sommaire

Présidence de Mme Michèle André

1. Procès-verbal

2. Loi de finances pour 2006. - Suite de la discussion d'un projet de loi

Sport, jeunesse et vie associative

MM. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances ; Bernard Murat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Pierre Martin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Alain Dufaut, Yvon Collin, Jean-François Voguet, Mme Marie-Christine Blandin, M. Serge Lagauche.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Sur l'article 52 et état B

Amendement no II-87 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur spécial, Jean-François Voguet, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Serge Lagauche, Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Adoption.

Adoption des crédits modifiés de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

Article 89 bis. - Adoption

Suspension et reprise de la séance

Travail et emploi

MM. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances ; Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Roland Muzeau, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Godefroy, MM. Janine Rozier, Raymonde Le Texier, M. Christian Demuynck.

MM. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes ; Jean Arthuis, président de la commission des finances.

Sur l'article 52 et état B

Amendement no II-88 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur spécial, Guy Fischer, Roland Muzeau. - Adoption.

Amendement no II-94 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, le rapporteur spécial, Jean-Pierre Godefroy, Roland Muzeau, le président de la commission. - Adoption.

Adoption des crédits modifiés de la mission « Travail et emploi »

Article 91

Amendement no II-70 de M. Guy Fischer. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur spécial, le ministre délégué, Jean-Pierre Godefroy, le président de la commission. - Rejet.

M. Guy Fischer.

Adoption de l'article.

Article 92. - Adoption

Ville et logement

MM. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances ; Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances ; Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Daniel Raoul, en remplacement de M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; MM. Roland Muzeau, Roger Madec, Hugues Portelli, André Vézinhet, Mme Gisèle Printz.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.

Sur article 52 et état B

Amendements nos II-95 et II-89 du Gouvernement. - Mme la ministre déléguée, MM. Roger Karoutchi, rapporteur spécial ; Jean Arthuis, président de la commission des finances, André Vézinhet. - Adoption des deux amendements.

Amendement no II-60 rectifié de Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. - Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis ; M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial ; Mme la ministre déléguée, M. Daniel Raoul. - Adoption.

M. Guy Fischer.

Adoption des crédits modifiés de la mission « Ville et logement ».

Article 93

MM. Roland Muzeau, André Vézinhet.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 93

Amendement no II-93 du Gouvernement. - Mme la ministre déléguée, MM. Roger Karoutchi, le rapporteur spécial ; Guy Fischer, le président de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Philippe Richert

Solidarité et intégration

MM. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances ; Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Guy Fischer, Mmes Gisèle Printz, Isabelle Debré, Raymonde Le Texier ; M. Jean-Pierre Godefroy.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité ; MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.

Sur l'article 52 et état B

Amendement no II-90 du Gouvernement. - Mme la ministre déléguée, M. le rapporteur spécial, Mme Raymonde Le Texier. - Adoption.

Adoption des crédits modifiés de la mission « Solidarité et intégration »

Article 88

M. Guy Fischer.

Amendements nos II-61 de M. Louis Mermaz et II-68 de M. Guy Fischer. - Mme Raymonde Le Texier, MM. le président de la commission, Guy Fischer. - Irrecevabilité des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 89

Amendements identiques nos II-69 de M. Guy Fischer et II-71 de M. Jean-Pierre Godefroy. - M. Guy Fischer, Mme Gisèle Printz, MM. le rapporteur spécial, le ministre délégué, Jean-Pierre Godefroy. - Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 89

Amendement no II-12 rectifié de Mme Bernadette Dupont. - Mme Marie-Thérèse Hermange. - Retrait.

Santé

MM. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial de la commission des finances ; Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; Mme Anne-Marie Payet, MM. Jean-Pierre Godefroy, Jean-Pierre Cantegrit, Georges Othily, Guy Fischer, Roger Madec.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités.

Sur l'article 52 et état B

Amendement no II-91 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur spécial. - Adoption.

Amendement no II-18 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre. - Retrait.

Amendements identiques nos II-17 de la commission et II-10 de M. Alain Milon, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur spécial, le rapporteur pour avis, le ministre, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Jean-Pierre Godefroy, Guy Fischer, Pierre André. - Adoption des deux amendements.

Adoption des crédits modifiés de la mission « Santé »

3. Retrait de l'ordre du jour de questions orales

4. Transmission d'un projet de loi

5. Dépôt d'un rapport d'information

6. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à midi.)

1

PROCÈS-VERBAL

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Art. 80 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Deuxième partie

Loi de finances pour 2006

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Sport, jeunesse et vie associative

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 98, 99).

Sport, jeunesse et vie associative

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 52 et état B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » (et article 89 bis)

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Michel Sergent, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission ministérielle que nous examinons aujourd'hui est atypique. C'est une mission de faible ampleur, qui ne représente que 0,3 % de l'ensemble des crédits budgétaires, mais elle est au coeur de la passion de nos concitoyens : la passion pour le sport et la passion de la jeunesse désireuse de s'investir et de s'épanouir. Elle participe aussi aux priorités gouvernementales, avec le soutien à l'emploi associatif et l'implication dans les nouveaux contrats d'avenir et contrats d'accompagnement vers l'emploi, dont on attend la création de 45 000 emplois dans le secteur associatif.

Dans un contexte budgétaire pour le moins tendu, cette mission apparaît assez « bien lotie ». Les moyens consolidés à périmètre constant, incluant les crédits du futur centre national de développement du sport, le CNDS, et le futur fonds pour le plan de développement du sport, sont en effet en augmentation de près de 6 %. Ce traitement de faveur rend d'autant plus nécessaire la mise en place d'une logique d'objectifs et de performance, celle de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, dont 2006 est la première année d'application. Je commencerai donc par cet aspect déterminant, sur lequel votre ministère a été en pointe.

Le ministère avait été désigné comme ministère pilote et dispose donc d'une certaine expérience. L'avant-projet annuel de performance de fin 2004 s'était néanmoins révélé très perfectible. De réels progrès ont été réalisés et vous avez opportunément tenu compte, monsieur le ministre, de plusieurs recommandations qui avaient été formulées par la commission des finances. Les indicateurs les moins pertinents ont été supprimés ou révisés, et l'ensemble se révèle assez satisfaisant, avec des objectifs clairs et recouvrant l'essentiel des dimensions du ministère. Le nouveau document budgétaire se révèle beaucoup plus lisible, et les justifications au premier euro des crédits sont précises et bien argumentées.

Il subsiste néanmoins une grosse lacune, qui s'apparente même à un retour en arrière par rapport au projet de fin 2004 : le programme de soutien est en effet surdimensionné, puisqu'il représente plus de la moitié des crédits et rassemble l'ensemble des rémunérations. La commission des finances considère qu'il porte atteinte au principe de fongibilité asymétrique.

Une autre réforme importante directement liée à la LOLF est la création du CNDS. Elle est conforme aux conclusions des états généraux du sport de décembre 2002 et permet de mettre fin à un certain « mélange des genres » par une meilleure distinction entre les actions exerçant un impact local, qui relèvent du Centre, et les actions à vocation nationale, qui sont budgétisées. Je souhaite que ce changement de périmètre contribue aussi à améliorer le processus décisionnel et la consommation des crédits d'investissement.

Je m'interroge toutefois sur la création, au sein du fonds national pour le développement du sport, le FNDS, du fonds dédié au « Grand programme sportif national », alimenté par un prélèvement complémentaire sur les jeux. Les actions que ce fonds financera sont-elles vraiment conformes à la nouvelle répartition des compétences ? J'en doute et je souhaiterais obtenir quelques précisions, monsieur le ministre.

Quant à la stratégie ministérielle de réforme, le ministère s'est impliqué et cet outil n'est pas un nouveau « gadget ». La création de l'Agence française de lutte contre le dopage, l'AFLD, la mise en place de contrats de performance avec les établissements publics, la réorganisation de l'administration centrale, l'effort de formation du personnel ou la rénovation de l'Institut national du sport et de l'éducation physique, l'INSEP, s'inscrivent dans ce processus.

En termes d'évolution des emplois, la contribution du ministère à la baisse des effectifs sera toutefois moindre que par le passé, avec une suppression nette de quinze équivalents temps plein travaillés après quatre-vingt cette année.

J'aborderai à présent les trois grands domaines d'action de votre ministère et je terminerai par le sport.

Les actions en matière de jeunesse et de vie associative sont trop diversifiées et il est parfois difficile de distinguer des axes réellement structurants dans la multitude d'actions du ministère. En outre, les indicateurs du programme révèlent la difficulté de valoriser l'impact réel du ministère sur le secteur associatif. Je relève toutefois de bonnes initiatives : le dispositif « Envie d'agir ! » constitue désormais le label unique pour le soutien aux initiatives des jeunes, la création ou le rétablissement de 130 postes FONJEP - fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire -, l'effort de professionnalisation de l'encadrement associatif ou la réforme de l'Office franco-allemand pour la jeunesse.

Quatre questions demeurent toutefois. Quels résultats peut-on attendre de cette réforme de l'Office franco-allemand pour la jeunesse, l'OFAJ, en particulier en termes de réduction des coûts de fonctionnement ? Des évaluations indépendantes ont-elles été conduites sur le dispositif « Envie d'agir ! » ? Quelles seront les conséquences de la conférence nationale pour la vie associative, lancée le 12 janvier de cette année, mais qui est peu mise en valeur dans le projet annuel de performance ? Quel est le niveau de fréquentation et de satisfaction des nombreux sites Internet dédiés aux jeunes ?

Autre élément important : quelle sera l'affectation des nouveaux moyens attribués à la mission dans le cadre du plan d'urgence pour les banlieues ? Comment les associations de quartier seront-elles revivifiées ?

J'en viens à présent au sport, qui demeure le principal domaine d'action du ministère. Force est de reconnaître que le ministère déploie une certaine activité sur de multiples fronts. J'aborderai les plus importants.

Le ministère porte une attention particulière à la diffusion de la pratique sportive au sein de certains publics cibles. En dépit de moyens accrus et de la création d'un nouveau pôle national de ressources, l'accessibilité des handicapés est encore insuffisante. Les « coupons sport », destinés à soutenir les familles modestes, ont fait l'objet de critiques de la Cour des comptes, qui avait constaté des dérives quant à leurs modalités d'octroi. Les procédures tendent également à créer des retards de paiement au niveau local. La plus grande latitude accordée aux services déconcentrés a-t-elle permis de mettre fin à ces dérives, et ce dispositif peut-il être pérennisé ?

Les fédérations sont les acteurs centraux du service public du sport. Les difficultés financières de certaines d'entre elles peuvent toutefois susciter des inquiétudes, et la féminisation de leurs instances dirigeantes est notoirement insuffisante. Je me félicite toutefois que le ministère ait mis en place un indicateur de suivi de la santé des fédérations et lancé un plan de féminisation.

S'agissant des conflits opposant les collectivités territoriales à certaines ligues et fédérations, on ne peut que souligner le caractère équilibré de l'avis rendu par le Conseil d'État en novembre 2003 : le niveau minimal de capacité d'un stade constitue non pas une norme technique, mais une recommandation commerciale, et n'a donc pas de valeur contraignante.

Le problème de la violence verbale et physique dans le sport me paraît plus préoccupant. Le ministère dispose de moyens insuffisants pour l'enrayer, et les fédérations doivent déployer davantage d'efforts pour contribuer à l'éducation des sportifs et des supporters. Le sport ne doit pas être gangrené par un « laisser-faire » intégral, que ce soit sur le plan économique ou éthique.

Je terminerai par un mot sur la lutte contre le dopage, dont les moyens consolidés seraient en hausse d'environ 5 %. Je m'interroge toutefois sur le niveau précis des crédits qui seront accordés à la future agence.

Monsieur le ministre, l'extension du suivi médical longitudinal et des contrôles inopinés est une bonne chose. Mais la France n'est-elle pas quelque peu isolée, en particulier si l'on considère les dissensions entre l'Agence mondiale antidopage, l'AMA, et certaines fédérations internationales, ou les pressions exercées sur le Parlement italien pour assouplir sa loi antidopage dans la perspective des Jeux de Turin ? Quelle est votre stratégie en la matière, monsieur le ministre ?

Votre ministère s'est donné les moyens financiers, organisationnels et stratégiques pour exercer une action visible sur l'engagement sportif et associatif de nos concitoyens. Comme pour les sportifs de haut niveau, nous en attendons donc des résultats tangibles.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour 2006. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Murat, rapporteur pour avis.

M. Bernard Murat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'aborder l'examen des crédits proprement dits, je souhaite féliciter le Sénat d'avoir adopté en première lecture en mai dernier le projet de loi relatif au volontariat associatif, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur.

Comme vous le savez, le Président de la République a annoncé la création d'un service civil volontaire qui concernera 50 000 jeunes en 2007, pour aider à résoudre la crise dans les banlieues.

Parmi ces 50 000 jeunes, 10 000 devraient relever du statut du volontariat associatif. En votant ce texte en première lecture, le Sénat a, par conséquent, donné un cadre juridique approprié à cette forme d'engagement, au service de l'investissement des jeunes et du développement associatif.

Dans le projet de budget pour 2006, une dotation spécifique d'un million d'euros était initialement prévue pour accompagner la mise en place du dispositif visant à soutenir 1000 projets de volontariat associatif.

Après l'accélération de sa mise en oeuvre, vous nous avez informé, monsieur le ministre, que cette dotation serait augmentée à hauteur de 1,5 million d'euros. Je pense que nous pouvons en être satisfaits.

S'agissant des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », je me réjouis que la participation active du ministère des sports au plan d'urgence annoncé à la suite des violences dans les banlieues aboutisse à une augmentation très significative des crédits. Comme vous l'avez annoncé, monsieur le ministre, le budget du ministère augmente en 2006 de 10,3 % par rapport à 2005, après l'adoption de deux amendements visant à abonder les crédits.

D'une part, après l'adoption d'un amendement dans la première partie du projet de loi de finances, le Centre national de développement du sport bénéficiera de 33 millions d'euros supplémentaires qui renforceront les actions du sport pour tous ainsi que du sport de haut niveau.

D'autre part, les 15 millions d'euros supplémentaires affectés à la mission dans le cadre du plan d'urgence seront ciblés sur le développement d'activités sportives, culturelles et de loisirs dans les quartiers sensibles ; la pérennisation et la professionnalisation des emplois aidés dans le champ du sport et de la vie associative ; le soutien à la structuration des associations, notamment par la formation des bénévoles et le versement d'aides aux associations dans les quartiers sensibles.

Certains de mes collègues s'inquiètent, monsieur le ministre, des modalités concrètes de ciblage de ces crédits et s'interrogent sur les garanties, dont disposent les associations de quartiers les plus impliquées, d'un versement effectif et dans un délai relativement rapide des fonds que vous vous êtes engagés à leur transférer.

En tout état de cause, la participation du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative à la gestion de la sortie de la crise met en lumière l'action quotidienne des milliers d'associations de proximité, qui accueillent, accompagnent et encouragent les initiatives de personnes dont les parcours sont difficiles dans certains quartiers sensibles.

Comme je l'ai souligné dans mon rapport d'information sur le bénévolat, elles sont majoritairement exclues des réseaux de distribution des subventions, monopolisés par les plus grosses structures à dimension nationale. J'espère que la mobilisation générale en faveur des populations des quartiers défavorisés sera l'occasion d'engager une meilleure répartition des fonds distribués, notamment dans le cadre du Centre national de développement de la vie associative, le CNDVA.

L'association du ministère au plan d'urgence démontre également toute la pertinence de la valorisation de la fonction éducative et sociale du sport : le sport doit rester un outil d'insertion sociale. Vous nous le rappeliez, monsieur le ministre, le club sportif doit pleinement jouer son rôle de creuset d'intégration, particulièrement dans les quartiers difficiles.

Si je me réjouis que le programme « Sport » bénéficie en 2006 de la plus forte croissance des crédits, avec 409 millions d'euros, en hausse de plus de 20 % par rapport à 2005, je m'interroge néanmoins sur deux points en particulier.

Alors que, dans le cadre de la politique de la ville, un certain nombre de quartiers sensibles sont en cours de réhabilitation, l'absence de programmation spécifique concernant les équipements sportifs, notamment dans le cadre des plans de cohésion sociale et de rénovation urbaine, ne peut que m'étonner. Monsieur le ministre, vous l'avez dit devant la commission des affaires culturelles, on ne peut plus aujourd'hui se satisfaire de la politique d'essaimage de structures sportives dans les banlieues ou dans les quartiers difficiles. La présence d'éducateurs qualifiés est essentielle.

En outre, la composition tripartite du futur CNDS est une réelle avancée, tant pour le mouvement sportif que pour les élus locaux. Comme j'ai eu l'occasion de vous le dire, je m'étonne que les établissements publics de coopération intercommunale, qui ont en grande majorité opté pour la compétence « Sport », ne soient pas représentés en son sein. Vous avez indiqué que le ministère pourrait choisir de nommer un représentant d'EPCI - établissement public de coopération intercommunale - parmi les personnes qualifiées désignées au sein du conseil d'administration. Pouvez-vous ce matin nous donner des garanties en ce sens ?

Monsieur le ministre, je terminerai mes propos en abordant les crédits de la vie associative.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je suis particulièrement attaché à ce que, dans les associations, les contrats aidés - d'avenir et d'accompagnement vers l'emploi - ne soient pas de nouveaux « emplois-jeunes », sans débouché vers l'emploi.

C'est par conséquent avec une grande satisfaction que je vous ai entendu dire que 3,5 millions d'euros sur les 15 millions du plan d'urgence seraient consacrés à la professionnalisation des postes offerts aux jeunes.

Pouvez-nous préciser les modalités de mise en oeuvre de ces actions ?

Enfin, ayant eu l'occasion de rencontrer un grand nombre de responsables associatifs et de bénévoles sur le terrain, dans le cadre de la mission que m'avait confiée la commission des affaires culturelles, mais également dans ma circonscription, je peux témoigner que beaucoup attendent des réalisations concrètes, dans la suite de la réunion du groupe de travail consacré au bénévolat, dans le cadre de la conférence nationale de la vie associative, et après la publication du rapport d'information que je vous ai remis le mois dernier, tendant notamment à proposer la généralisation d'un « passeport du bénévole ».

Monsieur le ministre, quelles garanties pouvez-vous nous apporter sur ce sujet ?

En conclusion, si nous avons su comprendre l'appel des quartiers en difficultés, n'oublions pas ceux qui sont restés calmes et faisons en sorte qu'ils ne connaissent pas de problèmes à leur tour. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Martin, rapporteur pour avis.

M. Pierre Martin, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme les événements récents dans les banlieues nous l'ont rappelé, les jeunes en France n'ont pas tous les mêmes chances selon leur lieu de naissance et leur famille d'origine.

Les auteurs des violences n'ont pas grand-chose de commun avec les 1 500 élèves de 17 à 25 ans que le Sénat a accueillis le 28 septembre dernier dans le Forum des jeunes pour la citoyenneté, autour du thème « Prenez la parole ».

À l'image de leurs interrogations, notre responsabilité à leur égard est multiple : il faut les protéger, les accompagner, soutenir leurs projets et leur donner les moyens de s'exprimer. C'est l'ensemble de ces préoccupations que traduisent les crédits de la mission consacrés à la jeunesse.

Je me réjouis, comme vous, monsieur le ministre, que, dans le cadre du plan d'urgence pour les banlieues, 11,25 millions d'euros supplémentaires viennent abonder le programme « Jeunesse et vie associative », dont les moyens sont ainsi portés à 136 millions d'euros, en augmentation de 10,5 %.

Vous avez indiqué que 3,5 millions d'euros serviraient à proposer à 2 000 ou 3 000 jeunes issus des quartiers des formations en alternance conduisant à des qualifications professionnelles dans le champ de la jeunesse et du sport. Même si ce chiffre me paraît bien insuffisant, je me félicite que l'on offre ainsi à ces jeunes une perspective d'avenir.

Parce que votre ministère participe pleinement à l'effort qu'a engagé le Gouvernement pour soutenir et développer l'emploi, la montée en puissance de l'édition 2006 des « jobs d'été » et l'ouverture du dispositif « Envie d'agir ! » aux projets débouchant sur une création d'activités associatives ou d'entreprise vont dans le bon sens.

Certains de mes collègues s'interrogent néanmoins sur la possibilité d'associer le ministère de l'emploi au financement du programme « Envie d'agir ! ». Il serait en effet légitime que, s'inscrivant dans une politique globale d'encouragement à la création d'entreprises, ce dispositif bénéficie des outils et des capacités financières de ce ministère.

À titre personnel, je me réjouis des résultats encourageants des instances mises en place pour permettre aux jeunes de s'exprimer, notamment le Conseil national et les conseils départementaux de la jeunesse, créés en 1998, instances reconnues aujourd'hui comme de véritables lieux de parole pour les adolescents. Ces instances sont l'occasion de leur montrer que leur opinion compte.

Je vous rappelle, à cet égard, que le volontariat faisait partie des propositions issues de ces instances.

Je souhaite toutefois vous faire part de deux types de préoccupations qui me tiennent particulièrement à coeur.

La première relaie les inquiétudes d'un certain nombre de mes collègues qui, comme moi, ont été saisis par les associations de jeunesse et d'éducation populaire, en particulier par le président du Comité national des associations de jeunesse et d'éducation populaire, le CNAJEP.

Ces associations ont subi le gel de 10 à 15 % des crédits qui avaient été inscrits à leur profit dans la loi de finances initiale de 2005. Quelles garanties peut-on leur apporter en 2006 ?

La seconde traduit un problème auquel, comme nombre de mes collègues, je suis confronté dans mon département. Je vous rappelle que les centres de vacances, les CV, et les centres de loisirs sans hébergement, les CLSH, permettent aujourd'hui à 4,5 millions de mineurs de bénéficier, à prix modéré, de loisirs éducatifs de qualité, durant les congés scolaires et en dehors des heures de classe.

Aujourd'hui, un jeune accueilli dans un centre de vacances paye environ 49 euros par jour, pour l'hébergement, la nourriture et les activités qu'offre le centre.

Traditionnellement, dans le cadre de leur politique d'aide aux familles, les caisses d'allocations familiales, les CAF, prenaient en charge une partie de ce forfait.

Or, depuis quelques années, elles se désengagent, compromettant la chance des enfants les plus fragiles de partir en vacances ou d'être accueillis hors du temps scolaire dans un centre d'activités. Monsieur le ministre, dans quelle mesure pourriez-vous intervenir auprès du ministère de la famille pour sensibiliser les autorités compétentes sur ce sujet ?

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires culturelles votera bien entendu les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 28 minutes ;

Groupe socialiste, 19 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 8 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 7 minutes.

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Alain Dufaut.

M. Alain Dufaut. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au risque de me répéter, je regrette, cette année encore, que les débats budgétaires consacrés au sport se tiennent en fin de semaine. De plus le report imprévu de cette nuit ne favorise pas la présence massive de nos collègues dans l'hémicycle. C'est dommage pour le sport.

Toutefois, je finis par me faire une raison et j'en viens directement au coeur du débat.

Je n'entrerai pas dans le détail des chiffres, d'une part, parce que ces derniers ont largement été énoncés par les rapporteurs, et, d'autre part, parce que je ne souhaite pas participer à la traditionnelle bataille de chiffres à laquelle nous assistons dans le cadre de ces débats budgétaires, d'autant que la LOLF a bouleversé le mode de présentation du budget, rendant les comparaisons de plus en plus difficiles.

Je retiendrai simplement que, d'un point de vue global, les crédits consacrés au sport sont cette année en nette augmentation, et nous ne pouvons tous que nous en réjouir.

Bien entendu, ces crédits représentent encore une part trop faible du budget général de l'État, mais, là encore, je préfère rester philosophe en me disant qu'il ne faut pas rêver, et que, malgré ses 14 millions de licenciés et près de 30 millions de pratiquants, le sport ne sera jamais, en dépit de vos efforts, monsieur le ministre, reconnu à la mesure de son importance sociale ou économique dans notre pays, au moins d'un point de vue strictement budgétaire.

Il est vrai que le sport doit s'adapter à son temps et ne pas compter, de façon exclusive, sur l'État et sur les collectivités locales pour financer son développement. C'est d'ailleurs tout le sens de la loi du 25 novembre 2004, qui a permis de donner plus de moyens aux clubs français dans les principales disciplines collectives, en allégeant sensiblement la pression sur leur masse salariale.

Cette manière, particulièrement habile et pragmatique de trouver de nouvelles marges de manoeuvre pour le sport professionnel, en l'adaptant au contexte de plus en plus concurrentiel du sport mondial, est à mettre à votre actif, monsieur le ministre.

Il n'en reste pas moins vrai que le sport professionnel, qui représente une vitrine et un vecteur de promotion du sport indispensables, ne doit pas devenir l'arbre qui cache la forêt d'un sport de masse dont le financement serait en baisse. Je sais que vous y veillez, monsieur le ministre. Mais le détail de ce budget nous démontre le contraire.

À cet égard, le projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif, ainsi que les crédits d'un montant de 1 million d'euros prévus dans le projet de budget pour 2006 afin d'accompagner la montée en puissance du dispositif du volontariat associatif vont dans le bon sens, démontrant votre souci de conduire une politique dynamique, volontariste et pragmatique dans ce domaine.

J'observe d'ailleurs que le projet de budget qui nous est soumis cette année comporte beaucoup d'éléments positifs, d'autant que les annonces que vous avez faites récemment devant notre commission ont encore amélioré ce texte.

Il en est ainsi de l'augmentation de la capacité d'intervention du futur centre national pour le développement du sport, le CNDS, afin de mettre en place un grand programme sportif national qui mobilisera 100 millions d'euros sur trois ans, ainsi que du renforcement du soutien aux associations dans les quartiers, dans le cadre du plan d'actions annoncé par le Premier ministre, qui permet d'abonder à hauteur de 15 millions d'euros les crédits du ministère de la jeunesse et des sports.

Ces deux mesures constituent de bonnes nouvelles pour le mouvement sportif et, au-delà, pour la pratique sportive dans son ensemble.

Parmi ces éléments positifs, je souhaite mettre en exergue l'augmentation des moyens du CNDS, qui était très vivement souhaitée par le mouvement sportif et qui permettra de favoriser la construction et la rénovation des équipements sportifs de notre pays, ce qui n'est pas un luxe, loin s'en faut. J'insiste d'ailleurs chaque année sur ce point dans mes interventions, en souhaitant que les EPCI jouent un rôle moteur en matière d'équipements sportifs, notamment en zone rurale.

Cette augmentation permettra également d'honorer les investissements décidés antérieurement dans le cadre du FNDS et de relever l'ensemble des défis auxquels nous sommes confrontés, en particulier dans le domaine de l'emploi.

Toujours à propos du CNDS, j'ai relayé, en commission, les demandes du mouvement sportif relatives au principe de cogestion devant présider à son fonctionnement.

Monsieur le ministre, je suis extrêmement satisfait, comme nombre de mes collègues, de constater la présence d'élus locaux au sein des organes de gestion du futur CNDS, y compris dans les commissions régionales. Ce sont bien, en effet, les collectivités locales qui sont les principaux financeurs de nos équipements sportifs.

Enfin, monsieur le ministre, le fait que vous vous soyez engagé à choisir un représentant d'EPCI parmi les personnalités qualifiées désignées par votre ministère au sein du conseil d'administration répond au souhait que j'évoquais tout à l'heure en ce qui concerne le rôle fondamental des EPCI dans la construction d'équipements sportifs et donc dans l'aménagement du territoire.

Je suis persuadé que l'échelon intercommunal est le plus à même d'assurer un développement cohérent et équilibré de ces équipements dans la ruralité de nos territoires, en particulier pour combler les anomalies que ne manque pas de déceler le rapport de notre excellent collègue Pierre Martin.

Je relève également, au rang des satisfactions, les dispositions que contient ce projet de budget pour faciliter l'accès au sport des personnes handicapées.

L'impact médiatique de plus en plus fort des jeux Paralympiques me semble être un élément moteur décisif pour encourager les sportifs handicapés à pratiquer leur passion en compétition, puis, par l'effet d'entraînement habituel de la compétition sur la pratique de masse, pour permettre aux personnes handicapées de pratiquer, comme les autres, une activité physique. Il serait souhaitable de leur en donner les moyens.

Dans le même esprit, je me réjouis que plus de 4 millions d'euros soient consacrés en 2006 à la promotion du sport féminin. À cet égard, comme je l'ai indiqué en commission, il me semble important qu'une partie non négligeable de cette somme puisse être ciblée sur un public particulièrement sensible : je veux parler des jeunes filles d'origine maghrébine dans les quartiers difficiles, pour lesquelles le sport joue un rôle émancipateur qui est fondamental.

L'actualité récente a braqué les projecteurs médiatiques sur les cités, sur les banlieues. Parmi les mesures de fond à mettre en oeuvre pour tenter de trouver des solutions durables et pour faciliter l'adaptation aux valeurs républicaines, il faut créer ou recréer un partenariat efficace entre tous les partenaires de la politique de la ville et ceux du monde sportif.

Toujours en ce qui concerne le sport féminin, l'élu du sud que je suis ne peut que se réjouir de la montée en puissance, en 2006, du nouveau pôle « sport, famille et pratiques féminines », créé au sein du CREPS PACA.

Monsieur le ministre, permettez-moi de me faire l'écho des préoccupations qu'exprime la direction de cet établissement s'agissant de l'accueil des mineurs en internat sur les sites d'Aix-en-Provence, Boulouris et Antibes. Outre l'architecture ancienne des bâtiments, la question de l'encadrement de ces mineurs par des personnels qualifiés suscite quelques inquiétudes.

D'une manière plus générale, monsieur le ministre, et cela figure incontestablement au rang des grandes réussites de votre action à la tête de ce ministère, votre volonté constante de valoriser les fonctions éducative et sociale du sport doit à mon sens être relevée.

Je me réjouis que cette ambition continue à guider votre action. Mais vous ne serez pas étonnés, mes chers collègues, puisque j'ai récemment eu l'honneur d'être le rapporteur au Sénat du projet de loi relatif au dopage et à la santé des sportifs, que j'insiste une nouvelle fois, aujourd'hui sur le volet « Sport et santé », thématique qui, vous l'avez annoncé, monsieur le ministre, sera privilégiée en 2006.

Ce volet me semble particulièrement important, d'autant qu'il doit être relié à l'objectif de moralisation des pratiques sportives.

Je souhaite ardemment que le projet de loi relatif au dopage et à la santé des sportifs soit définitivement adopté par l'Assemblée nationale avant les jeux Olympiques de Turin, en février 2006, d'autant que cela favoriserait une médiatisation importante de cette avancée législative française, au moment même où l'Italie annonce son intention d'appliquer strictement sa propre législation en la matière.

Avant de conclure, monsieur le ministre, je voudrais évoquer rapidement l'idée saugrenue du président de la FIFA, M. Sepp Blatter, visant à supprimer la traditionnelle cérémonie des hymnes nationaux au début des rencontres internationales de football, sous prétexte que ces hymnes pourraient contribuer à générer des violences dans les stades, et ce à la suite du match de barrage Turquie - Suisse pour la Coupe du monde de football.

Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, que votre réaction immédiate d'hostilité face à cette proposition vous honore, car ce type d'initiative correspond, à mon sens, à prendre le problème de la violence complètement à l'envers. Mettre son drapeau dans la poche, mes chers collègues, c'est abdiquer devant le comportement des voyous des tribunes et la terreur que font régner les hooligans. (Bravo ! et applaudissements sur le banc de la commission.)

M. Paul Blanc. Très bien !

M. Alain Dufaut. Je crois plutôt qu'après la période difficile que nous venons de vivre tout doit être fait, au contraire, pour rétablir le civisme, l'esprit communautaire et le respect des valeurs qui font la grandeur de notre République. Cela passe par la mise en valeur des symboles les plus représentatifs et populaires de notre nation, au premier rang desquels, bien sûr, notre hymne national, La Marseillaise, et notre drapeau, qui sont des éléments constitutifs de l'unité nationale et qui soudent notre territoire à son histoire. Nous avons donc le droit et le devoir, y compris dans le sport, de les transmettre intacts aux générations futures.

Puisqu'il me faut conclure, je voudrais vous assurer, monsieur le ministre, que le groupe UMP votera ce budget avec beaucoup de satisfaction, car il contient suffisamment de motifs de contentement, que j'ai d'ailleurs développés.

Je profite de cette occasion pour vous dire combien nous sommes nombreux sur ces bancs à apprécier votre action à la tête de ce ministère et combien nous prenons du plaisir à travailler avec vous et avec vos services. Soyez-en remercié, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Jacques Pelletier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, comme l'ont souligné plusieurs orateurs, la mise en oeuvre de la LOLF rend difficile, cette année, la comparaison entre la loi de finances initiale pour 2005 et le projet de loi de finances pour 2006. Avec le changement du cadre budgétaire et la définition de nouveaux périmètres, on peut faire dire aux chiffres un peu ce que l'on veut. Souhaitons d'ailleurs que la réforme fasse du budget de l'État une maison de cristal où la transparence et la sincérité seront des principes fondateurs.

S'agissant du budget consacré au sport, à la jeunesse et à la vie associative, on nous dit qu'il est en hausse. En effet, à périmètre constant, les crédits augmenteraient globalement de 4,85 % par rapport à 2005.

Plus particulièrement, le programme 163 « Jeunesse et vie associative », doté de 121,98 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 125,19 millions d'euros de crédits de paiement en 2006, serait en hausse de 1,41 %.

Compte tenu de la difficulté de l'exercice budgétaire que je viens de souligner, je m'en référerai à la réalité de terrain, qui est un bon indicateur de l'intérêt que l'on porte à telle ou telle action. Les bénéficiaires et tous les acteurs du programme précité sont en effet bien placés pour voir ce qui rentre dans leurs caisses et ce qui ne rentre pas.

Alors que les banlieues viennent de traverser une crise qui invite à encourager tous les dispositifs contribuant à la cohésion sociale, on ne peut que regretter l'affaiblissement des moyens consacrés aux réseaux associatifs de jeunesse et d'éducation populaire.

En effet, la réalité n'est pas une augmentation des crédits ni même leur reconduction. La réalité, c'est une réduction drastique des subventions versées à ces associations. En Midi-Pyrénées, les associations membres du Comité régional des associations de jeunesse et d'éducation populaire, CRAJEP, constatent depuis plusieurs années, nous vous en donnons acte, des baisses ou des gels de crédits mettant en péril leur fonctionnement.

Le Conseil du développement de la vie associative, CDVA, doté en 2005 de 7 millions d'euros, n'a finalement bénéficié que de 4,2 millions d'euros. Et que dire des postes du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, les postes FONJEP, qui sont également menacés ! En 2003, on avait annoncé la création de 60 postes, tandis que 100 postes étaient gelés la même année. En 2004, ce sont 80 postes qui ont été fermés. Démentirez-vous ces chiffres, monsieur le ministre ?

D'une façon générale, tout le réseau de l'éducation populaire se sent menacé. À tort ou à raison ? Vous nous l'expliquerez aussi. En effet, au-delà du budget qui nous occupe aujourd'hui, les associations sont soumises, de part et d'autre, à des restrictions financières. Depuis 2002, on peut déplorer la suppression des emplois-jeunes, la réduction régulière des subventions du ministère de l'éducation nationale, la suppression des postes d'enseignants mis à disposition des associations complémentaires de l'enseignement public, la diminution du volet social de la politique de la ville ou encore la diminution importante des crédits de l'État consacrés aux contrats éducatifs locaux.

Monsieur le ministre, vous connaissez bien le rôle joué par ces associations et leur contribution au maintien du lien social. Elles exercent des activités d'intérêt général et, parfois, de service public qui répondent à des besoins bien réels. Les centres de loisirs, les maisons des jeunes et de la culture, les foyers de jeunes travailleurs, les actions de soutien à l'intégration, les animations en milieu rural, les actions culturelles et sportives dans les quartiers, les chantiers de jeunes et les séjours de vacances sont autant de dispositifs qui contribuent à l'intégration des populations à la vie de la cité en favorisant l'accès de tous à la culture et à l'éducation.

Ces outils participent également à un aménagement équilibré du territoire. C'est pourquoi il serait souhaitable que les associations de jeunesse et d'éducation populaire continuent de bénéficier des moyens financiers et humains à la hauteur des enjeux. Le Gouvernement sait trouver l'argent quand il le faut !

Monsieur le ministre, puisqu'il s'agit également de sport dans ce programme, je rappellerai que le Sénat a adopté l'année dernière le projet de loi portant diverses dispositions relatives au sport professionnel. À cette époque, il n'a pas été difficile de faire un cadeau fiscal aux clubs professionnels. En effet, vous avez ouvert la possibilité de rémunérer les sportifs, en partie par un droit à l'image collectif.

Concrètement, le joueur perçoit, d'un côté, un salaire normal assujetti aux cotisations sociales. De l'autre, il touche une redevance liée à l'exploitation de l'image collective qui échappe aux cotisations sociales. Pour les clubs, c'est une manne financière importante, mais, pour l'État, c'est une perte de plusieurs dizaines de millions d'euros. Je n'ai rien contre le soutien aux clubs sportifs, bien au contraire. Vous vous en souvenez peut-être, j'avais souligné à l'époque que « ce soutien ne peut transiger sur un double souci d'efficacité et d'équité. » Surtout, ce sont autant de sommes en moins qui pourraient, en l'occurrence, servir à consolider la vie associative.

Dans ces conditions, compte tenu des priorités qui sont les vôtres et celles du Gouvernement, ce budget ne recevra pas mon soutien ni celui de mes collègues radicaux de gauche, à moins que, au cours du débat, vous ne parveniez à nous convaincre. (M. Jacques Pelletier applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le montant total des crédits ouverts pour le budget de cette mission a été voté ; nous ne pouvons y déroger. Mais vous, monsieur le ministre, vous n'hésitez pas à le faire par un amendement de dernière minute. Ce n'est guère acceptable !

Par ailleurs, le gestionnaire de cette mission pourra, de façon encadrée, effectuer des virements de programme à programme et sera totalement libre pour les transferts entre actions. C'est dire combien les propositions de crédits qui nous sont présentées ne sont pas vraiment assurées. C'est pourtant sur celles-ci que nous devons voter.

De plus, les gels et les annulations de crédits, dont votre ministère est particulièrement victime, sont toujours possibles. De ce fait, nous sommes dans l'expectative. Quelle est la valeur de ce budget ? Monsieur le ministre, vous engagez-vous à ce que la répartition des crédits soit respectée et sur le fait qu'il n'y aura pas d'annulations ? Nous n'oublions pas que cela a été massivement le cas en 2005, à hauteur de près de 10% des crédits prévus. Sans cet engagement ferme, il en va de la crédibilité et de la sincérité de votre budget. Avec nous, les sportifs et le monde associatif attendent votre réponse.

Monsieur le ministre, dans ce débat, il est de tradition de commencer par notre avis sur le sport, ce domaine étant le poste budgétaire le plus important de votre ministère. Je me permettrai, cette année, d'inverser cet ordre. En effet, nous ne pouvons examiner votre budget en oubliant les événements qui se sont déroulés ces dernières semaines et qui ont mis sur le devant de la scène politique et médiatique cette part de la France et de notre jeunesse qui va mal et dont on parle peu : les précaires, les pauvres, les exclus, les dépossédés de tout.

M. Bernard Murat, rapporteur pour avis. On ne parle que d'eux !

M. Jean-François Voguet. Ces événements ont aussi mis à jour l'importance du rôle des associations. Il est dommage que la structure ministérielle et budgétaire ne nous permette pas d'avoir une claire vision de l'intervention gouvernementale en direction de la jeunesse et de la vie associative.

Vous le savez, les actions et les budgets sont noyés dans plusieurs programmes. Il serait temps, me semble-t-il, que nous puissions avoir un vrai débat parlementaire sur ces questions et une réelle lisibilité des politiques menées. C'est une proposition que je vous soumets.

Dans l'analyse de votre budget, les événements que nous venons de vivre sont d'autant plus importants qu'ils sont à l'origine de deux amendements gouvernementaux : l'un renforce votre budget, l'autre l'affaiblit en réduisant votre périmètre de responsabilité.

Le Premier Ministre a même laissé entendre que, ces dernières années, la baisse des aides aux associations avait été une erreur et il a reconnu de réelles discriminations sociales touchant notre jeunesse.

C'est dans cette situation que nous sommes appelés à nous prononcer sur le budget de la jeunesse et de la vie associative.

Tout d'abord, un constat s'impose : il n'est pas beaucoup question des jeunes dans votre budget. Déjà, l'an passé, je vous faisais remarquer, pour le regretter, que l'on parle surtout de la jeunesse dans les débats sur la sécurité. Votre secteur gouvernemental est pourtant essentiel à notre société, à son présent, à son avenir et à sa cohésion. Mais il ne correspond même pas à un programme d'action autonome. Il est joint à la vie associative. Il faut dire que, s'il n'était pas rattaché à cet autre secteur, il serait bien pauvre. On verrait alors combien le roi est nu !

En fait, les financements pour la jeunesse sont éclatés, éparpillés dans différentes missions. Nous sommes face à un essaimage budgétaire qui est la marque d'une politique sans cohérence, sans volonté, bref, sans ambition, et ce ne sont pas les quelques millions supplémentaires qui changeront vos capacités d'interventions !

Avant les récents événements, vous aviez présenté un budget pour la jeunesse et la vie associative d'une grande stabilité. C'est dire que rien ne devait changer vraiment. Les restrictions passées continuaient et l'évolution du coût de la vie allait encore rogner les dépenses.

La hausse de 4 % qui nous est proposée aujourd'hui, aussi significative soit-elle, n'est pas à la hauteur des baisses de ces dernières années et des 8 millions de crédits annulés en novembre. La crise que nous venons de vivre conduit à des dégâts collatéraux qui touchent votre ministère.

En effet, par amendement, le Gouvernement décide de vous retirer la responsabilité de l'intervention gouvernementale dans le domaine de l'innovation et de l'économie sociale. Vous n'aviez déjà pas beaucoup de compétences pour la jeunesse, vous en aurez maintenant moins pour la vie associative ! Nous reviendrons sur cette question lors de la discussion de cet amendement.

Cette vie associative, on en parle beaucoup depuis quelques jours. Nous, nous vous alertions depuis longtemps déjà à son sujet. Il est maintenant urgent d'assurer la sécurisation des subventions qui y sont consacrées. Nous savons tous ici que la vie associative a besoin de durée et de permanence dans son action pour obtenir des résultats.

Cette année, de nouvelles conventions d'objectifs doivent être ratifiées avec les plus grandes associations. Ces partenariats pluriannuels ne sont pas mis en cause ; ils sont même soutenus par certains de vos collègues. Nous souhaiterions avoir des assurances fortes dans ce domaine. Il faudrait, à cette occasion, que le niveau des subventions et leur rythme de versements suivent les engagements pris. Ce ne fut pas le cas au cours de la dernière période. C'est pourquoi je vous fais une proposition pour assurer ce type de financement : ne pourrait-on pas réfléchir à l'équivalent d'un CNDS pour les associations, avec des prélèvements spécifiques pour assurer des ressources durables ?

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, force est de constater que le budget consacré au programme « Sport » n'est pas mieux loti que celui qui est consacré au programme « Jeunesse et vie associative ».

En effet, dans votre projet initial, les crédits du programme « Sport » étaient en baisse. Les députés ayant obtenu d'être écoutés par le Gouvernement, c'est par amendement que celui-ci a rétabli, en partie, les sommes manquantes. De plus, il a décidé d'abonder ce programme d'une partie des fameux 100 millions d'euros que le Premier ministre a décidé de débloquer à la suite des événements que l'on sait. Ainsi, le budget de ce programme laisse apparaître une hausse importante. Mais 110 millions d'euros correspondent à un transfert de l'ex-FNDS. Le total du budget 2005 atteignait 197 millions. La hausse n'est donc que de 2 %, soit quasiment nulle si l'on prend en compte les effets de l'inflation.

Sur ce programme « Sport », je voudrais, sans démagogie, attirer votre attention sur le décalage visible entre les dépenses affectées au sport de haut niveau, qui sont plus de deux fois supérieures à celles qui sont consacrées au sport pour tous. Certes, je ne méconnais pas les réels besoins du sport de haut niveau. Mais ce grand déséquilibre illustre l'étroitesse de votre budget.

En effet, c'est particulièrement sur l'action « Promotion du sport pour le plus grand nombre » que de nouveaux et importants financements seraient nécessaires, sans pour autant que soient réduits ceux qui sont consacrés au sport de haut niveau et qu'il faudrait sans aucun doute augmenter aussi.

Mais, c'est dans le domaine du sport pour tous que les restrictions ont été les plus fortes ces dernières années. Prenons l'exemple des coupons sport mis en place par votre prédécesseur, mon amie Marie-George Buffet.

En 2002, le budget prévoyait d'aider plus de 250 000 jeunes ; aujourd'hui, ils ne seront que 40 000. L'an dernier, vous disiez, monsieur le ministre, qu'il fallait revoir la formule. Pourquoi pas ? Mais rien n'est venu. En revanche, ils sont en voie de disparition. Pourtant, chacun le sait ici - mes collègues maires en particulier -, les activités sportives deviennent une nouvelle frontière de l'exclusion, vécue et ressentie par les plus démunis. Vous le savez, monsieur le ministre, vos efforts, dans ce domaine, ne sont pas à la hauteur des difficultés rencontrés.

Avant de conclure, permettez-moi de regretter le manque d'audace, dans notre pays, pour le sport scolaire, l'éducation physique et sportive.

Je sais que cela ne fait pas partie de vos prérogatives, monsieur le ministre, mais le développement du sport ne peut faire l'économie de ce secteur essentiel. Dans le monde, il n'y a pas de grande nation sportive, sans y trouver un réel investissement dans le secteur de l'activité humaine. Il serait temps que l'on dégage des moyens pour y parvenir, à l'inverse de ce qui s'est fait avec la réforme Fillon.

Finalement, dans ce programme « Sport », lorsque l'on retire le financement des fédérations sportives - et nous nous interrogeons fortement sur leurs actions en faveur du sport pour tous - et diverses dépenses de fonctionnement et d'investissement, qui sont par ailleurs nécessaires, il ne reste que 16 % du budget pour favoriser et soutenir l'action en faveur du sport pour tous. Cela représente cinquante centimes d'euros par habitant et par an. Chacun en conviendra, c'est une somme dérisoire. Vous me répondrez, monsieur le ministre, qu'il y a aussi le budget du Centre national pour le développement du sport, le CNDS. Mais, si l'on retire l'investissement, le total se monte alors à deux euros environ. Est-ce suffisant ? Certainement pas.

Vous le savez, le sport qui se pratique - pas celui que l'on regarde à la télévision et qui rapporte des millions d'euros à certains - est organisé, dans nos villes et nos villages, grâce à une multitude d'associations. C'est là que se forment nos champions, et qu'ils sont repérés ; ce sont des lieux irremplaçables de rencontre, d'échange et de socialisation. Les soutenir devrait être une priorité ministérielle.

En attendant, les associations trouvent leurs financements, d'abord, dans le porte-monnaie de leurs adhérents, puis dans les budgets locaux. Or ces deux sources de financement ont tendance à se tarir sous les coups portés au pouvoir d'achat des familles et aux financements des collectivités locales.

C'est pourquoi nous regrettons que le Gouvernement et votre majorité n'aient pas accepté l'amendement que j'ai déposé, avec mon groupe, dans la première partie du projet de budget.

Nous demandions le renforcement des ressources du CNDS, afin de permettre à ce dernier de financer plus les associations et les équipements sportifs des collectivités locales. M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État nous a répondu que le coût de cette mesure était trop élevé et que les budgets étaient rarement dépensés dans ce domaine. Si tel est donc le cas, monsieur le ministre, comment se fait-il qu'il en soit ainsi ? Que comptez-vous faire pour y remédier ? Les projets des associations et des collectivités locales ne manquent pourtant pas.

Même avec les crédits supplémentaires, dont nous nous félicitons, nous ne pouvons être satisfaits du financement de l'ensemble de cette mission. Nous considérons que ce n'est pas un bon budget.

Votre projet de budget n'est pas à la hauteur des missions qu'il recouvre, ni à la hauteur des besoins et des attentes de notre population et de notre jeunesse. Il ne répond pas à la crise qui se développe dans nos villes.

Depuis des décennies, beaucoup disent qu'il faudrait un budget représentant 1 % du budget de la nation ; je suis de ceux qui soutiennent cette proposition. Son doublement serait une étape raisonnable ; malheureusement, vous ne portez pas cette ambition, monsieur le ministre.

Une nouvelle fois, votre budget ne sert qu'à gérer les affaires courantes, en réduisant d'un côté pour augmenter d'un autre. C'est même à cet exercice que vous souhaitez cantonner dorénavant les parlementaires. Pour ma part, je m'y refuse.

Certes, chacun s'accorde à reconnaître vos capacités de gestionnaire et votre discours volontaire. Cela tient sans doute à votre caractère forgé dans les compétitions internationales.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Assez, monsieur le sénateur !

M. Jean-François Voguet. Malheureusement, derrière vos paroles se cache une action a minima, qui est en parfait accord avec l'ensemble des politiques menées par votre gouvernement. Celles-ci tendent à réduire, ici comme ailleurs, l'action des pouvoirs publics au profit de la sphère marchande. L'argent public n'est, pour vous, qu'un levier pour amorcer la pompe, si l'on peut dire, pour assurer et rassurer d'autres financeurs, y compris, en termes de recherche de profits.

Telle n'est pas notre conception de l'action politique et publique. Vous comprendrez, donc, pourquoi nous voterons contre ce budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Jean-François Lamour, ministre. Mes armes, je les ai rangées en août 1992 ! Cela commence à bien faire !

M. Jean-François Voguet. Cela ne sert à rien de vous énerver, monsieur le ministre !

M. Jean-François Lamour, ministre. Je reste calme, mais je vous dis ce que je pense !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, chaque ministère est concerné par la vie associative, le sort qui est réservé à ses acteurs, les missions déléguées, les gels brutaux, les subventions exceptionnelles.

Le soutien au tissu sportif évoqué par Michel Sergent est effectif, et chacun sait l'engagement dans les quartiers des bénévoles et des animateurs salariés. Chacun mesure l'utilité des pratiques sportives. Mais vous conviendrez qu'il y a d'autres activités, tout aussi épanouissantes.

Huit objectifs sont ici proclamés. Mais où est l'unité de l'action entre tous les ministères ? Dans la répétition à plusieurs voix d'annonces concernant en réalité les mêmes sommes ? Le parlementaire en est réduit à tirer un fil d'Ariane dans le labyrinthe du Minotaure qu'est la LOLF, contrairement à toutes les promesses de transparence.

Le mouvement associatif n'est pas identifié dans ce document budgétaire en tant que partenaire d'approfondissement de la démocratie et passeur du lien social quand il est traité par le morcellement de mesures dispersées.

Corvéable, hier négligé, voire tenu à l'écart, privé de moyens, il est aujourd'hui rappelé à l'ordre face à l'urgence des banlieues en flammes ou aux nuits hivernales qui sont fatales aux précaires.

À cet égard, je citerai des exemples issus de la réalité de terrain qui contredisent les récentes déclarations d'intentions bienveillantes ?

Dans la Seine-Saint-Denis, la galère de ceux qui s'engagent dans la vie associative mérite d'être connue et vue de près. Les associations ne parviennent même pas à vous rencontrer, monsieur le ministre, - elles s'en sont d'ailleurs émues auprès de Dominique Voynet -, et elles attendent un vrai dialogue.

Dans la région Nord-Pas-de-Calais, l'organisation décentralisée des missions est révélatrice. Parmi les huit pôles de développement lancés par les services préfectoraux, on a oublié la jeunesse et les sports, qui ne sont hébergés nulle part.

M. Jean-François Lamour, ministre. Vous avez raison !

Mme Marie-Christine Blandin. Et 135 centres sociaux, qui emploient plus de 260 salariés - des emplois-jeunes en sursis -, se retrouvent face à un État qui, depuis la décentralisation, n'apporte plus que 275 000 euros, quand la région en apporte 819 000 euros; et ils ont vécu l'année noire 2005 avec son cortège de restrictions inexplicables !

Dans tous les territoires, devant la méconnaissance de ce qui se fait, l'excès de contrôles et de paperasses qui induisent parfois des coûts supérieurs aux modestes subventions demandées, c'est l'incompréhension.

Le droit d'association, principe fondamental de notre démocratie, est tant mis à mal que l'on voit Martin Hirsch, président d'Emmaüs, claquer la porte du Conseil national de lutte contre l'exclusion.

Le monde associatif dérange parce qu'il supplée un État qui ne remplit pas sa fonction de protection. Il devient un témoin gênant. Et, pour le faire taire, on criminalise parfois des acteurs solidaires ; je pense à ceux qui donnent à manger aux gens de Sangatte. La solidarité est devenue un délit, au point que l'Europe a dû nous rappeler à l'ordre à propos de l'aide médicale pour les enfants.

L'objectif 1 vise à favoriser une information sur l'économie sociale et solidaire.

Sincèrement, comment croire à la mise en oeuvre de cet objectif qui rendrait hommage à l'ensemble des acteurs de l'économie sociale et solidaire, créatif depuis si longtemps, quand le Premier ministre annonce la suppression de la délégation interministérielle à l'innovation et à l'économie sociales, la DIES ? L'évocation timide d'une future structure légère s'annonce très mal avec la disparition du terme « solidaire » et la désintégration par voie d'amendement du seul budget existant.

S'agissant de cet objectif, on fixe le taux de satisfaction des usagers à 60 %. En fait d'information sur les associations, nous pouvons déjà vous transmettre, monsieur le ministre, l'acte de décès de certaines d'entre elles.

L'objectif 2 vise à évoquer les échanges internationaux de jeunes.

C'est un voeu prometteur et louable, mais quel sort a été réservé aux auberges de jeunesse ? Leurs moyens ont fondu, en 2005, de 71 %, laissant aux collectivités locales du Nord et d'Alsace, par exemple, le soin de combler les désengagements.

L'objectif 3 prétend soutenir les collectivités locales dans la réalisation de leurs projets éducatifs locaux. C'est l'hôpital qui se moque de la charité ! On ne compte plus les associations qui s'en remettent aux collectivités pour aplanir les désengagements de l'État et maintenir hors de l'eau des emplois, des activités et des projets.

L'objectif 5 est consacré aux postes FONJEP, le Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire. Ces postes sont utiles et bienvenus pour renforcer la capacité d'intervention des associations, mais soyons pragmatiques. Un poste FONJEP efficient correspond à un investissement de 35 000 euros à 40 000 euros.

La dotation moyenne de 7 000 euros par poste n'a donc qu'une valeur d'incitation ; il reste tout le parcours administratif laborieux, dévoreur de temps, pour trouver les compléments et rendre l'emploi viable.

L'objectif 7 visant à favoriser l'insertion professionnelle est troublant au regard de la destruction subie par les activités.

On décapite les structures, on pratique la politique de la terre brûlée et, quand il y a un survivant, on lui propose une offre de formation susceptible d'encourager l'insertion professionnelle.

L'annonce d'un complément de 15 millions d'euros ne leurre personne. Qui plus est, la démocratie aurait voulu que chaque parlementaire fût destinataire du détail de ce budget rapporté. Cela nous aurait permis de confronter les chiffres.

Alors que les années noires ont déjà rendu exsangues les têtes de réseaux, rien ne réparera ce qui a été gelé, reporté, dû, promis ; une politique en hoquet, des emplois sacrifiés, des enthousiasmes morcelés suscitent de justes interrogations sur le sens idéologique qui anime cette politique éclatée.

Le Comité national pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d'éducation populaire, le CNAJEP, ce n'est simplement pas, monsieur le ministre, 70 membres qui représentent moins de 15 % des associations nationales jeunesse-éducation populaire. Il représente les forces vives, les associations de la nation, de tous horizons : de l'AROEVEN à la Jeunesse au plein air, des foyers de jeunes travailleurs aux centres sociaux, de la Fédération des oeuvres laïques aux foyers ruraux, des Maisons des Jeunes et de la Culture aux Éclaireurs et aux Francas, de l'UFC aux CEMEA.

M. Bernard Murat, rapporteur pour avis. Et les autres ?

Mme Marie-Christine Blandin. Ces 17 % sont le creuset, le fer de lance d'un vaste mouvement au service de l'épanouissement citoyen.

Stigmatiser les têtes de réseaux, les asphyxier financièrement et renvoyer aux collectivités locales le rôle du filet de secours, quand les niveaux intermédiaires sont meurtris, ce n'est pas faire du « vivre ensemble ».

À l'heure du projet de loi de programme pour la recherche, savez-vous, par exemple, monsieur le ministre, combien de médiateurs scientifiques arbitraient toutes ces structures ? Iront-ils servir au McDo ou encaisser les péages des autoroutes privatisées ? C'est un beau gâchis !

L'objectif 8 tient de la provocation.

Il tend à assurer la pérennisation des emplois associatifs, mais ceux-ci existaient ! Ce sont les gels de crédits de l'État qui les ont fragilisés. La disparition de certains dispositifs, pis, les nouveaux dispositifs mis en place ne peuvent pas s'adresser aux mêmes publics. Ces objectifs devraient prévoir un critère de sincérité. Geler des crédits au mois d'octobre est incompatible avec une volonté de pérenniser l'emploi.

J'en viens à l'annonce de la réintégration des 800 postes mis à disposition du secteur associatif. Cette mesure ne lève en réalité que des soupçons supplémentaires. Quelle compensation financière va prendre le relais ? Une compensation qui soit à la hauteur des salaires existants ou des salaires de débutants ? Pour combien de temps ? Et avec quelle revalorisation ?

M. Bernard Murat, rapporteur pour avis. C'était hier, lors de l'examen du budget de l'éducation nationale !

Mme Marie-Christine Blandin. Si les uns partent alors que d'autres arrivent, comment, dans des délais aussi brefs, garantir la transmission des savoirs et des pratiques ?

Au fond, le gel des crédits de 2005, puis l'annonce de quelques crédits supplémentaires, sont emblématiques d'une pratique de la main de fer qui sort le gant de velours quand on a vraiment dépassé les bornes. Ce gouvernement ferait un piètre jardinier, car l'eau apportée à une plante qu'on a laissée se dessécher des mois durant n'aura jamais l'effet d'une plante ayant bénéficié de soins attentifs, constants et durables.

M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. C'est pour tester sa résistance !

Mme Marie-Christine Blandin. Dans ce jardin qu'est le monde associatif, là où l'on attendait un message de reconnaissance, les millions supplémentaires d'euros ne seront, hélas, que des cailloux stériles ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tels qu'ils figurent dans le projet de budget pour 2006, les crédits de paiement consolidés de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » votés en première lecture par nos collègues députés affichent une augmentation de près de 5 % par rapport à 2005.

La transformation du Fonds national pour le développement du sport, le FNDS en un établissement public administratif, le Centre national pour le développement du sport, le CNDS, dont le périmètre par rapport à celui de l'ex-FNDS a été réduit, en transférant au budget du ministère des sports 110 millions d'euros.

Ainsi, le montant global des recettes prévisionnelles du CNDS pour 2006, ajouté à celui des crédits transférés au budget, s'élève à 290 millions d'euros, soit 150 millions au titre des 1,78 % prélevés sur les recettes de La Française des jeux auxquels il faut ajouter les 30 millions d'euros attendus du prélèvement de 5 % sur les droits de diffusion télévisée des manifestations sportives et enfin, les 110 millions d'euros transférés au budget de votre ministère.

Si l'on compare ces 290 millions d'euros aux 260 millions d'euros de recettes prévisionnelles du FNDS pour 2005, on peut considérer que le compte y est : l'augmentation globale est de 30 millions d'euros et, au final, le budget initial pour 2006 est en hausse de 5 %.

Permettez-moi cependant de formuler deux remarques.

Tout d'abord, il ressort des chiffres annoncés par votre ministère que les recettes réelles du FNDS en 2005 ont été, du fait de l'absence de plafonnement et par le jeu des différents reports, de 288,2 millions d'euros contre 260 millions d'euros, tel qu'initialement prévu, ce qui ramène l'augmentation des moyens consolidés de votre ministère pour 2006 à environ 1 %.

Ensuite, monsieur le ministre, vous avez fait adopter par le Sénat un amendement à l'article 38 du projet de loi de finances qui porte temporairement de 1,78 % à 2 % le taux de prélèvement sur les recettes de la Française des jeux. Cette hausse vous permet certes d'inscrire 23 millions d'euros supplémentaires au titre du budget pour 2006, ce dont nous nous réjouissons bien évidemment, mais je crains que cet effort ne soit encore insuffisant pour faire face aux investissements décidés antérieurement en faveur du FNDS et non encore réalisés à ce jour.

C'est en effet de 30 à 40 millions d'euros par an sur une période minimale de trois ans dont le CNDS aurait besoin, soit au minimum 90 millions d'euros supplémentaires sur cette période, alors que vous n'en prévoyez qu'à peine 70. Cela nous inquiète d'autant plus que les crédits extrabudgétaires du CNDS ont pour principal objet le financement des subventions d'équipement et de fonctionnement allouées par les collectivités territoriales aux associations sportives, et pour elles.

Au final, ce sont donc les collectivités locales qui vont devoir compenser le manque de moyens attribués au CNDS pour remplir ses engagements.

C'est d'autant plus regrettable que les moyens alloués par votre ministère à la promotion du sport de masse ne cessent de baisser depuis trois exercices successifs.

Ainsi, le programme « Sport » n'intervient plus que pour 5 % dans le subventionnement des contrats éducatifs locaux, alors que plus d'un million d'enfants bénéficient dans ce cadre d'une offre d'activités sportives.

Cantonné à un rôle incitatif en la matière, le Gouvernement semble donc avoir fait définitivement le choix du sport professionnel et du sport de haut niveau, au détriment des quinze millions de licenciés et des vingt-six millions de pratiquants.

Si l'on peut se féliciter des 3,75 millions d'euros supplémentaires versés au profit des associations sportives, auxquels il faut ajouter les 11,25 millions d'euros débloqués en urgence pour les associations de jeunesse et d'éducation populaire à la suite des violences urbaines de ces dernières semaines, je ne crois pas, monsieur le ministre, que cette manne supplémentaire soit suffisante pour permettre au secteur associatif de jouer pleinement son rôle d'encadrement des jeunes, notamment dans la pratique d'un sport. En effet, il s'agit bien d'encadrer les jeunes afin de leur permettre d'intégrer les valeurs éthiques du sport tout en leur donnant le goût de la compétition et du dépassement personnel.

S'agissant du programme « Jeunesse et vie associative », doté de 125 millions d'euros, auxquels il faut ajouter les 11,25 millions d'euros débloqués en urgence, les moyens attribués au secteur de la jeunesse et de l'éducation populaire pour 2006 constituent sans aucun doute la portion congrue de ce budget.

Que devons-nous penser quant à la sincérité des moyens avancés pour la jeunesse et l'éducation populaire, alors même que près de 50 millions d'euros ont été purement et simplement annulés à la fin du mois d'octobre dernier dans le budget « Sport, jeunesse et vie associative » de l'exercice 2005 ?

Les associations de jeunesse et d'éducation populaire ont en effet été les premières touchées par ces annulations de crédits, qui, combinées à l'arrêt des emploi-jeunes et au désengagement de l'État dans son soutien à l'emploi associatif, ont entraîné des cessations d'activités pour déjà plus d'un millier d'entre elles.

En raison des fonctions civiques, sociales et éducatives qu'elles remplissent, ces associations jouent pourtant un rôle indispensable dans une société qui doute jusqu'à parfois se décomposer, comme en témoignent les événements récents. Aujourd'hui, c'est l'ensemble du secteur associatif qui est sinistré par les gels puis les annulations de crédits intervenus l'an passé. Les centres de vacances et de loisirs, les 30 000 associations du réseau de la Ligue de l'enseignement, les maisons des jeunes et de la culture, qui sont pourtant directement au contact des jeunes issus des quartiers difficiles, les foyers de jeunes travailleurs, les FRANCAS, ou les Francs et franches camarades, les CEMEAS, ou les centres d'entraînement aux méthodes de pédagogie active, les associations complémentaires de l'éducation nationale, les associations culturelles - et la liste est encore longue - démarrent toutes l'année 2006 dans des conditions de survie qui sont indignes des missions d'intérêt général qu'elles continuent pourtant d'assumer grâce à la mobilisation de leurs bénévoles.

Précisément, en matière de formation des bénévoles, vous nous avez annoncé en commission un budget renforcé à hauteur de 9 millions d'euros pour le Conseil du développement de la vie associative, le CDVA. Vous l'aviez doté l'année dernière d'une enveloppe budgétaire de 7 millions d'euros, mais seulement 4 millions d'euros ont été effectivement perçus par le secteur de la jeunesse et de l'éducation populaire. Dans ce contexte, quel crédit pouvons-nous accorder aux intentions que vous affichez pour 2006 ?

Nous ne pouvons pas cautionner un tel désengagement du Gouvernement, le montant des subventions attribuées aux associations de votre ressort ayant chuté de plus de 25 millions d'euros depuis 2003.

Dans ce contexte, vous comprendrez que les 15 millions d'euros débloqués en urgence pour les associations sportives, de jeunesse et d'éducation populaire nous semblent très insuffisants pour remobiliser la jeunesse des quartiers et ne pas la conforter dans son sentiment d'abandon.

Les solutions pour sortir les jeunes des quartiers difficiles existent pourtant bel et bien, mais il est vrai que leur mise en oeuvre appelle une mobilisation sans faille du Gouvernement.

Votre ministère, notamment, serait bien inspiré s'il réactivait les conventions pluriannuelles d'objectifs lancées par le gouvernement de Lionel Jospin, lesquelles avaient permis une véritable lisibilité de la politique menée en direction de la jeunesse et de l'éducation populaire.

Le secteur associatif est aujourd'hui demandeur d'une politique continue à son encontre, et non d'un rétablissement au coup par coup de crédits, sous le sceau de l'urgence, et dont on ne sait pas s'ils seront intégralement versés.

Ces moyens supplémentaires sont d'ailleurs sans comparaison avec les exonérations fiscales et sociales que vous avez consenties aux footballeurs professionnels et à leurs employeurs dans le cadre de la loi du 15 décembre 2004 portant diverses dispositions relatives au sport professionnel, laquelle a également remis en cause la fonction de réseau associatif constitué par les fédérations délégataires, puisqu'elle a permis aux sociétés privées de participer, par la voie de l'adhésion, au fonctionnement des associations sportives.

La promotion du sport de haut niveau par votre ministère connaît les mêmes dérives de privatisation rampante et de remise en cause des missions de service public assumées par les fédérations sportives. Ainsi, s'agissant de la rénovation de l'Institut national du sport et de l'éducation physique, l'INSEP, votre budget pour 2006 prévoit que 60 millions d'euros seront investis d'ici à 2008 sur la partie Nord, pour la rénovation et la construction des équipements fonctionnels et logistiques. Bien entendu, nous partageons pleinement votre ambition de doter le pays d'un établissement de renommée internationale, capable de former dans les meilleures conditions les médaillés de demain. Mais votre projet de budget précise que 40 millions d'euros sur les 60 millions d'euros prévus pour la partie Nord feront l'objet d'un partenariat public-privé servant notamment à financer l'hébergement, la restauration et la formation des athlètes.

Nous craignons, monsieur le ministre, que derrière cette méthode de modernisation ne se cache en réalité une privatisation croissante de nombreux services.

Les externalisations consécutives à une telle méthode risquent en effet de se répercuter sur les tarifs appliqués aux jeunes sportifs en formation et, à plus ou moins long terme, de conduire à l'exclusion des catégories sociales les moins favorisées.

D'ores et déjà, à l'image de ce qui se passe dans les centres régionaux d'éducation populaire et des sports, les CREPS, cette privatisation est quasi institutionnalisée puisque l'indicateur n° 2 de performance des CREPS repose, pour 2006, sur leur capacité à générer un maximum de ressources propres.

Vous prévoyez notamment que vingt des vingt-quatre CREPS devront atteindre, en 2006, un taux de ressources propres égal à 90,9 %, l'objectif étant de 100 % pour tous les CREPS en 2008.

J'espère, monsieur le ministre, que vous saurez préserver l'INSEP de ce mouvement de fond, qui, sans compensation financière de l'État, conduira inévitablement à la marchandisation des pratiques pour les publics solvables et à l'exclusion des autres.

Au final, ce sont les collectivités territoriales qui vont de nouveau être mises à contribution quand, dans le même temps, leur soutien à la jeunesse et au secteur associatif ne sera conforté par aucun projet d'avenir et de développement porté au niveau national.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste du Sénat ne votera pas votre projet de budget pour 2006, qui n'est pas à la hauteur des enjeux sociaux et éducatifs que soulève la mise en place d'un vrai projet pour le secteur associatif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d'abord à remercier M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles de l'intérêt qu'ils ont porté à la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

Cette mission, dont le CNDS, bénéficiera en 2006 de moyens consolidés, lesquels, au service des politiques menées dans ces différents domaines, n'auront jamais été aussi importants.

J'ai l'impression que certains épisodes ont échappé à quelques sénateurs. Aussi, je rappellerai en particulier que, grâce à l'adoption de deux amendements, les moyens attribués à cette mission ont augmenté sensiblement. Les autorisations d'engagement dépassent le milliard d'euros - c'est un montant symbolique -, tandis que les crédits de paiement pour 2006 atteignent 972 millions d'euros, soit une augmentation de 11 % par rapport à 2005. Il s'agit d'un engagement fort et d'un effort exceptionnel. Monsieur Voguet, ce sont quatre euros par habitant que nous consacrons à l'action sport, et non un.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous êtes fait l'écho dans vos interventions d'un certain nombre de préoccupations, auxquelles je vais maintenant répondre.

Monsieur le rapporteur spécial, la commission des finances a souligné le volume important du programme support dit « conduite et pilotage ». Cette situation résulte de la nécessité de regrouper l'ensemble des crédits de personnel au sein de ce programme.

Il est en effet apparu, à l'issue des expérimentations menées, que, compte tenu de la taille réduite du ministère, l'éclatement des dépenses de personnel entre les programmes jusqu'au niveau des budgets opérationnels de programmes régionaux mettait en péril la bonne gestion de la masse salariale.

Pour répondre à l'objectif de lisibilité de la LOLF, les dépenses de personnel sont néanmoins individualisées, pour chacun des programmes, au sein d'une action « miroir » dans le programme support. Cela vous permettra d'évaluer la pertinence des moyens engagés au profit des ressources humaines et des moyens d'intervention.

Monsieur le rapporteur, vous avez également évoqué le Grand programme sportif national, qui a fait l'objet de l'amendement voté lors de l'examen de la partie recettes. Ce plan, que j'ai élaboré à la demande du Président de la République et du Premier ministre, s'articule autour de trois axes principaux : le renforcement du rayonnement sportif international de la France, notamment par la construction des équipements sportifs structurants ; le développement de la pratique sportive pour le plus grand nombre ; la préparation optimale de nos élites sportives aux grandes compétitions.

Ce plan se monte à 100 millions d'euros sur trois ans- de 2006 à 2008. Sa dotation est assurée par une augmentation du taux de prélèvement sur les recettes de la Française des jeux, qui sera porté de 1,78% à 2%, représentant une recette supplémentaire de 23 millions d'euros. Le complément sera apporté par l'augmentation de 5 % du produit du prélèvement sur les droits de retransmission télévisuelle.

Pour répondre à votre observation portant sur l'adéquation entre la création de ce fonds et la répartition des compétences entre le CNDS et l'État, je vous confirme, monsieur le rapporteur spécial, que le principe général est que le CNDS finance les équipements sportifs sous maîtrise d'ouvrage des collectivités territoriales ou d'associations, mais en aucun cas des équipements de l'État.

À cet égard, je vous précise que les équipements structurants du dossier de Paris 2012, qui seront aidés dans le cadre du Grand programme sportif national, seront tous des équipements sous maîtrise d'ouvrage de collectivités territoriales, qu'il s'agisse du vélodrome de Saint-Quentin-en Yvelines, de la base nautique de Vaires-sur-Marne, de la piscine olympique de la communauté d'agglomération Plaine-Commune, ou encore du centre de tir de Versailles Satory.

L'amendement que vous avez adopté permettra au CNDS de disposer de moyens, pour sa première année d'existence, qui atteindront au minimum 213 millions d'euros, soit 63 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2005.

S'agissant de la construction des équipements, vous avez fait observer qu'il manquait des moyens pour valider les autorisations de paiement et les mettre en crédits de paiement. Ce basculement s'effectuera également dans la durée. Monsieur Lagauche, nous n'aurons pas à gérer l'ensemble des autorisations de paiement sur 2006. Fort naturellement, ces autorisations de paiement se transformeront en crédit de paiement. Ce sont bien 63 millions d'euros supplémentaires dont bénéficiera le CNDS.

Je rappelle en effet que 110 millions d'euros de l'ex-Fonds national pour le développement du sport ont été réintégrés dans les moyens budgétaires stricto sensu, qui correspondent au financement des politiques nationales- notamment les conventions d'objectifs signées avec les fédérations.

J'y intègre la refondation de l'INSEP, pour lequel 115 millions d'euros seront investis, dont 60 millions d'euros cette année. Il s'agit non pas de privatiser, mais d'offrir des conditions d'entraînement favorables à des athlètes qui s'y consacrent cinq heures par jour durant au moins dix ans, et ce pour leur permettre d'obtenir des résultats. Monsieur Lagauche, ces investissements sont importants. Mais peut-être aurait-il fallu, voilà cinq ou six ans, prévoir la rénovation par phases de l'INSEP, ce qui nous aurait évité d'avoir à nous y employer aujourd'hui en une seule phase.

M. Jean-François Lamour, ministre. En outre, je tiens à confirmer que la qualité de la concertation au sein du CNDS sera préservée.

Monsieur Dufaut, les collectivités territoriales, qui sont des partenaires indispensables pour le développement des politiques sportives, sont présentes au sein de toutes les instances de ce nouvel établissement public.

Monsieur Murat, je vous confirme que je désignerai un représentant d'établissement public de coopération intercommunale parmi les quatre personnalités qualifiées qui siègeront au conseil d'administration du CNDS.

Henri Sérandour, le président du Comité national olympique et sportif français, le CNOSF, m'a confirmé son plein accord avec l'ensemble du dispositif retenu pour la mise en place de cet établissement public.

Parmi les missions prioritaires figure la programmation de nouveaux équipements sportifs. S'agissant du recensement national des équipements sportifs, monsieur Martin - c'est un sujet que vous connaissez bien, et je vous remercie encore une fois de votre contribution -, l'inventaire sera achevé d'ici à la fin de l'année et son outil d'exploitation nous permettra d'engager la réflexion dès les premières réunions du CNDS, sans doute à la fin du mois de mars prochain.

Monsieur le rapporteur spécial, vous avez évoqué également la création de l'Agence française de lutte contre le dopage. Les moyens de cette dernière ne peuvent pas figurer en tant que tels dans le programme puisque le projet de loi n'est pas encore adopté définitivement ; vous l'avez discuté et amendé, mais il n'a pas encore été examiné par l'Assemblée nationale. Il sera adopté, j'en suis convaincu, avant les jeux Olympiques de Turin.

Toutefois, je peux vous confirmer que l'Agence française de lutte contre le dopage sera dotée des moyens budgétaires actuellement affectés au CPLD, le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, et au LNDD, le Laboratoire national de dépistage du dopage, complétés par les crédits actuellement consacrés par mon ministère aux activités de contrôle. Le financement des recherches qui seront conduites par le département des analyses, actuellement inclus dans le budget du LNDD, fera partie des moyens concernés. Je peux donc vous dire, sans être totalement précis, que le budget prévisionnel de l'AFLD devrait être de l'ordre de 7,5 millions d'euros, et je réponds là à la question que vous m'aviez posée.

Quant à la position de la FIFA par rapport au code mondial antidopage, la FIFA s'interroge non pas sur le code, mais sur l'automaticité des peines ; une interrogation demeure donc encore sur ce point, mais je suis convaincu que le tribunal arbitral du sport va régler ce problème avant la fin du premier semestre 2006, donc avant le début de la Coupe du monde, qui se déroulera en Allemagne à partir du mois de juin prochain.

Quant à la discussion entre le CIO et le gouvernement italien sur ce sujet, je suis convaincu que Jacques Rogge, le président du CIO, trouvera un accord avec le gouvernement italien pour que le code soit réellement appliqué pendant la période des jeux Olympiques de Turin.

Venons-en aux politiques en matière de jeunesse.

Sur la question des gels de crédits, je crois utile de rappeler que la nécessité de rétablir nos équilibres financiers s'impose à nous tous. Il a fallu faire des choix, et certaines associations ont effectivement vu leur financement baisser en 2005. Je comprends bien l'inquiétude qui a pu être la leur, sachant qu'on leur avait annoncé 100  pour, finalement, ne leur verser que 70  et, quelquefois, malheureusement, un peu moins. Je reconnais qu'il s'agit d'une difficulté pour les elles, mais j'ai demandé que soit réalisée en 2005 une évaluation des conventions pluriannuelles, avant d'engager en 2006 une nouvelle génération de ces conventions, tenant compte des priorités ministérielles, des perspectives budgétaires et des critères de résultat que nous impose désormais la LOLF.

Je suis naturellement conscient de la nécessité pour les associations d'avoir une bonne lisibilité des concours de l'État dont elles peuvent bénéficier.

En ce qui concerne mon ministère, malgré les mesures de régulation budgétaire intervenues pour respecter la norme d'évolution des dépenses, et en accord avec le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, j'ai fait des crédits destinés aux associations une priorité et obtenu cet été - je réponds ainsi à une question de M. Martin, mais Mme Blandin a également évoqué ce point - le dégel de 7,5 millions d'euros en leur faveur.

Je voudrais vous donner un chiffre : celui de 75 millions d'euros, qui correspond au montant de crédits mobilisés en deux ans, depuis ma prise de fonctions, en faveur du secteur associatif, de la jeunesse et de l'éducation populaire par mon seul ministère.

Concernant plus particulièrement le CNAJEP, je tiens à vous préciser qu'il reste l'un des partenaires historiques du ministère et, à ce titre, mesdames, messieurs les sénateurs, il reçoit les trois quarts des subventions, les deux tiers des postes FONJEP et la moitié des crédits de formation de l'ensemble des bénévoles, soit un total de 22 millions d'euros pour 2005.

C'est, vous en conviendrez -  M. Bernard Murat l'a dit, ainsi d'ailleurs que d'autres orateurs -, un partenaire historique, et il le reste ; encore nous faut-il maintenant déterminer les indicateurs et cette nécessaire évaluation.

L'aide aux associations est une priorité gouvernementale, en particulier dans le cadre de la mise en oeuvre du plan d'actions décidé par le Premier ministre pour aider le travail des associations présentes dans les quartiers. Ce sont celles-là qui nous intéressent, et je sais que vous partagez ce sentiment. Je m'efforcerai naturellement de préserver les crédits concernant ces actions, conformément à une demande que vous avez, les uns et les autres, formulée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur l'utilisation des 15 millions d'euros supplémentaires affectés au ministère au profit des associations. J'envisage trois axes d'intervention.

En premier lieu, ils seront utilisés au développement des activités sportives, culturelles et de loisirs dans les quartiers sensibles, à hauteur de 5 millions d'euros. Ces crédits seront délégués aux services déconcentrés et financeront les actions des associations sportives, de jeunesse et d'éducation populaire dans le cadre de partenariats avec les collectivités territoriales, notamment au travers des contrats éducatifs locaux. Je réunis dans quelques jours les directeurs régionaux de la jeunesse et des sports auxquels je donnerai comme consigne de travailler en étroite collaboration avec les services municipaux, donc avec les maires des communes concernées. Là aussi, c'est à mon avis la meilleure expertise et la plus grande proximité qui nous permettront d'investir, avec la plus grande efficacité, ces moyens supplémentaires.

Monsieur Murat, vous avez souligné l'importance du soutien à l'emploi et à la formation dans les champs de l'animation et du sport. Ce sera un deuxième axe d'intervention, à hauteur de 3,5 millions d'euros.

D'ailleurs, monsieur Dufaut, s'agissant par exemple de l'encadrement des mineurs au sein du CREPS de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, pourquoi ne pas envisager un effort supplémentaire dans le cadre de la formation de personnels afin de mieux encadrer les mineurs dans ces centres d'hébergement et dans le cadre d'un certain nombre de filières, mis en place par le ministère ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, mon objectif est de faire accéder 2 500 jeunes supplémentaires issus des quartiers et titulaires de contrats aidés à des formations en alternance dans le champ de la jeunesse et des sports, conduisant à des qualifications du type brevet professionnel jeunesse et sport et brevet d'État d'éducateur sportif, dont les taux d'insertion dans l'emploi sont excellents - plus de 90 %. Quelque 13 000 brevets sont distribués chaque année par le ministère.

Cette mesure devrait par exemple permettre de répondre aux besoins constatés dans le secteur des maîtres nageurs-sauveteurs, pour lequel il manque au moins 1 000 professionnels concernés, et les élus locaux que vous êtes sont bien placés pour le savoir. Nous avons 1 000 demandes, et pas un jeune à mettre en face de ces emplois qui, vous en conviendrez, valorisent la formation.

Enfin, ces actions seront complétées par un soutien renforcé à la structuration des associations, à hauteur de 6,5 millions d'euros ; ce sera le troisième axe d'intervention. Bien sûr, il s'agit du soutien à la formation des bénévoles au sein du Conseil du développement de la vie associative, dont la dotation sera accrue de près de 30 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2005. Les associations et réseaux nationaux de jeunesse et éducation populaires investis dans les quartiers bénéficieront également d'un financement supplémentaire à hauteur de 2,5 millions d'euros.

Mon ministère s'inscrira dans cette démarche au travers - je tiens à le rappeler parce que c'est, pour moi, une priorité - du développement du volontariat associatif, qui constitue un pilier du service civil volontaire annoncé par le Président de la République. Vous avez d'ores et déjà voté le projet de loi que j'ai présenté. Je doterai de 2,5 millions d'euros le soutien en 2006 au programme de volontariat associatif.

MM. Murat et Sergent ont évoqué la Conférence nationale de la vie associative. M. le Premier ministre annoncera prochainement les mesures retenues par le Gouvernement en faveur du développement de la vie associative. La conférence se tiendra au tout début de l'année 2006, à une date qui devrait être officialisée sous peu.

Concernant, monsieur le sénateur, le passeport du bénévole, qui constitue l'une de vos propositions, il est en cours d'expérimentation au CNOSF. Les premiers résultats seront disponibles au cours du premier trimestre 2006. Ce passeport a notamment pour objectif de pouvoir être utilisé pour la validation des acquis de l'expérience des bénévoles du secteur associatif.

Vous souhaitez savoir, monsieur Sergent, si le dispositif de soutien à l'initiative des jeunes, désormais réuni sous le label « Envie d'Agir », a déjà fait l'objet d'une évaluation. N'est-ce pas là, monsieur Voguet, un dispositif qui s'adresse directement aux jeunes et qui leur permet d'être reconnus dans leur prise d'initiative ? Je vous confirme que ce dispositif fait appel à des personnalités issues de la société civile pour la composition des jurys nationaux et qu'il est développé en parfaite relation avec la Commission européenne. Il s'agit donc d'un dispositif très ouvert sur l'extérieur.

Dans le cadre du programme d'audits de modernisation des administrations, j'ai proposé de réaliser en 2006 un audit portant sur « Envie d'Agir », conduit conjointement par la direction de la modernisation de l'État au ministère du budget et de la réforme de l'État et l'Inspection générale de mon ministère.

Vous m'avez également interrogé sur les différents sites Internet dédiés aux jeunes.

Je vous donnerai un chiffre : le portail « jeunesse.gouv.fr » a fait l'objet de plus de 300 000 visites, et nous n'en sommes qu'à la version 1. La version 2 sera opérationnelle dès le début de 2006 avec un accès par les téléphones mobiles qui, vous en conviendrez, est un accès important.

Quant à la réforme de l'OFAJ, elle est sur les rails. Elle nous a permis de retrouver des marges. L'ensemble des mesures permettra de ramener la part des coûts de fonctionnement en dessous de 25 % du budget, et nous aurons ainsi des capacités d'intervention beaucoup plus importantes que précédemment. J'en conviens, l'OFAJ souffrait un peu de ce manque de capacités.

Enfin, je voudrais répondre à deux questions qui m'ont été posées concernant l'accès aux loisirs sportifs ou culturels des jeunes.

S'agissant de l'accès des jeunes à la pratique sportive, je vous précise, mesdames, messieurs les sénateurs, que cet objectif prioritaire est aujourd'hui mis en oeuvre autour de deux priorités.

Il s'agit, d'une part, de la valorisation des fonctions sociale et éducative du sport par un accompagnement spécifique de clubs sportifs qui mettent en oeuvre des actions en direction des publics les plus fragiles. L'augmentation significative de la part régionale du FNDS a permis de soutenir cette politique ambitieuse.

Il s'agit, d'autre part, du coupon sport, que vous avez évoqué, monsieur Voguet, et qui constitue une aide individuelle. Ce coupon continue d'être utilisé, à titre complémentaire et sur l'initiative des directions départementales de la jeunesse et des sports, en concertation avec le mouvement sportif.

Je rappellerai la problématique des coupons sport : ils étaient mal distribués. Je rappelle également que, quand le coupon sport était donné à la famille, il était donné, au sein de cette dernière, plutôt au garçon qu'à la fille. Les contrats éducatifs locaux - et je rejoins là ce qu'a dit tout à l'heure M. Dufaut - sont de meilleure utilisation pour permettre une mixité et un traitement à égalité des jeunes filles et des jeunes garçons dans l'accès à la pratique sportive. Mais, je vous l'ai dit, à titre complémentaire, ils peuvent faire l'objet d'un maintien dans leur dispositif, la décision revenant, bien sûr, au mouvement sportif accompagné par les directions départementales.

Enfin, monsieur Martin, vous avez exprimé votre inquiétude concernant la politique d'aide aux familles pour l'accès des jeunes aux centres de vacances et centres de loisirs sans hébergement.

La politique de la Caisse nationale d'allocations familiales, la CNAF, est aujourd'hui de recentrer son dispositif, et donc l'implication des CAF, sur les territoires les plus en difficulté. C'est une politique certes plus efficace, mais qui se fait cependant au détriment d'un certain nombre d'autres territoires.

La nouvelle marge de manoeuvre financière offerte par l'augmentation des crédits, dans le cadre du renforcement du plan de cohésion sociale, devrait me permettre d'assouplir cette politique, et donc d'aider un peu plus ces différents dispositifs. Je vous rappelle simplement, monsieur le sénateur, que les CAF sont des organismes indépendants. Je rencontrerai dans les tout prochains jours la présidente de la CNAF, en relation étroite, bien sûr, avec mes collègues Xavier Bertrand et Philippe Bas, pour évoquer un éventuel rééquilibrage des financements des CAF en direction de ces centres de loisirs et de vacances qui - et je partage votre avis sur ce point - sont très importants pour permettre à des jeunes, en période périscolaire, de bénéficier d'un encadrement de qualité et de la transmission des valeurs éducatives et sociales, qu'il s'agisse des activités culturelles ou des activités sportives. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Sport, jeunesse et vie associative
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 89 bis

Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » figurant à l'état B.

état b

Autorisations d'engagement : 829 012 190 euros ;

Crédits de paiement : 758 953 298 euros.

Mme la présidente. L'amendement n° II-87, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Sport

Jeunesse et vie associative

2 959 000

2 959 000

Conduite et pilotage de la politique du sport, de la jeunesse et de la vie associative

Dont Titre 2

130 000

525 000

525 000

130 000

525 000

525 000

TOTAL

130 000

3 484 000

130 000

3 484 000

SOLDE

-3 354 000

-3 354 000

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-François Lamour, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit d'un amendement relatif à la réforme de la délégation à l'innovation sociale et à l'économie sociale, la DIES.

Depuis avril 2004, le périmètre d'intervention de mon ministère intègre la vie associative.

Jusqu'à la fin de cette année, ce sujet était traité par la délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie sociale, qui était, à cet effet, mise à la disposition de mon collègue Jean-Louis Borloo.

Dans le cadre de la réorganisation de mon administration centrale, je m'apprête à créer une nouvelle direction de la vie associative, de l'emploi et des formations, destinée notamment à renforcer l'efficacité des politiques publiques conduites par le ministère en faveur du développement de la vie associative.

Cette nouvelle direction reprendra les attributions actuelles de la DIES en matière de vie associative.

La délégation interministérielle, dont le Premier ministre a annoncé la réforme, se recentrera donc sur les missions liées à l'innovation sociale et à l'économie sociale. Elle sera placée sous l'autorité de mon collègue Jean-Louis Borloo.

Le présent amendement vise à tirer les conséquences budgétaires de cette clarification des compétences ministérielles, ce qui est une très bonne chose.

Il vous est donc proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, de transférer les crédits d'intervention, de fonctionnement et de personnel relevant de l'innovation sociale et de l'économie sociale, depuis la mission « Sport, jeunesse et vie associative » vers la mission « Solidarité et intégration », pour un montant total de 3,484 millions d'euros.

Par ailleurs, dans le même esprit, il y a lieu de rattacher les crédits de fonctionnement du Conseil national de la vie associative, le CNVA, qui figuraient précédemment dans la mission « Solidarité et intégration », à la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour un montant de 130 000 euros.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Sergent, rapporteur spécial. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.

M. Jean-François Voguet. Cet amendement, déposé quelques heures avant l'ouverture de notre débat, a été rédigé dans l'urgence, dans la précipitation et sans aucune consultation. Il montre, à l'évidence, le peu de cas que fait le Gouvernement à l'égard du travail parlementaire.

En effet, en quelques heures, le périmètre de deux ministères est transformé, et les missions budgétaires sont restructurées sur un coin de bureau.

Cette modification de logique de l'action publique est expliquée en trois lignes, et nous devrions nous en satisfaire. Ce n'est pas acceptable. C'est pourquoi nous voterons contre cet amendement.

Par ailleurs, à la lumière du contenu de cet amendement, il apparaît que la crise que nous venons de vivre semble avoir ouvert les yeux du Gouvernement. On dirait que vous découvrez comment vivent un très grand nombre de nos compatriotes et qu'il vous apparaît que l'action gouvernementale menée depuis plusieurs années pose problème.

C'est ainsi que, d'un seul coup, vous restructurez votre administration pour déployer votre action. Une direction disparaît de votre ministère et une nouvelle se crée. Auparavant, les DIES jouaient un rôle important dans la gestion administrative des relations de votre ministère avec les associations.

Pour remédier à cette disparition, vous créez en catastrophe une nouvelle direction, mais sans prévoir aucun moyen supplémentaire, sans avoir consulté qui que ce soit, sans doute même sans respecter les règles administratives en vigueur dans la fonction publique.

Par-delà les motivations de votre proposition, et sans avoir pu réfléchir sérieusement, nous considérons que votre méthode doit être rejetée. Cette seconde raison justifie notre vote contre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le ministre, nous ne pouvons vous soutenir. Nous avons assisté à la disparition du secrétariat d'État à l'économie sociale et solidaire ainsi qu'à celle du terme « solidaire » dans dénomination de la DIES. Nous devons maintenant nous prononcer sur cet amendement de diminution budgétaire, alors que les moyens correspondants n'apparaissent dans aucune autre mission.

Tout cela montre que vous n'avez pas pris la mesure du rôle de l'économie solidaire.

La croissance peine à créer des emplois et, dès que ces derniers sont créés, les délocalisations frappent. L'économie solidaire favorise cette création d'emplois sur le terrain. Ce n'est pas une petite mesure sociale ou un simple portail d'intégration. C'est une alternative économique à part entière d'activités solvables qui répondent à des besoins non satisfaits : cela mérite bien mieux qu'un arrangement de dernière minute.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. Le Gouvernement vient de procéder officiellement à une transformation de la DIES en Délégation interministérielle à l'innovation et à l'expérimentation sociale, qui dissocie désormais les associations des coopératives et des mutuelles.

Annoncée en septembre 2005 par le Premier ministre, cette décision a été prise sans aucun dialogue préalable avec les composantes de l'économie sociale. C'est la suppression d'une référence directe et lisible à l'économie sociale et solidaire, alors que la DIES a constitué une interface appréciée par les mutuelles, les coopératives et les associations. C'est aussi la négation du rôle joué par ce secteur, en termes de création de richesses et d'emplois : 780 000 entreprises employant plus de 1,8 million de personnes et représentant 2 % du PNB.

La nouvelle délégation constitue une traduction des politiques qui cantonne le secteur associatif à du bénévolat ou à des actions subventionnées alors que l'économie sociale promeut l'activité économique avec d'autres règles que celles du marché.

On se trouve bien face à une vision étriquée de l'économie sociale puisque la nouvelle partition de la DIES nie aux associations le droit d'avoir une activité économique et parce que, sur le plan budgétaire, le budget prévisionnel pour 2006 aurait été divisé par deux : 3,4 millions d'euros au lieu des 6 millions d'euros de l'ancienne DIES !

Si l'on peut s'interroger sur le devenir des 3 millions d'euros perdus - s'agit-il du financement du « plan d'innovation sociale » de Jean-Louis Borloo, sous-financé ? -, on constate que le Gouvernement tâtonne beaucoup pour sous-financer la nouvelle DIES : hier soir, à vingt-deux heures - nous ne prendrons pas en compte les polémiques qui entourent ce budget -, le Gouvernement nous a fait parvenir un amendement visant à supprimer les 3,4 millions d'euros attribués au titre de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

Tour de passe-passe défendu au pouvoir législatif, ces crédits sont réaffectés, par l'amendement n° II-90 du Gouvernement, sur la mission « Solidarité et intégration ». Nous voici rassurés : les crédits de la DIES, réduits à peau de chagrin, sont maintenus ! Tout cela n'est pas très respectueux des droits du Parlement.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. M. Lagauche vient d'en faire mention, le Gouvernement a déposé un amendement visant à transférer, à l'euro près, les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » à la mission « Solidarité et intégration », qui viendra en discussion ce soir.

Je dis cela en direction de Mme Blandin, pour qu'elle n'ait pas le sentiment que la commission des finances est favorable uniquement aux soustractions de crédits. En effet, cette commission émettra également un avis favorable sur les suppléments de crédits de la mission « Solidarité et intégration ».

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-87.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. J'appelle en discussion l'article 89 bis, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

Sport, jeunesse et vie associative

Art. 52 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Travail et emploi

Article 89 bis

Sont autorisées, au sens de l'article 61 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les garanties accordées par l'Etat en tant que membre du groupement d'intérêt public dénommé « Coupe du monde de rugby 2007 » prévues à l'article 9 de la convention constitutive de ce groupement d'intérêt public signée par le ministre chargé des sports le 22 octobre 2004. 

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 89 bis.

(L'article 89 bis est adopté.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures quarante, est reprise à quinze heures quarante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale.

travail et emploi

Art. 89 bis
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 52 et état B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Travail et emploi » (et articles 91 et 92).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Travail et emploi » représente un montant de 13,17 milliards d'euros, alors qu'il aurait dû atteindre, selon les dispositions du budget de l'année 2005, 32,61 milliards d'euros.

Cette différence de 19,44 milliards d'euros résulte des exonérations de charges sur salaires des entreprises, qui sont payées par l'État. Une telle somme correspond, pour 10 milliards d'euros, aux compensations des 35 heures et, pour 9,44 milliards d'euros, au paiement par l'Etat des charges sur les salaires dont le montant représente 1,6 fois le SMIC.

Je me permets de vous faire remarquer, monsieur le ministre, que cette somme considérable de 19,44 milliards d'euros ne crée pas un seul emploi. Elle permet tout au plus aux entreprises qui seraient défavorisées par ces charges importantes de ne pas licencier, ce qui, bien sûr, n'est pas négligeable. Néanmoins, j'estime anormal que l'État intervienne, en donnant des subventions, dans le fonctionnement des entreprises, surtout quand il est obligé d'emprunter pour ce faire. Il ferait mieux de réduire leurs impôts, ce qui serait plus normal !

Il me paraît également anormal que, dans la conjoncture actuelle, confronté à un déficit budgétaire qui atteint plus de 40 milliards d'euros, l'Etat accepte de dépenser, sans hésiter, près de 20 milliards d'euros, ce qui représente la moitié du déficit, pour des mesures sans aucun effet sur la croissance.

M. Roland Muzeau. Ça, c'est vrai !

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Le fait que l'État dépense 10 milliards d'euros pour que les salariés ne travaillent pas, alors que la croissance nécessiterait plus de travail, me paraît totalement inadapté à la situation de concurrence que nous subissons.

Que l'on ne veuille pas revenir aux 39 heures, car les 35 heures sont plus agréables, soit ! Mais que l'Etat paie 10 milliards d'euros en faveur d'une telle disposition, alors qu'il n'en a pas les moyens, c'est, me semble-t-il, une grave erreur !

M. Roger Karoutchi. C'est vrai !

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Par ailleurs, en transférant ces 19,44 milliards d'euros à la sécurité sociale, tout en en assumant la charge par le biais de l'article 41 du projet de loi de finances pour 2006, l'État retire au Parlement toute possibilité ultérieure de diminuer cette somme. De surcroît, dès cette année, on aurait pu réduire de 2 milliards d'euros cette dépense, en diminuant le remboursement des charges sur salaires des entreprises. Il aurait suffi d'abaisser le niveau de salaire à partir duquel l'allégement dégressif s'annule, en passant de 1,6 SMIC en 2005 à 1,5 SMIC en 2006. Cependant, on n'en a rien fait !

L'Etat va ainsi traîner éternellement un boulet de 19 milliards d'euros, lequel, d'ailleurs, augmentera chaque année et l'empêchera de réduire le déficit.

J'espère que ces propositions seront réexaminées en vue du projet de loi de finances pour 2007.

Réduit à 13,17 milliards d'euros, le budget de la mission « Travail et emploi », qui est destiné à promouvoir l'emploi, demeure cependant important. J'insiste cependant sur le fait que les mesures proposées, qui concernent exclusivement les chômeurs, négligent totalement les entreprises qui, seules, créent des emplois.

Il me paraît illusoire de vouloir faciliter le retour à l'emploi sans se préoccuper des entreprises, qui sont destinées à créer les emplois qui n'existent pas.

Les aides à l'emploi devraient donc concerner également les entreprises, afin de faciliter leur croissance et les encourager à embaucher. Il est aujourd'hui trop tard pour envisager de telles mesures dans le projet de loi de finances pour 2006. Quoi qu'il en soit, j'espère fortement que l'on y aura recours pour 2007.

En outre, l'effort considérable consenti par l'État pour réduire le chômage - 13,7 milliards d'euros ! - ne me paraît pas d'une extrême efficacité. En effet, tous les emplois créés ne sont pas productifs.

Au demeurant, l'opinion publique ne prend pas en compte cette donnée, puisqu'un récent sondage montre que l'effort du Gouvernement pour réduire le chômage n'est pas considéré comme efficace, du moins jusqu'à présent.

Seule la mesure prise par M. le Premier ministre concernant les nouveaux contrats aidés, laquelle fait un pas en direction de la flexibilité, est efficace, puisqu'elle a déjà créé 200 000 emplois. Et cela ne coûte rien à l'État, ce qui n'est pas négligeable dans la situation actuelle.

C'est pour cette raison que je me permets de vous rappeler, monsieur le ministre, que seule la flexibilité de l'emploi permettra aux entreprises d'embaucher, en leur donnant la possibilité d'adapter leur personnel à leur charge de travail. En outre, une telle mesure n'interdira pas de protéger les chômeurs, en facilitant leur retour à l'emploi. Les maisons de l'emploi de M. Borloo sont d'ailleurs faites pour cela !

Une telle flexibilité n'existant pas aujourd'hui, les entreprises n'embauchent pas. Dans une conjoncture évolutive, la garantie de l'emploi n'existe pas et la rigidité de l'emploi, que nous subissons et qui est chère aux syndicats, n'aboutit en réalité qu'à garantir le chômage.

Plus on empêchera les entreprises de licencier, moins elles embaucheront. C'est dans les pays où la flexibilité de l'emploi est assurée que le taux de chômage est le moins élevé : il est de 5 % au Danemark, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis ou au Canada, alors qu'il atteint 9 % à 10 % en France, laquelle conserve sa rigidité dans ce domaine.

Plus la flexibilité sera grande, plus le chômage diminuera, et plus nombreuses seront les personnes favorables au Gouvernement. Et tout cela ne coûte rien !

Comment se répartissent donc les 13,17 milliards d'euros de ce budget ? Cinq programmes sont prévus : le programme 133 « Développement de l'emploi » se voit affecter 0,88 milliard d'euros ; le programme 102 « Aides et retour à l'emploi » bénéficie de 7,1 milliards d'euros ; le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques » reçoit 4,39 milliards d'euros ; le programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail », 0,08 milliard d'euros ; et le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail », 0,72 milliard d'euros.

Le programme 133 concerne le secteur des hôtels, cafés et restaurants et le développement des services à la personne.

Le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » permet de financer les maisons de l'emploi, les contrats aidés destinés aux publics en difficulté, à savoir, pour le secteur non marchand, les CAE, les contrats d'accompagnement dans l'emploi, et, pour le secteur marchand, les CIE, les contrats initiative emploi.

Par ailleurs, le « contrat d'avenir », destiné aux bénéficiaires du RMI, concerne le secteur non marchand.

Le programme 103 accompagne, grâce à 4,39 milliards d'euros, les mutations économiques, sociales et démographiques. Les principales activités visées sont, notamment, le développement de l'alternance, la réduction des inégalités, l'accès à la formation et à la qualification, et le développement de la mobilité professionnelle.

Il conviendrait de suivre avec attention l'évolution des modalités du financement de l'apprentissage et de ne pas supprimer l'article 18 de ce projet de loi de finances, qui prévoit d'anticiper, en 2006, l'augmentation de la taxe d'apprentissage prévue pour 2007.

Il faut en effet éviter d'affaiblir le dispositif de l'apprentissage, qui constitue un élément fondamental de la politique de réduction du chômage. Au demeurant, il serait utile que les entreprises soient mises dans l'obligation d'utiliser des apprentis, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

La décision de M. le Premier ministre d'abaisser à quatorze ans l'âge de l'apprentissage est une excellente mesure, qui permet de favoriser ce type de formation et de préparer les jeunes à des métiers.

Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi de vous rappeler ma proposition d'une nouvelle répartition des charges sur les salaires, laquelle serait très efficace pour l'emploi et la réduction du déficit de la sécurité sociale.

Il s'agit de créer un coefficient d'activité. En effet, nos coûts de production sont trop élevés par rapport à ceux de nos concurrents, en grande partie à cause des 35 heures, mais aussi à cause des charges sur salaires, qui doublent pratiquement les salaires nets.

Par exemple, pour une entreprise, le coût d'un salarié qui reçoit 1 000 euros nets est de 2 000 euros. Cette charge, qui est supérieure à celle de tous les autres pays, rend nos produits beaucoup moins compétitifs.

En vérité, les salaires supportent des charges qui n'ont rien de social, mais qui ont été imposées peu à peu en tant que moyen de percevoir l'impôt.

Pour cette raison, il conviendrait de distinguer, d'une part, les charges concernant les salariés, notamment les cotisations pour le chômage et la retraite, et, d'autre part, celles qui se rapportent à l'État et qui n'ont aucun rapport avec les entreprises, notamment la sécurité sociale et les allocations familiales. Ces dernières devraient être séparées du salaire et payées autrement. Comme il n'est pas question de mettre l'État à contribution, il convient de trouver le moyen de les faire payer autrement par l'entreprise.

Ma proposition vise donc à créer un coefficient d'activité, qui, associé au chiffre d'affaires de l'entreprise diminué du coût de la masse salariale, permettrait de payer la différence entre les charges totales actuellement prises en charge et celles qui concernent uniquement l'entreprise.

Cette disposition favoriserait, pour un chiffre d'affaires identique, les entreprises employant une main-d'oeuvre nombreuse. Les entreprises réalisant un chiffre d'affaires élevé avec peu de personnel, comme c'est le cas des entreprises de services et des entreprises importatrices, paieraient plus.

Ainsi, les charges sur les salaires diminueraient d'au moins 40 %, ce qui favoriserait les embauches et la compétitivité de notre pays.

S'agissant maintenant de la sécurité sociale, il est difficile d'en réduire les dépenses et impossible d'en accroître les recettes par l'augmentation des charges sur les salaires.

Avec le système que je viens de vous présenter, monsieur le ministre, l'augmentation du coefficient d'activité permettrait d'équilibrer le budget de la sécurité sociale.

Certes, tous les systèmes nouveaux ont des inconvénients. Néanmoins, maintenir le système actuel ne présente que des inconvénients.

En conclusion, monsieur le ministre, même si ce budget est courageux, je pense qu'une partie de ces 13,17 milliards d'euros pourrait être utilisée pour faciliter les investissements d'entreprises innovantes.

La flexibilité favoriserait les créations d'emplois, et ce sans coût supplémentaire.

Le financement des allégements de cotisations sociales, qui représente une dépense de 19 milliards d'euros, devrait être non pas transféré à la sécurité sociale, mais conservé dans le budget de l'Etat, grâce à la suppression de l'article 41 du projet de loi de finances.

Le maintien de l'article 18 du projet de loi de finances favoriserait l'apprentissage.

L'application du coefficient d'activité rendrait les entreprises plus compétitives et permettrait de financer la sécurité sociale.

Monsieur le ministre, j'espère que vous tiendrez compte de ces remarques pour l'élaboration du projet de loi de finances pour 2007. En attendant, au nom de la commission des finances, je vous propose, mes chers collègues, de voter le présent budget. (Applaudissements au banc des commissions.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite débuter mon intervention sur une note d'optimisme : pendant plus de six mois consécutifs, l'année 2005 a été marquée par une baisse du chômage, ce qui n'était pas arrivé dans notre pays depuis plus de quatre ans. Cette amélioration, qui doit bien sûr être confirmée et amplifiée, résulte, selon nous, de la priorité accordée par les pouvoirs publics à la lutte contre le chômage, priorité réaffirmée par M. le Premier ministre, Dominique de Villepin, qui a lancé, dès son arrivée à Matignon, un important plan d'urgence pour l'emploi. Être optimiste, c'est penser que ces résultats continueront en 2006.

Dans un contexte de croissance modérée, une telle embellie sur le front du chômage a pu surprendre. Elle s'explique en réalité, pour moitié, par la montée en charge des nouveaux contrats aidés créés par la loi de programmation pour la cohésion sociale. Si l'année 2006 confirme nos prévisions, l'économie française créera l'an prochain deux fois plus d'emplois que cette année.

Si la situation s'améliore, nous ne devons pas pour autant sous-estimer le chemin qui reste à parcourir pour renouer avec le plein emploi. Pour y parvenir, la majorité doit conforter les réformes structurelles et mobiliser encore le service public de l'emploi.

Entre juin et septembre 2005, conformément à l'engagement pris par le Premier ministre dans la déclaration de politique générale du Gouvernement, tous les jeunes inscrits au chômage depuis plus d'un an ont été reçus à l'ANPE. Le nouvel objectif assigné l'Agence nationale pour l'emploi est de recevoir tous les mois les personnes inscrites sur la liste des demandeurs d'emploi depuis plus de quatre mois, ce qui devrait être plus efficace que les entretiens actuels, qui sont espacés, en moyenne, de six mois.

La commission des affaires sociales suit également avec attention l'évolution des négociations en cours à l'UNEDIC, l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, qui gère le régime d'assurance chômage. Cette dernière connaît une situation financière dégradée, avec 3,3 milliards d'euros de déficit pour la seule année 2005.

Le résultat de cette négociation ne devra pas remettre en cause le rapprochement amorcé entre les différentes composantes du service public de l'emploi, rapprochement qui s'est déjà concrétisé par la création de quarante et une maisons de l'emploi.

S'agissant maintenant du projet de budget de la mission « Travail et emploi », et après l'excellente analyse du rapporteur spécial, notre collègue Serge Dassault, je m'en tiendrai à trois remarques.

En premier lieu, je vous rappelle que le périmètre de ce budget a été profondément modifié par la réforme de la compensation de l'allégement général de cotisations sociales, dite « allégement Fillon ». Il en est résulté que le budget de la mission est passé de 32 milliards d'euros en 2005, à 13,4 milliards d'euros en 2006. Plutôt qu'une dotation budgétaire, c'est un « panier » de taxes et impôts qui est affecté à la sécurité sociale pour compenser 18,9 milliards d'euros de cotisations qui ne seront pas perçues l'année prochaine. La commission des affaires sociales veillera à ce que cette mesure de fiscalisation ne remette pas en cause le principe de compensation intégrale des allégements de cotisations, posé par .la loi Veil de 1994. Nous regrettons que l'amendement qui avait été adopté, sur notre initiative, à l'article 41 du projet de loi de finances, ait disparu à l'occasion d'une seconde délibération.

En second lieu, la commission des affaires sociales a considéré que la mise en oeuvre de la LOLF était satisfaisante. Le découpage de la mission en cinq programmes convient à ses membres, même s'il pourrait sans doute être encore affiné. En particulier, le premier programme, qui n'accueille plus les crédits de la compensation de « l'allégement Fillon », puisqu'ils sont fiscalisés, perd de sa raison d'être et pourrait être regroupé avec d'autres. Le choix des indicateurs de performance, quant à lui, nous a paru globalement pertinent. Il répond aux critiques que nous avions formulées l'an dernier, puisque les quelques indicateurs qui se contentaient de retracer l'évolution des moyens, sans se situer dans une démarche d'évaluation des performances, ont été abandonnés.

Enfin, sur un plan plus politique, il faut souligner que ce projet de budget pour 2006 permet de poursuivre dans de bonnes conditions le financement des grandes orientations de la politique gouvernementale : le plan de cohésion sociale, le plan de développement des services à la personne et le plan d'urgence pour l'emploi se déroulent selon les délais prévus et ne souffrent pas de la rigueur budgétaire qu'impose, hélas ! la situation de nos finances publiques.

Il me reste à vous dire quelques mots au sujet des deux articles rattachés aux crédits de la mission.

L'article 91 prévoit de reconduire, pour un an, l'aide à l'emploi dans les secteurs de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration, dispositif qui devait normalement arriver à expiration au 31 décembre 2005. Il s'agit, selon nous, d'un choix raisonnable, compte tenu du gisement considérable d'emplois que représentent ces secteurs. Monsieur le ministre, disposera-t-on d'une évaluation précise des effets à moyen terme de cette mesure ?

L'article 92 vise à élargir les compétences du fonds de solidarité, pour qu'il puisse verser l'allocation due aux titulaires d'un contrat « nouvelles embauches », dont le contrat est rompu, ainsi que les aides auxquelles ont droit les employeurs qui ont conclu un contrat d'avenir ou un contrat d'insertion-revenu minimum d'activité avec un titulaire de l'allocation spécifique de solidarité. Nous approuvons ces modifications, qui visent simplement à tirer les conséquences de la création de ces nouveaux contrats.

Ces considérations ont amené la commission des affaires sociales à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2006, ainsi qu'à l'adoption des articles 91 et 92 qui y sont rattachés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 40 minutes ;

Groupe socialiste, 20 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 16 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes.

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe, pour chaque discussion, comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Roland Muzeau. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. Roland Muzeau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme d'aucuns le disent à juste raison, il est bien difficile de parler de politique au service de l'emploi de ce gouvernement, tant les décisions successives ont, de fait, conduit notre économie vers plus de difficultés et ont enfermé notre pays dans un chômage de masse et une redoutable précarité.

La publication des derniers chiffres du chômage n'infirme en rien ce constat.

Certes, le Gouvernement affiche aujourd'hui, avec fierté, des statistiques en baisse pour le septième mois consécutif et conclut à l'efficacité de sa politique dans le cadre du plan de cohésion sociale et du plan d'urgence pour l'emploi.

Apprécions à leur juste valeur ces statistiques officielles qui reflètent très partiellement la réalité et conduisent à rendre invisibles nombre de chômeurs.

Portons au débat l'analyse avancée par de très sérieux économistes de la direction des études économiques de BNP-Paribas.

Pour ces derniers, « la baisse du chômage en France depuis avril s'explique surtout par des effets statistiques ». Ainsi se trouve confirmé notre argument selon lequel la définition retenue du chômage ne prend pas en compte les nombreuses situations intermédiaires de sous-emploi entre l'emploi et le chômage total.

Toujours selon cette étude, la baisse sensible du nombre de chômeurs de catégorie 1, catégorie à propos de laquelle le Gouvernement communique beaucoup, masque une augmentation du travail précaire et des reprises d'activité à temps partiel. Entre juin et septembre, le nombre de chômeurs en activité réduite, ceux dont l'activité dépasse soixante-dix-huit heures dans le mois, a augmenté de 53 000.

D'autres facteurs tout aussi objectifs sont rappelés, à savoir la stabilisation de la population active, mais aussi les motifs de sortie de l'ANPE, traduisant une augmentation des formations, ainsi que des radiations pour « absence au contrôle », lesquelles ont augmenté de 8,9 % en un an et comptent au total pour 56 % des sorties de l'ANPE.

S'agissant du contrat « nouvelles embauches », ce dernier n'a pas eu d'impact sur l'emploi jusqu'à présent. La même appréciation peut être faite quant à la relance de l'emploi aidé dans le secteur public, trop récente et pas assez rapide pour compenser la baisse du nombre de contrats emploi-solidarité et de contrats emplois consolidés. Rappelons tout de même que, si 52 000 contrats d'accès à l'emploi et contrats d'avenir ont été créés, presque 100 000 anciens contrats aidés ont été supprimés.

Il convient aussi d'insister sur l'atonie persistante de la croissance et l'absence marquée de redressement des créations d'emplois dans le secteur privé, de déplorer les licenciements et la suppression d'un million de postes dans l'industrie en un an, mouvement destructeur que vous ne parvenez pas en enrayer. En témoigne encore la décision du groupe PSA de renvoyer 2 400 travailleurs intérimaires et sous contrat à durée déterminée de ses usines d'Aulnay, de Poissy, de Mulhouse et de Sochaux, et ce alors même que la productivité a plus que doublé, le nombre de voitures fabriquées par salarié et par an passant de 18 à 42.

Vos choix et les réformes du marché du travail qui sont conduites favorisent ces méthodes patronales, l'utilisation exclusive de l'emploi précaire comme variable d'ajustement, avec un cynisme révoltant.

Vous construisez une société dans laquelle l'emploi stable, correctement rémunéré, qui procure un vrai statut social, garantissant des droits et permettant la construction de projets d'avenir et de vie, n'existe plus.

Qualitativement, la situation de l'emploi s'est fortement dégradée, sous l'effet notamment de l'allégement du coût du travail. Résultat, les normes d'emploi sont destructurées, le salariat est massivement « smicardisé », l'emploi est déqualifié et le travail appauvri, vidé de son sens.

Une note de l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, publiée en juin dernier, relève la responsabilité des employeurs qui utilisent les contrats aidés et, plus généralement, la panoplie d'emplois précaires à leur disposition, à d'autres fins que la réinsertion des personnes éloignées de l'emploi. En privilégiant coûte que coûte le retour à l'activité au détriment de l'insertion professionnelle, vous encouragez ces pratiques.

Ce projet de budget, finançant les mesures du plan « Borloo » et celui du plan « Villepin », ne corrige pas le tir. Pis, il accentue encore le trait. Le contrat « nouvelles embauches » est valorisé, alors qu'il est unanimement condamné par les organisations syndicales qui déplorent elles aussi les dérives permises et l'utilisation de ce contrat par les employeurs en lieu et place du contrat à durée indéterminée. L'effet d'aubaine de votre politique marche à fond et commet des ravages.

Ainsi, l'on compte aujourd'hui 2,5 millions de travailleurs vivant en dessous du seuil de pauvreté et un « sans domicile fixe » sur trois occupant un emploi.

Entre 1983 et 2003, le recours à l'intérim a plus que quadruplé et le nombre de contrats à durée déterminée a été multiplié par plus de six.

Le sous-emploi, entendu par l'INSEE comme le temps partiel contraint, a été, quant à lui, multiplié par huit.

Lutter réellement contre la précarité implique nécessairement de résorber l'emploi précaire, mais aussi de réformer l'ensemble des contrats aidés.

En effet, ces derniers ne laissent souvent pas d'autre choix qu'un temps partiel. De plus, ils n'offrent quasiment pas de perspectives durables : ils ne mènent que très rarement à un emploi pérenne.

Le recours abusif à ces différentes sortes de contrats précaires a fortement perverti les relations de travail dans notre pays.

La multiplication de ces contrats, dont le dernier en date est le contrat « nouvelles embauches », fragilise un peu plus le contrat à durée indéterminée et ses droits afférents.

La multiplication de ces contrats renforce également les liens de subordination du salarié vis-à-vis de l'employeur. Elle encourage le turn over des salariés dans certains secteurs et conduit à tirer vers le bas les conditions accordées aux salariés diplômés et qualifiés entrant sur le marché du travail. Une étude récente montre d'ailleurs le seuil critique franchi au regard des emplois cadres, s'agissant des salaires et rémunérations.

Toujours sous le prétexte de lutter contre le chômage, vous avez parallèlement entrepris de dynamiter le code du travail, de même que certaines avancées jurisprudentielles en matière de protection des salariés licenciés.

M. Roland Muzeau. Je souhaite rappeler les différentes dispositions que vous avez prises : l'autorisation du travail de nuit et le dimanche pour les mineurs en apprentissage, la remise en cause des temps de pause, d'habillage et de transport comme temps de travail avec l'introduction dans le code du travail de la distinction entre temps de travail rémunéré et temps de travail effectif, l'extension à tous les salariés du forfait jour, qui permet de ne plus limiter le temps de travail hebdomadaire, la non prise en compte des salariés de moins de vingt-six ans dans le calcul des effectifs des entreprises de façon à affaiblir la représentation du personnel et, plus généralement, de réduire les droits des salariés - cette mesure était d'ailleurs tellement contestable qu'elle est à ce jour suspendue -, sans oublier, je le répète, la création du scandaleux contrat « nouvelles embauches », qui instaure une période d'essai de deux ans durant laquelle le salarié peut être renvoyé à tout moment sans que son employeur ait à s'en justifier.

Et vous allez encore plus loin, en organisant une véritable chasse aux chômeurs, lesquels sont stigmatisés chaque jour davantage, comme les titulaires du RMI d'ailleurs !

Cette politique de suspicion participe du mépris que vous organisez à l'encontre des travailleurs.

M. Roger Karoutchi. Oh là là !

M. Roland Muzeau. Telles sont les conséquences de votre politique libérale de l'emploi.

La lecture de votre projet de budget reflète ces priorités libérales : pour le programme « Développement de l'emploi », il s'agit de financer les exonérations de charges et les aides consenties aux entreprises sans aucune contrepartie. Malgré les manipulations budgétaires auxquelles vous vous êtes livrés, la politique d'exonérations de cotisations sociales, bien qu'infondée économiquement et dangereuse socialement, demeure prioritaire.

L'abaissement du coût du travail n'a jamais garanti la résorption du chômage.

À ce jour, aucune étude économique n'a fait le lien entre coût du travail et niveau de l'emploi.

Pourtant, ce poste de dépenses consacré aux exonérations générales de cotisations sur les bas salaires « impressionnant et même excessif », dixit notre rapporteur général, M. Marini, augmente encore cette année. L'État doit compenser 21,6 milliards d'euros à la sécurité sociale.

Si la discussion que nous avons eue sur l'article 41 éclaire les positions des uns et des autres, s'agissant, d'une part, des modalités de financement de ces allégements - panier de neuf taxes et impôts affectés à la sécurité sociale, ou TVA sociale - et, d'autre part, de l'attachement variable au principe de compensation intégrale, elle ne change rien quant au fond. Les questions essentielles de l'opportunité, de l'efficacité et de la conditionnalité de ces allégements restent taboues.

Enfin, je dirai quelques mots sur le programme appelé « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail ».

À grand renfort de communication, le Gouvernement a affiché à de nombreuses reprises sa volonté de mieux faire respecter notre législation en matière de droit du travail concernant différents domaines, comme la santé au travail, la lutte contre le travail illégal ou dissimulé, le respect des règles encadrant les procédures de contentieux.

Il y a urgence, en effet, à agir dans ce domaine, car on assiste à la dégradation de la santé au travail, et les conséquences de l'intensification du travail nécessitent de renforcer les pouvoirs et les moyens de contrôle des règles sociales.

Or, au-delà des effets d'annonce, l'État doit légitimer à nouveau son autorité, cesser les attaques contre le code du travail et augmenter très significativement le nombre des inspecteurs du travail.

Nous situant en dessous de la moyenne européenne, nous comptons, depuis 2004, 1 300 inspecteurs ou contrôleurs du travail pour plus de 15 millions de salariés et environ 1,5 million d'entreprises. Je rappelle que, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le groupe communiste républicain et citoyen a demandé la création de 700 postes d'inspecteurs du travail. Nous renouvelons aujourd'hui cette demande.

Manifestement, votre priorité est ailleurs qu'à la réduction des risques professionnels. En témoigne, la circulaire adressée aux préfets, le 29 juillet 2005, au sujet du « renforcement de la mobilisation contre le travail illégal ».

De telles « opérations exemplaires » ont manifestement pour objet, et vous le savez, non pas la lutte contre le travail illégal, mais son instrumentalisation pour donner l'occasion de faire procéder à des reconduites à la frontière et pour participer à un discours ambiant contre les travailleurs immigrés, contre l'immigration.

Pour toutes ces raisons, et parce qu'il ne s'agit en rien de politique de l'emploi dans ce qu'il nous est demandé d'examiner ici, nous ne voterons pas ce projet de budget, qui est en totale inadéquation avec la profonde crise sociale que notre pays traverse. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Travail et emploi » est archétypale - c'est-à-dire emblématique, caractéristique, significative -, et ce à double titre.

Elle témoigne d'un caractère très relatif de sincérité, ce qui jette une ombre sur la sincérité du projet de budget pour 2006 en général.

Alors que cette mission devait apparaître dans les comptes de l'État comme la troisième en termes de crédits alloués, elle n'y figure que comme mission d'importance secondaire. La raison en est facilement intelligible : la plus importante politique de l'emploi s'est vue exclue de son périmètre. Dans ces conditions, comment prétendre sérieusement que « la justification au premier euro » est respectée ?

Les 13 milliards d'euros de crédits de paiement dont font état les documents budgétaires, répartis en cinq programmes, ne rendent compte que de manière très partielle de l'engagement national en faveur du travail et de l'emploi.

Comme le fait remarquer à juste titre le rapporteur spécial, Serge Dassault, « le transfert des exonérations générales de charges sociales à la sécurité sociale est problématique » ; c'est un euphémisme ! Par l'affectation de neuf taxes à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, la première politique en faveur de l'emploi se trouve de fait débudgétisée. La reconstitution de façon cachée, en catimini, d'un nouveau FOREC - tout le monde ici se souvient du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale - est incohérente et prive la représentation nationale d'un débat fondamental. Le FOREC a été supprimé voilà trois ans ; feu le FOREC est aujourd'hui ressuscité. C'est la marque sinon d'une certaine incohérence - le mot est un peu dur -, du moins d'une politique qui se cherche.

Comment ce fonds a-t-il été reconstitué ? Par l'affectation de taxes peu dynamiques. La Haute Assemblée aurait été à notre avis mieux inspirée de remplacer ces neuf taxes par une fraction de TVA déterminée annuellement par le Parlement. Il se serait agi là d'une avancée courageuse vers la mise en place d'une TVA sociale. Alors que les comptes sociaux connaissent toujours une situation difficile, l'amélioration de la réforme du financement de la protection sociale semble une fois de plus manquée. Cela étant, le débat est désormais incontournable.

La représentation nationale ne peut plus discuter, en matière de lutte contre le chômage, de la politique clé que constituent les baisses de charges sociales. Les sept indicateurs « rattachables » à la politique d'exonération de charges ont disparu des projets annuels de performance, et aucun indicateur ne viendra combler ce vide dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous me permettrez une fois de plus, monsieur le ministre, de citer le rapport de la Haute Assemblée : « Les exonérations générales se trouveront ainsi écartées de la discussion budgétaire et de la mesure de la performance, alors que leur coût est élevé et leur efficacité contestable. »

Nous touchons là à la seconde raison pour laquelle la mission « Travail et emploi » nous paraît archétypale : elle témoigne de l'utilité de la « démarche LOLF », mais aussi de ses limites.

En matière de travail et d'emploi, la définition d'indicateurs de performance ainsi que la fixation d'objectifs chiffrés sont une démarche très positive. Mais la construction de ces indicateurs est une gageure. C'est particulièrement vrai pour la première de nos politiques de lutte contre le chômage, celle de la baisse des charges sociales.

Les études existantes se contredisent. Alors que cette politique absorbe près de 60 % des crédits consacrés au travail et à l'emploi, leur efficacité réelle en matière d'emploi peu qualifié est toujours sujette à spéculations. La part des effets d'aubaine est incertaine. Où en est-on de la mesure de la performance des baisses de charges ? Va-t-on continuer à subventionner une politique coûteuse pour l'État et la sécurité sociale sans plus de repères et, je le répète, sans engager de réforme du financement de la protection sociale ? La question est plus que jamais cruciale.

Pour le reste, la mission « Travail et emploi » rend compte de la mise en oeuvre, souvent erratique, des plans de lutte contre le chômage récemment adoptés. Ainsi, le présent projet de loi de finances fait apparaître que la programmation budgétaire de la loi de cohésion sociale n'est pas respectée. Le volet « emploi » du plan Borloo semblerait accuser un retard de 600 millions d'euros.

De même, l'organisation par l'ANPE d'un entretien mensuel pour tous les chômeurs n'est pas financée. Selon mes informations, il manquerait 150 millions d'euros.

Entre précarisation du contrat de travail, liée à la mise en place du contrat « nouvelles embauches », baisse non évaluée des charges sociales et absence de financement des politiques les plus prometteuses, à l'heure où le chômage marque le pas et où l'emploi constitue la première préoccupation de nos concitoyens, c'est une politique plus transparente, plus étayée et plus structurée que les Français sont en droit d'attendre en matière de lutte contre le chômage.

Monsieur le ministre, vous qui êtes notre ancien collègue, je voudrais que vous regardiez cette intervention quelque peu critique comme une contribution au débat. Mes collègues du groupe de l'UC-UDF et moi-même comptons beaucoup sur votre dynamisme et sur votre action pour prendre nos remarques en considération et essayer d'améliorer la situation.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos par une question : la situation de l'emploi en France s'améliore-t-elle vraiment ? Ma réponse est évidemment « non », même si nous souhaitions pouvoir espérer qu'elle fût positive.

Depuis quelques mois, le chômage semble baisser ; selon les derniers chiffres disponibles, on compte 2 358 100 demandeurs d'emplois de catégorie 1, soit 9,7 % de la population active. Je rappellerai que les demandeurs d'emploi étaient 2 140 900 à la fin du mois de septembre 2001, soit un taux de 8,9 %, alors que ce même taux était de 12,3 % en juin 1997.

M. François Autain. C'est bien de le rappeler !

M. Jean-Pierre Godefroy. Aujourd'hui, le chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans atteint 22,9 % ; il est de 30 % à 40 %% dans les villes et les ensembles urbains les plus défavorisés. Les plus de cinquante ans ont un taux d'emploi d'à peine 36,8 %. Seuls les demandeurs d'emplois les mieux qualifiés ont une meilleure chance de trouver un emploi : le chômage est en recul de 6,5 % pour les cadres et de 1,8 % pour les ouvriers qualifiés. Outre sa plus forte précarité, l'emploi féminin reste marqué par un chômage de 11 % sur la durée. Enfin, le chômage de longue durée poursuit une hausse inexorable, avec une augmentation de 18 000 personnes en un an. Vous en conviendrez, monsieur le ministre, le tableau reste très sombre.

Après la politique catastrophique des gouvernements Raffarin dans ce domaine, qui s'est soldée par la destruction de plus de 100 000 emplois, le Premier ministre a lancé avant l'été son plan d'urgence pour l'emploi.

J'évoquerai au passage, monsieur le ministre, la suspension par le Conseil d'État de l'ordonnance relative aux seuils sociaux : je ne peux que m'en féliciter et vous rappeler la mise en garde que je vous avais adressée lors du débat au Sénat. Il pourrait être parfois bon d'écouter le Parlement, notamment son opposition...

Je vous engage donc dès aujourd'hui à entendre les nombreuses mises en garde, émanant y compris du secteur de l'artisanat lui-même, à propos de l'apprentissage à quatorze ans.

M. Jean-Pierre Godefroy. Les annonces faites hier par le Premier ministre me conduisent à réitérer la demande de débat au Parlement que j'avais déjà formulée au mois de juillet, lors de la discussion du projet de loi d'habilitation, pour qu'un texte de loi spécifique soit élaboré sur ce sujet, qui le mérite bien.

Dès le lancement du plan de cohésion sociale, j'ai souligné que l'apprentissage était une voie importante, valorisante, porteuse d'emplois pour les jeunes, et qu'il fallait le développer, mais à la condition de pouvoir en débattre. Vous comprenez que les pressions exercées pour le travail le dimanche, les jours fériés et la nuit pour les apprentis de seize ans - on ne sait toujours pas où en sont les décrets ni la liste des entreprises concernées, mais peut-être allez-vous m'éclairer sur ce point ? - nous incitent à être extrêmement vigilants et à manifester notre opposition en l'état actuel des choses.

Pour en revenir à la situation de l'emploi, les résultats quasi-miraculeux annoncés aujourd'hui doivent être, pour le moins, relativisés.

En ce qui concerne le contrat « nouvelles embauches », le Premier ministre, dès le début du mois de septembre, en annonçait 100 000 comme étant acquis ; nous sommes passés à 200 000 aujourd'hui. Il semble que nous soyons loin de la réalité, et la méthode Coué, si elle a ses vertus, ne remplace pas de véritables emplois. En fait, il ne faut pas négliger l'effet de substitution aux CDD et CDI de ce nouveau contrat, tellement plus avantageux pour l'employeur.

Le basculement de chômeurs en fin de droits ou bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique vers le RMI a augmenté de 6,6 %. La nouvelle convention de reclassement personnalisé, la CRP, ouverte aux salariés licenciés, permet aussi de « sortir » un certain nombre d'entre eux des statistiques du chômage pour les inscrire parmi les stagiaires de la formation professionnelle. Le nombre de radiations des fichiers de l'ANPE a fortement augmenté ces derniers mois : 37 172 radiations en septembre, contre 31 651 en août, et 163 717 sorties pour absence au contrôle. Or on nous annonce que le mouvement va s'intensifier !

Quant aux emplois créés, ils doivent être considérés avec précaution. Ce sont principalement des contrats aidés : après avoir, pendant trois ans, vilipendé et détruit le traitement social du chômage, vous en découvrez l'utilité depuis six mois ; que de temps perdu ! Et 73 % des nouveaux contrats signés sont des contrats précaires, précarité qui ne remplace pas le chômage, mais s'y ajoute : le mitage au long d'une vie de salarié entre le chômage et l'emploi précaire, voire la prestation de services, remplace de plus en plus rapidement l'emploi durable, et cela non plus seulement pour un faible nombre ou pour les emplois sans qualification, puisque cette situation est en passe de se généraliser y compris jusqu'aux cadres.

Cette insécurité de l'emploi a un effet délétère que l'on ne peut négliger. Mais au lieu de la combattre, monsieur le ministre, vous l'institutionnalisez, et plusieurs éléments de ce projet de budget pour 2006 en sont l'illustration.

Je centrerai cependant mon propos sur deux programmes : le programme 133 : « Développement de l'emploi », et le programme 111 : « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail ».

Outre qu'il est difficile de comparer des dotations affectées sous des dénominations différentes, le Gouvernement a profité de l'entrée en application de la LOLF pour se livrer à des modifications de périmètres qui rendent ce projet de budget particulièrement opaque.

Comment ne pas évoquer, d'abord, la question de la compensation des exonérations de charges accordées aux entreprises ? Pour des raisons d'affichage, ces exonérations de cotisations patronales figurent désormais en moins-values de recettes dans la première partie du projet de loi de finances, et non plus en dépenses. J'ai déjà eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises le soutien de mon groupe au principe de la compensation intégrale de ces exonérations à la sécurité sociale, mais mon opposition quant à la méthode. Cette opposition est d'autant plus résolue que le montant de ces exonérations ne cesse d'augmenter et qu'il s'agit désormais d'exonérations générales sur les bas salaires sans que soient exigées de contreparties, notamment en termes d'emplois.

En 2005, le montant était de 17,7 milliards d'euros, soit 55 % des dotations budgétaires ; cette année, le Gouvernement a abaissé le plafond d'exonérations de 1,7 à 1,6 SMIC - la trappe à bas salaires progresse - et on atteindra en 2006 le chiffre de 18,9 milliards d'euros, soit 64,63 % des crédits du programme « Développement de l'emploi ».

En ce qui concerne les exonérations de cotisations sociales patronales aux hôtels-cafés-restaurants, les HCR, elles sont reconduites à hauteur de 390 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 20 millions d'euros de report, dans l'attente d'une hypothétique baisse de la TVA et sans que les emplois promis aient été créés : les meilleurs chiffres que j'aie pu trouver font état d'à peine 13 000 emplois créés. Quant à l'amélioration des salaires des employés et à la baisse des prix promises, il semble qu'aucun effort n'ait été fait.

L'efficacité d'une telle politique de baisse du coût du travail est pourtant contestée par des experts de plus en plus nombreux.

Plus que jamais, les exonérations patronales demeurent l'essentiel de ce que ce gouvernement considère comme une politique de l'emploi.

A contrario, les crédits pour la création et la reprise d'entreprise dans le cadre du dispositif d'encouragement au développement d'entreprises nouvelles, dit EDEN, stagnent à hauteur de 45 millions d'euros - c'est peut-être ce qui explique qu'un amendement a été déposé ! - et la dotation de 13,62 millions d'euros pour la création d'entreprise par des allocataires de l'ASS est transférée dans le programme « Accès et retour à l'emploi ».

En ce qui concerne le programme « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail », vous savez l'importance que j'accorde à la question de la santé et de la sécurité au travail, monsieur le ministre. Grâce à la préparation des prochaines élections prud'homales, qui nécessite de prévoir la passation de plusieurs marchés publics, vous affichez une hausse de près de 28 % des crédits de ce programme par rapport à 2005. Néanmoins, l'effort budgétaire pour 2006 reste modeste : à peine 82 millions d'euros pour l'ensemble du programme.

Je ne peux que me féliciter du recrutement annoncé de dix experts à l'Agence de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, l'AFSSET, qui recevra l'année prochaine une dotation de 8,61 millions d'euros dans le cadre du plan santé-travail, plan qui, présenté en février dernier, est pour le moment sa seule réalisation.

S'agissant de l'inspection du travail, vous me permettrez d'être plus sceptique quant aux moyens supplémentaires annoncés : on compte actuellement environ 1 400 inspecteurs et contrôleurs du travail pour veiller sur 1,5 million d'entreprises et 15 millions de salariés. Encore faudrait-il que l'on connaisse exactement les affectations de ces inspecteurs du travail ! En outre, la déstructuration du droit du travail, le développement du travail précaire et la multiplication des atteintes à la santé des salariés ne facilitent pas la mission de ces personnels, qui craignent notamment d'aliéner leur indépendance et de ne pouvoir respecter leur déontologie. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'ils réclament l'organisation d'états généraux de l'inspection du travail, demande à laquelle j'espère qu'il sera donné suite.

Les risques professionnels se renforcent et ont un coût social et économique de plus en plus lourd. Il nous faut donc être plus vigilants que jamais dans ce domaine.

Pour illustrer les déficiences de la politique française de la santé au travail, il suffit de prendre l'exemple de l'amiante.

Monsieur le ministre, je sais que vous avez pris acte des nombreuses propositions que nous formulons, notamment dans le domaine de la prévention, de la santé et de la sécurité au travail ; j'espère que vous y donnerez rapidement suite, lorsque l'Assemblée nationale aura rendu son rapport.

Plusieurs textes doivent retenir notre attention, monsieur le ministre : la directive Bolkestein sur la libéralisation des services qui, contrairement aux allégations du Président de la République, n'est pas enterrée, porte entre autres dangers de réelles menaces pour la santé et la sécurité des travailleurs.

De même, le programme REACH, portant sur l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, est menacé par des pressions très fortes, relayées jusqu'à l'Assemblée nationale, alors qu'il constitue sans aucun doute un progrès décisif pour la prévention et la santé au travail.

Pour conclure, je voudrais interpeller M. le ministre et dénoncer ici l'initiative scandaleuse - je pèse mes mots - de notre collègue M Jégou, qui propose de fiscaliser les indemnités journalières versées aux victimes d'accident du travail.

M. François Autain. Quelle honte !

M. Jean-Pierre Godefroy. Sous une apparence de mesure fiscale, cet amendement tend en fait à toucher directement au régime fiscal de toutes les prestations sociales et de toutes les indemnités de réparation servies aux victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

C'est le principe de la réparation intégrale qui est remis en cause.

Mme Raymonde Le Texier. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Godefroy. C'est une brèche qui est ouverte, sans qu'aucune concertation avec les partenaires concernés ait été engagée.

En tant que rapporteur adjoint de la mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante, je tiens à vous rappeler que cette disposition, si elle est adoptée, reviendra à fiscaliser les indemnités journalières des victimes de l'amiante.

M. Jean-Pierre Godefroy. Que comptez-vous faire à ce sujet, monsieur le ministre ?

M. Copé ayant refusé une deuxième délibération à notre collègue M. Foucaud, nous sommes dans l'attente : si les choses continuent ainsi, seule une initiative de votre part à l'issue de la commission mixte paritaire pourra régler ce point. Je ne doute pas que vous aurez à coeur de revenir sur cette disposition qui pose véritablement un très grave problème.

Mme Gisèle Printz. Très bien !

M. Jean-Pierre Godefroy. En attendant la construction d'une politique de l'emploi qui soit au service des travailleurs et non des intérêts boursiers, nous ne voterons pas ce projet de budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Janine Rozier.

Mme Janine Rozier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'an dernier, à cette même époque, j'avais présenté les crédits de la formation professionnelle et de l'apprentissage concourant à la politique de l'emploi.

J'avais mis beaucoup d'espoir dans les initiatives du Gouvernement en faveur de la formation qu'il envisageait de promouvoir dans tous les domaines. J'avais notamment fait remarquer que les crédits prévus pour l'apprentissage étaient en augmentation de 50 % et que les crédits des contrats de professionnalisation destinés aux jeunes et aux chômeurs de plus de 45 ans étaient relevés de 22,5 %.

Un an après, quel bilan peut-on tirer de ces initiatives volontaristes ?

Pour ma part, il me semble que, dans le domaine de l'apprentissage, les choses se passent bien. On a en effet enregistré 35 000 entrées en apprentissage en septembre 2005, contre 32 000 en septembre 2004. Vous nous confirmerez ce chiffre, monsieur le ministre ; je crois en tout cas que nous sommes sur la bonne voie en vue de l'objectif de 500 000 apprentis fixé par le plan de cohésion sociale pour l'horizon 2009.

Par ailleurs, il avait été prévu d'associer les branches professionnelles à une politique concertée de l'apprentissage dans le cadre de contrats d'objectifs et de moyens passés entre l'État, les régions et les organismes consulaires.

Ces contrats comportent, outre l'amélioration du statut de l'apprenti, une ouverture à la formation linguistique et culturelle, une ouverture européenne et des dispositions relatives à l'accès au logement. Ce dernier volet est essentiel pour résoudre des situations très difficiles existant dans certaines zones.

Les contrats d'objectifs et de moyens prévoient par ailleurs une augmentation de 20 % à 40 % du nombre de places en centres de formation des apprentis et dans les lycées professionnels, en fonction des besoins des régions.

Sur de telles bases, on peut s'attendre à ce que les entrées en apprentissage augmentent effectivement de 6 % en 2006, conformément aux prévisions.

Le projet de budget pour 2006 prévoit aussi la conclusion de 160 000 contrats de professionnalisation destinés aux jeunes, contre 120 000 l'an passé.

Les crédits associés à ces actions d'insertion professionnelle des jeunes s'élèvent en 2006 à 1,3 milliard d'euros, dont 846 millions pour l'apprentissage.

Ces résultats et ces prévisions sont encourageants.

L'an dernier, je plaçais déjà beaucoup d'espoir dans un changement indispensable en matière d'orientation des jeunes, et je mentionnais les perspectives qu'une véritable valorisation de l'apprentissage ouvre à l'emploi des jeunes.

Je rappelle à cet égard que plus de 80 % des 365 000 apprentis obtiennent un contrat de travail à durée indéterminée dans l'année qui suit leur sortie de formation.

Nous nous trouvons donc en face d'une filière de réussite scolaire et d'insertion dans l'emploi : il faut le faire remarquer.

C'est pourquoi je me réjouis du projet d'ouvrir un apprentissage à partir de l'âge de quatorze ans.

Après les explications qui nous ont été données hier après-midi par M. de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, lors des questions d'actualité au Sénat, il est important que vous nous confirmiez, monsieur le ministre, les excellentes mesures que vous souhaitez engager en faveur de l'apprentissage.

Mme Gisèle Printz. Excellentes ?

Mme Janine Rozier. On parle beaucoup, dans les médias, d'un papy boom et du départ à la retraite de toute la main-d'oeuvre qualifiée, qui va priver nos entreprises d'un savoir-faire inestimable.

N'oublions pas que tous ces ouvriers qualifiés ont été formés à quatorze ans, dès l'obtention du certificat d'études primaires, par les artisans et les entreprises, qui ont démontré en maintes occasions leur capacité à transmettre leur savoir. Et à l'époque, soit dit en passant, tout le monde travaillait 60 heures !

Mme Raymonde Le Texier. Ah, c'était bien...

Mme Janine Rozier. N'oublions pas que les jeunes peuvent, rapidement après un CAP, tenter un BEP puis un BT et même un BTS, à condition, bien évidemment, que l'école leur ait appris à lire, à écrire et à compter avant la classe de quatrième !

Dans le secteur du bâtiment, de nombreux jeunes empruntent avec succès cette filière de formations, et ce depuis longtemps.

Mme Raymonde Le Texier et M. Roland Muzeau. Pas à quatorze ans !

Mme Janine Rozier. Si ! C'est d'ailleurs l'avis de la fédération des créateurs d'emplois et de richesses de France, le CERF, émanation des TPE et PME, qui soutient pleinement l'accès à une vraie formation qualifiante dès l'âge de quatorze ans et affirme que « cette solution a l'avantage de permettre de se projeter dans l'avenir et de construire concrètement, contrairement au système scolaire classique qui, au terme de longues années, arrive à un diplôme trop souvent sans débouchés ».(Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Tout cela devrait nous conforter dans le désir de poursuivre sans relâche le renforcement de l'attractivité de l'apprentissage.

Pour toutes ces raisons, il nous faut maintenant faire évoluer les mentalités de tous ceux qui, depuis des décennies, faisaient de l'apprentissage une voie de garage pour les jeunes en difficulté : parents, enseignants et éducateurs.

Il faut démontrer avec force que l'apprentissage, quel qu'il soit, est une voie d'excellence. De très nombreuses universités et grandes écoles, par exemple l'ESSEC, l'ont déjà compris et ouvrent aux étudiants la possibilité d'acquérir un diplôme d'ingénieur, un DESS ou un master par cette voie.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Oui !

Mme Janine Rozier. Je citerai un autre indice de la montée en puissance de l'apprentissage comme filière de formation : en 2003, les diplômes de l'enseignement supérieur représentaient 13 % des formations préparées en apprentissage, contre 6 % en 1994.

Si nous quittons les sphères de la formation supérieure pour revenir au niveau plus modeste de la plus grande partie des formations préparées, nous devons rappeler à tous ceux qui ont la responsabilité d'ouvrir aux jeunes la voie de l'apprentissage que, pour travailler de ses mains, il faut une tête bien organisée, et que les jeunes n'aimant pas l'école peuvent trouver rapidement une motivation et un épanouissement dans la réalisation de choses concrètes.

M. Paul Blanc. Très bien !

Mme Janine Rozier. Ils ont ainsi la possibilité de trouver dans l'apprentissage la révélation de leur utilité, ce qui leur donne envie de progresser et de construire. Je serais même tentée de dire « de construire et de se construire ».

Il est clair, en effet, qu'en valorisant le travail, en démontrant aux jeunes que tout ce qui bouillonne en eux peut se transformer en quelque chose de concret, de tangible et d'utile, dans des branches professionnelles dont les besoins sont importants voire criants, nous leur apportons une motivation dont beaucoup d'entre eux ont besoin pour construire leur avenir professionnel.

Ainsi l'apprentissage offre-t-il à des jeunes en rupture avec le système scolaire traditionnel une chance de trouver la voie du succès.

Dans cette perspective dynamique, le fait que les deux tiers des cours dispensés en centre de formation des apprentis soient consacrés à l'enseignement général prend tout son sens : il s'agit de former des hommes et des femmes complets.

Je précise « hommes et femmes », parce que je crois indispensable d'attirer davantage les filles vers cette formation : il n'y a pour l'instant que 30 % d'apprentis filles. C'est insuffisant.

Mme Raymonde Le Texier. Les filles, à la couture !

Mme Janine Rozier. Le choix de l'apprentissage est donc une démarche dynamique. C'est aussi une démarche qui est sans risque, du point de vue de l'embauche ; j'ai rappelé le chiffre clé : 80 % des apprentis obtiennent dans l'année un contrat de travail à durée indéterminée.

J'ajoute que cette démarche est aussi payante du point de vue du salaire, puisque le fait d'avoir été apprenti contribue toujours à un gain de salaire mensuel très significatif.

Voilà bien des raisons de poursuivre la mise en valeur de l'apprentissage. Pour y parvenir, il importe de faire évoluer le regard de l'école sur l'apprentissage, de faire en sorte que les collèges entretiennent des relations avec les entreprises pour faire découvrir aux jeunes le monde du travail, à travers des stages d'information et des rencontres ; il faut également sensibiliser les parents aux avantages de l'apprentissage, à commencer par le fait qu'il offre une rémunération tangible ainsi qu'un avantage fiscal au titre de l'impôt sur le revenu. Une campagne de spots à la télévision serait sans doute efficace à cet égard. Il faut aussi régler un certain nombre de difficultés avec les entreprises, notamment la rigidité des horaires perturbant le fonctionnement des entreprises dites « nomades » qui accueillent des apprentis.

Voilà quelques pistes, monsieur le ministre. J'attends avec intérêt de connaître vos intentions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'emploi est la première préoccupation des Français, leur principale angoisse également.

Qui n'a pas aujourd'hui dans sa famille, parmi ses proches, ses amis, plusieurs personnes au chômage ? Qui n'a pas dans son entourage un jeune diplômé brillant qui court de stage en stage sans que l'embauche espérée se concrétise ? Quand l'emploi est là, il est de plus en plus précaire, mal rémunéré, souvent partiel. La croissance du nombre de travailleurs pauvres est à ce titre un indicateur inquiétant de la crise de notre société.

L'emploi, le travail, c'est le vecteur principal d'intégration dans notre société ; c'est une garantie de stabilité, une promesse d'avenir.

Sans travail, on ne trouve pas de logement, on connaît une existence sociale au rabais, la difficulté de faire vivre une famille et d'éduquer des enfants.

Si le travail même ne permet plus de vivre, s'il ne représente plus une garantie d'avenir et une possibilité d'émancipation, s'il se résume juste à donner les moyens de la survie et ne permet plus de maîtriser son présent, de se projeter dans le futur, c'est alors tout notre système de valeur qui est menacé.

Dans de telles conditions, comment redonner espoir aux jeunes et confiance aux familles ?

C'est à cet enjeu-là que nous sommes tous confrontés, et cette bataille ne se gagnera pas à grand coup de communication, tant chacun a les moyens de vérifier au quotidien soit l'amélioration, soit la dégradation de la situation.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, votre enthousiasme à propos de la baisse des chiffres du chômage depuis quelques mois laisse les Français indifférents, voire railleurs, ou rageurs, c'est selon.

M. Roger Karoutchi. Ce n'est pas vrai !

Mme Raymonde Le Texier. J'aurais pourtant préféré que cette baisse soit réelle, tant sont fortes les attentes. Malheureusement, il n'en est rien.

Réussir à faire baisser le chômage et ce sans créer d'emploi, voilà une politique originale, à défaut d'être convaincante.

Si notre économie ne crée pas d'emplois, nos statisticiens, en revanche, font disparaître les chômeurs.

La manoeuvre n'est guère compliquée : il suffit de radier. Le basculement vers le RMI des chômeurs en fin de droit et des bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique y aide beaucoup, de même que les 163 000 sorties pour absence au contrôle enregistrées à la fin de l'été.

La réalité, c'est que le nombre de chômeurs, au sens où l'entend le Bureau international du travail, qui compte ceux qui sont réellement sans emploi et non pas seulement ceux qui sont inscrits à l'ANPE, a augmenté de 254 000 depuis trois ans.

La réalité, c'est que les contrats « nouvelles embauches », les CNE, ont plus favorisé la précarisation du travail qu'ils n'ont créé d'emplois, l'effet de substitution entre CDI et CDD jouant à plein.

Dans le Figaro économie du 17 novembre, on pouvait lire ceci : « Rapportés aux 8 500 postes créés au troisième trimestre, les 100 000 CNE annoncés par Matignon laissent plutôt penser que les dirigeants des entreprises de moins de vingt salariés à qui s'adresse le CNE n'ont pas véritablement créé d'emplois. »

La réalité est que, sans ligne directrice, un empilement de mesures constituera peut-être un plan médias, mais jamais un plan d'action ! De Raffarin à Villepin, la seule chose qui reste stable est l'absence de résultats. (M. Roger Karoutchi proteste.)

Avec pour seules armes une idéologie datée et une volonté exacerbée de revanche, M. François Fillon, alors ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, s'est attaqué à tout ce que la gauche avait mis en place, notamment les 35 heures, les emplois-jeunes ou les contrats aidés.

M. Roger Karoutchi. Ce ne sont pas de véritables emplois !

Mme Raymonde Le Texier. Le résultat ne s'est pas fait attendre : la politique menée a provoqué de nombreuses destructions d'emplois.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, via le plan d'urgence pour l'emploi et le plan de cohésion sociale, a certes réussi, en relançant les contrats aidés, à faire radier des statistiques quelques demandeurs d'emploi.

Mais il a surtout permis à M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, grâce à ses fameux amendements, de mettre à mal le code du travail, un gage réclamé et finalement obtenu par le MEDEF.

Mme Raymonde Le Texier. Aujourd'hui, malgré une certaine satisfaction de façade, le Gouvernement n'a toujours pas de véritable politique de l'emploi. L'examen de votre projet de budget pour la mission « Travail et emploi » l'atteste, monsieur le ministre. Alors que vous communiquez sur des crédits en hausse de 5 % à périmètre constant, de tels chiffres sont, dans les faits, inexacts.

D'abord, le périmètre qui permet d'afficher une telle augmentation est explicitement différent de celui des années précédentes. Surtout, il intègre les allégements de cotisations sociales.

Ainsi, alors que l'on nous promet des moyens supplémentaires, la dépense active pour l'emploi n'augmente en réalité que de 0,35 % en 2006, ce qui, compte tenu de l'inflation, représente en fait une baisse nette !

Au-delà des chiffres, le manque de lisibilité du projet de budget pour la mission « Travail et emploi » est également en cause.

En effet, vous n'annoncez rien de concret, ni sur la sécurisation des parcours professionnels, ni sur le phénomène des travailleurs pauvres, ni sur la précarisation des contrats de travail et les abus du recours aux stagiaires ou à l'intérim massif. En outre, votre projet de budget ne contient que très peu de dispositifs concrets sur l'emploi des seniors ou le droit individuel à la formation dans les petites et moyennes entreprises. Enfin, vous faites totalement l'impasse sur la question du retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux, confrontés aux effets de seuil.

Permettez-moi de vous en fournir une illustration. Les crédits affectés au programme « Accès et retour à l'emploi » sont en légère diminution. Mais la réduction devient notable lorsque l'on s'intéresse à la sous-action « Construction de parcours vers l'emploi durable », destinée aux publics les plus fragiles. Dommage ! Seule l'inscription dans la durée permet que le retour à l'emploi soit le gage d'une insertion sociale réussie.

Par conséquent, les mesures annoncées ne sont financées, pour l'essentiel, que par des redéploiements. La mise en place de nouveaux contrats aidés, calqués sur les initiatives prises en son temps par le gouvernement Jospin, aurait pourtant peut-être mérité davantage de mobilisation.

Le bilan de ces nouveaux contrats aidés est en effet pour le moins mitigé. Alors que 71 300 contrats de qualification, d'orientation ou d'adaptation ont été signés l'an dernier, on en compte seulement 28 400 cette année, avec le nouveau dispositif du contrat de professionnalisation. En outre, seuls 4 000 contrats d'avenir ont été signés sur les 185 000 qui étaient programmés. Pour ma part, je ne prends pas en compte les intentions d'embauche, monsieur le ministre !

Le chômage des jeunes, quant à lui, ne cesse de croître : il concerne 23,3 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans. Ce taux s'élève même jusqu'à 40 % dans les quartiers sensibles. Or les crédits du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, ou SEJE, accusent une diminution de 36 %.

Si l'emploi des jeunes est une priorité, faire chuter les financements alors que les besoins augmentent est, me semble-t-il, pour le moins paradoxal !

Le seul effort notable constaté concerne la création des 20 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi. Ce contrat d'insertion bas de gamme, qui correspond à vingt-deux heures de travail hebdomadaire, payées au SMIC horaire, et ce pour une durée de six à neuf mois, semble avoir toutes vos faveurs. Pourtant, ce chiffre de 20 000 paraît bien insuffisant face aux enjeux, et le contrat lui-même est bien moins intéressant que le contrat jeune mis en place par le gouvernement Jospin.

Mais l'annonce la plus choquante reste votre intention d'abaisser à quatorze ans l'âge de l'ouverture de l'apprentissage. Une telle décision, qui transforme l'école en centre de tri plutôt qu'en lieu d'éducation, n'est pas acceptable. Cette mesure renforce la discrimination et va à l'inverse d'une véritable politique d'égalité des chances. Elle oublie surtout que, à quatorze ans, on est encore un enfant, que le monde du travail n'est pas tendre et que l'on ne trouve, d'ores et déjà, plus de maître d'apprentissage, notamment dans les quartiers défavorisés !

Des jeunes de seize ans pris en centre d'apprentissage ne trouvent ainsi jamais de patrons. Dans ma circonscription du Val-d'Oise, à la fin du mois de septembre de cette année, plus de 200 jeunes acceptés dans les structures de formation adéquates n'avaient pas trouvé de maître d'apprentissage et ne pouvaient par conséquent pas intégrer de structure de formation. (Mme Gisèle Printz acquiesce.)

À cet égard, les artisans et les entrepreneurs vous ont expliqué qu'ils ne voulaient pas d'une telle mesure. Ils réclament au contraire des jeunes dotés de bonnes connaissances scolaires et d'une véritable formation. En outre, sachant que les cycles d'évolution de l'emploi sont maintenant de trois à cinq ans, sur quelles bases, quel savoir et quelles capacités d'adaptation des carrières censées durer plus de quarante ans seront-elles gérées ? En réalité, monsieur le ministre, votre proposition, en fait de changement, est un retour au XlXème siècle ! (M. Roger Karoutchi proteste.)

Au regard de la timidité de vos mesures, du manque d'ambition de votre projet de budget, de l'émiettement comme de l'insupportable complexité de tous les dispositifs proposés, une seule chose est claire : la politique pour l'emploi se résume, pour vous, aux exonérations de cotisations sociales !

Pourtant, depuis le temps que de tels allégements constituent l'alpha et l'oméga de votre action, leur absence de résultats aurait dû vous interpeller. En réalité, les faits vous importent peu ; vous persévérez dans votre logique clientéliste.

Oui, l'emploi est la première préoccupation des Français ! C'est également la première demande des jeunes, notamment dans les quartiers dits « sensibles », car les jeunes savent bien qu'il n'y a pas d'insertion sans emploi. Mais vous faites semblant de ne pas entendre.

Monsieur le ministre, vous vous trompez d'outils, de méthode et de combat !

Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas votre projet de budget pour la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite m'exprimer sur les dispositions du projet de loi de finances pour 2006 relatives à la mission « Travail et emploi ». J'évoquerai plus particulièrement le service public de l'emploi, à savoir l'Agence nationale pour l'emploi.

Comme le rappelait hier M. le Premier ministre, à l'occasion de sa conférence de presse mensuelle, et contrairement à ce qui vient d'être affirmé, les efforts de tous les Français pour gagner notre bataille pour l'emploi sont payants.

Le chômage baisse. Son taux est de 9,7 % pour le mois de novembre, contre 10,2 % en avril, soit 130 000 demandeurs d'emploi en moins.

La mobilisation du service public semble totale. Mais elle ne l'est pas tout à fait, serais-je tenté de dire.

En effet, selon, un sondage récent, le service public de l'emploi ne recueille que 19 % de bonnes opinions auprès de l'ensemble des Françaises et des Français.

L'ANPE a néanmoins rapidement évolué sur la forme et sur le fond, avec des moyens plus importants ainsi qu'une image et des méthodes nouvelles, associées à de nouveaux partenaires privés.

Sur la forme, le site internet de l'ANPE a reçu 82 millions de visites en 2004 et permet désormais la diffusion non seulement d'offres d'emplois, mais également de CV anonymes. Les visites de prospection d'entreprises se sont multipliées, progressant de 17 % en 2004.

Sur le fond, l'organisation de l'ANPE a été profondément modifiée. Je mentionnerai simplement le rapprochement conventionnel entre l'Agence et l'assurance chômage, l'installation des maisons de l'emploi, l'ouverture du placement des demandeurs à des opérateurs privés, la réforme du suivi de la recherche d'emploi, l'organisation d'entretiens mensuels et la mise en place des nouveaux contrats aidés.

Mais si l'emploi est notre priorité, on ne peut pas éviter le débat sur la plus ou moins bonne organisation de l'ANPE, et les conséquences qui en découlent.

En effet, parallèlement aux évolutions que je viens d'évoquer, des contradictions se font jour, et certains mécanismes fonctionnent mal, voire ne fonctionnent pas !

La fiabilité du « profilage » initial est très incertaine et l'on peut s'interroger sur la qualité de l'accompagnement et des entretiens individuels réalisés.

Permettez-moi à ce sujet d'évoquer la commune dont je suis maire, Neuilly-Plaisance, qui a testé - malgré elle ! - la fiabilité du profilage réalisé par l'ANPE.

En effet, dans le cadre d'un partenariat avec une collectivité guinéenne, ma commune recherchait des jeunes pour aider à la construction d'une école dans ce pays.

J'ai donc décidé d'engager des maçons, des électriciens et des plombiers et, pour ce faire, j'ai contacté l'ANPE. J'ai précisé que je recherchais sept ou huit jeunes de moins de vingt-cinq ans, non diplômés, sans emploi, pour partir à l'étranger pendant deux ou trois mois. L'objectif était de leur apprendre un métier, en assurant leur apprentissage dans les services techniques municipaux, puis de les envoyer en Afrique, bien évidemment encadrés par des professionnels, afin d'accomplir cette mission humanitaire.

L'ANPE a trouvé des candidats, mais a refusé de me transmettre leurs noms. Elle voulait même que je me rende sur place, afin de présenter le projet. J'ai naturellement refusé, comme l'aurait fait la majorité des chefs d'entreprise dans la même situation.

Après de longues tractations, j'ai enfin obtenu la liste, et j'ai convoqué à la mairie tous les jeunes concernés. Sur les trente-six jeunes de la liste, seulement seize se sont présentés. Parmi eux, huit femmes, dont l'une était enceinte et une autre, esthéticienne !

Mme Gisèle Printz. Et alors ? Où est le problème ?

M. Christian Demuynck. Ce ne sont pas forcément les meilleures conditions pour aller faire de la maçonnerie en Afrique !

Aucun des candidats ne savait exactement pour quel type de travail il avait postulé. L'ANPE n'avait précisé que les critères de recrutement suivants : être âgé de seize à vingt ans, être célibataire et résider dans la commune. Les huit garçons se sont dits intéressés et deux dossiers ont finalement été retenus, les six autres candidats ayant été trouvés par nos soins.

Au demeurant, sans même évoquer les difficultés légitimes à faire recruter des candidats qui, à dix-huit ans, ne savent ni lire ni écrire, chacun reconnaîtra qu'il existe des arguments de principe qui permettent de profiler les candidats aux différents postes à pourvoir.

Face à l'importance du chômage des jeunes, le Gouvernement s'est donné pour objectif de développer des parcours d'insertion professionnelle.

Comme l'a rappelé hier M. le Premier ministre, un accent particulier doit être mis sur l'apprentissage. C'est tout le sens de mon projet à Neuilly-Plaisance. Force est de constater que l'ANPE ne partage pas les mêmes valeurs !

Malgré mes difficultés locales à recruter via l'ANPE, difficultés malheureusement partagées par de nombreux employeurs franciliens, je ne souhaitais pas intervenir sur cet épineux sujet dans l'hémicycle.

Mais l'émission Capital, diffusée dimanche dernier sur la chaîne M6, consacrée en partie à la recherche d'emploi et intitulée : « À la recherche d'un job : bons plans et scandales », aura eu raison de mes dernières réticences !

Un reportage intitulé « Trouver un job : à quoi sert l'ANPE ? », diffusé à une heure de très grande écoute, mettait en parallèle la gestion des offres et des demandes d'emplois par l'ANPE et par une société de travail temporaire.

Ce que j'ai pu y voir, comme très certainement nombre de téléspectateurs, n'est pas acceptable de la part d'une structure financée par le contribuable : alors que les employés de la société privée se démenaient pour répondre aux demandes conjointes des employeurs et des demandeurs, leurs homologues de l'ANPE refaisaient le monde autour d'un café !

Monsieur le ministre, 2006 sera la deuxième année de mise en oeuvre du plan de cohésion sociale, par lequel la politique de l'emploi s'impose logiquement comme la première des priorités.

Si vous voulez gagner cette bataille de l'emploi, ce dont je ne doute pas, il est, me semble-t-il, nécessaire de modifier de tels comportements et de mobiliser tous les personnels de l'ANPE vers votre objectif, faute de quoi l'échec sera certainement au bout du chemin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis pour la qualité de leurs travaux et de leur exposé en séance.

J'ignore, monsieur Pozzo di Borgo, si notre volonté est « archétypale ». En tout cas, notre mobilisation pour l'emploi est totale.

M. Jean-Pierre Godefroy. Et en plus, ça rime !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je vous remercie également de votre conclusion.

Parlons du chômage ! J'ai en effet entendu un certain nombre de chiffres, avec une présentation sur laquelle il faudrait peut-être revenir - je remercie à cet égard MM. les rapporteurs -, car il ne faut pas oublier la réalité : aujourd'hui, il y a 130 000 chômeurs de moins qu'il y a sept mois.

M. Roger Karoutchi. Exactement !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Depuis sept mois, le chômage des jeunes a diminué de 7,2 % et celui des chômeurs de longue durée, de 5,8 % !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Depuis le début de l'année, 42 000 emplois ont été créés dans le secteur marchand.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. À ce jour, on compte 200 000 contrats « nouvelles embauches ». Madame Le Texier, les CNE ne sont pas signés avec l'État. (Mme Raymonde Le Texier s'exclame.) Les chiffres que nous avançons traduisent une réalité : ils sont fondés sur les déclarations à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS. En la circonstance, on ne peut donc pas parler d' « intentions », comme pour cette grande manifestation de solidarité annuelle qui se déroule pendant deux jours ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Les offres d'emplois recueillies par l'ANPE ont crû de 11 %, et de 25 % pour les contrats à durée déterminée de plus de six mois et les contrats à durée indéterminée.

Concernant l'apprentissage, chère madame Rozier, vous avez indiqué tout à l'heure les chiffres, d'ailleurs encourageants, du mois de septembre. Permettez-moi de vous communiquer ceux du mois d'octobre : sur un an, d'octobre 2004 à octobre 2005, l'apprentissage a augmenté de 9,3  %.

Concernant les contrats initiative-emploi, l'État en a signé cette année en dix mois autant qu'en douze mois en 2004. Telle est la réalité des chiffres ! Néanmoins, ceux-ci ne sont pas pour moi un motif de satisfaction ; au contraire, ils m'incitent à aller plus loin. En effet, nous ne pouvons pas nous satisfaire du fait qu'il y ait en France 2 350 000 chômeurs.

L'objectif que le Premier ministre nous a fixé, à Jean-Louis Borloo et à moi-même, comme à l'ensemble du Gouvernement, est de combattre le chômage, de construire des parcours de retour vers l'emploi et, dans le même temps, de libérer les forces économiques afin qu'elles puissent créer des emplois. Sans créations de richesses, il n'y a naturellement pas de créations d'emploi. En effet, ne l'oublions pas, ce sont d'abord les entreprises qui créent des emplois. À cet égard, les contrats aidés, qu'il soit dans le secteur marchand ou dans le secteur non marchand, ont d'abord pour vocation de favoriser les parcours de retour vers l'emploi.

S'agissant du contrat « nouvelles embauches », monsieur Muzeau, il appartiendra aux partenaires sociaux, à l'issue de la négociation sur l'assurance chômage qui est actuellement en cours, d'examiner les possibilités pour les bénéficiaires de ce contrat - celui-ci, je le rappelle, est un véritable contrat à durée indéterminée, avec une phase de consolidation de deux ans - de bénéficier, en plus des garanties en termes de préavis et des indemnités de rupture du contrat, d'une convention de reclassement personnalisé. L'enjeu, qui est grand, correspond à notre volonté de sécuriser les parcours professionnels. Je pense que les partenaires sociaux auront cet objectif à coeur.

Peu d'entre vous, à l'exception des rapporteurs, ont évoqué l'application de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 et de son volet sur l'accompagnement des mutations économiques. Grâce à la loi du 18 janvier 2005, à la mise en place progressive de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, avec les accords de méthode, grâce aussi à une situation économique qui est meilleure, en particulier ce trimestre, les licenciements économiques sont en baisse de 17 %.

Les conventions de reclassement personnalisé, applicables à la suite d'un licenciement économique, se mettent progressivement en place. Nous devons toutefois encore mobiliser les réseaux des ASSEDIC afin que des parcours de retour vers l'emploi, s'appuyant sur l'ensemble des dispositifs de sécurisation existants, puissent être proposés aux salariés, au lieu de ce que l'on appelle parfois le « chèque-valise ».

J'en viens maintenant à notre mobilisation en faveur des quartiers en difficultés, au nombre de 750. Le taux de chômage y est parfois quatre fois supérieur au taux moyen national. Le taux de chômage des jeunes est, lui, souvent deux fois supérieur à la moyenne nationale. Voilà pourquoi, à la Plaine-Saint-Denis, nous avons récemment mobilisé à la fois les cent quatre-vingt-cinq agences locales pour l'emploi impliquées et les missions locales. Celles-ci accomplissent un travail de mobilisation remarquable, s'agissant notamment des contrats d'insertion dans la vie sociale, les CIVIS.

J'aurai l'occasion, au cours du mois de janvier prochain, de réunir les présidents des missions locales au sujet de la mise en place, dans un délai de quatre-vingt-dix jours, d'une solution pour chacun de ces jeunes.

Mais nous ne nous arrêterons pas là. En effet, nous devons apporter une réponse à tous les jeunes qui vivent aujourd'hui en France, que ce soit en milieu rural, dans les petites villes ou dans des quartiers en difficulté.

Tels sont les objectifs que nous nous fixons pour l'année à venir, conformément à la demande du Premier ministre et parce que c'est une véritable exigence en termes de cohésion sociale et de cohésion nationale.

La question de la lutte contre les discriminations à l'embauche est particulièrement importante pour les jeunes des quartiers en difficulté. Le dispositif des plateformes de vocation, qui permet de mesurer objectivement l'aptitude d'un jeune à exercer un geste professionnel, sera mobilisé en priorité pour les jeunes des zones urbaines sensibles.

Un certain nombre d'expérimentations sont actuellement menées, notamment dans la région Rhône-Alpes. Nous pourrons, grâce à ces dernières et grâce aussi à l'Agence nationale de la cohésion sociale et de l'égalité des chances, examiner dans quelles conditions l'égalité est mise en oeuvre pour l'ensemble des jeunes de notre pays.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je m'arrêterai maintenant sur quelques orientations clés de la mission « Travail et emploi ».

Les crédits de paiement de cette mission s'élèvent, pour 2006, à 13,2 milliards d'euros. Il est vrai que le projet de budget pour 2006 est quelque peu différent du budget de l'année 2005. En effet, celui-ci incluait 17,14 milliards d'euros au titre de la compensation des allégements généraux de charges sociales.

À ce sujet, j'ai entendu, mesdames, messieurs les sénateurs, les interrogations émanant de l'ensemble de vos travées. Le financement des allégements généraux de cotisations patronales de sécurité sociale est assuré par l'affectation aux régimes de sécurité sociale concernés d'impôts et de taxes. Ce financement n'est donc plus inscrit dans le budget du travail et de l'emploi. Le montant prévisionnel des dépenses en question s'élève à 18,9 milliards d'euros. Si l'on réintègre la compensation des allégements généraux, afin de pouvoir opérer une comparaison, on constate que le projet de budget pour 2006 s'élèverait donc à 32,07 milliards d'euros.

Le projet de budget confirme ainsi la volonté du Gouvernement de poursuive les baisses de charges. À cet égard, je rappelle que, dans le budget de 2002, les exonérations s'élevaient déjà à 15 milliards d'euros. Dire que les premières exonérations ont été mises en oeuvre par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, c'est omettre notamment celles qui ont résulté des dispositifs mis en place par Mme Martine Aubry. Il me semble utile de rappeler cette réalité !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il faut la rappeler, en effet !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le rapporteur spécial, vous nous avez fait part de vos préoccupations quant aux conséquences, en termes de contrôle parlementaire, du transfert direct à la sécurité sociale de recettes fiscales destinées à financer les allégements généraux, ainsi que de vos interrogations sur l'efficacité de ce dispositif.

Le 6 octobre dernier, le Premier ministre a demandé au Conseil d'orientation pour l'emploi de lui remettre, d'ici à la fin de l'année, un diagnostic sur les contreparties des aides publiques en termes d'emploi et d'investissement et sur d'éventuelles contreparties additionnelles à tout ou partie des nouveaux allégements de charges. Le Premier ministre a d'ailleurs conditionné le versement par les entreprises d'un bonus de 1 000 euros à leurs salariés à l'achèvement, d'ici au 30 juin 2006, des négociations salariales dans la branche ou dans l'entreprise considérée, conformément aux accords de branche.

Les crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2006 sont donc en hausse de 6,1 %. Hors allégements généraux, ils progressent de 1,6 %.

Ce budget est marqué, il est vrai, par la montée en charge du plan de cohésion sociale. Permettez-moi de vous indiquer où en est, à la date d'aujourd'hui, la mise en oeuvre d'un certain nombre de contrats aidés, dans le secteur marchand et dans le secteur non marchand.

Selon les chiffres du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, le CNASEA, ont aujourd'hui été signés 109 650 contrats d'accompagnement vers l'emploi - 1 480 par jour -, 77 000 contrats initiative-emploi - de 660 à 700 par jour -, 12 705 contrats d'avenir- 313 par jour en moyenne.

Le démarrage des contrats initiative-emploi n'a pas été simple, ce dispositif étant assez complexe. Il requiert en effet l'activation de dépenses passives et l'intervention d'un certain nombre de partenaires. Nous signons une vingtaine de ces contrats par jour dans le cadre du RMA, grâce à la mobilisation des entreprises.

Les contrats aidés, qu'ils soient dans le secteur marchand ou dans le secteur non marchand, sont des parcours de retour vers l'emploi. Le projet de budget en prévoit 320 000.

Si le chômage des jeunes a baissé de 7,2 % depuis le début de l'année, son niveau reste néanmoins préoccupant. M. le Premier ministre a donc demandé que soit mis en place dans chaque université, dans chaque grande école, un bureau des stages et de l'emploi afin de favoriser les liens entre l'éducation et l'emploi. Ce sujet a d'ailleurs été évoqué récemment ici, à l'occasion d'une question d'actualité au Gouvernement.

Je dirai maintenant un mot de l'apprentissage, qui constitue une voie républicaine exceptionnelle pour une bonne insertion professionnelle, une chance pour tous les jeunes.

Aujourd'hui, plus de 360 000 apprentis sont en formation. Nous tiendrons notre objectif de 500 000 apprentis à l'horizon 2009, grâce à la mobilisation conjointe des entreprises, des régions et de l'État. L'État achève d'ailleurs actuellement la signature des contrats d'objectifs et de moyens avec les régions.

Je l'évoquais hier matin en parlant des parcours d'initiation aux métiers, la filière de l'alternance est adaptée aux jeunes qui rencontrent des difficultés au collège. La réalité, c'est que plus de 15 000 jeunes âgés de plus de treize ans sont en errance scolaire. J'avais d'ailleurs, dans les années quatre-vingt-dix, rédigé un rapport sur ce sujet pour le Sénat, aidé par des pédagogues.

Nous devons trouver des solutions à ce problème et regarder la réalité en face. Notre objectif, en termes d'égalité des chances, est de permettre à ces jeunes, grâce à un parcours volontaire d'initiation aux métiers s'appuyant sur un projet pédagogique adapté et individualisé, sans rupture du lien avec l'éducation nationale, d'acquérir un socle de connaissances leur faisant défaut.

Nous avons analysé le taux de rupture des contrats d'apprentissage après l'âge de seize ans : il atteint parfois 50 % et a doublé dans certains secteurs. Ces ruptures s'expliquent souvent par le fait que nombre de ces jeunes restent pendant deux ans en situation d'attente. Lorsqu'ils atteignent l'âge de seize ans, ils rencontrent de nombreuses difficultés d'insertion dans un parcours d'apprentissage, car ils ne disposent pas du socle des connaissances fondamentales et ne maîtrisent pas ce qu'on appelle « les fondamentaux ».

On ne peut donc se limiter à dire que l'objectif du Gouvernement est d'abaisser l'âge de l'apprentissage de seize ans à quatorze ans.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Avec cette mesure, l'objectif du Gouvernement est de fermer la porte à l'échec et d'ouvrir la voie de la réussite professionnelle.

Les contrats de professionnalisation font aujourd'hui l'objet d'une véritable mobilisation, après un démarrage difficile. Les partenaires sociaux eux-mêmes sont en train de s'en emparer dans le cadre de leurs négociations et d'en faire un élément de dépense active pour favoriser le retour vers l'emploi.

Par ailleurs, s'agissant du contrat d'insertion dans la vie sociale, ou CIVIS, je tiens à nouveau à saluer la mobilisation des missions locales : dès le mois de juin, j'ai écrit aux 500 présidents de missions locales pour les mobiliser sur la question des jeunes sortant du système scolaire sans qualification. J'ai veillé à ce que les moyens importants prévus en loi de finances initiale au titre du programme CIVIS soient disponibles au début de l'été, permettant le recrutement de 2 000 référents, afin d'assurer son plein déploiement dès la rentrée. Le nombre des CIVIS devrait s'élever à 100 000 à la fin de l'année, et à 150 000 en 2006.

C'est une façon de répondre, monsieur Demuynck, aux préoccupations que vous avez exprimées concernant les jeunes qui, dans votre département, connaissent de grandes difficultés d'insertion.

Le fonds pour l'insertion professionnelle des jeunes est renouvelé à hauteur de 70 millions d'euros en 2006, comme en 2005 ; une partie de ces crédits servira au financement du permis auto pour un certain nombre de jeunes.

Ce fonds permettra aussi de lever une multiplicité d'obstacles auxquels sont confrontés les jeunes dans leur parcours d'insertion professionnelle.

Le budget assurera également le financement des parcours d'accès aux trois fonctions publiques, PACTE, et des contrats de volontariat pour l'insertion.

Cette politique n'est donc pas qu'une politique d'exonération de charges, comme il m'a semblé l'entendre dire tout à l'heure. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Roland Muzeau. Ah si ! C'est une politique de cadeaux aux patrons ! Pour ceux qui licencient !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. C'est une politique particulièrement active, qui entend faire notamment du parcours professionnel des jeunes comme de l'emploi des seniors des priorités.

M. Roland Muzeau. Rien pour les banlieues !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Godefroy, vous avez raison de souligner que le taux d'activité des seniors est encore trop faible. Même s'il a progressé depuis deux ans - il était inférieur à 35 % -, il n'est aujourd'hui que de 37 %.

Nous préparons un plan national d'action pour les seniors, que nous déclinerons en janvier, à la suite du projet d'accord entre les partenaires sociaux. Nous souhaitons mobiliser les partenaires sur ce sujet. Il faut informer, dire comment maintenir les seniors dans l'emploi, comment favoriser le retour vers l'emploi, comment imaginer les fins de carrière, le temps partiel, le cumul emploi-retraite, le portage salarial, il faut imaginer d'autres voies pour que l'âge ne soit plus une variable d'ajustement des plans sociaux. Tels sont les objectifs que nous nous fixons dans le cadre du plan national d'action pour les seniors.

S'agissant des services à la personne, qui constituent un gisement d'emplois, l'objectif est de multiplier le nombre annuel de créations d'emplois et de passer à 150 000, grâce aux 200 millions d'euros prévus mais aussi grâce à la mobilisation des réseaux.

L'Agence nationale pour l'emploi est un service public de qualité, monsieur Demuynck. Je sais bien qu'ici ou là des difficultés se posent ; mais un taux d'augmentation des offres d'emploi de 11 %, un taux de satisfaction des offres - et j'ai bien enregistré les résultats du sondage que vous avez cité -avoisinant 90 %, alors qu'il était de 84 % voilà trois ans, l'accueil de 57 000 jeunes chômeurs de longue durée cet été et de 155 000 bénéficiaires de l'allocation spécifique de solidarité depuis la rentrée pour faire le point sur leur situation, ainsi que la mise en place prochaine du suivi mensuel des demandeurs d'emploi, prouvent bien que la mobilisation de ce service public en faveur de l'emploi est une réalité !

Nous travaillons avec les partenaires sociaux pour aboutir à un rapprochement opérationnel de l'ANPE et de l'UNEDIC, afin de proposer à terme un véritable « guichet unique » au demandeur d'emploi : dossier unique, profilage unique, accompagnement du demandeur d'emploi, travail avec les missions locales mais aussi avec les agences du secteur privé, qui se développent. Je rappelle qu'aux termes de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale le monopole de placement de l'ANPE a pris fin et qu'une dynamique nouvelle est ainsi en train de se créer.

M. Guy Fischer. La privatisation !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. J'ai confiance dans le service public de l'emploi - je ne dis pas cela par courtoisie -je vois ses personnels à l'oeuvre, je travaille avec eux. Chaque lundi, je consacre une grande partie de ma matinée à ce service.

Bien sûr, des dysfonctionnements existent. M. le rapporteur spécial évoquait l'importance du futur contrat de progrès. Je peux vous assurer que nous mettrons en priorité l'accent sur les dynamiques de retour vers l'emploi, monsieur Dassault. Notre objectif est de réduire le délai de retour vers l'emploi, tout en donnant la priorité aux jeunes et aux seniors.

S'agissant des maisons de l'emploi, nous devrions atteindre la barre des 100 maisons à la fin de cette année, à la suite de la dernière réunion de la commission, notre objectif étant un total de 200 maisons de l'emploi à la fin de 2006.

Enfin, je voudrais évoquer le pilier « travail » de mon ministère, car nous avons parlé beaucoup de l'emploi.

Ce ministère, qui fêtera son centenaire en 2006, est né des relations du travail. S'agissant de la lutte contre le travail illégal, par exemple, monsieur Muzeau, vous avez évoqué la circulaire du 29 juillet 2005. Permettez-moi cependant de faire état de quelques résultats et de vous dire que nous n'avons pas confondu le rôle de l'inspection du travail avec celui de la police de l'air et des frontières ! Ainsi, 179 opérations lourdes ont été menées : elles ont permis de mettre fin à du travail dissimulé d'enfants mineurs de moins de quinze ans, à l'emploi non déclaré de quinze salariés sur un chantier de BTP, à dix-huit infractions gravissimes au code du travail, sans compter les infractions sanitaires et les infractions au droit de la concurrence, dans une chaîne de restauration chinoise ; elles ont également permis de constater l'absence de sécurité sur des chantiers où ont également été découvertes des filières de sous-traitance qui, en outre, commercialisaient des fausses cartes de résidents et des fausses cartes Vitale. Lorsque nous rendons possibles de telles opérations, ne défendons-nous pas, au premier chef, les salariés qui sont dans la pire précarité, illégalement employés dans des conditions précaires ?

M. Roland Muzeau. On ne le faisait pas avant ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous avons doublé le nombre de procès-verbaux, et nous nous apprêtons à les tripler !

M. Roland Muzeau. Le problème, c'est le discours ambiant contre le Noir, contre l'Arabe, contre le Chinois !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. C'est vous dire qu'en ce domaine nous n'avons vraiment aucune leçon à recevoir ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Paul Blanc. Voilà la vérité !

M. Roland Muzeau. Vous fabriquez de la ségrégation permanente !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Sous le gouvernement de M. Jospin, jamais la Commission nationale de lutte contre le travail illégal ne s'était réunie ! Voilà la réalité ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

M. Roland Muzeau. Vous vous abritez derrière ces actions pour cacher autre chose !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Par ailleurs, concernant les effectifs du ministère, les moyens de l'inspection du travail vont être renforcés en 2006 par l'ouverture au concours de recrutement de 75 postes d'inspecteurs et de 131 postes de contrôleurs du travail.

Sur la question essentielle de la santé au travail, notre priorité, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire avant-hier, à Lyon, devant l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, est le renforcement de la prévention des risques professionnels.

À cet effet, sera créée l'Agence française pour la sécurité sanitaire de l'environnement et du travail qui permettra de répondre aux observations qui ont été faites sur l'amiante mais aussi de prévenir d'autres drames liés aux fibres céramiques, aux éthers de glycol, aux nanomatériaux et à bien d'autres produits toxiques. J'ai eu l'occasion devant la commission d'apporter des réponses.

M. Roland Muzeau. Et l'amendement Jégou ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je souhaiterais maintenant répondre à la préoccupation exprimée par M. Souvet quant à l'évolution des effectifs de PSA Peugeot Citroën dans sa région.

Je recevrai lundi prochain, ainsi que je l'avais souhaité, le directeur de PSA afin d'examiner la situation des usines de Sochaux et de Mulhouse.

M. Roland Muzeau. Et Poissy !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Dans d'autres régions, notamment en Île-de-France, des questions se posent aussi.

S'agissant des perspectives pour PSA, il nous faut, tout en tenant compte des réalités économiques, mettre en oeuvre des modes de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, dont toutes les entreprises doivent d'ailleurs s'inspirer.

En tout état de cause, monsieur Souvet, je ne manquerai pas de vous tenir étroitement associé à cette réflexion.

M. Roland Muzeau. Je suis disponible, moi aussi !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques éléments de réponse que je peux vous apporter, ayant conscience de ne peut-être pas avoir répondu à l'ensemble des questions qui m'ont été posées.

J'ai, me semble-t-il, trop peu insisté sur l'idée - mais peut-être était-ce déjà trop long pour certains d'entre vous -,...

M. Roland Muzeau. Mais non !

M. Guy Fischer. Et l'amendement Jégou ? C'est un scandale !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... que la mobilisation pour l'emploi est, pour nous, une priorité essentielle, comme l'est la politique du travail, dont la dimension est réaffirmée clairement au travers des moyens qui lui sont affectés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Guy Fischer. Supprimez l'amendement Jégou !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je souhaite d'abord remercier et féliciter M. Gérard Larcher.

La politique conduite en faveur de l'emploi est une politique réaliste, efficace, et le Sénat est fier que celui qui en assume la responsabilité soit issu de ses rangs.

M. le ministre aurait voulu sans doute mieux détailler les engagements qu'il prend au service de l'emploi, mais je tiens à le remercier pour le caractère très synthétique de son propos.

M. Paul Blanc. Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il s'est exprimé avec force et détermination, et nous formons des voeux pour que la politique qu'il mène avec le Gouvernement réponde à toutes nos attentes. C'est un enjeu de cohésion sociale.

Je souhaite que notre hémicycle soit un lieu de débat et qu'il se garde de toute considération pouvant être jugée comme polémique, telle que « les cadeaux aux patrons », par exemple. (M. Guy Fischer s'exclame.)

À cet égard, monsieur le ministre, je ne résiste pas à la tentation de vous soumettre une proposition qu'habituellement nous formulons auprès de vos collègues chargés de l'économie et des finances ou du budget.

Nous sommes préoccupés par l'économie marchande. C'est peu dire que l'économie s'est mondialisée, globalisée, et que les entreprises, pour créer de l'emploi, doivent être compétitives. Or nous concentrons encore les prélèvements obligatoires sur le travail, sur les salaires. L'heure n'est-elle pas venue, monsieur le ministre, d'assurer le financement de la santé, celui de la politique familiale, qui concernent tous les Français et non pas seulement les salariés, par d'autres moyens ?

M. Guy Fischer. La TVA sociale ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui, monsieur Fischer, par la TVA sociale !

En effet, ces prélèvements sont, en quelque sorte, des droits de douane à l'envers que seuls paient ceux qui emploient et qui produisent en France. C'est formidable de vouloir se battre contre la vie chère, mais, bien souvent, on consomme ce qui est fabriqué ailleurs !

Par conséquent, monsieur le ministre, la commission des finances du Sénat vous fera des propositions - à l'instar de M. Dassault qui a proposé un coefficient d'emploi -...

M. Guy Fischer. L'apprentissage dès quatorze ans !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... tendant à alléger les charges sociales.

Il s'agit d'assurer la compétitivité et de redonner un horizon à tous ceux qui peuvent entreprendre et créer des emplois marchands. Créer des emplois dans le secteur aidé, dans le secteur public, c'est acceptable dans des moments difficiles. Mais seule la création dans le secteur marchand d'un nombre suffisant d'emplois est susceptible d'assurer durablement la cohésion sociale, la prospérité et les moyens de financer une authentique solidarité.

Enfin, à l'attention de nos collègues du groupe CRC, j'ajouterai que l'amendement Jégou...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... vise à demander que ceux qui, après un accident du travail, continuent à percevoir l'intégralité de leur rémunération participent à l'effort de solidarité. Nous visons donc uniquement ceux qui ne souffrent d'aucun préjudice en termes de rémunération. Que ces revenus-là soient désormais imposables participe de notre vision de la solidarité, monsieur Fischer.

M. Jean-Pierre Godefroy. Et les paraplégiques ? Et les tétraplégiques ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le président Arthuis, il est vrai que la question que vous avez posée s'adresse plutôt au ministre de l'économie et des finances qu'au ministre délégué à l'emploi. Mais c'est une préoccupation que nous partageons, car la question du rapport entre, d'une part, le financement de la protection et de la solidarité et, d'autre part, la création d'emplois est posée.

Je vous rappelle d'ailleurs que, le 6 octobre dernier - j'y faisais référence tout à l'heure à propos des exonérations de charge -, le Premier ministre a saisi le conseil d'orientation pour l'emploi, et d'autres saisines sont prévues concernant l'assiette du financement de l'ensemble des systèmes de protection, car il ne faut pas perdre du vue la compétitivité et les perspectives de créations d'emplois à moyen et à long terme.

Aujourd'hui, autant que je le sache, un certain nombre d'incertitudes demeurent, et la question reste posée pour les secteurs à forte intensité d'investissement. Il nous faudra ainsi creuser cette question pour les secteurs où la part des importations est extrêmement élevée et pour ceux dans lesquels le rapport entre investissement et emplois est élevé.

Je sais toutefois, monsieur Arthuis, que vous connaissez ces sujets à merveille et que la commission des finances y travaille.

Le conseil d'orientation pour l'emploi se saisira en tout cas de ce dossier, pour répondre à la demande du Premier ministre le 6 octobre dernier

Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Travail et emploi » figurant à l'état B.

ÉTAT B

Autorisations d'engagement : 13 659 773 182 euros ;

Crédits de paiement : 13 170 896 682 euros.

Travail et emploi
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 91

Mme la présidente. L'amendement n° II-88, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Développement de l'emploi

Accès et retour à l'emploi

Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques

24.111.610

24.111.610

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

Dont Titre 2

TOTAL

24.111.610

24.111.610

SOLDE

- 24.111.610

- 24.111.610

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Cet amendement tire les conséquences de la signature par le Conseil régional du Centre d'une convention tripartite qui sera en vigueur à compter du 1er janvier 2006, concernant notamment certains crédits de formation qualifiante auparavant attribués par l'État à l'AFPA, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, ainsi que les rémunérations des stagiaires qui y sont associées.

Ce transfert de compétences est compensé par une augmentation, évaluée à 24 111 610 euros, de la fraction de la TIPP transférée à la région Centre, transfert qui a été pris en compte dans l'article 26 du présent projet de loi de finances.

Afin d'acter la volonté de la région Centre, première région qui décentralise volontairement les crédits de formation qualifiante et la rémunération des stagiaires, et sachant que la signature de cette convention tripartite a eu lieu postérieurement à la présentation du budget, cet amendement a bien sa place dans le projet de loi de finances.

Nous avons là un exemple concret d'un transfert opéré de manière conventionnelle, même si d'autres régions seront amenées à s'inscrire dans cette démarche d'ici à 2008.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Il est tout à fait normal que, compte tenu de ce transfert de compétences, la région Centre bénéficie de cette majoration de 24 millions d'euros.

Dans la mesure où cet amendement diminue d'autant les crédits du programme « Accompagnement des mutations économiques, sociales et démocratiques », la commission l'accepte.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. M. le ministre a mis l'accent sur cette première signature, conséquence de l'acte II de la décentralisation.

Toutes les régions seront amenées à signer de telles conventions. Nous devrons donc être à la fois vigilants et attentifs aux conditions dans lesquelles ces signatures seront recueillies.

Tout à l'heure, M. le ministre a fait allusion à différents intervenants privés en parlant de l'UNEDIC et de l'évolution de l'ANPE. Or l'AFPA a, tout au long de ces dernières décennies, joué un rôle important dans la formation qualifiante et dans le retour à l'emploi.

Nous veillerons donc à la réussite des conventions signées avec les régions, et nous resteront très attentifs à ce que ces transferts n'entraînent pas le démantèlement de l'AFPA.

Vous savez bien, monsieur le ministre, que les personnels de l'AFPA sont inquiets pour 2006 ! Ils espèrent que cette première signature sera porteuse d'une complémentarité des savoir-faire.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vient de dire mon ami Guy Fischer, et je ne reviendrai pas sur ce qu'il a dit : j'utiliserai plutôt cette tribune - puisque c'est la seule façon que nous avons d'intervenir dans ce débat complètement bouclé - pour revenir sur ce que vient de dire M. le président de la commission des finances.

Selon ce dernier, l'amendement de M. Jean-Jacques Jégou, adopté dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre dernier, ne viserait pas à pénaliser les victimes d'accidents du travail.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non !

M. Roland Muzeau. Mais si ! Cet amendement vise bien à pénaliser les accidentés du travail, comme il visera directement toutes les victimes de l'amiante !

Pourquoi mon collègue Jean-Pierre Godefroy vous a-t-il interpellé sur la question de l'amiante ? Tout simplement parce que nous venons de participer pendant plusieurs mois à une mission commune d'information sur le drame de l'amiante en France. Le rapport qui en est issu dresse une liste de propositions - elles ont été adoptées à l'unanimité -, mais le Gouvernement les refuse toutes, que ce soit dans la loi de finances ou dans la loi de financement de la sécurité sociale.

Aujourd'hui, 520 millions d'euros vont être récupérés dans la poche des accidentés du travail.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Beaucoup moins !

M. Roland Muzeau. Toutes les associations de défense des salariés victimes d'accidents du travail, au premier rang desquelles la fédération nationale des accidentés du travail et handicapés, la FNATH, ont protesté en avançant une argumentation imparable.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Elle est fausse !

M. Roland Muzeau. Non : invitez les représentants de la FNATH à débattre avec vous, ils auront beaucoup de choses à vous dire !

Par ailleurs, j'invite M. Larcher à lire, pendant les vacances de Noël, une fois la session parlementaire achevée, un livre remarquable, qui n'épouse pas pour autant, loin s'en faut, toutes les idées que je défends. Ce livre, écrit par M. Philippe Villemuss, s'intitule Délocalisations, et est ainsi sous-titré : « Aurons nous encore des emplois demain ? »

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est une très bonne question !

M. Roland Muzeau. Concernant l'abaissement permanent de ce que vous appelez les « charges insupportables » pour les entreprises, il écrit notamment : « Même en supprimant toutes les charges sociales ou en divisant par deux les impôts, la France ne peut lutter sur les coûts avec les pays émergents. »

Il invite à suivre d'autres pistes, comme celles de la formation, de la qualité professionnelle des salariés, de l'intensification de la recherche, des relations entre l'université et l'industrie, etc. Il appelle cela le capital immatériel !

Voilà un débat autrement plus important que ces additions permanentes d'allégements de charges sociales et autres qui sont à l'origine d'une grande partie des difficultés du budget de l'État et qui n'apportent pas, en matière de maintien ou de création d'emplois, les succès espérés par les uns et par les autres depuis vingt ans.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ne souhaitant pas allonger les débats, j'interviendrai juste d'un mot sur la notion, évoquée par M. le président de la commission des finances et par M. Fischer, de réparation intégrale.

Une négociation est en cours sur la question des accidents du travail et des maladies professionnelles. À ce sujet, nous avons progressivement perdu tout levier incitatif susceptible d'aider les entreprises qui s'engagent réellement dans la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, au profit d'une sorte de mutualisation où ceux qui s'engagent ne reçoivent aucun encouragement financier.

Voilà pourquoi il nous apparaît tout à fait essentiel que l'on puisse, à l'occasion de cette négociation, définir les leviers permettant d'agir sur l'amont, en privilégiant la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-88.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-94, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Développement de l'emploi

10.000.000

10.000.000

Accès et retour à l'emploi

Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

Dont Titre 2

TOTAL

10.000.000

10.000.000

SOLDE

+ 10.000.000

+ 10.000.000

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Cet amendement vise à renforcer les crédits en faveur de la création d'entreprise, notamment au travers du dispositif d'encouragement au développement d'entreprises nouvelles, dit « EDEN », au sein des 700 quartiers français qui connaissent des difficultés.

Nous proposons ainsi une majoration de 22 % de ces crédits.

Parallèlement, et le Président de la République s'est exprimé récemment sur ce sujet, il est nécessaire de mobiliser le micro crédit. Il a donc été demandé à la Caisse des dépôts et consignations de trouver des réponses plus pragmatiques, plus rapides et compréhensibles aux questions concernant ce dispositif, qu'utilisent toutes celles et tous ceux qui créent des entreprises.

Je rappelle que plus de 230 000 entreprises seront créées cette année dans notre pays, ce qui représente un record qui semblait impossible à atteindre il y a seulement trois ans. Ce combat, engagé par Jean-Pierre Raffarin alors qu'il était Premier ministre, est en train d'être gagné jour après jour, permettant ainsi de libérer les énergies, l'imagination, et donc la capacité créatrice dans notre pays.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. Je suis très heureux de voir le Gouvernement encourager le développement et la création d'entreprises nouvelles, parce que c'est exactement ce que je demande.

J'ai dit tout à l'heure que cet énorme budget de 13 milliards d'euros ne faisait pas beaucoup de place au développement des entreprises qui créent de l'emploi. Je suis donc tout à fait favorable à l'idée d'accorder des aides supplémentaires afin d'aider à la création d'entreprises nouvelles, particulièrement dans les zones franches urbaines.

Mon seul regret concerne le montant retenu pour cette aide : 10 millions d'euros, ce n'est pas beaucoup ! J'aurais préféré que le Gouvernement fasse un effort plus important, car il y a vraiment beaucoup à faire en la matière. On pourrait ainsi, au sein de cet énorme budget, transférer certains crédits qui seraient peut-être plus utiles s'ils servaient à développer des entreprises nouvelles, car c'est la seule façon de créer des vrais emplois.

La commission est donc tout à fait favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Lors du vote de cet amendement, nous nous abstiendrons, et nos collègues feront tout à l'heure valoir leurs arguments lors de l'examen des crédits de la mission « Ville et logement ».

Nous reprenons à notre compte certains des arguments présentés par M. Dassault concernant les zones franches, sur lesquelles il y aurait d'ailleurs certainement beaucoup à dire, notamment concernant les périmètres qui ont été retenus à une certaine époque. Mais nous ne sommes pas là pour ouvrir ce débat...

En réalité, à la demande des banques, l'État a remonté le plafond des prêts, notamment celui des prêts à taux zéro, afin d'augmenter la solvabilité présumée des emprunteurs.

Il en résulte une moindre nécessité d'engagement de la part de l'emprunteur, ce qui lui permet de ne plus cotiser au FGAS, le Fonds de garantie de l'accession sociale, mais d'apporter simplement sa signature.

L'aide à l'accession à la propriété perd ainsi beaucoup du caractère social que l'on voulait lui donner. En fait, le Gouvernement « bricole une mesure » pour aider à la création d'entreprise dans les zones franches urbaines.

C'est un peu déshabiller Paul pour habiller Pierre. Cela ne fait pas une véritable politique !

Lors de la discussion de la mission « Enseignement et recherche », nous avons d'ailleurs amplement évoqué hier ces transferts de crédits, et le président de la commission des finances s'est souvent manifesté à cet égard.

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. Cet amendement peut revêtir un relatif intérêt s'il s'agit d'aider certaines personnes à sortir du chômage en créant leur propre emploi.

Cela étant, je crois qu'il ne faut nourrir aucune illusion sur l'efficacité d'un tel dispositif, pas plus que sur celle des zones franches, dont nous avons pu évoquer les prétendus succès en d'autres occasions. Nous savons, les uns et les autres, combien l'effet d'aubaine a joué dans un nombre important de cas, combien les conséquences désastreuses du départ des zones franches, au bout d'un certain temps, d'entreprises qui avaient vécu des fonds publics ont été douloureusement ressenties par les populations, et combien les résultats sont affligeants en matière de création d'emplois pour les personnes résidant dans les quartiers concernés.

En outre, il serait intéressant que chacun s'interroge sur l'utilité de voir fleurir, dans tous les quartiers de nos banlieues, des « points phone », des « camions pizzas », de certains commerces dont le récent examen, dans cet hémicycle, du projet de loi portant engagement national pour le logement a montré à quel point leur développement posait problème au regard de la qualité de vie.

Très sincèrement, j'estime que les promoteurs de ce type de dispositif devraient aborder les débats sur la création d'emplois dans les banlieues avec beaucoup plus de modestie.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je ne peux laisser M. Godefroy dire que le Fonds de garantie de l'accession sociale à la propriété serait amoindri. Au contraire, le dispositif est entièrement préservé : mêmes garanties pour les emprunteurs modestes, maintien des cotisations des établissements de crédit, maintien de la signature de l'État en garantie. Je devais apporter cette précision, d'autant qu'il s'agit d'une volonté exprimée par M. Borloo et l'ensemble des ministres du pôle de cohésion sociale.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je souhaite simplement indiquer à nos collègues que ce débat a déjà eu lieu à l'occasion de l'examen de l'article 21 du projet de loi de finances !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-94.

M. Jean-Pierre Godefroy. Le groupe socialiste s'abstient.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je n'ai été saisie d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Travail et emploi », modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. J'appelle en discussion les articles 91 et 92, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Travail et emploi ».

Travail et emploi

Art. 52 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 92

Article 91

Dans les I et II de l'article 10 de la loi n° 2004-804 du 9 août 2004 relative au soutien à la consommation et à l'investissement, la date : « 31 décembre 2005 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2006 ».

Mme la présidente. L'amendement n° II-70, présenté par MM. Fischer et Muzeau, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. La loi du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et à l'investissement a instauré un dispositif d'aides au profit du secteur de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration, afin de compenser, en quelque sorte, l'impossibilité pour le Gouvernement de tenir la promesse du Président de la République d'obtenir l'application du taux réduit de TVA à ce domaine d'activité.

La mesure venant à échéance le 31 décembre 2005, le Gouvernement propose de la reconduire pour 2006, via le présent article du projet de loi de finances rattaché à la mission « Travail et emploi », le coût total du dispositif s'élevant à 410 millions d'euros.

Depuis plusieurs années déjà, la droite au pouvoir nous explique sans relâche que la situation des finances publiques françaises n'est plus tenable, qu'il est impératif de réduire les dépenses publiques, les dépenses sociales. Alors que les marges de manoeuvre manquent pour atteindre des objectifs de solidarité essentiels pour la majorité de nos concitoyens, année après année, les projets de loi de finances présentés, de moins en moins sincères, traduisent des choix politiques de plus en plus inégalitaires.

Avec facilité, des cadeaux fiscaux sont distribués aux uns, des aides clientélistes sont octroyées à d'autres : il s'agit toujours des mêmes privilégiés, des mêmes catégories professionnelles. Dans ces cas, les fonds publics sont utilisés sans que l'on exige en retour, notamment des entreprises, le respect d'un certain nombre d'engagements ou la formalisation de contreparties, en termes d'emplois par exemple.

En revanche, lorsqu'il s'agit de solidarité, de dépenses sociales, le discours se fait plus dur, et le Gouvernement, notamment par la voix de M. Sarkozy, appelle à « faire le tri entre ce qui est un acquis social et ce qui n'est que le produit d'une habitude, d'une lâcheté ou d'un oubli ». En contrepartie de droits, les bénéficiaires de minima sociaux doivent satisfaire à leur obligation d'activité. Les sanctions tombent contre les chômeurs et les assurés sociaux « fraudeurs ».

Le présent article illustre parfaitement mon propos. S'agissant du secteur des hôtels, cafés et restaurants, qui a déjà bénéficié de 1,4 milliard d'euros d'allégements de cotisations sociales - supposés servir notamment à la création de 40 000 emplois, selon la profession, et à l'augmentation des salaires -, on nous demande de lui signer un nouveau chèque en blanc en lui octroyant des subventions.

Or le Gouvernement a négligé d'évaluer l'incidence économique et sociale des aides consenties l'an dernier. M. Souvet, rapporteur pour avis, insiste avec juste raison sur la nécessité d'un tel diagnostic, se résignant néanmoins à reconduire le dispositif, dans le vain espoir que cela permettra de faire émerger un gisement d'emplois. Il sait pourtant que ce secteur n'a fourni aucune contrepartie en matière de salaires, d'emplois ou de conditions de travail !

Nous refusons d'avaliser une fois de plus, sous couvert d'un soutien à la politique de l'emploi, ces aides exceptionnelles de l'État, dans la mesure où la preuve de leur efficacité n'est pas démontrée, bien au contraire : seuls 13 000 emplois auraient été crées, et aucun contrat n'est passé, en contrepartie, avec les représentants de la branche afin que, à l'avenir, le respect d'obligations en termes d'emplois, d'amélioration des conditions de travail et de rémunération conditionne la mise en oeuvre des dispositifs d'aide.

Monsieur le ministre, à l'issue du premier bilan de la relance des négociations salariales de branche en juin dernier, le secteur des hôtels, cafés et restaurants, dont la grille de salaires était manifestement hors normes, a été mis à l'index, et averti par vos soins : vous n'excluiez pas, à l'époque, des contreparties pour les salariés.

Dois-je vous rappeler que, depuis, le patronat a plus que traîné les pieds pour ouvrir les négociations salariales dans cette branche, encore dotée d'une grille de salaires jugée obsolète puisqu'ils ne démarrent même pas au niveau du SMIC, et que, désormais, il fait dépendre la réactualisation du référentiel des salaires minimaux de l'obtention, fort improbable, d'une réduction du taux de la TVA ?

La situation est complètement renversée. Les restaurateurs descendus la semaine dernière dans la rue pour rappeler le Gouvernement à ses promesses et les quatre organisations patronales majoritaires se livrent à un véritable chantage. C'est inacceptable pour les représentants des salariés, qui dénoncent comme un leurre les 39 % d'augmentation annoncés par les employeurs et démontrent que c'est là la revalorisation minimale à appliquer pour mettre aux normes la grille conventionnelle.

Cette situation est également totalement inacceptable pour les parlementaires que nous sommes, et ce ne sont pas les lettres que nous avons récemment reçues les uns et les autres qui changeront quoi que ce soit à la réalité des choses.

C'est pourquoi nous vous invitons, chers collègues, en votant la suppression de l'article 91, à adresser un message de fermeté à la branche de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration, pour que les négociations puissent aboutir sans conditions préalables et pour que, à l'avenir, cette dernière, au même titre que l'ensemble des employeurs, conforte sa politique de l'emploi, surtout lorsqu'elle y est aidée par l'octroi de fonds publics, qui sont considérables en l'occurrence .

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. La commission propose le maintien de l'article 91, dont le dispositif lui semble tout à fait adapté aux besoins des professionnels du secteur visé. Il n'est pas question de revenir sur l'engagement qui a été pris.

M. Guy Fischer. Où sont les emplois créés ?

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je suis d'autant plus à l'aise sur cette question que je demeure extrêmement exigeant s'agissant de la négociation salariale dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants. Ce que je disais en juin, je le redis aujourd'hui. Une commission mixte a d'ailleurs été mise en place.

M. Guy Fischer. Et alors ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Elle s'est déjà réunie deux fois, et se réunira encore pour faire progresser les négociations. L'exigence exprimée en juin demeure pour ce secteur !

Je voudrais tout de même rappeler que l'accord signé par les partenaires sociaux en juillet 2004 a permis la suppression du « SMIC hôtelier », soit une augmentation de quelque 68 euros du salaire minimal, et de faire bénéficier les salariés de sept jours de congés supplémentaires. En outre, au cours du premier semestre de 2005, 11 000 emplois ont été créés.

Cette réalité ne me rend pas moins exigeant s'agissant de l'aboutissement des négociations salariales, qui est d'ailleurs aussi dans l'intérêt de la filière, au regard du renforcement de l'attractivité des métiers et de la diminution du taux de rupture des contrats. Tout cela doit s'inscrire dans une véritable perspective d'ensemble, la rémunération d'une personne exerçant des fonctions de cadre ne devant pas se situer tout juste au-dessus du SMIC.

Je le répète, l'exigence reste la même. Le Premier ministre a d'ailleurs appelé les professionnels de ce secteur à assumer leurs responsabilités et, pour ma part, je demande aux partenaires sociaux de mener à bien de manière satisfaisante les négociations salariales, d'autant que, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est à cette condition que les entreprises pourront bénéficier, en matière d'exonérations, du bonus de 2 000 euros dont il est ici question.

Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur l'amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. En fait, vous signez un chèque en blanc, monsieur le ministre ! Or on est en droit de penser, eu égard notamment aux mots d'ordre de la récente manifestation des hôteliers et restaurateurs, qu'il n'y aura pas de retour en termes d'emplois, de salaires ou d'amélioration des conditions de travail. Sur ce dernier point, la situation est déplorable, et vous avez d'ailleurs fait allusion, monsieur le ministre, au taux de rupture de contrats dans la profession.

Nous savons fort bien que, à l'échelon de l'Union européenne, la réduction du taux de la TVA pour la restauration ne sera pas acceptée. C'est donc pour vous la seule réponse à faire au lobbying, qui devient d'ailleurs inacceptable, de M. Daguin.

En tout état de cause, les aides qu'il est prévu de prolonger doivent être réparties différemment. Nous serons très vigilants à cet égard car, je le répète, les professionnels concernés n'ont pas apporté, jusqu'à présent, de contrepartie.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Lors de mon intervention liminaire, j'ai interrogé M. le ministre sur les résultats qu'a permis d'obtenir la mise en oeuvre du dispositif d'aide à l'emploi qu'il nous est proposé de proroger. Je n'ai pas obtenu de réponse, et je fais miens sans réserves les arguments présentés par nos collègues du groupe CRC en faveur de la suppression de cette disposition.

En effet, hier, dans cet hémicycle, s'agissant d'autres sujets, notamment des enseignants sans affectation, le président de la commission des finances a affirmé qu'il convenait d'adresser un signal fort et de mettre l'accent sur le fait que les engagements pris devaient être tenus. Eh bien, si des engagements doivent être tenus, c'est bien ceux qui avaient été pris par les bénéficiaires du dispositif qui nous occupe maintenant !

M. Jean-Pierre Godefroy. On nous dit que sa prorogation permettra la création d'emplois ; peut-être, mais cela reste à voir, et dans quelles conditions, selon quelle rémunération, avec quelles conséquences pour le consommateur !

On s'aperçoit que l'obligation de résultat que l'on entend imposer par ailleurs n'est pas évoquée ici. Je crains fort que la reconduite du dispositif ne soit un moyen de « noyer le poisson », permettant d'anticiper un échec annoncé s'agissant de l'application du taux réduit de TVA au secteur de la restauration.

Si c'est bien cela, il faut le dire ! En revanche, s'il faut au contraire se fier à l'optimisme du Premier ministre, qui affirmait hier encore qu'il comptait bien obtenir satisfaction auprès du Conseil européen, il n'y a aucune raison de maintenir aujourd'hui l'article 91 du projet de loi de finances.

M. Jean-Pierre Godefroy. En outre, je voudrais souligner, monsieur le ministre, que ces professions ont exercé récemment des pressions pour que les possibilités de faire travailler les apprentis le dimanche, les jours fériés et la nuit soient élargies.

M. Jean-Pierre Godefroy. Or je n'ai pas non plus obtenu de réponse de votre part sur ce point, je ne sais où en est la rédaction des décrets, et j'ignore si le secteur de l'hôtellerie et de la restauration fera partie des branches professionnelles qui pourront bénéficier de ces dispositions.

M. Guy Fischer. Il est d'accord pour l'apprentissage à quatorze ans !

M. Jean-Pierre Godefroy. À cet égard, en suivant les préconisations d'un parlementaire de la majorité, on pourrait très bien concevoir, puisqu'il était question tout à l'heure de l'entrée en apprentissage à quatorze ans, que les contrats de travail puissent être signés dès l'âge de quinze ans, ce qui permettrait de faire travailler les jeunes la nuit, le dimanche ou les jours fériés. Pourquoi ne pas aller dans cette direction, puisque l'on nous a affirmé que, dans les métiers de bouche, il est nécessaire qu'il en soit ainsi ?

Avant d'offrir aux intéressés un tel cadeau fiscal, il faut donc apporter des réponses sociales, des réponses économiques, et fournir des indications sur les résultats.

C'est la raison pour laquelle, sans rien méconnaître des difficultés de ce secteur, nous voterons cet amendement de suppression.

Enfin, permettez-moi, madame la présidente, de dire quelques mots sur l'apprentissage.

C'est un ancien apprenti qui vous parle : entré en apprentissage à l'âge de quinze ans, je considère que j'ai eu de la chance, parce que la filière qui était la mienne m'a permis d'intégrer ensuite l'enseignement supérieur - certes, c'était une autre époque - et parce que j'ai reçu une formation initiale de bonne qualité.

C'est fort de cette expérience que j'affirme que l'apprentissage ne doit pas concerner uniquement des jeunes en errance scolaire. Il faut appeler aussi les brillants élèves à se former en apprentissage et à suivre des formations alternées ! Or vous n'avez commencé à nous parler de l'apprentissage à quatorze ans que lorsqu'il y a eu une explosion de violence dans les quartiers en difficulté.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Pas du tout !

Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr ! C'est du déterminisme social !

M. Jean-Pierre Godefroy. Quant à la rémunération dont il a été fait état tout à l'heure, permettez-moi de revenir à mon cas personnel : pensez-vous, monsieur le ministre, que c'est une petite rémunération d'apprenti de « trois francs six sous » qui m'aurait permis d'avoir une belle carrière et de m'épanouir dans la vie ?

Par ailleurs, je vous mets en garde : la marchandisation de la formation peut avoir des effets très graves. Elle pourrait effectivement inciter certaines familles en difficulté à pousser leurs enfants vers l'apprentissage pour arrondir leurs fins de mois, mais c'est un phénomène que vous ne pourriez plus contrôler par la suite !

Je ne cesse de vous répéter depuis plus d'un an, monsieur le ministre, que l'apprentissage est pour moi très important. Or M. le Premier ministre nous a annoncé hier qu'on ne légiférerait pas sur le sujet. C'est dommage ! En effet, l'apprentissage et la formation en alternance mériteraient un débat devant le Parlement, une loi spécifique permettrait de leur donner leurs lettres de noblesse, de vérifier que les jeunes apprentis poussent leur parcours scolaire jusqu'au supérieur, comme j'ai eu moi-même la chance de le faire, d'ouvrir des écoles en formation extérieure, au lieu de lancer comme vous le faites quelques annonces à la va-vite.

Ouvrons la discussion au Parlement ! Dotons l'apprentissage d'une véritable loi; donnons-lui ses lettres de noblesse grâce à un véritable travail parlementaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la présidente, pensant à ceux d'entre nous qui siégeront cette nuit autour de deux heures du matin pour examiner les crédits du budget de la santé, je vous prie de m'excuser de prendre la parole en cet instant.

Je tiens seulement à faire remarquer que, puisque nous sommes dans le cadre de la discussion budgétaire, si chacun pouvait s'en tenir aux considérations budgétaires, nous gagnerions peut-être un peu de temps...

J'en reviens donc au budget : s'agissant, monsieur le ministre, de ces 400 millions d'euros en faveur du secteur de la restauration, je souhaiterais, puisque nous sommes dans la logique de la loi organique relative aux lois de finances, que vous puissiez vous doter d'un indicateur permettant de mettre en perspective le nombre des emplois créés et leur incidence sur le budget.

M. Daniel Raoul. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. J'ai bien entendu le ton passionné de M. Godefroy.

Je voudrais d'abord lui dire que nous avons eu ici même un grand débat sur l'apprentissage, alors que Laurent Hénart était secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes, et que la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, évoquée par Mme Rozier, a défini un grand projet pour l'alternance. Ainsi, aujourd'hui, sur les 500 000 jeunes concernés, 30 % ont un niveau bac et au-delà

Hier, fêtant le cinquantenaire d'une grande école d'électronique, nous avons pu mesurer le développement de la formation en alternance...

M. Roland Muzeau. Cela n'a rien à voir !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... et, là comme dans les grandes écoles de commerce, cette formation fonctionne. Il est important de faire en sorte qu'elle puisse aujourd'hui toucher les jeunes, depuis le niveau CAP jusqu'au niveau bac+5.

Quoi qu'il en soit, nous aurons un débat dans les premières semaines de janvier sur l'apprentissage, dont nous voulons faire une voie de réussite. Nous répondrons ainsi aux questions des jeunes de quatorze à seize ans sur l'acquisition du socle des connaissances, sur le rythme de l'alternance, sur les projets personnalisés.

Nous aurons donc, monsieur Godefroy, de nouveaux rendez-vous, au cours desquels vous aurez tout loisir d'exprimer votre passion et votre intérêt.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-70.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 91.

(L'article 91 est adopté.)

Art. 91
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Ville et logement

Article 92

Le deuxième alinéa de l'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Cet établissement a pour mission de rassembler les moyens de financement :

« 1° Des allocations de solidarité prévues aux articles L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail ;

« 2° De l'aide prévue au II de l'article 136 de la loi de finances pour 1997 (n° 96-1181 du 30 décembre 1996) ;

« 3° De l'allocation forfaitaire prévue à l'article 3 de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches » ;

« 4° Des aides mentionnées au premier alinéa du II de l'article L. 322-4-12 du code du travail pour le contrat d'avenir et au troisième alinéa du I de l'article L. 322-4-15-6 du même code pour le contrat insertion - revenu minimum d'activité en tant qu'elles concernent les employeurs qui ont conclu un contrat d'avenir ou un contrat insertion - revenu minimum d'activité avec une personne en sa qualité de bénéficiaire de l'allocation de solidarité spécifique. » - (Adopté.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Travail et emploi ».

ville et logement

Art. 92
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 52 et état B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Ville et logement » (et article 93).

La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur spécial.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c'est dans un contexte particulier que Roger Karoutchi et moi-même sommes amenés à vous présenter, pour la première fois, la mission « Ville et logement ».

En effet, les émeutes survenues, d'abord en Seine-Saint-Denis, puis dans bon nombre de nos départements, ont amené le Gouvernement à proposer, par amendement, des modifications importantes au « bleu » initial.

De même, la loi portant « engagement national pour le logement », adoptée en première lecture par le Sénat, contient des dispositions qui, si elles étaient définitivement adoptées, auraient un impact budgétaire.

En l'état, la mission « Ville et logement » représente, dans son ensemble, 7,2 milliards d'euros, aussi bien en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement.

Cela étant précisé, je vais vous présenter les deux programmes relatifs à la partie « Ville » de cette mission : le programme « Rénovation urbaine », et le programme « Équité sociale et territoriale et soutien ».

Rappelons toutefois que la politique de la ville ne se résume pas à ces deux programmes puisque, par nature, elle est partenariale, interministérielle et inter-missions au sens de la LOLF, huit autres missions y contribuant.

Selon le « jaune » budgétaire, l'effort financier, en 2006, dépassera 7,2 milliards d'euros, en augmentation de 13,1 %, sans compter le poids des mesures nouvelles, pour environ 200 millions d'euros.

Entrons maintenant dans le détail des programmes en prenant comme point de repère, afin de voir si le cap est bien tenu, les deux lois de programmation qui s'imposent désormais : la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, et la loi de programmation pour la cohésion sociale.

Le programme « Rénovation urbaine » sert de cadre à la mise en oeuvre des opérations de rénovation urbaine pour les quartiers ciblés par le PNRU, le programme national de rénovation urbaine.

Il concerne prioritairement les 188 quartiers jugés les plus sensibles, auxquels 70 % des crédits doivent être consacrés, et, selon notre collègue M. Alduy, qui préside l'Agence nationale pour le renouvellement urbain, l'ANRU, environ 300 projets concernant les quartiers classés en priorité 2 et 3 mériteraient également d'être retenus.

À la date du 18 novembre dernier, 139 projets ont déjà été soumis au comité d'engagement de l'ANRU, et 83 conventions signées.

Pour ces 83 conventions, les engagements de l'ANRU atteignent 3 milliards d'euros pour 9,4 milliards d'euros de travaux, ce qui représente, en nombre de logements, 64 000 démolitions, 61 000 constructions sur les 250 000 prévues, et 125 000 réhabilitations sur les 400 000 prévues.

Pour les 139 projets validés, le montant des travaux dépasse les 15 milliards d'euros, dont 5 milliards d'euros de subvention ANRU, ce qui nous entraîne déjà, mes chers collègues, remarquons-le au passage, au-delà des autorisations d'engagement jusqu'alors accordées.

Notons enfin, pour prendre la juste mesure des choses, que, pour l'ensemble des projets simplement étudiés par l'ANRU, le montant estimatif des travaux est déjà de 20,7 milliards d'euros, dont 6,7 milliards d'euros de subvention ANRU.

Cela signifie, selon Jean-Louis Borloo lui-même, qu'à terme les 30 milliards d'euros seront atteints.

Se pose donc inévitablement la question de l'enveloppe globale affectée à ces opérations, puisqu'il n'est en effet pas concevable de saupoudrer les crédits sur un nombre de projets plus important.

Une réactualisation sera donc nécessaire, tout comme me semble nécessaire que toutes les collectivités territoriales - régions, départements, quelle que soit leur couleur politique -, prennent leur part de cet effort national sans précédent, ce qui est très inégalement le cas aujourd'hui.

Mais revenons à ce projet de loi de finances pour 2006, dans lequel le programme « Rénovation urbaine » est doté de 305 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 233 millions d'euros en crédits de paiement.

Avec ces 305 millions d'euros, les 100 millions d'euros du fonds de renouvellement urbain qui seront affectés en loi de finance rectificative et 60 millions d'euros de recettes diverses, l'ANRU disposera donc bien des 465 millions d'euros prévus annuellement.

Certes, il eut été plus clair d'inscrire directement cette somme dans le projet de loi de finances initial. Je réitère donc ma remarque de l'année passée, soulignant toutefois, afin qu'il n'y ait pas de polémique inutile à ce sujet, que l'ANRU est bien dotée conformément à la loi de programmation.

Reste à nous préciser, madame la ministre, comment permettre dès 2006 l'accélération souhaitée et annoncée des programmes de l'ANRU. Passera-t-elle par une augmentation des autorisations d'engagement et des crédits de paiement... qui ne figure pas dans le présent projet ? Nous avons besoin de vos éclaircissements.

Concernant sa structuration, le programme « Rénovation urbaine » se décline en deux actions : l'action « Logement participant à la rénovation urbaine » et l'action « Aménagements des quartiers ».

Les sommes affectées à la première action sont essentiellement consacrées au financement des dépenses d'intervention des bailleurs sociaux et montrent une augmentation de 35 % des crédits de paiement par rapport à l'an dernier, signe de la montée en charge des opérations après des périodes d'étude et d'appels d'offres toujours longues et peu mobilisatrices de crédits.

Pour la seconde action, « Aménagements des quartiers », les autorisations d'engagement se montent à 91 millions d'euros, contre 192 millions d'euros en 2005, et les crédits de paiement à 100 millions d'euros, contre 128 millions d'euros en 2005.

Cette diminution s'explique d'abord par l'arrivée à leur terme des dispositifs antérieurs au PNRU - les opérations de renouvellement urbain, les ORU, et les grands projets de ville, les GPV - qui se trouvent intégrés ici.

Concernant les objectifs et les indicateurs du programme, je vous renvoie à mon rapport, regrettant simplement que trop d'indicateurs restent encore non valorisés.

Venons-en maintenant au second programme, « Équité sociale et territoriale et soutien »

Il regroupe l'ensemble des actions visant à réduire les écarts de développement, tant économique que social, des zones urbaines sensibles, les ZUS, par rapport aux autres quartiers de leur commune ou de leur environnement.

Il se décline suivant deux axes : réduire la vulnérabilité sociale et économique des habitants, renforcer la mixité fonctionnelle - commerces, habitat, équipements sociaux... - de ces quartiers.

Le « bleu » budgétaire affectait à ce programme 585,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 610,7 millions d'euros en crédits de paiement, crédits respectivement en diminution de 7,8 % et de 7,1 %.

Cependant, vous le savez, ces chiffres ne sont plus d'actualité après les annonces de M. le Premier ministre : c'est même une inversion très nette de tendance que nous devons constater, avec une augmentation d'environ 30 % des crédits.

Je me permets cependant de rappeler que les diminutions de crédits, effectives en 2005 et initialement envisagées pour 2006, étaient très largement compensées par l'augmentation de la dotation de solidarité urbaine, la DSU.

Pour vous en convaincre, je citerai les chiffres de mon département, la Seine-Saint-Denis.

En 2005, la DSU y avait progressé de 10 millions d'euros pour l'ensemble des communes concernées, alors que les crédits de ce programme n'avaient diminué que de 2,5 millions d'euros. Le solde était donc positif de 7,5 millions d'euros dès l'année dernière. Et, en 2006, - faut-il le rappeler ?- la DSU progressera encore de 120 millions d'euros.

Je soulignerai également qu'il résultait d'un constat assez largement partagé que l'attribution des subventions à certaines associations, décidée par les services préfectoraux, échappait parfois à la logique communale. Il avait donc été jugé préférable, sur toutes les travées de cet hémicycle, de renforcer le pouvoir de décision du maire, ce qui passait par l'augmentation forte de la DSU au bénéfice des communes rencontrant les plus grandes difficultés sociales.

Cette responsabilisation accrue des maires vient encore d'être réaffirmée par le Gouvernement après les événements du mois dernier.

Concernant sa structuration, le programme Équité sociale et territoriale et soutien » regroupe trois actions.

Les crédits de la première action, « Prévention et développement social », qui est la plus visée par les nouvelles annonces, comprenaient initialement 73 millions d'euros pour les « Ateliers santé-ville » et le dispositif « École ouverte », 32 millions d'euros pour le volet « Investissement » des contrats de ville, 62 millions d'euros pour les « Équipes de réussite éducative », 9 millions d'euros pour le dispositif « Ville, vie, vacances », et 43 millions d'euros pour le dispositif « Adultes relais ».

À ce total de 219 millions d'euros initialement prévus, il convient maintenant d'ajouter 181 millions d'euros au titre de l'amendement gouvernemental, qui sont ainsi répartis : 80 millions d'euros destinés aux associations, dont 20 millions d'euros sur les quartiers les plus en difficulté ; 4 millions d'euros pour les ateliers « Santé-ville », afin d'en porter le nombre à 300 fin 2006 ; 40 millions d'euros pour le dispositif « Adultes relais », afin d'en porter le nombre à 6 000 fin 2006 ; 30 millions d'euros pour les équipes de réussite éducative, afin d'en porter le nombre à 520 fin 2006 ; enfin, 7 millions d'euros pour le financement d'internats.

Le total pour cette première action est donc porté à plus de 300 millions d'euros.

Les crédits de la deuxième action, « Revitalisation économique et emploi », comprennent principalement les allégements de charges sociales en zone franche urbaine, ou ZFU, pour 339 millions d'euros, auxquels il convient maintenant d'ajouter 20 millions d'euros pour les quinze nouvelles ZFU annoncées dernièrement.

Ces exonérations profitent aujourd'hui à près de 90 000 emplois salariés, alors qu'il n'existait que 25 000 emplois dans ces quartiers avant la création du dispositif

Cette action comprend par ailleurs les dotations de l'État pour les 247 contrats de ville et le financement dégressif pour les équipes emploi-insertion, dispositifs arrivant en fin de vie.

Les crédits de la troisième action, « Stratégie, ressources et évaluation », regroupent principalement les crédits nécessaires au fonctionnement de la délégation interministérielle à la ville, la DIV, pour 5,1 millions d'euros, et du volet « Stratégie, ressources et évaluation » des contrats de ville, pour un montant total de 25,66 millions d'euros.

Le solde des crédits est constitué de subventions à des associations et au financement de postes d'animateurs du Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, le FONJEP.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, tel est le détail des crédits du programme « Équité sociale et territoriale et soutien ».

Sur les objectifs et les indicateurs, je vous renvoie là aussi à mon rapport écrit, en vous précisant simplement que quatre objectifs ont été fixés et en soulignant tout de même leur manque de lisibilité, notamment pour ce qui concerne les contrats de ville, dont les crédits sont éclatés en plusieurs actions, ce à quoi il conviendrait peut-être de remédier.

Voilà, mes chers collègues, ce que je voulais vous dire dans le peu de temps qui m'était imparti, en vous appelant à constater l'effort budgétaire très important ainsi réalisé et à en tirer les conséquences en votant les crédits qui vous sont proposés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le logement est devenu l'une des priorités absolues des Français. Les évolutions territoriales, démographiques, familiales, « sociétales », comme on dit maintenant, accroissent les besoins alors que le prix du foncier a explosé et que l'accès au logement est de plus en plus difficile dans le social, de plus en plus coûteux dans le privé.

Au sein de la mission « Ville et logement », deux programmes résument et concentrent l'action budgétaire de l'État en faveur du logement : le programme « Aide à l'accès au logement », doté de 5,11 milliards d'euros, qui correspond, pour 99 % de son montant, aux crédits des aides personnelles au logement ; le programme « Développement et amélioration de l'offre de logement », doté de 1,23 milliards d'euros, qui rassemble en fait les crédits d'aide à la pierre.

Je centrerai mon propos sur quelques observations et, compte tenu du bref temps de parole dont je dispose, je vous renverrai, pour les éléments chiffrés, aux rapports écrits.

Ma première observation portera sur le poids très important de la dépense fiscale, madame la ministre, qui est devenue le levier principal, peut-être obligé, de l'action gouvernementale en matière de logement.

Cette importance est la contrepartie du fait que la majeure partie des crédits budgétaires est accaparée par le service des aides personnelles : il représente plus de 5 milliards d'euros de dépenses, sur lesquelles il n'existe quasiment aucune marge de manoeuvre.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. C'est vrai !

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Au total, sur les deux programmes, j'ai compté quarante-neuf dépenses fiscales, dont moins de la moitié sont exactement chiffrées, pour un montant de dépenses estimé aux environs de 10 milliards d'euros.

Dix-huit dépenses fiscales sont rattachées au programme « Aide à l'accès au logement », pour un montant de l'ordre de 1,5 milliard d'euros ; trente et une dépenses fiscales sont rattachées, à titre principal ou secondaire, au programme « Développement et amélioration de l'offre de logement », pour un montant évalué aux environs de 9 milliards d'euros en 2006, soit six fois plus que le montant des crédits budgétaires.

Ce poids des dépenses fiscales est également en très forte progression par rapport à 2005, pour des raisons d'ailleurs tout à fait claires : on note un accroissement de 58,7 % pour les aides personnelles, résultant, pour la quasi-totalité, du nouveau financement du prêt à taux zéro qui, depuis le 1er février 2005, n'est plus assuré par une subvention versée sur crédits budgétaires mais grâce à un crédit d'impôt sur les sociétés accordé aux établissements prêteurs ; on note également un accroissement de 3,6 % pour les aides à la pierre, en raison essentiellement du coût du « dispositif Robien ».

Si l'on considère les dispositions récemment adoptées dans le cadre de l'examen en première lecture au Sénat du projet de loi portant engagement national pour le logement - taux réduit de TVA pour l'accession aidée, dispositif « Borloo social » -, on constate que cette évolution n'est pas près de s'inverser.

La question qui se pose, dans ces conditions, est évidemment celle de l'adéquation de la dépense fiscale pour régler tous les problèmes liés au logement, sans oublier le risque de favoriser des effets d'aubaine.

Cette question est d'autant plus cruciale que, par nature, nous contrôlons difficilement la dépense fiscale et que nous n'avons pas à notre disposition les instruments qui nous permettraient de nous assurer de leur efficacité économique et sociale.

Cela étant, tout le monde est conscient de la lisibilité et des résultats rapides qu'offre l'aide fiscale, et donc de l'attrait de celle-ci pour nos compatriotes.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Absolument !

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Il faut reconnaître ces réalités et envisager une réflexion globale. J'ai d'ailleurs noué des contacts avec votre cabinet ministériel, madame la ministre, à ce sujet.

Ma seconde observation concerne la nécessité d'envisager le logement dans son ensemble. Trop souvent, on a eu le sentiment, ces derniers mois, que l'on abordait le logement uniquement sous l'angle du logement social. Or il faudrait une réflexion qui dépasse les clivages trop systématiques entre logement social, logement intermédiaire et logement privé.

Je maintiens, comme je l'ai souvent dit, que le logement est un seul segment dans lequel nos compatriotes ont le droit d'avoir un parcours, ce qui n'est pas toujours possible aujourd'hui.

Le secteur immobilier est toujours un secteur à hauts risques compte tenu du coût du foncier, de la remontée des taux d'intérêt - nous en avons la démonstration avec la récente décision de la Banque centrale européenne - et de l'allongement des durées d'endettement.

L'explosion des prix de l'immobilier a rendu inabordable le logement privé pour les ménages disposant de revenus moyens. Je voudrais juste rappeler que, de 1998 à 2005, en sept ans, la hausse moyenne des prix des logements anciens a été de 74 % à Paris et de 62 % dans la région d'Île-de-France. Dans le même temps, les revenus n'ont progressé que du tiers de ces évolutions. Et, malgré la forte augmentation des loyers - que, sans doute, le nouvel indice que vous mettez en place contribuera à ralentir - le taux de rendement locatif est en baisse régulière.

Face à cette situation, il faut, comme vous l'avez fait pour le logement social, apporter des réponses cohérentes et sans exclusive pour l'ensemble du secteur.

Je terminerai par quelques remarques de méthode.

Sur le plan strict de la conformité des deux programmes concernant le logement, la commission des finances a relevé certains points qui appellent des clarifications dans l'optique de la prochaine loi de finances.

Elle a regretté, d'abord, une répartition assez floue des dépenses fiscales, comme je l'indiquais précédemment, entre les deux programmes de la mission. Le dispositif du prêt à taux zéro est en effet rattaché à l'action « Aides personnelles » alors qu'il est présenté plus loin comme un élément déterminant du programme « Développement et amélioration de l'offre de logement ».

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. En outre, huit mesures fiscales figurent simultanément dans les deux programmes concernant la politique du logement.

La commission a également regretté l'absence d'indicateur clair mesurant les taux d'effort en accession à la propriété.

De manière plus générale, les indicateurs du programme « Aide à l'accès au logement » ne lui ont pas semblé être à la hauteur des enjeux et des moyens budgétaires mis en oeuvre. Pour prendre un exemple, je ne saisis pas bien l'intérêt - il est peut-être purement informatif, mais ce n'est pas l'objet de l'exercice - d'un indicateur de moyens qui présente la part des crédits d'aide personnelle affectés aux catégories de bénéficiaires.

Madame la ministre, avant de conclure, je voudrais souligner l'inversion de tendance qui s'est dessinée au cours de cette année 2005. En effet, les difficultés en matière de logement sont nombreuses, mais nous avons lancé depuis plusieurs années des programmes, des politiques qui, aujourd'hui, portent leurs fruits. Ainsi, cette année, 400 000 logements neufs ont été mis en chantier...

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. C'est historique, monsieur le sénateur !

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. ...et 80 000 logements sociaux ont été construits, chiffres que nous n'avions pas connu en France depuis plus de vingt-cinq ans.

Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour veiller à ne pas disperser les actions, parce que nous avons la conviction que l'efficacité des politiques conduites dans le domaine du logement est indissociable d'un recentrage sur un nombre limité d'objectifs, lequel doit s'accompagner d'une évaluation systématique du bilan coût-avantages des nouvelles mesures proposées.

En conclusion, madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des finances vous demande d'adopter sans modification les crédits proposés pour la mission « Ville et logement », ainsi que les amendements concernant le fonds de garantie de l'accession sociale, qui tiennent compte de l'accord conclu avec les banques le 17 novembre dernier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre André, rapporteur pour avis.

M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, sans refaire à cette tribune le débat sur les événements récents, il nous incombera dans les prochains mois de dresser un bilan objectif de la politique de la ville, d'en tirer les leçons et de tracer des perspectives nouvelles.

Toutefois, soulignons que cette politique ne pourra à elle seule résoudre l'ensemble des difficultés qui se posent aujourd'hui dans nos quartiers. Ces derniers ont besoin d'une présence accrue de l'État, y compris dans sa dimension régalienne, et les mesures annoncées hier par M. le Premier ministre vont dans le bon sens.

Je ne m'attarderai pas, madame la ministre, sur les chiffres de votre budget. Comme à votre habitude, vous avez, avec talent, su convaincre et obtenir une « rallonge » de 181 millions d'euros, votée par l'Assemblée nationale. Votre budget atteint, de ce fait, un niveau très élevé, pour ne pas dire historique.

La commission des affaires économiques n'a pas eu de mal, dans ces conditions, à donner un avis favorable à son adoption.

J'en viens donc à ce qui doit nous occuper dans les prochains mois, à travers, notamment, le comité interministériel des villes, annoncé pour le mois de décembre, et le dépôt du projet de loi relatif à l'égalité des chances.

S'agissant tout d'abord du volet urbain, l'action de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, est aujourd'hui saluée par l'ensemble des acteurs concernés, les engagements financiers de l'État sont tenus, et les opérations s'engagent. Pourtant, peu nombreux étaient ceux qui partageaient avec nous l'enthousiasme de Jean-Louis Borloo lorsque celui-ci défendait la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine !

Je souhaite simplement vous poser une question à ce sujet, madame la ministre : les importants crédits non consommés en 2005 par l'Agence pourront-t-ils être reportés en 2006 ?

Pour ce qui est du volet humain de la politique de la ville, l'emploi est sans conteste la première préoccupation des habitants des quartiers sensibles, et des jeunes en particulier. Je vous rappelle que le chômage y atteint, avec un taux de 20 %, plus du double du taux de chômage national, et que 36 % à 40 % des actifs de quinze à vingt-cinq ans sont actuellement au chômage. Aussi pouvons-nous nous réjouir de la création de quinze nouvelles zones franches urbaines, dont les crédits sont d'ores et déjà inscrits pour 2006.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Tout à fait !

M. Pierre André, rapporteur pour avis. Dans son rapport d'information sur les contrats de ville, notre commission des affaires économiques avait dressé le constat de la nécessité impérative de simplifier et de rénover ce cadre, notamment afin de conforter et de sécuriser les actions menées par les associations.

La future agence pour la cohésion sociale doit, à nos yeux, constituer une réponse à l'ensemble des maux que nous avions dénoncés : dispersion des dispositifs, financements croisés, incertitude du fait de l'annualisation des crédits.

Cette agence doit devenir l'interlocuteur privilégié des maires et constituer un guichet unique pour les associations, qui ont besoin de visibilité et de sécurité.

Elle doit mutualiser le maximum de fonds et passer des conventions avec les villes, sur une durée fixée, par exemple, à trois ans, avec une évaluation annuelle, ce qui permettrait enfin de mettre un terme à l'insécurité actuelle des financements.

Ainsi serait concrétisée notre volonté de simplifier la prochaine contractualisation, en la recentrant sur l'État et les villes afin d'éviter la lourdeur des financements croisés.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner votre sentiment sur ces propositions et sur le prochain comité interministériel des villes, et nous fournir quelques éléments de calendrier concernant le projet de loi relatif à l'égalité des chances ?

Enfin, il me paraît nécessaire de soulever la question de l'avenir des crédits européens qui seront attribués aux villes dans la prochaine programmation. Avez-vous une idée de la place qu'auront ces fonds - très importants pour nos villes - dans cette programmation ? Quelle est la position défendue par la France dans les discussions sur ce sujet ?

Sur tous ces points, je vous remercie, madame la ministre, de nous apporter des éclaircissements, et je salue une fois encore, au nom de la commission des affaires économiques, ce bon budget que vous nous avez préparé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, en remplacement de M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis.

M. Daniel Raoul, en remplacement de M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord d'excuser notre collègue Thierry Repentin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, retenu en ce moment même par d'autres obligations sénatoriales, et de vous imposer en conséquence ma présence à cette tribune pour le suppléer. (Protestations amusées sur toutes les travées.)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. C'est un plaisir, monsieur le sénateur !

M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis. Je souhaite, à mon tour, exposer brièvement les lignes directrices des crédits affectés au logement dans le cadre de la mission « Ville et logement ».

Avec la LOLF, ces crédits se répartissent désormais entre deux programmes : le premier traite des aides à la personne et le second des aides à la pierre.

Le premier programme est consacré aux aides personnelles au logement et représente le poste budgétaire le plus important, avec un peu plus de 5,1 milliards d'euros.

Ces crédits sont en diminution de 72 millions d'euros par rapport à l'an dernier. Cette évolution serait justifiée par un ralentissement du niveau d'augmentation des loyers et par une diminution du chômage. Mais je vous laisse seuls juges, mes chers collègues !

À titre personnel, j'attire l'attention du Sénat sur plusieurs éléments relatifs aux aides au logement.

D'une part, nous n'avons pas obtenu de réponse sur l'évolution du seuil de 24 euros en dessous duquel les aides au logement ne sont pas versées, ce qui prive plus de 120 000 ménages modestes de près de 288 euros par an.

Madame la ministre, pourriez-vous nous dire si oui ou non vous envisagez de modifier ce seuil, voire de le supprimer ?

D'autre part, je tiens à rappeler notre attachement à la suppression du fameux « mois de carence ». En effet, tout le monde a souligné que ce dispositif occasionnait de grandes difficultés pour les ménages démunis entrant dans leur logement.

Enfin, je regrette, à titre personnel, que les aides au logement ne soient pas indexées sur un indice prenant en compte les variations du pouvoir d'achat des ménages.

Certes, la définition d'un nouvel indice de référence des loyers devrait permettre d'atténuer les hausses de loyer pour les années à venir. Toutefois, les revalorisations du barème des aides au logement réalisées ces dernières années ont été insuffisantes pour couvrir la flambée des loyers.

Le deuxième programme de la mission regroupe la plupart des aides à la pierre.

S'agissant du développement du parc locatif social, nous sommes, avec la loi de cohésion sociale, dans le cadre d'une programmation budgétaire pluriannuelle.

La commission des affaires économiques a tenu à souligner l'exceptionnelle mobilisation de moyens financiers réalisée par le Gouvernement en faveur du développement de l'offre locative sociale. C'est un fait difficilement contestable - rassurez-vous, je ne le dirai pas deux fois ! (Sourires) - mais pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer pourquoi les crédits de paiement affectés au parc HLM par le projet de loi de finances pour 2006 sont inférieurs de 60 millions d'euros par rapport aux prévisions de la loi de programmation pour la cohésion sociale ? Je crains en effet que ce différentiel ne conduise à ralentir le rythme de résorption de la dette de l'État à l'égard des organismes d'HLM.

Enfin, sur l'accession à la propriété, permettez-moi deux remarques.

D'une part, je déplore la réforme du prêt à taux zéro qui nous est proposée dans ce projet de budget, ...

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. C'est dommage !

M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis. ... et qui permet de faire bénéficier de ce dispositif des ménages gagnant jusqu'à 6 000 euros par mois.

Certes, c'est moins que ce qui est était prévu initialement, puisque la barre était fixée à 7 000 euros. Néanmoins, je persiste à penser qu'il s'agit là d'une conception plus qu'extensive de la notion de classes moyennes.

D'autre part, je tiens à me faire le relais des interrogations qui se sont fait jour sur l'avenir du fonds de garantie de l'accession sociale.

Il semblerait, madame la ministre, que vous soyez parvenue à un compromis avec les banquiers sur cette question.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Oui, le 17 novembre !

M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis. C'est heureux, puisque ces derniers menaçaient de ne plus distribuer les prêts à taux zéro, les PTZ, ou les prêts à l'accession sociale, les PAS. Toutefois, vous me permettrez d'être quelque peu critique sur la méthode qui a été retenue dans cette affaire.

Surtout, je crois que nous nous sommes un peu trompés de débat : il m'aurait paru plus opportun de réfléchir à une amélioration des prêts à l'accession sociale, qui n'ont pas été revalorisés depuis longtemps, plutôt que de créer un « FGAS bis », auquel, de surcroît, l'État ne participe plus.

En définitive, sans poser de véritables difficultés, le budget du logement qui nous est proposé, vous l'aurez compris, est loin de répondre à toutes nos attentes. D'importants moyens ont été mobilisés en faveur du développement des logements sociaux, je dois le reconnaître, mais nous aurions souhaité des efforts plus substantiels en matière d'aides personnelles au logement.

Pour l'ensemble de ces raisons, notre collègue Thierry Repentin avait appelé la commission des affaires économiques à émettre un avis défavorable sur l'adoption de ces crédits,...

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Elle a dit non !

M. Daniel Raoul, rapporteur pour avis. ... mais elle ne l'a pas suivi. Vous m'en voyez navré ! (Sourires.)

En conséquence, ma position de rapporteur pour avis me conduit à indiquer que la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Ville et logement ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c'est avec une relative satisfaction que la commission des affaires sociales a accueilli les orientations budgétaires de la mission « Ville et logement » pour 2006.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Relative ? (Sourires.)

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Du fait de l'apport de crédits complémentaires proposés en réponse à l'actualité récente, nous examinons désormais un budget ambitieux et rééquilibré.

Il s'élève en effet à 7,4 milliards d'euros, dont 181 millions d'euros ajoutés au budget initial grâce aux mesures d'urgence prises par le Gouvernement en faveur de la politique de la ville. Il est complété par des mesures fiscales pour plus de 10 milliards d'euros.

Ce budget permet notamment la poursuite de la mise en oeuvre du programme national de rénovation urbaine dans les zones urbaines sensibles, qui prévoit, sur la période allant de 2004 à 2011, la démolition et la reconstruction de 250 000 logements locatifs sociaux et la réhabilitation de 400 000 locaux d'habitation.

Il honore les engagements du volet « logement » du plan de cohésion sociale, ce qui se traduit par un effort financier de l'État sans précédent, au travers de quatre actions essentielles : la construction et la rénovation du parc public et privé, le développement de l'accession à la propriété, la résorption de l'habitat indigne, et l'amélioration de la sécurité et de l'accessibilité des logements.

Enfin, ce budget accroît la dotation de solidarité urbaine, la DSU, de près de 20 % en 2006, ce qui permettra aux communes les plus défavorisées de cofinancer des actions de politique de la ville sur leur territoire.

À cet égard, nous pensons qu'il serait nécessaire de réfléchir à une éventuelle sanctuarisation à la source d'une partie de ces crédits, afin de garantir qu'une fraction de ceux-ci sera bien destinée à l'accompagnement des populations par le soutien au tissu associatif sur les territoires bénéficiaires de la DSU. En effet, aujourd'hui, on constate que tel n'est pas toujours le cas et que quelques communes ont tendance à ne pas accompagner les associations présentes sur leur territoire.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Bonne remarque !

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Ce budget est aussi rééquilibré, grâce à une mobilisation rapide de crédits supplémentaires qui permet une augmentation de 20 % des moyens consacrés à la prévention, à la médiation sociale et à la revitalisation économique des quartiers sensibles.

Il faut toutefois noter que, sans ce complément significatif, les crédits du programme « Équité sociale et territoriale et soutien » auraient diminué de 15 %.

Ce rééquilibrage permettra d'assurer la poursuite de la nécessaire montée en puissance du plan de cohésion sociale dans son volet relatif aux dispositifs de réussite éducative et aux ateliers Santé-ville, conformément à ce qu'a exposé très récemment...

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Hier !

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. ... le Premier ministre.

Nous nous félicitons également que les règles de versement des crédits du fonds d'intervention pour la ville, le FIV, aient été revues et assurent ainsi en 2006 aux associations 95 % de leurs moyens en début d'année.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Tout à fait !

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Il s'agit là d'un réel effort. Il était nécessaire de le faire, car ces associations souffrent énormément en ce moment.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Nous sommes d'accord !

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. En revanche, je constate à regret que les opérations « Ville, vie, vacances » souffrent d'une réduction de leurs crédits. Cela est d'autant plus inapproprié que les événements récents ont montré toute l'importance d'une politique active de prévention en faveur de la jeunesse.

Outre ces points positifs, la commission des affaires sociales s'est interrogée sur plusieurs questions de fond.

Tout d'abord, concernant les crédits du FIV, elle ne peut que déplorer leur diminution progressive depuis 2002. Or l'arrivée à échéance des contrats de ville en 2006 ne peut manquer de susciter une interrogation quant à leur devenir.

J'estime, pour ma part, qu'il est primordial que les crédits qui leur sont accordés soient préservés et affectés de manière pluriannuelle. Reste à réfléchir pour savoir sous quelle forme.

Par ailleurs, la diminution de la dotation de l'État en faveur des allocations de logement est préoccupante, sachant que la revalorisation de ces aides de 1,8 % ne compensera pas l'augmentation du prix des loyers.

Nous maintenons donc notre demande pour que ces allocations soient versées dès le premier mois d'entrée dans le logement et dès le premier euro.

Enfin, étant donné les délais nécessaires à la constitution des dossiers de candidature au programme national de rénovation urbaine et à la signature des conventions financières, la montée en charge de l'ANRU, tout en étant bien engagée - comme l'a souligné mon collègue Philippe Dallier -, atteindra son pic de consommation entre 2007 et 2009.

La commission des affaires sociales pense qu'il faudra avoir anticipé ce pic financièrement, en mobilisant, entre autres - notre collègue Pierre André y a fait allusion - les crédits non totalement consommés pendant les années de démarrage, afin que l'ANRU puisse atteindre son objectif dans les meilleures conditions possibles.

De plus, la commission des affaires sociales se félicite que le Sénat ait proposé, à l'occasion de la discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement, de rendre obligatoire pour chaque dossier la signature d'une convention de gestion urbaine de proximité. Il faudra d'ailleurs veiller à ce que les moyens correspondants soient bien dégagés.

En conclusion, j'insisterai sur la nécessité de maintenir un certain équilibre entre les moyens alloués aux programmes fonciers de rénovation urbaine et ceux qui sont réservés à l'accompagnement humain. En effet, une politique de la ville qui se limiterait au bâti sans se préoccuper des populations est, à notre avis, vouée à l'échec.

Dans cette perspective, les réflexions ouvertes sur son évolution et, en particulier, sur son articulation avec les politiques de droit commun et la DSU seront centrales.

Nous espérons que la future agence pour la cohésion sociale jouera un rôle essentiel dans la remise à plat de tout le dispositif et dans le renforcement de la coopération interministérielle, dont l'action doit absolument être mieux coordonnée lorsqu'il s'agit d'intervenir sur les mêmes populations et sur les mêmes territoires.

Ces quelques observations complètent notre analyse positive des orientations de la politique de la ville et du logement.

Sous réserve de l'amendement qu'elle vous proposera en faveur des programmes « Ville, vie, vacances », la commission des affaires sociales a donc émis un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission ainsi que de l'article 93 qui lui est rattaché. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Voilà une bonne nouvelle ! (Sourires.)

Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 42 minutes ;

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes.

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante-cinq minutes pour intervenir.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il ne fait nul doute que, au moment où nous discutons des crédits de la mission « Ville et logement », les conditions de ce débat ont quelque peu varié compte tenu de ce qui s'est passé fin octobre début novembre dans tout le pays et dans bien des quartiers concernés au premier chef par la politique de la ville.

De même, comment ne pas lier l'analyse que l'on peut produire sur les crédits de cette mission aux orientations du projet de loi portant engagement national pour le logement, dont nous avons achevé l'examen alors même que s'était engagée la discussion du présent projet de loi de finances ?

Péripétie liée à l'immédiate actualité, l'examen des crédits de cette mission a été reporté à l'Assemblée nationale, parce que le Gouvernement a fait voter un amendement majorant de 181 millions d'euros les crédits du programme « Équité sociale et territoriale et soutien », cette définition recouvrant pour l'essentiel les anciens crédits de la ville.

Malgré cet accroissement conjoncturel des crédits ouverts au titre de la mission, et même si le Gouvernement a multiplié les communiqués pour indiquer qu'il avait « entendu le message » des banlieues, la réalité est que le volume des crédits ne progresse pas entre 2005 et 2006.

En effet, avant le correctif indiqué, la perte sèche des engagements financiers de la mission était de 240 millions d'euros : 45,5 millions d'euros sur les dépenses tendant à financer les opérations de la politique de la ville, 72 millions d'euros sur le programme « Aide à l'accès au logement », et 128,5 millions d'euros sur le programme « Développement et amélioration de l'offre de logement ».

La traduction de ces orientations se manifeste d'abord par le désengagement croissant de l'État dans la mise en oeuvre des contrats de ville et des opérations menées en partenariat avec les collectivités territoriales, le correctif ne changeant rien à l'orientation globale ; elle se manifeste ensuite par un tour de passe-passe sur les APL, en rétablissant un droit au versement des allocations de faible montant largement compensé par l'imputation d'un plus important « reste à charge » pour les allocataires ; elle se manifeste enfin concrètement par la non-réalisation des objectifs de construction de logements sociaux inscrits dans la loi de programmation pour la cohésion sociale ainsi que par le désengagement quasi complet de l'État sur la question de l'accession sociale à la propriété.

En fait, progressent essentiellement dans le budget de cette mission la prise en charge des exonérations d'impôt pour les entreprises dans les zones franches urbaines, pour un montant de 205 millions d'euros en 2006, et celle des exonérations de cotisations sociales, pour un montant de 339 millions d'euros.

Ces deux postes réunis, soit 544 millions d'euros, représentent, par exemple, plus que les crédits d'engagement de l'État au titre du programme national de rénovation urbaine.

Si l'on examine l'ensemble de la dépense fiscale associée à la mise en oeuvre de cette mission, des éléments essentiels apparaissent : le dispositif Périssol coûte encore 80 millions d'euros, le dispositif Robien est estimé à plus de 300 millions d'euros, le dispositif Besson représente 130 millions d'euros, tandis qu'aucune évaluation n'a été rendue publique sur les effets du dispositif Marini en direction des sociétés foncières, même si l'on peut probablement estimer son impact annuel à une perte de 1 milliard d'euros de recettes fiscales. Or tant le Périssol que le Robien ou le Marini ont eu pour conséquence, entre autres, de tirer vers le haut les prix de l'immobilier, à la vente comme à la location, au moment même où l'on se rend compte que la grande majorité des mal-logés ont des ressources extrêmement faibles.

Qui peut aujourd'hui payer 1 500 euros de loyer mensuel, conséquence du dispositif Robien, pour un quatre pièces dans la plupart de nos grandes villes ?

Utiliser de l'argent public pour créer une offre de logements qui ne répond pas à la demande, c'est pour nous un véritable gâchis !

Il n'existe d'ailleurs pas, dans notre pays, de logements qui ne soient pas aidés, puisque l'imputation des déficits fonciers n'a d'autre finalité que de permettre aux bailleurs de bénéficier d'une aide fiscale non négligeable, bien plus importante en tout cas que l'ensemble des dispositions prises pour ce qui concerne le logement social.

Tout se passe comme si le logement locatif privé était plus aidé que le logement social et comme si nous marchions avec une politique claudiquant entre une dépense contrainte constituée par l'inexorable progression du poids des aides personnelles au logement et une dépense fiscale de plus en plus forte en faveur de l'investissement locatif privé. Quelle situation !

Sur les 400 000 logements autorisés cette année, il y a moins de 77 000 logements sociaux, et le parc se rétrécit du fait de la non-compensation des destructions de logements prévues dans les programmes de l'ANRU par des constructions neuves. Pendant ce temps, les habitants des quartiers dits sensibles et prioritaires subissent des difficultés sociales en permanence !

Un exemple - que nous trouvons en province, pour une fois : l'opération du Vert-Bois, à Saint-Dizier, dans la Haute-Marne - illustre le résultat de la problématique des politiques de la ville dans certains cas.

Voilà un quartier qui fait aujourd'hui l'objet d'une opération importante de rénovation urbaine.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. C'est un GPV !

M. Roland Muzeau. Ce sont 112 millions d'euros, dont 42 millions d'euros avancés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, qui sont en jeu dans cette affaire.

Ce quartier regroupe 4 400 logements et accueille pratiquement la moitié de la population de la ville. La destruction prévue de 538 logements y sera compensée par 398 constructions, dont une partie en locatif libre et en accession à la propriété, qui seront réalisées sur l'ensemble de l'agglomération. Or le quartier est marqué par un taux de chômage important, lié, notamment, au déclin des industries traditionnelles de la région - textile, métallurgie, entre autres - et à d'autres événements. Ainsi, depuis le rachat de Miko, premier employeur de la ville, par Unilever, l'effectif fond année après année. Pis, la société Mac Cormick France, qui a embauché jusqu'à 3 000 salariés et qui en comptait encore 750, vient d'être placée en redressement judiciaire.

Pour compléter le tableau, si l'on peut dire, il faut savoir que, selon les éléments connus, la moyenne des revenus dans cette ville est de 12 250 euros annuels : la majorité des familles vit avec moins de 10 500 euros nets par an, ce qui conduit près de 60 % des contribuables à ne pas payer d'impôt sur le revenu. Quel est le devenir de ces familles, dont l'état des ressources et les situations sociales, assez emblématiques des enjeux de la politique de la ville, risquent fort de les exclure de la réalité de la rénovation urbaine ?

Et ce n'est là qu'un exemple, que l'on pourrait sans doute dupliquer à l'infini dans une grande partie des sites de l'ANRU, ce qui est d'ailleurs bien regrettable.

La politique de la ville et du logement appelle manifestement d'autres orientations que celles qui sont aujourd'hui mises en oeuvre. Nous avons d'ailleurs formulé certaines propositions lors de la discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement.

Nous ne pouvons partager une politique qui ne répond pas aux attentes réelles, notamment en matière de construction sociale, une politique qui ne tient pas les objectifs qu'elle s'est assignée et qui est, de surcroît, largement soumise, le moment venu, aux coupes claires de la régulation budgétaire. Car comment oublier que, en plein coeur de la crise des banlieues, M. Borloo a notamment autorisé la suppression de 55 millions d'euros sur la ligne « logement » et de 62 millions d'euros pour la politique de la ville ?

Compte tenu de ces observations, que nous ne pouvions manquer de faire à l'occasion de la discussion des crédits de cette mission, vous l'aurez compris, madame la ministre, le groupe communiste républicain et citoyen émettra un vote négatif. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les choix budgétaires du Gouvernement au sein de la mission « Ville et logement », que nous examinons en cette fin d'après-midi, cantonnent le logement à l'urbain et la ville au béton, au détriment de l'accompagnement social des habitants. Cette vision réductrice ne peut qu'exacerber une société fracturée, générant toujours plus d'exclusion.

Pourtant, depuis trois ans, nous vous alertons, madame la ministre, sur la réduction systématique des crédits affectés à l'accompagnement social des populations des quartiers les plus fragiles et sur l'exigence de construction de logements sociaux sur l'ensemble du territoire national afin d'enrayer, notamment, l'effet dévastateur des ghettos et de favoriser une véritable mixité sociale.

Deux ans après le premier lancement d'un plan pour les quartiers, le Gouvernement est contraint de lancer un autre plan pour faire face à l'urgence.

Je m'attarderai plus particulièrement sur le programme « Ville ».

Dans son rapport pour 2005, l'Observatoire national des zones urbaines sensibles a déploré que seuls 10 % des concours financiers programmés sur la période 2004-2008 aient été engagés par l'ANRU.

Par parenthèse, je signale que les reconstructions de logements sociaux, dans le cadre de l'opération démolition-reconstruction, restent inférieures aux démolitions : nous sommes en deçà de la règle du « un pour un ». Autrement dit, la politique de rénovation urbaine se traduit par une réduction lente, mais certaine, du nombre de logements sociaux.

Le président de l'ANRU a fait connaître ses inquiétudes. Il estime en effet que, outre les 189 projets qui ont été retenus, 300 projets supplémentaires mériteraient grandement d'être examinés. De son aveu même, 3 milliards d'euros manqueraient à l'appel !

L'État s'est engagé à financer I'ANRU tous les ans jusqu'en 2011, à hauteur de 465 millions d'euros.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. C'est fait !

M. Roger Madec. Pourtant, cette année, il ne versera que 305 millions d'euros.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Mais non !

M. Roger Madec. Pour le reste, d'autres bailleurs de fonds seront priés de mettre la main à la poche.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Pas seulement, je l'ai démontré !

M. Roger Madec. Au total, les 8 milliards d'euros de crédits de I'ANRU devaient provoquer en huit ans un effet de levier de l'ordre de 30 milliards d'euros. Mais la magie n'a pas opéré.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Mais si !

M. Roger Madec. Au lieu de quoi, I'ANRU doit contribuer à chaque projet à hauteur de 32 %, contre 26 % initialement prévus. À ce rythme, les caisses de l'Agence seront vides avant la fin des travaux, et c'est bien ce qui provoque l'inquiétude de tous les acteurs de la rénovation urbaine !

Face à l'ampleur de ce défi, qu'a fait le Gouvernement, ou, plutôt, qu'avait-il prévu de faire avant que les violences urbaines ne viennent lui rappeler ses obligations ? Il a réduit de 27 % les crédits de la rénovation urbaine. C'était donc écrire noir sur blanc que la réhabilitation des quartiers les plus démunis pouvait bien attendre !

Il aura donc fallu que de nombreux quartiers basculent dans la violence pendant deux semaines - violence que nous condamnons sans nuance - pour que le Gouvernement prenne conscience de l'urgence. Ce n'est qu'à ce prix qu'une rallonge budgétaire de 2 milliards d'euros pour l'ANRU a été annoncée !

Et que dire du recul de 22 % des crédits de paiement du programme « Aménagement des quartiers participant à la rénovation urbaine » ? Je rappelle que cette action contribue au développement de l'activité économique et qu'elle vise également à rénover les équipements publics dans ces quartiers.

Pensez-vous réellement, madame la ministre, que les banlieues aient moins besoin d'activité économique et d'équipements collectifs que l'année dernière ? Moi, je ne le pense pas.

Venons-en maintenant au versant « humain » de la politique de la ville.

Là encore, le budget initial du Gouvernement prévoyait une baisse de près de 8 % des autorisations d'engagement et programmait une nouvelle baisse de 13 % des fonds alloués aux associations. Or, on le sait, les associations de quartier sont des acteurs fondamentaux du lien social, et la déstabilisation depuis trois ans de ces acteurs de terrain a sans nul doute contribué à la dégradation du climat social, en particulier dans les quartiers en très grande difficulté.

Aujourd'hui, madame la ministre, vous nous annoncez que les associations bénéficieront de 100 millions d'euros supplémentaires en 2006. Je m'en félicite, mais cette somme ne compensera pas la chute de 40 % depuis 2003 des mêmes crédits. Que de temps perdu pour les associations !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Et la DSU ?

M. Roger Madec. La hausse de la DSU n'améliorera pas le quotidien des quartiers ! Vous faites de celle-ci le pilier de votre politique, mais, de l'avis même du Conseil national des villes et du développement social urbain, l'abandon depuis 2003 du fonds d'intervention pour la ville risque de réduire presque à néant les effets de la nouvelle DSU.

Cette baisse de près de 8 % des crédits du programme « Équité sociale et territoriale et soutien » représente une véritable casse. Ainsi, les actions « Prévention de la délinquance juvénile », « Renforcement de l'autorité parentale », « Accès au droit et à la justice », « Développement d'activités de proximité en période de vacances scolaires » subissent une baisse de 13 %. Pour l'accueil des entreprises dans les quartiers, la création de zones franches urbaines ou l'insertion professionnelle, la baisse est de 7 %.

Ces objectifs auraient également dû être considérés depuis longtemps comme une priorité absolue. Attendre une explosion comme celle que nous avons vécue dans certains quartiers pendant près de deux semaines pour rétablir ces crédits est l'aveu même des dégâts de votre politique. Vous avez beau jeu d'annoncer aujourd'hui le retour des subventions aux associations : quelle casse inutile !

Peut-on croire en votre politique alors qu'elle réagit plus qu'elle ne prévoit ? Peut-on faire confiance à la politique du Gouvernement alors qu'il annule par décret, et en pleine période de véritable guérilla urbaine, 46 millions d'euros sur le budget de la ville pour 2005 ?

La politique de la ville depuis 2002 est un échec. Vous l'avez sabordée pendant trois ans, et les banlieues sont maintenant au bord du naufrage.

La politique de la ville, c'est la volonté d'aider ceux qui luttent au quotidien contre les discriminations sociales, contre le chômage et contre la misère. La politique de la ville, c'est le soutien actif au réseau associatif, facteur de lien social. La politique de la ville, ce sont aussi les emplois-jeunes, que vous vous êtes empressés de supprimer dès votre retour au pouvoir, et qui étaient pourtant si utiles aux quartiers.

Ce budget est donc avant tout une tentative du Gouvernement de sauver les meubles après l'explosion des banlieues, et sûrement pas l'expression d'une réelle volonté de répondre à l'urgence sociale. Si tel était le cas, les crédits de la politique de la ville ne fluctueraient pas au gré des violences urbaines et des événements dans les banlieues ! Il est donc à craindre que la pérennité des crédits supplémentaires accordés sous la pression des événements ne soit pas garantie dans l'avenir.

Vous l'aurez compris, madame la ministre, vos propositions ne nous satisfont pas et nous ne voterons pas les crédits de la mission « Ville et logement ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, même si elle s'adresse à des populations et à des territoires précis, la politique de la ville est une politique globale : violences, chômage, mixité sociale, intégration culturelle, économie souterraine, logement, urbanisme, éducation, sécurité, soutien à la fonction parentale, autant de problèmes qui ont nécessité la mise en oeuvre de politiques publiques à tous les niveaux - l'Europe, l'État, la région, le département, l'intercommunalité, la commune, les établissements publics - sans que la cohérence soit toujours la règle. Comment d'ailleurs le serait-elle, puisque la ville est non pas un sujet de droit, mais un objet politique et social indéfini ?

Cette cohérence limitée s'explique déjà par trois facteurs constitutifs.

Les plans se sont succédé au gré des crises urbaines et des alternances politiques sans que la continuité de l'action de l'État soit toujours assurée. D'autre part, les politiques publiques ont été élaborées sous la forme du contrat, procédure souple mais incertaine car tous les cocontractants ne s'engagent pas avec la même force, à commencer par l'État.

Enfin, politique expérimentale promue par une administration de mission à ses origines, la politique de la ville est aujourd'hui vieille de trente ans : cet enracinement pose la question de sa transformation en politique publique pérenne, qui a besoin de stabilité pour être efficace.

Comment rendre la politique de la ville efficace ?

À la veille du plan présenté ces jours-ci par le Gouvernement, il faut reconnaître que la mobilisation financière et politique pour la politique de la ville s'était fragilisée

La politique de la ville a subi les effets des remises en cause au gré des alternances et des disponibilités financières.

Les différents contrats sont trop souvent soumis aux fluctuations politiques et budgétaires, alors qu'il est nécessaire qu'ils s'inscrivent dans la durée.

Ces dernières années, les crédits de l'État ont diminué. Depuis deux ans, l'État a demandé aux collectivités de hiérarchiser les actions et la baisse des crédits de fonctionnement au profit des crédits d'investissement, notamment pour les opérations de démolition et de reconstruction, s'est accélérée de 2004 à 2005.

La péréquation effective des ressources entre les villes, qui contribue en grande partie au financement de la politique de la ville, a été remise en cause par certains. Si la réforme de la DSU est satisfaisante, celle du fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France reste à éclaircir et à consolider.

Les aides favorisent souvent les territoires les plus pauvres, qui concentrent la majorité des crédits, au détriment des territoires intermédiaires, qu'il faut éviter pourtant de faire basculer dans la pauvreté.

Par ailleurs, les crédits européens destinés à la politique de la ville sont menacés de réduction, voire de disparition, dans la prochaine programmation financière, et il ne faut pas oublier que l'engagement de certains financeurs, comme les caisses d'allocations familiales, a tendance à diminuer, parfois même de façon brutale.

De ce fait, la responsabilité financière repose sur les villes ou les établissements publics de coopération intercommunale du fait de la défaillance de certains partenaires, au point que la politique de la ville a pu contribuer parfois à fragiliser et à dégrader les finances communales.

Dès lors, comment favoriser la continuité et la pérennité des actions ?

Après trente ans de politique de la ville, celle-ci doit en effet passer d'une logique d'expérimentation à une logique de pérennisation pour être pleinement efficace.

Une adaptation des procédures est nécessaire. La continuité de l'action rend obligatoire un assouplissement des règles d'adoption des projets, qui doivent s'inscrire dans le temps et ne pas faire l'objet d'une négociation annuelle aboutissant souvent à contraindre les collectivités à un nouvel habillage de projets identiques.

Les contrats doivent par ailleurs être alignés sur le mandat municipal : les futures conventions devraient constituer le socle des engagements du maire et des dirigeants d'établissements publics de coopération intercommunale, qui sont d'ailleurs eux-mêmes des maires. Il faut ramener leur durée à six ans, en cohérence avec le mandat municipal, tout en prévoyant une importante possibilité de révision à mi-parcours

Les politiques publiques sont fractionnées par domaine d'intervention, avec un noyau dur - les contrats de ville - et des politiques sectorielles - les contrats pour l'éducation, la sécurité, les activités parascolaires, le secteur social, l'enfance, le logement - qui ne sont pas toujours coordonnés, voire qui ne le sont jamais, et qui n'ont pas les mêmes échéances. Ces politiques devraient être intégrées dans une contractualisation globale.

J'en viens à la pertinence territoriale.

Il serait utile de cibler les quartiers les plus pénalisés sans les couper du reste du territoire urbain, d'abord grâce à la révision permanente de la géographie prioritaire de la politique de la ville : celle-ci date de plus de dix ans ! Ainsi, le périmètre des zones urbaines sensibles, les ZUS, a été arrêté en 1996 selon les données du recensement de l'INSEE de 1990. Les recensements effectués depuis permettraient d'actualiser les données !

Ensuite, il faudrait prévoir un système évolutif, après évaluation des situations sur le moyen et le long terme, afin de permettre la sortie progressive du contrat de ville lorsque les territoires ne connaissent plus de difficultés, tout en préparant les porteurs de projets à s'orienter progressivement vers des financements de droit commun.

Il convient d'appréhender l'ensemble des agglomérations et non des périmètres communaux trop exigus du fait de l'émiettement communal - y aurait-il d'ailleurs une politique de la ville s'il y avait 8000 communes au lieu de 37 000 ? - et de faire de la structure intercommunale le seul interlocuteur de l'État dans un cadre contractuel, ce qui implique d'intégrer les projets des communes dans un projet global d'agglomération.

Le territoire d'intervention des politiques publiques est théoriquement le quartier et leur territoire de cohérence l'agglomération urbaine. En fait, certains quartiers passent à travers le dispositif ou ne sont appréhendés qu'en partie et les agglomérations sont rarement concernées globalement, faute pour l'État de pouvoir passer des contrats avec toutes les communes concernées, du fait de l'absence de continuité territoriale des contrats d'agglomération.

L'application des contrats entre l'intercommunalité et les communes devrait s'inspirer du principe de subsidiarité : par exemple, pour l'agglomération, la sécurité et l'aménagement du territoire, et, pour les communes, la prévention et le suivi social.

Comment renforcer aujourd'hui les « piliers » de la politique de la ville ?

Disons-le d'abord, les axes du plan du Gouvernement présenté par M. de Villepin sont les bons : l'emploi, le logement, l'éducation.

En matière d'emploi, le plan vise à combattre le chômage, notamment par la formation et la création de nouvelles zones franches.

Il tend également à développer l'apprentissage. L'abaissement de l'âge d'entrée en apprentissage à quinze ans est une bonne idée, à condition évidemment de maintenir les passerelles avec le système scolaire classique et de ne pas transformer l'apprentissage en ghetto éducatif.

De même, les emplois de proximité sont à développer, à condition qu'ils ne soient pas précaires et que les plans de formation nécessaires à ce type de personnels soient également financés par l'État et non par les collectivités, comme c'est le cas actuellement.

En matière de logement, il est nécessaire de construire, mais il convient aussi de rénover et d'adapter l'habitat existant.

En matière d'éducation, le plan global pour l'éducation présenté le 1er décembre 2005 par le Premier ministre est un projet qui cible les vrais enjeux à travers les six chantiers pour « l'égalité des chances » à l'école : la lecture et l'apprentissage du français, le redéploiement de l'aide aux zones d'éducation prioritaires, les ZEP - dont il faudrait cependant rendre les procédures de création moins bureaucratiques -, la formation et la stabilité des enseignants, la responsabilisation des parents, la réforme de l'orientation pour la rendre plus efficace, et l'apprentissage.

A ces six chantiers s'ajoutent les mesures annoncées le 9 novembre par le Premier ministre : le renforcement du soutien scolaire à tous les niveaux et l'émergence d'une élite - par l'augmentation substantielle du nombre de bourses -, à condition évidemment de ne pas oublier les autres

On doit également inclure dans cet ensemble les initiatives prises pour inciter l'éducation nationale à investir dans les banlieues, à l'exemple du projet de lycée d'excellence qui a été annoncé dans la Seine-Saint-Denis.

Pour autant, il ne faudra pas oublier la priorité absolue du maintien de l'ordre public, de l'égalité devant la loi et du démantèlement de l'économie souterraine.

Comment garantir dans la durée les engagements qui ont été pris ?

L'État doit s'engager à long terme en matière de financement, en évitant notamment les gels de crédits, qui sont fréquents.

Il convient, d'autre part, de simplifier la passation des contrats en unifiant les procédures et les durées, et il faut en finir avec la négociation permanente, qui est le lot de tous les maires des communes de banlieue.

Il faut aussi que l'on puisse s'appuyer sur des partenaires stables : le préfet, le sous-préfet à la ville, le pouvoir d'agglomération, les maires, sans en inventer de nouveaux qui ne seront jamais plus compétents que ceux qui suivent les dossiers au jour le jour depuis des années.

Il faut enfin renforcer la pérennité et le professionnalisme des partenaires associatifs, mais aussi les évaluer sans complaisance avant et après les avoir financés.

Madame la ministre, la politique de la ville nécessite, si l'on veut qu'elle ait des effets, un travail à long terme, avec des acteurs assurés de pouvoir disposer de moyens et de temps. Mais elle ne peut avoir de chance de réussir qu'à deux conditions.

La première est qu'elle associe ceux auxquels elle s'adresse. Le développement de la démocratie de proximité est une condition indispensable du succès, ce qui implique que l'on s'appuie, par exemple, sur les conseils de quartier - trois ans après la loi Vaillant, leur action pourrait être évaluée -, et que le fonctionnement des communautés d'agglomération et des communautés urbaines devienne plus transparent en attendant d'être un jour - espérons-le - plus démocratique.

La seconde condition est que cette politique de la ville s'enracine sur un socle de valeurs communes transmises aux nouvelles générations, souvent sans repères, qui vivent dans ces banlieues, et que ces valeurs soient transmises par toutes les institutions et les associations qui forment le tissu vivant de la politique de la ville. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Vézinhet.

M. André Vézinhet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'exigence du logement social est, vous en conviendrez, l'affaire de tous : les organismes d'HLM, les élus locaux, le législateur et, bien entendu, l'État, à travers une politique qui doit mobiliser des moyens à la hauteur de l'immensité de la tâche. La réussite ne sera obtenue qu'au prix d'un effort largement partagé et démultiplié.

Il y a quelques jours, nous discutions du projet de loi portant engagement national pour le logement. Bien qu'étoffé au cours des débats, puisque nous sommes passés de onze articles à vingt-sept, le texte adopté est bien en deçà de nos espérances et ne comporte que quelques timides avancées : mesures visant à encourager les maires bâtisseurs, mobilisation du foncier - je cite là l'exégèse du journal Le Monde -, et ce malgré des propositions nombreuses et constructives de l'opposition, notamment du groupe socialiste, mais systématiquement rejetées.

Ainsi que l'a indiqué mon collègue Thierry Repentin pour expliquer le vote négatif du groupe socialiste, et alors que ce texte était le premier dont nous soyons saisis après la crise profonde qu'a traversée le pays, les clivages partisans l'ont emporté dès lors qu'il s'est agi de passer au vote,...

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. C'est bien ce que l'on vous reproche !

M. André Vézinhet. ... la majorité se crispant sur ses positions.

Lors de l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement, madame Létard, n'avez-vous pas avoué : « J'ai parfois eu envie de soutenir l'opposition. » ? Que ne l'avez-vous fait ?

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Vous m'étonnez !

M. André Vézinhet. Oui, madame, vous l'avez dit, c'est consigné, je peux vous en donner la preuve.

M. Roland Muzeau. Ce n'est pas la première fois !

M. Guy Fischer. Oui, et après elle s'abstient !

M. André Vézinhet. Aujourd'hui, nous allons nous prononcer sur le projet de loi de budget pour la ville pour 2006, désormais intégré à la mission « Ville et logement » et construit autour de deux programmes, « Aide à l'accès au logement », qui reçoit 5,114 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, et « Développement et amélioration de l'offre de logement », qui reçoit 1,216 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,231 milliard d'euros en crédits de paiement.

À périmètre constant, les moyens budgétaires de la politique du logement sont en baisse, une baisse qui est compensée, nous dit-on, par une forte hausse - 9,6 % - des exonérations fiscales. On peut s'interroger sur ce choix consistant à privilégier les dépenses fiscales, dont une large part ne pèse pas immédiatement sur les finances de l'État.

La quasi-totalité des crédits du premier programme, « Aide à l'accès au logement », soit 5,107 milliards d'euros, est consacrée au financement des aides à la personne.

Derrière ce montant se cache une réalité : en 2006, la dotation pour les APL baisse de 1,4 %, soit de 72 millions d'euros. Vous pariez ainsi - M. Daniel Raoul l'a dit au nom de la commission des affaires économiques - sur un hypothétique ralentissement de la hausse des loyers et sur une forte baisse du chômage pour escompter la diminution du nombre des allocataires.

S'agissant des aides à la personne, le président de l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux, l'UNIOPSS, a saisi M. Borloo de demandes très précises : révision des barèmes d'aides au-delà de 1,8 % pour 2005 et pour 2004, qui constitue une année blanche, suppression de toutes les mesures d'économie - seuil de versement, mois de carence - et, enfin, révision à la hausse du forfait « charges ».

Que lui répondrez-vous ? Lui opposerez-vous l'article 40 de la Constitution, comme vous l'avez fait à l'encontre des amendements socialistes allant en ce sens ?

Pourtant, force est de constater que les aides personnelles ne remplissent plus correctement leur rôle de solvabilisation des ménages de plus en plus fragilisés, dont le nombre est en augmentation constante.

J'en veux pour preuve l'explosion, dans mon département, du nombre de dossiers de demandes d'aides financières traités par le Fonds de solidarité pour le logement, le FSL, qui est passé de 26 000 en 2004 à 28 000 à la fin de 2005, avec pour corollaire une baisse de la contribution de l'Etat de 213 667 euros et un transfert de compétence sans attribution des moyens humains correspondants.

J'ai adressé à M. Borloo et à vous-même, madame la ministre, deux courriers qui sont restés sans réponse au sujet de l'application du décret du 10 août 2005, relatif à la procédure applicable en cas d'impayés de factures d'électricité, qui vient compléter de manière inacceptable ce transfert de compétence : le signalement systématique par EDF des non-paiements au président du conseil général est évalué à une centaine de cas par jour dans l'Hérault.

S'ajoute aux difficultés pratiques que l'on devine le fait que l'on demande aux conseils généraux de se substituer à la mission de service public d'EDF dans la phase de négociation précontentieuse des impayés.

Madame la ministre, envisagez-vous de rechercher, en concertation avec l'Assemblée des départements de France, une procédure plus conforme à l'esprit de la décentralisation ?

J'en viens au second programme, « Développement et amélioration de l'offre de logements », qui regroupe les crédits consacrés à la production de nouveaux logements et à l'amélioration du parc et qui représente 1,216 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,231 milliard en crédits de paiement.

Ce programme est à analyser en liaison avec la mise en oeuvre de la loi de programmation pour la cohésion sociale, destinée à rattraper le retard accumulé.

En Languedoc-Roussillon, les chiffres sont éloquents : pour un parc de 110 000 logements, on compte 32 000 demandes en souffrance, pour trente-six mois d'attente en moyenne.

Outre la difficulté de trouver des terrains et, pour les bâtisseurs, d'équilibrer financièrement des chantiers sur un marché en proie à l'inflation, bien des communes doivent changer leur regard, faire un saut culturel pour accepter une mixité sociale. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est le responsable du logement à la direction régionale de l'équipement.

« Le modèle de la ville à deux vitesses, de la ville agissant comme caisse de résonance des inégalités sociales les plus marquées, a gagné du terrain. » Cette phrase, extraite de l'exposé des motifs de la loi SRU de décembre 2000, est, cinq ans plus tard, d'une cruelle actualité. Comment ne pas la rapprocher de la déclaration du Président de la République appelant les maires à respecter l'obligation des 20 % prévue par l'article 55 de cette même loi et à mettre en cohérence les discours et les actes ?

Dans cet hémicycle, la semaine dernière, de nombreux collègues appartenant à l'UMP n'ont eu de cesse de vouloir démanteler l'article 55 de la loi SRU.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. C'est faux !

M. André Vézinhet. Contraints par le Gouvernement d'accepter le statu quo - il est urgent d'attendre une analyse objective de la situation -, ils ont promis de revenir à la charge en deuxième lecture.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. C'est vrai !

M. André Vézinhet. Curieuse manière de mettre en cohérence les discours et les actes ! Belle illustration de la manière dont la mixité sociale est en réalité considérée par la droite !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. C'est faux !

M. André Vézinhet. Dans ma région, vingt-six communes sont hors la loi. Jusqu'où tolérera-t-on de tels manquements à la loi républicaine ?

Toujours en Languedoc-Roussillon, le plan de cohésion sociale, décliné à l'échelon régional, prévoit la construction de 26 190 logements sur la période 2005-2009. Je précise que la dotation de 2005 aura été entièrement consommée et je souligne la vive inquiétude de l'union régionale HLM : en 2005, l'objectif était de doubler la production à financement égal.

Pour 2006, l'objectif visé au titre des PLUS et des PLAI augmente de 8,44 % pour une dotation 12,919 millions d'euros, en hausse de seulement 3,6 % ! Faudra-il baisser la subvention moyenne par logement, ou pourra-t-on la maintenir ? Dans ce dernier cas, ce sont les crédits PALULOS qui seront réduits à zéro. Faudra-t-il recourir à l'enveloppe actuellement gelée du Fonds d'aménagement urbain, le FAU, de l'ordre de 3,2 millions d'euros, alors que l'accord régional le destine à accroître la production ?

Par ailleurs, le projet de budget prévoit que 250 millions d'euros supplémentaires seront consacrés dès 2005 à accélérer les paiements de l'Etat aux organismes d'HLM. Dans la région, ces retards de paiement avoisinent 10 millions d'euros cette année, et ils étaient de 11 millions d'euros l'an passé. Il s'agit donc, vous pouvez le constater, d'un progrès très sensible !

M. Borloo a affirmé, lors de son audition par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, qu'il n'y aurait pas de problème de financement du logement social en 2006. Nous aimerions le croire sur parole, et croire aussi que nous ne subirons plus d'inévitables gels ou, pire, des annulations de crédits : je rappelle que le décret du 3 novembre a supprimé 55 millions d'euros destinés à la construction et à l'amélioration de l'habitat.

Si problème il y avait, je n'ose penser que l'État, arguant des délégations de compétence d'aide à la pierre aux départements et aux EPCI, se défausserait une fois encore sur les collectivités, qui n'ont pas vocation à être une variable d'ajustement d'une politique budgétaire nationale défaillante.

Je suis d'autant plus à l'aise pour tenir ces propos que le conseil général de l'Hérault fait de l'accès au logement, partout et pour tous, un objectif majeur de sa politique : en juin 2005, a été validé le quatrième plan départemental pour le logement des personnes défavorisées pour la période 2005-2009.

La mise en place de solutions adaptées aux besoins des populations les plus fragilisées et d'actions conformes aux spécificités du territoire engage non seulement le département et l'État, mais aussi tous les acteurs et décideurs locaux. Comme je l'indiquais au début de mon intervention, l'exigence du logement social est l'affaire de tous.

Compte tenu du temps qui m'est imparti, je ne peux approfondir mon propos. Mais vous comprendrez que, pour l'ensemble des raisons que j'ai évoquées, le groupe socialiste n'adoptera pas les crédits de la mission « Ville et logement ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'ONU, dans ses observations générales, considère qu'il ne faut entendre le droit au logement ni dans un sens étroit ou restreint - un abri fourni ou simplement un toit sur la tête - ni exclusivement comme un bien. Le droit au logement, c'est aussi la capacité de payer sans se priver d'autres besoins essentiels.

Madame la ministre, vous avez reconnu, devant notre commission des affaires économiques, que les moyens consacrés aux aides au logement diminueraient encore, en raison, notamment, de l'amélioration de la situation économique. Il faut tout de même reconnaître que s'appuyer sur une hypothétique hausse des cotisations patronales - en réalité en baisse de 72 millions d'euros - paraît pour le moins paradoxal !

Ces aides ont été diminuées de près de 8,5 % en trois ans. En 2003, elles ont été versées avec dix mois de retard. Aucune revalorisation n'est intervenue en 2004, et l'on atteint un pénible 1,8 % d'accroissement à la fin de 2005, alors que le pouvoir d'achat des Français a baissé globalement de 6 % et que l'INSEE souligne qu'entre 50 % et 80 % des allocations de logement sont absorbées par les hausses de loyer.

L'Union nationale des étudiants de France, l'UNEF, fait un constat plus dur encore en démontrant que la non-revalorisation des aides attribuées aux étudiants, notamment les aides au logement, entraînent pour nombre d'entre eux l'impossibilité totale de trouver à se loger dans les centres universitaires et, de ce fait, de poursuivre leurs études.

C'est une chose, madame la ministre, d'avoir des programmes ; c'en est une autre d'avoir une vision globale de la réalité du logement, comme l'ont fort justement souligné nos collègues de la commission des finances.

Il est vrai qu'avec quarante et un dispositifs différents, aucun engagement financier visant à garantir les moyens pérennes d'une offre nouvelle de logements à loyers abordables ne peut être pris !

Les plafonds de revenu des logements de type PLS et PLUS rendent la plupart des logements inaccessibles à plus de la moitié de la population, et les deux tiers des demandeurs répondent aux critères du PLAI, pour lesquels 60 millions d'euros sont inscrits au projet de budget pour 2006 !

La programmation de 2005 devait représenter environ 5 000 logements, soit 5,5 % des 90 000 logements prévus, chiffre déjà en baisse par rapport aux objectifs du plan de cohésion sociale, au sein duquel elle avait été fixée à 8,8 % en 2004. Les objectifs n'ont même pas été atteints !

Le total bâti a été de 13 500 logements, auxquels il faut retrancher 10 000 logements intermédiaires. Mais il y a pire ! Vous aviez en effet évoqué, madame la ministre, une sanctuarisation des crédits. Pourtant, un décret en date du 3 novembre dernier a annulé 55 millions d'euros affectés à la construction et à l'amélioration de l'habitat !

Stimuler encore et toujours le développement du parc privé à loyers maîtrisés au détriment du logement social, voilà la politique du Gouvernement !

Le logement social a toujours démontré sa capacité à permettre à nos concitoyens de se loger dans des conditions auxquelles chacun peut prétendre, objectif que le marché privé, ciblé sur la recherche du profit, ignore le plus souvent.

L'ANAH sera dotée de 480 millions d'euros en crédits de paiement et de 385 millions d'euros en autorisations d'engagement : 16 000 logements vacants, sans exigence de travaux, seraient remis sur le marché locatif.

L'objectif confié à I'ANAH dans ce projet de budget est-il bien de 35 600 logements ? Le plan de cohésion sociale prévoyait 40 000 conventionnements !

Le projet de loi portant engagement national pour le logement ne prévoit d'appliquer le taux de TVA réduit qu'aux programmes de rénovation urbaine. Pourquoi ne pas vouloir l'étendre aux opérations de requalification hors zones urbaines sensibles ? La LOLF aurait-elle une incidence sur ce choix ? Il est vrai que la réduction à 5,5 % du taux de TVA consomme à elle seule la moitié du total des aides fiscales.

Et il ne me semble pas judicieux de parler de la Commission européenne car, depuis la directive de 1977, le taux réduit pour le logement social est possible : le règlement communautaire exonère les Etats de notification à condition qu'un acte légal mandate l'opérateur, que le bénéfice soit raisonnable - mais pas plus -, que l'aide soit proportionnée aux objectifs et que l'organisme social distingue la partie d'intérêt général de la partie privée. Mais la France n'a jamais transposé la directive sur ce point !

Madame la ministre, permettez-moi, en conclusion, de vous interpeller une nouvelle fois sur les projets de réhabilitation non finançables dans le dispositif de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, qui laissent de nombreux élus dans l'expectative face aux incertitudes techniques et financières.

Dans l'agglomération de Lens, par exemple, les dotations affectées en crédits de fonctionnement et d'investissement ont fondu de moitié en 2005 et, au-delà du Fonds de participation des habitants, la dotation de fonctionnement du conseil régional au titre de la politique de la ville pour 2006 serait purement et simplement supprimée.

Ce projet de budget, madame la ministre, nous interpelle d'autant plus qu'en la matière on ne saurait oublier que la politique conduite par le Gouvernement concernant les dotations a toujours été à l'encontre des priorités affichées.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas les crédits de la mission « Ville et logement ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame la présidente, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai mon propos en évoquant le logement et en vous rappelant la mobilisation des acteurs dans ce domaine.

Comme l'indiquait M. Karoutchi, pour résoudre la crise du logement qui touche actuellement notre pays, le Gouvernement doit apporter une réponse globale et mobiliser de multiples acteurs. Nous avons ainsi conclu des accords en 2004 et en 2005 avec les bailleurs sociaux, les partenaires sociaux du 1 % logement et les promoteurs immobiliers pour la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale.

Les conventions de délégation de compétence en matière d'aide à la pierre procèdent de la même logique partenariale.

En effet, l'action de l'État s'inscrit pour la première fois dans la durée à travers deux lois de programmation : la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine et la loi de programmation pour la cohésion sociale.

En outre, votre assemblée a adopté la semaine dernière, en première lecture, le projet de loi portant engagement national pour le logement, qui nous permettra d'atteindre plus facilement les objectifs fixés par ces deux lois de programmation.

Monsieur Vézinhet, vous savez bien que le budget en faveur du logement nécessite des moyens financiers adaptés à cette diversité d'acteurs. Tous moyens financiers confondus, financement du prêt à taux zéro compris, ce budget augmente de plus de 500 millions d'euros. Il s'agit donc clairement d'un budget en augmentation.

Dans les domaines où une programmation et un agrément de l'État sont indispensables, tels que la construction locative sociale ou l'amélioration du parc privé, l'intervention de l'État sous forme de subventions apparaît comme étant tout à fait appropriée. En revanche, dans d'autres domaines où une plus grande liberté d'intervention des acteurs est nécessaire et où les mécanismes de marché doivent davantage s'exprimer, une intervention sous forme d'incitations fiscales se justifie.

L'application du taux de TVA de 5 ,5 % aux travaux réalisés dans les logements de plus deux ans représente, à elle seule, un montant de plus de 4 milliards d'euros, soit quasiment la moitié des dépenses fiscales de la mission. La poursuite de cette mesure au-delà de 2005 est une priorité pour le Gouvernement.

L'application du taux réduit de TVA pour l'amélioration des logements anciens contribue, en effet, à maintenir un parc de logements en bon état. Elle a également des effets positifs en matière d'emploi, puisqu'elle a permis - ne l'oublions pas ! - la création d'environ 50 000 postes.

Nous aurons une nouvelle discussion avec nos partenaires européens sur la poursuite du dispositif lors du prochain conseil ECOFIN, le 6 décembre.

S'agissant des dépenses fiscales, je me permets d'attirer votre attention, monsieur Muzeau, sur le fait que la réduction du taux de TVA applicable aux opérations locatives sociales représente 840 millions d'euros, soit bien davantage que le dispositif d'aide à l'investissement locatif dit « Robien ».

La réponse apportée par le Gouvernement à la crise du logement est globale, c'est-à-dire qu'il agit à tous les niveaux de la chaîne du logement. Il répond à l'urgence pour les mal-logés en luttant contre l'habitat indigne et en renforçant les capacités d'hébergement. Il accroît la production d'une offre nouvelle dans le parc social comme dans le privé, tout en soutenant l'amélioration du parc existant.

En matière d'accroissement de l'offre de logements, le Gouvernement a déjà obtenu des résultats tangibles. Depuis deux ans, madame Printz, les chiffres de la construction établissent ainsi des records historiques, ainsi que MM. Karoutchi et Dallier l'ont rappelé.

L'objectif que nous avons annoncé de 400 000 mises en chantier de logements en 2005 est une réalité. C'est un résultat historique, car un tel niveau n'avait pas été atteint depuis 1980 ! Cela montre bien que l'appareil de production de notre pays se remet en marche.

Les 505 000 permis de construire déposés au cours des derniers mois confortent non seulement notre optimisme, mais surtout notre volontarisme quant à la poursuite de ce haut niveau de production l'année prochaine.

Cette relance de l'activité dans le domaine du bâtiment doit profiter à tous les ménages, notamment à ceux qui disposent de ressources modestes. Nombre d'entre eux éprouvent en effet des difficultés à se loger en raison de la carence de l'offre locative sociale.

Madame Printz, monsieur Vézinhet, j'ai bien écouté vos commentaires. Mais permettez-moi de vous rappeler un autre élément historique : dans le courant de l'année 2000, 40 000 logements sociaux ont été mis en chantier, alors que le marché nécessitait la construction de 80 000 logements sociaux par an. Cherchez l'erreur et les responsables !

Mme Raymonde Le Texier. Cherchez l'erreur chez vous : vous avez de quoi vous occuper ! C'est incroyable !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. En matière de parc social, nous sommes à plus de 90 % de l'objectif de réalisation de la loi de programmation pour la cohésion sociale, hors production de l'Association Foncière Logement.

Monsieur Vézinhet, vous avez posé des questions précises sur votre région Languedoc-Roussillon.

En 2004, le total PLUS et PLAI est de 2 267 dans votre région. En 2005, il est de 2 740. C'est la preuve concrète que le système fonctionne, et dans le bon sens !

En matière de logements privés, les chiffres sont aussi en constante progression. En effet, grâce aux aides de l'ANAH, le nombre de logements privés à loyers maîtrisés a ainsi été porté de 17 000 en 2003 à 25 000 en 2004, puis à 30 000 en 2005.

Enfin, les aides en matière d'accession à la propriété permettent la construction de 100 000 logements nouveaux chaque année.

J'en viens au pacte national pour le logement.

Le manque de terrains disponibles est un frein important à la construction de logements, en particulier de logements sociaux. Nous le constatons partout, particulièrement en région d'Île-de-France, comme vous l'avez rappelé, monsieur Karoutchi.

Le texte que votre assemblée a adopté permet de majorer la taxe foncière sur les propriétés non bâties, de façon à lutter contre les phénomènes de rétention foncière. C'est un signe fort que vous avez donné la semaine dernière.

En outre, votre assemblée a décidé de créer un dispositif de partage entre la commune et le propriétaire des plus-values engendrées par le classement en zone constructible de terrains auparavant non constructibles.

Toujours dans le cadre du pacte national pour le logement, d'autres décisions, non législatives, ont été prises pour faciliter la mise à disposition de terrains pour la construction de logements. Les communes peuvent ainsi bénéficier, depuis le 1er novembre 2005, de prêts de longue durée de la Caisse des dépôts et consignations pour acquérir des terrains et les donner en bail à des bailleurs sociaux pour la construction de logements.

Le Gouvernement souhaite que l'État ait une attitude exemplaire en matière de mise à disposition de terrains pour la construction de logements. Le prix des terrains de l'État pourra ainsi être minoré jusqu'à 35 % pour la réalisation de logements sociaux, dans les secteurs les plus tendus.

S'agissant des moyens budgétaires et financiers, les dotations en crédits de paiement pour le parc social augmentent de 15 % par rapport à 2005. Avec 482 millions d'euros d'autorisations d'engagement, nous avons les moyens de financer 100 000 logements locatifs sociaux, conformément à la loi de programmation pour la cohésion sociale.

La réalisation de ces opérations sera facilitée par une amélioration de leurs conditions de financement. Le taux des prêts au logement social a ainsi été réduit de 0,2 % depuis le 1er janvier 2005 ; il est à 3 % depuis le 1er novembre pour les prêts PLUS. En outre, la durée des prêts au logement social a été augmentée.

Ces améliorations représentent, pour les bailleurs, un équivalent de subvention de 8 %.

Avec ces moyens budgétaires et financiers et avec les mesures du pacte national pour le logement, nous disposons de tous les outils pour augmenter l'offre locative sociale.

J'en viens aux indicateurs en matière de parc social.

Nous avons retenu des objectifs et des indicateurs qui permettent de vérifier que les logements sociaux sont implantés dans les zones où ils sont le plus utiles. Nous pourrons ainsi mesurer la part des logements sociaux construits dans les communes où le marché immobilier est le plus tendu et où les ménages disposant de ressources modestes éprouvent le plus de difficultés à se loger.

Par ailleurs, la progression des communes dans la réalisation des objectifs de production de logements sociaux fixés par l'article 55 de la loi SRU sera également suivie ; le Président de la République l'a rappelé lui-même voilà quelques jours.

Les délais d'attente des ménages pour l'obtention d'un logement social font aussi l'objet d'un indicateur. Nous pourrons donc mesurer directement l'efficacité de notre politique au regard de la qualité du service qui sera rendu à nos compatriotes.

Vous avez raison, monsieur Karoutchi, notre politique du logement ne saurait être dirigée uniquement vers le parc social. Nous avons donc prévu les moyens pour mobiliser le parc privé, pour résoudre la crise du logement, notamment pour le logement intermédiaire.

Sur le parc privé, nous avons fixé des objectifs ambitieux à l'ANAH. Avec les moyens dont elle disposera en 2006, l'Agence pourra ainsi contribuer à la réalisation de 36 000 logements privés à loyers maîtrisés, soit 20 % de plus par rapport à 2005, et à la remise sur le marché de 16 000 logements vacants.

L'Agence intensifiera ses interventions dans le domaine de la lutte contre l'habitat indigne par le traitement et la réhabilitation de près de 39 000 logements, soit un tiers de plus qu'en 2004 !

A titre de comparaison, 26 000 logements indignes ont été traités par l'ANAH en 2004, ce qui témoigne bien du renforcement des actions de l'ANAH dans ce domaine, Mme Valérie Létard en a fait mention tout à l'heure. La part des interventions de l'ANAH dans le domaine de la lutte contre l'habitat indigne sera d'ailleurs suivie par un indicateur spécifique.

Le Gouvernement souhaite également faire participer les investisseurs privés à l'effort de production de logements. Une offre de logement pourra ainsi être constituée pour nos concitoyens qui ont des revenus trop élevés pour accéder au parc social mais qui éprouvent néanmoins des difficultés pour se loger dans les grandes agglomérations.

Les loyers qui s'appliqueront dans le cadre de ce nouveau dispositif représenteront environ 70 % des loyers de marché. En outre, les logements ainsi loués seront destinés à des ménages sous certains plafonds de ressources. Ce nouveau dispositif complétera le dispositif Robien, qui, par ailleurs, sera mieux centré sur les communes où le marché immobilier est le plus tendu et où l'offre de logement doit être particulièrement soutenue. Les deux dispositifs fonctionneront de concert, garantissant ainsi le maintien d'un haut niveau de production.

Nous souhaitons encourager l'accession à la propriété. En effet, un grand nombre de nos concitoyens aspirent à devenir propriétaires pour préparer leur avenir et - pourquoi pas ? - transmettre un patrimoine à leurs enfants.

En outre, l'accession stimule la mobilité dans le parc locatif et permet d'amplifier les effets de notre action pour développer l'offre locative sociale.

L'année dernière, avec la réforme du prêt à taux zéro, nous avons donné la possibilité à des ménages disposant de ressources modestes de devenir propriétaires d'un logement en ville ou dans les zones urbaines denses, où l'offre de logements anciens pour l'accession à la propriété est beaucoup plus abondante que celle de logements neufs.

Les résultats sont à la hauteur de nos objectifs : plus de 200 000 ménages seront aidés chaque année à devenir propriétaires d'un logement, contre 80 000 en 2004.

Effectivement, monsieur Karoutchi, bien que le prêt à taux zéro soit à mi-chemin entre une aide à la pierre et une aide à la personne, il serait plus cohérent que la dépense fiscale y afférant soit inscrite dans le programme « Développement et amélioration de l'offre de logement ». Nous apporterons cette modification dans le projet de loi de finances pour 2007.

Grâce à la modification des plafonds de ressources du prêt à taux zéro figurant dans le projet de loi de finances, les ménages disposant de ressources moyennes seront aussi aidés par l'État à acquérir un logement dans les communes où les prix de l'immobilier sont plus élevés. En effet, monsieur Raoul, sans cette aide, ces ménages éprouveraient des difficultés à devenir propriétaires dans les plus grandes agglomérations.

Je tiens à vous rappeler que le plafond de ressources maximal de 6 000 euros adopté par le Sénat est celui qui sera appliqué pour les plus grandes familles.

Les nouveaux plafonds qui entreront en vigueur dans les communes où les prix de l'immobilier sont les plus élevés seront bien évidemment familialisés, comme le sont les plafonds de ressources actuels du prêt à 0 %.

Par ailleurs, monsieur Karoutchi, je tiens à vous confirmer que nous avons abouti dans les discussions avec les établissements de crédit concernant le Fonds de garantie de l'accession sociale, le FGAS.

Nous sommes parvenus à un accord sur la base duquel ces établissements sont en mesure de poursuivre la distribution des prêts garantis, sans interruption. Les ménages disposant de ressources modestes pourront donc toujours bénéficier d'un accès sécurisé au crédit immobilier. Je vous proposerai d'ailleurs tout à l'heure un amendement destiné à formaliser l'accord qui a été trouvé avec nos partenaires bancaires.

J'en viens à l'application d'un taux de TVA réduit pour les opérations d'accession.

Nous souhaitons aider davantage l'accession à la propriété et en faire un véritable outil de mixité sociale dans les quartiers en rénovation urbaine.

Dans le cadre du projet de loi portant engagement national pour le logement, votre assemblée a ainsi adopté une disposition permettant d'appliquer un taux de TVA de 5,5 % aux opérations d'accession sociale à la propriété réalisées dans le cadre d'une convention de rénovation urbaine.

S'agissant du versement des aides personnelles au logement, madame Létard, monsieur Raoul, il convient de hiérarchiser les problèmes.

L'urgence est plutôt dans le maintien des aides pour les bénéficiaires qui connaissent les difficultés les plus importantes et qui sont en situation d'expulsion. Des dispositions significatives ont été prises dans le cadre de la loi que vous avez adoptée la semaine dernière.

S'agissant du mois de carence, je tiens à vous rappeler que cette règle ne s'applique pas pour les ménages les plus précarisés, ni pour les bénéficiaires des aides qui sortent de structures d'hébergement d'urgence.

Quant à la variation du besoin budgétaire en matière d'aides personnelles au logement, elle s'explique notamment par l'augmentation des cotisations en provenance des employeurs et par la baisse du chômage pour le sixième mois consécutif, qui entraînent une diminution de la dotation devant être versée par l'État.

Le taux d'effort des locataires, qui fait l'objet d'un indicateur LOLF, pourra être maintenu non seulement grâce à la revalorisation des aides personnelles au logement, mais également par la politique menée en matière de modération des loyers.

En effet, l'indice du coût de la construction, qui sert actuellement de référence à l'évolution des loyers dans le parc privé, est très sensible aux aléas de la conjoncture et peut présenter des fluctuations importantes, déconnectées de l'évolution de la capacité financière des locataires.

Le nouvel indice qui sera mis en oeuvre sera plus équilibré, et son évolution sera plus lissée dans le temps que celle de l'indice du coût de la construction. Il sera basé à 60 % sur les évolutions de l'indice des prix à la consommation, à 20 % sur celles de l'indice des prix d'entretien et d'amélioration et à 20 % sur celles de l'indice du coût de la construction.

La date d'application de ce nouvel indice avait été initialement fixée au 1er juillet 2006. Nous vous proposons d'anticiper cette date et d'appliquer le nouvel indice à compter du 1er janvier 2006. C'est le sens du deuxième amendement que je vous présenterai tout à l'heure.

L'application de cette mesure au 1er janvier 2006 permettra d'apporter plus rapidement des réponses à ceux de nos concitoyens qui sont confrontés à de fortes hausses de loyer ; par ailleurs, elle exercera un effet modérateur sur les dépenses relatives aux aides personnelles au logement.

J'en viens au budget relatif à la politique de la ville.

Depuis vingt-cinq ans, la politique de la ville mobilise des moyens financiers et humains spécifiques en faveur des quartiers en difficulté. Cette politique a parfois porté ses fruits, puisque la situation de certains quartiers s'est transformée. Il suffit d'aller à Vaulx-en-Velin, à Chanteloup-les-Vignes, par exemple, pour s'en rendre compte. Pour autant, pour beaucoup d'entre nous, il est évident que cette politique n'est pas suffisamment coordonnée, et que son évolution n'est pas encore satisfaisante.

Chacun le sait, d'importantes difficultés persistent. Le Gouvernement, sous l'impulsion de Jean-Louis Borloo, s'est attaché à refonder les outils de la politique de la ville.

Monsieur Madec, je vous rappelle que nous n'avons pas attendu les derniers événements pour agir. Ainsi, vous le savez, la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine date du 1er août 2003 tandis que la loi de programmation pour la cohésion sociale date du 18 janvier 2005.

L'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU a été créée par la loi du 1er août 2003 parce que nous avions précisément constaté la nécessité de disposer d'un guichet unique doté de moyens importants pour faciliter le financement d'un programme national d'une ampleur inégalée. Pour la première fois, on prend en compte des projets globaux dans les quartiers et on les finance dans leur ensemble.

Moins de seize mois après son premier conseil d'administration, l'ANRU a validé des travaux à hauteur de plus 15 milliards d'euros pour les cinq années à venir. Ainsi, 244 quartiers, où vivent plus de 1,5 million d'habitants, bénéficient aujourd'hui de ce dispositif. Peu de textes ont pu être mis en application aussi rapidement !

Monsieur Dallier, vous y avez fait allusion tout à l'heure, nous allons encore renforcer ce dispositif, en lui octroyant 25 % de moyens supplémentaires, afin d'inclure 150, voire 200 nouveaux quartiers, qui ont été signalés par les préfets. Jean-Louis Borloo a annoncé cette mesure lors du congrès HLM de Nantes.

La déconcentration de l'instruction des dossiers et la responsabilisation des délégués territoriaux seront également poursuivies.

De même, comme vous le souhaitez, monsieur André, des procédures accélérées seront instaurées, afin de permettre les premiers engagements des crédits avant la finalisation des dossiers. Il faut aller, c'est vrai, encore plus vite et frapper plus fort encore.

Madame Létard, Monsieur Madec, le Gouvernement tient ses engagements puisque, comme les autres années, 465 millions d'euros seront versés en autorisations d'engagement en 2006, comme le prévoyait la loi de programmation. De plus, l'ensemble des engagements financiers pris au titre des opérations de renouvellement urbain et des grands projets de ville sont tenus.

Monsieur Muzeau, permettez à la Champenoise que je suis de vous parler de Saint-Dizier. Honnêtement, connaissez-vous le quartier traversé par la nationale 4 ? Rencontrez les habitants ! Ils vous diront combien le grand projet de ville a permis de changer leur qualité de vie...

M. Roland Muzeau. Ce n'était pas mon propos, madame la ministre !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. ... et combien les sommes qui ont été investies par la suite ont été porteurs d'un message d'espoir.

Par ailleurs, il faut bien sûr que nous puissions créer une économie dans ces quartiers - c'est tout le sens de notre politique -, mais j'y reviendrai tout à l'heure lorsque j'aborderai la question des zones franches urbaines.

Pour ce qui concerne les crédits de paiement, ils seront bien évidemment versés dès que les besoins seront effectifs. Alors, oui, monsieur André, les crédits non utilisés en 2005 seront reportés en 2006.

Mais vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, la politique de la ville est une politique globale, et l'effort exceptionnel produit par le biais du programme de rénovation urbaine s'est accompagné de mesures importantes dans les domaines économique et social. Nous savons tous que l'ANRU doit être accompagnée d'un volet humain ! Le plan de cohésion sociale l'avait d'ailleurs prévu, mais nous allons encore le renforcer.

S'agissant des zones franches urbaines, le bilan est positif : 89 000 emplois ont pu être créés, et ces quartiers commencent à devenir des lieux de vie, associant résidence et travail.

La réforme de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, permettra d'allouer, en 2006, 240 millions d'euros supplémentaires aux communes qui sont confrontées aux charges sociales et urbaines les plus lourdes.

Je veux souligner qu'il s'agit de crédits pérennes, qui permettront aux maires et aux associations d'assurer dans la durée l'accompagnement des habitants des quartiers.

À ce sujet, madame Létard, je partage totalement votre analyse : il conviendra de mieux évaluer la portée de ces crédits, et une circulaire en ce sens sera adressée aux préfets lorsque nous retravaillerons sur la contractualisation. Je souhaite que cette dotation supplémentaire profite directement aux associations et à l'accompagnement social des habitants des quartiers.

Le programme de réussite éducative offre à chaque enfant en difficulté un accompagnement individualisé. Là encore, nous y consacrons des crédits de fonctionnement importants, avec 1, 359 milliard d'euros sur cinq ans. À ce jour, près de 200 équipes de réussite éducative sont mises en place ou sont en cours de constitution.

Par ailleurs, il faut que nous soyons clairs lorsque nous parlons des budgets de politique de la ville.

À la fin de l'année 2006, l'État aura respecté ses engagements liés aux contrats de ville. En la matière, le gouvernement Jospin avait annoncé 1,4 milliard d'euros. À ce jour, nous avons engagé, pour notre part, 2,4 milliards d'euros.

Dans la loi de finances de 2002, les crédits attribués au Fonds d'intervention pour la ville, le FIV, s'élevaient à 179 millions d'euros, et nous avons engagé au total 291 millions d'euros. Or le projet de loi de finances pour 2006 prévoit 190 millions d'euros au titre des crédits du FIV, et un budget de 624 millions d'euros si l'on y inclut la DSU. Mesdames, messieurs les sénateurs, jamais autant d'argent n'a été consacré aux quartiers de nos villes !

M. André Vézinhet. Les habitants de ces quartiers le disent : ils sont contents !

Mme Raymonde Le Texier. Ils font même des feux de joie !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Nous voulons encore accélérer et amplifier les réformes entreprises, parce que l'enjeu est d'aller plus vite. Nous devons continuer de rattraper tous les retards.

Tout d'abord, pour répondre aux défis prioritaires de l'éducation, le programme de réussite éducative sera porté à 99 millions d'euros, soit 37 millions d'euros de plus que les 62 millions initialement prévus.

L'objectif initial de financer 260 équipes de réussite éducative est doublé. Dès 2006, quinze internats de réussite éducative seront créés. Les universités et les grandes écoles seront sollicitées pour aider les élèves à se préparer aux études supérieures dès la classe de seconde, comme vous l'avez précisé tout à l'heure, monsieur Portelli. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Hier, le Premier ministre a annoncé des mesures importantes en faveur de l'éducation, visant notamment à renforcer l'aide aux zones d'éducation prioritaires. Toutefois, la formation doit mener à l'emploi, qui est la préoccupation majeure de notre gouvernement. Ainsi, tous les jeunes demandeurs d'emplois dans les ZUS seront reçus par l'ANPE et par les missions locales. Celles-ci leur proposeront, dans les trois mois, un stage, une offre d'emploi ou encore un contrat aidé.

M. André Vézinhet. Il n'y a pas d'emplois ! Ils rêvent !

M. Paul Blanc. Ce sont des sujets qui fâchent, monsieur Vézinhet !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Enfin, le contrat jeune en entreprise sera adapté pour que les jeunes sans emploi dans les ZUS puissent en bénéficier au mieux.

Afin de favoriser le développement économique et l'emploi, le Premier ministre a annoncé la création, dès 2006, de quinze nouvelles zones franches urbaines.

M. Roland Muzeau. Cela va drôlement bien !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Nous prendrons des mesures nouvelles visant à simplifier et à étendre les exonérations pour rendre le dispositif encore plus favorable. Je vous le confirme, madame Létard, le Gouvernement ne reprendra pas d'une main ce qu'il donne de l'autre. Ainsi, 20 millions d'euros supplémentaires sont prévus en 2006 pour assurer la mise en oeuvre de cette mesure.

Comme l'a montré l'excellent rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, nous devons également renforcer nos efforts dans le domaine de la santé. C'est un enjeu majeur dans la réduction des inégalités sociales et territoriales.

Nous allons donc généraliser les ateliers « santé-ville », qui permettent de développer des programmes de santé publique à l'échelle d'un quartier ou d'une ville. Le nombre d'ateliers passera ainsi de 160 à 300.

Enfin, afin de conforter le maillage dans les quartiers, le Gouvernement souhaite améliorer le financement des associations et conforter leur action. C'était déjà l'un des aspects de la réforme de la DSU, mais nous devons aller plus loin. Le Fonds d'intervention pour la ville sera donc doté de 84 millions d'euros supplémentaires.

Le nombre de postes d'adultes-relais sera doublé, passant de 3 000 à 6 000 en 2006.

En outre, j'ai également voulu valoriser le parcours des titulaires de ces contrats. C'est pourquoi nous allons accompagner ces personnes en leur proposant une validation des acquis de leur expérience et une formation appropriée.

Enfin, nous simplifions le dispositif en matière d'attribution des subventions, afin de le rendre plus lisible. Tout d'abord, je m'engage à ce que les crédits du FIV soient délégués, pour la quasi-totalité, dès le mois de janvier prochain.

M. Guy Fischer. On a annoncé le gel des crédits !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Ensuite, je m'engage aussi à conclure des conventions pluriannuelles avec les associations qui jouent un rôle d'opérateur pivot dans les quartiers, afin qu'elles consacrent leur temps au maillage et à l'accompagnement du quartier plutôt qu'à la recherche de subventions. Pour autant, en contrepartie, je souhaite que nous mettions en place des procédures d'évaluation annuelles à l'échelon local.

La nouvelle agence pour la cohésion sociale permettra de fédérer l'ensemble des acteurs de ces politiques ainsi que toutes les sources de financement. Et je vous indique, monsieur André, que cette agence passera effectivement des conventions pluriannuelles avec les communes. Elle permettra aussi de mieux inscrire les actions dans la durée.

Comme M. le Premier ministre l'a rappelé, nous voulons aller vite : le premier semestre de 2006 devra être celui de la discussion du projet de loi relatif au logement.

Bien évidemment, la politique de la ville demeurera une politique transversale et interministérielle. Ainsi, monsieur André, lorsque les contrats de ville arriveront à échéance, il reviendra au comité interministériel à la ville, que M. le Premier ministre m'a demandé d'organiser, de préciser, à la lumière des excellentes recommandations contenues dans votre rapport, le nouveau cadre contractuel de la politique de la ville.

Monsieur Portelli, la cohérence et l'efficacité seront bien sûr les maîtres mots de ces nouveaux contrats parce que nous savons tous qu'ils doivent être mieux coordonnés, notamment avec les mandats municipaux.

Ce cadre adaptera les méthodes d'élaboration et de gestion de la politique de la ville pour que celle-ci réponde encore mieux aux attentes et aux espoirs que chacun place en elle.

Pour s'inscrire dans la durée, nous ne pouvons nous passer de l'ensemble des fonds structurels. Mardi prochain, 6 décembre, je serai donc à Bristol pour exprimer la position de la France sur le renouvellement urbain.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique de la ville n'est pas une politique particulière. Par l'ampleur des moyens qu'elle mobilise, par la diversité des problèmes qu'elle affronte, elle résume tous les enjeux auxquels notre République est confrontée. Ses résultats auront donc valeur de test de la capacité de notre pays à faire face, dans tous les domaines, aux nouveaux défis qui s'imposent à lui.

C'est ensemble, par une mobilisation collective et coordonnée de tous, que nous pourrons relever ces défis. Ce budget ainsi que l'ensemble des actions complémentaires que nous mettons en oeuvre montrent la détermination du Gouvernement en la matière ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Ville et logement
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 93

Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Ville et logement » figurant à l'état B.

ÉTAT B

Autorisations d'engagement : 7 397 654 075 euros ;

Crédits de paiement : 7 365 739 075 euros.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements présentés par le Gouvernement.

L'amendement n° II-95 est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Rénovation urbaine

Équité sociale et territoriale et soutien

Aide à l'accès au logement

Développement et amélioration de l'offre de logement

Dont Titre 2

10.000.000

10.000.000

TOTAL

10.000.000

10.000.000

SOLDE

- 10.000.000

- 10.000.000

L'amendement n° II-89 est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Rénovation urbaine

Équité sociale et territoriale et soutien

Aide à l'accès au logement

Développement et amélioration de l'offre de logement

Dont Titre 2

5.000.000

5.000.000

TOTAL

5.000.000

5.000.000

SOLDE

-5.000.000

-5.000.000

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Nous vous proposons de tirer les conséquences budgétaires de l'accord qui est intervenu avec les établissements de crédit, le 17 novembre dernier, concernant le Fonds de garantie de l'accession sociale, le FGAS.

Il a été convenu que la participation de l'État au nouveau dispositif de garantie qui serait mis en place à compter du 1er janvier 2006 ne prendrait plus la forme d'une cotisation versée a priori au fonds. Désormais, l'Etat interviendra a posteriori pour indemniser les établissements de crédit des pertes qu'ils auraient à subir en cas de sinistre de leurs emprunteurs.

Les banques continueront, quant à elles, à cotiser à un fonds privé, comme vous l'a expliqué M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, à l'occasion de la discussion de la première partie du projet de loi de finances.

La dotation de 25 millions d'euros qui avait été inscrite à titre conservatoire sur l'action « Soutien à l'accession à la propriété » pour couvrir une cotisation de l'État au fonds est trop importante au regard des indemnisations qui devront être versées par l'État aux établissements de crédit.

Les moyens qui permettront à l'État de verser ces indemnisations sont ceux de la mission « Engagements financiers de l'État ». Il vous est donc proposé, dans cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs, de transférer 5 millions d'euros de la mission « « Ville et logement » vers la mission « Engagements financiers de l'État » pour couvrir le coût des indemnisations des établissements de crédit en 2006.

Même après transfert, une partie de la dotation de 25 millions d'euros initialement prévue pour la cotisation au FGAS resterait inemployée sur l'action « Soutien à l'accession à la propriété ».

Nous vous proposons d'en transférer 10 millions d'euros vers la mission « Travail et emploi » pour renforcer le dispositif relatif à l'encouragement au développement d'entreprises nouvelles - il s'agit du dispositif EDEN -, en direction des jeunes habitants des quartiers sensibles. Cette proposition fait suite à la décision annoncée hier par le Premier ministre.

Cette mesure contribuera à soutenir la croissance dans les quartiers sensibles. Elle s'inscrit donc parfaitement en cohérence avec les objectifs recherchés dans le cadre de la mission « Ville et logement ».

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Le FGAS était doté initialement d'un budget de 25 millions d'euros, et l'accord passé le 17 novembre dernier entre le Gouvernement et les établissements bancaires permet effectivement de réduire cette somme.

Cela étant, si nous ne pouvons naturellement que vous suivre s'agissant du soutien à apporter aux entreprises nouvelles dans les ZFU, il aurait mieux valu, madame la ministre, pour la clarté du débat, que nous disposions d'éléments financiers plus stabilisés. En effet, on retrouve l'action au profit des ZFU aussi bien dans la mission « Travail et emploi » que dans la mission « Ville et logement ».

Nous avons déjà demandé un document de politique transversale pour la ville, de manière à disposer de tous les éléments, mais je ne doute pas que nous en disposerons très prochainement...

La commission émet un avis favorable sur les deux amendements.

Comme l'a fait le président de la commission des finances, je voudrais néanmoins attirer l'attention du Gouvernement sur le fait que le succès du prêt à taux zéro et des prêts d'accession sociale risquent de poser, à terme, le problème de la garantie de l'État. Il est vrai que vous transférez 5 millions d'euros vers la mission « Engagements financiers de l'État », pour assurer cette garantie. Dans l'immédiat, ce montant est suffisant parce que le contentieux est peu important. Toutefois, à mesure que se développera ce type de prêt, il faudra sans doute réétudier cette question. Le Gouvernement doit y être extrêmement attentif.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je souhaite poser une question à Mme la ministre.

A l'origine, une dotation de 25 millions d'euros avait été inscrite. Nous venons de transférer 15 millions d'euros, dont 5 millions d'euros à la mission « Engagements financiers de l'État ». Il reste 10 millions d'euros. J'ai cru comprendre que 1 million d'euros allaient « s'évaporer » dans peu de temps. (Sourires.) Comment allez-vous utiliser le solde, madame la ministre ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le plan Banlieues se verra affecter 5,6 millions d'euros ; 1 million d'euros seront consacrés au programme « Ville, vie, vacances », en réponse à l'amendement que va soutenir Mme Létard ; et 500 000 euros seront redéployés sur la mission.

Mme la présidente. La parole est à M. André Vézinhet, pour explication de vote.

M. André Vézinhet. Mon explication de vote vaut pour les amendements n°s II-95 et II-89.

L'amendement n° II-95 a pour objet de majorer les crédits EDEN au moyen d'une réduction de l'action « Soutien à l'accession à la propriété » de la mission « Ville et logement ».

Les sénateurs socialistes qui suivent la mission « Travail et emploi » se sont abstenus lors du vote sur l'amendement visant à abonder le programme EDEN.

Logiquement, nous devrions adopter la même position. Néanmoins, le cadre est différent. Il ne revient pas à la mission « Ville et logement » de financer la politique de création d'entreprise, fût-ce dans les ZFU. Il me paraît difficile, d'un point de vue symbolique, d'afficher une réduction d'un programme comportant des aides au logement social. Si la fin de la cotisation de l'État au fonds de garantie de l'accession sociale libère des moyens, pourquoi ne pas les affecter au logement social ?

Enfin, dans la mesure où la réforme du système de garantie de l'accession sociale à la propriété permet à l'État de récupérer plus de 1 milliard d'euros, on aurait aimé que celui-ci fasse preuve de plus de volontarisme dans l'utilisation de ces moyens, soit pour financer davantage de logements sociaux là où les besoins sont impérieux - c'est-à-dire en PLUS et en PLAI -, soit pour financer la vraie accession à la propriété, et non pour permettre aux ménages gagnant plus de 7 000 euros par mois d'avoir accès au prêt à taux zéro.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-95.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-89.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° II-60 rectifié, présenté par Mme Létard, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Rénovation urbaine

Équité sociale et territoriale et soutien

1.000.000

1.000.000

Aide à l'accès au logement

Développement et amélioration de l'offre de logement

Dont Titre 2

1.000.000

1.000.000

TOTAL

1.000.000

1.000.000

1.000.000

1.000.000

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet d'attribuer au programme « Ville, vie, vacances » 1 million d'euros supplémentaires, afin de rétablir les crédits à leur niveau de 2005.

Ils pourraient éventuellement progresser davantage, puisqu'il existe apparemment une marge budgétaire... Les jeunes des quartiers seraient enchantés ! (Sourires.)

Techniquement, nous proposons de prélever cette somme sur l'action « Soutien » du programme « Développement et amélioration de l'offre de logement » pour l'affecter à l'action « Prévention et développement social » du programme « Équité sociale et territoriale et soutien ».

Actuellement, l'action « Soutien » représente environ 157 millions d'euros ; elle finance majoritairement les dépenses de personnel rattachées à la mission « Ville et logement », et, pour plus de 8 millions d'euros, les dépenses de fonctionnement du ministère destinées à des études ou à des évaluations relatives au logement, à des opérations de communication, de formation ou de maintenance informatique.

La commission des affaires sociales a considéré qu'une économie de 1 million d'euros pourrait être réalisée sur ces dernières dépenses, non impératives, au profit du programme « Ville, vie, vacances ».

Ce programme permet d'accueillir les enfants des quartiers sensibles pendant les vacances scolaires. Si l'on réduit cette année leur dotation de 1 million d'euros, mille vingt projets seront supprimés dans les quartiers sensibles, alors que les événements récents ont démontré le caractère indispensable des dispositifs d'animation et d'encadrement des jeunes durant les congés scolaires.

Afin de maintenir les projets existants, il est important qu'aucune ligne budgétaire de la politique de la ville ne diminue cette année. Chacune d'entre elles a un effet direct sur le terrain.

C'est pourquoi, madame la ministre, je vous demande de bien vouloir donner un avis favorable à l'amendement de la commission des affaires sociales visant à rétablir à son niveau de 2005 l'enveloppe des crédits « Prévention jeunesse » pour le programme « Ville, vie, vacances ».

Je compte sur vous pour veiller à ce que l'intégralité des crédits du programme « Équité sociale et territoriale et soutien » soient consommés en 2006 et à ce qu'il n'y ait aucun gel budgétaire, compte tenu de l'importance que ceux-ci revêtent pour tout un pan de notre territoire et pour toute une part de notre population.

Je compte aussi sur la bienveillance de la commission des finances pour me soutenir dans cette demande.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. On peut difficilement refuser à Mme Létard 1 million d'euros au profit du programme « Ville, vie, vacances », d'autant que Mme la ministre a déjà donné un avis favorable à cette demande. (Sourires.)

Je tiens cependant à rappeler à Mme Létard que le programme « Équité sociale et territoriale et soutien » a reçu une dotation complémentaire de 181 millions d'euros. Il est vrai que les fonds affectés au programme « Ville, vie, vacances » ont diminué de 1 million d'euros, passant de 10 à 9 millions d'euros. Néanmoins, en 2002, ce programme était doté de 7,6 millions d'euros. Donc, même avec 9 millions d'euros, la progression n'était pas négligeable.

En conclusion, puisque ce million d'euros est repris sur le FGAS, dont les fonds ne sont peut-être pas d'une utilité absolue depuis l'accord du 17 novembre, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Vous ne serez sans doute pas surpris d'apprendre que le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

Cela dit, je proposerai à Mme Létard d'affecter plutôt ce million d'euros à l'action « Soutien à l'accession à la propriété », puisque l'accord auquel nous sommes parvenus avec les établissements de crédit concernant le FGAS a redéfini les conditions de participation de l'État.

Madame la sénatrice, le programme « Ville, vie, vacances » est un programme interministériel. Aussi, il est essentiel - et je m'y emploie avec l'ensemble de mes collègues - que différents ministères puissent, tout au long de l'année et pas seulement l'été, prendre part aux actions extrêmement importantes menées dans les quartiers.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Vous ne serez pas surpris que je souscrive entièrement à l'objet de l'amendement de Mme Létard.

En revanche, madame la ministre, probablement en raison d'un moment de distraction, je n'ai pas très bien compris la ventilation des 10 millions d'euros restants. Si des fonds demeurent disponibles, je vous propose d'abonder l'amendement de Mme Létard. On ne peut pas simplement faire de l'aide à la pierre et de l'aide à la personne ! Un accompagnement social est nécessaire, ainsi que le prouvent les événements récents.

Avec ces crédits, on permettra aux personnes les plus défavorisées d'aller en vacances. Ces opérations sont menées avec des associations telles que les Restaurants du Coeur, l'Action catholique, etc. C'est à de tels moments que l'on peut véritablement permettre à un certain nombre de familles, tant aux parents qu'aux enfants, de mener ensemble une vie normale.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Nous partions de 25 millions d'euros. Ont été transférés 10 et 5 millions d'euros. En outre, 5,8 millions d'euros sont affectés au financement du plan Banlieues; 1 million d'euros est consacré au programme « Ville, vie, vacances » et 2,7 millions d'euros couvrent les frais de gestion du FGAS ; enfin, les 500 000 euros restant sont affectés au parc locatif social, les PALULOS.

Personne, me semble-t-il, ne pourra nous reprocher cette utilisation des fonds. Le programme « Ville, vie, vacances » est extrêmement important. L'ensemble de l'enveloppe est fongible et les fonds interministériels en faveur de la ville permettront de mener des actions d'accompagnement des associations.

M. Paul Blanc. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, pour explication de vote.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Bien évidemment, si Mme Vautrin estime qu'à l'intérieur de ce programme il est préférable d'affecter autrement ce million d'euro, je me fie à son avis, car elle sait mieux que moi là où les crédits peuvent être utilisés au mieux sans conséquence négative sur une autre action de terrain.

Simplement, je souscris tout à fait aux propos qu'elle a tenus : il est nécessaire que les ministères mènent des actions de prévention à destination de la jeunesse dans le cadre d'une enveloppe de crédits de droit commun Les ministères qui disposent de crédits de droit commun, de postes FONJEP, de crédits d'animation et de prévention jeunesse, doivent aussi, à leur niveau, pouvoir accompagner les efforts en faveur de la politique de la ville, sans instaurer un système de vases communicants.

Il ne faut pas, d'un côté, réduire certains crédits de droit commun et, de l'autre, les affecter aux contrats de ville. Il faut être attentif aux crédits de droit commun.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-60 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. J'ai été saisie d'une demande d'explication de vote sur les crédits de la mission de la part de M. Guy Fischer.

Je lui donne donc la parole.

M. Guy Fischer. Au terme de la discussion du budget de la mission « Ville et Logement », je formulerai quelques observations.

En effet, malgré les intentions affichées, les tendances lourdes qui pèsent sur ce budget n'ont pas été modifiées.

L'essentiel des crédits de la mission est en effet consommé aujourd'hui par le financement des aides personnelles au logement, financement dont nous avons dit qu'il était « cadré » de manière réglementaire pour permettre à l'État de se libérer du risque créé par l'accroissement du montant des aides à verser.

En faisant remonter le « reste à charge » des locataires, vous reprenez d'une main ce que vous allez consentir à donner s'agissant du versement des petites allocations aujourd'hui non distribuées.

La politique de rénovation urbaine pose plusieurs questions. Sans vouloir la critiquer sans appel, comment ne pas relever que l'effort financier de l'agence nationale va être essentiellement financé par les collecteurs du « 1% logement » et par la mobilisation des ressources de la Caisse des dépôts et consignations ?

La convention que vous venez de passer avec l'Union d'économie sociale pour le logement, l'UESL, va en effet dispenser l'État de « mettre au pot » 700 millions d'euros de plus par an, du fait de l'affectation obligatoire des deux tiers de la collecte nouvelle du « 1 % logement » au financement du programme national de rénovation urbaine, le PNRU.

Pendant ce temps, l'État va se contenter de l'allongement de la durée d'exécution du plan, sans relèvement substantiel de sa participation réelle.

Et comment ne pas évoquer la politique de cession des biens immobiliers de l'État, laquelle constitue un levier de ressources non négligeable - 500 millions d'euros cette année -sans garantie absolue d'utilisation des biens concernés au profit exclusif de la construction de logements sociaux !

A notre sens, d'autres pistes doivent être explorées.

Nous devons renforcer le financement le moins coûteux possible de la construction sociale.

L'allongement des durées d'amortissement des emprunts et les réductions des taux d'intérêt sur les lignes de crédit accordées doivent aller plus loin.

Il n'est pas normal que notre pays ne puisse définir des conditions de financement du logement social tendant vers le taux zéro, notamment au moment où le taux de rémunération du livret A est de 2,25 %.

Nous devons clairement revenir, comme avant la loi Barre de 1976, à un système de bonification des taux d'intérêt des emprunts des organismes bailleurs sociaux.

Réduire les coûts financiers inhérents à la construction sociale, c'est ouvrir la voie à la maîtrise des loyers et donc, par voie de conséquence, à celle des allocations personnelles en découlant.

Enfin, comment ne pas regretter que rien, dans ce budget, ne soit fait pour que l'exigence de construction de logements sociaux soit traduite dans les faits ? Les 20 % de logements sociaux dans les communes urbaines, c'est non seulement une nécessité au regard des besoins, mais aussi un facteur essentiel de diversité de l'habitat et de mixité sociale.

Quand on lit que certains préfets s'apprêtent à alléger les amendes infligées aux communes hors la loi,...

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Où avez-vous lu cela ? C'est le contraire !

M. Guy Fischer. ...on ne peut qu'être en désaccord avec cette orientation.

Ce sont donc là quelques raisons supplémentaires pour ne pas voter ces crédits.

M. Roland Muzeau. Très bien !

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix les crédits de la mission.

M. André Vézinhet. Je demande la parole pour explication de vote.

Mme la présidente. Je ne peux pas vous la donner, monsieur Vézinhet, car il aurait fallu vous inscrire.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Ville et logement », ainsi modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. J'appelle en discussion l'article 93 qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Ville et logement ».

Ville et logement

Art. 52 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. additionnel après l'art. 93

Article 93

Le premier alinéa du I de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville est complété par les mots : « jusqu'au 31 décembre 2005 inclus et, pour les gains et rémunérations versés à compter du 1er janvier 2006, dans la limite du produit du nombre d'heures rémunérées par le montant du salaire minimum de croissance majoré de 40 % ».

La parole est à M. Roland Muzeau, sur l'article.

M. Roland Muzeau. Madame la ministre, je souhaiterais formuler quelques observations sur cet article rattaché concernant la question de la prise en charge des exonérations de cotisations sociales en zone franche urbaine.

Les dispositions de l'article visent, tout à fait concrètement, à réduire légèrement le coût budgétaire des exonérations. Mais leur existence appelle quelques remarques.

Au total, ce sont 13 500 entreprises et établissements qui bénéficient du dispositif d'exonération, celui-ci concernant d'ailleurs 68 500 salariés - cinq en moyenne par établissement -, dont le tiers est issu de la zone franche elle-même.

On sait aussi que trois secteurs d'activité prédominent dans les créations, reprises ou transferts d'entreprises : les services aux entreprises, les services aux particuliers et les transports.

On constate également que le taux de chômage demeure élevé dans les zones urbaines sensibles, puisqu'il est de l'ordre de 21 % et a augmenté d'un point de 2003 à 2004. Le taux de chômage dépasse 35 % chez les jeunes hommes de moins de vingt-cinq ans et 40 % parmi les jeunes femmes du même âge.

De fait, malgré les aides accordées à l'emploi dans les entreprises sous forme de réduction des cotisations sociales, la situation générale de l'emploi n'a pas connu d'évolution significative, les créations d'emplois ne faisant qu'absorber avec peine les nouvelles arrivées sur le marché du travail.

La fragilité des entreprises nouvelles appelle sans doute des solutions d'une autre nature.

Nous devons en effet nous demander, au moment où l'Etat s'apprête à créer de nouvelles ZFU et à consacrer 30 millions d'euros de plus à la compensation des exonérations de cotisations sociales, si l'argent public ne pourrait pas être utilisé autrement.

Les entreprises créées sont en effet, dans la majeure partie des cas, des PME, victimes le plus souvent de difficultés d'accès au crédit.

Il conviendrait d'explorer un peu plus cette voie.

Ce sont là quelques points que le groupe communiste républicain et citoyen tenait à soulever ici.

Mme la présidente. La parole est à M. André Vézinhet.

M. André Vézinhet. Les crédits de la ville et ceux du logement étant regroupés dans la même mission, je souhaiterais, à l'occasion de l'examen de l'article 93, formuler quelques observations, qui illustrent bien notre débat.

Le 3 novembre, un décret a annulé 46,67 millions pour la ville et la rénovation urbaine. Le même mois, les banlieues connaissent les violences que l'on sait. Le Gouvernement remanie alors précipitamment son projet et présente aux députés un amendement affectant 181 millions d'euros au programme « Équité sociale et territoriale et soutien ». Il y avait en effet urgence à éteindre le feu, mais chacun connaît l'importance de la prévention en matière d'incendie.

Voilà maintenant trois ans que les associations subissent des amputations considérables de leurs moyens auxquelles s'ajoute la suppression des emplois jeunes. Les élus de terrain, confrontés à cette réalité, n'ont pourtant pas manqué d'alerter les premiers ministres, MM. Raffarin et de Villepin. (Mme la ministre déléguée s'exclame.)

Par ailleurs, concernant le programme national de rénovation urbaine, vous nous avez indiqué en commission des affaires sociales que la grande majorité des sites prioritaires au titre de la politique de la ville seraient traités dans les prochains mois par l'ANRU, que d'autres sites non prioritaires, mais souvent pouvant faire l'objet d'aides, avaient été identifiés, prenant bien soin de préciser que les départements et régions seraient vraisemblablement appelés à prendre en charge une part plus importante du financement des opérations de rénovation urbaine.

Je voudrais souligner devant la Haute Assemblée combien cette participation des collectivités devient très lourde à supporter dans les opérations de l'ANRU.

Pour en revenir au programme « logement » et conclure, je citerai quelques chiffres publiés le 24 novembre par la direction des affaires économiques et internationales du ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Face à l'augmentation de 21,6 % de la production de logements neufs par les promoteurs privés, le logement social, avec une hausse de 3,9 % des mises en chantier, reste le parent pauvre. La même source indique que la création de logements par des maîtres d'oeuvre sociaux ou publics ne dépassera pas 42 223 unités en 2005 et reste donc très en retrait de l'objectif de production de 90 000 logements fixé par la loi du 18 janvier 2005.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 93.

(L'article 93 est adopté.)

Art. 93
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Solidarité et intégration

Article additionnel après l'article 93

Mme la présidente. L'amendement n° II-93, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 93, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la fin de la première phrase du IV de l'article 35 de la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, la date : « 1er juillet 2006 » est remplacée par la date : « 1er janvier 2006 ».

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Cet amendement a pour objet d'avancer au 1er janvier la date d'application du nouvel indice de révision des loyers, comme je l'ai indiqué tout à l'heure.

Ce nouvel indice sera plus équilibré. Ses évolutions seront fondées à 60 % sur l'indice des prix à la consommation, à 20 % sur l'indice des prix d'entretien et d'amélioration et à 20 % sur l'indice du coût de la construction.

Nous voulons l'appliquer dès le 1er janvier, car c'est, pour les locataires qui ont connu des hausses de loyers, le moyen de bénéficier beaucoup plus tôt de l'effet modérateur de ce nouvel indice.

M. Guy Fischer. Il faudra faire pareil pour l'APL, madame la ministre déléguée !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Nous sommes d'accord avec la proposition que vient de faire Mme la ministre déléguée. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

Les hausses de loyer ne seront jamais aussi importantes que cette année. Ainsi, pour l'OPAC du département du Rhône, présidé par notre collègue Michel Mercier, ces hausses s'élèvent à 3,5 % en moyenne au 1er janvier et à 1,5 % au 1er juillet. Madame la ministre, ce que nous souhaiterions, c'est que l'APL augmente, elle aussi, le 1er janvier, et non le 1er septembre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je souhaite formuler une simple observation. Je trouve formidable de prendre en compte l'indice des prix à la consommation, car au train où vont les choses, la lutte contre la vie chère, cela signifie un peu plus d'outsourcing, c'est-à-dire d'achats de produits qui viennent d'ailleurs. Mais je n'oublie pas que le Gouvernement a deux préoccupations : lutter contre la vie chère et créer de l'emploi. Je voudrais être sûr que nous sommes en situation de concilier ces deux objectifs.

M. Guy Fischer. Il faut redonner du pouvoir d'achat !

M. Roland Muzeau. Et ne pas baisser l'impôt de solidarité sur la fortune !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-93.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 93.

Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité.

Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Ville et logement ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures trente, sous la présidence de M. Philippe Richert.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

Art. additionnel après l'art. 93
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 52 et état B

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 98,99).

Solidarité et intégration

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Solidarité et intégration » (et articles 88 et 89).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule, je formulerai deux observations de méthode.

Au 10 octobre, date limite fixée par la LOLF, je n'avais reçu que 27 % des réponses à mon questionnaire budgétaire. Les ministères doivent donc réaliser encore un effort important pour répondre aux exigences de la LOLF.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ils ont des marges de progression, monsieur le rapporteur spécial !

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Par ailleurs, les crédits budgétaires ne donnent pas une vision exhaustive de cette mission. Je voudrais souligner l'importance des dépenses fiscales qui contribuent à titre principal aux actions menées dans le cadre de cette mission : elles s'élèveront à 9,5 milliards d'euros en 2006, contre 12,2 milliards d'euros de crédits.

Cela étant, je formulerai deux remarques de fond.

Tout d'abord, cette mission comprend un programme support qui rassemble des crédits de personnel de programmes relevant de trois missions différentes. Je voudrais rappeler que notre commission s'était prononcée, dès le départ, contre cette solution, qui apparaît contraire à l'esprit de la LOLF. La commission des finances souhaite donc que le ministère de la santé et des solidarités reconsidère le choix qui a été opéré.

Mais la seconde et principale caractéristique de cette mission tient dans l'étroitesse des marges de manoeuvre dont paraissent disposer les gestionnaires concernant les principaux postes de dépenses.

D'une part, les dépenses les plus importantes, comme l'allocation aux adultes handicapés ou l'allocation de parent isolé, sont difficilement maîtrisables, dans la mesure où elles répondent à une logique de guichet au profit des personnes concernées.

D'autre part, plusieurs dépenses font l'objet de sous-évaluations récurrentes qui préemptent les marges de manoeuvre des gestionnaires. À cet égard, le présent projet de budget ne déroge pas à cette tradition, ce qui soulève un réel problème de sincérité budgétaire.

Je m'en tiendrai à trois exemples qui ont particulièrement retenu l'attention de la commission des finances.

La dotation inscrite pour faire face aux dépenses liées à l'aide médicale de l'État est une nouvelle fois maintenue à un montant de 233,5 millions d'euros, alors que la tendance des dépenses sur les quatre derniers trimestres s'élève à 360 millions d'euros.

Les prévisions d'évolution du nombre des bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé et de l'allocation de parent isolé sont très optimistes au regard des évolutions passées. La commission des finances souhaite que le Gouvernement les justifie précisément.

Enfin, les dépenses relatives à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile paraissent également insuffisamment dotées et font régulièrement l'objet d'ouvertures de crédits en cours d'année par le biais de décrets d'avances.

Ma conclusion sera simple : que comptez-vous faire, madame la ministre, monsieur le ministre ?

Sous ces réserves, la commission des finances vous propose d'adopter les crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2006. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur des travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, outre le financement des minima sociaux, les 12,2 milliards d'euros de crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2006 doivent permettre de financer deux priorités : la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale et l'application de la loi « handicap » du 11 février 2005. C'est la raison pour laquelle ces crédits progressent de 3,5 % par rapport à 2005.

La commission des affaires sociales voudrait tout d'abord se féliciter du respect des engagements de l'État dans la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale : la création de nouvelles places d'accueil en centres d'hébergement et de réadaptation sociale, les CHRS, ou en maisons relais et en centres d'accueil pour les demandeurs d'asile, les CADA, se poursuit. Les crédits prévus permettront même d'atteindre, avec un an d'avance, l'objectif de 7 000 places fixé par ce plan.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Tout à fait !

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Cet effort s'inscrit dans le cadre d'une politique globale en faveur des immigrants, qui privilégie l'hébergement plutôt que le versement d'une allocation, comme en témoigne le resserrement des conditions d'attribution de l'allocation d'insertion, désormais rebaptisée « allocation temporaire d'attente ».

Le projet de budget pour 2006 traduit par ailleurs le succès du contrat d'accueil et d'intégration pour les étrangers. Sa généralisation à l'ensemble du territoire avant la fin de l'année 2006 est donc une bonne chose.

Dans le domaine du handicap, les programmes de créations de places seront également honorés, qu'il s'agisse des centres d'aide par le travail, les CAT, à la charge de l'État ou des établissements et services financés par l'assurance maladie. Cette année, l'intervention de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, permettra en outre d'amplifier - et non de remplacer - les efforts des financeurs de droit commun, ce qui correspond d'ailleurs davantage au rôle de la Caisse.

Soulignons enfin que les efforts engagés depuis deux ans en matière d'intégration scolaire des enfants handicapés commencent à porter leurs fruits : en deux ans, la scolarisation en milieu ordinaire a progressé de 30 % à l'école primaire et surtout de 70 % dans le secondaire.

Pour autant, la commission des affaires sociales estime que ce projet de budget n'est pas exempt de critiques.

La première concerne les transferts de charge vers la sécurité sociale : les dettes cumulées de l'État à l'égard de l'assurance maladie pour l'aide médicale de l'État s'élevaient à 400 millions d'euros fin 2004, celles à l'égard de la branche famille concernant l'allocation de parent isolé et l'allocation aux adultes handicapés se chiffraient à 337 millions d'euros

De plus, les prévisions de dépenses pour 2006 reposent sur des hypothèses plus qu'optimistes d'évolution du nombre de leurs bénéficiaires. Il nous paraît en effet impossible que les modifications apportées à ces trois prestations puissent avoir un effet positif aussi sensible en un an. S'agissant plus précisément de l'AAH, la prise en compte de l'impact de la loi « handicap » apparaît en outre très partielle. Un dérapage de ces dépenses nous semble donc une nouvelle fois inévitable, mais nous n'en sommes qu'à l'an I de la loi.

La deuxième critique porte sur les transferts opérés cette fois à l'égard des départements : l'augmentation du nombre de bénéficiaires du revenu minimum d'insertion occasionne pour ces derniers un surcoût de 430 millions d'euros, qui n'a pas été compensé par l'État. Le Premier ministre s'est toutefois engagé à compenser intégralement à terme les dépenses liées à la gestion du RMI ; il s'agira donc de veiller à ce que cette compensation soit effective et rapide.

L'année 2006 constituera également pour les départements la première année de mise en oeuvre de la prestation de compensation du handicap. La commission des affaires sociales doute que celle-ci puisse se faire à coût constant pour les conseils généraux, et ce malgré l'apport de la CNSA. En effet, une fois financées la suppression de la condition de ressources et l'amélioration de la prise en charge pour les personnes les plus lourdement handicapées, les crédits seront insuffisants pour permettre une élévation des prestations versées dans les autres cas, sauf à ce que les départements consentent un effort supplémentaire ou que nos concitoyens acceptent de travailler un jour de plus.

M. Guy Fischer. Le 11 novembre ?

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Pourquoi pas, monsieur Fischer ? Je persiste et je signe !

Au lendemain de la guerre de 1914-1918 a été instituée une grande journée de fête nationale le 11 novembre. Depuis, presque tous les anciens combattants ont disparu puisqu'il n'en reste que six. Que faisons-nous pour honorer ces hommes qui ont sacrifié leur vie pour la nation ? Nous faisons la fête, et nous n'arrivons même pas à mobiliser les écoles !

Nous devons faire des sacrifices pour être solidaires de nos anciens combattants - par exemple, augmenter leur retraite - ou mener des actions de solidarité. Nous pourrions donc travailler le 11 novembre !

Mme Raymonde Le Texier. Et le 14 juillet !

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Et, ce jour-là, on pratique le devoir de mémoire. Dans toutes les écoles, les enseignants expliquent ce qui s'est passé et le sacrifice de nos anciens.

Je reviens à mon propos sur les crédits de la mission. La commission des affaires sociales regrette que l'État reste en retrait dans la nouvelle architecture institutionnelle créée autour de la prestation de compensation : sa contribution au fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées et aux fonds départementaux de compensation est une simple reconduction des moyens antérieurement consacrés aux sites pour la vie autonome. Je crains que ce manque de mobilisation ne vienne décourager les efforts des autres financeurs extralégaux.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2006. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur des travées de l'UC-UDF.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 20 minutes ;

Groupe socialiste, 15 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 8 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 7 minutes ;

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme consacré au handicap et à la dépendance représente près des deux tiers du budget de la mission « Solidarité et intégration ».

Je consacrerai donc la moitié de mon intervention aux nombreuses interrogations suscitées par la mise en oeuvre de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, votée en février dernier.

Tout d'abord, je formulerai une remarque générale sur les crédits alloués à la politique du handicap cette année.

Je m'interroge - mais je crois malheureusement déjà connaître la réponse - sur le caractère, ou bien très optimiste ou bien non sincère, des chiffres avancés par le Gouvernement.

Je citerai un exemple : le montant attribué pour l'allocation aux adultes handicapés est fondé sur la quasi-stabilité des effectifs, alors qu'ils augmentent de 2,5 % en moyenne chaque année.

Derrière les bonnes intentions affichées par le Gouvernement, les moyens ne suivent pas, pas plus que les décrets d'application qui le contraindraient à tenir ses promesses. Et quand les décrets paraissent, ils provoquent toujours de profondes désillusions pour les personnes handicapées et tous ceux qui travaillent avec elles, en particulier dans les associations.

C'est le cas, en particulier, du décret sur la prestation de compensation, qui n'a en effet plus grand-chose à voir avec un droit, présenté comme universel, de disposer de son avenir, car les propositions sont bâties sur une approche des capacités de la personne, et non de ses projets individuels de vie.

En fin de compte, nous constatons plutôt la volonté de l'État de se tenir en retrait des mesures qu'il avance.

Il en est ainsi, par exemple, du financement des maisons départementales et de la compensation. En effet, on constate avec regret que l'État n'a pas engagé les moyens suffisants pour compenser ce nouveau dispositif, dont la charge est reportée sur les assurés sociaux au travers de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, ou des conseils généraux.

Par ailleurs, je souhaite compléter mon propos en abordant brièvement l'intégration des handicapés à la vie de la cité.

Ainsi, la proposition de financement des aides techniques et d'adaptation de l'habitat est plafonnée à des montants insuffisants par rapport aux surcoûts liés au handicap.

La réglementation de l'accessibilité s'établit a minima et multiplie les dérogations. La nouvelle loi réaffirme pourtant l'obligation d'accessibilité du cadre bâti et fixe un délai maximum de dix ans pour l'adaptation des bâtiments existants. Seule une politique d'accessibilité volontariste et durable permettrait de faire respecter véritablement ce droit.

L'intégration scolaire demeure insuffisante, même si un premier pas a été fait : si l'on fait le point sur la rentrée scolaire, force est de constater le manque d'auxiliaires de vie, qui pénalise de nombreux enfants en situation de handicap, voire les empêche de suivre une scolarité ordinaire.

Pourtant, dans une circulaire spécifique, le ministère de l'éducation nationale a affirmé le droit des élèves handicapés à s'inscrire dans l'école de leur secteur, dès la rentrée 2005. Annoncer un droit sans y associer toujours les moyens nécessaires relève, à nos yeux, de la supercherie.

Quant à l'intégration professionnelle, elle nous apparaît malheureusement quasiment compromise.

Aucune garantie n'est prévue dans le projet de loi de finances quant à la fixation d'une rémunération à 85 % du SMIC pour les personnes handicapées. Les montants alloués garantiront à peine la reconduction des ressources versées l'an passé.

Enfin, la loi du 11 février 2005 instaurait un système d'aide au poste en « entreprise adaptée » et en centre de distribution du travail à domicile.

Nous avons constaté avec colère que le coût unitaire retenu pour l'aide au poste en entreprise adaptée est de 11 400 euros par travailleur handicapé. Ce montant est non conforme aux engagements de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, la DGEFP, qui a toujours annoncé un montant de 12 956 euros.

Les entreprises adaptées ne pourront pas supporter, avec seulement 11 400 euros d'aide au poste, les nouvelles charges qui pèsent sur elles. Elles sont dans une situation économique catastrophique.

Je vous rappelle que le chômage des personnes en situation de handicap est trois fois supérieur à celui de l'ensemble de la population.

Il est inacceptable et particulièrement cynique que la politique de non-discrimination se traduise, pour les salariés handicapés, par des files d'attente aux guichets de l'ANPE.

Dans la seconde partie de mon intervention, je dirai un mot sur la situation des familles monoparentales en particulier.

Le dernier rapport concernant les violences faites aux femmes est accablant. Les violences s'étendent et elles sont tristement corrélées aux conditions économiques et sociales que connaissent les familles.

En la matière, les centres d'hébergement d'urgence, ainsi que le nombre de logements pouvant accueillir les femmes victimes de violences, font terriblement défaut, madame la ministre.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. C'est pour cela que nous allons diversifier !

M. Guy Fischer. Nous devons lutter contre le phénomène d'exclusion des femmes en s'attaquant à ses racines ; la violence conjugale en est la triste conséquence. La proposition de loi communiste et socialiste renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple, adoptée le 29 mars 2005 par le Sénat, n'est toujours pas inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le 13 décembre !

M. Guy Fischer. Le texte sera donc examiné incessamment. Je vous remercie, madame la ministre !

Plus largement, les moyens attribués à la prise en charge des femmes victimes restent insuffisants, tout comme, en amont, les moyens qui pourraient garantir un revenu digne aux familles monoparentales, c'est-à-dire aux femmes seules avec enfants.

Avant transferts sociaux, 41,7 % des familles monoparentales - essentiellement des femmes avec enfants -disposent de revenus inférieurs au seuil de pauvreté.

Et même en tenant compte de ces transferts, 13,9 % des familles monoparentales vivent dans la pauvreté, voire 20 % pour celles qui ont trois enfants, contre 6,2 % des couples avec enfants. Pourquoi un tel décalage entre l'ampleur de la question et son traitement ? Pourquoi ce manque d'intérêt, notamment lors de la conférence de la famille ? C'est un problème qui devrait être traité.

Le Gouvernement doit expliquer devant la représentation nationale comment il compte parvenir à une baisse du nombre de bénéficiaires de l'allocation de parent isolé, si ce n'est par le développement de la misère et, à sa suite, le développement des discriminations et des violences.

Je vous rappelle que, selon l'Observatoire des inégalités, 14 % des familles monoparentales vivent dans la pauvreté, contre 6 % des couples avec enfants.

Les femmes sont aujourd'hui les premières victimes de l'exclusion.

Votre politique en matière de minima sociaux est alarmante, discriminatoire et anti-solidaire. Je m'attends au pire quant à la réforme dans ce domaine.

Bien au contraire, il faut tout faire pour ne pas stigmatiser des populations fragiles et il importe de garantir le respect de leur dignité.

L'allocation de parent isolé, qui constitue souvent l'unique ressource des mères isolées, doit continuer de leur garantir un minimum de moyens financiers. Il est important de le dire : ces femmes ne choisissent pas délibérément de demeurer dans l'assistance. C'est la raison pour laquelle nous devons les aider à surmonter les obstacles à leur insertion sociale et professionnelle durable.

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Solidarité et intégration » regroupe désormais toutes les actions en faveur des publics les plus fragiles, mais nous constatons malheureusement que, pour 2006, les crédits inscrits sur la totalité de la mission représentent seulement l'équivalent des crédits dépensés en 2004.

La suite de mon intervention portera essentiellement sur les problèmes des chantiers d'insertion et de l'accueil des étrangers.

La fin des contrats emploi-solidarité au profit de nouveaux contrats, mieux rémunérés et donc plus onéreux en fonctionnement, comme les contrats d'avenir et les contrats d'accompagnement dans l'emploi, inquiète beaucoup les associations d'insertion par l'activité économique, car les chantiers d'insertion, outils essentiels de lutte contre l'exclusion, sont menacés à court terme. En effet, la loi de programmation pour la cohésion sociale impose aux employeurs une obligation de formation, sans financements supplémentaires.

Ces nouveaux contrats entraînent donc des surcoûts importants. Dans ma région, par exemple, selon le nombre de personnes accompagnées par les associations, selon leur adhésion ou non à des conventions collectives, ces surcoûts varient entre 15 000 et 230 000 euros par structure.

Dans cette situation, il est à craindre que les chantiers d'insertion ferment l'un après l'autre. Les associations tirent la sonnette d'alarme depuis plusieurs mois, sans être entendues. Madame la ministre, quelles mesures concrètes entendez-vous prendre pour répondre à leurs inquiétudes ?

J'en arrive au programme consacré à l'accueil des étrangers.

Avec 65 000 demandeurs d'asile, notre pays est le plus sollicité au sein de l'OCDE. À partir d'août 2006, le Gouvernement va créer 2 000 nouvelles places en centres d'accueil pour demandeurs d'asile, mais c'est insuffisant au regard des besoins qu'il estime lui-même à 30 000. Aujourd'hui, on compte environ 16 000 places. Paradoxalement, le Gouvernement prévoit une diminution des demandes d'asile de l'ordre de 11 % en 2006.

Sur quels éléments se fonde-t-il pour établir de telles prévisions ? Sur le terrain, on observe plutôt l'inverse. Quels sont les indicateurs du Gouvernement ? En outre, il serait intéressant de savoir comment ces nouvelles places seront réparties sur le territoire : les départements frontaliers seront-ils prioritaires ?

Si je prends l'exemple de la Moselle, l'engorgement des structures d'hébergement est régulièrement dénoncé par les associations. Les demandeurs d'asile en attente de régularisation sont donc réorientés vers les centres d'hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, les hôtels et les logements sociaux. La situation est pire encore en période non hivernale. Ainsi, cet été, à Metz, des familles avec des jeunes enfants ont été délibérément laissées à la rue pendant plusieurs semaines.

Ce sont des associations qui, heureusement, se sont mobilisées pour leur venir en aide. J'en profite pour rendre hommage à tous ces bénévoles qui font face quotidiennement à des situations d'urgence avec des moyens dérisoires. Elles ont droit à notre respect et à toute notre considération.

Sur le terrain de l'insertion, le problème majeur est celui du logement social, y compris pour les demandeurs d'asile acceptés par l'office français de protection des réfugiés apatrides, l'OFPRA. Le Gouvernement semble l'avoir compris, mais il aura fallu les événements des banlieues pour que le Président de la République manifeste sa volonté de faire respecter le seuil de 20 % de logement sociaux figurant dans la loi SRU.

Nous espérons que cette volonté ne restera pas lettre morte et que des dispositions drastiques seront prises. Malheureusement, au vu des débats qui se sont tenus ici même, lors de l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement, nous sommes plutôt pessimistes.

Par ailleurs, qu'en est-il de l'application de la directive européenne du 27 novembre 2003 ? Cette dernière prévoit notamment un suivi psychologique des demandeurs d'asile ayant été victimes de tortures. Il serait grand temps que le Gouvernement se mette en conformité avec la réglementation européenne autrement que pour trouver prétexte à ne verser l'allocation temporaire d'attente qu'à partir du moment où la demande d'asile est enregistrée auprès de l'OFPRA et à ne pas la verser en cas de refus d'hébergement dans un centre spécialisé. Il est à craindre, évidemment, que cette condition ne puisse être remplie étant donné l'insuffisance des hébergements.

En outre, avec sa faible dotation, notre politique en matière d'asile n'est respectueuse ni des droits de l'homme ni de la Convention de Genève, alors nous nous honorions, il n'y a pas si longtemps, d'en être les meilleurs défenseurs.

Le suivi sanitaire des demandeurs d'asile pose également un problème. Ce n'est qu'au terme d'une période de trois mois qu'ils peuvent bénéficier de la couverture maladie universelle, la CMU. Les personnes hébergées en hôtel, dans le parc social, ou celles qui sont à la rue ne bénéficient pas de suivi médical durant cette période. Ce délai peut constituer un facteur aggravant des pathologies, voire de contagion.

La question de leur prise en charge sanitaire immédiate doit donc être sérieusement prise en considération.

Enfin, nous ne pouvons que regretter l'amalgame trop fréquent entre la demande d'asile et l'immigration clandestine. Celle-là n'est pas une variante de celle-ci, ni un moyen de fraude aux procédures classiques de regroupement familial ou d'alimentation du travail clandestin. Il s'agit de personnes en danger qui fuient leur pays, et nous avons le devoir de les accueillir dignement à toutes les étapes.

Pour conclure, je souhaite dire un mot sur le programme « Égalité entre les hommes et les femmes ». Bien que son budget n'ait guère augmenté, j'espère qu'il sera une priorité pour le Gouvernement cette année.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Bien sûr !

Mme Gisèle Printz. Ne l'oublions pas, les femmes représentent 53 % de la population française.

Deux propositions de loi seront discutées à l'Assemblée nationale et au Sénat. Pour l'instant, elles ont connu un parcours très laborieux. L'une, résultant de l'initiative de mon collègue Roland Courteau, au nom du groupe socialiste, concerne les violences faites aux femmes. J'espère qu'elle sera reprise dans les mêmes termes, voire améliorée, par l'Assemblée nationale. L'autre concerne l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Ces deux textes sont très attendus, car ils contribueront à améliorer la situation des femmes dans le monde du travail et dans notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi organique relative aux lois de finances a profondément rénové l'architecture du budget de l'État, ce qui offre aux parlementaires que nous sommes la possibilité d'apprécier non seulement la pertinence des actions conduites par le Gouvernement, mais également leur efficience.

Il en est ainsi de son action en matière de solidarité et d'intégration.

Sans revenir sur les très nombreuses analyses qui ont suivi les événements récents, je me contenterai de quelques réflexions.

Qu'on le veuille ou non, tout d'abord, le partage des richesses et de la croissance crée de plus en plus d'inégalités dans le monde en général,...

M. Guy Fischer. Et en France en particulier !

Mme Isabelle Debré. ... mais aussi au sein des pays les plus développés.

Qu'on le veuille ou non, la recherche de solutions à ces problèmes de plus en plus complexes relève non seulement de la solidarité humaine, mais aussi de l'intérêt de notre communauté.

Qu'on le veuille ou non, plus personne n'est aujourd'hui à l'abri d'un accident de la vie, les actifs comme les inactifs, les femmes comme les hommes.

La pauvreté, la maladie, l'exclusion sont des réalités aux conséquences considérables.

Non seulement notre collectivité ne peut, par simple humanité, détourner son regard des drames qu'elle recèle, mais il est de son devoir de prendre en charge les mesures nécessaires pour les éviter.

Si je crois profondément que chacun sur terre doit affronter les aléas de la vie, je pense aussi qu'il revient à l'État d'accroître les chances des plus défavorisés, de soutenir les exclus et de donner à chacun les armes pour affronter les difficultés de l'existence.

Le budget de l'État doit donc s'inscrire dans cette nécessité républicaine.

Voilà posées, à mes yeux, mes chers collègues, les vraies questions.

Si la situation est aujourd'hui difficile pour beaucoup de nos concitoyens, je voudrais néanmoins exprimer mon optimisme et ma foi en l'action politique.

En effet, plus personne ne conteste que l'emploi est aujourd'hui au centre du débat politique. Malgré les difficultés que rencontre toujours notre pays à affronter les réformes et les changements pourtant nécessaires, les politiques volontaristes conduites par Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin créent les conditions d'un recul du chômage, d'un retour à la confiance des chefs d'entreprise, de la libération des énergies et de la réhabilitation du travail.

L'année 2005 a été particulièrement riche en initiatives en faveur des entreprises : loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, loi de sauvegarde des entreprises, loi en faveur des petites et moyennes entreprises. Ce sont des signaux forts que nous avons adressés à ceux qui font la prospérité et la vigueur de la France et que l'on a trop longtemps bridés par des lourdeurs administratives.

De même l'administration a-t-elle entrepris sa révolution technologique, plaçant ainsi la France parmi les acteurs les plus actifs dans le monde de l'internet administratif.

La gauche veut le partage et l'administration des emplois ; nous préférons la liberté d'entreprendre, la création de richesses, et l'efficacité du service commun.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Guy Fischer. Ce n'est pas pour demain !

Mme Isabelle Debré. À l'assistance qui déresponsabilise, nous préférons voir chacun disposer de tous les atouts pour choisir et maîtriser lui-même son avenir.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Isabelle Debré. Bien sûr, il reste beaucoup à entreprendre. Je suis néanmoins optimiste, car jamais un gouvernement n'avait autant exprimé la volonté de faire reculer la précarité et de recréer du lien social.

Mme Raymonde Le Texier. Croire au Père Noël, à votre âge !

Mme Isabelle Debré. Dois-je rappeler les apports de la loi de programmation pour la cohésion sociale, qui s'attaque à toutes les causes de l'exclusion ? Dois-je rappeler nos ambitions contenues dans la loi portant engagement national pour le logement ? Dois-je rappeler notre volonté de lutter contre toutes les formes de discriminations, dont la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité est un acteur majeur ? Dois-je, enfin, rappeler les principes d'action contenus dans la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ?

Ainsi, au-delà des polémiques, j'espère que nous nous retrouverons, à travers ce projet de loi de finances pour 2006, autour d'une volonté commune de faire reculer les inégalités, les égoïsmes et la précarité.

Plus de 1 milliard d'euros seront consacrés aux politiques en faveur de la prévention de la pauvreté et de la lutte contre l'exclusion, ce qui se traduira par un développement sans équivalent des dispositifs d'accueil d'urgence. Nous créerons ainsi 1 500 places nouvelles en maisons-relais et 500 places supplémentaires en centres d'hébergement et de réinsertion sociale.

L'année 2006 verra par ailleurs la montée en puissance de notre effort en faveur des rapatriés,...

M. Guy Fischer. Ah ! N'en parlez pas !

Mme Isabelle Debré. ... conformément aux engagements que nous avons pris dans le cadre de la loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

En ce qui concerne l'accueil des étrangers et l'intégration, parce que nous entendons faire preuve d'humanité tout autant que de sens des responsabilités, nous nous attacherons à développer les capacités d'hébergement des centres d'accueil des demandeurs d'asile, à intensifier les dispositifs favorisant l'intégration, et nous expérimentons depuis le 1er septembre 2005, dans vingt et un départements, une aide au retour pour les déboutés du droit d'asile.

Notre politique en faveur des familles vulnérables se traduira, quant à elle, par un soutien renouvelé et renforcé en faveur des familles monoparentales. Il était notamment de notre devoir d'améliorer l'accompagnement des bénéficiaires de l'allocation de parent isolé en leur proposant un suivi personnalisé afin de favoriser leur retour à l'emploi.

Une telle politique ne pouvait réussir que si nous nous attachions à favoriser la garde des enfants. La réinsertion des adultes isolés est un objectif que nous atteindrons grâce à l'ambitieux programme de construction de places en crèche - 15 000 ont en effet été annoncées par le Premier ministre en complément des 57 000 places en cours de réalisation -, mais aussi en leur donnant priorité pour l'attribution de ces places.

La politique du handicap que nous développerons en 2006, priorité du quinquennat, s'inscrit pleinement dans le cadre fixé par le Président de la République.

Là encore, nous ferons preuve d'ambition et de volontarisme pour qu'enfin les personnes handicapées soient regardées avec le respect qui leur est dû et avec la compréhension des sujétions particulières de leur situation de handicap.

Ce sont 457 millions d'euros de mesures nouvelles, soit une hausse de près de 6,5 % par rapport à l'an dernier, qui sont programmés pour tenir les promesses de la loi relative à l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, et pour favoriser la vie autonome de personnes handicapées. En outre, 340 millions d'euros supplémentaires financeront la réforme de l'allocation aux adultes handicapés et 110 millions d'euros seront consacrés au financement de 2 500 places nouvelles en centres d'aides par le travail.

Enfin, au titre de la protection maladie, 50 millions d'euros seront dégagés pour abonder le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.

Telles sont, mes chers collègues, retracées de manière non exhaustive, les grandes lignes de la politique que le Gouvernement entend conduire dans le domaine de la solidarité et en matière d'intégration. Courage, ambition et volontarisme sont les trois moteurs de cette action pour une cohésion sociale renforcée et pour des solidarités renouvelées et efficaces.

Le groupe de l'UMP, conscient des avancées importantes que le projet de loi de finances pour 2006 comporte, soutiendra sans réserves l'action du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur des travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Solidarité et intégration », c'est un beau titre, et ce pourrait être un beau programme.

Hélas, cette appellation masque une dure réalité, faite au quotidien de misère et d'exclusion pour des milliers d'hommes et de femmes, et ce budget, qui regroupe pourtant toutes les actions en faveur des publics les plus fragiles, est un véritable fourre-tout.

Le seul point commun à tous ces publics est la logique que vous leur appliquez. Persuadés que, pour faire baisser la fièvre, rien n'est mieux que de casser le thermomètre, vous avez décidé que, pour éradiquer la misère, il fallait diminuer les aides, tailler dans les budgets et ignorer les besoins.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Et faire diminuer le chômage !

Mme Raymonde Le Texier. Nous en avons débattu avant que vous soyez parmi nous, monsieur le ministre, et nous avons indiqué que nous n'étions pas tout à fait d'accord sur les chiffres !

C'est ainsi que les crédits inscrits pour 2006 sur la totalité de la mission correspondent à l'équivalent des crédits dépensés en 2004, alors même que la situation sur le front de la précarité ne cesse d'empirer. Inutile de dire que, à cette aune, la situation des demandeurs d'asile ne risque pas de s'améliorer.

En diminution par rapport à 2005, ce projet de budget, déjà calculé au plus juste, doit être abondé en cours d'année, alors qu'est dénoncé d'une année sur l'autre le manque d'infrastructures d'accueil, voire l'inhumanité des conditions de vie des demandeurs d'asile. Non seulement le budget est insincère, mais, surtout, il ne répond pas aux exigences de la situation.

C'est à croire, madame la ministre, monsieur le ministre, que vous faites de la restriction des crédits et de la multiplication des justificatifs la seule réponse politique de votre gouvernement à la question du droit d'asile ou de l'immigration clandestine ! Croyez-vous vraiment que c'est en multipliant les tracasseries administratives, en rognant les droits accordés aux étrangers et en faisant des économies sur leur misère que l'on tarira les flux migratoires ?

C'est oublier que l'on ne quitte pas le lieu où l'on est né par goût du confort, que l'on ne s'exile pas par effet d'aubaine. On se réfugie en Europe parce que souvent, dans son propre pays, on n'a plus d'autre avenir que la soumission stérile ou la mort brutale ; parce que dans nombre de pays, la faim, la maladie, les épidémies, les persécutions, sont le quotidien des hommes ; parce que certains régimes politiques réduisent les hommes à n'être que victimes ou bourreaux.

Quand on connaît les causes des migrations humaines, peut-on réellement penser que la restriction de l'accès à l'aide médicale d'État, le manque de place dans les CADA, ou le durcissement des conditions exigées pour toucher l'allocation temporaire d'attente soient des réponses appropriées ?

Je me souviens de ces Africains qui, voilà quelques mois, se sont jetés, mains nues, sur les barbelés des enclaves espagnoles de Ceuta ou de Melilla. Nous nous souvenons tous de ces hommes et de ces femmes que les gardes marocains ont repris et abandonnés en plein Sahara, sans eau ni nourriture.

M. Pierre André. Ce n'est pas en France !

Mme Raymonde Le Texier. De l'Europe, ils n'auront connu que le rejet, l'expulsion, la violence ; pourtant ils clament leur volonté de revenir, d'essayer, encore et encore...

Lorsque l'on n'a plus rien à perdre, on est prêt à prendre tous les risques. Ce n'est donc pas en renforçant la mesquinerie des conditions d'accueil que l'on supprimera la motivation de ceux qui veulent un avenir meilleur, souvent même, un avenir tout court.

Je sais qu'on ne peut pas accueillir toute la misère du monde.

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. C'est de Rocard !

Mme Raymonde Le Texier. Mais je sais aussi qu'une Europe forteresse, repliée sur sa richesse, protégée de la misère du reste du monde par des barbelés, des miradors et des fusils, ne serait pas une Europe démocratique. Elle serait la négation même des valeurs qui font notre civilisation : la liberté, l'égalité, la fraternité.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Où avez-vous vu des miradors ?

Mme Raymonde Le Texier. Je parle de l'avenir éventuel !

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Ce sont des fantasmes !

Mme Raymonde Le Texier. Absolument, ce sont les vôtres !

Parce que les dernières déclarations sur l'immigration clandestine du ministre de l'intérieur comme du Premier ministre m'ont profondément choquée, j'ai finalement choisi d'évoquer ici ce qui me semble être la question de fond, préalable aux aspects techniques du budget qui nous occupe.

En effet, lorsque j'entends M. Sarkozy dire : « Nous ne voulons plus de ceux dont personne ne veut nulle part dans le monde »,...

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Il y a longtemps qu'il n'avait pas été cité !

Mme Raymonde Le Texier. ... j'ai froid dans le dos.

Parce que nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde, doit-on mépriser tous ceux qui aspirent à nos conditions de vie ?

Qui sont ces gens dont personne ne veut ? Sont-ce des sous-hommes, des moins que rien ? Sont-ce des hommes dont l'Europe se lave les mains, des hommes que l'on peut abandonner en plein désert, en espérant que la mort ou la peur auront raison de leur désir d'ailleurs ?

Lorsque j'entends M. de Villepin dire : « L'immigration clandestine prépare une société déchirée, fracturée, ghettoïsée. Elle contribue ainsi à produire la haine et la violence sur le territoire national. Les violences urbaines que nous avons connues il y a quelques semaines en sont une triste illustration », je regrette que les statistiques de ses services ne lui aient pas été communiquées.

On estime en effet à 7,5 % le nombre d'étrangers arrêtés à la suite de ces évènements, et seule une infime partie de ces personnes étaient en situation irrégulière. Il ne s'agissait ni de clandestins ni d'enfants de clandestins, et vous le savez très bien !

Ce qui est grave ici, c'est que, pour l'un comme pour l'autre de ces responsables politiques, une situation a été sciemment déformée pour justifier un discours extrêmement anxiogène et violent sur l'immigration.

On ne peut accueillir toute la misère du monde ? C'est malheureusement vrai ! Alors, traitons au moins avec respect et justice ceux que nous accueillons. Mais, surtout, réfléchissons à ce que nous voulons faire du monde que nous laisserons à nos enfants.

En laissant le Sud succomber à la misère, à la guerre et à la maladie, l'Occident a massé à sa porte un nombre toujours plus important d'exclus. Les repousser demandera de plus en plus de moyens et réclamera de plus en plus de violence.

Ce sont finalement les valeurs qui ont fait la République que nous finirons par piétiner.

La France, pays des droits de l'homme, c'est tout de même un plus beau slogan que « la France aux Français », n'est-ce pas ?

Il est temps de placer à nouveau la coopération et l'aide au développement au coeur de nos réflexions et de faire preuve en la matière de volontarisme politique. Sans cela, c'est la peur que nous laisserons en héritage à nos enfants : la peur du privilégié face au démuni, la peur du repu face à l'affamé, la peur de celui qui possède face à celui qui désire.

De cette peur, tous les dérapages verbaux de M. Sarkozy sont pétris. Ne laissons pas le virus se répandre. N'ajoutons pas la haine à la misère, la violence à la désespérance et l'humiliation au rejet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

Je vous demande d'être très bref, mon cher collègue, car le temps de parole de votre groupe est quasiment épuisé.

M. Jean-Pierre Godefroy. Mes deux collègues ont démontré une telle hauteur de vues que je renonce à mon temps de parole, monsieur le président. En outre, MM les rapporteurs et M. le ministre ont déjà entendu ce que j'avais à dire concernant le handicap.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les programmes dont nous discutons aujourd'hui sont au coeur des enjeux actuels de notre cohésion sociale.

Par les moyens qui leur sont consacrés, ces programmes démontrent très clairement que le Gouvernement poursuivra en 2006 la mobilisation engagée depuis 2002 dans le domaine de la lutte contre l'exclusion et la pauvreté et dans celui de l'intégration.

Le programme « Politiques en faveur de l'inclusion sociale » vise à prévenir la pauvreté et l'exclusion, à favoriser une sortie de l'assistance des personnes les plus fragiles et à répondre à l'urgence sociale.

En ce qui concerne le dispositif d'accueil et d'hébergement, nous cherchons à améliorer l'offre d'hébergement en proposant un accompagnement social adapté aux publics et en limitant aux seules situations d'urgence le recours à l'hôtel.

Comme vous l'avez souligné, messieurs les rapporteurs, des efforts financiers importants ont été faits en faveur de ce dispositif depuis trois ans. Ils ont été consolidés par le plan de cohésion sociale. Nous les poursuivrons en 2006 dans deux directions.

L'offre d'hébergement d'insertion est augmentée de 500 places en centre d'hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, et de 1 500 places en maisons relais. Je partage, messieurs les rapporteurs, votre souci de mieux connaître les publics accueillis dans ce dispositif. J'ai demandé à pouvoir disposer de remontées trimestrielles, département par département.

Comme vous, je considère qu'il est prioritaire de redonner à chaque structure sa vocation originelle : un accueil spécifique pour les demandeurs d'asile dans les CADA, et un accueil pour les autres publics dans les structures plus généralistes de type CHRS. C'est l'objectif qui était visé dans le plan de cohésion sociale à travers l'accroissement de l'offre.

Vous soulignez également, monsieur Blanc, l'allongement des durées de séjour dans les structures, et plus particulièrement dans les CHRS. Vous avez raison !

C'est pourquoi ces créations de places s'accompagnent d'une mobilisation pour accélérer l'accès au logement social des personnes qui peuvent sortir de ce dispositif.

C'est tout le sens du projet de loi portant engagement, national pour le logement, dont vous avez discuté la semaine dernière.

Comme vous, monsieur Blanc, je suis convaincue de l'importance du programme des maisons relais en matière d'insertion, car il donne la possibilité à des personnes très précarisées de trouver enfin non seulement une solution d'hébergement pérenne, mais aussi le moyen de commencer à se reconstruire.

Le Premier ministre l'a annoncé dès le 1er septembre dernier : nous allons créer 5 000 logements d'urgence, car il n'est pas normal que des personnes qui ont fait des efforts de formation et qui ont retrouvé un emploi continuent d'être logées dans des conditions indignes. C'est la raison pour laquelle nous allons également créer 5 000 places nouvelles dans des hôtels sociaux labellisés, où ce travail d'accompagnement social sera possible.

En outre, nous consolidons le financement du dispositif d'accueil, d'urgence et d'insertion. Les crédits relatifs à l'hébergement d'urgence augmentent de 8,2 millions d'euros, soit 6 % de hausse, et ceux des CHRS de 16 millions d'euros.

Monsieur Blanc, je reste vigilante quant aux dotations allouées au CHRS par rapport au financement de l'hébergement d'urgence. Les crédits de ces structures sont préservés et font l'objet d'un suivi particulier.

Pour répondre à vos observations concernant les crédits consacrés au rebasage des CHRS, la mission commune IGAS-IGF, sollicitée en 2004 par Jean-Louis Borloo et Nelly Olin, a conclu à un besoin de 12 millions d'euros. Ce rebasage sera réparti sur deux exercices : 2006 et 2007. Je me suis engagée en ce sens auprès des associations.

Cela nous permettra de mettre en oeuvre les préconisations du rapport des inspections. Le secrétaire général du ministère des affaires sociales a été mandaté pour suivre ce dossier prioritaire, qui porte sur plus de 760 structures et 31 000 places.

Vous évoquez, monsieur le sénateur, le retrait des caisses d'allocations familiales du financement de l'aide personnalisée au logement dans les CHRS. Je tiens à vous informer qu'une réflexion est en cours avec la CNAF sur ce point précis.

Monsieur Cazalet, pour répondre à votre préoccupation de mieux justifier les crédits inscrits au titre des dispositifs d'urgence sociale, notamment au titre de l'hébergement d'urgence, je vous informe que, dans le cadre des audits de modernisation demandés par le ministre chargé de la réforme de l'État, j'ai souhaité que la gestion des crédits d'hébergement d'urgence, qu'ils relèvent de la direction générale des affaires sociales, la DGAS, ou de la direction de la population et des migrations, la DPM, soit inscrite pour 2006.

Cet audit permettra d'analyser les facteurs d'évolution des coûts, la maîtrise de ces coûts et l'amélioration de la qualité des prestations.

Des pistes de réforme pourront ainsi être dégagées pour réaliser des gains de productivité et mieux maîtriser les dépenses.

Enfin, en ce qui concerne les crédits inscrits dans l'action 3, « conduite et animation des politiques de lutte contre l'exclusion », je vous confirme qu'ils concernent pour partie le financement d'une aide au poste dans le cadre de notre contribution au fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire, le FONJEP, et le financement des têtes de réseau des grandes associations nationales - Croix-Rouge, FNARS, Restos du Coeur, etc. - pour leurs actions à portée nationale.

Alors que le plan hiver vient d'être activé, chacun connaît le travail remarquable que réalisent toutes ces associations sur le terrain, et ne peut que louer l'action et l'implication de tous ces bénévoles.

Par ailleurs, vous avez abordé la question de la décentralisation du RMI et des politiques d'insertion.

Aujourd'hui, plus des trois quarts des départements ont un programme d'insertion. Des efforts sont faits pour augmenter le taux des contrats d'insertion parmi les allocataires du RMI. Toute notre politique de lutte contre la pauvreté et la précarité est guidée par ce souci d'accompagnement et de retour à l'emploi.

Madame Printz, vous avez abordé le dossier de l'insertion par l'activité économique. Ce sujet, vous le savez, est abordé dans la mission « Travail et emploi ». Je partage votre intérêt pour l'important travail effectué par ces associations et ces entreprises. L'effort de l'État s'élevait, en 2004, à 105 millions d'euros ; il sera de 193 millions d'euros en 2006. C'est dire si, là aussi, le Gouvernement est mobilisé.

Nous savons bien qu'il faut non seulement un accompagnement à la reprise du travail, mais aussi un accompagnement social, parce que, lorsqu'on est dans une situation de précarité absolue, on ne peut pas toujours reprendre tout de suite un emploi. Un accompagnement, une formation, un réapprentissage des codes sociaux sont nécessaires, ce que font très bien les associations et les chantiers d'insertion.

Pour répondre à votre préoccupation en ce qui concerne l'augmentation des dépenses du RMI pour les départements, je vous confirme l'engagement du Premier ministre à les compenser intégralement.

J'en viens au programme « Accueil des étrangers et intégration », dont les crédits augmentent aussi fortement : plus 4 %, soit 22,6 millions d'euros supplémentaires.

Ce programme comporte trois priorités : l'intégration, la prise en charge sociale des demandeurs d'asile et l'aide au retour volontaire.

Je voudrais insister sur les efforts sans précédent qui ont été accomplis depuis 2002 pour améliorer la prise en charge des demandeurs d'asile, en rappelant notamment les objectifs que le Gouvernement s'était fixés dans ce domaine.

Le premier de ces objectifs est de proposer systématiquement un hébergement en CADA aux demandeurs d'asile.

Le nombre de places de CADA est passé de 10 317 en 2002 à 17 570 à la fin de cette année. Les capacités d'hébergement progressent de 69 %. J'ajoute que 2 000 places de CADA supplémentaires seront créées l'année prochaine, ce qui portera leur nombre à 20 000 fin 2006.

En confiant la gestion des places de CADA aux préfets de région, nous allons pouvoir en outre remédier aux déséquilibres entre les départements et éviter au maximum le retour aux chambres d'hôtel.

Madame Le Texier, je partage l'un de vos commentaires : on n'émigre pas, dans la majeure partie des cas, par choix. Vous avez raison ! Notre Gouvernement s'emploie à mettre en place des dispositifs d'accompagnement. Mais vous savez bien que, la seule vraie réponse, c'est le codéveloppement.

Tel était l'objet de la conférence de Barcelone des 27 et 28 octobre dernier, à laquelle assistait le Président de la République. Ce sont des conférences de ce type et des actions de fond qui permettront de répondre effectivement aux besoins de ces populations.

Notre deuxième objectif est de réduire de façon drastique les délais d'instruction des demandes d'asile ; il s'agit d'une question d'humanité. Nous progressons, mais je veux aller plus loin encore, afin que ces délais soient inférieurs à six mois. Ils sont encore aujourd'hui de neuf ou dix mois.

Nous avons par ailleurs calé la durée de versement de l'allocation temporaire d'attente sur celle de l'instruction de la demande d'asile, conformément à la directive européenne de 2003.

La réforme du droit d'asile commence à porter ses fruits ; nous savons que le chemin est long. La prévision du nombre de demandes pour 2005 se situe autour de 61 000, soit une baisse de 8 % par rapport à 2004.

En ce qui concerne l'accueil des nouveaux arrivants, je rappelle que, depuis 2002, nous sommes passés, avec le programme d'intégration, d'une situation d'indifférence à une situation de contrat.

Des outils ont été mis en place, afin de répondre aux besoins de cette politique d'intégration. L'agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, qui existe depuis le 1er octobre, accueille les étrangers. Le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD, complète ce contrat. Le Premier ministre l'a rappelé hier, la Haute autorité sera désormais également dotée de pouvoirs de sanction, qui permettront d'aller plus loin dans la lutte contre les discriminations.

Enfin, la cité nationale de l'histoire de l'immigration est en phase de préfiguration. Elle valorisera l'apport des étrangers au patrimoine français et reflétera la richesse de la diversité assumée par notre société.

C'est dans ce cadre que la nouvelle agence pourra mettre en place un contrat d'objectifs et de gestion, qui couvrira bien sûr les missions actuellement dévolues au FASILD. Ce contrat permettra de fixer des objectifs et donc de mesurer la performance des actions contribuant à l'intégration des personnes issues de l'immigration, comme le souhaite M. Cazalet.

Le contrat d'accueil et d'intégration a été expérimenté ; nous en sommes aux 100 000 contrats signés. Ce contrat sera généralisé à la fin du 1er trimestre 2006.

Nous devons aller plus loin et établir un lien entre la pratique de notre langue et la délivrance de titres de séjour, notamment de longue durée.

Nous devons également veiller au respect des engagements liés au contrat, tels que le suivi des cours de français. Nous savons notamment que la situation des femmes qui arrivent dans notre pays en dépend : c'est pour elles, le premier outil d'intégration. Si nous voulons qu'elles connaissent leurs droits, il faut qu'elles puissent apprendre notre langue de façon à être autonomes.

La lutte contre les discriminations et la promotion de l'égalité des chances sont également des priorités.

Je voudrais répondre à l'inquiétude de Mme Le Texier au sujet de la Haute autorité. Cette Haute autorité, dont vous avez voté la création l'année dernière, sur notre proposition, constitue véritablement le moyen de permettre à l'égalité des chances d'exister dans notre pays.

Monsieur le rapporteur spécial, la qualité d'autorité administrative indépendante de la HALDE ne nous permet pas de lui fixer des objectifs ou des indicateurs de performance. Je sais néanmoins que nous pouvons compter sur le président et son collège pour honorer les missions indispensables qui leur seront confiées.

Une politique d'intégration forte et pleinement assumée doit également lutter efficacement contre l'immigration irrégulière.

C'est pourquoi, outre les reconduites à la frontière, le Gouvernement a mis en place dans vingt et un départements, depuis le 15 septembre dernier, un dispositif expérimental d'aide au retour. Il s'agit d'offrir aux personnes concernées la possibilité de repartir en famille et de réaliser un projet dans leur pays d'origine.

Je voudrais enfin dire un mot sur les crédits en faveur des rapatriés : ils ont augmenté très sensiblement, en raison notamment des mesures prises en application de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

Trois options sont proposées aux bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance en faveur des harkis. Le montant exact de la dépense n'a pu être déterminé que le 1er octobre 2005, après que les bénéficiaires ont effectué leur choix. Les prévisions réalisées en 2004 par la mission étaient de 128 millions d'euros. La dépense prévue en 2006 sera du même montant.

J'en viens au programme « Égalité entre les hommes et les femmes », dont le budget modeste ne doit pas cacher l'ambition des objectifs. Ceux-ci sont réunis autour de quatre axes : l'accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision, l'égalité professionnelle, l'égalité en droit et en dignité et l'articulation des temps de vie.

Vous vous interrogez, monsieur le rapporteur spécial, sur la mesure de la performance des actions conduites par les associations financées dans le cadre de ce programme. Je souhaite, comme vous, disposer d'indicateurs pertinents. Ainsi que vous le soulignez dans votre rapport, les principales associations financées font l'objet d'indicateurs satisfaisants. Les subventions qui leur sont allouées représentent un peu plus de 43 % des crédits du programme.

Toutefois, j'entends disposer d'instruments de mesure de l'impact de toutes les interventions du programme « Égalité entre les hommes et les femmes ».

Dans le cadre de la réforme de l'État, une démarche qualité a été lancée, afin d'évaluer la bonne utilisation des crédits affectés aux 174 lieux d'accueil et d'accompagnement des femmes victimes de violences, ainsi que leurs conditions de prise en charge.

Les dispositions prises de manière conventionnelle avec tous les opérateurs nous permettront de construire de nouveaux indicateurs.

Vous vous interrogez également sur l'impact des contrats d'égalité professionnelle et des contrats pour la mixité des emplois. Les deux dispositifs en question sont destinés à diversifier les métiers des femmes et à désenclaver le travail féminin, ainsi que Mme Debré le soulignait à l'instant. Ils visent, en outre, à inciter les employeurs à modifier leur politique de ressources humaines, afin de faire davantage de place aux femmes dans les métiers où elles sont encore peu nombreuses. Il me paraît donc très important d'en développer l'utilisation.

En 2006, la priorité portera sur la conclusion de contrats avec de grandes entreprises, afin d'accroître le nombre de bénéficiaires de ces dispositifs et de diffuser le plus largement possible les différentes expériences.

Madame Printz, le Gouvernement s'est engagé dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Effectivement, une femme meurt tous les quatre jours de violences conjugales.

Le 25 novembre dernier, j'ai annoncé des mesures, parmi lesquelles un renforcement des sanctions contre les auteurs de violences.

Nous agirons rapidement, puisque nous débattrons à l'Assemblée nationale, le 13 décembre prochain, du texte issu des propositions de loi de M. Roland Courteau et de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il comportera des mesures visant à réprimer les mutilations sexuelles faites aux femmes. Mais nous travaillerons également sur l'extension de la circonstance aggravante.

De la même manière, je souhaite diversifier les modes d'hébergements des femmes victimes de violences, parce que, là aussi, nous devons accomplir des efforts substantiels, afin d'apporter des réponses à ces femmes qui sont non seulement cassées physiquement, mais également brisées moralement.

Ce sujet mérite véritablement un engagement sans faille de notre part. C'est tout le sens de la campagne de communication que nous mettrons en place l'année prochaine. En effet, le seul moyen d'éradiquer ces drames est d'en parler, afin de sensibiliser l'ensemble de notre société.

Le 12 décembre prochain, je défendrai en deuxième lecture le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, qui prévoit le refus d'enregistrement des accords collectifs si aucune négociation n'est menée sur l'égalité salariale. C'est, là aussi, une arme très dissuasive.

Qu'elles luttent contre la précarité et la pauvreté, qu'elles cherchent à mieux intégrer les personnes d'origine étrangère ou issues de l'immigration ou qu'elles favorisent l'égalité entre les femmes et les hommes, toutes ces politiques visent le même objectif : promouvoir la cohésion sociale, sans laquelle notre pays ne pourra pas aborder l'avenir avec confiance, ni faire face avec détermination à tous les défis qu'il doit relever. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur des travées du l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je souhaite que M le ministre Philippe Bas apporte une réponse aux interrogations exprimées par M. le rapporteur spécial des crédits de la mission « Solidarité et intégration ».

M. Philippe Bas, ministre délégué. Je suis là pour ça !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous avons en effet des doutes quant à la sincérité des crédits de la mission en question, (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), notamment ceux qui sont inscrits au titre de l'aide médicale d'État. Nous redoutons que ces crédits ne soient une nouvelle fois sous-évalués.

Nous avons également des craintes quant à l'allocation aux adultes handicapés. Ces craintes existaient avant même que les crédits ne soient redéployés en seconde délibération à l'Assemblée nationale, à l'issue de laquelle les crédits du programme « Handicap et dépendance » ont été amputés de 41,7 millions d'euros.

En outre, nous avons des doutes sur les dépenses relatives à l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile.

Nous avons à l'esprit que la loi organique relative aux lois de finances prescrit la sincérité des comptes publics, ce qui est, convenons-en, assez révolutionnaire.

M. Guy Fischer. Je suis assez surpris d'entendre le concept de « révolution » dans votre bouche !

M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Il est vrai que, vous, vous étiez des champions en la matière !

M. Guy Fischer. Nous le sommes toujours !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Par conséquent, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des éléments de réponse, et sans doute d'apaisement, afin de nous assurer que le budget chemine en effet vers la sincérité ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter un budget qui illustre, par l'augmentation de ses différents postes, l'importance que le Gouvernement accorde aux politiques de l'aide à l'enfance, de l'aide aux personnes handicapées et de l'aide aux personnes âgées dépendantes.

Ce budget vous a été largement présenté par MM. les rapporteurs. Je n'entrerai donc pas dans les détails, qui vous sont désormais parfaitement connus.

Ce n'est certes pas en écoutant Mme Le Texier, tout à l'heure, que nous avons pu en apprendre davantage sur les réalités du présent budget et sur les crédits qu'il comporte. En effet, madame la sénatrice, vous avez réussi le véritable tour de force, du haut des miradors imaginaires que vous avez évoqués, derrière ces grillages que vous semblez tant redouter, de parler de ce budget sans jamais mentionner le moindre chiffre, préférant vous réfugier dans les procès d'intention.

Pour ma part, je m'en tiendrai aux chiffres, ainsi que le président de la commission des finances m'y a invité, à juste titre.

Je remercie d'abord tout particulièrement MM. les rapporteurs, ainsi que tous les orateurs qui se sont succédé, notamment Mme Isabelle Debré, qui a fait une présentation très complète du programme « Handicap et dépendance ». Ce programme se voit doté de 475 millions d'euros supplémentaires en 2006, soit une progression de 6,43 % par rapport à 2005.

Depuis 2002, les budgets successifs consacrés à la politique du handicap ont augmenté d'environ 3 % par an. L'année 2006 constitue donc une accélération très forte. Ces moyens nous permettent de mettre en oeuvre la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Une telle progression constitue, me semble-t-il, un premier élément de réponse aux préoccupations exprimées par le président de la commission des finances.

Cette augmentation significative vise d'abord à financer la réforme de l'AAH, entrée en vigueur le 1er juillet 2005. Cette allocation bénéficiera l'an prochain de 340 millions d'euros supplémentaires. Le projet de loi de finances pour 2006 prévoit en effet un montant de près de 5,2 milliards d'euros, soit une augmentation de 7 % par rapport au projet de loi de finances pour 2005. Un certain nombre de dispositions vont pouvoir être appliquées grâce à cette augmentation.

Je pense notamment aux mesures qui permettent un cumul partiel entre les revenus d'activité et l'AAH, en cas de reprise d'activité, à la garantie de ressources aux personnes handicapées qui ne peuvent pas travailler, qui est portée à 80 % du SMIC à compter 1er juillet dernier, ainsi qu'à l'augmentation de ce que l'on appelle le « reste à vivre » des personnes handicapées vivant en établissement, qui s'élève désormais à 30 % de l'AAH, contre un chiffre compris entre 12 % et 17 % précédemment.

J'ai entendu vos interrogations, monsieur le président de la commission des finances - elles relayaient d'ailleurs celles de MM. Cazalet et Blanc - sur le financement de la réforme. Mais les hypothèses retenues se devaient de tenir compte des résultats de la politique engagée depuis trois ans par le Gouvernement, notamment en matière d'emploi. Cela nous permet d'attendre pour l'année prochaine une augmentation du nombre de titulaires de l'AAH, qui pourront retrouver un emploi.

L'augmentation est d'autant plus forte et rapide que, dix-sept ans après l'adoption de la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, nous avons, avec la loi du 11 février 2005, un nouvel instrument d'une puissance sans précédent pour l'insertion des personnes handicapées dans l'emploi.

Nous préparons actuellement, en concertation avec toutes les associations de personnes handicapées, les décrets d'application de la partie « emploi » de la loi que je viens d'évoquer. Ces décrets sont aujourd'hui dans leur phase finale et comportent non seulement un volet d'incitation pour les employeurs, mais également un volet de pénalisation pour ceux d'entre ceux qui ne rempliraient leur obligation légale. Je rappelle en effet que 6 % des effectifs de l'entreprise doivent être des personnes handicapées, reconnues comme telles par les instances compétentes.

Nous ne pouvons pas à la fois mettre en oeuvre une telle politique avec des instruments à la fois incitatifs et de pénalisation et ne pas en tenir compte pour l'AAH.

C'est la raison pour laquelle le calcul qui a été effectué prévoit cette augmentation, qui est, je le signale, plus forte que les années précédentes - mais sans doute moins forte que vous pouviez l'imaginer- grâce à cet effort que nous accomplissons.

J'ajoute que les centres d'aide par le travail seront dotés de 110 millions d'euros supplémentaires, ce qui représente une progression de leurs crédits de près de 10 %. Ces crédits supplémentaires permettront de financer 2 500 places nouvelles.

À cet égard, le budget de l'État ne constitue que la moitié des crédits nouveaux qui sont dégagés sur le plan national, en 2006, à destination des personnes handicapées.

Permettez-moi de mentionner l'effort de l'assurance maladie, qui est abondé par la journée nationale de solidarité, c'est-à-dire par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

L'année prochaine, l'effort médicosocial en faveur des personnes âgées augmentera de 13 %, ce qui est sans précédent.

L'effort est comparable pour les personnes handicapées, avec une augmentation de 6,16 %, soit 398 millions d'euros de mesures nouvelles.

Comme vous le voyez, l'action de l'État se conjugue à celles de l'assurance maladie et de la CNSA, ce qui permet de financer la réforme du handicap.

En 2006, l'allocation de parent isolé deviendra une véritable allocation d'insertion, ce qui justifie le chiffre retenu : 875 millions d'euros.

Vous le voyez, ce budget traduit, sur un certain nombre de postes, un effort significatif de l'État en faveur de nos politiques.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, nos débats doivent être plus interactifs. Sinon, à quoi bon nous réunir nuitamment pour évoquer le budget de l'année qui vient ?

J'ai bien conscience que les crédits inscrits pour l'allocation aux adultes handicapés pour 2006 progressent substantiellement par rapport au budget de 2005. Toutefois, nous constatons une dérive par rapport aux inscriptions budgétaires de 2005 de l'ordre de 300 millions d'euros. Les crédits pour 2006 correspondent donc à peu près à la dépense effective de 2005. Lors de l'ultime délibération à l'Assemblée nationale, 41 millions d'euros ont été supprimés. J'exprime donc quelques craintes, monsieur le ministre.

Par ailleurs, tous les conseils généraux sont aujourd'hui inquiets et se demandent comment ils pourront faire face aux dépenses...

M. Guy Fischer. Le conseil général du Rhône en a débattu toute une journée !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... liées à la prestation de compensation du handicap.

Nous nous interrogeons sur les fonds qui seront mis à la disposition des conseils généraux. Par ailleurs, nous avons le sentiment que les décrets d'application seront difficiles à mettre en forme.

M. Philippe Bas, ministre délégué. C'est vrai !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, pourriez-vous, nous donner quelques précisions à cet égard, afin que nous puissions apaiser les inquiétudes très vives des conseils généraux ?

Nous ne vous faisons pas un procès s'agissant de la loi de finances initiale - la LOLF porte sur l'exécution budgétaire -, mais nous vous demanderons des comptes dans un an, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur le président de la commission des finances, je connais, comme vous, la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, notamment son article 15, qui donne à tout citoyen le droit, à travers le Parlement, de demander des comptes à tout agent public de son administration. C'est donc bien volontiers que je me plierai à cette discipline républicaine. Je m'y prépare d'ailleurs très sereinement.

Je ne reviendrai pas sur l'évolution des crédits de l'allocation aux adultes handicapés cette année : un effort considérable est accompli pour l'emploi des personnes handicapées. Pour ma part, je crois au succès de cet effort. Effectivement, donnons-nous rendez-vous dans un an pour examiner l'exécution de la loi de finances.

Vous m'avez également interpellé sur la mise en oeuvre de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Cette loi comporte quatre-vingts décrets d'application ; les plus importants d'entre eux ont déjà fait l'objet d'une concertation et ils peuvent donc aujourd'hui être transmis au Conseil d'État. Parmi eux figure le décret sur la prestation de compensation du handicap.

Comme vous, plusieurs présidents de conseils généraux m'ont fait part de leur inquiétude quant à la mise en place de cette prestation.

Chacun a en effet le souvenir des conditions dans lesquelles l'allocation personnalisée d'autonomie a été instaurée. Cette prestation avait été conçue et calibrée sans que les financements nécessaires aient été mobilisés. Les conseils généraux se sont donc trouvés dans une situation extrêmement difficile, si bien que le premier impératif du Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, lorsqu'il est entré en fonction en 2002, a été de trouver les moyens de financer cette allocation.

La prestation de compensation du handicap n'a été calibrée que lorsque son financement a été sécurisé. Celle-ci sera financée à hauteur de 850 millions d'euros par la journée de solidarité. Une partie de ces 850 millions d'euros abondera les crédits de l'assurance maladie en faveur des établissements médicosociaux pour les personnes handicapées. La partie la plus importante - 500 millions d'euros - s'ajoutera aux 580 millions d'euros que les conseils généraux consacrent à l'allocation compensatrice pour tierce personne. Ces sommes permettront de financer la prestation de compensation du handicap. Nous passons donc de 580 millions d'euros à 1,80 milliard d'euros. Donc, avant même que cette prestation existe, des financements très importants sont réunis.

Cette prestation connaîtra-t-elle la même dynamique que l'allocation personnalisée d'autonomie ? Non ! En effet, l'APA est très fortement sollicitée pour des raisons démographiques, le nombre de personnes âgées dépendantes progressant considérablement, encore aujourd'hui.

La population de personnes handicapées ne progresse pas, elle, de la même façon : elle ne croît que très légèrement, du fait du vieillissement des personnes handicapées. De plus, compte tenu des progrès de la médecine, un certain nombre de maladies n'entraînent plus de handicap. Par conséquent, si le nombre de personnes âgées grandement dépendantes augmente, tel n'est pas le cas de la population de personnes handicapées.

Puisque nous disposons aujourd'hui de moyens et que la population de personnes handicapées n'augmente pas fortement, nous sommes, avec la prestation de compensation du handicap, dans une situation totalement différente de celle que nous avons connue pour l'allocation personnalisée d'autonomie.

Enfin, des maisons départementales des personnes handicapées seront mises en place. Ce guichet unique permettra à chacun de connaître ses droits et de les faire valoir auprès d'une commission unique. Ces maisons départementales comporteront une commission d'attribution des droits, au sein de laquelle le conseil général sera majoritaire, chargée d'attribuer les prestations de compensation du handicap.

Pour leur création, les maisons départementales du handicap ont été dotées de 50 millions d'euros. En outre, les personnels de l'État qui instruisaient auparavant les dossiers des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP, ainsi que ceux des commissions départementales de l'éducation spéciale seront mis à leur disposition.

En régime de croisière, les maisons départementales du handicap continueront de bénéficier du concours de ces fonctionnaires. De plus, elles seront dotées chaque année de 20 millions d'euros de crédits émanant de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Le fonctionnement de la prestation de compensation du handicap sera donc assuré par la solidarité nationale.

Ces dispositifs seront mis en oeuvre en 2006 ; les choses doivent se faire progressivement. J'ai donc annoncé aux présidents de conseils généraux, à l'occasion d'un déplacement que j'ai effectué en Corrèze la semaine dernière (Rires.),...

M. Guy Fischer. Comme par hasard !

M. Philippe Bas, ministre délégué. ...que le Gouvernement allait dégager 20 millions d'euros supplémentaires, afin de permettre aux départements de recruter des agents pour l'année 2006. Les compteurs seront ainsi remis à zéro là où des retards dans le traitement des dossiers des Cotorep ont été constatés. Les maisons départementales du handicap pourront donc démarrer dans les meilleures conditions, et ce dès le 1er janvier prochain. (Le président de la commission des finances fait un signe dubitatif.)

Solidarité et intégration
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 88

M. le président. Un président de séance n'a pas à donner son avis, mais nous aurons l'occasion, monsieur le ministre, durant toute l'année 2006, de vérifier si vos propos rassurants se traduisent concrètement.

Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Solidarité et intégration » figurant à l'état B.

ÉTAT B

Autorisations d'engagement : 12 188 721 044 euros ;

Crédits de paiement : 12 169 156 654 euros.

M. le président. L'amendement n° II-90, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Politiques en faveur de l'inclusion sociale

2.959.000

2.959.000

Accueil des étrangers et intégration

Dont Titre 2

Actions en faveur des familles vulnérables

Handicap et dépendance

Protection maladie

Égalité entre les hommes et les femmes

Dont Titre 2

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

Dont Titre 2

525.000

525.000

130.000

525.000

525.000

130.000

TOTAL

3.484.000

130.000

3.484.000

130.000

SOLDE

+3.354.000

+3.354.000

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Cet amendement est symétrique à celui que le Sénat a voté ce matin.

Pour évaluer ses actions en matière de cohésion sociale, le Gouvernement a souhaité s'appuyer sur une structure légère qui existe déjà, la délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie sociale, la DIES. Il vous demande donc de rattacher les crédits que vous avez retirés ce matin à la mission « Sport, jeunesse et vie associative » à la mission « Solidarité et intégration ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. La commission émet un avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.

Mme Raymonde Le Texier. Cet amendement est en effet à mettre en relation avec l'amendement n° II-87 du Gouvernement, présenté sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». C'est toutefois le seul point sur lequel nous serons d'accord avec Mme la ministre !

Nous avons en effet une vision moins idyllique de la réalité, masquée par ce mouvement budgétaire, simple en apparence. Il s'agit en fait d'une partition de la délégation interministérielle à l'innovation sociale et à l'économie sociale. Cette partition est l'application d'une décision qui a été prise unilatéralement par le Gouvernement, au mois de septembre dernier, sans aucune concertation préalable avec les composantes de l'économie sociale.

La DIES sera donc remplacée, d'une part, par une direction de la vie associative, de l'emploi et de la formation au sein du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative, et, d'autre part, par une délégation interministérielle à l'innovation, à l'expérimentation et à l'économie sociale au ministère de l'emploi.

Nous craignons fort que cette partition ne signe en fait l'arrêt de mort de la délégation interministérielle et de l'engagement de l'État à ses côtés. Il est vrai que l'économie sociale ne recueille pas vraiment les faveurs des ultra-libéraux ! C'est oublier de prendre en considération le rôle économique important de ce secteur qui, sous des formes diverses, représente 2 % du PNB et emploie 1,8 million de personnes.

Afin de ne pas trop attirer l'attention des mutuelles, des coopératives et des associations, la DIES est donc supprimée par un amendement déposé nuitamment au Sénat et réduite à une simple direction au sein du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Quelles seront les attributions exactes de cette direction ? De quelles dotations disposera-t-elle ? Nous n'en savons rien !

Le Gouvernement supprime la référence la plus directe et visible à l'économie sociale dans nos institutions. C'est sans doute conforme à l'air du temps, mais l'on prive ainsi le secteur d'une interface appréciée.

C'est aussi cantonner le mouvement associatif dans un rôle de loisirs et de bienfaisance, conforme à la tradition libérale. Tout autre système que l'économie de marché n'est pas considéré comme recevable. On a même le sentiment que le fait d'accoler les mots « économie » et « solidarité » est une incongruité.

Quant à la nouvelle délégation qui sera désormais placée au sein du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, votre argumentaire, madame la ministre, indique clairement que la majeure partie de la dotation servira à commencer d'éponger la dette de l'État envers les collectivités locales.

Il était donc tentant de faire d'une pierre deux coups : supprimer de fait cette délégation qui, à vos yeux, est inutile, et s'emparer de ses crédits. Ainsi, le ministère de l'emploi récupère 3 484 000 euros. C'est vraiment déshabiller Pierre pour habiller Paul !

Compte tenu de la priorité que nous accordons à l'action sociale, nous ne pouvons adhérer à cette démarche.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-90.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits de la mission « Solidarité et intégration », ainsi modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion l'article 88, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Solidarité et intégration ».

Solidarité et intégration

Art. 52 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 89

Article 88

I. - L'article L. 351-9 du code du travail est remplacé par six articles L. 351-9 à L. 351-9-5 ainsi rédigés :

« Art. L. 351-9. - I. - Peuvent bénéficier d'une allocation temporaire d'attente les ressortissants étrangers ayant atteint l'âge de dix-huit ans révolu dont le titre de séjour ou le récépissé de demande de titre de séjour mentionne qu'ils ont sollicité l'asile en France et qui ont présenté une demande tendant à bénéficier du statut de réfugié, s'ils satisfont à une condition de ressources.

« Ne peuvent prétendre à cette allocation les personnes qui proviennent, soit d'un pays pour lequel le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a décidé la mise en oeuvre des stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, soit d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr, au sens du 2° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

« II. - Peuvent également bénéficier de l'allocation les ressortissants étrangers bénéficiaires de la protection temporaire, dans les conditions prévues au titre Ier du livre VIII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les ressortissants étrangers bénéficiaires de la protection subsidiaire, les ressortissants étrangers auxquels une autorisation provisoire de séjour a été délivrée en application de l'article L. 316-1 du même code, ainsi que certaines catégories de personnes en attente de réinsertion.

« Art. L. 351-9-1. - Les personnes mentionnées à l'article L. 351-9 dont le séjour dans un centre d'hébergement est pris en charge au titre de l'aide sociale ne peuvent bénéficier de l'allocation temporaire d'attente.

« Il en va de même pour les personnes mentionnées à l'article L. 351-9 qui refusent une offre de prise en charge répondant aux conditions fixées au premier alinéa du même article. Si ce refus est manifesté après que l'allocation a été préalablement accordée, le bénéfice de l'allocation est perdu au terme du mois qui suit l'expression de ce refus.

« Les personnes mentionnées à l'article L. 351-9 auxquelles une offre de prise en charge répondant aux conditions fixées au premier alinéa n'a pas été formulée doivent attester de leur adresse de domiciliation effective auprès des organismes chargés du service de l'allocation, sous peine d'en perdre le bénéfice.

« Les autorités compétentes de l'Etat adressent mensuellement aux organismes chargés du service de l'allocation les informations relatives aux offres de prise en charge répondant aux conditions fixées au premier alinéa qui ont été formulées ainsi qu'aux refus auxquels celles-ci ont, le cas échéant, donné lieu.

« Art. L. 351-9-2. - Cette allocation est versée mensuellement, à terme échu, aux personnes dont la demande d'asile n'a pas fait l'objet d'une décision définitive. Le versement de l'allocation prend fin au terme du mois qui suit celui de la notification de la décision définitive concernant cette demande.

« Les organismes chargés du service de l'allocation sont destinataires mensuellement des informations relatives à l'état d'avancement de la procédure d'examen du dossier de demande d'asile.

« Art. L. 351-9-3. - Le montant de l'allocation est fixé par décret et est révisé, le cas échéant, une fois par an, en fonction de l'évolution des prix hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances de l'année.

« Art. L.351-9-4. - L'allocation est gérée par les institutions mentionnées à l'article L. 351-21, avec lesquelles l'Etat passe une convention.

« Art. L.351-9-5. - Un décret en Conseil d'Etat détermine les mesures d'application des articles L. 351-9 à L. 351-9-2. »

II. - 1. Dans le troisième alinéa de l'article L. 351-10 du même code, les mots : « mentionné à l'article précédent » sont remplacés par les mots : « de solidarité créé par l'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 ».

2. Dans les premier et troisième alinéas de l'article L. 351-10 bis du même code, les mots : « allocation d'insertion » sont remplacés par les mots : « allocation temporaire d'attente ».

3. Dans le cinquième alinéa de l'article L. 351-10-1 du même code, les mots : « mentionné à l'article L. 351-9 » sont remplacés par les mots : « de solidarité créé par l'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi ».

M. le président. La parole est à Guy Fischer, sur l'article.

M. Guy Fischer. L'article 88 vise à créer une allocation temporaire d'attente, qui remplace l'allocation d'insertion.

Cette nouvelle allocation sera désormais versée uniquement pendant la durée de l'instruction de la demande d'asile et les personnes hébergées ou ayant refusé un hébergement en CADA ne pourront plus la percevoir.

Ce durcissement des conditions d'attribution est très représentatif de la vision du Gouvernement quant à l'accueil des publics fragiles ou en difficulté, et il s'agit, cette fois, des personnes immigrées.

Nous l'avions déjà observé avec la restriction de l'accès à l'aide médicale d'Etat : le Gouvernement ne souhaite plus que la France soit une terre d'asile. MM. Sarkozy et de Villepin ont confirmé, dans leurs propos les plus récents, cette volonté.

Les hypothèses avancées sont toujours les mêmes : les conditions de vie offertes aux arrivants seraient trop favorables ; elles auraient donc un effet d'« appel d'air » pour les pays les plus pauvres.

L'ensemble de la politique que le Gouvernement mène, soi-disant, en faveur des étrangers peut donc se résumer ainsi : contenir plus que jamais l'immigration par l'obligation d'être répertorié dans un CADA, ce qui, je le rappelle, conditionnera dorénavant l'obtention de l'allocation, et mettre en place des moyens pour favoriser le retour des demandeurs d'asile dans leur pays d'origine.

La majorité souhaite ainsi développer l'hébergement en centre plutôt que le versement d'une allocation. Or le moyen de dissuader les immigrés de rester sur notre territoire, c'est bien de les contraindre à la tutelle et à la proximité. Au lieu d'offrir aux nouveaux arrivants la possibilité de conquérir progressivement leur autonomie, vous souhaitez contenir ces étrangers dans des lieux spécifiques, tout en faisant quelques économies budgétaires.

Même les crédits prévus au titre de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile sont largement insuffisants, et leur sous-évaluation porte d'ailleurs atteinte à la sincérité du budget.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II-61, présenté par M. Mermaz, Mmes Le Texier et  Printz, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

A. Rédiger comme suit le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-9 du code du travail :

I. Peuvent bénéficier d'une allocation temporaire d'attente les ressortissants étrangers dont le titre de séjour ou le récépissé de demande de titre de séjour mentionne qu'ils ont sollicité l'asile en France, s'ils satisfont à une condition de ressources.

B. Remplacer les trois derniers alinéas du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-9-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :

« Les autorités compétentes de l'Etat adressent mensuellement aux organismes chargés du service de l'allocation les informations relatives aux offres de prise en charge répondant aux conditions fixées au premier alinéa qui ont été formulées.

C. Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-9-3 du code du travail :

« Art. L. 351-9-3. - Le montant de l'allocation est fixé par décret. Il prend en compte la composition familiale et le mode d'hébergement. Il est révisé, le cas échéant, une fois par an, en fonction de l'évolution des prix hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances de l'année. »

D. Pour compenser la perte de recettes résultant des A, B et C ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

Les pertes de recettes résultant pour l'Etat des modifications des conditions du versement de l'allocation temporaire d'attente sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L'amendement n° II-68, présenté par MM. Fischer et  Muzeau, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

A. Rédiger comme suit le I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-9 du code du travail :

I. - Peuvent bénéficier d'une allocation temporaire d'attente les ressortissants étrangers visés au Titre IV du livre VII du code des étrangers et du droit d'asile, s'ils satisfont à une condition de ressources.

B- Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-9-1 du même code :

« Art. L.351-9-1. - Lorsque la personne est accueillie dans un centre d'hébergement relevant de l'aide sociale d'Etat, l'allocation temporaire est prise en compte dans le calcul de la participation financière prévue à l'article R. 345-7 du code de l'action sociale. »

C. - Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 351-9-3  du même code :

« Art.L.351-9-3. - Le montant de l'allocation est fixé par décret selon les mêmes modalités que le revenu prévu à l'article L.262-2 du code de l'action sociale et des familles. »

La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° II-61.

Mme Raymonde Le Texier. L'article 88 du projet de loi de finances pour 2006 introduit une réforme qui entraîne plusieurs carences graves au détriment des demandeurs d'asile.

Tout d'abord, celle-ci ne satisfait pas à la directive européenne du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales d'accueil des demandeurs d'asile, qui prévoit une assistance pour tous les demandeurs d'asile. Il convient donc de prévoir que les droits mentionnés par la directive soient accessibles à l'ensemble des demandeurs d'asile, quelle que soit leur situation.

L'article 88 ne prévoit le versement de la future allocation temporaire d'attente que lorsque la demande d'asile aura été enregistrée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA. Or l'on sait que cela peut prendre un mois et demi.

Au contraire, il est nécessaire de prévoir le versement d'une allocation ponctuelle pour la personne dès son arrivée sur le territoire, ne serait-ce que pour l'aider à prendre en charge les frais liés à la procédure, tels que les frais de transport ou de traduction. La remise de la demande d'asile doit en effet être rédigée en français dans un délai de vingt et un jours.

Par ailleurs, le projet de loi exclut du bénéfice de l'allocation les jeunes de seize à dix-huit ans, qui peuvent aujourd'hui prétendre à l'allocation d'insertion, et les demandeurs d'asile qui font l'objet d'une procédure prioritaire parce que venant d'un pays jugé a priori sûr, ce qui préjuge donc de la décision finale.

Cette allocation, dont le montant est déjà insuffisant pour une personne seule, devrait aussi prendre en compte le critère de la composition familiale et être modulable en fonction du mode d'hébergement.

De plus, l'article 88 introduit des possibilités de refus de l'allocation temporaire d'attente, notamment si le demandeur refuse une proposition d'accueil dans un centre d'hébergement spécialisé ou, en cas d'absence de proposition d'hébergement, s'il ne peut attester d'une adresse de domiciliation effective.

Il est proposé, par ce projet de loi, d'introduire dans la législation ces mesures restrictives, alors que le dispositif national d'accueil n'est pas en mesure de satisfaire les besoins d'hébergement, il s'en faut de beaucoup.

Seuls 15 % des demandeurs d'asile ont eu accès aux CADA en 2004. Même en prenant en compte la promesse du Gouvernement selon laquelle 21 000 places seront disponibles à la fin de 2007, on est encore très loin de pouvoir répondre aux nécessités.

À la situation très dégradée des demandeurs d'asile, le projet de loi, en son article 88, n'apporte donc pas de réponse. Au lieu de prévoir un dispositif d'accueil des demandeurs d'asile digne de la France, il met en oeuvre des procédés visant à accélérer les refoulements et à réaliser des économies sur l'hébergement. Ces économies marginales au détriment de ceux qui cherchent un refuge dans notre pays auront un coût humain dévastateur et porteront atteinte à notre image sur le plan international.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la réécriture de cet article 88.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, à cette heure avancée de la nuit, je déclare, ce qui nous fera gagner du temps, que l'amendement n° II-61 comme, d'ailleurs, l'amendement n° II-68 sont irrecevables, car il s'agit de dépenses non gagées.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président de la commission des finances, c'est la première fois que vous utilisez cette méthode depuis le début de la discussion du projet de loi de finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est exact !

M. Guy Fischer. C'est une méthode scélérate !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. Guy Fischer. Nous n'avons pourtant pas abusé de notre temps de parole, qui est très limité, et nous n'avons déposé que très peu d'amendements. Or il s'agit d'un problème très important, qui fait suite au débat sur la suppression d'une partie du minimum social alloué aux vieux travailleurs étrangers et sur la suppression des allocations familiales pour les familles étrangères. Sur cette question du droit d'asile, on nous empêche de nous exprimer, et c'est scandaleux !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur Fischer, l'application de l'article 40 de la Constitution,...

M. Guy Fischer. Je l'attendais !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous n'êtes donc pas déçu !

M. Guy Fischer. Vous vous déconsidérez !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de conférence des présidents, a été validée par la commission des finances.

M. le président. Monsieur Fischer, vous connaissez aussi bien, sinon mieux que moi le fonctionnement de notre assemblée.

Je rappelle à la Haute Assemblée les termes du premier alinéa de l'article 45 du règlement : « L'irrecevabilité est admise de droit, sans qu'il y ait lieu à débat, lorsqu'elle est affirmée par la commission des finances. »

Les amendements nos II-69 et II-71 ne sont donc pas recevables.

M. Guy Fischer. C'est la loi du bâillon ! M. Sarkozy peut être content, on ne nous laisse même pas discuter !

M. le président. Je mets aux voix l'article 88.

(L'article 88 est adopté.)

M. le président. J'appelle en discussion l'article 89, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Solidarité et intégration ».

Art. 88
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. additionnel après l'art. 89

Article 89

Le premier alinéa de l'article L. 861-2 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les aides personnelles au logement sont prises en compte conformément aux dispositions de l'article L. 262-10 du code de l'action sociale et des familles et des textes pris pour leur application, pour les premières demandes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 861-5 du présent code à compter du 1er janvier 2006. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-69 est présenté par MM. Fischer et  Muzeau, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° II-71 est présenté par M. Godefroy, Mmes Le Texier,  Printz et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° II-69.

M. Jean-Pierre Cantegrit. Alors, vous vous exprimez !

M. Jean-Pierre Godefroy. Il est tellement difficile de s'exprimer !

M. Guy Fischer. L'article 89 prévoit de modifier les conditions d'accès à la couverture maladie universelle complémentaire, la CMUC, de façon à réduire le nombre d'ayants droit, donc à réaliser quelque 21 millions d'euros d'économie.

Cette disposition s'inscrit dans la priorité du Gouvernement de « créer les conditions d'un égal accès aux soins ». Il s'agit là d'ironie de sa part !

Nous ne pouvons accepter cette nouvelle restriction de l'accès aux soins, qui se réduit comme une peau de chagrin. Vous avez déjà durci considérablement les conditions d'accès aux soins pour les personnes qui, bien que résidant sur le territoire français, ne sont ni assurés sociaux ni bénéficiaires de la CMU, avec les décrets relatifs à l'aide médicale d'État, que vous avez délibérément publiés cet été.

Le droit universel à la santé est sans cesse bafoué par ce gouvernement.

Avec l'AME, c'étaient les étrangers en attente de régularisation ou les sans domicile fixe qui étaient visés. Maintenant, ce sont quelques ayants droit à la CMU. C'est ainsi que vous proposez de faire des économies : sur le dos des plus pauvres d'entre nous.

Mme Raymonde Le Texier. Tout à fait !

M. Guy Fischer. Depuis l'arrivée de cette majorité au pouvoir, l'État se désengage de la prise en charge de l'accès aux soins ; il s'écarte de ses fonctions de justice sociale, de solidarité et de garantie de la dignité humaine ; il transfère les dépenses sur l'assurance maladie.

Nous ne cesserons de répéter qu'au-delà des graves préjudices subis par ces populations sur lesquelles vous semblez vous acharner c'est tout notre système démocratique, toute la tradition universaliste de la France, que vous mettez en péril.

Par ailleurs, une fois encore, nous déplorons la politique de minima sociaux que vous programmez. En alignant toutes les aides sociales sur les conditions d'attribution du RMI, vous généralisez le RMI comme revenu d'assistance unique.

Ce faisant, vous faites de notre société une France duale : d'un côté, les inclus, travailleurs et assurés, et, de l'autre, les exclus, condamnés à l'assistance et à la dégradation de leur dignité.

Nous condamnons cette mise en péril de la cohésion sociale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° II-71.

Mme Gisèle Printz. Notre amendement tend à supprimer l'article 89 rattaché à la mission « Solidarité et intégration », qui porte, en l'occurrence, bien mal son nom.

Les modalités de calcul des plafonds de ressources pris en compte pour l'ouverture du droit à la couverture maladie universelle complémentaire et celles qui sont requises pour l'obtention du RMI ne sont pas exactement les mêmes.

Pour la CMUC, le plafond de ressources atteint un forfait logement d'un montant de 50,15 euros, variable selon la composition de la famille. Pour le RMI, le montant pris en compte est de 51,05 euros pour une personne seule et varie aussi suivant la composition de la famille. Dans les deux cas, ce forfait correspond à la valeur estimée du logement à titre gratuit des personnes concernées, qu'elles soient éventuellement propriétaires, locataires ou hébergées par ailleurs.

L'article 89 propose un alignement des deux régimes tant sur les plafonds de ressources qui seront pris en compte que sur les modalités de versement.

Tout cela a l'air anodin mais ne l'est en réalité pas du tout. Le forfait représentatif des aides personnelles au logement pour la détermination du RMI est calculé par l'application de pourcentages du montant du RMI différents en fonction du nombre de personnes composant le foyer combiné au nombre de personnes retenues au titre de l'aide personnalisée au logement, l'APL.

Pour la CMUC, le calcul est plus simple. On ne prend en compte que le nombre de personnes composant le foyer. Pour une famille de trois personnes, comme l'indique fort bien le rapport de notre collègue Auguste Cazalet, la différence s'élève à 18,80 euros ; pour des familles en grande difficulté, cela n'est pas mince.

Et ce n'est pas l'amendement adopté par l'Assemblée nationale et qui vise à limiter l'application de cette mesure aux primo-demandeurs à la date du 1er janvier 2006 qui, sur la durée, changera grand-chose, même si le nombre de victimes serait moins élevé dans l'immédiat que prévu.

Compte tenu du nombre de personnes qui relèvent de la CMUC, la mesure devrait rapporter au budget de l'État, en année pleine, 21 millions d'euros. C'est ici que cette mesure atteint sa dimension véritablement choquante, mais il faut bien financer les incroyables cadeaux fiscaux faits aux redevables de l'impôt sur la fortune.

M. Guy Fischer. Ah, l'ISF, ils ne l'oublient pas !

Mme Gisèle Printz. Nous vous l'avons déjà dit et nous aurons malheureusement l'occasion de vous le répéter de nombreuses fois d'ici à la fin de cette discussion budgétaire, tant les coupes que vous pratiquez portent souvent atteinte à l'efficacité de l'action de l'État et aux services publics.

Mais vous vous en prenez ici aux personnes en difficulté en usant de petites manipulations pour trouver de l'argent à leurs dépens, ce qui est d'autant plus grave. Nous sommes évidemment opposés à cette opération et nous demandons le retrait de cet article de la loi de finances.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Auguste Cazalet, rapporteur spécial. Ces mesures relèvent du domaine réglementaire.

Je m'interroge sur l'économie permise par ce dispositif. Initialement, celui-ci devait générer une économie de 21 millions d'euros, qui s'expliquait par la sortie de 67 000 personnes de la CMUC. Or l'amendement adopté par l'Assemblée nationale supprime cet effet.

Je souhaite que le Gouvernement fasse le point sur cette question.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement ne souhaite pas l'adoption de ces amendements.

Je vous précise, monsieur Fisher, madame Printz, qu'entre le moment où vous vous êtes penchés sur cette question et le moment où nous l'étudions ensemble, l'Assemblée nationale a amendé le texte du Gouvernement. Nous avons donc maintenant à délibérer d'un texte différent de celui auquel vous prêtiez une économie de 21 millions d'euros.

C'est un texte qui maintient la situation existante quant au calcul des revenus permettant l'accès à la CMUC pour le passé et, pour les nouveaux demandeurs, il aligne les conditions d'appréciation de ce revenu sur celles qui sont appliquées pour l'attribution du RMI.

Est-il logique, voire équitable, de ne pas compter les revenus de la même façon pour l'accès à la CMUC et pour l'accès au RMI ? Jusqu'à présent, on ne les comptait pas de la même façon. À l'avenir, on les comptera de la même façon.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Je souhaite insister sur un point. Vous le savez, dans la loi de financement de la sécurité sociale, une disposition très importante a été adoptée : celle du crédit d'impôt pour l'accès à une couverture complémentaire. Chacun a pu reconnaître l'effort que comportait la loi de financement de la sécurité sociale à cet égard.

En 2005, quand on avait moins de vingt-cinq ans, le crédit d'impôt pour l'accès à la CMUC s'élevait à 75 euros ; en 2006, il s'élèvera à 100 euros. Entre vingt-cinq et cinquante-neuf ans, il était de 150 euros ; en 2006, il sera de 200 euros. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Raymonde Le Texier. La grande majorité d'entre eux ne sont pas imposables !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Les non imposables peuvent bénéficier du crédit d'impôt, madame Le Texier ! L'État donne la somme correspondante !

Mme Raymonde Le Texier. Ils pourront s'acheter des sucettes en chocolat !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Avant, le crédit d'impôt était de 250 euros pour les plus de soixante ans ; maintenant, il sera de 400 euros, que l'on soit imposable ou non.

Par conséquent, c'est un avantage dont peuvent bénéficier tous les titulaires de faibles revenus. Je crois que cela ne peut pas être contesté. (Mme Raymonde Le Texier s'exclame.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous avons maintenant l'habitude, dans cet hémicycle, de nous voir proposer des mesures qui rognent les prestations des plus démunis. C'est à se demander si vous avez bien conscience que ces petites diminutions, ajoutées les unes aux autres, sont colossales pour les personnes qui ont de très faibles revenus.

Monsieur le ministre, les personnes qui entreront dans le système que vous voulez faire adopter perdront 18 euros environ. Les personnes qui reçoivent moins de 24 euros par mois d'APL ne les toucheront plus, parce que cela coûte trop cher à l'administration.

Mme Raymonde Le Texier. Vous rognez sur tout !

M. Jean-Pierre Godefroy. À chaque consultation médicale, un euro restera à la charge du patient. Et je pourrais citer d'autres exemples !

Monsieur le ministre, vous êtes en train d'inventer le « bouclier fiscal » à l'envers ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-69 et II-71.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 89.

(L'article 89 est adopté.)

Art. 89
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Santé

Article additionnel après l'article 89

M. le président. L'amendement n° II-12 rectifié, présenté par Mmes B. Dupont,  Hermange,  Rozier et  Sittler, MM. Amoudry,  P. Blanc et  Lardeux, est ainsi libellé :

Après l'article 89, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. L'article L. 132-1 du code de l'action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les arrérages versés par l'assureur en application des contrats définis à l'article 199 septies du code général des impôts ne sont pas pris en compte dans le calcul des ressources du postulant à l'aide sociale. »

II. Dans la première phrase de l'article L. 132-3 du code de l'action sociale et des familles, après les mots : « à l'exception des prestations familiales » sont insérés les mots : « et des arrérages versés par l'assureur en application des contrats définis à l'article 199 septies du code général des impôts ».

III. Dans le dernier alinéa de l'article L. 232-4 du code de l'action sociale et des familles, après les mots : « par la perte d'autonomie de leurs parents, » sont insérés les mots : « les rentes versées par l'assureur en application des contrats définis à l'article 199 septies du code général des impôts, »

IV. L'article L. 815-9 du code de la sécurité sociale tel qu'issu du I. de l'article 1er de l'ordonnance n° 2004-605 du 24 juin 2004 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il n'est pas tenu compte dans le plafond de ressources des arrérages versés par l'assureur en application des contrats définis à l'article 199 septies du code général des impôts. »

La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Cet amendement vise à régler le problème des parents ayant un enfant handicapé et qui doivent se prémunir au plus tôt pour assurer l'avenir financier de leur enfant après leur disparition.

J'avais déposé cet amendement avec un certain nombre de mes collègues, dont le rapporteur pour avis M. Paul Blanc. Mais je suppose que le président de la commission des finances va le juger irrecevable. Je n'irai donc pas plus loin.

M. le président. L'amendement n° II-12 rectifié est retiré.

Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Solidarité et intégration ».

santé

Art. additionnel après l'art. 89
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 52 et état B (début)

M. le président. Le sénat va examiner les crédits de la mission « Santé ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ferai d'abord une remarque liminaire, qui devient malheureusement une litanie : au 10 octobre 2005, date limite prévue par la LOLF, seules 45 % des réponses au questionnaire budgétaire m'étaient parvenues. Cela est inacceptable ! Nous n'avons pas de réponse du Gouvernement sur ce point, et c'est un vrai problème pour les parlementaires et les rapporteurs spéciaux.

Le ministère de la santé et des solidarités a donc encore de gros efforts à accomplir pour répondre aux exigences de la LOLF.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Il en a fait !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. La mission ministérielle « Santé » rassemble 399,3 millions d'euros de crédits de paiement, répartis en trois programmes d'importance inégale. Toutefois, ces crédits ne rendent pas bien compte de la réalité de cette mission.

Tout d'abord, cette mission ne comprend pas les crédits de personnel, rassemblés dans le programme support de la mission « Solidarité et intégration ». Ce dernier contribue pour près de 280 millions d'euros à la mission « Santé », ce qui représente l'équivalent d'environ 70 % des crédits de cette mission.

Ensuite, les dépenses fiscales, avec un montant de 1,88 milliard d'euros, représentent près de cinq fois les crédits budgétaires.

Enfin, cette mission apparaît à certains égards comme une mission « annexe » du budget de la sécurité sociale : l'État n'intervient ainsi que pour moins de 1 % du total des dépenses effectuées au titre de l'offre de soins, ce qui pose la question du rapport entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.

Je voudrais maintenant vous faire part de mes principales remarques et questions sur les trois programmes qui composent cette mission.

En ce qui concerne le programme « Santé publique et prévention », certains sujets étant abordés à l'occasion de l'examen des amendements, je formulerai deux remarques.

Premièrement, le financement des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues, les CAARUD, est transféré à l'assurance maladie. Je m'interroge sur les motivations exactes de ce transfert. Monsieur le ministre, n'ayant pas obtenu de réponse claire lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je vous repose donc la question aujourd'hui.

Deuxièmement, les auditions auxquelles j'ai procédé ont fait apparaître que les relations entre l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé et l'Institut national du cancer n'étaient pas encore stabilisées. Le ministère de la santé et des solidarités devra donc porter une attention particulière à ce point.

S'agissant du programme « Offre de soins et qualité du système de soins », il m'inspire plusieurs observations et une question.

Tout d'abord, deux constats de fond s'imposent : d'une part, les crédits inscrits sur ce programme sont minimes par rapport aux dépenses incombant à l'assurance maladie ; d'autre part, les marges de manoeuvre du ministère apparaissent réduites sur près de la moitié des crédits du programme qui correspondent à la formation des médecins ou à l'organisation de concours.

Ensuite, je voudrais saluer la refonte des objectifs et indicateurs de performance à la suite des remarques des commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale : ces objectifs et indicateurs sont désormais en phase avec les leviers d'action du ministère.

Il semble toutefois que la logique de performance soit, dans certains cas, difficile à faire passer. Le ministère m'a ainsi indiqué que la Haute autorité de santé, qui se considère indépendante, était réticente à accepter toute mesure de son efficacité. Il me paraît important d'affirmer que son statut ne doit pas exonérer la Haute autorité de santé de la contrainte de performance qui s'applique à tous.

Par ailleurs, je m'interroge fortement sur l'efficacité des subventions d'investissement accordées dans le cadre de contrats de développement passés avec des collectivités d'outre-mer, subventions sur lesquelles le ministère de la santé et des solidarités n'a pas totalement la main.

J'en viens maintenant à ma question qui a trait non pas directement aux crédits du programme, mais aux évolutions envisagées concernant les compétences de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, la DHOS. Cette direction gère aujourd'hui directement la carrière d'environ 35 000 médecins hospitaliers et de 5 000 directeurs d'hôpitaux, ainsi que des autres personnels de catégorie A de la fonction publique hospitalière.

A terme, on m'a indiqué que la création d'un centre national de gestion, suivant le modèle du centre national de gestion de la fonction publique territoriale, le CNFPT, était envisagée afin de libérer la DHOS de cette tâche, cette solution n'étant pas forcément synonyme d'économies.

Monsieur le ministre, je souhaite que vous nous précisiez le calendrier et les modalités, en particulier financières, envisagés par le Gouvernement.

Pour ce qui est du programme « Drogue et toxicomanie », l'examen des amendements nous donnant l'occasion de développer certaines questions, je soulignerai deux points.

Pour conduire ce programme, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, s'appuie sur quatre opérateurs, dont une association qu'elle finance à 100 %. Cette architecture me semble devoir être reconsidérée à l'avenir.

Par ailleurs, je voudrais attirer votre attention sur le devenir du fonds de concours alimenté par les saisies de la police et de la gendarmerie, qui devrait rapporter 1,2 million d'euros. Le président de la MILDT m'a indiqué qu'il n'était plus certain que ce fonds de concours « par assimilation » soit rattaché au programme « Drogue et toxicomanie ». Je souhaite donc connaître les intentions précises du Gouvernement à cet égard.

Sous réserve de ces remarques et des amendements qu'elle vous présente, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la mission « Santé ».

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après la présentation très complète qui vient d'être faite par mon collègue de la commission des finances, vous comprendrez que je n'entre pas, à mon tour, dans le détail des programmes de la mission « Santé ». Je bornerai donc mon intervention à trois points qui ont retenu plus particulièrement l'attention de la commission des affaires sociales.

Le premier point a trait au financement des plans de santé publique.

Sur les 400 millions d'euros affectés à la mission « Santé » pour l'année 2006, près du quart sera consacré à l'Institut national du cancer et à la poursuite de la mise en oeuvre du plan de lutte contre le cancer.

Si cela est satisfaisant, en revanche, les moyens affectés à la lutte contre les hépatites et aux plans Santé mentale et Maladies rares ne s'élèvent qu'à environ 10 millions d'euros. Ces crédits sont loin d'être à la hauteur des annonces du Gouvernement et des besoins. En effet, pour le seul plan Maladies rares, 20 millions d'euros auraient dû être débloqués cette année, conformément au calendrier initial de mise en oeuvre.

La commission des affaires sociales comprend très bien la priorité donnée, depuis 2002, à la lutte contre le cancer, qui est la cause de centaines de milliers de décès dans notre pays chaque année. Nous regrettons cependant que les autres plans pâtissent de cette primauté et qu'ils deviennent parfois, par manque de moyens, de simples « coquilles vides ».

Le deuxième point concerne l'accès aux soins des plus défavorisés.

Malgré la poursuite des efforts de l'État et de l'assurance maladie en faveur de l'accès aux soins sans discrimination géographique ou sociale, les inégalités subsistent. On constate ainsi un écart persistant, en termes d'espérance de vie, entre les cadres et les professions libérales, d'une part, et les ouvriers, d'autre part. Les catégories sociales les plus défavorisées sont aussi les plus touchées par les naissances prématurées, l'obésité, les infections bucco-dentaires, les maladies psychiatriques, le diabète et certains cancers.

Devant ce constat, la commission des affaires sociales s'inquiète des conséquences des réformes en cours concernant les dispositifs d'accès aux soins des plus défavorisés : l'aide médicale de l'État et la CMU complémentaire.

Nous souhaitons donc, monsieur le ministre, qu'un bilan soit établi après une année d'application, pour « recalibrer » ces dispositifs s'il s'avérait que l'accès aux soins était devenu plus difficile.

Le troisième point porte sur le pilotage des actions de lutte contre la drogue.

La drogue constitue, nous le savons tous, un facteur majeur de risque sanitaire et d'exclusion sociale et pose un problème évident de sécurité intérieure. Si la consommation de tabac et d'alcool diminue progressivement, celle des drogues illicites continue d'augmenter, comme l'indiquent les derniers chiffres diffusés par l'Observatoire français des drogues et de la toxicomanie.

Pourtant, la lutte contre ce fléau de santé souffre du pilotage incertain des actions menées dans ce domaine. La MILDT ne maîtrise pas, en effet, l'ensemble des leviers nécessaires à la mise en oeuvre de la politique de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

Le présent projet de budget confirme cette analyse. Ainsi, il semble que les crédits du fonds de concours correspondant à la valeur des biens et des espèces saisis lors des arrestations de trafiquants, dont le montant atteint 1,2 million d'euros cette année, ne seront plus ventilés par la MILDT entre les différents ministères concernés par la lutte contre la drogue.

Il est, en effet, proposé de confier au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie le soin d'assurer lui-même cette répartition, avec le risque que ces crédits soient distribués sans contrôle de leur bonne affectation aux politiques visées. La commission des affaires sociales souhaite donc que la MILDT demeure compétente pour la ventilation de ces fonds ou, à tout le moins, qu'elle puisse en contrôler l'usage.

Par ailleurs, nous nous sommes étonnés de voir figurer les 18 millions d'euros de crédits destinés au financement du plan quinquennal de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l'alcool, dans le programme « Santé publique et prévention ». De façon à réaffirmer le rôle de la MILDT dans la mise en oeuvre de ce plan, nous proposerons, par voie d'amendement, de transférer cette enveloppe au programme « Drogue et toxicomanie ». Je pense, monsieur le ministre, que vous aurez des explications à nous donner sur ce sujet.

Sous réserves de ces quelques remarques et de l'amendement qu'elle vous présentera, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 32 minutes ;

Groupe socialiste, 28 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 11 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes.

Je rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Santé » est emblématique des limites de la démarche de la LOLF : si les crédits inscrits à l'actif de cette mission représentent 409,2 millions d'euros en autorisations d'engagements, ce chiffre ne rend compte ni des dépenses de l'État en matière de santé ni de l'ensemble des dépenses publiques dans ce domaine, devenu l'une des premières préoccupations des Français.

En effet, les limites du périmètre de la mission « Santé », qui comprend trois programmes d'importance très inégale, posent problème.

Premièrement, les crédits de personnel sont exclus du périmètre de la mission. Les programmes supports de la mission « Santé » et de la mission « Solidarité et intégration » ont été fusionnés et regroupés au sein de cette dernière. Comme l'a très justement fait remarquer le rapporteur spécial, M. Jean-Jacques Jégou, un tel regroupement est contraire à l'esprit de la LOLF, qui implique le rattachement des fonctions supports aux missions ou aux programmes correspondants.

Deuxièmement, la mission « Santé » peut apparaître comme une annexe au budget de la sécurité sociale. La plus grande partie des actions menées au titre du programme « Offre de soins et qualité du système de soins » sont financées par le budget de l'assurance maladie, ce qui pose inévitablement la question du partage des compétences entre celle-ci et l'État.

C'est pour le programme « Santé publique et prévention » que cette question se pose avec le plus d'acuité. Aujourd'hui, le partage des compétences entre l'État et la sécurité sociale dans ce domaine apparaît insuffisamment lisible.

Après nous avoir rappelé, lors de la discussion du projet de loi relatif à la politique de santé publique, que la prévention était une prérogative régalienne de l'État, vous nous proposez, monsieur le ministre, de confier à l'assurance maladie le financement des stocks de médicaments et la préparation des plans en cas de menaces sanitaires graves.

De même, l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 transfère à l'assurance maladie le financement des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues, qui était jusqu'ici assuré par le budget de la santé. Le montant de ce transfert s'élève tout de même à 14,9 millions d'euros. A contrario, vous recentralisez les dépistages des cancers, des infections sexuellement transmissibles, ainsi que les vaccinations, sans grande concertation, semble-t-il, avec les conseils généraux. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur les critères pris en compte par vos services pour effectuer le partage des compétences en matière de prévention sanitaire ?

Enfin, il est difficile de parler du budget de la santé sans évoquer le montant des dépenses fiscales liées à cette mission. Il atteint 1,88 milliard d'euros, soit presque cinq fois les crédits de la mission. L'essentiel des crédits consacrés à la santé sont ainsi de nature fiscale.

Cela étant, le plus grave est que, même corrigé par ces observations, l'examen du projet de budget de la santé pourrait s'avérer vain. Ce serait le cas si la régulation budgétaire en rendait caduques les principales dispositions. Cette remarque est d'ailleurs valable pour tous les budgets.

Chaque année, souvent dès janvier, Bercy prévoit des gels et des annulations de crédits, qui correspondent le plus souvent aux mesures nouvelles. Il est regrettable que ces gels soient possibles sans débat, car ils vident nos discussions budgétaires de tout intérêt. Cela est particulièrement flagrant en matière de santé publique et de prévention : cette année, les budgets correspondants ont été amputés de 22 millions d'euros, soit près de 10 % des crédits affectés au programme.

Voilà donc, à notre avis, tout ce qu'il faut prendre en considération pour procéder en toute connaissance de cause à l'examen des crédits de la mission « Santé ».

Ces crédits, inégalement répartis entre les trois programmes, reflètent des priorités assez pertinentes en matière de santé.

Le programme « Santé publique et prévention » met en oeuvre la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, qui comportait quelques avancées notables. Nous avions, en particulier, salué la création d'un Institut national du cancer, auquel seront attribués d'importants moyens destinés à renforcer la prévention et le dépistage. Cet institut a un rôle majeur à jouer pour améliorer la qualité de l'offre de soins dans ce domaine.

Pour le programme « Santé publique et prévention », qui représente à lui seul 65 % des crédits de la mission, seule une incohérence non négligeable, relevée d'ailleurs par M. le rapporteur spécial, nous gêne : au titre de l'action n° 2, « Déterminants de santé », 18 millions d'euros sont destinés au financement de la lutte contre les drogues illicites. Or il existe, au sein de la mission, un programme spécifiquement dédié à la lutte contre les drogues et les toxicomanies. C'est là une incohérence, liée à des raisons de frontières administratives, qui mérite d'être corrigée. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l'UMP et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre société consacre une part importante de son PIB, à savoir environ 10 % de celui-ci, à son système de santé, ce qui contribue certainement à l'appréciation positive de l'Organisation mondiale de la santé sur la qualité de notre système de soins.

Cela étant, les 400 millions d'euros affectés à la mission « Santé » représentent une très faible part du total des dépenses de santé, puisque c'est l'assurance maladie qui finance l'essentiel des moyens de la politique menée dans ce domaine. Nous avons achevé, voilà quelques jours, l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, et vous connaissez notre position sur ce sujet, monsieur le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Cela peut toujours changer ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Pas si vite ! Il faudra aussi que vous y mettiez du vôtre, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.)

M. Xavier Bertrand, ministre. Tous les espoirs restent permis, monsieur le sénateur !

M. Jean-Pierre Godefroy. Avant toute chose, j'aimerais connaître votre avis, monsieur le ministre, sur une disposition de ce projet de budget concernant la fiscalisation des indemnités journalières accordées aux victimes d'accidents du travail. Je voudrais connaître votre sentiment sur ce point, que nous avons déjà évoqué cet après-midi.

Sur les 400 millions d'euros de crédits de la mission « Santé », 102 millions d'euros sont destinés au financement du programme « Offre de soins et qualité du système de soins ». Je le dis sincèrement, avec le passage à la LOLF, il nous est très difficile d'évaluer l'évolution des moyens par rapport aux années précédentes. Je ferai donc confiance à M. le rapporteur spécial, qui évalue à 10,5 % la baisse de ces dépenses et qui, dans son rapport, évoque un « budget dénué d'envergure » et une « marge de manoeuvre réduite ». Sur ce point, nous sommes d'accord ! (M. le rapporteur pour avis rit.)

Cette baisse risque de renforcer les inégalités en matière d'accès aux soins, puisque ce programme finance notamment des mesures essentielles en matière de démographie médicale.

À cet égard, on le sait, si le nombre de médecins n'a jamais été aussi élevé en France, c'est leur répartition sur le territoire national qui pose problème. Il n'est ni normal ni acceptable de voir se constituer, dans notre pays, des « déserts médicaux », ou de constater que certaines spécialités sont en voie de ne plus être représentées dans certaines zones. C'est l'égal accès aux soins pour tous, principe essentiel de notre système de santé, qui est ainsi remis en cause.

Depuis plusieurs années, des mesures ont été arrêtées pour favoriser l'installation de médecins dans ces zones délaissées par les professionnels de santé mais aussi, souvent, par les personnels paramédicaux, et pour améliorer la permanence des soins. La loi relative au développement des territoires ruraux a été inspirée par un certain nombre de mesures contenues dans la proposition de loi de mon collègue Jean-Marc Pastor. Plusieurs dispositions nouvelles ont également été insérées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

Permettez-moi cependant d'insister sur ce point, monsieur le ministre. Il y a un paradoxe que relève la commission « Démographie médicale », présidée par le professeur Berland : les mesures déjà existantes sont totalement inconnues des médecins et des étudiants en médecine, qui sont pourtant les premiers concernés. Pourquoi ? Parce que l'État ne communique peut-être pas à ce sujet et parce leur adoption successive dans des textes différents nuit à leur lisibilité globale.

Une autre explication est que ces mesures ne sont que très faiblement incitatives.

M. Xavier Bertrand, ministre. Cela va changer !

M. Jean-Pierre Godefroy. Pour aller un peu plus loin, la commission Berland propose notamment de régionaliser les épreuves classantes, aujourd'hui nationales, et de répartir les postes d'internes filière par filière et région par région. L'objectif est de stabiliser les étudiants dans la région où ils auront effectué leurs études de troisième cycle par choix, et non par contrainte. Quelle suite comptez-vous donner à ces propositions, monsieur le ministre ? Je rappelle que 51 millions d'euros sont affectés, dans ce budget, à la formation des internes en médecine.

À mon avis, les questions de liberté d'installation et de rémunération des médecins ne doivent plus être taboues ...

M. Xavier Bertrand, ministre. Que proposez-vous ?

M. Jean-Pierre Godefroy. J'y arrive !

Trois pistes, de la moins à la plus contraignante, pourraient être envisagées.

Premièrement, pendant les cinq premières années d'exercice de sa profession, tout médecin débutant pourrait être tenu de respecter l'équilibre du territoire dans le choix de son lieu d'installation, sous peine de se voir refuser le conventionnement à l'assurance maladie en cas d'installation dans une zone bénéficiant déjà d'une présence médicale suffisante.

Ce n'est pas la piste qui a ma préférence, car elle comporte un risque de dérapage...

M. Xavier Bertrand, ministre. Quelle ambiguïté de votre part !

M. Jean-Pierre Godefroy. Vous me demandiez des propositions et, si je vous en soumets, c'est pour que nous en débattions, monsieur le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. J'ai très bien retenu les vôtres.

M. Jean-Pierre Godefroy. Deuxièmement, on pourrait aussi geler l'installation de nouveaux médecins dans les zones surdotées en ne prévoyant qu'un remplacement nombre par nombre pendant une période déterminée.

M. Paul Blanc. N'importe quoi !

M. Jean-Pierre Godefroy. Enfin, à un stade ultime, il ne faut pas exclure d'appliquer aux médecins la procédure prévue pour les pharmaciens : elle fonctionne très bien et personne ne la conteste ...

Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre ?

J'espère en tout cas que les crédits de ce programme ne serviront pas à financer la fermeture des services de chirurgie des quelque 150 hôpitaux locaux qui pratiquent moins de 2 000 interventions par an, comme le préconise le rapport du Conseil national de la chirurgie qui vous a été remis au mois de septembre.

La fermeture de ces services serait une catastrophe et une menace pour la survie des établissements : les services rendus aux populations par ces hôpitaux locaux ne sont pas seulement en relation avec la quantité d'activité.

C'est en renforçant la coopération ville-hôpital au travers des réseaux de soins que l'on garantira une prise en charge de qualité des patients de ces zones et que l'on permettra de maintenir a minima l'installation de nouveaux praticiens dans ces secteurs où l'hôpital est souvent le dernier et seul recours et le soutien indispensable aux praticiens libéraux qui acceptent de s'installer.

Je pourrais vous livrer des chiffres concernant la démographie médicale, mais je m'en dispenserai sachant que le temps imparti nous est compté.

Il n'est reste pas moins qu'il existe des disparités énormes ; je n'en prendrai qu'un exemple. Dans l'agglomération qui est le mienne, il ne se trouve pas un seul pédiatre libéral, tandis que dans certains arrondissements de Paris- je n'ai rien contre Paris - pourtant deux fois moins peuplés, ils sont douze ou treize à exercer.

Et, pour introduire une note d'humour dans ce propos, j'ajoute que, dans mon agglomération, qui compte 100 000 habitants, il y a deux psychiatres, alors qu'ils sont 125 pour 50 000 habitants dans un arrondissement parisien !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Naturellement, il y a un inter-secteur psychiatrique dans le Ve arrondissement.

M. Jean-Pierre Godefroy. Il n'empêche que c'est anormal et d'ailleurs, si l'on veut bien étudier la question, il y a aussi de grandes disparités entre les différents arrondissements parisiens : ce ne doit pas être un hasard !

Comme vous le savez, la carte des inégalités de la démographie médicale correspond globalement à la carte des inégalités d'espérance de vie. Certes, l'une n'explique pas l'autre, mais le constat devrait obliger à renforcer les moyens et les structures de soins et de prévention dans ces zones.

Dans mon département, monsieur le ministre, les délais d'attente pour le dépistage du cancer du sein sont longs : jusqu'à neuf mois pour obtenir le double diagnostic ! C'est un non-sens pour une bonne application du plan Cancer, et cela tient à la démographie médicale.

Je m'étonne, par ailleurs, qu'aucun crédit ne semble être prévu, dans ce budget, pour financer les agences régionales de santé, les ARS, qui doivent pourtant être expérimentées à partir de l'année prochaine dans six régions. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Pour finir, permettez-moi d'évoquer deux questions qui ne concernent pas directement le budget, mais qui sont importantes en termes de santé publique. Connaissant votre volonté de dialogue, que vous manifestez à chaque instant, je sais que vous ne m'en voudrez pas de m'y arrêter.

Comment ne pas parler, monsieur le ministre, du rapport qui vient de vous être remis par M Hervé Chabalier concernant la prévention de l'alcoolisme ?

Outre le manque de moyens de structures de soins spécialisées pour les malades de l'alcool, c'est aussi et surtout le déni généralisé et l'incohérence de l'action des pouvoirs publics qu'il dénonce. À cet égard, monsieur le ministre, un évènement récent est particulièrement instructif : encore une fois, l'adoption « à la hussarde » d'un amendement...

M. Guy Fischer. Ah oui !

M. Jean-Pierre Godefroy. ...qui a donné lieu à polémique sur la création du Conseil de modération et de prévention, son rôle et sa composition, polémique dans laquelle le silence de votre ministère fut pour nous un handicap.

M. Xavier Bertrand, ministre. Mon silence ? Vous allez m'entendre !

M. Guy Fischer. Vous n'avez rien dit !

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous aurions eu besoin de votre soutien pour assurer l'indépendance des campagnes de prévention, conformément aux objectifs définis dans la loi de santé publique, qui devrait imposer un renforcement substantiel des crédits consacrés à cette cause primordiale.

Par rapport au décret du Gouvernement en date du 4 octobre, que j'ai défendu en vain dans cette assemblée, monsieur le ministre,...

M. Xavier Bertrand, ministre. Et que j'ai signé avec succès.

M. Jean-Pierre Godefroy. Certes, mais une loi l'a remis en cause !

M. Xavier Bertrand, ministre. Elle a été votée à l'unanimité, y compris donc par les socialistes : bravo !

M. Jean-Pierre Godefroy. ... il apparaît qu'ont disparu de ce conseil : le représentant du ministère de l'éducation nationale, le représentant du ministère de la jeunesse, celui du ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation, le délégué interministériel à la sécurité routière.

Puisque nous avons parlé antérieurement des violences faites aux femmes, je précise que l'alcoolisme n'y est pas étranger, pas plus qu'il n'est étranger aux violences faites aux enfants.

Je voudrais également vous rappeler, monsieur le ministre, en tant que rapporteur adjoint de la mission « amiante », que le comité permanent Amiante fut l'un des responsables du drame de l'amiante : le Parlement, à l'époque, n'avait pas à se prononcer.

Pour le Conseil de modération, c'est le Parlement qui déséquilibre la représentation de la santé publique au profit des lobbies professionnels. Que comptez-vous faire, maintenant qu'il figure dans la loi d'orientation agricole ?

Enfin, je ne peux pas ne pas mentionner les accords conclus récemment entre certains groupes alimentaires et des sociétés d'assurance pour rembourser ce que l'on appelle communément certains « alicaments ». Un pas supplémentaire est ainsi franchi dans l'instrumentalisation scandaleuse de la santé à des fins de pur marketing.

N'y a-t-il pas un risque en termes de santé ? N'est-il pas simpliste, en ce qui concerne, par exemple, la réduction du risque coronarien, de se focaliser de manière exclusive sur le cholestérol ?

Je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître votre position à ce sujet, alors que vous déremboursez des médicaments dont le service médical rendu est jugé insuffisant, bien que certains d'entre eux aient parfois des effets très bénéfiques.

Plutôt que de faire passer ces produits pour des médicaments miracles, ces groupes industriels seraient mieux inspirés, à mon avis, de diminuer la matière grasse ou le sucre contenus dans les autres aliments qu'ils fabriquent - glaces, fromage, gâteaux, desserts pour enfants et adolescents - ainsi que l'alcool dans les boissons «  premix » La prévention de l'obésité et d'un certain nombre de problèmes de santé en serait facilitée.

Je ne doute pas que, sur tous ces points, vous allez me répondre, monsieur le ministre.

Monsieur le ministre, il me semble que la discussion budgétaire, dont je ne méconnais pas l'importance, peut aussi être l'occasion de poser de vrais problèmes de santé publique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.- Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.

M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le nouveau dispositif budgétaire ne prévoit pas de programme particulier en ce qui concerne la couverture sociale de nos 2 300 000 compatriotes résidant à l'étranger.

Certes, un programme «  Français à l'étranger et étrangers en France » existe bien au sein de la mission « Action extérieure de l'État », gérée par le ministère des affaires étrangères, mais, là encore, cela ne se rapporte pas à la couverture sociale des Français expatriés.

Or cette protection sociale est l'une des interrogations décisives de nos compatriotes lorsqu'ils partent s'établir à l'étranger, qu'il s'agisse de la couverture sociale proprement dite - assurance maladie, assurance accident du travail, assurance vieillesse - ou, plus largement, de l'offre de soins en vigueur dans les pays d'accueil et des conditions sanitaires auxquelles ils seront confrontés.

Il me semble donc important d'évoquer certains de ces points devant vous.

Pivot essentiel de la couverture sociale des Français de l'étranger, la Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, la CFE, créée en 1984, couvre une population de près de 185 000 personnes, dont la plupart au titre de l'assurance maladie, avec une croissance de 5 % à 6 % pour 2005.

Depuis plus de vingt ans, la CFE, son conseil d'administration, que j'ai l'honneur de présider depuis l'origine, et son personnel, se sont efforcés, avec le soutien des autorités de tutelle, dont votre ministère, d'améliorer la couverture mise en place par la loi du 13 juillet 1984 en développant ses actions, en les adaptant aux situations particulières rencontrées à l'étranger, en multipliant les mesures de justice sociale visant à réduire le coût de l'assurance volontaire maladie et à en permettre l'accès au plus grand nombre. Il a été ainsi procédé à des baisses successives des taux de cotisation et à la création de plusieurs catégories de cotisants.

La CFE, avec des cotisations moindres que celles de métropole, avec des remboursements identiques à ceux qui sont pratiqués en France, réussit à équilibrer ses comptes depuis l'origine, comme cela vient d'être récemment vérifié dans un rapport du COREC, le comité régional d'examen des comptes des organismes de sécurité sociale - mission conjointe de la Cour des comptes et des autorités de la sécurité sociale - rendu en novembre 2005.

À la suite d'une inspection approfondie de notre caisse, un avis favorable a été rendu, indiquant que la caisse est gérée avec sérieux et efficacité. À l'occasion de ce contrôle, des recommandations positives ont été émises. La CFE ne manquera pas de les suivre, car elles sont de bon sens et permettront d'améliorer encore le service rendu à ses assurés.

Il faut reconnaître que, au-delà de la gestion saine et rigoureuse de la CFE, les Français de l'étranger sont également plus responsables et plus économes de leurs dépenses maladie.

C'est en partie pour ces raisons que, dès l'examen et le vote de la loi du 13 août 2004 sur la réforme de l'assurance maladie, j'ai demandé à ce que les Français expatriés assurés auprès de la CFE soient exemptés de certaines des mesures mises en place, souvent inapplicables dans leurs pays de résidence.

Vous aviez bien voulu, comme votre prédécesseur, soutenir mes amendements, et c'est ainsi que les adhérents de la CFE ne sont pas soumis à la procédure du médecin traitant, du dossier médical personnalisé, du parcours de soins pour les soins reçus à l'étranger.

Néanmoins, des interrogations subsistent pour les soins reçus en France à l'occasion de séjours temporaires : pour les vacances, par exemple. En effet, la CFE appliquant les mêmes règles que le régime général pour le remboursement des soins et le calcul des prestations, comment appliquer ces mesures à des personnes qui résident habituellement à l'étranger ? Comment, par exemple, appliquer demain la participation forfaitaire de 18 euros sur des actes médicaux lourds intervenus à l'étranger, ou le déremboursement de 156 médicaments, à partir du 1er mars 2006, lorsque ces médicaments sont achetés à l'étranger ?

La CFE est donc de plus en plus souvent conduite à s'écarter des règles strictes du régime général, à prévoir des exceptions ou des dérogations, et le prochain conseil d'administration, qui se réunira les 12 et 13 décembre prochain sera appelé à vous faire un certain nombre de propositions dans ce sens.

Je souhaite qu'elles soient alors entendues par vos services, comme l'ont été en particulier celles qui sont liées au médecin traitant. Je dois reconnaître que les services de la direction de la sécurité sociale ont fait preuve de compréhension par rapport aux problèmes spécifiques de la Caisse des Français de l'étranger et de ses assurés, ce dont je veux les remercier ici en souhaitant qu'ils maintiennent cette attitude responsable et raisonnable.

D'autres sujets, plus complexes, nécessiteront des réponses claires et des décisions précises de vos services. Je pense en particulier au parcours de soins et à la notion de « contrat responsable ».

Les services ministériels nous ont apporté des précisions : « Les assurés de la CFE ne sont pas concernés par le parcours de soin et, lors de soins reçus en France, ils ne doivent supporter ni dépassements d'honoraires, ni majoration de leur participation aux frais ». Cette réponse a fait l'objet d'une correspondance au directeur de la CNAM, mais quelle sera la situation des assurés de la caisse face à certains médecins spécialistes en France qui ne seront pas clairement informés de cette situation et qui factureront des majorations d'honoraires pour situation hors parcours de soins ? Quelle devra être l'attitude de la CFE, et quelle devra être celle des assureurs complémentaires avec qui ses adhérents sont liés ?

Cesseront-ils d'être « responsables » s'ils prennent en charge ces majorations ? Dès lors que le dépassement d'honoraires s'applique à des personnes non concernées par le parcours de soins, la logique voudrait que le contrat complémentaire qui les prend en charge ne soit pas, de ce seul fait, déclaré « irresponsable ».

Je souhaiterais, monsieur le ministre, avoir votre sentiment sur ce sujet d'importance, car nombre d'assurés de la CFE ont souscrit des assurances « complémentaires » qui ont élaboré des produits spécifiques adaptés à l'expatriation et à l'assurance de base proposée par la CFE. La caisse est d'ailleurs liée par convention à une vingtaine d'entre elles, ce qui permet une meilleure coordination pour le versement des prestations, et elle poursuit une politique de guichet unique afin de simplifier les démarches des adhérents. Elle doit donc savoir quelle position adopter vis-à-vis de ces assureurs.

J'aimerais également obtenir des précisions sur deux points au sujet de l'assurance volontaire vieillesse gérée par la CFE pour le compte de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, sur lesquels il existe, me semble-t-il, un certain flou : le premier point se rapporte aux délais d'adhésion, le second intéresse la qualité des personnes pouvant adhérer à cette assurance volontaire vieillesse.

Avant de conclure, monsieur le ministre, je dirai quelques mots des craintes de nos compatriotes expatriés quant aux risques sanitaires auxquels ils sont confrontés : paludisme, virus Ebola en Afrique et, plus récemment, la grippe aviaire en Asie, avec des risques de propagation dans les pays d'Europe de l'Est.

Les pouvoirs publics français se sont préoccupés du sort des communautés françaises à l'étranger face à ce nouveau virus, et l'on doit les en féliciter. La décision a été prise de doter nos ambassades et nos consulats de médicaments antiviraux et de masques de protection, à l'image de ce qui est fait en métropole. Si un vaccin est mis au point rapidement, ce que nous souhaitons tous, au cas où, malheureusement, la grippe aviaire deviendrait transmissible de l'homme à l'homme, je souhaite vivement que celui-ci soit diffusé largement et prioritairement auprès de nos compatriotes vivant dans les pays d'Asie concernés.

Monsieur le ministre, dans le contexte actuel de risques sanitaires que connaît le monde, il est essentiel que nos compatriotes qui souhaitent s'expatrier, ou qui le sont déjà, puissent être assurés d'avoir une couverture maladie et, plus largement, une couverture sociale française qui leur permette d'être pris en charge face à ces risques exceptionnels, mais aussi face aux risques encourus au quotidien dans le cadre de l'expatriation.

Il est primordial également que ceux-ci puissent bénéficier des mêmes droits qu'en métropole en ce qui concerne les accidents du travail, la retraite, le chômage et les prestations qui en découlent.

C'est pourquoi, tous, ils seront particulièrement attentifs, comme je le serai moi-même, aux positions et aux réponses que vous apporterez dans ces différents domaines, ainsi qu'aux actions que vous entreprendrez pour les soutenir dans leur expatriation.

M. le président. La parole est à M. Georges Othily.

M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission qui nous est présentée est en progression de 10 %. Il traduit les priorités du Gouvernement, notamment la lutte contre le sida, et nous pouvons nous féliciter de cette audace. Cependant, monsieur le ministre, je me permettrai d'attirer votre attention sur la situation catastrophique de la santé en Guyane.

De nombreux rapports émanant tant de parlementaires que de hauts fonctionnaires de votre ministère ont largement décrit la situation sanitaire de la Guyane. Ces rapports ne souffrent d'aucune contestation : la situation sanitaire se dégrade de plus en plus. Les indicateurs de santé sont manifestement mauvais : l'espérance de vie est, en Guyane, significativement inférieure à celle de la France hexagonale et le taux de mortalité y est plus élevé.

Cet état des lieux s'explique en partie par l'existence endémique de pathologies spécifiques aux départements d'outre-mer, telles que le paludisme, la tuberculose ou la fièvre jaune.

L'importance de l'alcoolisme et de la toxicomanie y est tout aussi préoccupante, du fait notamment que ces pathologies concernent l'ensemble de la population et touchent les jeunes de plus en plus tôt.

Enfin, le sida mérite une attention particulière : la Guyane est en effet six fois plus touchée que la métropole et figure, selon un rapport des Nations unies, parmi les pays les plus affectés dans l'hémisphère ouest. En 2004, 1,2 % des femmes enceintes étaient atteintes du VIH, ce qui vaut au département d'être classé en zone d'épidémie généralisée, selon les normes de l'Organisation mondiale de la santé. Les femmes sont autant touchées que les hommes et de nombreux enfants de moins de dix ans sont atteints.

Malheureusement, ce véritable fléau ne cesse de se développer. En effet, les frontières étant largement perméables et la France offrant des possibilités de prise en charge, les deux tiers des malades, durement touchés dans leur pays, viennent de l'importante immigration tant légale que clandestine.

Malgré les efforts financiers importants des pouvoirs publics, il reste beaucoup à faire pour enrayer cette pandémie qui ne cesse de progresser de façon préoccupante sur tous les continents.

Il est notamment urgent de promouvoir les actions de prévention, qui se heurtent, encore aujourd'hui, au déni de la maladie et à la stigmatisation des malades. En effet, le sida est encore un sujet extrêmement tabou : être séropositif en Guyane, c'est la mort sociale assurée. De ce fait, de nombreux patients ne révèlent pas leur maladie à leur famille.

La santé en Guyane est également menacée par la pollution au mercure, qui constitue un risque sanitaire très élevé pour les populations guyanaises, victimes d'empoisonnement.

Les activités d'orpaillage exercées en Guyane sont responsables de rejets importants de mercure. Le mercure déposé sur le fond sédimentaire s'accumule dans la chaîne alimentaire et constitue ainsi la source majeure d'exposition à la contamination des populations.

De nombreuses analyses de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, et de l'Institut de veille sanitaire, l'IVS, ont révélé que le niveau de mercure était jusqu'à deux fois supérieur au seuil fixé par l'Organisation mondiale de la santé et qu'il était à l'origine de graves maladies, notamment intestinales et neurologiques.

Certes, le ministre délégué au tourisme s'est engagé à ce que le recours au mercure sur les chantiers aurifères de Guyane soit interdit dès le 1er janvier 2006, mais cette mesure ne permet pas de mettre un terme à l'orpaillage clandestin. Si nous ne faisons rien, les populations amérindiennes seront toujours victimes d'empoisonnement au mercure.

Cette situation alarmante de la santé en Guyane est amplifiée par une immigration galopante, une offre de soins insatisfaisante, une pénurie de professionnels de santé et des équipements sanitaires insuffisants.

S'agissant de l'immigration, il faut rappeler que peu de départements français ont connu une telle explosion démographique : limitée pendant trois siècles à 25 000 habitants, la population guyanaise a été multipliée par sept en moins de cinquante ans.

Blottie entre le Surinam et le Brésil, non loin d'Haïti, l'un des pays les plus pauvres du monde, la Guyane représente un Eldorado et suscite de ce fait la convoitise de ses voisins.

Or, ses 3 000 kilomètres de frontières, constituées de deux fleuves et de forêts, sont franchis allégrement par les clandestins, ce qui rend la maîtrise des flux migratoires quasi impossible et conduit à l'engorgement de ses structures de soins.

Le chef de service de la maternité de l'hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni explique que, avec 1 900 accouchements par an pour vingt-quatre lits - contre 900 voilà dix ans -, son service est en état de surchauffe permanente et que cette augmentation s'explique en partie par un afflux de Surinamaises, attirées par notre système de santé, fiable et gratuit.

Sur le plan des moyens humains, la situation est tout aussi alarmante puisqu'il y a trois fois moins de médecins en Guyane qu'en France hexagonale. Cette pénurie, qui touche à la fois les généralistes et les spécialistes, concerne également les autres professionnels de santé.

Pour pallier le déficit de médecins et d'infirmières, le centre hospitalier de Cayenne se voit contraint de recruter à prix d'or et pour de courtes missions. Déjà grevé par le coût des soins - jamais remboursés, car dispensés à une population étrangère souvent en situation irrégulière - le budget du centre hospitalier affiche 20 millions d'euros de créances.

Avec une population dont le taux de croissance est de loin le plus important au plan national, la Guyane a la démographie médicale la plus faible de France. C'est la raison pour laquelle il est indispensable de garder les professionnels de santé qui exercent en Guyane et de rendre attractive la venue de nouveaux professionnels de santé.

La création d'une zone franche sanitaire s'étendant à l'ensemble de la Guyane y contribuerait. La situation sanitaire guyanaise est la plus sinistrée de France. Une telle mesure permettrait une remise à niveau du secteur de la santé, pilier incontournable du développement économique d'une région.

J'apprécierais, monsieur le ministre, que vous me précisiez les engagements que le Gouvernement et singulièrement votre ministère pourraient prendre afin d'apporter des solutions satisfaisantes au grave problème de santé publique que connaît le Guyane.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la faiblesse des crédits alloués à la mission « Santé » fait tristement écho aux débats que nous avons eus lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale voilà à peine dix jours.

À cette occasion, nous avions à maintes reprises dénoncé la contraction drastique des dépenses de santé, qui se traduit nécessairement par une baisse générale de la quantité de prestations et de la qualité des soins, mais aussi par le retrait progressif de l'État au profit des mutuelles, des systèmes d'assurance privés. Bien entendu, les assurés sociaux sont de plus en plus mis à contribution.

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous ne pouvez pas dire cela !

M. Guy Fischer. Cette dérive de notre système de santé vers un modèle anglo-saxon, ...

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est tout le contraire !

M. Guy Fischer. ...c'est-à-dire une médecine gratuite et solidaire résiduelle, le reste étant pris en charge par des systèmes privés, pose la question de la réalité du principe d'égal accès aux soins sur notre territoire.

En effet, la question se pose avec acuité : la France garantit-elle encore aujourd'hui à tous les hommes et les femmes qui vivent sur son territoire un accès aux soins et un niveau de santé décent ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Oui !

M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, il nous est malheureusement permis d'en douter.

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous avez tort !

M. Guy Fischer. Dans le domaine de la santé, les inégalités géographiques, sociales et économiques se creusent. L'enquête décennale relative à la santé menée par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DRESS, publiée en octobre dernier, relève que les écarts restent persistants en termes d'espérance de vie entre, d'une part, les cadres et les professions libérales et, d'autre part, les ouvriers.

De même, ce sont les catégories socioprofessionnelles les plus modestes qui ont l'état de santé le plus fragile, et ce sont elles qui sont les premières touchées par l'obésité, les addictions au tabac ou à l'alcool, les problèmes dentaires ou certains cancers.

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est en effet intolérable, monsieur le sénateur.

M. Guy Fischer. L'une des explications de ce phénomène que fournit l'enquête est que « les différences socio-économiques sont particulièrement marquées pour les recours à la médecine spécialisée : plus le revenu du ménage est faible et moins le niveau d'éducation des personnes est élevé, plus la probabilité qu'elles n'aient pas vu de spécialiste dans les douze derniers mois s'accroît ».

Notre système de santé est donc de plus en plus inégalitaire...

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n'est pas vrai !

M. Guy Fischer. ...et le recours à un spécialiste ou à certains types de soins devient impossible pour un nombre croissant de personnes.

Entre autres choses, il faut mettre un frein à une présence médicale trop inégalitaire sur notre territoire, monsieur le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Votez mon plan !

M. Guy Fischer. Cette inégalité dépasse depuis bien longtemps la simple opposition ville-campagne.

Au coeur même des villes, des inégalités se creusent en fonction des quartiers, mais aussi en fonction du type de conventionnement des médecins, comme l'a récemment montré le premier Atlas de la santé en Île-de-France.

Cette étude révèle les profondes disparités territoriales en termes d'espérance de vie et de mortalité infantile, qui sont les conséquences directes d'un inégal accès aux soins au sein même de cette région.

Il faut repenser un mode d'installation des praticiens qui ne répond pas en priorité à l'impératif d'égal accès au système de santé sur notre territoire.

La faiblesse des moyens attribués au programme « Offre de soins et qualité du système de soins » ne permet pas d'aborder les questions de fond.

Comment le Gouvernement entend-il réorganiser la formation médicale initiale ? Il semble que des plans pluriannuels régissant le numerus clausus soient indispensables pour éviter, comme vous l'avez récemment annoncé, monsieur le ministre, de prolonger indéfiniment l'âge d'exercice des médecins.

Ne faut-il pas, par ailleurs, envisager une régionalisation en fonction des besoins de santé, tout en prenant en compte les capacités de formation des universités ?

Dans tous les cas, il faut mener une politique d'aménagement du territoire volontaire, ...

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est ce que je fais !

M. Guy Fischer. ...dotée de moyens à la hauteur des enjeux, ce n'est qu'à cette condition que l'égal accès aux soins sur notre territoire pourra être approché.

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous êtes donc exaucé ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. Je tiens enfin à attirer votre attention sur un autre point, qui nous paraît essentiel. Pour cela, j'en appelle aux réflexions de M. le rapporteur pour avis, Alain Milon : « Qu'en est-il aujourd'hui de l'état de santé des plus démunis, alors que le Gouvernement a durci les conditions d'accès à l'aide médicale d'État et qu'il vient de proposer la réduction du nombre d'ayants droit à la CMU-C ? »

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est faux !

M. Guy Fischer. Toutes les associations ou organisations avec lesquelles nous travaillons déplorent la dégradation des conditions de soins pour les plus démunis et redoutent une recrudescence des infections contagieuses, que nous avions pourtant quasiment éradiquées de notre territoire.

À présent, je souhaite dire un mot sur deux des parents pauvres de votre budget, alors que vos discours sur ces deux thèmes sont au contraire très volontaristes, je veux parler de la toxicomanie et de la psychiatrie.

Au regard des montants avancés, le volet « soins et réduction des risques en matière de drogue et de toxicomanie » demeure l'un des plus mal lotis de la politique de santé publique.

Les moyens consacrés à la coordination interministérielle et à l'expérimentation de nouveaux dispositifs sont, malheureusement, en chute libre. Sur l'exercice précédent, 3 millions d'euros étaient initialement attribués à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

C'est dans ce contexte très défavorable que se sont mis en place les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues, les CAARUD. Le transfert de leur financement à l'assurance maladie a été entériné par le projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette année.

Cela tend à prouver que ces centres créés par la récente loi relative à la politique de santé publique, verront effectivement le jour, mais cela ne dissipe pas pour autant les incertitudes auxquelles sont confrontées les deux cent soixante-dix structures participant à l'action de réduction des risques.

En effet, on observe que le décret définissant les missions des CAARUD n'est toujours pas paru. Le processus de concertation et d'information entre l'administration et les associations est quasiment inexistant. La liste des quatre-vingts structures pressenties pour être des CAARUD a été établie dans la précipitation par l'administration déconcentrée, et n'a pas été communiquée aux acteurs.

Aussi, quel sera le sort réservé aux cent quatre-vingt-dix structures qui n'auront pas l'honneur d'être labellisées CAARUD ? Seront-elles privées de financement ? Autrement dit, leur capacité d'expertise et leur action de proximité seront-elles sacrifiées sur l'autel de la rationalisation administrative et de la rigueur budgétaire ?

De plus, comment comptez-vous assurer la continuité des financements pour ces futurs CAARUD entre la fin des subventions d'État et le début des dotations assurance maladie ? C'est une question essentielle, s'il en est, puisque le financement de l'assurance maladie devrait être effectif au 1er janvier 2006, alors que les CAARUD ne seront théoriquement agréés qu'en juin prochain !

Ces questions ont été soulevées au moment de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais le Gouvernement ne leur a pas apporté de réponse. Je vous les pose donc de nouveau aujourd'hui.

Quant à la psychiatrie, elle souffre de moyens largement insuffisants. Et l'on s'étonne des drames qui peuvent se produire !

Cette situation est d'autant plus alarmante que l'évolution de la psychiatrie est marquée par une augmentation globale du nombre de prises en charge, dans un contexte de baisse des effectifs médicaux et infirmiers.

La baisse des moyens des établissements, la remise en cause de la spécificité des carrières, la baisse des effectifs vont dans le sens d'une disparition de la psychiatrie en France, alors que le ministre soutient le contraire !

C'est ce qui m'amène à terminer mon propos sur l'insincérité du budget qui nous est présenté.

M. Xavier Bertrand, ministre. On ne peut pas dire ça !

M. Guy Fischer. Depuis 2002, compte tenu du contexte économique quasi récessif, que la politique gouvernementale ne fait qu'aggraver, le Gouvernement a pris la fâcheuse habitude de multiplier les gels et les annulations de crédits.

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n'est pas sympa pour les socialistes !

M. Guy Fischer. Cette manipulation lui permet de maintenir un affichage budgétaire qui est, certes, flatteur, mais qui ne reflète pas la réalité.

Après 55 millions d'euros annulés en 2003 et 20 millions d'euros en 2004, cette année, c'est bis repetita : plus de 17 millions de crédits de paiement relatifs au programme « Santé publique et prévention » viennent d'être supprimés par décret - n'est-ce pas, monsieur le ministre ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Non !

M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, que deviennent la lutte contre l'obésité, la lutte contre le tabagisme, la lutte contre l'alcoolisme ou le plan Santé mentale qui ont fait l'objet de tant d'annonces ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Je vais aller au-delà de vos attentes !

M. Guy Fischer. Je souscris entièrement aux propos de Jean-Pierre Godefroy sur l'actualité récente, mais je ne m'appesantirai pas là-dessus.

Une telle pratique réduit considérablement la portée de la discussion de ce jour, puisque tout laisse à penser que nous avons affaire à un budget qui, aussitôt voté, risquera d'être amputé.

Dans de telles conditions, il nous est impossible de voter ce budget tel qu'il nous est présenté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'attarderai tout d'abord quelques instants sur les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues, comme l'a fait à l'instant M. Fischer.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 organise le transfert de leur financement à l'assurance maladie pour 15 millions d'euros. Cela tend à prouver que ces centres créés par la récente loi de santé publique verront effectivement le jour, mais cela ne dissipe pas pour autant les incertitudes auxquelles sont confrontées les deux cent soixante-dix structures participant à l'action de réduction des risques.

Ce transfert ne peut manquer de susciter des réflexions légitimes concernant la compétence régalienne de l'État en matière de prévention et de réduction des addictions, donc sur ce qui devrait normalement relever de son budget !

Ainsi, le programme « Drogue et toxicomanie », doté de 37,3 millions d'euros, est en baisse à cause du transfert des crédits des injonctions thérapeutiques vers le programme « Conduites et soutien des politiques sanitaires et sociales ».

Ce programme ne concentre toutefois pas la totalité des moyens de l'État dédiés à la lutte contre la toxicomanie, puisque 13 millions d'euros sont prévus à cette même fin par l'action « Déterminants de santé » dans le programme « Santé publique et prévention ».

Je me contenterai de souligner que les soins et la réduction des risques en matière de drogue et de toxicomanie demeurent les parents les plus pauvres de la politique de santé publique.

Les moyens consacrés à la coordination interministérielle et à l'expérimentation de nouveaux dispositifs sont, malheureusement, en chute libre. Sur l'exercice précédent, 3 millions d'euros étaient initialement attribués à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT.

De plus, le Gouvernement envisage de supprimer le fonds de concours de 1,2 million d'euros que la MILDT répartit traditionnellement entre les ministères concernés pour le financement des actions de lutte contre la drogue.

Le rattachement direct, au ministère des finances, du produit des saisies de biens et de numéraires des trafiquants risque de faire perdre de vue son utilisation pour la seule lutte contre la drogue.

En outre, à la lecture du « bleu » budgétaire, il apparaît que la mise en oeuvre du programme « Drogue et toxicomanie » s'appuie sur quatre opérateurs, financés sur les crédits de l'action « Coordination interministérielle des volets préventif, sanitaire et répressif » pour un total de 9 millions d'euros en 2006.

Pour une meilleure efficacité de ces outils de prévention, il me semble nécessaire d'intégrer l'ensemble de ces opérateurs dans la MILDT.

Alors que la consommation de cannabis augmente dans notre pays, les campagnes de prévention ne me paraissent pas être à la hauteur du problème. En effet, la consommation de ce stupéfiant est en recrudescence continue et devient de plus en plus précoce : à dix-huit ans, plus de 50 % des adolescents en ont fait l'expérience ; parmi eux, 24 % des garçons et 9 % des filles en font un usage régulier.

De plus, selon une nouvelle étude scientifique, de nombreux conducteurs impliqués dans un accident avaient consommé ce stupéfiant dans les heures précédant l'accident. Ainsi, près de 40 % des jeunes morts au volant avaient fumé du cannabis.

En ce qui concerne l'alcool, vous me permettrez, monsieur le ministre, de revenir sur l'adoption par le Parlement d'une disposition modifiant la composition du Conseil de modération et de prévention.

Les experts de santé publique dénoncent la modification apportée par l'article 21 A du projet de loi d'orientation agricole à la composition du Conseil de modération et de prévention, créé pourtant par décret en octobre 2005.

Cette modification donne une place importante aux professionnels des filières viticoles et prévoit leur consultation systématique à propos de tout projet de communication ou de tout texte normatif relevant de la compétence du Conseil.

Afin que la mise en oeuvre de la politique de prévention ne soit pas freinée, il est nécessaire, monsieur le ministre, que vous fassiez rétablir la configuration initiale de ce conseil. En effet, il n'est pas acceptable que des initiatives concernant la santé soient prises à l'occasion de l'élaboration de textes n'ayant a priori aucun lien avec la santé publique, échappant ainsi à votre contrôle.

M. Xavier Bertrand, ministre. La mesure a été votée à l'unanimité par l'Assemblée !

M. Roger Madec. L'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, a accusé l'industrie de l'alcool de mettre en péril la jeunesse en faisant l'apologie de la boisson dans la publicité, envenimant ainsi un problème tragique de santé publique. À l'occasion de l'ouverture d'une conférence ministérielle de trois jours sur les jeunes et l'alcool, la directrice générale de l'OMS avait déclaré : « La jeunesse constitue la cible privilégiée du marketing de l'industrie de l'alcool ».

Enfin, je terminerai mon propos par la lutte contre l'épidémie du sida.

Décrété grande cause nationale pour l'année 2005, le combat contre le sida avait moins besoin de symboles que de véritables moyens financiers pour être efficace.

Face à la recrudescence de l'épidémie depuis quelques années et à l'accroissement des pratiques à risque, il était urgent d'agir. L'année 2005 aurait pu être l'occasion d'une grande mobilisation nationale, d'un engagement fort de l'État et d'une prise de conscience de la gravité de la situation.

Malheureusement, un an après - je ne cherche pas à être polémique -, le bilan du Gouvernement est négatif en termes de résultat. D'après les statistiques de l'Institut de veille sanitaire, de plus en plus de Français vivent avec cette maladie. Ce sont 7 000 personnes qui ont découvert leur séropositivité en 2004, soit 15 % d'augmentation par rapport à 2003. La transmission du sida augmente chez les homosexuels, les migrants et les femmes. Enfin, le taux de rapports non protégés augmente depuis 2003 et a doublé depuis 1997.

Le Conseil national du sida, le CNS, rendait mercredi 23 novembre un rapport, cinglant pour le Gouvernement, qui souligne que l'engagement de l'État en faveur de la prévention de l'infection est insuffisant et que les réponses apportées paraissent faibles au regard des enjeux.

En effet, alors que tous les indicateurs montrent depuis plusieurs années que les contaminations et les rapports non protégés sont en augmentation et trahissent une nette recrudescence de la maladie, aucune campagne de prévention de grande ampleur n'a été mise en place. Rien n'a été entrepris pour faciliter l'accès à la prévention - préservatifs masculin et féminin, dépistage - ; rien n'a été proposé en matière d'éducation et de prévention en milieu scolaire ; rien n'a été fait contre les discriminations en matière d'emploi, dans le travail et dans le logement.

Le CNS critique « les politiques gouvernementales qui empêchent le bon déroulement d'actions de prévention réputées efficaces » et fustige « les politiques du ministère de l'intérieur à l'égard des prostitué(e)s des usagers de drogue et des migrants, qui éloignent ces personnes des associations de prévention et augmentent leurs risques d'exposition ».

Face à la résurgence de l'épidémie, il est urgent de rompre avec l'inertie des politiques de prévention et d'éducation à la sexualité.

Pour cela, nous considérons que des campagnes de prévention de très grande envergure pour tout public, mais aussi des campagnes plus ciblées - jeunes, couples, homosexuels, femmes, migrants - doivent être mises en place.

Tels sont les éléments que je souhaitais aborder à l'occasion de l'examen des crédits de la mission « Santé » pour 2006. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, la politique de santé publique constitue l'une des missions essentielles de l'État tel que nous le concevons aujourd'hui.

Nous sommes particulièrement attentifs au respect de l'exigence d'accès à des soins de qualité pour tous, notamment pour les plus vulnérables.

Par ailleurs, cette mission nous commande également d'associer tous les acteurs à la mise en oeuvre d'une politique résolument volontariste et tournée vers l'avenir.

Ces défis expliquent que les moyens consacrés à la santé publique augmentent en 2006 - comme cela a été rappelé tout à l'heure - avec une mission « Santé » dotée de 400 millions d'euros, soit une progression de 10 % par rapport à 2005.

Je veux indiquer à M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, que mon ministère a eu à coeur de répondre au mieux aux questions posées par les parlementaires. Certes, le taux de réponse était de 45 % à la mi-octobre, comme vous l'avez souligné, mais j'ai donné comme consigne expresse à l'ensemble des services du ministère et à l'ensemble des collaborateurs de mon cabinet de fournir un effort supplémentaire, ce qui les a conduits à travailler bien au-delà des 35 heures réglementaires ! Ce taux de réponse s'établissait donc à 85 % au 15 novembre, sachant que 914 questions ont été posées, contre 530 questions l'année précédente, monsieur le rapporteur spécial.

Vous savez que j'ai toujours eu à coeur de répondre au mieux aux questions des parlementaires. J'ai tenu cette année à apporter le plus de réponses possible et des réponses qui soient les plus précises. La masse de travail que cela requiert ne permet pas au ministère, hélas ! d'atteindre le taux de réponse de 100 % comme je le souhaiterais. Cependant, les auditions en commission auxquelles vous n'avez pas manqué de procéder nous ont permis de vous offrir la vision la plus large et la plus exhaustive possible sur ces questions.

Je veux vous donner quelques précisions sur l'évolution des différents programmes. Chaque fois que le montant dévolu à un programme ou à une action est en diminution pour les crédits de l'État, c'est la conséquence, soit d'une nouvelle répartition entre l'État et l'assurance maladie, soit de la mise en oeuvre de mesures de décentralisation.

Ces crédits sont en fait toujours maintenus, ou même augmentés. Chaque fois que nous procédons à ces réattributions, c'est en vue d'atteindre l'objectif d'une plus grande rationalité, d'une meilleure gestion et d'une qualité accrue.

Je veux également rappeler les raisons qui nous ont conduits à rassembler les moyens en fonctionnement et en personnel au sein d'une seule mission, la mission « Solidarité et intégration ».

Certains, comme MM Jégou et Milon, s'interrogent sur ce choix. Je comprends que l'idée d'une séparation des dépenses selon les missions, voire selon les programmes, puisse apparaître satisfaisante sur le papier. Mais notre administration risquerait d'être rigidifiée par un éclatement entre trois missions, voire entre onze programmes.

Sur près de 15 000 agents de l'administration sanitaire et sociale, seuls 2 000 exercent leurs fonctions au sein de l'administration centrale. Les services déconcentrés sont en effet très polyvalents, ce qui constitue d'ailleurs un atout indéniable. Il nous était donc difficile de répartir les effectifs en missions. Notre choix n'empêche pas d'être fidèle à l'esprit de responsabilisation et d'information de la LOLF.

Le programme finançant les actions en faveur de la santé publique et de la prévention mobilise 260 millions d'euros. La progression de plus de 23 % de ces crédits s'explique d'abord par la volonté de tout mettre en oeuvre pour assurer le succès total de nos grands plans de santé publique, au premier rang desquels le plan Cancer. C'est ensuite la conséquence d'une exigence d'efficacité, mais aussi d'équité territoriale, qui conduit à la recentralisation de certaines compétences, notamment en vertu de la loi du 19 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.

Je suis très attaché à l'équité territoriale et à l'égalité d'accès aux soins. Comme les sénateurs, je suis aussi un élu local. Dans ma région, la Picardie, je vois bien que l'égalité d'accès aux soins n'est pas une valeur théorique. Mais il nous faut également prendre en compte les différences de mortalité et de morbidité qui existent sur notre territoire. Cet impératif s'impose bien évidemment à tous. Je tenais à apporter ces éléments de réponse à M. Fischer.

Monsieur Jégou, je veux répondre à votre souhait de connaître les départements qui n'ont pas souhaité la recentralisation des compétences et qui ont donc passé une convention avec l'État. En fait, quarante-six départements ont recentralisé leurs compétences en matière de lutte contre la tuberculose, vingt-trois pour les maladies sexuellement transmissibles, sujet évoqué Mme Payet, cinquante-quatre pour le cancer, quatre-vingt-cinq pour la lèpre et quarante-deux pour les vaccinations. Je tiens bien sûr le détail à la disposition de tous ceux qui souhaiteraient le connaître.

Le plan de lutte contre le cancer bénéficie d'un quart des crédits consacrés à la mission. Au total, les moyens dévolus par l'État à cette priorité voulue par le Président de la République progressent de 32 % en 2006.

Vous avez également évoqué la situation de l'Institut national du cancer. Je lui ai confié la coordination des actions de dépistage. Aujourd'hui, nous lui apportons les moyens de réaliser cette politique. La prévention joue en effet un rôle primordial en matière de lutte contre le cancer.

Je sais que vous vous interrogez sur les rapports exacts qu'entretiennent l'INCA et l'INPES. La coordination entre ces deux institutions n'a pas encore été formalisée, mais elle existe déjà, et elle est de grande qualité. J'y ai veillé en prenant mes fonctions, et je continue à m'en occuper régulièrement.

Cette coordination se fonde sur un partage simple : si l'INCA est leader sur les sujets de prévention touchant principalement aux cancers, vous avez pu le lire encore récemment dans la presse, l'INPES s'occupe de toutes les autres actions, même si celles-ci évoquent en incidente la lutte contre le cancer. Je pense, par exemple, aux campagnes de lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme.

Je profite de cette occasion pour dire très clairement que ces campagnes de prévention ne seront pas mises sous tutelle. Celles-ci incombent à l'INPES sous la seule responsabilité du ministère de la santé.

M. Jean-Pierre Godefroy et Mme Anne-Marie Payet. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. Qu'il puisse y avoir des campagnes d'information à un moment donné, soit ! Mais il n'y aura pas de coécriture du scénario. Je tiens d'autant plus à le dire que j'ai entendu des reproches de la part de MM. Madec et Godefroy. Ils devraient plutôt les adresser aux députés du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, qui n'ont pas manqué de voter l'amendement qu'ils réprouvent.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous sommes d'accord : nos collègues ont eu tort, comme les autres !

M. Roger Madec. Absolument !

M. Xavier Bertrand, ministre. Les acquiescements qui sont les vôtres montrent que je ne me suis pas trompé en la matière.

J'ai veillé personnellement, lors de l'élaboration du budget, à ne pas pénaliser la mise en place des différents plans figurant dans la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique. Il faut en effet aujourd'hui les faire vivre en les appliquant sur le terrain. Les crédits supplémentaires consacrés notamment à la lutte contre le cancer ne proviennent pas des autres plans, dont certains voient d'ailleurs leur dotation augmenter en 2006.

Monsieur Jégou, l'effort public concernant la prévention et le traitement du sida, des hépatites et des autres maladies infectieuses, ainsi que la prévention des conduites à risques, est maintenu à hauteur de 70 millions d'euros répartis entre l'assurance maladie et le budget de l'État. M. Othily s'en est d'ailleurs félicité. Du reste, ces crédits sont intégralement reconduits depuis 2002. Ainsi, le financement des associations est rigoureusement identique et nous recherchons également à renforcer la cohérence des dispositifs actuels. C'est notamment le cas pour les CAARUD, les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues, dont le financement, soit 14,9 millions d'euros, revient désormais à l'assurance maladie.

Vous avez appelé mon attention sur ces CAARUD. Il est normal que ces centres adossés aux établissements médicosociaux soient financés par l'assurance maladie dans la mesure où ils constituent l'un des volets de l'offre de ces établissements. Il s'agit donc avant tout une mesure de rationalisation et de simplification de la gestion.

Je pense répondre à vos interrogations, monsieur Madec, en soulignant que, dans ces conditions, et dans l'intérêt de tous ceux qui fréquentent ces centres, il était légitime de procéder à cet aménagement. Il en est de même pour la recentralisation de la prévention et du dépistage.

Les décrets ont désormais passé l'étape du Conseil d'État et, dans le cadre du processus interministériel, ils sont prêts à être signés. Ils pourront donc bientôt entrer en vigueur. Je suis heureux d'avoir pu vous apporter cette information.

Sur un sujet aussi sensible que celui du sida, il est nécessaire d'éviter toute polémique. Les chiffres révélés la semaine dernière par l'Institut de veille sanitaire sont inquiétants. Mais cela ne veut pas dire qu'il y a une fatalité. Il faut tout simplement avoir le courage de dire que le sida continue à progresser et qu'il tue toujours. Pourtant, nous pouvons agir en repensant, par exemple, un certain nombre de politiques de prévention.

Vous avez dit que l'année 2005 n'avait pas été à la hauteur des espérances. Avez-vous interrogé les associations ? Elles nous disent qu'il faut lutter contre la banalisation et la lassitude. En effet, de nombreux militants associatifs, plus de vingt ans après la découverte du sida et depuis une dernière décennie qui a vu notamment apparaître les trithérapies, ont parfois tendance à baisser les bras.

Or, en cette année 2005, toutes ces associations se sont rassemblées - elles reconnaissent elles-mêmes que ce n'était pourtant pas gagné d'avance - et ont davantage voulu travailler avec les pouvoirs publics, le Gouvernement comme les élus locaux. Tout cela constitue une force qui permettra certainement d'être plus efficace encore en 2006.

Concernant la prévention, le Président de la République a souhaité que, sans tabou, nous installions dans tous les lycées des distributeurs de préservatifs accessibles à tous. Ce sera l'occasion de rappeler aux jeunes, comme à d'autres, que la protection permet d'éviter la contamination par le sida. Nous avons déjà pu le constater pour les toxicomanes, ces politiques volontaristes produisent des effets en matière de réduction des risques.

Cela étant, il faut tordre le cou à certaines idées reçues, surtout lorsque l'on sait que 38 % des personnes interrogées estiment que l'on peut être contaminé en donnant son sang, 20 % en étant piqué par un moustique, 15 % en allant aux toilettes publiques ou 8 % en buvant dans le verre d'une personne atteinte du sida. En lisant ce type d'étude, on s'aperçoit qu'il reste encore beaucoup de chemin à faire !

Comme le souligne M. Othily, il faut également lutter contre les discriminations. Il ne doit pas y avoir de différence dans la lutte contre le sida selon l'endroit où l'on se trouve. Les départements français d'Amérique ont donc besoin d'actions de prévention encore plus ciblées, surtout lorsque l'on entend dire, et je vous cite, monsieur le sénateur, qu'être séropositif en Guyane, c'est la mort sociale. Malheureusement, ce qui est vrai en Guyane l'est tout autant dans d'autres départements.

Ce matin, j'ai tenu à me rendre moi-même devant le comité de suivi de la convention Belorgey pour y représenter le ministère de la santé. Cette convention, qui existe depuis 2001, avait pour objectif de mettre un terme aux discriminations d'accès aux crédits et à l'assurance. Force est de reconnaître que, quatre ans après, l'esprit de cette convention n'est pas respecté.

Le Président de la République et le Premier ministre m'ont chargé de mettre un terme à cette situation scandaleuse. En effet, si vous êtes locataire, que vous rencontrez la maladie, que vous la combattez et que vous la surmontez, vous ne pourrez jamais devenir propriétaire dans notre pays, même si vous avez des revenus suffisants. C'est un véritable scandale !

J'ai donc demandé à M. Belorgey, le président de ce comité de suivi, de me remettre des propositions avant la fin du mois de décembre. Soit nous sommes capables de mettre un terme à ces discriminations dans le cadre conventionnel, soit le Gouvernement sera amené à proposer au Parlement de changer la règle afin que cessent enfin ces discriminations.

D'autres sujets de santé publique sont tout aussi importants. Je pense ainsi au plan Nutrition et santé et à la lutte contre l'obésité, dont les crédits, en hausse, atteignent 5,3 millions d'euros. Ne doutez donc pas de la détermination du Gouvernement en la matière.

Cela étant, il faudrait sortir de la logique d'affrontement entre les partisans de la santé publique et ceux qui ont longtemps été considérés comme ses adversaires, alors qu'il n'y a pas lieu de les opposer de façon factice.

Le décret sur les messages publicitaires est en cours de finalisation. Quant à l'arrêté portant sur le SAF, le syndrome d'alcoolisme foetal, il a été transmis à la Communauté européenne. Philippe Douste-Blazy s'y était engagé et j'ai bien évidemment continué ce travail.

Nous parlions de l'obésité. À cet égard, j'aimerais dire un mot des alicaments. Ces différents produits sont pris en charge par une seule mutuelle. Cela étant, il ne doit pas y avoir confusion des genres : un alicament n'est pas un médicament. Je préfère donc que les mutuelles complémentaires se consacrent à de véritables actes de prévention - d'ailleurs, la réforme de l'assurance maladie le prévoit - comme ceux qui sont préconisés par la Haute Autorité de santé. Ainsi, dans la lutte contre l'obésité, leur rôle est indispensable.

Je voudrais aussi souligner votre intérêt, monsieur Milon, pour le plan Maladies rares. Au moment où nous parlons, se tient, comme chaque année maintenant, un grand rendez-vous, qui nous permet de faire notamment reculer les maladies rares.

Je veux aussi vous rappeler l'importance des fonds que nous consacrons à la recherche sur les maladies rares. À cet égard, je viens de désigner trente-trois nouveaux centres de références pour la recherche et les traitements des maladies rares, portant leur nombre à soixante-sept.

La prévention est aussi un élément central du programme de lutte contre les drogues et les toxicomanies. Le 25 juillet 2004, le Premier ministre a validé le plan quinquennal contre les drogues et les toxicomanies. En 2006, 38 millions d'euros seront attribués à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT. Toutefois, messieurs les rapporteurs, celle-ci n'a pas la responsabilité de la mise en oeuvre du volet sanitaire du plan, ce qui explique que les crédits de lutte contre les drogues soient aujourd'hui - et je dis bien aujourd'hui - répartis entre deux programmes. Ce choix traduit une logique de simplification et d'efficacité. J'aurai l'occasion de revenir sur ce point plus en détail lors de l'examen des amendements.

Le Gouvernement est particulièrement attaché à la pérennité des sources de financement de la MILDT. Ses crédits bénéficient de l'augmentation du rendement du fonds de concours rattaché à la mission, ce qui a apporté 1,2 million d'euros supplémentaires en 2005. La réforme budgétaire rend caduc ce fonds de concours, comme vous l'avez souligné, monsieur Milon. Je tiens à vous dire d'ores et déjà qu'un dispositif financier de substitution est à l'étude. Je veillerai personnellement à ce que ce dispositif soit piloté par la MILDT, que ce soit pour la répartition des ressources ou pour le choix des actions.

La MILDT s'appuie sur plusieurs organismes, comme la ligne téléphonique Drogues alcool tabac info service. Messieurs les rapporteurs, je crois à la complémentarité de ces différentes institutions, qui nous permettent de couvrir tout le champ de la lutte contre les drogues et les toxicomanies.

Le programme « Offre de soins » témoigne pour sa part de l'importance de la politique hospitalière de l'État, et de celle que nous accordons au pilotage et donc à l'efficacité des actions que nous entreprenons. Afin d'améliorer encore la qualité de l'offre de soins, qui est déjà d'un bon niveau, la dotation s'élèvera à 70 millions d'euros. Comme vous le savez, monsieur Godefroy, l'orientation de notre système de santé vers la qualité des soins et la sécurité des patients est l'un des axes majeurs de la réforme de l'assurance maladie.

Il faut savoir que 32 millions d'euros permettront le financement du fonctionnement des acteurs qui interviennent dans le champ hospitalier, comme les agences régionales de l'hospitalisation ou la Haute Autorité de santé.

Je voudrais aussi profiter de cette occasion pour parler de l'accessibilité de l'offre de soins, car le sujet a été évoqué par M. Fischer et par d'autres intervenants.

Oui, il nous faut une meilleure répartition sur le territoire national. Oui, il nous faut une démographie médicale adaptée aux défis de santé que nous aurons à relever. Je vous propose de soutenir le plan de démographie médicale que je présenterai avant la fin de l'année pour bien montrer qu'il n'y a aucune fatalité à voir se créer des déserts médicaux et qu'il y a des initiatives à la fois ambitieuses et pragmatiques à mettre en avant.

Certains amendements ont été votés à l'unanimité, notamment à l'Assemblée nationale, et je m'en réjouis, mais il y a aujourd'hui une opportunité à saisir pour faire reculer ces déserts médicaux qui se forment aujourd'hui sur notre territoire et qui risquent de se développer si nous ne faisons rien.

Je suis, comme M. Pierre André, élu d'une région, la Picardie, qui compte le plus bas taux de médecins généralistes de notre pays, ce qui montre bien qu'aucune région n'est épargnée. Ce constat montre bien que le problème existe en métropole comme dans l'ensemble des départements et territoires d'outre-mer.

Monsieur le rapporteur pour avis, le fonds de la CMU, qui poursuit l'objectif d'universalité énoncé par les fondateurs de la sécurité sociale, verra sa stabilité financière confortée par la dotation d'équilibre. Quant à la CMU-C, une mesure d'aide financière qui a déjà profité à plus de 250 000 personnes, son champ a été étendu par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

J'aborderai enfin deux thèmes transversaux de santé publique : la recherche et la spécificité des mesures de santé publique à destination des Français de l'outre-mer et des Français de l'étranger.

La recherche en santé publique est fondamentale, dans la mesure où la recherche d'aujourd'hui, ce sont les thérapies de demain. Nous souhaitons renforcer les échanges, au sein des CHU, entre soins, enseignement et recherche, avec notamment un développement de la recherche clinique sous la houlette de l'INSERM.

Je voudrais revenir sur la question des années recherche à destination des internes les mieux classés. Ce sont environ deux cents internes qui peuvent bénéficier de cette mesure, monsieur le rapporteur, mais tous n'utilisent pas aujourd'hui cette possibilité.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'accès aux soins dans les collectivités d'outre-mer et à l'étranger, il est aujourd'hui important que nous soyons toutes et tous attentifs à ce que les subventions accordées dans le cadre des contrats de développement soient réellement consacrées à la modernisation des établissements de santé. Cela répond à notre impératif d'égalité de traitement des patients sur notre territoire, et je veux redire à M. Othily combien nous sommes conscients de la situation guyanaise.

À cet égard, la circulaire budgétaire du 18 octobre 2005 vise à couvrir les créances irrécouvrables des hôpitaux de Cayenne et de Saint-Laurent-du-Maroni.

Concernant le déficit de professionnels de santé constaté, nous avons pris un arrêté qui définit la quasi-totalité de la Guyane comme zone déficitaire et la rend donc éligible aux aides à l'installation pour les médecins qui choisissent d'y exercer, sans parler des facilités qui sont accordées à ceux qui y exercent déjà.

En outre, en Guyane, depuis 2005, le préfet peut désormais autoriser l'exercice médical à des praticiens étrangers ; nous sommes particulièrement vigilants quant aux conditions d'application de cette mesure. Je sais que c'est aussi l'un de vos souhaits.

Quant à M. Cantegrit, il a choisi cette discussion pour aborder la question de la Caisse des Français de l'étranger. Nous connaissons les réussites de la Caisse, vous les aviez rappelées et je l'avais souligné lors de l'examen de la réforme de l'assurance maladie en 2004, monsieur le sénateur. La santé et la sécurité de nos concitoyens à l'étranger sont primordiales à mes yeux et l'accès à la protection sociale en est un préalable. Je sais combien vous êtes attachés aux financements de la CFE, notamment à leur pérennisation.

Je tiens également à dire que l'égalité de traitement entre les Français qui résident sur le territoire national et ceux qui sont à l'étranger est pour moi une priorité.

Je viens de passer trois jours en Asie pour travailler sur le problème de la grippe aviaire. J'y suis allé pour rencontrer les autorités locales, mais aussi et peut-être surtout pour porter un message très clair à nos concitoyens expatriés, pour leur dire qu, s'ils pensent souvent à la France, la France pense également à eux. Elle leur assurera l'information, mais aussi la protection à laquelle ils ont droit, car ils résident ou travaillent dans des pays qui sont aujourd'hui en première ligne face à la grippe aviaire.

Des masques et des médicaments antiviraux sont déjà à la disposition des postes diplomatiques dans ces pays, et j'ai eu l'occasion de rencontrer ce matin l'ensemble des médecins correspondants de nos postes diplomatiques, afin de leur confirmer les propos que je tiens ce soir à la tribune du Sénat.

Monsieur Othily, mon ministère a à coeur de se saisir de toutes vos préoccupations concernant les risques d'exposition alimentaire au mercure.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne pourrions afficher de telles ambitions en matière de santé publique, qui engagent l'ensemble de la société, sans la participation et le soutien de la représentation nationale. Je vous remercie de votre patience, de votre écoute et surtout de votre soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Santé
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 52 et état B (interruption de la discussion)

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Santé » figurant à l'état B.

ÉTAT B

Autorisations d'engagement : 407 854 985 euros ;

Crédits de paiement : 397 975 632 euros.

M. le président. L'amendement n° II-91, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Santé publique et prévention

1.180.141

1.180.141

Offre de soins et qualité du système de soins

Drogue et toxicomanie

TOTAL

1.180.141

1.180.141

SOLDE

+ 1.180.141

+ 1.180.141

La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Cet amendement prévoit de majorer les ouvertures de crédits sur le programme « Santé publique et prévention » à hauteur de 1 180 141 euros. Dans l'attente d'une connaissance précise du niveau des crédits faisant l'objet d'une recentralisation, une provision de 42 millions d'euros a d'ores et déjà été inscrite au programme « Santé publique et prévention ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pas examiné cet amendement.

Dans mon rapport, je m'étais interrogé sur le montant de 41,7 millions d'euros inscrit au titre de la recentralisation des compétences de la prévention sanitaire. Or une mission confiée à trois inspections générales aboutit à la conclusion que, si tous les départements décidaient de ne plus mener d'action à ce titre, le coût de la recentralisation complète de ces compétences serait de 137,8 millions d'euros.

J'ai souhaité tout à l'heure savoir quels départements avaient choisi de signer ces conventions avec l'État. Monsieur le ministre, vous m'avez apporté des précisions et donné les moyens d'en savoir encore plus, ce dont je vous remercie.

La commission émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-91.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-18, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Santé publique et prévention

105.000

100.000

Offre de soins et qualité du système de soins

105.000

100.000

Drogue et toxicomanie

TOTAL

105.000

105.000

100.000

100.000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Le présent amendement a pour objet de se conformer à la règle de la justification au premier euro.

Monsieur le ministre, tous les membres de la Haute Assemblée, et pas seulement les membres de la commission des finances, souhaiteraient que nous ayons une discussion budgétaire plus « lolfienne ».

On peut, en effet, se vanter d'avoir un budget en augmentation de 10 %, mais ce qui nous intéresse aussi, c'est de mesurer son efficacité. Tout au long des prochaines discussions, vous nous entendrez sur ce thème, non pas que nous voulions vous être désagréables, car vous êtes particulièrement attentif à l'écoute du Parlement en matière de LOLF, mais nous sommes pour la première fois confrontés à ce débat et nous souhaitons donc poursuivre dans ce domaine.

La justification au premier euro est présentée dans le « bleu » pour l'action n° 3 « Pathologies à forte morbidité/ mortalité » du programme « Santé publique et prévention ».

La justification des crédits fait apparaître une différence de 105 000 euros en autorisations d'engagement et de 100 000 euros en crédits de paiement par rapport aux demandes formulées.

En conséquence, je vous propose de réduire du même montant les crédits du programme « Santé publique et prévention » au titre de cette action n° 3 et de transférer ces crédits vers l'action n° 3 « Soutien » du programme « Offre de soins et qualité du système de soins », afin de renforcer les outils de pilotage des agences régionales de l'hospitalisation, dont vous avez vanté l'efficacité tout à l'heure, et qui se verront ainsi mieux dotées encore.

Cet amendement est également l'occasion d'attirer l'attention du ministère de la santé sur la nécessité de justifier avec attention les crédits demandés. La justification au premier euro présentée pour le programme « Santé publique et prévention » est notoirement insuffisante, et tout particulièrement pour ce qui constitue le coeur des dépenses du programme, à savoir les plans et programmes de santé publique visant des pathologies particulières.

En effet, les auditions auxquelles j'ai procédé ont montré les incertitudes entourant l'efficacité de certains de ces crédits, voire plus simplement la destination de ceux-ci. Si je comprends que la justification au premier euro puisse constituer une véritable révolution dans la manière de construire le budget, une telle situation ne saurait se reproduire.

Monsieur le ministre, j'y insiste, nous ne voulons pas vous mettre dans l'embarras, il s'agit simplement de pouvoir évoluer dans notre discussion qui était un peu convenue jusqu'à présent et que la LOLF nous permet d'approfondir.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le rapporteur, le document budgétaire qui vous a été présenté comportait une erreur technique, vous étiez donc tout à fait fondé à vous demander si cette justification au premier euro était suffisante. Il ne s'agissait que de cela et de rien de plus.

En revanche, si votre amendement était adopté, il remettrait en cause, notamment la participation au financement de la convention entre l'État et la ville de Marseille pour la partie relative à la lutte contre le sida et la toxicomanie. Par conséquent, nous aurions de véritables difficultés pour que l'État puisse honorer ses engagements sur une politique qui est particulièrement importante, à savoir la prévention en matière de sida et de toxicomanie.

J'ai reconnu que le document budgétaire qui avait été présenté comportait une anomalie. Bien évidemment, cela ne remet pas en cause la justification au premier euro, je vous demande donc de retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-18 est-il maintenu ?

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, je n'ai pas envie de nuire à la lutte contre le sida à Marseille, c'est bien évident. Reste que l'on peut douter que tout le dispositif soit remis en question pour 100 000 euros.

M. Xavier Bertrand, ministre. J'ai reconnu l'erreur !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Je vais retirer l'amendement, car nous avons d'autres questions à aborder, et de plus graves encore, mais je souhaite que nous ayons l'occasion d'y revenir, parce que tout cela ne me paraît pas très sérieux.

M. le président. L'amendement n° II-18 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° II-17 est présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° II-10 est présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Santé publique et prévention

18.061.178  

18.061.178  

Offre de soins et qualité du système de soins

Drogue et toxicomanie

18.061.178  

18.061.178  

TOTAL

18.061.178  

18.061.178  

18.061.178  

18.061.178  

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour défendre l'amendement n° II-17.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Le présent amendement vise à transférer 18 061 178 euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement du programme « Santé publique et prévention », au titre de l'action n° 2 « Déterminants de santé », vers le programme « Drogue et toxicomanie », au titre de l'action n° 1 « Coordination interministérielle des volets préventif, sanitaire et répressif ».

En effet, monsieur le ministre, ces 18 millions d'euros correspondent à la mise en oeuvre de la partie sanitaire du plan gouvernemental de lutte contre les drogues illicites, le tabac et l'alcool pour la période 2004-2008 et à d'autres actions visant notamment à subventionner des réseaux de soutien ou des structures d'accueil pour toxicomanes.

Cela n'apparaît pas cohérent avec l'existence, au sein de la mission « Santé », d'un programme spécifiquement dédié à la lutte contre les drogues et les toxicomanies. Ce choix a clairement été guidé par une logique de frontières administratives, le programme « Santé publique et prévention » étant placé sous la responsabilité du directeur général de la santé, tandis que le programme « Drogue et toxicomanie » est placé sous celle du président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, qui nous a lui-même indiqué qu'il était directement placé « sous Matignon », pour reprendre sa propre expression.

Aussi, sans méconnaître les spécificités liées à la vocation interministérielle de la MILDT, je vous propose de transférer ces 18 millions d'euros vers le programme « Drogue et toxicomanie ».

Monsieur le ministre, tout à l'heure vous avez évoqué votre volonté de simplification. Le transfert de ces crédits permettrait de clarifier l'architecture de la mission « Santé », de conférer une véritable portée à l'autorisation parlementaire en la matière et de traiter le programme « Drogue et toxicomanie » dans une même unité.

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-10.

M. Alain Milon, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales a présenté un amendement identique à celui de la commission des finances sans que M. Jégou et moi-même nous soyons concertés. Cela témoigne de l'importance que les deux commissions lui accordent.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements et il demande aux deux rapporteurs de bien vouloir les retirer, bien qu'ils aient été adoptés en commission.

Je comprends votre souhait, messieurs les rapporteurs. Si j'avais le temps de procéder aux modifications nécessaires, le Gouvernement serait prêt à réserver un avis favorable à ces amendements. Je suis même disposé, si vous le souhaitez, à m'engager sur ce point pour le prochain examen budgétaire.

Mais aujourd'hui, messieurs les rapporteurs, une telle décision est impossible. Je ne sais pas si vous avez sollicité la MILDT afin de savoir si vos propositions pourraient être applicables dès cette année. Car la MILDT est bel et bien l'opérateur du programme auquel vous voulez rattacher ces crédits.

J'ignore donc si vous avez consulté la MILDT, mais, en revanche, je sais que la MILDT n'est pas demandeur. Le décret du 15 septembre 1999, relatif au comité interministériel de lutte contre la drogue et les toxicomanies, précise que la MILDT « anime et coordonne les actions des ministères compétents en matière de lutte contre la drogue et la toxicomanie, en particulier dans les domaines de l'observation et de la prévention, de l'accueil, des soins, de la formation des personnes ».

Or le transfert que vous souhaitez voir entrer en vigueur au 1er janvier 2006 risque, je le dis en toute sincérité et en toute clarté, de remettre en cause le financement d'un certain nombre d'actions d'information et d'éducation, qui portent à la fois sur la nutrition, les activités physiques, l'alcool, le tabac, les traumatismes par accidents et les violences, notamment la violence routière. Mais, surtout, c'est par les crédits de cette action que le ministère de la santé, par l'intermédiaire de la Direction générale de la santé, la DGS, peut intervenir auprès de certaines associations, par exemple la Croix d'Or, la Croix Bleue et le mouvement Vie Libre.

L'adoption de ces amendements n'irait pas sans risque parce que vous changeriez le programme attributaire sans savoir si la MILDT est en mesure d'assurer sans rupture le versement à ces associations des subventions dont elle aurait désormais la charge.

Si vous le souhaitez, je suis prêt à engager une réflexion avec la MILDT qui, aujourd'hui, je le répète, n'est pas demandeur, afin d'adapter ses modes de fonctionnement aux nouvelles responsabilités que vous voulez lui confier. Vos amendements pourraient alors être adoptés lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2007. Il m'est tout à fait possible d'exaucer votre demande si telle est votre volonté. En revanche, adopter aujourd'hui ces amendements reviendrait à prendre un risque.

Je comprends, je le répète, votre souci de lisibilité et je veux bien y souscrire. Mais je vais être très clair et faire preuve de transparence : pour des raisons qui tiennent au bon fonctionnement du dispositif et pour des considérations d'ordre pratique, il n'est pas possible de mettre en place les dispositions que vous préconisez dès le 1er janvier sans faire courir aux associations concernées un risque quant à la continuité de leur financement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, nous éprouvons l'un pour l'autre, je le crois, une certaine sympathie. Mais la vérité m'oblige à vous dire que là, vous n'êtes pas sérieux !

M. Xavier Bertrand, ministre. Oh que si !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Vous voulez nous faire croire, ce matin, à deux heures, que des problèmes internes à votre administration sont en fait des impossibilités techniques. Monsieur le ministre, je vais à mon tour être très clair : il s'agit d'un problème lié à l'organisation interne de votre ministère. C'est la DGS qui refuse, ce n'est pas vous. Or le Parlement n'a pas à tenir compte de ces considérations.

M. Xavier Bertrand, ministre. Je vous dis ce qui va se passer.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Vous nous avez donné lecture d'un décret. Mais nous sommes au Parlement, nous nous intéressons à la loi et non pas au règlement. Les décrets ne nous concernent pas !

Je considère, en toute sincérité, que vous mésestimez les capacités de la MILDT. Voilà un instant, vous m'avez fait le coup du sida à Marseille pour justifier votre demande de retrait de l'amendement n° II-18. Cette fois-ci, vous pouvez me faire le coup de la Croix Bleue, mais cela ne marchera pas ! Monsieur le ministre, il n'est pas compliqué de doter des associations pour des missions que l'on connaît.

Monsieur le ministre, je ne veux pas être désagréable, mais ne prenez pas les parlementaires pour des petits garçons ! (M. le ministre s'exclame.)

Ces amendements correspondent à une volonté commune de la commission des finances et de la commission des affaires sociales.

La commission des finances, et je parle sous le contrôle de M Arthuis, souhaite la plus grande transparence. Nous considérons qu'il est préférable que ces quelque 18 millions d'euros figurent sur un programme unique plutôt que d'être répartis sur plusieurs programmes.

M. Xavier Bertrand, ministre. Le 2 décembre pour le 1er janvier ?

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Accélérez les procédures. (M. le ministre sourit.)

Vous souriez, monsieur le ministre, mais il n'est pas rare que le Gouvernement annonce en urgence des mesures dont la mise en place est autrement plus compliquée que le fait d'assurer le versement de subventions à des associations dont les actions sont connues de la France entière.

Je ne sais pas ce que fera M. Milon, mais, pour ma part, je maintiens l'amendement n° II-17.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-10 est-il également maintenu ?

M. Alain Milon, rapporteur pour avis. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, nous sommes animés par une seule idée : vous aider. Nous souhaitons que la LOLF soit autre chose qu'une couche de peinture que l'on étale sur un édifice dont la structure ne change pas. Nous voulons vous aider pour exercer une pression sur les inerties qui parfois caractérisent certaines administrations centrales.

Le Parlement est dans l'exercice de ses prérogatives. En fait, nous vous adressons une invite forte, car nous souhaitons que la logique de performance l'emporte sur la logique de moyens.

Je ne doute pas que, l'année prochaine, vous nous direz que vous avez un bon budget, non parce qu'il augmente de 10 %, mais parce que vous vous êtes donné les instruments dont vous aviez besoin pour réorganiser vos services et pour aller vers une efficacité accrue.

Pour l'heure, je ne vois pas ce qui pourrait vous empêcher de verser des fonds à la Croix d'Or, à la Croix Bleue et à d'autres associations !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n'est pas moi qui les verse !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les crédits qui correspondent à ces subventions sont transférés non pas à MILDT, mais sur le programme « Drogue et toxicomanie » que le Gouvernement a créé. C'est une question de lisibilité.

Si d'aventure une difficulté insurmontable surgissait, il serait toujours temps d'aviser dans deux semaines, à l'occasion de la réunion de la commission mixte paritaire.

Mais ce soir, il me semble que le Sénat est dans son rôle en exprimant sa détermination à améliorer la lisibilité des actions que vous menez, monsieur le ministre. Vous agissez avec beaucoup de conviction et de détermination, nous le savons et nous vous faisons confiance. Mais, sur ce point particulier, nous souhaitons vous adresser un signal.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne sais pas s'il est d'usage d'interroger les rapporteurs, mais pourriez-vous me dire, messieurs, si vous avez consulté les responsables de la MILDT.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Oui !

M. Xavier Bertrand, ministre. Puis-je vous demander ce qu'ils vous ont répondu ?

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Ils n'ont pas précisé quelles étaient les capacités de la MILDT.

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est dommage !

Monsieur le président de la commission des finances, le responsable de ce programme, c'est la MILDT, et personne d'autre : un responsable, un programme.

Le principe qui s'applique au moment de cette discussion, c'est tout simplement le principe de réalité.

Mme Isabelle Debré. Pourquoi ne pas résoudre cette question en commission mixte paritaire ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, j'ai cru déceler une contradiction dans vos propos. Mais peut-être est-ce l'heure ...

Vous avez reconnu que j'étais attentif aux souhaits du Parlement, puis vous avez déclaré, peut-être dans un moment d'emportement, qu'il ne fallait pas que je considère les parlementaires comme des petits garçons.

Monsieur le rapporteur spécial, je passe assez de temps au Parlement et je porte suffisamment d'intérêt à l'ensemble des parlementaires, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, pour considérer que votre observation ne me concerne pas directement.

J'ai été membre de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Puis, au nom du Gouvernement, j'ai présenté, devant les députés et devant les sénateurs, le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale.

Je puis vous assurer que, pour avoir la même logique s'agissant des finances de la sécurité sociale, d'une part, et des finances de l'État, d'autre part, il nous a fallu aller vers la lisibilité et vers la performance. C'est ce que je n'ai cessé de faire, et au Parlement et dans mon action ministérielle. Tout cela pour dire que, ce que vous souhaitez, je le souhaite également.

Mais il est aussi dans mes prérogatives et dans mes responsabilités de vous dire clairement que cette mesure, prise aujourd'hui, le 2 décembre...

M. Guy Fischer. Le 3 décembre !

M. Xavier Bertrand, ministre. Oui, vous avez raison, monsieur Fischer, et je vous remercie de votre souci d'exactitude. Cette mesure, donc prise le 3 décembre 2005, ne nous permettra pas de tenir nos engagements au 1er janvier 2006.

Il ne suffit pas de dire que, lorsque l'on veut, on peut. La MILDT n'a pas à ce jour les prérogatives pour assurer l'exécution du programme que vous voulez lui confier.

J'ajoute que, si vous voulez aller au bout de votre logique, il vous faudrait présenter des amendements analogues s'agissant des douanes, de la gendarmerie ou de la police pour un certain nombre d'autres aspects.

Même si votre volonté rejoint la mienne sur ce sujet, je me dois de souligner que, pour des raisons d'ordre opérationnel et pratique, l'adoption de ces amendements risque de causer un vrai préjudice pour les associations que j'ai mentionnées, pour ne citer que celles-là.

Telles sont les précisions que je tenais à vous apporter. Maintenant, chacun est en face de ses responsabilités.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, il semble que nous ne nous comprenions pas. Il ne s'agit pas du programme de la MILDT.

M. Xavier Bertrand, ministre. Si !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. Non, il s'agit du programme « Drogue et toxicomanie ». Je suis désolé !

M. Xavier Bertrand, ministre. Mais qui en est le responsable ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Qu'est-ce qui empêche le président de la MILDT de recevoir la responsabilité d'un nouveau programme ? Il serait alors amené à exercer ses prérogatives de président de la MILDT, tout en ayant la charge de l'exécution des actions qui figurent au programme « Drogue et toxicomanie ».

Il ne s'agit que de cela, monsieur le ministre. Vous devez pouvoir trouver des dispositions opérationnelles.

M. Xavier Bertrand, ministre. Oui, mais pas en quinze jours. Il me faut un peu de temps !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La commission mixte paritaire se réunira dans moins de trois semaines.

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, vous ne semblez pas sûr de vous !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, si le Sénat adopte ces amendements, vous repartirez avec un message. Peut-être aurez-vous un moyen d'exercer une pression sur vos propres services pour que le processus s'accélère !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. J'ai beaucoup de respect pour la rigueur dont font preuve - c'était déjà le cas hier pour la mission « Enseignement scolaire » - nos collègues de la commission des finances, notamment M. Jégou. Mais j'aurais bien aimé qu'ils fassent preuve d'autant de rigueur ...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela ne va pas recommencer !

M. Jean-Pierre Godefroy. ... concernant l'amendement relatif à la fiscalisation des indemnités de réparation servies aux victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, en consultant au moins les membres de la commission des affaires sociales du Sénat. Ce qui vaut dans un sens vaut dans l'autre, d'autant que nous avions peut-être un avis à donner qui aurait pu vous intéresser, voire vous éclairer, chers collègues ! Mais nous avons été mis devant le fait accompli !

On nous a refusé une seconde délibération. Mais le Gouvernement, même après la commission mixte paritaire, peut toujours déposer un amendement, en l'occurrence pour revenir sur une disposition qui nous a été imposée par M. Jégou sans que la commission des affaires sociales ait été consultée !

Hier déjà, donc, nous avons connu une situation identique lors de l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». En effet, s'agissant des postes occupés par des enseignants qui n'exercent pas leur fonction, M. le ministre de l'éducation nationale nous a fait part de la grande difficulté dans laquelle vous alliez le mettre, car l'adoption de l'amendement concerné revendrait à lui « couper les jambes » ; ce sont les termes qu'il a employés.

Ce qui me surprend, monsieur le rapporteur spécial, c'est l'intégrisme dont vous faites preuve pour la première année d'exécution de la LOLF !

M. le ministre vient de vous dire - c'est quand même assez paradoxal que ce soit un membre de l'opposition qui prenne parti pour le ministre ! - qu'en adoptant ces amendements identiques vous prenez le risque de remettre en cause le financement de certaines associations, et non des moindres : quand il s'agit d'une association comme la Croix d'Or, je pense que la rigueur budgétaire peut attendre un an, et cela d'autant plus que M. le ministre a pris un engagement !

Cet après-midi, concernant les exonérations fiscales accordées aux restaurateurs, alors que ces derniers n'ont pas tenu compte des exigences du Gouvernement, j'aurais bien aimé, monsieur le président de la commission des finances, que vous affichiez la même volonté, face à la commission des affaires économiques, pour que la disposition figurant à l'article 91 ne soit pas reconduite ! Je constate que les comportements sont différents selon les cas !

C'est la raison pour laquelle nous soutiendrons la position de M. le ministre de la santé en votant contre ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, nous aurons la même attitude que celle de notre collègue Jean-Pierre Godefroy.

Aujourd'hui, nous avons eu la preuve que le président de la commission des finances n'avait pas tout à fait la même rigueur selon les sujets traités !

En effet, lors du débat de cet après-midi sur l'aide apportée aux restaurateurs, un chèque en blanc leur a été à nouveau délivré. Or, ce soir, on veut priver un certain nombre d'associations de crédits qui sont pourtant vitaux pour elles !

De plus, alors que nous souhaitons vraiment que la commission des affaires sociales aborde des problèmes importants, nous n'avons pas été consultés sur les indemnités de réparation servies aux victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, ce qui, si vous me permettez l'expression, nous reste en travers de la gorge !

C'est vraiment la preuve qu'il y a deux poids et deux mesures dans les décisions qui sont prises ! Par conséquent, nous voterons contre les amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Pierre André, pour explication de vote.

M. Pierre André. La rigueur budgétaire ne doit pas masquer la réalité.

Nous examinons dans l'urgence des problèmes importants. De plus, le ministre a pris l'engagement très précis de revenir sur cette question l'année prochaine, ce qui donne le temps d'y travailler sérieusement. Alors, je vous en prie !

Pour ma part, au nom de tous ceux qui pourraient avoir à souffrir du vote de vos amendements, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, je soutiendrai le Gouvernement et je voterai contre.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-17 et II-10.

(Les amendements sont adoptés.)

M. Jean-Pierre Godefroy. À un cheveu près !

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Santé », ainsi modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Santé ».

Art. 52 et état B (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Discussion générale

3

retrait de l'ordre du jour de questions orales

M. le président. J'informe le Sénat que la question orale n° 860 de Mme Catherine Procaccia est retirée de l'ordre du jour de la séance du 20 décembre 2005 à la demande de son auteur.

J'informe le Sénat que la question orale n° 853 de Mme Françoise Henneron est inscrite à l'ordre du jour de la séance du 20 décembre 2005

Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

4

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux parcs nationaux et aux parcs naturels marins.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 114, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

5

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Pierre Masseret un rapport d'information fait au nom des délégués élus par le Sénat à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur les travaux de la Délégation française à cette Assemblée, au cours de la quatrième partie de la session ordinaire de 2005, adressé à M. le président du Sénat en application de l'article 108 du règlement.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 113 et distribué.

6

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, samedi 3 décembre 2005, à onze heures trente et le soir :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 98 et 99, 2005-2006) (M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation).

Deuxième partie. - Moyens des politiques publiques et dispositions spéciales :

- Conseil et contrôle de l'État (+ article 75 ter) :

M. Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 6) ;

M. Simon Sutour, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 104, tome III).

- Pouvoirs publics :

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 19) ;

M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 104, tome III).

- Direction de l'action du Gouvernement (+ article 79) :

M. Michel Moreigne, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 10) ;

M. François Marc, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 10) ;

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale (avis n° 104, tome II).

- Budget annexe des Journaux officiels (+ article 94) :

M. Bernard Vera, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 35).

- Développement et régulation économiques (+ articles 76, 76 bis, 76 ter, 77, 78 et 78 bis) :

M. Eric Doligé, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 9) ;

M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 101, tome II) ;

M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 101, tome II) ;

M. Roland Courteau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 101, tome II).

- Engagements financiers de l'État,

- Compte d'affectation spéciale : Gestion du patrimoine mobilier de l'État,

- Compte d'affectation spéciale : Participations financières de l'État :

M. Paul Girod, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 12).

M. Michel Bécot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 101, tome XII).

- Budget annexe des Monnaies et médailles :

M. Bertrand Auban, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 36).

- Gestion et contrôle des finances publiques,

- Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés,

- Compte de concours financiers : Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics :

M. Bernard Angels, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 14).

- Provisions :

M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 20).

- Régimes sociaux et de retraite,

- Compte d'affectation spéciale : Pensions :

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 22) ;

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 103, tome III) ;

M. Bernard Piras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 101, tome VII).

- Remboursement et dégrèvements :

Mme Marie-France Beaufils, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 24).

- Stratégie économique et pilotage des finances publiques :

M. Marc Massion, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 31) ;

Mme Michelle Demessine, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 101, tome IX).

- Ecologie et développement durable (+ articles 79 bis et 79 ter) :

Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial (rapport n° 99, annexe n° 11) ;

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n° 100, tome IV) ;

M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan (avis n° 101, tome III).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque mission

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans les discussions précédant l'examen des crédits de chaque mission est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à onze heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux crédits des missions pour le projet de loi de finances pour 2006

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux divers crédits des missions et articles rattachés du projet de loi de finances pour 2006 est fixé à la veille du jour prévu pour la discussion, à onze heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits des missions du projet de loi de finances pour 2006

Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la deuxième partie, non joints à l'examen des crédits des missions du projet de loi de finances pour 2006 est fixé au vendredi 9 décembre, à onze heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le samedi 3 décembre 2005, à deux heures vingt.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD