux de l'Agence pour l'informatique financière de l'État, l'AIFE.
J'ai obtenu quelques chiffres sur la modernisation de l'État entreprise. Les crédits des systèmes Accord s'élèveront à 174 millions d'euros ; 25 millions d'euros seront accordés au projet « Palier 2006 » ; enfin, 117 millions d'euros seront consacrés à la mise en place du système Chorus, prévue en 2007 et 2008. Le total représente ainsi 315 millions d'euros. Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer ces chiffres ?
Je dirai quelques mots maintenant sur le second programme de la mission, principalement composé de l'INSEE. Il est bien conçu, les indicateurs sont clairs et lisibles.
J'aimerais faire deux courtes remarques à propos de l'action « Formation », car elle est intéressante. On y trouve non seulement les écoles de l'INSEE, à savoir l'École nationale de la statistique et de l'administration économique, l'ENSAE, et l'École nationale de la statistique et de l'analyse de l'information, l'ENSAI, écoles de haut niveau, mais également des crédits du centre de recherche de l'INSEE, le Centre de recherche en économie et statistique, le CREST. On peut cependant se demander pourquoi ce centre n'est pas rattaché à l'ENSAE, car il faut éviter l'éclatement de la recherche française, notamment en sciences économiques.
De même, il y a quelques années, un terrain a été acheté par le ministère chargé des finances à Marne-la-Vallée, afin d'y installer l'ENSAE. Ce déménagement n'a jamais eu lieu. Aujourd'hui encore, cette école prestigieuse dispose de locaux exigus dans la tour de l'INSEE à Malakoff, tour qui elle-même - originalité supplémentaire - appartient non pas à l'INSEE, mais au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Depuis lors, le terrain de Marne-la-Vallée est en friche. Ce point, certes minime sur le plan budgétaire, me paraît toutefois significatif en termes de gestion du patrimoine de l'État.
J'évoquerai enfin la question des études fournies tant par la Banque de France que par l'INSEE, et les éventuels « doublons » qui en résultent. La commission des finances s'interroge sur la plus-value apportée par chacune d'elles.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission a émis un avis favorable à l'adoption en l'état des crédits de la mission.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.
Mme Michelle Demessine, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques » affiche des objectifs ambitieux puisqu'elle concerne les moyens consacrés à la « mise en oeuvre de la politique économique et financière du pays ». En réalité, sur les 865 millions d'euros affectés à cette mission pour 2006, plus de la moitié portent sur les dépenses de personnel, les dépenses de fonctionnement s'élevant quant à elles à 369 millions d'euros.
Tout en précisant d'emblée que la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission, je souhaiterais faire plusieurs observations.
Tout d'abord, j'ai un premier sujet d'étonnement. En dépit du rôle moteur que devrait jouer le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie dans la mise en oeuvre de la LOLF, sa performance, comme vient de le souligner M. le rapporteur spécial en faisant référence aux réponses au questionnaire budgétaire, s'est avérée cette année désastreuse, puisque le 10 octobre, délai limite fixé par la loi, six réponses seulement sur soixante-sept nous étaient parvenues. Ce retard est très regrettable, car pour la première année de mise en oeuvre de cette importante réforme budgétaire, il était particulièrement important que les parlementaires puissent disposer d'une information de qualité, délivrée dans les temps.
En second lieu, je m'étonne du rattachement, inédit à ce jour, de la réforme de l'État au ministère du budget. M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, a ainsi justifié ce rattachement : « Ce n'est pas le ministère qui absorbe la réforme de l'État, mais la réforme de l'État qui absorbe le ministère. »
Pour ma part, ce rattachement ne me paraît pas constituer une solution efficace pour parvenir aux objectifs visés, c'est-à-dire une réelle modernisation de l'action de l'État. En effet, l'autorité chargée de la réforme doit disposer d'une compétence interministérielle affirmée pour inciter l'ensemble des ministères à se réformer. Un très récent rapport du Commissariat général du Plan partage cette analyse, puisqu'il préconise qu'un ministre, qui serait rattaché au Premier ministre, s'y consacre à part entière. A rebours de ces préconisations, le rattachement de la réforme de l'État au ministère de l'économie enferme la modernisation de l'État dans des considérations purement budgétaires, ce qui ne crée pas les conditions de sa réussite.
De même, la volonté de réformer à moyens constants n'est pas à mes yeux de nature à permettre la réussite de l'entreprise. Le rapport précité, qui a étudié des exemples locaux, très concrets, de mise en oeuvre réussie de réformes, montre ainsi que réformer exige des moyens budgétaires permettant d'accompagner le changement, par exemple pour faciliter le reclassement ou une nouvelle implantation géographique des agents. En conséquence, vouloir réformer à coût constant, c'est prendre le risque d'un échec.
Du reste, c'est ce qu'ont exprimé de manière très forte cette semaine les fonctionnaires du ministère de l'économie à l'occasion de leur manifestation. Ils ont voulu adresser une mise en garde sur les conséquences de la réforme qui, sous couvert de productivité et de rentabilité, porte atteinte en réalité à la qualité du service public de l'impôt.
En troisième lieu, je ferai une observation sur l'amélioration de l'administration en ligne, l'un des objectifs du programme, qui est effectivement intéressant. Celui-ci est accompagné d'indicateurs très généraux alors qu'il serait opportun de disposer en la matière d'éléments plus précis sur les publics touchés. L'usage d'Internet reste en effet très marqué sociologiquement et, pour progresser, l'administration électronique doit aller vers des publics qui lui sont moins acquis et tenter de réduire la fracture numérique dont souffre la France. Dès lors, il convient de diversifier les lieux d'utilisation d'Internet afin qu'il puisse devenir un mode essentiel de relation avec l'administration.
Enfin, ma dernière observation concerne le programme relatif aux crédits de l'INSEE. La commission des affaires économiques a tenu à saluer les efforts de rationalisation menés par l'institut, qui visent à réaliser des gains de productivité. Pour ce qui me concerne, je ne peux que déplorer que la recherche de ces gains de productivité s'accompagne de la suppression de cent douze emplois budgétaires en 2006. Cette réduction est le signe d'une contradiction flagrante entre les objectifs affichés d'un service public de qualité et des réductions importantes d'effectifs. Cette insuffisance est d'autant plus regrettable que les missions de l'INSEE, en raison notamment de la décentralisation, étant appelées à s'élargir, celui-ci à besoin d'une meilleure visibilité en région par rapport à d'autres institutions.
Sur tous ces points, je vous remercie, madame la ministre, de nous apporter des éclaircissements, et je rappelle que la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques ».
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sous l'appellation « Stratégie économique et pilotage des finances publiques », la mission dont nous débattons recouvre des réalités fort diverses, dont la cohérence n'apparaît d'ailleurs pas au premier abord.
Le montant des crédits de la mission s'avère relativement restreint avec moins de 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement et moins de 900 millions d'euros en crédits de paiement. Il convient donc d'analyser d'autres éléments pour se faire une représentation des enjeux que recouvre cette mission budgétaire.
La mission regroupe de manière importante des crédits de personnel, un personnel de caractère un peu spécifique. En effet, un peu plus de 8 000 fonctionnaires seront rémunérés sur les crédits de cette mission : pour 80 %, ce sont les agents de l'INSEE, le programme des études statistiques et économiques.
Pour les 20 % restants, nous sommes en présence, dans les faits, de personnels issus de directions centrales importantes du ministère des finances et du service de la réforme de l'État jusqu'à présent rattaché au Premier ministre.
À dire vrai, cette mise en place de nouvelles structures centrales - direction générale du Trésor et des politiques économiques, direction générale pour la modernisation de l'État - pose quelques questions.
La première est celle de l'individualisation des directions de définition des politiques macroéconomiques au sein du ministère des finances.
De fait, les personnels attachés à la DGTPE sont en quelque sorte déconnectés de ceux des autres directions du ministère des finances.
On peut d'ailleurs s'interroger sur la cohérence d'une présentation budgétaire qui place les directions à visée macroéconomique dans la présente mission, la direction des douanes et la direction des relations économiques extérieures dans la mission « Développement et régulation économiques », la direction générale des impôts et l'essentiel de la direction de la comptabilité publique dans la mission « Gestion et contrôle des finances publiques ».
Cet émiettement des différents services fiscaux n'est pas, selon nous, de nature à améliorer la lisibilité des politiques publiques.
À la vérité, ce qui risque fort de se produire, c'est une vaste opération de rationalisation des coûts, conduisant à l'externalisation future de certaines des tâches et missions accomplies par les services.
À isoler les fonctions de prévision des fonctions de gestion des finances publiques, on va sans doute rapidement aboutir à la sous-traitance organisée d'un certain nombre d'études, comme on pourra envisager, dans la même logique d'économies de gestion, de sous-traiter une part croissante des dossiers fiscaux gérés par les services déconcentrés de la DGI et de la DCP.
Avec la mission que nous examinons ce soir, nous sommes par ailleurs confrontés à un paradoxe.
Si j'ai bien compris, et comme l'a souligné le rapporteur, alors que la raison d'être de la DGME est de mettre en oeuvre la transparence et la modernisation de l'intervention de l'État, les éléments fournis aux parlementaires par les administrations concernées sont notoirement insuffisants. Ceux qui devraient donc donner l'exemple dans la mise en oeuvre de la loi organique sont ceux qui se comportent comme les plus mauvais élèves de la classe, madame la ministre.
Mais, sur le fond, cela ne change rien. L'orientation générale de la mission est bel et bien de valider les choix fondamentaux de gestion de la politique économique du Gouvernement.
C'est notamment vrai dans l'utilisation qui est faite des études macroéconomiques pour valider les choix fiscaux dont nous avons débattu en première partie du projet de loi de finances et c'est bien entendu le cas s'agissant de la réforme de l'Etat où, derrière les séduisantes intentions de développement de la transmission électronique des dossiers administratifs, dont M. Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, nous a rappelé quelques éléments tout à l'heure, se dissimule l'obsession de la réduction des effectifs de la fonction publique et, bien sûr, de la présence territoriale de l'État.
Vous l'aurez compris, nous ne pourrons donc voter les crédits de cette mission, instrumentalisée pour servir les orientations politiques globales de ce gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les conditions, que vous avez évoquées, dans lesquelles ont été traitées les réponses au questionnaire parlementaire n'ont, je le concède, pas été satisfaisantes. L'augmentation du nombre des questions, plus de 50 %, a été effectivement un facteur aggravant. Toutefois, M. Breton comme M. Copé ont décidé, et ils l'ont dit clairement et fermement, de prendre immédiatement des mesures correctrices : la nomination d'un interlocuteur unique en la personne du secrétaire général et le traitement par un système informatique pour assurer la traçabilité.
J'en viens à la mission proprement dite.
La mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques » réunit deux programmes : le programme « Stratégie économique et financière de l'État », qui regroupe l'essentiel des directions d'état-major de Bercy, y compris, depuis le changement de gouvernement, les services de la réforme de l'État, et le programme « Statistiques et études économiques », qui comprend principalement l'INSEE.
Cette mission doit porter notre nouvelle ambition de réforme de l'État. C'est pourquoi il a été décidé de créer en son sein la DGME, la direction générale de la modernisation de l'État, sur la base, d'une part, du regroupement de trois services interministériels pour la réforme de l'Etat - délégation aux usagers et aux simplifications administratives, délégation à la modernisation de la gestion publique et des structures de l'Etat et agence pour le développement de l'administration électronique - et, d'autre part, de la direction de la réforme budgétaire.
L'organisation de cette nouvelle direction, qui a une vocation interministérielle, répondra aux deux impératifs de clarté des missions et de lisibilité des structures. Cette nouvelle direction mettra en oeuvre les grandes orientations de modernisation de l'État conçues dans l'intérêt de tous : citoyens, usagers des services publics, contribuables et fonctionnaires.
Pour les usagers, il s'agit de rendre compréhensible l'action de l'État et de simplifier la vie quotidienne des Français. Cela passe en particulier par la maîtrise des flux et stocks de normes, par la réduction de la complexité des procédures, par la certification qualité des services et par le développement de l'administration électronique avec la dématérialisation des démarches administratives.
Pour les contribuables, il faut revoir le mode de fonctionnement des services de l'État, promouvoir la mise en place d'un pilotage des politiques publiques et améliorer la gestion des fonctions de soutien - achats, immobilier, etc. Cela passe en particulier par les audits de modernisation que j'ai lancés. Pour le MINEFI, par exemple, la première vague d'audits, qui a débuté en octobre, traite, d'une part, de la déclaration de revenus sur Internet et, d'autre part, de la modernisation du paiement des amendes.
La modernisation de l'État, c'est aussi, bien entendu, la mise en oeuvre de la LOLF. L'année 2005 aura été consacrée à préparer l'entrée en vigueur de la LOLF dans de bonnes conditions. L'année 2006 verra le lancement d'un nouveau chantier de réforme des processus d'élaboration du projet de loi de finances et d'allocation et de mise à disposition des moyens, visant à moderniser nos processus budgétaires, en cohérence bien sûr avec la LOLF.
Enfin, je voudrais dire un mot du repositionnement du service des Domaines et de la dynamisation de la politique immobilière de l'État
De fortes synergies existent entre les métiers des Domaines et ceux de la DGCP, notamment pour la mise en oeuvre du volet comptable de la LOLF à travers la comptabilité patrimoniale, mais également à travers les prestations réalisées pour les collectivités territoriales : c'est au sein de la DGCP et auprès des TPG, les trésoriers-payeurs généraux, qui ont déjà des liens fonctionnels avec toutes les administrations et un positionnement propice, que le Domaine fera le mieux ce qu'il fait et ce que l'État lui demande désormais de faire, à savoir tout mettre en oeuvre pour une gestion dynamique des biens immobiliers de l'État ; ce transfert interviendra au 1er janvier 2007.
Dès 2006, le Domaine aura un rôle nouveau dans la dynamisation de la politique immobilière de l'État, visant, grâce à une meilleure définition de la stratégie immobilière de l'État, à réduire les coûts immobiliers, notamment par un volume significatif de cessions : 200 immeubles mal employés ou inadaptés devront ainsi être identifiés en 2006, et aboutir à 100 cessions au cours de cette même année.
Je dirai un mot enfin du programme « Statistiques et études économiques ».
S'agissant de l'intervention respective de l'INSEE et de la Banque de France, il existe effectivement, monsieur le rapporteur, un domaine de recoupement qui porte sur l'analyse conjoncturelle, mais les deux organismes interviennent de manière plutôt complémentaire que concurrente ou redondante.
Quant à la recherche économique en France, elle s'appuie sur un nombre important de centres universitaires de renommée internationale. Le CREST, centre de recherche commun à l'INSEE, et ses grandes écoles - ENSAE et ENSAI - se placent parmi les meilleurs centres français et européens dans le domaine de la modélisation économique économétrique.
Au total, cette mission sera donc en 2006 au coeur de notre nouvelle ambition de modernisation de l'État.
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques » figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 982 079 035 euros ;
Crédits de paiement : 863 171 035 euros.
M. le président. L'amendement n° II-125, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Stratégie économique et financière et réforme de l'Etat Dont Titre 2 |
103 000 000 |
|
15 000 000 |
|
Statistiques et études économiques Dont Titre 2 |
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|
|
|
TOTAL |
103 000 000 |
|
15 000 000 |
|
SOLDE |
+103 000 000 |
+15 000 000 |
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nelly Olin, ministre. L'amendement que je vous propose a pour objet d'augmenter les crédits du programme « Stratégie économique et financière et réforme de l'État » à deux titres : d'une part, 73 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour des projets informatiques interministériels liés à la mise en oeuvre de la LOLF ; d'autre part, 30 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 15 millions d'euros de crédits de paiement pour réaliser des actions de modernisation de l'État nouvelles et ambitieuses.
S'agissant des projets informatiques interministériels liés à la LOLF, chers au président Arthuis et indispensables au succès de la loi organique, je rappelle qu'ils sont mis en oeuvre en deux étapes : d'abord, l'adaptation des systèmes d'information existants pour mettre en application l'essentiel des dispositions de la LOLF au 1er janvier 2006 - c'est ce que l'on appelle le « Palier 2006 » ; puis la construction d'un progiciel de gestion intégrée pour l'ensemble des acteurs de la dépense et de la comptabilité de l'État - c'est le système cible Chorus.
L'AIFE, l'Agence pour l'informatique financière de l'État, a engagé une procédure de dialogue compétitif avec les éditeurs informatiques pour le choix du progiciel. L'importance de ce choix a justifié un décalage de mi-décembre 2005 à janvier 2006 avant l'attribution du marché.
De ce fait, les 73 millions d'euros d'autorisation de programme ne pourront donc être affectés à la fin de 2005, contrairement à ce qui était programmé lors de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2006. Les autorisations d'engagement nécessaires à l'engagement de ces opérations en 2006 ne figurent donc pas dans la dotation actuelle prévue dans le PLF 2006 pour ces programmes informatiques. Il vous est proposé ici de les ouvrir.
Les crédits de paiement étaient quant à eux bien prévus.
J'en viens au financement des actions interministérielles de modernisation de l'État
À la suite du rapprochement budget-réforme de l'État, le Gouvernement a décidé de fusionner les quatre directions s'occupant de réforme de l'État pour créer une direction générale de la modernisation de l'État qui sera opérationnelle dès le 1er janvier 2006.
Il vous est proposé d'ouvrir 30 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 15 millions d'euros de crédits de paiement sur l'action 4 « Modernisation de l'État » du programme « Stratégie économique et financière et réforme de l'État ». Cette ouverture sera gagée et servira à financer trois actions essentielles de la DGME.
Premièrement, la réalisation, avec l'aide de prestataires extérieurs, du programme d'audits de modernisation et la déclinaison opérationnelle de leurs propositions. Ce programme se caractérise par un rythme soutenu : lancement d'une nouvelle vague d'audits tous les deux mois, avec au moins un audit pour chaque ministère. Le programme se caractérise également par des résultats très opérationnels : ils doivent déboucher sur des simplifications concrètes et des gains de productivité facilement mobilisables. Ce programme se caractérise enfin par la publicité des audits : les rapports de ces audits seront transmis au Parlement et seront consultables sur Internet. Plus de 100 audits seront lancés en 2006.
Deuxièmement, la refonte des processus de gestion budgétaire préalablement à la mise en place de Chorus : il s'agit de revoir le fonctionnement des services gestionnaires et financiers pour tirer le plus grand profit du nouvel outil informatique en termes d'efficacité et de productivité.
Troisièmement, l'amélioration du service rendu aux usagers et aux citoyens grâce au développement de l'administration électronique, elle aussi chère à votre commission des finances. Cela couvre notamment le développement du changement d'adresse en ligne, la mise en place de guichets polyvalents facilitant l'accès aux services publics dans les hôpitaux, les milieux ruraux ou dans les quartiers, et la mise en ligne des formulaires administratifs, ainsi que l'a annoncé le Premier ministre dans sa conférence de presse du 27 octobre dernier.
Comme vous le constatez, ces crédits abondent un programme du ministère de l'économie et des finances, mais ils ont un objet essentiellement interministériel.
L'enjeu est majeur, car il s'agit de disposer du système d'information permettant une application pleine et entière de la réforme budgétaire et de réussir la modernisation des administrations au service des citoyens.
.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Marc Massion, rapporteur spécial. Cet amendement vise à reporter un montant de 73 millions d'euros d'autorisations de programme inscrit en loi de finances pour 2005 sur le projet de loi de finances pour 2006. Ce report bénéficierait à l'action 5 « Systèmes d'information financière de l'État » du programme « Stratégie économique et financière et réforme de l'État ».
En raison d'un retard dans le calendrier de lancement des marchés, ce montant, concernant deux chantiers informatiques, ne sera pas engagé en 2005. Il s'agit, d'une part, du marché « éditeur de progiciel » relatif au projet Chorus, appelé à remplacer en 2007-2008 les systèmes Accord et Palier 2006, pour un montant de 60 millions d'euros, et, d'autre part, de différents dispositifs de support et d'assistance aux utilisateurs de Palier 2006, pour un montant de 13 millions d'euros.
Par ailleurs, il convient d'abonder les crédits de l'action 4 « Modernisation de l'État » du même programme, de 30 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 15 millions d'euros de crédits de paiement.
Il s'agit de conforter les moyens de la direction générale de la modernisation de l'État pour l'accomplissement de ses missions d'audits de modernisation et de réingénierie dans les nouveaux systèmes d'information. Il convient aussi d'améliorer le service rendu aux usagers dans le cadre du programme de développement de l'administration électronique ADELE.
Comme je l'ai indiqué dans mon rapport budgétaire, je considère que le bon fonctionnement de ces nouveaux systèmes informatiques constitue une condition indispensable de réussite pour la LOLF.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques », ainsi modifiés.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Stratégie économique et pilotage des finances publiques ».
Écologie et développement durable
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Écologie et développement durable » (et articles 79 bis et 79 ter.)
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission ministérielle « Écologie et développement durable » rassemble 616,6 millions d'euros, répartis en trois programmes.
Par ailleurs, plusieurs dépenses fiscales contribuent à cette mission et représentent environ deux fois et demie les crédits directs du ministère.
La mission « Écologie et développement durable » apparaît, à bien des égards, comme la partie émergée de l'iceberg : elle représente 23,3 % de l'ensemble des crédits des différentes missions consacrés à l'environnement et, sur la base des dernières données connues de 2003, seulement 2,3 % de la dépense nationale liée à l'environnement.
Le ministère de l'écologie et du développement durable présente la particularité de s'appuyer sur de très nombreux opérateurs. Dans la mesure où certains aspects de ce budget seront abordés à l'occasion de l'examen des amendements, je me limiterai à cinq observations.
Première observation : ce budget est marqué par plusieurs opérations de débudgétisation.
D'une part, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage se verront attribuer des recettes fiscales directes qui s'élèvent à 216 millions d'euros.
D'autre part, le Fonds de prévention des risques naturels majeurs sera mis à contribution pour venir en complément des actions menées par le ministère au titre de cette mission, dans les conditions prévues par l'article 79 ter rattaché.
Deuxième observation : le ministère de l'écologie et du développement durable se trouve dans une situation budgétaire « tendue ».
Nous pourrions nous interroger sur les moyens donnés à ce ministère pour assurer la réalisation concrète de certaines actions, qui sont pourtant tout à fait prioritaires, comme l'aide au développement durable, le soutien à la biodiversité, les opérations en faveur de la qualité de l'eau, la prévention des risques.
Les auditions des responsables de programme ont montré que le ministère était contraint, pour mener des actions nouvelles, de mettre en place un système d'étalement de sa dette. Je souhaiterais, madame la ministre, que vous donniez des informations à ce sujet.
Ma troisième observation concerne la politique de l'eau.
L'absence de programme « eau » au sein de la mission « Écologie et développement durable » suscite des interrogations. L'action propre du ministère en matière de politique de l'eau est essentiellement réalisée par le biais des agences de l'eau. Ces interventions se rattachent aux deux programmes principaux de la mission.
N'est-il pas temps d'organiser la direction de l'eau en fonction des programmes ou, en tout cas, de décider de mesures permettant une prise en compte satisfaisante de cette problématique de l'eau, qui est tellement importante ?
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur l'efficacité des actions menées au titre de la police de l'eau. L'indicateur qui retrace l'évolution de cette efficacité prévoit ainsi que seulement 10 % de l'activité totale des effectifs des services de police de l'eau seront consacrés aux contrôles sur le terrain.
Ma quatrième observation concerne les enjeux communautaires.
J'observe que la progression des crédits consacrés à la mise en oeuvre du réseau Natura 2000 traduit les contraintes communautaires qui pèsent sur la France. En effet, notre pays doit achever son réseau d'ici au 30 avril 2006. Et il manque encore 250 sites. Mais je suis bien consciente, madame la ministre, de l'énergie que vous déployez pour atteindre cet objectif.
De manière plus générale, la commission des finances éprouve quelques inquiétudes concernant les risques de contentieux communautaires, avec les contraintes financières - je pense aux amendes liées au non-respect de ces obligations - que cela entraînera. Peut-être pourrez-vous nous rassurer à ce sujet.
Ma cinquième et dernière observation concerne la gestion des effectifs.
Le ministère de l'écologie et du développement durable présente une situation particulière, dans la mesure où il ne dispose pas de corps propres de fonctionnaires et transfère, en gestion, les emplois et les crédits inscrits sur son budget vers d'autres départements ministériels. En outre, le ministère fait également appel aux services déconcentrés d'autres ministères et à des personnels relevant d'autres missions.
Cette situation est complexe et devrait être clarifiée à l'avenir. Alors que l'inscription des personnels sur un seul programme aurait pu être l'occasion de redéploiements à l'intérieur des 67 corps de fonctionnaires dont vous avez la charge, madame la ministre, la particularité de la gestion de votre ministère rend ces opérations très difficiles. Cette situation très particulière illustre la difficulté d'une gestion interministérielle des corps de fonctionnaires.
Sous réserve de ces remarques et des amendements qu'elle présentera, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits de la mission « Écologie et développement durable ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Valade, rapporteur pour avis.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, en remplacement de M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me substitue bien volontiers à M. Ambroise Dupont, qui regrette de ne pouvoir être présent ce soir.
Après le rapporteur spécial de la commission des finances, je ne peux que regretter la diminution des crédits affectés au ministère de l'écologie et du développement durable.
En effet, alors que les obligations environnementales pesant sur la France ne cessent de croître, notamment après l'adoption de la Charte de l'environnement, mais également dans le cadre de la mise en oeuvre du protocole de Kyoto et du réseau européen Natura 2000, la mission « Écologie et développement durable » ne représente qu'environ 0,3 % du budget total de l'État.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis. Je me réjouis, par conséquent, que l'Assemblée nationale ait adopté un amendement tendant à augmenter le budget du ministère de 33 millions d'euros pour financer de nouvelles actions en faveur de la prévention des risques naturels.
Je prends également en considération le fait que le ministère disposera, en 2006, de moyens dépassant ceux qui figurent en loi de finances initiale, puisque trois établissements publics sous tutelle bénéficieront de l'affectation directe de produits et de taxes : le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ainsi que l'Agence gouvernementale de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
L'affectation de recettes pérennes à ces établissements va dans le bon sens : elle leur permet de disposer d'une lisibilité à long terme, indispensable en matière de politique foncière et de développement durable. Elle met également en lumière l'importance de l'action des opérateurs extérieurs dans la mise en oeuvre des politiques initiées par le ministère de l'écologie et du développement durable.
A cet égard, je souhaite, madame la ministre, attirer votre attention et celle de mes collègues sur la situation d'un opérateur en particulier, dont l'action tient très à coeur de notre rapporteur Ambroise Dupont : il s'agit du réseau des réserves naturelles de France.
Acteurs au service de la sauvegarde de la biodiversité, les gestionnaires des réserves naturelles sont majoritairement des associations - pour près de 50 % -, dont l'action repose sur l'investissement continu de quelques hommes et de quelques femmes qui effectuent un travail sans relâche pour mobiliser les élus, les chercheurs, les populations et l'ensemble de l'opinion publique à la cause du patrimoine naturel.
Le déplacement de notre rapporteur. Ambroise Dupont dans la réserve naturelle des Ballons des Vosges et en petite Camargue alsacienne en juin 2004 - Mme Keller n'est certainement pas insensible à ce qui s'y passe ! - lui a permis de prendre la mesure de ce travail de terrain indispensable dans certaines régions pour sauvegarder la richesse de notre patrimoine naturel. Je vous rappelle que la France est actuellement au quatrième rang mondial des pays abritant le plus grand nombre d'espèces animales menacées.
En 2003 et 2004, les réserves ont subi des baisses importantes de leurs crédits d'investissement. En 2005, le versement des crédits, qui avaient été légèrement rehaussés, n'a pas été intégralement honoré. Et cette année, la dotation budgétaire dans le projet de loi de finances pour 2006 est en baisse : de 8 % pour les autorisations d'engagement et de 10 % pour les crédits de paiement.
Cette baisse va concrètement accentuer les difficultés des gestionnaires, contraignant certains d'entre eux à licencier et à rendre des services a minima.
Comme Mme Keller nous l'a annoncé, la commission des finances propose de réaffecter une partie de la dotation de 7,4 millions d'euros initialement prévue pour le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres au profit des services d'inspection des installations classées, et de supprimer purement et simplement l'autre partie, d'un montant de près de 4 millions d'euros.
Pour notre rapporteur pour avis, s'il est nécessaire de renforcer l'action de l'inspection des installations classées, il est également essentiel de permettre aux gestionnaires du réseau des espaces réglementés d'accomplir leur mission dans les meilleures conditions.
C'est pourquoi la commission des affaires culturelles vous propose un sous-amendement visant à rétablir la dotation de 4 millions d'euros dans le programme « Gestion des milieux et biodiversité », qui serait répartie entre les réserves naturelles de France, les parcs nationaux et les gestionnaires des grands sites. J'espère, madame la ministre, que nous bénéficierons à cet égard de votre soutien.
Par ailleurs, comme chaque année, le rapporteur a choisi de privilégier un thème, dont les enjeux lui semblent mériter une attention particulière. Cette année, il s'est penché sur la politique des grands fleuves, dont les premiers résultats de la relance de 2002 sont aujourd'hui visibles.
Il faut savoir que les populations résidant dans les zones inondables des grands fleuves ont été multipliées par dix depuis un siècle et demi : environ 2 millions d'habitants et des infrastructures d'importance nationale sont concernés. Les dommages de crues catastrophiques similaires à celles qui ont été observées au XIXe siècle seraient par ailleurs multipliés dans des proportions encore plus considérables en raison de l'extraordinaire aggravation de la vulnérabilité des infrastructures exposées aux inondations depuis cette période.
Les actions engagées par votre ministère traduisent une véritable prise de conscience de ce risque.
Si je ne peux que me réjouir du surcroît d'efficacité qui découle de la réorganisation des services de l'État, je regrette, comme notre rapporteur, la dérive, depuis 2000, des ressources disponibles consacrées à la prévention des inondations : le décalage entre les besoins de crédits nécessaires pour tenir les engagements de l'État à l'égard des populations et des collectivités territoriales s'est fait criant en 2005, et s'accroît encore en 2006.
Au-delà des difficultés financières, un point particulier préoccupe le rapporteur et l'ensemble de nos collègues de la commission, qui assument par ailleurs des fonctions d'élus locaux.
A l'heure actuelle, deux types de zones classées, formalisées par deux documents différents, coexistent au titre de la prévention du risque d'inondation.
Le premier, le « plan de prévention des risques d'inondation », ou PPRI, doit être mis en place, aux termes de la loi du 2 février 1995, à l'issue d'une concertation, trop souvent symbolique, entre les services de la direction départementale de l'équipement et les collectivités locales.
La délivrance d'un permis de construire en méconnaissance d'un PPRI entraîne la responsabilité pénale des élus, sur le fondement du manquement à une obligation de sécurité mettant en danger la sécurité d'autrui.
Un second type de zones soumis à un risque d'inondation résulte des « atlas de zones inondables », établis par les services déconcentrés de l'Etat. Ces documents portent à la connaissance des collectivités territoriales et du public les informations disponibles sur les risques d'inondation, sous forme de textes et de cartes.
Or, ces deux documents ne couvrent pas les mêmes zones. Surtout, la question de savoir si la responsabilité pénale des élus locaux peut être engagée n'est pas tranchée.
Notre rapporteur a interrogé votre prédécesseur à ce sujet. Sa réponse ne manque pas de nous inquiéter : bien que juridiquement indicatifs, les atlas doivent orienter la réflexion des collectivités territoriales sur l'aménagement de leur territoire. Le ministre a ajouté que « le juge pénal pourrait qualifier de faute caractérisée ayant exposé la vie d'autrui à un risque d'une particulière gravité qui ne pouvait être ignoré la délivrance d'un permis de construire dans une zone identifiée comme soumise à un risque d'inondation important ».
On aboutit, par conséquent, à cette situation juridiquement incohérente dans laquelle des documents indicatifs, élaborés par l'État, sont susceptibles d'engager la responsabilité pénale des maires, sans que ces derniers soient éventuellement informés des modifications que les services de l'État sont amenés à apporter !
Comment peut-on sortir de cette impasse, madame la ministre ? Votre réponse est très attendue par les élus locaux.
Sous réserve de ces observations et des amendements qui seront présentés, la commission des affaires culturelles donne un avis favorable sur les crédits de la mission « Écologie et développement durable ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie et développement durable », sous réserve de trois amendements, adoptés à l'unanimité de ses membres, ce qui illustre l'importance qu'elle y attache.
En effet, la commission considère que, pour 2006, votre ministère reste sous contrainte budgétaire forte, vous imposant des arbitrages sévères entre paiement des dettes et engagement indispensable de nouvelles actions pour satisfaire à nos engagements communautaires et répondre aux souhaits légitimes de nos concitoyens en faveur d'un patrimoine naturel préservé et mis en valeur, ainsi que d'un environnement respectueux de leur santé.
J'exprime, en conséquence, les plus vives réserves à l'égard de décisions imposant des économies excessives sur vos programmes, économies qui remettraient en cause la justification même de vos actions, lesquelles ne disposeraient plus d'un niveau de crédits suffisant.
Cette année, j'ai poursuivi mon analyse de l'action gouvernementale en matière de développement durable, envisagée comme facteur d'encouragement pour la recherche technologique. L'exemple de la lutte contre le changement climatique, qui constitue un défi majeur pour nos sociétés, illustre parfaitement mon propos.
S'agissant des crédits affectés à la politique « climat » du Gouvernement, je pense qu'il est urgent de leur donner une meilleure lisibilité en présentant l'ensemble des moyens consacrés par les différents ministères, les principaux opérateurs de l'État et les collectivités territoriales.
Sur les crédits de l'action n° 1 « Développement durable », au sein du programme « Conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable », je défendrai, au nom de la commission des affaires économiques, un amendement de rétablissement de crédits, afin de ne pas amputer des moyens déjà manifestement insuffisants et de conforter, au contraire, le rôle de la mission interministérielle de l'effet de serre.
S'agissant de l'enjeu constitué par le réchauffement climatique, personne ne met plus en doute la réalité de ce phénomène ni ses conséquences dramatiques sur les écosystèmes. La France, aux côtés de ses principaux partenaires, notamment européens, a souscrit des engagements ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Cela impose une transformation radicale et profonde ? et non pas une simple inflexion ? des modes de production et de consommation, afin de favoriser un développement sobre en énergie et de réduire de façon substantielle le substrat matériel de la croissance, si l'on veut préserver la biodiversité et nos écosystèmes.
L'innovation technologique est indispensable pour accompagner cette transformation profonde, et les politiques publiques permettent d'accélérer le progrès sur les technologies de lutte contre le changement climatique. Vous me permettrez, madame la ministre, de préférer effectivement l'innovation technologique à la décroissance conviviale qui, bien que sympathique, n'est pas porteuse d'avenir !
En agissant sur la demande, à travers les normes, les taxes, les marchés de permis ou les subventions, ou bien sur l'offre, par le biais des subventions à la recherche et au développement, de la recherche et développement dans le secteur public ou du renforcement des brevets, l'Etat corrige les imperfections du marché et le fait que le changement climatique constitue une externalité dont le coût n'est pas encore pris en compte.
Ainsi, la fixation d'un prix de rachat permet d'accompagner la phase d'apprentissage et de maturité d'une technologie, étape pendant laquelle, bien évidemment, elle ne peut pas être rentable.
Madame la ministre, je retire de cette analyse une mise en garde et un encouragement fort.
La mise en garde concerne les moyens de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, dont une partie est pérennisée principalement à travers l'affectation de la taxe intérieure sur les consommations de gaz naturel. Mais il importe, par ailleurs, que les moyens budgétaires qu'il est prévu de lui allouer en 2006 lui soient effectivement versés, étant donné le rôle joué par l'Agence en matière de soutien à la recherche et à l'innovation sur les énergies renouvelables et d'économies d'énergie.
Pouvez-vous prendre l'engagement, madame la ministre, que votre ministère versera effectivement 63 millions d'euros à l'ADEME, en 2006, afin de préserver ses moyens d'intervention ?
L'encouragement fort porte sur la position défendue par la France lors de la conférence de Montréal sur le climat, dans les négociations sur l'avenir du Protocole de Kyoto. Cette approche à travers un marché de permis agit sur les prix, favorisant ainsi la recherche et l'émergence de technologies plus économes en émission de CO2. Il importe de ne surtout pas opposer les deux démarches, mais, au contraire, de tout mettre en oeuvre pour la mise en place, au delà de 2012, d'un protocole élargi et renforcé, sur le plan tant géographique que sectoriel. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 32 minutes ;
Groupe socialiste et apparentés, 23 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 15 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes.
Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos par quelques réflexions sur le programme 211 « Conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable ».
Ce programme est essentiellement composé de dotations de personnel. Si les crédits du programme sont en accroissement, cela correspond à un changement de périmètre, puisque le budget de la mission supporte les crédits correspondants aux cotisations versées à la Caisse d'allocations familiales et au Fonds national d'aide au logement, ainsi que la prise en charge de la cotisation employeur pour les pensions.
Le fait positif est l'accroissement des effectifs d'environ soixante-dix équivalents temps plein travaillé, ETPT. Cependant, il serait souhaitable que l'on bâtisse, un jour, un véritable corps unifié de personnel lié spécifiquement à l'environnement. On y distingue, paraît-il, entre soixante et soixante-dix corps de fonctionnaires différents.
Certes, la jeunesse de ce ministère explique cette situation, mais n'est-il pas temps d'assurer les carrières à un personnel venu d'horizons très différents ? Je tiens d'ailleurs à saluer le dévouement et l'abnégation de très nombreux fonctionnaires - en particulier dans les directions régionale de l'environnement, les DIREN -, qui s'engagent avec conviction dans leur travail.
Le programme 153 « Gestion des milieux et biodiversité » est certainement celui qui suscite le plus de regrets de ma part. On constate, en effet, une forte baisse des crédits sur un certain nombre de lignes budgétaires dans le domaine de la politique de l'eau.
Il est vrai que ce sont les agences qui ont le rôle déterminant. Mais le transfert de charges des DIREN vers les agences, s'agissant en particulier de la gestion des zones humides et des milieux aquatiques, a été important. Or, en même temps, la suppression de la taxe du Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, et le transfert de la solidarité « rural-urbain » pèsent lourdement dans les budgets des agences, qui sont donc difficiles à équilibrer.
En effet, il faut payer les engagements financiers pris dans le passé, honorer les arrêtés de subvention, assumer les responsabilités sur le plan des études. Je rappelle qu'il était déjà difficile de tenir les délais dans la mise en oeuvre des directives européennes en matière d'assainissement. Il nous faut donc éviter de faire subir à la France des pénalités financières.
Le voeu que j'exprime ce soir, madame la ministre, est que vous autorisiez les agences à augmenter les redevances prélevées dans une proportion suffisante pour réaliser les programmes nécessaires.
Mais, plus que jamais, je ne peux que répéter le souhait que le vote du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques intervienne dans les plus brefs délais. Les départements l'attendent pour s'assurer de nouvelles recettes affectées à la politique de l'eau, qui représente pour eux une charge de plus en plus lourde, dans un contexte financier difficile du fait des lois de décentralisation et des charges nouvelles qu'ils doivent assumer.
Enfin, nombre d'opérateurs s'inquiètent du coût élevé de la mise en place des services publics d'assainissement non collectif, les SPANC. Les contrôles payants par logement sont mal acceptés par les populations.
Les amendements en projet, semble-t-il, à l'Assemblée nationale, visant à instaurer un système unique de prélèvements pour l'assainissement collectif et non collectif, sont attendus avec une certaine impatience.
Un autre point appelle de ma part la plus extrême réserve sur votre projet de budget, madame la ministre : il s'agit du sort fait aux crédits pour le Conservatoire de l'espace du littoral et des rivages lacustres, pour les parcs naturels régionaux et les réserves naturelles, ainsi que pour les associations à but environnemental.
Alors qu'un travail exemplaire est réalisé dans tous ces organismes, je regrette très vivement un certain désengagement de l'État. Ainsi, les DIREN sont amenées à gérer des enveloppes restreintes et à opérer des coupes claires, parfois douloureuses et injustes.
Or, aujourd'hui, le mouvement associatif comme les organismes institutionnels sont souvent les fers de lance de la mise en oeuvre de la politique voulue par l'État et assumée par eux. Force est de constater un certain découragement des personnels et animateurs, qui ne comprennent pas l'absence de soutien, au plus haut niveau, de cette oeuvre précieuse, souvent anonyme et décisive, pour préserver la biodiversité.
Je sais bien que vous pouvez compter très souvent sur l'effort financier des collectivités locales et territoriales - les départements et les régions - ou de l'Union européenne, mais il me semble que le maintien du pouvoir régalien de l'État dans le domaine environnemental devrait s'accompagner, de sa part, d'un effort financier beaucoup plus incitatif, qui serait perçu comme un encouragement à poursuivre dignement le travail engagé.
L'intérêt de préserver ou d'enrichir la biodiversité n'est plus à démontrer. Il nous faut, par exemple, poursuivre nos programmes Natura 2000 avec plus de force encore. Si nous avons pris du retard, les réticences émises sur ces programmes sont aujourd'hui levées et nous pouvons avancer plus rapidement.
S'agissant des parcs naturels régionaux, nous craignons que les crédits en volume ne diminuent, alors que ces parcs jouent un rôle décisif aujourd'hui, sur plus de 12 % du territoire national et pour plus de 3 380 communes et 3 millions d'habitants.
J'en arrive au dernier point de mon intervention : comment les crédits environnementaux sont en quelque sorte « digérés » par la LOLF.
Le parlementaire de base que je suis a du mal à s'y retrouver pour lire et interpréter les chiffres qui nous sont soumis et pouvoir les comparer avec la présentation de l'année dernière.
La dispersion des crédits sur d'autres ministères rend ce budget souvent illisible. Je crains que cela n'exprime un manque de considération collective pour les enjeux environnementaux. On sent bien que les problèmes écologiques ne sont pas au coeur de notre réflexion en termes d'aménagement du territoire. Les actions d'intérêt environnemental majeures sont transférées sur un programme « Interventions territoriales de l'État » ; il en est ainsi, par exemple, du plan Loire grandeur nature ou du plan Durance. Le ministère est dit « associé ».
Cette présentation a l'inconvénient majeur de faire toujours apparaître la politique environnementale comme la cerise sur le gâteau, le pouvoir réel de décision étant ailleurs, dans d'autres ministères.
Nous apparaissons ainsi uniquement sous un aspect négatif et purement répressif, comme des « empêcheurs de tourner en rond ». Les contraintes environnementales sont toujours exprimées ou perçues comme étant subies. Or, aujourd'hui, elles sont un élément du développement économique.
Il faut donc que la maîtrise de la définition et du suivi des objectifs de la politique environnementale soit le fait du ministère de l'environnement, car les pesanteurs intellectuelles de certains aménageurs dans certains ministères sont encore telles que la bataille visant à considérer le développement durable comme facteur essentiel du développement économique et de l'emploi est loin d'être gagnée. Madame la ministre, il me semble que ce combat sera, dès demain, encore plus difficile dans ce partage des responsabilités.
Inversement, l'apparition de recettes affectées à certaines politiques environnementales, certes d'un montant parfois insuffisant, est positive. C'est là le signe probant que ces politiques seront pérennes, et que le système sera mieux garanti à l'avenir.
En conclusion, madame la ministre, mon groupe ne pourra pas voter ce budget très contraint, malgré quelques avancées positives. En effet, il n'est pas à la mesure de l'urgence et de l'importance des problèmes écologiques auxquels nous sommes confrontés.
Le marché et les prix ne peuvent, à eux seuls, réguler les contraintes environnementales. Plus que jamais, il est donc fortement nécessaire que l'État régule, maîtrise les forces économiques afin de créer les conditions d'un éco-développement qui soit assumé par tous.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, nous nageons en plein paradoxe.
En effet, la France est sans doute à la pointe du combat environnemental eu égard à la charte de l'environnement inscrite en 2004 dans le préambule de la Constitution, comme le Président de la République l'avait voulu. Des efforts multiples sont consentis par l'État, par de multiples organismes et par des collectivités territoriales. Or, le budget qui nous est soumis ne reflète pas cette réalité.
Ce n'est pas votre faute, madame le ministre, car je sais les efforts que vous consentez. Je ferai donc une suggestion.
Nous avons vécu la même situation avec les crédits de l'aménagement du territoire. Or, en 1992, la commission des finances avait demandé, par le biais d'un amendement, que soit prévu un état de ces crédits.
Je propose donc que soit réalisé un état des crédits affectés à l'environnement et au développement durable dans un « jaune » budgétaire annexé au projet de loi de finances. Cela nous permettrait d'avoir une vision beaucoup plus objective de la réalité des efforts réalisés par les uns et par les autres.
Madame le ministre, votre budget est de surcroît dégagé d'un certain nombre de taxes qui vont vers différentes structures et divers organismes. C'est ce que nous avons souvent demandé, afin de pérenniser certains crédits affectés, par exemple, à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ou au Conservatoire national du littoral. On ne peut pas vouloir une chose et son contraire, mais il faut bien intégrer cette dimension dans notre réflexion.
Je voudrais insister sur un certain nombre de points.
D'abord, le mouvement mondial qui conduit les populations rurales vers les zones urbaines rend encore plus impérieux le besoin d'avoir une politique de l'environnement.
L'OCDE nous indique que si, aujourd'hui, 70 % des 6,5 milliards d'humains sont des ruraux et 30 % des citadins, les pourcentages vont s'inverser. Les derniers évènements survenus dans les banlieues françaises doivent nous faire réfléchir : l'hyperconcentration urbaine et la désertification de l'espace rural aboutissent à des catastrophes.
En quelque sorte, vous êtes donc responsable, madame le ministre, de notre capacité à mieux maîtriser ces phénomènes. En effet, vous donnez des impulsions à certaines politiques qui sont également portées par d'autres acteurs sur un certain nombre de territoires ; il faut que ces politiques réussissent pour initier un mouvement d'ensemble.
Parmi ces territoires, se trouvent les parcs nationaux : il n'est plus admissible que leurs crédits diminuent.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Jacques Blanc. Madame, messieurs les rapporteurs, je vous félicite pour la qualité du travail que vous avez réalisé et je vous le dis : nous ne pouvons pas laisser de côté ces territoires.
Permettez à l'élu de Lozère que je suis, qui a la chance d'abriter le parc national des Cévennes, seul parc national habité, pour lequel je me suis battu - cela n'a pas toujours été facile - d'insister très fortement sur ce point. Ces territoires sont prêts à faire des efforts, mais il faut qu'ils soient aidés. En effet, les communes situées dans ces territoires ont besoin d'être mieux soutenues dans leurs efforts pour répondre aux contraintes et aux exigences qu'elles sont, par ailleurs, prêtes à accepter. Il faut donc accorder une priorité à ces territoires, qui sont exemplaires et qui sont mis en avant à travers le monde.
Concernant les réserves naturelles - on en a parlé tout à l'heure - il est vrai qu'il faut, là aussi, répondre à la mobilisation des multiples acteurs - collectivités, associations - qui se battent en leur faveur.
S'agissant des grands sites, la France a la chance d'en posséder un certain nombre. J'espère que, dans le sud de la France, les gorges du Tarn, les Cévennes, le Larzac, l'Aveyron seront bientôt classés par l'UNESCO. Si l'on veut que cela réussisse, un soutien financier est indispensable.
Enfin, on vient d'en parler, n'oublions pas Natura 2000. Lorsque je dis que le territoire en bénéficie, les acteurs locaux et les élus restent, souvent, très réticents. En effet, quels que soient les gouvernements, une mécanique franco-française s'est mise en place au sein de laquelle les administrations ont le pouvoir.
Dans la loi relative au développement des territoires ruraux, on a bien précisé que les élus reprenaient en quelque sorte les responsabilités ; de ce fait, on doit faire tomber les a priori. Nous avons besoin que Natura 2000 réussisse. Soyons clairs, l'Europe risque de conditionner, à un moment donné, l'attribution de crédits à notre capacité à développer ce dispositif. Il faut donc aider ces territoires.
Madame le ministre, vous allez devoir vous battre pour que les crédits européens évoluent parce que demeurent, là aussi, des points d'interrogation.
Toutes ces mesures s'inscrivent dans le cadre de la gestion des milieux et de la biodiversité. Certes, le littoral bénéficiera d'autres sources de financement, mais il est capital de mobiliser des sommes significatives pour l'ensemble de ces territoires.
Madame, messieurs les rapporteurs, le développement durable ne gagnera pas si nous ne faisons pas en sorte que tous les acteurs concernés, qu'il s'agisse des collectivités, des responsables sociaux, économiques ou culturels, adhèrent à cette politique.
Il est donc essentiel que nous démontrions ici, dans cette enceinte, notre détermination de voir des crédits affectés à ces territoires, parce qu'ils « tireront vers le haut » d'autres territoires ; telle est d'ailleurs leur vocation.
Nous ne voulons pas en faire des sanctuaires, nous ne voulons pas créer un gâchis autour Au contraire, à partir des parcs, des réserves naturelles, des grands sites, des zones Natura 2000, nous souhaitons que notre pays soit un modèle de développement durable, conformément d'ailleurs à ce que nous avons inscrit dans notre Constitution.
Madame le ministre, je me permets donc d'insister auprès de vous, et auprès de chacun de nos collègues, pour que la dimension de la zone territoriale ne soit pas oubliée. Par l'effort que nous consentirions, nous pourrions avoir plus de chances encore de réussir ce qui est un projet d'avenir pour notre pays, un vrai projet de société, un équilibre dans l'aménagement du territoire, une protection de son capital naturel.
N'est-ce pas le seul moyen de préparer l'avenir de nos enfants et petits-enfants ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le développement durable est une priorité pour l'humanité et pour la France.
Dès lors, dans le cadre de la LOLF, on pourrait imaginer que le ministre chargé du développement durable devrait pouvoir débattre de tous les crédits de tous les ministères qui y sont relatifs, c'est-à-dire l'industrie, les transports, l'équipement, l'aménagement du territoire, entre autres. Les propos de Jacques Blanc vont, d'ailleurs, en ce sens.
J'aborderai, pour ma part, une question qui me préoccupe particulièrement, à savoir le changement climatique.
Il faut d'abord savoir que le changement climatique aura lieu avant trente ans. On le sait, il commence déjà à se faire sentir. Bien évidemment, les populations habitant en Louisiane ou dans le Sud-Est asiatique le ressentent plus encore. Mais il va venir chez nous, et beaucoup plus vite que prévu.
Chaque fois que l'on révise les prévisions telles qu'elles sont établies par les scientifiques et les climatologues, on constate que le processus s'accélère. Il y a deux jours, par exemple, on a encore constaté la diminution de la force du Gulf Stream.
Cela signifie que, avec le réchauffement climatique de la planète, on pourrait retrouver le climat du Québec en Grande-Bretagne, en Bretagne et sur une partie du littoral atlantique. Cela veut dire également que nous allons connaître chaque année des dizaines, voire des centaines d'ouragans comparables à Katrina.
Économiquement parlant, si nous attendons trop avant d'appliquer le « plan climat », que la France a eu l'intelligence et la prévoyance de mettre en place, nous « irons dans le mur ».
Certes, il faut de l'argent pour appliquer ce plan, mais il convient de profiter des périodes où les changements climatiques ne détruisent pas 4 % ou 5 % du produit intérieur brut mondial, ce qui ne saurait tarder. Il y a donc urgence.
Dans le bref laps de temps qui m'est imparti, je veux indiquer que le « plan climat » est fondamental. En effet, nous pouvons connaître un grand nombre de catastrophes naturelles. Ainsi, il se peut que nous ne puissions plus, à l'avenir, transporter les barils de pétrole, dont le prix atteindra peut-être 100 dollars ou 200 dollars, dans les ports qui seront en partie détruits par la montée des mers.
De même, les inondations pourront être constantes, à l'image de celles que nous commençons déjà à subir en France. Les habitants du Gard en sont bien conscients ; ceux des Alpes-Maritimes aussi, d'ailleurs, l'aéroport de Nice ayant été fermé jusqu'à neuf heures ce matin.
Il faudra également compter avec la remontée du Sahara jusqu'au sud de l'Italie et de l'Espagne, ce qui concernera quelque 400 millions de Méditerranéens, depuis le Maghreb jusqu'à la Turquie. Les habitants de ces contrées seront bien contraints de quitter leur pays, on ne peut pas les laisser « crever de soif » ! Allons-nous ériger des barrières pour les contenir ?
Les indices du changement climatique sont donc considérables. C'est là une question fondamentale, prioritaire, et la France s'honore d'avoir défini un plan.
On nous objecte qu'il n'est pas possible de diviser par quatre les émissions de gaz carbonique. Si, c'est possible ! Je mène actuellement avec un collègue socialiste, dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, un travail sur « Les apports des sciences et des technologies au développement durable », cependant que deux députés se penchent sur « Les nouvelles technologies de l'énergie et la séquestration du dioxyde de carbone ». Nous étudions ainsi comment faire en sorte que l'on puisse continuer à consommer de l'énergie, mais sans doute beaucoup moins qu'actuellement.
Le problème, c'est d'abord la prise de conscience. C'est pour cela que je suis assez agressif sur ce point : sans prise de conscience de toutes les populations et de tous les décideurs, nous « allons dans le mur ». C'est pourquoi il nous faut prendre des dispositions pour qu'elle se produise.
Je ne prendrai qu'un exemple. L'ensemble des bâtiments représentent en France plus de 40 % de la consommation énergétique. Or, on sait construire des bâtiments consommant zéro énergie, et même des bâtiments qui en produisent. Faisons en sorte que les nouveaux bâtiments aient une consommation nulle !
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Tout à fait ! Vous avez raison !
M. Pierre Laffitte. Il se trouve que, pour construire un bâtiment, il faut un permis de construire ; il se trouve aussi qu'il existe des labels « haute qualité environnementale » et « haute performance énergétique ». Subordonnons l'obtention du permis de construire à celle d'un label ! Il faudra évidemment former les architectes, les maîtres d'ouvrage et toutes les personnes concernées, mais, puisque nous disposons des technologies, il faut les appliquer, et le plus tôt possible.
À ce propos, madame le ministre, seriez-vous disposée à soutenir une initiative parlementaire en ce sens, à laquelle seraient prêts un certain nombre de parlementaires, de droite comme de gauche ?
M. Pierre Laffitte. On pourrait nous opposer que seule la France ferait un tel choix. Mais pas du tout ! Les Chinois sont très intéressés par notre « plan climat », par les bâtiments labellisés ; s'il s'y mettent, tout le monde sera amené à suivre.
La même chose vaut pour l'urbanisme !
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Pierre Laffitte. L'urbanisme est probablement l'un des domaines où l'on peut agir, par le biais des plans locaux d'urbanisme dont toutes les communes doivent se doter. Imposons que l'urbanisme, à la fois, prenne en considération la qualité de la vie, permette de faire des rues piétonnes et agréables à vivre, avec des terrasse, et intègre la préoccupation énergétique, par exemple grâce à des panneaux solaires placés en hauteur dans la rue !
Les travaux de l'Office parlementaire montrent que les possibilités sont immenses. Nombreux sont ceux qui étudient la façon dont on peut piéger le gaz carbonique, qui s'intéressent à des modes de production d'énergie permettant de produire moins de gaz à effet de serre.
Tout est donc possible. Faisons-le, c'est une question de volonté et de communication. Madame la ministre, l'ADEME est sous votre tutelle. Il faudrait qu'elle prenne langue avec des sociétés qui sont très fortes en matière de communication : quand on voit comment les industries du luxe françaises parviennent à vendre dans le monde entier des petits sacs à des prix considérables - je pense à l'exemple de Vuitton -, on peut se dire que l'on pourrait vendre le développement durable de la même façon. C'est là, me semble-t-il, madame la ministre, malgré la modicité extrême de vos crédits, une voie à explorer. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la canicule de l'été 2003, les tempêtes de 1999 et les nombreuses inondations qui se sont succédé ensuite, les pics de pollution atmosphérique de plus en plus fréquents, pour ne prendre que l'exemple de la France, sont autant de témoignages du dérèglement du climat, de l'augmentation du nombre de phénomènes extrêmes - donc des conséquences de l'effet de serre -, sur lesquels maintenant à peu près tout le monde s'accorde.
Face à de tels phénomènes, il ne paraît pas exagéré d'affirmer que les décisions d'aujourd'hui engagent l'avenir de la planète et de ses habitants. En conséquence, la mise en oeuvre d'une politique de prévention et d'adaptation appelle une mobilisation financière à la hauteur de tels enjeux.
Le traitement de ces questions à l'échelon mondial, à travers le protocole de Kyoto et la conférence des parties à la convention Climat qui se tient en ce moment même à Montréal, illustre bien les difficultés pour concilier activité économique et respect de l'environnement. Cependant, nous devons dépasser ces difficultés, car l'attentisme aurait un coût bien plus important sur les plans tant humain qu'écologique.
Or, nous constatons avec regret que le budget du ministère de l'écologie et du développement durable - et je suis sûre, madame, que vous êtes la première à le regretter - va subir en 2006 une nouvelle réduction.
L'enveloppe budgétaire allouée à la mise en oeuvre des politiques environnementales s'élève à 632,97 millions d'euros en autorisations d'engagement, contre 791,20 millions en 2005, et à 615,6 millions d'euros en crédits de paiement, contre 576,72 millions pour 2005.
Ainsi, les autorisations d'engagement de la mission « Écologie et développement durable » baissent de 20 % en 2006 par rapport à 2005. Notons que la mission comprend trois programmes d'importance majeure : « Prévention des risques et lutte contre les pollutions », « Gestion des milieux et biodiversité », enfin, « Conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable ». Force est de constater que les crédits ne sont pas à la hauteur des missions définies.
À ce titre, Mme Keller, rapporteur spécial, rappelle très justement à propos du premier programme « les difficultés rencontrées par le ministère de l'écologie et du développement durable à honorer les engagements pris antérieurement ». Au demeurant, les efforts consentis pour la mise en oeuvre du réseau Natura 2000 sont d'abord motivés par la volonté d'échapper à la sanction communautaire, qui, nous le savons, peut coûter très cher.
D'une manière générale, toujours selon le rapporteur spécial, le montant des crédits alloués à l'environnement ne permettra pas au ministère d'assurer « la réalisation concrète de certaines [de ses] actions ».
À la situation budgétaire difficile du ministère s'ajoute cette année le manque de lisibilité des documents budgétaires : le fait de raisonner par mission, le fait aussi que certains programmes proviennent d'autres ministères conduisent à ce qu'il soit très difficile de s'y retrouver. Tout cela n'est pas fait pour faciliter le travail parlementaire.
L'examen du projet de loi de finances qui nous est soumis traduit la diminution du soutien des politiques publiques. Ainsi, l'État se désengage d'un grand nombre de domaines. Est-ce à dire qu'à la fin des fins la décentralisation ira jusqu'à confier aux collectivités territoriales le soin de financer les politiques publiques en matière d'environnement ? C'est une question que je pose.
À titre d'exemple, il nous paraît difficile de voter un budget de l'environnement dans lequel aucune mission n'est consacrée à l'eau. On sait combien la direction générale de l'eau et le ministère de l'écologie n'ont plus les moyens de l'expertise. L'an dernier, déjà, nous déplorions le manque de moyens engagés pour la politique de l'eau. Nous ne connaissons que trop bien le discours selon lequel la baisse des crédits en ce domaine se justifie par la délégation d'un certain nombre de missions aux agences de l'eau : à l'évidence, ces agences ne pourront pas tout supporter.
Parlons clair : l'État est de moins en moins présent et actif. Il n'a que trop rarement mis l'accent sur une politique de prévention de toutes les pollutions, même diffuses, et de préservation des écosystèmes. Il ne s'est que peu engagé en faveur de politiques d'information, de formations et d'expertises pour aider les collectivités.
Ces dernières, pour leur part, ont été obligées de se lancer dans des investissements coûteux sans véritables aides techniques et financières à la hauteur des besoins. Aussi, il est grand temps que l'État réinvestisse sa mission de service public. En effet, nous avons besoin d'un pilotage fort au niveau central pour mettre en oeuvre une politique intégrée de l'eau afin de répondre aux exigences, notamment, de la directive-cadre européenne mais, plus largement, à celles qu'impose la situation.
Abordons maintenant la question des moyens donnés aux différents organismes chargés de missions environnementales.
Les crédits alloués à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, restent insuffisants. L'ADEME, qui constitue le principal opérateur du « plan climat », doit réfléchir aux équipements en matériels écologiques, à la gestion des déchets, aux biocarburants... Aussi, eu égard à l'importance de telles missions et au déficit de crédits de paiement de l'agence, sa situation continue de nous paraître préoccupante. Depuis 2000, son budget a perdu 25 %, alors que les questions environnementales soulèvent de plus en plus d'inquiétudes.
En ce qui concerne l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, l'AFSSET, qui succède à l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale l'AFSSE, et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS, l'austérité budgétaire en matière d'environnement, là encore, est regrettable.
L'AFSSET intervient dans la mise en oeuvre du plan national de santé environnementale lancé le 21 juin 2004 pour la période 2004-2008. Ce plan a trois objectifs prioritaires de grande envergure : garantir un air et une eau de bonne qualité ; prévenir les pathologies d'origine environnementale, notamment les cancers ; mieux informer le public et protéger les populations sensibles. Il est piloté par les ministères de l'environnement, de la santé, du travail et de la recherche. Là encore, la lisibilité du budget fait défaut.
De plus, la Cour des comptes a considéré en mars 2005 que l'AFSSE n'était pas en situation de remplir sa mission de coordination en matière de santé environnementale : on est donc en droit de s'interroger sur l'amélioration de ce point dans le cadre de l'AFSSET.
Enfin, l'INERIS connaît également des difficultés. À titre d'exemple, rappelons ici que, dans la gestion de l'après-mines - sujet qui m'intéresse particulièrement, en tant que Lorraine -, la publication des plans de prévention tarde, ce qui bloque la situation urbanistique des communes concernées.
Par ailleurs, en matière environnementale, on a pu constater l'importance du rôle des associations. Or Bernard Rousseau, président du réseau « eau » de France-Nature-Environnement, affirmait, dans un entretien au journal Le Monde : « Nous sommes de plus en plus sollicités par l'État pour assurer des missions de service public, mais nous n'aurons bientôt plus les moyens de fonctionner. »
En effet, le Gouvernement a encore réduit les crédits alloués au financement des actions associatives. Ainsi, l'action « Développement durable » prévoit l'attribution de 4,4 millions d'euros au titre des partenariats associatifs, contre 5,3 millions d'euros en 2005. Les aides de l'État aux associations ont chuté de 33 % entre 2002 et 2005. On sait pourtant que, dans un secteur comme l'environnement, beaucoup dépend de leur activité. Cette politique nous paraît quelque peu contradictoire avec le discours du président de l'UMP, qui envisageait récemment de « résoudre tous les problèmes d'environnement en France d'ici une génération ». Nous demandons vraiment à voir !
Le financement des parcs naturels suscite aussi nos inquiétudes. En effet, les restrictions budgétaires des crédits de fonctionnement des parcs naturels régionaux auront de lourdes conséquences sur le bon fonctionnement de ces parcs. Je pense en particulier aux parcs naturels régionaux, dont la situation est catastrophique : en 2005, leurs subventions de fonctionnement ont baissé de 20 % par rapport aux montants inscrits dans les contrats de plan.
S'agissant des changements climatiques, l'Assemblée nationale, en totale contradiction avec la charte de l'environnement que nous avons ratifiée, a adopté un amendement visant à supprimer 1 million d'euros de crédits affectés à cet enjeu majeur. Plus exactement, comme le notait le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, notre collègue Jean Bizet, c'est l'ensemble des moyens prévus pour la prévention comme pour l'adaptation qui se trouvera affecté par cette restriction budgétaire si, malheureusement, elle devait être confirmée.
Pour que la campagne menée par la France en faveur du traitement du réchauffement climatique ne soit pas un simple affichage, il nous paraît nécessaire de donner les moyens de leurs missions à la MIES, la mission interministérielle de l'effet de serre, et à l'ONERC, l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique.
Les crédits alloués à la mission « Écologie et développement durable » ne nous paraissent pas suffisants au regard des enjeux tant environnementaux que de santé publique que la France se doit de relever.
C'est volontairement, madame la ministre, que nous n'avons pas déposé d'amendement : déshabiller Pierre pour habiller Paul n'est pas un exercice auquel nous souhaitions nous livrer.
Cependant, pour les raisons que j'ai indiquées, nous soutiendrons l'amendement du rapporteur visant à rétablir les crédits nécessaires au fonctionnement de la MIES ; je m'en expliquerai plus longuement le moment venu.
En tout état de cause, vous comprendrez que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen soient défavorables au projet de budget tel qu'il est présenté dans la mission « Écologie et développement durable ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque année, je suis heureux que nous nous retrouvions au sein de cet hémicycle afin d'aborder les problématiques liées au budget dévolu à l'écologie et au développement durable.
Je voudrais tout d'abord vous interpeller, madame, sur la faiblesse des moyens alloués à votre ministère. Je me contenterai dans un premier temps de vous exposer les chiffres tels qu'ils ont été portés à ma connaissance, pour ensuite vous faire part de certaines de mes observations.
Le projet de loi de finances pour 2006 prévoit des autorisations d'engagement pour la mission à hauteur de 633 millions d'euros, répartis pour près de la moitié sur le programme « Conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable », qui concentre la hausse des crédits, si faible soit-elle.
Les deux autres programmes « Prévention des risques et lutte contre les pollutions » et « Gestion des milieux et biodiversité » sont quant à eux encore moins bien dotés, malgré l'importance de leurs objectifs.
A structure constante, le budget du ministère de l'écologie et du développement durable est donc quasiment stable dans sa pauvreté, et pourtant c'est l'un des rares ministères dont l'objet devrait être une priorité nationale.
Je relève cependant, et afin de ne pas paraître trop négatif, que le ministère disposera, à partir de 2006, de moyens supérieurs à ceux qui figurent en loi de finances initiale grâce à l'affectation directe de produits et de taxes à trois des établissements publics sous sa responsabilité : le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres pour 28 millions d'euros, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage pour 7 millions d'euros, et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie pour 170 millions d'euros, issus des recettes de la taxe intérieure sur les consommations de gaz naturel, 15 millions d'euros provenant des recettes de la taxe additionnelle sur les certificats d'immatriculation applicable aux véhicules à forte émission de gaz carbonique.
Si je salue cette augmentation insuffisante des recettes, je voudrais aussi souligner, madame la ministre, que la multiplication des structures dans le domaine de l'environnement amène parfois à un manque de lisibilité et d'efficacité certain.
Je sais, madame, que vous souhaitiez engager une démarche de rationalisation à ce sujet. Pourriez- vous nous en dire plus sur les modifications prévisibles de différentes instances qui parfois se recoupent et donnent l'impression de faire double emploi ?
Après ce bref rappel, j'en viens maintenant à mes observations, et je ne peux ici encore qu'exprimer des regrets.
Aujourd'hui, il existe un accord unanime de la communauté scientifique sur la corrélation entre les grands enjeux climatiques et la survie de l'espèce humaine, je pense que nous sommes tous d'accord sur ce point. D'ailleurs, les derniers événements météorologiques extrêmes survenus au cours des cinq dernières années, notamment aux États-Unis, nous le prouvent. Il apparaît donc normal, dans ce contexte, que les problématiques liées à l'écologie et au développement durable soient devenues aujourd'hui, avec l'emploi et la sécurité, l'une des principales préoccupations de l'opinion publique.
Comment expliquer, alors, que le budget de l'environnement ne représente toujours que moins de 1 % du revenu national ?
Hier matin, lors de la tenue au Sénat du Forum mondial du développement durable, le Président de la République, Jacques Chirac, expliquait dans son message que « les concepts économiques et les outils statistiques sur la base desquels nous construisons nos modèles reflètent la hiérarchie de nos valeurs et le prix réel que nous accordons aux choses. »
Si les moyens que nous nous préparons aujourd'hui à allouer à votre ministère reflètent réellement la hiérarchie de nos valeurs, il me semble que nous accordons bien peu de prix à l'avenir de nos enfants et de notre planète.
M. Jean Desessard. Ah !
M. Marcel Deneux. Je voudrais à présent aborder différents points qui me tiennent à coeur.
Concernant tout d'abord la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, alors que l'Europe semble entrer progressivement dans une logique vertueuse et que le protocole de Kyoto est désormais opérationnel, il me paraît assez paradoxal que l'Assemblée nationale ait adopté en première lecture un amendement qui a pour objectif affiché de supprimer les moyens mis à disposition de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique.
Peut-être faut-il rationaliser davantage les liens entre les différents organismes qui ne se coordonneraient pas suffisamment, mais le moment n'est pas venu d'en supprimer : il faut au contraire investir davantage en études certes, mais surtout en communication.
A ce sujet j'ai apprécié, madame la ministre, votre réponse à l'Assemblée nationale telle que le rapporte le compte rendu de séance du Journal Officiel. Quel est l'état de vos réflexions aujourd'hui et quand rendrez-vous publiques vos décisions ?
Nous soutiendrons donc l'amendement de la commission des affaires économiques, qui vise à rétablir les crédits de cet organisme essentiel pour la lutte et la protection des populations contre le changement climatique.
Je comprends d'autant moins cette prise de position que la lutte contre le réchauffement climatique a fait l'objet d'engagements importants par votre gouvernement ; à cet égard, j'ai été sensible à l'engagement personnel du Premier ministre lorsqu'il nous a réunis la semaine dernière à Matignon.
Je citerai à l'appui de cette affirmation deux exemples d'actions courageuses.
Le Gouvernement avait décidé, dès 2004, de débloquer 38,5 millions d'euros sur cinq ans, dont une grande partie pour la recherche en faveur des « véhicules propres » et l'achat de véhicules neufs moins polluants : GPL - gaz de pétrole liquéfié -, GNV - gaz naturel véhicule -, véhicules électriques ou hybrides.
De la même façon, le projet de loi de finances pour 2006 traduit cette préoccupation par la mise en place d'une nouvelle fiscalité contraignante pour les véhicules rejetant le plus de gaz carbonique dans l'atmosphère.
De même, lors de la table ronde du 21 novembre 2005, le Gouvernement a pris un grand nombre d'engagements en faveur de la filière biocarburants, grâce à une politique fiscale incitative qui commence à offrir aux investisseurs de nouvelles perspectives. Néanmoins, je reste convaincu que nous devrions aller encore plus loin, compte tenu des enjeux et de notre retard en la matière.
Il n'y a pas toujours de cohérence entre les déclarations très médiatisées des plus hautes autorités du pays - M. le Président de la République, à Reims ; M. Raffarin, alors Premier ministre, à Compiègne, en septembre 2004 ; M. de Villepin à Rennes, en septembre 2005 - et les engagements budgétaires réels dans ce projet de loi de finances que nous examinons aujourd'hui. Il y a même une réelle divergence entre ces déclarations et la lenteur des décisions réglementaires attendues.
La France possède pourtant tous les atouts pour conduire une grande politique des biocarburants ; il faut qu'elle s'en donne les moyens.
Dans le monde, si nous nous comparons au Brésil, aux États-Unis, qui se sont fortement mobilisés depuis trois ans sur ce sujet, notre retard s'accroît. Même en Europe, nous ne sommes plus les meilleurs, alors que nous l'étions il y a quinze ans.
La politique des biocarburants est une véritable politique de développement durable.
J'ajouterai que la question de l'emploi d'énergies propres, en particulier du fait de leur coût, doit relever non pas de la seule responsabilité de l'État, mais bel et bien de la responsabilité de tous !
A l'appui de cette réflexion, je souhaite évoquer rapidement le plan « climat » en vous disant le bien que j'en pense, mais il faut en accélérer la mise en oeuvre.
Sur les textes d'application de la loi d'orientation sur l'énergie du 13 juillet 2005, d'autres ministères que le vôtre, je le sais, sont concernés. Mais je compte sur vous, madame, sur votre énergie, afin qu'en matière d'habitat, d'urbanisme ou d'énergies renouvelables, les décisions attendues soient prises et que vous soyez le fer de lance de « l'interministériel » en la matière.
Enfin, pour terminer, je voudrais aborder le thème délicat du principe de précaution, constitutionnalisé maintenant, et dont une utilisation intelligente me semble nécessaire.
Thème délicat, certes, car les acteurs économiques du domaine de l'industrie ou de l'agriculture éprouvent parfois certaines difficultés et des réticences à le mettre en place. Nous pouvons le comprendre dans le contexte de mondialisation et de concurrence effrénée qui est le nôtre.
Thème délicat, peut-être, mais alors il relève de notre responsabilité collective d'accompagner ces acteurs, afin qu'ils aient les moyens d'intégrer ce principe de la façon la plus harmonieuse possible.
Cette démarche me paraît primordiale si l'on veut allier développement durable et compétitivité de nos entreprises. C'est à cette condition qu'une mise en oeuvre efficace du principe de précaution deviendra possible et que la France sera au niveau que nous souhaitons.
En conclusion, quel avenir envisagez-vous, madame, pour votre action ministérielle ?
Je reste persuadé qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire et qu'il est encore temps de réagir. Le poste de ministre du développement durable, dont vous êtes titulaire, est essentiel pour notre avenir. Je compte sur vous et sur votre action pour en convaincre l'ensemble du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce budget doit être regardé en fonction d'une idée principale et toute simple : la planète va mal. Je dirai même plus : elle va de plus en plus mal !
Du tsunami à Katrina, ce qui n'était encore, voilà quelques années, qu'une hypothèse scientifique est maintenant une certitude : le climat se dérègle, la nature s'emballe. Sous l'action de l'homme, des espèces disparaissent, la planète est en danger. Plus personne ne nie aujourd'hui cette évidence. Le diagnostic est ainsi posé : quelles sont donc les réactions des politiques ?
Le Sommet de la terre à Rio, en 1992, a marqué la prise de conscience internationale face au dérèglement climatique. Les États les plus riches, responsables des émissions les plus importantes et pour lesquels une baisse de croissance semblait plus supportable, ont pris l'engagement de stabiliser leurs émissions de gaz à effet de serre.
C'est le protocole de Kyoto, en 1997, qui a traduit cet engagement au niveau juridique en donnant pour objectif à ces États la réduction de 5,5 % de leurs émissions en 2012 par rapport au niveau de 1990.
En 2004, le plan climat a instauré huit grandes orientations parmi lesquelles la sensibilisation du public - est-elle nécessaire ? -, la promotion du transport propre et de la construction HQE - haute qualité environnementale - et le développement des énergies renouvelables.
La charte de l'environnement adossée à la Constitution est venue compléter cette démarche le 1er mars 2005.
Aujourd'hui, nous examinons ce « petit » budget de la mission « Écologie et développement durable ». Faites-vous attention au symbole, madame la ministre ? Le symbole, c'est que l'on discute de ce budget tard dans la nuit de samedi à dimanche, comme s'il était relégué en fin de discussion, au moment le plus difficile.
Pourtant, au regard de la signature de la charte de l'environnement, l'obligation des politiques publiques de promouvoir un développement durable devrait réellement être inscrite dans la loi de finances. C'est une obligation constitutionnelle.
Nous avons les déclarations fracassantes de M. Chirac lors des sommets mondiaux pour la défense de l'environnement ; nous avons entendu M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, président de l'UMP, qui affirme qu'il suffit d'une ou deux générations pour résoudre les problèmes de l'environnement en France.
Or, quand je regarde les projets de loi que nous examinons à l'Assemblée nationale et au Sénat, chaque fois je m'étonne du décalage flagrant entre les déclarations d'intention et la réalité législative que l'on nous propose.
Projet de loi sur l'eau, projet de loi d'orientation sur l'énergie, projet de loi d'orientation agricole, projet de loi portant engagement national pour le logement : les projets de loi se suivent et se ressemblent. Hélas ! ils ne contiennent aucune proposition environnementale, aucune mesure écologique.
Le projet de loi de finances ne déroge pas à cette règle. Je me permettrai au passage, bien que certains de mes collègues l'aient déjà fait, de souligner que la nouvelle mouture du projet de loi finances, dans laquelle on a fait le choix d'une thématique par ministère, sous une apparence plus claire, est en fait particulièrement confuse.
La protection de l'environnement et la promotion du développement durable sont par essence des politiques transversales. Par conséquent, les mesures concernant l'environnement se retrouvent éparpillées, sans compter que les affectations de certaines taxes sont pour le moins obscures.
Quant aux crédits qui sont réellement accordés à l'environnement, il faut les chercher non seulement dans la mission « Écologie et développement durable », mais aussi dans la mission « Recherche », sans compter que les établissements publics ont leurs ressources propres.
A cela s'ajoute, sans qu'il soit vraiment possible d'en vérifier l'affectation et la gestion, un montant hypothétique de 27 milliards d'euros, identique à celui de 2003, dépensé par les collectivités locales pour la gestion des ressources naturelles. C'est dix fois plus que ce que l'État consacre à l'environnement et l'on peut légitimement se demander si cette situation est bien saine.
Le projet de budget pour 2006 accorde à la mission « Écologie et développement durable » 616 millions d'euros - on passe à 896 millions d'euros si l'on y ajoute les crédits de la mission « Recherche ». C'est la troisième année de baisse consécutive. L'an dernier, les crédits atteignaient 791 millions d'euros, soit, pour l'ensemble du budget de l'environnement, une baisse de 2 %. A croire que tout va pour le mieux sur le plan de l'écologie !
Et comment ne pas relever la disproportion colossale qui existe entre le budget de la mission « Environnement », qui s'élève à 616 millions d'euros, et le budget pharamineux de la mission « Défense », qui s'établit à 36 milliards d'euros ?
Les plafonds d'autorisation d'emplois sont tout aussi éloquents. L'environnement est le moins bien loti, avec 3 717 équivalents temps plein travaillé, dits ETPT, très loin derrière l'outre-mer, la jeunesse et les sports ou les services du Premier ministre. Et je ne parle pas des 440 000 ETPT affectés au budget de la défense.
Dans cette même optique, les crédits consacrés aux associations chutent de 20 % pour 2006, après une première baisse de 10 % en 2005, tant il est vrai qu'en France les associations de défense de l'environnement ne sont pas prises au sérieux. Leur travail de veille sur le terrain, de recherche, de sensibilisation, est pourtant fondamental.
L'affectation de taxes diverses à l'ADEME, au Conservatoire du littoral ou à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, l'ONCFS, peu claire, parfois même non avérée, est de surcroît un moyen supplémentaire de baisser les crédits.
Dans le programme 181 « Prévention des risques et lutte contre les pollutions », je constate une baisse de 40 % des crédits de l'action 01 « Prévention des risques technologiques et des pollutions » et de 78 % pour l'action 04 « Gestion des déchets et évaluation des produits ».
De même, malgré le plan de renforcement des effectifs de contrôle des installations classées, 46 ETPT ont été affectés contre 50 emplois budgétés l'année dernière.
Quand je pense à l'amiante, à AZF, à la pollution au benzène qui est survenue en Chine la semaine dernière, je suis pour le moins surpris ! Nous ne sommes pas à l'abri, nous ne sommes pas infaillibles, et la science découvre progressivement les dommages pour la santé et l'environnement d'inventions qu'elle encensait naguère : éthers de glycol, phtalates, amiante...
Je ne reviendrai pas sur l'évaluation des produits. Le vote de la directive REACH au Parlement européen a suffisamment permis de développer ce thème pour que je n'aie pas à insister sur l'importance capitale de ce type de dispositif dans le domaine de la santé publique. Je me contenterai de rappeler que le vote des députés européens de votre parti, madame la ministre, a vidé cette directive de sa substance.
Et que dire de la gestion des déchets ? Est-ce parce que nous sommes passés au tri sélectif et que nous avons voté, voilà quinze jours, le remplacement des sacs en plastique aux caisses par des sacs biodégradables que cette action doit être débudgétisée ?
Cela nous ramène à l'ADEME. Financée depuis 2000 par des dotations émanant des ministères de l'écologie et du développement durable, de l'économie, des finances et de l'industrie ainsi que par le ministère de la recherche, ses crédits, qui seront de nouveau issus de taxes affectées, semblent particulièrement aléatoires. Comment imaginer que cette agence, dont le travail de recherche, de sensibilisation aux problématiques environnementales, de promotion du développement durable, puisse remplir convenablement ses missions avec un aussi faible budget ? Il n'est pas à la hauteur de ce que nous sommes en droit d'attendre. Cette phrase est revenue dans tous les discours. Peut-être aurons-nous une surprise avec les prochains orateurs, mais, jusqu'à présent, tous les intervenants ont souligné cet aspect.
Enfin, que dire du montant des crédits affectés à l'action « Lutte contre le changement climatique ». Elle reçoit 10 millions d'euros contre 98 millions d'euros en 2005 ! Ce ne sont pas des moyens de lutte ; c'est un alibi !
Les parcs nationaux, qui sont actuellement sur le grill à l'Assemblée nationale, voient leurs crédits de fonctionnement baisser de 20 %. Avec quel financement va-t-on créer les parcs qui sont en projet et moderniser ceux qui sont issus de la loi de 1960 ?
Enfin, sur le montant global de 896 millions d'euros de crédits, ce sont toujours 237 millions d'euros qui vont vers la recherche sur le nucléaire. Est-il besoin de vous dire combien je déplore cette politique qui consiste, en permanence, à tout miser sur une source d'énergie unique, a fortiori lorsqu'il s'agit d'une énergie aussi sournoise ? Sournoise, car, à première vue, elle semble propre.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Mais elle est intéressante pour l'effet de serre !
M. Jean Desessard. C'est bien pour cela qu'elle est sournoise !
Je vous rappelle, madame la ministre, que les Verts réclament depuis des années un débat dont le Gouvernement a décidé de se passer en intégrant l'EPR dans le projet de loi d'orientation sur l'énergie.
Voilà tout le paradoxe du politique, confronté à des choix qui hypothèquent l'avenir des générations futures. Vous utilisez des palliatifs à court terme qui permettent de dissimuler le problème et de le léguer aux générations suivantes. Et quand je parle des générations suivantes, je n'évoque que la question des déchets nucléaires que l'Office parlementaire des choix scientifiques et techniques balaye d'un revers de main en affirmant que la science a « presque » trouvé la solution. Le mot « presque » est éloquent et porteur de graves dangers !
Face à des menaces aussi angoissantes qu'un accident nucléaire, une contamination par l'amiante, une épidémie de grippe aviaire, peut-on se permettre de continuer sa route sans envisager un seul instant que l'on a pu se tromper ?
Les crédits substantiels engloutis dans le projet EPR le prouvent. Embarqués dans une machine qui s'emballe, nous faisons le choix d'investir toujours plus dans le nucléaire, la foi chevillée au corps, en priant pour que la solution soit bien dans cette énergie. Est-ce bien responsable ?
Madame la ministre, vous vous êtes vantée d'avoir réussi, en quelques mois seulement, à fixer à 50 % l'objectif de baisse de l'usage des sacs en plastique en 2006.
Je vous en félicite. Néanmoins, j'aurais souhaité que l'on initie enfin, sur le plan national, une politique offensive et volontaire.
Comme le Sénat l'a décidé lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole, les sacs de caisse, qui ne représentent que 15 % des sacs en plastique, seront bientôt remplacés par des sacs biodégradables, ou peut-être biofragmentables. Cela n'est pas encore très clair. Il n'en reste pas moins que les Verts auraient préféré que l'usage de tous les sacs en plastique soit interdit en 2010.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Cela viendra !
M. Jean Desessard. Dans le même ordre d'idée, le Gouvernement a semblé faire des efforts en direction des biocarburants en jouant sur la taxe intérieure sur la consommation, la TIC. Mais les huiles végétales pures, qui sont de véritables biocarburants, restent cantonnées à une utilisation discrète par les agriculteurs. Une fois encore, sous la pression des lobbies, on adopte une solution qui semble un peu « écolo » sans réaliser les effets pervers qu'elle comporte de par le mode de production industrielle, consommateur de pétrole, qu'elle implique et de par son bilan énergétique discutable.
En conclusion, madame la ministre, vous avez affirmé, lors des débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale, votre souhait de ne pas voir l'écologie opposée à l'économie.
M. Jean Desessard. C'est pourtant bien l'impression que donne ce projet de loi. L'ensemble de la politique du Gouvernement, c'est d'abord l'économie et ensuite l'écologie.
M. Jean Desessard. Certes, on annonce un budget global pour l'environnement, tous ministères confondus, de 2,6 milliards d'euros. Or, force est de constater que la répartition des crédits entre les programmes est déséquilibrée et que les actions ne sont pas bien ciblées. Je reste donc sceptique quant aux montants qui sont évoqués.
En outre, le programme 127, « Contrôle et prévention des risques technologiques », chargé du contrôle de la sûreté nucléaire, est une fois encore placé sous l'égide du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Et que dire du fait que la gestion des stocks de munitions, qui est logiquement classée dans la mission « Défense », est également imputée au budget de l'environnement ?
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Desessard.
M. Jean Desessard. Je conclus, monsieur le président.
L'établissement d'un budget national est révélateur de la politique d'un gouvernement. Depuis des années, nous attendons que les intentions écologistes se traduisent dans les actes, mais ce n'est pas encore pour cette année. La planète se dégrade, les ressources diminuent, des espèces disparaissent, mais les réactions sont toujours aussi timorées.
L'écologie transcende tous les secteurs de la vie publique. Il ne peut y avoir de politique durable sans prise en compte des contraintes environnementales et écologiques. Vouloir ne pas en tenir compte, c'est irresponsable. Nous serons jugés par nos enfants, cela a également été dit par nombre des orateurs qui m'ont précédé. C'est pourquoi je décrète, madame la ministre, que nous sommes en état d'urgence environnemental et que vos crédits sont très insuffisants pour faire face à cette urgence.
M. le président. Je vous prie de bien vouloir conclure, monsieur Desessard !
M. Jean Desessard. Madame la ministre, vous nous présentez donc un budget alibi. Cela me conduit à vous proposer de désigner le ministère de l'environnement et du développement durable par l'appellation de « ministère de la bonne parole de l'environnement ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Le Grand.
M. Jean-François Le Grand. Madame la ministre, à entendre la litanie des complaintes de quelques orateurs, je craignais que vous ne vous laissiez aller au découragement !
Aussi commencerai-je mon propos en saluant l'énergie que vous développez pour promouvoir une écologie pragmatique, humaniste et partagée. Et sur ce chemin, nous serons nombreux à vous accompagner.
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean-François Le Grand. Dans mon propos, j'aborderai deux sujets essentiels et une question subsidiaire.
Tout d'abord, je ne reviendrai pas sur les risques de voir la France une nouvelle fois condamnée faute d'avoir désigné suffisamment d'espaces dédiés à Natura 2000. En effet, nous l'avons déjà été en 2001 - vous n'étiez pas au Gouvernement - pour insuffisance de propositions en matière de zones spéciales de conservation, ainsi qu'en novembre 2002, au titre des zones de protection spéciale, les ZPS.
A l'occasion d'un rapport que j'avais rédigé au nom de la commission des affaires économiques, j'avais proposé la création d'un groupe de travail national, placé sous l'égide du Comité national du suivi de Natura 2000, qui a d'ailleurs permis d'aboutir à un certain nombre d'avancées. En effet, 201 zones de protection spéciale ont été désignées et le Muséum d'histoire naturelle a relevé quelque quatre-vingt cinq espèces de nicheurs qui n'ont pas encore fait l'objet de préoccupations suffisantes.
En vous appuyant sur les conclusions de ce groupe de travail, vous parviendrez sans doute à accélérer le processus afin d'éviter que notre pays ne soit une nouvelle fois condamné. J'ai d'ailleurs pu mesurer l'importance du travail que vous-même et vos services accomplissez à ce sujet.
Je n'en dirai pas plus sur les actions qui sont conduites au plan national.
Sur le plan local, il subsiste quelques difficultés concernant la désignation des sites Natura 2000. Certains élus se plaignent du manque de concertation. Ils déplorent l'absence de transparence s'agissant de la communication des études scientifiques qui permettent d'établir les propositions de classement qui sont transmises par les préfets.
Madame la ministre, il est nécessaire de faire en sorte que les études scientifiques soient transmises dans les plus brefs délais possibles. Il est essentiel que les élus disposent de données fiables, argumentées et à jour. Pour avoir moi-même participé à un rapport sur Natura 2000, je reçois de très nombreuses observations. ; je vous en épargnerai la litanie.
Soucieux de faire progresser le réseau Natura 2000, j'avais déposé une proposition de loi, qui a été reprise dans la loi de février 2005 relative au développement des territoires ruraux. Il est nécessaire que la réforme soit mise en oeuvre si l'on veut être en mesure de réaliser des progrès réguliers.
Madame la ministre, cette proposition de loi visait à donner aux élus la possibilité de se saisir eux-mêmes de cette disposition. C'est en jouant sur l'élu, qui est démocratiquement désigné, que l'on pourra faire avancer le processus. Il y a urgence, car, d'une part, nous prenons un peu de retard et, d'autre part, les élus qui veulent s'engager ont besoin d'être aidés.
J'en viens à la politique de l'eau, second point essentiel de mon intervention. J'interviendrai en tant que parlementaire mais aussi en qualité de président du Cercle français de l'eau. Je vous suggérerai de retenir quelques observations et d'apporter des corrections sur certains points.
Tout d'abord, le découpage en trois programmes m'a permis de retenir, en dehors du programme support regroupant tous les effectifs, deux programmes opérationnels afin d'atteindre pour chacun d'eux un seuil critique raisonnable. Cela entraîne la scission de la politique de l'eau entre ces deux programmes.
Cette situation risque de conduire, progressivement mais inéluctablement, à une érosion des crédits consacrés aux inondations dans le programme 1, au profit de l'ADEME, et, en 2006, dans le programme 2, des crédits consacrés à la surveillance des masses d'eau. Or il s'agit d'une obligation européenne, indispensable à la gestion de la sécheresse, et qui joue en faveur de Natura 2000.
D'un point de vue organisationnel, la logique issue de ce découpage conduit à donner au directeur de l'eau des responsabilités en matière de gestion de crise sans lui donner aucune prise sur les moyens y afférents. En cas de sinistres, cela posera de graves problèmes de responsabilité.
Cette logique pourrait conduire également, madame la ministre, à mettre le directeur de l'eau sous la quadruple dépendance financière des agences de l'eau et de trois autres directions de votre ministère, ce qui revient, d'une certaine manière, à lui ôter une capacité d'initiative et donc à lui faire perdre du poids face aux agences de l'eau.
En résumé, comme on pouvait le pressentir au moment du choix des programmes, la logique du découpage opéré par la LOLF entraîne tout sur son passage et risque, en matière de politique de l'eau, de nous ramener en arrière de presque quinze ans ! C'est important pour la France, pour les régions, pour les agences et pour la ressource en eau. Par conséquent, je souhaite vraiment que vous puissiez remédier à cet état de chose.
Madame la ministre, ma dernière observation subsidiaire concerne un sujet quelque peu secondaire qui pourrait même faire sourire : celui de la pêche à pied de loisir.
Cette pêche est gérée par un décret de votre ministère, texte en vertu duquel elle est couplée à la pêche professionnelle, alors qu'elle n'a rien à voir avec cette dernière. En effet, la pêche de loisir est pratiquée sur l'ensemble des côtes de France par des dizaines de milliers de pratiquants. Je souhaite par conséquent un peu plus de pragmatisme dans la définition des règles de l'accompagnement de la pêche de loisir. Mais je ne veux pas vous ennuyer ce soir avec ce sujet. Je vous écrirai et, si vous me le permettez, je vous ferai des suggestions à propos du décret.
Quoi qu'il en soit, madame la ministre, ne perdez pas le moral malgré ce qui a pu être dit ici ! Vous êtes à la tête d'un ministère difficile, et l'exercice qui est le vôtre ne l'est pas moins ; mais nous vous accompagnerons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Madame le ministre, au nom de tous ceux qui militent en faveur du développement durable, je tiens à rendre hommage à l'action que vous menez, en dépit des contraintes budgétaires qui vous sont imposées.
L'examen des crédits de la mission « Écologie et développement durable » est l'occasion pour moi d'intervenir sur un sujet extrêmement important pour la région que je représente : le développement durable et la protection de ce que nous appelons le « poumon » le plus important de France, la Guyane.
En premier lieu, je note que la mission « Écologie et développement durable » rassemble 12 millions d'euros de crédits de paiement, soit à peine 0,1 % des crédits affectés aux politiques de l'outre-mer. Alors que la Guyane est le département français le plus vaste, y compris en surface forestière, il est regrettable que le Gouvernement ne relève pas sensiblement son engagement financier concernant la protection des espaces naturels, souvent exceptionnels, des régions ultramarines.
Jouissant pourtant d'une biodiversité et d'un biotope uniques en France, la Guyane est un joyau naturel que les activités humaines vont réduire à néant en quelques décennies si aucune mesure énergique de sauvegarde n'est prise.
Notre département recèle pourtant des spécificités très fortes, qui appellent un traitement particulier. À titre d'exemple, les conséquences environnementales de l'orpaillage clandestin atteignent un niveau très alarmant. Ce crime contre notre écosystème provient de l'utilisation du mercure passif contenu dans le sol, principalement par des orpailleurs clandestins brésiliens.
Selon les derniers résultats publiés, le niveau de pollution par le mercure s'est encore accentué, et le taux de mercure décelé chez certains enfants est cinq fois supérieur aux normes autorisées sur le plan international.
Madame le ministre, il est urgent d'agir contre ce fléau qu'est l'orpaillage clandestin pour la population et le système écologique guyanais. Les dispositifs de surveillance et de contrôle doivent être renforcés.
Par ailleurs, je constate avec regret qu'au sein du programme 153 « Gestion des milieux et biodiversité » les crédits alloués à la biodiversité sont sensiblement en baisse à périmètre constant, notamment ceux qui sont dévolus aux réserves naturelles et ceux qui sont dévolus aux parcs nationaux.
Cette baisse est d'autant plus regrettable que la présentation du programme « Forêt » au sein de la mission « Agriculture, pêche, forêts et affaires rurales », corollaire du présent programme, manque singulièrement de clarté et ne permet pas d'établir dès aujourd'hui une anticipation des actions de protection des forêts, notamment outre-mer.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer avec précision le montant et la nature des crédits dévolus à la protection de la forêt guyanaise ? Cette dernière a besoin d'une protection très forte.
Conscient des multiples dangers écologiques qui pèsent depuis trop longtemps sur elle, François Mitterrand, alors Président de la République, avait proposé en 1992 de faire de la Guyane un pôle d'excellence en matière de protection de la forêt tropicale et d'écodéveloppement. Cette proposition prit la forme d'un engagement tendant à créer un parc national, instrument juridique qui devait renforcer les garanties de protection et de développement de la Guyane.
Le projet de loi relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins a été adopté par l'Assemblée nationale le 1er décembre. Mais les élus de Guyane ne sauraient se satisfaire des dispositions contenues dans ce texte. Il est d'ailleurs très symbolique que, le 18 octobre dernier, les élus départementaux et régionaux de la Guyane aient, dans une délibération du Congrès, émis un avis défavorable sur ce projet.
Or la moitié des crédits de paiement du programme 153 correspond aux subventions pour charges de service public des parcs nationaux, et près des deux tiers du budget de fonctionnement de ces derniers proviennent de la participation de l'État. Je nourris donc une certaine inquiétude alors que la naissance de ce parc national se fait dans la douleur.
Je ne peux également passer sous silence la très vive inquiétude que suscite le projet de loi de finances au sein du réseau associatif de gestion des réserves naturelles. La réduction des financements risque de remettre en cause l'équilibre financier de ces réserves.
Votre texte ne prévoit que 11,43 millions d'euros en crédits de paiement et autorisations d'engagement, soit une baisse très importante de 11 % des financements par rapport aux paiements prévus à ce jour pour 2005. Or l'exécution budgétaire pour 2005 a déjà été contrariée par le gel de près de 600 000 euros.
Au final, le niveau des crédits est revenu à des valeurs inférieures consenties par les lois de finances pour les années 2002 à 2004. Cette baisse est d'autant moins compréhensible que huit nouvelles réserves ont été créées depuis 2001 et que le niveau des financements doit désormais tenir compte du coût de la professionnalisation - au demeurant salutaire - des personnels.
Les crédits relatifs aux réserves naturelles sont devenus, au fil des ans, des variables d'ajustement budgétaires qui subissent des gels ou des reports peu justifiables. La sous- dotation pour 2006 ne fera que retarder une fois de plus, si ce n'est annuler, les prévisions d'investissement retracées dans les plans de gestion.
Cette situation n'est évidemment pas acceptable. Madame le ministre, pouvez-nous nous éclairer sur les raisons de cette sous-dotation et sur les modalités par lesquelles vous entendez y mettre un terme ?
La France ne peut négliger les richesses biologiques dont regorge la Guyane et qui font de cette région un bien commun à toute l'humanité. Elle ne peut pas non plus laisser la Guyane livrée à elle-même face aux défis qui se présentent à elle en ce début de troisième millénaire. Notre avenir passe bel et bien par un financement à la hauteur de ces richesses ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les sénateurs, c'est un plaisir et un honneur pour moi de présenter le budget du ministère de l'écologie et du développement durable devant la Haute Assemblée, devant mes anciens collègues.
D'ores et déjà, permettez-moi de saluer la très grande qualité des rapports et la pertinence des remarques auxquelles j'apporterai, bien sûr, des réponses au cours de mon intervention.
En tout premier lieu, je me dois de vous préciser que le budget que je vous présente ne prend pas en compte la contribution du ministère au plan en faveur des banlieues.
Pour la mission « Écologie et développement durable », l'augmentation des crédits s'élève à 39 millions d'euros, affectés essentiellement au programme 211 « Conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable ».
Cette hausse du programme 211 s'explique par des changements de périmètre - cela a été souligné - et correspond à l'inscription au budget du ministère de l'écologie et du développement durable, le MEDD, des pensions civiles et des cotisations à la caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, et au fonds national d'aide au logement, le FNAL.
À structure constante, ce budget est donc quasiment stable, à savoir 570,3 millions d'euros en 2006 contre 576,7 millions d'euros en 2005.
Le ministère disposera néanmoins de moyens supplémentaires à ceux qui sont inscrits dans la loi de finances initiale, puisque les trois principaux établissements publics bénéficieront de l'affectation directe de produits de taxes, ce qui leur garantit - c'est important de le préciser - des ressources pérennes.
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Nelly Olin, ministre. Il s'agit du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, le CELRL, de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, l'ONCFS, et de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME.
Je note avec satisfaction que certains d'entre vous se réjouissent de l'affectation de ressources supplémentaires pérennes pour ces opérateurs importants dans le domaine de l'environnement.
En outre, les députés ont voté un amendement me permettant de disposer de 33 millions d'euros supplémentaires, à partir du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier ».
J'ai bien noté, à ce sujet, l'avis réservé de la commission des finances et le constat fait par plusieurs d'entre vous du risque de devoir relever le taux de prélèvement à partir de 2008. Je tiens à vous rassurer : ces crédits serviront à compléter le financement d'opérations en matière de prévention des risques naturels majeurs et des inondations, dont vous avez unanimement constaté l'insuffisance.
Au total, je vous confirme que le ministère disposera de 1,133 milliard d'euros en 2006, dont 205 millions de taxes pérennes, cela venant bien sûr en sus des taxes affectées au Conseil supérieur de la pêche, le CSP, et des quelque 2 milliards d'euros affectés aux agences de l'eau.
Mon ministère aura donc des capacités financières supérieures aux exercices budgétaires précédents, avec des recettes désormais pérennes : ni prélèvement exceptionnel sur les agences de l'eau, comme en 2004, ni apport exceptionnel en loi de finances rectificative, comme en 2005.
Le programme 181 « Prévention des risques et lutte contre les pollutions » représente 174 millions d'euros et 1 798 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT.
Il s'agit tout d'abord de poursuivre les actions déjà engagées dans les politiques de prévention contre les risques naturels et technologiques, la lutte contre la pollution de l'eau et la déclinaison des nombreux plans qui structurent notre action, comme le plan national santé-environnement.
Dans le domaine des risques technologiques, il nous faut mettre en oeuvre prioritairement les dispositions de la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages. Il s'agit en particulier d'adopter 438 plans de prévention des risques technologiques autour des installations classées « Seveso avec servitude ».
Dans un contexte de rigueur budgétaire, le projet de loi de finances pour 2006 prévoit le transfert de 46 ETPT supplémentaires par redéploiement interne aux Directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, portant ainsi à 196 le nombre de renforts sur 2004-2007, dont 121 par redéploiement.
J'ai par ailleurs demandé à mes services de réfléchir à de nouvelles modalités de mise en oeuvre des contrôles. Notre objectif est que les inspections portent prioritairement sur les établissements présentant les risques les plus importants. Cela devrait permettre de répondre aux attentes légitimes de la population en matière de prévention des risques technologiques et à votre souci de ne pas la voir négliger. Je vous assure, monsieur Valade, que j'y suis personnellement extrêmement attentive.
Pour autant, je ne peux souscrire à l'amendement déposé par Mme le rapporteur spécial, qui présente le très gros inconvénient de supprimer 7,4 millions d'euros des actions développées en faveur de la biodiversité, sujet auquel elle est, comme la commission j'en suis sûre, très attachée. J'y reviendrai ultérieurement.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est bien de réduire les crédits !
Mme Nelly Olin, ministre. Dans le domaine des pollutions, la dotation 2006 permettra de poursuivre la mise en oeuvre tant du plan national de lutte contre la pollution de l'air que celle de la loi du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie.
Pour répondre aux préoccupations sanitaires et accompagner le renforcement de la politique européenne dans le domaine de la chimie, nous devrons développer notre système de contrôle des produits chimiques présents sur le marché, notamment dans la perspective du projet REACH.
La nouvelle politique des déchets que j'ai annoncée à La Baule sera mise en oeuvre dès 2006. Les efforts déjà engagés de suppression des décharges illégales seront poursuivis avec l'objectif que tous les sites non autorisés soient fermés dans les dix-huit mois.
Ainsi, conformément à ma communication en conseil des ministres du 21 septembre dernier, le projet de loi de finances rectificative pour 2005 prévoit de doubler le taux unitaire de la taxe générale sur les activités polluantes, ou TGAP, que doivent acquitter les exploitants des décharges non autorisées, pour le porter à 36 euros la tonne. De même, j'ai fixé l'objectif ambitieux d'avoir évacué l'ensemble des cent vingt dépôts de pneumatiques usagés identifiés dans deux ans.
M. Jacques Blanc. Très bien !
Mme Nelly Olin, ministre. D'une manière générale, dans les domaines de la sécurité et de la santé de nos concitoyens, je veillerai avec fermeté à la bonne application des réglementations en vigueur et au renforcement de l'information du public.
En matière de risques naturels, l'accent sera mis sur la prévention. Les crédits budgétaires consacrés à ces actions seront de 6,4 millions d'euros en 2006.
L'élaboration des plans de prévention des risques naturels dans les communes à risque sera poursuivie. Je viens d'ailleurs de donner le coup d'envoi du programme national de prévention du risque sismique, qui vise à améliorer la préparation de notre pays face à cette menace inquiétante.
La politique de l'eau, quant à elle, aura pour priorité la prévision et la prévention des crues. Dans ce domaine, un dispositif de « vigilance crues », semblable à celui dont dispose Météo France pour prévenir les intempéries, sera mis en place en 2006. Il se trouve actuellement en cours d'expérimentation.
S'agissant des actions de l'État en matière de prévention des dommages liés aux inondations, les programmes d'action et de prévention des inondations par bassins versants, dits PAPI, seront poursuivis, de même que le plan Rhône et le contrôle des barrages et des digues.
Enfin, la lutte contre la pollution de l'eau et des milieux aquatiques se traduira, dans les départements d'outre-mer, par une politique d'application stricte de la directive « eaux résiduaires urbaines » et, en métropole, par l'intensification des efforts des agences de l'eau.
Le programme 153 « Gestion des milieux et de la biodiversité » représente 154 millions d'euros et 806 ETPT. L'amélioration de l'état écologique des milieux naturels et de la biodiversité constitue une autre dimension essentielle de mon action. L'objectif prioritaire est d'arrêter, d'ici à 2010, le déclin de la biodiversité, conformément à nos engagements communautaires et internationaux.
Cette ambition, qui découle directement de la Charte de l'environnement et de la stratégie nationale pour la biodiversité, se traduira dans des mesures concrètes.
La nouvelle loi sur les parcs nationaux, votée avant-hier par l'Assemblée nationale, est indispensable à la création, que nous souhaitons tous, de deux nouveaux parcs, en Guyane et à la Réunion.
Je rassure M. le sénateur Othily : j'ai reçu personnellement les élus de Guyane, en marge du congrès de l'association des maires de France, et nous tiendrons compte des difficultés qu'ils rencontrent, notamment de l'orpaillage clandestin, qui constitue une véritable plaie dans leur département. Par ailleurs nous créerons le premier « parc naturel marin », celui de la mer d'Iroise.
Le réseau des réserves naturelles sera complété par la création de la réserve naturelle des Terres australes et antarctiques françaises, sur plus de 600 000 hectares terrestres et maritimes.
En ce qui concerne Natura 2000, la désignation des sites de ce réseau sera achevée d'ici au mois d'avril prochain, et le nombre de contrats quinquennaux à signer en 2006 sera quadruplé. Nous aurons ainsi avancé concrètement, aussi bien dans la désignation que dans la gestion des sites.
En complément des moyens budgétaires, je compte beaucoup sur les avancées que nous pourrons réaliser en matière d'incitations économiques et fiscales.
Nous avons d'ores et déjà commencé à oeuvrer en ce sens, avec l'exonération de la taxe sur le foncier non bâti dans les zones humides et les sites Natura 2000, en contrepartie de règles de bonne gestion, l'éligibilité au fonds de compensation pour la TVA des dépenses des collectivités territoriales pour les travaux réalisés sur les terrains du conservatoire du littoral, et, enfin, une nouvelle fiscalité attractive au bénéfice des espaces naturels exceptionnels dont nous espérons des effets d'entraînement pour la mise en oeuvre et la bonne gestion des sites Natura 2000, ainsi que des espaces remarquables de la loi littoral.
L'Office national de la chasse, quant à lui, grâce à l'effort important et sans précédent consenti par l'État, pourra développer ses interventions en faveur des espèces animales sauvages d'intérêt patrimonial. Pour répondre à une question qui m'a été adressée, je dirai que, à la dotation de 5 millions d'euros de 2005, viendront s'ajouter, en 2006, pour cet office, une dotation budgétaire de 11 millions d'euros et une dotation fiscale de 7 millions d'euros, via le droit de timbre du permis de chasser.
Enfin, le conservatoire du littoral, grâce à la nouvelle ressource qui lui est dédiée, à savoir le droit de francisation et de navigation des bateaux - cette ressource lui sera affectée pour 2006 à hauteur de 80 %, soit 28 millions d'euros -renforcera son action en faveur de la protection des zones côtières et humides, en partenariat avec les collectivités locales. En effet, il ne faut pas oublier d'associer à cette mission les collectivités locales, qui jouent un rôle important, au plus près du terrain.
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Nelly Olin, ministre. Les ressources de cet établissement public, dont la dotation de fonctionnement, d'un montant de 7,4 millions d'euros, était auparavant inscrite au budget de mon ministère, ont ainsi été pérennisées.
Il n'en demeure pas moins que l'ensemble des moyens destinés à lutter contre la perte de biodiversité doivent être confortés et mis en cohérence avec les positions défendues par le Président de la République, en janvier dernier, devant l'UNESCO.
La présentation des sept premiers plans d'action pour la sauvegarde de la biodiversité, que j'ai faite en conseil des ministres le 23 novembre dernier, a précisé les actions phares nécessaires pour atteindre cet objectif. Notre pays vient ainsi de franchir une première étape, pionnière et même quasiment historique en ce qu'elle mobilise tous les ministères concernés.
La mise en oeuvre de ces plans, je ne vous le cache pas, suppose des moyens d'intervention en direction non seulement des opérateurs publics que sont les collectivités et les parcs nationaux, mais aussi d'opérateurs privés, tels que les associations ou organisations professionnelles, afin de garantir le soutien de l'État aux engagements des acteurs locaux.
C'est pourquoi j'appelle vigoureusement votre attention sur un point, mesdames, messieurs les sénateurs : en empêchant le redéploiement des crédits d'intervention de ce programme au profit des opérateurs, publics ou privés, des territoires concernés, au premier rang desquels figurent les collectivités, vous sacrifiez la conclusion de partenariats avec les maîtres d'ouvrage locaux, ce qui va à l'encontre des orientations de la stratégie nationale pour la biodiversité et nous prive collectivement d'un moyen d'inciter ces opérateurs à mettre en oeuvre les mesures nécessaires au retour à l'emploi.
Si ce redéploiement de crédits modifie la répartition des moyens entre les actions du programme, puisqu'il suppose leur transfert de l'action 4 vers l'action 3, il garantit leur utilisation au profit d'un ensemble cohérent de dispositifs et d'actions menés par de très nombreux opérateurs, dans un souci partagé de préservation de la biodiversité.
Je vous demande sincèrement, mesdames, messieurs les sénateurs, de réfléchir à cet enjeu, auquel je vous sais extrêmement sensibles.
Enfin, la direction de l'eau et les agences de l'eau se mobilisent pour conduire des actions de préservation du bon état écologique de l'eau et des milieux aquatiques, en application de la directive cadre.
Cet effort s'inscrit dans le cadre d'une police de l'eau plus efficace, grâce à la réforme de l'ensemble des services, avec pour objectif la création d'un service unique départemental ; ce dernier se substituera aux quatre à huit services qui, selon les départements, se trouvaient auparavant en charge de ce secteur. Une police de l'eau plus efficace constitue, en effet, le meilleur outil pour prévenir les contentieux européens et nationaux.
Le système d'information sur l'eau, le « SI eau », qui devra être opérationnel au 31 décembre 2006, selon les termes de la directive, sert à la fois à mesurer le bon état de l'eau et à suivre les épisodes de sécheresse que nous avons connus ces trois dernières années et qui, hélas ! n'en doutons pas, se reproduiront.
Je ne développerai pas aujourd'hui la réforme de l'ensemble de notre dispositif telle qu'elle est prévue dans le projet de loi sur l'eau, qui devrait être adopté avant la fin du premier semestre de 2006.
Enfin, le programme 211 « Conduite et pilotage des politiques environnementales et du développement durable » représente 287,5 millions d'euros et 1 113 ETPT. Il vise à rechercher un développement plus durable, dont le ministère assurerait l'animation par le biais de la stratégie nationale de développement durable.
Nous pilotons, avec la mission interministérielle de l'effet de serre, la MIES, une politique affirmée de lutte contre le changement climatique. Il est indispensable d'améliorer notre efficacité énergétique et notre compétitivité, en jouant sur l'offre et la demande, et de prévenir les effets des changements climatiques.
Le protocole de Kyoto, je le rappelle, prévoit d'économiser chaque année, d'ici à 2010, 72 millions de tonnes de gaz à effet de serre, soit 13 % de nos émissions.
La MIES, placée sous mon autorité, s'emploie à faire émerger des propositions concrètes, en cohérence avec le plan climat. Vous avez relevé que je venais de proposer en ce sens au Premier ministre la création d'un document de politique transversale, le DPT, de façon à mieux identifier et afficher les efforts sur le plan interministériel.
Nous soutenons l'amendement qui vise à rétablir, tels qu'ils ont été initialement proposés par le Gouvernement, les moyens affectés à l'animation de la politique de lutte contre l'émission de gaz à effet de serre et à l'adaptation aux changements climatiques, imputés sur l'action 01 consacrée au développement durable du programme « Politique et pilotage des politiques environnementales et développement durable ».
Le budget conjoint de la MIES et de l'ONERC s'élevait à 1,2 million d'euros, chaque année entre 2002 et 2004, et seulement à 940 000 euros, en 2005. Il est nécessaire de restituer ce million d'euros à notre budget.
Il existe sans doute des marges de progrès possibles. La mission parlementaire en cours nous indiquera des pistes en ce sens.
L'ADEME joue également un rôle important dans ce domaine. Si la MIES pilote la politique du climat, et l'ONERC la stratégie d'adaptation au changement climatique, l'ADEME constitue l'un des relais de ces actions sur le terrain et assure la promotion et le développement des énergies renouvelables.
C'est pourquoi le Gouvernement a décidé d'octroyer à l'ADEME, en 2006, 170 millions d'euros prélevés sur la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel, ainsi qu'une somme de 13 à 15 millions d'euros issue de la majoration de la taxe sur la carte grise pour les véhicules émetteurs de grosses quantités de dioxyde de carbone.
L'affectation de ces deux taxes au budget de l'ADEME offre une ressource nouvelle pour l'agence, et permet ainsi de stabiliser ses moyens d'intervention, ce qui constitue un gage de durabilité.
La MIES, l'ONERC et l'ADEME sont, à mes yeux, des outils efficaces au service d'une politique du climat forte et coordonnée. Les Rendez-vous Climat 2005, que j'ai organisés début décembre, en présence du Premier ministre, ont permis de mobiliser l'ensemble des acteurs sur cette problématique et de faire le point sur le progrès des énergies renouvelables. La semaine prochaine, je représenterai la France à la conférence du climat de Montréal, où nous porterons un message très fort.
C'est d'ailleurs pourquoi, monsieur Desessard, nous examinons ce budget cette nuit : si je n'avais pas dû me rendre à Montréal, nous l'aurions examiné de jour, probablement au cours de la semaine prochaine. (Sourires.)
M. Jean Desessard. Merci de cette explication !
Mme Nelly Olin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà de l'importance de ce sujet et de notre détermination à agir contre les changements climatiques, je vous rappelle que le protocole de Kyoto nous lie.
Nous devons mettre en oeuvre les meilleures politiques, c'est-à-dire celles qui ne nuisent pas à la compétitivité de notre pays. C'est en tout cas le cap que nous nous sommes fixé.
Même s'il ne regroupe pas des crédits très élevés, le programme 211 présente des axes forts, qui ne sont pas assez souvent évoqués : l'évaluation et l'expertise au service de l'autorité environnementale ; la connaissance environnementale à mettre à la disposition des maîtres d'oeuvre et du public ; la prise en compte de la dimension internationale ; l'application du droit, levier essentiel pour faire progresser l'environnement ; l'information et la communication ; enfin, bien sûr, les fonctions supports. Parmi ces dernières, figure la gestion des personnels.
Vous l'avez observé, les crédits du titre II augmentent, et ce pour deux raisons : d'une part, l'inscription des pensions civiles au budget du MEDD et des cotisations à la CNAF et au fonds national d'aide au logement, le FNAL, pour un total de 58,6 millions d'euros ; d'autre part, la hausse de la masse salariale, notamment pour ajuster les crédits aux dépenses réelles réalisées par les ministères de l'équipement et de l'agriculture pour le compte du ministère de l'écologie. Hors masse salariale, les crédits du programme 211 baissent cependant de 7,8 millions d'euros.
Je souhaite répondre ici aux critiques partagées des rapporteurs sur l'inclusion de l'ensemble des effectifs du ministère dans le programme « Conduite et pilotage des politiques environnementales et du développement durable ».
Le MEDD dispose d'une situation très particulière en matière de gestion des effectifs, puisque la grande majorité des agents qu'il emploie relève des ministères partenaires, qui en assurent la gestion. Son autre particularité tient à la grande polyvalence de ses services.
C'est pourquoi le MEDD a été conduit à concentrer l'intégralité de son plafond d'emplois et de sa masse salariale dans le programme 211. Cette situation n'interdit pas, toutefois, de renseigner parfaitement le Parlement sur le volume d'ETPT et la masse salariale relatifs à chaque programme.
En effet, une gestion du personnel dispersée au sein des programmes ne permettrait pas de mener de façon cohérente une politique d'ensemble dans ce domaine. Or, je souhaite également que mes services amplifient leurs efforts pour mener à bien une véritable gestion prévisionnelle des emplois, des compétences et des formations, afin de répondre aux défis de demain, en termes de recrutement de compétences, et à ceux d'aujourd'hui, en termes de formation et de parcours professionnels.
La mission de la direction des études économiques et de l'évaluation environnementale, également logée au sein de ce programme, se trouve amplifiée. Il s'agit essentiellement d'intégrer l'environnement dans les politiques publiques.
Ce rôle sera accru en 2006, en effet, puisque le principe d'intégration, déjà inscrit dans le traité sur l'Union européenne, se trouve désormais consacré par la Charte de l'environnement, que le Président de la République a souhaité intégrer à la Constitution.
Il s'agit, notamment, de développer les méthodes d'évaluation du coût des dommages causés non seulement à l'environnement, mais aussi à la santé.
De même, l'effort concret de proposition en matière d'adaptation de la fiscalité et des instruments de marché sera accentué dans le cadre de la commission sur les instruments économiques en matière d'environnement, que le Gouvernement mettra en place dans quelques semaines.
En ce qui concerne l'évaluation proprement dite, la priorité, pour 2006, sera donnée au lancement effectif de l'évaluation environnementale des plans et programmes, dont la directive correspondante est désormais transposée. Cette évaluation marque un progrès important, puisque le principe d'intégration sera mis en oeuvre en amont de l'étude d'impact.
Dans de nombreux domaines touchant à la santé de nos concitoyens, tels que la politique de l'eau et la prévention des risques, qu'il s'agisse du bruit, de l'effet de serre ou des pesticides, nous avons en tout cas une obligation collective d'anticipation.
L'écologie et le développement durable sont maintenant des sujets partagés par les citoyens et pris en compte non seulement par de plus en plus d'entreprises et d'élus locaux, mais aussi par l'éducation nationale, qui les a maintenant intégrés dans ses programmes.
Par ailleurs, au plus haut niveau de l'exécutif, le conseil des ministres aura enregistré, en 2005, le total record de vingt-trois communications sur l'écologie et le développement durable.
Pour ma part, j'ai fait adopter le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'environnement, qui prévoit notamment la transposition des directives relatives à l'information et à la participation du public. Le projet de loi relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins vient d'être adopté à l'Assemblée nationale et, au premier semestre 2006, je présenterai deux projets de loi, l'un sur l'eau et l'autre relatif à la transparence nucléaire. Je solliciterai donc prochainement le concours et l'appui de la Haute Assemblée dans ces domaines, qui constitueront assurément de nouvelles avancées majeures.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier les commissions, leurs présidents et leurs rapporteurs du travail effectué. Soyez tous assurés de mon total engagement au service du ministère dont j'ai la charge.
J'en viens maintenant aux questions posées par les différents intervenants, auxquelles je m'efforcerai de répondre aussi vite que possible.
Madame le rapporteur spécial, chère Fabienne Keller, je vous remercie beaucoup de la qualité et de la pertinence de votre discours. Je me suis efforcée d'y répondre le plus précisément possible. Je sais que le travail d'un rapporteur spécial n'est pas facile et je vous adresse donc toutes mes félicitations.
Monsieur Valade, les atlas des zones inondables contribuent effectivement à une meilleure connaissance du risque « inondation » et constituent une base pour l'élaboration des PPRI. Ces deux types de documents recouvrent des zones différentes : seules les zones les plus exposées aux risques d'inondation ont vocation à faire l'objet d'un PPRI. J'ai d'ailleurs donné instruction aux préfets de prescrire l'élaboration d'un tel plan chaque fois que cela est nécessaire et de renforcer la concertation sur ces documents. Toutefois, en dehors des zones concernées, il n'y a pas matière à interdire l'urbanisation du point de vue du risque « inondation ». Cela étant, je rappellerai ce point prochainement aux préfets.
Étant moi-même élue locale, je suis sensible à la question de la responsabilité des élus locaux. Il est évident que nous devons y prêter attention et c'est, de ce point de vue, tout l'intérêt des plans de prévention des risques.
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis. Merci de cette précision, madame la ministre !
Mme Nelly Olin, ministre. Monsieur Bizet, vous m'avez demandé si j'étais en mesure de prendre l'engagement de préserver les moyens de l'ADEME.
Comme vous l'avez relevé dans votre rapport pour avis, les crédits de paiement du programme 181 subissent, en 2006, une baisse significative par rapport à 2005, de l'ordre de 10 %. La dotation en crédits de paiement de l'ADEME inscrite à ce programme reste quant à elle constante, à 63 millions d'euros. Par ailleurs, les dotations prévues pour l'ADEME en crédits de paiement de toutes origines, budgétaires ou résultant de taxes, seront, en 2006, en augmentation de près de 45 millions d'euros, ce qui représente une croissance de plus de 15 % par rapport à 2005.
Comme vous pouvez le constater avec le rappel de ces données, le Gouvernement s'est attaché à préserver les moyens d'intervention de l'ADEME, et je peux vous assurer qu'il continuera à le faire.
Monsieur Raoult, il est vrai que l'action concrète en faveur de la biodiversité est réalisée sur le terrain par une série d'opérateurs, parmi lesquels figurent au premier plan les parcs naturels régionaux et les associations. Je connais votre attachement pour tous ces acteurs et je tiens à saluer leur engagement sur le terrain et le partenariat que nous avons mis en place avec eux.
Les moyens de fonctionnement que j'ai réservés pour ces opérateurs ne diminuent pas : j'ai voulu en effet privilégier la capacité d'ingénierie que représentent leurs salariés. J'invite ces structures à se porter opérateurs ou prestataires pour la mise en oeuvre de Natura 2000, dont j'ai fait, pour 2006, ma priorité au sein du programme 153.
En ce qui concerne les moyens des agences de l'eau, je tiens à rappeler que près de 450 millions d'euros d'autorisations de programme supplémentaires ont été ouvertes à la fin de 2004 pour les années 2005 et 2006 dans le cadre de la révision à mi-parcours de leur huitième programme, dont 195 millions d'euros correspondent aux besoins propres des agences, hors transferts du FNDAE. À cela s'ajoutent près de 90 millions d'euros de crédits ouverts en cette fin d'année, au profit des agences pour lesquelles les besoins sont les plus criants.
Le neuvième programme d'intervention des agences, dont la préparation démarre, sera justement l'occasion de remettre à plat les besoins et les recettes, afin d'atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés à travers les directives européennes. En conjuguant ce programme aux effets des mesures plus réglementaires qui seront prises en application du futur projet de loi sur l'eau, s'agissant notamment de l'assainissement non collectif, je suis persuadée que nous disposerons, dès le début de 2007, de l'ensemble des outils nécessaires pour atteindre nos objectifs.
Monsieur Blanc, je vous remercie d'avoir rappelé la référence que représente désormais la Charte de l'environnement dans notre droit. Je vous sais gré d'en appeler à une mobilisation large et forte sur l'ensemble des sujets environnementaux, particulièrement sur celui de la préservation des milieux et de la biodiversité.
Aussi, je souscris à votre demande de conforter au mieux les crédits destinés à lutter contre l'érosion de la biodiversité dans notre pays. Comme je l'ai déjà dit, il me paraît donc tout à fait inapproprié de supprimer 7,4 millions d'euros du programme 153. En outre, je le répète, ces crédits profiteront principalement aux projets des collectivités et des acteurs du territoire qui gèrent des réserves naturelles, des parcs nationaux ou des sites naturels très fréquentés.
À la suite de ma récente communication en conseil des ministres, le Gouvernement a montré qu'il entend engager une politique volontariste, afin de susciter une adhésion collective à cet effort de long terme.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, cette érosion n'est pas inéluctable, elle résulte de choix politiques, économiques et sociaux. Ce choix est d'ailleurs, en ce moment, entre vos mains !
Monsieur Laffitte, je partage votre souci : il est de la plus grande importance, aujourd'hui, de ne pas perdre une nouvelle occasion d'agir par rapport au changement climatique. J'ai d'ailleurs demandé à M. Borloo et aux responsables de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine de veiller à ce que les 500 000 logements sociaux prévus ne soient pas construits sans respecter les normes HQE. Cela aura un double effet : d'une part, offrir dans les quartiers sensibles des logements de meilleure qualité à des gens aux revenus modestes, qui méritent comme tout le monde d'être logés confortablement ; d'autre part, diminuer les charges relatives à ces logements, notamment la facture d'énergie.
Madame Didier, vous avez tout à l'heure cité l'AFSSET, en évoquant la diminution de son budget et les conclusions de la Cour des comptes sur la coopération de cette agence avec les autres établissements publics d'expertise.
Je tiens d'abord à vous rappeler que les moyens de cette agence ont été préservés et reconduits dans ce projet de loi de finances. Ensuite, l'AFSSET a signé des conventions de coopération avec la plupart des établissements publics, qui doivent lui apporter son expertise. Je veille d'ailleurs à ce que les programmes des établissements publics placés sous ma responsabilité, notamment l'INERIS, prennent en compte les demandes formulées par l'AFSSET. Enfin, à la suite de certaines déclarations mettant en cause la qualité de l'expertise de cette agence, je tiens à dire que, avec mon collègue ministre de la santé, nous avons diligenté une mission d'inspection générale pour faire le point sur ce sujet.
Monsieur Deneux, je souhaite rappeler l'engagement ferme qu'a pris le Gouvernement en matière de biocarburants : leur part dans les carburants devra ainsi atteindre 5,75 % dès 2008, soit deux ans avant l'échéance prévue, 7 % en 2010 et 10 % en 2015. Cet engagement constitue un tournant très fort dans notre politique énergétique, car nous sommes désormais entrés dans l'ère de l'« après-pétrole ».
Monsieur Desessard, vous avez justement remarqué que des actions favorables à l'environnement sont financés dans d'autres missions que la mission « Écologie et développement durable ». J'attache effectivement beaucoup d'importance à ce que l'environnement soit intégré à l'ensemble des politiques publiques.
S'agissant des moyens du ministère, je ne puis partager votre appréciation négative, dans la mesure où, à structure constante - j'insiste sur ce point -, le budget pour 2006 est quasiment stable : 570,3 millions d'euros de crédits contre 576,7 millions d'euros en 2005, soit une baisse extrêmement modérée.
M. Jean Desessard. Je l'ai dit : c'est 2 % !
Mme Nelly Olin, ministre. Je ne voudrais pas être obligée de vous rappeler le niveau du budget de 2001, monsieur Desessard ! (Marques d'ironie sur les travées de l'UMP.)
Mme Nelly Olin, ministre. En matière de perte de la biodiversité, je partage votre diagnostic.
Les parcs nationaux avaient besoin de voir consolider le cadre législatif qui permet de contribuer de manière pérenne à la conservation de la biodiversité.
Par ailleurs, la gestion de la grippe aviaire ne dépend pas uniquement du ministère dont j'ai la charge. À cet égard, il y a eu une mobilisation générale au ministère de la santé. Dans ce domaine, la France peut s'honorer d'être certainement le premier pays au monde à pouvoir dorénavant affronter une épizootie. Elle a ainsi prévu une quantité considérable de masques et de médicaments, et elle a pris depuis longtemps de nombreuses précautions, en prévoyant les budgets correspondants.
Monsieur Le Grand, je vous remercie de vos encouragements, car ma tâche n'est en effet pas toujours facile. Vous avez raison : « Là où il y a la volonté, il y a un chemin » ! Mais, pour ma part, je ne suis pas de nature à me laisser impressionnée par quelques critiques.
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Jean-François Le Grand. Absolument !
Mme Nelly Olin, ministre. Monsieur Le Grand, avec Mme Keller, vous avez posé la même question concernant Natura 2000. À ce sujet, je me suis engagée auprès du commissaire européen à l'environnement, M. Dimas, à clore l'étape de la désignation des sites du futur réseau Natura 2000 d'ici au 30 avril 2006.
Parce qu'un tel engagement a été pris, parce que j'ai rencontré M. Dimas à plusieurs reprises pour lui fournir une liste des sites classés, parce que, surtout, le ministère de l'écologie est à jour de la transposition des directives européennes, nous avons réussi à obtenir de la Commission européenne la suspension de la saisine de la Cour de justice des Communautés européennes sur Natura 2000. Pour mémoire, cela représentait tout de même un coût de 300 000 euros par jour ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-François Le Grand. Qu'en dit M. Desessard ?
Mme Nelly Olin, ministre. Monsieur Othily, j'ai rappelé mon très fort attachement à la création d'un parc national en Guyane. Nous devons prendre en compte toutes les difficultés rencontrées au quotidien par les populations sur le terrain, en termes de transports ou de lutte contre l'orpaillage.
Dans mon intervention sur ce sujet devant l'Assemblée nationale, dont vous avez peut-être pris connaissance, j'ai souligné combien nous avions reçu le message transmis par nos amis de la Guyane.
J'en ai terminé, monsieur le président, et j'espère avoir répondu à chacun. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous vous remercions, madame la ministre, de ces réponses très précises.
Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Écologie et développement durable » figurant à l'état B.
ÉTAT B
Autorisations d'engagement : 630 527 711 euros ;
Crédits de paiement : 613 148 507 euros.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° II-15, présenté par Mme Keller, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Prévention des risques et lutte contre les pollutions |
|
|
|
|
Gestion des milieux et biodiversité |
|
7 400 000 |
|
7 400 000 |
Conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable Dont Titre 2 |
3 448 752 3 448 752 |
|
3 448 752 3 448 752 |
|
TOTAL |
3 448 752 |
7 400 000 |
3 448 752 |
7 400 000 |
SOLDE |
-3 951 248 |
-3 951 248 |
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Le ministère de l'écologie et du développement durable a indiqué, dans ses réponses au questionnaire budgétaire, que les crédits de 7,4 millions d'euros initialement destinés au Conservatoire national de l'espace littoral et des rivages lacustres ne lui seraient finalement pas octroyés, dans la mesure où cet organisme bénéficiera de recettes fiscales. Il a également précisé que ces crédits seraient alors redéployés.
Or une telle décision ne respecte pas le principe de la justification au premier euro consacré dans la LOLF. Nous avons donc proposé de réaffecter une partie de ces crédits au renforcement des effectifs des inspecteurs d'installations classées.
En effet, le plan de renforcement des effectifs, annoncé à la suite de la catastrophe de l'usine AZF, n'est pas respecté dans le présent projet de budget. Ce plan prévoyait une augmentation de 400 postes, qui devait s'étaler sur quatre années. Si le rythme annoncé a été tenu la première année, avec l'affectation de 100 postes supplémentaires en 2004, le plan a connu, dès 2005, une croissance de seulement 50 postes. Pour 2006, il n'est prévu que 46 postes supplémentaires, qui seront obtenus par le biais d'un redéploiement, autrement dit par un effort interne au ministère.
En conséquence, la commission a souhaité réduire de 7,4 millions d'euros le solde du programme « Gestion des milieux et biodiversité ».
M. le président. Le sous-amendement n° II-83 rectifié, présenté par M. J. Blanc, est ainsi libellé :
Dans les autorisations d'engagement et les crédits de paiement du programme « Gestion des milieux et biodiversité » figurant dans l'amendement n° II-15, remplacer deux fois le montant :
7 400 000
par le montant :
3 448 752
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. J'ai insisté tout à l'heure sur l'importance des politiques territoriales au niveau des réserves naturelles, des parcs nationaux, des grands sites et des programmes Natura 2000.
Il nous apparaît indispensable de mobiliser le maximum de crédits sur ce programme, qui intéresse directement l'ensemble des collectivités locales et des acteurs de ces territoires.
Nous proposons donc que la part de crédits non mobilisés sur les postes d'inspecteurs à créer soit affectée au programme consacré aux réserves naturelles, aux parcs nationaux, aux opérations visant les grands sites et à Natura 2000.
M. le président. Le sous-amendement n° II-84 rectifié, présenté par M. A. Dupont, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Dans les autorisations d'engagement et les crédits de paiement du programme « Gestion des milieux et biodiversité » figurant dans l'amendement n° II-15, remplacer deux fois le montant : 7 400 000
par le montant : 3 448 752
La parole est à M. Jacques Valade, rapporteur pour avis.
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis. La commission des affaires culturelles vous propose de rétablir les 3 951 248 euros que la commission des finances propose de supprimer et qui correspondent à une partie des crédits prévus pour le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.
Pour nous, s'il est nécessaire de renforcer l'action de l'inspection des installations classées, il est tout autant essentiel de permettre aux gestionnaires du réseau des espaces réglementés d'accomplir leurs missions dans les meilleures conditions.
Le sous-amendement qui vous est présenté équilibre strictement la création de postes proposée pour le contrôle des installations classées et maintient donc une dotation de 4 millions d'euros dans le programme « Gestion des milieux et biodiversité ».
La justification au premier euro serait la suivante : 1,1 million d'euros pour les réserves naturelles, 2,2 millions d'euros pour les parcs nationaux - compte tenu d'un niveau de fond de roulement qui ne peut plus supporter aucun prélèvement, ce rétablissement permettrait aux parcs de maintenir leurs investissements dans les zones périphériques, qui profitent principalement aux communes situées dans ces zones - et, enfin, 0,7 million d'euros pour les opérations « grands sites ».
M. le président. Le sous-amendement n° II-101, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans les autorisations d'engagement et les crédits de paiement du programme « Conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable » (crédits et crédits du titre 2) figurant dans l'amendement n° II-15, remplacer quatre fois le montant :
3 448 752
par le montant :
7 400 000
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Le redéploiement des crédits du Conservatoire du littoral à hauteur de 7,4 millions d'euros au profit de la stratégie nationale pour la biodiversité, rendu possible par l'affectation de recettes fiscales pérennes au Conservatoire, me paraît justifié.
Je ne trouve pas juste, en revanche, d'invoquer un argument de pure technique budgétaire pour motiver l'amputation des moyens des réserves naturelles et des parcs nationaux, qui sont au régime sec depuis déjà plusieurs années.
On a déjà pris, depuis le début de cette semaine, beaucoup de liberté avec l'esprit ou la lettre de la LOLF. Sa mise en oeuvre va demander un peu de temps pour être maîtrisée complètement !
J'ai apprécié, madame la ministre, l'enthousiasme avec lequel vous avez annoncé la création imminente de deux parcs nationaux. Ces parcs sont attendus depuis des années, mais les nuages se sont accumulés au-dessus de leur berceau. J'espère que vous aurez plus de chance que vos cinq prédécesseurs !
Vous avez annoncé récemment un objectif très ambitieux : arrêter l'érosion de la biodiversité dès 2010. Or il n'y a pas un euro dans le budget pour 2006 pour financer les sept plans d'action que vous avez annoncés.
Encore faut-il, puisque des moyens nouveaux ne sont pas consentis, que soit garanti le maintien des moyens des réserves et des parcs, car le sérieux du travail résulte de l'inscription dans la durée des politiques.
Natura 2000 le montre bien, plutôt que d'acheter le consentement des partenaires locaux, mieux vaut rémunérer les services rendus à la collectivité : les moyens affectés aux réserves et aux parcs témoignent de la reconnaissance de la nation.
On a beaucoup parlé aujourd'hui des changements climatiques. Viendra un jour où, au lieu de tolérer une exploitation forestière désordonnée dans la forêt amazonienne, par exemple, on mettra en place un mécanisme financier pour permettre de protéger ce poumon de l'humanité.
J'en viens à mon sous-amendement, dont la défense me permettra d'exposer un certain nombre de préoccupations dans deux domaines.
Le premier concerne la surveillance des installations classées agricoles : la politique de réduction des pollutions d'origine agricole est très difficile à mener et le plan de maîtrise des pollutions d'origine agricole est extraordinairement coûteux. Son efficacité est contestée, sans compter les difficultés que nous avons éprouvées à convaincre la direction de la concurrence à Bruxelles.
Ce travail ingrat est pratiquement devenu mission impossible depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté du 7 février 2005 du ministre de l'écologie et du développement durable et des décrets du 30 mai et du 10 août 2005, qui ont tour à tour assoupli les conditions d'autorisation d'extension des élevages industriels dans les zones d'excédent structurel d'azote en Bretagne et réduit les limites d'épandage du lisier par rapport aux maisons, aux campings et aux rivières lorsqu'une bande enherbée est créée le long des cours d'eau.
Je propose donc que des postes supplémentaires soient créés pour rendre plus efficace l'inspection de ces installations.
Mon second domaine de préoccupation concerne les crédits aux associations de protection de l'environnement, qui ne cessent de diminuer.
Certains considèrent qu'il s'agit là d'argent de poche pour les ministres, mais cette conception est erronée : on demande de plus en plus aux associations d'être des partenaires actifs des pouvoirs publics, elles participent à d'innombrables structures de concertation au niveau départemental, régional, national et international, elles sont des acteurs efficaces de la politique de l'emploi, non pas pour occuper des chômeurs, mais parce que des besoins réels existent.
Vous avez visité, madame la ministre, le salon Pollutec et vous savez que les emplois dans le domaine de l'environnement constituent un créneau très porteur. De nouveaux métiers ont émergé, qui s'adressent non pas à des ingénieurs ou à des techniciens mais à des gens modestes, en situation d'insertion, qui ont besoin de revenir à l'emploi.
Les besoins sont importants, mais le budget de l'environnement est trop réduit pour pouvoir les satisfaire : il représente, selon les modes de calcul et le périmètre retenus, entre 0,2 % et 0,3 % du budget de l'État. C'est minable par rapport aux autres pays européens ! Un changement d'échelle doit impérativement être négocié pour les années qui viennent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. L'amendement n° II-103, présenté par M. J. Blanc, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Prévention des risques et lutte contre les pollutions |
|
|
|
|
Gestion des milieux et biodiversité |
|
1.724.376 |
|
1.724.376 |
Conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable Dont Titre 2 |
1.724.376 1.724.376 |
|
1.724.376 1.724.376 |
|
TOTAL |
1.724.376 |
1.724.376 |
1.724.376 |
1.724.376 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Cet amendement de repli traduit notre volonté de voir des crédits inscrits pour les parcs naturels, les réserves naturelles, les grands sites et les zones Natura 2000 dans le programme « Gestion des milieux et biodiversité ».
Il nous semble qu'il est possible de dégager davantage de crédits. Je pense même, pour être honnête, que l'ensemble des 7,4 millions d'euros de crédits prévus sur le chapitre du Conservatoire du littoral pourraient être ventilés sur ces opérations, par redéploiement. Il faut que vous puissiez aller au-delà des 46 postes supplémentaires prévus dans le cadre de ce redéploiement pour répondre à la préoccupation que nous exprimons avec Mme le rapporteur spécial !
Les acteurs sur le terrain, c'est-à-dire les associations et les élus, doivent être assurés que leurs efforts trouveront une réponse dans la volonté que nous exprimons à travers la ventilation de ces crédits.
Nous devons faire face à un enjeu majeur : on ne fera pas de développement durable contre les populations. Pour les territoires qui ont accepté les contraintes des réserves naturelles, des parcs nationaux, des grands sites ou de Natura 2000, il est capital que l'engagement pris soit payant. Grâce à ce redéploiement, nous créerons un mouvement très fort en faveur du développement durable.
Notre Haute Assemblée doit clairement exprimer la priorité de cette politique territoriale !
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° II-48 rectifié bis est présenté par M. Bizet, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° II-102 est présenté par M. J. Blanc.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Prévention des risques et lutte contre les pollutions |
|
|
|
|
Gestion des milieux et biodiversité |
|
862.188 |
|
862.188 |
Conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable Dont Titre 2 |
862.188 862.188 |
|
862.188 862.188 |
|
TOTAL |
862.188 |
862.188 |
862.188 |
862.188 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° II-48 rectifié bis.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Lors de l'examen des crédits de la mission « Écologie et développement durable », la commission des finances a adopté, sur proposition de son rapporteur spécial, Mme Fabienne Keller, un amendement ayant pour objet de renforcer les effectifs des services d'inspection des installations classées à hauteur de 54 unités, afin de respecter les échéances du plan de renforcement des effectifs adopté par le Gouvernement pour la période 2004-2007.
Toutefois, la commission des finances a été au-delà d'un simple transfert de crédits entre ces deux programmes puisqu'elle propose la suppression de 7,4 millions d'euros sur le programme « Gestion des milieux et biodiversité ».
Tout en reconnaissant que la lettre de la LOLF n'a pas été respectée, ce qui nuit à la bonne information du Parlement, il serait très hasardeux d'en tirer des conclusions aussi brutales, car le programme « Gestion des milieux et biodiversité » a un vrai besoin de ces crédits.
En outre, le recrutement de nouveaux inspecteurs implique l'ouverture d'un concours et des délais d'organisation incompressibles. Les postes ne seront donc effectivement pourvus qu'au 1er octobre 2006. En se fondant sur l'obligation de justification au premier euro imposée par la LOLF et en application du principe de sincérité budgétaire, les moyens nécessaires en 2006 s'élèveraient donc à 862 188 euros seulement.
L'amendement qui vous est proposé équilibre donc strictement la création de postes proposée pour le contrôle des installations classées et maintient donc, a contrario, une dotation de 6 537 812 euros dans le programme « Gestion des milieux et biodiversité », qui pourraient se ventiler ainsi : 1,8 million d'euros pour les réserves naturelles, 3 millions d'euros pour les parcs nationaux, 1,16 million d'euros pour les opérations « grands sites » et 577 000 euros pour la mise en oeuvre du système d'information pour la connaissance de la biodiversité.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour défendre l'amendement n° II-102.
M. Jacques Blanc. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Je constate que ces différents amendements ne tendent pas à supprimer des crédits, leurs auteurs prenant acte des besoins importants qui existent dans le domaine de l'écologie et du développement durable : à l'exception de Mme Voynet, qui a souligné dans son intervention l'importance de la biodiversité - même si son sous-amendement avait pour objet le renforcement du nombre des inspecteurs des installations classées -, tous ont invoqué l'importance du renforcement des moyens des réserves naturelles, des parcs nationaux, des grands sites ou de Natura 2000.
Dans ces conditions, je vous propose - sous ma seule responsabilité - l'affectation d'un crédit de 862 188 euros aux inspecteurs des installations classées, calculé au prorata de la durée de leur mission - c'est-à-dire pour les trois derniers mois de l'année, si l'on prend le 1er octobre 2006 comme date de recrutement -, ce qui permettrait d'affecter 6 537 812 euros à la biodiversité, selon une clé qu'il conviendrait de confirmer.
Nos collègues pourraient alors se rallier à cette proposition et retirer leurs amendements et sous-amendements, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi par Mme Keller, au nom de la commission des finances, d'un amendement n° II-15 rectifié, ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Prévention des risques et lutte contre les pollutions |
|
|
|
|
Gestion des milieux et biodiversité |
|
862 188 |
|
862 188 |
Conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable Dont Titre 2 |
862 188 862 188 |
|
862 188 862 188 |
|
TOTAL |
862 188 |
862 188 |
862 188 |
862 188 |
SOLDE |
0 |
0 |
Madame Voynet, le sous-amendement n° II-101 est-il maintenu ?
Mme Dominique Voynet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° II-101 est retiré.
Monsieur Jacques Blanc, le sous-amendement n° II-83 rectifié et les amendements nos II-103 et II-102 sont-ils maintenus ?
M. Jacques Blanc. Non, je les retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° II-83 rectifié et les amendements nos II-103 et II-102 sont retirés.
Monsieur Valade, le sous-amendement n° II-84 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° II-84 rectifié est retiré.
Monsieur Bizet, l'amendement n° II-48 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Non, monsieur le président, je le retire.
Mme Nelly Olin, ministre. Monsieur le président, le Gouvernement demande une brève suspension de séance.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, madame la ministre.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le dimanche 4 décembre 2005, à deux heures trente, est reprise à deux heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-15 rectifié ?
Mme Nelly Olin, ministre. Par cet amendement, il est proposé de maintenir près de 6,5 millions d'euros dans le programme 153 « Gestion des milieux et biodiversité », ce qui va, bien entendu, dans le sens de ma demande.
Cependant, il est également proposé de transférer vers le programme 211 « Conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable » près de 0,9 million d'euros pour la création de postes d'inspecteur des installations classées.
J'estime indispensable de maintenir les 7,4 millions d'euros au sein du programme 153, afin, d'une part, de soutenir les gestionnaires de réserves naturelles à hauteur de 1,8 million d'euros, ceux de parcs nationaux à hauteur de 3 millions d'euros et ceux de grands sites à hauteur de 1,3 million d'euros, et, d'autre part, de consolider le système d'information sur la nature et les paysages à hauteur de 1,3 million d'euros.
Quant au redéploiement sur le programme 211 pour la création d'emplois nouveaux, je me suis largement exprimée sur ce sujet et je pense vous avoir apporté une réponse.
Par conséquent, je suis dans l'obligation d'émettre un avis défavorable sur l'amendement n° II-15 rectifié. Vous comprendrez aisément que j'ai réellement besoin de 7,4 millions d'euros, et pas moins.
M. Jean Desessard. Vous en avez besoin partout !
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, pour explication de vote.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Madame la ministre, vous allez au-delà de mes espérances, puisque vous proposez de sanctuariser 7,4 millions d'euros pour le programme « Gestion des milieux et biodiversité », selon la ventilation que vous venez d'indiquer.
On ne peut pas tenir un double langage, à savoir, d'un côté, dénoncer année après année la dérive budgétaire, et ce quels que soient les gouvernements - à la fin de l'examen du projet de loi de finances, la dérive budgétaire atteindra environ 48 milliards d'euros, soit, en déficit cumulé, à peu près 1 117 milliards d'euros - et, de l'autre, créer des postes de fonctionnaires.
Je me range à la position du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Aucune ambiguïté ne doit subsister. Nous sommes tous convaincus, y compris les rapporteurs, de la nécessité d'adresser un signe aux acteurs, en particulier les collectivités et les associations, qui se sont engagés à oeuvrer en faveur des réserves naturelles, des parcs nationaux, des grands sites ou à mener des politiques dans le cadre de Natura 2000. À cette fin, les 7,4 millions d'euros sont indispensables.
Par ailleurs, soyons clairs : le ministère de l'industrie aura la possibilité de procéder à des redéploiements.
M. Jean Desessard. Il ne le fera pas !
M. Jacques Blanc. S'il ne le fait pas, les postes ne seront pas créés et les fonds seront perdus !
Nous devons être logiques avec nous-mêmes. La priorité des priorités, ce sont les politiques territoriales. Le Gouvernement propose de faire le maximum en la matière. Je le remercie de ce geste, si nécessaire.
Mes chers collègues, je suis vice-président du parc national des Cévennes. Au moment de l'examen par le Parlement du projet de loi relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins, adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale et dont le Sénat va être saisi ultérieurement, quelle sera notre crédibilité si nous ne faisons pas un effort financier ? Soyons cohérents !
Madame la ministre, le Sénat a démontré sa volonté que vos services puissent remplir pleinement leur mission. Mais comme nous sommes très lucides, nous allons adresser ce signe, en particulier en direction des parcs nationaux.
M. le président. La parole est à M Pierre Laffitte, pour explication de vote.
M. Pierre Laffitte. Compte tenu de la priorité absolue pour le développement durable, je considère que Mme la ministre a tout à fait raison.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Valade, rapporteur pour avis.
M. Jacques Valade, rapporteur pour avis Nous nous étions fait une raison s'agissant de la diminution des crédits. Mme la ministre nous propose de rétablir l'intégralité de ces crédits. Bien entendu, je suivrai sa position.
M. le président. La parole est à M. André Dulait, pour explication de vote.
M. André Dulait. Madame le ministre, je me range également à la position que vous venez de prendre. Toutefois, je souhaite attirer votre attention sur la taxe de francisation qui doit être versée au conservatoire. Elle devra absolument être versée régulièrement au cours de l'année, de façon que la trésorerie du conservatoire ne soit pas mise à mal.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Tout à l'heure, j'ai retiré mon amendement, parce qu'il avait déjà porté ses fruits : il était destiné à alerter la Haute Assemblée sur l'ampleur des besoins ; la discussion qui vient d'avoir lieu l'a d'ailleurs démontrée.
On prend aux pauvres pour habiller les très pauvres et on néglige les engagements qui ont été pris à l'égard des uns ou des autres. Dans ce cadre budgétaire contraint, la marge de manoeuvre est bien limitée Pour ma part, j'estime important de respecter les engagements pris à l'égard des parcs et réserves naturels.
Cela dit, je ne partage pas du tout l'analyse de M. Bizet.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Quel dommage !
Mme Dominique Voynet. On ne peut pas invoquer la dérive budgétaire, car on n'est même pas dans l'épaisseur du trait : 0,23 % du budget de l'État ! Convenons que le budget comporte des marges d'économies bien supérieures. Nous n'avons pas à reconduire les crédits à l'identique, ministère par ministère, mission par mission. Nous devons aussi pouvoir redéployer des crédits entre les missions quand elles correspondent à des priorités soutenues par la population, affirmées chaque jour par le Président de la République et par tous les membres du Gouvernement.
M. Jean Desessard. Bravo ! Très bonne intervention !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Fidèles à notre impression de départ, nous continuons à estimer que l'on déshabille Pierre pour habiller Paul, et que l'on gère la pénurie. Cela ne nous convient pas !
Certes, il faut sanctuariser les crédits pour les espaces naturels, mais la présence d'inspecteurs des installations classées est également nécessaire ; cela a été dit lors de l'examen du projet de loi relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.
Finalement, cela signifie qu'une fois l'examen d'un texte terminé, le budget d'après, les promesses faites sont oubliées ! Quel crédit, dans ce cas, accorder à la parole du législateur et aux engagements pris ? Pourrons-nous croire, désormais, ce que nous promet un ministre ? Rendez-vous compte, madame la ministre, jusqu'où cela peut aller ! Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que cela arrive.
À l'évidence, je ne mets pas en cause une personne en particulier, mais nous sommes là devant un cas d'école, qui, je l'avoue, ne laisse pas de m'inquiéter. Que va-t-il se produire dans l'avenir ? Les promesses seront-elles tenues ? « Je suis la promesse qui ne peut être tenue » a écrit Claudel.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. J'ai, comme mes collègues, pris bonne note de la position du Gouvernement. Permettez-moi cependant, madame la ministre, d'appeler l'attention de mes collègues sur la gravité de la situation : si l'on se préoccupe parfois des inspecteurs des installations classées après une grosse catastrophe, nul ne s'en soucie le reste du temps.
Je regrette que, tout à l'heure, aucun engagement n'ait été pris à leur égard, mais peut-être sera-ce le cas un peu plus tard ? J'en serais heureuse, car cela devrait être une priorité forte dans le domaine du pilotage des risques, qu'il s'agisse des risques naturels ou des risques industriels.
Cela dit, compte tenu des interventions de tous, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° II-15 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° II-47 est présenté par M. Bizet, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° II-100 est présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
(en euros)
Programmes |
Autorisations d'engagement |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
Crédits de paiement |
|
+ |
- |
+ |
- |
Prévention des risques et lutte contre les pollutions |
|
|
|
|
Gestion des milieux et biodiversité |
|
|
|
|
Conduite et pilotage des politiques environnementales et développement durable Dont Titre 2 |
1 000 000 |
|
1 000 000 |
|
TOTAL |
1 000 000 |
|
1 000 000 |
|
SOLDE |
+ 1 000 000 |
+ 1000 000 |
La parole est à M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-47.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. L'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, un amendement tendant à supprimer les moyens supposés affectés à l'Observatoire national des effets du réchauffement climatique, l'ONERC, soit 1 million d'euros, considérant que l'efficacité de cet organisme n'était pas démontrée.
Selon les informations transmises par le ministère, l'ONERC ne dispose pas de budget propre : les crédits qui sont prévus sont inscrits dans une enveloppe commune à ce dernier et à la mission interministérielle à l'effet de serre, la MIES.
L'ONERC n'a donc jamais disposé, depuis sa création, de 1 million d'euros, et la suppression de ce montant revient à supprimer la totalité des moyens prévus pour la MIES et pour l'ONERC, voire davantage, ce qui est inacceptable, compte tenu de l'enjeu majeur que représente la politique de lutte contre le réchauffement climatique engagée par le Gouvernement. J'ai même écrit, dans mon rapport, que je souhaitais voir les moyens de la MIES renforcés.
J'en viens à la question du maintien de l'ONERC, organisme dont le Sénat a voté à l'unanimité la création par la loi du 19 février 2001. Je souhaite qu'il soit procédé à un examen attentif de son fonctionnement et de ses résultats pour décider de son avenir en toute connaissance de cause. Des économies peuvent certainement être trouvées et l'on pourrait, au sein de l'action n° 1 « Développement durable », dans laquelle les moyens de la MIES et l'ONERC sont inscrits, procéder à un réaménagement des dotations pour renforcer les moyens de la MIES.
Cet amendement a donc pour objet de rétablir 1 million d'euros dans le budget de la mission « Écologie et développement durable » pour soutenir la politique de lutte contre le changement climatique.
Ce faisant, nous concourrons également au respect des engagements internationaux conclus par la France. Malheureusement, trop peu de nos concitoyens sont pleinement conscients de leur importance.
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour présenter l'amendement n° II-100.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement est identique au précédent et mon argumentation sera donc proche de celle de M. Bizet, rapporteur pour avis, mais je tiens à faire le point sur la crédibilité des engagements français en matière de lutte contre les changements climatiques.
La loi du 19 février 2001 qui a, à la fois, considéré comme une priorité nationale la lutte contre les changements climatiques et mis en place l'Observatoire national des effets du réchauffement climatique, a été adoptée à l'unanimité non seulement du Sénat, mais aussi de l'Assemblée nationale.
Jusqu'alors, personne n'a contesté l'utilité de cet outil. Simplement, il me semble que bien des éléments peuvent nous faire douter de la solidité et de la profondeur de l'engagement de la France en matière de lutte contre les changements climatiques.
J'en veux pour preuve la faiblesse de nos contributions financières au plan international. La France paie en général peu et tardivement ses contributions au programme des Nations unies pour l'environnement, elle abonde d'une façon extraordinairement faible les crédits destinés au secrétariat de la convention-cadre des Nations unies contre les changements climatiques, elle finance trois fois moins que l'Allemagne, quatorze fois moins que les États-Unis et vingt fois moins que le Japon un groupement international d'experts et de scientifiques mobilisés sur les changements climatiques. Cela ne l'empêche pas de donner des leçons au monde entier !
Le programme national de lutte contre le changement climatique constitue probablement le coeur du débat. En effet, quelques jours à peine après avoir publié un rapport critique sur l'efficacité dudit programme, les parlementaires ont décidé de supprimer les crédits de l'ONERC.
L'ONERC déplorait le réel manque d'efficacité des outils mobilisés pour aboutir à une baisse des émissions de gaz à effet de serre, notamment dans le secteur des transports, qui suscite aujourd'hui les plus grandes préoccupations compte tenu de la très faible « substituabilité » du pétrole.
Et l'ONERC ajoutait : nous rencontrons de grandes difficultés parce que nous ne prenons pas en compte le chantier de l'adaptation au changement climatique, ce qui est très préoccupant pour les départements et territoires d'outre-mer. Ceux-ci sont en effet particulièrement vulnérables au regard du risque à la fois d'élévation du niveau des océans et d'augmentation de la fréquence et de la gravité des événements climatiques extrêmes que sont les cyclones.
Nous avons besoin de moyens et d'outils adaptés. La protection ne suffit pas ; il faut également observer les phénomènes climatiques et en assurer le suivi.
Enfin, vous avez, madame la ministre, insisté sur le fait que l'ADEME bénéficierait désormais de taxes affectées. Pour ma part, je n'y vois pas d'inconvénient. En effet, les expériences conduites entre 1997 et 2002, dont j'assume la responsabilité, ont montré qu'il pouvait être périlleux, pour un établissement public, de compter pour l'essentiel sur des mesures budgétaires, donc sur la volonté politique des différents gouvernements.
Le budget de l'ADEME a connu des mouvements d'accordéon préjudiciables à la conduite de politiques qui sont importantes pour l'environnement. Il y a un décalage de plus en plus manifeste entre les moyens et les missions de l'ADEME, au rythme des amputations de crédits et des gels budgétaires.
Je n'évoquerai ni les déchets, ni les sols pollués, sujets pourtant très préoccupants en ce moment, pour me concentrer sur le changement climatique, dans un contexte où les énergies fossiles seront moins abondantes.
Nous devons impérativement changer d'échelle et adopter des politiques qui soient à la fois bonnes pour la planète, bonnes pour l'emploi, bonnes pour les comptes de la nation et bonnes pour le porte-monnaie des usagers. Nous devons relancer une politique d'efficacité énergétique, de maîtrise des consommations. Car le problème est d'une telle ampleur qu'aucun être humain, sur la planète, ne pourra échapper à une révision drastique de son comportement et de ses habitudes de consommation.
J'entends dire que les « points Info-Énergie » seraient menacés ; j'entends dire que ce sont aux collectivités locales que seraient confiés le soin de piloter les démarches Agenda 21 et la mise en place des plans de développement durable et des programmes d'efficacité énergétique.
Je ne peux pas le croire ! La lutte contre les changements climatiques est une grande priorité nationale. Donnons-nous les moyens de ne pas seulement parler de ces questions.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Ces amendements visent à rétablir les crédits supprimés par l'Assemblée nationale pour l'ONERC et la MIES.
Il appartient au Gouvernement de faire la preuve de l'utilité de ces deux structures et de préciser leur coût exact. La commission n'a pas débattu de ces amendements. Je m'en remets donc à l'avis du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ferai simplement observer que cet amendement tend à creuser le déficit de 1 million d'euros. Or je suis convaincu que le déficit public contrarie le développement durable.
J'ai cru comprendre que le développement durable consistait à ne pas sacrifier l'avenir au présent. Or, creuser le déficit, c'est, d'une certaine façon, sacrifier l'avenir au présent.
L'ONERC compte certainement quelques collaborateurs à la Réunion. J'aimerais être sûr, madame la ministre, qu'ont bien été prévues les provisions nécessaires à l'indemnisation temporaire des fonctionnaires de métropole qui travailleraient à l'ONERC.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. À l'évidence, je suis très favorable à ces deux amendements identiques, car ils vont dans le sens de la politique qu'entend conduire le Gouvernement, à savoir renforcer la capacité de pilotage de la politique française relative au changement climatique, la tâche étant dévolue à la MIES et à l'ONERC.
En ce qui concerne les fonctionnaires de l'ONERC, ils sont en position de détachement, monsieur Arthuis. Par conséquent, le problème que vous avez soulevé ne se pose pas.
Il faut travailler, dans ce cadre, à la mise en place d'un dispositif efficace de maîtrise de nos émissions de gaz à effet de serre, conformément aux engagements que nous avons pris lors de la ratification du protocole de Kyoto, afin de nous préparer à la fâcheuse évolution du climat qui va, hélas ! se produire.
Je ne peux pas dire que le budget de l'environnement me donne pleinement satisfaction, malgré les quelques crédits supplémentaires dont il a bénéficié. La situation est en effet très difficile : un certain nombre d'actions doivent être mises en oeuvre, notamment celle qui vise à lutter contre le changement climatique, laquelle n'attendra pas, sans parler des plans de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation, les PPRNPI, ou encore des plans de prévention des risques technologiques, les PPRT, applicables aux usines classées Seveso.
Ne pas engager ces politiques coûterait plus cher que la réparation de dommages qui risquent d'être irréversibles.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et Mme Évelyne Didier. Très bien !
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.
M. Pierre Laffitte. Je suis très favorable à ces amendements.
Cependant, autant j'approuve la conclusion de Mme Voynet, autant je ne suis pas du tout d'accord avec ma collègue lorsqu'elle dit que la France ne ferait pas grand-chose - moins que d'autres pays, en tout cas - en matière de développement durable.
À l'heure actuelle, je participe à une étude pour les besoins de laquelle nous avons auditionné, pendant de très nombreuses heures, les meilleurs spécialistes français, européens et asiatiques, s'agissant de l'apport de la science et de la technologie au développement durable. Eh bien ! je puis vous assurer que la recherche française est tout à fait à la pointe en ce domaine. D'ailleurs, aujourd'hui, nous sommes les meilleurs en matière d'émissions de gaz à effet de serre par rapport au produit intérieur brut.
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, pour explication de vote.
M. Marcel Deneux. À l'heure qu'il est, nous ne pouvons pas reconstruire toute la politique du développement durable, et c'est dommage.
J'indiquerai néanmoins gentiment à M. le président de la commission des finances que, pour réduire les déficits à terme, il est parfois préférable d'anticiper les crises. Le Sénat se grandirait non seulement en adoptant ces amendements, mais également en prévoyant un coefficient multiplicateur pour les crédits de l'ONERC. Les moyens que nous dégageons au service d'une telle priorité nationale sont minables !
À quoi sert de discuter sans fin de l'interférence entre plusieurs organismes si nous ne faisons pas ce qu'il faut pour informer nos concitoyens et diffuser les travaux qui sont connus ?
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Nous sommes parvenus à un moment assez consensuel du débat. Lorsque cet amendement a été présenté à l'Assemblée nationale, Mme la ministre n'y était pas tout à fait favorable. Mais on nous propose de rétablir les crédits, alors, ne boudons pas notre plaisir !
M. Jean Desessard. Heureusement que le Sénat est là ! (Sourires.)
Mme Évelyne Didier. M. Arthuis est dans son rôle, mais, s'il le souhaite, je lui donnerai volontiers le rapport de l'ONERC, afin qu'il puisse constater que des gens sérieux travaillent dans ces organismes, dont par ailleurs nous avons absolument besoin.
Pour notre part, nous soutiendrons donc l'amendement de M. Bizet qui sera, je l'espère, voté à l'unanimité.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. M. Arthuis s'est exprimé en termes directs. Il est vrai qu'il faut savoir investir un peu pour gagner beaucoup et, s'agissant de ce dossier en particulier, le retour sur investissement peut être très avantageux.
Cela étant, personne dans cet hémicycle ne songe à utiliser l'argent public avec légèreté. Pour ma part, je suis tout à fait favorable à l'idée d'une harmonisation destinée à renforcer les moyens de la mission interministérielle de l'effet de serre, la MIES, et en particulier ceux qui sont dédiés à l'étude des problèmes spécifiques aux départements et territoire d'outre-mer. Il s'agit de mettre en place, avec les moyens humains et financiers correspondants, une réelle stratégie d'adaptation aux effets du changement climatique.
Donc, mes chers collègues, pas de décision précipitée, mais restaurons des moyens.
Je rappelle que, à l'heure où nous débattons, des agents de la MIES sont en train de négocier en notre nom à Montréal, avec l'équipe du ministère de l'écologie. Nous aurions tout intérêt à leur manifester notre confiance et notre engagement plutôt que de douter de l'efficacité de leur travail !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-47 et II-100.
(Les amendements sont adoptés à l'unanimité. - Applaudissements.)
M. Jean Desessard. Bravo, madame Voynet !
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Écologie et développement durable ».
Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Écologie et développement durable », ainsi modifiés.
(Les crédits sont adoptés.)
M. le président. J'appelle en discussion les articles 79 bis et 79 ter, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Écologie et développement durable ».
Écologie et développement durable
Article 79 bis
Après l'article L. 541-10-1 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 541-10-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 541-10-2. - À compter du 1er janvier 2006, toute personne physique ou morale qui distribue sur le marché des produits textiles destinés à l'habillement, du linge de maison, des cuirs et chaussures, est responsable du financement de la collecte, du tri, de la revalorisation et de l'élimination desdits produits en fin de vie.
« Elle s'acquitte de cette obligation par le versement d'une contribution financière.
« Les contributions financières perçues au titre du premier alinéa sont versées aux structures de l'économie sociale et des entreprises qui emploient 30 % minimum de personnel sous contrat aidé dans le cadre de la politique de l'emploi et de l'insertion, qui prennent en charge la collecte, le tri et la revalorisation desdits produits.
« Les structures percevant la contribution définie au deuxième alinéa devront apporter la preuve qu'elles recyclent ou qu'elles revalorisent une grande partie des produits.
« Les modalités d'application du présent article, la liste des structures bénéficiaires de la contribution environnementale définie au présent article ainsi que le mode de calcul et de répartition de ladite contribution sont définis par décret. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° II-99 est présenté par M. Adnot.
L'amendement n° II-128 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L'amendement n° II-99 n'est pas soutenu.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l'amendement n° II-128.
Mme Nelly Olin, ministre. Je le dis très clairement : la contribution financière que cet article tend à imposer pourrait compromettre l'activité des entreprises du secteur de l'habillement, du linge de maison, des cuirs et des chaussures, déjà durement frappées par la concurrence internationale, et mettre en péril un certain nombre d'emplois, ce qui n'est souhaitable pour personne.
La gestion des déchets issus de l'habillement se modifie actuellement. Les circuits traditionnels de récupération sont fragilisés par l'absence de débouchés.
Le dispositif voté en première lecture par l'Assemblée nationale vise à remédier à ces difficultés par des structures d'insertion.
Chacun connaît mon intérêt pour les problèmes sociaux, manifesté depuis des années, notamment ceux qui sont liés à l'insertion, dont je m'occupais déjà lorsque j'étais vice-présidente du conseil général du Val-d'Oise. Je me souviens même d'avoir été l'une des premières, en 1985, à le faire.
Compte tenu de la complexité de ce domaine, il me semble que nous devrions nous accorder davantage de temps, afin de mettre en place un dispositif efficace et conforme aux règles nationales et communautaires. J'avais déjà tenu ces propos à l'Assemblée nationale, à l'occasion de la discussion d'un amendement qui n'était pas totalement abouti sur le plan règlementaire.
Nous devons à nouveau mettre en place une concertation entre les différents acteurs concernés. En effet, le dispositif envisagé par l'article 79 bis exclut de fait certaines structures aujourd'hui actives dans la récupération des déchets textiles.
Par ailleurs, les soutiens versés aux entreprises sont assimilés à des aides d'État qui n'ont pas fait l'objet d'une notification préalable auprès des autorités communautaires, ce qui est contraire aux dispositions de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne.
Le Gouvernement s'interroge également sur la compatibilité de l'article 79 bis avec l'article 34 de la Constitution, dès lors qu'il renvoie à un décret le soin de fixer les modalités d'une imposition de toute nature, alors que cette fixation relève de la loi
Enfin, ce dispositif serait extrêmement lourd à mettre en oeuvre, étant donné le nombre très important de contributeurs concernés et les coûts de gestion à prévoir, qui risquent d'être élevés.
Souhaitant continuer à travailler sur ce dossier avec tous les acteurs concernés, je propose la mise en place, avant Noël, d'un groupe de travail chargé de lever tous les obstacles techniques et de résoudre les problèmes que je viens d'évoquer. J'espère ainsi pouvoir prendre connaissance rapidement des solutions que ce groupe de travail considérera comme envisageables s'agissant de ce dossier, que je prends très au sérieux.
En effet, en tant que ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion, je m'étais déjà préoccupée de cette question en m'engageant à aider l'association Le Relais à hauteur de 500 000 euros pendant trois ans, afin d'éviter que les difficultés des personnes concernées ne s'aggravent.
J'ai donc demandé aux membres de ce groupe de travail de me remettre leurs conclusions avant l'été, pour que nous puissions réellement travailler à la mise en oeuvre de ses propositions dès le 1er janvier 2007.
Je l'ai dit à l'Assemblée nationale, sans être vraiment entendue, ainsi qu'aux personnes qui avaient demandé à me rencontrer : si nous devions procéder comme prévu initialement, nous prendrions le risque de voir échouer le dispositif avant même que celui-ci ne soit mis en place et, de plus, nous aurions beaucoup de difficultés à le reprendre.
M. le président. L'amendement n° II-65, présenté par Mme Keller, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
I. Après l'article L. 541-10-1 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 541-10-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 541-10-2. - À compter du 1er janvier 2007, toute personne physique ou morale qui met à la consommation pour la première fois sur le marché intérieur des produits textiles destinés à l'habillement, du linge de maison ainsi que des cuirs et des chaussures contribue à la collecte, au réemploi et au recyclage desdits produits en fin de vie.
« La contribution est remise à un organisme agréé par les ministères chargés de l'environnement et de l'économie, des finances et de l'industrie, qui la verse aux structures de l'économie sociale et aux entreprises qui assurent la collecte, le réemploi et le recyclage de ces produits en fin de vie.
« La personne visée au premier alinéa qui ne s'acquitte pas volontairement de cette contribution est soumise à la taxe prévue au 10 du I de l'article 266 sexies du code des douanes.
« Un décret fixe le barème de la contribution ainsi que les modalités d'application du présent article. »
II. 1. Le I de l'article 266 sexies du code des douanes est complété par un 10 ainsi rédigé :
« 10. Toute personne, mentionnée au premier alinéa de l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement, qui, au titre d'une année civile a mis à la consommation pour la première fois sur le marché intérieur des produits textiles destinés à l'habillement, du linge de maison ainsi que des cuirs et des chaussures dans les conditions mentionnées audit article et qui n'a pas acquitté la contribution qui y est prévue.»
2. L'article 266 septies du même code est complété par un 10 ainsi rédigé :
« 10. La mise à la consommation pour la première fois sur le marché intérieur de produits textiles destinés à l'habillement, de linge de maison ainsi que de cuirs et de chaussures par les personnes mentionnées au 10 du I de l'article 266 sexies. »
3. L'article 266 octies du même code est complété par un 9 ainsi rédigé:
« 9. Le poids des produits textiles destinés à l'habillement, du linge de maison ainsi que des cuirs et des chaussures mis à la consommation par les personnes mentionnées au 10 du I de l'article 266 sexies. »
4. Le tableau figurant au 1 de l'article 266 nonies est complété par deux lignes ainsi rédigées:
Produits neufs textiles destinés à l'habillement, linge de maison |
Kilogramme |
0,1 |
Cuirs, chaussures |
Kilogramme |
0,05 |
5. Au premier alinéa de l'article 266 undecies, les mots: "mentionnés au 9" sont remplacés par les mots: "mentionnés aux 9 et 10".
6. Après l'article 266 quaterdecies, il est inséré un article 266 quaterdecies A ainsi rédigé:
« Art. 266 quaterdecies A. - I - L'organisme agréé par les ministères chargés de l'environnement et de l'économie, des finances et de l'industrie mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement, communique chaque année à l'administration chargée du recouvrement la liste des personnes qui ont acquitté la contribution.
« II - Les redevables mentionnés au 10 du I de l'article 266 sexies liquident et acquittent la taxe due au titre d'une année civile sur une déclaration annuelle, qui doit être transmise à l'administration chargée du recouvrement au plus tard le dix avril de l'année qui suit celle au cours de laquelle le fait générateur est intervenu.
« La déclaration est accompagnée du paiement de la taxe.
« La déclaration comporte tous les éléments nécessaires au contrôle et à l'établissement de la taxe. La forme de cette déclaration et les énonciations qu'elle doit contenir sont fixées conformément aux dispositions du 4 de l'article 95 du code des douanes.
« En cas de cessation définitive d'activité, les assujettis déposent la déclaration visée au premier alinéa dans les trente jours qui suivent la date de fin de leur activité. La taxe due est immédiatement établie. La taxe est accompagnée du paiement.
« III - La taxe mentionnée au 10 du I de l'article 266 sexies du code des douanes est due pour la première fois au titre de l'année 2007. »
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. L'article 79 bis tend à mettre en place un mode de financement de la collecte et de la revalorisation des produits textiles.
Si l'intention qui sous-tend cet article issu de l'Assemblée nationale est louable, le dispositif proposé ne peut être retenu en l'état, la rédaction étant trop imprécise, d'une part, et le mécanisme créant des distorsions de concurrence, d'autre part.
La commission des finances du Sénat propose donc une nouvelle rédaction de cet article tout en confortant son principe, en reprenant le dispositif déjà existant pour les courriers non adressés.
Il s'agit, par cet amendement, de supprimer la distorsion de concurrence qui aurait pu résulter de la rédaction actuelle de cet article, mais aussi d'assujettir les personnes qui distribueraient ces produits pour la première fois à la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, au taux de 10 centimes d'euro par kilogramme, pour les produits textiles, et de 5 centimes d'euro par kilogramme, pour les cuirs et les chaussures.
S'agissant de l'emploi, dont Mme le ministre s'inquiète, je tiens à souligner que, parce que c'est la mise à la consommation, c'est-à-dire la distribution qui est prise comme point de taxation, ce dispositif mettra totalement à égalité les produits importés et ceux qui sont fabriqués directement en France, et ne se traduira pas par de nouvelles distorsions, puisqu'il sera au contraire appliqué de manière totalement uniforme, ce qui est très important.
M. le président. L'amendement n° II-65 est assorti de deux sous-amendements identiques.
Le sous-amendement n° II-81 rectifié est présenté par M. Girod et Mme B. Dupont.
Le sous-amendement n° II-104 rectifié est présenté par Mme Létard, MM. Dubois, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste-UDF.
Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :
Modifier comme suit le texte proposé par le I de l'amendement II-65 pour l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement :
I. Dans le premier alinéa, après le mot :
collecte,
insérer les mots :
au tri,
II. Au deuxième alinéa :
1. Après le mot :
environnement,
insérer les mots :
, de la cohésion sociale
2. Après le mot :
assurent
insérer les mots :
à la fois, sur le marché intérieur,
3. Après le mot :
collecte
insérer les mots :
le tri,
III. Compléter, in fine, le deuxième alinéa par les mots :
dans le cadre de conventions conclues à cet effet avec les collectivités locales compétentes
Le sous-amendement n° II-81 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. Marcel Deneux, pour présenter le sous-amendement n° II-104 rectifié.
M. Marcel Deneux. L'amendement n° II-65 de la commission des finances modifie et précise le dispositif voté à l'Assemblée nationale.
L'article 79 bis a un objectif double : un objectif environnemental de retraitement du textile mais aussi, et c'est important, un objectif social non négligeable. En effet, cette filière, qui représente 3 000 emplois d'insertion et permet à des personnes en grande difficulté de retrouver une activité, est lui-même en difficulté et doit être aidée grâce à la mise en place d'un financement pérenne.
Notre sous-amendement vise donc à apporter quelques précisions au dispositif mis en place par l'article 79 bis, afin que l'ensemble des activités de la filière soient concernées et que l'agrément confié à l'éco-organisme chargé de collecter et de distribuer la contribution soit également du ressort du ministère de la cohésion sociale. Il s'agit d'éviter que des entreprises ou structures bénéficiaires de la contribution ainsi créée ne délocalisent.
Enfin, pour préserver la cohérence et l'efficacité du système, les entreprises et structures de collecte concernées devront avoir passé un contrat avec les collectivités locales compétentes afin de pouvoir bénéficier de la contribution.
M. le président. L'amendement n° II-46, présenté par M. Bizet, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement :
« Art. L. 541-10-2. - À compter du 1er janvier 2007, toute personne physique ou morale qui fabrique, importe ou met à la consommation pour la première fois sur le marché intérieur des produits textiles destinés à l'habillement, du linge de maison ainsi que des cuirs et des chaussures contribue à la collecte sélective, au réemploi et au recyclage desdits produits en fin de vie.
« La contribution est remise à un organisme agréé par les ministères chargés de l'environnement et de l'économie, des finances et de l'industrie, qui la verse, déduction faite des frais de fonctionnement, aux collectivités territoriales, au titre de participation aux coûts de collecte sélective, de réemploi ou de recyclage des produits textiles qu'elles supportent.
« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article notamment le barème de la contribution ainsi que les sanctions applicables. »
La parole est à M. Jean Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Nous souhaitons, par cet amendement, qui tend à réécrire l'article, mettre en place une véritable filière encourageant la collecte sélective, le réemploi et le recyclage des textiles en fin de vie. Cette proposition émane pour partie du président de l'Association des maires de France, l'AMF, ancien président du Conseil national des déchets, et qui, à ce titre, dispose d'une véritable expertise sur ce sujet.
La filière serait construite sur l'exemple d'Eco-Emballages, avec un barème de contribution et de soutien, et les collectivités territoriales pourraient tout à fait passer des contrats avec des entreprises d'économie solidaire, des associations ou des entreprises commerciales, afin de pérenniser des circuits de collecte sélective sur des gisements plus importants et mieux identifiés.
Il est proposé qu'un décret pris en Conseil d'État fixe les conditions d'application du dispositif, notamment le barème de la contribution et les sanctions applicables. Une telle solution a déjà été retenue par le décret du 20 juillet 2005 relatif à l'élimination des déchets électriques et électroniques en fin de vie, qui prévoit l'application de l'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe.
Enfin, la suggestion de l'AMF tendant à soumettre les contrevenants à la TGAP n'a pas été retenue du fait de l'extrême complexité du dispositif de calcul et de recouvrement à mettre en oeuvre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos II-128 et II-46, ainsi que sur le sous-amendement n° II-104 rectifié ?
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Compte tenu des arguments que nous avons échangés, je demande à Mme le ministre de bien vouloir retirer l'amendement n° II-128, qui tend à supprimer totalement un dispositif que, pour notre part, nous nous proposons d'améliorer et de conforter.
S'agissant du sous-amendement n° II-104 rectifié, je suggère un certain nombre de rectifications, notamment la suppression des mots « à la fois », au 2 du II du sous-amendement.
En effet, afin de ne pas introduire de rigidité excessive dans le dispositif, il me paraît préférable de renvoyer au décret le soin de savoir si ces structures doivent être « à la fois » de collecte et de réemploi et de recyclage.
Quant à la référence au marché intérieur, je vous propose de la supprimer, car je ne suis pas certaine qu'elle soit bien conforme au droit communautaire.
Pour être encore plus claire, monsieur Deneux, je vous propose de supprimer le 2 du II du sous-amendement n° II-104 rectifié.
L'amendement n° II-46 présenté par M. Bizet reflète assez largement la philosophie de l'amendement n° II-65 de la commission des finances, même s'il ne retient pas le dispositif d'assujettissement à la TGAP en cas de refus de paiement de la contribution, ce qui nous semblait pourtant constituer une sécurité. Pour donner un ordre de grandeur, la taxe représenterait un montant de 1 centime à 2 centimes d'euro par vêtement, soit une dizaine de centimes par kilo de textile.
L'amendement de M. Bizet se distingue de celui de la commission des finances sur deux points.
Cet amendement vise, d'une part, à taxer les fabricants et les importateurs. Or il nous semblait essentiel, pour ne pas entraîner d'effet de distorsion de concurrence ou d'effet pénalisant, d'imposer la taxe au stade de la distribution.
L'amendement de M. Bizet tend, d'autre part, à affecter le produit de la contribution aux collectivités territoriales.
Il nous semble que cela fait disparaître le principe de l'écotaxe qui justifie l'ensemble du mécanisme. L'écotaxe en effet, c'est en principe un prélèvement sur le produit lors de sa première consommation, pour financer l'aval. Je vous propose donc de ne pas retenir cet élément de l'amendement.
M. le président. Monsieur Deneux, acceptez-vous de rectifier le sous-amendement n° II-104 rectifié dans le sens suggéré par Mme le rapporteur spécial ?
M. Marcel Deneux. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° II-104 rectifié bis, présenté par Mme Létard, MM. Dubois, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste - UDF, qui est ainsi libellé :
Modifier comme suit le texte proposé par le I de l'amendement II-65 pour l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement :
I. Dans le premier alinéa, après le mot :
collecte,
insérer les mots :
au tri,
II. Au deuxième alinéa :
1. Après le mot :
environnement,
insérer les mots :
, de la cohésion sociale
2. Après le mot :
collecte
insérer les mots :
le tri,
III. Compléter, in fine, le deuxième alinéa par les mots :
dans le cadre de conventions conclues à cet effet avec les collectivités locales compétentes
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le dispositif porté dans l'article 79 bis nous paraît bien sûr intéressant. À certains égards pourtant, il témoigne de l'état quelque peu pathétique de notre économie.
Nous sommes dans une économie mondialisée. Nous sommes attachés à des lois sociales, fiscales, à des régulations. Nous voulons que les consommateurs puissent payer de moins en moins cher et nous nous battons contre la vie chère. Moyennant quoi, étouffés sous le poids de nos réglementations, ceux qui produisent et mettent sur le marché suppriment des emplois et vont produire ailleurs.
Nous ne changeons à nos lois fiscales et sociales rien qui puisse contribuer à redonner de la compétitivité au territoire.
Face au chômage, nous créons une économie intermédiaire, une économie qualifiée de « sociale », avec des statuts de circonstance, qui bien sûr préservent la dignité, mais à quel prix ? Voilà pourquoi je qualifiais à l'instant l'état de notre économie de pathétique : on ne modifie pas les lois qui encadrent l'économie régulée, moyennant quoi cette économie disparaît et s'en va ailleurs, en Asie ou en Europe centrale. Et les emplois disparaissent. On recrée alors une économie, avec des statuts qui ne sont pas extraordinaires, qui relèvent de l'économie sociale, dont on assure le financement en taxant les productions.
M. Jean Desessard. La distribution !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Votre amendement, par exemple, Monsieur Bizet, ne le prenez pas en mauvaise part, tend à prévoir une taxe pesant sur ceux qui fabriquent. Autrement dit, ceux qui fabriquent seront moins nombreux encore demain, parce qu'on leur imposera des taxes supplémentaires pour financer ce type d'activité.
Je comprends bien ce qu'ont voulu nos collègues députés. Il me semble qu'ils ont humainement raison : on ne peut rester dans cette situation.
Il faudra cependant, mes chers collègues, que l'on se préoccupe de l'économie régulée et que l'on se demande si, un jour, elle pourra recréer des emplois.
Notre avenir est-il de voir la suppression progressive de l'économie régulée, avec des prélèvements sur la consommation pour financer une économie de rattrapage qu'on appellera « économie sociale », « économie de cohésion sociale », que sais-je encore ? La question est préoccupante.
Je comprends bien l'amendement présenté par le Gouvernement. Je crois que le texte ne fonctionne pas.
La commission a essayé d'organiser un dispositif, en posant le principe qu'il ne s'appliquerait qu'au 1er janvier 2007, pour que les acteurs économiques aient le temps de se familiariser avec lui.
Peut-être ne faut-il pas enterrer les mesures prévues par les députés. Peut-être aussi faudrait-il prendre des précautions. C'est l'objectif de la commission des finances, qui se préoccupe aussi de l'aspect social du problème, comme du développement durable, d'ailleurs.
D'ici à la commission mixte paritaire, qui se réunira sous quinzaine, dès que seront achevés nos travaux sur le projet de loi de finances pour 2006, peut-être, madame la ministre, pourriez-vous accepter l'amendement présenté par la commission des finances, sous-amendé par M. Deneux ?
Il ne faut pas non plus délivrer un signal à contresens à ceux qui tentent encore, en respectant nos lois sociales, nos lois fiscales et l'ensemble de notre législation, de produire du textile et des chaussures en France. Leur imposer des taxes supplémentaires pour faire naître une économie parallèle de récupération, encore une fois, ce serait totalement pathétique.
Peut-être, donc, madame la ministre, pourriez-vous laisser à la commission mixte paritaire, sous bénéfice d'expertise, le soin de trancher. Nous le ferons naturellement en relation étroite avec vous.
À ce stade, nous ne nous sentons pas autorisés à retirer l'amendement n° II-65.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° II-65.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° II-104 rectifié bis.
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° II-46.
Je rappelle que l'amendement n° II-65 apporte une clarification au dispositif initialement envisagé en prévoyant la création d'un organisme agréé. Cependant, en sus des problèmes qu'entraîne le dispositif, problèmes que je viens d'évoquer, le dispositif pose une importante difficulté par la création d'un nouveau volet de la TGAP.
Une telle disposition risque de susciter des charges administratives importantes, du fait du très grand nombre de déclarants potentiels.
Dans l'objectif d'une modernisation du fonctionnement de l'État, une telle disposition ne peut pas être envisagée par le Gouvernement.
Enfin, les montants proposés pour la TGAP n'ont pas fait l'objet de concertation et ne peuvent donc être acceptés.
Tels sont les points les plus problématiques, les points sur lesquels le Gouvernement ne peut pas céder.
Au-delà de ces éléments, nous devons avoir à coeur de faire attention à bien suivre ce dossier : il est effectivement hors de question de dire que tout est terminé et que la discussion est achevée.
N'oublions pas que, derrière ces mesures, il y a des personnes en grande difficulté sociale pour lesquelles la seule façon de réintégrer la société est de trouver des emplois dans ce type d'associations ou d'entreprises.
Je vous propose donc à nouveau de mettre en place le groupe de travail dont il a été question.
La commission mixte paritaire est en effet très proche : nous n'aurions pas le temps de travailler d'une manière suffisamment approfondie pour apporter une vraie réponse, une réponse qui ne mette pas en péril les personnes en insertion, auxquelles nous voulons donner la chance qu'elles n'ont pas eue auparavant de retourner à la vie sociale.
Nous devons aussi, d'un autre côté, faire très attention à ne pas déséquilibrer une filière en pleine crise. Le nombre d'emplois dans cette filière baisse de 10 % par an. Il reste en tout et pour tout 170 000 emplois à sauvegarder.
Il faut donc trouver le juste équilibre entre social et économie, l'un et l'autre ne devant pas s'opposer, puisque l'aspect économique n'est pas absent du social.
Taxer le distributeur revient à taxer aussi le fournisseur : je partage votre avis sur ce point, monsieur Arthuis. Quoi qu'il en soit, on ne pourra résoudre chaque problème par la création d'une taxe, ce n'est pas possible !
Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale ne va pas dans le sens d'une bonne gestion : c'est la création d'un nouvel organisme administratif chargé de collecter cette taxe et d'attribuer des subventions. J'oserai presque dire qu'il s'agit d'une « usine à gaz », et qu'à ce titre elle ne fonctionnera jamais.
Je constate tout de même que de nombreuses initiatives font vivre le débat et qu'il y a manifestement une volonté de trouver la solution.
Beaucoup d'initiatives se sont fait jour : l'amendement de M. Jégou, les amendements que nous avons examinés ce soir, l'amendement présenté par M. Pélissard, président de l'Association des maires de France, à l'Assemblée nationale lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative.
Tout cela montre bien que la réflexion n'est pas aujourd'hui à son terme. Il n'y a plus qu'une chose à faire : se mettre au travail !
Ce dossier est délicat, puisque l'on se doit de tendre la main à des gens moralement et socialement déstructurés, sans tenter de faire illusion avec un dispositif qui ne fonctionnerait pas, qui les ferait désespérer demain.
Pour aboutir, au terme d'un un travail sérieux, à des résultats inscrits dans le long terme, il n'y a ni solution miracle ni baguette magique ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la ministre, nous sommes tout à fait sur la même longueur d'onde.
Si l'amendement que nous proposons est adopté par le Sénat et si la commission mixte paritaire le laisse survivre, nous vous accompagnerons demain dans votre groupe de travail : nous en sommes bien conscients, le dispositif ouvre des voies, mais il est évident qu'il y a beaucoup à faire pour le rendre opérationnel.
Je vous ferai part d'une réflexion : dans cette affaire, nous devons être conscients que ce sont les consommateurs qui paieront.
Nous devons également être conscients que le textile passe largement par des circuits de distribution extrêmement concentrés et que ces circuits ont pour slogan la baisse des prix. Ils imposeront donc le coût de cette taxe supplémentaire à leurs fournisseurs.
Lorsque les fournisseurs se trouvent au-delà de nos frontières, je ne vois pas d'inconvénient majeur à cela. Lorsque les fournisseurs sont chez nous, en revanche, cette taxation signifiera de nouvelles disparitions d'emploi dans les entreprises de la filière textile, du cuir et des chaussures.
Plus globalement, nous menons, au sein de la commission des finances, une réflexion sur le retour à la compétitivité. Je me permets - c'est une piqûre de rappel, mais Mme Olin n'y avait pas eu droit jusqu'à présent (sourires) - de mentionner les réflexions autour du thème de la TVA sociale. Elles s'inscrivent dans cette logique.
Nous voulons redonner de la compétitivité au travail ici, en France, pour éviter qu'un nombre croissant d'hommes et de femmes ne basculent dans le non-travail, avec pour seule espérance les bienfaits de l'économie sociale.
C'est un appel à sortir de nos hypocrisies, à rompre un certain nombre de tabous, pour retrouver la compétitivité et éviter de telles issues.
Il me semble donc que la proposition de la commission des finances est équilibrée.
Je ne voudrais pas que vous le preniez comme une mauvaise manière faite à votre endroit, madame la ministre, vous qui êtes encore un peu membre de la Haute Assemblée, malgré tout. D'ailleurs, c'est pour nous une source de fierté de vous voir siéger au banc du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. J'enregistre tout d'abord avec intérêt, madame la ministre, que vous avez pris ou allez prendre en compte les demandes de ce groupement des entreprises à but socio-économiques qu'est Le Relais, et que celui-ci va être doté de 500 000 euros. Ce groupement est donc conforté dans sa mission. Nous ne pouvons qu'en être ravis, considérant les populations auxquelles il s'adresse.
J'avoue d'autre part être particulièrement sensible aux remarques de M. le président de la commission des finances.
Pour suivre avec une certaine attention les négociations de l'Organisation mondiale du commerce et pour être attentif à l'esprit dans lequel elles se déroulent, je n'ignore pas les réelles difficultés du secteur textile.
Il ne convient pas de surcharger davantage les professionnels de ce secteur, professionnels qui, depuis le 1er janvier 2005 précisément, ont à faire face à une ouverture de marché supplémentaire. Cette ouverture était programmée depuis pratiquement dix ans, mais toutes les entreprises ne l'avaient pas totalement intégrée effectivement.
Cela étant, on ne peut pas non plus rester absolument insensible aux appels des entreprises de recyclage, celles qui emploient une population défavorisée, mais aussi les autres, qui se situent à part entière dans le secteur marchand.
C'était la raison pour laquelle l'amendement de la commission des affaires économiques, amendement qui avait été voté à l'unanimité, me paraissait à la fois équilibré, puisqu'il s'adressait à toutes les entreprises - y compris celles qui emploient des personnels sous contrat aidé -, et rationnel, puisqu'il mettait dans le jeu les collectivités locales, qui, en matière de tri sélectif, sont de vrais partenaires.
J'avoue franchement que je me rangerai à la position du Gouvernement...
M. Jean Desessard. Non, monsieur Bizet !
Mme Dominique Voynet. Nous sommes déçus !
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. ...et j'invite mes collègues à faire de même.
Je souhaite cependant, madame la ministre, que vous preniez l'engagement de mettre en place une véritable filière de collecte sélective, qui non seulement collecte et trie, mais ne détruise pas les déchets en question d'une manière qui ne ferait qu'aggraver l'effet de serre : il existe ou il va exister, grâce à des sauts technologiques - M. Laffitte sait très bien à quoi je veux faire allusion -, d'autres façons de régler ce problème. Il s'agit donc de mettre en place une vraie filière de recyclage, en partenariat avec les collectivités locales puisqu'elles ont déjà su faire la preuve de leur efficacité et qu'elles ont un vrai savoir-faire.
Je retire donc l'amendement de la commission des affaires économiques et je voterai l'amendement de suppression.
M. le président. L'amendement n° II-46 est retiré.
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur l'amendement n° II-128.
Mme Dominique Voynet. Mon intervention portera sur deux points.
En premier lieu, je rappellerai qu'il fut un temps où la collecte, le tri et la valorisation des textiles permettaient à des réseaux associatifs accueillant des personnes en grande difficulté sociale de dégager des ressources financières.
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Absolument !
Mme Dominique Voynet. On consommait moins et des articles de meilleure qualité, qui pouvaient de ce fait être mieux valorisés.
Aujourd'hui, nous sommes dans un système de consommation éphémère, la qualité est plus précaire et il est devenu de plus en plus difficile de valoriser correctement les produits. Pis, on demande aux associations qui collectent à leurs frais les textiles de payer pour l'élimination en déchetterie des textiles inutilisables.
En second lieu, j'ai évidemment été intéressée par l'argumentation de M. Arthuis, mais je n'en suis pas moins en assez profond désaccord avec lui.
Monsieur Arthuis, je suis aussi soucieuse que vous de l'emploi en Europe, et notamment dans notre pays, dans le secteur textile, mais je fais le constat que les productions françaises et les productions chinoises ne sont pas exactement de même nature.
D'un côté, on a des pièces produites en quantité limitée, de très haute valeur ajoutée, qu'il s'agisse de textiles spéciaux pour l'industrie ou de textiles destinés à l'habillement de moyenne ou de haute gamme. Quand on collecte les textiles de ce type, on peut espérer en valoriser une bonne partie, les recycler et les réutiliser pour des productions qui seront à leur tour génératrices de valeur ajoutée.
De l'autre côté, on a de très nombreuses pièces, fabriquées à bas coûts dans des conditions sociales, environnementales et fiscales qui sont tout sauf admissibles.
Je crois pour ma part que le fait de frapper toutes les pièces, qu'elles soient fabriquées sur le territoire national ou dans les pays du Moyen-Orient ou d'Extrême-Orient, permettrait de réduire les distorsions de concurrence parce que cette taxe uniforme pèserait plus sur les entreprises qui font leur marge en gagnant peu sur de très nombreuses pièces : il est clair qu'elle serait plus sensible sur un article à 1 euro que sur un article à 20 euros.
Nous devons tenter de réduire les distorsions de concurrence, et j'ai le sentiment que l'instauration d'une taxe peut, fût-ce très modestement, y contribuer. Je suis donc loin d'être pessimiste et j'espère que Mme Keller maintiendra son amendement, car, même s'il n'est pas parfait, j'aimerais pouvoir le voter. Je crois vraiment que notre assemblée doit envoyer un signal fort et donc aller jusqu'au bout.
On ne peut pas tenir un double langage : d'un côté, demander au monde associatif et aux bénévoles de s'engager et, de l'autre, ne pas leur donner tous les moyens de le faire efficacement.
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, pour explication de vote.
M. Marcel Deneux. Je voterai l'amendement de la commission des finances assorti de mon sous-amendement rectifié.
Cet amendement concerne une filière en difficulté dans notre pays, celle du retraitement des textiles, car, il faut être clair sur ce point, ce n'est pas la filière textile qui est ici en cause.
Des filières de récupération et de retraitement des textiles se sont mises en place depuis quelques années, au profit d'associations caritatives. Or la crise du textile, liée notamment à des importations massives de produits de faible qualité, met cette filière en péril, dans la mesure où elle a beaucoup de mal à valoriser les produits qu'elle retraite et peine à récupérer lesdits produits, de moins en moins déposés dans les locaux des associations par nos concitoyens.
Cette filière représente aujourd'hui en France 3 000 emplois d'insertion, qui permettent à des personnes en grande difficulté de retrouver une activité.
Nous pouvons, si nous le voulons, nous en remettre aux lois du marché, au risque de voir disparaître cette filière, avec les conséquences que cela comporte en termes d'emplois, bien sûr, mais aussi de charges pour les collectivités locales. Ce sont en effet ces dernières qui récupèrent en masse ces vêtements dans les usines de traitement des ordures ménagères. Or je rappelle qu'une tonne de textile à éliminer coûte en moyenne 150 euros, auxquels s'ajoute le coût de la collecte.
Cet amendement vise donc à assurer à la filière de retraitement des textiles un financement pérenne, à lui permettre non seulement de maintenir, mais d'augmenter son activité. Les premiers contacts que nous avons eus avec des grands opérateurs associatifs comme Emmaüs nous montrent qu'avec un financement garanti sous forme de taxe on peut espérer doubler le nombre d'emplois de la filière et permettre ainsi le développement de ce type d'activité sociale.
Il est donc proposé de taxer la distribution afin de ne pas pénaliser les producteurs de textiles, qui connaissent déjà de graves difficultés du fait de la concurrence à laquelle ils sont confrontés. Cette taxation pourrait prendre la forme d'un prélèvement sur chaque article vendu dans la grande distribution et par les entreprises de vente par correspondance. Il pourrait s'agir d'un prélèvement forfaitaire - un ou deux centimes par pièce - qui, sans mettre en cause l'équilibre des grands distributeurs, permettrait d'apporter à la filière du retraitement et à ceux qui la font vivre les moyens de développer les emplois d'insertion et de récupérer, au profit des plus démunis, le textile que nous n'utilisons plus.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur cher collègue !
M. Marcel Deneux. Le mode de financement prévu pour les entreprises d'insertion est original et moderne. Il ne repose pas sur l'État, et c'est tant mieux, car le budget est difficile à boucler. Il ne repose pas non plus sur les producteurs, et c'est tant mieux puisque la production textile en France est dans un contexte de compétition très dure.
Ce financement touche en revanche la distribution, qui est « attachée » à notre pays - elle ne peut pas se délocaliser - et qui est assurée par des entreprises puissantes, capables de gérer une telle contribution financière.
Cet amendement paraît donc adapté à l'enjeu social.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Premier argument qu'on nous oppose : la contribution sur le textile créerait des problèmes par rapport à la concurrence internationale. Mais, dès lors qu'elle pèserait sur la distribution, elle s'appliquerait de la même façon aux produits importés et aux produits fabriqués en France. Et, comme l'a dit Mme Voynet, ses effets seraient peut-être même avantageux pour les produits fabriqués en France puisqu'elle pèserait proportionnellement plus sur les produits les moins coûteux, qui sont souvent importés.
Je ne vais pas revenir, monsieur le président de la commission des finances, sur tous les sujets que vous avez abordés et qui mériteraient un autre débat - taxation par rapport aux produits importés, écotaxes, kilomètres ajoutés, TVA sociale, etc. - mais, en tout état de cause, ce premier argument ne tient pas.
Deuxième argument : nous devrions nous réjouir de ce que tout soit moins cher. Eh bien, non, monsieur le président de la commission des finances, pas du tout ! Je veux bien croire que plusieurs ici s'en réjouissent, mais les écologistes ne tiennent pas ce raisonnement : ils veulent que les produits soient payés au juste prix. Les produits agricoles, par exemple, doivent voir leurs prix s'accroître. Le transport routier doit également être rendu plus cher, car son coût écologique n'est actuellement pas pris en compte, et le ferroviaire pourrait ainsi devenir rentable par rapport au routier. Je ne partage donc pas le point de vue selon lequel il faudrait aller dans le sens de la baisse des prix pour tous les produits. D'ailleurs, si on allait dans ce sens, les salaires diminueraient et il n'y aurait plus personne pour acheter !
Enfin, troisième argument que je récuse dans votre raisonnement : cette taxe créerait un problème d'emploi. Je ne vois pas où ! Si beaucoup de vêtements étaient recyclés et remis en circulation, les gens en achèteraient moins : voilà une vraie mesure « écolo » ! En termes de production, il faut en finir avec le « toujours plus ». Entre emplois liés à la fabrication de produits qui seront jetés et emplois liés au recyclage, le choix est tout trouvé. On ne cesse de dire qu'il faut protéger l'environnement ! Eh bien, non seulement cette mesure est sociale, mais elle favorise le recyclage et va dans le sens du développement durable.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. C'est un problème bien difficile pour être traité à une heure aussi avancée de la nuit !
L'objectif social, bien entendu, nous le partageons, car nous ne pouvons que souhaiter donner du travail à des personnes très éloignées de l'emploi.
L'objectif du recyclage et de la création d'une filière, bien entendu, nous le partageons aussi.
Des taxes similaires ont déjà été instaurées, par exemple sur les emballages, et je m'étonne d'ailleurs de certains raisonnements contradictoires. Ainsi, les bouteilles d'eau en plastique seraient finalement une bonne chose parce que ce sont des déchets qui redeviennent des produits et qui permettent donc de créer une nouvelle industrie. Il faudrait savoir ce que l'on veut !
On a évoqué l'économie régulée. Dans notre groupe, nous sommes, a minima, pour l'économie régulée, voire plus !
M. Jean Desessard. Nous, nous sommes pour a maxima !
Mme Évelyne Didier. J'ai dit : voire plus ! Cela ne nous fait pas peur, bien au contraire !
Si les associations comme Emmaüs n'existaient pas, que feraient les gens dont elles s'occupent ? Notre société n'est-elle pas capable de donner au moins cette chance à des personnes éloignées de l'emploi ?
C'est un cas de conscience. On nous dit que les rares entreprises de textile et d'habillement qui restent en France seraient pénalisées par cette nouvelle taxe.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Elles vont disparaître !
Mme Évelyne Didier. Non, elles ne disparaîtront pas complètement, car l'on sait bien que le textile en France cible des créneaux particuliers, et non le marché le plus vaste.
De toute façon, ce n'est pas depuis hier matin que nous sommes inondés de tee-shirts à 1 euro fabriqués dans des pays plus ou moins lointains par des gens qui ne sont pratiquement pas payés ! C'est un raisonnement un peu trop simpliste !
C'est la raison pour laquelle, tout compte fait, à ce stade de la discussion et à cette heure tardive, je suis d'avis - mais c'est un avis personnel : d'autres membres de mon groupe pourront s'exprimer - qu'il faut voter l'amendement de Mme Keller, s'il est maintenu, car il permet de laisser une place à toute une filière, bonne sur le plan social et bonne aussi pour l'environnement. Donnons- lui sa chance !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Je vais m'efforcer d'être brève. Comme mes collègues, je suis soucieuse de l'emploi dans le domaine textile. Cependant, il s'agit ici non pas de la politique dans le domaine textile, mais de la filière de tri.
Cette filière, qui a été longtemps solvable et au sein de laquelle des activités économiques pouvaient se développer sans aucune aide, est aujourd'hui déstabilisée par l'afflux de produits de basse qualité et à grand volume.
Le dispositif prévoit donc une écotaxe qui rééquilibre un peu cette filière. J'indique au passage, mais c'est un autre sujet, que l'on pourrait réfléchir à ce qui se passe sur les papiers journaux, dont le prix évolue fortement. Les politiques publiques ont des effets sur ces marchés. C'est une réalité, et nous ne pouvons pas ne pas nous intéresser à leur équilibre économique.
C'est parce que nous nous soucions de l'emploi que nous avons proposé de taxer la distribution. Il s'agit de prendre en compte les importations autant que les productions faites sur le territoire européen.
Madame le ministre, la TGAP ne serait applicable qu'en cas de non-paiement de la redevance calculée a priori au poids du textile. Il n'y a donc pas d'inquiétude à avoir en cas de non- contribution. Je suis certaine que la filière serait très constructive puisqu'elle accepterait même, paraît-il, de participer à un groupe de travail.
Je propose de ne pas voter l'amendement du Gouvernement et je confirme que l'amendement de la commission des finances est maintenu.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Je serai beaucoup plus bref que M. Deneux. Je confirme que je voterai l'amendement de suppression du Gouvernement. En effet, si Mme Keller imagine faire porter cette taxe par la grande distribution, on sait très bien que cette dernière la répercutera sur l'acheteur final.
J'estime qu'il faut se donner le temps de la réflexion. Nous savons tous qu'il faut régler le problème. Je suis tout à fait conscient de l'élan de générosité de M. Jégo, qui a déposé cet amendement à l'Assemblée nationale. Toutefois, son dispositif a été élaboré dans la précipitation.
Conformément à l'esprit et à la culture du Sénat, prenons du recul, de la hauteur et du temps pour raisonner. Pour avoir suivi les problèmes dans le cadre de l'OMC, je suis sensible à la fragilité de l'ensemble de la filière textile dans notre pays.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nelly Olin, ministre. Ce qu'il faut retenir de ce débat, c'est qu'il existe un réel problème, sur lequel nous devons tous de travailler.
Consciente des difficultés que rencontrait Le Relais, c'est moi-même, alors ministre de l'intégration et de la lutte contre la précarité, qui ai pris par lettre l'engagement de maintenir cette structure en lui affectant 500 000 euros par an pendant trois ans. L'objectif était de la soutenir pendant ce temps pour qu'elle ne s'enlise pas davantage dans la difficulté et puisse retravailler.
La lettre que j'avais envoyée à cette association a été confirmée par Mme Vautrin. L'argent est maintenant à la disposition du Relais. Attendons jusqu'au mois de juillet la remise de ce rapport pour, ensuite, nous orienter vers une bonne solution.
Il faut créer une vraie filière, en partenariat avec les collectivités locales. Le fait que l'amendement adopté à l'Assemblée nationale comporte des aspects positifs ne suffit pas pour nous précipiter dans cette voie au risque de déséquilibrer la filière textile aujourd'hui en difficulté sans apporter la bonne solution technique et juridique au montage qui a été proposé.
Je ne pense pas qu'il faille opposer l'aspect technique et l'aspect social. Sur le social, je n'ai de leçon à recevoir de quiconque parce que cela fait vingt-cinq ans que j'en fais ! (M. Jean Desessard s'exclame.) Et je suis élue de terrain et maire d'une ville difficile !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous allons essayer de conclure. Il est quatre heures moins dix et nous allons partir avec de beaux rêves. Si on vote le dispositif tel que la commission des finances l'a prévu, le rêve va pouvoir continuer à prospérer.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Cela vire au cauchemar !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le marché n'est plus simplement franco-français. Nous pouvons très bien instituer une taxe sur tout ce qui est commercialisé en France, mais ceux qui y iront faire leurs achats au-delà de la frontière échapperont à cette taxe.
M. Jean Desessard. Non !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. S'il est des mesures qui devraient vraiment avoir un caractère européen, ce sont bien les mesures de cette nature. Et, s'il y avait des négociations à conduire pour réguler les échanges, ce serait au niveau de l'OMC.
La commission des finances maintient sa position telle que Mme le rapporteur spécial l'a expliquée. Mais soyons conscients que la faisabilité de ces belles idées reste à démontrer.
M. André Dulait. Absolument !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est comme si vous disiez que telle action va être financée par l'institution d'une taxe sur les billets d'avion.
M. Jean Desessard. Bonne idée !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce serait une excellente nouvelle pour des aéroports comme Bruxelles, Bâle-Mulhouse et quelques autres.
À cette heure avancée, il faut être à la fois généreux et réaliste.
M. le président. Ce débat démontre surtout qu'à quatre heures, un dimanche matin, le Sénat est encore capable de discuter sur le fond des amendements. Cela démontre aussi que les uns et les autres restent fidèles à leurs positions.
Je mets aux voix l'amendement n° II-128.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 48 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 162 |
Contre | 164 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix le sous-amendement n° II-104 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° II-65, modifié.
M. Jean Desessard. On pourrait penser que ceux qui ont voté en faveur de l'amendement n° II-128 du Gouvernement devraient voter contre l'amendement n° II-65, présenté par Mme Keller, au nom de la commission des finances, modifié par le sous-amendement n° II-104 rectifié bis. Or ce ne serait pas logique, compte tenu de l'argument principal du Gouvernement selon lequel des problèmes supplémentaires toucheraient le secteur textile.
L'amendement n° II-65 tend en effet à taxer l'ensemble de la distribution, et pas simplement la fabrication nationale.
Par conséquent, si l'on reprend l'argument du Gouvernement selon lequel il convient de ne pas créer de crise dans le textile, il faut voter l'amendement n° II-65, car, je le répète, la taxe porte sur toute la distribution et, de ce fait, n'aggrave pas les problèmes dans le secteur textile.
M. le président. En conséquence, l'article 79 bis est ainsi rédigé.
Article 79 ter
I. - Dans la limite de 16 millions d'euros par an, à compter du 1er janvier 2006 et jusqu'au 31 décembre 2012, les dépenses afférentes à la préparation et à l'élaboration des plans de prévention des risques naturels prévisibles et aux actions d'information préventive sur les risques majeurs peuvent être financées par le fonds de prévention des risques naturels majeurs mentionné à l'article L. 561-3 du code de l'environnement. Le fonds prend en charge les trois quarts de la dépense.
II. - L'article 128 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003) est ainsi rédigé :
« Art. 128. - Dans la limite de 33 millions d'euros par an, et jusqu'au 31 décembre 2012, le fonds de prévention des risques naturels majeurs mentionné à l'article L. 561-3 du code de l'environnement peut contribuer au financement des études et travaux de prévention contre les risques naturels dont les collectivités territoriales ou leurs groupements assurent la maîtrise d'ouvrage, dans les communes couvertes par un plan de prévention des risques prescrit ou approuvé. Le taux d'intervention est fixé à 50 % pour les études et à 25 % pour les travaux. »
III. - Dans la limite de 35 millions d'euros, jusqu'au 31 décembre 2012, le fonds de prévention des risques naturels majeurs mentionné à l'article L. 561-3 du code de l'environnement peut contribuer au financement des études et travaux visant à prévenir les conséquences dommageables qui résulteraient du glissement de terrain du site des Ruines de Séchilienne dans la vallée de la Romanche (Isère). Le taux d'intervention est fixé à 50 % pour les études et à 25 % pour les travaux. - (Adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Écologie et développement durable ».