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Souhaits de bienvenue à un parlementaire du japon
M. le président. Mes chers collègues, je salue la présence dans les tribunes de M. Masuzeo, président de la commission des affaires étrangères et de la défense du sénat du Japon. Qu'il soit le bienvenu ! (M. le ministre délégué, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
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Financement de la sécurité sociale pour 2006
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.
Articles additionnels après l'article 48 (suite)
M. le président. L'amendement n° 127, présenté par M. Domeizel, est ainsi libellé :
Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite est complété par les mots : « Pour ces enfants aucune condition d'interruption d'activité n'est exigée ; ».
L'amendement n° 129, présenté par M. Domeizel, est ainsi libellé :
Le 3° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les enfants adoptés antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 76-617 du 9 juillet 1976, aucune condition d'interruption d'activité n'est exigée ».
La parole est à M. Domeizel, pour défendre ces deux amendements.
M. Claude Domeizel. Le décret du 10 mai 2005 prévoit que, pour bénéficier d'un départ anticipé à la retraite, les parents de trois enfants qui justifient de quinze années de service doivent avoir interrompu leur activité pendant une durée de deux mois dans le cadre d'un congé de maternité. Or les femmes qui ont élevé l'enfant de leur conjoint ne peuvent avoir cessé leur activité.
Par ailleurs, le congé d'adoption a été créé par la loi du 9 juillet 1976. Tous les fonctionnaires qui ont adopté un enfant avant cette date ne peuvent donc, par définition, satisfaire aux conditions posées par le décret du 10 mai 2005.
Je vous demande de compléter l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires au bénéfice de ces deux catégories de fonctionnaires, ce qui irait dans le sens du progrès.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Je salue l'obstination de notre collègue Domeizel ! Toutefois, en tant que rapporteur de la commission des affaires sociales, je ne puis qu'émettre un avis défavorable.
M. Domeizel revient en effet sur un débat que nous avons mené, lors de l'examen du dernier collectif budgétaire, sur l'extension jurisprudentielle aux fonctionnaires pères de trois enfants du bénéfice de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires.
L'avis de la commission est également défavorable sur l'amendement n° 129, puisqu'il est similaire mais porte sur le cas particulier des enfants adoptés avant 1976.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Même avis.
M. le président. L'amendement n° 130, présenté par M. Domeizel, est ainsi libellé :
Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l'article 136 de la loi de finances rectificative pour 2004 (n° 2004-1485 du 30 décembre 2004) est ainsi rédigé :
« II - Les dispositions du I ne sont pas applicables aux fonctionnaires qui ont présenté leur demande d'admission à la retraite avant le 12 mai 2005 ».
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Avant le 30 décembre 2004, la législation prévoyait que seules les femmes ayant élevé trois enfants et accompli plus de quinze ans de service pouvaient prétendre à un départ anticipé en retraite. Mais les pères de famille ont pu obtenir ce droit grâce à une jurisprudence communautaire leur permettant de bénéficier des mêmes avantages que les femmes, au nom de l'égalité des sexes.
Sur la généreuse proposition de notre collègue Leclerc, la loi de finances rectificative du 30 décembre 2004, publiée le 31 du même mois, a décidé que cette disposition s'appliquerait désormais aux deux parents, donc également aux hommes, mais à la condition que la personne intéressée ait pris, pour élever ses enfants, un congé dont la durée devait être précisée par un décret. Or celui-ci n'ayant été publié que le 11 mai 2005, la période comprise entre le 30 décembre 2004 et le 12 mai 2005 a été mouvementée, et plusieurs cas de figure se sont présentés.
Dès le 4 janvier 2005, certains tribunaux administratifs ont abandonné la jurisprudence antérieure à la nouvelle loi, qui prévalait désormais D'autres n'ont pas tenu compte de l'avis du Conseil d'État, qui s'était prononcé sur la question. D'autres encore ont ignoré la circulaire envoyée par le ministère de la fonction publique.
Pire, dans certaines administrations déconcentrées, telles que les rectorats, la réponse apportée aux personnes qui demandaient à bénéficier du départ anticipé fut d'attendre la publication du décret. Cette attitude, un peu idiote d'ailleurs, eut surtout pour conséquence de priver les intéressés de leur droit au recours devant un tribunal administratif, donc, indirectement, de les empêcher de bénéficier d'une retraite anticipée.
C'est pourquoi l'amendement que je présente vise à accorder ce droit aux personnes qui ont, avant le 12 mai 2005, manifesté auprès de leur administration le souhait de partir à la retraite, et ce qu'elles aient ou non introduit un recours devant le tribunal administratif. Ainsi pourrons-nous sortir honorablement du flou qui a suivi la modification de la législation et suscité nombre d'injustices : ceux qui avaient eu la chance d'obtenir un jugement favorable du tribunal administratif ont été traités différemment de ceux dont le jugement avait été défavorable, mais aussi de ceux pour lesquels l'administration s'était trompée, leur causant ainsi un préjudice. (M. Guy Fischer applaudit.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Vous l'avez compris, entre la publication de la loi et celle du décret d'application s'est ouverte une phase d'incertitude pour certains cas individuels. La commission, après l'exposé de cette situation, demande son avis au Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. L'avis du Gouvernement est défavorable. (M. Claude Domeizel proteste.)
La réforme des retraites en 2003 a permis d'appliquer des règles communes aux hommes et aux femmes, conformément au droit communautaire, et le Gouvernement ne souhaite pas que soient remises en cause les dispositions adoptées à l'issue de ce débat.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Je comprends bien, monsieur le ministre, qu'il se fait tard et que vous avez envie de bâcler cette discussion.
Mais, tout de même, il s'agit de la situation individuelle de cinquante ou de cent fonctionnaires, qui remplissaient toutes les conditions pour partir à la retraite ! Je trouve inadmissible que problème soit traité avec tant de légèreté, qu'une réponse aussi laconique soit apportée, alors que l'État lui-même porte sa part de responsabilité !
M. Guy Fischer. Cela révèle le mépris du Gouvernement !
M. Claude Domeizel. Je n'accuse pas les tribunaux administratifs, fondés, bien sûr, à traiter l'affaire comme ils l'entendaient. Mais nos administrations sont en partie responsables, qui ont donné des réponses erronées aux intéressés.
Cette situation est inadmissible ! Il serait tout à fait normal de faire droit à ceux qui ont demandé leur mise à la retraite avant l'entré en vigueur du décret ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 128, présenté par M. Domeizel, est ainsi libellé :
Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier et au deuxième alinéa de l'article L. 88 du code des pensions civiles et militaires de retraite, la référence : « L. 84 » est remplacée par la référence : « L. 86-1 ».
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. L'amendement est défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous avons discuté en commission de l'élargissement éventuel des possibilités de cumul entre emploi et retraite. Sur le fond, nous y étions plutôt favorables, mais il s'agit d'une question complexe, qui implique d'aller bien au-delà des règles en vigueur. Nous avons eu la velléité d'harmoniser les règles applicables à nos concitoyens, avant de retirer nos amendements.
Pour toucher au code des pensions civiles et militaires, avant le code de la sécurité sociale, il est nécessaire, au préalable, selon nous, d'entamer des négociations avec les partenaires sociaux.
Je demande donc son avis au Gouvernement sur une telle extension du dispositif en vigueur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Défavorable.
La mise en cohérence des références de textes que vous proposez sera discutée, mais dans le cadre de l'examen par le Parlement du plan pour l'emploi des seniors, que prépare actuellement l'ensemble de l'équipe gouvernementale.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Chers collègues, je vous rassure : avec cet amendement, il s'agit tout simplement d'une question de rédaction. Il n'y a là aucune difficulté, aucun enjeu de fond !
En tant que praticien de ce sujet, je trouve lamentable, monsieur le ministre, que vous répondiez ainsi. Sans cet amendement, qui ne changerait rien au fond du droit, nous serons confrontés à des situations inextricables, car vous aurez refusé de rétablir dans sa rédaction initiale certaines parties de l'article !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 128.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Section 3
Dispositions relatives aux dépenses d'assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles
Articles additionnels avant l'article 49
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 102, présenté par M. Godefroy, Mme Campion, M. Cazeau, Mme Demontès, M. Domeizel, Mmes Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 49, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. L'article L. 322-4 du code de la sécurité sociale est complété par les dispositions suivantes :
« et pour les bénéficiaires du livre IV du présent code. La participation de l'assuré mentionnée au II de l'article L. 322-2 n'est pas exigée lorsque les actes ou consultations, y compris les actes de biologie, sont en lien avec la compensation d'un handicap ».
II. En conséquence, le dernier alinéa de l'article L. 432-1 du même code est supprimé.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Gérard Dériot, rapporteur. Cela a déjà été défendu ! On pourrait gagner du temps !
M. Claude Domeizel. La franchise de 1 euro par acte médical est une mesure à la fois injuste et inefficace, qui pénalise les malades les plus défavorisés.
Les victimes du travail bénéficient d'un droit à réparation et d'une prise en charge relevant, non pas de l'assurance maladie, mais de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, la branche AT-MP, qui est financée par les entreprises. Par ailleurs, la législation spécifique dont ces victimes relèvent prévoit qu'elles doivent bénéficier de la gratuité des soins.
Les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles sont déjà pénalisées par le caractère forfaitaire de la réparation qui leur est servie, ce qui les contraint à financer une partie des soins nécessités par leur état.
La franchise de 1 euro par acte médical revient à mettre à contribution les victimes du travail, pour des soins nécessités par la réalisation de risques professionnels imputables aux entreprises. Au surplus, cette disposition ne dégage aucune économie pour l'assurance maladie, mais bénéficie aux seuls employeurs qui financent cette branche. Il s'agit d'une pénalisation supplémentaire des victimes du travail, qui sont déjà les seules à ne pas être intégralement indemnisées de leur préjudice.
M. le président. L'amendement n° 192, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 49, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 322-4 du code de la sécurité sociale est complété in fine par les mots : « et pour les bénéficiaires du livre IV du présent code ».
II. - En conséquence, le dernier alinéa de l'article L. 432-1 du même code est supprimé.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Une fois encore, nous attirons solennellement l'attention du Gouvernement sur l'application du forfait de 1 euro aux actes liés à un accident du travail ou à une maladie professionnelle.
La décision de mettre en place une franchise par acte médical, prise à l'occasion de la réforme de l'assurance maladie engagée par M. Douste-Blazy, a été particulièrement contestée. Le débat actuel l'a montré, la création d'un forfait de 18 euros pour les actes supérieurs à 91 euros l'est tout autant.
Hier, il s'agissait soi-disant de responsabiliser les patients, afin qu'ils adoptent des comportements vertueux. Aujourd'hui, le message est brouillé : vous ne parvenez pas à justifier une énième mesure de déremboursement, destinée à contenir le déficit de l'assurance maladie, car c'est bien d'une nouvelle restriction financière qu'il s'agit, au mépris de l'égal accès de tous aux soins.
Demain, que nous vendrez-vous, sous couvert d'égalité de traitement entre les assurés sociaux et de cohérence du système ? La fin des exonérations de ticket modérateur et celle de la prise en charge intégrale des personnes atteintes d'ALD, les affections de longue durée, comme vous y invite un avis récent du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ?
Nous avons défendu voilà quelques heures la suppression du projet de franchise de 18 euros. Je ne développerai donc pas notre position. Je reprendrai juste les termes utilisés par M. Davant, président de la Mutualité française, pour qui une telle franchise « écorne » considérablement « la solidarité nationale ».
Je ne m'étendrai pas non plus sur les raisons plaidant en faveur de la suppression de la franchise de 1 euro touchant tous les assurés sociaux, mesure particulièrement injuste, qui pénalise, comme vous le savez, les personnes les plus malades et les plus défavorisées.
En revanche, j'insiste pour que vous acceptiez d'exonérer de cette franchise les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, lesquelles relèvent d'une législation spécifique, bénéficient d'une réparation forfaitaire de leur préjudice, d'une prise en charge ne relevant pas de l'assurance maladie et, notamment, de la gratuité des soins.
Je vous demande d'entendre les arguments de la FNATH, la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés, qui déplore cette pénalisation supplémentaire des victimes du travail, lesquelles sont mises à contribution pour des soins nécessités par la réalisation de risques professionnels imputables à leurs entreprises. De surcroît, cette pénalisation ne dégage aucune économie substantielle pour l'assurance maladie et bénéficie surtout aux entreprises qui, elles, financent la branche AT-MP.
Ici, la logique de responsabilisation des patients ne tient plus, dans la mesure où, cela ne vous aura pas échappé, les actes ne sont pas réalisés sur l'initiative du salarié. Ce dernier paie physiquement, voire socialement, lorsque le reclassement est impossible, les négligences de son employeur, qui est responsable de la gestion des risques.
Le salarié est déjà l'objet de nombreuses pressions pour ne pas déclarer son accident du travail. Il doit surmonter les obstacles de la reconnaissance de sa maladie professionnelle. Pourquoi en rajouter et lui faire supporter financièrement, au moins en partie, la charge de la réparation de son accident ou de sa maladie professionnelle ?
Les dispositions prévues pour limiter, au tarif de responsabilité, la prise en charge en matière de prestations en nature, ont pour conséquences, en matière d'appareillages, par exemple, de reporter le coût de ces derniers sur les victimes d'AT-MP. De même, le forfait de 1 euro est contraire au principe posé à l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, à savoir celui de la gratuité totale des frais entraînés par un accident du travail ou une maladie professionnelle. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les accidents du travail. L'année dernière, la commission avait émis un avis défavorable sur des amendements portant sur le même sujet. Nos collègues n'ayant apporté aucun élément nouveau, la commission a émis également un avis défavorable sur les amendements nos 102 et 192.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
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Modification de l'ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour adressée à M. le président du Sénat, M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement, a demandé que le Sénat poursuive, aujourd'hui, dans la soirée, la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.
Je consulte le Sénat sur cette demande.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
6
Financement de la sécurité sociale pour 2006
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.
Je rappelle qu'il reste cinquante-trois amendements à examiner.
Articles additionnels avant l'article 49 (suite)
M. le président. L'amendement n° 104, présenté par M. Godefroy, Mme Campion, M. Cazeau, Mme Demontès, M. Domeizel, Mmes Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 49, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le régime transitoire prévu par le III de l'article 53 de la loi n° 2001-1246 de financement de la sécurité sociale pour 2002 du 21 décembre 2001 a pris fin à la date de publication du décret n° 2002-1555 du 24 décembre 2002. Les dispositions prévues par de ce décret s'appliquent, au plus tard le premier juillet 2006 à tous les accidents du travail et maladies professionnelles quelle que soit la date de leur survenance.
Aucune action en récupération d'indu se fondant sur une difficulté d'interprétation du III de l'article 53 précité ne sera admise, ni aucune procédure en rectification des éléments de calcul servant à déterminer le montant des rentes.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Avec cet amendement, nous revenons sur une question qui avait été soulevée lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005. Le représentant du Gouvernement nous avait alors répondu qu'il était conscient du problème soulevé et que la direction de la sécurité sociale allait solliciter le Conseil d'État, afin d'obtenir un avis permettant d'éviter toute inégalité de traitement entre nos concitoyens, et de prendre ensuite les dispositions d'application. Cela signifie bien que de telles inégalités se produisent souvent.
Je rappelle en quelques mots ce dont il s'agit.
Le paragraphe III de l'article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 avait prévu, jusqu'à l'intervention d'un décret en Conseil d'État, un régime transitoire pour les accidents survenus à compter du 1er septembre 2001. Ce régime fixait, dans l'attente donc d'un texte réglementaire, de nouveaux taux applicables aux éléments de calcul des rentes servies aux ayants droit. Le décret en Conseil d'État daté du 24 décembre 2002 et publié au Journal officiel du 29 décembre 2002 a repris des taux identiques.
Malgré l'interprétation de la Caisse nationale d'assurance maladie, qui a estimé que les nouveaux taux devaient s'appliquer quelle que soit la date de l'accident, un certain nombre de caisses primaires d'assurance maladie ont opté pour des applications différentes. Cela aboutit à des inégalités de traitement entre des personnes placées dans des situations pourtant strictement identiques.
Désormais, trois catégories d'ayants droit coexistent : ceux pour lesquels le fait générateur est intervenu à compter du 1er septembre 2001, dont la rente est liquidée sur la base des nouveaux taux ; ceux pour lesquels le fait générateur est intervenu avant le 1er septembre 2001, mais dont le taux de rente a été majoré ; enfin, ceux pour lesquels le fait générateur est intervenu avant le 1er septembre 2001, dont le taux de rente n'a pas été majoré.
Ces interprétations locales divergentes ôtent aux ayants droit des victimes toute lisibilité du dispositif et les placent dans une situation d'insécurité, les rentes perçues sur la base des nouveaux taux étant toujours susceptibles de faire l'objet d'une récupération.
Nous souhaitons donc savoir, monsieur le ministre, si la situation a évolué dans le sens de la clarté et, surtout, si elle est devenue plus favorable aux personnes concernées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour les accidents du travail. Les rentes d'ayants droit de victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles ont effectivement fait l'objet d'une revalorisation, en application du décret en Conseil d'État du 24 décembre 2002.
Alors que l'intention des auteurs de ce décret était de réserver cette mesure aux futures rentes d'ayants droit, la CNAM a considéré dans une circulaire qu'elle devait s'appliquer aux rentes déjà versées, et certaines caisses primaires l'ont suivie.
Nous savons que le Gouvernement a entrepris de consulter le Conseil d'État, pour avoir son avis sur la bonne interprétation du texte. Monsieur le ministre, vous allez sans doute nous en dire un petit plus à ce sujet.
En tout état de cause, nous savons déjà que, si cet amendement était adopté, la mesure proposée aurait un coût élevé, puisqu'il est évalué à 115 millions d'euros.
C'est pourquoi la commission a d'ores et déjà émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. En effet, nous sommes en attente de l'avis du Conseil d'État, qui devrait être rendu très prochainement. Au vu de cette consultation et de façon concertée, les dispositions qui s'imposeront seront, bien sûr, retenues.
M. le président. L'amendement n° 194, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 49, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deux derniers alinéas du II de l'article 47 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005 sont supprimés.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Confronté à l'aggravation du déficit du FCAATA, le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, qui s'élevait tout de même à 122 millions d'euros en 2004, contre 13 millions d'euros en 2003, le Gouvernement a créé, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, une nouvelle contribution à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante.
Favorables à une plus grande individualisation du financement de la réparation par les employeurs, nous avons validé le principe même de cette contribution, liant la responsabilité de l'employeur dans l'exposition au risque à sa participation au financement. Je rappelle que cette contribution est versée par les entreprises dont les salariés bénéficient de l'ACAATA, l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.
Toutefois, sceptiques sur le rendement réel de cette contribution et sur sa capacité à ramener quasiment à elle seule le résultat du fonds à l'équilibre, nous avons à l'époque refusé les garde-fous posés, afin d'éviter que les entreprises ne soient trop sollicitées.
Aujourd'hui, les recettes tirées de cette contribution restent difficiles à évaluer pour 2005 : M. Dériot les estime à 135 millions d'euros dans son rapport, tandis que les prévisions de la sécurité sociale s'élèvent à 116 millions d'euros. Malgré tout, il est admis que cela ne sera pas suffisant pour permettre le retour à l'équilibre.
Le FCAATA sera encore en déficit cette année. Nous savons tous que, à court terme, les dépenses ne seront pas amenées à diminuer substantiellement, en raison de l'évolution croissante du nombre de salariés malades pouvant prétendre bénéficier du dispositif.
À cet égard, l'attitude du Gouvernement, qui se dispense de toute réaction, est préoccupante. Ce faisant, il conforte et « accompagne » le déficit de la branche AT-MP, le regarde se creuser, et laisse ainsi le champ libre aux demandes anciennes du MEDEF d'un resserrement draconien des conditions d'accès à l'ACAATA, solution préconisée récemment par la Cour des comptes.
En matière de financement du FIVA, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, et du FCAATA, l'État n'a tiré aucune conséquence de la reconnaissance de sa responsabilité par le Conseil d'État. Sa contribution, via l'affectation d'une fraction du produit des droits de consommation sur les tabacs, fixée à 23 % en 2000, a été ramenée à 7 % en 2003, alors que, depuis 1999, la contribution au fonds de la branche AT-MP a été multipliée par cinq.
La détermination d'une clé de répartition stable dans le temps, imposant à l'État de contribuer à hauteur de 30 % des dépenses de ces deux fonds, proposition défendue par nos collègues de l'UDF, est certes positive. Mais elle ne permet pas de couvrir sur le long terme les besoins de financement.
Vous raisonnez en évitant d'augmenter l'enveloppe globale allouée aux deux fonds. S'agissant de la réparation des victimes de l'amiante, vous nous dites être confrontés à un problème de coût, mais, dans le même temps, vous prétendez qu'il est impossible d'alourdir les charges pesant sur les entreprises, sauf à risquer d'accélérer les délocalisations.
Nous pensons qu'il faut exiger des responsables des dommages subis par les salariés une participation à hauteur des dégâts sanitaires, humains et sociaux causés, et nous interdire, pour des raisons budgétaires, toute hypothèque sur le régime de réparation.
C'est pourquoi notre amendement vise à déplafonner la contribution à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante. Cette dernière devrait être exigée, même si son montant annuel est inférieur à 2 millions d'euros, et ne devrait plus être limitée à 2,5 % de la masse salariale annuelle. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard Dériot, rapporteur. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 a mis à la charge des entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante une contribution pour financer le FCAATA. Comme cela a été rappelé, cette contribution est plafonnée et n'est bien sûr pas due quand l'entreprise est en liquidation ou en redressement judiciaire.
L'amendement n° 194 tend à faire disparaître le plafonnement et à supprimer le cas d'exonération susvisé. Tondre un oeuf me paraît difficile. Le tondre une seconde fois est impossible.
Cet amendement n'aurait pour effet que de mettre en danger un grand nombre d'entreprises se trouvant déjà dans une situation financière fragile.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. L'an dernier, lorsque, le Gouvernement et le Parlement ont introduit cette contribution, ils n'avaient pas pour objectif de faire rendre gorge à des entreprises qui peuvent déjà être en difficulté.
M. Roland Muzeau. Personne n'a prononcé ce terme !
M. Philippe Bas, ministre délégué. La logique qui nous a animés était non pas punitive mais contributive. Il est absolument indispensable de maintenir ce plafonnement, faute de quoi on va placer un certain nombre d'entreprises dans une situation difficile et, par voie de conséquence, engendrer des difficultés en matière d'emploi.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, il serait bon que vous évitiez de tenir ce type de propos. Nous n'avons jamais proposé de faire rendre gorge aux entreprises. En revanche, je vous rappelle que ce drame sanitaire va entraîner la mort de 100 000 travailleurs. C'est à eux que l'on a fait rendre gorge ! N'inversons pas les rôles.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 103, présenté par M. Godefroy, Mme Campion, M. Cazeau, Mme Demontès, M. Domeizel, Mmes Le Texier, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 49, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les allocataires qui, avant de travailler dans des établissements mentionnés au I de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 et dans les conditions prévues par ces dispositions, ont été employés dans un des établissements ou parties d'établissements de construction et de réparation navales du ministère de la défense peuvent également bénéficier, pour la détermination de l'âge d'accès au droit à l'allocation spécifique, de la prise en compte du tiers de la durée totale d'exercice de leur activité dans ces établissements.
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Cet amendement tend à remédier à une inégalité dans l'attribution de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, liée à l'application de deux décrets qui mettent en place deux régimes distincts : d'une part, le décret du 29 mars 1999, qui est de portée générale, et, d'autre part, le décret du 21 décembre 2001, qui est relatif à certains ouvriers de l'État relevant du ministère de la défense.
En effet, l'article 3 du décret relatif aux ouvriers de l'État prévoit, pour ceux-ci, la possibilité de prendre en compte, dans une certaine limite, des périodes effectuées avant leur activité au titre d'ouvrier de l'État sous le régime général
En revanche, la possibilité inverse n'est pas prévue par le décret du 29 mars 1999. Il n'est donc pas possible de prendre en compte les périodes effectuées en tant qu'ouvrier de l'État pour un salarié inscrit ensuite dans le régime général.
Cet amendement vise donc à insérer dans la législation une disposition permettant aux personnes ayant travaillé dans une entreprise ressortissant du régime général de faire valoir les périodes pendant lesquelles elles ont travaillé dans un établissement ou une partie d'établissement de construction ou de réparation navale du ministère de la défense
M. le président. L'amendement n° 198 rectifié, présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 49, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les salariés qui, avant de travailler dans des établissements mentionnés au I de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 et dans les conditions prévues par ces dispositions, ont été employés dans un des établissements ou parties d'établissements de construction et de réparation navales du ministère de la défense, peuvent également bénéficier, pour la détermination de l'âge d'accès au droit à l'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité, de la prise en compte du tiers de la durée totale d'exercice de leur activité dans ces établissements.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. La FNATH a attiré notre attention sur un point particulièrement inégalitaire lié à l'application de deux décrets mettant en place deux régimes distincts de cessation anticipée d'activité pour les travailleurs de l'amiante.
J'ai été saisi de plusieurs dossiers de salariés ayant déposé une demande d'allocation de cessation anticipée d'activité, refusée par les caisses régionales d'assurance maladie qui ne veulent pas prendre en compte les périodes d'exposition hors régime général effectuées en tant qu'anciens ouvriers de l'État en fonction à la DCN.
Avant de détailler cet amendement, je tiens à vous indiquer que Mme Alliot-Marie, ministre de la défense, sensibilisée à cette question, a officiellement saisi, au mois d'avril dernier, le ministre des solidarités, de la santé et de la famille, d'une demande de prise en compte des années travaillées dans les établissements prévus par le décret du 21 décembre 2001 pour le calcul des droits à l'ACAATA au titre du régime général.
Tout le monde reconnaît, là encore, l'iniquité du traitement réservé aux travailleurs ayant cotisé à plusieurs régimes.
Un salarié m'ayant adressé son dossier parle de « discrimination », de « démarches administratives très éprouvantes pour la reconnaissance d'un droit qui se soldent par un échec incompréhensible surtout dans la logique actuelle de mobilité du travail ». Il est plus que temps que la situation soit débloquée, que puissent être harmonisées les règles relatives à la cessation anticipée d'activité afin que les demandeurs reconstituant leur carrière cumulent les différentes périodes ouvrant des droits à cette allocation.
Pour se faire, monsieur le ministre, il vous suffit d'accepter la réciprocité des dispositions existant à l'article 3 du décret du 21 décembre 2001 relatif à l'attribution de l'ACAATA à certains ouvriers de l'État relevant du ministère de la défense, lequel prévoit la possibilité pour ces derniers de tenir compte, dans une certaine limite, des périodes effectuées avant leur activité d'ouvrier d'État dans les établissements classés au titre du régime général.
Le ministère de la défense accepte la prise en compte d'une carrière privée avant l'entrée à la DCN. Le ministère de tutelle de la CNAM doit décider, inversement, de prendre en considération les carrières étatiques des salariés du privé demandant le bénéfice de l'ACAATA.
Tel est le sens de l'amendement que je vous propose d'adopter.