Article 22
Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires pour :
1° Mettre en conformité avec le droit communautaire les dispositions relatives à la sécurité sanitaire des denrées alimentaires et des aliments pour animaux fixées notamment au titre III du livre II du code rural ;
2° Adapter et compléter les dispositions relatives aux normes techniques et au contrôle du transport sous température dirigée des denrées alimentaires ;
3° Donner compétence aux vétérinaires des armées pour procéder, en ce qui concerne les organismes relevant de l'autorité ou de la tutelle du ministre chargé de la défense, aux contrôles officiels prévus à l'article L. 231-1 du code rural ; tirer les conséquences, dans les parties législatives du code rural et du code de la consommation, de la nouvelle dénomination d'« inspecteur de la santé publique vétérinaire » ; autoriser le ministre chargé de l'agriculture à élargir au-delà du département la compétence territoriale d'agents nommément désignés, dans le cadre de missions prévues au titre III du livre II du code rural ; supprimer la procédure de commissionnement prévue par le code rural et étendre aux médicaments à usage vétérinaire le champ d'application de l'article 38 du code des douanes ;
4° Supprimé ;
5° Fixer les dispositions relatives à la divagation des animaux, notamment en ce qui concerne les animaux habituellement détenus à des fins agricoles et les dispositions relatives aux animaux retirés de la garde de leur propriétaire dans le cadre d'une procédure judiciaire ou des contrôles mentionnés à l'article L. 214-23 du code rural ;
6° Supprimé.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 449, présenté par MM. Le Cam, Billout et Coquelle, Mmes Demessine, Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Le Parlement a le droit d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance, mais il doit le faire avec beaucoup de précaution et de discernement.
Lorsqu'il s'agit de se prononcer sur la sécurité sanitaire des aliments, il est concerné au premier chef. C'est un sujet sur lequel nos concitoyens ne manqueront pas de nous interroger. C'est la raison pour laquelle habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans ce domaine nous paraît hors de propos, même si M. le ministre avait fait l'effort de nous apporter les projets d'ordonnances.
Enfin, il ne serait pas illégitime de débattre sur le fond de l'article 22 au regard des risques de privatisation des services de contrôle.
M. le président. L'amendement n° 55 rectifié, présenté par M. César, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Au début de cet article, ajouter un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... - Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le 2° de l'article L. 5143-2 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour ces animaux, la même faculté est également accordée aux vétérinaires ayant satisfait aux obligations du chapitre I du titre IV du livre II du code rural et exerçant la médecine et la chirurgie des animaux au sein du même domicile professionnel administratif ou d'exercice, tel que défini dans le code de déontologie prévu à l'article L. 242-3 du code rural. »
2° L'article L. 5442-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait pour un vétérinaire de tenir officine ouverte au sens de l'article L. 5143-2 est puni de la même peine. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. Le présent amendement vise à donner à un vétérinaire la possibilité, sous certaines conditions, de délivrer des médicaments vétérinaires nécessaires au traitement des animaux dont le suivi sanitaire est assuré par d'autres vétérinaires exerçant au sein du même domicile professionnel, administratif ou d'exercice.
Cette possibilité ne sera ouverte qu'entre vétérinaires travaillant au sein de la même structure - libéral ou salarié d'un groupement agricole - ayant les mêmes compétences ou spécialisations. Ainsi, un vétérinaire n'exerçant que la médecine des carnivores domestiques au sein d'une structure vétérinaire ne pourra ni prescrire ni délivrer des médicaments pour des animaux de rente suivis par ses collègues.
Les conditions particulières seront définies par décret en Conseil d'Etat, conformément au premier paragraphe de l'article L. 5143-10 du code de la santé publique, qui devra être ainsi rédigé : « prévoir des sanctions pour un vétérinaire qui délivre des médicaments vétérinaires en tenant officine ouverte ».
Cette mesure permettra de sanctionner les vétérinaires « affairistes » qui vendent des médicaments vétérinaires en grande quantité à des détenteurs pour des animaux qui n'ont jamais été examinés par ces mêmes vétérinaires.
M. le président. L'amendement n° 739, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa (1°) de cet article par les mots :
et au titre Ier du livre II du code de la consommation
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre. Cet amendement vise à mentionner de manière explicite dans l'article le code de la consommation.
Anticipant sur votre demande, monsieur le président, je vais donner l'avis du Gouvernement sur les autres amendements en discussion.
Je suis favorable à l'amendement n° 55 rectifié.
En revanche, je suis défavorable à l'amendement de suppression n° 449. Je distribuerai demain après-midi à la Haute Assemblée le projet d'ordonnance, que nous avons encore neuf mois pour mettre au point. Je pourrai donc entretenir une relation de travail étroite avec le Sénat.
M. Gérard César, rapporteur. Tout à fait !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 449 et 739 ?
M. Gérard César, rapporteur. Je suis moi aussi défavorable à l'amendement n° 449. En effet, pour un texte très précis et si difficile à appréhender, il faut absolument légiférer par ordonnance.
Quant à l'amendement n° 739, la commission y est favorable.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote sur l'amendement n° 55 rectifié.
M. Jean Bizet. J'avais l'intention de déposer un sous-amendement à l'amendement de la commission, mais les lois inutiles affaiblissant les lois nécessaires, dans un souci de rationalisation et de cohérence, je me suis abstenu.
Je vais donc voter en faveur de l'amendement de la commission. Cependant, je souhaite que M. le ministre prenne un triple engagement à l'occasion de la rédaction du décret d'application : préciser le plus finement possible la notion d' « officine ouverte », ouvrir une concertation plus approfondie avec la profession vétérinaire qui reste encore un peu en retrait, établir une graduation dans les peines.
M. le président. Je mets aux voix l'article 22, modifié.
(L'article 22 est adopté.)
Article additionnel avant l'article 22 bis
M. le président. L'amendement n° 656, présenté par M. Bizet, est ainsi libellé :
Avant l'article 22 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 2° de l'article L. 5143-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« 2° Sans toutefois qu'ils aient le droit de tenir officine ouverte, les vétérinaires ayant satisfait aux obligations du chapitre 1er du titre IV du livre II du code rural leur permettant d'exercer la médecine et la chirurgie des animaux, lorsqu'il s'agit des animaux auxquels ils donnent personnellement leurs soins ou d'animaux dont la surveillance sanitaire et les soins sont régulièrement confiés à l'un des vétérinaires exerçant au sein du même domicile professionnel administratif ou domicile professionnel d'exercice tels que définis aux articles R. 242-52 et R. 242-53 du code rural. »
M. Jean Bizet. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 656 est retiré.
Article 22 bis
Le dernier alinéa de l'article L. 644-2 du code rural est complété par les mots : « sans autorisation préalable accordée, pour une appellation d'origine contrôlée déterminée et sur proposition de l'organisme professionnel assurant la défense ou la gestion de cette appellation, par l'autorité administrative compétente pour autoriser l'utilisation de la dénomination «montagne» ».
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n'ai pas pu participer physiquement au débat sur ce projet de loi avant ce soir, mais j'ai néanmoins suivi la discussion et je me réjouis de pouvoir intervenir à l'heure où le Sénat entame l'examen des articles relatifs à nos massifs, même si la place qui leur est accordée demeure trop limitée.
M. Charles Revet. On en a beaucoup parlé, madame !
Mme Annie David. S'il est vrai que nos montagnes font rêver la plupart des amateurs de plein air et recèlent une diversité biologique et écologique essentielle qu'il convient de préserver, il ne faut pas oublier pour autant qu'elles sont, pour nombre de femmes et d'hommes, un lieu de vie où, pour diverses raisons d'ordre géographique ou technique, on ne raisonne pas vraiment comme ailleurs.
Les problèmes d'accès, de communication, les aléas climatiques, l'altitude et la pente sont autant d'éléments prépondérants qu'il nous faut prendre en considération, et par-là même, reconnaître la spécificité de ces lieux.
Monsieur le ministre, une véritable politique de la montagne doit concilier deux objectifs : protéger l'environnement montagnard et y stimuler les activités humaines.
C'est le sens des propositions qui avaient été faites par les élus de montagne lors de la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Or ces propositions furent, pour une large part, rejetées tant par les rapporteurs que par le Gouvernement, souvent en invoquant l'article 40 de la Constitution mais aussi en renvoyant la discussion au présent projet de loi.
Qu'en est-il aujourd'hui ? La montagne, et plus spécifiquement l'agriculture de montage, est quasiment absente de ce projet de loi. Et nous ne nous faisons guère d'illusion sur le sort qui sera réservé aux amendements destinés à « habiller » un tant soit peu ce texte en sa faveur, au grand désespoir des élus de montagne et de la population montagnarde.
Pourtant, les défis auxquels sont confrontés nos massifs et leurs habitants sont certainement aussi titanesques que les montagnes elles-mêmes et nécessitent, à ce titre, plus que des intentions déclarées.
Il est essentiel de créer les conditions d'une agriculture et d'un développement rural durables dans ces zones, non seulement pour les montagnards, mais aussi pour protéger des ressources naturelles vitales dans ces territoires dont dépend par ailleurs une grande partie de nos concitoyens. Or je ne vois rien dans ce texte qui réponde à ces enjeux.
Une fois encore, les problèmes que rencontrent les élus de montagne et leur population ne seront pas résolus ; une fois encore, les propositions concrètes et riches de ses élus seront ignorées.
Vous niez ainsi le rôle premier de la sphère législative qui consiste, selon moi, à moduler les lois, non pas calculette à la main, mais en tenant compte des difficultés et des propositions des élus de terrain et de nos concitoyens.
Monsieur le ministre, rendre nos montagnes attractives, dynamiques, ne se réduit pas à les protéger. Leur attractivité dépendra fondamentalement de l'engagement solidaire de l'Etat en faveur d'une politique spécifique pour l'agriculture, les services publics, les services à la personne, ce que les élus des massifs ne cessent de réclamer à toutes les occasions.
Pour autant, vous l'aurez remarqué, le groupe communiste républicain et citoyen n'a pas déposé d'amendements. Comme je l'ai dit voilà un instant, nous ne nous faisions pas d'illusion quant au sort qui leur aurait été réservé. (Allons ! sur les travées de l'UMP.) Mon groupe apportera sans doute son soutien à certains amendements, notamment à ceux qui ont été déposés au nom de l'Association nationale des élus de montagne, l'ANEM, si tant est qu'ils parviennent au stade de la mise aux voix. Je pense en effet que M le ministre et M. le rapporteur demanderont le retrait de nombre d'entre eux et qu'ils seront peut-être suivis.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Monsieur le ministre, comme vient de le rappeler Mme Annie David, les acteurs de la montagne se sont émus, notamment lors du congrès de l'ANEM qui s'est tenu voilà quelques jours à Piedicroce, en Corse, du peu de place qui est consacré à l'agriculture de montagne dans le projet de loi d'orientation agricole tel qu'il résulte des travaux de l'Assemblée nationale.
Ils savent par ailleurs, et vous aussi, monsieur le ministre, que la pérennité de la présence de l'économie agricole dans les sept massifs de notre pays dépend moins des dispositions prises dans un texte législatif que des négociations menées actuellement par les pays européens pour déterminer le contenu de la PAC et des politiques régionales.
Qu'en est-il des priorités du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER ? Quel sera le contenu du second pilier ? Quel sera l'avenir de la prime herbagère agro-environnementale ou du dispositif des indemnités compensatrices du handicap naturel, les ICHN ?
J'ai déjà évoqué ces questions en commission, relayant ainsi les attentes de nos collègues du groupe socialiste. Monsieur le ministre, ce sont les réponses que vous y apporterez, plus que le contenu du présent texte, qui détermineront la capacité des agriculteurs à pouvoir continuer à vivre et à travailler dans les zones où les dénivelés et les altitudes sont des composantes du quotidien.
Ce faisant, non seulement les agriculteurs apporteront une plus-value à l'agriculture française, mais ils contribueront, par leur travail quotidien, à maintenir l'accessibilité à des espaces qui, dans l'hypothèse où ils se retireraient, se fermeraient irrémédiablement à l'homme et, dans certains massifs, menaceraient même la vie des hameaux.
Notre responsabilité est aussi de nous assurer - l'actualité nous y invite - que les villes soient durablement habitables et les villages durablement habités.
La reconnaissance de l'agriculture de montagne s'inscrit aussi dans cette perspective. L'évolution qui consiste à reconnaître ce rôle par rapport au texte résultant des travaux de l'Assemblée nationale me semble positive.
Pour autant, les élus de la montagne ne demandent que la reconnaissance des handicaps, des spécificités, du contexte dans lequel travaillent les différents acteurs, notamment les agriculteurs.
Nous aurons ainsi l'occasion de débattre sur les contraintes pour certains, sur les menaces pour d'autres, que fait par exemple peser la présence d'un prédateur dans la chaîne des Alpes, notamment pour les filières ovines et bovines. M. Domeizel y reviendra très largement dans la suite de la discussion.
Les élus des zones de montagne ne réclament pas un traitement de faveur, pas plus que les producteurs de ces territoires ne demandent une discrimination positive dès lors qu'elle n'est pas fondée sur une réalité qualitative incontestée. C'est l'objet du débat que nous allons entamer sur la juxtaposition de la dénomination « montagne » et du signe de qualité AOC.
Déjà l'article 6 de la loi montagne du 9 janvier 1985 posait le principe selon lequel l'utilisation de la dénomination « montagne » ne saurait être de nature, de quelque manière que ce soit, à provoquer une confusion avec des références géographiques déjà utilisées par des produits d'appellation d'origine.
De nouveau, en 2002, dans un rapport du Sénat intitulé L'avenir économique de la montagne, le rapporteur insistait sur le fait que les articles du code rural relatifs la protection des signes de qualité étaient prépondérants par rapport à l'origine géographique. Un rapporteur montagnard, dans un texte relatif à la montagne, aboutissait à une conclusion qui ne prônait pas la prépondérance de la montagne mais s'attachait à la qualité intrinsèque des produits de l'agriculture des massifs.
C'est dans cet esprit de reconnaissance des spécificités du milieu montagnard, et sans rechercher des avantages qui ne seraient pas justifiés, que nous défendrons les amendements ayant trait à la montagne.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Si Mme David et M. Repentin avaient écouté l'intervention liminaire de M. le ministre, ils auraient noté que celui-ci s'était engagé à prendre en compte un certain nombre des demandes que nous avions présentées au nom du groupe des élus de la montagne. Je remercie d'ailleurs M. le rapporteur d'avoir repris plusieurs de nos propositions.
Cela démontre que la commission comme le Gouvernement sont conscients de la nécessité de reconnaître la spécificité de l'agriculture de montagne, dans sa vocation économique et de production de produits de qualité, qualité qui est d'ailleurs reconnue.
Un large consensus se dessine afin d'éviter une segmentation des appellations d'origine et pour que le terme « montagne » ne soit pas dévalorisé.
Un chapitre spécifique sur l'agriculture de montagne permettra de reconnaître et de rappeler le principe fondamental de l'exigence d'une compensation des handicaps.
Le Sénat a d'ailleurs déjà adopté hier soir un amendement prenant en compte la fragilité de ces territoires. On constate que de nombreuses mesures correspondent aux voeux émis par le Sénat dans la mission commune d'information sur la politique de la montagne, que j'ai eu l'honneur de présider et dont M. Amoudry était le rapporteur.
En effet, au fur et à mesure des textes qui nous sont proposés, qu'il s'agisse du texte relatif au développement des territoires ruraux ou du présent projet de loi, nous adoptons un certain nombre d'amendements en faveur de la montagne.
Nous pouvons donc parvenir à un consensus sur les travées du Sénat pour que la montagne demeure un lieu privilégié de vie, d'équilibre. Mais la montagne ne vivra qu'avec une agriculture permettant le maintien d'actifs tout en préservant la qualité de l'environnement et en fournissant des produits exceptionnels.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les cinq premiers sont identiques.
L'amendement n° 56 est présenté par M. César, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 185 rectifié est présenté par M. Amoudry et les membres du groupe Union centriste-UDF.
L'amendement n° 276 rectifié est présenté par MM. Barbier, Seillier et de Montesquiou.
L'amendement n° 392 rectifié est présenté par MM. Vial, Saugey, Faure, J. Blanc, du Luart et Hérisson.
L'amendement n° 537 est présenté par MM. Repentin et Domeizel, Mme M. André, MM. Pastor, Bel, Piras et Lejeune, Mmes Herviaux et Y. Boyer, MM. Raoult, Courteau, Trémel, Dussaut, Lise, Saunier, Teston et Cazeau, Mme Bricq, MM. Le Pensec, Marc, S. Larcher, Collombat, Signé et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 56.
M. Gérard César, rapporteur. L'article 22 bis permet, sous certaines conditions, la juxtaposition d'une AOC avec la dénomination « montagne ». Ce rapprochement entraînerait une confusion dans l'esprit des consommateurs et aboutirait à une segmentation du marché des produits AOC. Aussi, nous proposons de supprimer cet article, ce qui répond aux préoccupations exprimées par Mme Annie David et par M. Jacques Blanc. Nous réécrirons un chapitre consacré à la montagne un peu plus loin dans le projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry, pour présenter l'amendement n° 185 rectifié.
M. Jean-Paul Amoudry. Répondant au voeu clairement exprimé par la majorité des interprofessions des fromages AOC de montagne, l'article 195 de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a interdit l'utilisation de la dénomination « montagne » pour les productions bénéficiant d'une AOC.
Cette disposition répond d'ailleurs à une préoccupation ancienne puisque, comme cela a été rappelé dans le rapport de la mission sénatoriale d'information sur la politique de la montagne en octobre 2002, elle avait déjà été soulevée par notre collègue Jean Faure, rapporteur au Sénat de la loi « montagne » du 9 janvier 1985. Lors des débats, il avait souligné la « nécessité de n'utiliser qu'à bon escient la superposition » des signes de qualité pour éviter toute confusion dans l'esprit du public.
L'Assemblée nationale vient cependant de remettre en cause les dispositions issues de la loi du 23 février 2005, et a ouvert la possibilité d'utiliser conjointement, sur l'emballage des produits concernés, le signe de qualité de l'AOC et la dénomination « montagne ».
Or cette possibilité de juxtaposition aurait quatre conséquences. D'abord, elle aboutirait inéluctablement à remettre en cause l'intégrité et l'unité des AOC qui ne sont pas intégralement situées en zone de montagne. Ensuite, elle rendrait le dispositif AOC moins lisible pour le consommateur, en créant pour certaines productions deux catégories d'AOC, les AOC « montagne » et les AOC simples, alors même que la dénomination « montagne » ne correspond à aucune exigence qualitative. En outre, elle aboutirait à la marginalisation de certains producteurs au sein de la zone AOC : les producteurs de l'AOC situés hors de la zone de montagne subiraient de fortes pressions commerciales pour faire baisser leurs prix, ce qui pourrait entraîner à terme leur disparition et, par conséquent, de lourdes conséquences économiques. Enfin, cette juxtaposition conduirait à fragiliser la cohésion interne des interprofessions des AOC dont le territoire est partiellement situé en montagne, puisque l'article 22 bis prévoit qu'il appartiendra aux organismes professionnels de proposer l'éventuel cumul de l'AOC et de la dénomination « montagne ». En pareil cas, de très fortes tensions internes entre producteurs de « plaine » et producteurs de « montagne » seraient inévitables.
Il apparaît donc de toute première nécessité de maintenir les dispositions introduites par la loi du 23 février 2005, pour éviter de fragiliser gravement tout le dispositif de recherche de qualité, acquis le plus souvent après plusieurs décennies d'efforts des interprofessions, et sur lequel repose, en montagne, la seule source de revenus agricoles autonomes et durables et de véritable valorisation de l'agriculture.
M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier, pour présenter l'amendement n° 276 rectifié.
M. Bernard Seillier. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour présenter l'amendement n° 392 rectifié.
M. Jacques Blanc. Cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour présenter l'amendement n° 537.
M. Thierry Repentin. Je ne retrancherai sans rien à ce qui vient d'être dit. J'ajouterai simplement que cette juxtaposition, censée favoriser les AOC de montagne puisque la labellisation « montagne » est attractive pour des acheteurs potentiels de ces produits, est combattue par les producteurs en AOC. En effet, la présidente et les présidents des principales AOC de notre pays, Abondance, Beaufort, Bleu d'Auvergne, Cantal, Comté, Fourme d'Ambert, Laguiole, Munster, Reblochon, Roquefort et Saint-Nectaire, soit 90 % du volume des AOC de montagne, sont unanimes pour demander qu'il n'y ait pas de ségrégation - si je peux me permettre l'expression - entre les AOC de montagne qui pourraient bénéficier de la juxtaposition et les AOC de plaine.
L'adoption de cet amendement permettrait de sauvegarder les droits acquis par des générations de producteurs qui ont su s'imposer des règles et des disciplines pour mettre sur le marché un produit original et unique. La défense de la qualité sous-tend la suppression de l'article 22 bis.
Si cet amendement est adopté, j'espère que lors de la réunion de la commission mixte paritaire, nos représentants tiendront bon, pour les producteurs de ces AOC comme pour l'avenir de ces AOC afin qu'elles ne soient pas supplantées par le label « montagne ».
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 180 est présenté par MM. Vasselle et Barraux.
L'amendement n° 255 rectifié est présenté par MM. Mouly, Barbier et de Montesquiou.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
Le dernier alinéa de l'article L. 644-2 du code rural est complété par les dispositions suivantes : « dont l'aire géographique de production n'est pas intégralement comprise dans le périmètre d'une zone de montagne. L'autorisation d'apposer la dénomination "montagne" sur l'étiquetage des produits à appellation d'origine contrôlée peut être accordée pour une appellation déterminée intégralement située en zone de montagne et sur proposition de l'organisme professionnel assurant la défense ou la gestion de cette appellation, par l'autorité administrative compétente pour autoriser l'utilisation de la dénomination « montagne ». »
La parole est à M. Alain Vasselle, pour défendre l'amendement n° 180.
M. Alain Vasselle. Si les amendements de suppression sont adoptés, il va de soi que l'amendement n° 180 n'aura plus d'objet.
Je vais tout de même le présenter puisque j'ai été chargé de le faire. Mes arguments vont dans le même sens que ceux qui ont été exprimés par les orateurs qui m'ont précédé.
Il convient de ne pas confondre la dénomination « montagne » proprement dite, qui encadre l'origine des produits, avec un signe de qualité. Cette confusion serait, de plus, de nature à entraîner une segmentation au sein d'une même AOC entre ceux qui pourraient utiliser le terme « montagne » et ceux qui ne le pourraient pas. Cependant, dans le cas d'une AOC intégralement située en zone de montagne, l'autorisation d'apposer la dénomination « montagne » sur l'étiquetage des produits à appellation d'origine contrôlée n'entraînerait pas les mêmes risques de segmentation des produits.
M. le président. L'amendement n° 255 rectifié n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 180 ?
M. Gérard César, rapporteur. La mesure proposée par M. Alain Vasselle entretiendrait la confusion dans l'esprit des consommateurs entre les différents signes de qualité. Aussi, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, ministre. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur les amendements identiques nos 56, 185 rectifié, 276 rectifié, 392 rectifié et 537.
En revanche, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 180, parce qu'il présente une nouvelle solution qui introduit une différence de traitement entre appellations. Nous ne sommes pas favorables à la solution que vous proposez, monsieur Vasselle, même si, je le reconnais, elle est intéressante.
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 56, 185 rectifié, 276 rectifié, 392 rectifié et 537.
M. Gérard Bailly. J'ai bien perçu la passion soulevée par la dénomination « montagne » sur des produits AOC. Retrouvera-t-on, après l'article 25 septies, dans les amendements nos 228 et 226, des dispositions pour être assuré que, dans chaque comité de massif, il y aura une commission spécialisée « qualité et spécificité des produits de montagne » et qu'elle pourra se prononcer ? (M. le ministre fait un signe d'assentiment.) Nous sommes en pleine décentralisation, la diversité des massifs doit être prise en compte. La proposition selon laquelle une telle commission pourra se prononcer me paraît la meilleure solution.
C'est la raison pour laquelle je voterai les amendements de suppression. Auparavant, je souhaitais m'assurer qu'une discussion locale pourra avoir lieu lorsqu'il y a des particularités. Et notre pays est riche, principalement en AOC fromagères. Cela pourra aussi faire l'objet de discussions locales.
M. le président. Nous avons tous noté que M. Le ministre a acquiescé.
La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Je me réjouis de cette unanimité sur les amendements de suppression. La multiplication des dénominations sur un même produit entraîne, en effet, la confusion. De plus, - je tiens à le préciser - certaines AOC couvrent à la fois des territoires qui sont situés à l'intérieur de la zone de montagne et des territoires qui sont situés à l'extérieure de celle-ci. Il faut proposer un message clair et simple au consommateur.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56, 185 rectifié, 276 rectifié, 392 rectifié et 537.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 22 bis est supprimé et l'amendement n° 180 n'a plus d'objet.