compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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TRANSMISSION DU PROJET DE LOI de finances
M. le président. J'ai reçu aujourd'hui, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 98, distribué et renvoyé au fond à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation et, pour avis, sur leur demande, aux autres commissions permanentes.
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loi de finances pour 2006
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 98 et 99).
Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, pour la première fois depuis le début de la Ve République, la discussion du projet de loi de finances que nous entamons aujourd'hui se fera suivant le schéma rénové de la loi organique relative aux lois de finances, communément appelée la LOLF.
Ce nouveau cadre renforce la portée de l'autorisation budgétaire accordée par le Parlement - il s'agit d'un acte important ! - et enracine la culture de la performance et du résultat au coeur de la gestion publique.
Cette grande réforme, cette « nouvelle Constitution financière » fut conçue, en son temps, par deux assemblées aux colorations politiques différentes. Sur ce point, un total consensus a été trouvé.
Je fais confiance, aujourd'hui, à la commission des finances, aux commissions saisies pour avis et aux groupes politiques, de la majorité comme de l'opposition, pour faire vivre ces règles, que nous avons adoptées ensemble, et pour en respecter l'esprit, notamment par la maîtrise des temps de parole. Il s'agit d'une condition incontournable pour assurer le bon déroulement de la discussion budgétaire.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Absolument !
M. le président. J'appelle chacun à faire preuve de discipline lorsqu'il interviendra.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Y compris le Gouvernement !
M. le président. Cette recommandation est également valable pour le Gouvernement, monsieur le président de la commission des finances. J'en appelle d'ailleurs à ce dernier, pour que les ministres ne dépassent pas les limites de temps fixées en conférence des présidents en accord avec M. le ministre délégué aux relations avec le Parlement.
Chacun est donc invité à respecter rigoureusement le temps de parole qui lui est imparti, si nous voulons que cette nouvelle méthode de débat se pérennise.
Ensemble, remplaçons le triptyque du président Edgar Faure, « litanie, léthargie, liturgie », par la devise, « clarté, lisibilité, efficacité », qui doit devenir la « clé » de la LOLF !
Je vous rappelle que la conférence des présidents, sur proposition de la commission des finances, a prévu, dans le cadre de l'examen des articles de la première partie, quatre débats.
Le débat sur les recettes des collectivités territoriales aura lieu le mardi 29 novembre, à seize heures. À la suite de la réforme constitutionnelle engagée par la Haute Assemblée, les textes relatifs à l'organisation des collectivités territoriales doivent être déposés en priorité sur le bureau du Sénat, ce dernier étant, je le rappelle, le représentant constitutionnel des collectivités territoriales.
Le débat sur le prélèvement au profit des Communautés européennes interviendra le mercredi 30 novembre, à neuf heures trente.
Enfin, à l'occasion du vote de l'article d'équilibre, rénové et enrichi, sont prévus deux nouveaux débats thématiques portant respectivement sur les effectifs de la fonction publique et sur l'évolution de la dette de l'État.
La discussion de la deuxième partie, mission par mission, nous donnera ensuite - je l'espère ! - la possibilité de débattre, dès le premier euro, des grandes politiques publiques de l'État.
Enfin, cette année, la deuxième partie comportera des dispositions fiscales particulièrement importantes et exigera plus de temps que les années précédentes. C'est la raison pour laquelle la commission des finances s'est résolue à nous proposer - ce qui a été accepté par la conférence des présidents - de siéger le samedi 10 décembre et, éventuellement, le dimanche 11 décembre. (M. le président de la commission des finances acquiesce.)
De la sorte, je pense que nous pourrons procéder le mardi 13 décembre, à une heure raisonnable, au scrutin public à la tribune sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2006.
Telles sont les différentes recommandations que je souhaitais vous adresser, aux uns et aux autres, afin que ce débat budgétaire ait, si vous me permettez cette expression, de l'allure !
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d'être présent aujourd'hui pour introduire ce débat sur le projet de loi de finances pour 2006. Jean-François Copé, qui participait ce matin au congrès des maires, nous rejoindra dans un instant. Ce débat s'annonce particulièrement riche, comme l'a été celui que nous venons d'avoir à l'Assemblée nationale.
Permettez-moi, en préambule à nos discussions, de remettre en perspective ce projet de budget pour 2006 et de souligner à mon tour le contexte institutionnel tout à fait particulier dans lequel il s'inscrit. En effet, l'année budgétaire 2006 est une année charnière.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances pour 2006 est le premier à être soumis à la pleine application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001. Le budget que nous vous présentons est donc le premier « au format LOLF ».
Certes, le changement réside essentiellement cette année dans un énorme effort de présentation, mais c'est bien la première étape, indispensable, d'une ambition nouvelle en matière de rationalisation de la dépense publique et de réforme de l'État.
Il relève aujourd'hui de notre responsabilité politique, de ma responsabilité, pour redonner des marges de manoeuvre à notre politique fiscale, d'être encore plus exigeants sur la gestion des finances publiques que nous ne l'avons été au cours des trois dernières années.
La LOLF doit nous permettre - j'en suis convaincu -, dès 2007, d'aller plus loin et, par exemple, de converger graduellement vers une stabilisation en valeur du budget de l'État, c'est-à-dire vers une enveloppe stable d'une année sur l'autre. C'est en tout cas ce que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie que je suis appelle de ses voeux.
Ce n'est d'ailleurs pas un voeu pieu ! Nous avons les moyens de cette ambition.
Depuis 2003, la dépense budgétaire est stabilisée. Cela paraissait impossible voilà quatre ans. Pourtant, la norme « zéro volume » est aujourd'hui bien ancrée dans notre paysage budgétaire. C'est bien la preuve que nous sommes désormais prêts à aller plus loin.
Le budget pour 2007 sera le premier à pouvoir pleinement tirer profit de l'application de la LOLF. Les indicateurs de performance auront été mesurés et les conclusions auront été tirées. Nous avons lancé, avec Jean-François Copé, dix-sept audits pour aider les ministères à accomplir ce travail.
Je reviens maintenant plus précisément sur le projet de loi de finances pour 2006, que vous présente aujourd'hui le Gouvernement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le dis haut et fort, ce budget est un budget responsable, sincère et transparent. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Ce budget, c'est d'abord notre vision, à Jean-François Copé et à moi-même, des évolutions des recettes, des dépenses et donc du déficit public, et ce de la manière la plus loyale et la plus transparente possible. Cette loyauté et cette transparence, je les revendique !
Mais c'est aussi notre engagement politique de tout mettre en oeuvre pour tenir les objectifs de dépense et de solde. Mesdames, messieurs les sénateurs, cet engagement, je le prends devant vous !
Loyauté et transparence, c'est d'abord présenter à la représentation nationale des perspectives économiques crédibles. En entamant ce débat à l'Assemblée nationale voilà maintenant un mois, d'aucuns critiquaient les prévisions de croissance du Gouvernement. La croissance en 2005 ne pouvait dépasser 1,5 % - que n'ai-je entendu ! -, et celle de 2006 ne serait certainement pas beaucoup plus élevée !
En ce qui me concerne, j'ai défendu ces perspectives budgétaires comme étant raisonnablement ambitieuses. D'ailleurs, les comptes du troisième trimestre que l'INSEE a publiés voilà dix jours nous ont largement donné raison, vous l'avez tous remarqué.
C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je viens devant vous aujourd'hui avec les mêmes prévisions et la même conviction que l'économie française a redémarré. Je tiens à le souligner, le taux de croissance du troisième trimestre, qui s'établit à 0,7 %, est le taux le plus élevé de tous les grands pays européens pour cette période. Ce résultat, vous vous en doutez bien, n'est pas uniquement le fait du hasard. Il confirme, ce que je soutiens depuis plusieurs mois maintenant, que la croissance est repartie.
Certes, nous pouvons et nous devons faire mieux. Mais, en tout état de cause, après le creux d'activité subi à la fin de 2004 et au début de 2005, la tendance est à la reprise. Celle-ci est d'ailleurs confirmée par les performances du troisième trimestre et, d'après les indications en notre possession, se poursuivra sans doute au quatrième trimestre. Cela nous a conduits à inscrire dans le projet de budget une fourchette de croissance de 2 % à 2,5 % pour 2006.
Nous pouvons en tirer plusieurs conclusions.
Nous avons d'abord la certitude que nous terminerons cette année au coeur de la fourchette annoncée par le Gouvernement, avec un taux de croissance situé entre 1,5 % et 2 % pour 2005, et non au-dessous de 1,5 %, comme certains l'affirmaient. Je le rappelle, à la fin du troisième trimestre, nous avons déjà pratiquement atteint le bas de cette fourchette.
Nous avons aussi la démonstration de la solidité de la reprise. Outre la consommation qui reste très dynamique, les deux autres moteurs de la croissance que sont l'investissement et les exportations montent en puissance.
D'une part, l'investissement devrait avoir progressé cette année de plus de 3 %. L'accélération est très nette par rapport au taux de 2004, qui était de 2,4 %, et surtout par rapport à celui de 2003, puisque chacun se rappelle qu'il était de 0 %.
D'autre part, avec Christine Lagarde, je vous annonce que les exportations « explosent » au troisième trimestre puisqu'elles progressent de 3,1 %, en apportant, pour la première fois depuis deux ans, une contribution positive à la croissance estimée à 0,2 % !
Si ces résultats ne sont évidemment pas suffisants, il faut tout de même retenir que la tendance est positive et que nous allons dans le bon sens.
Enfin, avec la bonne tenue des enquêtes de conjoncture, nous avons la confirmation que nous abordons l'année 2006 en excellente position, comme nous l'espérions. (Murmures sur les travées du groupe CRC.) Selon les informations publiées ce matin, le moral des industriels progresse ce mois-ci encore au-dessus de sa moyenne de long terme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le moral des Français, lui, n'arrête pas de baisser !
M. Thierry Breton, ministre. Le climat des affaires dans les services et le bâtiment demeure très bon.
Les premiers indicateurs disponibles sur le quatrième trimestre vont dans le même sens, et je me dois de partager ces informations avec la représentation nationale.
Si la consommation de produits manufacturés a légèrement baissé en octobre, elle reste à un niveau très élevé après avoir connu une progression tout de même exceptionnelle au cours de l'été. Sur les douze derniers mois, la consommation aura augmenté de 3,2 % par rapport aux douze mois précédents. Il faut le souligner, c'est une performance extraordinaire.
Les prix ont continué à baisser en octobre et l'inflation n'atteindra vraisemblablement que 1,8 % sur un an, et ce malgré la hausse du pétrole, qui n'aura donc pas produit d'effets « de second tour » sur le plan économique, notamment, sur l'inflation.
Les créations d'entreprises se maintiennent à un niveau proche de leur plus haut niveau historique. Nous atteindrons certainement les 220 000 créations d'entreprises que nous escomptions en 2005.
En résumé, malgré, bien sûr, certaines difficultés persistantes, l'économie de notre pays donne des signes évidents de reprise.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au-delà de ces seules tendances conjoncturelles, notre projet de budget est aussi la traduction de la politique conduite avec détermination par le Gouvernement, avec le soutien de la représentation nationale, en faveur de la croissance et de l'emploi.
Vous auriez pu à bon droit nous critiquer, Jean-François Copé et moi-même, si nous nous étions réfugiés derrière le consensus, pour définir une prévision de croissance conservatrice. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) Nous n'aurions alors pas rempli notre rôle, qui est de prendre loyalement en compte l'ensemble des éléments à notre disposition. Je pense, en particulier, aux effets de toutes les mesures que nous avons proposées et que vous avez adoptées.
Oui, ce budget a été construit pour soutenir le rebond de l'activité. Oui, nous sommes convaincus qu'il permettra à notre croissance de s'inscrire l'an prochain entre 2 % et 2,5 %.
Pour autant, aucune prévision n'est évidemment infaillible, et je ne sous-estime pas les risques du scénario que je viens de vous présenter, notamment ceux qui pèsent sur notre environnement international. Le pétrole, le taux de change, notamment de l'euro par rapport au dollar, la conjoncture chez nos principaux partenaires européens sont autant de variables que nous ne contrôlons pas et avec lesquelles il nous faudra vivre, quoi qu'il arrive. Mais c'est la loi du genre.
Le pétrole et le taux de change sont, à l'évidence, favorablement orientés depuis quelques semaines. Il reste à mieux mesurer l'impact d'une hausse éventuelle des taux d'intérêt dans la zone euro. À l'instar de mes homologues européens, je suis toujours aussi peu convaincu de la nécessité d'une telle hausse aujourd'hui. Je l'ai souvent répété, je ne vois aucun risque de résurgence de l'inflation ni en France ni dans la zone euro. Il convient de ramener les perspectives de hausse de taux à leur juste proportion. Le président de la Banque centrale européenne, la BCE, a lui-même précisé qu'elles n'annonçaient pas un cycle de resserrement monétaire dans les mois à venir, ce qui, évidemment, nous rassure quant aux futures décisions de la BCE, notamment en 2006.
Face à ces risques, nous sommes prêts à réagir et à adapter l'exécution du budget autant que possible pour tenir nos engagements, qui portent donc sur le niveau des dépenses et du solde public, mais pas sur celui de la croissance. La preuve de notre résolution apparaît notamment dans les orientations affichées dans le projet de loi de finances rectificative, présenté hier matin en Conseil des ministres, et qui nous permettra de contenir le déficit à 3 %, alors même que la croissance est nettement moins forte que ce qui avait été prévu il y a un an.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous sommes engagés, Jean-François Copé et moi-même, à respecter cette année, une fois de plus, l'autorisation parlementaire initiale, le fameux « zéro volume », à l'euro près. L'ensemble des ouvertures de crédits demandées est plus que gagé par des annulations de crédits.
Pour arriver à ce résultat, après avoir mis en réserve un montant global de 7,4 milliards d'euros, le Gouvernement a décidé d'annuler 6 milliards d'euros, la différence ayant été dédiée à des besoins sociaux, urgents pour l'essentiel.
Soyez sûrs, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous ferons preuve de la même résolution pour mettre en oeuvre le budget pour 2006, en utilisant notamment tous les moyens que nous offre dorénavant la LOLF.
À l'appui des éléments que je viens de rappeler, je puis dire que notre projet de budget pour 2006 fait sans ambiguïté le choix de la responsabilité.
Or c'est bien ce que requiert aujourd'hui la situation de nos finances publiques. C'est bien ce problème que j'ai voulu prendre à bras-le-corps en indiquant, en juin, que la France vivait au-dessus de ses moyens.
Certains ont trouvé que j'étais excessivement alarmiste. Avec Jean-François Copé, nous n'avons pourtant pas ce sentiment ! Je revendique d'avoir voulu provoquer une véritable prise de conscience, non pas en affirmant que les Français vivaient au-dessus de leurs moyens, mais en soulignant que c'était la France elle-même qui vivait au-dessus des siens ! Je n'ai pas peur des mots, il faut absolument corriger cette trajectoire dramatique prise par nos finances publiques. Je crois avoir ainsi créé, au moment décisif, en plein accord avec le Premier ministre, les marges de manoeuvre dont nous avions besoin, pour éviter des dépenses inutiles et concentrer nos moyens sur la croissance et l'emploi.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Thierry Breton, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes bien au rendez-vous de la responsabilité.
Les résultats sont là. Pour la première fois, depuis plusieurs années, notre endettement sera stabilisé en 2006. Tout en honorant les différentes lois de programmation, qui concernent la sécurité, la justice, la défense, mais aussi les nécessités immédiates, notamment le budget de la ville, qui vient d'être augmenté de 200 millions d'euros à l'Assemblée nationale, le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale permettent de stabiliser le ratio d'endettement public l'année prochaine. Tout cela est possible grâce à la réduction progressive du déficit public et à l'affectation au désendettement d'une partie significative du produit des cessions de participation.
Ces résultats sont la concrétisation de la reprise en main du budget de la France depuis trois ans. Bien sûr, je le dis en toute sincérité devant vous, il n'y a pas là de quoi se réjouir exagérément, mais il s'agit en tout cas d'un premier pas dans la bonne direction. La poursuite de l'assainissement des finances publiques me semble l'une des conditions nécessaires à la revitalisation durable de notre économie, à sa « respiration ».
Cette stabilisation passe, bien évidemment, par la réduction de notre déficit public. C'est l'engagement que nous avons tenu en 2004, en ramenant le déficit public de 4,2 % à 3,6 % du produit intérieur brut ; c'est l'engagement que nous tiendrons en 2005 et en 2006, en repassant sous la barre des 3 %, puis en revenant à 2,9 % en 2006.
Dans son rapport annuel sur la situation en France, publié en octobre, le Fonds monétaire international, après avoir intégré les mesures correctrices que nous avons ajoutées dans le projet de loi de finances pour 2006, a très clairement indiqué que nous étions capables de ramener notre déficit à 3 % du PIB dès cette année, en saluant, au passage, nos efforts pour redynamiser le marché du travail. Il envisage, pour 2006, avec des hypothèses de croissance effectivement moins favorables, qui n'intègrent pas les statistiques que nous avons publiées pour le troisième trimestre, un déficit de 3,3 %. Cela correspond à notre objectif de 2,9 %, si l'on procède à un ajustement de l'acquis de croissance sur l'année 2006 et si l'on inclut l'impact de certaines mesures ponctuelles non prises en compte par le FMI.
Certains ont relevé que les prévisions d'automne de la Commission européenne, qui viennent d'être publiées, semblaient moins optimistes. Elles ont cependant été élaborées avant la présentation du projet de loi de finances et la publication des chiffres confirmant la tendance que nous annoncions depuis plusieurs mois. C'est la raison pour laquelle je rencontrerai, à sa demande, le commissaire Almunia, pour discuter précisément de la situation et des nouvelles mesures, afin qu'il puisse les intégrer dans le modèle de calcul de la Commission européenne. Nous serons alors en mesure de le convaincre, tout comme nous l'avons fait avec le FMI, que les prévisions contenues dans ce projet de loi de finances sont sincères et réalistes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, notre ambition, à mon sens très claire, pour 2006 est de poursuivre notre effort budgétaire en 2006, afin de revenir à un déficit de 2.9 %, ce qui est, je ne vous le cache pas, un objectif ambitieux.
A cet égard, quelles sont les clefs d'une telle équation ?
D'abord, les recettes fiscales et sociales profiteront de l'accélération de la croissance, qui devrait donc se situer entre 2 % et 2,5 %. Pour autant, le taux des prélèvements obligatoires n'augmentera pas sensiblement puisqu'il devrait être de 44 % du PIB en 2006, contre 43,9 % du PIB cette année, soit 0,1 point de plus.
Ensuite, le ralentissement des dépenses publiques sera accentué. Pour l'État, je l'ai souligné en préambule, ce projet de loi de finances prévoit, pour la quatrième année consécutive, une stabilité des dépenses en volume. Pour la sécurité sociale, la montée en charge des effets de la réforme de l'assurance maladie ainsi qu'un certain nombre de mesures complémentaires devraient permettre de ralentir d'au moins un point la progression des dépenses de santé. Par ailleurs, la baisse du chômage permettrait d'améliorer la situation financière de l'UNEDIC, l'Union interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce.
Enfin, dans nos prévisions, seules les dépenses locales continueraient de progresser rapidement puisque nous nous attendons à une augmentation de plus de 3 % en volume en 2006.
Mesdames, messieurs les sénateurs, d'un côté, nous entendons assumer notre responsabilité financière, c'est le cadre de travail incontournable du Gouvernement. De l'autre, nous souhaitons afficher nos ambitions économiques : c'est la priorité pour l'emploi et la préparation de l'avenir. Ce projet de budget pour 2006 sert ces deux grandes orientations de notre politique économique.
Ce projet de budget, le Premier ministre n'a eu de cesse de le rappeler, est au service de notre première priorité, l'emploi.
Jean-François Copé et moi-même avons consacré la totalité des marges de manoeuvre budgétaires, soit environ 4,5 milliards d'euros, à l'emploi. Ce projet de budget « met en musique » les mesures du plan d'urgence pour l'emploi annoncées par le Premier ministre dès sa prise de fonctions.
Il s'agit du « contrat nouvelles embauches », dont le succès, constaté dès son démarrage, est désormais incontestable, avec plus de 170 000 contrats signés depuis le mois d'août.
Il s'agit de la montée en puissance des allégements de charges sociales sur les bas salaires imposés par la dernière étape de la réunification des SMIC.
Il s'agit de la neutralisation des contraintes financières liées au dépassement du seuil de dix salariés, mesure que je considère personnellement comme une ouverture déterminante pour le développement des très petites entreprises.
Il s'agit des orientations données sur le retour au travail des seniors. Alors que nous constatons aujourd'hui ce progrès exceptionnel qu'est l'allongement de la durée de vie, je me réjouis du succès des négociations menées sur ce sujet entre les partenaires sociaux.
Il s'agit, enfin, de la montée en charge des contrats d'avenir et des contrats d'accompagnement vers l'emploi.
Mais ce projet de loi de finances pour 2006 consacre surtout le deuxième acte de la stratégie du Gouvernement pour l'emploi et pour une croissance sociale, qui est de faire en sorte enfin que le travail paie plus que l'inactivité, en renforçant le pouvoir d'achat des salariés.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Marc Massion. Bonne idée !
M. Thierry Breton, ministre. C'est, d'abord, le sens des différentes incitations financières à la reprise d'emploi. Ainsi, sont prévus un crédit d'impôt de 1 000 euros pour les jeunes qui reprennent un emploi dans un secteur connaissant des difficultés de recrutement, une prime de 1 000 euros pour les titulaires de minima sociaux qui retrouvent du travail et un crédit d'impôt de 1 500 euros en faveur des chômeurs qui reprennent un emploi à plus de deux cents kilomètres de leur domicile.
Nous proposons également de renforcer significativement la prime pour l'emploi. En deux ans, cette mesure portera la prime maximale à plus de 800 euros au niveau du SMIC, prime à laquelle s'ajoutera un supplément mensuel de 250 euros, dans le cadre de la réforme de l'actuel intéressement.
Mais ce projet de budget est aussi celui de la réforme fiscale d'envergure dont la France a tant besoin. Jean-François Copé et moi-même avons proposé au Premier ministre le principe d'une réforme majeure de l'imposition des personnes à travers trois dispositifs équilibrés.
Il s'agit, tout d'abord, de l'institution d'un plafonnement du prélèvement fiscal. Désormais, aucun contribuable ne pourra plus être taxé au-delà de 60 % de son revenu au titre des impôts directs, c'est-à-dire l'impôt sur le revenu, l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, et les impôts directs locaux.
Il s'agit, ensuite, du plafonnement des avantages fiscaux à 8 000 euros, auquel s'ajoute un forfait porté à 1 000 euros par enfant à charge par l'Assemblée nationale.
Il s'agit, enfin, de la refonte en profondeur du barème de l'impôt sur le revenu. Le nombre de tranches du barème de cet impôt est réduit de sept à cinq et les taux sont abaissés du fait de l'intégration dans le barème de l'abattement de 20 %.
La refonte du barème de l'impôt sur le revenu, couplée à l'amélioration de la prime pour l'emploi, la PPE, est une réforme juste, d'abord, parce qu'elle récompense le travail et, ensuite, parce qu'elle soulage le fardeau fiscal pesant sur les classes moyennes. Ainsi, 80 % de l'effort global concernant la baisse des impôts bénéficiera directement aux ménages moyens et modestes.
Mais cette réforme de l'impôt sur le revenu renforce aussi la compétitivité et l'attractivité de notre pays. Avec la mise en place d'un plafonnement fiscal à 60 % du revenu, la France se situe enfin au même niveau que ses partenaires qui ont conservé un impôt sur la fortune. En affichant le barème réel de l'impôt sur le revenu et en simplifiant son calcul, nous permettons à notre pays d'attirer de nouveau les talents et les investisseurs privés dont nous avons besoin pour développer l'emploi et l'activité.
Vous l'avez compris, c'est un budget pour répondre à l'urgence afin de faire baisser le chômage et de remettre la France au travail. Les perspectives de poursuite de la baisse du chômage d'ici à la fin de l'année montrent que le terreau est bon ; c'est le moment d'enclencher le cercle vertueux travail-consommation-croissance-travail.
En même temps, il serait irresponsable de ne pas anticiper et de ne pas préparer notre pays aux enjeux de demain, l'irruption rapide des pays émergents, les mutations technologiques majeures, la montée en puissance d'une économie de l'immatériel et de la connaissance. Pour que cette baisse du chômage soit durable, nous devons aussi préparer les emplois de demain, en incitant nos entreprises à réinvestir dans l'avenir.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'en viens à la troisième partie de mon intervention. Le projet de budget que nous vous présentons prépare l'avenir
Je veux parler, d'abord, du second volet de la réforme fiscale que nous proposons dans ce projet de loi de finances pour 2006.
Nous devons poursuivre l'amélioration de l'environnement fiscal de nos entreprises en le rendant encore plus favorable à l'investissement.
Voilà pourquoi la réforme de la taxe professionnelle que nous vous soumettons est cruciale. Elle vient en complément de la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés adoptée par le Parlement l'an dernier et dont la deuxième tranche est financée dans ce projet de loi de finances.
Pour mener à bien cette réforme ambitieuse, deux objectifs ont guidé le Gouvernement, qui a voulu alléger la charge fiscale des entreprises pour préserver leur compétitivité, mais également responsabiliser les collectivités locales.
La réforme de la taxe professionnelle comprend deux volets. Elle garantit aux entreprises de ne plus jamais être imposées au-delà de 3,5 % de leur valeur ajoutée et elle instaure l'allégement de la charge fiscale des entreprises sur les investissements nouveaux, de sorte que l'investissement ne soit plus taxé avant qu'il n'ait commencé à produire sa valeur escomptée.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Thierry Breton, ministre. Mais l'État doit aussi être acteur de ce réinvestissement dans l'avenir. Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a fait siens les objectifs de Lisbonne, notamment celui de consacrer 3 % de notre richesse nationale à la recherche et au développement, et ce à l'horizon 2010. Ce doit être un moteur pour encourager les entreprises qui investissent trop peu dans l'innovation et comptent trop sur l'État pour le faire à leur place, et pour les inciter à relever leur contribution.
Le projet de budget pour 2006 prévoit que l'État y contribue de manière déterminante et concrète dès l'an prochain.
Après avoir mis en place, cette année, les outils nécessaires, notamment la mise en oeuvre coordonnée des pôles de compétitivité, de l'Agence de l'innovation industrielle, de l'Agence nationale de la recherche, de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, l'État va y affecter une partie très substantielle des recettes de privatisations pour financer des plans ambitieux de relance des investissements publics et de la recherche.
Sur les années 2005 et 2006, 4 milliards d'euros seront ainsi affectés à l'AFITF pour le financement des infrastructures terrestres, 2 milliards d'euros à l'Agence de l'innovation industrielle et un milliard d'euros à l'Agence nationale de la recherche. J'en attends un effet de levier substantiel sur l'investissement privé.
Par ailleurs, le crédit d'impôt recherche, principal outil, et au demeurant performant, de soutien public à la recherche réalisée dans les entreprises, que le Gouvernement propose de renforcer, sera assis plus largement sur le volume des dépenses de recherche et de développement des entreprises, ce qui rendra le dispositif plus efficace en améliorant la rentabilité directe de l'investissement en matière de recherche et de développement et favorisera I'attractivité de la France pour ce qui est des centres de recherche et de développement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances que nous vous présentons aujourd'hui, modifié et adopté par l'Assemblée nationale, est sans conteste un budget de croissance, c'est-à-dire porteur de croissance. Il est responsable financièrement, de façon à conforter la confiance de nos concitoyens. Il est prioritairement ciblé sur l'emploi, de manière à amorcer un enchaînement vertueux de la croissance, car c'est bien l'emploi qui crée l'emploi, comme l'activité qui crée l'activité. Enfin, il offre des perspectives d'avenir pour encourager résolument nos entreprises à investir.
En synthèse, le projet de budget pour 2006 a pour ambition de faire évoluer notre modèle social afin de mieux le préserver par la mise en oeuvre d'orientations politiques conformes aux valeurs de la majorité parlementaire
Ces valeurs, ce sont d'abord celles d'un État régalien fort pour assurer à tous sécurité et justice.
Les événements récents qui sont survenus dans les quartiers difficiles de nos banlieues nous ont brutalement rappelé que notre premier devoir de solidarité est d'assurer à tous nos concitoyens une France plus sûre, plus juste, où chacun peut faire respecter ses droits. Il ne faut jamais l'oublier.
C'est pourquoi nous assurons, à l'euro près, pour 2006, le financement intégral des engagements pris devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le cadre des différentes lois de programmation pour la sécurité intérieure, pour la justice et pour la défense nationale.
Ces valeurs, ce sont aussi celles de l'efficacité économique comme fondement de la bataille pour l'emploi.
C'est ce qui fonde, face au chômage, notre refus d'engager des crédits pour un assistanat sans avenir ; c'est, au contraire, le choix résolu d'activer au maximum les dépenses de la politique de l'emploi, pour ce qui concerne, par exemple, les contrats d'avenir, la prime pour l'emploi, la prime de 1 000 euros pour les secteurs en pénurie, la prime pour la mobilité géographique.
C'est enfin, et surtout, après avoir réinscrit les emplois aidés dans une logique nouvelle et indispensable de droits et de devoirs dans le cadre de parcours réellement individualisés, le choix prioritaire pour notre gouvernement de la croissance, de l'investissement et de la réforme du marché du travail pour faire réellement et durablement décoller l'emploi marchand.
Ces valeurs, ce sont encore celles de la baisse des impôts et de la réforme fiscale pour que le travail paie plus que l'inactivité.
Oui, je le dis sans état d'âme, comme la majorité d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous croyons à la baisse des impôts pour dynamiser la croissance, le pouvoir d'achat et l'investissement dans notre pays.
C'est pourquoi, au-delà de la stabilisation des prélèvements obligatoires, ce projet de loi de finances prévoit, pour les particuliers comme pour les entreprises, la réforme fiscale tout à la fois la plus juste et la plus ambitieuse depuis longtemps en faveur des classes moyennes et de la compétitivité du territoire français. Il apporte des réponses structurelles, comme le plafonnement fiscal ou la réforme de la taxe professionnelle, à des handicaps majeurs de notre système d'imposition.
Ces valeurs, ce sont enfin celles de la maîtrise résolue des dépenses publiques.
Par la maîtrise de nos finances publiques, que met en oeuvre ce projet de loi de finances pour 2006, nous exprimerons clairement notre refus de financer plus longtemps à crédit ce modèle social auquel nous sommes tous si profondément attachés et, ce faisant, nous marquerons ensemble cette conviction, que je sais être la plus profonde et la plus partagée par notre majorité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai toute confiance dans la qualité du débat que nous allons maintenant conduire ensemble. Je serai plus que jamais, tout comme Jean-François Copé, à l'écoute de votre appréciation et de vos propositions, dans l'intérêt de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Monsieur le ministre, soyez assuré que le débat au Sénat sera de grande qualité, comme le veut la tradition.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà un an, presque jour pour jour, j'avais pris au pied levé mes fonctions de ministre délégué au budget et à la réforme de l'État en plein débat budgétaire au Sénat.
Revenant aujourd'hui dans cette enceinte, je suis heureux de vous présenter, aux côtés de M. Thierry Breton, un projet de budget comportant pour notre pays des avancées majeures, dont nombre d'entre elles étaient loin d'être gagnées voilà un an.
Trois points caractérisent le projet de loi de finances que nous vous soumettons.
Tout d'abord - raison pour laquelle ce projet de budget ne ressemble à aucun autre - nous sommes au rendez-vous de cette nouvelle Constitution budgétaire, dont nous avons tant parlé ensemble depuis ces dernières années. Le pari est tenu. Puisque ce projet de budget, pour la première fois, est entièrement construit sur le nouveau modèle de la Constitution budgétaire, nous allons parler de modernité, de performance, de productivité, de résultat, vocabulaire nouveau pour la gestion publique.
Par ailleurs, nous sommes au rendez-vous de tous les engagements pris devant les Français qu'ils concernent l'emploi ou la restauration de l'autorité de l'État. De ce point de vue, le projet de budget tient compte des événements qui se sont produits dans les banlieues ces dernières semaines.
Enfin, Thierry Breton l'a rappelé à l'instant, ce projet de budget met en oeuvre l'une des plus importantes réformes fiscales engagées au cours de ces vingt dernières années. Je vais développer ce point dans un instant.
Sur la forme, ce projet de loi de finances ne ressemble à aucun autre.
Être au rendez-vous de la LOLF, c'est d'abord vous présenter des documents totalement nouveaux. Comme nous nous y étions engagés, il n'y a plus de bleu budgétaire, c'est un souvenir. Aujourd'hui, nous parlons de projet annuel de performance, le PAP, comportant des programmes, des objectifs, des indicateurs.
C'est aussi vous garantir une vraie transparence, car désormais le budget va être une maison de verre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons vous faire part, ainsi qu'aux Français, des effectifs réels de la fonction publique et du budget des ministères, programme par programme. De la même manière, nous vous indiquerons le pourcentage des crédits destinés à être mis en réserve au cours de l'exercice grâce à la modification que je vous ai proposée, avec le concours actif d'Alain Lambert, que j'ai le plaisir de saluer, et de Didier Migaud.
L'un et l'autre ont été parlementaires en mission auprès de moi et ont travaillé tout au long de l'année à la mise en oeuvre de cette Constitution budgétaire.
Cela étant, nous n'allons pas nous payer de mots aujourd'hui, ni demain ! La Constitution budgétaire est écrite ; il faut la faire vivre. Le travail qui reste à accomplir est immense. Ne nous y trompons pas ! La LOLF pourrait se solder par un échec total : il suffirait d'en maintenir le caractère technocratique et abscons et de ne parler qu'entre spécialistes.
M. Jean-Jacques Jégou. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Autant vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce n'est pas du tout dans cette voie que j'entends m'engager.
J'ai, comme vous, j'imagine, les yeux rivés sur ce qui se passe à l'étranger. Nous devons, les uns et les autres, sans cesse regarder ce qui se fait de mieux ailleurs pour en faire bénéficier notre pays.
Voilà quelques semaines, lors d'un déplacement aux États-Unis - M. Thierry Breton s'y était d'ailleurs rendu quelques jours auparavant - j'ai pu, en y rencontrant mes homologues, mesurer tous les progrès que nous pouvons réaliser pour améliorer encore la lisibilité du budget. Je leur ai emprunté quelques idées dont j'aurai l'occasion de vous faire part au cours de cette discussion budgétaire.
J'ai, à cette fin, retenu deux pistes.
Je souhaite, en premier lieu, que notre pays puisse disposer des outils les plus performants en la matière.
Je suis en train de mettre en place, au sein du ministère du budget et de la réforme de l'État, un pôle de référence qui fera ce que l'on appelle, en anglais, du benchmarking, c'est-à-dire des études comparatives internationales dans le domaine de la gestion publique, si bien qu'à chaque fois qu'une bonne idée sera trouvée ailleurs, elle sera retenue, expérimentée et, éventuellement, gardée.
De la même manière, nous allons fédérer, au sein du ministère des finances, toutes les structures ou organismes qui concourent aujourd'hui de manière dispersée à cette activité d'observation de ce qui se passe à l'étranger et favoriser l'éclosion d'une recherche universitaire dans le domaine de la gestion publique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors là, vraiment !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Robert Bret. Interprétation hâtive !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Venez travailler avec nous, madame Borvo !
Je veux, en second lieu, renforcer le débat démocratique sur la performance.
Nous allons, dès le mois de janvier, ouvrir sur Internet un forum de la performance, sur lequel les Français pourront trouver la description des politiques publiques à travers tous les aspects budgétaires - combien cela coûte ? - les aspects performances - quels objectifs et quels indicateurs ? - mais également les aspects de la réforme de l'État - que faire pour améliorer les choses ?
Tous les projets annuels de performance seront mis en ligne sur Internet avec un effort particulier pour rendre l'information compréhensible par tous les citoyens. Tous les indicateurs seront renseignés en temps réel dès que l'information sera disponible.
De la même manière, seront accessibles sur ce site de la performance toutes les études comparatives, tous les audits que nous allons réaliser pour moderniser l'État. Cela permettra à chaque Français de prendre connaissance de ces questions et d'en débattre avec nous. J'en rendrai compte ici même devant vous régulièrement, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le travail qui reste à accomplir est immense, je l'ai dit. Nous devons aussi essayer de voir comment mettre en oeuvre les engagements qui ont été pris par le Premier ministre, comme M. Thierry Breton le rappelait voilà un instant.
Cela se vérifie, tout d'abord, pour l'emploi. Toutes les marges de manoeuvre budgétaires disponibles cette année sont consacrées à l'emploi, avec, en particulier, la revalorisation de la prime pour l'emploi et la neutralisation financière du franchissement du seuil de dix salariés, ainsi que l'achèvement de la montée en puissance des allégements de charges.
Pourquoi les allégements de charges augmentent-ils de 1,8 milliard d'euros dans ce projet de budget ? Tout simplement parce qu'en juillet dernier le SMIC a, de nouveau, massivement augmenté, comme ce fut le cas en juillet 2003 et en juillet 2004. Parallèlement, le dispositif d'allégement des charges issu de la loi Fillon, pour neutraliser les conséquences de cette augmentation du SMIC, a achevé sa montée en puissance. Personne n'aurait compris qu'on fasse payer cette hausse par les entreprises, à un moment où nous mettons tout en oeuvre pour renouer avec la croissance et la création d'emplois.
C'est ce que j'avais dit, monsieur le président de la commission des finances, vous vous en souvenez, lors de notre débat nocturne, mais si intéressant sur les prélèvements obligatoires.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Nocturne, mais très éclairant !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est un supplément massif de pouvoir d'achat qui a été financé par ce biais. Ici encore, notre objectif est bien l'accroissement du pouvoir d'achat, notamment des salariés modestes, tout autant que la compétitivité des entreprises.
Lors de l'élaboration de toutes ces mesures, nous avons pensé aussi à ceux qui sont éloignés de l'emploi, en développant à leur intention un plan de cohésion sociale et en prévoyant des contrats aidés.
Dans tout cela se retrouve la « marque de fabrique » de notre économie. Elle repose sur trois idées simples.
Tout d'abord, nous refusons d'opposer sans cesse, de manière idéologique, l'économique et le social et donc, au final, d'opposer les Français les uns aux autres.
Ensuite, nous rompons avec la logique de l'assistance, qui a si longtemps tenu lieu de politique sociale à notre pays.
Enfin, nous nous engageons à accompagner chaque Française et chaque Français, aussi longtemps qu'il le faudra, sur le chemin du retour à l'emploi, à la condition, bien entendu, que ce soit dans un esprit de responsabilité, chacun respectant ses droits et ses devoirs.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Alain Lambert. Excellent !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous l'avez compris, le travail est bien au coeur de notre modèle de croissance.
La commission des finances souhaite qu'à cette occasion nous ayons un débat sur ce que l'on appelle communément la « TVA sociale ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ah, enfin !
M. le président. Beau sujet !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il s'agit de substituer à des prélèvements obligatoires assis sur les facteurs de production une imposition assise sur la consommation afin de mieux répartir la charge fiscale entre les biens produits à l'étranger et ceux qui sont produits en France. (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Écoutez cela, mes chers collègues du groupe CRC !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ce débat est hérissé de difficultés de toute nature et très compliqué. C'est là, en réalité - nous le savons bien, les uns et les autres - une nouvelle approche de notre modèle de société que d'intégrer la TVA sociale, mais il est légitime, passionnant.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et incontournable !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le fait de débattre ne signifie pas pour autant que nous nous acheminons à coup sûr vers une réponse. Le sujet est beaucoup trop complexe ! Chacun sait qu'il faudra sans doute passer beaucoup de temps à y travailler, mais le fait que vous ayez souhaité en débattre, monsieur le président de la commission des finances, est suffisamment légitime pour que nous acceptions cette discussion. Sachez qu'elle ne suscite, de ma part, non plus que de celle de M. Thierry Breton, aucune hostilité.
M. le président. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. La deuxième priorité de ce budget est la restauration de notre État régalien. Pour la quatrième année consécutive, nous respectons les engagements pris dans les lois de programmation sur la sécurité, la justice et la défense. C'est tout à fait inédit !
Après les trois semaines que nous venons de vivre, marquées par la prolongation de l'état d'urgence sur notre territoire, qui pourrait songer à nous le reprocher ? Nous avons évidemment une obligation absolument majeure de ce point de vue, qui est de répondre aux attentes des Français, de donner à l'État les moyens d'assurer ses missions les plus essentielles, au premier rang desquelles se trouve la garantie de la sécurité des biens et des personnes.
La troisième priorité est de préparer la France aux défis de l'avenir.
Nous sommes au rendez-vous pour la recherche, avec un milliard d'euros pour la deuxième année consécutive et 3 000 emplois nouveaux.
Nous nous étions engagés sur la création de pôles de compétitivité.
Nous avions annoncé la création de l'Agence pour l'innovation industrielle. Le pari, là aussi, est tenu avec 2 milliards d'euros qui lui seront consacrés d'ici à 2007.
J'évoquerai à présent la réforme fiscale que M. Thierry Breton et moi-même allons vous soumettre.
C'est une réforme qui repose sur trois mots clés : la justice, la simplicité et la compétitivité.
C'est, avant tout, une réforme juste, qui profite à tous, aux foyers moyens et modestes.
Je citerai quelques chiffres pour vous en persuader. Les personnes bénéficiaires de cette réforme seront les Français qui gagnent entre 1 000 et 3 500 euros par mois et par personne contribuable. Ce sont eux qui vont principalement bénéficier de 75 % du produit de la réforme de l'impôt.
C'est un vrai choix politique et nous l'assumons. Ce sont bien les classes moyennes qui gagneront le plus, en pourcentage, à la réforme : la baisse moyenne est de 10 % pour les revenus inférieurs à 42 000 euros par mois et de 5 % au-delà.
Valoriser l'effort de ceux qui travaillent, c'est cela être juste, et c'est bien ce que pensent les Français. Dans un sondage CSA réalisé au début du mois de novembre, 79 % des Français se déclarent favorables au principe de faire bénéficier les classes moyennes en priorité de la réforme de l'impôt sur le revenu et 81 % des personnes interrogées soutiennent la hausse de la prime pour l'emploi, qui fera enfin une vraie différence entre les revenus du travail et ceux de l'assistance.
Sur ce sujet, il y a matière à débat. Cependant, sachant que, lorsque les sondages sont mauvais pour l'activité gouvernementale, ils sont toujours mis en exergue, il nous a semblé, à M. Thierry Breton et à moi-même, voyant que ledit sondage était excellent pour la réforme fiscale que nous proposons, qu'il valait peut-être la peine, exceptionnellement, d'en faire la promotion nous-mêmes. Je vous en ai adressé un exemplaire à toutes et à tous. Je suis persuadé que vous saurez en faire le meilleur usage.
Être juste, c'est aussi faire une réforme qui vise à maintenir et même à accroître la progressivité de l'impôt.
Avant la réforme, les 2 % de foyers aux revenus les plus élevés contribuaient à hauteur de 40,6 % au produit global de l'impôt. Après la réforme, ils contribueront à 42,1 %, soit une augmentation de leur contribution à l'impôt de 1,5 point.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est incroyable !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cela serait sans doute de nature à inviter l'opposition à regarder aussi, de son côté, cette réforme avec un regard attentif et peut-être même souriant.
Cette réforme, à cet égard, est beaucoup plus juste que celle qui fut engagée par la gauche en 2001.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est vrai !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. En effet, pour un même coût budgétaire, M. Laurent Fabius, qui, à l'époque était moins versé dans le trotskisme qu'aujourd'hui (Protestations sur les travées du groupe CRC.)...
M. Robert Bret. Allez-y !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...avait fait une réforme beaucoup moins progressive que la nôtre.
Être juste, c'est, enfin, mettre en place un mécanisme totalement inédit de double plafonnement : un plafonnement de la charge fiscale à 60 % du revenu, d'une part, et un plafonnement des avantages fiscaux, d'autre part.
Je dirai tout d'abord quelques mots sur le plafonnement à 60 %. Il a vocation, comme vient de le dire M. Thierry Breton, à empêcher l'impôt d'être confiscatoire.
Vous aurez noté que, sur les 93 000 personnes concernées par le plafonnement, près de 90 % figurent parmi les contribuables les plus modestes. C'est donc un élément de plus au service de la justice de notre réforme fiscale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas tout à fait cela !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Sur les modalités de mise en oeuvre, l'Assemblée nationale a permis d'améliorer le dispositif sur deux points. Lorsque le seuil de 60 % est dépassé du seul fait des impôts d'État, que sont l'IR et l'ISF, le financement du dispositif est uniquement à la charge de l'État ; au cas contraire, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale maintient une contribution des collectivités locales, mais celle-ci est prélevée de façon globale sur l'ensemble de la DGF pour un montant qui est globalement très faible, puisqu'il est de 43 millions d'euros.
Mme Marie-France Beaufils. La DGF ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour 21 milliards d'euros !
Grâce à ces adaptations, nous avons désormais un dispositif qui satisfait à toutes les attentes.
J'en viens maintenant au plafonnement à 8 000 euros, plus 1 000 euros par enfant à charge, du cumul des différents avantages fiscaux, autrement dénommé « plafonnement des niches », qui a suscité des débats approfondis à l'Assemblée nationale.
Au terme de ces débats, la méthode choisie par le Gouvernement a été validée. Nous aurons l'occasion d'en reparler longuement - pas trop j'espère, mais ne nous faisons pas d'illusion ! - ici même.
Cette méthode a consisté à établir des critères précis pour intégrer ou non les avantages fiscaux dans le plafonnement. Si le dispositif de défiscalisation des investissements en faveur de l'outre-mer en a été exclu, c'est uniquement en raison du dispositif particulier d'évaluation prévu par la loi d'orientation pour l'outre-mer et de la spécificité de nos territoires ultramarins, consacrée par la Constitution. Un rendez-vous d'évaluation de la loi Girardin est prévu au mois de juin prochain.
Le deuxième mot clé de cette réforme, c'est la simplicité. Elle caractérise la refonte totale de l'impôt sur le revenu : cinq tranches au lieu de sept, quatre taux au lieu de six, qui intègrent la suppression de l'abattement de 20 % et la baisse du barème. C'est une opération « vérité des prix » très cohérente avec la volonté d'attractivité fiscale de la France que nous voulons mettre en oeuvre.
La simplicité est aussi à l'origine de la suppression des deux impôts, ce qui n'est pas fréquent, que sont la contribution sur les revenus locatifs des particuliers et la vignette automobile sur les véhicules de société.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui en profite ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Enfin, la compétitivité est le troisième mot clé de cette réforme fiscale.
Ce mot est parfois considéré comme un peu barbare mais il revient, au fond, à un seul sujet : les larmes que nous versons quand nos entreprises se délocalisent, quand nos usines ferment et quand nos emplois quittent la France, laissant des centaines de salariés sur le carreau. C'est un drame humain pour les familles et pour les territoires qui sont touchés et c'est pour l'ensemble de notre nation un véritable constat d'échec.
Le mot compétitivité n'appartient ni aux théoriciens, ni aux technocrates. C'est la responsabilité majeure des hommes et des femmes politiques. Il serait irresponsable de considérer ce sujet comme second ou médiocre alors qu'il se doit d'être au coeur de toute politique économique.
C'est dans cet esprit que s'inscrivent trois mesures de ce projet de loi de finances.
D'abord, la réforme de la taxe professionnelle. Je reviens du congrès de l'Association des maires de France, où j'étais très impatient de me rendre.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils sont très inquiets, les maires !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'étais à l'Assemblée nationale lors des deux premiers jours de ce congrès et je bouillais d'impatience, non seulement parce que c'est ma nature profonde, mais aussi parce que mes oreilles sifflaient terriblement. J'avais donc hâte de pouvoir y aller, le troisième jour, afin de tordre le cou aux fausses informations qui circulaient et de m'expliquer directement devant les maires.
Je parle sous le contrôle de M. le président du Sénat, qui était à mes côtés,...
M. le président. J'y étais effectivement avec vous !
M. Jean-François Copé, ministre délégué.... il me semble que j'ai été compris.
Que la réforme de la taxe professionnelle fasse l'objet de critiques, ce n'est pas une surprise pour moi ! On parle pudiquement de cette réforme dans les colloques, dans les salons et dans les réunions locales depuis des années, sans que personne ne prenne le risque de la présenter et de l'assumer devant vous.
Cet impôt est totalement inadapté à la réalité économique d'aujourd'hui. Alors même que, dans ce pays, comme Thierry Breton le rappelait tout à l'heure, nous nous mobilisons tous pour l'emploi et l'investissement, nous avons « sur les bras » un impôt qui taxe d'abord l'emploi et l'investissement ! On peut comprendre que cela suscite des difficultés.
Fallait-il pour autant ne pas en parler ? Évidemment non ! Nous sommes là, Thierry Breton et moi-même, non pour accumuler de l'ancienneté sans déranger personne, mais pour assumer nos responsabilités : on appelle cela le courage politique. Il nous faut essayer de trouver ensemble des solutions, tout en écoutant les messages des uns et des autres.
Selon les textes, aucune entreprise n'a vocation à être taxée à plus de 3,5 % de sa valeur ajoutée. Or, en réalité, ce sont près de 200°000 entreprises qui sont aujourd'hui taxées à hauteur de 4°%, 5°%, 6°%, et même jusqu'à 10°% de leur valeur ajoutée !
Fallait-il continuer à prononcer de grands discours à la télévision et devant les parlementaires, avec des trémolos dans la voix, en faveur de l'emploi, de l'investissement et des entreprises et, dans le même temps, refuser d'admettre que cet impôt est inadapté ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Certes, chacun a bien conscience des difficultés que risquent de connaître les collectivités locales. En effet, cet impôt a au moins le mérite de leur permettre de mener une politique de développement économique sur leur territoire, dans la mesure où existe un lien entre l'activité économique et la vie locale, et où elles bénéficient de ces recettes. Enfin, normalement, parce que, il faut bien le dire, le premier assujetti à la taxe professionnelle, aujourd'hui, c'est l'État !
Nous nous trouvons donc dans un vaste jeu de rôles dont chaque protagoniste feint, en public, de ne pas s'apercevoir qu'un problème se pose. Or tout le monde, ici, sait qu'il fallait trouver des réponses.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Thierry Breton et moi-même avons imaginé des réponses autour de quelques principes simples.
Selon le premier principe, aucune entreprise ne doit être taxée au-delà de 3,5°% de sa valeur ajoutée.
Le deuxième principe porte sur la réforme du dégrèvement pour les investissements nouveaux. L'exonération de ces investissements sera pérennisée et rendue plus efficace : elle sera totale la première année, des deux tiers la deuxième année, d'un tiers la troisième année, ce qui incitera au renouvellement des investissements.
L'Assemblée nationale, enfin, a retenu 2005 comme année de référence pour la prise encharge du plafonnement par les collectivités locales, à condition que la variation de taux entre 2004 et 2005 n'excède pas 4,5°%, de telle sorte qu'aucune commune -°et aucun département°- ne devrait être concernée.
M. Serge Vinçon. On verra ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour le reste, chacun assume les impôts qu'il vote !
Cette modification majeure est, me semble-t-il, de nature à apaiser la plupart des craintes que ce dispositif a pu susciter chez les élus locaux. Mais nous aurons l'occasion d'en reparler, car je souhaite mener de ce point de vue un travail approfondi avec les membres de votre assemblée.
Ce mécanisme doit être juste. Il faut donc tenir compte des effets pervers que cette réforme pourrait induire, notamment pour les collectivités, dont une partie très importante des bases est plafonnée et qui ont veillé, en même temps, à maîtriser leurs taux ; les dégrèvements refacturés pourraient peser lourd sur leurs recettes fiscales globales.
Je souhaite que votre Haute Assemblée aide le Gouvernement à atténuer cette difficulté. Je sais que votre commission des finances travaille activement sur ce sujet : la contribution du Sénat sera la bienvenue.
S'agissant du plafonnement fiscal, le taux de 60°% a fait l'objet de nombreuses discussions. Les taux de 50°% et de 70°% avaient ainsi été proposés. On peut toujours discuter longuement mais, à la fin, il faut faire un choix !
Ce taux de 60°% n'est pas tombé du ciel ! Avec Thierry Breton, nous avons les yeux rivés sur ce qui se passe en dehors de notre pays et nous avons constaté qu'un grand nombre de pays européens adoptaient, les uns après les autres, ce plafonnement à 60°% : l'Espagne, le Danemark, la Suède, l'Allemagne - qui connaît un taux de 50°%, mais pour le seul impôt sur le revenu°-, sans oublier les pays qui envisagent d'y recourir, comme la Grande-Bretagne.
Pourquoi serions-nous toujours les derniers à faire les réformes ? Pourquoi toujours attendre de voir si cela marche ailleurs avant de tenter quoi que ce soit ? Nous aussi, nous avons le droit d'expérimenter et d'essayer !
De ce point de vue, le taux de 60°%, qui s'applique à la fois aux impôts d'État et aux impôts locaux, a une bonne tenue et devrait mettre la France en conformité avec le standard européen.
J'en viens à la question de la compétitivité, liée à celle de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF.
Thierry Breton et moi-même l'avons dit à plusieurs reprises : nous ne souhaitons pas réformer l'ISF pour réformer l'ISF. Cela n'aurait aucun sens. En revanche, il est légitime de se pencher sur tous les impôts qui pénalisent la croissance et l'emploi, et éventuellement de les corriger.
À cet égard, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, qui exonère à hauteur de 75°% les actions, notamment celles qui sont détenues par les salariés, sous réserve d'un engagement de conservation, est bon, car il favorisera la stabilité de l'actionnariat de nos sociétés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment cela, « par les salariés » ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. En 1988, la gauche avait prévu une exonération en faveur des dirigeants, mais elle avait complètement oublié les salariés, madame Bricq !
Mme Nicole Bricq. Je n'ai rien dit ! (Sourires.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Dans cet esprit, il nous a semblé que cela valait la peine de s'intéresser à l'actionnariat populaire et de combler cette lacune.
Ce dispositif de réforme fiscale est donc extrêmement ambitieux.
Monsieur Arthuis, j'ai le regret de vous dire - mais je voulais vous présenter auparavant ce projet de réforme°- que la TVA sociale que vous préconisez trouve difficilement sa place dans notre système. Certes, je souhaite que nous ayons un débat sur ce sujet, ...
Mme Nicole Bricq. On va l'avoir !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... car vous y tenez beaucoup, mais vous devez comprendre qu'il y a loin de la théorie à la mise en oeuvre.
Néanmoins, ce débat doit avoir lieu et nous y participerons, dans cet esprit.
Mme Nicole Bricq. Il aura lieu !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour notre part, nous émettons les plus vives réserves sur ce dispositif. J'attire votre attention sur ce point, afin que vous mesuriez la place que tient cette réforme fiscale dans notre réflexion.
M. Philippe Marini, rapporteur général. D'ici à 2007 !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Naturellement !
J'en viens à ma conclusion.
L'ensemble du projet de loi de finances pour 2006 a été conçu dans une logique de responsabilité et nous avons eu à coeur, Thierry Breton et moi-même, de connaître le coût de chacun de ses éléments sur nos finances publiques.
Nous avons dû construire ce budget dans des conditions difficiles, en raison d'une forte accumulation de contraintes : un prix du pétrole qui a doublé en six mois, un ralentissement de la croissance économique en Europe et la concurrence de plus en plus marquée des pays émergents.
S'y sont ajoutées des contraintes budgétaires lourdes : une progression spontanée moins soutenue des recettes, une forte augmentation des prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne et des collectivités locales, la perte par l'État d'une recette de 3°milliards, puisque la caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, cessera, à compter du 1er janvier prochain, ses versements au budget général.
C'est dans ce contexte que nous avons travaillé à bâtir ce budget. Nous vous présentons une copie qui a deux caractéristiques : d'une part, le déficit budgétaire est totalement stabilisé à 46,8° milliards d'euros, c'est-à-dire au même niveau qu'en 2005 et, d'autre part, les dépenses n'augmentent pas en volume, et ce pour la quatrième année consécutive.
Je sais qu'il est de tradition, pour l'opposition, de dénoncer le caractère « insincère » -°c'est le mot passe-partout !°- de tout nouveau budget : un gouvernement enthousiaste présente un budget fantastique, et le premier mot que trouve l'opposition, lorsqu'elle est de gauche, pour qualifier ce budget, c'est « insincère » ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Là, c'est votre majorité qui le dit !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. M. Thierry Breton a fait, de ce point de vue, une démonstration éclairante.
Mme Nicole Bricq. À la bougie, alors !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Les prévisions économiques, il faut les lire, les étudier et, ensuite, il convient de travailler et d'assumer ses choix !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous pensons que les mesures que nous avons prises, Thierry Breton et moi-même, pour stimuler la politique économique de notre pays lui permettront d'atteindre les objectifs de croissance.
J'en veux pour preuve un seul chiffre, celui de la croissance pour le troisième trimestre de 2005, qui s'élève à 0,7°%. Ce message fort peut se conjuguer avec les dispositions que nous annonçons et avec celles que nous avons déjà prises, comme le contrat « nouvelles embauches », qui connaît un succès fantastique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Combien de contrats « nouvelles embauches » ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cela devrait conduire chacune et chacun à réfléchir sur le principe si important du divorce entre l'économie et l'idéologie.
Le deuxième élément de sincérité est le collectif budgétaire ; Thierry Breton et moi-même l'avons présenté, hier matin, en conseil des ministres.
Traditionnellement, tous les projets de loi de finances sont complétés par des collectifs budgétaires pléthoriques, sortes de « matchs retours » de tous les arbitrages qui ont été considérés comme non satisfaisants par les ministres gestionnaires.
Le collectif budgétaire que nous avons présenté hier ne comporte pas une seule ouverture de crédits destinée à être reportée sur la gestion 2006. En cohérence avec l'esprit de la LOLF, le Gouvernement a veillé à restaurer la fonction initiale de la loi de finances rectificative de fin d'année, qui consiste à conclure la gestion budgétaire de l'année et non à compléter les crédits de la loi de finances de l'année suivante.
Monsieur le président de la commission des finances, je vous sais très attentif à cette question. Mes premiers souvenirs de ministre du budget défendant le collectif de l'année précédente sont restés gravés dans ma mémoire ! (Sourires.)
Certes, j'étais plein d'enthousiasme - comment ne pas être fier, heureux et honoré d'être le ministre du budget de son pays ?°-, ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Enthousiasme partagé !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... mais, en même temps, quel bizutage ! Je me rappelle des termes terribles que vous aviez employés pour qualifier le collectif de l'année précédente ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il le méritait ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Celui que nous vous présentons aujourd'hui ne comporte aucun défaut de ce point de vue !
M. Alain Lambert. C'est bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. M. Lambert approuve bruyamment, et je m'en réjouis ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
J'en viens à un sujet essentiel en termes de sincérité : les cessions immobilières de l'État. Sur cette question, les sénateurs comme les députés ont eu l'occasion de « mettre les pieds dans le plat », et ils ont eu raison de le faire.
Quel était le problème ? L'État ne gérait pas son parc immobilier. Et, de ce point de vue, il y avait fort à faire !
Je veux rendre hommage, ici, au travail accompli par Alain Lambert qui, le premier, a osé dire que l'État devait connaître son patrimoine et a en a lancé le recensement. Nous savons aujourd'hui qu'il se compose de 26°000 immeubles, représentant une valeur de 33°milliards d'euros.
À cet égard, le rapport du député Georges Tron est éclairant sur l'incapacité de l'État à gérer correctement, jusqu'à présent, son patrimoine immobilier, et notamment les bureaux de ses fonctionnaires.
Nous avons donc, nous aussi, décidé de « mettre les pieds dans le plat »et de prendre ce dossier « à bras-le-corps ».
Pour la première fois, l'État atteindra l'objectif qu'il s'est fixé en matière de cession immobilière. J'avais dit devant votre assemblée, il y a quelques mois, que nous allions procéder à la vente d'une partie du patrimoine immobilier de l'État, représentant un montant de 600 millions d'euros. J'ai le plaisir de vous annoncer, mesdames, messieurs les sénateurs, que cet objectif sera tenu. Les prix de vente sont conformes aux prix du marché : les intérêts du contribuable sont donc bien défendus.
M. le président. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Enfin, la politique immobilière de l'État va disposer désormais d'un opérateur. En effet, le service des Domaines va être totalement transformé et modernisé pour devenir le service France Domaines, un service dont les fonctionnaires partagent notre objectif d'une gestion active et dynamique du domaine de l'État, soucieuse des intérêts du contribuable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une agence immobilière !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. L'État va se doter également d'outils pour gérer son patrimoine immobilier, avec un compte d'affectation spécial, nouvelle technique empruntée à nos amis canadiens -°je vous disais que je regardais ce qui se passe ailleurs !°-, qui identifie les opérations et les loyers budgétaires.
Désormais, chaque mètre carré occupé sera évalué par rapport à son équivalent en loyer. Chaque ministère disposera donc d'une enveloppe qu'il pourra utiliser à bon escient. Si ses occupants souhaitent déménager dans un endroit où le loyer budgétaire est moins cher, le ministère conservera tout ou partie de la différence, afin d'améliorer les conditions de travail de ses agents.
Comme vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, nous modernisons l'État. L'exemple de la gestion du patrimoine immobilier me paraît tout à fait représentatif de ce que nous souhaitons faire pour que les Français « en aient pour leurs impôts ».
Ce projet de loi de finances pour 2006 intègre aussi, et c'est le dernier élément, un plan en faveur des banlieues d'un montant de près de 400°millions d'euros, financé intégralement par des redéploiements de crédits.
En conclusion, je souhaite vous dire le plaisir qui est le mien, aujourd'hui, de débuter avec vous l'examen de ce projet de budget.
Les débats à l'Assemblée nationale ont permis d'avancer sur plusieurs points. Je souhaite désormais poursuivre ce travail d'amélioration avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour parvenir au meilleur équilibre possible sur ce texte.
Soyez assurés de ma totale disponibilité pour répondre à toutes vos questions, et pour examiner sereinement et très attentivement l'ensemble des amendements que vous voudrez bien nous présenter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'actualité financière et budgétaire européenne est contrastée.
D'un côté, nous recevons des critiques ou faisons l'objet de marques de scepticisme de la part de la Commission européenne. Le commissaire Joaquin Almunia estimait ainsi, le 17 novembre dernier, dans les prévisions économiques d'automne de la Commission, que le déficit public français devrait être excessif en 2005 et le rester jusqu'en 2007.
D'un autre côté, nous prenons connaissance avec plaisir des bons chiffres de la croissance pour le troisième trimestre, et ces courants ascendants renforcent, messieurs les ministres, la crédibilité de vos prévisions.
Face à de tels contrastes, quel comportement devons-nous adopter ? La commission des finances vous propose, mes chers collègues, une démarche en trois temps : d'abord, restons modestes ; ensuite, soyons ambitieux bien que réalistes ; enfin, plus que toute chose, soyons courageux...
Mme Hélène Luc. Courageux ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est en trois parties ordonnées autour de ces trois axes que je vais m'efforcer de définir l'attitude de la commission des finances à l'égard du projet de budget qui nous est soumis.
En premier lieu, soyons modestes.
Cette modestie doit valoir pour les économistes d'abord, pour la commission elle-même ensuite et, naturellement, pour le Gouvernement enfin.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour un gouvernement modeste, il verse facilement dans l'autosatisfaction !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le consensus des économistes n'est pas infaillible, les années 2004 et 2005 sont là pour le démontrer. S'agissant de 2004, le volontarisme de Nicolas Sarkozy quant à l'objectif de fin d'année aura gagné, mais grâce aux dividendes de la prudence d'Alain Lambert.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. S'agissant des années 2005 et 2006, ayons la lucidité d'observer que le redressement du troisième trimestre et l'acquis de croissance qu'il crée pour toute l'année 2005 rendent plus crédible la prévision pour 2006.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si nous avions manifesté, voilà quelques mois, du scepticisme quant à l'écart entre la prévision gouvernementale et le consensus des conjoncturistes, les courants ascendants semblent aujourd'hui porter votre prévision, messieurs les ministres.
La modestie n'en doit pas moins toujours guider nos pas, car de nombreux aléas peuvent jouer dans des sens contraires : actuellement, le prix du pétrole baisse - tant mieux -, mais le dollar monte.
Par ailleurs, l'augmentation des taux d'intérêt peut aussi susciter quelques inquiétudes.
Je citerai à ce sujet la déclaration du 18 novembre du gouverneur de la Banque centrale européenne : « Nous allons réduire quelque peu le caractère accommodant de la politique monétaire actuelle, afin de maintenir sous contrôle les anticipations d'inflation. »
Je voudrais aussi rappeler qu'outre-Atlantique la FED a relevé à 4 % son taux directeur le 1er novembre et qu'il s'agit du douzième relèvement successif.
Les aléas doivent donc être attentivement considérés.
En tout état de cause, il semble aujourd'hui à la commission que le pari du Gouvernement peut être gagné, en termes de croissance et de réalisation des hypothèses économiques.
Au demeurant, s'agissant du niveau des recettes fiscales et de leur estimation, un bref retour en arrière s'impose.
Je le reconnais, la commission a été pessimiste dans ses appréciations du début de l'été dernier, mais elle a droit, me semble-t-il, au bénéfice des circonstances atténuantes, car nul ne pouvait prévoir le retournement de tendance dû aux fameux courants ascendants. Surtout, on a observé, en 2005, des élasticités des recettes fiscales inhabituellement fortes qui ne se retrouvent dans aucun modèle.
En termes de méthode, je persiste à penser, mes chers collègues, que le principe de précaution doit toujours nous guider et qu'il convient de ne surtout pas confondre l'objectif de croissance, qui est un objectif mobilisateur et de nature politique, et le taux de croissance de référence, taux à partir duquel les variables du budget sont calculées et les objectifs en termes de solde budgétaire déterminés.
Au total, le cadrage macroéconomique du budget pour 2006 nous semble volontariste, mais ce volontarisme ne paraît pas de nature à entacher la sincérité globale de l'exercice.
Enfin, messieurs les ministres, si la commission des finances du Sénat et son homologue de l'Assemblée nationale ne vous appellent à la prudence, qui le fera ? Et qui vous soutiendra lorsque vous aurez à défendre une approche rigoureuse face à certains de vos collègues dépensiers, et même beaucoup trop dépensiers, du Gouvernement ?
J'en viens au volet de l'ambition.
Trouvons le bon équilibre entre l'ambition et le réalisme. L'ambition est indispensable,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...car, sans elle, on est marginalisé dans le monde d'aujourd'hui. Où se manifeste donc l'ambition dans les documents budgétaires ?
Tout d'abord, nous trouvons dans ces documents l'amorce, pour 2007, d'une première réforme de notre modèle fiscal. Il faut prendre l'approche du Gouvernement pour ce qu'elle est. C'est une direction qu'il indique, direction dans laquelle nous ne pouvons que l'encourager à aller : simplification du barème, opération vérité à l'égard de l'étranger, encadrement des niches, en attendant, nous l'espérons, leur suppression,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'y croyez pas vous-même, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...car, mes chers collègues, laisser subsister des législations complexes et virtuelles n'est d'aucune utilité et d'aucun intérêt.
Si la commission des finances appuiera donc le Gouvernement dans ses efforts pour réduire toute une série de corporatismes et d'intérêts catégoriels et particuliers,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les petits intérêts catégoriels, mais pas les gros intérêts capitalistes !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...elle le fera dans l'esprit d'aboutir ultérieurement à quelque chose de plus clair, de plus net, de plus simplificateur encore.
C'est donc un premier pas dans la bonne direction : vous faites ce qu'il vous est sans doute possible de faire pour 2007, mais, bien entendu, il faudra aller plus loin.
Le « bouclier fiscal » est assurément un excellent concept. C'est à la fois une initiative de portée pédagogique et une garantie pour le contribuable, qui aura ainsi la certitude de ne pas avoir à sortir de sa poche plus d'une certaine proportion de ses revenus taxables à l'impôt sur le revenu.
Bien sûr, nous en débattrons dans le cadre de la deuxième partie du projet de loi de finances - ce sera un des obstacles du steeple-chase qui nous attend -, mais qu'il me soit d'emblée permis de dire que la commission aura une vision globale du prélèvement et s'intéressera peut-être davantage au calcul du numérateur et du dénominateur qu'au taux lui-même, car, si un taux est intéressant, la réalité définie sans ambiguïté par les deux termes d'une fraction l'est encore bien davantage.
Il faut aussi être ambitieux en termes de maîtrise de la dépense. À cet égard, je veux complimenter le ministre délégué au budget, qui, dans les documents qu'il nous a adressés, laisse entendre à juste titre qu'il faudra probablement passer du « zéro volume » au « zéro valeur ».
Je salue sa lucidité, car le « zéro volume » s'interprète en tenant compte des changements de périmètres que nous avons déjà commentés. Les exonérations de charges sociales ou le financement des infrastructures de transport par l'agence que préside notre excellent collègue Gérard Longuet sont des opérations que nous ne contestons pas ; nous nous bornons à dire que, si l'on avait raisonné à méthodologie complètement inchangée, nous n'aurions pas été au rendez-vous du « zéro volume ».
M. Marc Massion. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis convaincu, mon cher collègue, que vous ferez des propositions pour aller dans le sens d'une approche encore plus rigoureuse !
Mme Nicole Bricq. Ne vous inquiétez pas : des propositions, on en a !
M. Philippe Marini, rapporteur général. S'agissant toujours de la maîtrise de la dépense, la commission approuve également la lucidité du Gouvernement quant à la nécessité de renouveler le processus des réserves de précaution et de contrôler les reports.
Elle souhaite, par ailleurs, que le Gouvernement s'appuie davantage encore sur l'outil qu'est la nouvelle loi organique pour rechercher la meilleure performance possible. Elle aura de nombreuses occasions de l'encourager à le faire lors de l'examen des crédits des différents programmes et missions.
Les chantiers à ouvrir, messieurs les ministres, doivent aussi refléter notre ambition commune.
De ce point de vue, la commission des finances réaffirme l'importance structurelle et stratégique qu'il faut bien attacher au débat sur la TVA sociale. Oui, mes chers collègues, c'est un pari à tenter, et nous le démontrerons, tant à l'égard de la concurrence extérieure qu'en termes de levier pour faire évoluer le modèle fiscal français, qui n'est à vrai dire qu'un reflet du modèle sociopolitique français.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien dit !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Beaucoup ici considèrent que des changements, des sauts qualitatifs sont nécessaires pour assurer le devenir de ce modèle.
Par ailleurs, la prime pour l'emploi est améliorée cette année, mais nous tracerons sans doute des perspectives encore plus ambitieuses pour le futur afin de mieux la cibler, car, comme le disait très justement le ministre délégué au budget, elle doit constituer l'un des moyens de réelle incitation à la reprise du travail et à la sortie des dispositifs d'assistance qui sont à notre disposition.
Au titre des ambitions, messieurs les ministres, la commission estime que l'impôt sur les sociétés doit lui aussi être profondément réformé : la démarche qui est la vôtre dans ce projet de loi de finances pour l'impôt sur le revenu devrait et aurait pu être étendue à l'impôt sur les sociétés lui-même.
Meilleure visibilité de l'extérieur, réduction pour aller vers la suppression des « niches » fiscales, ces deux principes s'appliquent tout aussi bien, voire encore mieux, à l'impôt sur les sociétés qu'à l'impôt sur le revenu.
Enfin, au titre des ambitions, je voudrais évoquer, messieurs les ministres, un chantier institutionnel qu'il va bien nous falloir ouvrir.
Nous observons, dans cette loi de finances, que l'essentiel des mesures fiscales que nous allons voter, j'allais dire entériner, proviennent de lois sectorielles diverses et variées qui ont été votées par le Parlement tout au long de l'année. Cela représente moins 3,8 milliards d'euros de recettes fiscales, alors que les mesures propres de la loi de finances ne représentent que plus 200 millions d'euros de recettes fiscales, et ce grâce à vous, monsieur le ministre du budget, qui avez dû quasiment in extremis, sur un certain nombre de points, rechercher les quelques formules nécessaires pour garantir l'équilibre au niveau qu'il fallait atteindre.
Notre sentiment est que la loi de finances comme voiture balai ou comme variable d'ajustement de toutes les lois sectorielles de l'année, franchement, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce n'est pas supportable ! (M. Jean-Jacques Jégou applaudit.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Institutionnellement parlant, ce n'est pas supportable !
Si Michel Debré avait imaginé, lorsqu'il a rédigé l'article 40 de la Constitution, ce que l'on pouvait faire avec une dépense fiscale, à mon avis, la Constitution de la Ve République aurait été rédigée autrement et on y aurait inclus non seulement les dépenses supplémentaires, mais aussi les moins-values de recettes.
Or ce n'est pas le cas et, mes chers collègues, par un exercice de lucidité collective, dans le respect des principes de la Ve République, il faudra bien que nous y réfléchissions et que les initiatives nécessaires soient prises pour l'avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mais, pour autant, nous devons rester pragmatiques. La politique est l'art du possible. Donc, messieurs les ministres, vous avez raison d'équilibrer les budgets pour satisfaire aux critères du pacte de stabilité et de croissance avec des éléments comme les soultes. Ce n'est pas la commission des finances du Sénat qui vous le contestera tout en faisant remarquer que, bien entendu, ce sont des opérations unitaires, qui ne peuvent se répéter. Cependant, elles sont bonnes à prendre : vous les prenez, nous les prenons et on ne saurait le contester.
De la même façon, j'y faisais allusion, monsieur le ministre du budget, les quelques opérations de reprise de trésorerie dormante, par exemple, vont assurément dans le sens de l'opportunité budgétaire. Ces mesures de rendement, vous avez raison de les prendre et de nous les proposer.
Toujours au titre du pragmatisme, j'évoquerai le rééquilibrage de plusieurs éléments de notre panoplie fiscale.
D'abord, la fiscalité locale sur laquelle nous reviendrons abondamment dans cet hémicycle. Je crois que l'on a à peu près trouvé le point d'équilibre pour faire évoluer la taxe professionnelle. Nous vous soumettrons quelques correctifs, quelques ajustements, quelques améliorations, messieurs les ministres, mais, sincèrement, par rapport à la boîte de Pandore que l'on avait ouverte en ce domaine, par rapport aux préconisations impossibles de la commission Fouquet, je crois que vous avez trouvé - pardonnez-moi de me répéter - le juste équilibre et des formules raisonnables.
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas notre avis !
M. Philippe Marini, rapporteur général. S'agissant de la fiscalité écologique ensuite, vous allez bien faire progresser les choses avec la taxation des voitures en fonction de leur degré de pollution. Il me semble que cette décision est tout à fait substantielle.
En ce qui concerne, enfin, la fiscalité de l'épargne, l'initiative que prend la commission des finances de vous convier, mes chers collègues, à réexaminer le régime des intérêts versés sur les plans d'épargne logement de plus de dix ou douze ans doit nous conduire à rééquilibrer certains dispositifs et à rechercher l'efficacité dans l'affectation de l'épargne vers les besoins prioritaires de l'économie
Restant dans le pragmatisme, j'estime que vous avez raison, messieurs les ministres, de poursuivre dans le sens de l'arbitrage des actifs publics. L'ouverture du capital d'EDF à hauteur de 15 % est un excellent départ. Les opérations qui ont été réalisées, en particulier sur GDF, sont les bienvenues en termes de compétitivité et d'ouverture de notre économie.
Sur le dossier un peu plus complexe des autoroutes, nous souhaiterions, dans le cours du débat, être bien éclairés tant sur les procédures que sur les valorisations.
Si je reprends les études de nos collègues de l'Assemblée nationale, d'un côté, Gilles Carrez utilise un taux d'actualisation de 4 % des dividendes à verser par les sociétés d'autoroutes et il arrive à une estimation de 23 milliards d'euros ; de l'autre, Hervé Mariton estime, lui, que cette valorisation devrait se situer entre 12 milliards et 13 milliards d'euros en se fondant sur un taux d'actualisation compris entre 6 % et 6,5 %.
J'espère donc, messieurs les ministres, que vous nous apporterez, au cours du débat, des éléments qui, en termes de gestion patrimoniale de l'État, nous permettront de souscrire sans aucune réserve à cette privatisation, par ailleurs certainement utile, des sociétés d'autoroutes.
Enfin, vous l'avez dit, monsieur le ministre du budget, les ventes d'immeubles de l'État doivent se poursuivre. Il n'y a aucune espèce de raison que les ministères thésaurisent de l'immobilier. Les loyers d'usage sont certainement un bon levier pour faire évoluer les habitudes et la gestion.
J'achèverai mon propos par un bref appel au courage. (M. Aymeri de Montesquiou s'exclame.)
Essayons d'être courageux !
Mme Hélène Luc. Qu'est-ce que le courage ? Vous allez nous le dire ! Pour nous, ce serait d'affronter les problèmes des gens, le chômage, le pouvoir d'achat !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est tout cela !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le courage, c'est une attitude, chère madame.
Nous en avons la profonde conviction, au sein de la commission des finances, notre modèle fiscal et social est inadapté. Il faut oser se remettre en question pour que, face à la compétition internationale, la France continue à occuper son rang, sa place, et à faire entendre sa voix. Une France affaiblie, trop endettée ou dont la gestion serait trop contestable, serait une France dont la voix ne porterait plus.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut en avoir bien conscience : entre la finance et la politique, voire la politique internationale, il y a des liens plus étroits qu'on ne le pense parfois. Ce ne sont pas des mondes séparés, c'est un seul et même monde, souvent cruel mais il est ainsi.
Essayons d'être courageux. Je vais vous donner deux exemples : les dépenses de personnel, d'un côté, et la dette, de l'autre.
S'agissant des emplois budgétaires, on a créé l'outil avec la loi organique. L'outil, ce sont les équivalents temps plein travaillé. C'est donc le nouveau mode de calcul des crédits de masse salariale. Mais il faut avoir la volonté de s'en servir : l'outil, c'est la condition objective.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ensuite, naturellement, interviennent les éléments volontaristes. La commission a rappelé, à la suite de bien d'autres, que l'opportunité des grosses annuités de départ en retraite n'est pas suffisamment mise à profit. (M. Jean-Jacques Jégou applaudit.)
Et il aura fallu, messieurs les ministres, quatre années depuis 2002 pour simplement compenser les créations nettes d'emplois de la dernière année du gouvernement Jospin.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je me permets toujours de rappeler cette comparaison quand on nous parle des contraintes qui s'exercent sur le niveau des effectifs publics. Il a été très facile, au cours d'un dernier budget électoral, de créer 17 214 emplois, mais il aura fallu quatre budgets successifs, et dans la douleur, pour simplement compenser cette augmentation électorale et d'opportunité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Un autre élément de préoccupation sur ce plan est relatif aux revalorisations salariales. Nous le savons bien, un point de rémunération de la fonction publique représente 800 millions d'euros et, dans le jeu de rôles traditionnel à ce sujet, les marges de manoeuvre, même celles qui seront nécessaires dans le dialogue social, ne sont jamais budgétées.
La loi organique permettra sans doute aux gestionnaires d'exercer davantage leur sens des responsabilités. Elle fixe des plafonds de crédits affectés à la masse salariale et elle donnera la possibilité aux ministres qui le voudront bien de se situer en dessous. C'est notamment en fonction de cela que nous apprécierons leurs performances de gestion dans un an.
Nous souhaitons que les modes de rémunération s'adaptent progressivement à la recherche de l'efficacité du service public. Nous aurons l'occasion d'y revenir fréquemment dans cette discussion budgétaire.
Autre élément, la dette, qui est en quelque sorte la drogue des États. Je vous propose cette formule car l'accoutumance à la dette permettrait de tout faire. L'État endetté est un État qui s'adonne à une conduite addictive.
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les réveils n'en seront que plus difficiles. L'État drogué, c'est l'État qui voudrait continuer à tout faire et ne saurait pas choisir ses priorités.
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Or la France, je le rappelle, est exposée à un risque en matière de taux. En effet, vous savez qu'une augmentation de deux points du taux d'intérêt moyen de la dette représente, quatre ans plus tard, 9 milliards d'euros d'intérêts supplémentaires. Je parle sous le contrôle de Paul Girod, qui nous a également fait remarquer, il n'y a pas si longtemps, que la CADES, que l'on met à part, comptabilise 37 milliards d'euros de dettes. Son appel au marché est identique à celui de l'Espagne. Merci, monsieur Paul Girod, de ce rappel !
La France est le premier émetteur de la zone euro. Pour la première fois, mes chers collègues, nous allons avoir un débat spécifique sur le recours à l'emprunt et nous aurons à approuver ou à rejeter - je pense plutôt à approuver - le plafond de variation de la dette, fixé à 41 milliards d'euros. Ce sera une excellente opportunité pédagogique de reprendre toute cette problématique.
Gouverner, c'est choisir, construire un budget, c'est arbitrer : grâce à la loi organique et à l'examen des programmes en base zéro, nous pourrons être plus conscients de cette réalité mais, en même temps, elle nous impose à tous, notamment aux parlementaires et donc aux sénateurs, des responsabilités nouvelles. En effet, nous pouvons amender, mais amender pour habiller Pierre en déshabillant Paul, c'est évidemment plus difficile que de faire un amendement gagé par l'augmentation fictive de la taxe sur les tabacs !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas vrai ! Vous nous avez ôté le véritable moyen de faire des amendements !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En conclusion, mes chers collègues, espérons que de nos débats naisse un progrès de cette loi de finances.
M. Jean-Pierre Plancade. Ce sera difficile !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci par avance, messieurs les ministres, de votre écoute. Merci de l'attitude constructive que vous-mêmes et vos collaborateurs ont vis-à-vis des propositions de la commission. Tâchons tous ensemble de faire en sorte que notre État, l'État dont nous allons voter le budget, demeure, sans doute dans les limites du raisonnable, un État providence, mais ne se transforme pas en un État de sollicitude au sens de Michel Schneider, c'est-à-dire un État qui, par ses mauvaises habitudes et les mauvaises habitudes de ceux qui s'adressent à lui, ne cesse de multiplier des promesses et de se réfugier dans un jeu d'illusions...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On atteint des sommets !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... qui appelle nécessairement de fortes réactions du tissu social.
Mes chers collègues, vous pouvez le constater, c'est donc dans un esprit très constructif, mais tout en restant très vigilante, que la commission des finances aborde l'examen de ce projet de budget pour 2006, qui apporte de réels progrès.
Tâchons d'aller plus loin encore, grâce à vous, messieurs les ministres et aussi grâce à vous, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Vous l'avez rappelé en ouvrant cette séance, monsieur le président, la discussion que nous entamons aujourd'hui revêt un caractère historique, puisque, pour la première fois, le Gouvernement présente devant le Parlement son projet de loi de finances initiale conformément aux dispositions de la LOLF.
Pour la première fois, mes chers collègues, nous allons voter les crédits par mission, et non plus par ministère ; nous allons les voter au premier euro, et non plus pour les seules dépenses nouvelles, qui ne représentaient guère plus de 5 % du budget ; enfin, nous allons voter par référence à des objectifs de performance, et non plus seulement par référence à des moyens.
Une nouvelle culture est à l'oeuvre, voulue et conçue par la représentation nationale, votée dans un consensus supra- partisan, dictée par la nécessité de mettre un terme aux dysfonctionnements de l'État, à l'impéritie de la gestion publique ainsi qu'à l'immobilisme de la sphère étatique.
Alors que le « modèle français » paraît être à bout de souffle, ou en tout cas soumis à rude épreuve, comme en témoignent le niveau du chômage, les déficits abyssaux et les montagnes de dettes publiques, sans parler des violences urbaines, le renouveau est attendu. Il n'est plus question de jouer les prolongations dans l'attente des secours de la providence.
S'il est vrai que la LOLF n'est pas en soi une politique, elle doit cependant constituer désormais l'instrument de la lucidité de tous ceux qui prennent des décisions politiques. Certes, la LOLF n'est qu'un levier, un éclairage, un mode de gouvernance ; elle sous-entend la transparence et met l'accent sur l'obligation pour tout agent public de rendre compte de sa gestion. A sa façon, elle nous invite à rompre avec nos procédés approximatifs, puisque, dorénavant, les comptes publics devront être lisibles, vérifiables et sincères.
Allant jusqu'au bout de sa logique, notre nouvelle Constitution financière charge la Cour des comptes de certifier la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l'État. Mes chers collègues, la révolution est en marche !
Il n'y a plus de place pour la créativité conceptuelle, les petits arrangements de présentation budgétaire, les trompe-l'oeil, les petites tricheries convenues pour sauver les apparences et tenter de se mettre à l'abri des remontrances bruxelloises et, en fin de compte, se rassurer à bon compte. Il n'est donc plus question d'abuser les citoyens et de rendre impossible toute tentative de pédagogie, au nom de l'habileté politique.
Une ère nouvelle s'ouvre. C'est donc, messieurs les ministres, l'heure de vérité pour ce premier projet de loi de finances présenté sous l'empire de la LOLF.
Au moment où s'ouvre la discussion budgétaire, je voudrais tenter de répondre à trois questions. Le projet de budget pour 2006 est-il sincère ? Est-il l'expression de la réforme de l'État ? Enfin, les dispositions qu'il contient peuvent-elles stimuler la croissance et résorber le chômage ?
Première question : le budget est-il sincère ?
En juin dernier, monsieur le ministre de l'économie et des finances, vous avez tiré la sonnette d'alarme en affirmant que « la France vit au-dessus de ses moyens ». Votre projet de budget, avec un déficit prévisionnel de 46,8 milliards d'euros, ne dément pas votre observation, surtout si l'on prend en compte les déficits prévisionnels des régimes obligatoires de protection sociale et l'assurance chômage, qui représentent, au total, plus de 60 milliards d'euros de déficit public - soit près de 2 000 euros de déficit par seconde ! - et qui viendront s'ajouter aux 1 100 milliards d'euros de dette publique.
À cet égard, il est sage de ne pas oublier que l'État supporte également la dette des droits à pension des fonctionnaires, qui est de l'ordre de quelque 800 milliards à 900 milliards d'euros.
Pour aller jusqu'au bout de l'exigence de sincérité, il conviendrait, en outre, de tenir compte des engagements souscrits par l'État en faveur d'organismes dont les dettes sont des dettes de l'État. Nous attendons donc les conclusions de la mission que vous avez confiée à Michel Pebereau, monsieur le ministre, pour avoir confirmation de nos analyses à ce sujet.
S'agissant de l'évolution des dépenses publiques, votre proclamation selon laquelle le cap du « zéro volume » est respecté s'expose quelque peu à la critique.
La suppression des crédits alloués à la sécurité sociale en compensation des exonérations de cotisations liées à la réduction du temps de travail constitue un heureux arrangement. En effet, si les crédits en cause étaient restés inscrits au budget général, il eût fallu, du fait de leur poids relatif - 18,9 milliards d'euros, soit une progression de10 % - faire face à près de 0,4 % de progression du volume de la dépense publique.
Par ailleurs, la débudgétisation des crédits alloués à l'Agence pour le financement des infrastructures de transport, l'AFIT, à l'Agence nationale de la recherche, l'ANR et à l'Agence de l'innovation industrielle, l'AII, par prélèvement sur les ressources de privatisation, permet au Gouvernement, de manière optique, de ne pas avoir à constater une évolution significative du volume des dépenses publiques.
A cet égard, je voudrais dire que, face à une situation donnée, tout gouvernement peut faire le choix d'un supplément de dépense publique. L'option est parfaitement respectable et mieux vaut qu'elle soit assumée comme telle.
En outre, le recours massif aux dépenses fiscales vous dispense, messieurs les ministres, de faire apparaître de nouveaux crédits budgétaires. Ne perdons pas de vue, mes chers collègues, que de telles pratiques « plombent » les recettes des budgets à venir.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Au demeurant, la tendance ou, devrais-je dire, la dérive s'affiche avec une telle vigueur qu'elle s'approche de la sincérité. Mon propos est largement avivé par votre renoncement à débusquer toutes les « niches » fiscales, en contrepartie de votre projet de réforme du barème de l'impôt sur le revenu, grâce à l'institution d'un « bouclier fiscal ».
En particulier, mes chers collègues, la sanctuarisation de la défiscalisation des investissements « ultramarins » me pose un problème de conscience que je souhaiterais vous faire partager.
L'ingéniosité de certains montages, sans doute parfaitement légaux, ne parvient pas à se concilier avec l'idée que je me fais de l'équité fiscale. J'aurai l'occasion, si vous le désirez, de m'en expliquer lorsque les articles en cause viendront en discussion.
A mes yeux, il ne peut être admis d'instituer un « bouclier fiscal », tel que l'a conçu le Gouvernement, sans fixer un seuil pour les revenus les plus élevés, à savoir ceux qui, dans mon esprit, se situent au-delà des limites actuelles ouvrant droit à l'abattement de 20 %, appelé à disparaître, soit 120 000 euros. Je pense, en effet, que, à partir de ce niveau de revenu, nous pourrions maintenir un plafonnement rigoureux des réductions d'impôt du fait des « niches », quelles qu'elles soient.
Enfin, je me garderai de contester la prévision de croissance sur laquelle repose ce projet de budget. Croyez bien, monsieur de ministre de l'économie et des finances, que je forme des voeux pour que le taux effectif soit le plus élevé possible, même si, en matière de prévision de croissance, tout nous porte à l'humilité. Cela dit, vous êtes tout à fait dans votre rôle en faisant preuve d'optimisme, voire de volontarisme.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout cela pour dire que votre budget n'est pas insincère, puisque les sujets de reproches auxquels vous l'exposez ne sont en aucune façon dissimulés. (Murmures sur les travées du groupe CRC.)
Deuxième question : le projet de loi de finances pour 2006 est-il l'expression de la réforme de l'État ?
Oui, sans doute,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais non, c'est le contraire !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...en ce que de louables efforts ont été déployés dans la plupart des administrations pour respecter les objectifs et les modalités de la LOLF.
Observons, toutefois, que l'engagement des ministères est contrasté. Ainsi, si certains méritent des compliments, d'autres ont fait preuve d'inertie. L'analyse des crédits par mission et par programme a, de ce point de vue, livré son lot d'informations utiles. Une floraison d'indicateurs fait vivre l'espérance d'une pratique nouvelle, privilégiant l'efficacité de la dépense publique.
Cela étant, trois ombres au tableau nous amènent à nuancer notre appréciation.
Il s'agit, tout d'abord, du quasi-remplacement des départs en retraite des fonctionnaires. Ce sont, en effet, neuf postes rendus vacants sur dix qui seront pourvus.
Certes, j'en conviens, en termes d'affichage immédiat, la politique volontariste n'est pas gratifiante dans ce domaine. En effet, de telles mesures, courageuses, lucides et déterminées ne produisent pas de résultats budgétaires significatifs avant plusieurs années, monsieur le ministre délégué au budget. Mais sommes-nous à ce point soumis à la tyrannie du court terme que nous soyons conduits à renoncer à ce qui est durable ?
Ma deuxième préoccupation a trait à la multiplication, au fil des semaines, d'annonces qui, toutes, impliquent de nouvelles dépenses publiques, alors même que, de toute part, il nous est signalé que les arriérés d'engagements antérieurs restent à financer.
Enfin, j'évoquerai une dernière ombre au tableau, à savoir que le système d'information comptable, budgétaire et financière de l'État est en attente de réforme. Autrement dit, il va falloir, avec tous les risques d'inévitable opacité, procéder à de multiples retraitements et ajustements afin de respecter, en apparence tout au moins, les prescriptions de la LOLF.
Notre vrai défi commun, à vous messieurs les ministres comme à nous, membres du Parlement, est de démontrer que la LOLF n'est pas une nouvelle couche de peinture superficielle destinée à faire croire que la réforme de l'État serait bien engagée.
Pour ma part, je reste confiant, d'abord, parce qu'il n'y a pas d'alternative et, surtout, parce que la multiplication des signes tangibles d'adhésion à la démarche constitue un bel encouragement. En d'autres termes, je dirai que le mouvement est lancé.
Troisième question : le projet de budget pour 2006 peut-il stimuler la croissance et résorber le chômage ?
Les articles de la première partie comportent peu de mesures susceptibles d'affecter la conjoncture économique. Tout a déjà été décidé dans des lois antérieures, ainsi que l'a fort justement rappelé notre rapporteur général lorsqu'il nous a suggéré de revoir notre méthode.
Les réformes fiscales de poids que vous nous proposez, messieurs les ministres, viendront en discussion dans les articles non rattachés de la seconde partie. Elles n'auront d'effets que sur le budget pour 2007 et au-delà ; de ce fait, elles suscitent un large débat où se mêlent inquiétudes et satisfactions.
La réforme du barème de l'impôt sur le revenu et l'institution d'un bouclier fiscal limitant à 60 % du revenu le montant global des prélèvements au titre des impôts locaux, de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, répond à une exigence de compétitivité fiscale du territoire français.
Pouvons-nous nous satisfaire plus longtemps de l'exil d'un nombre croissant de contribuables que les pays voisins de la France qualifient de « réfugiés fiscaux » ? Les délocalisations fiscales sont, certes, réelles, mais, si elles sont extrêmement préjudiciables, elles ne sont pas pour autant une fatalité. Le courage consiste à reconnaître qu'il est possible d'y porter remède, et c'est ce que fait le Gouvernement, puisque le dispositif proposé représente incontestablement un correcteur d'excès et une simplification.
Subsistent, toutefois, certaines scories non négligeables. Le Gouvernement, après avoir conçu, dans un premier élan tout à fait louable, de lutter fermement contre toutes les fameuses « niches », vient de mettre hors champ certaines d'entre elles à l'Assemblée nationale.
Qu'il me soit permis de m'étonner de ce renoncement qui, à mes yeux, offense l'équité. Je suis prêt à m'en expliquer et j'ose espérer que le Sénat y mettra bon ordre.
Hormis cette critique, la réforme est globalement bien orientée, pour motiver l'investissement productif, pour encourager le travail et pour rendre du tonus à notre économie. Notre barème, comparé aux barèmes en vigueur dans les autres pays de l'Union européenne, cessera de faire de la France une anomalie.
Mais il subsiste une réforme majeure, qui ne reçoit qu'une timide et bien incomplète réponse. À l'occasion du débat sur les prélèvements obligatoires, nous nous sommes efforcés de convaincre le Gouvernement que certaines contributions, assises sur le travail, détruisent l'emploi dans la sphère marchande. Dans une économie globalisée, il n'est plus possible de demander aux entreprises de financer la solidarité, notamment le système de santé et la politique familiale. Ces charges salariales constituent de véritables « droits de douane à l'envers », auxquels échappent tous ceux, de plus en plus nombreux, qui vont produire hors du territoire national.
Dès lors, demandons aux entreprises de s'occuper de la créativité, de l'innovation, de l'investissement productif, de la production de biens et de services, de la création d'emplois, mais cessons de les charger du financement de la solidarité, qui incombe à la nation, c'est-à-dire à l'ensemble des familles et des citoyens.
De là vient la proposition d'instituer un autre mode de financement de la santé et de la politique familiale. Si nous taxons la production, elle franchira nos frontières pour rester compétitive. Nous proposons, vous le savez bien, messieurs les ministres, d'assurer un financement de substitution par la « TVA sociale ». Or rien n'est prévu, dans ce budget, pour avancer dans cette voie, et pourtant le temps presse !
Monsieur le ministre délégué au budget, j'ai pris bonne note de votre engagement, de même, je pense, que de celui de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Vous me répondez que cette réforme est difficile. C'est vrai ! Néanmoins, est-ce que nous n'osons pas parce que c'est difficile ou est-ce c'est difficile parce que nous n'osons pas ?
Reconnaissons toutefois que la réforme de la taxe professionnelle que nous soumet le Gouvernement est de nature à satisfaire en partie l'une des attentes des entreprises. En revanche, ce dispositif suscite de réelles inquiétudes parmi les élus des collectivités territoriales.
Mme Hélène Luc. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cette problématique illustre l'antagonisme croissant entre les entreprises, confrontées désormais à une concurrence internationale, et les collectivités, enracinées dans un territoire. Gageons que le début de réponse que le Gouvernement nous apporte n'épuisera pas ce sujet et que nous aurons l'occasion, avant longtemps, de revoir la copie.
Pour appréciable qu'elle soit, en effet, cette réforme ne suffira pas à inverser substantiellement la tendance. Je gage que, comme la plupart de nos réformes fiscales, caractérisées par une complexité excessive, celle-ci ouvrira de nouveaux et fructueux espaces aux adeptes de l'optimisation fiscale.
S'agissant de l'emploi, il n'est pas douteux que la loi de finances pour 2006 sortira du chômage nombre de personnes en difficulté. Mais ce sera grâce aux moyens qu'offre la dépense publique ! Cette situation est préférable, bien sûr, au non-emploi, mais cette réponse ne peut être que provisoire, et nous devrons bien vite en sortir, sauf à nous contredire.
Messieurs les ministres, votre budget est à l'image de notre société. Il reste nécessairement marqué par le poids du passé et révèle nos contradictions les plus criantes. S'il n'échappe pas à la critique, il ouvre néanmoins, grâce à la LOLF, quelques perspectives prometteuses pour réformer l'État. Il faudra du temps, et aussi une volonté sans faille, à l'abri de la frénésie d'affichage immédiat qui met à si rude épreuve la crédibilité des acteurs politiques que nous sommes.
Ce projet de budget n'est pas insincère, parce qu'il affiche clairement que la France ne vit pas en dessous de ses moyens. Convenons qu'il s'agit d'un budget de transition. Nous mesurons les limites de la démocratie d'opinion, dont les excès érodent gravement le crédit du mode de gouvernement et des responsables que nous sommes.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, n'attendons pas que les agences de notation suppléent notre indécision par des sanctions coûteuses, car nous aurions alors à supporter un accroissement substantiel de la charge de la dette publique !
Nous avons le devoir, mes chers collègues, de mettre à profit chacun des vingt jours de discussion qui s'offrent à nous pour améliorer le texte que nos collègues députés viennent de voter. Veillons, d'emblée, à faire bon usage de la LOLF. Je sais que chacun, ici, s'y est préparé, tout comme vous, messieurs les ministres, en particulier M. le ministre délégué au budget. Croyez bien que nous sommes prêts à partager tout le plaisir que vous donnera cette discussion.
Mes chers collègues, je forme des voeux pour que notre longue discussion soit riche et fructueuse. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2006.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 106 minutes ;
Groupe socialiste, 68 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 26 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 15 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 10 minutes.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes. J'invite chacun à respecter cette recommandation ! Quoi qu'il en soit, je serai vigilant sur ce point !
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au risque de paraître redondant par rapport à ce qui a été très bien dit ce matin, je tiens tout d'abord à me réjouir de la discussion, aujourd'hui, de la première loi de finances « lolfienne ». Nous attendons en effet beaucoup de cette nouvelle nomenclature budgétaire, notamment en termes de transparence et d'outil de contrôle d'une dépense qui sera peut-être, enfin, au service de l'efficacité.
Alors que je suis dans cet état d'esprit, monsieur le ministre, et que j'interviens au nom de mon groupe, à la suite du vote des députés UDF, je ne voudrais pas que vous ne vous posiez qu'une seule question, à savoir si nous sommes, oui ou non, toujours dans la majorité.
Ce serait faire peu de cas de l'implication des parlementaires UDF dans l'examen du projet de loi de finances pour 2006 et du débat de fond qu'ils ont souhaité lancer face à la situation catastrophique des finances publiques de la France et du peu d'espoir d'amélioration pour 2006.
En effet, mes chers collègues, la situation financière de notre pays est grave. Je ne citerai que quelques chiffres pour prendre la mesure de ce naufrage financier : une dette de l'État qui continue à se creuser, pour atteindre 1 162 milliards d'euros, soit 66 % de la richesse nationale ; un déficit des finances publiques s'élevant à 46,8 milliards d'euros ; des prélèvements obligatoires qui ne cessent de progresser et qui représentent aujourd'hui 44 % du PIB ; une croissance des dépenses de l'État toujours supérieure à celle de la progression de la richesse nationale.
Ces indicateurs clés du projet de loi de finances pour 2006 me conduisent à nouveau à m'interroger sur le désormais triste privilège des parlementaires français de voter, année après année, des budgets déficitaires, qu'il s'agisse de celui de l'État ou de celui de la sécurité sociale, et d'être mis en demeure de reporter systématiquement les défauts de gestion sur les générations futures.
J'entrerai maintenant dans le vif du sujet. Le projet de loi de finances pour 2006 me paraît souffrir de deux défauts majeurs : il ne propose pas de vision politique à long terme et il est inefficace d'un point de vue économique.
Le manque d'ambition politique de ce texte se traduit par une présentation fallacieuse, qui vise à minimiser la croissance des dépenses et à surestimer les recettes.
Le déficit structurel est ainsi réduit de façon artificielle. M. le rapporteur général l'a dénoncé dans son rapport, la baisse du déficit structurel, qui permettrait d'anticiper à long terme la diminution de la dette publique, n'est qu'« un phénomène optique, résultant de l'élasticité prévisionnelle des recettes des administrations publiques au PIB particulièrement élevée en 2006 ». Après correction, la réduction du déficit structurel serait non pas de 0,5 point de PIB, comme vous l'annoncez, monsieur le ministre, mais de 0,1 point seulement, ce qui ne témoigne guère d'un volontarisme percutant, s'agissant de votre politique budgétaire, à moins que ce ne soit la marque d'un oubli intentionnel des règles de base d'une bonne gestion.
C'est ainsi que certains de vos allégements fiscaux ne seront pas financés par des diminutions de dépenses. Leur coût est de 4 milliards d'euros cette année, alors que les prévisions de recettes sont très optimistes et que le niveau de la dépense publique est très soutenu. Ce montant atteindra 6,5 milliards d'euros en 2007, alors que la baisse des impôts n'est pas gagée. On peut donc déjà apprécier de quelles marges de manoeuvre vous disposerez lors de l'élaboration du projet de loi de finances pour 2007 !
Les objectifs de dépenses ne sont donc pas du tout contraignants. Le Gouvernement se contente de nouveau de stabiliser les dépenses en volume alors que les parlementaires réclament chaque année un effort supplémentaire afin qu'elles soient également stabilisées en valeur.
Le projet de suppression de 5 700 emplois dans la fonction publique est ridicule lorsqu'on sait que 65 000 fonctionnaires, sur un total de 2,3 millions de personnes - excusez du peu ! -, partent chaque année à la retraite !
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Jean-Jacques Jégou. Cela nous promet un débat intéressant, au cours de la discussion thématique que nous allons entreprendre.
Qui plus est, l'objectif « zéro volume » n'est atteint que par une présentation en trompe-l'oeil, laquelle vise à dissimuler une croissance des dépenses de plus de 4 %. Les transferts d'allégements de charges sociales vers les organismes de sécurité sociale ou les prélèvements sur recettes - appellation pudique de ce qui constitue, en fait, des dépenses - au profit du budget européen ou des collectivités locales en sont, parmi bien d'autres, des exemples.
Enfin, monsieur le ministre, si la situation n'était pas aussi dramatique, on pourrait sourire, s'agissant du FFIPSA, le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, de la « danse du ventre » du Gouvernement, qui s'acharne à le financer sur ses marges de manoeuvre. Or nous savons très bien que ces dernières n'existent plus, même après l'examen du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale, puisque le déficit a été augmenté.
En ce qui concerne les recettes, les prévisions sont bien optimistes, même si un redressement de la croissance semble se profiler, ce dont nous sommes heureux sur toutes les travées, quelles que soient nos convictions. Je ne souhaite pas polémiquer sur les hypothèses de croissance que vous avez retenues, monsieur le ministre. Chacun espère que le taux de 2,25 % sera atteint, et si possible dépassé. Mais sachant combien les recettes sont élastiques à ce niveau de croissance, permettez-moi d'émettre tout de même quelques doutes sur un optimisme qui ne règle rien et qui, au contraire, fragilise la loi de finances.
Quand je parle de surestimation des recettes, voire d'insincérité, je pense aussi aux recettes non fiscales, qui sont d'autant plus dangereuses pour l'équilibre du budget qu'elles sont par définition non récurrentes ! C'est là l'expression d'un État qui est aux abois et se trouve réduit aux expédients. Il est à la fois dépensier avant d'être gestionnaire, prédateur avant d'être actionnaire et peu fiable avec ses principaux partenaires économiques.
Le budget n'est bouclé que par des hold-up successifs : augmentation des prélèvements sur les dividendes versés par les entreprises publiques - EDF, Banque de France, France Télécom -, prélèvement sur les fonds d'épargne versés par la Caisse des dépôts et consignations et véritable casse opéré sur le Fonds de garantie de l'accession sociale, le FGAS, et les sociétés autoroutières. Vous tirez même sur les ambulances en exigeant le reversement de plus-values de cession d'actifs de Réseau Ferré de France, RFF, société de « défaisance » de la SNCF déjà noyée sous sa propre dette !
Dans ces conditions, monsieur le ministre, comment interpréter la leçon de bonne gestion que vous entendez infliger aux collectivités locales par une réforme fiscale contestable, pour le moins inattendue, voire paradoxale ? On demande aux collectivités locales de gérer et de financer de plus en plus de politiques à la place de l'État et, dans le même temps, on essaie de récupérer de l'argent sur leur dos par tous les moyens.
Qui plus est, le Président de la République se paie une promesse personnelle que l'État n'a pas aujourd'hui les moyens de financer.
M. Josselin de Rohan. Quelle promesse ?
M. Jean-Jacques Jégou. Il s'agit du foncier non bâti, mon cher collègue !
Le plafonnement à 3,5 % de la taxe professionnelle est un bon principe en soi. Responsabilisant pour les collectivités locales, il est aussi un signe en faveur des entreprises. Tout cela est clair. Seulement, force est de constater qu'il prive les collectivités locales, à l'aveugle, de ressources importantes, qu'il diminue le peu d'autonomie qui leur restait et qu'il récompense les collectivités qui ont été les moins vertueuses depuis quelques années !
Je n'ai pas le temps d'aborder en cet instant la réforme de la dotation globale d'équipement, la DGE, à laquelle l'UDF s'oppose vivement.
Autant dire que les débats sur ces questions seront vifs et que nous attendons, monsieur le ministre, de vraies réponses à ces sujets.
Mme Nicole Bricq. Vous ne les aurez pas !
M. Jean-Jacques Jégou. Concernant l'autre volet de la réforme fiscale, la réforme de l'impôt sur le revenu me paraît injuste socialement, à moins que nous n'ayons une conception différente, monsieur le ministre, de la définition des classes moyennes. Par certains côtés, cette réforme est aussi inefficace économiquement. Et déjà, elle est payée à crédit.
L'intégration de l'abattement de 20 % dans l'assiette conduit à faire un cadeau à ceux qui n'en bénéficiaient pas auparavant, à savoir les contribuables les plus aisés.
Le bouclier fiscal esquive le débat que nous attendions tant sur l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF, cet impôt anti-économique. Surtout, il ne résout en rien les injustices liées à la hausse des prix de l'immobilier. De plus, pour un coût total estimé à 400 millions d'euros, il ne touchera que 93 000 contribuables, dont 14 000 assujettis à l'ISF qui bénéficieront à eux seuls des deux tiers de cette somme.
Enfin, le plafonnement des niches fiscales est extrêmement discutable, non pas sur le fond, mais sur la forme. En effet, la plupart des niches échapperont à ce plafonnement qui ne devrait concerner que 10 000 contribuables.
À propos de plafonnement, pourquoi ne pas avoir mené une réflexion impôt par impôt et niche par niche ? En effet, à quoi sert finalement une niche fiscale ? Ce n'est rien d'autre qu'un dispositif dérogatoire incitatif, l'outil d'une politique particulière, dans un contexte particulier, à un moment particulier !
M. le président. Je vous demande de conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Jacques Jégou. Toute la contradiction est là ! Aujourd'hui, la règle est non plus le dispositif législatif, mais son système dérogatoire.
Nul gain, donc, en termes d'efficacité ! S'il y a aujourd'hui un consensus sur le fait que la priorité des priorités est l'emploi, je regrette que le présent projet de loi de finances ne s'attaque pas au coût du travail.
M. le président. Concluez, mon cher collègue !
M. Jean-Jacques Jégou. Je termine, monsieur le président.
Enfin, je veux vous dire, monsieur le ministre, dans la plus grande sérénité, que ce qui nous éloigne, nous, membres du groupe UC-UDF du Gouvernement, c'est le choix qu'a fait ce dernier, depuis juin 2002, de ne pas considérer les Français comme des citoyens responsables. Ne pas exprimer la réalité des problèmes est un mauvais choix.
Pour l'UDF, c'est non seulement mentir à nos compatriotes, mais de surcroît accepter de plonger la France dans l'immobilisme en n'impulsant pas les réformes nécessaires, qui ont pourtant déjà été réalisées par la plupart de nos partenaires européens.
Cet attentisme hypothèque l'avenir de nos enfants, qui ne tarderont pas à reprocher à notre génération le poids de ses errements en matière budgétaire, en ce qui concerne tant le budget de l'Etat que celui de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Marc Massion.
M. Marc Massion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui pratiquement le même projet de budget que celui qui a été présenté à nos collègues députés voilà un mois. Comme si, en un mois, il ne s'était rien passé...
Et pourtant, les plus hautes autorités de l'Etat ont parlé de « crise grave » dans notre pays, d'« événements révélateurs d'un malaise profond » et ont souligné l'urgence de la situation.
On pouvait donc s'attendre à ce que le projet de budget pour 2006 tire les premières conséquences de ce malaise profond. Or, aucune mesure n'apporte une amorce de réponse, sinon quelques redéploiements de crédits, ici ou là, au sein d'une mission...
Ainsi, pour l'éducation nationale, 40 millions d'euros seulement sont redéployés, alors que l'éducation et la formation figurent, par définition, parmi les éléments les plus forts de l'égalité des chances dans notre pays !
Donc, de par votre volonté, on fait comme si rien ne s'était passé, et nous débattons par conséquent du même projet de loi de finances pour 2006....
Dans quelle situation nous trouvons-nous ?
La croissance, qui n'a jamais retrouvé les niveaux atteints sous le dernier gouvernement de la gauche, stagne dans un environnement international pourtant favorable. Il paraît loin le temps où notre pays se situait à cet égard au-dessus de la moyenne des pays européens !
L'investissement des entreprises n'augmente pas.
L'inflation présente un risque évident de redémarrage, notamment à cause de la hausse du prix du pétrole ; mais le Gouvernement continue de refuser le rétablissement de la TIPP flottante, qui avait pourtant des vertus reconnues au regard tant des prix que de la consommation.
L'emploi salarié stagne également ; malgré les fanfaronnades, aucun emploi n'est créé dans le secteur privé.
Le pouvoir d'achat recule pour beaucoup de nos compatriotes. La consommation des ménages baisse - l'indice d'octobre affichait moins 0,7 % -, hors périodes de solde.
Le taux de chômage ne diminue pas, sauf de façon optique, avec l'évolution démographique, les radiations effectuées « à la hussarde » sur les listes de l'Agence nationale pour l'emploi et la résurgence discrète des emplois aidés, que vous aviez d'ailleurs tant critiqués !
La France a renoué avec le déficit des transactions courantes en 2004, pour la première fois depuis 1991, et la tendance perdure.
En 2006, alors que la prévision de croissance est plus forte que celle de 2005 - tout en restant inférieure à la moyenne mondiale -, le déficit budgétaire devrait se creuser de plusieurs milliards d'euros et les prélèvements obligatoires devraient augmenter de près de 30 milliards d'euros, pour représenter plus de 44 % du PIB, et tout cela malgré de substantielles réductions d'impôts.
Le poids de la dette s'est fortement accru depuis 2002, pour atteindre 66 % du PIB, en dépit des taux d'intérêt très bas.
Enfin, n'étant pas maîtrisée, la dépense publique a augmenté par rapport au PIB, alors même que les besoins publics sont de moins en moins couverts et que les politiques publiques sont de plus en plus remises en cause. Quelle contradiction !
La triste réalité, c'est que ce budget est insincère (M. le ministre délégué rit) - et je confirme ainsi, monsieur le ministre, le propos que vous nous avez prêté dès ce matin -,...
M. Marc Massion. ... injuste et inefficace.
Il est insincère, car il est construit sur des hypothèses économiques irréalistes et sur une norme de progression de la dépense artificiellement respectée.
Selon le Gouvernement, en 2006, la croissance devrait s'établir à 2,25 % et le déficit public à 2,9 % du PIB. Mais l'ensemble des économistes tablent sur une croissance de 1,8 % seulement et sur un déficit public s'élevant à 3,5 % du PIB. Cette appréciation est d'ailleurs partagée au sein même de votre majorité.
Je sais bien, monsieur le ministre, que les chiffres du troisième trimestre sont là, mais un trimestre ne fait pas le printemps !
Mme Nicole Bricq. Surtout en hiver !
M. Marc Massion. Ce projet de loi de finances est peu conforme aux principes de vérité et de sincérité.
Il prévoit une débudgétisation massive de dépenses - cela a été rappelé, ce matin, par M. le président de la commission des finances et par M. le rapporteur général -, dont 19 milliards d'euros de dépenses liées à la compensation des allégements de cotisations sociales, pour faire croire au respect de la norme de progression de la dépense. Cette norme, dite « zéro volume », est en réalité un attrape-nigaud ! Sans les nombreuses mesures de débudgétisations contenues dans ce projet de loi de finances, la progression de la dépense serait très supérieure !
Je pense également à la transformation de dépenses budgétaires en dépenses fiscales. Les transformations de l'an dernier produisent leur effet budgétaire cette année, privant l'État de recettes fiscales et minorant d'autant les dépenses. La seule transformation du prêt à taux zéro en crédit d'impôt représente 500 millions d'euros !
Par ailleurs, la privatisation des autoroutes, refusée l'an dernier par l'Assemblée nationale, permet d'améliorer la présentation du budget cette année.
Les finances locales sont devenues des variables d'ajustement des finances de l'État ! Ce dernier ne respecte pas ses engagements à l'euro près à l'égard des départements. Les régions, elles, souffrent d'avoir « mal » voté en 2004 ! Et le bouclier fiscal aggravera cette dérive, notamment pour les communes.
M. Jean-Pierre Fourcade. Çà, c'est vrai !
M. Marc Massion. Merci, monsieur Fourcade, d'approuver mon propos !
Les recettes exceptionnelles, dites recettes de poche, ont été multipliées dans ce budget. Les entreprises publiques ou celles dans lesquelles l'État détient une participation ont engendré un résultat net de 7,6 milliards d'euros : le Gouvernement se sert dans la caisse, puisque les recettes liées aux participations de l'État augmentent de 1,8 milliard d'euros, dont un prélèvement exceptionnel sur EDF de 688 millions d'euros !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il se sert de son argent, c'est normal !
M. Marc Massion. D'autres prélèvements exceptionnels sont prévus, tels que, par exemple, ceux qui sont opérés sur le fonds de garantie à l'accession sociale, le FGAS, Réseau ferré de France et également, à hauteur de presque 1 milliard d'euros, sur les sociétés autoroutières. Ils totalisent près de 3,35 milliards d'euros, c'est-à-dire près de la moitié du résultat total des entreprises publiques.
Lorsqu'ils touchent le FGAS, ces prélèvements menacent le financement du logement social et augurent de l'absence des moyens budgétaires que le Gouvernement prétend mettre en oeuvre pour mener sa politique du logement.
Lorsqu'ils concernent EDF ou les sociétés autoroutières, ces prélèvements témoignent de l'irresponsabilité de ce même gouvernement, qui s'apprête à privatiser - donc à démanteler - deux piliers du développement économique français fondés, l'un, sur une énergie indépendante, peu coûteuse et moins polluante, l'autre, sur des infrastructures routières de qualité, élément incontestable de l'attractivité de notre territoire. En privatisant à bas prix les autoroutes, le Gouvernement privera durablement l'État de recettes importantes, à seule fin d'améliorer la présentation du présent projet de loi de finances !
Par ailleurs, ce budget est injuste : les mesures fiscales prévues pour 2006 et, plus encore, pour 2007, dans le cadre de votre fameuse « réforme fiscale », sont particulièrement contraires à la justice.
La progressivité de l'impôt, emblème du pacte républicain, recule et, partant, contredit toute ambition de redistribution. Ce recul indique que le Gouvernement et sa majorité sont désormais ouvertement opposés à ce que l'on appelait encore, il n'y a pas si longtemps, le « partage des fruits de la croissance », qui faisait référence à une certaine notion d'équité !
Aujourd'hui, les plus favorisés se protègent des rigueurs du fisc par un bouclier fiscal, au bénéfice des fortunes les plus taxées au titre de l'ISF. Or, un bouclier fiscal digne de ce nom devrait avoir pour objet de défendre la cohésion de notre nation, menacée par les égoïsmes, la pauvreté et la misère qui délitent lentement, mais sûrement, le corps social de notre pays.
Pourtant, en ces temps de « vaches maigres », le flot des cadeaux aux plus aisés ne s'arrête pas : accélération du rythme des donations en franchise de droits, abaissement de l'âge du donateur pour le bénéfice de réductions de droits, instauration d'un abattement sur les donations au sein d'une fratrie - et maintenant au profit des neveux ou nièces -, création d'un allégement de taxe sur le foncier bâti, à la suite d'une mobilité professionnelle, allégement du foncier non bâti pour les exploitants agricoles, faux plafonnement des niches consistant en réalité à en sanctuariser certaines, prorogation des niches fiscales ciblées, crédit d'impôt pour l'acquisition d'un véhicule propre, majoration du crédit d'impôt pour les dépenses d'équipement.
Alors que, pour 90 % des foyers, la charge des prélèvements sociaux est supérieure à celle de l'impôt sur le revenu, le Gouvernement a décidé de baisser l'impôt sur le revenu et l'impôt de solidarité sur la fortune, et d'augmenter les prélèvements sociaux !
Les plus hauts revenus sont en réalité les gagnants de la réforme projetée. Et les réductions de quelques euros qui pourront concerner certains ménages modestes sont peu de chose par rapport aux milliers, voire aux dizaines de milliers d'euros que pourront percevoir en plus les contribuables qui relèvent des tranches supérieures de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune !
Dans le même esprit, le Gouvernement tend à faire croire aux Français qu'ils seront nombreux à profiter du plafonnement appelé « bouclier fiscal » alors qu'en réalité, en dehors de cas exceptionnels, seuls quelques milliers de contribuables fortunés assujettis à l'ISF sont concernés, en fait les propriétaires d'une fortune supérieure à 5 millions d'euros ! Ce « bouclier fiscal » n'est en fait qu'un moyen détourné de toucher à l'ISF !
Le plafonnement de l'impôt à 60 % des revenus ne devrait profiter, semble-t-il, qu'à 93 000 contribuables. Et comment s'articuleront entre elles les mesures de plafonnement des niches fiscales et celles de plafonnement de l'impôt à 60 % ? Plafonnera-t-on d'abord les niches et ensuite l'impôt ? Ou le contraire ?
Dans le même temps, alors que le montant minimal de la prime pour l'emploi est de 25 euros, le Gouvernement propose de ne pas la verser à ses bénéficiaires si son montant est inférieur à 30 euros. Combien de personnes risquent de perdre cette aide bien modeste ?
Enfin, ce budget est inefficace.
En effet, avec ce projet de loi de finances, le Gouvernement prive le budget de l'État de recettes fiscales nécessaires au financement des politiques publiques. Ainsi, outre la diminution de l'impôt sur le revenu et de l'ISF, le Gouvernement va priver cette année l'État de plus de 20 milliards d'euros de recettes fiscales en les transférant à d'autres opérateurs tels que la sécurité sociale, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, le Conservatoire du littoral, les collectivités locales, etc. C'est à un véritable démantèlement de l'État que l'on assiste !
Par ailleurs, en ne cessant de procéder à des régulations budgétaires massives, qui portent sur les dépenses d'investissement, les derniers gouvernements, sous la présidence de Jacques Chirac, ont contribué à affaiblir la France. Doit-on dès lors s'étonner de la perte de compétitivité de notre économie ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Marc Massion. Enfin, alors que la consommation est le meilleur moteur de la croissance, peut-on croire qu'elle puisse être stimulée par les cadeaux fiscaux offerts aux plus aisés, dont la consommation, elle, n'a pas besoin d'être stimulée ; les cadeaux fiscaux ont plutôt tendance à favoriser l'épargne de ces personnes ! Doit-on s'étonner de notre perte d'attractivité ?
J'en viens à ma conclusion sans pouvoir parler de l'Europe, puisque mon temps de parole est épuisé : monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre jugement sur ce budget est tellement négatif que, sans prendre de risque, je pense pouvoir annoncer dès maintenant que nous ne le voterons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quel scoop !
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce matin, M. Thierry Breton en nous présentant son budget l'a qualifié de responsable, sincère et transparent.
À sa suite, le rapporteur général, Philippe Marini, a parlé de modestie, d'ambition et de courage.
Pour ce qui me concerne, et dans la même veine, je dirai que ce projet de budget pour 2006 est volontariste, cohérent et responsable. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Responsable, sûrement pas !
M. Henri de Raincourt. Il est volontariste par ses prévisions de croissance qui sont, il est vrai, supérieures au consensus des conjoncturistes.
Je voudrais, à cet égard, faire deux remarques.
Tout d'abord, les experts n'ont pas toujours raison, sinon ils ne seraient probablement pas experts. (Sourires.) Les dernières statistiques sur la croissance au troisième trimestre, publiées par l'INSEE, montrent qu'ils n'avaient effectivement pas prévu qu'elle serait de 0,7 %.
Ensuite, j'aimerais qu'on me cite un gouvernement qui, présentant un budget, n'a pas cherché à lui donner une ambition en lui fixant une prévision de croissance la plus volontariste possible. Je me souviens en particulier des prévisions de croissance pour le budget de 1993, seule année où la croissance a été négative, et pour celui de 2002.
Le projet de loi de finances pour 2006 est responsable, car il stabilise les dépenses de l'État en volume - cela a été dit ce matin - et il vise à faire repasser le déficit public sous la barre des 3 % du PIB.
J'ai bien entendu M. le ministre de l'économie et des finances ce matin : à propos du rappel effectué par la Commission européenne, il nous a confirmé la détermination du Gouvernement à tenir sur ce point ses engagements nationaux.
Ce budget poursuit également l'effort entamé depuis 2002 pour restaurer l'État régalien.
Il traduit aussi les efforts annoncés en faveur de la recherche, de l'innovation et des infrastructures.
Les collectivités locales bénéficieront pour leur part de la reconduction du contrat de croissance et de solidarité. Nous aurons d'ailleurs, le 29 novembre prochain, dans cet hémicycle, un débat certainement très intéressant sur les recettes des collectivités locales.
Enfin et surtout, ce budget est cohérent parce qu'il confirme la priorité donnée à l'emploi, parce qu'il constitue une nouvelle étape dans la revalorisation du travail et parce qu'il prétend renforcer la compétitivité de nos entreprises.
En matière fiscale et budgétaire, nous devons, mes chers collègues, avoir le courage de regarder la réalité en face et de mener une politique adaptée. Nous ne devons pas avoir peur d'afficher clairement les priorités qui sont les nôtres. Nous ne devons pas nous laisser intoxiquer par les obsédés de la dépense publique qui ronge notre pays et les admirateurs de la pression fiscale, qui fait fuir à l'étranger nombre de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Voilà !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Ils voudraient nous faire croire que la réforme fiscale privilégie les riches alors qu'elle est centrée en priorité sur les salariés des classes moyennes, ceux qui gagnent entre 1 000 euros et 3 500 euros par mois, ceux qui donnent beaucoup mais reçoivent peu, ceux que l'on a trop longtemps oubliés.
Mme Marie-France Beaufils. Ceux qui sont endettés ?
M. Henri de Raincourt. C'est en ce sens que la réforme fiscale proposée est une réforme juste, puisque aucun salarié aux revenus modestes ne sera perdant grâce à l'effet combiné de la baisse de l'impôt sur le revenu et de la hausse de la prime pour l'emploi
Ceux qui ont des rémunérations proches du SMIC bénéficieront à plein de l'augmentation massive de la prime pour l'emploi, qui atteindra 1 milliard d'euros en deux ans.
Plus de 70 % des 3,5 milliards d'euros de baisse d'impôt sur le revenu iront aux foyers dont le revenu est compris entre 10 000 et 40 000 euros par an.
Au total, près de 80 % de l'effort global de baisse des impôts, prime pour l'emploi comprise, bénéficiera directement aux ménages modestes et aux revenus moyens.
De même, contrairement à ce que certains affirment, le plafonnement des impôts locaux et nationaux à 60 % du revenu n'est pas réservé aux contribuables les plus aisés.
Sur les 93 000 personnes qui bénéficieront de ce dispositif, 81 000, soit près de 90 %, sont dans le premier décile du revenu. Il s'agit de Français aux revenus modestes qui doivent acquitter les impôts locaux, mais aussi d'artisans, d'agriculteurs, de créateurs d'entreprise, d'un certain nombre de personnes ayant connu une année difficile, également de demandeurs d'emploi.
Sur ces 93 000 personnes, moins de 6 000 se trouvent parmi les 10 % de ménages aisés.
Sur les 330 000 personnes assujetties à l'ISF, seuls 16 800 contribuables bénéficieront du plafonnement. Environ un tiers d'entre eux se situe dans la plus basse tranche d'imposition.
M. François Marc. Ah bon ?
M. Henri de Raincourt. Nous sommes donc bien loin de ce qu'on entend et de ce qu'on lit, bien loin des nantis que les nostalgiques de la lutte des classes continuent à montrer du doigt avec mépris !
M. Marc Massion. C'est vous qui la faites, la lutte des classes !
M. Henri de Raincourt. Ce n'est pas tout à fait nous qui la faisons, et je vous invite à regarder qui cela concerne ! Voilà quelques jours, dans un quotidien national qui rencontre d'ailleurs quelques difficultés financières, ...
M. Henri de Raincourt. ... on montrait la photo de dix personnes qui seraient théoriquement concernées par les largesses du Gouvernement. Or, en regardant de plus près les choses, ces gens-là ne le sont pas, car ils ont quitté la France depuis longtemps ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Il faudrait donc là aussi regarder la réalité en face !
La réforme fiscale est juste parce qu'elle récompense les efforts que fournissent nos compatriotes. Avec cette réforme, nous faisons un vrai choix de société...
Mme Hélène Luc. C'est vrai, mais quelle société !
M. Henri de Raincourt. Le choix d'une société qui privilégie le travail par rapport à l'assistance, madame Luc !
L'augmentation massive de la prime pour l'emploi donnera aux Français une vraie raison de choisir le travail. Là est la véritable rupture, là est le véritable clivage.
Quand certains veulent diviser le travail, nous préférons le valoriser plutôt que de dépenser des milliards d'euros pour payer des gens à ne pas travailler. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Évoquez aussi les chômeurs et les stagiaires qui travaillent pour rien !
M. Henri de Raincourt. C'est un choix politique, un choix de société, que nous assumons et que nous revendiquons avec fierté.
L'autre choix que nous assumons et revendiquons est celui de la responsabilité budgétaire face aux enjeux auxquels est confronté notre pays.
Nous vivons dans le monde réel, dans une économie ouverte, à l'heure de la mondialisation, même si nous avons pu croire, lors des dernières Vingt-quatre heures du Mans (Murmures sur les travées du groupe socialiste. - Sourires sur les travées de l'UMP), que nous étions revenus des décennies en arrière.
L'économie française doit faire face à une compétition mondiale féroce, et sa croissance est soumise à bien des aléas internationaux, comme l'a très bien souligné le rapporteur général, Philippe Marini.
Mme Nicole Bricq. Vous êtes très polémique !
M. Henri de Raincourt. Alors, nous soutenons la réforme de la fiscalité des personnes non seulement parce qu'elle est juste, mais aussi parce qu'elle renforce l'attractivité de notre pays, et la réforme de la taxe professionnelle participe de la même logique.
M. Christian Cambon. Bien sûr !
M. Henri de Raincourt. On ne peut à la fois déplorer les délocalisations et proposer des mesures qui les accélèrent comme, par exemple, la renaissance de la funeste loi improprement appelée « de modernisation sociale »,...
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Henri de Raincourt. ...qui, en réalité, est une vraie loi de régression sociale. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Henri de Raincourt. Si nous n'agissons pas, d'autres pays le font. La concurrence fiscale existe, qu'on le veuille ou non.
Nous avons besoin d'une économie compétitive, qui redonne aux particuliers et aux entreprises le goût du risque, l'envie d'investir, de créer des emplois et de l'activité dans notre pays.
Nous soutenons la politique du Gouvernement, nous soutenons sa volonté - nous voulons même aller plus loin - de réduire les déficits publics et la dette, mais aussi de réformer l'État, et ce sera l'un des mérites de la LOLF.
M. Henri de Raincourt. Je veux, à cette occasion, saluer l'engagement du président de la commission des finances et du rapporteur général à faire de la LOLF un outil performant au service de la gestion de l'État.
Cependant, si la LOLF peut constituer le levier de la réforme de l'État en plaçant la gestion publique dans une logique de performance, elle ne saurait remplacer la volonté politique.
C'est avec cette volonté que le groupe de l'UMP soutiendra ce budget qui nous apparaît, à bien des égards, comme un budget réaliste pour un pays réel, dans un monde réel, au service de la croissance et de l'emploi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà une semaine, la Commission européenne adressait un nouvel avertissement à notre gouvernement en matière de déficit public ; le risque de réactivation de la procédure pour déficit excessif est donc réel. Ce coup de semonce n'est pas une atteinte à notre orgueil national : il est un puissant rappel à la rigueur budgétaire, gage de notre crédibilité.
Cet avis extérieur confirme l'interrogation de deux Français sur trois : l'État gère-t-il son budget de façon responsable ? En 2005, il vivra à crédit du 28 octobre au 31 décembre. Cette présentation est frappante ! Notre pays a accumulé depuis vingt-cinq ans des déficits qui sont devenus structurels. Ayons présent à l'esprit que l'écart réel entre les recettes et les dépenses de l'État est de 22 %, plutôt que de mesurer le déficit à l'aune du PIB de la France par un pourcentage virtuel qui occulte l'inconfortable réalité et endort notre vigilance.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Aymeri de Montesquiou. Martelons ce chiffre de 22 % : quel ménage pourrait se permettre un tel « trou » dans son budget sans mettre en danger ses biens propres et envisager des décisions drastiques ? Le déficit prévu dans le projet de budget pour 2006 est un abîme de 46,8 milliards d'euros, soit plus de 300 milliards de francs. Nous ne pouvons qu'être effarés !
Peut-on commencer cette discussion budgétaire en étant résignés ? L'habitude du déficit nous conduit à la désinvolture et, comme l'a souligné Philippe Marini, nous sommes en état d'accoutumance.
Une prise de conscience et une réaction sont indispensables quand le déficit vient encore accroître une dette qui augmente de 100 000 euros par heure et que le niveau des taux d'intérêt, en passe d'augmenter de 0,25 %, est peut-être sur le point d'en alourdir davantage encore la charge !
Mes chers collègues, je rappelle l'objectif ambitieux de retour à l'équilibre budgétaire qu'avait formulé le 6 mars 2003, en réponse à une question d'actualité au Gouvernement, notre collègue Alain Lambert, alors ministre délégué au budget : il estimait que, avec une croissance moyenne de 2,5 %, cet équilibre serait atteint à la fin de la législature. Deux ans et demi plus tard, cet objectif n'est-il pas devenu totalement irréaliste ? Qu'avons-nous fait, ou plutôt qu'avons-nous omis de faire pour qu'il en soit ainsi ? Nous sommes collectivement responsables de cette situation : ceux qui n'ont pas pris les mesures difficiles, indispensables, pour ne pas dire vitales, comme ceux qui veulent que l'État dépense toujours plus.
Interrogeons-nous : le projet de loi de finances pour 2006 va-t-il convaincre les Français que l'État est mieux géré ? Présente-t-il les signes d'une amélioration crédible ?
Cette année doit apporter une réponse nouvelle puisque, forts d'une décision transpartisane, nous disposons avec la LOLF d'un outil révolutionnaire. Montrons aux Français que notre nouvelle constitution financière n'est pas seulement une incontestable réussite technique appréciée des seuls technocrates ; démontrons-leur son efficacité et reprécisons sa finalité.
Je citerai un exemple : techniquement, permettre la fongibilité asymétrique des crédits, c'est adapter au plus près les dépenses aux besoins réels, c'est responsabiliser ceux qui gèrent et leur marquer ainsi notre considération. Rationaliser au mieux les dépenses et redonner sa place au bon sens en refusant des situations figées constitue un vrai progrès.
Le vote du budget, nous le savons, est avant tout un acte politique majeur, porteur d'un choix de société. Que nous apprend l'examen de ce projet de budget ?
Pour ce qui est des recettes, nous savons qu'elles dépendent fortement de la croissance et que les taux très élevés de prélèvements obligatoires n'autorisent plus à envisager leur augmentation sous peine de délocalisation d'entreprises ou de personnes physiques. Aussi, réduire notre déficit signifie réduire les dépenses.
La charge de la dette et les dépenses de personnels ont un effet d'éviction massif, car elles compriment de plus en plus les autres postes de dépenses. Le paiement des seuls intérêts de la dette représente, avec près de 40 milliards d'euros, le deuxième poste budgétaire : si cet argent était disponible pour l'investissement, que d'emplois seraient créés ! Nous en sommes arrivés là par un cumul de petites lâchetés successives.
Ce projet de loi de finances a peut-être un double mérite. Techniquement, il intègre toutes les mesures fiscales prises dans l'année. Sur le fond, il fixe des principes, en particulier la priorité à l'emploi, et poursuit la réalisation des lois d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et pour la justice.
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a déclaré en juin que la France vivait au-dessus de ses moyens. S'il a réussi à provoquer une prise de conscience, les décisions indispensables ont-elles été prises ?
Il a affirmé à l'Assemblée nationale que, avec la LOLF et à qualité de service public accrue, nous disposons collectivement, Gouvernement et Parlement, des moyens d'amorcer un véritable reflux de la dépense publique, obtenu non par des économies arrachées à des budgets qui progressent inexorablement, mais grâce à un recentrage de l'État sur ses missions fondamentales, avec une qualité de service public accrue, et grâce à une recherche de la performance.
Mais, nous le constatons, le véritable reflux n'est pas amorcé, même si la maîtrise des dépenses est affichée pour la quatrième année consécutive. Je sais que cette stabilisation en euros courants des dépenses de l'État suppose un effort important de redéploiement. Je ne sous-estime pas ce qu'il est nécessaire de faire pour parvenir à ce résultat. Je précise seulement que la maîtrise des dépenses s'applique finalement sur une assiette assez réduite. Ainsi, les 65 milliards d'euros de prélèvements sur recettes pour les collectivités locales et le budget de l'Union européenne n'y sont pas soumis.
M. le rapporteur général démontrait tout récemment la difficulté de trouver des économies mission par mission. Il faut procéder autrement : en matière de dépenses publiques, atteindre le niveau moyen des pays de l'OCDE, c'est disposer de 100 milliards d'euros d'économie, soit plus de deux fois le montant de notre déficit ! Avec 53,7 % du PIB, nous sommes bien au-dessus de la moyenne de l'ancienne Union à Quinze, qui est de 47,6 %, et au-dessus de la moyenne de la zone euro, qui atteint 48,6 %.
Pourquoi notre pays ne s'engage-t-il pas dans une telle réduction ? N'en a-t-il pas la volonté ni le courage ? Je suggérerai quatre pistes complémentaires.
Premièrement, il faudrait établir le budget non sur un taux de croissance évidemment aléatoire et toujours hypothétique, mais à croissance nulle. Ce serait le meilleur frein à la dépense et la meilleure façon d'éviter des rectifications économiquement préjudiciables et politiquement négatives.
Deuxièmement, il serait nécessaire de stabiliser, comme vous l'avez suggéré, monsieur le ministre, le budget en euros courants à compter de 2007, proposition que je défends sans relâche depuis trois ans.
Troisièmement, si les entreprises se fixent un objectif de 4 % de gain de productivité par an, pourquoi l'État ne pourrait-il en faire autant ? Cela suppose de systématiser la chasse aux coûts. Êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à suivre les conclusions des audits que vous avez commandés pour chaque ministère ?
Quatrièmement, il faudrait prendre des décisions drastiques en matière de non-renouvellement des départs à la retraite. Nous savons que les charges en personnel sont le noeud de la solution quand la masse salariale augmente de 3,4 milliards dans le budget pour 2006, sans même une revalorisation du point de la fonction publique, 1 point représentant, comme le rappelait à l'instant M. le rapporteur général, 830 millions d'euros.
Presque tout a déjà été dit, notamment dans le rapport Camdessus, qui préconise de limiter le recrutement à 40 000 fonctionnaires par an jusqu'en 2015. Jean-Pierre Raffarin avait évoqué avec énergie le remplacement d'un fonctionnaire sur deux ; il n'en a rien été. Le Premier ministre a déclaré que ce devait être un « repère » ; cela ne reflète pas une grande détermination. Dans les faits, le projet de loi de finances pour 2006 prévoit une réduction de 5 318 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, ce qui permet une diminution de 18 340 ETPT depuis 2003. C'est bien trop peu. Nous aurons mis trois ans à compenser l'augmentation d'ETPT réalisée par la précédente majorité en une seule année, à savoir 17 214 ! Nous payons très cher cette dérive.
Selon les simulations, le remplacement d'un fonctionnaire pour deux départs à la retraite permettrait déjà d'économiser plus de 10 milliards d'euros d'ici à 2015. Ce sont également autant de retraites du service public qui n'auront pas à être financées dans quarante ans. Gérons dès aujourd'hui la France de demain !
Où et comment économiser ? Il n'y a pas de schizophrénie chez les parlementaires, qui sont aussi des élus locaux. Une présence territoriale affirmée de l'État est nécessaire. La réduction du nombre de fonctionnaires dans les administrations centrales est possible, un certain nombre de tâches pouvant être réalisées en région grâce aux nouvelles technologies. L'administration centrale de l'éducation nationale doit être un gisement intéressant à prospecter.
M. le président. Il vous faut conclure, mon cher collègue !
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, vous me condamnez à raccourcir mon propos !
Comme vous, monsieur le ministre, nous voulons un État plus efficace, un État plus agile, un État stratège.
La majorité du groupe du RDSE appuie le Gouvernement, mais elle lui demande de montrer plus de détermination en présentant des objectifs clairs et en s'y tenant. Monsieur le ministre, certes il vous faut et il vous faudra du courage ; aussi, personne dans notre groupe ne vous ménagera son soutien. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans notre démocratie parlementaire, le vote du budget est un acte avant tout politique. L'appartenance à la majorité ou à l'opposition se détermine lors de ce vote. J'affirme donc très clairement et sans ambiguïté que je voterai ce budget pour attester mon appartenance à la majorité. (Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit.) C'est d'autant plus important pour moi, et significatif pour elle, que, ayant été élu sans son soutien, je suis libre de tout engagement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mais s'il s'agissait seulement du budget, s'il s'agissait seulement d'approuver vos comptes, vos prévisions, votre politique financière et budgétaire, monsieur le ministre, j'aurais peut-être beaucoup plus de mal à le voter.
Le projet de loi de finances pour 2006 est en effet particulièrement peu convaincant. Vous affirmez que vos priorités sont l'emploi, la restauration de l'État régalien et la préparation de la France aux défis de l'avenir.
Concernant l'emploi, les politiques d'aides publiques mises en oeuvre depuis des décennies ne produisent que des résultats mitigés alors qu'elles pèsent sur les prélèvements obligatoires, que vous allez encore augmenter. La restauration de l'État régalien est invisible dans le domaine financier : on constate surtout l'absence de maîtrise de la dépense publique. Enfin, l'accroissement inacceptable de la dette est un danger pour la France face aux défis de l'avenir.
Votre projet de budget procède de bonnes intentions, telle la réforme de l'impôt sur le revenu... qui est remise à plus tard, à 2007. On est loin de l'engagement d'une baisse de 30 % durant la mandature. Cette diminution n'était pas seulement une promesse, c'était un moyen de créer durablement des emplois, c'était le signe fort d'un changement de politique.
Pendant des années, les gouvernements ont essayé de développer l'emploi soit par des politiques inspirées du collectivisme, soit par des politiques d'aides publiques inspirées du jacobinisme ou du colbertisme. Ces tentatives se sont soldées par des échecs. Notre pays connaît aujourd'hui l'un des taux de chômage les plus importants d'Europe. L'Espagne et l'Italie, partis d'une situation plus difficile, font mieux que nous. Seule parmi les grands pays européens, la Pologne est dans une situation plus pénible.
En nous orientant vers la baisse de la fiscalité, nous commencions seulement à nous convaincre que les emplois et la croissance ont un lien avec le taux des prélèvements obligatoires. Pourtant, les Français verront ces prélèvements obligatoires augmenter pour atteindre 44 % du PIB, faisant de notre fiscalité l'une des plus punitives dans les pays industrialisés.
Toujours pour ce qui concerne les prélèvements obligatoires, notre PIB accuse un différentiel de 5 % à 6 % avec nos principaux partenaires, soit près de deux fois notre déficit budgétaire. Le meilleur moyen d'augmenter le pouvoir d'achat des Français et d'améliorer la compétitivité de nos entreprises, monsieur le ministre, c'est de leur rendre ce différentiel, c'est de leur rendre ce pouvoir d'achat. Dans aucun pays au monde les collectivités territoriales n'ont été plus performantes pour créer des emplois que les entreprises et les travailleurs indépendants.
Monsieur le ministre, votre tâche était de réduire ce différentiel, ainsi - j'y viendrai - que le déficit budgétaire. On aurait pu espérer que vous réussiriez au moins l'un ou l'autre de ces deux objectifs, mais je crains que vous n'en ayez atteint aucun.
Vous ne pouvez pas y arriver sans maîtriser la dépense publique.
Je suis très étonné et attristé de constater que vous considérez comme une victoire le fait que, pour la quatrième année consécutive, les dépenses de l'État augmentent moins vite que l'inflation, alors qu'elles continuent néanmoins à croître en valeur.
En France, les dépenses publiques représentent 54 % du PIB, soit douze points de plus qu'en Grande-Bretagne, quatre points de plus qu'en Allemagne, cinq points de plus qu'en Italie.
Là encore, dans tous les cas de figure, le différentiel est supérieur à notre déficit budgétaire. Ce seul constat devrait nous démontrer que le chemin vers un budget vertueux est possible, qu'il a été emprunté résolument par de nombreux pays qui pratiquent une politique de prélèvements obligatoires aussi importante que la nôtre. Ainsi, en dix ans, la Suède a réduit de 10 % ses dépenses publiques, sans pour autant obérer les budgets de la santé et de l'éducation.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ils ont huit points de prélèvements obligatoires de plus que nous !
M. Philippe Dominati. Nous savons tous ici que les dépenses de personnel et la charge de la dette représentent aujourd'hui près de 58 % du montant du budget, alors qu'elles en représentaient 45 % voilà douze ans. Comme les charges de la dette sont incompressibles, il n'y a pas d'autre solution que de remettre en cause la politique des effectifs au sein de la fonction publique.
Monsieur le ministre du budget, lorsque vous étiez dans l'opposition, vous aviez établi ce constat. En tant que porte-parole du Gouvernement, en 2002 et à plusieurs reprises par la suite, vous aviez confirmé cette intention. Mais, aujourd'hui, qu'en est-il de son application ? Régulièrement, nous sommes alertés par des déclarations qui sous-entendent que la France vit au-dessus de ses moyens, qu'il faut profiter des dix ans qui viennent, pendant lesquels 77 000 fonctionnaires partiront à la retraite, pour procéder à un rééquilibrage. Nombreuses, de toutes parts, sont les autorités ou les personnalités qui se sont exprimées sur ce sujet en estimant qu'il ne fallait remplacer qu'un poste sur deux.
Le rapport commandé par Bercy à Michel Camdessus, ancien directeur général du Fonds monétaire international, ancien gouverneur de la Banque de France nommé par le président Mitterrand, est assez explicite sur cette nécessité. Cet avis est partagé par Georges Tron, à l'Assemblée nationale, et défendu dans notre enceinte, depuis de nombreuses années, par le rapporteur général et le président de la commission des finances.
Je vous donnerai un autre exemple de mon incompréhension de la présentation de ce premier projet de budget du gouvernement de Dominique de Villepin.
Je rends hommage au Premier ministre d'avoir répondu à l'attente de nombreux Français en composant un gouvernement plus restreint. C'est la première fois depuis des décennies, et cela correspond au type de gestion d'un État moderne.
Mais la déclinaison automatique de cette courageuse mesure, aurait dû, ne serait-ce que pour la mettre en valeur, se traduire dans ce projet de budget. Or, où sont les économies ? On fait disparaître un quart d'une équipe gouvernementale et cela n'entraîne aucune restructuration dans les administrations, aucune modification dans les services ? C'est un signe très parlant. C'est comme si l'on assistait à un découplage : les ministres parlent, passent, l'administration continue, quels que soient les discours.
Mais le plus préoccupant et le plus grave, c'est de constater à quel point ces dépenses ne sont pas financées. Un cinquième d'entre elles seront léguées aux générations futures, sans doute pour les préparer aux défis de demain...
Le salaire de près d'un agent de l'État sur cinq sera payé par nos enfants ! Il est de votre devoir de le dire plus clairement et d'arrêter d'expliquer aux Français que notre dette n'est qu'un pourcentage du PIB. Il faut leur dire que, sans raison particulière liée à une guerre, à une catastrophe naturelle ou à la remise à niveau d'un territoire aussi grand que l'Allemagne de l'Est, notre pays a multiplié sa dette par douze en l'espace de vingt-cinq ans, pour atteindre un niveau qu'il n'a jamais connu.
D'ailleurs, à la somme astronomique d'environ 1 150 milliards d'euros, soit près de quatre années du budget, il faut ajouter les produits de la vente des principaux actifs de l'État, avec l'action consensuelle de tous les gouvernements.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Les privatisations, c'est tout de même pas mal !
M. Philippe Dominati. C'est une très bonne chose, mais je répète que cela s'est fait de façon consensuelle parce qu'il n'y avait n'avait pas d'autre solution pour remplir les caisses de l'État.
D'ailleurs, vous-même, monsieur le rapporteur général, au cours de la précédente mandature, aviez déjà alerté l'opinion publique lors de la présentation de votre rapport intitulé Dette publique, une législature pour rien.
Aujourd'hui, toutes les projections de ce rapport pour l'horizon 2010 sont largement dépassées.
Vous nous proposez néanmoins, pour préparer l'avenir, un projet de budget dont le solde primaire accusera un déficit de l'ordre de 7 milliards d'euros.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une drogue douce !
M. Philippe Dominati. Était-il prévu, dans le programme de cette législature, de cumuler en quatre ans autant de dettes que sous le gouvernement précédent ?
Aussi, à l'occasion de la mise en oeuvre de la LOLF, j'ai cherché vainement un indicateur pouvant attester de l'endettement réel de chaque foyer fiscal ou de chaque Français. Je ne l'ai pas trouvé, mais vous aurez sans doute l'occasion de nous en dire plus au cours de l'examen de ce projet de loi de finances, monsieur le ministre.
M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur le sénateur.
M. Philippe Dominati. En définitive, peu importe aux Français de savoir si la dette de l'État résulte surtout d'un déficit structurel ou d'un déficit primaire. Ce qu'ils retiendront, c'est que notre pays est champion pour les prélèvements obligatoires, champion pour la part des dépenses publiques dans le PIB, champion pour la part de la population active travaillant dans le secteur public, et bientôt champion pour l'importance de la dette.
Et malgré tous ces titres, ou à cause d'eux, nous sommes parmi les derniers en ce qui concerne les créations d'emploi.
Vous l'avez compris, j'attends une autre politique. Il n'y a pas d'autre voie pour la France qu'une politique résolument libérale et européenne et, malheureusement, nous en sommes encore à des années-lumière. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget dont nous commençons l'examen intervient alors que l'urgence sociale se manifeste de manière évidente et qu'elle a conduit, là où les inégalités sont les plus criantes, à des actes désespérés.
Cette colère, ce désespoir vont pourtant bien au-delà des frontières territoriales que vous avez désignées ce matin lors de votre intervention.
Vous le savez, cette colère touche particulièrement la jeunesse et les milieux populaires. La jeunesse, enfermée dans la précarité, les sous-emplois, les bas salaires, les stages, mais aussi toutes celles et tous ceux qui subissent les conséquences des délocalisations et souffrent dans un monde du travail, dont les règles sont abominables.
Notre tâche à tous est de « réhumaniser » ce monde-là, et nous pensons que vous faites le contraire.
Vos réponses à l'urgence ne sont donc pas à la hauteur. Nous ne voyons pas de solution dans votre politique, encore moins avec ce projet de loi de finances.
Bien au contraire, vos choix continuent sur une lancée dont l'échec est flagrant : échec, parce que vous refusez d'écouter la population et que vous persistez dans une politique budgétaire aussi injuste qu'inefficace.
Monsieur le ministre, ce projet de loi de finances le montre clairement, votre politique souffre d'autisme.
Vous êtes sourds quand les salariés, les retraités, les personnes en situation précaire, les jeunes, stagiaires ou étudiants, manifestent pour la défense du pouvoir d'achat, contre la précarité, pour le logement, l'emploi, les services publics.
Vous ne répondez pas quand ils pétitionnent, par exemple contre le prix élevé de l'essence. Et vous ne tirez aucune conséquence de l'expression du suffrage universel, ce qui, de notre point de vue, est bien sûr inacceptable.
Le vote du 29 mai dernier n'a en rien modifié vos choix.
Les citoyens ont pourtant largement débattu et réfléchi. Ils ont fait le bilan de ce que cette forme de construction européenne leur avait apporté jusqu'ici : des délocalisations honteuses, une pression toujours plus forte sur les salaires, des services publics en danger. Les citoyens ont évidemment dit « non ».
Le respect de la démocratie serait au moins d'infléchir les politiques nationales, tout en essayant d'ouvrir des négociations pour d'autres choix au niveau communautaire, en faveur d'une harmonisation par le haut.
Or vous faites absolument le contraire. L'Europe est, pour vous, non pas un lieu de coopération et de solidarité, mais un lieu de compétition. Ce projet de budget en est, bien sûr, la caricature. Il en devient antidémocratique.
Votre projet de budget ne jure en effet que par la concurrence. Elle est là, partout, dans vos discours : c'est votre religion. Et le dogme va un peu loin quand il prétend dominer là où les études les plus sérieuses ont tendance à le reléguer.
C'est particulièrement le cas en matière de concurrence fiscale : le Conseil des impôts et nombre d'économistes en relativisent l'importance. Nombreux, d'ailleurs, sont ceux qui soulignent le caractère bien plus déterminant des infrastructures, des services publics, mais aussi du niveau de qualification de la main-d'oeuvre, pour l'implantation des entreprises.
Cela, vous ne voulez pas l'entendre, et c'est pourquoi la croissance n'est pas là.
Les facteurs qui lui sont favorables - services publics de qualité, infrastructures, éducation, formation, recherche - sont relégués, démantelés, bradés à un marché de la finance, que vous alimentez également avec vos baisses d'impôts.
Vous donnez l'argent à ceux qui détruisent l'emploi, délocalisent et génèrent les bas salaires.
Pour justifier ces choix, vous vous réfugiez derrière une flopée d'indicateurs, sous couvert du programme de stabilité et, bien sûr, de la LOLF, avec la bénédiction de la technocratie bruxelloise.
Ces indicateurs sont, pour certains, vides de sens.
C'est particulièrement le cas de toute cette machinerie que vous mettez en oeuvre avec la LOLF. Nous n'y voyons aucune amélioration du débat budgétaire.
En tant que rapporteur de deux programmes concernant principalement les retraites, j'ai été stupéfait de constater que, avec les indicateurs retenus, il n'est à aucun moment question du niveau des pensions, encore moins de l'évolution du niveau de vie des retraités. Pour vous, ces questions sont hors sujet : elles sont pourtant essentielles.
Par ailleurs, vous refusez de mesurer les effets des exonérations que vous accordez prétendument pour « soutenir l'emploi, l'investissement, la recherche, le logement ».
Au contraire, vous privez délibérément l'État de moyens pour évaluer ses politiques publiques, en procédant à des suppressions d'emploi massives au sein du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Vous mettez ces cadeaux bien à l'abri. Le plafonnement des niches fiscales, par exemple, vise à éviter tout débat sur leur pertinence. Il est scandaleusement généreux - 4 000 euros -- et ne touche que 10 000 foyers fiscaux.
Pis, vous multipliez encore les niches fiscales, sans évaluation.
Quand on sait, par exemple, que chaque emploi créé en zone franche urbaine coûtait, selon une étude de 1997, 20 000 euros, il y a de quoi s'interroger sur la pertinence de ce dispositif ! Et là encore, c'est ce que vous proposez pour les quartiers en difficulté.
Dès lors, quand vous nous dites que l'efficacité de la dépense publique vous préoccupe, nous ne vous croyons pas un seul instant.
Une réforme reste à faire, devant associer les citoyens et les salariés, notamment les fonctionnaires.
Certaines comparaisons qui agrémentent votre discours sont, quant à elles, simplistes et terriblement réductrices : je veux parler de la mise en balance des taux des impôts sur les entreprises et sur les contribuables les plus fortunés, entre les différents pays de l'Union européenne.
Vous ne cessez de comparer des choses incomparables, afin d'éviter tout débat, notamment sur l'assiette des impôts.
S'agissant d'autres indicateurs, vos évaluations sont délibérément fausses. Ce projet de budget est mensonger, insincère. Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas vous faire confiance.
J'ajoute que quelques précédents ont entamé votre crédit et celui du Gouvernement.
Nous nous rappelons l'épisode Total : obligé de réagir au vu de l'énormité des profits que le groupe pétrolier réalisait sur le dos des populations, vous avez annoncé une mesure qui était à nos yeux la plus juste et la plus évidente que vous pouviez prendre : taxer ses profits.
Si vous acceptez de reprendre votre copie, sachez que ces profits ont encore augmenté : le chiffre d'affaires de Total s'est accru de 19 % au troisième trimestre de 2005 et le bénéfice net par action a progressé de 36 %.
C'est pourquoi nous avons, cette année encore, déposé un amendement visant à taxer davantage ces profits. Cela accompagnerait une baisse de la TIPP, donc du prix de l'essence à la pompe. En effet, monsieur le ministre, l'accord que vous avez passé avec Total n'engage en rien l'entreprise, et il engage encore moins les autres compagnies pétrolières. Il n'a eu aucun effet significatif sur le quotidien des gens contraints de prendre leur voiture.
Nous n'oublions pas non plus l'épisode Hewlett Packard. Le Premier ministre avait affirmé haut et fort que le groupe devait rembourser les aides qu'il avait reçues de la part de la collectivité avant d'annoncer, peu de temps après, qu'il n'avait en fait rien perçu.
Le remboursement des aides est une très bonne idée. Il constitue l'un des outils indispensables d'un contrôle efficace de la dépense publique. Je vous invite donc à rétablir les commissions de contrôle des aides publiques aux entreprises, que votre majorité s'est empressée de supprimer en arrivant au pouvoir.
Le contrôle de la dépense publique, la mesure de son efficacité sociale permettent d'éviter de telles catastrophes et d'imposer de véritables objectifs aux entreprises en termes d'emploi et d'investissements productifs. C'est avec de tels outils que la croissance peut revenir.
Le dernier épisode, monsieur le ministre, est l'augmentation du prix du gaz. Vous avez cru bon de noyer le poisson. Vous croyez que la population ne s'en rend pas compte ? Mais les gens payent, monsieur le ministre ! Ils ont parfaitement conscience que vous avez accepté une majoration des tarifs de 14 %, après les augmentations de 4 % en juillet dernier et de 2,6 % en septembre.
Le gaz va bel et bien augmenter, et voilà qui entame votre crédit !
Aujourd'hui, lorsque vous affirmez que c'est l'optimisme qui vous anime, lorsque vous affichez des prévisions de croissance qu'aucun économiste ne tient pour réalistes, on croit rêver !
La plupart des instituts prévoyaient une croissance inférieure à 2 %, proche de 1,8 %, alors que vous vous fondez sur une croissance située entre 2 % et 2,5 %.
Nous sommes très inquiets : la croissance n'est pas là, aucun indicateur n'est vraiment au beau fixe.
Vous affirmez que l'investissement va repartir. Or, voilà trois ans que la situation s'aggrave.
Qu'en est-il de l'emploi, qui constitue votre priorité et qui est celle du Président de la République depuis dix ans ?
La qualité des emplois se détériore sur tous les fronts : les salaires, l'insécurité liée à la précarité, les conditions de travail. Ceci expliquant cela, ce n'est absolument pas le sort des patrons du CAC 40 ! Leurs salaires bondissent, et il en est de même des revenus financiers.
L'optimisme qui vous anime aujourd'hui nous rappelle que, l'année dernière, le projet de loi de finances initial se fondait sur une prévision de croissance irréaliste de 2,5 % Ce chiffre avait dû être revu à la baisse à plusieurs reprises, et il s'établit aujourd'hui aux environs de 1,8 %.
« Ce n'est pas grave », nous dites-vous aujourd'hui. Pourtant, ce décalage entre la réalité et la prévision explique le bradage du patrimoine public national et, comme vous l'avez expliqué devant les députés, les annulations de crédits, lesquelles s'élevaient à 4 milliards d'euros l'année dernière : 4 milliards d'engagements non tenus, c'est, pour vous, une bonne gestion !
Sachez que, sur le terrain, ces annulations se traduisent par la paralysie de certains chantiers, par l'arrêt ou l'amputation d'actions en faveur de l'insertion, du logement, de l'emploi ou de l'éducation.
L'année 2005 a été particulièrement catastrophique pour les associations et pour les collectivités locales.
Et comment pourrait-il en être autrement ? Alors même que des voitures brûlaient dans les quartiers en difficulté, vous procédiez, le 3 novembre dernier, aux annulations de crédits suivantes : 205 millions d'euros pour l'emploi des jeunes, 55 millions d'euros pour la construction et la réhabilitation des logements sociaux, 45 millions d'euros pour les transports collectifs, 45 millions d'euros, après 17 millions d'euros en avril, pour les villes et quartiers dits sensibles, 50 millions d'euros pour le sport, la jeunesse et la vie associative.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Le Gouvernement n'est pas un partenaire fiable, comme tous les acteurs de terrain en font l'expérience. Ainsi, le président d'Emmaüs France a-t-il suspendu sa participation au Conseil national de lutte contre les exclusions afin de protester contre « le décalage entre les discours et les actes du Gouvernement ». Était en cause le non-versement d'une subvention de 500 000 euros à une association employant des salariés en insertion.
Une telle politique est une erreur d'autant plus grave que la croissance n'est pas encouragée par d'autres leviers : mon amie Marie France Beaufils en témoignera dans quelques instants en évoquant la politique fiscale du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Lambert.
M. Alain Lambert. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, à ce stade du débat, nombre d'orateurs se sont exprimés, et je ne peux donc que donner un coup de projecteur sur des sujets qui me paraissent essentiels. J'en ai retenu trois.
Le premier est le message que doit délivrer un budget, et nous avons eu l'occasion de nous en entretenir, monsieur le ministre. Le message que vous délivrez - et c'est la raison pour laquelle j'adhère à votre projet de budget - est celui de l'encouragement au travail.
Les questions budgétaires sont souvent si complexes et techniques que l'on finit par en perdre la ligne directrice. Nous devons rappeler à nos compatriotes quels objectifs nous recherchons avec ce projet de budget.
Je dirai les choses simplement et sans ambiguïté - mais je conçois que l'on n'adhère pas à mon propos -, notre objectif doit être que toute personne en bonne santé et en âge de travailler puisse accéder à un emploi marchand chaque fois que cela est possible ou, à défaut, à une formation ou à une activité pour lui permettre de s'insérer dans un milieu professionnel.
Le temps est venu, dans une société qui est, de mon point de vue, minée par l'assistanat, d'affirmer la préférence pour le travail comme moyen de réalisation de la personne, de dignité, de promotion et de progrès pour la société tout entière.
Les moyens que vous dédiez à l'encouragement au travail sont très importants, monsieur le ministre. Dans un souci de concision, je n'évoquerai que deux exemples.
Tout d'abord, vous consacrez 500 millions d'euros à la revalorisation de la prime pour l'emploi, qui vise à encourager tous ceux qui veulent reprendre un travail.
M. Yves Fréville. Très bien !
M. Alain Lambert. Je n'émettrai qu'un seul petit regret ; vous le connaissez d'ailleurs, monsieur le ministre, et je souhaite que les choses puissent évoluer à cet égard. Je regrette en effet que cette prime ne figure pas sur la feuille de paie. Le système informatique qui équipe la direction générale des impôts et les ASSEDIC n'est pas un argument suffisant pour renoncer à cet objectif.
Faire figurer cette prime sur la feuille de paie serait un symbole fort de reconnaissance de la valeur du travail, et, dans ce domaine, on n'en fait jamais assez !
Ensuite - c'est mon second exemple -, vous consacrez 1,8 milliard d'euros à l'allégement des charges, qui est destiné à achever l'harmonisation des SMIC.
Monsieur le ministre, les propos que vous avez tenus à l'endroit de l'opposition m'ont paru très pertinents. Vous avez fait preuve d'une grande délicatesse à son égard en ne rappelant pas que le SMIC avait été désintégré par l'instauration des 35 heures. Il nous faut aujourd'hui corriger cette désintégration et en supporter le coût, qui est très élevé. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Vous ne pouvez pas dire cela !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est la vérité !
Mme Nicole Bricq. Nous avons déjà eu ce débat !
M. Alain Lambert. J'imagine que vous êtes fiers de la politique que vous avez menée, mes chers collègues, et je voulais vous aider à la promouvoir !
Le deuxième sujet essentiel sur lequel je souhaitais insister est plus grave. Peut-être ne partagerez-vous pas mon point de vue, monsieur le ministre, mais c'est un souci qui m'habite et que vous connaissez : la situation de nos finances publiques ne peut plus se résumer au seul budget de l'État.
MM. Yves Fréville et Jean-Pierre Fourcade. Bien sûr !
M. Alain Lambert. En effet, ce dernier ne représente plus qu'un tiers des flux financiers de la sphère publique.
Au fil des années, ma conviction s'est forgée et elle est devenue absolue : le seul moyen de sortir de l'inexorable asphyxie et de la lente agonie de l'État est de consolider les comptes de toutes les administrations publiques. Je serais heureux que la commission des finances s'exprime avec force sur ce sujet.
La discussion distincte du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale nous fait perdre tout repère sur la situation réelle des comptes publics. Or, l'interdépendance entre tous ces comptes est de plus en plus grande et elle s'accroît même chaque année.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous ne cessons de le dire !
M. Alain Lambert. Monsieur le ministre, permettez-moi d'insister sur un point. Nous sommes confrontés à la croissance inévitable, d'une part, des dépenses sociales, notamment des dépenses de santé, et, d'autre part, des dépenses des collectivités locales, puisque nous sommes dans un processus de décentralisation. Entre les deux, nous allons assister à une réduction de la part de l'État dans l'action publique. L'État risque alors de devenir une sorte de squelette qui n'aura plus les moyens d'agir. Et comme il voudra conserver jalousement ses effectifs, il produira de la réglementation, du contrôle,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Du papier !
M. Alain Lambert. ...il ankylosera l'économie tout entière. C'est un processus économique mortel dans lequel il ne faut pas entrer.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La LOLF doit s'appliquer à la sécurité sociale.
M. Alain Lambert. C'est pourquoi je considère, monsieur le ministre, que la consolidation des comptes publics est une absolue nécessité,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Alain Lambert. ...et je souhaite que vous me répondiez sur ce point.
Le dernier sujet essentiel que je souhaite évoquer tient aux promesses de la loi organique relative aux lois de finances. Certes, monsieur le président de la commission des finances, leur concrétisation suppose une réforme de la Constitution, laquelle prévoit la séparation des comptes de l'État et de ceux de la sécurité sociale, ainsi qu'une révision des lois organiques qui régissent ces comptes. Mais devons-nous y renoncer alors que nous voyons le danger se profiler ?
Ce n'est pas sans une certaine émotion que ceux qui travaillent sur la LOLF depuis maintenant cinq ans la voient devenir la matrice de la discussion budgétaire et de la nouvelle gestion publique.
Il m'arrive d'être surpris, voire agacé, que l'on attribue à la LOLF des effets qui sont sans rapport avec sa nature. On l'accuse parfois de produire soit un excès, soit une insuffisance des crédits. Or, tel n'est pas son objet. Son objet - dois-je le rappeler ? - est de veiller à ce que chaque euro employé améliore l'efficience des politiques adoptées par le Parlement.
Certes, la LOLF modifie nos habitudes. Mais si l'on observe la discussion du projet de loi de finances pour 1960, on constate que l'ordonnance de 1959 avait plus modifié les habitudes et beaucoup plus décontenancé les parlementaires de l'époque que ne le fait la LOLF aujourd'hui.
En revanche, dès l'ouverture de notre discussion, réaffirmons bien qu'il s'agit d'ouvrir des crédits aux gestionnaires publics pour qu'ils en fassent un emploi pertinent et aussi approprié que possible, et exprimons-leur notre confiance à cet égard.
Monsieur le ministre, comme l'a indiqué M. de Raincourt, le groupe UMP votera en faveur du présent projet de loi de finances, après qu'il aura été amélioré par les propositions de la commission des finances, qui a accompli un travail de grande qualité que je tiens à saluer.
Je voterai le projet de loi de finances, car il fait de l'encouragement au travail, auquel je suis très attaché, une de ses priorités. Ce point est peut-être ce qui nous différencie le plus de l'opposition. Nous n'avons pas de discours ambigu. Entre l'assistanat et le travail, notre choix est fait !
Mme Nicole Bricq. Le nôtre aussi !
M. Alain Lambert. C'est un choix politique, et il est de nature à structurer le débat politique dans notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur Lambert !
M. Alain Lambert. Monsieur le président, j'adore entendre le parti socialiste nous dire qu'il est favorable à l'assistanat. C'est au moins une façon très claire d'exprimer ses idées.
M. Marc Massion. Nous voulons que tout le monde travaille.
Mme Nicole Bricq. Oui, et nous allons vous le dire !
Mme Hélène Luc. Le débat ne fait que commencer !
M. Alain Lambert. Je ne cherche pas la controverse ; j'exprime simplement mes idées. Qu'il me soit permis de le faire dans les dix minutes qui me sont imparties.
Je n'ai pas l'intention de me laisser diaboliser sur le caractère inéquitable de la fiscalité, et je vais vous dire pourquoi.
Monsieur le ministre, je n'ai pas connaissance - mais peut-être me contredirez-vous - que des milliardaires étrangers cherchent à entrer clandestinement sur notre territoire afin de gagner le paradis fiscal que vous auriez construit. (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est plutôt le contraire !
M. Alain Lambert. Si vous connaissez quelques cas, dites-le-nous. J'ai plutôt le sentiment que ce sont, hélas ! des pauvres qui essaient d'entrer sur notre territoire, sans doute parce que notre pays est parmi les plus généreux, ...
M. Alain Lambert. ...peut-être même plus généreux qu'il n'en a les moyens.
En revanche, et je tiens à le souligner, certains de nos compatriotes considèrent que, compte tenu de notre fiscalité, ils ne peuvent plus rester sur notre territoire.
Monsieur le ministre, je souhaite que le vote du Sénat, lorsqu'il interviendra, soit un message de confiance à tous les gestionnaires publics qui auront à appliquer la LOLF. Non, le secteur public n'est pas irrémédiablement fâché avec l'exigence de performance. La performance publique est non seulement possible, mais elle existe déjà, et elle va encore se développer grâce à toutes les mesures que vous avez prises. Les gestionnaires publics doivent avoir conscience du fait que cette nouvelle gestion publique sera plus gratifiante non seulement pour eux, qui sont au service des Français, mais aussi pour les citoyens, et qu'elle sera beaucoup plus protectrice pour les générations futures. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. -M. Maurice Blin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, un budget doit être porteur d'avenir - s'il y a un mot sur lequel je serai d'accord avec vous, c'est celui-ci -, porteur d'espoir.
La demande qui monte des quartiers populaires tend bien à cela, et non à un simple replâtrage des politiques existantes. Les populations ne supportent plus la violence que notre société leur fait vivre.
Or, monsieur le ministre, rien dans votre projet de budget ne porte cet espoir, cette reconnaissance.
Votre politique fiscale s'appuie sur les principes du libéralisme...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Dites l'ultralibéralisme !
Mme Marie-France Beaufils. ... qui contribuent à aggraver les inégalités sociales. Les conséquences sont dramatiques : chute de la consommation, aggravation des déficits publics, régression de l'activité économique et de l'emploi.
Or, avec l'instauration du nouveau barème de l'impôt sur le revenu et du « bouclier fiscal », qui vous permet de vous attaquer à l'impôt de solidarité sur la fortune sans l'affirmer au grand jour, votre projet de loi va à nouveau favoriser les ménages les plus riches. Votre projet de loi encourage les entreprises à précariser les salaires en distribuant des allégements fiscaux et sociaux ; il réduit en miettes les fondements de la solidarité nationale.
Mme Marie-France Beaufils. Vous ne tenez compte ni de la volonté du plus grand nombre, ni des résultats électoraux, ni de l'opinion des salariés qui refusent la casse du système des retraites et de la sécurité sociale. Vous ne tenez pas plus compte des élus et des usagers qui ont rappelé leur attachement aux services publics. Ces différentes réactions traduisent l'exigence de plus de justice sociale, et votre réponse est aux antipodes. Et cette exigence suppose d'autres ressources pour le budget tant de l'Etat que des collectivités territoriales.
La précarité pour le plus grand nombre est érigée comme une règle économique. Mais cela ne vous suffit pas ! Vous avez engagé un remodelage profond de notre société et vous voulez l'effectuer le plus vite possible, car vous sentez bien que l'opposition est forte dans le pays.
Ce projet de société que vous êtes en train de construire est profondément inhumain et antisocial. Vous n'avez qu'un mot à la bouche : la compétitivité. Votre seul souci est de donner au capital les avantages qu'il vous réclame à cor et à cri. Vous distribuez cadeaux fiscaux et subventions, vous bradez le patrimoine public, vous « externalisez » les services rendus par le secteur public ; en fait, vous les abandonnez au secteur privé.
Votre politique fiscale s'inspire de cette conception. Depuis le second semestre 2002, la baisse de l'impôt sur le revenu a privé l'Etat de près de 14 milliards d'euros, c'est-à-dire l'équivalent soit des sommes qui ont abondé le fonds de réserve pour les retraites, soit du déficit du régime général de la sécurité sociale pour 2004. Ces baisses ont eu pour seuls effets une hausse des inégalités et des déficits publics. Malgré cela, le Gouvernement, sous prétexte de le simplifier et de le réduire, propose une refonte de l'impôt sur le revenu. À l'heure où l'on parle souvent d'évaluation et où vous mettez en place des indicateurs pour apprécier la performance des actions engagées, on ne peut être que consterné face à de telles décisions ! À moins que vous ne vous soyez fait un dogme de la baisse de l'impôt progressif. Mais dans ce cas-là, il faut l'assumer !
Vous prétendez vouloir relancer l'emploi et l'investissement productif ; ce serait votre priorité. Si tel était le cas, les habitants des quartiers populaires vivraient autrement !
Le constat est accablant. La seule chose que vous ayez réussi à relancer, c'est la misère. Avec vous, les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, le RMI, ont augmenté de près de 4 % en un an. Quant aux familles surendettées, leur nombre a augmenté de 14 % en 2004, et de 9 % cette année.
Votre politique de réduction d'impôt - 2 milliards d'euros depuis 2002, selon la Cour des comptes -, d'exonération de charges en faveur du patronat, et vos cadeaux fiscaux - 5,8 milliards sur la même période, dont les foyers les plus aisés ont le plus bénéficié - devaient, selon vos dires, permettre de réduire le chômage. Bien au contraire, celui-ci a fait un bond, avec 230 000 demandeurs d'emplois supplémentaires depuis votre arrivée au Gouvernement.
Vous deviez réduire les inégalités, mais c'est le contraire que vous avez suscité.
Nous pensons, quant à nous, que l'on pourrait faire autrement. Au lieu de contribuer à l'augmentation des profits, il faut choisir de répondre à l'attente de la grande masse des habitants. La politique fiscale doit servir l'intérêt général et non des intérêts particuliers.
La remise en cause de la progressivité de l'impôt sur le revenu, qui ne représente que 17 % des recettes fiscales de l'Etat, en réduisant le nombre de tranches, en supprimant les 20 % d'abattement et en imposant le « bouclier fiscal », ne fait pas supporter le même taux d'effort à tous.
Rappelons qu'il y avait treize tranches en 1986 avec un taux marginal de 65 %. Vous proposez cinq tranches avec un taux de 40 % en 2007. Votre rêve serait de passer à quatre tranches et, pourquoi pas, d'instituer la flat tax, impôt à taux unique. Graduellement, vous voulez supprimer la progressivité.
Le résultat de ce choix sera le suivant : 40 % du gain ira aux 10 % des ménages les plus aisés.
Au contraire, nous pensons qu'il faut renforcer la progressivité de l'impôt, en fixant le taux marginal de prélèvement à 54,8 % et le taux minimal à 6,5 %, en remontant le seuil de la première tranche, en ajoutant deux nouvelles tranches et en fixant le taux de la huitième tranche à 50 % pour un revenu n'excédant pas 70 000 euros. Voilà des décisions qui iraient dans le bon sens et qui doivent être prises rapidement !
Pour les entreprises, vous ajoutez des allégements à hauteur de 3,5 milliards d'euros. Vous exonérez de taxe professionnelle à tout va et vous supprimez la surtaxe dite « Juppé » pour ramener le taux de l'ISF à 33,33 %, sous prétexte de libérer des capacités d'investissement.
Une réforme de l'impôt sur les sociétés efficace pour l'emploi devrait prendre en compte le besoin de soutien aux petites entreprises, à celles dont l'activité ne permet pas de dégager une forte valeur ajoutée, aux entreprises qui investissent dans le capital humain, en embauchant, en rémunérant correctement les salariés, en développant la formation. Un nouveau barème devrait avantager les entreprises qui réinvestissent leurs bénéfices, et non celles qui spéculent en Bourse.
Vous le voyez, monsieur le ministre, nous sommes favorables non pas simplement à une politique d'assistanat, mais bien à une véritable politique de création d'emplois.
La diminution comme peau de chagrin de la fiscalité sur le patrimoine va aussi dans ce sens : vous voulez supprimer, sans en avoir l'air, l'ISF,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le supprimer ?
Mme Marie-France Beaufils. ... et garantissez un peu plus l'avenir des gros patrimoines dans le cadre des droits de succession. Vous allez favoriser ainsi l'accumulation de patrimoine au profit de ceux qui le peuvent : 10 % des ménages détiennent 45 % du patrimoine total dans notre pays et 59 % du patrimoine financier. En 2004, seules 25% des successions étaient taxables.
La mesure qui tend à ramener de dix à six ans le délai durant lequel l'abattement est plafonné à 50 000 euros va permettre de faire progresser plus rapidement le volume de patrimoine en franchise d'impôt. Une fois de plus, vous ne favorisez que les plus aisés !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous voudriez tant appauvrir les riches !
Mme Marie-France Beaufils. Chaque année, la préparation de la discussion budgétaire donne lieu à un véritable lobbying de la part d'un certain nombre d'élus de la majorité pour encore réduire l'ISF. Vous revenez à la charge, en prétendant que cet impôt est confiscatoire, qu'il accable ses redevables.
Le Gouvernement n'a pas voulu paraître céder à cette pression d'une partie de la majorité. Il a donc inventé cette année la formule du « bouclier fiscal » : un cadeau de 400 millions d'euros pour 100 000 personnes, dont 200 millions réservés à moins de 15 000 d'entre eux !
Le plafonnement de l'impôt est une mesure dangereuse, car fondée sur l'idée que la propriété ne constitue pas réellement une ressource justifiant de participer au financement des dépenses publiques.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour vous, la propriété, c'est toujours le vol !
Mme Marie-France Beaufils. De fait, le plafonnement favorisera une économie de rente, fondée sur l'accumulation et la transmission d'une fortune productrice de faibles revenus monétaires. Cette réforme ne récompense ni le travail ni l'investissement productif. Rien de très dynamisant pour l'activité dans notre pays ! Les classes moyennes qui ne vivent que de leur travail apprécieront !
Comme si cela ne suffisait pas, un petit supplément a été accordé à ceux qui détiennent des actions depuis plus de six ans : une exonération de 75 % de leur valeur.
Mesdames, messieurs de la majorité, je vous invite vivement à détourner les yeux du CAC 40 et à aller voir ce qu'il en est pour les ménages surendettés. Leur situation en dit long sur ce qui grève les budgets des ménages les plus modestes. Ils sont asphyxiés par les dettes de la vie courante : dettes de loyers, de factures d'eau, d'électricité, de gaz, dettes de transport, de cantine scolaire, etc.
Ces dettes, ce ne sont pas les cinq euros supplémentaires par mois, en moyenne, de la prime pour l'emploi qui vont permettre d'y faire face. La prime pour l'emploi, qui d'ailleurs déresponsabilise un peu plus les entreprises, est d'ores et déjà engloutie.
Avec cette prime pour l'emploi, vous reconnaissez, en fait, la faiblesse du pouvoir d'achat des salariés, mais vous ne prenez pas la bonne mesure. Il est tout de même paradoxal que celui qui produit les richesses ne puisse pas vivre du seul revenu de son travail, et que la puissance publique doive compléter ses ressources.
Ce que demandent les salariés, c'est un salaire décent pour vivre, faire vivre leur famille.
De plus, cette prime pour l'emploi ne compense pas les augmentations d'impôts, notamment des impôts sur la consommation.
L'instauration d'une TVA dite « sociale » reporterait les cotisations sociales sur l'ensemble des consommateurs. Elle ne ferait qu'aggraver les conditions de vie de la masse de nos concitoyens, réduirait la consommation, aggraverait la situation économique de notre pays.
S'il y a des impôts à alléger, ce sont ceux qui pèsent sur le plus grand nombre, et singulièrement sur ceux qui ont les plus bas revenus. Cela concerne autant la TVA et la taxe intérieure sur les produits pétroliers que les impôts locaux ou la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la TEOM.
Ce dont ont besoin les salariés, ce sont des services de qualité. Pour cela, les collectivités territoriales doivent avoir des ressources plus stables.
Or, votre politique conduit, là encore, à des augmentations. Les transferts de charges sans compensation au niveau des exigences, le désengagement de l'Etat, la réforme de la taxe professionnelle sont autant de mesures qui, loin de « responsabiliser les élus » - comme s'ils n'étaient pas responsables ! - mettent ces derniers dans l'impossibilité d'assumer pleinement leur rôle auprès des habitants.
La réforme de la taxe professionnelle, nous étions nombreux à l'attendre et à avoir travaillé sur le sujet. Là où, en nombre, nous avons pointé du doigt le problème essentiel de l'assiette de cet impôt, où des solutions ont été proposées pour moderniser cette base, vous abdiquez, répondant aux appels des sirènes du Mouvement des entreprises de France, le MEDEF, sans contrepartie.
Nous avons déposé une proposition de loi qui vise à introduire la taxation des actifs financiers des entreprises, banques et assurances, grande distribution, qui représentaient 3 500 milliards d'euros en 2002 et qui pourraient être taxés à un taux de 0,5 %.
M. le président. Veuillez conclure, madame Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Les collectivités territoriales bénéficieraient ainsi de ressources supplémentaires et nous pourrions dans le même temps dissuader les spéculations financières qui jouent contre l'emploi.
Votre projet montre bien vos choix politiques. Vous cassez tout ce qui pourrait contribuer à développer plus de solidarité !
Après la violence que nous venons de vivre dans quantité de villes qui accueillent en grand nombre ceux qui ont de très faibles revenus, vous avez déclaré vouloir répondre aux attentes de ces populations. Rien dans le projet de budget qui nous est proposé n'y répond, pas plus d'ailleurs que dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS, qui vient d'être voté. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, contrairement à l'orateur qui vient de me précéder, je voterai le budget.
MM. Henri de Raincourt et Josselin de Rohan. Très bien !
Mme Hélène Luc. On s'en doutait !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je le voterai pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, j'en ai assez de ces problèmes franco-français alors que nous avons une monnaie unique, que nos entreprises sont agressées, mises en compétition par l'ensemble des entreprises mondiales ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... et alors que, dans ce pays, tous les problèmes ont une dimension internationale.
Ensuite, comme l'ont dit très justement les deux orateurs de mon groupe qui m'ont précédé, MM. Henri de Raincourt et Alain Lambert, notre optique est de favoriser le travail, de cantonner l'assistance à ceux qui en ont vraiment besoin et de redresser nos finances publiques.
Je n'entrerai pas dans des querelles de chiffres. S'agissant du taux de croissance, par exemple, je ne dirai pas qu'il pourrait être plus faible. L'expérience m'a appris que les statisticiens et les conjoncturistes se trompent toujours. Quant au PIB, on a beaucoup parlé d'un taux de croissance de 0,7 % au troisième trimestre. Attention, monsieur le ministre, l'INSEE va sûrement réviser ses prévisions. J'ai connu cela de très près. Si ce taux passe à 0,8 %, vous serez heureux, mais s'il retombe à 0,6 % ... Voilà pourquoi je n'entrerai pas dans des querelles de chiffres.
En revanche, trois éléments dans ce budget me paraissent marquer un tournant, indépendamment de la grande réforme que vient d'évoquer M. Alain Lambert, qui est l'un des pères de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances.
Le premier élément est l'endettement, marqué par un début, timide certes mais un début quand même, de stabilisation. Le deuxième est le plafonnement d'un certain nombre de prélèvements fiscaux, ce qui est une très bonne idée. Enfin, le troisième, à mon avis le plus important, est l'appel à la responsabilité de tous les acteurs économiques et sociaux de notre pays.
Je commencerai par l'endettement.
Les chiffres que vous nous présentez sont en très légère progression, ce qui marque un début de stabilisation. C'est important, car cela permet de respecter le pacte de stabilité européen, à savoir un déficit public qui ne dépasse pas 3 % du PIB. Certes, il vous a été reproché tout à l'heure quelques mesures de débudgétisation. Mais, personnellement, je n'ai jamais connu, en quarante ans, un budget qui n'en contienne pas ! Par conséquent, vous n'êtes nullement responsable.
De plus, les chiffres que vous nous avez indiqués permettent également de penser que, grâce à la cession d'actifs, il sera possible de stabiliser notre endettement à 66 % du PIB, soit un taux qui n'est pas trop éloigné du taux de 60 %, qui est le critère absolu.
À cet égard, je me permets de faire trois propositions.
D'abord, il faut vraiment accélérer la cession des immeubles publics qui sont trop nombreux et qui représentent, avez-vous dit, 36 milliards d'euros. Une politique menée sur dix ans avec un montant des cessions qui serait non plus de 600 millions d'euros comme il devrait être cette année, mais de 3 milliards ou 4 milliards d'euros, permettrait d'accélérer le désendettement.
Ensuite, pourquoi ne pas utiliser la totalité, et non plus une partie, des cessions d'actifs, notamment des participations dans les entreprises, pour se désendetter ?
Enfin, voilà quelques années, j'avais dit ici que la gestion de la dette faite par le Trésor public était beaucoup moins efficace que celle qui était faite par nos collectivités territoriales, ces dernières ayant beaucoup développé les crédits de trésorerie, les swaps, bref, l'ensemble des opérations sur les marchés financiers.
L'État s'y est mis : vous nous avez parlé de France Trésor et du Service France domaine. C'est très bien, mais il faut faire encore mieux afin que l'équilibre que vous nous présentez ne soit pas mis en péril par une remise en cause du début de désendettement en raison du risque évident d'augmentation des taux d'intérêt.
Après l'endettement, le deuxième élément qui me paraît marquer un tournant important dans ce budget est le plafonnement, c'est-à-dire le bouclier fiscal et la réforme de la taxe professionnelle.
J'approuve totalement votre théorie du bouclier fiscal. En effet, nous devons donner à nos partenaires européens, à nos entreprises, à nos chefs d'entreprise, aux ménages, aux cadres qui vont venir travailler ici une indication chiffrée. Vous avez choisi de ne pas intégrer la CSG, afin de ne pas faire apparaître un taux de plafonnement des impôts trop important, taux qui, avec la CSG, aurait atteint 70 % ! En revanche, vous intégrez l'impôt sur le revenu, l'impôt de solidarité sur la fortune et les impôts locaux, ce qui, je crois, est une bonne chose.
Contrairement à ce qui a été dit par certains ici, je suis persuadé - les maires que nous sommes connaissent bien le « terrain » sur lequel nous travaillons - que le plafonnement à 60 % est important, car il permettra de régler la situation de petits contribuables, notamment les chefs de petite entreprise, les artisans, les petits commerçants, les cadres en difficulté parce qu'ils se sont brutalement retrouvés au chômage, et je vous félicite d'avoir recouru à cette opération.
Bien sûr se pose le problème de la récupération des sommes qui auront été remboursées. Vous connaissez ma thèse à l'égard des collectivités locales : sauf à monter une formidable usine à gaz, il est impossible de demander le remboursement à chaque collectivité du trop-perçu. Vous proposez une mesure globale par prélèvement sur la DGF. Le Gouvernement vient de le faire dans le cadre de la recentralisation d'un certain nombre de compétences, notamment sur la santé, la tuberculose, etc. Vous avez prélevé sur la DGF de cette année une somme de 41 millions d'euros.
M. Henri de Raincourt. C'est excessif !
M. Jean-Pierre Fourcade. Elle est ici de 40 millions à 43 millions d'euros sur une masse de 37 milliards d'euros, ce qui n'aura donc pas de conséquences trop graves. Encore faut-il que tout le monde soit responsable. Ce sera l'objet de mon dernier point.
La solution que vous avez adoptée pour la taxe professionnelle est bonne. J'ai participé, comme certains d'entre nous, à la commission Fouquet. Nous étions conscients des bouleversements qu'entraîne tout changement d'assiette.
M. Jean-Pierre Fourcade. Ayant vécu le premier, je n'envisageais pas d'en vivre un second ! Ceux qui y gagnent ne disent rien, ceux dont la situation est inchangée se demandent pourquoi ils n'ont pas constaté une baisse de leurs cotisations, et ceux qui voient leur note augmenter poussent des cris et mobilisent l'ensemble de l'opinion publique ! Vous avez donc eu raison de ne pas vous engager dans une telle opération.
Mais je crois qu'il faut insister sur deux points.
D'abord, le plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée va permettre aux entreprises qui sont compétitives et qui veulent se développer sur le marché mondial d'avoir la garantie qu'elles ne seront pas surtaxées.
Ensuite, le plafonnement répare l'une des erreurs graves commises par le gouvernement socialiste, notamment par M. Strauss-Kahn, ...
Mme Nicole Bricq. On y revient !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... qu'on dit être un excellent économiste ! Au lieu de supprimer la taxation des investissements, ce qu'il fallait faire pour préserver la compétitivité de nos entreprises et donner à ces derniers une bonne situation, il a cédé au chant des sirènes et a choisi de détaxer la part salaires de la taxe professionnelle, ce qui ne pouvait que se traduire par un recul de l'investissement productif et par la délocalisation d'un certain nombre d'entreprises. Il était donc important de décider un plafonnement.
Toutefois, il conviendrait de le réduire à 3 % ou à 2,5 % les années prochaines pour garantir aux collectivités territoriales, notamment aux communautés d'agglomération et aux communautés urbaines dont c'est la ressource importante, une ressource pérenne. Dès lors, les entreprises pourront investir dans de bonnes conditions.
On a beaucoup parlé des 35 heures, mais la réduction en matière de taxe professionnelle et le refus de créer en France des fonds de pension sont des erreurs aux conséquences beaucoup plus graves à terme sur l'évolution de notre pays dans la compétition mondiale. C'est pourquoi je suis beaucoup plus sévère sur ces erreurs-là que sur la première.
Enfin, le dernier élément intéressant dans ce projet de budget est l'appel à la responsabilité des différents acteurs : les ministres dans le cadre des nouvelles organisations de la loi organique et donc de leurs administrations, les dirigeants des collectivités locales puisque, aussi bien pour le bouclier fiscal que pour la taxe professionnelle, s'ils décident des taux trop élevés, ils auront un certain nombre de choses à payer.
La responsabilité doit être étendue aux dirigeants des caisses de nos régimes sociaux et à l'ensemble des acteurs de la vie économique, car nous sommes dans un système trop opaque, dans lequel chacun se défile et tente de transférer les responsabilités sur d'autres.
Votre budget marque bien, surtout avec la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, cet appel à la responsabilité. Nous ne pourrons redonner à notre pays sa place dans l'Europe et dans le monde qu'en faisant davantage appel à la responsabilité.
Cette responsabilisation aura de nombreuses conséquences : il faudra l'intégrer dans nos programmes scolaires, dans nos programmes de formation, dans l'avancement des fonctionnaires, etc. Mais c'est essentiel.
En conclusion, ce budget marque une pause dans l'endettement, crée des plafonnements aux prélèvements qui sont des indications données au monde entier et fait appel à la responsabilité de l'ensemble des acteurs économiques. C'est pour ces trois raisons que je tiens à le voter et que je vous soutiendrai dans cette partie difficile qui est la vôtre en 2006. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.
M. Eric Doligé. M. le président souhaite que les orateurs ne dépassent pas un temps de parole de dix minutes : je vais donc vous demander d'être très attentifs, monsieur le ministre, mes chers collègues, car, les éléments que je tiens à vous communiquer étant nombreux, je les exprimerai très vite ! (Sourires.)
Mais ne vous inquiétez pas, monsieur le ministre, je ne dirai rien de désagréable, et cela finira bien ! (Nouveaux sourires.)
Ce matin, le rapporteur général du budget, M. Philippe Marini, nous disait : « Soyons modestes, ambitieux et courageux. » Je vais m'efforcer de mettre à profit ces trois recommandations. Modeste, ce sera facile pour moi. Ambitieux, je vais essayer de l'être pour notre économie. Courageux, cela revient à vous dire ce que je pense et, en cela, vous pouvez compter sur moi.
J'ai le plaisir de vous dire que la présente loi de finances est révélatrice d'avancées intéressantes. Le critère qui caractérise désormais un bon budget n'est plus de démontrer qu'il a progressé d'une année sur l'autre. Notre discussion devrait donc échapper au travers qui consiste, selon que l'on se situe dans la majorité ou l'opposition, à voir le verre à moitié vide ou à moitié plein !
L'horizon s'éclaircit. Nous osons enfin aborder le débat budgétaire sous l'angle de l'efficacité et de la mesure du résultat. Le citoyen doit savoir si son investissement au travers de ses impôts et taxes a été bénéfique pour le pays.
Mardi, lors de son audition devant la commission des finances, le ministre d'État, ministre de l'intérieur, a démontré qu'il était possible d'optimiser les crédits votés et d'obtenir des résultats. Celui qui paye des impôts préfère que la police arrête des voyous, plutôt que d'observer ces derniers, et que les personnes en situation irrégulière soient reconduites dans leur pays, plutôt que d'être hébergées aux frais de l'État et des collectivités.
M. Henri de Raincourt. Bravo !
M. Eric Doligé. Il y a là des objectifs, des résultats et une politique.
Ce matin, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Thierry Breton, a bien voulu nous rappeler qu'il fallait un État fort et régalien. Nous l'approuvons et il faut continuer dans cette direction.
Cette loi de finances nous permet de découvrir l'amorce de choix politiques intéressants : maîtrise et simplification du système fiscal, priorité à l'emploi, attractivité de la France, meilleure justice fiscale et sociale, préparation de l'avenir, travail mieux rémunéré que l'inactivité.
Je prends volontiers acte de ces éléments positifs et des orientations nouvelles affichées avec détermination. Mais l'on peut encore entrevoir, ici ou là, une certaine retenue ou timidité à briser les habitudes qui pèsent sur notre budget et notre économie.
Je vais essayer modestement d'avancer quelques réflexions, voire quelques propositions.
La création d'emplois marchands, ceux qui sont productifs de richesse nationale, ne peut se faire que dans un environnement favorable. Cette notion est très présente dans le corps de réflexion gouvernemental, mais il faut passer un peu plus aux actes.
Notre environnement franco-français a encore certains progrès à faire pour convaincre l'entreprise qu'elle est bien le coeur de cible de notre action économique et que nous avons intégré que c'est en elle que se trouve la création des richesses.
La complexité législative et la complexité réglementaire ne sont plus acceptables ni supportables dans un monde des échanges qui ne connaît plus les frontières et où celui qui produit peut voyager et déplacer les lieux de production au gré de ses intérêts.
Implanter en France relève d'un parcours initiatique qui, parfois, frôle le châtiment ! Ce n'est pas une clause de style, c'est la réalité du quotidien d'un exécutif départemental qui s'intéresse à l'économie et doit déployer des trésors d'ingéniosité pour retenir l'intérêt de l'entreprise candidate à l'implantation.
Je reprendrai l'image du steeple-chase que Philippe Marini nous a présentée ce matin.
Le premier obstacle est la Direction régionale des affaires culturelles, ou DRAC, qui va diagnostiquer et prescrire des fouilles pour des coûts représentant souvent plusieurs fois la valeur du terrain, sans aucun contrôle, alors que les services fiscaux ont pris plusieurs mois pour estimer le terrain et imposer un prix.
La Direction régionale de l'environnement, ou DIREN, qui a toujours des espèces rares à protéger, herbes rares ou scarabées dorés, est souvent le deuxième obstacle. Vous n'imaginez pas le nombre d'espèces rares que nous foulons chaque jour sans la moindre précaution !
Puis vient la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, ou DRIRE, qui va éplucher à juste titre l'autorisation d'exploiter.
Les pompiers vont ensuite être « missionnés » par le préfet pour vérifier le diamètre des canalisations.
La Direction du travail vérifie que chaque salarié voit bien la lumière du jour de son poste de travail, en oubliant bien souvent que ses propres fonctionnaires travaillent dans des bureaux aveugles ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Eric Doligé. En toute logique, la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales, ou DDASS, aura son mot à dire sur les conditions sanitaires.
En dernier ressort, la Direction départementale de l'équipement, ou DDE, s'apercevra probablement que l'implantation choisie n'est finalement pas la bonne et qu'il faut tout reprendre à zéro !
Ainsi, les mois s'égrènent avec, en prime, l'application des lois sur l'eau, sur l'air, sur le bruit et, pour couronner le tout, les enquêtes publiques.
Bien souvent, le temps de se retourner, et l'entreprise est partie développer ses emplois dans un autre pays !
Bien sûr, nous sommes tous favorables à des implantations bien réfléchies et respectueuses des normes, mais attention au zèle français et veillons à ne pas créer des contraintes là où nos concurrents n'en ont pas.
Monsieur le ministre, cela ne coûte rien au budget d'organiser tout cela et de désigner un chef de file dont l'objectif pourrait être de mener ses dossiers dans un délai contraint et contractualisé. Selon le dicton, « Le temps, c'est de l'argent ! » Cela permettrait effectivement à l'État de faire des économies et, de plus, cela lui rapporterait, car plus il y a d'entreprises et plus tôt elles produisent, plus elles lui rapportent d'argent ! Faisons en sorte que le temps de l'entreprise soit celui de l'administration, et non l'inverse.
Mais il est une autre contrainte, après celle qui est liée au poids de la réglementation : celle des 35 heures.
Depuis cette loi malheureuse, certains veulent toujours faire croire que le partage du travail crée l'emploi.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ils ont tort !
M. Eric Doligé. Notre expérience de terrain nous démontre que c'est là une vue de l'esprit ou, plus exactement, un raisonnement simpliste et à courte vue.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sophisme !
M. Eric Doligé. Thierry Breton nous a bien redit ce matin et à juste titre que c'est l'emploi qui crée l'emploi.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Eric Doligé. Ne refusons plus de voir ce qui se passe chez nos voisins et même de plus en plus chez nous. En France, dans nombre d'entreprises, les syndicats acceptent de revoir les horaires à la hausse pour sauver des emplois, pour participer à la baisse des prix de revient et donc à la compétitivité.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Eric Doligé. Quant à la complexité de notre droit du travail, elle n'est plus à démontrer, et elle repousse certaines entreprises à venir s'installer chez nous.
Il en est de même de l'insécurité juridique et fiscale. J'approuve tout à fait votre objectif visant à rendre l'environnement fiscal de l'entreprise plus favorable, monsieur le ministre. L'allégement de la fiscalité sur les investissements nouveaux et le plafonnement de la taxe professionnelle vont certes dans le bon sens, mais il faut stabiliser et sécuriser la situation.
Contrairement à l'État, l'entreprise n'a pas une vision budgétaire annuelle. Lorsqu'elle investit, elle veut et doit avoir des perspectives à cinq ans, voire à dix ans. Le retour sur investissement est une notion d'entreprise bien légitime.
En rentrant ce matin, à une heure, après le débat relatif au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, j'ai entendu qu'on avait décidé d'imposer une nouvelle taxe sur les billets d'avion. Je remets en cause non pas l'objectif, mais le moyen. Vous allez faire plaisir à nos concurrents, comme l'aéroport de Bruxelles ! C'est, à mon avis, un mauvais coup porté à notre économie.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le crains !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !
M. Eric Doligé. De même, vous n'avez pas dit, monsieur le ministre, quel avenir vous réserviez à la TVA à 5,5 %. Dans le secteur du bâtiment, nous savons que cette baisse de TVA a été positive pour les emplois, pour l'activité et pour les recettes de l'État ; il faut que celle-ci soit reconduite. De la même façon, tous les restaurateurs attendent que la promesse qui leur a été faite d'abaisser le taux de TVA à 5,5 % soit tenue.
J'aborderai maintenant une autre question qui nous pénalise très fortement et qui est souvent considérée comme provocatrice - mais ce n'est que par idéologie -, je veux parler de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Confisquer les revenus de ceux qui sont soumis à l'ISF n'enrichira pas ceux qui sont moins riches !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !
M. Eric Doligé. Au contraire, la France en subit tous les effets pervers. N'ayons pas honte d'être un pays dans lequel on peut s'épanouir et réussir, et je remercie le Gouvernement d'avoir fait quelques gestes en ce sens, même s'il peut encore mieux faire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Eric Doligé. À l'occasion de l'ouverture du capital d'EDF, je ne peux pas ne pas évoquer rapidement le choix du Gouvernement d'ouvrir le capital de certaines entreprises d'État.
Près de cinq millions de particuliers ont acheté des actions EDF au prix de trente-deux euros. Jusqu'à présent, jamais une privatisation partielle n'avait connu un tel succès. France Télécom avait attiré 3,8 millions de souscripteurs, tandis que Gaz de France en avait attiré 3,1 millions.
Le succès sans précédent de l'opération EDF vient de bousculer un certain nombre de schémas beaucoup trop réducteurs. Les syndicats, campés dans leurs certitudes et leur conservatisme, voudraient faire croire que les Français ne s'intéressent qu'aux actions revendicatrices. La preuve est faite qu'ils s'intéressent aussi aux actions en capital.
L'afflux des demandes montre que EDF reste bien l'entreprise préférée des Français, ce que l'on savait depuis la tempête de décembre 1999. Mais le camouflet le plus sévère infligé aux syndicats est venu des salariés d'EDF eux-mêmes. En effet, sur un total de 161 310 salariés, 100 000 d'entre eux ont souscrit à l'offre de privatisation. Plus de 50 % des électriciens ont donc cédé à l'horrible tentation capitalistique. On ne peut s'empêcher de rapprocher ce pourcentage, supérieur à 50 %, de celui des grévistes - 8 % - qui avaient répondu à l'appel de la CGT, le 8 novembre dernier, pour dénoncer la privatisation d'EDF. Le Gouvernement a remporté là une victoire évidente ; il faut continuer en ce sens.
Mme Nicole Bricq. Attendons de voir !
M. Eric Doligé. J'évoquerai maintenant diverses pistes devant concourir à améliorer la situation.
Peut-on parler des effectifs de la fonction publique ? Il faut promouvoir fortement la gestion prévisionnelle des effectifs. Ce n'est ni une hérésie ni une provocation ; ce n'est que réalisme. La pyramide des âges est là pour nous y aider.
Est-ce un acte d'irrespect que d'annoncer, comme l'a fait Georges Tron, que l'on pourrait aisément ne pas remplacer durant dix ans la moitié des fonctionnaires partant à la retraite ?
La fonction publique représente 42,8 % du budget. En 2006, on avait prévu de réduire de 5 200 postes les effectifs de la fonction publique, qui s'élèvent à 2,3 millions, soit 0,0022%. À la suite des problèmes soulevés dans les banlieues, on a annoncé la création de 5 000 emplois. Nous sommes donc à « zéro volume ».
Monsieur le ministre, vous avez une opportunité dans le cadre de la décentralisation : négocier avec les collectivités afin que les transferts correspondent à des économies d'échelle et non pas à une inflation des effectifs résultant de la résistance des corporatismes.
La décentralisation concerne entre autres la DRAC, la DDE, la DDASS et l'éducation nationale. Compte tenu de la difficulté actuelle des négociations avec la DDE, je puis vous assurer que nous allons connaître une inflation des effectifs : l'État ne sait pas réduire la voilure, car ce n'est pas dans sa culture.
Monsieur le ministre, il est toujours difficile d'élaborer un budget ; néanmoins, vous avez la chance de vous trouver dans un environnement favorable, grâce, il est vrai, à l'action du Gouvernement.
En effet, comme vous l'avez indiqué, la croissance repart, les exportations s'améliorent, les enquêtes de conjoncture sont plutôt optimistes. Alors, pensez aux collectivités et notamment aux départements, qui ont eu à supporter hier le revenu minimum d'insertion, le RMI, l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, les 35 heures et les services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS ; ils supportent aujourd'hui la suppression de la vignette, la taxe professionnelle plafonnée, le bouclier fiscal et qui, demain, devront supporter le handicap et le transfert de nouvelles charges, sans compensation intégrale.
La formule « à l'euro près » est douce à entendre, mais elle n'est pas, à ce jour, une réalité. Je puis le démontrer, au travers de nombreux exemples, tels que, notamment, s'agissant des routes, le décroisement des financements, notion perverse, ou encore les contractuels de l'éducation nationale. En l'état actuel des choses, tous les départements calent leur budget sur une hausse de 5 % à 10 %. Cela ne peut satisfaire les exécutifs. Au cours de cette discussion budgétaire, il faudra que vous acceptiez de reconnaître, monsieur le ministre, que le compte n'y est pas.
M. Michel Mercier. Très bien!
M. Eric Doligé. Nous pouvons également réfléchir sur une réorganisation territoriale. En effet, l'apparition de nouveaux échelons et leur multiplication - pays, syndicats, intercommunalités - ont certes amélioré sur certains points l'efficacité locale, mais à quel prix.
Monsieur le ministre, je compte sur vous pour être, au cours de cette discussion, comme vous l'avez dit, une maison de verre. Il faut que vous soyez sincère et responsable et que vous reconnaissiez que vous pouvez améliorer les dispositifs susceptibles de favoriser le développement de l'entreprise et faire en sorte que les collectivités, notamment les départements, ne soient pas la soupape du trop-plein des charges de l'État.
Monsieur le ministre, vous constaterez que j'ai été modeste, ambitieux et courageux. J'irai au bout de mon courage en soutenant totalement ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yves Fréville.
M. Yves Fréville. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que ce projet de budget ne fasse que stabiliser le déficit budgétaire, je le voterai moi aussi.
En effet, ce projet de budget porte en lui une politique courageuse et ambitieuse visant à restaurer la compétitivité de la France. À mon sens, c'est la seule façon de desserrer l'étreinte de l'endettement que nous connaissons et que la maîtrise des dépenses publiques seule ne parviendra pas à réduire. Il nous faut de la croissance.
Je me poserai quatre questions relatives à l'équilibre budgétaire en me référant, très modestement, à certains chiffres.
Tout d'abord, monsieur le ministre, votre marge de manoeuvre est-elle surévaluée ?
Les chiffres le prouvent, notre marge de manoeuvre est faible. L'évolution spontanée des recettes, hors indexation du barème de l'impôt sur le revenu, n'est que de 12,5 milliards d'euros. On peut certes y ajouter quelques recettes non fiscales, mais le total n'est que de 14 milliards d'euros. C'est moins que la marge dont disposait M. Lambert, alors ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, voilà deux ans, et ce n'est guère plus que celle de l'année dernière.
On peut donc se demander s'il s'agit d'une évaluation sincère. Considérant l'évolution de la conjoncture actuelle, je dirai « oui » et j'avancerai un argument supplémentaire : le Gouvernement a été prudent en matière de ce que l'on appelle techniquement « l'élasticité ». En effet, celle-ci est faible. La marge de manoeuvre n'est donc pas surévaluée.
Cependant, ce qui me paraît grave - permettez-moi de le dire -, c'est que, depuis quatre ans, notre croissance potentielle, c'est-à-dire le maximum que nous pouvons atteindre, est restée à un niveau très bas, très inférieur à celui qui était enregistré auparavant. Bien que notre consommation domestique soit satisfaisante, que les investissements en logements dépassent le nombre de 400 000 par an, il faut que cette croissance potentielle augmente.
L'évaluation dont nous disposons est donc correcte.
Ensuite, comment partager cette marge de manoeuvre entre l'État, les collectivités locales, la réduction d'impôts ? Je connais les choix que le Gouvernement a faits.
Le premier choix était contraint : vous avez proposé, monsieur le ministre, une réduction d'impôts de 3,9 milliards d'euros. C'est bien sûr la conséquence de décisions passées. Mais n'était-il pas souhaitable de réduire la taxe professionnelle sur les investissements nouveaux ? N'était-il pas souhaitable de déduire les intérêts des prêts à la consommation du revenu imposable ? Je regrette la méthode choisie, mais je constate que ce fut un bon choix. Il n'empêche que ces réductions d'impôt représentent 28 % de la masse disponible.
Le deuxième choix a été de considérer comme logique que les collectivités locales qui investissent aient plus que la norme que se réservait l'État. Là aussi, en respectant le contrat de croissance et de solidarité, l'État a bien fait de favoriser légèrement - c'était une décision difficile à prendre - les collectivités locales. J'ai notamment constaté que les crédits octroyés au Fonds de compensation pour la TVA dépassent 4 milliards d'euros. De plus, le FCTVA progresse de 6 %, en raison de l'augmentation de l'investissement local ; ce dernier est donc porteur de croissance. Ce deuxième choix est par conséquent positif.
Que faire du solde ? Vous appliquez la norme de croissance de 1 %, règle d'argent - la règle d'or serait d'arriver en valeur au taux de 0 % -, ce qui vous permet de dégager une certaine marge.
Je constate que vous avez directement favorisé l'emploi des personnes les plus modestes, en prévoyant une augmentation de la prime pour l'emploi à hauteur de 500 millions d'euros et, indirectement, en consolidant les allégements de charges à hauteur de 1,9 milliard d'euros qui seront transférés à la sécurité sociale.
Je le dis clairement, plutôt qu'un inventaire à la Prévert, j'aurais préféré que l'on crée, ou plutôt que l'on recrée, puisque cela existait dans les années 1977 et 1978, un prélèvement sur les recettes de l'État en faveur de la sécurité sociale, ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Yves Fréville. ... qui aurait permis d'apprécier globalement ce transfert de charges. Toutefois, je vous en donne acte, vous avez porté votre effort sur les salariés de condition modeste.
Enfin, ce projet de budget est-il cohérent avec les souhaits que la majorité a exprimés au cours de la législature ?
Je constate que vous avez respecté les lois d'orientation et de programmation pour la justice, pour la sécurité intérieure et, je puis vous l'assurer en tant que rapporteur spécial de la mission « Défense », la loi de programmation militaire. Nous allons consolider notre marine avec les contrats des frégates multi-missions et des sous-marins nucléaires d'attaque. Je ne l'oublie pas, les dépenses relatives aux équipements militaires représentent actuellement, dans le projet de budget, près de 75 % des dépenses d'équipement. Je le dis clairement, au-delà de la loi de programmation militaire, se posera la question de la poursuite de l'effort.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !
M. Yves Fréville. Cela étant, en tant que parlementaire de l'ouest de la France, je constate que cela va donner beaucoup de travail aux sièges de Lorient ou de Cherbourg, par exemple.
Par ailleurs, monsieur le ministre, ce budget est cohérent compte tenu de la volonté de réaliser des économies.
M. Marini, dans son excellent rapport, a fait état d'économies à hauteur de 900 millions d'euros. Même si je n'ai aucune raison de remettre en cause cette affirmation, j'aimerais que M. le ministre détaille ces économies, dont je me réjouis.
Enfin, ce budget est cohérent compte tenu de la priorité donnée à l'innovation et à la recherche. Ainsi, les crédits accordés aux nouvelles agences, l'Agence pour l'innovation industrielle et l'Agence nationale de la recherche ont été augmentés : 1 milliard d'euros cette année, 2 milliards, je l'espère, l'année prochaine, et 3 milliards dans deux ans, même si ce montant semble très important. Toutefois, n'allons pas trop vite. En effet, lorsqu'on engage une telle politique, rien n'est pire que d'avoir un jour à pratiquer une politique de stop and go. Faisons donc en sorte que cet effort, que j'approuve, soit correctement réparti dans le temps.
J'en arrive à ma dernière question. Ce budget est-il soutenable sur le long terme ?
Dans le « bleu » budgétaire - mais cette expression n'a plus lieu d'être -, on trouve une excellente présentation du budget, réalisée sur le modèle du budget d'une collectivité locale. On voit donc immédiatement apparaître la double charge de la dette.
L'addition de la dette viagère, à savoir les pensions des fonctionnaires, et de la dette financière, à savoir les emprunts que nous contractons régulièrement, représente aujourd'hui 30 % des dépenses de la France, et cet ensemble ne peut que croître car, même si l'on parvenait à limiter la dette financière en restreignant le recours à l'emprunt, nous serions néanmoins confrontés à l'explosion des pensions des fonctionnaires.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, il faut avoir une politique claire à l'égard des autres composantes de la dépense publique, notamment des crédits d'intervention, qui représentent 60 milliards d'euros.
Vous avez engagé des audits sur les crédits d'intervention. S'il faut en effet y mettre bon ordre, il ne faut pas pour autant agir en considérant chaque individu ou chaque entreprise isolément, mais veiller à la cohérence de toutes ces interventions et s'assurer de leur évaluation.
Il faudra également engager un politique tendant à favoriser la productivité des fonctionnaires : si celle-ci augmentait de 0,5 %, il serait alors possible de gagner 11 000 emplois par an.
Mes chers collègues, nous empruntons 130 milliards d'euros alors même que nos investissements ne se montent qu'à 18 milliards d'euros. La différence est consacrée soit au remboursement de la dette en capital, soit au paiement des intérêts. Je souhaite ne plus revoir cette situation au cours des prochaines années !
C'est pour y mettre fin qu'il faut faire croître la productivité de la France. Ce budget y contribuera, et c'est pourquoi je le voterai. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote.
M. Simon Loueckhote. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les événements qui ont ébranlé la métropole ces dernières semaines ainsi que les manifestations de violence qui se sont multipliées nous rappellent que notre politique en faveur d'une meilleure intégration des plus défavorisés afin de faire cohabiter des communautés d'origines et de cultures différentes est probablement insuffisante, tout comme le sont notre politique de lutte contre le chômage et celle que nous menons en direction d'une jeunesse en perte d'identité et en quête de repères.
Ce sont ces mêmes difficultés que nous vivons quotidiennement outre-mer, et ce depuis plusieurs années.
Prenons le cas du chômage. Il résulte notamment de l'inadéquation des demandes d'emploi aux besoins de l'économie, inadéquation qui est à l'origine d'une grande crispation sur le marché du travail.
C'est particulièrement un handicap dans nos collectivités d'outre-mer, où le tissu économique, encore très fragile, s'appuie sur une population moins nombreuse qu'en métropole et, par conséquent, sur un marché trop étroit et sur activités qui ne sont pas assez diversifiées.
Nos économies ultramarines sont encore très insuffisamment développées. Nous sommes donc contraints d'appliquer une politique interventionniste pour encourager leur modernisation et leur dynamisme. C'est pourquoi le soutien de la métropole est indispensable.
Or, depuis deux ou trois ans maintenant, lors de l'examen du projet de loi de finances, les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat rappellent chaque année la nécessité absolue de réduire les dépenses publiques.
Bien entendu, cette volonté est tout à fait louable, et nous la partageons tous, à plus forte raison dans le contexte budgétaire actuel.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Simon Loueckhote. Ce qui est moins louable, a contrario, c'est de pointer du doigt dans le même temps - et de façon récurrente - ce qu'on appelle communément les « niches fiscales » et « privilèges » accordés à l'outre-mer.
D'aucuns pourraient, par un raccourci facile, laisser à penser que les populations ultramarines sont responsables du déficit budgétaire de l'État.
Mes chers collègues, je m'insurge contre cette vision simpliste, réductrice, voire extrêmement dévalorisante pour nos collectivités.
Je voudrais d'ailleurs emprunter à François Baroin, ministre de l'outre-mer, sa formule selon laquelle, « en outre-mer, on ne parle pas de niches fiscales mais de rattrapage économique ».
Je regrette vivement que certains de nos collègues persistent, de cette manière, à vouloir focaliser l'attention sur la notion d'évasion fiscale : cela occulte les véritables objectifs de toutes ces mesures, à savoir l'amélioration de la situation économique et sociale des populations ultramarines par une transformation profonde et durable de l'outil de production des collectivités concernées.
Prenons l'exemple très révélateur du taux de chômage : je rappelle qu'il s'établit encore en moyenne à 23 % dans les départements d'outre-mer et qu'il dépassait 30 % au cours de la dernière décennie, soit un taux trois fois supérieur à celui de la métropole.
De même, la part des moins de vingt-cinq ans dans l'ensemble des demandeurs d'emploi des DOM est passée, en dix ans, de 23 % à 15 % grâce au dispositif d'aide à l'emploi des jeunes.
Cela signifie que les mesures de soutien à l'emploi salarié ont d'ores et déjà porté leurs fruits.
Pour autant, aujourd'hui encore, le taux de chômage, dans les DOM est encore deux fois plus élevé qu'en métropole. Il dépasse en effet la barre des 20 %.
Je ne crois pas que l'on puisse nier, au vu de tels constats, la nécessité d'un rattrapage.
Selon plusieurs autres indicateurs, le rattrapage économique et social est bien en marche. En attestent le taux de création d'entreprises, qui a été supérieur en 2003 dans les DOM à ce qu'il a été dans l'ensemble des régions métropolitaines, ou encore l'importance de la croissance en valeur du produit intérieur brut de ces départements.
De plus, nombre d'entre vous dénoncent l'impact sur le budget de l'État de la défiscalisation des investissements réalisés dans les départements et collectivités d'outre-mer, en minimisant ses effets induits sur l'emploi.
Vous n'ignorez pas, pourtant, avec quelle rigueur les agréments de défiscalisation sont délivrés par Bercy, dont les décisions sont étroitement liées à l'engagement pris par les promoteurs de créer des emplois directs !
Cet important dispositif a notamment permis, de 1995 à 2003, le financement d'investissements qui se sont accompagnés de la création de 8 000 emplois dans les DOM.
Pour la seule année 2003, s'agissant des collectivités d'outre-mer, 843 emplois directs ont été créés, dont 513 en Polynésie française et 291 en Nouvelle-Calédonie.
Ne stigmatisons pas l'outre-mer ! Il n'y a pas d'opposition entre les intérêts des ultramarins et ceux des métropolitains.
Il nous est essentiel de bénéficier de la solidarité nationale dans notre entreprise de transformation et de modernisation de nos économies.
L'effort budgétaire et financier que l'État consacre, chaque année, à chaque département, à chaque région ou à chaque collectivité d'outre-mer est un outil efficace au service du développement économique de l'outre-mer, et donc de la France !
En outre, je demande solennellement à la Haute Assemblée de réfléchir au coût politique, économique et social que pourrait représenter, actuellement, un désengagement de l'État outre-mer.
Pourtant, cette année encore, l'outre-mer s'est retrouvé « sur la sellette » avec l'article 61 du projet de loi de finances pour 2006, relatif au plafonnement de certains avantages fiscaux au titre de l'impôt sur le revenu, et l'article 73, relatif à la réforme des exonérations spécifiques de cotisations employeurs applicables dans les départements d'outre-mer.
L'intergroupe parlementaire de l'outre-mer, que je préside, s'est mobilisé, au-delà de toutes les sensibilités politiques. En l'espèce, il s'agissait bien de défendre des intérêts communs !
Je saisis d'ailleurs cette occasion pour remercier l'ensemble de mes collègues de l'outre-mer de leur engagement et de leur détermination.
Nous avons été reçus à deux reprises par le Premier ministre, à qui je tiens à exprimer une nouvelle fois toute ma gratitude pour son sens de l'écoute et pour l'intérêt qu'il a témoigné à l'ensemble de ses compatriotes de l'outre-mer. Nous avons en effet pleinement conscience que sa décision intervient dans un contexte budgétaire extrêmement difficile.
Il s'est alors engagé, au nom du Gouvernement, à ce que soit modifié l'article 61 du projet de loi de finances et à ce qu'en soit supprimé l'article 73. C'est avec soulagement que j'ai constaté que nos collègues députés ont finalement adopté des amendements en ce sens.
Il a donc été admis que toute modification du cadre prévu par la loi « Girardin » du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer ne pouvait être envisagée en l'absence d'une véritable lisibilité de l'efficacité du dispositif, argument que les parlementaires de l'outre-mer ont fait valoir dans ce débat.
Nous sommes parfaitement conscients de l'effort de solidarité de la métropole à l'égard des collectivités que nous représentons, mais nous n'avons jamais été des adeptes de la main tendue : nous sommes tout autant soucieux de notre devoir de contribuer à la richesse nationale.
C'est pourquoi, au nom de mes collègues ultramarins, j'ai suggéré au Premier ministre, au cours de nos rencontres, que soit déposé un amendement tendant à constituer dans les meilleurs délais une commission d'évaluation en vue de la rédaction du rapport prévu à l'article 38 de la loi du 21 juillet 2003. Je me réjouis de l'adoption de cet amendement par l'Assemblée nationale.
Cette commission devra présenter à la fin du premier semestre de 2006 le rapport évaluant l'impact socioéconomique de l'ensemble des dispositifs mis en place par la loi de programme pour l'outre-mer.
Il s'agit, de la part des parlementaires de l'outre-mer, d'afficher leur volonté très claire de participer à la réflexion sur l'évaluation des mesures prises en faveur de leurs collectivités ainsi qu'à la recherche de solutions appropriées.
C'est la raison pour laquelle nous avons proposé une constitution tripartite de cette commission, en prévoyant qu'y seraient représentés le Gouvernement, les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat et les parlementaires de l'outre-mer.
Au sein de l'intergroupe parlementaire de l'outre-mer, nous sommes persuadés que ce travail d'évaluation permettra de démontrer à la collectivité nationale l'efficacité de l'ensemble du dispositif de soutien au développement économique et social des collectivités ultramarines, en vigueur depuis 2003.
Cela n'exclut pas de suggérer, le cas échéant, des ajustements quant au champ et à l'intensité des mesures : nous ne contestons pas la légitimité d'une telle démarche. J'ai d'ailleurs moi-même proposé d'étendre la mission de cette commission à l'évaluation de l'impact de l'ensemble des dispositions spécifiques à l'outre-mer susceptibles de contribuer à son développement économique et social.
Quoi qu'il en soit, ce n'est pas la première fois que de telles études d'impact sont réalisées. Ainsi, de nombreux indicateurs ont déjà prouvé que l'effort contributif des populations ultramarines est d'autant plus important que nos outils de production sont modernes et efficaces.
Il a d'ores et déjà été démontré que le niveau de contribution aux recettes fiscales nationales des départements d'outre-mer croît de manière continue depuis plusieurs années grâce aux dispositifs de réduction ou d'exonération d'impôts de l'État sur place.
Personne parmi nous ne redoute les effets d'une telle évaluation du moment que ce travail global met en exergue le coût net de ces dispositions relativement à un ensemble d'effets induits, et du moment que les parlementaires de l'outre-mer sont associés à ces travaux.
Cependant, je tiens à souligner, mes chers collègues, que cet exercice ne saurait se limiter à une vision strictement budgétaire et nous faire oublier tous les atouts qu'offrent, en retour, les départements et les collectivités d'outre-mer à la nation.
Comme vous le savez, il n'existe pas un outre-mer uniforme, mais des départements et des collectivités qui sont tous situés à des carrefours stratégiques majeurs - dans les Caraïbes, dans l'océan Indien ou dans le Pacifique - et qui, par leur seule position géographique, donnent à la France une assise pour la mise en oeuvre de sa politique étrangère et de défense.
Je rappelle également qu'avec 2,5 millions de nos compatriotes vivant dans nos collectivités d'outre-mer, ce qui correspond à seulement 4 % de la population française estimée en 2004, la présence de la France et de l'Europe est assurée sur les trois océans.
La Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, les îles Wallis et Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte et les Terres australes et antarctiques représentent 91,2 % de la zone économique exclusive nationale, soit un potentiel extraordinaire en termes de ressources marines.
Des préoccupations budgétaires, au demeurant légitimes, ne sauraient nous conduire à minimiser l'extraordinaire rayonnement géographique, politique, économique et culturel de la France dans le monde grâce à ses collectivités d'outre-mer.
En raison de l'importance de leur jeunesse, les populations ultramarines se caractérisent toutes par un formidable dynamisme. Et j'insiste une fois de plus sur la richesse que représente la composition pluriethnique de nos sociétés, qui n'ont cessé d'évoluer par l'effet du métissage culturel.
Chacun d'entre nous peut aujourd'hui mesurer, dans le contexte de l'évolution de la société française, l'importance de la réussite de ce phénomène quand on le rapporte à l'ensemble de la nation.
Les économies ultramarines souffrent certes de nombreux handicaps, comme leur éloignement géographique de la métropole, l'étroitesse de leur marché qui compromet la rentabilité de l'activité économique, ou la concurrence d'autres économies situées à proximité, beaucoup plus compétitives.
Ce phénomène de concurrence est particulièrement pénalisant pour les productions agricoles des départements d'outre-mer, telles que le sucre et la banane, dont dépendent notamment la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion.
Mais les populations d'outre-mer ont toujours eu la fierté et la détermination de relever le défi de leur développement économique, par l'utilisation de leurs ressources naturelles et par l'expérimentation de nouvelles filières.
Je pense notamment à la perliculture en Polynésie française ou à l'élevage de crevettes en Nouvelle-Calédonie, qui doivent leur essor à la détermination de petits promoteurs qui sont souvent partis de rien.
A titre d'exemple, la production de crevettes en Nouvelle-Calédonie était en augmentation de 30 % en 2004 par rapport à l'année 2003 et dépasse désormais les 2 200 tonnes.
D'importants efforts sont également réalisés dans l'ensemble de nos collectivités pour développer le tourisme, en termes tant d'investissements dans les infrastructures d'accueil que de promotion.
A cet égard, il faut souligner la place remarquable qu'occupe dans ce secteur d'activités la Polynésie française. Sa fréquentation la place à un très bon rang dans le Pacifique Sud, dans un environnement, rappelons-le, extrêmement concurrentiel.
Outre son importance, dans nos micromarchés, en termes de créations de revenus et d'emplois, vous savez combien l'activité touristique est un outil puissant au service de la promotion de la culture et du savoir-faire français dans le monde.
De toute évidence, mes chers collègues - et nous ne cesserons de vouloir vous en convaincre -, l'effort de la France à destination de ses plus lointains territoires est loin d'être vain. Les collectivités d'outre-mer dans leur ensemble ont toujours démontré leur réelle contribution à ce qui fait toute la richesse et toute la grandeur de la France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)