compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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Financement de la sécurité sociale pour 2006
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 63, 73, 71).
Nous en sommes parvenus à l'article 37.
Article 37
Le troisième alinéa de l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette disposition n'est toutefois pas applicable lorsqu'en vertu du 1° de l'article L. 322-3 la participation de l'assuré à l'occasion d'une hospitalisation est limitée au motif que la dépense demeurant à sa charge dépasse un certain montant. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 95 est présenté par MM. Delfau, A. Boyer, Fortassin et Mouly.
L'amendement n° 113 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF.
L'amendement n° 148 est présenté par M. Cazeau, Mmes Demontès, Le Texier et Campion, MM. Domeizel et Godefroy, Mme Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 186 est présenté par MM. Fischer, Muzeau et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Delfau, pour présenter l'amendement n° 95.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus à l'examen de l'article 37, dont la philosophie est totalement contraire à la notion de sécurité sociale et de solidarité nationale.
Il s'agit d'instaurer une participation de 18 euros à la charge des assurés recevant, en ville ou à l'occasion d'une hospitalisation, des soins médicaux correspondant à des actes d'un coût égal ou supérieur à 91 euros.
L'application de cette mesure devrait, selon le Gouvernement, permettre une économie de 100 millions d'euros pour le régime général d'assurance maladie.
Jusqu'à présent, l'assurance maladie prenait en charge à 100 % les actes médicaux à partir d'un certain tarif, naguère baptisé K50. Pour les actes courants, un ticket modérateur - 30 % - était à la charge du patient pour le dissuader de recourir à un médecin sans raison suffisante.
S'agissant des actes chirurgicaux, des interventions lourdes et coûteuses, la prise en charge était donc totale.
Désormais, 18 euros seront payés par le patient, même si restent exonérés de cette taxation les patients souffrant d'une affection de longue durée, les femmes enceintes, les nouveau-nés hospitalisés, les personnes titulaires d'une rente pour accidents du travail ou d'une pension d'invalidité et les bénéficiaires de la CMU.
Selon le Gouvernement, cette mesure doit permettre d'« éviter les effets de seuil ». Lesquels, monsieur le ministre ? Je serais curieux de savoir ce que vous entendez par là. Elle doit aussi permettre « de rendre plus équitable les règles de participation de l'assuré. »
Voilà une curieuse conception de l'équité !
Ce dispositif constitue, en fait, une réelle menace quant à l'accès aux soins des plus démunis et risque d'accentuer encore la dérive, déjà engagée, vers une protection sociale à deux vitesses en remettant ainsi en cause le principe originel d'universalité. C'est un désengagement grave de la solidarité nationale.
Cette mesure fait peser une fois de plus sur les assurés les conséquences du déficit de la sécurité sociale. Ceux qui bénéficient d'une mutuelle verront leurs cotisations inexorablement augmenter et ceux qui n'ont pas de mutuelle devront s'acquitter des 18 euros, sauf s'ils font partie de la liste des catégories sociales exemptées.
Au cours des débats à l'Assemblée nationale, M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a expliqué la philosophie du Gouvernement en déclarant : « Après les efforts demandés aux Français en 2004 concernant le choix du médecin traitant, le recours aux médicaments génériques, nous avons décidé de solliciter deux acteurs, l'industrie du médicament et les organismes complémentaires. »
Certes, monsieur le ministre, mais ces deux acteurs seront sollicités de façon très inégale : les organismes complémentaires le seront beaucoup et l'industrie du médicament fort peu.
M. le ministre poursuivait ainsi : « Quant aux organismes complémentaires, nous avons réalisé une étude très fine de l'impact combiné de la réforme de l'assurance maladie et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, afin de nous assurer que le bilan entre les économies qu'ils réaliseraient et les dépenses supplémentaires que nous leur demanderions serait neutre, c'est-à-dire qu'ils n'auraient pas besoin d'augmenter les cotisations. J'assume complètement ce choix devant la représentation nationale. »
Or, le président de la Mutualité française, M. Jean-Pierre Davant, a affirmé exactement le contraire, en disant que cette mesure allait immanquablement se traduire pour les assurés par des hausses de cotisations aux complémentaires de santé.
En outre, une certaine catégorie de la population, la classe populaire, qui ne bénéficiera pas de l'exonération et qui n'a pas les moyens de cotiser à une assurance complémentaire ou dont ce n'est pas la culture, se verra si lourdement pénalisée qu'elle ne demandera pas certains actes chirurgicaux lourds et sera laissée au bord de la route.
C'est une décision grave que vous voulez nous faire prendre, monsieur le ministre. C'est pourquoi, au nom du groupe des radicaux de gauche, je demande la suppression de cet article. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur celles du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Adrien Giraud, pour présenter l'amendement n° 113.
M. Adrien Giraud. Nous en arrivons au fameux article 37 traitant de la participation de 18 euros pour tous les actes médicaux d'un montant égal ou supérieur à 91 euros.
Jusqu'ici, seuls les actes médicaux d'un montant inférieur à 91 euros faisaient l'objet d'une participation acquittée par l'assuré. Pour tout acte coûtant plus, l'assuré était dispensé de toute participation. Cependant, le Gouvernement a annoncé sa volonté d'asseoir, par voie réglementaire, un forfait de 18 euros sur tous les actes médicaux d'un montant égal ou supérieur à 91 euros.
L'examen de cet article 37 nous donne l'occasion d'affirmer notre ferme opposition à une telle mesure. C'est pourquoi, par le présent amendement, nous en demandons la suppression.
Cet article vise à instaurer une mesure de coordination avec la disposition réglementaire qu'envisage de prendre le Gouvernement. Il ne s'agit que de mettre en cohérence la législation relative au forfait journalier acquitté par les patients hospitalisés avec les mesures réglementaires en préparation et de faire en sorte que les assurés hospitalisés s'acquittent dorénavant non seulement du forfait journalier mais aussi de la participation de 18 euros par acte médical.
Nous sommes opposés à l'établissement d'un tel forfait sur les actes médicaux d'un montant supérieur à 91 euros parce que cette mesure est trompeuse.
Elle ne se justifie que pour des raisons petitement comptables. Le nouveau forfait ne devrait, en effet, rapporter que 100 millions d'euros à l'ensemble des régimes de base.
Il ne peut s'agir d'une mesure de responsabilisation de l'assuré. En effet, on ne choisit pas de subir une lourde opération. Les actes sur lesquels devrait porter le forfait de 18 euros ne sont, la plupart du temps, pas optionnels pour les malades.
Cette mesure est trompeuse parce que le Gouvernement prétend en faire supporter la charge par les organismes complémentaires. Le président de la Mutualité française rappelait encore, la semaine dernière, qu'elle contraindrait les organismes complémentaires à augmenter leurs cotisations. Ce sera in fine à l'assuré de payer.
Que se passera-t-il pour les assurés incapables de s'offrir une assurance complémentaire, dont le coût deviendra pour eux prohibitif ? Ces assurés-là, trop riches pour bénéficier de la couverture maladie universelle complémentaire et trop pauvres pour s'offrir une complémentaire normale, devront se contenter de leur régime de base.
C'est donc une assurance maladie à deux vitesses qui se profile derrière l'innocent article 37, un système à l'américaine.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Adrien Giraud. Si vous voulez faire payer les assurés, faites-le franchement, monsieur le ministre, et augmentez le montant des cotisations sociales ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur celles du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l'amendement n° 148.
M. Bernard Cazeau. Nous demandons, nous aussi, la suppression de l'article 37. En effet, l'instauration du forfait de 18 euros pour les soins lourds constitue, à n'en pas douter, la mesure la plus explosive de ce projet de loi.
Il est bien évident que l'on ne choisit pas de se faire opérer et que l'on est là bien loin d'une médecine dite de confort.
En mettant un terme à la gratuité de certains soins, le Gouvernement remet en cause un système mis en place en 1955. C'est à cette date que les pouvoirs publics ont décidé de supprimer la participation de l'assuré dès lors qu'il bénéficie d'un acte thérapeutique ou diagnostique dont le coefficient est supérieur ou égal au K50.
Cette exonération totale du ticket modérateur, aujourd'hui remise en cause dans ce projet de loi, est remplacée par une exonération forfaitaire partielle de 18 euros à la charge des patients ou de leur mutuelle, mais mes prédécesseurs ont dit ce qu'ils pensaient de l'appréciation portée par le président de la mutualité française, M. Davant, sur cette mesure.
Cette exonération partielle est d'autant plus inadmissible que cette somme sera prélevée non seulement sur des actes fréquemment pratiqués, comme une appendicectomie ou une ablation des amygdales, mais aussi pour des opérations à haut risque par exemple dans le domaine de la cardiologie ou de la cancérologie.
Malheureusement, ce n'est pas la première fois que le Gouvernement s'en prend à ce dispositif. En effet, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 avait déjà limité les cas d'exonération du ticket modérateur à l'hôpital, de telle sorte que, depuis le 1er janvier 2004, tous les assurés sociaux doivent payer le ticket modérateur pour l'ensemble des actes ou prestations effectués avant ou après le séjour hospitalier.
Il est désespérant de constater qu'un pas de plus est aujourd'hui franchi vers le recul de la solidarité nationale. En effet, si l'on y ajoute l'augmentation du forfait hospitalier et l'instauration du forfait de 1 euro par consultation, on observe que le transfert se fait de plus en plus à la charge des assurés sociaux et que le remboursement des soins est de moins en moins important.
La sécurité sociale vient de fêter ses soixante ans. Non seulement elle est ruinée - si c'était une société anonyme, elle serait en faillite - mais, plus grave encore, on lui a volé ses idéaux et sa raison d'être ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 186.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, avec cet article 37, vous portez le coup le plus bas aux assurés sociaux.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Merci de ce jeu de mots ! (Sourires.)
M. François Autain. Il y avait un jeu de mots ?
M. Guy Fischer. Vous avez bien compris, monsieur le ministre, que je l'avais fait intentionnellement ! (Nouveaux sourires.)
Il s'agit de la mesure la plus inégalitaire de ce projet de loi. De toute évidence, les principes d'universalité et de solidarité qui avaient présidé à la création du régime de sécurité sociale sont aujourd'hui contrebattus. Nous faisons un pas de plus vers le modèle américain et la privatisation rampante.
Le forfait de 18 euros que les assurés devront acquitter pour les interventions médicales lourdes n'est pas seulement critiqué ; il fait quasiment l'unanimité contre lui.
Je relaie à cet égard mes collègues, mais aussi l'ensemble des syndicats de salariés et des associations de patients et d'usagers - la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés, la FNATH, le Comité interministériel consultatif des services sociaux, le CISS, l'UFC-Que Choisir, l'association AIDES de lutte contre le sida -, plusieurs syndicats de médecins - MG France, la Coordination médicale hospitalière, la CMH, l'Union des chirurgiens de France, l'UCDF -, la Fédération hospitalière de France, la FHF, la Mutualité Française. Tous ont manifesté leur opposition à cette mesure. Même la Fédération française des sociétés d'assurances a émis de très vives réserves !
Or vous persistez et vous signez !
Parmi tous arguments développés par ces personnes, aussi nombreuses que diverses, trois principales critiques sont adressées au Gouvernement.
La première est une critique de forme. Le forfait à 18 euros résulte d'un arbitrage gouvernemental effectué sans concertation aucune, en catimini et annoncé à la télévision, à la stupéfaction générale, le lendemain de la conférence de presse de M. le ministre.
Ainsi le Gouvernement affiche-t-il, au-delà de cette décision, tout son mépris à l'égard de la nouvelle gouvernance, qu'il avait pourtant souhaité instaurer via la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.
La deuxième critique porte sur le fait que cette mesure constitue une nouvelle sanction financière infligée aux assurés. Une de plus, serait-on tenté de dire, tant la liste en est déjà longue : multiplication des franchises, sanctions en cas de non-présentation du dossier médical personnel - vous y viendrez, même si vous avez pris du retard sur cette mesure -, ou encore pénalités en cas de non-consultation de son médecin traitant.
Quoi qu'on en dise, l'effort est loin d'être équitablement partagé. Et encore ne connaissons-nous pas encore tous les coups bas ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bis repetita non placent !
M. Guy Fischer. ... qui seront portés au cours de l'année 2006 !
Ce sont les seuls assurés qui en paieront le prix, directement ou indirectement, selon qu'ils auront souscrit ou non une assurance complémentaire. En effet, le surcoût engendré par cette mesure pour les organismes complémentaires - dont le chiffrage a minima proposé par le Gouvernement, soit 100 millions d'euros, est jugé totalement irréaliste par l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire, l'UNOCAM - se répercutera sur les tarifs des cotisations.
M. François Autain. Eh oui !
M. Guy Fischer. La troisième et dernière critique est fondée sur le fait que cette disposition constitue une rupture radicale par rapport aux fondements de l'assurance maladie.
Certes, cette rupture n'est pas un coup de tonnerre dans un ciel sans nuages et le terrain avait été soigneusement préparé. Jean-François Mattei avait notamment établi, au début de janvier 2004, un ticket modérateur de 30 % sur tous les soins précédant ou faisant suite à des actes cotés en K50 ou plus.
Or un rapport du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie établit que cette mesure, qui touche en particulier les transports sanitaires, les actes infirmiers et de kinésithérapie, n'a permis de réaliser qu'un tiers des 600 millions d'euros d'économies escomptés en année pleine.
À la lumière de ce précédent, on peut d'ores et déjà parier que le forfait de 18 euros aura un effet relativement faible sur le niveau des dépenses de santé. En revanche, il renforcera des logiques qui sont déjà malheureusement à l'oeuvre et dont les conséquences sont substantielles à deux niveaux.
Tout d'abord, à un premier niveau, les inégalités vont se développer dans le domaine de la santé.
Ensuite, à un second niveau, la franchise instaurée sur les actes médicaux lourds montre que le Gouvernement veut opérer un changement de système de protection sociale et qu'il organise le passage à un système d'assurance individuelle, en diminuant la prise en charge de base.
Il s'agit d'un tournant inacceptable que le Gouvernement souhaite faire prendre à notre système de solidarité nationale, et nous le condamnons fermement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L'article 37 distingue, d'une part, les dépenses qui relèvent du ticket modérateur, d'autre part, celles qui relèvent du forfait journalier, et harmonise la réglementation relative au ticket modérateur. Les règles d'exonération du ticket modérateur ne sont pas modifiées.
Nous avons entendu parler de coups bas, ...
M. Guy Fischer. Je vous prie de m'excuser d'avoir utilisé ce mot ! (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... de trahisons, d'abandons, autant de termes excessifs qui sont par là même négligeables.
Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, qui rassemble tous les acteurs du système de santé, s'est prononcé en faveur de cette mesure. Il a même rappelé dans un de ses derniers avis que les dépenses qui étaient avant à la charge des familles ou des organismes complémentaires se concentraient aujourd'hui sur le régime général.
Il n'y a donc pas lieu de se plaindre de cette disposition qui, loin de pénaliser les organismes complémentaires, viendra légèrement compenser les avantages qu'ils ont engrangés jusqu'à présent. (M. Gérard Delfau s'esclaffe.)
M. Guy Fischer. Y croyez-vous ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument ! À travers les affections de longue durée, les ALD !
M. Guy Fischer. Vous allez voir ce qu'ils vont faire avec les ALD !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement est très défavorable aux amendements nos 95, 113, 148, 186.
En premier lieu, je voudrais faire un rappel. La Cour des comptes, souvent citée ces derniers jours, écrit dans son rapport de 2002, page 339, dans un chapitre intitulé « Inégalités financières » : « La plus importante de ces inégalités est celle qui découle de la règle de suppression du ticket modérateur pour tout acte ou série d'actes affecté d'un coefficient global égal ou supérieur à 50. Cette règle a été créée par le décret de 1955, à une époque où le coefficient 50 était relativement rare et laissait à la charge des assurés des montants élevés. L'évolution des techniques médicales vers des actes de plus en plus complexes a étendu progressivement le champ d'application de la règle. Aujourd'hui, quasiment toutes les hospitalisations en chirurgie donnent lieu à exonération, alors qu'une telle exonération reste rare en médecine, ce qui entraîne une différence considérable de traitement entre les patients hospitalisés en chirurgie et ceux qui sont hospitalisés en médecine. »
Cette mesure ayant été fortement critiquée de part et d'autre, certains s'inquiétant qu'à l'issue de l'adoption de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, les charges des organismes complémentaires ne progressent et que ceux-ci n'augmentent fortement leurs cotisations, ce qui pénaliserait à l'évidence les assurés, je voudrais vous faire part de l'avis émis par le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Celui-ci, qui est le meilleur expert en ce domaine dans notre pays et qui comporte en son sein des représentants des organismes complémentaires, a invalidé l'argument selon lequel une augmentation des cotisations pourrait être imputable à ce projet de loi. Il indique que, pour les soins de ville, les coûts des assurances complémentaires devraient augmenter exactement de la même façon que l'assurance maladie de base, soit d'environ 0,8 %.
J'ajoute que, sans l'intervention de la réforme et du plan gouvernemental, l'évolution spontanée aurait été beaucoup plus élevée puisque l'augmentation aurait été non pas de 0,8 % mais de 4,5 %.
Par rapport à la situation qui aurait prévalu en l'absence d'action gouvernementale, le projet de loi de financement de la sécurité sociale fait donc bénéficier les organismes complémentaires d'un gain fort, lié notamment aux mesures concernant les médicaments, qui permettent de faire diminuer leurs charges.
Si ces organismes décidaient, comme ils en ont la faculté, de ne pas augmenter leur part de prise en charge dans le remboursement des médicaments veinotoniques, dont l'assurance maladie ne remboursera plus que 15 % du coût au cours des deux prochaines années, ils réaliseraient même une économie supplémentaire de 250 millions d'euros.
Je tiens donc à rassurer les auteurs de ces amendements qui, peut-être, n'ont pas encore pris connaissance de ce rapport du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie et n'avaient plus en tête, compte tenu de sa relative ancienneté, celui de la Cour des comptes de 2002. Il est expliqué de façon extrêmement précise dans ce dernier rapport qu'il est nécessaire de corriger cette inégalité de traitement, et c'est ce que fait la mesure gouvernementale.
Si cette mesure ne mérite pas un excès d'honneur - son produit modeste est néanmoins précieux dans le cadre d'une politique visant à mieux maîtriser nos comptes - elle ne mérite pas non plus l'indignité dont certains commentaires l'ont entourée. On la compare parfois avec le forfait de 1 euro sur les feuilles de soins. Or c'est très différent !
Le forfait de 1 euro est une mesure de responsabilisation des assurés, qui ne peut pas et ne doit pas faire l'objet d'un remboursement par les organismes complémentaires, tandis que le forfait de 18 euros sur les interventions médicales lourdes est une mesure d'harmonisation prévoyant une participation plus faible que le ticket modérateur. Ce forfait est toujours appliqué en proportion du coût des soins et est remboursé par les organismes complémentaires.
Aujourd'hui, pour le traitement d'une pneumonie sans complications, le coût des soins est de 3 116 euros. Dans le régime actuel, l'assuré se voit facturer un ticket modérateur de 20 %, soit 623 euros, ticket modérateur qui n'est pas exonéré, car aucun acte d'un coût supérieur à 90 euros n'est pratiqué pour le traitement d'une pneumonie sans complications.
Prenons maintenant l'exemple d'un traitement passant par un acte affecté d'un coefficient supérieur à 50 et donc d'un coût supérieur à 90 euros. Le coût des soins pour une greffe de peau en cas d'ulcère cutané est actuellement de 12 289 euros. Si, comme on reproche au Gouvernement de vouloir le faire, un ticket modérateur de 20 % était institué, la facture serait donc de 2 458 euros. Ce n'est naturellement pas ce qu'a voulu le Gouvernement ! Dans le système actuel, le ticket modérateur est de zéro euro ; il sera désormais de 18 euros.
Vous considérez tous, sur toutes les travées, que, dans les cas de maladie grave appelant de lourds traitements, il ne faut pas que des prélèvements proportionnels de plusieurs milliers d'euros soient mis à la charge des organismes complémentaires. Le Gouvernement est le premier à en être d'accord. Mais pardonnez-moi si j'estime que demander 18 euros quand le ticket modérateur aurait pu, par application de la règle commune, être de 2 458 euros n'est pas un crime ! C'est d'autant moins un crime que ces 18 euros seront à la charge non pas des assurés, mais des organismes complémentaires.
Le Gouvernement demande donc le rejet des quatre amendements.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, vous ne m'avez pas convaincu.
M. Claude Domeizel. Il est vrai que cela aurait été difficile !
Monsieur le président de la commission, les propos qui ont été tenus n'étaient pas excessifs, ils étaient à la mesure de l'indignation générale suscitée par une mesure que, dans un premier temps, vous avez essayé de dissimuler.
Très vite, devant le tollé des associations d'usagers, des syndicats de salariés comme des organisations médicales, vous avez tenté, mais sans y parvenir, de minimiser l'impact de cette mesure en assurant, ce qui était tout de même audacieux, que les patients ne supporteraient pas la contribution qui leur était demandée puisqu'elle serait prise en charge par les mutuelles.
Mais, monsieur le ministre, l'argent des mutuelles ne vient pas de la lune ! Ce sont les cotisations qui renflouent les caisses des mutuelles et ce sont les assurés qui les paient ! N'oublions pas que soit pour des raisons de culture, soit par manque de moyens, nombreux sont ceux, en particulier chez les plus modestes des travailleurs mais également chez les plus modestes des retraités, qui n'ont pas de mutuelle.
En outre, monsieur le ministre, combien de fois le forfait sera-t-il multiplié si, pour une même affection, le patient doit subir plusieurs examens ou interventions et verser chaque fois 18 euros ?
Enfin, le montant du forfait va être fixé par décret. Vous avez annoncé qu'il serait de 18 euros. Mais vous avez déjà porté tant de coups à notre système de santé depuis que vous êtes aux affaires et demandé tant de fois aux assurés de mettre la main à la poche, avec le forfait journalier hospitalier ou le forfait de 1euro par consultation, que je ne vois pas ce qui pourrait arrêter votre gouvernement. Je m'inquiète d'autant plus qu'on vous laisse finalement les mains libres puisque, par décret, vous pouvez fixer le forfait à 18 euros, ou à plus si l'envie vous en prend !
C'est la raison pour laquelle, n'ayant été convaincus ni par votre démonstration ni par celle du président de la commission, nous persistons à demander à nos collègues de voter la suppression de l'article 37.
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Nous sommes opposés à cet article, dont nous demandons la suppression, pour une raison de fond, et les arguments du ministre ne nous ont pas convaincus.
On voudrait nous faire croire que, parce que le taux de couverture par les régimes obligatoires de base est faible pour certaines maladies et plus élevé pour d'autres maladies, il faudrait aligner le taux de couverture de base de ces dernières sur celui des premières, alors que nous estimons que les taux de couverture des soins par les régimes obligatoires de base sont insuffisants et devraient, au contraire, être augmentés.
Or cette mesure, qui fait suite à beaucoup d'autres, va à l'encontre de cet objectif puisqu'elle réduit le périmètre des soins pris en charge par les régimes de base en mettant une part de plus en plus importante à la charge des organismes complémentaires, alors que les cotisations à ces organismes ne sont pas fondées sur les mêmes principes.
Je récuse l'idée, répétée par M. About, selon laquelle le forfait ne coûtera rien aux organismes complémentaires et, par conséquent, aux assurés.
Vous savez très bien que les économies potentielles - à mon avis illusoires - que les organismes complémentaires vont réaliser à la suite du retrait du marché d'un certain nombre de médicaments ne seront pas au rendez-vous.
Dans la plupart des cas, si les prescriptions de ces médicaments cessent, elles seront remplacées par des prescriptions de traitements alternatifs qui, vraisemblablement, coûteront plus cher et donneront lieu à des remboursements complémentaires aussi élevés si ce n'est supérieurs aux économies que les organismes complémentaires devraient réaliser.
Enfin, dernier argument, il s'agit d'un forfait et l'on sait très bien que le Gouvernement peut, par simple décret, à tout moment en augmenter le montant. C'est ce qui s'est produit pour le forfait hospitalier puisqu'il est cette année à 15 euros et qu'il va sans cesse augmenter dans les années futures.
Quant au forfait de 1 euro, vous le distinguez des autres forfaits, mais, à mon avis, il leur est tout à fait comparable. Vous refusez son remboursement par les organismes complémentaires, mais je ne suis pas certain que les assurances privées vont suivre vos observations. On a pu constater hier qu'il était très difficile de mettre en place les contrats de responsabilité et qu'il existerait aussi des contrats non responsables.
Vous accentuez aujourd'hui une évolution inacceptable enclenchée depuis quelques années déjà et c'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec attention : vous maniez le paradoxe et l'argumentation biaisée avec une assurance qui me déconcerte malgré mon expérience des débats ! (M. le ministre délégué proteste.)
Vous avez dit comme le président de la commission, ce qui m'étonne encore plus, que la mesure que vous proposiez représentait un gain fort pour les organismes complémentaires.
Vous avez parlé d'avantages que ces organismes auraient obtenus et qui ne seraient que partiellement compensés par la conséquence de cette mesure sur l'équilibre financier de leur budget.
Vous avez dit aussi, ce qui m'a laissé stupéfait, que cette mesure allait améliorer la prise en charge financière des patients. C'est là, monsieur le ministre, que l'argumentation est biaisée.
C'est un raisonnement, monsieur le ministre, que l'on peut tenir dans cet hémicycle sans risque étant donné, hélas ! le rôle du Parlement dans notre Constitution, mais qui ne tiendra pas un instant quand les patients paieront ces 18 euros et quand ils se rendront compte que le coût de cette couverture, pour ceux qui en ont une, a encore augmenté.
Il s'agit d'un cas typique de transfert de charge au détriment des patients et, plus précisément, au détriment de certains d'entre eux.
En effet, avec d'un côté la CMU exonérée, ce qui est bien, de l'autre les assurances privées facilitées pour les classes aisées, non seulement cette mesure va frapper les catégories sociales qui n'ont pas les ressources nécessaires pour financer une assurance complémentaire, mais elle va aussi atteindre de plein fouet - et c'est ce qui fera réagir les Français - les classes moyennes.
Une fois de plus, ceux dont les salaires représentent environ deux fois le niveau du SMIC se voient imposer une charge dont les catégories aisées peuvent se dispenser et que la solidarité nationale allège ou supprime pour les catégories sociales les plus pauvres.
Vous atteignez une fois de plus ces salariés des classes moyennes et ces modestes retraités qui sont et qui resteront - notamment à cause de la fiscalité que vous instaurez, et je fais là allusion au débat en cours à l'Assemblée nationale - les principales victimes de cette législature.
Un jour, des comptes vous seront demandés dans les urnes et, ce jour-là, monsieur le ministre, ce ne seront plus des arguments biaisés ou des paradoxes qu'il faudra manier, car les Français voient ce qu'ils peuvent faire avec des salaires qui, hélas ! sont stables ou en régression alors que le coût de la vie augmente.
Voilà, monsieur le ministre, la réalité de cette mesure. Si vous vous obstinez à la faire voter par le Parlement, nous en reparlerons souvent dans les années qui viennent.
M. le président. La parole est à M. André Lardeux, pour explication de vote.
M. André Lardeux. Évidemment, mon point de vue n'est pas du tout celui des auteurs des amendements et je tiens à apporter mon soutien à M. le ministre sur cet article.
L'argumentation qu'il nous a présentée tout à l'heure montre que la mesure est proportionnée et n'a nullement le caractère injuste qu'on nous décrit.
D'ailleurs, je suis très étonné que ceux qui parlent de médecine à deux vitesses ne soient pas du tout choqués par nos retraites à trente-six vitesses, certaines filant à la vitesse du TGV, comme à la SNCF ou à EDF. Mais, là, il n'y a pas de médecine à deux vitesses, puisque l'égal accès aux soins est maintenu pour tout le monde.
M. Gérard Delfau. C'est vraiment un argument fallacieux !
M. André Lardeux. Il est facile de se parer de vertu et de se draper de lin blanc. Mais on doit alors se demander qui a payé le savon ! (Sourires.)
Pour en revenir à ces 18 euros, cela ne mérite pas les cris d'orfraie que l'on entend. C'est beaucoup moins que ce que certains laissent tomber dans les caisses de la Française des jeux (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), ou donnent aux cartomanciennes et autres bonimenteurs.
M. Guy Fischer. Je ne vois pas le rapport !
M. Gérard Delfau. On se croirait au XIXe siècle ! C'est la réaction !
M. André Lardeux. C'est encore beaucoup moins que ce que certains donnent aux rebouteux, aux tenants de médecines parallèles plus ou moins occultes et, là, personne ne dit rien !
M. François Autain. Ce n'est pas remboursé !
M. André Lardeux. Je crois qu'il faut relativiser les choses.
Par ailleurs, on dit que le système est en difficulté. C'est un diagnostic que tout le monde partage. Mais ceux qui parlent de faillite me font penser aux passagers d'un navire qui a une voie d'eau et qui refusent d'écoper sous prétexte que ce n'est pas leur travail. On est un peu dans ce cas de figure.
Quant aux mutuelles, je n'ai pas entendu dire, du moins dans les contacts que j'ai eus, qu'elles considéraient la charge comme insupportable. Je ne vais pas revenir sur les arguments que M. le ministre a exposés, mais il faut bien dire que le solde pour les mutuelles est plutôt positif.
Dans mon département, par exemple, chaque fois qu'une maison de retraite privée se restructure, les mutuelles sautent sur l'occasion et financent les travaux. Il en résulte de belles maisons de retraite, bien fonctionnelles, mais qui ne sont pas réservées aux plus modestes parce que leurs prix de journée sont les plus élevés du département du Maine-et-Loire.
Donc, relativisons les choses, mes chers collègues. Plutôt que de dénigrer et de se faire de la publicité à bon marché sur le dos du Gouvernement, (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) retroussons nos manches et adoptons cet article. Bien entendu, le groupe de l'UMP votera contre ces amendements.