Article 80
Après le sixième alinéa du IV de l'article L. 323-8-6-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant des dépenses consacrées à la rémunération des assistants d'éducation affectés à des missions d'aide à l'accueil, à l'intégration et à l'accompagnement des élèves ou étudiants handicapés au sein des écoles, des établissements scolaires et des établissements d'enseignement supérieur est déduit du montant de la contribution exigible. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour aborder l'examen de cet article, je vous propose de nous remémorer les termes de l'article 36 de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapée. Celui-ci dispose, entre autres :
« Il est créé un fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, géré par un établissement public placé sous la tutelle de l'État. Ce fonds est réparti en trois sections dénommées ainsi qu'il suit :
« 1° Section "Fonction publique de l'État" ;
« 2° Section "Fonction publique territoriale" ;
« 3° Section "Fonction publique hospitalière". »
Il spécifie un peu plus loin :
« Les crédits de la section "Fonction publique de l'État" doivent exclusivement servir à financer des actions réalisées à l'initiative des employeurs mentionnés à l'article 2 du titre II du statut général des fonctionnaires et de l'exploitant public La Poste. »
S'agissant de la contribution de l'État en qualité d'employeur, il est précisé dans ce même article : « Elle est calculée en fonction du nombre d'unités manquantes constatées au 1er janvier de l'année écoulée. Le nombre d'unités manquantes correspond à la différence entre le nombre total de personnes rémunérées par l'employeur auquel est appliquée la proportion de 6 %, arrondi à l'unité inférieure, et celui des bénéficiaires de l'obligation d'emploi prévue à l'article L. 323-2 qui sont effectivement rémunérés par l'employeur. »
Nous sommes donc, avec cet article 80, dans la plus parfaite contradiction entre les intentions affichées au début de l'année dans cette loi sur le handicap et leur concrétisation.
En effet, ce soir, on nous invite à valider une disposition tendant ni plus ni moins à faire prendre l'embauche de personnes en qualité d'auxiliaires de vie scolaire pour un soutien à l'emploi des personnes handicapées.
Quant aux arguments invoqués, permettez-moi de dire qu'ils ne sont pas à l'honneur de notre Assemblée : on procéderait ainsi au motif que les personnes handicapées n'auraient pas la qualification nécessaire pour exercer un emploi dans la fonction publique enseignante ! Je trouve cette explication pour le moins déplacée.
Dans le cadre de la décentralisation, il a été décidé de transférer les personnels ATOSS dans la fonction publique territoriale et l'on feint de découvrir qu'il n'y aurait plus d'emplois correspondant au niveau de qualification des personnes handicapées !
On imposerait en quelque sorte une double peine aux personnes handicapées en leur faisant comprendre que le principal employeur de la fonction publique d'État - l'éducation nationale rémunérant plus de 50 % des fonctionnaires d'État - ne sera pas autorisé à favoriser leur insertion professionnelle. Et ce sont concrètement l'équivalent de 75 000 emplois à plein temps qui ne seront pas proposés aux personnes handicapées, si tant est qu'il n'en manque pas aujourd'hui une partie...
L'opération que l'on nous demande de valider a donc pour conséquence de liquider purement et simplement la participation du ministère de l'éducation nationale au fonds d'insertion.
Ainsi donc, 125 millions d'euros annuels seraient utilisés à rémunérer, entre autres, les auxiliaires de vie scolaire, dont la présence est au demeurant parfaitement indispensable auprès des enfants handicapés, en vue de faciliter leur insertion dans l'univers scolaire.
Sur les cinq années de montée en charge du fonds d'insertion, l'éducation nationale aurait dû, sans l'article 80, employer 540 millions d'euros au financement du fonds, sans embauche constatée de personnel handicapé.
Avec l'article 80, l'éducation nationale bénéficiera d'une exonération complète de sa participation dans les trois années à venir, et d'une large réduction les deux années suivantes. Ce sont au total au moins 466 millions d'euros qu'il nous est proposé « d'économiser » par le biais de l'article 80.
Au bout du compte, on aura asséché le fonds d'insertion de la moitié de ses ressources, contraignant de fait des personnes handicapées à rechercher d'autres moyens de subsistance que celui découlant d'une embauche effective dans la fonction publique. L'économie réalisée ici se répercutera en moins-values de recettes fiscales et en versements complémentaires d'allocations aux adultes handicapés, et on aura ouvert une petite niche de réduction du déficit public aux dépens de ceux de nos compatriotes les plus vulnérables.
Cet article 80 est pour le moins détestable, tant dans son principe que dans son application : je ne peux que vous inviter à le supprimer !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° II-41 est présenté par M. Godefroy, Mmes Printz, Le Texier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° II-50 est présenté par MM. P. Blanc, About, Gournac, Vasselle, Lardeux et F. Giraud, Mmes Procaccia, Rozier, B. Dupont, Hermange, Payet et Létard.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° II-41.
M. Jean-Pierre Godefroy. La présentation de ces deux amendements aurait pu être inversée, puisqu'en commission des affaires sociales nous avions unanimement approuvé les protestations que notre collègue Paul Blanc avait formulées à l'encontre de cet article 80, en présentant son rapport.
Je voudrais rappeler, monsieur le ministre, que l'une des priorités de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est justement le développement de l'emploi des personnes handicapées.
La réforme du dispositif de l'obligation d'emploi qui s'applique aux employeurs publics les assujettit, pour la première fois en 2006 - c'est la raison pour laquelle nous devons être exemplaires -, à une contribution au nouveau fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique s'ils ne respectent pas cette obligation d'emploi.
Je rappelle que, selon le dernier rapport de l'Observatoire de l'emploi public, le taux de d'emploi dans la fonction publique d'État était de 4,2 % en 2003, hors éducation nationale. Dans ce ministère, malgré les difficultés de comptabilisation, il atteindrait à peine 3 %.
Le présent amendement vise à supprimer l'article 80 du projet de loi de finances qui autorise l'éducation nationale à déduire de sa contribution au fonds « Fonction publique » les sommes qu'elle consacre au financement des auxiliaires de vie scolaire, au motif que ces auxiliaires contribuent à l'insertion professionnelle future des élèves handicapés en leur permettant de suivre une formation en milieu ordinaire.
Nous ne pouvons pas accepter cet argument, monsieur le ministre, qui aurait pour conséquence d'exonérer purement et simplement ce ministère de toute contribution jusqu'en 2008-2009 et, au-delà, de réduire très considérablement son effort financier.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 11 février 2005, codifié à l'article L. 112-1 du code de l'éducation, le principe général de la scolarisation des enfants et des adolescents handicapés prévoit qu'ils sont désormais inscrits et accueillis dans l'établissement scolaire ordinaire le plus proche de leur domicile, la scolarisation au sein d'un établissement social ou médicosocial en raison de leur état de santé devenant alors l'exception.
Cette question a fait l'objet d'un long débat au Sénat, au cours duquel une même volonté s'était exprimée sur l'ensemble des travées de cet hémicycle.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il en découle l'obligation, pour l'éducation nationale, de mettre en place les moyens financiers et humains nécessaires à la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire, dans la limite des domaines qui relèvent de sa compétence. C'est donc la mission du ministère de l'éducation nationale que de recruter des auxiliaires de vie scolaire pour accueillir les élèves handicapés, et cela ne peut être considéré comme un effort ou une dépense permettant de réduire sa contribution.
Selon le « bleu », les auxiliaires de vie scolaire, chargés de l'aide à l'accueil et à l'intégration de ces élèves handicapés, sont 5 800 pour accueillir 106 000 enfants et adolescents dans le premier et le second degré, soit un auxiliaire pour dix-huit élèves...
Leur rôle est essentiel, mais ils ne sont pas, eux-mêmes, handicapés : leur recrutement ne contribue donc pas directement à l'amélioration du taux d'emploi des personnes handicapées, objectif que nous avions assigné à la loi précitée du 11 février 2005.
Dans l'exposé des motifs de l'article 80 figurent des propos assez surprenants : « Un dispositif comparable existe dans le secteur privé ; il permet de déduire des contributions des employeurs certaines dépenses destinées à favoriser l'insertion des personnes handicapées. »
Je suppose que l'on fait référence à l'une des quatre possibilités de s'acquitter de ces obligations. En effet, à l'article 27 de la loi du 11 février 2005, il est indiqué que l'entreprise aura désormais la possibilité de déduire directement du montant de la contribution les dépenses qu'elle a engagées pour favoriser l'insertion des personnes handicapées. Seulement, ces dépenses doivent être précisées par un décret, qui, à ma connaissance, n'est pas encore paru.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je crains fort que l'éducation nationale ne montre le mauvais exemple et qu'une telle disposition, si nous la retenions, ne fasse jurisprudence.
Aussi, sans négliger l'effort réalisé en faveur du recrutement des auxiliaires de vie scolaire, il y a lieu de supprimer cet article ou, pour le moins, de le mettre en concordance avec les décrets d'application. Car le risque est grand d'aller à l'encontre des objectifs que la loi du 11 février 2005 s'était fixés, en particulier en matière d'emploi des personnes handicapées. À moins qu'il ne nous faille admettre qu'il s'agit, une fois encore, de faire des économies budgétaires, en l'espèce sur le dos des personnes handicapées, et que nous allons être dans l'impossibilité d'appliquer la loi que le Parlement avait votée. Je vous le dis, monsieur le ministre, il ne serait pas raisonnable de persister dans cette voie !
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour présenter l'amendement n° II-50.
M. Paul Blanc. Je trouve assez cocasse que ceux qui n'ont pas voté la loi du 11 février 2005 nous donnent à présent des leçons ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Yannick Bodin. À charge de revanche !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous avons voté cette disposition !
M. Paul Blanc. Lorsque j'ai été élu à la Haute Assemblée, en 1992, il était déjà question de réformer la loi de 1975. Or vous êtes restés cinq ans au gouvernement et vous n'avez rien fait : c'est l'actuelle majorité qui a dû mener à bien cette réforme avec la loi du 11 février 2005 ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mes chers collègues, je ne vous ai pas coupé la parole !
M. Serge Lagauche. Mais vous êtes hors sujet et il est tard !
M. Paul Blanc. Cela dit, monsieur le ministre, nous avons été choqués par cet article 80. Il est effectivement anormal que l'esprit même de la loi ne soit pas respecté : il appartient à l'ensemble de la fonction publique de se conformer au vote du Parlement.
Quant à l'application des décrets, il convient de rendre hommage à l'éducation nationale qui, depuis deux ans, a engagé un effort considérable en faveur de l'intégration des enfants handicapés. Je rappelle que, en deux ans, le nombre d'enfants intégrés à la vie scolaire a augmenté de 30 % dans le primaire et de 70 % dans le secondaire. Cette action doit être saluée.
Pour l'ensemble de ces raisons, monsieur le ministre, je vous demanderai à mon tour de bien vouloir supprimer cet article 80. Mais peut-être avez-vous de bons arguments à nous faire valoir, auquel cas j'aurais d'autres propositions à vous faire.
M. le président. L'amendement n° II-82 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 98 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le montant des dépenses consacrés à la rémunération des personnels affectés à des missions d'aide à l'accueil, à l'intégration et à l'accompagnement des élèves ou étudiants handicapés au sein des écoles, des établissements scolaires et des établissements d'enseignement supérieur est déduit du montant des contributions mentionnés à l'article 36.
« Le montant des dépenses visées à l'alinéa précédent ne peut pas dépasser 80 % de la contribution exigible après application du premier alinéa du premier article en 2006 et 70% en 2007. Au-delà, le plafonnement de ces dépenses sera réexaminé annuellement. »
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Le fonds d'insertion des personnes handicapées a vocation, d'une part, à inciter les employeurs publics à mener une politique active de recrutement de personnes handicapées et, d'autre part, à financer des mesures contribuant à l'amélioration de l'accueil et de l'accompagnement des salariés handicapés.
Le ministère de l'éducation nationale se trouve dans une situation particulière, ainsi que vous l'avez souligné : l'effort qu'il conduit en faveur de l'intégration scolaire des élèves handicapés est indubitablement la meilleure garantie d'insertion professionnelle pour ces élèves.
Cet effort représente près de 900 millions d'euros en 2006, qui comprennent les postes spécialisés d'enseignants, les heures supplémentaires dégagées pour que des enseignants travaillent dans les unités pédagogiques d'intégration, les UPI, ou au domicile des élèves, les auxiliaires de vie scolaire - dont j'ai parlé tout à l'heure - et les divers équipements pédagogiques adaptés.
Je vais vous donner une illustration de ce que j'avance : il faudrait aujourd'hui doubler le nombre de personnes handicapées au sein du ministère de l'éducation nationale, ce qui représenterait 30 000 personnes handicapées à recruter. À l'heure actuelle, elles sont à peine plus de 500 à se présenter aux concours d'enseignant pour cinquante à soixante qui sont reçues.
C'est donc bien en conduisant une action en amont de l'insertion professionnelle que nous parviendrons à faire en sorte qu'un plus grand nombre de personnes handicapées bénéficient d'une scolarité comparable à celle des personnes valides et accèdent à l'enseignement supérieur.
C'est pourquoi il est apparu au Gouvernement que le ministère de l'éducation nationale ne pouvait être traité de la même façon que les autres employeurs publics et que son action, fondamentale en faveur du handicap, devait être encouragée.
Le Gouvernement vous propose donc une nouvelle rédaction de l'article 80 du projet de loi de finances pour 2006. Celle qui avait été votée par l'Assemblée nationale prévoyait que les dépenses consacrées à la rémunération des auxiliaires de vie scolaire soient déduites du montant théorique de la contribution de mon ministère au fonds d'insertion des personnes handicapées.
Nous avons entendu les réactions des associations représentant les personnes handicapées et de certains parlementaires qui, tout en ayant conscience du rôle particulier de mon ministère, estiment qu'une telle dérogation ne peut être pérenne et que le plus gros employeur public doit contribuer au fonds d'insertion.
Aussi, je ne peux accepter vos amendements en l'état, ce qui se ferait immanquablement au préjudice de l'action en faveur de l'insertion sociale et professionnelle de tous les jeunes handicapés. Un amendement gouvernemental a été déposé qui réduit donc de 80 % pour 2006 et de 70 % pour 2007 le niveau de la contribution du ministère de l'éducation nationale.
J'ajoute que je m'engage à ce que mon ministère s'attache à remplir ses obligations d'employeur en matière de recrutement de personnes handicapées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission des finances est évidemment très désireuse que la loi de février 2005 soit appliquée. Elle a été sensible, en particulier, à l'intervention de M. Paul Blanc.
Nous sommes, d'une part, attentifs aux problèmes spécifiques de l'éducation nationale et, d'autre part, au fait que peu de personnes handicapées se présentent aux concours, pour des raisons complexes que nous connaissons ou que nous découvrons les uns et les autres.
Par ailleurs, l'éducation nationale fait un effort significatif pour l'accueil des enfants handicapés, ce qui n'est pas la question posée, j'en conviens volontiers. Pour autant, reconnaissons-le, la formation, et notamment la formation professionnelle des jeunes souffrant d'un handicap, est une contribution utile à leurs perspectives d'embauche et de développement de carrière.
En conséquence, la commission, tout en comprenant la réaction de ceux qui ont porté la loi de 2005, considère que la proposition du Gouvernement est raisonnable, car elle permet de préparer progressivement une meilleure insertion des handicapés dans le secteur de l'emploi de l'éducation nationale et qu'elle n'est pas simplement un effort de l'éducation nationale pour les handicapés.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc. J'ai bien entendu les arguments de M. le ministre. Je ferai tout de même deux remarques.
Premièrement, j'ai constaté que M. le ministre était bien conscient que la situation ne devait pas devenir pérenne et qu'elle devait être tout à fait transitoire.
Deuxièmement, j'ai noté que, aux termes de l'amendement présenté par M. le ministre, il n'est question que de l'éducation nationale. J'estime que si l'on fait un effort pour l'éducation nationale, il n'y a aucune raison pour qu'on n'en fasse pas également un pour les collectivités locales, qui connaissent exactement la même situation.
C'est la raison pour laquelle je rectifierai mon amendement pour proposer une nouvelle rédaction de cet article 80, qui ira dans le même sens que l'amendement du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. J'entends bien les propositions qui sont faites. Découvrant notamment celle de mon collègue Paul Blanc, je me dis que ce que je supposais tout à l'heure ne manquera pas d'arriver !
En effet, on commence par une dérogation pour l'éducation nationale - les arguments de M. le ministre, pour partie, sont recevables dans la mesure où l'on ne peut imaginer recruter massivement des personnes en situation de handicap ; je l'entends parfaitement, je ne suis pas déraisonnable - et on opère aussitôt un glissement vers les collectivités territoriales, puis vers d'autres. Dès lors, ce que nous avons mis pas mal de temps à bâtir sera quelque peu réduit.
Je rappellerai, par ailleurs, à mon collègue Paul Blanc, qui nous a interpellés parce que nous n'avions pas voté la loi du 11 février 2005, que nous avions des raisons de le faire. Je ne reviendrai pas sur tout cela ce soir, mais je tiens à évoquer le montant de l'AAH, qui n'était tout de même pas une mince affaire !
Pour ce qui concerne la pénalisation des entreprises, permettez-moi de souligner, mon cher collègue, que la contribution à l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH, avait été fixée à 600 fois le SMIC horaire et que, sur ma proposition, elle a été portée à 1 500 fois le SMIC horaire pour une entreprise qui ne remplirait pas ses obligations au bout de trois ans.
Établissant à l'époque un parallèle avec la défense nationale, j'avais expliqué que j'étais pour la dissuasion progressive. Cet amendement a été adopté et fait maintenant partie de la loi. Nous étions donc en parfait accord sur ce point, monsieur Blanc.
Cependant, au vu de l'amendement présenté par le Gouvernement, je m'interroge. Quand vous dites, monsieur le ministre, que la dépense ne pourra pas dépasser 80 % de la contribution exigible entre 2006 et 2007 et 70 % après, je n'ai pas le sentiment que vous fassiez un gros effort par rapport à l'amendement initial. J'ai l'impression qu'il s'agit plutôt d'une réécriture ; en effet, j'avais bien compris qu'après 2008 on arriverait, grosso modo, à 70 % d'exonération.
En l'état actuel - les décrets n'étant pas pris pour le secteur privé, comme on l'a dit, et au vu de la dérive qu'un tel article pourrait induire en incitant certaines personnes à s'engouffrer dans la brèche -, je maintiens l'amendement de suppression que j'ai présenté.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Notre collègue M. Blanc a eu l'impression que je m'exprimais ici pour donner des leçons. Ce n'était pas du tout mon intention.
Effectivement, nous n'avons pas voté la loi de février 2005. Cependant, M. Godefroy l'a rappelé avant moi, nous avions de fortes raisons pour cela. Il me semble que la colère des personnes handicapées, à la suite de l'adoption de ce texte, nous a un quelque peu renforcé dans cette idée.
En revanche, l'un des points forts de cette loi était bien la création du fonds d'insertion des personnes handicapées, qui permet d'abonder les actions en leur faveur. Or, quelques mois après son adoption, les seules dispositions contraignantes qui permettaient d'obtenir des avancées significatives pour les salariés handicapés sont réduites à néant ; c'est toujours l'astuce utilisée dès que ça gène un peu ! Je soutiendrai donc l'amendement de M. Godefroy.
Quant à l'amendement de M. le ministre, je trouve que l'effort consenti est bien insuffisant au regard des enjeux portés par cet article.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Je souhaite rectifier mon amendement de suppression en le remplaçant par la rédaction suivante :
« En 2006, à titre exceptionnel, les employeurs mentionnés à l'article L. 323-2 du code du travail peuvent déduire de leur contribution au fonds mentionné à l'article L. 323-8-6-1 du même code, en vue de s'acquitter partiellement de l'obligation d'emploi prévue à l'article L. 323-1 du même code, les dépenses qu'ils consentent en faveur de l'insertion des personnes handicapées en milieu ordinaire. La nature des dépenses susmentionnées ainsi que les conditions dans lesquelles celles-ci peuvent être déduites du montant de la contribution sont définies par décret. »
À défaut de supprimer purement et simplement l'article 80, il convient au moins d'en limiter la portée pour l'année 2006. Cela laisserait un délai supplémentaire aux employeurs publics pour amorcer les efforts d'embauche nécessaires à la mise à niveau de leur taux d'emploi. Tel est le premier objet de cet amendement n° II-50 rectifié.
Il est ensuite inconcevable que cette déduction permette à l'éducation nationale de s'exonérer entièrement de sa contribution. Le mécanisme pour le secteur privé prévoit, d'ailleurs, uniquement la déduction de la contribution et non son annulation. Tel est le second objet de cet amendement.
Enfin, il n'y a aucune raison que l'éducation nationale, seule, bénéficie d'un tel régime de faveur lui permettant de déduire certaines dépenses de sa contribution.
Cet amendement vise donc à étendre un tel mécanisme à l'ensemble des employeurs publics. La nature des dépenses déductibles et le plafond de déduction seront fixés par décret. De ce fait, les collectivités territoriales et les collectivités locales pourront également bénéficier de cette disposition.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-50 rectifié, présenté par MM. P. Blanc, About, Gournac, Vasselle, Lardeux et F. Giraud, Mmes Procaccia, Rozier, B. Dupont, Hermange, Payet et Létard, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article:
En 2006, à titre exceptionnel, les employeurs mentionnés à l'article L. 323-2 du code du travail peuvent déduire de leur contribution au fonds mentionné à l'article L. 323-8-6-1 du même code, en vue de s'acquitter partiellement de l'obligation d'emploi prévue à l'article L. 323-1 du même code, les dépenses qu'ils consentent en faveur de l'insertion des personnes handicapées en milieu ordinaire. La nature des dépenses susmentionnées ainsi que les conditions dans lesquelles celles-ci peuvent être déduites du montant de la contribution sont définies par décret.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Il s'agit d'une option intéressante, mais le cas de l'éducation nationale reste tout de même très particulier et ne se confond pas nécessairement avec celui des collectivités locales, qui ont des possibilités d'emploi plus larges, d'autant que les personnels TOS - parmi lesquels se trouvent les pourcentages les plus élevés de personnes handicapées - sont maintenant gérés par les régions et les départements.
Je me trouve donc un peu gêné, car je comprends la démarche qui sous-tend l'amendement de M. Blanc. Dans ces conditions, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Évidemment, lorsqu'on écoute M. Blanc, on est vraiment pénétré de l'importance du sujet, de l'intérêt de la démarche, des efforts que nous avons tous à accomplir.
Dans le même temps, force est de constater qu'il est trois heures moins le quart. Certes, ce n'est pas une question de temps, mais peut-on vraiment aborder un sujet aussi complexe, aussi important, étendant un régime aux collectivités locales à partir de crédits du projet de loi de finances pour 2006 qui concernent l'éducation nationale ?
Pour ma part, il me semble que le sujet et les conséquences qui en découleraient méritent un examen plus approfondi. Il pourrait prendre la forme d'un débat en commission, si cela vous convient, monsieur le sénateur, ou d'une discussion avec les ministres chargés de ces dossiers. Cela me paraît un préalable nécessaire avant d'inclure une telle disposition dans un texte de loi.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. C'est très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. En tout état de cause, je souhaite simplement que vous votiez l'article 80 dans la nouvelle rédaction que je vous propose, et que nous remettions à plus tard, monsieur Blanc, ce débat, afin que nous puissions l'aborder de nouveau avec les ministres concernés et compétents.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote sur l'amendement n° II-50 rectifié.
M. Paul Blanc. Comme vient de le dire M. le ministre, il est près de trois heures du matin, et, je le reconnais, cette proposition mériterait un débat plus approfondi.
J'ai pris bonne note de son engagement. Je souhaiterais donc que M. Bas, M. de Robien et moi-même puissions nous rencontrer afin de trouver une solution.
Mon intention n'était pas que les collectivités locales puissent bénéficier à tout prix des mêmes possibilités que l'éducation nationale. J'étais juste animé d'un souci d'équité. Je ne voyais en effet pas pourquoi on ne pouvait pas faire pour la fonction publique territoriale ce que l'on faisait pour la fonction publique d'État.
Quoi qu'il en soit, monsieur le président, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° II-50 rectifié est retiré.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° II-82 rectifié.
M. Jean-Pierre Godefroy. Malgré l'heure tardive, voire matinale, je persiste.
À l'écoute de ce débat, on se rend compte que nous sommes en train de mettre le doigt dans un engrenage qui risque véritablement de tailler en pièces le dispositif très important de la loi du 11 février 2005 relatif à l'emploi des personnes handicapées.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne comprends pas, monsieur le ministre, pourquoi on fait une exception pour l'éducation nationale dans ce débat budgétaire, à moins qu'un amendement ne soit déposé la semaine prochaine, mais je ne l'ai pas entendu dire, lors de l'examen de la mission « Défense » - ministère dont les statistiques ne sont pas trop mauvaises, je le fais remarquer au passage - ou lors de l'examen d'autres missions.
Par ailleurs, M. le rapporteur spécial Gérard Longuet a vu juste : pourquoi n'inclurait-on pas les collectivités locales maintenant que la gestion des personnels ATOS leur a été transférée ? Nous n'étions déjà pas favorables à cette disposition, mais nous nous apercevons en plus que, à cette occasion, je le répète, la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées risque d'être taillée en pièces.
J'en reviens aux décrets d'application, qui nous avaient été promis pour la fin de l'année. M. le rapporteur spécial nous a indiqué qu'ils seraient plutôt publiés à la fin du premier trimestre de 2006.
C'est vrai que peu de décrets ont été pris. Même si je ne suis pas l'un de leur partisan acharné, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas, d'une part, confier leur rédaction au ministre de la fonction publique ou au ministre en charge des personnes handicapées - le cas échéant, il n'y a pas de raison que les représentants de la commission des affaires sociales du Sénat ou de l'Assemblée nationale n'y soient pas également associés -, et, d'autre part, les rendre applicables à tout le monde, y compris au secteur privé.
Je suggère que tous les ministères, y compris celui de l'éducation nationale, s'en remettent aux décrets que publiera M. Bas. Il n'y a pas de raison de faire d'exception.
M. le président. En conséquence, l'article 80 est ainsi rédigé.
Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».