Mme la présidente. Le Sénat a précédemment adopté l'article 4 quater dans cette rédaction :
I. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L'article L. 2335-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les logements locatifs sociaux bénéficiant d'une décision d'octroi de subvention ou de prêt aidé à compter du 1er janvier 2006, les pertes de recettes pour les communes résultant de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant quinze ou vingt ans prévue par les articles 1384 A et 1384 C du code général des impôts sont compensées intégralement par un prélèvement sur les recettes de l'État. Dans ce cas, la compensation versée à chaque commune est égale, chaque année, au montant de la perte de recettes. » ;
2° L'article L. 5214-23-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les logements locatifs sociaux bénéficiant d'une décision d'octroi de subvention ou de prêt aidé à compter du 1er janvier 2006, les pertes de recettes pour les communautés de communes résultant de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant quinze ou vingt ans prévue par les articles 1384 A et 1384 C du code général des impôts sont compensées intégralement par un prélèvement sur les recettes de l'État. Dans ce cas, la compensation versée à chaque communauté de communes est égale, chaque année, au montant de la perte de recettes. » ;
3° L'article L. 5215-35 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les logements locatifs sociaux bénéficiant d'une décision d'octroi de subvention ou de prêt aidé à compter du 1er janvier 2006, les pertes de recettes pour les communautés urbaines résultant de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant quinze ou vingt ans prévue par les articles 1384 A et 1384 C du code général des impôts sont compensées intégralement par un prélèvement sur les recettes de l'État. Dans ce cas, la compensation versée à chaque communauté urbaine est égale, chaque année, au montant de la perte de recettes. » ;
4° L'article L. 5216-8-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les logements locatifs sociaux bénéficiant d'une décision d'octroi de subvention ou de prêt aidé à compter du 1er janvier 2006, les pertes de recettes pour les communautés d'agglomération résultant de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant quinze ou vingt ans prévue par les articles 1384 A et 1384 C du code général des impôts sont compensées intégralement par un prélèvement sur les recettes de l'État. Dans ce cas, la compensation versée à chaque communauté d'agglomération est égale, chaque année, au montant de la perte de recettes. »
II. - La perte de recettes pour l'État résultant du I est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° A-1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l'article 4 quater :
I - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L'article L. 2335-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les logements locatifs sociaux bénéficiant d'une décision d'octroi de subvention ou de prêt aidé entre le 1er décembre 2005 et le 31 décembre 2009, à l'exception des logements construits au moyen de prêts visés à la sous-section 3 de la section 1 du chapitre unique du titre III du livre III du code de la construction et de l'habitation, les pertes de recettes pour les communes résultant de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant quinze ou vingt ans prévue par les articles 1384 A et 1384 C du code général des impôts sont compensées intégralement par un prélèvement sur les recettes de l'État. Dans ce cas, la compensation versée à chaque commune est égale, chaque année, au montant de la perte de recettes. ».
2° L'article L. 5214-23-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les logements locatifs sociaux bénéficiant d'une décision d'octroi de subvention ou de prêt aidé entre le 1er décembre 2005 et le 31 décembre 2009, à l'exception des logements construits au moyen de prêts visés à la sous-section 3 de la section 1 du chapitre unique du titre III du livre III du code de la construction et de l'habitation, les pertes de recettes pour les communautés de communes résultant de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant quinze ou vingt ans prévue par les articles 1384 A et 1384 C du code général des impôts sont compensées intégralement par un prélèvement sur les recettes de l'État. Dans ce cas, la compensation versée à chaque communauté de communes est égale, chaque année, au montant de la perte de recettes. »
3° L'article L. 5215-35 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les logements locatifs sociaux bénéficiant d'une décision d'octroi de subvention ou de prêt aidé entre le 1er décembre 2005 et le 31 décembre 2009, à l'exception des logements construits au moyen de prêts visés à la sous-section 3 de la section 1 du chapitre unique du titre III du livre III du code de la construction et de l'habitation, les pertes de recettes pour les communautés urbaines résultant de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant quinze ou vingt ans prévue par les articles 1384 A et 1384 C du code général des impôts sont compensées intégralement par un prélèvement sur les recettes de l'État. Dans ce cas, la compensation versée à chaque communauté urbaine est égale, chaque année, au montant de la perte de recettes. »
4° L'article L. 5216-8-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les logements locatifs sociaux bénéficiant d'une décision d'octroi de subvention ou de prêt aidé entre le 1er décembre 2005 et le 31 décembre 2009, à l'exception des logements construits au moyen de prêts visés à la sous-section 3 de la section 1 du chapitre unique du titre III du livre III du code de la construction et de l'habitation, les pertes de recettes pour les communautés d'agglomération résultant de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant quinze ou vingt ans prévue par les articles 1384 A et 1384 C du code général des impôts sont compensées intégralement par un prélèvement sur les recettes de l'État. Dans ce cas, la compensation versée à chaque communauté d'agglomération est égale, chaque année, au montant de la perte de recettes. ».
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement porte sur la compensation de l'exonération de TFPB.
Vous le savez, dans le cadre du plan de cohésion sociale, il a été prévu de porter la durée de cette exonération de quinze à vingt-cinq ans. Il a également été proposé que cette exonération, qui a pour vocation d'accélérer les procédures, soit intégralement compensée par l'État aux collectivités locales, ce qui n'était plus le cas depuis 1975. C'est une première avancée.
Le Sénat a souhaité aller plus loin dans son article 4 quater et a proposé que soient intégralement compensées par l'État les exonérations de TFPB de la première à la quinzième année sur les flux, c'est-à-dire sur les nouvelles opérations financées.
L'amendement que vous présente le Gouvernement a deux objets.
Premièrement, il importe de s'assurer que les collectivités locales et les organismes d'HLM se placent bien dans une perspective d'accélération du processus de rattrapage en matière de logement social il ne s'agit pas d'une mesure d'ordre général que l'on pourrait appliquer quand on voudrait dans les années à venir.
Le Gouvernement propose donc de porter la totalité de la compensation sur les cinq années du plan de cohésion sociale, et ce rétroactivement au 1er décembre 2005. Ce faisant, le Gouvernement espère que les uns et les autres arbitreront pour que le grand programme de rattrapage accéléré dans le logement social en France se réalise dans la période du plan de cohésion sociale.
Deuxièmement, nous avons la volonté de faire bénéficier essentiellement de cette exonération les opérations les plus difficiles à monter, c'est-à-dire qui sont réalisées au moyen des prêts locatifs aidés d'intégration, les PLAI, des prêts locatifs à usage social construction-démolition, les PLUS-CD, et des prêts locatifs à usage social, les PLUS. En revanche, s'agissant des prêts locatifs sociaux, les PLS, qui sont relativement bien consommés, il y aurait un effet d'aubaine majeur à procéder de même ; qu'ils vivent leur vie !
Donc, il importe de se concentrer sur la partie sociale du logement et sur la rapidité de la mise en oeuvre dans les cinq années du plan de cohésion sociale. Au terme du plan, nous verrons ce qu'il y a lieu de faire.
Il s'agit en définitive d'un amendement d'accélération, rétroactif au 1er décembre 2005, de sorte que les dossiers présentés à compter de cette date bénéficient de la mesure. L'exonération totale porte bien, finalement, sur vingt-cinq ans, intégralement sur les PLUS, les PLAI et les PLUS-CD dans cette période d'accélération.
Cette mesure va forcer, si j'ose dire, les uns et les autres à accélérer le processus de rattrapage du logement social. Elle est financièrement extrêmement lourde pour le budget de l'État. Si l'on y ajoute les dépenses décidées au titre du plan de cohésion sociale, dont la compensation de l'allongement de quinze à vingt-cinq ans de l'exonération de TFPB, nous atteignons des sommes tout à fait considérables, mais l'enjeu du logement social le mérite bien !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Madame la présidente, monsieur le ministre, compte tenu de l'heure avancée et du fait que nous siégeons un samedi soir, la commission des affaires économiques qui s'est réunie n'était pas composée comme à son habitude, ce qui explique sans doute que l'avis émis sur l'amendement déposé par le Gouvernement soit défavorable. Néanmoins, le rapporteur, à titre personnel, émettra, lui, un avis favorable, faisant siennes les raisons invoquées par le Gouvernement.
Nous nous accordons, sur toutes les travées, à reconnaître l'urgence de la construction de logements sociaux dans notre pays. Or limiter le bénéfice de la mesure aux logements construits avant le 31 décembre 2009 stimulera fortement les élus et les bailleurs sociaux à construire du logement social pendant cette période.
Par ailleurs, le dispositif a été concentré sur les logements sociaux destinés aux plus modestes bénéficiant des PLUS, des PLUS-CD et des PLAI. Quant aux PLS, auxquels 80 % de la population peuvent avoir accès, on sait les effets d'aubaine qu'ils ont suscités dans nombre de communes, car ils ont été maintes fois dénoncés au cours de la discussion. Les PLS ne seront donc pas aidés, et cela encouragera les élus à faire du logement PLUS et PLAI, ce que tout le monde souhaite.
Enfin, un effort considérable est réalisé par rapport au dispositif actuellement en vigueur dans lequel toutes les exonérations étaient non compensées pendant les deux premières années. Or, ici, le Gouvernement nous propose un système de compensation dès le premier jour. C'est dire que les élus seront encore plus disposés à réaliser des logements sociaux pendant ces cinq ans.
Compte tenu des objectifs que nous défendons tous dans ce projet de loi portant engagement national pour le logement, nous disons aux élus qu'il faut agir vite et fort, prioritairement en direction des populations les plus modestes. C'est pourquoi le rapporteur que je suis donnera un avis favorable à cette proposition !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Cet amendement du Gouvernement est de même inspiration que les amendements que nous avons déjà adoptés sur ce sujet, et qui sont très importants puisqu'ils concernent la compensation intégrale des exonérations de taxe sur le foncier bâti au profit des logements sociaux.
Il permet une incitation forte dans le temps, en limitant le dispositif à la durée du plan de cohésion sociale, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 2009.
Par ailleurs, il me semble que « flécher » le dispositif sur les logements PLAI et PLUS, c'est-à-dire concentrer les efforts de l'État sur les logements les plus sociaux, constitue une incitation forte pour les communes à s'engager dans ce sens.
Je veux rappeler que, pendant nos discussions, beaucoup de parlementaires, et sur toutes les travées, ont demandé que ces efforts soient concentrés précisément sur les logements les plus sociaux, ce qui a fait l'objet de larges débats.
M. Daniel Raoul. Nous n'avons pas été suivis !
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Ce soir, vous avez été suivis, puisque l'État accepte cette compensation pendant quinze ans.
M. Daniel Raoul. Oh !
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Je rappelle également que, grâce à cet effort considérable de l'État, la durée de l'exonération sera non pas de quinze ans, mais bien de vingt-cinq ans, puisque, en vertu du dispositif proposé, l'exonération prendra effet à compter de l'année zéro, et non pas seulement, comme nous l'avions d'ores et déjà voté, de la quinzième à la vingt-cinquième année.
C'est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Jean Desessard, Daniel Raoul, Jean-Pierre Caffet et moi-même, nous ne regrettons pas d'être restés jusqu'au terme de la discussion de ce projet de loi dont l'examen a commencé lundi matin et finira ce samedi soir.
Nous sommes tous les quatre membres de la commission des affaires économiques, et, si cette dernière a émis un avis défavorable sur cet amendement, c'est que nous y étions effectivement majoritaires ce soir !
M. Jean-Pierre Caffet. Cela peut arriver !
M. Thierry Repentin. Nous nous opposons de manière ferme et farouche à cet amendement, et ce pour plusieurs raisons.
Tout au long de ce débat, nous avons appelé de nos voeux des mesures en faveur du logement social. À aucun moment nous n'avons été entendus ! À aucun moment, mes chers collègues ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) La seule fois où nous avons pu l'emporter, c'est contre l'avis du Gouvernement, par trois cent vingt-neuf voix contre zéro !
M. Braye a un moment exprimé, de façon assez passionnée, le souhait de conserver de la dignité à nos débats, eu égard à l'opinion que l'on pourrait avoir de nous à l'extérieur. Pour ma part, il me semble, monsieur le rapporteur, que revenir brutalement sur un vote exprimé de façon aussi unanime contribue fondamentalement à égratigner cette dignité !
Voilà pour la forme. Sur le fond, maintenant.
Nous avions proposé de favoriser la construction des PLAI et des PLUS. Mme Létard, rapporteur pour avis, et les membres du groupe auquel j'appartiens ont, par exemple, proposé d'affecter un coefficient de 1 privilégiant la construction des PLUS, un coefficient de 1,5 pour les PLAI et, au contraire, un coefficient de 0,5 pour les PLS. Une telle proposition répondait paragraphe avance à votre conversion de ce soir, puisqu'il apparaît que vous êtes maintenant unanimes à vouloir favoriser la construction de logements réellement sociaux !
Nous avions déposé un autre amendement concernant les plans de rattrapage sur les communes soumises à l'article 55 et qui tendait à limiter à 33 % le nombre des logements sociaux réalisés via les PLS. C'était également une façon de répondre à votre conversion de ce soir !
Par ailleurs, nous avions demandé une rétroactivité au 1er janvier 2005, ce qui vous aurait permis de mettre en avant, effectivement, que les logements construits sur le plan de cohésion sociale ne coûteraient rien aux communes. Vous nous l'avez refusé il y deux jours ; vous nous faites cette proposition ce soir en catastrophe !
En ce qui concerne la durée de la compensation, si nous nous en étions tenus à ce que nous avions déjà voté, elle était bien de vingt-cinq ans. Cet argument que vous avancez en faveur de l'amendement que vous nous proposez ce soir valait déjà pour l'amendement que nous avons voté hier ! Qui plus est, ce dernier ne limitait pas l'exonération aux seuls logements construits sur le plan de cohésion sociale.
Une telle limitation est totalement injuste. Vous nous déjà avez refusé la rétroactivité, prenez au moins en considération le sort de ceux qui ont, dans le passé, fait preuve de volontarisme en la matière : tous ont perdu de l'argent ! Je vous cite rapidement les chiffres : Clermont-Ferrand, madame la présidente, 990 000 euros ; Trappes, dans les Yvelines, 1 million d'euros ; Paris, 7,3 millions d'euros ; Grenoble, 1 million d'euros ; Lyon, 2,65 millions d'euros ; Villeurbanne, 1,3 million d'euros ; Châtenoy-le-Royal, cela vous parle ? 90 000 euros ; Chambéry, 670 000 euros.
M. Dominique Braye, rapporteur. Pourquoi ne parlez-vous pas des villes de droite ?
M. Thierry Repentin. J'y viens, monsieur le rapporteur, puisque j'ai même trouvé Les Pavillons-sous-Bois ! Monsieur Dallier, votre commune, en 2004, a perdu 190 000 euros non compensés.
M. Philippe Dallier. Et 115 000 euros de pénalité !
M. Thierry Repentin. Vous payez donc plus, en 2004, que ce que nous vous devrions dans le cadre d'une solidarité nationale ! Cela devrait vous faire réfléchir sur la portée du dispositif qui vous est proposé !
Ceux qui construiront durant le plan de cohésion sociale, qui n'étaient pas les bons élèves d'hier et qui peuvent éventuellement être attentifs au message du Président de la République ou à celui du Premier ministre - même si l'on a pu constater combien la portée de leurs discours était pour le moment limitée ! -, ces élèves retardataires d'hier, donc, seraient, eux, compensés intégralement, alors que tous ceux qui ont joué le jeu de la solidarité par le passé ne le seraient pas ? Avouez que la proposition qui nous est faite est tout de même révoltante !
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous voterons fermement contre cet amendement et nous demanderons au Sénat de se prononcer par scrutin public.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote.
Mme Anne-Marie Payet. Une nouvelle délibération est demandée sur l'amendement n° 47 de la commission des affaires des économiques, adopté à l'unanimité par notre assemblée.
Mon collègue Daniel Dubois, et le groupe UC-UDF, avait déposé un amendement similaire qu'il avait retiré en faveur de l'amendement de la commission des affaires économiques.
Cet amendement était équilibré et il permettait d'encourager les maires à construire du logement social.
Aujourd'hui, quand un maire détruit des logements, on le prive d'une ressource financière dans des proportions importantes et, lorsqu'il reconstruit des logements sociaux, l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties le prive aussi de ressources financières.
Nous ne comprenons pas l'objet de cette deuxième délibération. Pour cette raison, le groupe UC-UDF votera contre cet amendement, souhaitant le maintien de la compensation de l'exonération de TFPB telle qu'elle a été décidée par le Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Je veux que mes collègues soient totalement éclairés, car il est vrai que le sujet est compliqué.
Lorsque M. Repentin dit à M. Dallier que sa commune perd des milliers d'euros, il a raison. Lorsqu'il cite la liste de toutes les villes qui perdent de l'argent parce qu'elles ne sont pas compensées au titre de leur exonération, il a raison. Mais pourquoi a-t-il raison ? Parce que le gouvernement qu'il a soutenu en 1992 a décidé que les communes ne seraient plus compensées !
En un mot, monsieur Repentin, les gouvernements que vous souteniez ont dépensé de l'argent en évitant de le donner aux communes, et vous voudriez maintenant que nous rattrapions rétroactivement tous les effets financiers des décisions qu'ils ont prises ! Vous voudriez, si je vous comprends bien, que tout cet argent que vous avez dépensé et que vous n'avez pas donné à l'époque aux communes leur soit rendu ! Je trouve cela particulièrement fort de café !
M. Jean-Pierre Caffet. On nous l'a déjà faite, celle-là !
M. Dominique Braye, rapporteur. Nous prenons une décision forte, généreuse, et M. Repentin vient nous reprocher de ne pas compenser les pertes que les gouvernements de gauche ont créées pour dépenser les sommes correspondantes à d'autres fins ! C'est un peu ahurissant, d'autant que ces gouvernements disposaient, à l'époque, de beaucoup plus d'argent que nous maintenant !
J'avoue que je suis absolument ahuri, monsieur le sénateur, de vous entendre suivre un tel raisonnement ! J'ose espérer que vous avez fait une mauvaise analyse et que ce n'est pas de la mauvaise foi de votre part.
Quoi qu'il en soit, je vous le dis, nous n'avons pas été compensés, c'est vrai, et pendant longtemps. Mais c'est à cause de décisions qui ont été prises antérieurement et dont nous essayons de rattraper certains effets. Pour autant, nous n'avons pas la capacité de réparer toutes vos erreurs et de faire réapparaître l'argent que vous avez dépensé à tout autre chose !
M. Jean-Pierre Caffet. Pourquoi vous ne l'avez pas fait depuis 1995 ?
M. Dominique Braye, rapporteur. Par ailleurs, si nous avons resserré la période de compensation, c'est pour produire un phénomène d'accélération.
Accélération, tel est le mot clé qu'il nous faut retenir ce soir.
Les maires se mobiliseront d'autant plus qu'ils ne seront compensés que pour ce qu'ils construiront dans les cinq ans à venir et pas au-delà !
Monsieur Desessard, à vous écouter, il faut rendre le droit au logement opposable le plus tôt possible, car il y a urgence. Oui, il y a urgence, pour rattraper tout ce que vous n'avez pas fait pendant quinze ans ! Cet amendement a donc toute sa légitimité, monsieur Repentin.
Les PLS concernent des personnes qui disposent de revenus bien supérieurs à ceux des personnes éligibles au PLAI et au PLUS. Il s'agit de ménages, vous l'avez reconnu à de multiples reprises, qui demandent beaucoup moins en termes d'accompagnement social.
Il est donc normal que les communes qui choisissent de faire du PLS soient un peu moins aidées, comme vous le souhaitiez manifestement, que celles qui font du PLUS et du PLAI.
Je ne vous comprends donc pas. Nous allons complètement dans le sens de ce que vous souhaitez, tous les amendements que vous avez déposés sont satisfaits - le droit opposable à 2009, les PLS discriminés par rapport aux PLAI et aux PLUS -, et vous n'êtes pas d'accord ? Je ne vous cache pas que dans, ma naïveté, j'étais persuadé que vous alliez soutenir cet amendement !
M. Thierry Repentin. Cela ne coûtera pas un centime au Gouvernement, et vous le savez bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, il est extrêmement facile pour un gouvernement de proposer ou de laisser passer des amendements dont les effets dans le temps vont jusqu'en 2032 !
M. Thierry Repentin. Vous l'avez fait !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je constate, monsieur Repentin, que, quand M. Jospin a quitté le gouvernement, 42 000 logements sociaux étaient financés par an en France, contre 77 000 aujourd'hui !
M. Thierry Repentin. C'est faux !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je constate que, quand M. Jospin a quitté le gouvernement, la durée de l'exonération pour les HLM était de quinze ans. Aujourd'hui, elle est de vingt-cinq ans !
M. Thierry Repentin. Ce n'est pas vous qui l'avez fait !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je constate que, quand M. Jospin a quitté le gouvernement, l'exonération durant les quinze premières années était intégralement à la charge des communes. Nous proposons aujourd'hui de compenser l'exonération pour les PLUS, les PLAI et les PLUS-CD pendant les quinze premières années.
Bien plus, monsieur Repentin, cet amendement, par l'effet d'accélération qu'il induit, va coûter plus cher et plus tôt au Gouvernement, car les deux premières années seront compensées, ce qui ne figurait pas dans l'amendement du Séant, et que, grâce à ce phénomène d'accélération, nous compenserons plus vite parce que nous construirons plus vite.
Alors, effectivement, la charge de cette mesure n'est pas renvoyée à 2025 ou à 2030 : il s'agit au contraire de dépenses très rapides décidées par un gouvernement qui n'a d'autre objectif que d'accélérer la construction de logements sociaux !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Paul Émorine, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Observateur attentif, je peux témoigner que jamais texte n'aura suscité autant de débats en commission que le projet de loi portant engagement national pour le logement.
Au moment de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, Gérard Larcher, qui était alors président de la commission des affaires économiques, n'a pas pu être présent en séance, et j'ai dû le suppléer. Je me suis alors retrouvé aux côtés de Jean-Louis Borloo. À cette occasion, l'homme de la ruralité que je suis a beaucoup appris sur le logement social.
Il faut retenir de notre discussion que nous nous adressons ici, à travers les logements sociaux, les PLAI ou les PLUS, aux personnes les plus démunies, comme l'atteste l'amendement présenté par le Gouvernement.
Monsieur Repentin, vous venez de dire que la mesure ne coûterait rien à l'État. Si telle était l'intention, le Gouvernement aurait sûrement conservé le premier dispositif. Parce que nous soutenons le Gouvernement, nous avons aussi à assumer devant le pays la responsabilité de l'équilibre budgétaire. Cet amendement répond tout à la fois à cette préoccupation et aux demandes de nos concitoyens relayées par leurs élus.
Je n'ai pas beaucoup pris la parole pendant ce débat. Mais je tiens quand même à dire, comme viennent de le souligner Dominique Braye et Jean-Louis Borloo, que le gouvernement Jospin ne date pas du siècle dernier ; c'est même assez récent ! À l'époque, nous aurions bien aimé avoir des dispositifs comme celui-ci, surtout dans une période de croissance où l'on entendait parler de cagnotte. Cela aurait été le moment de tout financer.
M. Thierry Repentin. Que fait le Gouvernement ? Rien !
M. Jean-Paul Émorine, président de la commission des affaires économiques. Monsieur Repentin, je ne vous ai pas interrompu, permettez-moi d'intervenir en tant que président de la commission.
C'était une période faste où il y avait des moyens. Or il n'y a pas eu de réduction du déficit budgétaire et l'on n'a pas engagé de réformes.
Je vous rappelle aussi, mes chers collègues, car on parle des plus démunis, que, sous les deux gouvernements qui se sont succédé, Raffarin et Villepin, le SMIC a augmenté de 16 % en trois ans. Pendant les trois dernières années du gouvernement Jospin, en pleine période de croissance, il n'avait même pas augmenté de 1 % !
Je vous ai écouté avec beaucoup de patience, mais les leçons sur les plus démunis, sur les logements sociaux, ça suffit ! Il y a un moment où les Français ont besoin d'entendre la vérité.
Cet amendement a reçu un avis défavorable de la commission, car, comme l'a dit M. le rapporteur, nous étions peu nombreux en commission.
M. Thierry Repentin. C'est un sujet qui vous intéresse peu !
M. Jean-Paul Émorine, président de la commission des affaires économiques. Vous ne pouvez pas me faire ce reproche. J'ai assumé la quasi-totalité des présidences de la commission et j'étais très régulièrement en séance.
M. Thierry Repentin. Je parle de votre majorité !
M. Jean-Paul Émorine, président de la commission des affaires économiques. Les échanges que nous avons s'inscrivent dans le jeu normal du débat démocratique. Mais de là à multiplier les prises de parole à un titre ou à un autre pour répéter à l'envi les mêmes arguments...
Que vous ayez des convictions et que vous les exprimiez, c'est naturel. Mais faire durer aussi longtemps l'examen d'un projet de loi n'est pas une bonne chose pour le Parlement.
Je soutiens l'amendement présenté par le Gouvernement, et j'ose espérer que l'ensemble de la majorité sénatoriale le votera. (Vifs applaudissements de M. le rapporteur.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je suis un peu ennuyé, car, afin d'être parfaitement éclairé dans ma décision, j'aurais souhaité entendre l'avis du parti communiste. Or il n'y a plus de représentant de ce groupe en séance. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Et après, on lira dans l'Humanité que le Parlement siège le soir, jusque tard dans la nuit ...Toujours est-il que nos collègues ne sont pas là
Plus sérieusement, cela vous étonnera certainement, mes chers collègues, je voterai cet amendement. Vous devriez d'ailleurs en faire autant, monsieur Repentin. Psychologiquement, l'effet d'accélérateur est indéniable, et vous devriez plutôt vous en féliciter.
J'aimerais donc dire à ceux des maires qui pourraient encore traîner des pieds, qu'ils auraient tout intérêt à débloquer leurs opérations dans la période qui vient s'ils ont du foncier. En revanche, pour ceux qui n'en ont pas, c'est autre chose.
En outre, l'année 2009 n'est pas si lointaine. À ce moment-là, le Parlement pourra à nouveau se saisir de la question et décider de prolonger le dispositif.
Par ailleurs, moi qui n'ai fait aucun PLS en dix ans et qui en avais seulement vingt de programmés, je pourrais penser que je suis mal récompensé des efforts accomplis par la commune. Eh bien non, je dis : tant pis ! Là aussi, vous devriez vous en féliciter, monsieur Repentin, puisque cela incitera les maires à faire plutôt du PLUS et du PLAI.
Mme la présidente. La parole est à Mme Adeline Gousseau, pour explication de vote.
Mme Adeline Gousseau. En tant que membre de la commission des affaires économiques, je soutiens cet amendement, le rapporteur et le Gouvernement !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° A-1.
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste, l'autre, du groupe UMP.
M. Jean Desessard. Ça tombe bien !
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 39 :
Nombre de votants329
Nombre de suffrages exprimés326
Majorité absolue des suffrages exprimés164
Pour l'adoption169
Contre 157
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 4 quater est ainsi rédigé.
Nous avons achevé l'examen de l'article soumis à la seconde délibération.
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Georges Othily, pour explication de vote.
M. Georges Othily. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui est sur le point de s'achever fut particulièrement riche et il a permis à l'ensemble de nos collègues, sur toutes les travées, d'exprimer leur point de vue et de faire leurs propositions.
Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, de votre esprit d'ouverture, qui a contribué à la très grande qualité des débats.
La discussion de ce texte s'est inscrite dans un contexte social particulièrement animé, qui place l'ensemble des élus de la représentation nationale devant leurs responsabilités.
La politique du logement a été trop longtemps la victime d'arbitrages budgétaires et économiques désastreux. Soumise aux lois d'un marché parfois irrationnel, elle n'a pas su endiguer la hausse des loyers et l'envolée des prix du foncier.
Le ralentissement des mises en chantier, conjugué à la mauvaise orientation donnée récemment à la construction de logements privés à usage locatif par la défiscalisation sans condition de la loi Robien, a placé de nombreux ménages dans des situations difficiles et souvent intolérables.
Le texte que nous nous apprêtons à voter apporte des évolutions utiles et importantes, notamment sur la mobilisation de certains logements vacants ou sur les politiques visant à accélérer la construction de logements sociaux.
Mais nous n'avons pas pris le temps d'envisager une réflexion sur l'un des freins parmi les plus importants à l'accession à la location : les relations, parfois conflictuelles, entre les bailleurs et les locataires. La mise en oeuvre des garanties est loin d'être satisfaisante, et le peu de cas qui est parfois fait du respect des droits des propriétaires a été contrebalancé de façon excessive par les juges.
Cette considération a conduit ces dernières années à une surenchère des négociations des garanties, obstacle majeur à la location et frein évident à la fluidité du marché. Une réflexion sur l'ensemble des relations entre bailleurs et locataires me paraît fondamentale dans l'intérêt des deux parties. Un meilleur climat remettrait sur le marché de la location des biens jusqu'ici hors marché, notamment à Paris.
Mais, près de six ans après son adoption, l'impératif de mixité sociale posé par l'article 55 de la loi SRU est un acquis qui forme consensus. Le Président de la République l'a récemment rappelé : il n'est plus tolérable que certaines villes s'exonèrent de cette responsabilité devant leurs administrés.
Pour autant, ne versons pas dans un dogmatisme du seuil de 20 % qui ferait fi de certains particularismes locaux.
Le groupe du RDSE votera donc ce texte, convaincu de ses avancées importantes. Néanmoins, certains de mes collègues, tout en reconnaissant ces avancées, regrettent que le texte n'aille pas plus loin sur le logement social et le seuil de 20 % de logements sociaux.
Il est également regrettable que la commission ait changé à la dernière minute le dispositif de l'amendement n° 46, qui frappait d'un prélèvement les cessions de terrains rendus constructibles. La taxe désormais instituée sera sans doute plus facile à recouvrer, mais elle n'atteindra pas des montants assez élevés. Une réflexion s'impose entre la première et la deuxième lecture.
Pour ces raisons, une partie du groupe du RDSE a choisi de s'abstenir.
Mme la présidente. La parole est à Mme Adeline Gousseau.
Mme Adeline Gousseau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici enfin arrivés au terme de nos débats sur le projet de loi portant engagement national pour le logement. Ce fut long, souvent passionné, mais à tout le moins très riche et instructif.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, a pu paraître bien court à certains - onze articles seulement -, mais c'est là faire preuve de myopie et d'amnésie.
De myopie, d'abord, car ce projet doit être mis en perspective et se concevoir comme le volet législatif du pacte national pour le logement, qui prévoit de nombreuses autres dispositions, la plupart d'ordre réglementaire, en faveur de l'offre de logement et de son financement.
C'est faire preuve d'amnésie, aussi, car l'action du Gouvernement en la matière s'inscrit dans la continuité, après l'étude de la loi urbanisme et habitat, du programme de rénovation urbaine, de la loi de programmation pour la cohésion sociale et de la loi relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
Concrètement, les chiffres annuels de production de logement proposés sont d'un niveau inconnu depuis 1975.
Cela mérite tout de même d'être rappelé et ne nous empêche pas de prendre en considération les difficultés réelles et personnelles de nombreux de nos concitoyens pour trouver un logement correspondant à leurs besoins et à leurs attentes.
Ainsi, ce projet de loi, bien que d'une longueur limitée, n'en propose pas moins, et de façon novatrice, des solutions pour répondre à la grave crise du logement que traverse notre pays.
Je me contenterai présentement d'en rappeler les orientations principales : libérer du foncier, encourager les maires à construire, renforcer l'accès de tous au logement et moderniser les opérateurs institutionnels du secteur.
De façon complémentaire, les rapporteurs ont très substantiellement enrichi ces dispositions en n'hésitant pas à ouvrir de nouveaux débats ou à traiter de nouveaux sujets tels l'adaptation des documents d'urbanisme, les logements sous loi de 1948, les logements vacants et la ratification de l'ordonnance du 8 juin 2005, et ce dans le souci qui caractérise toujours les avis de notre assemblée, à savoir la préservation du rôle des collectivités territoriales et de leur liberté d'administration.
Nous avons également adopté deux dispositions qu'il me paraît important de souligner.
D'une part, le volet « logement » du plan de cohésion sociale sera mis en oeuvre dans les départements d'outre-mer.
D'autre part, les communes se voient offrir la possibilité d'instaurer une taxe forfaitaire sur la cession des terrains nus devenus constructibles.
En conclusion, je ne peux pas ne pas redire combien nous serons vigilants, monsieur le ministre, quant aux résultats des travaux du groupe de travail que vous nous avez proposé sur le logement social et à leur aboutissement au cours de la navette parlementaire. À notre sens, ces travaux doivent, en particulier, analyser finement la réalité des situations communales en faisant abstraction de tout présupposé idéologique. Dans ces conditions, il ne paraît pas impossible de trouver des solutions justes et équilibrées pour l'ensemble de nos communes.
En conclusion, je vous confirme que le groupe UMP votera le présent projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme d'un débat très long, nous sommes appelés à voter ce projet de loi portant engagement national pour le logement.
À de nombreuses reprises, ce texte a été enrichi de dispositions diverses sur proposition des trois commissions, prouvant ainsi, si besoin en était, l'importance des problématiques du logement.
Je voudrais à cette occasion saluer l'excellent travail des trois rapporteurs et remercier le rapporteur saisi au fond d'avoir accepté certains de nos amendements.
Je voudrais insister notamment sur l'amendement qui permet la révision du zonage. Je sais, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, que vous y étiez opposés, mais je pense que notre Haute Assemblée a adopté là une disposition importante, attendue par beaucoup d'élus, tant la situation actuelle crée de véritables inégalités.
Je voudrais aussi souligner l'adoption de l'amendement qui permet aux communes de construire des logements locatifs sociaux à l'aide de prêts et de subventions PLUS.
L'autre sujet de satisfaction pour le groupe UC-UDF est l'adoption de l'amendement qui permet aux syndicats mixtes d'élaborer et de suivre les programmes locaux de l'habitat ainsi que celui qui impose la signature d'une convention de gestion urbaine de proximité entre les parties à la convention ANRU, les associations de proximité et les services de l'État.
Je voudrais enfin remercier le Sénat d'avoir adopté une grande partie des amendements applicables dans les départements d'outre-mer, notamment la disposition qui permet aux sociétés d'HLM dans les DOM d'assurer des prestations de construction et de gestion de programmes de SCI de droit commun en « défiscalisation Girardin », ainsi que celui qui permet la mise en oeuvre, comme en métropole, du volet « logement » du plan de cohésion sociale en mobilisant de manière appropriée l'ensemble des mesures de soutien au logement social dans le cadre d'un contrat d'objectifs, et ce dans chaque région d'outre-mer.
L'adoption de telles propositions est un message fort envoyé aux territoires ultramarins qui, peut-être plus encore que la métropole, ont besoin d'être soutenus pour faire face aux graves problèmes de logements qu'ils rencontrent, 80% de la population pouvant prétendre à un logement social.
Nous avons aussi quelques motifs de déception, notamment après le rejet des amendements portant sur l'article 55 de la loi SRU, proposés par ma collègue Valérie Létard, et qui avaient pour objectif de rendre plus effective la construction de logements sociaux.
Nous souhaitons que la navette parlementaire permette d'aborder à nouveau cette question avec peut-être moins de passion afin que l'approche soit plus constructive.
Il est important de procéder à un réajustement de la loi et de trouver un nécessaire équilibre, sans toutefois bouleverser l'économie de cet article 55. Nous ne pouvons d'un revers de main balayer la question ; la durée des débats qu'elle a suscités en est la preuve.
Sur de nombreux autres sujets, le ministre nous a promis une expertise avant un réexamen en deuxième lecture. Nous vous avons écouté, monsieur le ministre, et c'est pourquoi nous attendons beaucoup de ce travail.
Pour conclure, je vous informe que le groupe UC-UDF votera ce texte.
Nous réitérons notre satisfaction de voir ce dernier faire l'objet de deux lectures devant les assemblées. Sachez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que vous pourrez compter une nouvelle fois sur la présence du groupe UC-UDF.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je commencerai par sacrifier au rituel des remerciements en m'adressant à vous, madame la présidente, et, à travers vous, aux différents présidents qui se sont succédé pour conduire nos débats, et ce n'était pas chose facile. Je regrette en effet ces séances hachées, qui n'ont pas peu contribué à prolonger les échanges, entraînant d'inévitables redites. L'examen de ce projet de loi aurait été plus rapide si nous avions pu profiter d'un temps plus « compact ».
Je remercie M. le ministre de ses réponses détaillées : il prend le temps d'expliquer son projet, et c'est très bien.
Je remercie les trois rapporteurs, dont Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, et je rends hommage à sa fibre sociale affirmée.
Je remercie M. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques, de ne pas s'être trop énervé, même quand la tension était intense entre son désir de soutenir un camp de la majorité et son souci de respecter, en liaison avec le Gouvernement, un certain équilibre. Il a su se maîtriser, même si cela lui a été parfois visiblement difficile ! (Sourires.)
Ce projet de loi a été l'occasion d'un débat riche et intéressant.
J'estime que nous sommes confrontés à quatre urgences.
La première urgence tient à la nécessité de construire.
Il ressort de l'examen de cette loi une volonté d'accélérer la construction afin de faciliter la mobilité résidentielle. On peut citer pour exemple la mise à disposition des terrains de l'État et la mobilisation des préfets en la matière.
En cela, on peut dire que ce texte concrétise la volonté du Gouvernement de construire un certain nombre de logements pour faire face à la pénurie.
La deuxième urgence concerne la construction de logements « vraiment sociaux ».
Sur ce sujet, nous éprouvons une certaine déception, car, en guise de mixité sociale, le débat a tourné en faveur des PLS contre les PLAI et les PLUS, même si un amendement du Gouvernement déposé à la dernière minute, sous couvert semble-t-il de rigueur budgétaire, a remis certaines priorités. Il y avait là moins position idéologique que nécessité financière.
M. Jean Desessard. Déception encore en ce qui concerne le sort des communes qui ne respectent pas le taux de 20 % de logements sociaux. J'attends les conclusions du groupe de travail que l'on nous a promis et qui doit plancher sur les modalités de ce traitement, parce que, jusqu'ici, c'est le statu quo. Certains ont demandé que soient pénalisés, voire punis les maires qui ne font aucun effort. Que va-t-il être mis en place pour que les maires qui refusent de réaliser des logements sociaux dans leurs communes en ressentent les effets négatifs ? Ils payent actuellement une amende qui ne leur coûte pas cher et qui ne change rien.
Par le hasard du calendrier, j'ai pu assister à la réunion du parlement des banlieues qui se tenait au Sénat cet après-midi. Ces jeunes citoyens de banlieue, qui ont une volonté toute républicaine de participer à la vie politique et citoyenne nationale, ont formulé dix-neuf revendications. Cela mérite attention. Que nous disent ces jeunes ? Puisque l'on veut supprimer les allocations aux parents de mineurs associés aux incidents en banlieue, pourquoi ne pas, de même, punir les élus de leur incivilité et proposer que les maires qui n'appliquent pas les 20 % soient inéligibles ? (Exclamations sur certaines travées.) Mes chers collègues, je ne vous dis pas qu'il s'agit là d'une revendication, et aucun amendement n'a été déposé en ce sens, mais ces jeunes de banlieue, en particulier, ont l'impression qu'il y a un certain laisser-faire et que la loi n'est appliquée que d'un seul côté.
On attendra donc les résultats du groupe de travail qui va être mis en place.
La troisième urgence concerne la mise à disposition du vacant et, là non plus, nous ne sommes pas vraiment satisfaits. Rien sur la réquisition, rien sur la couverture logement universelle qui, parce qu'elle offre aux bailleurs la garantie du paiement des loyers lorsque le locataire perd son emploi et est au chômage, aurait rassuré les propriétaires privés.
Je trouve également, monsieur le ministre, que nous ne sommes pas allés assez loin dans la « révolution foncière », c'est-à-dire dans le partage de la plus-value lors de la cession d'un terrain déclaré constructible, qui prend de ce fait une très grande valeur. Taxer les propriétaires lors de la vente à hauteur de 50 % n'aurait été que justice, car il n'y a eu de leur part ni talent ni travail supplémentaire susceptible de justifier la multiplication par deux cents ou par trois cents du prix du terrain. On en est resté à une taxe de facture habituelle représentant 6 % de 75 % de la valeur de cession.
M. Jean Desessard. Il n'y a là aucun indice d'une volonté de réforme.
La quatrième urgence était d'ordre environnemental.
Là encore, déception ! Il n'y a rien eu au niveau environnemental.
Ce projet de loi, qui concerne entre autres la construction de logements, ne comprend aucune mesure visant à développer des modes de chauffages fondés sur les énergies renouvelables.
La démarche de haute qualité environnementale dans la construction, ou HQE, n'a pas été mentionnée. Aucun plan massif pour l'isolation des logements et des bâtiments n'a été prévu. Le texte ne traite ni du risque de mitage lié aux constructions en masse ni d'un dispositif visant à éviter le « bétonnage ».
M. le ministre m'a promis d'étudier cette question, et je prendrai donc contact avec ses services pour élaborer un amendement écologique et environnemental qui sera déposé à l'Assemblée nationale ou lors de la seconde lecture au Sénat.
Il n'y a toutefois actuellement rien dans ce projet de loi concernant cette urgence environnementale, alors que l'adoption du protocole de Kyoto devrait nous inciter au moins à ne pas accélérer le phénomène d'effet de serre.
Cette approche écologique aurait été, de plus, intéressante pour les usagers - puisque moins onéreuse - et profitable pour la balance commerciale de la France. J'ai promis à cet égard de fournir un travail sur l'économie de l'approche environnementale, et je vous le proposerai en seconde lecture.
En conclusion, seule la première urgence, celle de la construction liée à la pénurie de logements, trouve sa concrétisation dans le projet de loi, un texte auquel il manque toute manifestation d'une volonté de privilégier le logement social, de réquisitionner ou de mobiliser le logement vacant, de réaliser enfin des avancées environnementales. Il manque donc beaucoup de choses dans le dispositif.
Les Verts voteront donc contre ce projet de loi, en l'état.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Je m'associe aux remerciements qui vous ont été adressés, madame la présidente, à vous ainsi qu'aux autres présidents de séance.
Je vous remercie également, monsieur le ministre, de votre écoute tout au long de ce débat, ainsi que de la prise en compte, même si elle ne s'est pas encore véritablement traduite dans les actes, de la diversité des situations de nos 36 000 communes.
Je vous remercie enfin, madame et messieurs les rapporteurs, de la qualité du travail que vous avez effectué.
Je voterai ce projet de loi pour ce qu'il contient - un certain nombre d'avancées, qui ont été rappelées - et pour ce qu'il ne contient pas - les amendements proposés par les sénateurs de l'opposition.
De tels amendements consistaient en effet à continuer de pénaliser les villes riches et les villes pauvres, les villes endettées et celles qui ne le sont pas ou celles qui ont du foncier et celles qui n'en ont pas, et ce sans tenir compte de la diversité des situations communales en France.
Je voterai ce projet de loi, même si je regrette de ne pas être parvenu à faire adopter un certain nombre d'amendements, qui, j'y reviens, loin de remettre en cause l'objectif des 20 % de logements sociaux, visaient simplement à faire en sorte que la diversité des situations locales soit mieux prise en compte.
J'ai bien entendu qu'un groupe de travail allait être constitué. J'attends le calendrier de ses travaux et les premières réunions avec une grande impatience.
J'espère que, d'ici à la seconde lecture, nous trouverons un terrain d'entente, afin de faire en sorte que l'article 55 de la loi SRU devienne enfin équitable, parce que, à mon sens, il ne l'est pas aujourd'hui.
J'ai évoqué à de très nombreuses reprises la commune dont je suis maire, Les Pavillons-sous-Bois, au risque, peut-être, de vous en avoir dégoûtés. J'espère, malgré tout, vous avoir convaincus de la nécessité de regarder attentivement certaines réalités ; les choses ne pouvaient plus rester en l'état !
Je terminerai en formant un voeu. Pour ma part, je souhaite que les médias modifient quelque peu leur discours et cesse de répéter qu'il y a, en France, 742 maires hors-la-loi, qui ne feraient rien et qui s'opposeraient mordicus à la construction des logements sociaux.
J'espère au moins que cette première lecture aura servi à convaincre les médias, ainsi que certains d'entre vous, mes chers collègues, de la nécessité de faire le tri entre les élus qui n'ont rien fait et ne veulent rien faire, ceux qui ont fait et ceux qui ont fait un peu moins, mais que nous pourrions peut-être aider.
Encore une fois, je soutiens ce projet de loi et je l'approuverai.
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Je souhaite avant tout remercier mes collègues socialistes MM. Daniel Raoul, Jean-Pierre Caffet, Roger Madec, Jean Desessard, André Vézinhet et Jean-Pierre Sueur, de m'avoir accompagné depuis une semaine dans ce long débat sur un sujet passionnant. Nous voyons bien qu'il existe des marges importantes pour l'avenir.
Je voudrais également remercier les acteurs du logement social que nous avons rencontrés durant ces dernières semaines pour préparer ce rendez-vous parlementaire. Des associations, des constructeurs, nous avaient fait confiance pour porter leurs espoirs et leurs attentes. Nous ne sommes pas parvenus à faire partager leur point de vue, mais je voudrais que ces personnes, du moins celles qui liront le compte rendu, ne nous en tiennent pas rigueur et qu'elles sachent que nous aurons d'autres rendez-vous, qu'elles pourront d'ailleurs nous aider à préparer.
J'en viens à présent au projet de loi lui-même. On nous avait proposé un « texte squelette » - c'est l'expression que nous avions employée à l'époque. Nous espérions, en vertu des pouvoirs que la Constitution donne au Parlement, lui donner un corps et des muscles, et ce pour tous les maillons de la chaîne du logement.
Or il nous a fallu d'emblée protéger ce « squelette » de ceux qui voulaient le désosser, notamment en supprimant l'article 1er du projet de loi. Si cet article subsiste aujourd'hui, c'est parce que la gauche l'a défendu face à ceux qui souhaitaient le supprimer, au seul motif que l'on faisait référence à la réussite du plan de cohésion sociale.
D'autres ont voulu supprimer l'alinéa VII de l'article 2, ce qui est tout aussi symbolique, puisqu'il s'agit de la seule partie du projet de loi où l'adjectif « sociaux » est accolé aux termes « logements locatifs ». Le ton était donné, et rien n'a permis d'y déroger, pas même pendant les instants de sérénité, marqués par un certain nombre d'échanges de qualité.
Nous avons obtenu quelques avancées, minimes, sur le foncier, bien moins ambitieuses que celles que nous portions et qui étaient issues d'un certain nombre de travaux, menés notamment au sein de la Haute Assemblée. Je pense notamment à la taxe sur le foncier non bâti et à la participation des propriétaires, idées qui figuraient à la fois dans un rapport et dans une proposition de loi déposée par le groupe socialiste, avant que le Gouvernement ne fasse lui-même connaître son projet de loi en conseil des ministres.
Au nombre de ces avancées minimes, je mentionnerai également la décote, qui ne permettra pas, loin s'en faut, d'équilibrer les opérations de logement social. Même les propositions pourtant minimalistes du rapporteur, qui souhaitait que cette décote puisse atteindre 50 %, ont été battues en brèche.
Le projet de loi comporte également des dispositions en matière d'urbanisme, mais de portée limitée, contrairement à ce qu'une lecture un peu rapide pourrait laisser penser de dispositions qui relèvent plus de l'affichage que du souci d'efficacité.
Le PLU permettrait ainsi, nous dit-on, de territorialiser le logement social. Après les longues discussions qui ont eu lieu au Conseil d'État, les arbitrages interministériels vous ont fait raccrocher cette disposition à l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme, le dénuant de tout fondement en créant le droit de délaissement.
Le droit de priorité se substitue désormais au droit de préemption urbain. Mais l'appliquer sur la totalité d'un bien de l'État le rendra inopérant.
Sur ces deux points, on le voit, l'État vendeur l'a emporté sur l'État constructeur et garant de l'équité sociale et territoriale.
Notre attitude a été constante : nous avons toujours dit oui à des mesures sur le logement privé et sur le logement libre !
À l'issue de notre débat au Sénat, nous repartons avec un nouvel investissement défiscalisé, qui permettra de mettre sur le marché des logements avec des loyers de sortie 17 % plus chers par rapport à ce que permettent les prêts locatifs intermédiaires, les PLI, c'est-à-dire la catégorie déjà située au-dessus des PLS !
Nous avons - et c'est une bonne chose - permis de dissocier les logements qui étaient dans les baux commerciaux, afin de les remettre sur le marché.
Nous avons également, afin de favoriser la remise sur le marché de logements aujourd'hui assujettis à la taxe sur les logements vacants, accepté 30 % d'abattement pour les propriétaires. Pourquoi ne pas tenter le pari ?
Et nous avons contribué à la création de l'Agence nationale de l'habitat, qui sera sans doute plus efficace sur les logements à loyers maîtrisés.
Les trois mesures que je viens de mentionner ont un coût pour l'État.
S'agissant du logement social, notre attitude a été tout aussi constante. En matière d'accompagnement des ménages dans le patrimoine social, lorsque nous avons évoqué le mois de carence, le seuil de versement ou la revalorisation annuelle des aides à la personne, nous n'avons eu pour seule réponse que l'article 40 de la Constitution.
S'agissant de la mise en place d'un système de garantie des risques locatifs mutualisés, un groupe de travail nous apportera, nous a-t-on dit, des réponses dans les mois qui viennent, mais seulement après des expertises.
La seule avancée qui avait été arrachée a été réduite à néant juste avant la fin de nos débats.
Quant à l'article 55 de loi SRU, même lorsque nous n'en parlions pas, le sujet pesait sur la discussion, comme il pèsera demain sur les travaux de l'Assemblée nationale.
Chacun est venu témoigner de son exemple local, pour justifier la comptabilisation de telle ou telle catégorie nouvelle de logements dans les 20° % et diminuer ainsi les contributions.
La loi ne peut pas être élaborée à partir de l'addition de situations locales, fussent-elles toutes dignes d'être évoquées. L'addition des intérêts particuliers n'a jamais fait l'intérêt général !
Le législateur peut corriger des faiblesses naturelles. Il le fait d'ailleurs, en adoptant des dispositions particulières, comme la loi Montagne, la loi Littoral ou la loi relative au développement des territoires ruraux.
Des dispositifs correctifs face aux faiblesses humaines ou territoriales existent également. Je pense ainsi à la dotation globale de fonctionnement, la DGF, qui peut être une DGF touristique, ou à la dotation de solidarité urbaine, la DSU.
Faut-il attendre que tout le monde soit effectivement d'accord pour agir ? Si un tel principe avait été retenu, Jules Ferry n'aurait pas pu rendre l'instruction primaire obligatoire sur toutes les communes avant que celles-ci ne soient dotées d'un établissement scolaire public ! Nombre de maires avaient d'ailleurs, à l'époque, fustigé cette décision, arguant du fait que les écoles confessionnelles sur place faisaient très bien leur travail.
Lors du débat sur le logement social, certains ont évoqué la « densité », les « tours », les « barres » ou les « erreurs du passé », autant d'expressions bien choisies et récurrentes dans la bouche de ceux qui trouvent que l'on en fait déjà beaucoup trop pour les familles concernées.
Le seul signe nouveau adressé aux Français est que, pour être intégré à la liste des ménages prioritaires en matière de logement social, mieux vaut désormais disposer d'un travail ! C'est une prime à l'emploi. Nous sommes bien dans l'ambiance du moment.
C'est le premier texte sur lequel nous devons nous prononcer depuis la crise profonde qu'a traversée notre pays ces dernières semaines, et dont je ne suis pas certain qu'il soit totalement sorti. Je pensais, en début de semaine, que nous aurions collectivement des réponses à apporter.
Or, ce qui est révélateur de la philosophie du Gouvernement, on en revient finalement à l'intitulé du texte d'origine, porté par M. Gilles de Robien, qui s'appelait « propriété pour tous ».
Pour moi, c'est un camouflet infligé à ceux qui espéraient une réelle prise en compte des difficultés rencontrées tant par les acteurs que par les bénéficiaires du logement social.
En outre, mais c'est sans doute dû à mon inexpérience, je m'interroge sur la conduite du travail parlementaire.
On nous avait initialement présenté un projet de loi comportant onze articles et nous devons à présent nous prononcer sur un texte qui en contient une soixantaine. Or le Conseil d'État a été saisi uniquement des onze articles d'origine.
Est-ce la règle ? N'est-ce pas plutôt une stratégie d'élaboration de la loi qui nous prive des garanties qu'apporte l'examen, toujours utile, des conseillers du Palais-Royal ? J'espère en tout cas que cette pratique ne présente pas de risque d'inconstitutionnalité.
Mme la présidente. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.
M. Thierry Repentin. J'ai tout de même été assez déçu des positions prises an sein de la Haute Assemblée. Alors que nous étions tous d'accord sur les priorités, au moment du vote, nos propositions ont été systématiquement rejetées.
Par conséquent, nous sommes contraints de vous dire notre opposition forte et ferme à ce projet de loi, du moins tel qu'il ressort de cette semaine de débats.
Oserai-je l'avouer, en abordant cette discussion, je pensais que ce projet de loi quitterait le Sénat sans notre opposition.
Je tiens enfin, par votre intermédiaire, madame la présidente, à remercier tous les collaborateurs qui, à un titre ou à un autre, par leur écoute, leur compréhension et leur accompagnement, sont pour nous de véritables sherpas, si vous autorisez cette image à l'élu de Savoie que je suis.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Madame la présidente, après ce marathon quelque peu éprouvant, mais extrêmement passionnant, je veux remercier à mon tour tous ceux qui, à vos côtés et auprès de vos collègues présidents de séance - les administrateurs, les services des comptes rendus et l'ensemble du personnel - ont assuré le fonctionnement de cette machine incroyable tout au long de cette semaine qui a commencé lundi après-midi.
Mes remerciements s'adressent également à M. Braye, mon collègue rapporteur au fond préféré (Sourires), à M. Jarlier, rapporteur pour avis, et à tous les parlementaires présents. Nous avons défendu, chacun avec nos convictions, notre passion, notre sensibilité, des points de vue tantôt différents, tantôt convergents, mais c'est tout à notre honneur. C'est pour cela que nous sommes là !
Certes, l'exercice peut être difficile, car nous ne parvenons pas toujours à nous rejoindre, quel qu'en soit notre désir, monsieur le ministre, mais c'est parce que nous plaidons pour ce qui nous paraît juste et défendable, et souvent en écho à des débats que nous avons eus dans nos commissions respectives.
Ce travail nous permettra, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, de nous retrouver autour d'une position commune lors de la deuxième lecture sur un sujet qui nous est cher, l'article 55 de la loi SRU.
Cela prendra peut-être du temps, et certains d'entre nous ont sans doute été déçus de ne pouvoir aboutir d'emblée. Mais vous avez vos raisons, qui sont fondées, et nous ferons en sorte d'apporter notre contribution dans ce domaine.
Nous avons avancé sur différents points. Alors que nous sommes partis d'un texte qui comportait onze articles, nous en sommes aujourd'hui à soixante-trois, ce qui montre combien les échanges entre vous, monsieur le ministre, les rapporteurs des trois commissions et tous les sénateurs présents, ont porté leurs fruits, pour enrichir, améliorer et compléter le texte sur des sujets très divers.
Je citerai le volet du foncier qui a été abordé par M. Braye, mais aussi toutes les avancées sociales, sur le plan départemental d'aide aux plus démunis, les attributions de logements, les modalités d'application du surloyer - avec une mise en oeuvre aussi fine que possible dans la proximité, précisément pour ne pas créer d'injustices ou de déséquilibres sociologiques -, les dispositifs de surendettement ou les créances prioritaires. Sur ces sujets, si des avancées ont été réalisées, il faudra néanmoins aller plus loin et la navette nous y aidera. Je pense, notamment, à l'accompagnement social, au logement et à l'habitat indignes, à la lutte contre les marchands de sommeil, qui sont autant de sujets sensibles.
S'il est un objectif sur lequel nous nous retrouvons, c'est bien celui d'améliorer le quotidien de nos concitoyens, et plus particulièrement celui des hommes et des femmes qui se sentent « oubliés de la République », puisque c'est ainsi, monsieur le ministre, que vous tenez à définir les personnes les plus en difficulté.
Sur ce point, monsieur le ministre, sachez que je serai toujours à vos côtés pour vous soutenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis.
M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat, nous avons la chance de bénéficier d'un texte non pas squelettique, monsieur M. Repentin, mais complémentaire d'un vaste plan d'ensemble pour le logement, initié par le Gouvernement.
Il s'agit d'un engagement sans précédent, et je vous invite, monsieur Repentin, à lire ce magnifique document qui a été édité, voilà quelques semaines, par le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement et indiquant l'ensemble des mesures, à la fois réglementaires et législatives, qui sont aujourd'hui opérationnelles et portent déjà leurs fruits : en comparaison avec la situation des années 2000, nous avons d'ores et déjà construit pratiquement le double de logements sociaux dans notre pays. Personnellement, je préfère voir le verre à moitié plein plutôt qu'à moitié vide !
Ensuite, nous avons facilité la mobilisation du foncier, qui constitue l'un des problèmes majeurs aujourd'hui en France. Grâce aux mesures qui ont été adoptées, les collectivités locales, voire l'État, pourront construire plus rapidement, en particulier au titre du logement d'urgence.
Enfin, de nouveaux moyens ont été donnés aux collectivités locales pour favoriser et accélérer la construction de logements sociaux.
À cet égard, les avancées obtenues ont été nombreuses, notamment en matière d'urbanisme, ou s'agissant de la possibilité donnée aux communes de récupérer une partie des plus-values sur les terrains devenant constructibles et, enfin, la fameuse mesure, proposée par le Gouvernement et votée par le Sénat tout à l'heure - elle avait d'ailleurs déjà dégagé ici un consensus - relative à la compensation de l'exonération de taxe sur le foncier bâti, mesure qui est directement fléchée sur les logements les plus sociaux, avec une volonté d'accélération du processus. Ce sont là des objectifs qui ne peuvent que faire l'unanimité.
Enfin, ce texte permettra aussi de favoriser l'accès au logement, notamment pour les plus démunis.
Vous dites, monsieur Repentin, qu'au cours de ce débat, peu d'avancées ont été obtenues, peu d'amendements ont été acceptés. Permettez-moi de vous rappeler tout de même que, au total, plus de 140 amendements des trois commissions auront été adoptés par le Sénat, ce qui explique que le texte sorte de nos débats six fois plus gros qu'à son arrivée.
J'ajoute qu'un rendez-vous important a été pris au sujet de l'article 55 de la loi SRU. La discussion a eu lieu, mais il était impossible de prendre des mesures incomplètes. Le ministre a pris un engagement fort devant le Sénat, pour étudier les propositions que nous ferons avec notre rapporteur au fond à la faveur de la navette parlementaire, après une expertise sérieuse, afin de durcir le dispositif à l'encontre de ceux qui n'ont pas fait d'efforts et de l'assouplir pour tenir compte des réalités locales qui nous ont été largement exposées au cours du débat.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de la qualité de votre écoute.
Je remercie notre collègue Dominique Braye, avec qui j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler, et qui ne s'est pas départi du tempérament que nous lui connaissons.
Je remercie Valérie Létard, avec laquelle nous avons également travaillé dans de bonnes conditions.
Je remercie également l'ensemble des services du Sénat, qui ont été largement mis à contribution pour nous permettre d'arriver au terme de notre débat en ce samedi soir.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Madame la présidente, je veux vous remercier de votre disponibilité et, à travers vous, remercier tous les vice-présidents qui se sont succédé pour présider des débats qui se sont révélés beaucoup plus long que nous ne le supposions au départ.
Je remercie tous les services du Sénat, avec une mention particulière pour les services de la séance et des comptes rendus, qui ont été, nous en sommes bien conscients, mis à rude épreuve.
Je remercie les rapporteurs pour avis et, en premier lieu, Valérie Létard, dont j'ai apprécié la détermination, puisée, on le sent, dans le concret du terrain, et la fibre sociale. Il était normal que nos deux tempéraments s'entrechoquent quelque peu, mais j'avoue très sincèrement que je suis extrêmement heureux d'avoir rapporté ce projet de loi avec elle, parce que nous avons appris à mieux nous connaître, ce qui nous permettra, j'en suis persuadé, de parvenir plus rapidement à une compréhension mutuelle lors de nos prochains travaux.
Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Dominique Braye, rapporteur. Je remercie Pierre Jarlier de sa compétence en urbanisme et de sa grande disponibilité.
Je remercie mes collègues de la majorité et, plus particulièrement, Adeline Gousseau, de son soutien indéfectible et de sa disponibilité aussi bien en commission qu'en séance - sans elle, beaucoup de choses n'auraient pas été possibles -, Philippe Dallier et Christian Demuynck pour leurs témoignages qui nous ont beaucoup inspirés et qui nous seront encore précieux dans la perspective de la deuxième lecture. Je sais qu'ils comptent beaucoup sur moi pour tenir les engagements que j'ai pris. J'ose espérer que, contrairement aux affirmations de M. Desessard, nous les fêterons - sinon, c'est que je ne serai plus le rapporteur de ce texte - car je ne peux imaginer que nous n'abordions pas la loi SRU comme prévu.
Je remercie également mes collègues de l'opposition de leur participation, notamment M. Jean Desessard, M. Caffet et M. Repentin, en précisant toutefois à ce dernier que je ne peux tout de même pas le remercier de la teneur de son explication de vote sur l'ensemble du texte. Sauf à le soupçonner de mauvaise foi, ce que je m'interdis, je m'explique mal ses propos. Compte tenu de ses compétences en matière de logement et des avancées que nous avons acquises, j'ai de la peine à y voir autre chose que des déclarations destinées aux médias.
Je remercie les sénateurs d'outre-mer, qui ont été très présents tout au long du débat, notamment Mme Payet, qui a fait preuve d'une grande compréhension, ainsi que M. Othily, car la discussion sur ces sujets n'est pas toujours facile.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre attention, votre écoute et votre engagement, qui reflète clairement une conviction forgée sur le terrain
Je remercie tous les collaborateurs, les vôtres, monsieur le ministre, qui se sont manifestement inspirés de vos grandes qualités humaines, et les nôtres, qui n'ont pas peu contribué à l'élaboration de ce texte.
Enfin, à l'instar de M. Othily, je souligne que les élus membres de notre Haute Assemblée ont été mis devant leurs responsabilités. Sur ce problème excessivement sensible du logement, ô combien prégnant pour les élus de terrain, tous ceux qui ont travaillé avec moi savaient que le rapporteur se montrerait exigeant. Nous avons assumé nos responsabilités et, à présent, je suis très satisfait du texte qui est issu de cette première lecture au Sénat
On peut regretter que le débat ait été quelque peu haché, mais nul ne savait que le Sénat allait saisir la main qui lui était tendue et s'investir autant dans ce texte en le faisant passer de onze à soixante-trois articles.
Thierry Repentin a comparé ce texte à un squelette. Eh bien, pour moi, mes chers collègues, ce texte squelette repart avec un corps de sportif. J'espère, et telle est ma conviction, qu'il sortira de la deuxième lecture avec un corps de culturiste ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Mettez un coeur dans le buste, cela suffira !
M. Dominique Braye, rapporteur. Permettez-moi de revenir sur les principaux apports du Sénat.
S'agissant de la plus-value, le partage entre propriétaires et les communes représente une révolution, comme l'a dit M. Repentin. Même si certaines contraintes techniques ont une incidence sur la base de calcul, il n'empêche que ces bénéfices « tombés du ciel », selon l'expression utilisée par le ministre délégué Gérard Larcher, permettront aux communes d'investir pour acquérir davantage de terrains.
L'engagement de l'État en faveur d'une décote pouvant aller jusqu'à 35 % est également une mesure qui est loin d'être négligeable.
Il convient de mentionner également la compensation intégrale de l'État de l'exonération sur le foncier bâti, pour tous les logements sociaux qui sont construits pendant cette période de cohésion sociale. Contrairement à l'analyse que vous en avez faite, monsieur Repentin, l'ajout de dernière minute vise à combler la lacune que vous aviez soulignée selon laquelle le dispositif n'était pas suffisamment placé sous le signe de l'urgence et de la nécessaire accélération. C'est la raison pour laquelle cet ajout est une pression supplémentaire exercée sur les maires, auxquels on demande de faire un effort important, et rapidement, c'est-à-dire dans les cinq ans, et davantage sur le PLAI et le PLUS, qui doivent être particulièrement ciblés.
Il s'agit certes d'une avancée de dernière minute, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire, et d'autres pourront être réalisées d'ici la deuxième lecture.
Je citerai encore la priorité accordée aux communes pour la SNCF, la forte mobilisation des logements vacants, des logements privés, le renforcement de la transparence des marchés fonciers, l'efficacité accrue des outils dont disposent les collectivités territoriales pour lutter contre l'habitat insalubre et les copropriétés dégradées. Une mention spéciale ira au dispositif Robien d'incitation fiscale aux investissements locatifs, qui, sur proposition du Gouvernement, a été réformé et complété par un mécanisme dit « Borloo populaire », plus favorable, comme nous le souhaitions tous, aux locataires les moins aisés, mais aussi par une accentuation de la taxation sur le foncier non bâti afin de lutter contre la rétention foncière.
Nous pouvons tous, sur quelque travée que nous siégions, être fiers du travail que nous avons accompli.
J'adresserai un dernier mot à Valérie Létard : si la commission a émis un avis défavorable sur votre amendement portant sur la loi SRU, je m'en suis expliqué vingt fois, c'est pour laisser au Sénat le temps de mieux l'étudier avant la deuxième lecture. Son adoption maintenant ne l'aurait pas rendu plus efficace et n'aurait pas accéléré son application sur le terrain ; c'est pourquoi nous avons préféré ne pas prendre le risque de détricoter d'un côté ce que nous avions tricoté de l'autre. Mieux vaut l'intégrer dans une démarche globale d'équilibre de la loi.
Mes chers collègues, je vous donne rendez-vous pour la deuxième lecture. Je crois que, ce soir, nous pouvons nous quitter fiers d'avoir accompli notre devoir !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Paul Émorine, président de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à écouter l'ensemble des intervenants, je me disais qu'il y a sûrement deux façons de considérer un projet de loi : d'une façon optimiste ou, comme Thierry Repentin, d'une façon pessimiste. Par tempérament, je suis plutôt optimiste.
On vous a reproché, monsieur le ministre, de présenter un projet de loi squelettique. Mais, en matière de logement, il faut assurément monter le gros oeuvre avant de s'occuper de décoration !
Nous ne sommes, mes chers collègues, qu'en première lecture. Osez imaginer que nous ayons tout obtenu en première lecture : que resterait-il à nos collègues de l'Assemblée nationale, qui pourraient se sentir frustrés, et pour nous-mêmes en deuxième lecture ? Car je reste convaincu que nous pourrons obtenir d'autres avancées.
Le ministre s'est engagé à mener des réflexions entre les deux lectures. À partir de là, nous pourrons obtenir davantage pour ces logements destinés aux plus démunis. Mais Dominique Braye a rappelé l'essentiel tout à l'heure : nous sommes passés de 40 000 logements construits chaque année à près de 80 000.
En tant que président de la commission, j'ai été un observateur attentif de tout le travail qui a été réalisé. Je connais Dominique Braye, son tempérament, sa façon de s'exprimer. J'ai été frappé de la très bonne connaissance qu'il a du logement et de la problématique des villes. J'ai également entendu Pierre Jarlier ; la discussion de la loi relative au développement des territoires ruraux m'a laissé un souvenir ému : notre collègue nous avait alors assurés que nous obtiendrions beaucoup en première lecture, et c'est ce qui s'était produit, mais cela ne l'avait pas empêché, en deuxième lecture, de proposer de nouveau de nombreux amendements, dont beaucoup furent adoptés. Monsieur le ministre, vous pouvez donc vous attendre à d'autres amendements pour la deuxième lecture !
Enfin, j'ai découvert Valérie Létard, qui a elle aussi son tempérament. On aime bien, quand on est président de la commission saisie au fond, que les avis des commissions saisies pour avis soient à peu près identiques : c'est plus confortable pour la séance publique. Eh bien, malgré des avis quelquefois divergents, chacun ou chacune a pu présenter des points de vue différents liés sans doute à des convictions et à des expériences locales qui n'étaient pas identiques.
Pour terminer, je remercierai mes collègues sénateurs, bien sûr, mais aussi tous les services du Sénat, et vous-même, monsieur le ministre, ainsi que vos collaborateurs. Le président de la commission est appelé surtout dans les moments difficiles : ce ne sont pas toujours les plus sympathiques, mais j'ai personnellement l'habitude d'assumer mes responsabilités. Je dois reconnaître que les négociations que nous avons eu à mener ensemble se sont déroulées dans un bon climat, loin de toute crispation. Bien sûr, lorsqu'on nous parle de chiffres, nous sommes aussi attentifs à l'avenir de notre pays.
Monsieur le ministre, si vous avez manqué un match important de rugby ce soir (sourires), sachez que, avec le Sénat, vous avez beaucoup fait pour le logement en France !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, samedi dernier, Abdelaziz Mernissi, jeune créateur d'entreprise avignonnais, était invité ici même pour se voir remettre un « talent des cités ». Il s'est tué dans un accident de voiture en venant au Sénat, accident dans lequel un membre de sa famille a été grièvement blessé. Comme je suis dans le lieu même où il devait être accueilli, vous me permettrez d'avoir une pensée pour lui.
Madame la présidente, merci de votre présidence, merci aussi à ceux qui vous ont précédée au fauteuil de la présidence. Aucun sujet ne suscite de débats plus techniques, mais en même temps plus émotifs que le logement, que « la maison ».
Merci au rapporteur au fond, Dominique Braye, et vous me permettrez de m'appesantir moins sur son tempérament que sur sa très grande connaissance de ces sujets, non seulement de la technique du logement, mais également de son environnement, du financement des collectivités, des programmes, de la technicité des recevabilités des uns et des autres, et de l'état moderne de la contribution de chacun.
Merci à Pierre Jarlier, que je connaissais moins et dont j'ai pu apprécier, à travers les interventions, toutes fort pointues, l'extrême rigueur. Son apport au projet de loi, au nom de la commission des lois, a été considérable.
Je parlerai moins de Valérie Létard, car nous avons un passé valenciennois que je ne dévoilerai pas. (Sourires.)
Je vous avouerai ma surprise que des sénateurs se plaignent de voir la Haute Assemblée enrichir un texte en adoptant des amendements des commissions, certes, mais aussi de l'opposition : de mémoire, monsieur Repentin, vingt-quatre ! Le travail fourni par les différents groupes, y compris de la majorité, a été extrêmement important. C'est probablement la démonstration, monsieur Repentin, que le Gouvernement n'estime pas être le principal producteur dans ce domaine, domaine de partage, de partenariat, de respect de l'autre. Il n'y a pas un acteur majeur.
Nous avons demandé le retrait d'un certain nombre d'amendements afin que les points soulevés puissent être soumis aux partenaires sociaux du 1 %, à l'Union sociale pour l'habitat, à un certain nombre d'associations. Parfois, la demande de retrait, notamment en matière d'écologie, a été motivée par le fait que des sujets techniques étaient abordés qu'il fallait expertiser et, monsieur Desessard, vous avez accédé à ces demandes : il était donc clair que nous ne refusions pas les amendements concernés. Nous travaillons sur un sujet d'une très grande complexité, et nous devons faire preuve d'une grande passion en même temps que de beaucoup d'humilité et de respect des autres.
Voilà un peu moins d'un an était discuté le plan de cohésion sociale et, il y a deux ans et demi, le plan de rénovation urbaine. Les commentaires étaient déjà les mêmes : aucune remarque sur le fond, en réalité, sauf pour nous demander de faire plus encore ou pour nous faire des procès d'intention. On nous reprochait des effets d'affichage, on soupçonnait que le ministre n'aurait pas les moyens de ses ambitions et que le plan de rénovation urbaine ne marcherait pas parce qu'il faudrait que tout le monde soit d'accord et que ce ne serait jamais le cas...
Dans votre explication de vote, monsieur Repentin, vous n'avez rien contesté au fond, car vous savez bien que l'essentiel des mesures indispensables pour accélérer le développement du logement et notamment du logement social figure dans le projet de loi. Sans doute celui-ci connaîtra-t-il des évolutions, car la vie est faite de changements, et que d'autres textes seront indispensables. Mais, pour l'heure, vous savez tous très bien que tout y est.
Deux grandes lois ont été récemment votées. Le plan de rénovation urbaine a mobilisé pour nos quartiers entre 20 et 30 milliards d'euros, gérés par tout le monde. Le volet « logement » du plan de cohésion sociale a fixé pour objectif le doublement de la construction de logements sociaux en trois ans, le triplement en cinq ans, l'État s'engageant notamment sur les plans budgétaire et fiscal. Nous sommes au rendez-vous, et nous y sommes à l'heure.
Aujourd'hui, parce que la vie est complexe et changeante, un certain nombre de mesures complémentaires vont être votées.
D'abord, un pacte est conclu. L'État va rapidement libérer des terrains, pour 20 000 logements. Les taux d'intérêt du logement social étaient plus chers que ceux du logement privé : était-ce admissible ? Nous les avons réduits. La durée des prêts sur trente-cinq ans et sur quarante ans est portée à cinquante ans, et nous inventons le prêt d'accession foncière sur cinquante ans. Des ordonnances ont été publiées sur les logements insalubres et sur les hôtels meublés dangereux. Nous avons débloqué 50 millions d'euros pour les dépenses immédiates... Bref, un ensemble de mesures rapides et opérationnelles ont été prises, sur le plan réglementaire, en faveur du logement social.
Certains éléments relèvent du domaine législatif. Tout le monde était conscient du problème foncier et regrettait la disparition de l'État : les opérations d'intérêt national et les programmes d'intérêt général sont relancés. Surtout, nous assistons à une révolution sociale à propos de la plus-value réalisée lorsqu'une commune décide d'étendre les terrains constructibles. Certes, on peut se demander pourquoi le partage n'est pas plus favorable aux communes. Mais, jusqu'ici, cela n'existait pas ! C'est la première fois que, dans le droit fiscal français, une plus-value est partagée, même si la rédaction, pour des raisons techniques, a retenu une assiette directement foncière, de 10 % sur les 66 %.
Cette révolution est bien en marche ! La possibilité d'augmenter la taxe sur les terrains constructibles non bâtis était demandée, la possibilité pour les communes de modifier la taxe locale d'équipement était demandée : c'est désormais chose faite. Et si, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez d'autres propositions à formuler en deuxième lecture, le Gouvernement est preneur !
Quant à la question des logements vacants, la taxe était mal appliquée : nous sommes en train d'y remédier, et l'aide à la remise sur le marché des logements vacants passe à deux fois 30 %.
L'incitation Robien à l'investissement dans le secteur locatif social avait produit des effets positifs, mais tout le monde s'accordait à reconnaître qu'il fallait désormais le recentrer sur quelques territoires et, surtout, lancer un nouveau produit visant le logement conventionné sous plafond de ressources. C'est chose faite.
Était également réclamée depuis vingt ans l'amélioration de l'accession sociale à la propriété, dont un outil majeur est l'application dans les zones de rénovation urbaine - la France en compte 600 - de la TVA à 5,5 %. L'État va faire cet effort massif. Enfin, le volonté d'accélérer la construction est partagée par tous et conduit à l'exonération de TFPB durant vingt-cinq ans, intégralement compensée de quinze à vingt-cinq ans et en accéléré dès la première année pour les cinq ans qui viennent.
L'ensemble de ces trois textes, qu'on le veuille ou non, constitue probablement le dispositif en faveur du logement social le plus puissant budgétairement, administrativement, juridiquement et fiscalement depuis très longtemps, peut-être depuis la loi Loucheur.
Je comprends l'embarras de certains, prisonniers de leurs idées reçues : la droite, ce serait l'économie et la gestion, l'autorité de l'État, la sécurité, mais pas le logement et encore moins le logement social. La vérité de ces trente dernières années doit nous faire conclure à l'inverse, puisque la grande période du logement et du logement social a été le fruit, voilà vingt ans, du plan de relance Chirac. Les commentaires sont un peu gênés, parce que le monopole du coeur est ébréché !
Très sincèrement, mesdames, messieurs les sénateurs de l'UMP, la loi qui a suscité vos inquiétudes a eu des vertus réelles. Il est vrai néanmoins qu'elle a été mise au point dans des conditions de panique parce que la construction de logements sociaux était alors dans un tel état qu'il a fallu trouver un texte médiatiquement fort. J'ai entendu vos demandes dans le sens de taxes plus fortes pour les francs récalcitrants mais, en revanche, d'une plus grande justice pour ceux qui font leur devoir.
Nous sommes parvenus au terme de ce débat. Voilà très longtemps qu'aucun dispositif aussi lourd ni aussi puissant n'avait été adopté et, passé les effets de tribune, il faudra bien demain, quelles que soient les travées sur lesquelles on siège, que l'on se donne la main. Le logement social est vraiment l'affaire de tous les responsables publics, quels que soient leur statut et leur position juridique, et vous savez très bien que, comme pour la rénovation urbaine, les choses ne pourront être bien faites que si nous les faisons tous ensemble. À l'image de l'équipe de France de rugby, qui vient de marquer son deuxième essai contre les Springboks ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. J'ai été très touchée par ces remerciements unanimes ; je les transmettrai à tous mes collègues qui se sont relayés au fauteuil de la présidence, ainsi qu'à nos collaborateurs.
Après cette semaine de marathon législatif - une aventure commune à laquelle ce soir vous avez visiblement du mal à mettre un terme (sourires) - sachez que je vois dans la tonalité générale de nos débats le signe d'un travail parlementaire de grande qualité républicaine, ce à quoi, pour ma part, je suis très sensible.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP, l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 40 :
Nombre de votants327
Nombre de suffrages exprimés321
Majorité absolue des suffrages exprimés161
Pour l'adoption202
Contre 119
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)