compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
candidatures à une commission d'enquête
M. le président. L'ordre du jour appelle la nomination des membres de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine.
En application de l'article 11, alinéa 2, du règlement, la liste des candidats présentée par les présidents des groupes a été affichée et les candidatures seront ratifiées, s'il n'y a pas d'opposition, dans le délai d'une heure.
3
Loi d'orientation agricole
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, d'orientation agricole (nos 26, 45, 50).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n° 395 tendant à insérer un article additionnel avant l'article 1er.
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 395, présenté par MM. Le Cam, Billout et Coquelle, Mmes Demessine, Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de permettre, en toute transparence, la réalisation d'un bilan contradictoire sur les effets de la libéralisation engagée par l'Organisation mondiale du commerce depuis 1995, la France, par l'intermédiaire du Ministre de l'Agriculture, adresse à cette institution internationale, une demande de gel des négociations actuelles sur le commerce de denrées agricoles.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que 800 millions de personnes ne mangent pas à leur faim dans les pays en développement, on doit mesurer les effets de la libéralisation agricole, engagée dans le cadre de l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce.
Les effets néfastes de cette libéralisation pour les pays et les exploitations les plus fragiles sont avérés. La concurrence globale toujours plus forte entre les marchés agricoles mène inéluctablement à l'exclusion des plus petits exploitants et à une concentration des richesses. En témoigne l'amplification constante de la fracture entre un Nord riche et un Sud pauvre.
Le cinquième de la population mondiale, le plus démuni, ne dispose que de 1,5 % des ressources de la planète, tandis que le cinquième le plus riche en détient, à lui seul, 80 %.
Ainsi, libéraliser à tout va, sans se poser la question des effets produits, aboutit à faire reposer la sécurité alimentaire sur la production des pays les plus compétitifs.
La FAO, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, estime que le déficit commercial agricole des pays en développement atteindra 31 milliards de dollars d'ici à 2030, contre 18 milliards de dollars en 2015. Celui des pays les moins avancés, dont les importations à la fin des années quatre-vingt-dix étaient, en valeur, deux fois supérieures aux exportations, sera multiplié par quatre d'ici là.
Face à cette situation, les signataires des accords OMC doivent respecter leurs engagements concernant l'aide alimentaire aux pays les plus vulnérables. En outre, ils doivent reconnaître le droit à l'autosuffisance alimentaire et garantir des prix minima pour les agricultures paysannes.
Avant tout, un bilan contradictoire sur les effets de la libéralisation engagée par l'Organisation mondiale du commerce devrait être réalisé au plus vite.
Par ailleurs, la question de l'accès au marché des produits d'exportations est primordiale pour les pays en développement, car elle conditionne la mise en valeur de leur potentiel agricole. Certes, l'accord sur l'agriculture a entraîné des réductions tarifaires à l'entrée des marchés des pays développés, mais ces mesures, largement inefficaces, n'ont pas, hélas ! permis aux pays du Sud de combler leur retard.
S'agissant des aides internes, les pays en développement, en raison des programmes d'ajustement structurel, soutiennent très peu leur agriculture. En outre, le fait d'avoir notifié des soutiens nuls à l'OMC les empêche, en raison des périodes de référence utilisées par les règles multilatérales, de mettre en oeuvre aujourd'hui des mécanismes de soutien aux prix et de régulation des cours.
Actuellement, la seule possibilité pour un pays en développement est d'utiliser les aides classées en boîte verte, c'est-à-dire entièrement découplées de la production. Comme le budget de l'Etat les finance directement, son faible niveau, conjugué au poids de la dette, les rend en fait inaccessibles à la plupart des pays en développement.
Les pays développés, quant à eux, ont négocié un accord protégeant leurs politiques agricoles. En 2002, le soutien total à l'agriculture dans les pays riches est estimé, dans l'ensemble de la zone OCDE, à 318 milliards de dollars.
Monsieur le ministre, face à ce constat alarmant, il est grand temps d'établir un bilan détaillé et contradictoire des effets de la libéralisation agricole, afin de proposer des solutions à la fracture entre le Nord et le Sud.
L'impératif d'autosuffisance et de sécurité alimentaire exige une exception au libre-échange et nécessite un revirement total des politiques au sein de l'Organisation mondiale du commerce.
La France, avec ses partenaires européens, doit demander le gel immédiat des négociations actuelles sur le commerce de denrées agricoles, dans l'attente de la réalisation du bilan demandé.
Tel est le sens de notre amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Cet amendement ne me paraît pas avoir sa place dans un projet de loi, car il se rapporte plus à des intentions politiques qu'à des dispositions normatives.
Comme M. le ministre l'a rappelé hier soir lors de la discussion générale, le Président de la République a récemment précisé que la France, dans le cadre des négociations de l'OMC, n'accepterait pas d'accord qui menacerait notre agriculture.
Plutôt que de penser que nous pouvons sans dommage quitter la table des négociations, la commission estime pour sa part qu'il convient d'examiner avec attention la réalité des négociations commerciales, afin de défendre au mieux nos intérêts. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Pour les mêmes raisons que celles qui ont été indiquées par M. le rapporteur, le Gouvernement pense que cet amendement n'a pas sa place dans le projet de loi d'orientation agricole.
Au demeurant, je rappelle aux auteurs de cet amendement ainsi qu'à tous les sénateurs présents la détermination du Gouvernement dans ce domaine. J'évoquerai de nouveau ce sujet cet après-midi, à l'occasion des questions d'actualité. En effet, dans cette affaire, vous avez eu raison de le rappeler, monsieur Bret, nos intérêts fondamentaux sont en jeu.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 395.
M. Alain Vasselle. Je vote contre cet amendement, en raison des motifs invoqués par M. le ministre.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 1er ou après l'article 1er
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 399, présenté par MM. Le Cam, Billout et Coquelle, Mmes Demessine, Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 311-1 du code rural, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Sont exploitants agricoles ceux qui exercent une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du présent code en vue de la valorisation et de la mise en marche de leur production. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement vise à garantir le caractère civil de l'activité agricole. La nouvelle politique agricole commune autorise le versement d'aides directes, sans exiger en contrepartie une exploitation agricole effective. Ainsi, les usages au titre de loisirs ou de rente de terres agricoles autorisent le versement d'aides directes.
Il est donc important de préciser la définition de l'activité agricole, pour limiter les risques d'abus liés à la nouvelle politique agricole commune, en énonçant qu'une activité agricole effective impose la commercialisation de sa production, voire, dans certains cas, de ses services, ce qui exige l'existence d'un lien avec le marché, mais aussi avec le territoire.
Nous entendons éviter ainsi la généralisation de la possibilité de percevoir des aides, sans travailler sa terre et tout en exerçant ailleurs une autre activité. En effet, ce système, en encourageant l'agriculture française à réduire sa fonction de production, va affaiblir notre économie rurale.
Précisons enfin que, si l'activité agricole conserve un caractère civil, les nouvelles dispositions relatives au fonds agricole emportent certaines conséquences sur la situation des agriculteurs. En effet, par définition, les dispositions du code de commerce sur le nantissement s'appliquent uniquement aux commerçants, qui seuls exploitent un fonds de commerce. Or, en étendant la possibilité de nantissement aux fonds agricoles, on accroît les risques des agriculteurs.
De ce fait, si le produit de la vente du fonds agricole nanti en garantie d'une dette ne suffit pas à désintéresser les créanciers, leur possibilité de poursuivre la personne sur ses biens propres subsiste. Dès lors, l'objectif affiché par le Gouvernement de créer un fonds agricole pour séparer les biens professionnels de l'agriculteur de ses biens personnels est largement remis en cause.
M. le président. L'amendement n° 460, présenté par MM. Pastor, Bel, Piras et Lejeune, Mmes Herviaux et Y. Boyer, MM. Raoult, Courteau, Trémel, Dussaut, Lise, Saunier, Repentin, Teston et Cazeau, Mme Bricq, MM. Le Pensec, Marc, S. Larcher, Collombat, Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 311-1 du code rural est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... -Sont exploitants agricoles ceux qui exercent une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du présent code en vue de la valorisation et de la mise en marché de leur production. »
La parole est à Mme Yolande Boyer.
Mme Yolande Boyer. Après avoir présenté, hier, un amendement tendant à définir l'agriculture, nous défendons aujourd'hui l'amendement n° 460, visant à définir l'exploitant agricole. En effet, le code rural, qui contient une définition de l'activité agricole, n'apporte pas une telle précision.
L'inscription au registre de l'agriculture ne paraît pas être un élément suffisant, puisqu'une comparaison avec le code de commerce montre que l'inscription au registre de commerce existant n'interdit pas la définition du commerçant.
Alors que le Gouvernement entend créer le fonds agricole à l'image du fonds de commerce, la définition de l'exploitant agricole paraît donc nécessaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Je suis surpris que cette question soit soulevée. En effet, la définition de l'exploitant agricole est connue de nous tous, puisque beaucoup d'entre nous l'ont été ...
M. Dominique Mortemousque. Certains le sont encore !
M. Gérard César, rapporteur. ... et connaissent par conséquent les conditions de travail très dures auxquelles est confrontée cette profession. Les agriculteurs travaillent du matin au soir, sans pouvoir, le plus souvent, se reposer le dimanche. Et je ne parle pas des éleveurs laitiers, qui sont contraints de faire la traite tous les jours, y compris le dimanche.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, ministre. L'avis du Gouvernement est identique à celui de la commission.
Au demeurant, je renvoie les auteurs de ces deux amendements à l'article L. 311-1 du code rural, qui leur donne entièrement satisfaction, en offrant une définition de l'activité agricole.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 460.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
L'article L. 311-3 du code rural est ainsi rétabli :
« Art. L. 311-3. - Le fonds exploité dans l'exercice de l'activité agricole définie à l'article L. 311-1, dénommé «fonds agricole», peut être créé par l'exploitant. Cette décision fait l'objet d'une déclaration à l'autorité administrative.
« Ce fonds, qui présente un caractère civil, peut faire l'objet d'un nantissement dans les conditions et selon les formalités prévues par les chapitres II et III du titre IV du livre Ier du code de commerce.
« Sont seuls susceptibles d'être compris dans le nantissement du fonds agricole le cheptel mort et vif, les stocks et, s'ils sont cessibles, les contrats et les droits incorporels servant à l'exploitation du fonds, ainsi que l'enseigne, les dénominations, la clientèle, les brevets et autres droits de propriété industrielle qui y sont attachés. »
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, sur l'article.
M. Charles Revet. Monsieur le ministre, je souhaite donner des explications sur la création de ce fonds agricole.
Hier, au cours de la discussion générale, j'ai dit que je ne pouvais qu'être favorable à ce fonds, puisque j'avais proposé sa création lors de l'examen du précédent projet de loi d'orientation agricole. Il s'agissait de distinguer les biens personnels et l'outil d'exploitation, afin de ne pas mettre en difficulté certaines familles.
J'avais donc proposé un fonds agricole, sur le modèle des fonds de commerce, afin de faciliter l'installation de jeunes agriculteurs. En effet, dans certains cas, les parents cèdent l'exploitation agricole à leur fils et la continuité des investissements est alors assurée.
Aujourd'hui, de nombreux jeunes, qui ne sont pas issus du monde agricole, souhaitent s'installer en reprenant l'exploitation d'un agriculteur qui n'a pas de successeur dans sa famille. Or, on sait que, très souvent, les personnes qui parviennent au terme de leur carrière ralentissent leur effort d'investissement. Le jeune repreneur doit alors s'endetter lourdement pour disposer d'un outil moderne.
Prévoir un « package » pour l'installation d'une jeune exploitant à travers le fonds agricole me semble une disposition judicieuse.
A bien y réfléchir d'ailleurs, en agissant de cette façon, nous ne faisons que reprendre ce qui existait auparavant. Il y a quarante ou cinquante ans, un jeune exploitant commençait par s'installer sur une petite exploitation, puis, au bout de dix ans, en achetait une deuxième, ensuite une troisième, etc. C'est ainsi qu'il s'agrandissait. Aujourd'hui, un jeune agriculteur étend son exploitation en acquérant les terrains qui entourent le sien.
Monsieur le ministre, afin qu'aucune ambiguïté ne subsiste, pouvez-vous nous indiquer ce que vous entendez par « fonds agricole » ? Hier, notre collègue Evelyne Didier a évoqué l'intégration du foncier dans le fonds agricole. Je ne crois pas trahir ses propos, elle rectifiera si je me trompe. (Mme Evelyne Didier acquiesce.)
Peut-être que cela va sans dire, mais sans doute vaut-il mieux le préciser, monsieur le ministre. Le fonds agricole comprend-il seulement l'outil de travail, c'est-à-dire le cheptel mort et vif et tout ce qui en dépend, ou bien concerne-t-il l'exploitation dans son entité avec, d'une part, le foncier - ce serait dommage, je ne suis pas du tout partisan de cette option, il faut séparer le foncier et l'outil de travail - et, d'autre part, l'outil d'exploitation en l'état, que reprend l'agriculteur qui s'installe ?
Puisque l'article 1er prévoit la création d'un fonds agricole, il me semble important, monsieur le ministre, que vous nous indiquiez ce que ce fonds inclut et exclut.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre. Je vous réponds d'autant plus volontiers, monsieur Revet, que le fonds agricole constitue l'un des éléments essentiels de ce projet de loi d'orientation.
Monsieur le sénateur, le fonds agricole, qui s'inscrit dans l'esprit de votre précédente proposition - je vous en félicite, car vous avez été novateur en la matière -...
M. Gérard César, rapporteur. Comme toujours ! (Sourires.)
M. Dominique Bussereau, ministre. ... comprend tous les éléments nécessaires à l'exploitation, à l'exception du foncier et des bâtiments. Il inclut donc les biens corporels - le matériel, le cheptel, les stocks - et les biens incorporels, s'ils sont librement cessibles, - les contrats, la clientèle, les labels, les certifications, etc. -, comme pour un fonds de commerce classique.
J'apporterai des précisions sur trois points.
Le fonds agricole ne comprend les contrats de bail et, à travers le bail, l'accès au foncier que s'ils sont cessibles. C'est logique.
Le fonds agricole comprend aussi les droits à paiement unique, les DPU, car ils ont une valeur commerciale. En revanche, il exclut les droits à primes ou à produire - je pense, par exemple, aux quotas laitiers -, qui ne sont pas cessibles et n'ont pas de valeur, puisqu'ils sont administrés.
Le fonds agricole inclut également tout contrat commercial entre l'exploitation et une coopérative ou un négociant. Néanmoins, il ne prend pas en compte un contrat administratif entre l'Etat et l'agriculteur, par exemple un contrat d'agriculture durable, le CAD, qui, lui, n'est pas cessible.
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 396, présenté par MM. Le Cam, Billout et Coquelle, Mmes Demessine, Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous venez d'apporter. En effet, à lire le rapport de M. Gérard César, le fonds agricole inclut les droits à produire, ce qui a pu induire en erreur un certain nombre d'entre nous. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai moi-même mentionné les quotas laitiers hier soir. Vos éclaircissements étaient donc nécessaires : ils soulignent que sont exclus de cette nouvelle entité juridique et économique le foncier et les bâtiments. Nous y reviendrons tout à l'heure dans le cadre de la notion de fonds amortissable.
Je défendrai simultanément les amendements nos 396 et 397.
L'article 1er du projet de loi d'orientation agricole crée un fonds agricole. Cette disposition a été justifiée par le Gouvernement et par la majorité à l'Assemblée nationale par la nécessité de mieux appréhender la valeur marchande des exploitations.
Le rapporteur de la commission des affaires économiques voit, quant à lui, dans cette nouvelle disposition, « le fondement de l'évolution portée par le présent projet de loi d'orientation, à savoir l'insertion des activités de production agricole dans une démarche d'entreprise ». Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen y voient au contraire, comme M. César le notait d'ailleurs voilà quelques années, « la généralisation des "pas-de-porte" qui seraient une contrainte financière supplémentaire pour les agriculteurs et ainsi un nouvel obstacle à l'installation ».
Avant d'aborder les dangers de la création d'un fonds agricole, nous souhaitons dès à présent dénoncer son utilité.
En effet, comme cela a été rappelé lors des discussions à l'Assemblée nationale, il existe déjà un outil juridique permettant de recenser les éléments qui constituent la valeur d'une exploitation agricole : le compte de bilan et le compte d'exploitation. Ces éléments font l'objet d'une définition législative.
Par conséquent, la création du fonds agricole constitue seulement le moyen de prendre en compte de nouveaux droits incorporels, avec tous les risques que cela comporte.
Ainsi, le fonds agricole permet d'intégrer un certain nombre de biens incorporels dans le calcul de la valeur de l'exploitation agricole, notamment des marques de producteur, des accords commerciaux ou des droits à paiement dans le domaine des aides agricoles.
L'inévitable question de tous les droits à prime se pose alors, et ce avec d'autant plus d'acuité que la réforme de la politique agricole commune laisse entrevoir, avec le découplage des aides, une évolution particulièrement dangereuse pour notre agriculture. La répartition particulièrement discriminatoire des aides mise en place par le Gouvernement confirme d'ailleurs cette tendance.
Tout d'abord, les droits à paiement n'ont pas de valeur en eux-mêmes. Ils n'en ont qu'en fonction de l'accès au marché et des possibilités de valorisation de l'exploitation.
De plus, ces droits sont très évolutifs. En effet, une exploitation agricole peut bénéficier aujourd'hui de droits à paiement unique théoriquement garantis jusqu'en 2013. Or, chacun le sait, au sein de l'Union européenne, certains demandent à revenir sur une telle garantie. Par conséquent, ce qui est vrai aujourd'hui ne le sera peut-être plus dans trois ou quatre ans, encore moins en 2013.
Pour évaluer la rentabilité d'une exploitation agricole à long terme, il faut donc absolument exclure du fonds agricole les droits à produire et les primes.
En tout état de cause, quelle légitimité accorder à un mécanisme permettant de céder des droits qui ne sont pas la propriété de l'agriculteur ?
Ensuite, intégrer dans le fonds agricole de tels éléments incorporels risque d'entraîner une augmentation démesurée de la valeur de celui-ci, donc de poser des problèmes de succession de façon plus aiguë que par le passé. Ce n'est pas ainsi que seront réglées les discussions entre héritiers. Plus largement, augmenter le coût des exploitations risque de compliquer les transmissions et de constituer une entrave à l'installation des jeunes agriculteurs souvent peu fortunés.
Nous le voyons bien, la création de ce fonds agricole est potentiellement explosive pour les plus petites exploitations.
En effet, que nous le voulions ou non, c'est la loi de l'offre et de la demande qui s'appliquera. En résumé, cette disposition favorise l'accès à la terre pour les agriculteurs les plus riches.
Qui plus est, en créant le fonds agricole, qui sera négocié de gré à gré, vous mettez en danger la politique de contrôle des structures qui permet d'installer un jeune, de conforter une exploitation, de faire des choix de développement pour un territoire donné. Vous affaiblissez également la politique de maîtrise foncière mise en oeuvre - tant bien que mal, il est vrai - par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, les SAFER.
En réalité, l'objectif de ce projet de loi d'orientation agricole est très clair : c'est la libéralisation de notre agriculture.
Il s'agit bien d'appliquer le système du libéralisme à une agriculture, traditionnellement familiale, composée d'exploitations à taille humaine, pour l'ouvrir, petit à petit, aux capitaux. Ce texte vise à transformer cette agriculture en secteur qu'il faut qualifier de « capitalistique », ainsi que je l'ai fait hier soir.
Monsieur le ministre, votre objectif n'est pas de servir les intérêts des agriculteurs, sinon une partie infime d'entre eux. Il est bien plutôt de faciliter une agriculture de masse confiée à de grands exploitants. Avec le fonds agricole, vous créez tout simplement l'outil juridique nécessaire à la mise en oeuvre d'une telle politique.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 1er.
M. le président. L'amendement n° 301 rectifié, présenté par MM. Hyest, Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour rétablir l'article L. 311-3 du code rural :
« Art. L. 311-3. - Le fonds exploité dans l'exercice de l'activité agricole définie à l'article L. 311-1 est dénommé fonds agricole. Le fonds est constitué de l'ensemble des éléments corporels et incorporels nécessaires à l'exploitation. Il est évalué en fonction de sa capacité à générer un revenu.
« Le fonds agricole peut faire l'objet, nonobstant son caractère civil, d'un nantissement dans les conditions et sous les formalités prévues par les chapitres II et III du chapitre IV du livre Ier du code de commerce.
« Sont compris dans le nantissement du fonds agricole, le cheptel mort ou vif, les stocks, les améliorations apportées aux immeubles et les contrats et les droits incorporels servant à l'exploitation du fonds, ainsi que l'enseigne, les dénominations, la clientèle, les brevets et autres droits de propriété intellectuelle qui y sont attachés. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 201 rectifié bis, présenté par Mmes Henneron, Desmarescaux et Rozier, MM. Adnot, Grillot, Huré, Revet et Retailleau, est ainsi libellé :
Remplacer les premier et deuxième alinéas du texte proposé par cet article pour rétablir l'article L. 311-3 du code rural par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fonds exploité dans l'exercice de l'activité agricole définie à l'article L. 311-1, dénommé fonds agricole, peut faire l'objet, nonobstant son caractère civil, d'un nantissement dans les conditions et sous les formalités prévues par les chapitres II et III du titre IV du livre Ier du code de commerce.
La parole est à Mme Françoise Henneron.
Mme Françoise Henneron. Cet amendement vise à revenir à la rédaction initiale de l'article 1er du projet de loi d'orientation agricole.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale rend le fonds agricole optionnel, ce qui entraîne incontestablement une perte de lisibilité quant aux orientations et aux ambitions de ce projet de loi d'orientation.
La création du fonds agricole présente l'intérêt de dépasser l'approche patrimoniale de l'agriculture et de permettre une évaluation économique de l'entreprise. En d'autres termes, la valeur d'une exploitation résulte non pas de l'addition des biens qui la composent, mais de sa capacité à dégager durablement un revenu.
Cet objectif ne doit pas être affaibli en rendant le fonds agricole optionnel, qui vise à rassurer ceux qui craignent que le fonds agricole ne se traduise par un renchérissement des transactions.
À cet égard, il est utile de rappeler que, depuis au moins trois décennies, l'évaluation des parts de société s'effectue selon une approche économique, c'est-à-dire en fonction de la somme actualisée des profits futurs. Cette méthode n'a pas eu pour effet de renchérir la valeur des 43 000 groupements agricoles d'exploitation en commun, les GAEC, des 58 000 exploitations agricoles à responsabilité limitée, les EARL, et des 20 000 autres sociétés civiles ! La constitution de sociétés n'a pas non plus eu pour effet de pénaliser l'installation des jeunes. Bien au contraire, l'installation se fait majoritairement sous forme sociétaire.
La création du fonds agricole n'entraînera pas plus de surévaluation que le phénomène sociétaire. Au contraire, c'est l'approche patrimoniale qui conduit souvent à surestimer la valeur des actifs, ce qui pénalise l'installation, puisque les jeunes ne sont pas en mesure d'assumer des coûts sans lien avec la rentabilité de l'exploitation.
M. le président. L'amendement n° 76, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-3 du code rural.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cet amendement ne vise pas à bouleverser les dispositions de l'article 1er. La commission des finances partage pleinement la position de l'Assemblée nationale ainsi que l'avis du rapporteur de la commission des affaires économiques du Sénat.
Pour autant, déclarer à une autorité administrative la création d'un fonds agricole risque d'entraîner des lourdeurs. Ce sont des opérations de nantissement ou de cession du fonds qui permettront de révéler la valeur du fonds agricole et d'officialiser son existence.
Il s'agit donc d'un amendement de précision, qui ne remet pas en cause l'essentiel.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. César, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
A la fin de la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-3 du code rural, remplacer les mots :
à l'autorité administrative
par les mots :
au centre de formalités des entreprises compétent
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. La commission des affaires économiques a le souci d'alléger l'obligation déclarative introduite par l'Assemblée nationale.
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Gérard César, rapporteur. Toutefois, elle souhaite conserver le principe de la déclaration, afin de souligner le caractère optionnel de la création du fonds agricole.
Par cet amendement, il s'agit de déclarer la création du fonds agricole non pas à l'autorité administrative, mais au centre de formalités des entreprises compétent, ce qui a l'avantage de ne rien coûter. Pour simplifier et alléger les charges des exploitants, il est important de conserver la forme déclarative.
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 397, présenté par MM. Le Cam, Billout et Coquelle, Mmes Demessine, Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 311-3 du code rural, après les mots :
les stocks,
supprimer les mots :
et, s'ils sont cessibles, les contrats et les droits incorporels servant à l'exploitation du fonds
Cet amendement a été défendu.
L'amendement n° 398, présenté par MM. Le Cam, Billout et Coquelle, Mmes Demessine, Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 311-3 du code rural par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fonds agricole fait partie des charges amortissables au sein du bilan de l'entreprise agricole ».
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Par cet amendement, nous demandons que le fonds agricole puisse faire partie de charges amortissables au sein du bilan de l'entreprise agricole. Nous souhaitons attirer l'attention du Gouvernement sur deux problèmes.
En premier lieu, l'intégration des biens incorporels, par exemple les droits à paiement unique, dans le fonds agricole augmentera considérablement la valeur de celui-ci. Ainsi, la première génération d'exploitants qui cèdera son bail tirera profit du prix élevé du fonds agricole. Cependant, le risque est grand que la valeur de certains biens incorporels varie dans le temps, le fonds agricole perdant ainsi de sa valeur. Ce sera, par exemple, le cas si les DPU disparaissent.
Nous souhaitons que les agriculteurs qui ont payé le prix fort pour reprendre une exploitation ne se trouvent pas lésés dans de telles hypothèses. C'est pourquoi nous vous proposons cet amendement.
En second lieu, nous nous interrogeons sur la pérennité du caractère amortissable de certains biens. Or, comme vous venez de le préciser, monsieur le ministre, le fonds agricole ne comprend pas les bâtiments. Il est normal que les bâtiments continuent à être amortissables, comme c'est le cas aujourd'hui. Ce dernier point n'a donc plus d'objet.
M. le président. L'amendement n° 735 rectifié, présenté par M. César, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... .- 1° Le code rural est ainsi modifié :
a) Dans le premier alinéa de l'article L. 143-1, les mots : « fonds agricoles » sont remplacés par les mots : « biens immobiliers à utilisation agricole et biens mobiliers qui leur sont attachés » ;
b) Dans le premier alinéa de l'article L. 321-1, les mots : « un même fonds agricole » sont remplacés par les mots : « une même exploitation agricole » ;
2° Dans le premier alinéa de l'article L. 164 du livre des procédures fiscales, les mots : « fonds agricole » sont remplacés par les mots : « biens immobiliers à utilisation agricole et biens mobiliers qui leur sont attachés ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination juridique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. L'amendement n° 396 est le premier d'une série d'amendements de suppression proposés par nos collègues du groupe CRC, dont je respecte tout à fait le point de vue, même si je ne le partage pas. Je ne m'appesantirai pas ici sur l'intérêt de l'article 1er, que j'ai exposé dans mon rapport écrit.
Le fonds agricole - tel est le souhait de M. le ministre - constitue une avancée pour les agriculteurs. Mais il ne revêt en aucun cas un caractère obligatoire, comme l'a décidé l'Assemblée nationale. Il reste donc, par définition, optionnel.
Par ailleurs, M. Le Cam a affirmé que le fonds agricole serait susceptible de remettre en cause le contrôle des structures. A cela, je répondrai qu'il n'en est rien.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° 201 rectifié bis, il me paraît tout à fait opportun que les exploitants aient le choix de constituer ou non un fonds agricole. C'est pourquoi je demande à notre collègue Mme Françoise Henneron de retirer son amendement.
En ce qui concerne l'amendement n° 76, je vais également demander à mon ami Joël Bourdin - même si, ce faisant, je vais sans doute lui faire beaucoup de peine ! - de le retirer, compte tenu de nos convergences profondes, ainsi que, comme je l'ai dit hier soir, de l'excellent travail que nous avons réalisé ensemble sur ce texte.
Il n'est pas utile, selon moi - tel est d'ailleurs l'objet de l'amendement n° 1 - de compliquer le texte. Chacun doit rester libre dans son choix.
C'est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques souhaite le retrait de cet amendement.
J'en viens à l'amendement n° 397. Je rappellerai que l'objet du fonds agricole est de permettre une valorisation transparente, comme c'est le cas pour un fonds de commerce artisanal ou commercial.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, comme d'ailleurs sur l'amendement n° 398.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, ministre. S'agissant de l'amendement n° 396, qui tend à supprimer l'article 1er, M. Le Cam comprendra certainement que je ne puisse l'accepter.
En ce qui concerne l'amendement n° 201 rectifié bis, je dois dire à Mme Henneron que je préfère en rester à la rédaction retenue par l'Assemblée nationale et qui a fait l'objet d'un travail équilibré entre les différents partenaires agricoles.
Mme Françoise Henneron. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 201 rectifié bis est retiré.
M. Dominique Bussereau, ministre. Je vous remercie, madame Henneron.
Pour ce qui est de l'amendement n° 76, M. Bourdin a laissé entendre qu'il pourrait le retirer.
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. Je n'ai encore rien dit !
M. Dominique Bussereau, ministre. Soit, mais il me semble pouvoir deviner votre position, monsieur le rapporteur pour avis !
Pour ma part, ma préférence va à la rédaction retenue par M. le rapporteur au fond dans l'amendement n° 1 plutôt qu'à celle que propose M. le rapporteur pour avis.
Par ailleurs, étant contre toutes les mesures qui visent à limiter le contenu du fonds agricole, je ne puis que rejeter les mesures qui sont prévues par les amendements nos 397 et 398.
Quant à l'amendement n° 735 rectifié, qui est un amendement rédactionnel, le Gouvernement y est favorable.
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote sur l'amendement n° 396.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, plus généralement, je voudrais revenir sur la création d'un fonds agricole, qui est l'élément déterminant de ce projet de loi.
Si ce fonds peut apparaître comme une idée intéressante, je puis vous dire, étant élu d'une région agricole, que se pratique, depuis des décennies, le dessous-de-table, que certains appellent chapeau, fumure ou arrière fumure. C'est ainsi que je connais des reprises de terre qui coûtent parfois plus cher que le prix de la terre elle-même !
Telle est la réalité vécue dans ma région. Ce n'est pas une argutie juridique ou formelle, c'est le quotidien d'agriculteurs jeunes ou moins jeunes qui s'arrachent les terres en se livrant à une surenchère qui pénalise les jeunes et qui échappe parfois à la fiscalité.
Certes, ce fonds permettra peut-être corriger de tels errements qui ne sont pas le fait de toutes les régions agricoles de France. C'est bien là le problème.
La définition de ce fonds me semble imprécise, notamment lorsqu'il est fait référence aux fonds de commerce. En effet, chacun sait parfaitement qu'un cafetier, par exemple, qui veut céder son fonds de commerce le fait selon un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année précédente. La règle est donc très claire.
Or, dans le cas qui nous occupe, on va se retrouver concrètement dans la même situation qu'avec le chapeau, la fumure ou l'arrière fumure. Le dispositif prévu n'étant pas assez précis, on va assister à une surenchère et, que vous le vouliez ou non, monsieur le ministre, les reprises d'exploitations seront rendues plus difficiles, obéissant en cela tout simplement à la loi du marché !
Je suis donc pour le moins perplexe sur ce point et je pense que la définition juridique de ce fonds devrait être plus rigoureuse afin d'éviter certaines dérives.
Je me pose une autre question à laquelle je ne puis pas apporter une réponse certaine. Le fonds agricole peut-il préserver l'unité de l'exploitation et éviter ce qui se passe dans la plupart des reprises, à savoir le démantèlement de l'exploitation ? A l'heure où l'on parle de succession, souvent l'exploitation n'est pas reprise dans son unité ; elle est démantelée, une partie des terres étant cédée à l'un, une partie à l'autre, afin d'agrandir les exploitations voisines, qui parfois ne sont pas si voisines, car certains exploitants n'hésitent pas à reprendre des terres se situant à dix, vingt ou trente kilomètres de leur siège d'exploitation !
Par conséquent, si le fonds agricole permettait de préserver l'unité de l'exploitation pour que celle-ci soit cédée aux jeunes, il aurait au moins un effet positif. Je n'en suis pas aussi sûr.
La situation actuelle est telle que, dans la pratique, les exploitants sont surmécanisés et ne cessent de vouloir s'agrandir pour rentabiliser le capital ainsi investi en matériel coûteux.
Entre le père, qui conduisait son petit d 22 et sa charrue à un soc, et le petit-fils, qui, lui, dispose d'un tracteur de 120 chevaux et d'une charrue à sept socs, le nombre d'hectares labouré à l'heure n'est pas le même !
De même, un exploitant de betteraves sucrières qui, il y a trente ans, procédé à un arrachement sur quelques ares dans la journée peut, aujourd'hui, avec un bon matériel, le faire sur sept, huit ou dix hectares dans le même temps. La situation est donc totalement différente !
De fait, chaque exploitant souhaite rentabiliser le capital qu'il a investi et cherche de toutes ses forces à s'agrandir et à reprendre des terres dont le prix n'est pas toujours rentable pour son exploitation.
Voilà où j'en suis de mes réflexions, monsieur le ministre. Si le fonds agricole est une belle idée intellectuelle, je crains que, dans la pratique, elle ne conduise à un surenchérissement des reprises d'exploitations.
Enfin, monsieur le ministre, si vous nous proposez la création d'un fonds agricole, l'Assemblée nationale a considéré que ce dernier sera facultatif. Alors nous sommes en présence d'un scénario qui se répète souvent dans notre pays. Après avoir eu une belle idée, on fait deux pas en avant et un pas en arrière et on attend de voir ce que cela donnera par la suite !
En fait, nous nous préparons à un bel embrouillamini juridique ! Il était déjà difficile de gérer les exploitations, de s'y retrouver dans l'imbroglio des textes et on en remet une couche !
Ainsi, dans un même village, alors que certains mettront en place ce fonds agricole, d'autres ne le feront pas ! Nous ne savons pas en fonction de qui, de quoi, cela se fera.
Personnellement, je plains les notaires et les agriculteurs qui auront à gérer cette situation, car ce fonds est lié au bail cessible prévoyant l'autorisation d'augmenter les loyers de 50 %.
Dès lors, certains bailleurs diront oui, d'autres non, et il leur faudra ensuite se présenter à l'hôtel des impôts pour expliquer leur situation. Il en résultera un surplus de contrôles, donc un nombre encore plus important de fonctionnaires dont le rôle sera de vérifier que ce texte sera bien mis en oeuvre !
Ce faisant, monsieur le ministre, vous compliquez au lieu de simplifier parce que vous n'osez pas aller jusqu'au bout. Avec ce que je pourrais appeler un lâche soulagement, vous pensez avoir avancé en proposant la création d'un fonds agricole, alors qu'elle ne sera que facultative. Cela ne me paraît pas très correct !
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. La brillante démonstration à laquelle vient de se livrer notre collègue Paul Raoult montre bien toutes les difficultés que suscitera la mise en oeuvre de ce fonds agricole pour les agriculteurs dont les terres dépendront de différents régimes, le tout combiné avec un bail cessible dans certains cas et pas dans d'autres. La gestion d'un tel mécanisme risque de ne pas être facile !
Pour ma part, je souhaiterais revenir au rapport écrit de la commission des affaires économiques.
Je lis, à la page 41 : « ...Il s'agit de définir une entité juridique et économique » - donc, le fonds agricole - « regroupant tout à la fois le foncier de l'exploitation agricole, le cheptel mort et vif, mais aussi des éléments incorporels tels que des marques de producteurs, des accords commerciaux ou de distribution, des droits à produire » - ce qui n'est plus le cas - « ou des droits à paiement dans le domaine des aides agricoles. »
Il convient, en effet, de définir très clairement ce que l'on entend par ce fonds. Car, pour avoir eu de multiples entretiens avec tous ceux qui travaillent dans les centres d'économie rurale, je puis vous dire, monsieur le rapporteur, qu'ils ont commencé à y réfléchir et que cela n'est déjà pas simple pour eux.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous me dites qu'il ne sera pas porté atteinte au contrôle des structures. Mais il est important, me semble-t-il, de lier le fonds au bail cessible, ce qui sera souvent le cas, si la mayonnaise prend !
M. Gérard César, rapporteur. Pas forcément !
M. Gérard Le Cam. Il est vrai que, s'agissant du bail cessible - nous en discuterons tout à l'heure - c'est bien le fermier qui choisira son successeur et, dans ce cas, le contrôle sera particulièrement atténué.
Tels sont les arguments que je tenais à faire valoir avant que soit mis aux voix l'amendement n° 396.
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, pour explication de vote.
M. Dominique Mortemousque. Je réagis à l'intervention de M. Raoult. Mon collègue M. Le Cam avait déjà tenu certains propos qui méritaient une réponse, mais comme je suis habitué à ses prises de position, je n'ai rien dit. Puisque M. Raoult estime que l'on en remet une couche, pour reprendre ses termes, je ne résiste pas à l'envie de m'exprimer.
Je suis un paysan. Ce que décrit M. Raoult pour son département ne se passe pas dans le mien.
Je suis d'accord avec M. Raoult pour estimer que le nouveau fonds agricole ne règlera pas tous les problèmes. Mais je considère qu'il constitue un progrès, parce qu'il répond à un réel besoin.
M. Raoult a comparé le fonds agricole au fonds de commerce, en soulignant la très grande transparence du second. Si, dans Paris ou ailleurs, toutes les transactions qui concernent des fonds de commerce étaient parfaitement transparentes, je serais prêt à réviser mon point de vue, mais je crois savoir que le prix à payer comprend une partie officielle et quelques arrangements ! Nous ne pouvons y échapper : c'est une réalité avec laquelle il nous faut vivre. Ce qui est certain, c'est que ce fonds sur le cheptel mort et vif constituera une amélioration.
Monsieur Raoult, vous avez ensuite évoqué la mécanisation. Celle-ci a incontestablement beaucoup progressé ! Voilà pourquoi, hier soir, j'étais plus optimiste que vous sur les gains de productivité que le monde agricole peut encore réaliser. Vous avez parlé des labours. Quand on laboure avec une charrue à sept socs au lieu d'un seul, cela va plus vite ! Nous n'avons donc pas le choix. Pour gérer ce parc de matériels, il faut soit disposer de fermes suffisamment importantes, soit créer une l'entreprise agricole, comme le font certains, ou une coopérative. Ma propre exploitation fait partie d'un GAEC.
En Dordogne, mon fils et moi possédons cent hectares. Nous avons acheté un tracteur avec plusieurs agriculteurs et avons ainsi pu baisser notre prix de revient de 20 % à 30 %.
Les techniques existent bien. Cette nouvelle loi d'orientation ne fait pas de l'agrandissement systématique des exploitations la réponse unique aux problèmes de l'agriculture. Elle tend à améliorer les méthodes de travail des agriculteurs. Nous voulons qu'ils soient plus productifs, qu'ils consacrent plus de temps à gérer leurs exploitations et qu'ils se gâchent moins la vie avec des formalités administratives. Le fonds agricole répond en partie à cet objectif, parce qu'il nous permet de clarifier la gestion du cheptel mort et vif, ainsi que le rachat des parts sociales dans les coopératives d'utilisation en commun de matériel agricole et dans d'autres structures.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 76 est-il retiré ?
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. J'ai beaucoup apprécié que l'on me supplie de retirer mon amendement, cela m'a fait plaisir. (Sourires.)
J'ai été très sensible aux arguments de notre collègue Gérard César, qui, à travers l'amendement n° 1, dont le numéro est hautement symbolique, a fait un effort pour alléger les démarches administratives. Je retire donc mon amendement et me rallie au sien, qui va dans la bonne direction.
M. le président. L'amendement n° 76 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l'article 1er.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aurais pu intervenir sur l'un des amendements de M. Le Cam, comme l'ont fait nos collègues MM. Mortemousque et Raoult, mais je préfère m'exprimer sur l'ensemble de l'article 1er.
Le fonds agricole doit être assimilé à un fonds de commerce, comme M. le rapporteur et M. le ministre l'ont souligné tout à l'heure. C'est précisément là l'origine de mes inquiétudes, qui ont été avivées par l'amendement défendu, puis retiré, par Mme Françoise Henneron, dont je ne partageais pas le point de vue. Car, pour ma part, je me satisfais du caractère optionnel du fonds.
Ce qui m'inquiète dans la création du fonds agricole, c'est que, s'il est assimilé à un fonds de commerce, il n'y a plus qu'un pas à franchir pour que soit institué l'équivalent d'une taxe professionnelle en agriculture. Or, de cela je ne veux point.
Je ne pense pas que telle soit notre volonté, mes chers collègues. Mais ce qu'un gouvernement a fait peut être défait ou corrigé par un autre gouvernement.
Certains considèrent que le fonds agricole a une valeur économique. M. Raoult craint même qu'elle augmente dans le temps rendant plus difficiles les transactions entre agriculteurs. Dès lors que cette valeur économique correspondant aux prix du marché sera plus importante que celle que nous connaissons aujourd'hui, elle constituera une assiette fiscale qui risque de séduire certains fonctionnaires de Bercy. Ceux-ci seront tentés de proposer à un ministre des finances ou à un Premier ministre de la taxer, au motif qu'elle permettrait de dégager quelques ressources pour améliorer les comptes de l'Etat.
Rendre optionnel le fonds agricole empêche un gouvernement de se lancer dans l'aventure d'une telle taxe professionnelle, sauf à le modifier préalablement pour le rendre obligatoire. Voilà pourquoi je suis tout à fait favorable au maintien du caractère optionnel du fonds agricole.
M. Raoult n'a pas tort quand il affirme que ce fonds sera peut-être une complication. Nous connaîtrons des situations très différentes d'un département à l'autre, d'une exploitation à une autre. En effet, aujourd'hui quand un exploitant agricole ne dépend que d'un seul propriétaire, le caractère optionnel ne constitue pas une difficulté. Mais, quand il dépend de dix, douze ou quinze propriétaires, dont la moitié choisit le caractère optionnel du fonds ou le caractère cessible du bail, contrairement à l'autre moitié, les transactions en seront sans doute compliquées.
Je partage également le point de vue de M. Raoult quant à la pratique ancienne des dessous-de-table, que je dénonce et qui est condamnable. Je ne suis pas persuadé que le fonds agricole permettra de régler ce problème, même si je l'espère. Je souhaite que ce fonds ait toutes les vertus que l'on vient d'évoquer, mais il s'accompagnera aussi peut-être d'inconvénients, même s'il est trop tôt aujourd'hui pour en juger.
La démarche entreprise va dans la bonne direction, celle du développement d'une nouvelle économie des exploitations agricoles. Il faut vivre avec son temps et s'adapter à lui. C'est pourquoi l'expérience mérite d'être tentée, et il faudra corriger le tir si nous nous apercevons que la création de ce fonds suscite trop d'effets pervers.
Je voterai l'article 1er, car je souhaite que nous tirions le plus d'enseignements possible de l'expérience du fonds. J'espère surtout qu'il contribuera à dynamiser nos exploitations et nos entreprises agricoles et à rendre plus rationnel le marché. En effet, aujourd'hui, M. Raoult a raison de le souligner, trop d'exploitations sont reprises à des prix qui ne correspondent pas à leur valeur économique et qui se situent très nettement au-dessus du marché, de l'ordre de 30 %, 40 % ou 50 %.
Cette situation s'explique par le fait que certains agriculteurs ont été les victimes ou, comme l'affirment certains, les bénéficiaires de l'expropriation de leurs terres en milieu périurbain. Quand ils entrent sur le marché, ils font monter les prix, parce qu'ils disposent d'un pouvoir d'achat très supérieur à celui des jeunes agriculteurs qui s'installent ou à celui des exploitants qui n'ont pas eu la chance de profiter de la manne financière liée à l'expropriation. Cela perturbe beaucoup le marché et pose de véritables problèmes.
C'est pourquoi l'opinion publique éprouve des difficultés à comprendre que les agriculteurs se plaignent des insuffisances de leur pouvoir d'achat alors que, dans le même temps, sur le marché, certains d'entre eux reprennent des terres à des prix invraisemblables, qui représentent une fois et demie ou deux fois leur valeur économique. Je ne sais pas si le fonds agricole permettra de résoudre ce problème, qui est réel et récurrent. Je n'ai pas de solution toute faite, mais il faut que nous ayons conscience de ces difficultés pour pouvoir dans la durée corriger le tir si besoin est.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. Je voudrais répondre à mon ami Gérard Le Cam et préciser le contenu du fonds agricole. Comme le disait excellemment Alain Vasselle à l'instant, il faut laisser ce fonds se mettre en place et vivre. Tant que nous ne l'aurons pas vu fonctionner, nous ne pourrons pas porter de jugement.
Je ne reviendrai pas sur le rapport de la commission. Vous savez qu'un rapport est écrit à l'avance, avant que le contenu d'un certain nombre d'amendements ait pu être examiné et approfondi. Je vous donne acte que tout dans ce rapport n'est pas parfait. Pour autant, il est, je tiens à le dire, excellent. Mais la perfection n'est pas de ce monde.
Il convient de souligner que le fonds agricole, comme le fonds de commerce, n'inclut pas le foncier. Il comprend les droits quand ils existent et sont cessibles. Je tenais à préciser ce point pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïtés au moment où nous entamons l'examen du projet de loi d'orientation agricole.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 461 rectifié, présenté par MM. Courteau, Pastor, Bel, Piras et Lejeune, Mmes Herviaux et Y. Boyer, MM. Raoult, Trémel, Dussaut, Lise, Saunier, Repentin, Teston et Cazeau, Mme Bricq, MM. Le Pensec, Marc, S. Larcher, Collombat, Signé et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les petits ruminants domestiques sont utilisateurs d'espaces ruraux souvent peu fertiles. Ils participent à l'entretien du territoire et présentent différents avantages pour l'installation agricole. Afin d'assurer leur pérennité et leur développement, l'apport des fonds extérieurs à l'agriculture est encouragé. Un décret fixe les modalités de mise en place.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Nous proposons par cet amendement de relancer la production ovine française, qui reste l'un des piliers de notre patrimoine rural. Chacun sait que l'élevage ovin, mais aussi caprin, permet le maintien du tissu rural, valorise les zones défavorisées et constitue un allié essentiel de la politique d'aménagement du territoire. Ces productions sont respectueuses de l'environnement et, à revenu égal, nécessitent moins d'investissements que d'autres activités agricoles. Enfin, elles créent des emplois, en amont et en aval de la filière, et elles sont valorisées par des signes officiels de qualité.
Cependant, l'élevage ovin français connaît depuis vingt-cinq ans une régression importante, tant en ce qui concerne le nombre des brebis que celui des éleveurs. Non seulement nous perdons en moyenne 2 500 éleveurs chaque année, mais la pyramide des âges est globalement défavorable, puisque plus de la moitié des éleveurs ont plus de cinquante ans. Quant au renouvellement des générations, il est extrêmement insuffisant : moins de 6 % des installations agricoles se sont faites en 2003 dans cette filière.
Or je rappelle, par ailleurs, qu'il s'agit là d'une production déficitaire en France comme en Europe. Il n'est donc pas concevable que nous ne puissions prêter main-forte aux responsables professionnels de la filière ovine qui, avec leurs partenaires, se mobilisent pour relancer la production française et inverser la tendance grâce à des actions de communication autour du métier d'éleveur ovin, dont l'objectif est de substituer à l'image fausse d'un métier sans revenu et contraignant celle d'une production traditionnelle, rémunératrice et en quête de modernité.
Cette démarche est en train de réussir, puisque l'image de la production évolue favorablement, et les candidats à l'installation sont de plus en plus nombreux ; il s'agit maintenant de favoriser celle-ci. Or, sur ce point, la difficulté principale à laquelle se heurtent les candidats, chacun l'aura deviné, est le financement de leur projet, d'autant que de plus en plus d'aspirants à l'installation ne reprennent pas une activité familiale.
Nous proposons donc par cet amendement que l'apport de fonds financiers extérieurs à l'agriculture soit encouragé, afin de permettre l'installation de 400 à 500 exploitants par an. Nous avons reçu les responsables de la Fédération nationale ovine, qui nous ont fait part de leur projet de financement de l'installation, dont l'objectif est d'inciter, grâce à la défiscalisation, les investisseurs à s'intéresser à la production ovine.
Monsieur le ministre, je sais que vous connaissez le fonctionnement du dispositif, fondé sur une société de financement et une société de développement. En effet, la Fédération nationale ovine m'a indiqué vous avoir rencontré, vous ou vos services. Ce fonctionnement est aussi connu de M. le ministre délégué au budget, de M. le président de la commission des affaires économiques et de M. le rapporteur, ainsi que des services du Premier ministre.
Monsieur le ministre, j'ai en ma possession une copie des mécanismes proposés, que je vous remettrai bien volontiers : l'avantage accordé au futur éleveur ovin est important, car le dispositif lui permet de financer 50 % de son investissement, avec une avance remboursable sans intérêt.
Sauf erreur de ma part, un dispositif équivalent a été mis en place en faveur des marins pêcheurs, pour l'achat de leur outil de travail.
Pour résumer en quatre points notre position, nous constatons, premièrement, une augmentation du nombre des demandes d'installation, à la suite de la mise en place de la charte de relance ovine. Les projets sont parfois difficiles à concrétiser, du fait de la nécessité d'un apport financier.
Deuxièmement, nous avons conscience que le contexte de la PAC est favorable à l'élevage ovin.
Troisièmement, nous prenons acte de la volonté forte de la filière ovine de prendre en main son avenir et de regagner des parts de marché.
Quatrièmement, nous précisons que le projet est en conformité avec la réglementation européenne par rapport au plafond de subventions prévu et à la distorsion de concurrence, car la production est déficitaire en France et en Europe.
Telles sont les raisons pour lesquelles les membres du groupe socialiste et moi-même espérons que le Sénat nous accompagnera dans notre démarche.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Monsieur Courteau, vous posez un problème d'importance. La politique de l'élevage a d'ailleurs fait l'objet d'un excellent rapport sénatorial, à la suite d'une mission d'information à laquelle a participé M. le président de la commission. Déjà à l'époque, la mission avait tracé un certain nombre de pistes tout à fait intéressantes.
Toutefois, à l'évidence, cet amendement a peu de portée normative puisqu'il en reste à des généralités concernant l'élevage ovin et caprin, sujet d'ailleurs tout à fait digne d'intérêt.
Cela étant, monsieur le ministre, je ne doute pas que vous aurez des précisions importantes à nous donner sur cet épineux problème, qui touche plus particulièrement les éleveurs situés dans les zones du territoire les plus en difficulté.
Pour ma part, au nom de la commission, je vous suggère, monsieur Courteau, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, ministre. M. Courteau a très bien posé le problème de l'installation de jeunes éleveurs ovins, qui ne m'est pas totalement étranger puisque la filière est très présente dans la région Poitou-Charentes, en particulier dans le sud du département de la Vienne.
Pour reprendre le parallèle avec un dispositif de déduction fiscale instauré il y a quelques années au profit de la pêche, mais qui est cette année arrivé à son terme, nombre d'éleveurs ovins m'ont fait part effectivement d'une réflexion sur la mise en place éventuelle d'un dispositif « SOFIOVIN », sur le modèle donc des SOFIPECHE.
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. Dominique Bussereau, ministre. Monsieur Courteau, vous êtes trop fin connaisseur des travaux parlementaires pour ignorer que l'article additionnel dont vous proposez l'insertion ne peut pas figurer dans une loi d'orientation, quel que soit le point d'insertion suggéré.
Par conséquent, si j'émets un avis défavorable sur cet amendement, c'est pour des raisons de formalisme juridique. Sur le fond, je suis tout à fait décidé à travailler avec les éleveurs de la filière ovine et avec vous-même, si vous le souhaitez, pour faire avancer ce dispositif, qui serait utile. Vous avez donc très bien fait de poser le problème de la sorte.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. S'agissant de la filière ovine, il est assez révélateur de constater que nous sommes aujourd'hui obligés de trouver des artifices financiers pour permettre aux éleveurs d'ovins de s'en sortir économiquement. Si le prix de vente de la viande ovine était supérieur à ce qu'il est aujourd'hui, sans doute n'en serions-nous pas là.
Or l'EBE, l'excédent brut d'exploitation, est d'un niveau tout juste suffisant pour permettre aux éleveurs qui se lancent dans l'élevage ovin de couvrir les investissements nécessaires à l'installation, lesquels se révèlent de plus en plus lourds, et les prêts ou les aides financières des banques sont insuffisants pour en atténuer la charge. De sorte que la marge dont ces éleveurs devraient bénéficier pour faire vivre leur famille est pratiquement réduite à néant : ils ne reçoivent pas la juste rémunération du temps considérable qu'ils consacrent à cette activité d'élevage.
Par conséquent, monsieur le ministre, il faudrait essayer de mieux contrôler les importations de viande d'agneau qui nous viennent de Nouvelle-Zélande, d'Australie ou d'autres pays, car, on le constate dans la grande distribution, elles aboutissent à véritablement noyer le marché et à faire chuter les prix. En effet, dans les grandes surfaces, les consommateurs achètent plutôt du mouton néo-zélandais ou australien et de moins en moins de mouton français, sauf à certaines périodes de l'année où la demande est beaucoup plus importante que l'offre, même compte tenu des importations.
Il s'agit donc d'un problème de régulation du marché. Il serait bon de s'inspirer, pour la filière ovine, du travail effectué dans le cadre de l'interprofession pour la filière porcine.
En effet, il y a un peu plus de dix ans, la production porcine française couvrait 50 % des besoins des consommateurs dans notre pays. La proportion atteint aujourd'hui 106 %. Dans la filière ovine, le niveau est beaucoup plus bas, d'où la nécessité de mener une réflexion dans le cadre de l'interprofession.
C'est la raison pour laquelle il faut saluer les excellentes propositions qui, dans le cadre de ce projet de loi d'orientation agricole, tendent à renforcer l'interprofession : c'est sans doute l'une des voies par lesquelles nous devrions répondre aux préoccupations des éleveurs ovins.
M. Dominique Mortemousque. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le ministre, je souscris tout à fait à votre proposition : le dispositif proposé ne peut pas trouver place dans une loi d'orientation agricole, et une étude plus approfondie est nécessaire pour essayer de relancer la production ovine.
La commission avait mis en place deux missions d'information : l'une, sur la réforme de la politique agricole commune, était présidée par Marcel Deneux ; l'autre, sur l'avenir de l'élevage, a fait l'objet d'un rapport de Gérard Bailly, qui a conclu que l'activité agricole était un enjeu à la fois économique et territorial. A cet égard, dans les régions difficiles, l'élevage ovin représente le dernier rempart avant la friche.
M. Gérard César, rapporteur. Exact !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Alain Vasselle l'a souligné, la filière est en sous-production par rapport aux dernières décennies, et la capacité de la « ferme France » est en perte de vitesse. Pour prendre un exemple, mon département, qui n'a tout de même pas une grande activité dans ce domaine, a perdu, en l'espace de quinze ans, 30 000 primes ovines !
La proposition de la Fédération nationale ovine mérite d'être étudiée, pour pouvoir trouver une réponse assez rapide au problème de l'occupation de notre territoire, qui est en voie de désertification. Ce sujet a d'ailleurs été maintes fois évoqué lors de la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Aujourd'hui, en favorisant la relance de la filière ovine, nous pourrions permettre à des jeunes éleveurs de s'installer en production unique dans les régions en voie de désertification.
Si la proposition de la Fédération nationale ovine implique, monsieur le ministre, quelques moyens financiers de l'Etat, vous devriez, selon moi, être tout à fait en mesure de leur donner satisfaction.
Je reprends donc la proposition de mise en place d'un groupe de travail, afin de pouvoir avancer dans ce domaine assez rapidement, peut-être d'ici à la fin de l'année. Ainsi, dans le courant de l'année 2006, nous pourrions faire en retour des propositions à la Fédération nationale ovine.
M. le président. Monsieur Courteau, l'amendement n° 461 rectifié est-il maintenu ?
M. Roland Courteau. Monsieur le président, si M. le ministre s'engage à faire avancer ce dossier, à réunir un groupe de travail et à rencontrer les représentants de la Fédération nationale ovine, et tout cela dans les meilleurs délais, nous sommes effectivement prêts à retirer cet amendement.
M. Roland Courteau. Dans ces conditions, je retire l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 461 rectifié est retiré.
L'amendement n° 631, présenté par MM. Le Cam, Billout et Coquelle, Mmes Demessine, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le mode de calcul des droits à paiement unique est révisé par décret en vue d'un traitement équitable des différentes productions agricoles.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Je souhaite d'abord remercier M. le rapporteur d'avoir fait le point sur le fonds agricole, dans la mesure où la lecture du rapport pouvait induire certaines erreurs et donc nous conduire à modifier nos arguments.
J'ai posé le problème au nom des agriculteurs et des centres d'économie rurale, en vue d'améliorer la fiscalité agricole. Il faudra que l'ensemble du dispositif soit clairement précisé, afin que chacun sache où il va. Je ne critique pas le rapport, bien au contraire. Comme à l'habitude, il est excellent et constitue une véritable mine de renseignements, avec ses divers tableaux et statistiques.
M. Gérard César, rapporteur. Encore mieux que d'habitude !
M. Gérard Le Cam. Même si je ne souscris pas au rapport sur le fond - pas plus que sur le fonds, d'ailleurs ! -, je peux apprécier, comme chacun, les explications qui assortissent chacun des différents articles de ce projet de loi.
S'agissant maintenant de l'amendement n° 631, nous avons déjà dénoncé les dangers de la réforme de la politique agricole commune, au travers de la mise en place du découplage des aides, qui conduit à « figer », d'une certaine manière, les inégalités dans la répartition des aides.
Hier soir, j'ai cru comprendre, par certains remous sur les travées de la majorité, que la notion du 80-20 était remise en cause. Peut-être celle-ci a-t-elle pu bouger à la marge, mais il serait intéressant de connaître la situation exacte actuelle en matière d'aides, de façon à savoir quel est le pourcentage réel perçu par les exploitants agricoles. Cela nous permettrait d'être au moins d'accord sur les chiffres.
Les modulations prévues dans la loi d'orientation agricole de 1999 sont aujourd'hui complètement oubliées. Par cet amendement, nous souhaitons que le mode de calcul des droits à paiement unique soit révisé par décret, afin que les différentes productions agricoles, et pas seulement dans les plus grosses exploitations, soient traitées équitablement.
En effet, il serait souhaitable que soient pris en compte les efforts réalisés par les agriculteurs en matière d'emploi et d'environnement.
Cet amendement vise donc à réintroduire une certaine justice dans la répartition des aides.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Mon cher collègue, votre amendement, qui tend à prévoir une révision par décret du mode de calcul des DPU, a une portée très générale.
Particulièrement hostile à un tel décret, j'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 631.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er bis
Le premier alinéa de l'article L. 323-7 du code rural est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Si le groupement d'accueil présente une taille économique suffisante, un jeune agriculteur peut devenir membre par simple apport en numéraire. »
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. César, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. Comme beaucoup de mes collègues, j'ai le souci d'alléger le texte, en évitant un certain nombre de répétitions et d'articles redondants.
C'est la raison pour laquelle je propose tout simplement de supprimer cet article.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, ministre. Cet article a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'un amendement présenté par M. Yves Simon, député de l'Allier. Puisque j'avais émis un avis favorable, par correction, je ne peux que m'en remettre ici à la sagesse du Sénat.
M. le président. En conséquence, l'article 1er bis est supprimé.
Article 2
I. - Au début de la première phrase du premier alinéa de l'article L. 411-35 du même code, sont insérés les mots : « Sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et ».
II. - Le titre Ier du livre IV du même code est complété par un chapitre VIII ainsi rédigé :
« CHAPITRE VIII
« Dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial
« Art. L. 418-1. - L'insertion dans le contrat de bail d'une clause autorisant le locataire à céder son bail à d'autres personnes que celles mentionnées au premier alinéa de l'article L. 411-35 est subordonnée à la condition que ce contrat soit passé en la forme authentique et mentionne expressément que chacune des parties entend qu'il soit soumis aux dispositions du présent chapitre.
« A défaut, la clause est réputée nulle et le bail n'est pas régi par les dispositions du présent chapitre.
« Les baux qui satisfont aux conditions prévues au premier alinéa sont régis, nonobstant toute convention contraire, par les dispositions du présent chapitre, ainsi que par les autres dispositions du présent titre qui ne leur sont pas contraires.
« Toutefois, ne sont pas applicables aux biens immobiliers faisant l'objet de tels baux les articles L. 143-1 à L. 143-15 et L. 412-7.
« En outre, les parties peuvent déroger, par convention expresse au moyen de clauses validées par la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux, aux articles L. 411-25 à L. 411-29, L. 415-1, L. 415-2, L. 415-6 et L. 415-7. Elles peuvent également convenir d'une répartition différente de la charge du paiement des primes d'assurances contre l'incendie des bâtiments loués prescrites par le premier alinéa de l'article L. 415-3.
« Les parties sont libres de prévoir que le bailleur pourra acquérir par préférence le bail cédé isolément.
« Art. L. 418-2. - La durée minimale du bail mentionné au premier alinéa de l'article L. 418-1 est de dix-huit ans.
« Son prix est constitué des loyers mentionnés à l'article L. 411-11 qui sont fixés entre les maxima majorés de 50 % et les minima prévus au même article.
« Art. L. 418-3. - A défaut de congé délivré par acte extrajudiciaire dix-huit mois au moins avant son terme, le bail est renouvelé pour une période de cinq ans au moins. Le bail renouvelé reste soumis aux dispositions du présent chapitre. Sauf convention contraire, ses clauses et conditions sont celles du bail précédent. En cas de désaccord entre les parties, le tribunal paritaire des baux ruraux fixe le prix et statue sur les clauses et les conditions contestées du nouveau bail.
« Par dérogation au 1° de l'article L. 411-53 et sauf en cas de raisons sérieuses et légitimes, constitue un motif de non-renouvellement ou de résiliation du bail un défaut de paiement du loyer et des charges aux termes convenus après une mise en demeure par acte extrajudiciaire restée infructueuse pendant trois mois. Néanmoins, le juge saisi par le preneur avant l'expiration de ce délai peut accorder, dans les conditions prévues aux articles 1244-1 et suivants du code civil, des délais de paiement durant lesquels l'action en résiliation est suspendue.
« Lorsque le bail n'est pas renouvelé à l'initiative du bailleur pour un motif autre que ceux prévus à l'article L. 411-53 du présent code ou à l'alinéa précédent, le bailleur paie au preneur une indemnité correspondant au préjudice causé par le défaut de renouvellement qui comprend notamment, sauf si le bailleur apporte la preuve que le préjudice est moindre, la dépréciation du fonds du preneur, les frais normaux de déménagement et de réinstallation ainsi que les frais et droits de mutation à payer pour acquérir un bail de même valeur.
« Art. L. 418-4. - Le locataire qui entend procéder à la cession de son bail, notifie au bailleur, par lettre recommandée avec accusé réception, à peine de nullité de la cession et de résiliation du bail, un projet de cession mentionnant l'identité du cessionnaire pressenti et la date de la cession projetée. Le cessionnaire pressenti informe le bailleur de la superficie, de la nature et de la localisation des biens qu'il exploite.
« Le bailleur peut choisir un cessionnaire différent si celui-ci satisfait aux conditions de reprise du fond négociées par le preneur avec son candidat à la cession de son bail.
« Si le bailleur entend s'opposer pour un autre motif légitime au projet du preneur, il saisit le tribunal paritaire des baux ruraux dans un délai fixé par voie réglementaire. Passé ce délai, il est réputé accepter la cession.
« La cession ne peut intervenir au cours du délai mentionné à l'alinéa précédent, sauf accord exprès du bailleur.
« Art. L. 418-5. - L'article L. 411-74 n'est pas applicable aux cessions des baux régis par le présent chapitre. »
III. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° La dernière phrase du d du 2° du I de l'article 31 est complétée par les mots : « ou sous le régime des baux cessibles mentionnés aux articles L. 418-1 à L. 418-5 du code rural » ;
2° L'article 743 est complété par un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les baux cessibles conclus en application des articles L. 418-1 à L. 418-5 du code rural. » ;
3° L'article 793 est ainsi modifié :
a) Le 4° du 1 est ainsi modifié :
- au premier alinéa, après les mots : « bail à long terme » sont insérés les mots : « ou à bail cessible » ;
- les deuxième, troisième et quatrième alinéas sont respectivement précédés des mentions : « a », « b » et « c » ;
- le troisième alinéa est complété par les mots : « ou à bail cessible dans les conditions prévues par les articles L. 418-1 à L. 418-5 du code rural » ;
b) Au 3° du 2, après la référence : « L. 416-9 » sont insérés les mots : « ainsi qu'aux articles L. 418-1 à L. 418-5 » ;
4° L'article 885 H est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa, après la référence : « L. 416-9 du code rural » sont insérés les mots : « et ceux donnés à bail cessible dans les conditions prévues par les articles L. 418-1 à L. 418-5 du même code » ;
b) Au quatrième alinéa, après les mots : « les baux à long terme » sont insérés les mots : « ou les baux cessibles » ;
5° Au premier alinéa de l'article 885 P, après la référence : « L. 416-9 du code rural » sont insérés les mots : « et ceux donnés à bail cessible dans les conditions prévues par les articles L. 418-1 à L. 418-5 du même code » ;
6° Aux premier et deuxième alinéas de l'article 885 Q, les mots : « à long terme » sont supprimés ;
7° Au II du E de l'article 1594 F quinquies, après les mots : « à bail à long terme » sont insérés les mots : « ou à bail cessible ».
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, sur l'article.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec le bail cessible, nous abordons le deuxième volet important de ce projet de loi. Le premier concernait le fonds agricole, à propos duquel demeurent un certain nombre d'imprécisions. Ces deux volets fondamentaux ont orienté la rédaction de ce projet de loi.
Aujourd'hui, l'agriculture française est dans une situation difficile, délicate. Son positionnement à l'échelon européen n'est pas encore bien défini. Je n'en veux pour preuve que l'échec du sommet qui s'est tenu la semaine dernière. Or nous avons besoin d'une lecture claire de la politique agricole française pour mener un véritable combat au niveau européen.
Quelles réponses apporte le Gouvernement à nos préoccupations ? D'abord un fonds agricole optionnel est instauré si bien que, demain, certains agriculteurs créeront un tel fonds alors que d'autres n'auront pas retenu cette faculté.
Ensuite, deuxième disposition fondamentale, on nous propose un bail cessible, également optionnel. De ce fait, ceux qui auront la chance de pouvoir négocier avec un bailleur un bail cessible pourront bénéficier des dispositions prévues par ce projet de loi en la matière. Quid des autres, plus démunis, qui n'auront pas cette faculté de négociation ?
En fait, il ne faudra pas attendre longtemps pour que, dans notre pays, chacun fasse comme il veut, comme il peut, en fonction de la situation dans laquelle il se trouvera et des relations qu'il entretiendra avec tel ou tel. Voilà le risque qu'une telle mécanique recèle.
Quelle lecture pourrons-nous faire de la politique agricole française dans ces conditions ? Comment aborder les engagements de la France en direction du monde agricole ?
Dans cet imbroglio supplémentaire, comment trouver une ligne de conduite qui permettra à la France de mieux se défendre à l'extérieur ?
En fait, l'article 2 du projet de loi, qui vise à instaurer le bail cessible auquel on peut trouver, certes, quelques vertus - il rendrait notamment, dans certains cas, l'installation plus facile -, laisse un sentiment d'amertume. Les contacts que nous avons pu avoir avec les uns et les autres montrent que des insatisfactions commencent d'ailleurs à apparaître. Ainsi, les preneurs risquent de subir une hausse de loyer de 50 %, ce qui n'est pas négligeable. Va-t-on réellement faciliter l'installation des jeunes en adoptant une telle mesure ?
Les bailleurs sont également inquiets de savoir que, demain, ils n'auront pas leur mot à dire par rapport à ceux qui, éventuellement, pourraient être installés chez eux.
Nous avons largement ressenti ces doutes et ces insatisfactions. N'aurait-on pas pu essayer d'innover pour trouver de nouvelles formes de relations entre le bailleur et le preneur ?
La mécanique optionnelle qui nous est proposée laisse une grande marge de manoeuvre, et dans tous les sens. Les membres du groupe socialiste estiment, face à cette orientation très libérale, qu'un organisme de régulation doit intervenir pour contrôler les fonds, les DPU, la gestion de ces baux. A défaut, comment pourrons-nous demain tenter de réguler notre propre politique agricole sur le territoire national ?
Les amendements qu'ont déposés les membres du groupe socialiste sur cet article 2 visent à tenter de recadrer un certain nombre de dispositifs, de manière qu'il soit proposé aux agriculteurs de suivre une ligne la plus droite possible.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous avons décidé hier d'examiner séparément, et en premier lieu, les amendements de suppression de l'article 2, c'est-à-dire les amendements nos 400 et 462, avant d'examiner les nombreux autres amendements qui ont été déposée sur ce même article.
Je suis donc d'abord saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 400 est présenté par MM. Le Cam, Billout et Coquelle, Mmes Demessine, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 462 est présenté par MM. Pastor, Bel, Piras et Lejeune, Mmes Herviaux et Y. Boyer, MM. Raoult, Courteau, Trémel, Dussaut, Lise, Saunier, Repentin, Teston et Cazeau, Mme Bricq, MM. Le Pensec, Marc, S. Larcher, Collombat, Signé et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gérard Le Cam, pour présenter l'amendement n° 400.
M. Gérard Le Cam. En premier lieu, l'article 2 du projet de loi tend à instaurer la possibilité de céder le bail hors du cadre familial.
En second lieu, il vise à proposer une série de mesures, contreparties pour le bailleur, qui remettent largement en cause le statut du fermage.
En déposant cet amendement, nous avons souhaité exprimer notre opposition au projet de loi sur ces deux points.
Tout d'abord, en revenant sur l'interdiction posée par l'article L. 411-35 du code rural, le Gouvernement fait fi de l'importance de l'intuitus personae dans les relations entre le bailleur et le preneur.
Ainsi, le projet de loi interdit au bailleur, sauf paiement d'une indemnité, de conserver toute maîtrise de l'avenir et du choix de ses locataires. On sait combien il est important que le bailleur puisse choisir son locataire au regard, notamment, de la spécificité du bien qu'il loue.
Si nous dénonçons tout d'abord le principe de cessibilité du bail, nous dénonçons de la même façon les conséquences que le Gouvernement entend lui attacher.
En effet, les contreparties données aux bailleurs qui acceptent le caractère cessible des baux remettent largement en cause le statut du fermage. Notons d'ores et déjà que de larges compensations fiscales et financières leur sont par ailleurs aménagées par ce texte.
Premièrement, la possibilité d'augmenter le loyer jusqu'à 50 % lors de la cession du bail est une aberration au regard, notamment, de l'installation des jeunes agriculteurs.
Deuxièmement, le projet de loi prévoit une batterie de mesures en faveur de la précarisation du statut de fermier.
Tout d'abord, l'une de ses dispositions initiales tendait à réduire le préavis de dix-huit mois à douze mois. Sans la vigilance de certains députés, dont mon collègue et ami André Chassaigne, cette mesure aurait été entérinée sans soulever le moindre problème.
Ensuite, est remis en cause le caractère automatique du renouvellement du bail. Aujourd'hui, le bail dure neuf ans et il est renouvelable. Le Gouvernement propose une durée de dix-huit ans, avec un renouvellement garanti de cinq ans seulement. Autrement dit, le fermier pourra compter sur un bail de vingt-trois ans. Pensez-vous ainsi couvrir la totalité de sa vie professionnelle ? Ne sera-t-il pas obligé, dans certains cas, de passer d'une ferme à une autre ?
Enfin et surtout, le droit donné au bailleur de ne pas renouveler un bail, et ce sans justification, autrement dit sans faute, contre le versement d'une indemnité compensatrice de licenciement est un coup porté au statut du fermage.
Nous ne remettons pas en cause le principe d'une indemnisation, mais nous nous opposons fermement à une disposition qui permet d'acheter le droit de rompre un tel contrat sans que le locataire ait commis une quelconque faute. Cette mesure est très grave au regard de la nature du contrat de fermage et des conséquences sociales dramatiques que peut avoir la rupture d'un tel contrat. On peut en effet imaginer que des agriculteurs français, européens ou extra-européens se livrent demain à des surenchères.
Aujourd'hui, le fermage est d'ordre public, ce qui veut dire qu'aucun contrat entre un bailleur et un preneur ne peut déroger au statut. Monsieur le ministre, en introduisant dans le projet de loi de telles dérogations, vous supprimez de fait cette protection. A terme, le droit des contrats classiques risque de s'imposer.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe communiste citoyen et républicain demandent la suppression de l'article 2.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour présenter l'amendement n° 462.
Mme Odette Herviaux. Même si je ne suis pas moi-même agricultrice, je ne peux m'empêcher de penser en cet instant à tous nos « grands anciens », à ce qu'ils m'ont raconté, depuis de nombreuses années, à propos de leur combat en faveur de la reconnaissance du statut du fermage. Mes chers collègues, c'est un peu en leur honneur que les membres du groupe socialiste ont déposé cet amendement.
Certes, la profession agricole est en attente d'orientations claires et précises. Or les dispositions relatives aux cessions des baux hors cadre familial incluses dans l'article 2 apparaissent comme une fausse avancée pour les preneurs. Elles permettent la mise en place d'une agriculture à deux vitesses et risquent de mettre en danger l'égalité entre les exploitants. Je me réfère à un article écrit par Jean-Marie Gilardeau dans la Revue de droit rural des mois de juin et juillet 2005. L'auteur part du principe selon lequel l'égalité suppose que, sur la ligne de départ, les concurrents disposent des mêmes atouts et des mêmes chances, ce qui ne sera pas forcément le cas si cet article est adopté. La rédaction de ce texte pose de nombreux problèmes qui altèrent l'intérêt qu'il pourrait présenter pour la profession agricole. C'est pourquoi nous en proposons la suppression.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements de suppression ?
M. Gérard César, rapporteur. Nous sommes au coeur du débat. Le bail cessible, qui est optionnel, comme le fonds agricole, que nous avons déjà examiné, élargit le statut du fermage. Sa durée, fixée à dix-huit ans, peut être renouvelée pour cinq ans ; il résulte d'une relation contractuelle entre un fermier et un bailleur. Mais le bail classique demeure. Il n'est pas interdit d'en souscrire un. Il est important de bien distinguer les choses.
La mesure proposée enrichit donc le système des baux actuellement en vigueur.
Pour ce qui concerne les loyers, ils peuvent être augmentés au maximum de 50 %. Mais, entre 0 % et 50 %, la fourchette est largement ouverte et, la relation entre le bailleur et le preneur étant contractuelle, il reviendra aux deux parties de trouver un terrain d'entente. Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable aux amendements identiques de suppression nos 400 et 462.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Les articles 1er et 2 ne soulevaient, pour moi, aucun problème. Mais certains propos tenus tout à l'heure m'inquiètent.
M. le rapporteur et M. le ministre ont indiqué que les DPU feraient partie du bail cessible. Cette précision, qui ne figurait pas à l'origine dans le projet de loi mais qui a été introduite au cours du débat, aura force de loi si le projet de loi est adopté.
Mes chers collègues, si vous acceptez cette disposition, c'en est fini du fermage, des propriétaires et de l'organisation actuelle de l'agriculture.
Je suis favorable au fonds agricole et au bail cessible, et ce, en faisant, moi aussi, appel aux « grands anciens ». J'ai quelque connaissance de toutes les batailles qui ont été menées pour transformer les métayers en fermiers. Mon beau-père, Pierre Labonde, qui a siégé dans cette enceinte, a été président des fermiers et métayers de France pendant un certain nombre d'années au cours desquelles ont été menés des combats extrêmement importants.
Aujourd'hui, la faculté accordée à titre optionnel de souscrire un bail cessible ne fait que consacrer ce qui existe déjà : même dans le cadre actuel du statut du fermage ordinaire, rien n'interdit au preneur d'acquitter un loyer supérieur s'il s'est mis d'accord avec son propriétaire aux termes d'un contrat particulier. Une augmentation du prix du fermage de 50 % est donc déjà possible.
Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur les DPU. A l'heure actuelle, un exploitant peut ne pas bénéficier de droits à paiement unique qui concernent la totalité des hectares qu'il cultive. Par exemple, dans la période de référence, il peut, sur une partie de sa ferme, produire des pommes de terre qui ne portent pas de droits. Mais il peut avoir plusieurs propriétaires. Dans le cas d'une cession, il pourra complètement « déshabiller » un propriétaire, le dépouiller des droits à produire.
Un propriétaire peut se retrouver avec des terres sans droits à produire, ce qui fait perdre la moitié de la valeur des terrains. Si vous ne maintenez pas un lien entre les DPU et les terrains, c'en est fini des fermiers parce que, dans de telles conditions, les propriétaires ne mettront plus leurs terres en fermage.
Oui, monsieur le ministre, dans le cadre du bail cessible, un propriétaire peut se trouver complètement dépouillé, uniquement pour un gain de trois quintaux !
Vous faites prendre des risques impensables à l'organisation de l'agriculture en coupant le lien entre le sol et les droits à produire. Il vaudrait mieux renoncer, monsieur le ministre.
Je n'avais pas prévu d'intervenir sur l'article 1er parce que cette disposition ne figurait pas dans ce texte à l'origine ; le débat en a décidé autrement. Je vous demande de revenir sur ce point, faute de quoi, si vous ajoutez de surcroît le bail cessible, c'en est fini de l'organisation actuelle de l'agriculture. En voulez-vous un exemple ? Prenez celui de la pomme de terre : dès demain, c'est toute la production qui peut être arrêtée !
Certes, les propriétaires bénéficieront en contrepartie d'une petite augmentation, mais ils peuvent, demain, se retrouver sans droits à produire sur leurs propres sols.
Dans ce cas-là, que vont faire les exploitants ? Il faut qu'ils retrouvent des droits à produire.
M. Jean-Marc Pastor. Vous avez tout compris !
M. Philippe Adnot. Moi qui suis président de conseil général, je peux toujours demander à une SAFER d'acheter des terrains et de les stocker, mais que faire de stocks fonciers si les droits à produire sont perdus ?
Non, vraiment, monsieur le ministre, il faut maintenir le lien entre les droits à produire et les terres ; le découplage serait une catastrophe pour l'agriculture.
M. Alain Vasselle. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements de suppression ?
M. Dominique Bussereau, ministre. Comme M. le rapporteur, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Monsieur Adnot, il faudra que nous reparlions ensemble de ces sujets, car vous ne me semblez pas avoir bien saisi la manière dont les choses doivent se passer.
Le fonds agricole comprend les biens cessibles, ce qui est logique. Les DPU, quant à eux, seront disponibles au 1er janvier. Les documents adéquats ont été adressés aux exploitants depuis le 15 octobre ; les explications fournies par les directions départementales de l'agriculture sont bien perçues, et les réunions organisées par les chambres d'agriculture sur le terrain se déroulent également dans de bonnes conditions.
Les DPU ne peuvent être activés par l'exploitant qui est titulaire des références historiques que sur le foncier correspondant. Le lien entre le foncier et les DPU est donc très clair.
Certes, il existe quelques cas - je vous ai écouté avec attention citer l'exemple des pommes de terre - où les DPU peuvent être transférés hors foncier, mais cela passe par la réserve.
M. Philippe Adnot. Il n'y en a pas !
M. Dominique Bussereau, ministre. Si, monsieur Adnot, c'est expliqué dans les documents que vous avez reçus comme tous les agriculteurs français : dans certains cas, les DPU peuvent être transférés hors foncier. Nous avons prévu une réserve à cette fin.
N'ayez donc aucune inquiétude sur ce point ! Ni le présent projet de loi, ni le principe du bail cessible ne sont, en effet, de nature à vous alarmer.
En ce qui concerne l'application des DPU, je prendrai un peu de temps après la séance pour, si vous le voulez bien, vous donner toutes les explications susceptibles de vous rassurer. Vous êtes suffisamment fin connaisseur des choses agricoles pour que nous puissions discuter tranquillement.
M. Jean-Marc Pastor. Nous aussi, nous avons besoin de comprendre !
M. Dominique Bussereau, ministre. Je comprends bien vos interrogations, monsieur Adnot, mais, après avoir écouté attentivement les exemples concrets que vous avez donnés, exemples qui traduisent bien votre connaissance du terrain, je puis vous affirmer que vous n'avez nulle inquiétude à avoir.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. Je partage les inquiétudes exprimées par M. Philippe Adnot, mais je suis rassuré par la réponse que vient d'apporter M. le ministre.
Il faudrait examiner dans le détail quelles sont les productions qui sont liées aux DPU et quelles sont celles qui ne le sont pas. Il convient sans doute de faire une différence entre les féculiers et les producteurs de pomme de terre de consommation : je crois savoir que les premiers peuvent bénéficier de droits à produire, contrairement aux seconds.
J'en viens à l'augmentation du bail de 50 % : bonne nouvelle pour les propriétaires, mauvaise nouvelle pour les fermiers ! La difficulté que nous aurons, tout au long de l'examen de ce texte, sera de trouver le bon équilibre entre la préservation des droits des propriétaires et celle des droits des fermiers. Dans un certain nombre de cas, les deux sont pratiquement inconciliables car, souvent, les droits des fermiers sont beaucoup plus importants que ceux des propriétaires, et ce sans commune mesure.
Les rédacteurs de ce projet de loi se sont attachés à trouver ce nouvel équilibre, et je m'en félicite.
Sans doute est-il possible d'aller encore un peu plus loin. Cependant, dans la conjoncture actuelle, pour un fermier, une augmentation de 50 % de son fermage...
M. Gérard César, rapporteur. C'est un maximum !
M. Alain Vasselle. ...est, certes, un maximum, mais est, néanmoins, une possibilité : compte tenu du fait que les propriétaires, aujourd'hui, ne s'y retrouvent pas, beaucoup d'entre eux tenteront de négocier une augmentation de 50 % pour essayer de récupérer ce qu'ils ont perdu pendant des années, tant ils sont spoliés en ce qui concerne leurs droits, y compris leur droit de jouissance.
Il est, en effet, pratiquement impossible à un propriétaire de reprendre les terres dont il est lui-même propriétaire, même s'il veut les exploiter lui-même.
Or la nouvelle loi ménagera, en ce domaine, de nouvelles possibilités, et permettra donc de parvenir à un meilleur équilibre entre les deux. Je m'en réjouis. Les fermiers doivent comprendre qu'ils ne peuvent exister qu'avec les propriétaires.
M. Gérard César, rapporteur. Voilà !
M. Alain Vasselle. Il n'y a pas de fermiers sans propriétaires ; il peut y avoir des propriétaires sans fermiers, mais c'est alors sans la valorisation agricole des terres.
Monsieur le ministre, j'aurai l'occasion de le répéter encore tout au long de l'examen de ce texte, il est temps que les dirigeants français et européens comprennent que les agriculteurs doivent pouvoir vivre de leur production, c'est-à-dire bénéficier de prix le leur permettant, afin de n'avoir plus besoin de toutes ces aides publiques mal vues par l'opinion publique. Eux-mêmes souhaiteraient s'en passer, et voir enfin le prix du blé, de la tonne de betteraves, de la viande ovine et bovine, pour ne citer que ces exemples, correspondre au véritable prix de revient de la production en question.
Quand nous en serons arrivés là, nous aurons réglé tous les problèmes !
Mais supprimez, demain, l'ensemble des aides publiques européennes, et vous mettez tous les agriculteurs français, voire européens, en faillite, à l'exception de ceux qui occupent des créneaux ne correspondant pas à des productions aidées.
Ce problème, nos aïeux ne l'ont pas connu : la génération de mon père et celle de mon grand-père ont vécu de leur production. Aujourd'hui, les agriculteurs sont devenus des assistés de la collectivité publique, ce qu'ils vivent très mal, je peux vous le dire.
Quand pourra-t-il être mis fin à cette situation ? Je n'en sais rien, mais le problème est européen avant d'être français.
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, pour explication de vote.
M. Dominique Mortemousque. Je persiste à dire que le fonds agricole est une avancée pour l'installation et la consolidation.
Il est vrai que certains agriculteurs n'en ont pas besoin, leur situation leur permettant de faire face.
Ce que vient de dire M. Alain Vasselle tombe sous le sens, même si c'est plus facile à dire qu'à réaliser, parce que, sinon, il y a longtemps que ce serait fait !
Quand il nous a fallu mettre en place les quotas laitiers, en 1984, nous ne l'avons pas fait de gaieté de coeur, mais même ceux qui y étaient opposés reconnaissent aujourd'hui que ne rien faire eût été pire. Même si les problèmes n'ont pas été réglés pour autant, les quotas laitiers ont amélioré la situation.
M. Alain Vasselle. C'est vrai !
M. Dominique Mortemousque. Aujourd'hui, dans le monde paysan, il ne se trouve plus suffisamment d'enfants qui peuvent reprendre l'exploitation familiale, il faut donc faire venir des gens de l'extérieur. Le fonds agricole, à cet égard, s'il n'apporte pas toutes les réponses, est une ouverture dans laquelle il faut frayer son chemin.
J'ai écouté mes collègues MM. Gérard Le Cam et Jean-Marc Pastor s'exprimer sur le fermage. Je comprends les critiques formulées. Pour avoir été président de chambre d'agriculture et de syndicat agricole pendant fort longtemps dans mon département, je sais qu'il faut veiller à un équilibre entre bailleurs et preneurs.
J'ai vu nombre de propriétaires exploitants qui, après avoir contourné le mécanisme de fermage parce qu'ils avaient l'impression que leurs biens étaient aliénés, se sont retrouvés dans une situation bien pire qu'auparavant. Ils se sont mis à coloniser des communes presque entières par le biais d'entreprises de travaux agricoles, si bien qu'aucune politique d'organisation territoriale n'a pu être conduite.
Il faut donc trouver le juste milieu. M. Gérard Le Cam avait raison de dire qu'il ne faut pas interrompre quelqu'un au milieu de son parcours professionnel. Mais prenons soin aussi de rassurer le propriétaire !
Concernant les DPU, soyons prudents, monsieur Adnot. J'ai la faiblesse de croire que les uns et les autres, agriculteurs et responsables politiques, sauront faire preuve d'assez de bon sens pour faire en sorte que des hectares ne soient pas inutilisés. Les quotas laitiers ont vingt ans d'existence, et nous ne nous en sommes pas trop mal trouvés, de l'aveu de tous, y compris de ceux qui s'y étaient opposés à l'époque.
M. Gérard César., rapporteur. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. Notre collègue Mortemousque parle d'or, mais où était-il en 1984, quand M. Michel Rocard a mis en place les quotas laitiers ? Avec les paysans qui manifestaient aux portes de mon hôtel de ville !
M. Dominique Mortemousque. J'étais pour, à l'époque !
M. Paul Raoult. Je reste persuadé que la maîtrise de la production devrait être un élément fondamental dans une politique agricole et que la libéralisation et la marche vers un marché mondial est une mauvaise solution.
M. Paul Raoult. J'espère que le Gouvernement, quel qu'il soit, continuera à défendre avec âpreté la politique des quotas laitiers, malgré les velléités de Bruxelles de les supprimer.
La diminution des aides et la baisse du prix du lait, que les responsables politiques tentent de faire accepter aux producteurs en leur donnant des compensations, m'inquiètent : sachant qu'un litre de lait en provenance de Nouvelle-Zélande, monsieur Deneux, coûte un franc, il est clair que Nestlé et les grands groupes voudraient bien ne plus s'approvisionner que là-bas. Mais cela signerait l'arrêt de mort de l'élevage laitier français.
Quant aux DPU, j'ai lu les documents qu'ont reçus des membres de ma famille, exploitants agricoles : même en y consacrant beaucoup de temps, il est difficile de s'y retrouver ! Par ailleurs, que vont-ils devenir, ces exploitants - j'ai déjà posé cette question hier - lorsque le découplage complet interviendra, dans trois ans, dans cinq ans ou dans dix ans ? Comment, alors, continuer à justifier, aux yeux de l'opinion publique, un tel mécanisme consistant à donner de l'argent à des agriculteurs sans que cela soit lié à l'acte de production ? Sa légitimité sociale disparaîtrait et le rendrait indéfendable.
Il reste, quoi qu'on dise, des terres qui ouvrent droit à des subventions, contrairement à d'autres, et l'équilibre sera toujours difficile à trouver.
Selon l'Institut Montaigne - bien qu'il ne s'agisse pas d'un organisme de gauche, je reconnais qu'il a fait là un bon travail - environ 7 000 ou 8 000 agriculteurs, au sein de l'Union européenne, touchent des sommes colossales. Percevoir de telles subventions est vraiment inacceptable socialement.
Le bail cessible est une bonne chose, mais, monsieur Vasselle, que rapporte la terre aujourd'hui à un propriétaire ? Après paiement de l'impôt, et compte tenu de quelques exonérations, c'est de l'ordre de 1 %, voire 2 %. Quant aux fermiers, allez leur annoncer, dans vos campagnes, que les fermages vont être augmentés de 50 %, alors même que les revenus des agriculteurs ont baissé de 4 %, si ce n'est de 5 % cette année !
M. Gérard César, rapporteur. Mais oui !
M. Paul Raoult. Tout cela pourrait être logique si les paysans pouvaient vivre correctement de leur travail.
Je rappelle à M. Vasselle que, pour cela, il faudrait au moins ressusciter un élément fondamental de la politique agricole européenne, à savoir la préférence communautaire. Aujourd'hui, du blé ukrainien arrive dans les ports bretons ; comment ne pas s'étonner, alors, que le prix du blé français ait bien du mal à se maintenir ?
Si l'on accepte le principe d'une concurrence mondiale, les agriculteurs ne pourront plus jamais vivre correctement de leur travail. Dans ces conditions, imposer une augmentation de 50 % des fermages paraît tout à fait inconcevable.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Il est réjouissant que les arguments défendus par la gauche trouvent un certain écho au sein de la majorité sénatoriale.
M. Gérard César, rapporteur. Comme d'habitude !
M. Gérard Le Cam. C'est parce qu'ils sont justes !
Cela dit, nous voyons poindre un débat qui a déjà eu lieu en commission, non seulement sur la liberté de choix du fermier par le bailleur, mais aussi, et ce point vient d'être souligné, sur l'augmentation jusqu'à 50 % du prix des loyers.
J'espère que ce débat se poursuivra dans cet hémicycle et ne sera pas remisé au vestiaire, comme ce fut le cas à l'Assemblée nationale, car ce sont autant de vraies questions. En effet, comme le disait très justement Paul Raoult, il faudra aller ensuite expliquer les raisons de cette augmentation aux agriculteurs, dans nos départements !
Aussi peut-on regretter qu'il n'y ait qu'une seule lecture de ce texte. Néanmoins, il doit être possible d'avancer, d'abord en modifiant les relations entre bailleurs et locataires, mais aussi et surtout en atténuant l'augmentation du prix des loyers. Nous pourrions fixer le taux plafond, par exemple, à 5 %, ce qui constituerait un geste significatif, ou, au maximum, à 10 %.
Nous savons bien que les agriculteurs ne vont pas vendre demain leur production 50 % plus cher, bien au contraire ! En effet, actuellement, les prix sont tous en baisse et la plupart des productions connaissent une situation de crise.
Ce débat met aussi en évidence les liens complexes qui ne vont pas manquer de s'établir entre les articles 1er et 2 du projet de loi, entre le fonds et le bail cessible.
Je prends un exemple pour illustrer mon propos. Actuellement, c'est le locataire ou l'exploitant qui possède les droits à paiement unique, les DPU. Demain, un propriétaire pourra choisir un nouveau locataire au moment où son premier locataire envisagera la cession de son bail. Or le premier locataire pourra décider de ne pas accorder de DPU au futur locataire.
Nous verrons ainsi apparaître des situations très complexes, ce qui nécessitera de fournir quelques pages d'explication à l'ensemble des exploitants et des services qui les assistent.
Par ailleurs, et c'est une autre source d'interrogation, les quotas laitiers n'entrent pas dans les DPU.
Il fallait aller jusqu'au bout du raisonnement ! C'est justement l'existence des quotas laitiers qui a justifié l'introduction d'une plus grande transparence dans le dispositif de cession des baux, car ils sont actuellement à l'origine de nombreuses fraudes. Ainsi, pour donner de la valeur à ces quotas dans le cadre des transmissions, les agriculteurs n'hésitent pas à survaloriser de vieux tracteurs, des hangars. Or, dans la mesure où les quotas laitiers ne font pas partie des DPU, cette situation va perdurer !
Tous ces points méritent donc des éclaircissements et j'espère que nous aurons le temps de corriger les défauts de ce projet de loi, qui risquent, sinon, de compliquer la vie du monde agricole.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Pastor. Notre intention n'est absolument pas d'essayer d'identifier ceux qui seraient favorables ou opposés à la cessibilité du bail. Il s'agit plutôt de faire part au Gouvernement de nos interrogations et de nos doutes. En effet, avant de modifier l'état du droit, il serait bon que nous nous y voyions plus clair.
Je fais tout à fait mienne la question posée par Philippe Adnot : je souhaite que nous ne quittions pas cet hémicycle sans avoir obtenu des éclaircissements sur ces points, qui sont à l'origine de vraies interrogations.
M. Mortemousque a évoqué à juste titre la gestion des quotas laitiers, qui constituent un véritable droit à produire. En France, où nous avons une expérience de plus de vingt ans en ce domaine, ce mode de gestion inclut l'intervention d'un organisme régulateur, qui permet d'établir des ventilations et de répartir la richesse sur l'ensemble du territoire national, évitant ainsi que certains agriculteurs ne soient avantagés par rapport à d'autres et ouvrant à tous la possibilité d'exercer leur profession.
Qu'en aurait-il été de la gestion des quotas laitiers si cet organisme régulateur n'avait pas existé ?
Ma question, qui fait suite à toutes ces interrogations, concerne l'application présente et future des droits à primes, des DPU.
Autrefois, pour être agriculteur, il fallait posséder des biens fonciers. L'Etat avait donc mis en place un organisme régulateur afin de gérer ce patrimoine foncier et pour que « l'argent roi » ne le soit pas en ce domaine.
Aujourd'hui, il existe d'autres droits et, pour être agriculteur, il faut disposer non seulement de biens fonciers mais aussi de DPU. Qui assurera la régulation des DPU ? Seront-ils directement liés aux baux, au foncier ? Et comment seront-ils gérés ?
Mme Evelyne Didier. Il n'y en aura plus !
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le ministre, vous avez répondu de façon partielle à Philippe Adnot. J'aimerais que vous nous apportiez des précisions sur ce sujet, afin que nous puissions mieux comprendre le fond de votre pensée ainsi que cet important texte.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 400 et 462.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 465, présenté par MM. Pastor, Bel, Piras et Lejeune, Mmes Herviaux et Y. Boyer, MM. Raoult, Courteau, Trémel, Dussaut, Lise, Saunier, Repentin, Teston et Cazeau, Mme Bricq, MM. Le Pensec, Marc, S. Larcher, Collombat, Signé et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le I de cet article :
I - Dans le premier alinéa de l'article L. 411-35 du code rural, après les mots : « au profit », sont insérés les mots : « d'une installation d'un jeune agriculteur hors cadre familial, ». »
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Nous pensons que les dispositions sur la cessibilité du bail à toute personne, notamment celles qui concernent la cessibilité cumulée, risquent de favoriser en réalité des cessions en vue d'agrandissement d'exploitation.
Cet amendement tend au contraire à favoriser l'installation des jeunes agriculteurs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Cet amendement est satisfait puisqu'il est prévu, à l'article 2 du projet de loi, la possibilité de céder un bail cessible à un jeune agriculteur.
Mais je reviens sur la fourchette pour noter une curiosité dans les propos des uns et des autres : il est toujours question des 50 %, et jamais du 0 %. Or le projet de loi prévoit bien une fourchette allant de 0 % à 50 % !
M. Paul Raoult. Et le rapport de force ?
M. Gérard César, rapporteur. Lorsque l'on dispose d'une fourchette de taux, on n'est pas obligé d'appliquer le taux le plus élevé !
De surcroît, dans la mesure où il s'agit d'un contrat, il est toujours possible pour un bailleur et un preneur de trouver un accord. Quant à la durée du bail - dix-huit ans -, elle constitue une garantie pour les deux parties. Le bailleur et le preneur disposent donc de garanties réciproques.
Je tiens à le souligner devant la Haute Assemblée, lorsque ce projet de loi a été discuté, très en amont, avec les organisations professionnelles agricoles, celles-ci se sont déclarées favorables à cette fourchette et à la possibilité de cession du bail cessible, en particulier à de jeunes agriculteurs.
Les dispositions sur les baux cessibles hors du cadre familial constituent donc une avancée et j'y suis pour ma part très favorable.
En revanche, la commission est défavorable à l'amendement n° 465.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 375 est présenté par Mme Gousseau.
L'amendement n° 676 est présenté par M. Béteille.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 418-1 du code rural,
après les mots :
en la forme authentique
insérer les mots :
ou rédigés par une personne visée aux articles 54 et suivants de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques
La parole est à Mme Adeline Gousseau, pour présenter l'amendement n° 375.
Mme Adeline Gousseau. La mise en place du bail cessible est une avancée vers la notion d'entreprise agricole et constitue à ce titre une véritable mesure d'orientation de l'agriculture.
La conclusion de baux cessibles ne doit donc pas être freinée par la nécessité du recours systématique à l'acte authentique, dont le coût peut s'avérer dissuasif en pratique.
Afin de parvenir à un résultat identique, il convient de prévoir que le bail initial est conclu pour une durée de neuf ans, renouvelable de manière automatique pour une même durée. Cette modification permet d'éviter la formalité de publicité foncière inhérente aux baux de plus de douze ans.
Cela étant, la rédaction d'un tel bail dérogatoire nécessite que preneurs et bailleurs s'entourent des conseillers juridiques compétents que sont les professionnels du droit des professions juridiques réglementées, comme les notaires et les avocats, ou juristes des organisations professionnelles habilités à rédiger des actes et délivrer des conseils juridiques, comme les syndicats, les chambres d'agriculture et les organisations constituées par ces structures.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour présenter l'amendement n° 676.
M. Laurent Béteille. Il vient d'être défendu : je souscris tout à fait à l'argumentation de Mme Gousseau.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Mme Gousseau a fait le travail de M. Béteille. C'est formidable : nous gagnons du temps ! (Sourires.)
Pour ma part, je ne suis pas favorable à ces amendements, dont nous avons déjà discuté en commission. En effet, il ne me paraît pas souhaitable de permettre à des professionnels du droit autres que les notaires de rédiger le bail cessible.
J'ajoute qu'un acte authentique est nécessaire pour rédiger un bail cessible de dix-huit ans. Or qui mieux qu'un notaire est compétent pour ce faire ? Cela ne signifie pas que les avocats ou les autres spécialistes du droit ne sont pas performants. Mais il est obligatoire qu'un bail de dix-huit ans, c'est-à-dire de grande durée, pouvant par ailleurs être prolongé de cinq ans, soit signé devant notaire.
En outre, lorsqu'un officier ministériel, en l'occurrence un notaire, s'engage, il engage aussi sa responsabilité, ainsi que la valeur juridique et contractuelle du bail cessible. Le preneur et le bailleur ne peuvent donc qu'être rassurés par le caractère authentique de l'acte établi. La valeur du bail s'en trouve alors renforcée.
Pour toutes ces raisons, je vous demanderai donc, mes chers collègues, de bien vouloir retirer vos amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Gousseau, l'amendement n° 375 est-il maintenu ?
Mme Adeline Gousseau. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 375 est retiré.
Monsieur Béteille, l'amendement n° 676 est-il maintenu ?
M. Laurent Béteille. Je ne peux pas laisser penser que seul un notaire engage sa responsabilité en rédigeant un tel contrat et qu'un bail ayant pris la forme d'un acte authentique a une valeur infiniment supérieure à celle d'un acte rédigé par un avocat.
Mon amendement forme un tout avec l'amendement n° 675 déposé sur le texte proposé par l'article 2 pour l'article L.418-2, qui tend à ramener la durée minimale du bail cessible à neuf ans, afin de se placer en deçà de la durée de douze ans figurant dans le décret du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière.
L'exigence de la forme authentique n'est pas propre aux baux cessibles. En effet, en application de l'article 4 de ce décret, tout acte sujet à publicité dans un bureau des hypothèques doit être dressé en la forme authentique. Or l'article 28 du même décret précise que les baux d'une durée de plus de douze ans doivent obligatoirement être publiés au bureau des hypothèques.
Le nouvel article L. 418-2 du code rural créé par le présent article du projet de loi précisant que la durée minimale des baux cessibles est de dix-huit ans, les dispositions précédemment évoquées du décret du 4 janvier 1955 imposeraient donc leur publicité dans un bureau des hypothèques et leur forme authentique, même en l'absence d'une disposition législative spécifique.
Mon amendement tendait donc à supprimer l'obligation d'un acte authentique pour l'inclusion dans le bail d'une clause autorisant la cession, en autorisant que ces baux puissent être rédigés par une personne visée aux articles 54 et suivants de la loi n° 71-113 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
Mais les avis de la commission et du Gouvernement étant défavorables au raccourcissement de la durée du bail cessible, ce que je regrette, il est logique que je retire cet amendement. Néanmoins, est en cause non pas la compétence, ou la responsabilité, des professionnels du droit, mais bien la publicité foncière.
M. le président. L'amendement n° 676 est retiré.
Je suis maintenant saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 376, présenté par Mme Gousseau, est ainsi libellé :
Supprimer les trois derniers alinéas du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 418-1 du code rural.
La parole est à Mme Adeline Gousseau.
Mme Adeline Gousseau. Si la loi devait être votée en l'état, le fermier serait privé de la possibilité de contester le prix de vente des terres agricoles dont il est locataire devant le tribunal paritaire des baux ruraux, dès lors que les biens seraient loués par bail cessible.
Dans cette même situation, la SAFER, société d'aménagement foncier et d'établissement rural, serait privée de droit de préemption alors que, dans le cas de la région d'Ile-de-France, par exemple, elle s'est engagée depuis 2001, avec l'aide du contrat de plan Etat-région et des collectivités locales, dans une action de surveillance des mutations foncières et de défense des territoires agricoles, sans cesse menacés par la progression de l'urbanisation.
En effet, les maires rencontrent traditionnellement de grandes difficultés lorsqu'ils doivent faire face à des occupations illégales de biens ruraux. En intervenant avant la régularisation des ventes, la SAFER lutte efficacement contre le mitage des sols. En Ile-de-France, cette action profite à plus de 300 communes.
Or, en réduisant le champ d'application du droit de préemption du fermier et de la SAFER, l'amendement n° 1050, adopté par l'Assemblée nationale, ouvre la voie à différents montages juridiques tels que les ventes par adjudication volontaire de terrains sous bail cessible, par exemple. Ils rendront impossibles tout contrôle et toute intervention pour garantir un usage des terrains conforme aux documents d'urbanisme. Pourtant, la réalité et l'expérience révèlent que, sans ce contrôle, l'espace agricole ne peut être efficacement protégé.
C'est pourquoi il est proposé de supprimer ces dispositions, très pénalisantes pour l'action des SAFER et les droits des fermiers.
M. le président. L'amendement n° 464, présenté par MM. Pastor, Bel, Piras et Lejeune, Mmes Herviaux et Y. Boyer, MM. Raoult, Courteau, Trémel, Dussaut, Lise, Saunier, Repentin, Teston et Cazeau, Mme Bricq, MM. Le Pensec, Marc, S. Larcher, Collombat, Signé et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le quatrième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 418-1 du code rural.
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Je partage pleinement le souci de ma collègue : le droit de préemption des SAFER doit être maintenu à tout prix !
Il faudra bien, à un moment donné, se poser cette question, que nous avons déjà abordée : qu'adviendra-t-il des DPU et, surtout, des terres préemptées sans DPU associés ?
Ce n'est pas en limitant les interventions des SAFER que l'on encouragera la logique d'investisseur. La SAFER doit pouvoir continuer son travail de structuration, d'aménagement des terres agricoles.
De plus, cette disposition risque fortement de devenir un moyen de contourner le droit de préemption en permettant de signer un bail cessible un jour et de le revendre le lendemain.
J'ajoute que supprimer les possibilités de révision de prix du preneur en cas de bail cessible conduira systématiquement à une hausse incontrôlable du prix du foncier en général, car il est certain que le marché du foncier des baux non cessibles suivra la même tendance. C'est pourquoi ces deux dispositifs doivent être rétablis.
M. le président. Les cinq amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. César, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 111 rectifié est présenté par MM. Béteille, Braye, Esneu, Karoutchi, Gaillard et Goulet, Mme Gousseau et M. Ambroise Dupont. .
L'amendement n° 134 rectifié est présenté par MM. Revet, Juilhard et Grillot, Mme Rozier, MM. Beaumont et Gruillot.
L'amendement n° 463 est présenté par MM. Pastor, Bel, Piras et Lejeune, Mmes Herviaux et Y. Boyer, MM. Raoult, Courteau, Trémel, Dussaut, Lise, Saunier, Repentin, Teston et Cazeau, Mme Bricq, MM. Le Pensec, Marc, S. Larcher, Collombat, Signé et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 641 est présenté par M. Bizet.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Compléter le quatrième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 418-1 du code rural par les mots :
dès lors que le bail portant sur ces biens a été conclu depuis au moins trois ans
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 3.
M. Gérard César, rapporteur. Pour bien saisir le sens de cet amendement, il faut savoir, mes chers collègues, que les députés, dans un souci de simplification, ont exclu les biens faisant l'objet d'un bail cessible du droit de préemption des SAFER et retiré au fermier qui exerce un droit de priorité la possibilité de demander une révision des prix.
Tout en comprenant les motivations de l'Assemblée nationale, je voudrais préciser que cette disposition aboutit à permettre la conclusion de baux cessibles uniquement dans le but d'échapper au droit de préemption des SAFER. C'est la raison pour laquelle la commission propose, tout en respectant l'esprit de l'ajout de l'Assemblée nationale, de l'encadrer durant la durée minimale du bail, soit pendant trois ans.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour présenter l'amendement n° 111 rectifié.
M. Laurent Béteille. Je considère que cet amendement est défendu.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l'amendement n° 134 rectifié.
M. Charles Revet. Je fais miens les arguments de M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour présenter l'amendement n° 463.
Mme Odette Herviaux. L'amendement n° 463 est également défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour présenter l'amendement n° 641.
M. Jean Bizet. On peut considérer qu'il est également défendu.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre. J'indique d'ores et déjà que le Gouvernement n'est pas favorable aux amendements nos 376 et 464 parce qu'il est favorable à l'amendement n° 3 de la commission et, par voie de conséquence, aux amendements identiques nos 111 rectifié, 134 rectifié, 463 et 641.
M. le président. L'amendement n° 610 rectifié, présenté par M. Poniatowski, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du cinquième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour insérer un article L. 418-1 dans le code rural, supprimer la référence :
L. 415-6
La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. L'article 2 du projet de loi rend possible la cession de baux ruraux hors du cadre familial.
L'Assemblée nationale, pour faciliter la mise en oeuvre de ce dispositif, a autorisé des dérogations contractuelles à plusieurs dispositions du statut du fermage, notamment sur le droit de chasser du fermier sur le fonds loué ainsi que sur la responsabilité des détenteurs de droit de chasse situés aux alentours des terres louées en ce qui concerne les dégâts aux cultures causés par les lapins et le gibier provenant de leurs fonds.
Mon amendement vise à supprimer cette seconde possibilité de dérogation.
En effet, s'agissant de la responsabilité des détenteurs de droit de chasse voisins pour les dégâts causés aux cultures par du gibier provenant de leurs fonds, on peut s'étonner que des clauses contractuelles puissent modifier des dispositions légales d'ordre public applicables à des tiers, en l'occurrence les détenteurs de droit de chasse.
En outre, en cas d'application d'une telle clause et en cas de dégâts causés aux cultures, quelle sera la personne responsable et chargée d'indemniser ? Je vous donne la réponse : plus personne, dès lors que l'amendement de l'Assemblée nationale ne prévoit rien pour ce cas de figure ! Peut-être se retournera-t-on vers les fédérations de chasse, encore que rien ne le justifie...Quoi qu'il en soit, rien n'est prévu et c'est pourquoi je vous propose d'adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 308, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 418-1 du code rural :
« Les parties sont libres de prévoir que le bailleur pourra acquérir par référence le bail cédé isolément et pourra choisir un cessionnaire différent si celui-ci satisfait aux conditions de reprises du fond négocié par le preneur avec son candidat à la cession du bail. »
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Cet amendement entend permettre au bailleur qui dispose d'un candidat à la reprise aux mêmes conditions que celles fixées par le sortant à son candidat repreneur, de choisir librement le cessionnaire sans arbitrage du tribunal paritaire.
Cette liberté, pour éviter d'alourdir le dispositif créé par la loi, ne doit pas être conférée dans tous les cas, mais doit rester une option laissée au bailleur dans les clauses de son bail.
Je rappelle qu'à l'Assemblée nationale cette disposition avait été jugée convaincante par le rapporteur et qu'elle avait remporté un avis de sagesse du Gouvernement. Aujourd'hui, les positions ont peut-être évolué et c'est avec intérêt que j'entendrai les avis de M. le ministre et de M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces neuf amendements ?
M. Gérard César, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 376, je me rangerai à l'avis du Gouvernement. En effet, Mme Gousseau propose de revenir sur un ajout de l'Assemblée nationale qui exempte les terrains faisant l'objet d'un bail cessible hors du cadre familial du droit de préemption des SAFER.
Comme j'ai moi-même déposé un amendement n° 3 pour résoudre cette question, je demanderai à Mme Gousseau de bien vouloir retirer le sien, faute de quoi, à mon grand regret, j'y serais défavorable.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, ma chère collègue ?
Mme Adeline Gousseau. Je le retire, monsieur le président.
M. Gérard César, rapporteur. L'amendement n° 464 appelle exactement les mêmes observations que l'amendement précédent et j'en demande donc le retrait.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, mon cher collègue ?
M. Jean-Marc Pastor. Dans la mesure où il est satisfait par l'amendement n° 3 de la commission, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 464 est retiré.
Veuillez achever votre propos en donnant maintenant l'avis de la commission sur les amendements nos 610 rectifié et 308, monsieur le rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. Notre collègue M. Poniatowski est intervenu longuement, en qualité de rapporteur du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, sur tout le volet relatif à la chasse, qui a pris une énorme importance dans les débats de la Haute Assemblée. Nous savons donc tous quelle est sa compétence sur le sujet.
Comme à son habitude, il a mis l'accent, dans un exposé détaillé, sur la dérogation des règles relatives au droit de chasser. La commission, convaincue par ses arguments, émet donc sur son amendement n° 610 rectifié un avis favorable. En revanche, elle n'a pas examiné la rectification proposée aujourd'hui, mais j'indique qu'à titre personnel, j'y suis tout à fait favorable.
Pour ce qui est de l'amendement n° 308, je demanderai à son auteur de bien vouloir le retirer, car il aurait pour effet d'introduire pour le bailleur une clause nécessaire à la conclusion du contrat et aboutirait au résultat que la commission cherche précisément à éviter par son amendement n° 6 que nous examinerons ultérieurement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°S 610 rectifié et 308 ?
M. Dominique Bussereau, ministre. Monsieur le président, je suis favorable à l'amendement n°610 rectifié de M. Poniatowski, qui améliore la rédaction de cet article.
Pour ce qui est de l'amendement n° 308, je souhaiterais, moi aussi, qu'il soit retiré, car la sagesse dont j'ai fait preuve à l'Assemblée nationale était dictée par la résignation. Toutefois, si cet amendement devait être maintenu, par correction et par amitié pour Alain Vasselle, je me prononcerais au Sénat comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale.
M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Je ne suis pas insensible à l'appel de M. le ministre, mais je suis troublé par les propos du rapporteur, qui renvoie la discussion à l'examen de l'amendement n° 6 de la commission. Si le rapporteur en était d'accord, serait-il possible de réserver jusque-là le vote de mon amendement, afin que je puisse apprécier si cet amendement de la commission est bien de nature à répondre à mes préoccupations ?
Vous me permettrez d'exposer une difficulté qui a pu, entre autres raisons, motiver l'avis de sagesse du Gouvernement : comment parviendrez-vous à expliquer à un bailleur qu'il ne peut pas, à valeur de cession identique pour le fermier, proposer la reprise de l'exploitation par une personne autre que le candidat du fermier, alors que cela n'entraîne pour ce dernier aucune perte de revenus ? Au lieu de laisser au seul fermier la possibilité de désigner son successeur, cette formule présentera en outre l'avantage de permettre au bailleur, qui est quand même propriétaire de ses terres, de choisir le fermier qui les exploitera.
Je pense que, à valeur équivalente et sans modifier les droits du fermier en place, c'est le moins que l'on puisse exiger... C'est tout ce que je demande, et c'est la raison pour laquelle l'avis de sagesse du ministre me paraît raisonnable, même s'il n'est formulé qu'avec réticence et plus pour m'être agréable que pour être agréable aux bailleurs.
Pour ma part, je ne suis pas là, monsieur le ministre, pour servir un quelconque intérêt personnel, mais bien pour défendre les bailleurs !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve formulée par M. Vasselle ?
M. Gérard César, rapporteur. Je n'y suis pas favorable.
M. le ministre a rappelé la position de l'Assemblée nationale ; après une seule lecture par chacune des chambres, c'est la commission mixte paritaire qui tranchera entre la rédaction de l'Assemblée nationale et celle du Sénat.
En définitive, l'amendement d'Alain Vasselle remet en cause le principe et la valeur du bail cessible en donnant au bailleur la possibilité de choisir le cessionnaire, alors que l'important pour le fermier est de pouvoir choisir lui-même, à prix égal, son remplaçant. J'ajoute que la remise en cause de ce système aura un effet très dissuasif sur les preneurs.
J'invite donc de nouveau Alain Vasselle à retirer son amendement et à reprendre la discussion lors de l'examen de l'amendement n° 6 de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. le président. Monsieur Vasselle, acceptez-vous maintenant de retirer votre amendement ?
M. Alain Vasselle. Je le maintiens : mes collègues choisiront entre le rapporteur et moi !
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. Les rapporteurs !
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l'amendement n° 3.
M. Alain Vasselle. Cet amendement faisant référence au droit de préemption des SAFER, je voudrais attirer l'attention de M. le ministre sur un point.
En matière d'urbanisme, les élus sont de plus en plus souvent confrontés à une difficulté majeure que les SAFER pouvaient parfois les aider à résoudre. Je m'inquiète de savoir si elles pourront toujours rendre ce service aux élus, car, pour l'instant, nous n'avons pas trouvé de solutions, législatives ou règlementaires, pour régler cette difficulté à propos de laquelle j'invite M. le ministre à se rapprocher de son collègue de l'intérieur.
De plus en plus souvent en milieu rural, des propriétaires peu scrupuleux vendent à des gens du voyage, dans le souci d'obtenir un prix intéressant, des terres à vocation agricole.
M. Alain Vasselle. Les maires ont beau manifester leur opposition par les voies et moyens à leur disposition et faire valoir le plan local d'urbanisme, ils rencontrent les pires difficultés à obtenir le concours des administrations de l'Etat pour empêcher les acquéreurs de ces terres inconstructibles d'y construire et de s'y installer.
Il arrive même que, de façon incompréhensible, France Télécom et EDF autorisent des branchements sur des terrains où, d'une caravane puis d'une petite construction légère, on est finalement passé à une construction en dur.
Au moins, lorsque les SAFER avaient la possibilité de préempter, on pouvait éviter l'acquisition de parcelles agricoles par des gens du voyage.
Pour le moment, je le répète, nous n'avons pas de solution pour contenir ou éviter ces situations qui empoisonnent la vie des élus et des communes.
M. Gérard César, rapporteur. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Je suis bien sûr favorable à l'amendement n° 3, mais j'estime que l'on aurait dû revenir au droit de préemption normal des SAFER.
Pour l'avoir fait pendant un certain nombre d'années, je sais que gérer une SAFER est un exercice extrêmement difficile. De deux choses l'une : ou bien l'on veut que les SAFER continuent à exister et exercent une certaine régulation sur des terres qui ne sont pas extensibles et qui, par nature, appellent une régulation, ou bien on ne veut plus des SAFER.
Je crains cependant que le délai de trois ans prévu par l'amendement ne soit pas suffisant. Monsieur le ministre, si l'on s'aperçoit, dans les trois ans qui viennent, que le droit de préemption des SAFER est détourné, le droit de préemption normal devra être rétabli sur ces baux, mais il faut l'annoncer dès maintenant afin que personne ne soit pris en défaut.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3, 111 rectifié, 134 rectifié, 463 et 641.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 610 rectifié.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, pour explication de vote sur l'amendement n° 308.
M. Dominique Mortemousque. Je veux à mon tour inviter notre collègue Alain Vasselle à retirer son amendement, mais, auparavant, je tiens à remercier Jean-Marc Pastor de ses propos. L'important est en effet que, dès le début, nous sachions de quoi il est question. A chacun ensuite de se positionner !
S'agissant de l'amendement, il faut faire attention à préserver l'équilibre entre fermiers et propriétaires dans les deux sens. Quand un fermier propose quelqu'un qui n'est pas très à même d'exercer le métier alors que le propriétaire connaît, lui, un candidat « solide », son fils, par exemple, en général les choses se passent bien.
Je crains que l'amendement qui, au premier degré, paraît légitime, n'aille en réalité à l'encontre de ce que veut son auteur. J'en appelle donc au bon sens paysan de ce dernier puisqu'il se targue d'être exploitant agricole et je lui demande de retirer son amendement, d'autant que le débat lui donnera plusieurs fois l'occasion de défendre ce qui lui tient à coeur.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Monsieur Vasselle, votre raisonnement est correct quand il y a cession d'une exploitation complète, mais, s'il s'agit d'un fonds relevant de plusieurs propriétaires, votre amendement pourrait permettre à un seul de ces propriétaires de bloquer complètement la cession. Il n'est donc pas possible d'adopter cet amendement
M. Gérard César, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis. J'insiste auprès de M. Vasselle sur le fait qu'il remet en cause le principe même du bail cessible en retirant au preneur l'option qui lui est offerte. Dès lors, pourquoi voterait-on l'article 2 ? Les arguments de Philippe Adnot et de Dominique Mortemousque le confirment, en toute logique - et le sens logique d'Alain Vasselle est toujours redoutable -, il serait sage de retirer cet amendement.
M. le président. Qu'en est-il donc de votre amendement, monsieur Vasselle ?
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, je ne voudrais pas décevoir les trois intervenants successifs - il en a fallu trois pour me convaincre ! (Sourires) -, mais l'argument de mon collègue Philippe Adnot, agriculteur par ailleurs, est plein de bon sens et c'est lui qui emporte ma décision.
En effet, dans le cas, auquel j'avais fait référence en réagissant à une intervention de M. Raoult, où il y a de nombreux propriétaires, mon amendement pourrait créer une difficulté majeure. Il est vrai qu'en faisant cette proposition je pensais à un propriétaire unique en relation avec un fermier, cas dans lequel il me paraissait incompréhensible de ne pas permettre au propriétaire de choisir. Mais, comme on ne peut pas, à cause de ce cas de figure devenu, hélas ! très marginal dans notre pays, bloquer la situation par ailleurs, j'accepte de retirer mon amendement. (M. Joël Bourdin, rapporteur pour avis, applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 308 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 456 est présenté par Mme Gousseau.
L'amendement n° 675 est présenté par M. Béteille.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
A la fin du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 418-2 du code rural, remplacer les mots :
dix-huit ans
par les mots :
neuf ans
La parole est à Mme Adeline Gousseau.
Mme Adeline Gousseau. C'est un amendement de coordination avec l'amendement n° 375.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour présenter l'amendement n° 675.
M. Laurent Béteille. C'est également un amendement de coordination avec l'amendement déposé sur le texte proposé pour l'article L. 418-1.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Nous nous sommes déjà longuement exprimés sur ce point tout à l'heure et j'estime toujours qu'un bail cessible de neuf ans n'est pas envisageable, d'autant que des baux de neuf ans existent déjà.
J'insiste par ailleurs sur le fait que le bail cessible doit faire l'objet d'un acte notarié. D'autres professionnels du droit sont habilités à dresser des actes authentiques, je l'accorde à M. Béteille, mais la compétence des notaires me paraît, surtout dans le monde rural, une garantie s'agissant d'un bail conclu pour dix-huit ans et qui peut être prolongé encore de cinq ans.
Je demande donc le retrait de ces amendements.
M. le président. Madame Gousseau, l'amendement n° 456 est-il maintenu ?
Mme Adeline Gousseau. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 456 est retiré.
Monsieur Béteille, l'amendement n° 675 est-il maintenu ?
M. Laurent Béteille. Je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 675 est retiré.
Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 402, présenté par MM. Le Cam, Billout et Coquelle, Mmes Demessine, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 418-2 du code rural.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Avec cet amendement, nous souhaitons faire disparaître la disposition qui risque d'être à l'origine d'une hausse générale des prix des loyers.
Chaque année, les services fiscaux transmettent aux propriétaires l'évolution des cours du fermage. Il y aura donc, d'un côté, une catégorie de Français qui seront concernés par cette traditionnelle évolution des cours du fermage, et il y aura, de l'autre, une catégorie soumise au nouveau régime, le « libre total », dont les évolutions seront purement contractuelles.
Cette différence de traitement étant inacceptable, nous nous y opposons, comme nous nous élevons contre l'augmentation des prix des loyers.
M. le président. L'amendement n° 369 rectifié, présenté par Mme Férat, et G. Gautier, MM. Merceron, Détraigne, Nogrix, Deneux et Vallet, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 418-2 du code rural :
« Son loyer est fixé entre les maxima et minima prévus à l'article L. 411-11, éventuellement majorés dans les conditions fixées par l'autorité administrative sur proposition de la commission consultative paritaire départementale.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 468, présenté par MM. Pastor, Bel, Piras et Lejeune, Mmes Herviaux et Y. Boyer, MM. Raoult, Courteau, Trémel, Dussaut, Lise, Saunier, Repentin, Teston et Cazeau, Mme Bricq, MM. Le Pensec, Marc, S. Larcher, Collombat, Signé et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 418-2 du code rural :
« Son loyer est fixé entre les maxima et minima prévus à l'article L. 411-11, majorés, le cas échéant, dans les conditions fixées par l'autorité administrative sur proposition de la commission consultative paritaire départementale.
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. L'article 2 du projet de loi d'orientation agricole introduit la possibilité de rendre le bail cessible.
Il précise ainsi les conditions dans lesquelles ce bail peut être conclu, notamment la durée minimale, les modalités de renouvellement ou de résiliation et le prix du loyer.
A ce titre, il est proposé que ce bail soit rémunéré sur la base d'une majoration de 50 % des maxima et minima fixés annuellement par arrêté préfectoral.
Si l'amélioration du prix du loyer se justifie compte tenu des conditions particulières de ce bail, il paraît cependant inapproprié d'appliquer un taux national à l'ensemble du territoire. Et même si, je ne l'oublie pas, M. le rapporteur a bien précisé tout à l'heure que c'était un maximum autorisé, je crains que les habitudes et pratiques n'aillent au-delà des souhaits de la commission.
Dans certaines régions, par exemple, en Champagne, compte tenu du niveau des fermages viticoles, cette augmentation maximale de 50 % aboutirait à des loyers prohibitifs, compromettant, bien entendu, l'accès à l'exploitation des viticulteurs les plus modestes, notamment des jeunes.
Aussi, nous proposons de laisser le soin à l'autorité administrative de déterminer, sur proposition de la commission consultative paritaire des baux ruraux, la fourchette de prix.
M. le président. L'amendement n° 509 rectifié bis, présenté par Mmes Henneron et Desmarescaux, MM. Adnot, Darniche, Türk, Retailleau et Vasselle, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 418-2 du code rural :
« Son prix est constitué des loyers fixés entre les maxima et minima prévus à l'article L. 4111, éventuellement majorés dans les conditions établies par l'autorité administrative sur proposition de la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Je considère que cet amendement, proche du précédent, a été défendu.
M. le président. L'amendement n° 238 rectifié, présenté par MM. Pelletier, Mouly et de Montesquiou, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 418-2 du code rural :
« Son loyer est fixé entre les maxima et les minima prévus à l'article L. 411-11, éventuellement majorés dans les conditions arrêtées par l'autorité administrative après avis de la commission consultative paritaire départementale des baux ruraux.
La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Il est normal qu'un bail cessible entraîne un supplément de loyer par rapport à un bail ordinaire. Toutefois, les situations n'étant pas uniformes selon les régions, il convient de laisser aux départements une marge d'appréciation en ce qui concerne la fixation des valeurs encadrant ce supplément de loyer.
Sur toutes les travées de l'hémicycle, c'est la même opinion qui s'exprime.
M. le président. L'amendement n° 466, présenté par MM. Pastor, Bel, Piras et Lejeune, Mmes Herviaux et Y. Boyer, MM. Raoult, Courteau, Trémel, Dussaut, Lise, Saunier, Repentin, Teston et Cazeau, Mme Bricq, MM. Le Pensec, Marc, S. Larcher, Collombat, Signé et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 418-2 du code rural :
« Après consultation de la commission départementale des baux ruraux, l'autorité administrative fixe les minima et maxima des loyers des baux cessibles, dans les limites prévues à l'article L. 411-11.
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Si la cessibilité du bail entraîne une augmentation du prix du loyer, il faut tenir compte de la pluralité de situations sur l'ensemble du territoire. Il convient ainsi de laisser dans les départements une latitude en ce qui concerne la fixation des valeurs encadrant ce supplément de loyer.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 160 rectifié est présenté par MM. Mortemousque, Barraux, Esneu, Murat, Texier et Hyest.
L'amendement n° 377 est présenté par Mme Gousseau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi le second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 418-2 du code rural :
« Après consultation de la Commission départementale des baux ruraux, l'autorité administrative fixe les minima et maxima des loyers des baux cessibles, dans les limites prévues à l'article L. 411-11. Le maxima est majoré de 50 %.
La parole est à M. Dominique Mortemousque, pour défendre l'amendement n° 160.
M. Dominique Mortemousque. On peut considérer que cet amendement a été défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Adeline Gousseau, pour présenter l'amendement n° 377.
Mme Adeline Gousseau. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 470, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 418-2 du code rural, remplacer le taux :
50%
par le taux :
10%
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Cet amendement est différent de ceux qui le précèdent.
La vision économique de l'agriculture que défendent les fermiers est apparemment, pour la première fois, reconnue dans une loi d'orientation agricole. Mais, surtout, dans l'exposé des motifs, le Gouvernement rappelle l'objectif de la loi : transmettre l'entreprise agricole dans sa globalité.
Malheureusement, à y regarder de plus près, le texte du projet de loi ne correspond pas à l'objectif fixé. Pourtant, M. le Premier ministre, dans son allocution au SPACE, le salon des productions animales - Carrefour européen, rappelait, le 13 septembre dernier à Rennes: « Nous devons également faciliter la transmission des exploitations et éviter leur éclatement. C'est essentiel, à l'heure où une nouvelle génération d'agriculteurs commence à prendre la relève ».
Or, si dans la rédaction actuelle de son article 2, le projet de loi prévoit que les parties au bail rural peuvent décider la conclusion d'une clause de cessibilité, il n'est pourtant pas satisfaisant d'évoquer la liberté des parties pour la rédaction d'une telle clause. Dans la mesure où le candidat à l'installation n'est pas en mesure de négocier équitablement, c'est souvent le propriétaire foncier qui imposera alors sa volonté.
A ce titre, nous estimons que les concessions faites aux bailleurs concluant un bail cessible sont exagérées. Il est ainsi totalement inconséquent de laisser la mise en place du fonds agricole et du bail cessible entraîner un alourdissement des charges pesant sur les exploitations.
De ce point de vue, l'augmentation automatique de 50 % des fermages des baux cessibles est disproportionnée, même si, je le reconnais, c'est un maximum. L'augmentation des prix des baux ne doit pas être une contrepartie accordée aux bailleurs afin qu'ils acceptent de signer des baux cessibles.
C'est pourquoi nous proposons de remplacer le taux de 50 % par le taux de 10 %.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Sur l'amendement n° 402 de notre collègue Gérard Le Cam, je répète ce que je ne cesse de dire depuis ce matin : personne n'est obligé de conclure un bail cessible. La possibilité est offerte, mais il n'y a aucune obligation pour le bailleur et le preneur.
Je trouve absolument normal qu'un bailleur qui s'engage pour un très long terme, avec tous les inconvénients qui en découlent, y trouve un intérêt économique. Quel intérêt y aurait-il à conclure un bail de dix-huit ans sinon ?
Avec cette faculté de bail cessible de dix-huit ans, nous offrons la possibilité au preneur et au bailleur de prévoir, sous forme contractuelle, une réévaluation de la fourchette d'évolution du bail cessible par rapport à un bail classique, ce qui n'a rien de choquant lorsqu'on s'engage pour dix-huit ans, avec de surcroît un possible renouvellement pour cinq ans.
La commission est donc défavorable à l'amendement n° 402.
Par l'amendement n° 468, Mme Odette Herviaux propose de fixer au niveau départemental l'évolution des minima et des maxima de la réévaluation des baux cessibles. L'évaluation dépendrait définitivement de la commission consultative paritaire des baux ruraux.
Nous savons tous que, depuis la loi de 1970, qui avait confié un rôle comparable à la commission consultative paritaire des baux ruraux pour les conventions pluriannuelles des pâturages, la procédure avait été marquée par des lenteurs, voire des blocages.
Il vaut donc mieux en rester au dispositif proposé par le projet de loi, sauf à créer un risque réel de lourdeurs, peut-être même à entraver les relations entre preneur et bailleur. Donc, je demande le retrait de cet amendement.
Je demande également le retrait des amendements nos 509 rectifié bis, 238 rectifié, 466, 160 rectifié et 377.
Avec l'amendement n° 470, Mme Herviaux nous propose d'abaisser à 10 % le plafond de revalorisation du bail cessible. Je trouve cette proposition incompatible avec la revalorisation. La commission y est défavorable.
En effet, ce niveau de plafond reviendrait, en réalité, à vider complètement le dispositif du bail cessible, un bail de dix-huit ans dont je rappelle, une fois de plus, qu'il résulte d'un contrat passé entre un bailleur et un preneur.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, ministre. Le Gouvernement partage l'avis du rapporteur sur tous les points. En effet, le bail cessible, cela signifie la liberté contractuelle, dont nous souhaitons qu'elle puisse s'exercer aussi bien pour le bailleur que pour le preneur.
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, pour explication de vote.
M. Dominique Mortemousque. Sur ce dossier, qui a fait effectivement débat en commission des affaires économiques, le rapporteur est fidèle à la position qui a été prise.
Je crois cependant qu'il aurait été opportun de laisser à chaque département une liberté d'appréciation dans la mesure où, cela a été dit ce matin, les choses ne se passent forcément de la même manière partout. Je trouvais cette souplesse plus pratique.
Le rapporteur nous demande de retirer l'amendement, et je vais le suivre, mais à regret. Rien de ce que nous votons ce matin n'est écrit dans le marbre. Je reste assez convaincu qu'il faut tout de même laisser dans les départements une certaine faculté d'adaptation.
M. le président. L'amendement n° 160 rectifié est retiré.
La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Pastor. J'ai bien entendu les propos tenus tant par M. le rapporteur que par M. le ministre. Très honnêtement, je trouve dommage que, dans un tel schéma, on ne revalorise pas des structures de concertation. Les commissions consultatives paritaires départementales des baux ruraux rassemblent des représentants tant des fermiers que des bailleurs.
D'un département à l'autre, nous savons que les pratiques, notamment la valorisation du foncier, sont complètement différentes. Il serait quand même dommage de n'avoir, sur la totalité du territoire national, qu'une lecture, qui serait celle de Paris, et de ne pas laisser s'exprimer ces pratiques locales.
J'en profite pour dire que l'amendement n° 470 est une sorte d'amendement de repli. Très honnêtement, je préfère de loin que l'on laisse à chaque département une possibilité de modulation afin de protéger tout à la fois le bailleur et le preneur. Je pense notamment au jeune désireux de réussir son installation qui, parce qu'il a besoin du foncier, risque de s'engouffrer dans une voie dangereuse. C'est le propre même des commissions départementales de pouvoir apprécier ces situations-là. Pourquoi refuser cette marge de manoeuvre, qui est aujourd'hui possible, et que j'appelle vraiment de mes voeux ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Bien que ne m'inscrivant pas dans la logique du bail cessible, je vois ici un repli possible. Il aurait été préférable de confier aux commissions consultatives paritaires départementales des baux ruraux cette négociation. Compte tenu de la diversité des sensibilités des sénateurs qui ont soutenu ce type d'amendement, je pense que la disposition pourrait être adoptée par le Sénat, ce qui serait un moindre mal. Notre assemblée s'honorerait d'avoir stoppé cette inflation du prix des fermages.
Je continue d'ailleurs de m'interroger, monsieur le ministre, sur l'évolution du prix des fermages. Encadrée dans le cas des baux classiques, elle sera contractuelle dans le cas des baux cessibles. Quel sera le type d'évolution retenu ? Retiendra-t-on le coût de la vie ou d'autres indices ? Est-ce que cela figurera dans le contrat ? On entre ici dans un drôle d'engrenage !
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. Nous sommes ici à un moment important du débat.
Vous nous dites, monsieur le rapporteur, qu'un contrat sera signé entre le bailleur et le repreneur. En réalité, je le répète, c'est la loi du plus fort, la loi du marché, qui prévaut, où le repreneur n'est pas en situation de pouvoir réellement négocier.
Cela me rappelle la loi Le Chapelier : la Révolution a supprimé les corporations, laissant le salarié libre de négocier avec son patron. On sait ce qu'il est advenu de cette liberté ! Il a fallu un siècle de luttes pour que les ouvriers obtiennent le droit de se rassembler au sein de syndicats.
En l'occurrence, vous supprimez la consultation des commissions départementales, qui rassemblent les partenaires organisés pour défendre leurs mandants. Cela me paraît être une régression sociale fantastique au regard du statut du fermage, car le contrat de gré à gré se fera inévitablement au détriment du fermier dans le contexte actuel.
M. Gérard Le Cam. C'est vrai !
M. Gérard César, rapporteur. Mais non !
M. le président. Madame Herviaux, l'amendement n° 468 est-il maintenu ?
Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, je le maintiens.
M. le rapporteur a évoqué tout à l'heure les lenteurs, voire les blocages au sein des commissions consultatives paritaires départementales. Ses propos sont à rapprocher de ceux qu'a tenus mon collègue Jean-Marc Pastor au sujet de toutes les dispositions de ce projet de loi qui visent à vider de leur substance un certain nombre d'organismes et de structures, c'est-à-dire non seulement ces commissions consultatives paritaires, mais aussi les SAFER et les commissions départementales d'orientation de l'agriculture, ou CDOA, qui ont pourtant un rôle de concertation, de contrôle ou de régulation.
Bien entendu, c'est à dessein que sont évoqués la lenteur administrative et certains dysfonctionnements : quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage !
Alors que l'occasion nous est donnée de proposer des améliorations dans le fonctionnement de ces organismes, il importe surtout de ne pas les priver de leur substance, sous peine de nous entraîner vers un ultralibéralisme que nous réprouvons.
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote sur l 'amendement n° 468.
M. Gérard Bailly. On a pu voir que cet article avait suscité des amendements de tous les bords.
Je l'ai déjà dit en commission, cet amendement me tentait à titre personnel, même si cela me met en désaccord sur ce point avec mon ami Gérard César, ce qui est rare ! Nous savons bien que, pour avoir ces terres, les jeunes agriculteurs accepteront la majoration la plus importante, celle de 50 %. Je crains que la demande ne soit très importante et que les loyers n'augmentent considérablement.
M. Paul Raoult. Eh oui, c'est évident !
M. Gérard Bailly. De surcroît, les disparités sont très grandes, non seulement entre les départements, mais aussi au sein des départements. Par exemple, mon département comprend à la fois des secteurs de plateaux, où il existe une demande des agriculteurs - j'ai inauguré, samedi, une fruitière en plein développement -, et des secteurs en grande friche. Un canton présente un potentiel supérieur à 500 000 litres de lait !
Dès lors, en vertu de la loi de décentralisation que nous avons votée en août 2004, pourquoi ne pas laisser aux départements la possibilité de fixer les maxima en fonction des réalités naturelles du terrain ?
M. Pierre-Yvon Trémel. Très bien !
M. Paul Raoult. Il a raison !
M. Gérard Bailly. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas ne pas voter cet amendement, s'il est maintenu.
Enfin, et je regrette d'être, là encore, en désaccord avec notre rapporteur, pour reprendre le bail au terme des neuf ans, il faut exploiter le bien soi-même, ce qui n'est pas facile. La plupart du temps, le bail est donc prolongé, ce qui fait une durée de dix-huit ans...
M. Gérard Le Cam. Même vingt-sept ans !
M. Gérard Bailly. ...voire vingt-sept ans, si la personne ne veut pas exploiter le terrain elle-même.
C'est donc que les baux actuels offrent tout de même aujourd'hui une grande sécurité aux exploitants.
Mais cela ne vaut pas la majoration de 50 % qui sera appliquée dans 90 % des cas. Encore une fois, laissons donc les départements fixer les maxima ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. J'apporterai quelques nuances à ce qui vient d'être dit. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gérard César, rapporteur. Ah !
M. Alain Vasselle. Je comprends la cohérence de la position de la commission et du Gouvernement au regard des dispositions de ce texte : les notions de bail cessible et de fonds s'inscrivent dans une autre logique que celle que nous avons connue jusqu'ici.
Mme Evelyne Didier. Tout à fait !
M. Gérard César, rapporteur. C'est l'entreprise !
M. Alain Vasselle. C'est une petite, pour ne pas dire une grande révolution culturelle qui se prépare pour la profession agricole.
Il reste un problème majeur, que j'ai évoqué maintes fois et qui, s'il n'est pas réglé, continuera de se poser à travers ces dispositions : quel sera, demain, le revenu de l'exploitant ? Sera-t-il suffisant pour faire face aux différentes charges, notamment au loyer que le fermier doit acquitter pour exploiter la terre ?
Une majoration de 50 % représente une juste indemnité au profit du propriétaire, qui lui-même est privé de la jouissance de ses biens pendant dix-huit ans, en l'occurrence, la législation actuelle ne lui ouvrant pas la possibilité de reprendre l'exploitation pour l'exploiter lui-même ou la faire exploiter par un de ses enfants ou de ses petits-enfants.
Certes, le présent texte tend à améliorer quelque peu les relations et à instaurer un meilleur équilibre entre les propriétaires et les bailleurs.
Cependant, les différents amendements que nous examinons en ce moment traduisent l'appel au secours des fermiers qui, compte tenu de la conjoncture présente et des niveaux de prix actuels, ne pourront pas supporter une hausse aussi importante du fermage, hausse qui est pourtant nécessaire et utile pour le propriétaire.
Or, à ce jour, personne n'a trouvé la solution, quels que soient les gouvernements successifs.
L'écueil, c'est le revenu de l'exploitant agricole.
M. Gérard Le Cam. Eh oui !
M. Alain Vasselle. Si l'exploitant agricole tirait un revenu correct de ses produits, la hausse de 50 % du prix du loyer ne lui poserait pas de problème.
M. Paul Raoult. C'est ce que j'ai dit tout à l'heure !
M. Alain Vasselle. En outre, elle permettrait au propriétaire de bénéficier d'une rémunération juste par rapport à la perte de jouissance de ses biens, laquelle doit être prise en compte, indépendamment de la valeur économique et du rendement de la terre exploitée.
Il est donc normal que le propriétaire bénéficie d'une indemnité à ce titre, d'autant qu'il subit en outre la flambée des impôts locaux, ce que nos collègues de l'opposition sont les premiers à dénoncer. Certes, les parts régionale et départementale de l'impôt sur le foncier non bâti ont disparu, mais la part des communes subsistant, le propriétaire sera le seul à continuer à payer cet impôt. Mais avec quel revenu ?
En France, dans certaines régions, départements ou communes - et je pourrais vous citer des exemples dans mon propre département - le niveau de l'impôt sur le foncier non bâti est supérieur au montant des loyers perçus par le bailleur. Autrement dit, le propriétaire en est de sa poche !
Dans ces conditions, comment garder une propriété foncière non bâtie ? Ne vaut-il pas mieux investir dans l'immobilier, compte tenu des plus-values qui ont été enregistrées ces dernières années ? Ce phénomène est la conséquence, je le dis au passage, de la politique de M. Jospin qui a lourdement taxé les valeurs mobilières, provoquant un report des placements des valeurs mobilières de l'économie industrielle vers les valeurs immobilières. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Pastor. Nous verrons cela en loi de finances !
M. Alain Vasselle. Ce qui démontre que les effets pervers possibles des politiques mises en oeuvre ne sont jamais assez analysés et - je le dis à l'intention du Gouvernement -sachant que les engagements pris ne sont jamais tenus, l'on ne devrait examiner aucun texte de loi sans disposer des décrets d'application correspondants - pour le moment, c'est lettre morte ! - et sans mesurer son impact économique et fiscal, pour le contribuable comme pour les collectivités locales.
M. Robert Bret. Absolument !
M. Alain Vasselle. Cette parenthèse étant refermée, la solution sera peut-être trouvée dans le cadre de la commission mixte paritaire
A l'évidence, la valeur et la capacité des exploitations varient d'un département ou d'une région à l'autre, compte tenu de la qualité des terres. La valeur économique d'une terre sablonneuse dans le Cher ou le Loir-et-Cher et celle d'une terre de limon de un ou deux mètres de profondeur dans le Santerre, dans la Somme, en Ile-de-France ou en Beauce ne sont pas comparables.
Les revenus des terres sont donc différents et il est normal et juste que les baux varient également d'une région et d'un département à l'autre, entre un maximum régional et peut-être un minimum, avec une possibilité de modulation entre les deux. C'est un exercice difficile, d'autant qu'une disposition de cette nature est contraire à l'esprit et à la logique de la présente réforme législative.
Lors de l'examen de chacun des articles de ce projet de loi, nous nous heurterons à la même difficulté pour trouver un juste équilibre entre propriétaire et fermier, tout en gardant une certaine cohérence au texte.
Laissons vivre les dispositions de la loi, comme l'a dit notre collègue Gérard César, et prenons l'engagement, monsieur le ministre, de corriger les éventuels effets pervers qui pourraient en résulter.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur. Le débat que nous avons est très important, ...
M. Paul Raoult. Eh oui !
M. Gérard César, rapporteur. ... mais il nous faut maintenant trouver la solution.
Je le répète, personne n'est obligé de signer un bail cessible. Et la majoration n'est qu'une possibilité. (M. Jean-Marc Pastor s'exclame.) Si Jean-Marc Pastor et moi-même voulons signer un bail, personne ne nous oblige à appliquer un taux maximum de 50 %.
Depuis ce matin, on se focalise sur ces 50 %. Je rappelle qu'il s'agit d'un maximum dans une fourchette qui s'étend de 0 % à 50 %.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Absolument !
M. Gérard César, rapporteur. Comme il s'agit d'un contrat entre un fermier et un bailleur, c'est aux parties de trouver les ajustements nécessaires, ainsi que M. Alain Vasselle vient de le rappeler fort justement.
J'ajoute qu'il est nécessaire de donner au bailleur une garantie de revenus compte tenu de son engagement très long, d'une durée de dix-huit ans, qui peut de surcroît être prolongée de cinq ans.
J'émets donc un avis très défavorable sur l'amendement n° 468, et je souhaiterais entendre M. le ministre à ce moment important de notre débat sur l'article 2.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Chacun aura mesuré, au travers de ces amendements, que nous avons là un débat qui transcende les courants politiques.
Tout simplement, il nous renvoie à plusieurs conceptions de l'agriculture, à des équilibres entre des notions qui ne sont pas forcément toutes complémentaires, telles que la production, la rentabilité, l'entretien du paysage, le social.
On peut tout de même distinguer ici les tenants, si je puis dire, de « l'agriculture-entreprise » et ceux qui penchent plutôt pour l'agriculture familiale. Les deux agricultures existent déjà, mais on peut imaginer sans peine que la première restera ignorée par des pans entiers de notre territoire, tout simplement parce qu'ils n'auront à offrir aucune rentabilité et que, notamment dans un certain nombre de zones de montagne, aucun investisseur ne viendra y « faire de l'agriculture ».
Il faut prendre en compte toutes les dimensions, non seulement sociales, mais encore environnementales : n'oublions pas que l'agriculture reste la meilleure protection des paysages. Il était question ce matin de l'élevage ovin, qui est le meilleur type d'élevage que l'on ait trouvé pour certaines zones, le seul qui permette une agriculture extensive et l'entretien de très vastes espaces ; encore faut-il que les éleveurs puissent en vivre ! Or, aujourd'hui, les éleveurs ovins ont rigoureusement les mêmes revenus qu'il y a vingt-cinq ans, quand ils ne sont pas inférieurs. Ces éleveurs sont donc obligés d'agrandir les troupeaux, mais cela a des limites.
Un autre élément doit être pris en compte : il faut laisser une certaine liberté aux départements, dans le cadre d'une décentralisation bien comprise. En effet, c'est dans les zones où la pression est forte en raison de la valeur des terrains constructibles, notamment dans certaines vallées de montagne, que, si la liberté est totale, les baux seront les plus élevés et que personne ne sera en mesure de les payer, donc d'exploiter les terres.
Souhaitons-nous que l'application d'une loi, qui a certes sa logique intellectuelle, aboutisse en définitive à la dégradation des paysages ? Voulons-nous que les ronciers envahissent tout le territoire ? Ou bien préférons-nous trouver les équilibres indispensables pour que l'agriculture puisse remplir ses diverses fonctions sociale et environnementale, sans oublier, bien sûr, son rôle premier de production, non seulement pour satisfaire les demandes de l'industrie mais aussi et surtout pour nourrir la population ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre. Le débat est tout à fait intéressant.
Je voudrais informer la Haute Assemblée que l'article 2 du projet de loi a fait l'objet de discussions très denses entre les organisations agricoles et le Gouvernement. La liberté contractuelle que je vantais tout à l'heure répond au souhait des organisations agricoles et doit précisément permettre que les contreparties des uns s'appuient sur les contreparties des autres.
Un équilibre a donc été trouvé sur une question très délicate, et nous connaissons tous la difficulté des relations entre les fermiers et les propriétaires.
Je le dis avec beaucoup de solennité, je pense qu'il ne faut pas toucher à cet équilibre ; sans cela, nous détruirions tout ce qui a été élaboré en tenant compte des souhaits du monde agricole pour bien « caler » ce dispositif du bail cessible. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Paul Raoult. Nous sommes tout de même le Parlement !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.
M. Aymeri de Montesquiou. Ce sujet, à l'évidence tout à fait sensible, déborde visiblement les frontières partisanes et nous concerne tous.
Le véritable dialogue avec le monde agricole dont vient de faire état le ministre est un élément très important.
M. Gérard César, rapporteur. Tout à fait !
M. Aymeri de Montesquiou. De son côté, M. Vasselle a soulevé la question fondamentale : celle des revenus de l'agriculteur et du bailleur, tout aussi incontournable.
Pour essayer de trouver un terrain médian, je propose que, pour conserver sa cohérence au texte, le ministre s'engage à faire de ce dispositif une expérimentation (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), que l'on observe comment les mécanismes fonctionnent, et que, s'ils devaient décevoir nos attentes, nous puissions les aménager !
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, pour explication de vote.
M. Dominique Mortemousque. Mes chers collègues, le souci de la vérité m'oblige à poser ouvertement la question, à laquelle plusieurs d'entre vous, qui sont avocats, pourraient répondre mieux que je ne saurais le faire : qui est le mieux protégé, le titulaire d'un bail de neuf ans ou celui dont le bail est de dix-huit ans ?
Reconnaissons que, chaque fois qu'un propriétaire et un fermier pourront signer, sur des bases saines, un contrat de neuf ans renouvelable, ce sera le meilleur des cas de figure.
La durée de dix-huit ans, tout comme ce que vient de rappeler le ministre de l'agriculture, m'a interpellé au premier degré. Le fin mot de l'histoire, c'est que souvent des systèmes d'exploitation ont été utilisés dans lesquels étaient acquittées, aux termes d'accords assez peu transparents, des sommes importantes. Le mécanisme qui rend possible une revalorisation des baux pouvant atteindre 50 % permettra de régler un certain nombre de ces situations.
Nous qui sommes une assemblée de sages, mes chers collègues, devons essayons de promouvoir le plus possible le bail de neuf ans. Je le répète, c'est le plus solide, c'est celui qui a fait ses preuves.
Pour ce qui est du bail de dix-huit ans, j'aurais effectivement souhaité que soit laissée à chaque département la liberté d'apprécier le niveau de sa revalorisation, dans une fourchette allant de 0 % à 50 %. Le rapporteur l'a rappelé à plusieurs reprises, cette liberté n'a pas été offerte.
Monsieur Bailly, vos propos ont quelque peu réveillé mes inquiétudes : j'espère qu'aucun jeune ne sautera à pieds joints sur ce genre d'occasion et que la sagesse l'emportera.
Monsieur Fortassin, vous avez fait à l'instant une description par trop simpliste. Vous avez opposé les paysans travaillant en exploitation familiale à ceux qui sont de vrais industriels. Non ! Ce n'est pas comme cela que cela se passe. Je vous invite à venir en Dordogne, nous vous ferons goûter à notre foie gras, mais nous vous montrerons aussi comment fonctionnent les fermes.
M. François Fortassin. Il y en a aussi chez nous !
M. Dominique Mortemousque. Dans ma région, c'est quotidiennement que nous rencontrons de telles configurations !
La seule chose qui, personnellement, m'importe, c'est que les agriculteurs ne soient pas fâchés avec les chiffres. Les jeunes m'inquiètent parce que, comme l'indiquait Gérard Bailly, ils ont le sentiment qu'ils seront plus forts que les autres. Nous devons être très prudents sur ce point, car c'est au pied du mur qu'on voit le maçon !
Dans mon propre département, certaines exploitations marchent très bien. J e préfère les baux de neuf ans, mais, dans certains cas, nous avons affaire à des entrepreneurs, et cela m'inquiète aussi. Dès lors, un bail de dix-huit ans est un moindre mal - c'est un peu comme les quotas laitiers ! -, préférable à ce que l'on voit parfois : une commune entière récupérée à des taux de revalorisation suspects. Vous savez bien, cher collègue Vasselle, que des fermages de 1 500 francs ou de 2 000 francs - je devrais parler en euros, mais nous nous comprenons encore -, sont bien éloignés de tous les barèmes et supposent des systèmes occultes de pas-de-porte ou autres.
Si l'on peut revenir au bail de neuf ans, qui reste le meilleur cas de figure, ou au mécanisme de dix-huit ans, mais en incitant les gens à être raisonnables, c'est encore le mieux.
M. Gérard César, rapporteur. Très bien !
M. Dominique Mortemousque. Voilà ce qui m'a amené tout à l'heure, un peu à contrecoeur, il est vrai, à accepter de voter cet amendement.
M. le président. Monsieur Vasselle, l'amendement n° 509 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle. Non, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 509 rectifié bis est retiré.
Monsieur de Montesquiou, l'amendement n° 238 rectifié est-il maintenu ?
M. Aymeri de Montesquiou. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 238 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 466.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Madame Gousseau, l'amendement n° 377 est-il maintenu ?
Mme Adeline Gousseau. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 377 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 470.
(L'amendement n'est pas adopté.)