Article 20
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. - L'article 72 D bis est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Le troisième alinéa est complété par les mots : « ou pour le règlement de primes et cotisations d'assurance de dommages aux biens ou pour perte d'exploitation souscrite par l'exploitant » ;
b) Au quatrième alinéa, après les mots : « aléas d'exploitation », sont insérés les mots : « ou pour le règlement de primes et cotisations d'assurance, » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions ci-dessus s'appliquent également aux entrepreneurs de travaux agricoles, ruraux et forestiers. » ;
2° Dans le dernier alinéa du II, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept ».
B. - Les trois premières phrases du I de l'article 72 D ter sont remplacées par quatre phrases ainsi rédigées :
« Les déductions prévues aux articles 72 D et 72 D bis sont plafonnées à un montant global fixé, par exercice, soit à 4 000 € dans la limite du bénéfice, soit à 40 % du bénéfice dans la limite de 16 000 €. Ce montant est majoré de 20 % de la fraction de bénéfice comprise entre 40 000 € et 90 000 €. L'exploitant peut pratiquer un complément de déduction pour aléas, dans les conditions prévues à l'article 72 D bis, à hauteur de 4 000 €. Lorsque le résultat de l'exercice est supérieur d'au moins 20 % à la moyenne des résultats des trois exercices précédents, l'exploitant peut pratiquer un complément de déduction pour aléas, dans les conditions prévues à l'article 72 D bis et dans la limite du bénéfice, à hauteur de 500 € par salarié équivalent temps plein. »
II. - Les dispositions du I s'appliquent pour la détermination des résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2006.
III. - Les pertes résultant pour l'Etat du c du 1° du A du I sont compensées, à due concurrence, par le relèvement de la taxe générale sur les activités polluantes prévue par les articles 266 sexies et suivants du code des douanes.
M. le président. L'amendement n° 94, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. - Supprimer le c) du 1° du A du I de cet article.
II. - En conséquence, supprimer le III de cet article.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à supprimer une disposition adoptée par l'Assemblée nationale qui permettrait aux entrepreneurs de travaux agricoles, ruraux et forestiers de bénéficier de la déduction pour aléas alors même que ces entrepreneurs n'ont pas le statut d'exploitant agricole et qu'ils relèvent du régime des bénéfices industriels et commerciaux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 177 est présenté par M. Vasselle.
L'amendement n° 253 rectifié est présenté par MM. Mouly et de Montesquiou.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Compléter le 1° du A du I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
... ) Aux quatrième et cinquième alinéas, après les mots : « la déduction correspondante est rapportée », sont insérés les mots : « à hauteur de 80 % de son montant ».
II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de la fixation à 80 % du taux de réintégration dans le résultat fiscal des exploitations des sommes déduites en application de l'article 72 D bis du code général des impôts sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l'amendement n° 177.
M. Alain Vasselle. La déduction pour aléas, ou DPA, a pour finalité de permettre aux exploitants agricoles de se constituer une « épargne » de trésorerie afin de faire face à la survenance d'un aléa, qu'il soit climatique ou plus largement économique.
La philosophie de ce dispositif est de responsabiliser les exploitants sur la nécessité de se prémunir au mieux des aléas propres à cette profession, au-delà des dispositifs classiques d'assurance ou de fonds de garantie des calamités. Or force est de constater que très peu d'exploitants agricoles optent actuellement pour ce mécanisme, car il nécessite une sortie de trésorerie.
Aussi, afin d'encourager les exploitants à se tourner vers ce dispositif, il est proposé que l'effort financier réalisé par l'exploitant pour se constituer une épargne de précaution bloquée soit compensé par un avantage fiscal incitatif.
Il est donc proposé, par cet amendement, que seules 80 % des sommes déduites au titre de la déduction pour aléas soit réintégré dans le résultat fiscal de l'exploitation considérée, les conditions de réintégration n'étant, elles, pas modifiées.
Rappelons que les exploitants qui font l'effort d'opter pour le mécanisme de la déduction pour aléas entrent dans un système de couverture assurantiel des risques et non plus seulement dans un système de solidarité nationale, ce qui est le cas avec le fonds national de garantie des calamités agricoles.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour présenter l'amendement n° 253 rectifié.
M. Aymeri de Montesquiou. Cet amendement est identique à l'amendement n° 177, et je fais mienne l'argumentation de M. Vasselle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. La déduction pour aléas est un système de provisions destinées à être réinjectées dans l'activité économique.
Certes, l'ancienne DPA était difficile à utiliser, mais le texte que nous examinons prévoit que les fonds provisionnés peuvent être utilisés pour souscrire des assurances agricoles. Il n'y a aucune raison de considérer que, une fois reconstituées, les provisions pourraient aboutir à une thésaurisation, car il y a bien des occasions de souscrire des assurances !
Dans ces conditions, mes chers collègues, je ne pense pas que vos propositions soient tout à fait dans l'esprit du système et je vous propose de retirer vos excellents amendements ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, ministre. Le Gouvernement émet le même avis sur ces excellents amendements !
M. le président. Monsieur de Montesquiou, l'amendement n° 253 rectifié est-il maintenu ?
M. Aymeri de Montesquiou. Le qualificatif utilisé par M. le rapporteur pour avis rend moins douloureux le retrait de mon amendement ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. L'amendement n° 253 rectifié est retiré.
Et qu'en est-il de l'amendement n° 177, monsieur Vasselle ?
M. Alain Vasselle. Je le retire également : les propos de M. le rapporteur pour avis m'ont convaincu. L'avenir dira qui, de lui ou de nous, avait raison, et il est fort probable que ce sera plutôt lui !
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. Merci !
M. Alain Vasselle. Il est vrai, monsieur le rapporteur pour avis, que vous siégez vous au sein de la commission des finances, tandis que nous ne sommes nous que d'humbles sénateurs. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 177 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 176 est présenté par M. Vasselle.
L'amendement n° 252 rectifié est présenté par MM. Mouly et de Montesquiou.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Compléter le A du I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
... ° Le III est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La rémunération des sommes déposées sur ce compte n'est pas soumise à l'impôt sur le revenu. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'exonération de l'impôt sur le revenu des comptes visés à l'article 72 D bis du code général des impôts sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour défendre l'amendement n° 176.
M. Alain Vasselle. J'ai déposé cet amendement pour donner à M. le ministre et à M. le rapporteur pour avis le plaisir d'exprimer leur point de vue. (Sourires.)
Nous vous proposons d'encourager le développement de la DPA par une exonération fiscale sur les produits de l'épargne de précaution constituée par les agriculteurs afin de faire face aux aléas.
Le coût pour les finances publiques en serait relativement faible, car moins de cinq cents comptes DPA sont ouverts aujourd'hui.
Toutefois, comme le présent projet de loi d'orientation agricole ouvre de nouvelles perspectives, M. le rapporteur pour avis me fera probablement observer que mon amendement ne se justifie plus. Je l'écouterai avec plaisir ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour défendre l'amendement n° 252 rectifié.
M. Aymeri de Montesquiou. Les arguments que je pourrais développer sont exactement identiques à ceux de M. Vasselle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. M. Vasselle a déjà répondu pour moi. C'est bien agréable ! (Sourires.)
De fait, il est tout de même assez rare que des fonds provisionnés à des fins de précaution - ayant donc un objet très précis - puissent faire l'objet d'une déduction fiscale. Au demeurant, si tel était le cas, nous devrions en débattre à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances, et cette possibilité devrait alors être étendue à toutes les autres activités.
En réalité, sauf à trouver un accord sur ce point lors de l'examen du projet de loi de finances, il est, me semble-t-il, impossible de créer une déduction spécifique pour les fonds provisionnés dans le cadre de la DPA.
Par conséquent, je prie très aimablement nos collègues MM. Vasselle et de Montesquiou de bien vouloir retirer leurs amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 252 rectifié est-il maintenu, monsieur de Montesquiou ?
M. Aymeri de Montesquiou. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 252 rectifié est retiré.
Et l'amendement n° 176, monsieur Vasselle ?
M. Alain Vasselle. Je ne souhaite pas être désagréable, bien au contraire, envers M. le rapporteur pour avis.
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. Je le sais bien !
M. Alain Vasselle. Par conséquent, je retire l'amendement n° 176.
J'attire simplement votre attention sur un point, dont vous êtes d'ailleurs certainement tous conscients.
La conjoncture actuelle n'est pas, loin s'en faut, des plus favorables à notre agriculture, tant pour les éleveurs que pour les producteurs céréaliers. Par conséquent, des dispositions spécifiques, distinctes des mesures fiscales prises en faveur d'autres composantes de l'économie française, se justifieraient.
Certes, je l'admets, la proposition que je vous ai soumise relève du projet de loi de finances, et nous en discuterons peut-être de nouveau dans ce cadre. Toutefois, n'oublions pas, mes chers collègues, que le présent projet de loi d'orientation agricole n'aura d'intérêt et de valeur que s'il est accompagné d'autres mesures. Le volet fiscal est essentiel pour atténuer les effets dramatiques de la nouvelle PAC pour la profession agricole !
Aujourd'hui, de nombreuses exploitations agricoles se trouvent dans des situations économiques très tendues. Dès lors, le moindre aléa climatique, la moindre vicissitude ayant un effet sur la production ou la moindre augmentation de charges risque de les placer dans une extrême difficulté.
Nous devons tous en avoir conscience : un arsenal fiscal doit accompagner la réforme de la PAC.
M. le président. L'amendement n° 176 est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 95, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la troisième phrase du texte proposé par le B du I de cet article pour remplacer les trois premières phrases du I de l'article 72 D ter du code général des impôts :
Lorsque le bénéfice de l'exercice excède cette dernière limite, l'exploitant peut pratiquer, un complément de déduction pour aléas, dans les conditions prévues par l'article 72 D bis et dans la limite du bénéfice, à hauteur de 4 000 €.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à déterminer les conditions dans lesquelles un exploitant agricole peut pratiquer un complément de déduction pour aléas au-delà du plafond global commun défini pour les deux formes de déduction fiscale agricole, la DPI et la DPA.
Il convient de préciser que ce complément, à hauteur de 4 000 euros et dans la limite du bénéfice, ne peut être pratiqué qu'à la condition que le bénéfice de l'exercice excède le seuil de 90 000 euros qui a été fixé dans le même article.
M. le président. L'amendement n° 381, présenté par M. Soulage et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la troisième phrase du texte proposé par le B du I de cet article pour remplacer les trois premières phrases du I de l'article 72 ter du code général des impôts :
L'exploitant peut pratiquer un complément de déduction pour aléas, dans les conditions prévues à l'article 72 D bis et dans la limite du bénéfice, à hauteur de 1 500 € par salarié équivalent temps plein.
II - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les pertes de recettes résultant éventuellement pour l'Etat de l'extension de la déduction pour aléas sont compensées, à due concurrence, par un relèvement des droits visés à l'article 150 V bis du code général des impôts.
La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Cet amendement tend à rendre la dotation pour aléas plus attractive.
La DPA est en effet un outil intéressant pour aider les exploitants agricoles à gérer les risques climatiques et économiques auxquels ils sont confrontés : elle leur permet de constituer une épargne de précaution qu'ils peuvent ensuite réinjecter dans leur entreprise lorsque la conjoncture est moins favorable.
Malheureusement, ce dispositif n'est pas encore suffisamment incitatif et peu d'agriculteurs y ont recours.
Cet amendement tend à porter le complément de déduction de 500 euros par salarié équivalent temps plein à 1 500 euros et à supprimer le critère de 20 %.
En effet, pour être efficace, la DPA doit refléter dans son montant le niveau d'activité de l'entreprise. Or le montant de 500 euros par salarié équivalent temps plein prévu par la loi de finances rectificative de 2004 n'est pas suffisant pour garantir la pérennité d'emplois susceptibles d'être menacés en cas d'aléas. Un montant de 1 500 euros semble beaucoup plus cohérent avec la réalité des emplois dans les entreprises.
La DPA sera ainsi bien plus attractive et viendra compléter le dispositif d'assurance récolte.
En outre, augmenter le complément de déduction permet une meilleure prise en compte des salariés et s'inscrit pleinement dans le cadre de la politique gouvernementale de l'emploi.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 592 est présenté par Mme Henneron.
L'amendement n° 653 est présenté par M. Bizet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit la troisième phrase du texte proposé par le B du I de cet article pour remplacer les trois premières phrases de l'article 72 D ter du code général des impôts :
L'exploitant peut pratiquer un complément de déduction pour aléas, dans les conditions prévues à l'article 72 D bis et dans la limite du bénéfice, à hauteur de 1 500 euros par salarié équivalent temps plein.
La parole est à Mme Françoise Henneron, pour défendre l'amendement n° 592.
Mme Françoise Henneron. Cet amendement, semblable à celui que vient de présenter M. Soulage, tend à porter le complément de déduction de 500 euros par salarié à 1 500 euros et à supprimer le critère de 20 %.
Les modifications ainsi effectuées rendront la DPA beaucoup plus attractive, ce qui conduira au développement de l'assurance récolte, les deux dispositifs étant liés.
En outre, une meilleure prise en compte des salariés, en augmentant le complément de déduction, s'inscrit pleinement dans le cadre de la politique gouvernementale de soutien de l'emploi.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour défendre l'amendement n° 653.
M. Jean Bizet. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. Ces trois amendements visent à permettre de pratiquer un complément de déduction pour aléa de 1 500 euros par salarié au lieu des 500 euros prévus dans le présent texte.
Je considère que cette mesure est positive, mais, compte tenu du nombre de salariés concernés, je crois qu'elle serait un peu coûteuse. Je sollicite donc l'avis de M. le ministre, qui aura peut-être des réserves à formuler. Et, s'il n'en avait pas, ce serait parfait ! (Sourires.)
M. Gérard César, rapporteur. Quel bel appel !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, ministre. S'agissant de l'amendement n° 95, le Gouvernement, désireux de tenir compte de toutes les propositions intéressantes de M. le rapporteur pour avis, s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
En revanche, même s'il n'en conteste pas l'intérêt, le Gouvernement juge trop coûteuse la mesure proposée par Mme Henneron, M. Soulage et M. Bizet. Il ne peut donc pas émettre un avis favorable sur les amendements nos 381, 592 et 653, car la dépense qui est résulterait - nous l'avons calculée - serait trop importante.
Par conséquent, je demande aux auteurs de ces trois amendements de bien vouloir les retirer.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 381, 592 et 653 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 322, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le B du I de cet article pour modifier l'article 72 D ter du code général des impôts par un alinéa ainsi rédigé :
« Au plus tard le 31 décembre 2007, le Gouvernement présente un rapport afin de faire le bilan des mesures fiscales mises en oeuvre et en vue d'envisager un abondement de cette politique incitative, nécessaire pour conforter la viabilité économique des exploitants agricoles. »
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. J'ai déposé cet amendement pour faire plaisir à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, mais c'est sans doute M. le rapporteur pour avis qui exprimera son point de vue. (Sourires.)
Nous souhaitons que, au plus tard le 31 décembre 2007, le Gouvernement présente un rapport sur le bilan des mesures fiscales mises en oeuvre. Cela permettrait ensuite d'envisager un abondement de cette politique incitative, nécessaire pour conforter la viabilité économique des exploitations agricoles.
En effet, les dispositions que nous adoptons ne présentent d'intérêt que dans la mesure où nous pourrons en faire le bilan, soit à l'occasion de la discussion du prochain projet de loi de finances, soit lors de l'examen du projet de loi de finances de l'année n + 2.
Nous devons bien mesurer l'effet de ce dispositif au regard de la nouvelle PAC. Ce n'est qu'après cette analyse que nous pourrons apprécier s'il y a lieu de corriger le tir dans un sens ou dans un autre.
Certes, il n'est pas nécessaire de disposer d'un rapport et je me contenterai, bien entendu, d'un engagement du Gouvernement à revenir devant le Sénat afin de nous présenter les enseignements tirés de la mise en oeuvre de la politique agricole et de l'ensemble des mesures fiscales qui l'auront accompagnée.
M. Dominique Mortemousque. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. Voilà quinze jours que je travaille avec la commission des affaires économiques : je suis désormais sous influence et M. le rapporteur m'a en effet convaincu que les rapports ne sont pas toujours d'une grande utilité ! (Sourires.)
Je vous demande donc, monsieur Vasselle, de bien vouloir retirer votre amendement, afin de respecter la bonne entente qui existe entre la commission des finances et la commission des affaires économiques.
M. Gérard César, rapporteur. Merci, monsieur le rapporteur pour avis !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, ministre. Je suis tout à fait d'accord, monsieur Vasselle, pour que le Gouvernement présente un premier bilan à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2006.
En revanche, je ne peux pas, sous réserve de manquer de respect à l'égard des électeurs, prendre des engagements pour l'année suivante. Toutefois, si les électeurs avaient du bon sens, nous pourrions également présenter un tel rapport en 2007 ! (Sourires sur les travées de l'UMP. - Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Charles Revet. Comme c'est bien dit !
M. le président. L'amendement n° 322 est-il maintenu, monsieur Vasselle ?
M. Alain Vasselle. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 322 est retiré.
L'amendement n° 96, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Compléter le II de cet article par les mots :
sauf celles du 2° du A du I qui s'appliquent pour la détermination des résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2004.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. C'est un simple amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 20, modifié.
(L'article 20 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 20
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 178 est présenté par M. Vasselle.
L'amendement n° 254 rectifié est présenté par MM. Mouly et de Montesquiou.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. L'article 72 C du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les exploitants agricoles peuvent pratiquer une provision en vue du paiement des cotisations sociales visées aux articles L. 722-1 et suivant du code rural, lorsqu'ils sont en mesure de l'évaluer avec une approximation suffisante. »
II. Les pertes de recettes résultant du I sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour défendre l'amendement n° 178.
M. Alain Vasselle. Les cotisations sociales des non-salariés agricoles dues au titre d'une année sont assises sur la moyenne des revenus professionnels des trois années précédentes ou sur la base des revenus de l'année précédente.
Rappelons que le fait générateur est constitué par l'activité de l'entreprise au 1er janvier.
Il en résulte qu'un exploitant qui a eu de bons résultats les années précédentes pourra payer une cotisation élevée sur un exercice dont le résultat est faible.
L'amendement que je vous propose vise à permettre aux exploitants qui sont en mesure d'évaluer avec suffisamment de précision les cotisations dues au titre de l'année suivante de provisionner celles-ci, notamment les années où ils réalisent un bon résultat et sont ainsi plus à même de supporter la charge future.
Par nature, cette provision sera systématiquement rapportée l'année suivante.
Il s'agit d'aider les exploitations à gérer leur trésorerie avec plus de facilité.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour défendre l'amendement n° 254 rectifié.
M. Aymeri de Montesquiou. Cet amendement est identique à celui de M. Vasselle et je fais miens les arguments qu'il vient de développer.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. Ces amendements visent à donner aux exploitants agricoles la possibilité de constituer des provisions en vue du paiement de leurs cotisations sociales, afin de tenir compte des variations de leurs revenus.
Le principe général est bon, mais si on l'admettait pour les exploitants agricoles, il faudrait également l'étendre à d'autres secteurs d'activité, et pas uniquement pour les cotisations. Il est très difficile de faire figurer dans ce projet de loi d'orientation une mesure qui, alors qu'elle vise les entreprises agricoles, aurait des conséquences pour d'autres secteurs d'activité !
Certes, je comprends le principe de la constitution d'une provision s'agissant d'une charge liée à des revenus qui peuvent en effet diminuer. Cependant, il me semble très difficile d'accepter le dispositif tel qu'il nous est présenté.
Je vous demande donc, mes chers collègues, de bien vouloir retirer vos amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 178 est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. C'est assez désespérant !
M. René Garrec. Les chants les plus désespérés sont les chants les plus beaux ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle. Je me rends compte qu'il est très difficile de faire adopter des dispositions de cette nature et d'en débattre avec le Gouvernement lorsque l'on ne fait pas partie de la commission responsable du texte, et encore moins lorsqu'on n'en est pas le rapporteur !
M. Charles Revet. C'est difficile même quand on est membre de la commission !
M. Alain Vasselle. Peut-être, mais c'est tout de même un peu plus facile quand on en fait partie ! Et ça l'est encore plus quand on est rapporteur !
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Alain Vasselle. Cela dit, je le reconnais, ce n'est pas non plus toujours facile pour le rapporteur.
Je suppose donc que, si M. Bourdin a émis un avis défavorable, c'est qu'il a dû prendre l'attache du Gouvernement et que pas plus que la commission il ne lui a donné son feu vert. Il s'agit pourtant d'un amendement de bon sens ! Il me semble d'ailleurs que c'est avec gêne que M. Bourdin a émis un avis défavorable sur cet amendement, dont il a compris le bien-fondé, et qu'il aurait bien aimé me donner satisfaction !
Quant à M. le ministre, il s'est contenté de chausser les bottes de M. Bourdin et il a émis le même avis que lui, sans se poser trop de questions.
Je tiens toutefois à attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que l'aménagement que je vous propose - dont le coût financier ne serait pas très élevé pour le budget de l'Etat - permettrait aux exploitations agricoles, dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui, de gérer plus facilement leurs problèmes de trésorerie.
J'ignore si l'on vous a déjà alerté sur ce point, mais si, par malheur, après la mise en oeuvre de la nouvelle politique agricole commune, les exploitations agricoles avaient à subir l'an prochain des aléas climatiques comme ceux qu'elles ont connus cette année et qui se sont traduits par une diminution des rendements, alors plus de la moitié, voire les deux tiers d'entre elles connaîtraient inévitablement des problèmes de trésorerie. Je suis prêt à le parier !
La mesure que je propose, qui pourrait être négociée avec la MSA, est donc un moyen de les aider.
Toutefois, la volonté politique n'y étant pas, ce n'est pas la peine que j'insiste,...
M. Philippe Adnot. Si ! Insistez ! Insistez !
M. Alain Vasselle. ... car je n'obtiendrai pas satisfaction.
Je souhaitais néanmoins profiter de l'occasion qui m'est offerte pour vous alerter sur cette question, monsieur le ministre, et pour vous avertir que vous en serez de nouveau inévitablement saisi.
Cela étant, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 178 est retiré.
Monsieur de Montesquiou, l'amendement n° 254 rectifié est-il maintenu ?
M. Aymeri de Montesquiou. Pour une fois, je me désolidariserai de mon collègue Alain Vasselle. En effet, je vais maintenir mon amendement, monsieur le président.
Les arguments de M. le rapporteur pour avis ne sont pas de mise. En effet, il compare les activités économiques classiques et l'agriculture. Or les aléas agricoles sont sans commune mesure avec ceux que connaissent les autres acteurs économiques !
La mesure que je propose est de bon sens. Elle permettrait de donner un peu d'oxygène aux entreprises agricoles lorsqu'elles rencontrent des difficultés.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. Je souhaite intervenir sur deux points, monsieur le président.
Tout d'abord, monsieur Vasselle, je n'ai eu à demander le feu vert ni de M. le ministre ni de Bercy sur votre amendement. Il m'a simplement suffi de susciter l'avis de la commission des finances, qui peut très bien se débrouiller toute seule !
Ensuite, monsieur de Montesquiou, permettez-moi de dire que la rédaction de votre amendement est approximative : honnêtement, je ne sais pas bien ce que signifie l'expression « évaluer avec une approximation suffisante ».
M. Aymeri de Montesquiou. Les agriculteurs, eux, le savent !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre. Permettez-moi de rechausser un instant mes lunettes d'ancien secrétaire d'Etat au budget pour vous expliquer les difficultés que pose le dispositif que vous nous proposez.
Constituer une provision ne trouvant pas son origine dans un événement survenu au cours de l'exercice en vue de faire face à une charge probable est contraire aux principes élémentaires tant fiscaux que comptables. C'est donc une source formidable de contentieux.
En outre, un effet d'entraînement est à craindre. Ce dispositif ne pourrait pas être limité aux seuls exploitants agricoles et des amendements tendant à l'étendre à d'autres secteurs seraient donc immanquablement déposés lors de l'examen du projet de loi de finances. Le coût de cette mesure serait alors très élevé pour le budget de l'Etat.
Telles sont les raisons pour lesquelles, comme M. le rapporteur pour avis, je ne suis pas favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, pour explication de vote.
M. Dominique Mortemousque. Je comprends la passion avec laquelle s'exprime Alain Vasselle sur cette question, ainsi que l'attachement de M. Montesquiou à son amendement.
Alain Vasselle est, comme moi, paysan. Il sait donc qu'il n'est pas possible, aussi habile et pertinent que l'on puisse être, de prévoir avec exactitude les aléas climatiques un an à l'avance. Paysan depuis fort longtemps, je sais que, même si l'on est un bon technicien, certains éléments restent dépendants de la nature. Et la nature - heureusement, d'ailleurs ! - est plus forte que l'homme. On en pâtit donc parfois.
En la circonstance, il vaut mieux, me semble-t-il, que nous consacrions notre énergie à la mise en oeuvre d'un mécanisme de garantie contre les aléas, afin de prendre le relais du régime des calamités agricoles.
Cette question a été évoquée hier soir et nous devons prendre en main ce dossier. Le ministère de l'agriculture a déjà fait des efforts et amorcé la mise en oeuvre d'un dispositif permettant de garantir non seulement les aléas climatiques, mais également les aléas à caractère commercial ou autre. Plusieurs milliers d'exploitants agricoles y ont d'ailleurs déjà souscrit.
Nous avons la preuve qu'un tel dispositif est efficace pour l'agriculture et d'autres pays, notamment les Etats-Unis, l'ont mis en oeuvre. L'Etat doit donc nous accompagner dans ce mouvement et je vous conseille vivement, mes chers collègues, de déployer toute votre énergie en ce sens.
J'ai bien écouté les propos d'Alain Vasselle. Je partage son analyse sur les difficultés du monde agricole, mais les solutions qu'il nous propose me paraissent, pour reprendre un terme qu'il a utilisé hier soir, un peu timorées. Puisque nous examinons un projet de loi d'orientation agricole, nous devons fixer une véritable orientation, creuser un sillon et mettre au point un nouveau mécanisme de garantie globale.
Permettez-moi de vous citer l'exemple d'un GAEC dont je suis membre et où l'ensemble des récoltes - des prunes, des céréales, etc. - peut être assuré globalement. En cas d'aléa, nous pouvons donc nous en sortir.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Je suis content que M. de Montesquiou ait maintenu son amendement.
M. Mortemousque vient d'évoquer les aléas. Or ce n'est pas la question ! Il s'agit de pouvoir constituer des provisions sur les cotisations sociales.
M. le ministre a parfaitement raison : le coût de la mesure qui nous est proposée est élevé, c'est vrai.
Cela étant, est-il légitime de payer des cotisations sociales sur des revenus qui seront affectés à l'entreprise ? Que les exploitants en paient sur les revenus qui leur reviennent, c'est légitime, mais pas sur la totalité des revenus de l'entreprise !
C'est bien le problème en agriculture ! En effet, lorsqu'un exploitant connaît une année exceptionnelle, cela entraîne le paiement de cotisations elles aussi exceptionnelles. La sagesse voudrait pourtant que, au lieu d'inventer des systèmes d'assurance compliqués, on donne aux exploitants agricoles la possibilité de mettre en oeuvre un mécanisme d'auto-assurance.
En votant cet amendement, quitte à ce que la mesure soit ensuite supprimée en commission mixte paritaire, nous montrerons que nous avons la volonté de mettre en place un système juste et légitime.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20. (M. Bernard Piras applaudit.)
M. Alain Vasselle. Bravo, monsieur de Montesquiou, vous avez été plus courageux que moi. Je suis trop gentil avec M. le rapporteur pour avis !
M. le président. L'amendement n° 760, présenté par M. César, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A compter de la date d'application de la présente loi, l'assurance récolte est progressivement étendue à l'ensemble des productions agricoles.
Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Comme vous vous en doutez, mes chers collègues, je soutiens cet amendement, qui traduit l'une de mes préoccupations. (M. Roland Courteau s'exclame.)
Vous avez été nombreux à dire que, puisque nous examinons un projet de loi d'orientation, il nous faut fixer de grandes orientations.
M. Roland Courteau. Mais nous nous sommes déjà prononcés sur cet amendement, que nous avons repoussé !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Mon cher collègue, vous n'étiez pas présent en commission ce matin lorsque nous avons examiné cet amendement !
M. Roland Courteau. Mais nous l'avons repoussé hier en séance publique !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Ce n'est pas tout à fait le même !
Permettez-moi de vous expliquer pourquoi j'interviens sur cet amendement.
En 1997, mon collègue Marcel Deneux et moi avions réalisé un rapport sur l'avenir de la réforme de la politique agricole commune. Nous avions alors remarqué, lors de nos déplacements, que ce soit aux Etats-Unis ou en Espagne, que les Etats participaient financièrement à la mise en place de l'assurance récolte.
Pour que vous mesuriez bien l'enjeu de cette mesure, je vous rappelle que, aux Etats-Unis, 7 milliards de dollars sont affectés à l'agriculture pour permettre aux agriculteurs de souscrire une assurance récolte. Or cette assurance n'est pas considérée comme un avantage ou une distorsion de concurrence. Et on nous parle de mondialisation !
A l'échelon européen, notre agriculture présente une spécificité particulière, car deux problématiques mettent en péril nos exploitations agricoles : les aléas climatiques et la notion de prix.
En matière d'aléas climatiques, nous bénéficions, en France, de deux systèmes : le régime des calamités agricoles et celui des catastrophes naturelles.
Vous connaissez tous la procédure des calamités agricoles. Elle est longue, mais l'agriculteur peut alors prétendre à une consolidation de ses prêts. On parle alors de consolidation de l'endettement. Toutefois, l'aide de l'Etat ne compense jamais la perte d'exploitation et les exploitations sont ensuite fragilisées pendant plusieurs années : si un nouvel aléa climatique survient trois ou quatre ans après le premier, l'exploitation ne s'en remet jamais, elle reste fragile.
Pourquoi défendons-nous - et nous sommes assez nombreux à le faire - cette assurance récolte ?
Cette année, 55 000 à 60 000 contrats ont été souscrits avec une participation financière de l'Etat. Or je rappelle que la France compte 500 000 à 600 000 agriculteurs. Ce n'est donc qu'en élargissant l'assiette de l'assurance récolte qu'on lui donnera sa pleine efficacité.
Aujourd'hui, on constate que les agriculteurs qui s'assurent sont ceux qui sont les plus exposés. Dans ces conditions, à un moment donné, cela posera un véritable problème ! C'est pourquoi les termes de cet amendement ont été soigneusement pesés.
J'en rappelle les termes :
« A compter de la date d'application de la présente loi, l'assurance récolte est progressivement étendue à l'ensemble des productions agricoles.
« Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret. »
Cela signifie que cette disposition s'inscrit dans le temps. En effet, aujourd'hui, beaucoup d'exploitations agricoles subissant les aléas climatiques sont fragilisées. Or une conception moderne de l'entreprise agricole implique de permettre à l'ensemble des agriculteurs de notre pays de souscrire une assurance récolte.
Dès lors que l'Etat aide les agriculteurs à s'assurer, il faut en profiter de façon à sécuriser l'avenir du monde agricole français dans le contexte de l'Union européenne et dans celui de la mondialisation. Si de nombreux pays d'Europe donnent cette possibilité aux agriculteurs, je ne vois pas pourquoi, dans une loi d'orientation, nous n'irions pas dans ce sens.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, ministre. Je suis très favorable à l'amendement qui vient d'être présenté par le rapporteur et le président de la commission des affaires économiques.
En effet, le système de l'assurance récolte, qui a démarré cette année avec le soutien de l'Etat, rencontre un remarquable succès. On s'attendait à un démarrage relativement modeste ; or l'un des deux grands organismes d'assurance a obtenu près de 65 000 contrats à ce jour, et l'autre entre 5 000 et 10 000. C'est donc un remarquable succès au regard des 600 000 exploitants que compte notre pays.
Les agriculteurs sont intéressés par ce dispositif, que l'Etat va suivre en augmentant sa participation l'an prochain. Ce principe d'extension progressive des mécanismes d'assurance récolte est donc un élément très important. Et, parallèlement aux modes traditionnels de prise en compte des calamités, il est appelé à se développer de plus en plus.
Avec M. Revet, qui connaît bien ce sujet, nous évoquions hier les problèmes qui peuvent subsister. Le système doit-il être conçu par rapport aux calamités ? Concernera-t-il un jour les prix, les revenus ? Il reste en tout cas à bâtir une réflexion économique autour de cette problématique. C'est pourquoi montrer, dans une loi d'orientation agricole dont l'objet est de tracer des pistes pour l'avenir, que l'assurance récolte est une notion essentielle et encourager l'Etat à la mettre en oeuvre est très important.
Pour cette raison, je remercie beaucoup la commission d'avoir présenté cet important amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président de la commission des affaires économiques, je ne pourrais souscrire à votre proposition que si elle était facultative. Or, dans la mesure où elle renvoie à un décret, il semble qu'elle ne le soit pas.
Je vous le dis donc franchement : les perspectives que l'on veut, par ce biais, donner à l'agriculture ne sont pas bonnes. Une agriculture qui ne tolère plus le risque, des agriculteurs auxquels on ne donne pas les moyens de provisionner des dotations, comme ils l'ont toujours fait, et que l'on veut protéger de tout, cela n'est pas sain pour l'esprit d'entreprise, pour le métier.
Les agriculteurs sont déjà très administrés ; en voulant les mettre à l'abri de tous les risques, on va les « fonctionnariser » !
Je crois donc que votre proposition n'est pas bonne. Aujourd'hui, on peut s'assurer contre la grêle. Proposez une couverture des risques plus importante si vous le voulez, mais donnez à votre proposition un caractère facultatif. Si c'est le cas, je la voterai. Dans le cas contraire, je ne la voterai pas.
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.
M. Aymeri de Montesquiou. Le caractère « facultatif » de la mesure est en effet très important, je suis d'accord sur ce point avec notre collègue M. Adnot.
Cela étant, je rappelle qu'hier un amendement identique a été rejeté hier par notre assemblée. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gérard Le Cam. C'est du forcing !
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. Il s'agit là d'un élément fondamental de ce projet de loi d'orientation agricole.
Ainsi que le président de la commission des affaires économiques vient de le rappeler, quatre points sont essentiels dans ce texte : le passage d'une approche patrimoniale à une approche entrepreneuriale de l'agriculture ; l'inclusion du non-alimentaire en agriculture ; le fonds agricole ; enfin, la notion d'assurance récolte, qui nous intéresse à ce moment du débat.
Qu'on le veuille ou non, depuis le 15 avril 1994, l'agriculture est entrée dans une économie de marché et, au sein de l'Organisation mondiale du commerce, la France est en concurrence avec des partenaires qui ne lui rendent pas la tâche très facile.
M. Emorine l'a rappelé - comme je l'ai fait moi-même ce matin en commission -, 7 milliards de dollars sont, bon an mal an, injectés dans ce secteur par les Etats-Unis. Dotons-nous, de grâce, des mêmes armes qu'eux ! L'OMC accepte ce type d'engagement, et il n'y aura pas de distorsion de concurrence vis-à-vis des autres pays si nous agissons de la sorte.
Rendre facultatif le dispositif, c'est fragiliser une partie des agriculteurs qui n'auront pas eu la possibilité d'y souscrire. Puisque le Gouvernement, précisément, consent un effort financier important dans ce cadre, il me paraît indispensable - et, m'intéressant aux négociations au sein de l'OMC, je suivrai avec attention ce qui se passera à la mi-décembre à Hong Kong - de doter l'agriculture française des mêmes moyens que ceux dont disposent d'autres pays très compétitifs. En ne le faisant pas, nous fragiliserions notre agriculture.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Pastor. Je crains que l'on ne fragilise déjà l'agriculture française en la rendant complètement entrepreneuriale ! Même si c'est une nécessité pour une partie des agriculteurs, nombreux sont ceux qui resteront sur le bord du chemin et, dans cinq ou six ans, malheureusement, on verra les effets des orientations qui sont aujourd'hui tracées.
Le risque, en agriculture, est le propre même du métier d'agriculteur ! Calamités agricoles, catastrophes naturelles, voilà ce à quoi doit faire face le monde agricole, en prenant pour y répondre des assurances volontaires ou obligatoires.
Environ 55 000 agriculteurs ont jusqu'à présent contracté une assurance récolte, l'Etat accompagnant financièrement ces premières démarches qui concernent, pour 30 % à 40 % d'entre elles, de jeunes agriculteurs. C'est parfait !
Tout à l'heure, M. Emorine faisait allusion à l'Espagne et aux Etats-Unis. Or je souligne qu'en Espagne 60 % du montant de l'assurance est pris en compte directement par les pouvoirs publics !
Cela étant, monsieur le président, nous sommes confrontés à une situation particulière : hier, cet amendement a été rejeté par la porte, et il nous revient par la fenêtre. Apparemment, les uns et les autres, nous n'aurions pas compris la leçon, et c'est la raison pour laquelle on nous retape sur les doigts !
Alors que l'on se veut le plus libéral possible, prôner en permanence la mise en place de mécanismes de couverture et d'encadrement, c'est tout de même curieux, et cela fait un peu désordre dans la discussion de ce texte !
En fait, deux questions se posent.
Premièrement, s'agit-il d'un système facultatif ou obligatoire ? Plusieurs orateurs se sont déjà prononcés sur cette question.
Deuxièmement, puisque le Gouvernement est si intéressé par cet amendement que, de nouveau, il nous le propose indirectement, peut-il nous indiquer le montant et le pourcentage d'intervention que l'Etat compte investir dans le domaine de l'assurance ?
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je formulerai deux remarques, l'une sur la forme et l'autre sur le fond.
Sur la forme, depuis treize ans que je siège dans cette assemblée, c'est la première fois que je vois un amendement revenir en séance publique après avoir été rejeté la veille. En effet, la commission nous propose ici un texte très légèrement modifié, mais identique sur le fond.
M. Jean-Marc Pastor. Tripatouillage !
M. Alain Vasselle. Je pensais que le Gouvernement demanderait, sur cet amendement, une seconde délibération. Mais il ne l'a pas fait.
Donc, sur la forme, je m'étonne d'une telle procédure : est-elle autorisée par notre règlement ? Sur ce point, vous êtes seul juge, monsieur le président !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Elle l'est !
M. Alain Vasselle. Sur le fond, j'ai eu l'honnêteté intellectuelle d'admettre hier que, lorsque le président Emorine m'avait parlé de ce sujet, j'avais été tout à fait séduit par sa proposition, qui me paraissait aller dans la bonne direction. En effet, j'en partage l'esprit, à savoir la généralisation du système d'assurance à l'ensemble des productions agricoles,...
M. Gérard César, rapporteur. La généralisation progressive !
M. Alain Vasselle. ... selon un régime à caractère obligatoire et non facultatif.
Evidemment, la rédaction assez prudente de cet amendement laisse certaines questions en suspens. Il faudra donc que, sur ce point au moins, le Gouvernement et la commission nous éclairent afin que nous sachions dans quelle direction nous nous engageons.
Par ailleurs, il semblerait que les organisations professionnelles agricoles n'aient pas été consultées sur cette initiative, à en croire les contacts que j'ai eus avec les représentants des chambres d'agriculture de la région Nord, qui m'ont alerté sur cette disposition. Et ils m'ont fait savoir que cette disposition ne correspondait pas actuellement aux attentes de la profession agricole !
Je pense qu'une mesure de cette importance, qui engage financièrement les exploitants agricoles, mériterait au minimum qu'une concertation soit engagée avec les représentants des professions agricoles afin de déterminer les limites et le cadre d'intervention de ce type d'assurance. Ceux-ci craignent en effet que, comme cela se passe d'ailleurs pour la MSA, les agriculteurs du nord de la France financent un dispositif qui profitera essentiellement aux agriculteurs du sud de la France. (Protestations sur certaines travées de l'UMP.)
M. Jacques Blanc. Oh ! Un tel propos n'est pas acceptable !
M. Jean Desessard. Cela s'est produit !
M. Alain Vasselle. C'est peut-être un peu caricatural, mais je le répète tel que je l'ai entendu.
Je ne prétends que cet argument doit déterminer le vote des parlementaires, mais c'est une des préoccupations qui a été avancée. En tout état de cause, cela mérite une réflexion supplémentaire. La mutualisation trouve en effet ses limites dans le contexte actuel, et je ne suis pas sûr que l'on ait mesuré les conséquences de la nouvelle politique agricole commune sur la situation économique des agriculteurs.
M. Paul Raoult. C'est vrai !
M. Alain Vasselle. Alors que nous débattons de ce sujet depuis maintenant plusieurs jours, je crains que l'adoption de ce projet de loi d'orientation agricole ne réponde que très partiellement...
Mme Nicole Bricq. Et partialement !
M. Alain Vasselle. ... aux attentes de la profession. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yvon Trémel. Il va prendre sa carte du PS ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle. C'est ma conviction profonde aujourd'hui, et j'ai bien peur que les dispositions qui vont être mises en oeuvre ne créent une véritable déception. J'espère me tromper et que les faits viendront contredire les propos que je tiens aujourd'hui !
Si l'assurance récolte telle qu'elle nous est proposée nous apportait cette garantie, pourquoi ne pas adopter cet amendement ? Il mérite cependant d'être analysé, et il faudrait au minimum qu'un certain nombre de simulations soient faites.
Monsieur le ministre, vous nous dites qu'un des deux grands groupes d'assurance que nous connaissons a recueilli 65 000 adhésions. Je pense qu'il s'agit du groupe auquel j'ai fait référence hier...
Mme Nicole Bricq. Des noms !
M. Alain Vasselle. ... et qui a proposé aux agriculteurs - je fais partie de ceux-là - la gratuité de l'assurance récolte s'ils souscrivaient une assurance grêle chez lui ! Ce groupe d'assurance sait pertinemment qu'en offrant la gratuité de la cotisation pour la couverture de ce risque il ne prend lui-même aucun risque, parce qu'il sait que cette assurance ne jouera pas !
Il est donc un peu facile aujourd'hui de faire valoir que 65 000 exploitations ont déjà souscrit une assurance récolte, alors qu'elle ne leur a pas coûté un centime ! Il s'agit là d'une simple démarche commerciale et, dans ce domaine, il y a lieu d'être prudent et de procéder par étapes, de manière progressive. N'avez-vous pas fait preuve d'une très grande prudence pour d'autres dispositions fiscales ?
M. Adnot est intervenu avec beaucoup de pertinence tout à l'heure : soyons prudents afin de ne pas nous retrouver dans une situation qui se retournerait contre l'agriculture elle-même.
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, pour explication de vote.
M. Dominique Mortemousque. Je suis étonné par les propos de Jean-Marc Pastor.
Nous venons de passer plus de deux heures sur un sujet que l'Assemblée nationale a examiné de façon quelque peu hâtive.
M. Gérard César, rapporteur. C'est exact !
M. Dominique Mortemousque. Or, si nous ne prenons pas le temps de réfléchir, de mesurer, de peser, nous ne faisons pas notre travail. Nous ne devons pas hésiter à remettre l'ouvrage sur le métier si l'on a pu se tromper !
Beaucoup se sont interrogés sur le caractère facultatif ou obligatoire de l'assurance récolte.
Le système assurantiel agricole est régi par une loi qui a été élaborée en 1964 et qu'il paraît judicieux aujourd'hui, quarante et un ans après, de modifier. Aux termes de ce texte, chaque agriculteur est obligatoirement soumis à un certain nombre de taxes pour alimenter, avec l'aide de l'Etat, le fonds des calamités agricoles. Or vous n'êtes pas sans savoir, mes chers collègues, que ce fonds connaît de gros problèmes !
Si le régime des calamités de 1964 fonctionne bien dans vos départements, mes chers collègues, je comprends votre réticence à en changer. Mais, dans mon département, ce n'est pas le cas, car il est obligatoire, injuste et déresponsabilisant.
En effet, le régime actuel des calamités est basé sur un barème technique départemental établi de façon standard. Il en résulte que certains agriculteurs, parfois en raison d'une différence infime entre la situation de deux voisins, touchent des sommes qui peuvent représenter jusqu'à 20 % du revenu agricole, voire au-delà, tandis que d'autres ne perçoivent rien.
De plus, bien souvent, un agriculteur qui est dans une situation financière délicate peut être amené à envisager des productions complémentaires, notamment de l'élevage. Et, lorsque cet agriculteur soumet à son assureur un dossier calamité, le revenu théorique de la partie élevage est toujours supérieur à la norme, ce qui l'exclut du fonds. La situation est particulièrement injuste, car cet agriculteur contribue à alimenter le fonds de calamité.
En revanche, celui qui n'a qu'une production à assumer et qui fait la sieste ou va pêcher l'après-midi a toutes les chances de bénéficier des aides. C'est déresponsabilisant ! A-t-on envie de récompenser l'effort, ou n'en a-t-on pas envie ? J'ai souvent entendu dire que les friches n'étaient pas toujours positives, mais il faut bien motiver les agriculteurs !
La nouvelle assurance récolte qui nous est proposée corrige cette situation.
Notre collègue Philippe Adnot s'est interrogé sur son caractère facultatif. D'après ce que j'ai compris - mais j'attends les explications de M. le ministre -, chaque exploitant devra obligatoirement s'engager dans un mécanisme d'assurance, mais le degré de son implication demeurera libre. On peut comparer la situation à celle qui s'applique en matière d'assurance automobile : l'assurance auto est obligatoire, mais on peut choisir d'être assuré au tiers, tous risques, ou encore avec rachat de franchise.
Si le mécanisme qui sera défini par décret se rapprochait de cela, je serais prêt à l'accepter. Cependant, si tel n'était pas le cas et si l'on envisageait de créer un régime unique, alors je partagerais l'opinion d'Alain Vasselle.
J'ai toutefois compris qu'il ne s'agissait que d'abandonner petit à petit un système décrié qui ne répond pas aux besoins : notre collègue Bernard Cazeau vous dirait, s'il était présent dans l'hémicycle, qu'il est très mécontent du régime actuel, et que le conseil général de Dordogne, qu'il préside, est obligé d'intervenir parce que les agriculteurs ne peuvent prétendre chez lui à ce genre d'aide.
M. Jean-Marc Pastor. Quelle est votre question ?
M. Dominique Mortemousque. La question ? Elle est là : si l'on ne fait rien, c'est le régime actuel qui s'appliquera, avec toutes les injustices qui en découlent. Si nous réagissons, en revanche, le nouveau mécanisme permettra de responsabiliser les agriculteurs, tout en laissant une marge de manoeuvre à chacun en fonction des difficultés rencontrées. Ce sera du « cousu main » dans chaque cour de ferme !
M. Bernard Piras. Et les assurances se retourneront contre qui ? Contre les collectivités locales ! (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. Je me pose un grand nombre de questions.
J'ai cru comprendre que l'assurance récolte était facultative et que chaque exploitant agricole aurait la possibilité d'y souscrire ou non. Or j'apprends qu'elle est obligatoire.
M. Gérard César, rapporteur. Non, elle ne l'est pas !
M. Gérard Bailly. Il faudrait savoir : est-elle oui ou non obligatoire ?
M. Bernard Piras. Ils ne l'ont pas dit !
M. Jean-Marc Pastor. Ils n'en savent rien !
M. Gérard Bailly. Si elle est obligatoire, mon plaidoyer ne sera pas le même que si elle est facultative !
M. Gérard Bailly. Je vous en prie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Dominique Bussereau, ministre. Je tiens à répondre à tous ceux qui ont interrogé le Gouvernement sur cette disposition.
Le dispositif d'assurance récolte pour 2005 a été pris par un décret du 23 mars qui fixait le cadre de ce dispositif, les taux d'aide et les types de contrats, sans le rendre obligatoire.
Un financement de l'Etat est destiné à accompagner progressivement son développement. Ainsi, cette année, Hervé Gaymard a fait inscrire en loi de finances 10 millions d'euros. Devant le succès de cette mesure, qu'a rappelé Alain Vasselle, et parce que nous aidons plus les jeunes, nous avons finalement dépensé 18 millions d'euros en 2005.
Pour l'année prochaine, je vous proposerai, dans le cadre du projet de loi de finances, un financement de 25 millions d'euros.
Pour 2006, si l'amendement de la commission était adopté, il en serait de même, et l'assurance resterait facultative. Le principe du développement de l'assurance récolte serait inscrit dans la loi, mais son caractère facultatif demeurerait clairement affirmé, je le dis de manière solennelle devant la Haute Assemblée.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Bailly.
M. Gérard Bailly. Je vous remercie, monsieur le ministre, de la clarté de votre réponse.
La proposition qui nous est faite va ainsi pouvoir être votée sans problème, mais il fallait lever cette ambiguïté et je suis heureux que ma question ait permis de le faire.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Je souhaite d'abord dire à notre collègue Alain Vasselle que l'on ne peut pas opposer l'agriculture du sud à celle du nord.
M. Alain Vasselle. Pour la MSA, c'est comme cela que ça se passe : ce sont les gens du nord qui paient pour les gens du sud !
M. Jacques Blanc. Comparons, mes chers collègues, ce qui a été apporté à l'agriculture du nord, en particulier grâce aux aides de l'Europe, et ce qui a été apporté à l'agriculture du sud, notamment au vin, aux fruits et aux légumes : les agriculteurs du sud n'ont aucun complexe à avoir.
Il n'est pas bon d'opposer l'agriculture du nord à l'agriculture du sud. Le sud a besoin du nord, le nord a besoin du sud.
M. Jean Bizet. Et les agriculteurs du centre ? (Rires.)
M. Jacques Blanc. Mais je sais que M. le ministre se bat - et avec combien d'énergie ! - à Bruxelles pour que l'on n'y oublie pas cette exigence d'équilibre.
Quoi qu'il en soit, la réponse aux questions que nous nous posions vient d'être apportée par M. le ministre : il s'agira d'un processus nouveau qui sera progressivement mis en place par étapes, et la commission des affaires économiques a fait preuve de sagesse puisqu'elle a prévu que les conditions d'application du présent article seraient fixées par décret.
Il nous appartiendra ensuite de revenir peut-être un jour sur l'aspect obligatoire ou facultatif de ce régime d'assurance, et nous changerons peut-être d'avis en fonction des évolutions et du succès de ces assurances.
Nous offrons à nos agriculteurs, pour l'ensemble de leurs productions, une possibilité nouvelle d'assurance. De plus, comme notre éminent collègue Jean Bizet l'a rappelé tout à l'heure, elle est compatible avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce, elle est déjà utilisée par beaucoup de pays, et les financements prévus par l'Etat sont autorisés par Bruxelles.
Je me réjouis donc que la commission - dont je regrette de ne pas être membre - nous ait fait cette proposition.
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, pour explication de vote.
M. Daniel Soulage. Nous sommes un certain nombre à nous battre ici depuis plusieurs années pour cette assurance récolte qui, au-delà du service rendu aux agriculteurs, permettra également de transférer, comme l'a rappelé M. Bizet, certaines aides. Je rappelle qu'aux Etats-Unis la participation de l'Etat s'élève à 7 milliards de dollars par an ! Je me réjouis donc que ce principe de l'assurance récolte soit retenu.
Ce régime doit rester facultatif, du moins pendant quelques années : nous examinerons plus tard s'il convient de le rendre obligatoire mais, honnêtement, cela ne me semble pas utile actuellement.
Cette assurance devra être développée et nous aurons besoin d'aide, notamment au niveau des primes, mais des dispositions paraissent avoir été prises en ce sens et le Gouvernement semble prêt à mettre la main à la poche. Le secteur de l'assurance doit en tout cas être partant et se battre pour obtenir de nouveaux contrats, et il faudra faire jouer la concurrence.
Cela étant, les assureurs ne se lanceront vraiment dans ce secteur que si l'Etat intervient pour leur apporter des garanties en matière de réassurance. En effet, les risques agricoles sont tels qu'une compagnie d'assurance ne pourrait faire face seule à des calamités couvrant l'ensemble du territoire national. Une garantie doit donc être apportée à l'échelon le plus élevé.
Je crois qu'il faudra étudier cette question, monsieur le ministre, car il s'agira à terme d'un élément important.
Dans cette perspective, puisque l'objectif est d'étendre l'assurance récolte à l'ensemble des productions agricoles, il me semblerait également utile, pour avancer, que des expérimentations concernant des secteurs tels que la viticulture, les fruits et légumes, les fourrages, etc., puissent être conduites. Une étude approfondie est souhaitable avant toute extension.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. Comme cela a été dit tout à l'heure, nous avons besoin de toutes les agricultures, géographiquement parlant, mais aussi, d'une manière générale, de toutes les formes d'agriculture. A cet égard, je crains qu'une orientation trop univoque ne permette pas d'aller vers une agriculture pérenne.
La question que je voudrais poser à M. le ministre concerne le financement de l'assurance récolte.
Nous savons, en particulier ceux d'entre nous qui siègent dans les conseils généraux, que les présidents des caisses régionales d'un grand groupe d'assurances que je ne nommerai pas, à la différence de M. Mortemousque - mais nous pensons sans doute au même ! (Sourires) -, ont reçu mission de rencontrer les présidents des exécutifs départementaux afin d'obtenir qu'ils abondent la participation de l'Etat, considérée comme insuffisante.
M. Henri de Raincourt. Tous les ans, c'est pareil : nous le faisons pour l'assurance grêle !
Mme Odette Herviaux. Par conséquent, si demain le dispositif de l'assurance récolte devait être étendu à toutes les productions, les collectivités territoriales seraient encore plus sollicitées qu'elles ne le sont à l'heure actuelle, nous le savons bien, pour contribuer au financement. Or, vu les charges de plus en plus lourdes qui pèsent sur les budgets de toutes les collectivités territoriales, cela pourrait poser problème.
J'aimerais donc savoir quelle sera la hauteur de l'engagement de l'Etat. On parlait tout à l'heure de 60 % du montant de la prime d'assurance, comme en Espagne. Pourriez-vous préciser les choses, monsieur le ministre ?
M. Jean-Marc Pastor. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre. J'ai donné des chiffres tout à l'heure : le pourcentage est compris entre 30 % et 35 % pour 2005 et 2006.
S'agissant de l'engagement financier des collectivités territoriales, j'indiquerai simplement que celles-ci font ce qu'elles veulent.
M. Jean Bizet. Exactement !
M. Dominique Bussereau, ministre. Je prendrai un exemple bien connu de nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs : celui du plan de modernisation des bâtiments d'élevage. Certains conseils généraux ou régionaux, que leur majorité soit de droite ou de gauche, apportent leur contribution, tandis que d'autres s'y refusent. Ainsi, la région Auvergne consent une participation, au contraire de la région Rhône-Alpes voisine. Chaque collectivité territoriale fait ce qu'elle veut en fonction de sa sensibilité et des décisions prises par les conseillers généraux ou les conseillers régionaux.
Par conséquent, en ce qui concerne les aides complémentaires en matière agricole, la décision relève, comme dans d'autres domaines, de la responsabilité des élus, qui se prononcent en fonction de ce qu'ils pensent être l'intérêt général.
M. Gérard César, rapporteur. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Je ne pensais pas que cet amendement soulèverait autant de passion ! En le rédigeant, j'avais pourtant pris la précaution de préciser que les conditions d'application de la mesure que nous proposons seraient fixées par décret ! (M. Alain Vasselle rit.) Cela laissait beaucoup de latitude au Gouvernement pour définir les contours du dispositif, lui donner un caractère obligatoire n'étant pas essentiel.
Cela étant dit, je voudrais répondre à M. Adnot.
En 1995, j'ai rapporté le projet de loi de modernisation de l'agriculture à l'Assemblée nationale. J'ai alors découvert des agricultures diverses, qui n'étaient pas forcément du Nord ou du Sud.
En tout état de cause, pour qu'un agriculteur puisse constituer une provision pour parer aux aléas climatiques, encore faut-il qu'il ait dégagé des bénéfices. Or ceux-ci sont trop minces ou inexistants dans de nombreux cas.
Par ailleurs, M. Vasselle nous a reproché de ne pas avoir suivi les avis des organisations professionnelles.
Comme vous, mon cher collègue, je rencontre leurs responsables, et je crois savoir que M. le ministre les a beaucoup consultées. Cela étant, à vous qui défendez avec force le rôle du Parlement, je poserai la question suivante : devons-nous être aux ordres des organisations professionnelles ou devons-nous plutôt essayer, tout en les écoutant, de faire valoir notre appréhension d'enjeux liés, comme le rappelait M. Jean Bizet, aux négociations en cours au sein de l'OMC ?
Pour tout vous dire, monsieur Vasselle, j'ai entendu les responsables des jeunes agriculteurs, et je puis vous assurer que ces derniers sont favorables à l'assurance récolte.
M. Gérard César, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Je crois donc que le Parlement est ici dans son rôle, M. le ministre ayant pour sa part apaisé les craintes que nous pouvions éprouver.
Quant à la participation des collectivités territoriales au financement du dispositif, j'indiquerai à Mme Herviaux, ainsi qu'à MM. Pastor et Piras, que, dans mon département, à l'époque où j'étais responsable de la commission des affaires agricoles au sein du conseil général, nous incitions financièrement les jeunes à souscrire l'assurance grêle. Or, aujourd'hui, la donne a complètement changé, puisque l'Etat apporte sa contribution. Etait-ce le cas entre 1997 et 2002 ?
M. Jean-Marc Pastor. Mais avec la mission qui vient d'être confiée aux présidents des caisses de Groupama, on voit bien quelle est la tendance !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. L'Etat verse maintenant une participation, qui n'est pas négligeable, pour favoriser le développement de l'assurance récolte. Si un groupe d'assurances se tourne vers les conseils généraux pour obtenir un complément à cette aide, c'est son affaire, mais il existe tout de même dans notre pays plus d'une compagnie d'assurances susceptible de s'intéresser à l'agriculture ! A cet égard, la concurrence doit jouer.
Tel est l'esprit qui sous-tend cet amendement. Il s'agit à mes yeux d'essayer d'inscrire définitivement l'entreprise agricole dans le contexte européen et, surtout, comme l'a souligné M. Bizet, dans le cadre établi par l'OMC.
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, pour explication de vote.
M. Bernard Piras. Eu égard aux hésitations de M. le président de la commission et de M. le rapporteur, qui semblent toutefois avoir été levées, il serait préférable, à mon sens, que le caractère facultatif de l'assurance récolte soit explicitement mentionné dans le texte de l'amendement. Cela permettrait de rassurer tout le monde !
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. On ne peut naturellement qu'être favorable à l'existence et au développement d'un système d'assurance récolte.
Cela dit, nous ne partageons pas, j'ai déjà eu l'occasion de le dire lors de mon intervention dans la discussion générale, la philosophie sous-tendant la mise en oeuvre de cette assurance récolte, qui, à notre sens, affaiblira le FNGCA et entraînera un recul de la solidarité nationale, au profit des assureurs privés.
Encore faudra-t-il, d'ailleurs, que ceux-ci jouent le jeu. En effet, dans un autre domaine - mais qui est quelque peu comparable, celui de l'assurance dommages ouvrage -, on constate tout simplement, sur le terrain, que les grands groupes d'assurances ne s'engagent plus.
En outre, je m'étonne que l'on puisse nous dire que prendre des mesures d'exonération fiscale - et elles sont nombreuses dans le projet de loi - ou aider au développement de l'assurance récolte n'engendrerait pas de distorsions de concurrence, mais que, en revanche, mettre en place des dispositifs de soutien des prix des denrées agricoles en créerait. J'avoue ne pas comprendre. Il faudra m'expliquer comment on peut raisonner ainsi au sein de l'OMC et des instances européennes : tout cela manque vraiment de logique !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 20. (M. Jacques Blanc applaudit.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Philippe Richert.)