sommaire
présidence de M. Philippe Richert
2. Développement et financement des infrastructures de transport. - Discussion d'une question orale avec débat
MM. Alain Lambert, auteur de la question ; Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques ; Jean Puech, président de l'Observatoire de la décentralisation ; Bruno Retailleau, Michel Billout, Philippe Nogrix, Daniel Reiner, Mme Catherine Troendle, M. Yves Krattinger.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Clôture du débat.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
3. Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président.
Mmes Raymonde Le Texier, Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.
MM. Daniel Soulage, Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Dominique de Villepin, Premier ministre.
fermeture d'usine alcan-péchiney dans les hautes-pyrénées
MM. François Fortassin, Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
MM. Dominique Mortemousque, Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche.
gel des crédits budgétaires aux associations
MM. Jean-Pierre Michel, Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
MM. Jacques Peyrat, Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
MM. Yannick Bodin, François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche.
MM. Jean-Pierre Fourcade, Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
situation de l'industrie du nickel en nouvelle-calédonie
MM. Simon Loueckhote, Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Suspension et reprise de la séance
Présidence de M. Guy Fischer
5. Offres publique d'acquisition. - Adoption d'un projet de loi
Discussion générale : MM. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances ; François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois ; François Trucy, François Marc, Bernard Vera, Denis Badré, Richard Yung.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Amendement no 44 de M. François Marc. - MM. François Marc, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 36 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur, Bernard Vera, François Marc, Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 45 rectifié de M. François Marc, 1 et 2 de la commission. - MM. François Marc, le rapporteur, le ministre. - Rejet de l'amendement no 45 rectifié ; adoption des amendements nos 1 et 2.
Amendements nos 46 de M. François Marc et 3 de la commission. - MM. François Marc, le rapporteur, le ministre. - Rejet de l'amendement no 46 ; adoption de l'amendement no 3.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 4 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement no 5 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 6 à 10 rectifié de la commission et 43 de M. Bernard Vera. - MM. le rapporteur, Bernard Vera, le ministre. - Rejet de l'amendement no 43 ; adoption des amendements nos 6 à 10 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 11 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement no 37 de M. Bernard Vera. - MM. Bernard Vera, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 47 rectifié de M. François Marc. - MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 38 de M. Bernard Vera. - MM. Bernard Vera, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendements nos 48 et 49 de M. François Marc. - MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 7
Amendement no 39 de M. Bernard Vera. - MM. Bernard Vera, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 40 de M. Bernard Vera. - MM. Bernard Vera, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 41 de M. Bernard Vera. - Devenu sans objet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 8
Amendement no 42 de M. Bernard Vera. - MM. Bernard Vera, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 12 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement no 50 de M. François Marc. - MM. François Marc, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Amendement no 13 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Amendement no 14 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption
Amendements nos 30 de M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis, et 51 de M. François Marc. - MM. le rapporteur pour avis, François Marc, le ministre. - Adoption de l'amendement no 30, l'amendement no 51 devenant sans objet.
Amendement no 15 de la commission. - Adoption.
Amendement no 52 de M. François Marc. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
MM. le rapporteur, le ministre.
Amendement no 54 rectifié de M. François Marc. - MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendements nos 16 rectifié et 17 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement no 16 rectifié, l'amendement no 17 devenant sans objet.
Amendement no 31 de M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement no 53 de M. François Marc. - MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 55 rectifié bis de M. François Marc. - Adoption.
Amendement no 18 de la commission. - Devenu sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 56 rectifié de M. François Marc. - Adoption.
Amendement no 19 de la commission. - Devenu sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 57 rectifié bis de M. François Marc. - Adoption.
Amendement no 20 de la commission. - Devenu sans objet.
Amendement no 32 de M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 58 rectifié de M. François Marc. - Adoption.
Amendement no 21 de la commission. - Devenu sans objet.
Amendement n° 22 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement no 33 de M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 23 de la commission. - Devenu sans objet.
Adoption de l'article.
Amendement no 24 de la commission. - Devenu sans objet.
Amendement no 25 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 26 de la commission. - Devenu sans objet.
Adoption de l'article.
Amendement no 34 de M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement no 27 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption.
Amendement no 28 rectifié de la commission et sous-amendement no 35 rectifié de M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, le rapporteur pour avis, le ministre. - Adoption du sous-amendement n° 35 rectifié et de l'amendement n° 28 rectifié modifié.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 29 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article. .
Articles additionnels après l'article 21
Amendement no 63 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 59 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 60 rectifié de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 61 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 62 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Adoption du projet de loi.
7. Dépôt de rapports d'information
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
développement et financement des infrastructures de transport
Discussion d'une question orale avec débat
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 4 de M. Alain Lambert à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer sur le développement et le financement des infrastructures de transport.
La parole est à M. Alain Lambert, auteur de la question.
M. Alain Lambert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier la conférence des présidents d'avoir accepté d'inscrire cette question orale avec débat à l'ordre du jour de notre Haute Assemblée, même si ses reports successifs nous privent aujourd'hui de la présence de M. le ministre des transports, qui s'en est d'ailleurs directement excusé auprès de moi et qui m'a précisé que M. le ministre de l'économie et des finances exprimerait un point de vue commun à leurs deux ministères.
Le Gouvernement a engagé, le 18 juillet dernier, la cession des participations de l'Etat dans les sociétés concessionnaires d'autoroutes : autoroutes du sud de la France, autoroutes Paris-Rhin-Rhône et SANEF.
Compte tenu de l'importance de cette opération et de ses implications sur l'avenir de nos infrastructures de transport, M. le Premier ministre s'est engagé à ce que le Gouvernement rende compte au Parlement de l'avancement de cette procédure ; il tient parole, et je lui en donne acte.
Ma question orale, qui s'adresse donc au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, porte sur le développement et le financement des infrastructures de transport.
Mes chers collègues, j'ai souhaité, par cette question, soulever l'importance de ce débat pour les bassins de vie et d'emploi dont nous sommes les élus. Nous connaissons tous également l'importance stratégique que représentent les infrastructures de transport pour l'avenir de notre pays, pour son rayonnement, pour sa capacité à jouer un rôle éminent, à aller de l'avant, pour renforcer l'accessibilité de la France et son rôle au coeur de I' Europe.
MM. Breton et Perben se situent dans le contexte de l'annonce faite par M. le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale concernant la privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes et de sa volonté d'accélérer la réalisation des contrats de plan Etat-région.
Je souhaite donc interroger le Gouvernement à la fois sur l'accélération de la réalisation de contrats de plan, qui est un point capital pour tous les parlementaires, et sur le moyen d'y parvenir, c'est-à-dire sur le financement, et donc sur la cession des actifs autoroutiers.
Ma question portera d'abord sur le financement des projets d'infrastructures que nous souhaitons pour la France, et que le Sénat comme l'Assemblée nationale réclament en permanence.
Je souhaite savoir comment, dans la durée, le Gouvernement entend doter la France d'infrastructures de transport modernes au bénéfice de nos compatriotes et de nos territoires et comment il compte les financer.
En effet, tous ceux qui, comme moi, se passionnent pour l'aménagement du territoire, tous ceux qui se battent pour le développement économique de leur région, des départements et des pays, tous ceux qui mènent ces combats rêvent de réseaux structurants. Le Gouvernement précédent, auquel j'ai eu l'honneur d'appartenir, s'était fixé des objectifs que le Sénat, après un débat, avait approuvés le 3 juin 2003
Monsieur le ministre, je souhaite que vous nous confirmiez que l'intention du Gouvernement est bien de réaliser le programme que le Sénat avait examiné à l'époque.
Par ailleurs, se pose la question de son financement.
Les sociétés concessionnaires, une fois cédées, ne viendront plus abonder de leurs dividendes l'agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF. Dès lors, quels seront les modes de financement programmés pour répondre aux besoins de financement des investissements ainsi identifiés ? Le ministre des transports sera-t-il bien en mesure de disposer de la visibilité, qui peut seule lui permettre d'atteindre des objectifs d'efficacité et de performance sur l'emploi des fonds publics importants concernés ? Enfin, quels projets le Gouvernement souhaite-t-il ainsi financer ?
Les contrats de plan conclus entre l'Etat et les régions sont en cours. Je comprends qu'il s'agit bien de leur donner une nouvelle impulsion. Mais dans quelle mesure cette accélération est-elle envisagée ? En outre, comment concilier cette priorité, politique et juridique, car il s'agit bien d'engagements réciproques - les juristes parlent de contrats « synallagmatiques » -, et la liste des grands projets que je mentionnais précédemment, telle qu'elle a été établie par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin à l'issue de travaux précis et méthodiques ? Je profite d'ailleurs de l'occasion pour saluer M. Raffarin, sous l'autorité duquel j'ai eu l'honneur et le plaisir de servir.
Je rappelle que les choix des projets s'étaient effectués il y a deux ans à la suite d'un rapport d'audit sur les grands projets d'infrastructures de transport établi par le Conseil général des Ponts et Chaussées et par l'Inspection générale des finances, ainsi que d'un rapport de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR. Il me semble important que l'investissement public puisse continuer à être ainsi éclairé par des analyses rationnelles et animé par des objectifs clairs. Nous devons rester là aussi, me semble-t-il, dans l'esprit que la LOLF inspire aujourd'hui à toute dépense publique, s'agissant de l'optimisation de l'utilisation de l'argent public.
Enfin, quel avenir voyez-vous pour l'AFITF ? S'agit-il bien d'un renforcement ? Quelles en seront les conditions à court et à moyen terme ?
Je ne doute pas des éléments de réponse que vous pourrez apporter à ces interrogations. Ce seront autant d'illustrations de la détermination du Gouvernement à poursuivre la politique d'investissement que M. le Premier ministre a annoncée et qui va dans le sens de ce qui avait été décidé par son prédécesseur.
Cependant, je souhaite ajouter quelques questions sur le déroulement budgétaire de cette opération de cession.
Il me semble important que la représentation nationale soit éclairée sur ces opérations, financièrement majeures et techniquement complexes, qui vont nous mener aux financements exceptionnels dont l'AFITF a besoin. Aussi, je voudrais que vous puissiez nous esquisser dès aujourd'hui le calendrier et les conditions de réalisation des privatisations envisagées.
Quelles précautions avez-vous prises pour garantir la transparence de cette procédure ? Quels critères retiendrez-vous pour le choix des investisseurs ?
En effet, de ce choix dépend aussi la qualité de la gestion de notre système autoroutier dans l'avenir. C'est donc quasiment un sujet touchant à la vie quotidienne de l'ensemble de nos compatriotes que j'essaie de lancer ce matin à travers cette question orale avec débat.
Je m'interroge enfin sur ce que deviendront, à l'issue de ce processus, les petits actionnaires entrés dans le capital de ces sociétés au cours des dernières opérations d'ouverture du capital. Le Gouvernement préfère-t-il que ces sociétés restent cotées en bourse, comme cela est parfois évoqué ?
Monsieur le ministre, je vous remercie de bien vouloir nous éclairer sur les modes et les moyens de financement des infrastructures de demain pour notre pays. C'est une question centrale pour la Haute Assemblée et pour les territoires que nous représentons. C'est la raison pour laquelle, compte tenu de l'ordre du jour très dense, le Sénat a utilisé la procédure de la question orale avec débat. Vous pourrez ainsi nous fournir les explications que M. le Premier ministre nous avait promises. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur le développement et le financement des infrastructures de transport pourrait être l'occasion d'aborder de nombreux sujets. Il en est ainsi de la décentralisation des routes, dont la carte a été rendue publique cet été.
Sur ce dossier, je tiens à saluer la décision du Gouvernement de renoncer finalement à transférer aux départements quelque 1 800 kilomètres de routes nécessitant d'importants travaux de rénovation auxquels ils auraient dû faire face. En outre, je pense que nous pouvons être confiants sur le montant de la compensation qui sera versée à ce titre aux collectivités territoriales - 185 millions d'euros, sans compter les moyens nécessaires à la rémunération des personnels -, puisque la commission consultative sur l'évaluation des charges et le comité des finances locales lui ont donné un avis favorable.
Restent des inquiétudes, que vous pourrez sûrement dissiper, monsieur le ministre, sur la question du transfert des moyens humains, en particulier celui du personnel d'encadrement des services d'études des directions départementales de l'équipement, auquel les départements tiennent beaucoup.
On pourrait également évoquer l'inquiétant état des voies ferrées françaises mis en évidence par un audit qui vous a été remis le mois dernier, monsieur le ministre. Depuis des années, les moyens consacrés à l'entretien des voies sont insuffisants pour faire face au vieillissement. Sans un effort substantiel de régénération, c'est 60 % du réseau actuel qui devra être fermé d'ici à 2025 !
Mais ce qui nous intéresse avant tout aujourd'hui, c'est, bien évidemment, le dossier de la privatisation des sociétés d'autoroutes et son impact sur le financement des grands projets d'infrastructures.
Le choix de la privatisation est un choix courageux sur le plan politique et justifié au regard de la situation des finances publiques.
C'est en effet le choix du réalisme puisqu'il vise à enrayer la progression de la dette publique, qui, rappelons-le, représente 64 % du PIB en France, et à adresser un signal positif aux autorités européennes concernant notre intention de respecter les critères de Maastricht. Notons, à cet égard, que diminuer la dette publique de 8 milliards d'euros, c'est 400 millions d'euros d'intérêts d'emprunt en moins à verser et autant d'économies pour le budget de l'Etat !
En outre, il faut garder à l'esprit que ce choix est neutre sur le plan financier puisque, si l'on actualise le montant des dividendes qui auraient été perçus par l'Etat d'ici à 2032, date de la fin des concessions en cours, à savoir 40 milliards d'euros, on obtient un chiffre assez proche des 12 milliards d'euros, correspondant au montant attendu des cessions.
Mais, si je soutiens personnellement cette décision, c'est aussi parce que les modalités de cette privatisation me semblent présenter toutes les garanties requises.
Garantie, d'abord, de transparence, avec le choix d'un appel à candidatures plutôt qu'une négociation de gré à gré.
Garantie de la préservation de l'intérêt économique des sociétés vendues, dès lors que les critères de sélection exigent des repreneurs un projet industriel crédible et le maintien d'une structure financière saine.
Garantie pour le marché et les conditions de concurrence en aval, puisque que les marchés de travaux passés par les sociétés d'autoroutes continueront - on nous l'a assuré - à respecter les règles applicables à la commande publique et devront ménager une place aux PME.
Garantie, enfin, pour l'usager, puisque les sociétés d'autoroutes continueront à assurer leur mission de service public, en vertu des contrats de concession qui les lient à l'Etat, lequel reste propriétaire du réseau routier concédé ; un débat a d'ailleurs eu lieu récemment à la télévision sur ce sujet. A ce titre, l'Etat conservera un représentant au sein du conseil d'administration de chaque société et continuera à contrôler l'évolution des tarifs des péages.
Si les modalités de cette privatisation nous rassurent, reste toutefois posée la question centrale des moyens affectés à l'AFITF.
Je tiens, à cet égard, à exprimer l'attachement de la commission des affaires économiques que je préside à cette agence, dont elle avait appelé la création dès le débat sur les infrastructures en juin 2003 et dont elle avait salué l'installation en début d'année. Notre commission était très favorable à l'idée d'affecter à cet établissement des ressources pérennes, seules à même de garantir sa capacité, par-delà les aléas de l'annualité budgétaire, à mettre en oeuvre la « feuille de route » que lui a confiée le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, du 18 décembre 2003, à savoir, d'ici à 2012, une trentaine de grands projets d'infrastructures.
Si l'AFIFT perd les dividendes des sociétés concessionnaires d'autoroutes, elle devrait se voir - si l'on en croit ce qui a été annoncé - affecter une partie non négligeable du produit de leur vente - 4 milliards d'euros en tout -, ce qui, ajouté aux ressources qui lui sont déjà affectées - taxe d'aménagement du territoire, redevances domaniales et fraction du produit des amendes perçues grâce aux radars automatiques -, devrait représenter un budget de 2 milliards d'euros pour 2006, contre 700 millions d'euros environ en 2005.
A ce propos, j'aimerais que vous nous précisiez, monsieur le ministre, selon quelles modalités cette dotation de 4 milliards d'euros sera allouée à l'AFITF. Lui sera-t-elle affectée entièrement dès le budget 2006, ce qui lui donnerait la possibilité de placer cette somme et de l'utiliser sur plusieurs années, ou lui sera-t-elle attribuée par tranches successives sur plusieurs exercices budgétaires ?
Ces financements paraissent suffisants pour faire face à un programme raisonnable de travaux à moyen terme. N'oublions pas, à ce propos, que l'AFITF devra désormais en plus financer le volet « infrastructures de transport » des contrats de plan Etat-région 2000-2006, ainsi que plusieurs programmes d'adaptation des transports en milieu urbain.
Certes, le Gouvernement s'est engagé à ce que cette enveloppe globale de 7,5 milliards d'euros promise d'ici à 2012 à l'AFITF, lors du CIADT de décembre 2003, soit respectée.
Mais qu'en sera-t-il dans une dizaine d'années ?
M. Robert Bret. Bonne question !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission. Sur quelles ressources l'AFITF pourra-t-elle compter pour mener à bien le programme qui lui a été confié au-delà de 2012 et qui comprend des projets de grande envergure, notamment plusieurs lignes TGV, pour un montant total de 20 milliards d'euros ? La question est posée.
M. Robert Bret. Même M. le ministre se la pose !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission. Les besoins de notre pays en infrastructures restent immenses, à la mesure de son importante superficie.
Il s'agit de faire face, bien sûr, à l'accroissement prévisible des trafics, notamment sur la route - plus 50 % dans les vingt prochaines années -, mais aussi de relier les régions enclavées et d'améliorer la fluidité des déplacements dans un monde où la vitesse et l'intégration à des réseaux sont des facteurs de compétitivité de plus en plus déterminants, sans parler des investissements que nécessiterait l'objectif de rééquilibrage des modes de transports de la route vers le rail et la voie d'eau dans le domaine du fret.
Ces besoins vont d'ailleurs bien au-delà du programme de travaux qu'a retenu le CIADT du 18 décembre 2003, même si, convenons-en, sa seule mise en oeuvre serait déjà un grand motif de satisfaction. Mais que dire des projets qui, comme la liaison à grand gabarit Rhin-Rhône - projet dont vous connaissez l'importance pour un élu bourguignon comme moi (Sourires) -, ont été écartés malgré leur indéniable intérêt, parce qu'ils représentaient des sommes à investir hors de portée de nos finances publiques ?
On le voit, la problématique du financement des grandes infrastructures de transport s'inscrit nécessairement dans le long terme. Ce constat, ainsi que la contrainte qui pèse plus que jamais sur les deniers publics, doivent nous inciter à envisager d'autres sources de financements susceptibles d'être mobilisées dans la durée.
Il a beaucoup été question, ces derniers temps, des perspectives offertes par les partenariats public-privé, les PPP. Certes, le démarrage de tels projets semble se faire avec une certaine prudence, sans doute parce que trouver ses marques dans un nouveau cadre juridique prend nécessairement un peu de temps. Mais on peut déjà constater qu'une telle formule a été mise en oeuvre avec succès pour la construction de la liaison ferroviaire à grande vitesse Perpignan-Figueras ou pour celle du viaduc de Millau. Notons, à cet égard, que le projet de loi sur la sécurité et le développement des transports devrait faciliter l'utilisation des PPP dans le domaine ferroviaire, mais aussi dans le domaine fluvial, notamment grâce à une disposition introduite par le Sénat il y a deux jours.
Mais ne conviendrait-il pas aussi de considérer à nouveau le potentiel de financement lié à une adaptation de la tarification des infrastructures routières et ferroviaires ?
Le fait que les ressources qui seraient ainsi dégagées soient affectées à l'AFITF, donc destinées à financer une amélioration des infrastructures de transport, paraît de nature à rendre leur principe acceptable aux usagers.
En outre, il convient de noter que l'Union européenne est favorable à une meilleure prise en compte des coûts dans la tarification des infrastructures de transports, comme l'illustre la réforme en cours de la directive dite « Eurovignette ».
Nous sommes tous convaincus qu'un pays comme le nôtre a besoin d'une politique volontariste en matière d'infrastructures et qu'il lui est nécessaire de s'en donner les moyens, d'autant plus - et cela mérite d'être souligné - qu'une telle politique est aussi porteuse de croissance, par son effet d'entraînement potentiel sur l'ensemble de l'économie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean Puech, président de l'Observatoire de la décentralisation.
M. Jean Puech, président de l'Observatoire de la décentralisation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question posée par notre collègue M. Alain Lambert concerne le développement et le financement des infrastructures de transport.
Je sais que beaucoup d'entre nous évoqueront la question des autoroutes qui est, bien évidemment, très importante pour l'avenir de nos territoires.
Permettez-moi cependant, au nom de l'Observatoire sénatorial de la décentralisation, de consacrer mon intervention aux conditions du transfert des routes nationales aux départements, qui est prévu par la loi du 13 août 2004 et entré dans sa phase de mise en oeuvre. Ce dossier est en effet au coeur de la problématique des infrastructures de transport.
Dans son principe, ce transfert n'est pas en cause : le Sénat y est favorable et l'a d'ailleurs voté. En revanche, ce qui est en jeu aujourd'hui, ce sont les modalités de son exécution, ainsi que les conditions futures dans lesquelles les conseils généraux auront à gérer cette nouvelle charge.
Dans ces conditions, le rôle de l'Observatoire de la décentralisation apparaît particulièrement important : il lui revient en effet d'examiner les conditions de la mise en oeuvre de ces transferts et d'alerter sur les éventuels problèmes qui pourraient apparaître.
C'est pourquoi, tout en saluant l'action réformatrice du Gouvernement depuis 2002 en matière de décentralisation, à laquelle on ne rend pas suffisamment hommage, je souhaite vous faire part de certaines difficultés de mise en oeuvre de cette importante réforme.
La méthode qui a été retenue pour ces transferts est la bonne. Nous avons demandé, dès la discussion du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales, que la détermination du champ des transferts et du montant des compensations fasse l'objet d'une évaluation transparente et contradictoire.
Je peux aujourd'hui témoigner d'une réelle capacité de la part du Gouvernement, ainsi que d'une véritable volonté de transparence. Les travaux de la Commission consultative d'évaluation des charges, laquelle n'avait quasiment jamais été réunie par le passé, en témoignent.
Pour autant, la nature des enjeux, ainsi que la difficulté réelle de l'exercice d'évaluation des transferts à opérer, nous obligent à aller jusqu'au bout de cet exercice. Ce n'est pas faire preuve de défiance que de considérer qu'il demeure encore de nombreuses incertitudes, de même que des désaccords subsistent ; il faut le reconnaître.
Précisément, l'Observatoire de la décentralisation a pour rôle de constater ces divergences pour mieux les réduire. Il faut identifier les problèmes techniques pour éviter qu'ils ne deviennent politiques, voire politiciens.
En l'occurrence, les problèmes sont de plusieurs ordres. Ils concernent, d'abord, le montant des transferts financiers et, ensuite, les effectifs des personnels transférés.
Au printemps dernier, la Commission consultative sur l'évaluation des charges a évalué le montant des transferts financiers à 200 millions d'euros, pour les seules dépenses consacrées au réseau existant.
Or, ce chiffre ne saurait, à lui seul, représenter la totalité des moyens que l'Etat doit transférer aux départements.
Il ne tient pas compte, en effet, de la prise en charge des personnels, ni du montant des investissements futurs. En outre, il ne reflète sans doute qu'imparfaitement la réalité de certaines situations spécifiques, notamment celles des départements ruraux ou des départements de montagne, dans lesquels la charge d'entretien des routes nationales est plus élevée et où des investissements sont nécessaires.
Dans le cadre de la présentation du projet de loi de finances pour 2006, le ministère des finances a rappelé que « les départements bénéficieront du transfert de la totalité des moyens humains et financiers affectés à l'entretien et à la gestion des routes qui leur sont transférées ». Pour autant, le montant exact de ces transferts, notamment pour ce qui concerne la prise en charge des agents des DDE, n'a pas été précisé.
Il est très important de clarifier ces différents aspects. En effet, en me rendant fréquemment sur le terrain, j'ai pu percevoir un certain flottement. Or, si l'on n'y prenait pas garde, cette situation pourrait nuire à la mise en oeuvre des transferts.
En effet, si les départements ont reçu un état des lieux de la voirie transférée, ils n'ont, à ce jour, eu aucune indication concernant les moyens dont ils pourront disposer à l'issue des transferts de charges.
La situation n'est guère meilleure pour les transferts des effectifs. Si, au printemps dernier, dans nombre de départements, a été signée une convention dans laquelle est évalué, par catégorie, le nombre des emplois devant revenir aux conseils généraux dans le cadre de la partition des services, des désaccords demeurent sur l'encadrement.
Ainsi, il n'est pas rare qu'une direction départementale de l'équipement soutienne - contre toute évidence ! - qu'aucun cadre de catégorie A ne travaille pour les routes nationales transférées. Dans d'autres cas, les évaluations sont systématiquement sous-estimées.
Cette situation ne doit plus durer si l'on veut éviter le blocage ! D'ores et déjà, l'incertitude qu'elle entraîne pour les personnels est visible, et chacun attend une clarification.
C'est vrai en particulier dans les départements qui ont prévu d'organiser une « bourse aux postes », à la fin de 2005 ou au début de 2006, afin de permettre aux conseils généraux de désigner les candidats les plus motivés et les plus compétents pour exercer ces nouvelles responsabilités. Avec les retards constatés, c'est tout le processus de réorganisation des services qui est remis en cause dans le temps.
Comment expliquer ces retards et ces blocages ? Il n'est pas inutile de s'arrêter sur ces problèmes tant ils me paraissent exemplaires.
En effet, la loi a été votée au Parlement, sur l'initiative du Gouvernement. Sur le terrain, le dialogue avec les préfets se passe le plus souvent bien. Les blocages se situent donc ailleurs, peut-être à Bercy, s'agissant des aspects financiers des transferts de compétences. En effet, de manière, hélas ! assez prévisible, on constate une volonté de minimiser l'ampleur des charges à compenser.
Aussi, j'en appelle à la détermination et au volontarisme politiques du Gouvernement pour que les transferts de ressources soient non seulement suffisants au regard de l'exigence constitutionnelle, mais également réalistes afin que soient pris en compte les retards d'investissements accumulés par l'Etat dans bien des départements depuis des décennies.
Concernant les transferts de personnels, j'ai eu l'occasion d'observer, comme nombre de mes collègues, les réticences des services locaux de l'équipement à effectuer leur propre partage. Il est vrai qu'ils sont à la fois juges et parties, ce qui, bien évidemment, ne facilite pas les choses.
Mais la situation ne serait pas si complexe si, dans nombre de cas, la gestion des transferts de personnels n'était pas organisée directement par le ministère de l'équipement et ses services déconcentrés, sans passer par les préfets, qui sont pourtant les représentants de l'Etat à l'échelon local.
L'attitude des administrations centrales me semble être pour beaucoup dans les blocages constatés. Les réflexions que je vous livre, monsieur le ministre, reposent sur des observations que j'ai faites dans des départements que je connais bien. Je vous suggère donc d'y mettre bon ordre, monsieur le ministre, afin que nous puissions avancer dans la mise en oeuvre de cette importante réforme.
En effet, les réponses du Gouvernement sont d'autant plus attendues qu'elles nous permettront de poursuivre la mise en oeuvre de l'acte II de la décentralisation, dans un esprit partenarial et confiant. C'est ainsi que nous avancerons positivement.
Monsieur le ministre, je vous fais confiance et je tiens à saluer aujourd'hui, après la publication du volet routier du comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires, le CIACT, qui s'est tenu vendredi dernier, les propositions innovantes du Gouvernement, notamment la mise en oeuvre, pour la première fois, de contrats de partenariat public-privé dans le secteur routier, qui avaient été lancés par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et sont efficacement poursuivis aujourd'hui.
Compte tenu des contraintes budgétaires - ne rêvons pas, elles existent, nous le savons - que nous comprenons, ces partenariats me semblent être la meilleure solution pour permettre à l'Etat de tenir ses engagements sans réserve et sans retard.
Concerné directement par ces décisions, j'apprécie la volonté affichée par le Gouvernement de faire avancer les dossiers qui sont prêts et qui sont importants pour l'économie de tout un territoire.
Nous souhaitons que la mise en oeuvre des partenariats public-privé s'inscrive dans un calendrier qui ne laisse pas de place aux détracteurs, parce qu'il y en aura. Ce qui a été réalisé dans d'autres pays d'Europe doit tout de même pouvoir l'être en France !
Telles sont, monsieur le ministre, les observations dont je souhaitais vous faire part. Je vous suis reconnaissant, par avance, des réponses que vous pourrez me donner sur tous les aspects de ce dossier essentiel pour le développement économique de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je reviens au sujet principal de notre débat ce matin, à savoir la privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes. Cette décision est, à mon sens, tout à fait contestable, et ce pour trois raisons.
La première est que nous allons fragiliser l'ensemble du système de financement des infrastructures de transport en France. Le système qui avait été mis en place dans notre pays en 1955 a permis d'assurer, sans apport budgétaire important, la réalisation d'un réseau autoroutier moderne, grâce à deux mécanismes principaux.
Le premier était fondé sur le recours à l'usager plutôt qu'au contribuable, c'est-à-dire au péage plutôt qu'à l'impôt.
Le second mécanisme, que l'on a oublié depuis, car il a disparu, était l'adossement. Celui-ci permettait une péréquation entre les différentes sections d'autoroutes, les recettes provenant des plus anciennes d'entre elles, et donc des plus rentables, finançant les sections les plus nouvelles et donc les moins rentables.
Il a fallu mettre fin à ce mécanisme en 2001, pour des raisons de droit européen de la concurrence. Il en est résulté deux conséquences, l'une directe, l'autre indirecte. D'une part - c'est la conséquence directe -, la durée des concessions a dû être allongée, ce qui, au passage, a permis aux SEMCA, les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes, d'empocher un petit pactole ; d'autre part - c'est la conséquence indirecte -, il a rapidement fallu pérenniser le financement de ces infrastructures, notamment en leur affectant les dividendes des SEMCA.
C'est ainsi qu'est née l'AFITF en 2003, comme l'a rappelé M. le président de la commission des affaires économiques. La création de cette agence a été une bonne idée. Le système mis en place est, en effet, doublement vertueux. Tout d'abord, l'AFITF permet non seulement une péréquation entre autoroutes, mais également entre plusieurs modes de transport, y compris des modes alternatifs. Ensuite, elle a permis de pérenniser le financement des infrastructures de transport par les dividendes des SEMCA. Ces ressources sont, pour certaines, extrêmement dynamiques. D'une part, le trafic augmente de 7 % par an ; d'autre part, ces ressources sont destinées à augmenter du seul fait du désendettement des SEMCA à compter de 2018.
Votre décision de privatiser les sociétés concessionnaires d'autoroutes, monsieur le ministre, vient ébranler ce système.
Ce qui est critiquable, monsieur le ministre, ce n'est pas votre préférence pour le présent plutôt que pour l'avenir - on pourrait d'ailleurs discuter à l'infini de la valeur actualisée des dividendes - c'est le principe même de privatisation et ses conséquences en termes de financement à long terme. En effet, les problèmes ne commenceront qu'en 2012. Votre choix est grave, monsieur le ministre. De plus, il intervient au moment même où vous décidez d'élargir le périmètre de financement et d'intervention de l'AFITF.
Ce qui est grave également, c'est que, en sacrifiant le court terme au long terme, vous cédez à cette manie bien française de toujours remettre en cause la règle, ce qui est source d'instabilité. Les décisions prises hier, qui étaient bonnes, me semble-t-il, sont aujourd'hui devenues mauvaises.
Il est toujours possible de se rattraper, monsieur le ministre. Aussi permettez-moi de vous faire une proposition. Dans un rapport datant de 2003, M. Jacques Oudin, alors sénateur, avait estimé à 23 milliards d'euros le montant de l'impôt sur les sociétés que les SEMCA paieront jusqu'à la fin des concessions. Ma proposition est simple, monsieur le ministre : affectez le montant de cet impôt à l'AFITF, tout simplement ! Cela serait, me semble-t-il, économiquement raisonnable et politiquement équitable.
M. Philippe Nogrix. Très bien !
M. Bruno Retailleau. La deuxième raison pour laquelle la décision de privatiser les sociétés concessionnaires d'autoroutes est contestable est que l'on va encourager la monopolisation dans ce secteur, et ce de deux manières.
Tout d'abord, nous allons placer dans les mains de quelques-uns, celles de grandes majors du BTP, l'ensemble du système autoroutier, la construction et l'exploitation. Quid des petites entreprises ?
Ensuite, nous allons mettre un terme à ce qui, en droit européen, se nomme le pouvoir adjudicateur. Lorsque les SEMCA étaient majoritairement détenues par l'Etat, elles étaient des pouvoirs adjudicateurs. A ce titre, elles devaient respecter des règles de mise en concurrence, comme l'a d'ailleurs rappelé le Conseil d'Etat dans un avis en 2002. Cela n'est pas contestable.
Lorsqu'elles seront privatisées, les SEMCA ne seront plus des pouvoirs adjudicateurs et ne seront donc plus soumises aux mêmes règles de concurrence, notamment en termes de publicité et d'appel d'offres, ce qui est dommage. Les coûts des travaux et des péages augmenteront. On constate d'ailleurs que c'est déjà le cas pour Cofiroute, qui est une société entièrement privée. Les montants de ses péages sont en effet de 40 % à 70 % plus élevés que ceux de ses consoeurs.
La troisième raison pour laquelle la décision de privatiser les sociétés concessionnaires d'autoroutes me paraît contestable est que l'on se trompe sur le sens de cette privatisation et sur la ligne de partage entre, d'une part, ce qui relève de la responsabilité de l'Etat et, d'autre part, ce qui relève de celle du secteur privé.
Les privatisations peuvent avoir du sens - et elles en ont souvent - dès lors qu'elles s'inscrivent dans un cadre concurrentiel, dès lors également que le secteur privé peut faire mieux, au moins au même prix, voire à un prix inférieur, que le secteur public. Or tel n'est pas le cas dans le secteur autoroutier, le « gâteau » étant déjà partagé en monopoles géographiques du fait de la réforme de 1994. De plus, il n'y a pas, en la circonstance, d'incertitude pour le secteur privé. Il n'y a pas de risque ! Les augmentations du trafic, les montants des péages, les perspectives de désendettement sont connues. Martin Bouygues l'a d'ailleurs très bien dit : on va transformer les actionnaires en détenteurs d'obligations.
En fait, monsieur le ministre, en privatisant les sociétés concessionnaires d'autoroutes, vous privatisez surtout la rente autoroutière ! Plus grave encore, vous mettez à mal le système d'aménagement du territoire. Chacun se rend bien compte qu'il ne peut y avoir d'aménagement du territoire sans infrastructures. Jean Puech l'a très bien dit. Il ne peut non plus y avoir d'emplois sans infrastructures.
Les sociétés concessionnaires d'autoroutes étaient pour l'Etat des instruments d'aménagement du territoire. Elles réalisaient, via l'AFITF, la péréquation que j'ai décrite tout à l'heure. En ébranlant ce système, on porte un coup à l'aménagement du territoire, au moment où, selon le Conseil général des ponts et chaussées, il reste un peu plus de mille kilomètres d'autoroutes non rentables à réaliser.
S'agissant, par exemple, de l'A 831, qui relie la région Poitou-Charentes à la région Pays de la Loire, on va nous demander une subvention d'équilibre de 50 %. Il y aura les recettes provenant des péages et le produit de l'impôt. Ce sera plus compliqué.
Monsieur le ministre, puisque votre décision est prise, il est indispensable que l'Etat conserve sa fonction régulatrice, au-delà des seuls contrats de concession. La privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes pose la question de l'aménagement du territoire, mais aussi, plus généralement, de la productivité globale de notre économie. (M. Philippe Nogrix applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis satisfait qu'ait été organisé ce débat sur le développement et le financement des infrastructures de transport.
J'espère cependant que, au terme de cette discussion, d'autres propositions sur le sujet pourront être examinées et que le Gouvernement prendra l'engagement de financer de façon pérenne les infrastructures de transport, à la mesure des enjeux économiques et sociaux, et ce bien au-delà de 2007.
Pour commencer, je tiens à vous faire part de mon étonnement sur la conception que la majorité sénatoriale a des droits de l'opposition dans cette assemblée.
Sans être exhaustif, je rappellerai que j'ai proposé en janvier 2005 un projet de résolution sur le troisième « paquet ferroviaire ». Cette question est d'actualité, compte tenu de la position prise par la majorité des députés européens. J'ai ensuite déposé, en avril dernier, une question orale avec débat sur l'avenir du transport combiné. Je me souviens même que la commission des affaires économiques avait alors considéré que cette question devait être débattue en urgence. Les deux sont à ce jour restés sans réponse.
J'ai également interpellé le Gouvernement par une question sur le même thème que celui dont nous avons à débattre aujourd'hui. Elle n'a pas non plus été retenue. La conférence des présidents a préféré inscrire une question orale - pourtant déposée bien après - de mon très honorable collègue Alain Lambert, qui appartient à la majorité sénatoriale, plutôt que celle d'un sénateur membre du groupe communiste républicain et citoyen ou bien du groupe socialiste.
L'initiative parlementaire est-elle uniquement réservée aux sénateurs de la majorité ? Il faut nous le dire, cela nous fera gagner du temps ! (M. Alain Lambert s'exclame.) La pratique de notre assemblée, peu respectueuse des droits de l'opposition, tend à le démontrer.
Quoi qu'il en soit, ce débat devait logiquement avoir lieu à la suite de l'annonce par le Premier ministre, lors de son discours de politique générale, de la privatisation des concessions d'autoroutes, mesure qui remet directement en cause la pérennité des ressources de l'AFITF.
Depuis, un appel d'offres a été lancé, auquel se sont évidemment empressés de répondre les géants du secteur du BTP. Seule la société Bouygues a fait savoir qu'elle ne déposerait pas d'offre, car un tel investissement relève, selon elle, d'une logique essentiellement financière qui ne correspond pas à sa vocation d'entrepreneur. Cette déclaration devrait quand même interpeller le Gouvernement compte tenu de sa démarche plus que généreuse pour les actionnaires des grands groupes financiers...
Ce débat vient également à un moment particulier, puisqu'il se situe en pleine affaire de la privatisation de la Société nationale maritime Corse Méditerranée, la SNCM, que le Gouvernement justifie par le caractère jugé déficitaire de l'entreprise.
Permettez-moi de m'arrêter quelques instants sur ce sujet très emblématique.
M. Alain Lambert. Un scandale !
M. Michel Billout. Avec la SNCM, sont notamment posées la question de la continuité territoriale et celle du rôle de l'Etat, dont c'est en effet l'une des missions. La réponse du Gouvernement en la matière est celle du désengagement.
Après une proposition de privatisation à 100 %, vous avez dû reculer, monsieur le ministre, sous la pression des salariés de la SNCM et en raison de l'émotion suscitée dans la population.
M. Josselin de Rohan. Oui, on peut en parler !
M. Michel Billout. Cependant, une participation minoritaire de l'Etat dans le capital n'assure pas un contrôle suffisant.
M. Robert Bret. Le Gouvernement voulait brader la SNCM aux fonds de pension !
M. Michel Billout. Pourquoi avez-vous refusé, monsieur le ministre, le principe d'une participation de la Caisse des dépôts et consignations, dont c'est tout à fait le rôle, et qui aurait permis une majorité de fonds publics dans le capital de la société ?
M. Josselin de Rohan. Bruxelles aurait-elle accepté ?
M. Michel Billout. Pas plus tard qu'avant-hier, dans cet hémicycle, M. Perben indiquait que la CDC était à ses yeux un partenaire important pour le montage de partenariats public-privé. La SNCM est donc l'exception qui confirme la règle ?
Pour revenir à la question des autoroutes, je souligne que le Gouvernement propose la privatisation de sociétés, cette fois, bénéficiaires. Elles le seront même de plus en plus à l'avenir. Cela s'explique par l'acquittement progressif du remboursement des emprunts et de l'augmentation du coût des péages. En effet, ces remboursements arriveront à échéance en 2018.
Ainsi, pour ne prendre qu'un exemple, le chiffre d'affaires d'Autoroutes du sud de la France, ASF, a augmenté de 7,6 % depuis 1990. On offre ainsi aux grandes entreprises du bâtiment la possibilité d'un investissement sans risque puisque monopolistique et à rendement maximum. Ce sont, en effet, selon ce qu'indiquait, ici même, le ministre Gilles de Robien, 30 milliards d'euros de dividendes qui sont attendus dans les vingt-cinq prochaines années.
J'aimerais, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur une question qui concerne la fixation de la valeur des trois sociétés privatisables. Pourquoi choisissez-vous un taux d'actualisation de base de 8 %, fixé en 1985, alors que le rapport Lebègue du Commissariat général du Plan, rendu public le 21 janvier 2005, le place dans une fourchette de 4 à 6 % ? Or vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, que plus le taux d'actualisation de base est faible plus la valeur du bien est élevée.
Le changement de base de calcul ferait ainsi passer la valeur des trois sociétés à plus de 22 milliards d'euros, soit 10 milliards d'euros de plus que le montant escompté. Serait-ce un nouveau cadeau aux grands groupes financiers ?
M. Michel Billout. Je me refuse à le croire...
M. Robert Bret. Poser la question, c'est y répondre !
M. Michel Billout. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter quelques précisions à ce sujet ?
Pourquoi donc se priver de revenus aussi importants ?
Plus généralement, quelles sont les véritables raisons de privatiser progressivement l'ensemble du secteur public ? Comment pouvez-vous prétendre, avec l'exemple des sociétés d'autoroutes, que ces raisons ne sont pas purement idéologiques ni liées à la satisfaction des intérêts des catégories sociales les plus aisées ?
Il s'agit, dans la droite ligne de l'accord général sur le commerce et les services et de la directive Bolkestein, qui est loin d'être enterrée, de s'affranchir de la conception de service public en faisant de la marchandisation l'unique modèle d'échanges et de prestations. C'est revenir de cette manière sur une conception traditionnelle du rôle de l'Etat dans notre pays comme garant des services publics, eux-mêmes facteurs de cohésion sociale et d'aménagement du territoire, fondés non sur la notion de rentabilité mais sur celles de l'intérêt général et de la péréquation.
M. Alain Lambert. La CGT !
M. Michel Billout. Nombreux, malheureusement, sont aujourd'hui les exemples de désengagement de l'Etat.
Tout d'abord, par la loi de décentralisation, l'Etat transfère des blocs de compétence à la région et aux départements, sans pour autant transférer à ces collectivités les moyens financiers nécessaires à leurs nouvelles missions. Les comptes sont loin d'être équilibrés sur ce chapitre !
De même, dans le domaine ferroviaire, l'Etat se dégage de la partie transport des contrats de plan, dont l'exécution revient maintenant à l'AFITF.
Il se désengage aussi en tentant de déclasser des lignes d'intérêt national sous l'appellation de « trains d'intérêt interrégional », pour obtenir des régions un cofinancement, voire un financement intégral.
Il le fait encore en consacrant dans la loi de finances des crédits de plus en plus minimes au transport, soit 3 % du PIB, alors qu'une étude comparée montre que les autres pays européens accordent à ce secteur des moyens supérieurs.
Pour simple exemple, je rappellerai que les subventions au transport combiné ont été programmées par la loi de finances pour 2005 à hauteur de 16 millions d'euros, alors qu'en 2002 ce financement atteignait 92 millions d'euros ! Dans cette même loi de finances, la contribution de l'Etat aux charges d'infrastructures ferroviaires a diminué de 80 millions d'euros, soit une baisse de 6,4 %.
Ainsi, la question essentielle est posée : comment financer les infrastructures de transports, alors même que l'Etat se désengage financièrement de plus en plus et assume de moins en moins ses missions de service public dans ce domaine ?
Comment va-t-on aujourd'hui pouvoir financer les infrastructures de transports, alors même que l'organisme qui devait prendre en charge ces projets se trouve privé de l'essentiel de ses ressources pérennes au-delà de 2007 ?
Cette décision méconnaît le vote du Parlement, qui avait, dans la loi de finances pour 2005, affecté les recettes des sociétés d'autoroutes au financement des infrastructures de transports.
L'AFITF aurait ainsi dû recevoir en moyenne 1,5 milliard d'euros de recettes des autoroutes par an pendant vingt ans. En lui allouant 11,5 % de la vente escomptée de ce patrimoine pour 2006, soit 1,5 milliard d'euros, le Gouvernement cherche, certes, à tempérer les ardeurs éclairées des parlementaires, mais l'agence n'en bénéficiera qu'une fois. Par la suite, ce sont les actionnaires qui en useront.
L'Etat cède ainsi au privé un patrimoine collectif public d'une valeur considérable, financé par les usagers et les contribuables. Il met fin à la péréquation entre sections rentables et non rentables. Il incite à accentuer le tout routier en appelant à l'augmentation des flux pour accroître les dividendes.
Au regard des enjeux de rééquilibrage entre les différents modes de transports, dans un contexte où les besoins vont augmenter de 60 % pour le transport de personnes et de 40 % pour le fret, cette mesure est contre-performante.
En effet, l'objectif assigné à l'AFITF lors de sa création était, selon le Gouvernement, la promotion d'une politique des transports qui favorise les modes de transports alternatifs à la route, notamment le rail, par le financement des grands projets d'infrastructures tels qu'ils ont été définis lors du comité interministériel d'aménagement du territoire, le CIADT, de décembre 2003. Sans financement suffisant, ces objectifs, que le groupe communiste républicain et citoyen partage, ne seront pas atteints.
Pourtant, les impératifs de préservation de l'environnement, mais aussi la crise actuelle du pétrole, appellent une politique forte en faveur du développement du transport ferroviaire, notamment du fret ferroviaire et du transport combiné.
Ce n'est apparemment pas la volonté du Gouvernement. Au contraire, des plans de repli du fret et du combiné sont présentés. Parallèlement, des mesures favorisant le patronat routier ont été entérinées dans un plan que vous avez présenté le 12 septembre dernier, monsieur le ministre, qui prévoit de nouvelles exonérations de taxe professionnelle sur les poids lourds. Rappelons tout de même que ce plan va coûter 400 millions d'euros sur le budget des transports.
De plus, il s'agit d'un nouveau cadeau puisque la loi de finances pour 2005 prévoyait déjà l'extension du dégrèvement de taxe professionnelle pour les camions de plus de 7,5 tonnes. Cette mesure a coûté 1 milliard d'euros. En tout, c'est donc 1,4 milliard d'euros de cadeau au patronat routier. Il ne s'agit pas là de mesure favorisant le rail au détriment de la route.
Contrairement à la politique menée par le Gouvernement, les sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen estiment qu'il est temps d'enrayer cette libéralisation dont les effets sur la sécurité, la qualité, l'égalité de traitement, l'aménagement du territoire et l'emploi sont particulièrement néfastes et risquent d'avoir des conséquences irrémédiables.
Dans ce sens, nous demandons donc que le Gouvernement revienne sur sa décision de privatisation des concessions d'autoroutes.
Nous voulons également, comme le recommande l'audit sur l'état des infrastructures de transport ferroviaire, que l'Etat s'engage bien au-delà des 70 millions d'euros actuellement prévus pour rénover ce réseau.
En effet, cet audit pointe très clairement l'état de sous-investissement chronique du réseau ferroviaire français. Il y est précisé que, si le budget de maintenance continue à régresser - au regard de l'inflation -, cela conduira à « la cessation d'exploitation sur 60% du réseau à l'horizon 2025. Ne subsisteront à cette date que les lignes à grande vitesse ainsi que les axes majeurs nationaux et de banlieue ». Ce scénario « va à contresens d'une mobilité durable des personnes et des marchandises en France ».
Dans ce document, il est recommandé au Gouvernement de porter à 3,1 milliards d'euros par an, contre 2,5 milliards d'euros actuellement, la contribution à l'entretien du réseau afin d'en assurer le maintien.
Les sommes à trouver atteignent dont 600 millions d'euros par an, avec un pic à l milliard d'euros entre 2011 et 2015. Ce sont donc 4 milliards d'euros que la puissance publique doit investir pour son réseau.
C'est pourquoi les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent que le Gouvernement s'engage à fournir à l'AFTIF des ressources pérennes.
Nous estimons également que le Gouvernement doit s'engager à la reprise de la dette de la SNCF et de RFF qui représente 41 milliards d'euros, afin que ces entreprises publiques puissent satisfaire à leurs missions.
Nous souhaitons encore que le Gouvernement s'engage à honorer les contrats de plan entre l'Etat et les régions, qui ont subi tant de retard.
Nous demandons enfin, une nouvelle fois, qu'une étude mesurant l'impact des politiques de libéralisation des transports en Europe sur l'emploi, la sécurité et sur le niveau de développement des réseaux soit réalisée.
Nous jugeons indispensable de mettre en place une véritable politique commune de développement des réseaux transeuropéens de fret ferroviaire, intégrant les objectifs de développement durable, de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire et de développement de l'emploi.
En conséquence, nous estimons fondamental que soient élaborés à l'échelle européenne de véritables plans de financements permettant aux Etats d'entreprendre les investissements nécessaires en matière d'infrastructures nouvelles, de modernisation des réseaux actuels et des nouveaux réseaux dédiés.
Mais ce n'est malheureusement pas dans cette direction que s'engage le Gouvernement, comme il nous l'a encore démontré mardi dernier en faisant ratifier en urgence la libéralisation du fret ferroviaire dans le cadre du projet de loi très prétentieusement intitulé « sécurité et développement des transports ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement du 1er juillet dernier, le groupe UC-UDF avait été le premier à soulever la question du financement des infrastructures de transport, ainsi que de sa pérennité, et à s'interroger sur la pertinence du choix fait par la nouvelle équipe gouvernementale à la suite de la déclaration de politique générale du Premier ministre.
Comme vous le voyez, monsieur le ministre, ce sujet nous tient à coeur. Je déplore seulement que nous débattions aujourd'hui sur une question qui est déjà tranchée. C'est étrange dans un régime parlementaire ; il n'y aura pas de vote à l'issue de ce débat. Surtout, monsieur le ministre, vous avez déjà demandé aux soumissionnaires du premier tour de vous adresser des offres fermes.
Toutefois, il me semble important de réaffirmer l'opposition du groupe UC-UDF à cette décision, qui privilégie le court terme et est en totale opposition avec les choix opérés par le précédent gouvernement et issus d'une longue réflexion ainsi que d'une concertation suivie avec le Parlement.
En juin et en décembre 2003, le Sénat débattait des infrastructures de transport et de leur financement. Une majorité des sénateurs, notamment notre ancien collègue Jacques Oudin, souhaitait alors un financement dédié, grâce à l'affectation du produit des participations de l'Etat dans les sociétés concessionnaires d'autoroute.
M. de Robien lui-même, dans un gouvernement auquel participait M. de Villepin, sous l'autorité de M. Raffarin, s'était très clairement exprimé en décembre 2003 sur cette question, en ces termes : « Soit on vend tout de suite les sociétés d'autoroutes, et cela fera peut-être du bien immédiatement, mais on risque de le regretter pendant dix, vingt ou trente ans ; soit on ne les vend pas, et on engrange alors pour le compte de l'Etat des dividendes qui permettront de réaliser des infrastructures, notamment de transports alternatifs, pendant dix, vingt ou trente ans. »
M. Daniel Reiner. Eh oui !
M. Philippe Nogrix. C'est bien là le rôle d'un ministre chargé des transports et de l'équipement. A notre sens, la politique d'aménagement du territoire ne se décide pas à Bercy.
Tous ces débats, assez consensuels, inspirèrent la décision du CIADT du 18 décembre 2003 en faveur du maintien des participations de l'Etat dans les sociétés autoroutières. Mais ce qui était bon hier ne l'est plus aujourd'hui, parce que l'on ne tient plus, à Bercy, le même raisonnement qu'à l'époque.
A la suite de cette décision fut créée l'Agence de financement des infrastructures de transport en France, l'AFITF, établissement public chargé de financer la part des contributions publiques incombant à l'Etat dans le cadre de la planification à long terme des infrastructures nationales de transport définie lors du CIADT du 18 décembre 2003.
En décembre 2004, le Parlement votait le projet de loi de finances pour 2005, dont l'article 60 affectait à l'AFITF le produit des participations d'Etat, soit environ 280 millions d'euros. Déjà, à cette époque, un certain nombre de professionnels nous avaient fait part de leurs inquiétudes quant à la pérennité des ressources de l'Agence. En effet, les fonds dédiés aux infrastructures ont tous été supprimés à plus ou moins brève échéance.
Ainsi, trois de nos collègues de l'UMP, MM. Bécot, Besse et Leroy, avaient même déposé un amendement ayant pour objet de transférer à l'AFITF la propriété des participations détenues par l'Etat et l'établissement public Autoroutes de France dans le capital des sociétés concessionnaires d'autoroutes. En assurant en partie l'autonomie financière de l'AFITF, cet amendement garantissait l'affectation durable de ressources aux infrastructures et la pérennité de l'Agence, mais il n'a pas été adopté.
En revenant sur ces décisions, qui étaient approuvées par la quasi-unanimité non seulement des parlementaires, mais aussi des professionnels du secteur, le Gouvernement sacrifie l'avenir au présent. Tout l'argent retiré de la vente disparaîtra dans le déficit, sans que cela ait d'incidence décisive sur le désendettement. C'est non pas de quelques milliards d'euros dont nous avons besoin pour redresser nos finances publiques, mais d'une politique courageuse et de mesures constructives. Je tiens à le dire, même si cela peut faire sourire certains !
Parallèlement se pose la question de la pérennité du financement des infrastructures de transport. Le comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires de vendredi dernier a apporté les premiers éléments de réponse à cet égard, mais qu'en sera-t-il, comme l'a dit tout à l'heure M. Retailleau, au-delà de 2012 ? Les dividendes des concessions étaient, eux, assurés jusqu'à 2028 ou 2032.
Vous prévoyez en outre, monsieur le ministre, de recourir aux partenariats public-privé, qui vous sont chers, pour assurer le financement de certaines infrastructures. Cependant, pour « armer » de tels partenariats, il est nécessaire que l'Etat s'engage à prendre aussi sa part. Ainsi, pour le projet Seine-Nord, il semblerait que l'insuffisance du financement remette en cause le calendrier initialement établi, ce qui repousse de quelques années la réalisation d'une infrastructure réclamée par les élus locaux et les usagers.
Enfin, comment sera affecté le produit de cette vente, hormis les 4 milliards d'euros alloués à l'AFITF ? On parle de 2 milliards d'euros pour l'Agence de l'innovation industrielle, de 1 milliard d'euros pour l'Agence nationale de la recherche, de 100 millions d'euros pour des travaux intéressant le patrimoine culturel, et même d'une dotation à la politique de la ville... Ne risque-t-on pas de promettre plusieurs fois les mêmes milliards ? (M. Daniel Reiner approuve.)
Dans un second temps, monsieur le ministre, nous tenons à réaffirmer avec force la légitimité du Parlement pour trancher une telle question. Vous vous retranchez derrière un avis du Conseil d'Etat en date des 25 et 29 août, qui n'a été rendu public que cette semaine, sur le site Internet d'un quotidien. Certes, le Conseil d'Etat considère qu'il n'est pas besoin de consulter le Parlement, puisque l'Etat détient directement moins de 50 % du capital de chacune des sociétés d'autoroutes concernées : ASF, Autoroutes du Sud de la France, APRR, Autoroutes Paris-Rhin-Rhône et SANEF, Société d'autoroutes du Nord et de l'Est de la France.
M. Daniel Reiner. C'est spécieux !
M. Philippe Nogrix. Cependant, comme François Bayrou l'a démontré la semaine dernière, Autoroutes de France, établissement public administratif, peut tout à fait être assimilé à l'Etat.
De plus, nous avons le droit, et même le devoir, nous parlementaires, de nous prononcer sur cette question quand 70 % des Français se déclarent opposés à cette vente. Pourquoi court-circuiter le Parlement ? Nous aurions certainement pu éclairer l'opération, ce qui nous aurait permis de mieux défendre les emplois actuels, de mieux protéger les usagers au regard de l'évolution des péages et de rester les véritables décideurs en matière d'affectation des résultats et de réalisation des travaux dans le respect des adjudications.
En conclusion, monsieur le ministre, le groupe de l'Union centriste-UDF, au nom duquel je m'exprime, est résolument opposé au changement de gestionnaires de nos sociétés d'autoroutes dans les conditions aujourd'hui connues.
En revanche, nous tenons à souligner la qualité du travail qui a été accompli par le gouvernement précédent, notamment par MM. Raffarin et de Robien, et qui avait permis d'aboutir à une solution équilibrée permettant à la France de poursuivre la mise en oeuvre d'une politique de transports ambitieuse et prenant en compte la protection de l'environnement. Ce travail avait été présenté au Parlement, qui avait pu donner son avis. A l'UDF, nous voulons garantir le débat et permettre aux parlementaires d'enrichir et de mieux assurer la réussite des politiques et des initiatives du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur les travées socialistes. - M. Bruno Retailleau applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier M. Lambert d'avoir posé cette question orale avec débat au ministre chargé des transports, ce qui était d'ailleurs bien naturel s'agissant de développement - point qui a été relativement peu évoqué jusqu'à présent - et de financement d'infrastructures de transport.
La semaine dernière, ce débat a été retiré de l'ordre du jour, et je ne sais d'ailleurs toujours pas pourquoi.
M. Robert Bret. C'était pour avoir une assistance plus nombreuse !
M. Daniel Reiner. Aujourd'hui, le ministre chargé des transports n'est pas présent parmi nous, mais il est vrai qu'il a certainement mieux à faire, à Lyon, que participer à une discussion concernant le secteur des transports...
Quoi qu'il en soit, nous sommes heureux de pouvoir nous exprimer, même s'il ne s'agit que de cela puisque, une fois de plus, le débat qui nous réunit autour de cette question, après celui qui s'est tenu la semaine dernière à l'Assemblée nationale, ne sera pas suivi d'un vote.
En effet, il faut bien le dire, ce fut une grande surprise, pour tous les parlementaires, d'entendre le Premier ministre annoncer, lors de sa déclaration de politique générale, la privatisation totale des sociétés concessionnaires d'autoroutes et de voir, d'un peu loin, le Gouvernement engager le processus dans la précipitation, pendant l'été.
Ce fut pour nous une mauvaise surprise, car nous avions le sentiment que les débats de 2003 avaient permis de bien éclairer la situation. L'annonce de la décision du CIADT de décembre 2003, la création de l'AFITF au 1er janvier 2005, l'affichage des projections de financement de l'ensemble des projets : tout cela concrétisait, au fond, le consensus entre le Parlement et le Gouvernement qui s'était dégagé sur ce sujet. Je voudrais rendre hommage, à cet égard, au précédent Premier ministre, qui était tout à l'heure présent dans cet hémicycle.
De quoi s'agissait-il ? On tirait les leçons du passé, on « sanctuarisait » les moyens de construire et d'équiper le pays. Puis, tout d'un coup, tout s'est brouillé, aux yeux de l'opposition, certes, ce qui, après tout, n'est pas anormal, mais aussi de certains membres de la majorité, qui ont fait part de leurs doutes, de leurs inquiétudes, parfois de leur colère devant une décision brutale. L'un d'entre eux vient encore de s'exprimer en ce sens.
Soyons clairs : à l'évidence, la privatisation des sociétés concessionnaires d'autoroutes met en péril les moyens à long terme de l'AFTIF, alors que celle-ci est à peine née, fruit d'un consensus suffisamment rare pour être souligné.
Vos dénégations sur ce point, monsieur le ministre - j'ai naturellement lu le compte rendu des débats qui se sont tenus sur ce sujet à l'Assemblée nationale -, n'y feront rien. Pour nous, parlementaires de gauche, du centre ou de droite, qui émettons chaque année un vote sur le projet de loi de finances et qui savons bien que les crédits d'investissement, dans ce domaine en particulier, sont ce qui reste quand on a à peu près tout dépensé et font par ailleurs le plus souvent l'objet d'une attention toute particulière dans le cadre de la régulation budgétaire, faire dépendre les moyens de l'AFTIF du bon vouloir des architectes du budget, année après année, gouvernement après gouvernement, c'est priver d'ores et déjà cette dernière de tout ce qui constituait son essence, à savoir sa visibilité et la lisibilité de son action sur le long terme.
En première analyse, la privatisation des autoroutes ruinera l'espoir de voir réalisées au terme fixé les infrastructures dont notre pays a un urgent besoin, celles qui font le bon aménagement et l'attractivité de notre territoire.
Cela étant, au fond, cette décision ne nous étonne guère, car elle est triplement caractéristique à nos yeux, du point de vue tant du fond que de la forme, de la politique du Gouvernement, notamment en matière de transports : reniement des engagements pris, décision prise selon le « fait du prince », annoncée lors de la déclaration de politique générale, gestion désespérante des finances publiques - « je dépense aujourd'hui les recettes de demain ». Qui nous dit, de surcroît, que les concessions ne seront pas cédées à un prix inférieur à leur valeur ? Ce débat est très actuel.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Je procéderai à un bref rappel historique.
Il me semble que c'est à l'occasion de la préparation du protocole de Kyoto que l'on a commencé à prendre conscience du fait que la maison brûlait. La France s'est alors engagée à réduire ses émissions de dioxyde de carbone d'ici à 2010, ce qui justifie naturellement la mise en place d'une politique volontariste dans le domaine des transports en matière de report modal, politique rendue encore plus nécessaire aujourd'hui dans la période de pétrole cher qui vient de s'ouvrir et que l'on pense devoir être durable.
En clair, dans la mesure où le transport routier est responsable d'une grande partie des émissions de dioxyde de carbone, il convenait de consentir des efforts en faveur des autres modes de transport.
Ces efforts avaient été engagés sous le gouvernement de M. Jospin, au travers des schémas de services collectifs. Je relève d'ailleurs que ces derniers ont été supprimés, dans une très grande discrétion, par une ordonnance du 9 juin 2005, sans qu'ils aient été jamais remplacés par quoi que ce soit d'autre.
En outre, à l'époque, les crédits alloués au secteur ferroviaire dans le cadre des contrats de plan avaient été multipliés par huit, et une agence de financement des infrastructures avait été créée par la loi du 3 janvier 2002 relative à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport, loi qui a d'ailleurs constitué le support juridique du décret de création de l'AFITF.
Puis, après le changement de gouvernement intervenu en 2002, Jean-Pierre Raffarin et Gilles de Robien ont fort utilement confié au Conseil général des ponts et chaussées la réalisation d'un audit sur les infrastructures, socle d'un large débat au Parlement qui s'est tenu en juin 2003.
L'idée de la création d'une agence financière alimentée par les dividendes de ce que l'on appelait, selon une formule que je ne trouve pas très heureuse, la « rente autoroutière », avait alors prévalu assez largement au sein de tous les groupes politiques parlementaires. Instituer une recette pérenne au bénéfice de l'Agence devait permettre une visibilité à long terme. Un engagement clair fut pris lors du CIADT du 18 décembre 2003 sur la création de l'AFITF et sur une liste de projets d'investissements.
Toutefois, dans le projet de loi de finances pour 2004, déjà, les engagements de l'Etat n'avaient pas été traduits en chiffres, et il en était notamment résulté un « rognage » des crédits des contrats de plan. On les voit aujourd'hui réapparaître, en quelque sorte, puisqu'il est question que l'AFITF prenne en charge les actions correspondantes, ce qui n'était pas du tout prévu à l'origine. En tout état de cause, le retard de versement ne cesse de s'aggraver, les dotations au bénéfice du report modal sont en régression et le lancement du plan fret ferroviaire, qui a été évoqué à de nombreuses reprises, s'est traduit par la fermeture de dessertes et, malheureusement, par la mise en circulation de milliers de camions supplémentaires.
En 2004 a paru le décret de création de l'AFITF, en pleine discussion budgétaire. Il ne respectait pas entièrement la loi du 3 janvier 2002, qui ne prévoyait que le financement de modes de transport alternatifs à la route. Le ministre annonça en séance publique que 70 % du produit des recettes de l'AFITF serait affecté à ces modes de transport, mais aucun engagement écrit ne put être obtenu. Il réaffirma également l'engagement du Gouvernement d'affecter à l'AFITF les dividendes des sociétés d'autoroutes. Dans la presse, le précédent ministre des transports ne cessait de clamer qu'il avait obtenu une véritable victoire contre Bercy, mais c'était, on le pressentait déjà alors, une victoire à la Pyrrhus.
En 2005, devant les déficits publics galopants - mais ce sont ceux des gouvernements de droite, qui n'ont eu de cesse de faire exploser la dette -, le nouveau Premier ministre procéda à une spectaculaire volte-face à l'occasion de sa déclaration de politique générale, en annonçant la privatisation totale de toutes les sociétés publiques d'autoroutes.
La recette escomptée est de 10 milliards à 12 milliards d'euros, alors que les dividendes autoroutiers pouvaient rapporter, d'après des estimations qui ont été largement publiées, entre 30 milliards et 40 milliards d'euro d'ici à 2030. Même l'UDF a crié à la trahison.
Pourquoi d'ailleurs 10 milliards à 12 milliards d'euros et non pas 15 milliards ou 20 milliards d'euros ? Le doute demeure permis. Un taux d'actualisation qui passe de huit à quatre, etc., tout cela est très étrange et nous inquiète s'agissant de la valeur à laquelle les parts seront cédées.
Vous annoncez une dotation en capital de 4 milliards d'euros en faveur de l'AFITF. Initialement, seul 1 milliard d'euros était prévu, mais vous avez dû reculer devant la grogne des parlementaires, en particulier des parlementaires de la majorité qui sont, naturellement, ceux que vous écoutez le plus.
Par ailleurs, il est désormais question de faire financer le retard des contrats de plan par ces crédits, ce qui revient à l'évidence à détourner l'AFITF de sa vocation originelle.
Monsieur le ministre, vous nous assurez que les recettes sont clairement précisées dans le projet de loi de finances pour 2006, à savoir l'affectation du produit de la redevance domaniale, la taxe d'aménagement du territoire et 40 % du produit des amendes liées aux radars automatiques. Or je rappelle que ladite taxe, créée en 1995, était à l'époque totalement affectée au fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, lequel a été supprimé en 2001. Pourquoi ce qui s'est produit hier ne se reproduirait-il pas demain ?
Personne ne met en doute ce qui est annoncé dans le projet de loi de finances pour 2006. En 2007, nous pouvons supposer que les engagements seront respectés, mais, au-delà, ce qu'un gouvernement a fait, un autre peut parfaitement le défaire ; il n'est même pas nécessaire qu'il ait la même couleur politique.
En définitive, l'AFITF est amputée de ses moyens et la pérennité du financement des infrastructures est menacée, alors même que l'Etat semble ne pas pouvoir assurer le simple entretien de ses infrastructures. Est-il besoin de rappeler l'audit qui a été réalisé sur l'entretien des voies ferrées, mettant en évidence un besoin de plus de 15 milliards d'euros en dix ans, simplement pour remettre en état le réseau ?
Pour compenser ce manque de recettes, vous annoncez comme solution miracle le recours au partenariat public-privé - on se prosterne devant cet autel depuis quelque temps - que vous avez mis en place dans une ordonnance du 17 juin 2004.
Selon des sources non parlementaires, cette nouvelle architecture financière met d'ores et déjà en évidence un manque de 3 milliards à 4 milliards d'euros d'ici à 2012 pour financer les trente projets prévus, et ce sans compter la participation aux contrats de plan. Où les trouverez-vous ? Commanderez-vous un nouvel audit pour justifier l'abandon de certains ?
A titre de comparaison, alors que le programme du CIADT nécessiterait un investissement de quelque 70 milliards d'euros d'ici à 2030 de la part de l'Etat français, l'Etat espagnol prévoit un programme de travaux d'un montant de 250 milliards d'euros, dont 150 milliards à la charge de l'Etat, de 2005 à 2020. Comment imaginer que nous ne puissions pas faire aussi bien que l'Espagne ?
Dans ce contexte, monsieur le ministre, vous devez répondre aux inquiétudes des parlementaires, qu'ils soient dans la majorité ou dans l'opposition. Quelle est la politique du Gouvernement en faveur de la modernisation des infrastructures et de la création de nouvelles infrastructures alternatives à la route ?
La question des transports dans notre pays s'inscrit naturellement dans une dimension européenne. Or parmi les grandes infrastructures de niveau européen qui constituent les réseaux transeuropéens de transports, les Conseils ont défini successivement, en 1994, en 1996 et même ultérieurement, une liste de grands projets dont plusieurs intéressent nécessairement notre pays. Je pense aux grandes lignes ferroviaires que sont le TGV Est européen, le TGV Sud européen en direction de l'Espagne et la liaison ferroviaire Lyon-Turin.
Aujourd'hui, les discussions au Parlement européen semblent se concentrer davantage sur les questions de libéralisation et d'ouverture à la concurrence que sur les moyens de dynamiser le grand réseau de transports européen qui nous intéresse tous. Le Gouvernement pourrait relancer l'idée de ce réseau qui, pour l'instant, paraît en panne. Je ne citerai pas tous les grands projets, mais ils concernent à peu près toutes les régions de France ; leur utilité est évidente et les parlementaires y sont très attachés.
L'AFITF avait pour vocation de financer à 70 % des modes de transport alternatifs, c'est-à-dire pour l'essentiel le transport ferroviaire et le transport fluvial. Pour ce qui est du transport ferroviaire, nous avons le sentiment que rien ne va plus. En 1997, conformément aux directives européennes de 1991, la France a adopté une nouvelle organisation du système ferroviaire en séparant le réseau, confié à Réseau ferré de France, et l'exploitation, confiée à la SNCF.
Mais le gouvernement Juppé est allé au-delà de la simple obligation de séparation comptable entre le réseau et l'exploitation issue de nos engagements européens. Il avait à l'époque justifié le choix de la création de deux établissements publics comme un moyen de maîtriser la dette ferroviaire, notamment en allégeant la dette de la SNCF. Or, près de huit ans après la mise en place de ce dispositif, le moins que l'on puisse dire est que l'objectif n'est pas atteint.
Le nouveau « triptyque ferroviaire » faisant intervenir l'Etat, RFF et la SNCF est « plombé » pour longtemps par le problème de la dette ferroviaire, qui est passée de 15 milliards d'euros en 1990 à 42 milliards d'euros cette année ; RFF en supporte 25 milliards d'euros, la SNCF 6 milliards. Ce résultat semble en amélioration.
A cette occasion, je rappellerai que le gouvernement Jospin avait stabilisé cette dette jusqu'en 2001. En 2004, les seuls frais financiers supportés par l'ensemble du système ferroviaire représentaient 2,5 milliards d'euros. L'augmentation des dotations de l'Etat pour le désendettement est donc nécessairement insuffisante puisque celles-ci atteindront théoriquement 2 milliards d'euros s'il n'y a pas de régulation budgétaire, ce qui est toujours à craindre. Ce décalage nous conduit immanquablement dans le mur !
Face à ce système qui se dégrade gravement, allez-vous vous résoudre à prendre des mesures à la hauteur du problème ? Le débat de 2003 avait permis d'avancer des pistes intéressantes ; je pense en particulier à l'idée d'une taxation du transport routier, hors autoroutes et péages. Bizarrement, il n'en est plus question aujourd'hui. Une telle recette aurait pourtant pu être affectée à l'AFITF afin de garantir effectivement le report modal.
J'ai déjà évoqué l'insuffisance de l'aide au désendettement de RFF, laquelle s'élevait à 800 millions d'euros l'an dernier, alors que les frais financiers atteignent 1 milliard d'euros. Or j'entends dire - mais peut-être allez-vous le démentir, monsieur le ministre - que l'article 48 du projet de loi de finances pour 2006 va ponctionner par anticipation le patrimoine « inutile » de RFF, évalué à 500 millions ou 600 millions d'euros, de 350 millions d'euros. Cette forme d'expédient - une fois de plus ! - pour boucler le budget prive RFF d'une recette. Avouez qu'il est étrange de se désoler de la dette de RFF et, dans le même temps, de lui retirer les moyens financiers d'exercer ses compétences !
Finalement, ce que vous faites en privatisant les autoroutes, en privant de moyens pérennes l'AFITF, ce n'est jamais qu'une mesure de plus dans une liste noire en matière de transport, et ce dans tous les domaines.
En matière ferroviaire, je citerai le délaissement du fret ferroviaire au profit de la route, l'assassinat budgétaire du transport combiné - 100 millions d'euros voilà cinq ans, 15 millions d'euros aujourd'hui -, les retards colossaux des investissements ferroviaires des contrats de plan, la remise en question des liaisons corail interrégionales, l'accélération de l'ouverture à la concurrence au niveau européen du transport de fret puis du transport de voyageurs - comme si cela allait tout régler - à laquelle, vous le savez, nous sommes résolument opposés.
En matière de transport aérien, j'ai évoqué la privatisation d'Air France, celles d'Aéroports de Paris et des aéroports régionaux.
En matière routière, cela a été largement développé, il s'agit du transfert des routes nationales aux départements sans moyens financiers équitables, sans même parler des transports collectifs urbains auxquels vous avez supprimé des subventions.
Dans ces conditions, comment pourrait-on vous faire confiance ? La ligne est en quelque sorte tracée. Vous allez nous répondre que les ressources de l'AFITF sont garanties pour 2006, voire pour 2007 - il faut tout de même essayer de tenir quelques promesses d'ici à l'élection présidentielle ! - mais, au total, nous ne vous croirons pas. Selon que l'on soit poète ou naïf, on considérera cela comme une charmante élégie ou un magnifique conte de fées ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur un certain nombre de préoccupations relatives au développement et au financement des infrastructures de transport, préoccupations partagées par mon éminent collègue Hubert Haenel.
« L'Union européenne doit se doter d'infrastructures modernes pour renforcer sa compétitivité. Développer et améliorer les infrastructures sont des éléments clés du nouvel élan pour la stratégie de Lisbonne pour la croissance et l'emploi » : telle était la communication de la Commission européenne de juillet dernier sur la mise en oeuvre des réseaux transeuropéens.
Ce qui vient d'être dit à l'échelle de l'Union européenne peut l'être aussi pour la France. C'est pourquoi je me réjouis de voir le Sénat organiser, à l'instar de l'Assemblée nationale, un débat sur le développement et le financement des infrastructures de transport. Il faut de temps à autre, comme cela a été fait mi-2003, avant le CIADT de la fin de l'année, que le Parlement puisse débattre de cette question qui est l'une des composantes essentielles de l'aménagement de notre territoire et l'une des conditions de notre croissance et de notre compétitivité.
Nous avons tous en mémoire ces leçons d'histoire et de géographie où nos bons maîtres nous expliquaient la politique de Colbert et de quelques autres, nous enseignaient le rôle du développement du chemin de fer dans la révolution industrielle et où nous découvrions le nom de Freycinet. Plus tard, nous avons tous vécu la révolution technologique de la grande vitesse ferroviaire.
Rassurez-vous, mon intention est non pas de refaire l'histoire, mais, en vous faisant part de ces interrogations, de susciter de votre part, monsieur le ministre, les précisions nécessaires qui permettront au Parlement de dégager quelques orientations.
Ma première interrogation, à laquelle j'associe ma collègue Fabienne Keller, retenue à Strasbourg, qui partage cette préoccupation, est relative au mode de financement des infrastructures : le Gouvernement a créé une agence, l'AFITF, dont la présidence a été confiée à notre collègue Gérard Longuet, pour garantir un financement pérenne des infrastructures, nous a-t-on dit. Les incertitudes liées à la privatisation des sociétés d'autoroutes - utilisation des produits de cessions, valeur de cession - ont déjà suscité quelques inquiétudes chez les parlementaires qui ont encore en mémoire la naissance, puis la mort, du fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables.
Plus que des assurances, monsieur le ministre, nous souhaiterions obtenir de votre part des engagements sur les ressources de l'Agence au-delà de 2006.
S'agissant de l'emploi de ses ressources, l'Agence s'est vu confier la mission de suppléer l'Etat pour le financement des contrats de plan Etat-région déjà engagés et, j'ose le dire, de certains CPER mal engagés en raison du retard pris.
Compte tenu des sommes affectées aux CPER et aux projets déjà engagés, combien restera-t-il en 2006, monsieur le ministre, pour les projets nouveaux, mode par mode ? Et qu'en sera-t-il au-delà de 2006 ?
J'ai évoqué les CPER et les projets d'infrastructures nouvelles. Sur ces deux questions, je souhaite également, monsieur le ministre, obtenir des précisions de votre part.
S'agissant des CPER, vous comprendrez que les représentants des collectivités territoriales que nous sommes soient particulièrement attentifs à leur devenir. Au-delà de l'achèvement des contrats actuels, quelles sont les intentions du Gouvernement ?
Y aura-t-il une nouvelle génération de CPER ? Dans l'affirmative, quel sera leur contenu et quelle sera leur durée ?
En ce qui concerne les projets nouveaux, monsieur le ministre, l'élue alsacienne que je suis vous interrogera en particulier sur les perspectives de réalisation du barreau Est du TGV Rhin-Rhône et sur la seconde phase du TGV Est européen.
S'agissant du TGV Rhin-Rhône, lors du comité de pilotage qui a eu lieu au début de ce mois, l'Etat a enfin fait connaître le montant de sa participation au financement du premier tronçon de la branche Est Auxonne-Petit-Croix, soit 724 millions d'euros. Mais le compte n'y est pas.
Pour que les travaux puissent commencer au printemps 2006, nous attendons maintenant de vous, monsieur le ministre, la finalisation du protocole d'accord sur le financement.
Avez-vous l'intention de solliciter le concours financier de la région Rhône-Alpes, du département du Rhône et de l'agglomération lyonnaise, qui seront également les grands bénéficiaires de cette infrastructure nouvelle ?
En ce qui concerne le TGV Est européen, la Commission européenne a proposé, au mois de juillet dernier, que l'ensemble du corridor de l'axe ferroviaire Paris-Bratislava soit retenu parmi les six projets prioritaires du futur réseau transeuropéen de transport, le RTE-T.
Sur cet axe, la date pour la réalisation du tronçon Baudrecourt-Strasbourg-Stuttgart, y compris le pont de Kehl, est fixée à 2015.
Le gouvernement français est-il prêt à faire preuve de la même détermination pour la réalisation de la deuxième phase du TGV Est européen qui le concerne, à savoir de Baudrecourt à Strasbourg ?
Je rappelle simplement que, selon les études de la Commission européenne, la réalisation du réseau transeuropéen de transport permettrait d'apporter un surcroît de croissance pouvant atteindre 0,2 à 0,3 point de produit intérieur brut, ce qui correspond à la création d'un million d'emplois permanents.
De plus, la réalisation du réseau permettrait de réduire d'environ 4 % les émissions de gaz à effet de serre, ce qui contribuerait à rapprocher l'Union européenne des objectifs contenus dans le protocole de Kyoto. Je souligne donc, mes chers collègues, qu'en défendant les projets alsaciens je défends aussi les emplois et l'environnement de tous !
La dernière question que je souhaite évoquer concerne l'état de notre réseau ferré.
Comme vous le savez, sur la demande conjointe des présidents de la SNCF et de RFF, un audit a été réalisé sur l'état du réseau ferré national par l'école polytechnique fédérale de Lausanne, sous la conduite du professeur Rivier.
Cet audit a dressé le constat suivant : « La SNCF et RFF (depuis 1997) ont fourni leurs meilleurs efforts pour maintenir l'exploitation et la sécurité ferroviaire sur un réseau très étendu malgré les ressources nettement insuffisantes pour la maintenance (entretien et renouvellement) de l'infrastructure durant les 30 dernières années. » Je rappelle que l'ensemble du réseau ferré national représente 30 880 kilomètres de voies.
Et l'audit conclut : « La seule manière de garantir la pérennité du réseau classique consiste à investir pour rajeunir ce patrimoine. Cette diminution de l'âge moyen est la seule façon durable de maîtriser l'évolution de la qualité du réseau et celle des coûts de maintenance de l'infrastructure à long terme.
« Le maintien de la qualité et des hautes performances du réseau à grande vitesse nécessite un accroissement progressif des ressources destinées à sa maintenance. Les composants des premières lignes construites arrivent en fin de vie et doivent être renouvelés. Leur remplacement engage des sommes importantes. »
Pour maintenir simplement en état l'actuel patrimoine du réseau, 3 milliards d'euros par an seraient nécessaires, soit 500 à 550 millions d'euros de plus que ce qui est dépensé aujourd'hui, selon l'audit.
Vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, une enveloppe de 70 millions d'euros supplémentaires, grâce à la cession de réserves foncières. Le projet de loi de finances que nous examinerons bientôt prévoit la création d'une société de valorisation des biens immobiliers de RFF : une part de ce produit ira effectivement à RFF, qui pourra financer des investissements de renouvellement, mais une part plus importante encore, semble-t-il, sera affectée au budget général de l'Etat.
D'où cette interrogation, monsieur le ministre : la vente des bijoux de famille de RFF ne devrait-elle pas profiter en priorité à la préservation du réseau ferroviaire et de son avenir ?
M. Daniel Reiner. Très bien !
Mme Catherine Troendle. Plus généralement, monsieur le ministre, quelles conclusions entendez-vous tirer de cet audit ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger.
M. Yves Krattinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les débats de 2003 ont permis d'identifier d'énormes besoins, à moyen et à long termes, pour que les infrastructures interurbaines de transport répondent aux exigences économiques et de mobilité, ce qui nécessite, d'après TDIE, 142 milliards d'euros sur la période 2003-2020.
En mai et en juin 2003, deux débats de très bonne tenue ont permis aux parlementaires, aux observateurs et aux professionnels de prendre la mesure des besoins importants de notre pays en matière d'infrastructures de transport.
En novembre 2003, un autre débat a eu lieu dans cette assemblée, sur l'initiative de M. le sénateur Oudin, au sujet du financement de ces infrastructures. Celui-ci avait mis le Gouvernement en garde : « L'ensemble du système de financement des transports est conditionné par la conservation ou non, par l'Etat, de la rente autoroutière, et même, monsieur le ministre, de la totalité de la rente autoroutière ! ».
Un consensus s'est cristallisé autour de deux propositions.
Le développement des grandes infrastructures doit être programmé sur le long terme. Une politique des transports ne peut être appréhendée à l'échelle d'un contrat de plan. Les procédures sont longues et complexes. Les investissements sont très lourds ; ils doivent être envisagés et programmés à l'horizon d'une génération.
Pour cela, il faut bénéficier de ressources pérennes, directement affectées à une agence de financement ad hoc. Le financement doit pouvoir se lire à l'avance sur plusieurs années et être assuré par une agence dont les ressources sont consolidées dans la durée.
Le Gouvernement avait organisé ces débats ; il y avait participé, il avait entendu les messages et pris les décisions adéquates. Le ministre de l'équipement et des transports de l'époque avait en effet déclaré ceci : « Notre travail s'oriente également vers l'examen très attentif du considérable potentiel des autoroutes à générer de la ressource : plus d'une trentaine de milliards d'euros d'ici à la fin des concessions en dividendes cumulés ».
L'Agence de financement des infrastructures de transport de France a donc été créée pour financer les projets de long terme.
Pour débuter, elle doit financer, d'ici à 2012, la part de l'Etat pour trente-cinq grands projets à engager prioritairement, selon la décision du comité interministériel d'aménagement du territoire du 18 décembre 2003. Cela représente 22 milliards d'euros de travaux. Le Premier ministre avait annoncé que, sur cette somme, l'Etat fournirait 7,5 milliards d'euros. Gilles de Robien avait, à cette occasion, déclaré à l'AFP : « Ces projets seront financés notamment par les dividendes des sociétés d'autoroutes. »
Selon l'avis des observateurs, monsieur le ministre, le ministère des transports avait, à l'époque, remporté une victoire sur le ministère des finances : ...
M. Daniel Reiner. Eh oui !
M. Yves Krattinger. ...d'abord, le refus de la privatisation des SEMCA ; ensuite, l'affectation à I'AFITF de la part Etat des dividendes, qui était versée jusqu'alors au budget général de l'Etat.
Nous avions salué cet effort comme il le méritait. Toutefois, nous voulions voir fonctionner cette Agence. Que constatons-nous aujourd'hui ?
Les dividendes autoroutiers sur la période 2005-2032 devaient apporter à I'AFITF de 35 milliards à 40 milliards d'euros, selon les estimations. Celle-ci ne disposera plus, désormais, de ressources fiables et croissantes sur le long terme. L'affectation annuelle du produit de la TAT, de la redevance domaniale et d'une partie du produit des amendes de radars ne peut suffire, en volume, à l'alimenter à moyen et long terme.
En tout état de cause, ces recettes étaient affectées ailleurs, dans le budget général de l'Etat ou dans celui des collectivités locales. Là où elles ne seront plus versées, elles manqueront nécessairement.
Monsieur le ministre, le Gouvernement donne l'impression d'avoir repris à son compte la devise du sapeur Camember, qui pour boucher un trou en creusait systématiquement un autre. Le Gouvernement a annoncé le versement à l'AFITF d'une dotation de 4 milliards d'euros, provenant du bénéfice de la vente des parts de l'Etat dans les SEMCA.
Il s'agit d'une ressource ponctuelle, non reconductible, qui correspond presque exactement au montant jugé nécessaire pour respecter les engagements pris par l'Etat dans les contrats de plan Etat-région. En effet, le volet routier a au moins deux ans de retard et le volet ferroviaire trois ans.
L'engagement de l'ordre de 2,5 milliards d'euros que vous avez annoncé récemment, monsieur le ministre, pour achever les contrats actuels, a été estimé insuffisant par les observateurs et partenaires avertis.
Ce chiffre n'intègre pas la totalité des engagements de l'Etat à l'égard des collectivités locales, de RFF et des entreprises, pas plus qu'il n'intègre certains projets relevant de contrats interrégionaux.
Les besoins financiers du volet « transport » des contrats de plan Etat-région et des contrats particuliers s'élèvent, semble-t-il, à près de 4 milliards d'euros : 2,8 milliards d'euros pour la route et 1,2 milliard d'euros pour le ferroviaire.
Ce montage financier doit être mis en relation avec l'annonce de l'allongement probable de la durée de mise en oeuvre de ces contrats jusqu'en 2009.
Le ministre des transports a déclaré, propos rapportés par un grand journal national, que ces moyens permettraient « d'accélérer la réalisation des contrats de plan Etat-régions ». Si cette affectation permet à l'Etat d'honorer ses engagements ordinaires, la décision de vendre les SEMCA va priver I'AFITF de ressources pour sa mission essentielle.
Cela ne nous rassure pas, monsieur le ministre, sur le financement des trente-cinq grands projets, auxquels sont venus s'ajouter, depuis, d'autres projets. Par exemple, cela ne me rassure pas sur la capacité de l'Etat à financer sur la durée la liaison Langres-Delle et la branche Est du TGV Rhin-Rhône.
La vente des parts de l'Etat dans les sociétés concessionnaires d'autoroutes aurait-elle pour unique objet de permettre au Gouvernement de remplir, en vue des échéances électorales, des engagements retardés depuis maintenant trois ans ?
Votre décision soulève de nombreuses questions. Quel besoin y a-t-il à privatiser les SEMCA ? Quelle sera la valeur ajoutée pour les usagers et pour la nation ? Quel sera le prix de vente ? La maintenance du réseau sera-t-elle assurée demain aussi bien qu'elle l'est aujourd'hui ? L'emploi sera-t-il maintenu dans ces entreprises ?
Les SEMCA sont des sociétés d'économie mixte, dont l'actionnaire majoritaire est l'Etat. Elles fonctionnent aujourd'hui selon les règles du droit privé ; ce ne sont pas des services publics. Elles ne sont donc gênées par aucune contrainte particulière liée à leur statut. Elles s'inscrivent déjà parfaitement dans le cadre d'une délégation de service public.
Dans ces conditions, je ne vois pas ce que la vente des actions apportera comme valeur ajoutée à l'usager et à la nation.
M. Daniel Reiner. Trois sous !
M. Yves Krattinger. La seule différence se situera au niveau du capital et de la destination des dividendes.
Le prix de vente sera-t-il celui qui a été annoncé par le Gouvernement, soit 10 à 12 milliards d'euros, basé sur un taux d'actualisation annuel de l'argent à 8 %, taux dont nous savons tous qu'il date d'un autre temps, ou plutôt celui qui découle des conclusions du rapport Lebègue, repris par le Gouvernement en début d'année 2005, c'est-à-dire une actualisation réaliste de l'argent public à 4 % l'Assemblée nationale, qui conduit à un prix global de cession supérieur à 20 milliards d'euros ?
Le rapporteur du budget à l'Assemblée nationale, un député UMP, prenant en compte un taux d'actualisation annuel proche de 5 %, c'est-à-dire 4 % de loyer de l'argent plus 1 % de risque, et une croissance annuelle du trafic de 2 %, soit une croissance inférieure à ce qu'elle est actuellement, considère que la valorisation doit atteindre 20 à 22 milliards d'euros. Ce n'est pas rien !
La sous-estimation très probable serait-elle aujourd'hui liée à la mise prochaine sur le marché d'actions destinées à augmenter le capital d'une grande entreprise publique ? Nous entrons là dans un « Meccano budgétaire » auquel le Parlement doit s'intéresser.
Monsieur le ministre, quel sera finalement le prix de vente des parts de l'Etat dans les SEMCA ?
On doit craindre enfin pour la maintenance du réseau sur le long terme, surtout à mesure que l'on s'approchera du terme de la concession, comme on doit craindre pour l'emploi dans ces sociétés, devant la recherche du plus grand profit que visent souvent les actionnaires privés.
Il serait beaucoup plus raisonnable que le Gouvernement renonce à son projet pour laisser l'Etat récolter, d'ici à 2032, les fruits des efforts consentis collectivement depuis plus de quarante ans par les usagers et, dans une moindre proportion, par les contribuables, et qu'il décide d'affecter, comme il l'avait prévu en 2003, 2004 et encore au début de 2005, cette rente pérenne et croissante au financement des grands projets dont notre pays a tant besoin.
Cette décision est loin, très loin de faire l'unanimité dans les rangs de votre majorité, monsieur le ministre. Elle correspond à une gestion chaotique des finances de l'Etat.
Le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, pourtant membre de votre majorité, a même jugé la décision de privatisation des SEMCA « contraire à la philosophie économique de l'Etat ».
La stratégie de l'Etat actionnaire s'enfonce dans l'incertitude, et cette gestion chaotique des dossiers essentiels s'étend à plusieurs aspects de la gestion gouvernementale, y compris dans les dossiers d'actualité.
Pour résoudre des problèmes d'intendance de court terme, on laisse en panne le long terme, qui redevient, et pour longtemps, un problème considérable.
Avec la pérennisation des ressources de l'AFITF, l'avenir était assuré. Aujourd'hui, avec des recettes non pérennes et une extension inconsidérée du périmètre d'intervention de l'Agence, c'est le retour à l'incertitude. Comment assurer le financement sur le long terme ? Comment le pérenniser ? Dans son nouveau périmètre, annoncé cet été, l'AFITF va devoir suppléer l'Etat, et ce non seulement pour les trente-cinq grands projets et les opérations qui viennent s'y ajouter, mais aussi pour les contrats de plan Etat-régions, pour le transport collectif urbain, où les besoins sont considérables...
Il y a aussi, en point d'interrogation, d'autres sollicitations potentielles pour l'AFITF, et nous avons entendu tout à l'heure nos collègues de la majorité. Certains pensent à la modernisation et au développement de nos réseaux d'infrastructures de transport ferroviaire, à la suite de l'audit publié le 19 septembre dernier. D'autres souhaitent que le produit des privatisations puisse être affecté au désendettement ferroviaire.
La question se pose donc et se posera encore demain des ressources de l'AFITF, de leur pérennité et de leur affectation.
La taxe d'aménagement du territoire, la fameuse TAT, pas plus que la redevance domaniale, ne permettra pas de tenir les engagements que vous avez pris en termes d'investissements. D'ailleurs, les nouveaux concessionnaires vont très vite réclamer ce que demandaient déjà les anciens, à savoir sa suppression, en échange d'une modération sur l'augmentation du prix des péages.
Quant au produit des amendes de police, il est extrêmement aléatoire au moins à deux égards. Tout d'abord, qu'arriverait-t-il si, ce que tout le monde souhaite, nos concitoyens se mettaient à respecter les limitations de vitesse ? Devrait-on alors abandonner la construction des grands équipements ? Voilà qui serait surprenant !
M. Daniel Reiner. Eh oui !
M. Yves Krattinger. Ce produit est, de surcroît, très volatil. En effet, en application des articles R. 2334-10 à R. 2334-12 du code général des collectivités territoriales, le produit des amendes relatives à la circulation routière est partagé proportionnellement au nombre de contraventions entre les collectivités bénéficiaires. Or l'article 9 de la loi du 12 juin 2003, qui institue les radars automatiques, prévoit que « par dérogation », donc par dérogation seulement, « aux dispositions de l'article L. 2334-24 du code général des collectivités territoriales, le produit des amendes perçu par la voie de systèmes automatiques de contrôle sanction sera versé, de 2004 à 2006, au profit du budget général de l'Etat ».
M. Daniel Reiner. Et pas au-delà !
M. Yves Krattinger. A l'origine, je le rappelle, il s'agissait de financer l'achat et l'installation des radars.
Donc, monsieur le ministre, vous provisionnez l'AFITF avec une ressource qui doit réintégrer les budgets des collectivités territoriales dès 2007.
Dès lors que l'AFITF devient le financeur de la part de l'Etat dans la plupart des infrastructures de transport et que la pérennité de ses ressources n'est plus garantie, des questions se posent sur les conditions de son fonctionnement.
Comment financer de façon pérenne les grandes infrastructures nationales, les projets internationaux, les projets interrégionaux et régionaux liés aux contrats de plan ? Quels seront les critères de choix, et qui fixera les priorités au niveau de ces investissements ?
Quant à l'absence du président de l'AFITF aujourd'hui, elle ne manque pas de nous poser problème. Il devrait nous dire comment, lui, voit l'avenir.
L'AFITF va donc devenir un simple tiroir, sans valeur ajoutée pour la collectivité nationale, si elle ne peut jouer un rôle dans la définition des priorités.
En 2003, le Parlement avait répondu à ces questions ; le gouvernement de l'époque, après avoir écouté et débattu, avait mis en place un système répondant aux attentes. Aujourd'hui, vous prenez une décision qui supprime de fait toutes les avancées nées de la création de l'AFITF et de son mode de financement par les dividendes des SEMCA.
Certes, vous acceptez ce débat sur les infrastructures, mais la décision a déjà été prise. L'un de nos collègues, député de la majorité, l'a dit la semaine dernière à l'Assemblée nationale : « Je crois sincèrement qu'il n'est pas de bonne méthode, lorsque le Parlement a pris des engagements peu de temps auparavant, - c'est le cas ! - de changer ainsi de cap. »
Monsieur le ministre, l'Espagne vient de relancer un grand programme de développement des infrastructures de transport, avec 150 milliards d'euros à la charge de l'Etat. L'Espagne a rattrapé en moins de vingt son retard considérable en la matière sur le reste de l'Europe.
Autre exemple, la Suisse affecte à son fonds d'investissement ferroviaire 700 millions d'euros par an, ce qui, rapporté à notre superficie et à notre population, nécessiterait proportionnellement environ 5 milliards d'euros par an pour notre pays.
Fort des incertitudes qui pèseront désormais sur les ressources, et face aux pressions multiples, je vous le concède, qui s'exercent sur les charges, il est indispensable que le Gouvernement dise de manière concrète et transparente comment il entend aider l'AFITF à répondre aux enjeux qui sont ceux de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous dire d'emblée la fierté qui est la mienne de pouvoir ce matin débattre avec vous de l'avenir et de la modernité de notre pays, tant il est vrai, vous l'avez dit les uns et les autres, et je vous ai bien entendus, que les infrastructures de transport que nous construisons aujourd'hui seront celles qui seront utiles à la France de demain.
Avant d'entrer plus avant dans le vif des réponses aux nombreuses questions qui m'ont été posées, je m'interrogerai devant vous sur l'opportunité de ce débat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat vient à point nommé. Le Premier ministre n'a pas caché son intention de procéder à une analyse approfondie de la situation pour voir dans quelles mesures nous pourrions privatiser les sociétés concessionnaires de service autoroutier. Le Premier ministre l'a dit, et il a été très clair.
M. Philippe Nogrix. Dans un régime parlementaire comme le nôtre, c'est le Parlement qui décide, pas le Premier ministre !
M. Thierry Breton, ministre. Le Premier ministre l'a annoncé sans ambiguïté dans son discours de politique générale. Certains s'en sont émus, d'ailleurs.
M. Philippe Nogrix. Mais enfin, ce n'est pas cela, un régime parlementaire !
M. Thierry Breton, ministre. C'est donc tout naturellement que nous nous sommes donné les moyens d'analyser les conditions de la faisabilité de l'opération.
M. Philippe Nogrix. Il fallait nous mettre en vacances, à ce compte-là !
M. Thierry Breton, ministre. Là encore, sans nous en cacher, nous avons procédé à des consultations, notamment aux ministères des transports et des finances. Comme vous le savez, nous avons reçu dix-huit manifestations d'intérêt. Tout cela a été rendu public.
Je rappelle également, mais j'y reviendrai, que nous avons décidé de charger une personnalité indépendante, M. Fort, ancien secrétaire général de la Commission bancaire, de veiller à ce que tout cela se passe de la façon la plus transparente et la plus équitable possible.
Je vous rappelle enfin que, une fois ces dix-huit manifestations d'intérêt reçues, nous nous sommes mis à la disposition du Parlement pour en débattre et en discuter en toute transparence.
M. Philippe Nogrix. Oui, sans rien changer !
M. Thierry Breton, ministre. Les propositions fermes sont attendues le 7 novembre prochain. A partir de là, mesdames, messieurs les sénateurs, nous verrons bien ce qui est positif ou non, et pour les sociétés concessionnaires de service autoroutier et pour l'Etat, singulièrement pour ses finances publiques.
Cela étant, il y a quand même des propos qui me surprennent, notamment sur la procédure choisie et la nécessité d'un débat parlementaire.
M. Philippe Nogrix. Eh oui !
M. Thierry Breton, ministre. S'agissant tout d'abord du cadre dans lequel s'inscrit l'opération, nous avons pris soin de confirmer que toute l'opération relevait du titre III. Autrement dit, un débat parlementaire n'est pas nécessaire.
M. Philippe Nogrix. Pourquoi ?
M. Daniel Reiner. Ah bon ?
M. Thierry Breton, ministre. Les bras m'en tombent : qui, le premier, a eu recours au titre III, sinon M. Fabius lui-même ? Monsieur Reiner, vous connaissez M. Fabius, c'est l'un de vos amis, n'est-ce pas ?
M. Philippe Nogrix. Ce n'est pas une raison !
M. Daniel Reiner. De toute manière, ce n'est pas de bonne méthode !
M. Thierry Breton, ministre. Lorsque Laurent Fabius a décidé d'ouvrir le capital des Autoroutes du sud de la France, il a inscrit l'opération dans le cadre du titre III. Y a-t-il eu débat, mesdames, messieurs les sénateurs ? Non, c'était normal : c'était le titre III, donc pas de débat au Parlement !
M. Daniel Reiner. Il ne faut pas refaire la même chose !
M. Thierry Breton, ministre. Mais allons plus loin. Lorsque M. de Robien, un très bon ministre, un ministre UDF, je crois, qui est l'un de mes amis, a décidé de poursuivre dans le même sens et d'ouvrir le capital des autres sociétés en 2004 et en 2005, a-t-il eu recours au titre II ? Non, il a utilisé, lui aussi, le titre III ; c'était normal et il n'y a donc pas eu de débat parlementaire.
Et aujourd'hui, parce que c'est le gouvernement de Dominique de Villepin qui décide d'une opération de même nature, il faudrait utiliser le titre II, alors qu'un ministre socialiste éminent et un ministre UDF encore plus éminent ont estimé, et à juste raison, que cela relevait du titre III ? J'avoue ne pas comprendre.
M. Philippe Nogrix. Nous en avions débattu au Parlement et nous avions pris des décisions !
M. Daniel Reiner. Vous jouez sur les mots, monsieur le ministre !
M. Thierry Breton, ministre. Il y a là une dialectique qui m'échappe. Vous posez des questions de fond et certaines sont très légitimes ; je vais m'efforcer d'y répondre. Mais, de grâce, ne polémiquons pas...
M. Yves Krattinger. Ce n'est pas de la polémique !
M. Thierry Breton, ministre. ... sur des sujets qui n'en valent pas la peine et qui sont hors du droit.
M. Daniel Reiner. A quoi sert le Parlement ?
M. Thierry Breton, ministre. Revenons donc maintenant aux questions posées.
Je remercie d'abord très sincèrement M. Alain Lambert d'avoir pris l'initiative de ce débat sur le développement et le financement des infrastructures de transport, ce qui me donne l'occasion de préciser dans le détail les modalités de l'opération de cession des participations de l'Etat devant le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales de la République.
Mesdames, messieurs les sénateurs, sans chercher la polémique, je vais répondre à vos questions et tenter de dissiper vos interrogations, dont certaines sont légitimes. Je pense, ou du moins j'espère, que grâce à mes explications vous y verrez plus clair.
Qui plus que le Sénat peut se prévaloir d'une connaissance intime des enjeux du développement équilibré de notre territoire ? Je suis donc heureux de pouvoir expliciter devant vous, ce matin, les choix qui vont traduire l'ambition de la France au sein d'une Europe élargie, en matière d'attractivité et d'accessibilité des territoires pour les hommes, les entreprises, les marchandises et les services.
Cette ambition s'inscrit dans un contexte singulier.
En premier lieu, l'Etat, dont la réforme constitue, nous le savons, une impérieuse nécessité, doit faire face à une conjoncture économique qui n'est pas favorable,...
M. Daniel Reiner. C'est votre responsabilité !
M. Thierry Breton, ministre. ...même si elle se retourne, et à une situation budgétaire particulièrement tendue.
En second lieu, la décentralisation consacre le rôle clef des collectivités locales en matière d'aménagement du territoire. Sans les collectivités locales, leur imagination, leurs initiatives, leurs contributions, où en seraient aujourd'hui nos villes et nos campagnes ? Nonobstant certains discours nostalgiques d'une centralisation dépassée, les collectivités locales ont été les partenaires à part entière de l'Etat dans de nombreux domaines, je tiens à le souligner. Leur engagement est quotidien, au coeur des territoires.
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Thierry Breton, ministre. Du reste, je me souviens avoir beaucoup appris sur ces questions aux côtés d'un illustre sénateur, René Monory.
Aujourd'hui, nous devons continuer à agir si nous voulons maintenir notre niveau d'équipement et notre rang au sein de l'Union européenne, ce qui me semble l'enjeu le plus important.
J'ai donc écouté vos remarques, vos questions et je vais à présent m'efforcer d'y apporter des réponses.
La politique du Gouvernement est déterminée par l'objectif, fixé par Dominique de Villepin, de créer dans notre pays les conditions d'une croissance forte et durable, d'une croissance en quelque sorte sociale, créatrice d'emplois et qui réponde aux attentes des Français. Les infrastructures de transport que nous concevons et finançons aujourd'hui en sont un facteur déterminant.
A partir de la question de M. Lambert, qui portait sur le développement des infrastructures de transport, vous avez évoqué, mesdames, messieurs les sénateurs, les problèmes liés à la privatisation des sociétés concessionnaires et aux ressources de l'AFITF.
Avant d'en venir plus précisément sur ces points particuliers, je dirai à M. Puech que, s'agissant du transfert des routes aux départements, nous avons tenu compte des préoccupations dont il s'est fait l'écho pour déterminer les compensations financières qui les accompagnent. Ainsi, tous les crédits consacrés à la gestion et à l'entretien des routes transférées seront dévolus aux départements jusqu'au dernier euro. La méthode retenue, qui a fait l'objet d'un avis favorable de la commission consultative sur l'évaluation des charges et du comité des finances locales, est exactement celle que l'Etat utilise aujourd'hui pour répartir les crédits entre les directions départementales de l'équipement en fonction des caractéristiques du réseau dont elles ont la charge. La situation particulière des départements de montagne a été évidemment prise en compte.
Dans ma réponse, je reviendrai sur le financement des infrastructures ; je préciserai comment en pratique nous allons investir, dans chaque région de France, de façon ambitieuse au bénéfice de chacun de nos compatriotes ; j'évoquerai le rôle que joue l'Etat dans le pilotage du fonctionnement de ces infrastructures, des infrastructures routières en particulier ; enfin, je reviendrai sur l'opportunité de céder aujourd'hui les participations de l'Etat dans les sociétés d'autoroute et sur la méthode retenue.
Si nous choisissons d'aller de l'avant dans nos investissements, ce n'est pas par hasard : c'est par conviction. Certains ont prétendu que nous bradions les rentes que les sociétés concessionnaires garantissaient à nos enfants. Je crois au contraire que céder des sociétés concessionnaires pour accélérer notre programme d'investissements, c'est-à-dire mobiliser immédiatement des ressources pour l'avenir, sans attendre trente ans, c'est concevoir une grande ambition pour nos enfants : faire en sorte que leurs parents aient des emplois aujourd'hui, qui feront évidemment la croissance de demain.
Comment financer les infrastructures de transport ?
Le dispositif initial de l'AFITF avait des mérites, je le reconnais. Toutefois, l'affectation des dividendes des sociétés concessionnaires à l'Agence ne permettait pas, à elle seule, de financer les trente-cinq projets retenus par le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 18 décembre 2003. Or, tel est précisément notre objectif.
Le gouvernement de Dominique de Villepin a même une ambition plus grande encore : le Premier ministre souhaite lancer, dès 2006 ou 2007, certains projets prioritaires dont la liste a été arrêtée par le CIADT du 14 octobre 2005, notamment l'autoroute Bordeaux-Pau, en 2006, et le TGV Aquitaine, en 2007. Nous avons également la volonté, comme l'a exprimé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, d'accélérer l'exécution des contrats de plan Etat-régions, supports des financements des projets régionaux.
M. Daniel Reiner. Accélérer ? Dites plutôt rattraper ! Ils sont en retard !
M. Thierry Breton, ministre. Je ne doute pas que vous soyez d'accord sur cette politique. Pour la financer, le gouvernement a décidé de réaménager l'Agence de financement des infrastructures de transports de France, en la renforçant. Je voudrais d'ailleurs saluer le président Longuet pour son travail à la tête de l'AFITF et le remercier du soutien qu'il apporte au Gouvernement dans ce processus.
Je vais vous rappeler les grandes lignes du dispositif retenu, sur lequel Dominique Perben aura l'occasion de revenir lorsque votre assemblée examinera les crédits de la mission Transports au cours du prochain débat budgétaire.
J'évoquerai dans un premier temps les recettes en fortes augmentation consacrées au financement des infrastructures de transport ainsi que la dotation exceptionnelle prélevée sur le produit de la privatisation des sociétés d'autoroute.
Nous avons souhaité que l'AFITF dispose de ressources importantes, disponibles rapidement et pérennes.
Ces mesures doivent d'abord être à la mesure de notre ambition. En 2006, nous avons prévu de doter l'AFITF d'un budget de 2 milliards d'euros, alors que les financements prévus en 2005 pour les grands projets du CIADT et les contrats de plan Etat-régions se montaient à 1,1 milliard d'euros. Il s'agit donc d'un quasi-doublement, cela mérite d'être souligné.
M. Daniel Reiner. C'est seulement un rattrapage !
M. Thierry Breton, ministre. Ces ressources doivent ensuite être disponibles rapidement car nous souhaitons que les Français voient vite se construire de nouvelles voies ferrées et de nouvelles routes. Pour cette raison, l'Etat apportera à l'AFITF 4 milliards d'euros de dotation en capital grâce au produit de la cession des sociétés concessionnaires de services autoroutiers.
M. Daniel Reiner. C'est bien le moins !
M. Thierry Breton, ministre. Ces ressources doivent enfin être pérennes. Il ne s'agit pas, bien entendu, de lancer un programme unique pour solde de tout compte. Avec les redevances domaniales qu'elle conserve, le produit de la taxe d'aménagement du territoire qui lui sera affecté et une fraction des amendes radar, l'AFITF disposera désormais de 770 millions d'euros de recettes pérennes. Elle continuera, par ailleurs, à bénéficier en 2006 d'une subvention du budget général à hauteur de 394 millions d'euros, donc d'un montant analogue à celui qui a été voté en loi de finances initiale 2005 pour financer le volet transport des contrats de plan Etat-régions. Je rappelle que le montant des dividendes et des redevances domaniales pour 2005 s'élève à 480 millions d'euros : nous passerons bien à l'échelle supérieure.
L'AFITF aura recours, par ailleurs, aux financements innovants. Pour démultiplier l'effet des sommes rendues disponibles, le Gouvernement a décidé, mesdames, messieurs les sénateurs, de recourir dans le secteur des transports aux contrats de partenariat public-privé, dont on a beaucoup parlé ce matin. Le recours à de tels mécanismes modernes est de nature à optimiser le processus d'investissement de l'Etat. La technique des concessions est déjà largement utilisée dans le domaine des transports ; nous allons à présent recourir également aux contrats de partenariat, une première dans ce secteur. J'en attends davantage d'efficacité, des idées nouvelles et une meilleure maîtrise des coûts et des délais.
Qu'allons-nous financer ? C'est la question la plus importante pour nos compatriotes. Nous savons quels projets doivent être financés : ce sont, d'une part, ceux qui sont prévus par les contrats de plan Etat-régions et, d'autre part, les trente-cinq grands projets retenus par le CIADT de 2003. Nous avons à nouveau examiné l'ensemble de la problématique du financement des infrastructures de transport lors du CIADT qui s'est tenu vendredi dernier et nous avons confirmé notre intention d'accélérer la mise en oeuvre des décisions prises en 2003.
La volonté du Premier ministre, qui m'a demandé de vous la rappeler ce matin, est clairement d'accélérer l'exécution des contrats de plan Etat-régions. Je souhaite que les engagements pris par l'Etat dans ces contrats soient tenus. La contrainte budgétaire nous avait conduits à adopter un rythme trop lent, je tiens à le dire, au cours des dernières années. Nous nous donnons aujourd'hui les moyens d'aller plus vite, plus loin.
M. Philippe Nogrix. Très bien !
M. Thierry Breton, ministre. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé d'affecter des ressources spécifiques et complémentaires aussi bien à l'AFITF qu'aux contrats de plan Etat-régions.
L'AFITF consacrera effectivement un milliard d'euros à l'accélération de la mise en oeuvre de ces contrats dès 2006.
M. Daniel Reiner. Pour rattraper leur retard !
M. Thierry Breton, ministre. Les services de l'Etat sont en train de préparer une liste de projets qui pourraient être financés dans ce cadre. Notre volonté est que chaque Français voie près de chez lui se réaliser les travaux routiers, ferroviaires ou fluviaux qui lui seront utiles.
M. Yves Krattinger. C'est du saupoudrage !
M. Thierry Breton, ministre. L'AFITF financera aussi les grands projets du CIATD, comme prévu. La liste de 2003 reste inchangée ; nous accélérons simplement sa mise en oeuvre. Nous avons prévu d'affecter à ces grands projets 7,5 milliards d'euros sur la période 2005-2012, comme prévu là encore.
M. Daniel Reiner. Cela ne suffira pas !
M. Thierry Breton, ministre. Ainsi, trois lignes TGV seront réalisées en même temps, les TGV Est, Rhin-Rhône et Perpignan-Figueras. Cela ne s'était jamais produit dans le passé. Une telle orientation de l'investissement public vers le rail, monsieur Billout, est favorable au développement durable.
M. Philippe Nogrix. Très bien !
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur Reiner, vous vous inquiétiez de l'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire. Je vous rappelle que c'est à l'époque où M. Gayssot était ministre chargé des transports que la directive ouvrant la concurrence dans le fret ferroviaire a été adoptée !
M. Daniel Reiner. Il s'agissait du fret international !
M. Thierry Breton, ministre. Comme le Premier ministre l'a annoncé le 1er septembre dernier, d'autres grands projets seront lancés dès les mois qui viennent, alors que le calendrier initial prévoyait des délais plus longs, vous le savez.
Pour répondre à votre question, madame Troendle, j'indiquerai que, compte tenu des sommes affectées aux contrats de plan Etat-régions et aux projets déjà engagés, les nouvelles infrastructures envisagées devraient bénéficier d'engagements de crédits importants, soit 327 millions d'euros pour la route, 985 millions pour le rail et 5 millions pour les autoroutes de la mer.
Ainsi donc, comme le Premier ministre l'a indiqué, nous allons poursuivre et accélérer le lancement de la construction de l'autoroute Bordeaux-Pau en 2006 et du TGV Aquitaine en 2007. A ces projets s'ajouteront la desserte par le rail de l'aéroport Charles de Gaulle et l'autoroute ferroviaire Perpignan-Luxembourg. Je mentionnerai également la liaison A4-A86 à l'est de Paris, qui, en mettant fin au plus grand encombrement routier du pays, répondra aux attentes de bien des habitants de l'Ile-de-France. Les négociations entamées avec l'Espagne devraient nous permettre de mettre en place la première autoroute de la mer dès 2006.
Je pense enfin aux transports collectifs urbains, qui sont à la fois pratiques et économes en énergie. Là encore, nous resterons concrets : une dotation de 100 millions d'euros leur sera spécifiquement affectée au sein de l'AFITF.
Vous m'avez également interrogé sur l'état du réseau ferré national. Je réponds ici à la place de Dominique Perben, qui est retenu aujourd'hui à Lyon, où il accompagne le Président de la République.
M. Daniel Reiner. C'est un choix !
M. Thierry Breton, ministre. Il me charge de vous informer que l'audit commandé par Réseau ferré de France à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne a révélé les problèmes actuels d'entretien du réseau ferré national et son vieillissement au cours des vingt dernières années.
Nous avons demandé aux présidents de Réseau ferré de France et de la SCNF d'analyser les recommandations de cet audit et de nous proposer un plan d'action global pour 2006-2010.
M. Daniel Reiner. Ils n'ont pas d'argent !
M. Thierry Breton, ministre. Ce plan devra conduire à définir une nouvelle politique de maintenance du réseau et de nouvelles méthodes de régénération et d'entretien, plus efficaces et plus productives. Il sera mis en oeuvre dans le cadre d'un contrat pluriannuel dont l'Etat sera bien entendu partie prenante.
Comme le système de financement de Réseau ferré de France mis en place en 1997 s'est révélé trop incertain pour donner à cet établissement la visibilité à long terme dont il avait besoin, nous avons mis en place, dès la loi de finances pour 2004, un nouveau dispositif de financement des travaux d'entretien et de régénération qui porte la subvention de l'Etat à Réseau ferré de France de 1,1 milliard d'euros à plus de 2 milliards d'euros. Enfin, sans attendre que ce plan d'action pluriannuel ait été élaboré, la cession accélérée de réserves foncières dans les prochains mois permettra de dégager dès 2006 une enveloppe supplémentaire d'au moins 70 millions d'euros pour accroître l'effort de renouvellement du réseau.
Le nouveau dispositif que nous mettons en place ne revient en rien sur les engagements passés. Au contraire, il les démultiplie. Dominique Perben et moi-même avons seulement voulu trouver de nouvelles ressources de financement et les moyens d'accélérer la réalisation des projets dont la France a besoin.
Pour répondre à la question posée par M. Retailleau, je vous confirme que cette nouvelle politique de financement des infrastructures doit s'accompagner du renforcement du rôle du ministère des transports en matière de régulation du secteur. Dominique Perben a déjà exprimé sa confiance dans la capacité de ses services à relever ce défi, d'autant que les directions du ministère chargé des transports pratiquent déjà une telle régulation ; l'un des enjeux de cette opération est de la faciliter.
S'agissant du pilotage du réseau autoroutier et des grandes orientations à mettre en oeuvre, l'Etat a, bien entendu, la mission particulièrement importante de consolider ses relations avec les différents concessionnaires.
A cet égard, juridiquement, la privatisation des trois groupes ASF, APRR et SANEF ne modifiera en rien les prérogatives de l'Etat en matière de construction, d'aménagement et d'exploitation des autoroutes. En effet, l'Etat restera totalement maître des décisions de principe, qui ne dépendront pas des sociétés privées.
Ainsi, il décidera de la réalisation de nouvelles sections autoroutières, à péage ou non, ou de nouveaux échangeurs sur les autoroutes existantes. En cas de construction d'une nouvelle autoroute, c'est sous la conduite de l'Etat et sous sa seule responsabilité que le tracé sera choisi et que le projet sera étudié jusqu'à la déclaration d'utilité publique : il n'y aura donc aucun changement par rapport aux procédures actuelles.
D'ailleurs, la politique d'aménagement du territoire, je tiens à le souligner, ne saurait souffrir de la nouvelle configuration du secteur autoroutier.
Au reste, le grand changement dans la conception de notre paysage autoroutier ne s'est pas produit cette année. Il est intervenu lorsque M. Fabius a décidé que les sociétés concessionnaires de services autoroutiers seraient cotées.
Par définition, l'introduction d'une entreprise sur le marché financier et sa cotation entraînent l'apparition d'actionnaires minoritaires, qui, comme tous les autres actionnaires, peuvent prétendre à certains droits. Or c'est bien le respect de ces droits qu'il faut assurer. Cela ne change strictement rien au regard de la détention d'actions par l'Etat, que celle-ci soit majoritaire ou minoritaire.
En définitive, le geste symbolique à retenir, c'est celui de M. Fabius, qui a choisi d'ouvrir le capital des sociétés autoroutières à un actionnariat plus large. Pour une fois, nous en convenons, il s'agissait d'une bonne décision.
M. Daniel Reiner. Je n'en suis pas sûr !
M. Thierry Breton, ministre. Pour autant, la relation entre ces entreprises concessionnaires et la puissance publique réside non pas dans l'importance de la détention de capital par l'Etat, mais dans le contrat de concession qui définit notamment les missions de service public.
Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, le vrai débat a eu lieu en 2002. A mon sens, il a déjà été tranché. (M. Daniel Reiner s'exclame.)
M. Philippe Nogrix. Quid du débat de 2003 ?
M. Thierry Breton, ministre. En ce qui concerne les tarifs des péages, la même logique s'applique et aucun changement n'interviendra. Je rappelle qu'ils sont actuellement fixés de trois façons.
Pour les nouvelles sections d'autoroute, les tarifs sont l'un des éléments pris en compte pour choisir le concessionnaire dans le cadre d'une mise en concurrence.
Pour les autoroutes existantes, un contrat d'entreprise est négocié et est conclu, en général, pour une période de cinq ans. L'évolution des tarifs y est fixée en fonction du volume des investissements qui seront réalisés par le concessionnaire sur cette période. Rien ne change puisque tout a été défini en 2002.
Pour les autoroutes existantes ne faisant pas l'objet d'un contrat d'entreprise, les tarifs sont fixés par un arrêté ministériel, donc sous le contrôle total de l'Etat. Ils évoluent au rythme de 0,7 fois l'inflation.
Je le souligne encore une fois, tout cela n'a strictement rien à voir avec la détention d'une part majoritaire ou minoritaire de l'Etat dans le capital des sociétés concessionnaires de services autoroutiers cotées.
Par ailleurs, toutes les obligations de service public des concessionnaires sont consignées dans le cahier des charges de concession et font partie intégrante du contrat conclu avec l'Etat.
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Thierry Breton, ministre. Avant d'engager la cession des parts de l'Etat dans le capital des sociétés concernées, nous avons souhaité renforcer les obligations à la charge des concessionnaires pour, au final, renforcer le service public. Dominique Perben s'est bien sûr très fortement impliqué dans cette affaire.
Nous avons par ailleurs prévu de modifier sensiblement le fonctionnement de la direction générale des routes, qui doit se consacrer en priorité au contrôle de l'exécution des contrats de concession sur les plans techniques et financiers. Il s'agit en effet d'un aspect absolument essentiel par rapport au service rendu aux usagers.
En outre, le Gouvernement est très attentif au maintien de la concurrence en matière d'attribution des travaux. C'est la raison pour laquelle les cahiers des charges des sociétés privatisées seront modifiés pour maintenir l'obligation de mise en concurrence dans une parfaite transparence. Cela se fera sous le contrôle d'une commission nationale présidée par un membre de la Cour des comptes. Ces sociétés devront elles-mêmes constituer des commissions des marchés, qui comprendront obligatoirement un représentant de mon ministère, plus précisément de la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le quatrième point de ma réponse concerne la cession de nos participations et la méthode employée.
Certains d'entre vous ont contesté non seulement l'opportunité de la décision de privatiser et de céder le solde de nos participations dans certaines sociétés d'autoroutes, mais aussi la méthode qui a été retenue par le Gouvernement. Ils ont dénoncé une opération lancée, selon eux, pendant l'été, « en catimini ». Cette expression ne me paraît pas appropriée : sur ce sujet, je le répète, le Premier ministre s'est exprimé dès les premiers jours de sa prise de fonction et tout a été très clairement annoncé. (M. Daniel Reiner s'exclame.)
Sur la méthode retenue, je vous répète avec force qu'il n'y pas lieu de s'étonner que nous ayons choisi d'agir dans le cadre des dispositions du titre III de la loi du 6 août 1986. C'est tout simplement ce que tout le monde a fait, avec raison d'ailleurs.
M. Philippe Nogrix. Il y a eu un débat en 2003 !
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le sénateur, je vous parle de la procédure employée, qui, comme vous le savez, n'implique aucune obligation de débat ou de vote au Parlement.
M. Daniel Reiner. Supprimons le Parlement !
M. Thierry Breton, ministre. Cela étant, par précaution, nous avons préféré consulter les parlementaires, et le Gouvernement est toujours très heureux de venir discuter avec vous.
M. Philippe Nogrix. Merci...
M. Thierry Breton, ministre. A la suite de l'annonce faite par le Premier ministre, nous avons étudié les moyens d'agir dans la plus grande transparence. Nous nous en sommes tenus au strict respect des règles de droit s'agissant, il ne faut pas l'oublier, de trois sociétés cotées.
Aussi, au début du processus, tous les éléments d'information utiles, notamment le cahier des charges, étaient disponibles, publiés sur Internet et donc consultables.
Nous sommes aujourd'hui dans la deuxième phase du processus. Bien entendu, certaines données très détaillées et confidentielles sur les sociétés sont protégées pour préserver les intérêts de chacun. Par définition, elles ne sont donc accessibles qu'aux candidats qui décideront de remettre une offre ferme. Tout cela est parfaitement normal, s'agissant d'entreprises cotées dans lesquelles les actionnaires minoritaires ont droit, comme tous les autres, à une protection légitime. Le Gouvernement a simplement cherché à garantir le respect des intérêts de chacun.
En réalité, dix-huit entreprises ont manifesté leur intérêt pour une telle opération dès la première phase de la consultation. Certaines ont ensuite estimé, à bon droit, que cette activité n'était pas de leur ressort, d'autres ont jugé qu'elles étaient prêtes...
M. Daniel Reiner. A gagner des sous !
M. Thierry Breton, ministre. ...à investir dans ces entreprises, afin de participer à leur développement.
Les sociétés ayant fait part de leur intérêt à participer aux différents tours de table ont été invitées le 7 octobre dernier à nous remettre une proposition ferme qui vaudrait, désormais, engagement de leur part. A cet égard, il n'a jamais été dans nos intentions de mener la démarche de manière non transparente. Nous avons simplement veillé au respect de l'autonomie des entreprises concernées, qu'il s'agisse des trois sociétés concessionnaires de services autoroutiers ou des entreprises ayant manifesté de l'intérêt pour tout ou partie d'entre elles.
En tout état de cause, une telle opération est importante à la fois pour les sociétés, mais aussi pour l'Etat. Contrairement à ce que certains ont pensé ou ont laissé croire, il ne s'agit pas de « privatiser le macadam ».
M. Daniel Reiner. Nous n'avons pas dit cela !
M. Thierry Breton, ministre. Je le répète, les sociétés concessionnaires de services autoroutiers détiennent un savoir-faire reconnu, mais évidemment limité à la seule concession qu'elles exploitent.
Comme dans n'importe quel autre domaine, il convient donc de développer ce savoir-faire. Cela passe notamment par l'utilisation des nouvelles technologies, afin de concilier l'informatique avec les technologies de gestion de flux, de régulation automatisée de la circulation et de diffusion de l'information en temps réel. De même, les perspectives ouvertes à propos de la voiture intelligente impliqueront d'encourager la recherche de pointe et le développement d'applications pratiques par les industriels automobiles, pour que nos autoroutes soient équipées de moyens de communication et de suivi en temps réel.
Tous ces investissements sont prévus sur une période de trente ans. A l'évidence, les voitures elles-mêmes évolueront, dans le bon sens j'espère ; je pense notamment à la consommation d'énergie, mais également aux capacités de suivi et de gestion. Mesdames, messieurs les sénateurs, en termes d'investissement, les entreprises dont nous parlons sont de réelles entreprises.
M. Philippe Nogrix. Certes.
M. Thierry Breton, ministre. Si elles opèrent aujourd'hui sur des portions limitées, il était normal que l'Etat leur donne les moyens de se développer en dehors du cadre de la concession qu'elles exploitent actuellement.
Au final, sur ce sujet, l'Etat a choisi de lancer un appel à candidatures, pour être en mesure, d'une part, d'optimiser son patrimoine, et, d'autre part, de sélectionner les projets qui seront les plus porteurs et les plus favorables aux sociétés autoroutières. Comme pour n'importe quelle autre société, il s'agit non seulement d'assurer à celles-ci un développement en France, mais aussi d'envisager des possibilités d'action un peu plus larges, un peu plus lointaines, c'est-à-dire en dehors du cadre du territoire national.
La gestion de concessions de services autoroutiers est un métier à part entière. Il était naturel d'évaluer les entreprises en mesure de participer à une telle activité, dans l'intérêt, évidemment, des usagers, des clients, mais aussi des salariés.
De même, nous voulons assurer la bonne exécution du service public autoroutier et, partant, sa modernisation constante.
Or l'Etat n'a pas besoin d'être propriétaire des sociétés concessionnaires d'autoroutes pour s'en assurer. Il est d'ailleurs inconcevable de raisonner ainsi puisque ces sociétés sont cotées. Elles ont donc désormais, depuis 2002, un actionnariat diversifié. Le respect du droit des minoritaires interdit tout simplement à l'Etat actionnaire d'utiliser sa position pour agir en tant que régulateur. Encore une fois, ceux qui mélangent aujourd'hui détention du capital et régulation font fausse route. Nous sommes dans un Etat de droit : en l'espèce, le droit s'applique à la puissance publique et aux entreprises, pour assurer la protection des actionnaires minoritaires.
M. Philippe Nogrix. Et les droits du Parlement !
M. Daniel Reiner. L'Etat n'est pas un actionnaire comme les autres !
M. Thierry Breton, ministre. C'est ainsi. Vous pouvez être contre, mais c'est la loi, et nous n'avons pas le droit de nous mettre en dehors de la loi.
Quoi qu'il en soit, mesdames, messieurs les sénateurs, comment pouvez-vous affirmer que les missions de service public ne sont garanties que par l'actionnariat majoritaire de l'Etat, alors que tout dépend du contrat de concession et non de l'actionnaire ? D'ailleurs, les actionnaires minoritaires ont également leur mot à dire s'ils ne sont pas satisfaits de la gestion.
M. Philippe Nogrix. C'est clair !
M. Thierry Breton, ministre. Tous les actionnaires ont des droits identiques, qu'il faut respecter. Je rappelle à cet égard les dispositions du traité de Rome, que nous appliquons évidemment, selon lesquelles il n'y a pas de distinction possible entre les actionnaires. Par conséquent, au nom de quoi le fait que l'Etat détienne une majorité du capital de ces sociétés de services lui donnerait-il des droits particuliers en matière de concession ?
M. Daniel Reiner. Au nom des droits de la majorité !
M. Thierry Breton, ministre. Ces concessions sont définies de façon contractuelle. Cela n'a rien à voir avec une détention majoritaire ou minoritaire par l'Etat dans le capital.
En revanche, c'est en se donnant les moyens de contrôler efficacement la bonne exécution des contrats de concession avec les entreprises que l'Etat s'assurera, quelle que soit sa part dans le capital, que les objectifs de cette politique publique seront atteints.
Avec Dominique Perben, nous avons justement renforcé ces contrats préalablement à la privatisation des sociétés d'autoroute, pour nous assurer que les missions de service public seront donc bien non seulement préservées, mais aussi renforcées.
Nombre d'entre vous se sont interrogés sur l'intérêt financier d'une telle cession par l'Etat. Là encore, je ne veux pas polémiquer, mais je tiens tout de même à relever certaines incompréhensions.
La valorisation de ces sociétés n'est pas un exercice simple, j'en conviens. Les différentes méthodes possibles, traditionnelles ou classiques, ont été évoquées ici même ce matin : il s'agit, entre autres, de la comparaison avec des sociétés voisines, du suivi de l'évolution des cours de bourse, des taux d'actualisation, notamment celui des cash flows.
Mais, sur ce point, excusez-moi de le dire, les bras m'en tombent ! Pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs siégeant à gauche de cet hémicycle, ne vous êtes-vous pas posé les mêmes questions lorsqu'un gouvernement de même tendance politique que la vôtre a décidé de vendre des actions de France Télécom et d'ASF, cette dernière opération ayant été réalisée en 2002 ? Pourquoi soulevez-vous ces questions aujourd'hui, alors que c'est le gouvernement de M. de Villepin qui agit ?
En fait, vous aviez parfaitement raison de ne pas vous interroger lorsque les actions des sociétés précitées ont été vendues puisque la Commission des participations et des transferts, ex-commission de la privatisation, devait présider à l'évaluation.
L'Etat s'est ainsi donné les moyens de vérifier que les cessions de titres se font dans l'intérêt patrimonial de l'Etat. Et je suis bien placé pour savoir que cette commission est très indépendante. Certains s'en souviennent peut-être au sein de cette assemblée : si j'ai été nommé président de Thomson Multimédia, c'est parce que la commission dite « de privatisation » avait estimé, à l'époque, que l'évaluation qui avait été faite n'était pas compatible avec la préservation des intérêts patrimoniaux de l'Etat.
Je vous rassure tout de suite : comme d'habitude, et comme cela eut lieu lorsque M. Fabius a décidé de vendre 49 % des titres d'ASF, c'est la Commission des participations et des transferts qui a vérifié si le taux d'actualisation était bon ; elle s'est prononcée sur le fait de savoir s'il fallait utiliser la méthode des free cash flows ou des discounted cash flows, si les évaluations effectuées avec d'autres cas de figure comparables étaient adéquates. In fine, c'est elle qui appréciera si le prix retenu est juste.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez dormir tranquilles : la Commission des participations et des transferts a été inventée par l'Etat précisément pour assumer ces missions.
Elle veillera et, croyez-moi, elle est constituée d'hommes indépendants et de très grande qualité. C'est elle qui dira s'il faut prendre en considération le rapport Lebègue ou d'autres. Elle légitimera la méthode retenue. Le Gouvernement n'a aucun doute quant à l'avis qu'elle donnera au regard de toutes les opérations qu'elle a déjà traitées.
Pourquoi donc, lorsqu'il s'agit de sociétés concessionnaires de services autoroutiers, faudrait-il se placer en dehors du droit ? J'estime qu'il faut, dans tous les cas de figure, respecter le droit. Je le dis une nouvelle fois, sans polémique. Certes, les autoroutes sillonnent le territoire, et je comprends que la cession d'une partie du capital des sociétés qui les gèrent ait une charge affective pour certains. Cependant, je pense qu'il faut s'en tenir aux principes de droit.
J'en viens aux derniers points qui ont été évoqués.
En ce qui concerne la procédure, je tiens à vous réaffirmer que j'entends traiter ce dossier en toute transparence, comme toujours.
Je sais bien qu'il y a eu débat. La question à laquelle a été confronté le Gouvernement était simple : peut-on essayer de faire mieux tout en préservant l'acquis tant pour nos infrastructures que pour l'Etat ? Nous avons essayé d'apporter une réponse positive.
D'aucuns soutiennent qu'il était judicieux de disposer d'un système qui permette de financer ces infrastructures grâce aux importants dividendes versés par les sociétés en question. A ce propos, monsieur Billout, je me réjouis que vous vous soyez fait l'apologiste des gros dividendes. Je constate que le débat a fait progresser les esprits.
Il est vrai qu'il est bon de réaliser de gros dividendes et de les distribuer aux actionnaires, surtout s'ils doivent être utilisés en partie pour assurer le financement. Pourquoi pas, certes, dans la mesure où ces dividendes sont pérennes ? C'est là que le problème se pose.
En effet, les dividendes ne sont pas une rente. Ils correspondent tout simplement à ce qui reste lorsqu'une entreprise fait des profits. Ce n'est pas un acquis, contrairement à ce que certains ont eu l'air de penser au cours de ce débat.
M. Bruno Retailleau. Où est le risque ?
M. Thierry Breton, ministre. Un dividende n'est pas certain, il n'est pas garanti. Je vais d'ailleurs vous le prouver.
Deux éléments principaux pèsent sur les comptes d'exploitation des sociétés concessionnaires de services autoroutiers.
Le premier, c'est le trafic. Puisque c'est l'usager qui paie, plus le trafic sera important, plus les revenus seront élevés théoriquement. Fort bien !
M. Michel Billout. Il va baisser ?
M. Thierry Breton, ministre. Toutefois, bien malin qui pourra dire à quel niveau de prix se situera le baril de pétrole dans un an, dans deux ans, dans cinq ans, dans dix ans ! Si l'un d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, est à même de me renseigner sur ce point, je suis preneur !
Vous le savez, la TIPP est assise sur le volume de produit consommé. Or, depuis deux ans, son produit diminue, ce qui signifie que les usagers utilisent moins leur voiture. C'est une bonne chose, compte tenu de la situation énergétique. Mais rien ne nous dit que, si la hausse du prix du baril continue, les Français ne vont pas modifier leurs habitudes. On peut en prendre le pari.
Un second élément va grever de façon certaine les résultats des entreprises concessionnaires d'autoroutes.
Contrairement à ce que certains ont affirmé au sein de cette assemblée, les trois sociétés autoroutières dont les titres seront offerts ont été financées non pas par le contribuable mais par l'emprunt, selon la méthode instaurée à l'époque. Le contribuable n'a jamais versé un sou pour financer ces entreprises.
M. Yves Krattinger. Si !
M. Thierry Breton, ministre. Non, elles n'ont été financées que par l'emprunt, je suis désolé de le dire. C'est d'ailleurs pour rembourser cet emprunt qu'a été inventé le principe du péage, qui ne concernait que les tronçons financés par l'emprunt et non par le contribuable, comme c'est le cas des autres infrastructures routières.
M. Daniel Reiner. Il y a eu des subventions sur certains tronçons !
M. Thierry Breton, ministre. Absolument pas ! On ne peut pas dire que c'est le contribuable qui a assuré le financement.
C'est ainsi que ces trois sociétés supportent aujourd'hui une dette très importante qui s'élève à 20 milliards d'euros. Comment la rembourser ? Elle est évidemment obérée par les taux d'intérêts. Certes, la France connaît les taux d'intérêts les plus bas enregistrés tant dans notre pays qu'en Europe. Il faut s'en réjouir, comme je le fais en ma qualité de ministre des finances. Mais, je ne peux pas vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, que, sur une période de dix ans, de quinze ans ou de vingt ans, les taux resteront à 2 %. Statistiquement, il y a des risques qu'ils remontent. S'ils augmentent d'un point ou de deux points, les dividendes deviendront inexistants parce que le remboursement de l'emprunt réduira à néant le profit.
Je n'affirme pas que ce scénario est certain, mais j'essaie de démontrer qu'un dividende n'est pas une rente, qu'il n'est pas assuré.
La méthode qu'a choisie l'Etat est la suivante. Dès lors que l'on pouvait renforcer le financement de l'AFITF et le rendre pérenne, ce qui a été fait, il est peut-être plus intéressant de disposer dès aujourd'hui des moyens que cette agence peut fournir tant pour l'avenir que pour le remboursement de la dette, tout en s'entourant de toutes les garanties, y compris en ce qui concerne la valorisation opérée par la Commission des participations et des transferts.
J'ai entendu citer la somme de 14 milliards d'euros. On verra si ce sont 12 milliards, 13 milliards ou 14 milliards d'euros qui pourront être obtenu. Le prix retenu sera sans doute significatif si les marchés sont corrects parce que, aujourd'hui, la valorisation est bonne.
D'ores et déjà, 4 milliards d'euros peuvent être dégagés pour financer les infrastructures en question. Cette somme, d'un montant très significatif, va être injectée immédiatement dans l'économie, sans attendre les dix ans qui viennent.
Affecter une part importante des produits de cession au remboursement de la dette, permettez-moi de vous le dire, c'est un devoir du Gouvernement. La dette de notre pays s'élève à près de 1 100 milliards d'euros, et chaque gouvernement, celui-ci comme ceux qui lui succéderont, devra élaborer un programme vigoureux de remboursement de la dette si nous ne voulons pas la laisser en l'état à nos enfants.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Thierry Breton, ministre. Certes, ce que nous faisons peut être considéré comme une goutte d'eau par certains, mais il serait irresponsable de considérer qu'un tel remboursement, en raison de son volume, n'a pas lieu d'être. Il faudrait donc ne rien faire et laisser la boule de neige grossir ? Non, mesdames, messieurs les sénateurs, telle n'est pas la volonté de ce gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Daniel Reiner. C'est vous qui creusez la dette !
M. Thierry Breton, ministre. Sachez aussi que 10 milliards d'euros de dettes non remboursés aujourd'hui génèrent, sur trente ans, 30 milliards d'euros avec les intérêts cumulés, au taux d'actualisation de la dette en vigueur à ce jour, qui est de 3,5 % en France.
Le Gouvernement veut être responsable. C'est pourquoi, compte tenu de la situation, il a décidé de trouver des solutions, tout en préservant les missions de l'AFITF, en lui donnant des moyens pérennes de traiter les problèmes auxquels est confrontée la France aujourd'hui.
Il reste un point qui n'a pas été évoqué ce matin, mais sur lequel je voudrais apporter une précision en raison de ce que j'ai pu lire ici ou là.
Le Gouvernement n'a en aucun cas prévu de réaliser un prélèvement exceptionnel de 950 millions d'euros sur les sociétés d'autoroutes, avant la cession des titres. La mention expresse dans le projet de loi de finances pour 2006 de la perception de revenus exceptionnels liée aux résultats des sociétés autoroutières pour ce montant correspond à une opération de nature comptable, parfaitement légitime, voire indispensable, entre l'établissement public Autoroutes de France, c'est-à-dire la maison mère, qui détient une partie des participations de l'Etat dans ces sociétés, et l'Etat. Cet établissement versera automatiquement, lors de la cession, un dividende sur les plus-values dégagées à ce moment, selon le mécanisme classique. Aujourd'hui, ce dividende est estimé à 950 millions d'euros. Cette opération n'affecte nullement la gestion des autoroutes et ne concerne pas leurs comptes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les précisions que je voulais vous apporter pour répondre du mieux possible et sans esprit polémique aux questions que vous avez pu vous poser quant à la cession des titres détenus par l'Etat dans les entreprises concessionnaires de services autoroutiers.
Les objectifs que le Gouvernement s'est fixés sont très clairs : engager un programme ambitieux de réalisation d'infrastructures à l'aide de moyens exceptionnels en mettant en place des ressources pérennes, renforcer les perspectives de développement des sociétés, assurer un meilleur service pour l'usager, réguler le secteur par le biais de contrats de concession renforcés et désendetter l'Etat.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, je pense que ces objectifs justifiaient bien la démarche qui a été mise en oeuvre par le Gouvernement et qui sera poursuivie dans la plus grande transparence, je tiens à vous l'affirmer aujourd'hui, au nom du Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
3
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question, de même que le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente.
lutte contre la pauvreté
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le Premier ministre, la Journée mondiale du refus de la misère a montré à quel point l'exclusion et la pauvreté ont progressé au cours de ces dernières années. Aujourd'hui, pauvreté rime non seulement avec chômage, mais aussi avec précarité, temps partiel subi, contrat à durée déterminée et stage non payé. En France, en 2005, on peut disposer d'un emploi fixe et vivre en dessous du seuil de pauvreté !
Face à ce constat, le Gouvernement a choisi d'alléger l'impôt de solidarité sur la fortune (Murmures sur les travées de l'UMP.), ...
M. Henri de Raincourt. Allons, bon ! Ça recommence !
Mme Raymonde Le Texier. ... permettant ainsi aux ménages les plus favorisés de voir diminuer de 18 000 euros en moyenne leur participation à la solidarité nationale. Parallèlement, pour compenser ces largesses, il « oublie » de verser les subventions destinées à lutter contre l'exclusion et réduit l'accès aux soins pour les étrangers. Prendre aux pauvres pour donner aux riches : il fallait oser, vous l'avez fait ! (Protestations sur les mêmes travées.)
M. Henri de Raincourt. Bravo, madame Le Texier !
Mme Raymonde Le Texier. Tant de cynisme fait réagir toutes les associations qui luttent aux côtés des plus démunis. Ainsi, Martin Hirsch, président d'Emmaüs, a suspendu sa participation au Conseil national de lutte contre l'exclusion, afin de protester contre le non-respect des engagements du Gouvernement relatifs au financement des structures d'insertion.
Les attaques portées contre l'Aide médicale d'Etat, l'AME, qui permet aux étrangers de bénéficier de l'accès aux soins, constituent une autre preuve de ce recul de la solidarité. Les décrets sont sortis en catimini, le 28 juillet dernier, dans la torpeur de l'été. Bien entendu, aucune organisation d'aide humanitaire n'a été consultée ni associée. C'est dommage, car elles auraient pu expliquer que ces hommes, ces femmes et ces enfants, qui quittent leur pays dans les conditions que l'on connaît, viennent chez nous non pas pour « profiter » de notre protection sociale, mais pour survivre ! Quand on sait que, chaque jour, dans le monde, environ 40 000 enfants meurent de faim ou de maladies bénignes que l'on ne peut pas soigner chez eux, on peut comprendre, me semble-t-il, la situation !
Aujourd'hui, pour accéder aux soins, les sans-papiers doivent présenter des papiers que, par définition, ils n'ont pas ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Guy Fischer. Ça les fait rire !
Mme Raymonde Le Texier. Ils doivent également apposer une photo sur leur carte d'accès. Cette dernière risque donc très vite d'être utilisée à des fins policières ou sécuritaires. C'est en tout cas la crainte des personnes concernées, qui, d'ores et déjà, renoncent à se faire soigner, au risque de voir leur état de santé s'aggraver encore.
M. Henri de Raincourt. Assez de mensonges !
M. le président. Veuillez poser votre question, madame Le Texier !
Mme Raymonde Le Texier. Puisque vous le souhaitez, monsieur le président, je pose tout de suite ma question, qui est particulièrement simple : monsieur le Premier ministre, comptez-vous modifier ces décrets qui n'honorent pas la patrie des droits de l'homme ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
M. Jacques Mahéas. La question ne suscite pas de réponse de la part de M. le Premier ministre, bien évidemment !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame la sénatrice, je crois qu'il est un point sur lequel nous pouvons nous rejoindre : lorsque nous parlons de sujets qui touchent à la dignité humaine, nous avons tous à coeur de nous rassembler pour trouver des solutions.
Je souhaite vous redire que, au moment où nous abordons l'hiver, le Gouvernement est mobilisé. Dominique de Villepin a présidé lui-même le Conseil national de lutte contre l'exclusion, le 16 septembre dernier.
Mme Eliane Assassi. Cela ne suffit pas !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Lundi dernier, le Président de la République a rappelé avec force, lors de son intervention dans le cadre de la Journée mondiale du refus de la misère, l'engagement de notre pays à agir, avec ses moyens, pour répondre au défi de la pauvreté.
M. Yannick Bodin. Paroles !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Que faisons-nous concrètement ?
Tout d'abord, nous répondons à l'urgence, en mobilisant des moyens. Quand ce gouvernement est arrivé au pouvoir en 2002, 4 millions d'euros étaient consacrés à l'aide aux plus démunis ; aujourd'hui, 17 millions y sont affectés ! (Eh oui ! sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Mahéas. Vous avez multiplié le nombre de pauvres !
Mme Eliane Assassi. Franchement, ce n'est pas rassurant !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Par ailleurs, nous avons amélioré l'accompagnement en matière de logement d'urgence.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Banalités !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Nous avons créé, depuis deux ans, 20 000 places supplémentaires destinées au logement d'urgence.
Voilà un instant, vous faisiez allusion, madame la sénatrice, à l'association Le Relais, que j'ai encore reçue ce matin. Or, vous le savez, dans la vie associative, il y a non seulement une attente à l'égard de l'Etat, mais aussi des règles à respecter, qui concernent tout le monde.
M. Jacques Mahéas. Ce sont celles que vous avez édictées !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je l'avais d'ailleurs rappelé à M. Hirsch dès lundi. La réunion qui a eu lieu ce matin avait pour objet d'évaluer les pratiques pour trouver des solutions, dans le respect du droit.
Ensuite, sur le long terme, nous nous engageons, à la demande de M. le Premier ministre, pour l'emploi, qui constitue la véritable réponse.
M. René-Pierre Signé. Le terme approche !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je pense bien évidemment au travail que nous avons effectué pour aboutir, d'une part, au projet de loi relatif à la réforme des minima sociaux, qui sera discuté prochainement par le Parlement, et, d'autre part, au projet de loi portant engagement national pour le logement.
Voilà des actes, voilà des réponses ! Il ne s'agit pas de discours, qui, eux, ne changent pas la situation des personnes concernées ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Création d'emplois, amélioration de l'habitat, facilitation de l'accès au logement, tels étaient les principaux objectifs lors de la mise en oeuvre du taux réduit à 5,5 % de la TVA dans le secteur de la rénovation des logements privés.
Dans les faits, la TVA à taux réduit a permis de créer près de 50 000 emplois et de générer 2 milliards d'euros d'activité supplémentaire dans le secteur, en particulier grâce à la réduction du travail au noir et à la diminution des prix.
Dans un contexte marqué par la crise du logement et du pouvoir d'achat, la réhabilitation de logements et la création d'emplois doivent être des priorités et nous avons le devoir de nous engager dans ce sens. Tels sont en tous cas les objectifs que semble afficher aujourd'hui le Gouvernement.
Alors que la réforme de l'impôt sur le revenu risque d'ores et déjà de remettre en cause l'attractivité de certains investissements en matière de logement - je pense notamment au plafonnement des niches fiscales -, l'extinction d'un régime d'imposition de la valeur ajoutée favorable dans le domaine du bâtiment serait un très mauvais coup porté à ce secteur, et, en particulier, à l'artisanat.
M. Jean-François Copé a affirmé la semaine dernière qu'une TVA à 5,5 % pour le secteur du bâtiment serait inscrite dans le projet de loi de finances pour 2006, alors que l'extinction du régime dérogatoire était prévue pour le 31 décembre 2005.
Or nous savons, monsieur le ministre, qu'une telle décision résultera de votre capacité à convaincre, dans les semaines qui viennent, nos partenaires européens et à ne pas subir passivement la non-prolongation de cette mesure.
Dès lors, pouvez-vous nous éclairer sur l'état d'avancement de ce dossier et sur les engagements que le Gouvernement entend prendre pour soutenir ce secteur ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement raison de souligner qu'il s'agit là d'une mesure efficace, puisque sa mise en oeuvre a permis d'atteindre l'ensemble des objectifs que vous venez de rappeler.
Le coût budgétaire de cette disposition, qui est, pour l'Etat, de l'ordre de 2,5 milliards d'euros par an, peut être considéré comme de l'argent bien dépensé. En effet, cette mesure a créé entre 40 000 et 50 000 emplois nouveaux et engendré plus de 3 milliards d'euros d'activité nouvelle, en permettant, notamment, de rénover l'habitat ancien et, donc, d'améliorer le cadre de vie de nos concitoyens.
M. Jacques Mahéas. Vous vous félicitez vous-même !
M. Thierry Breton, ministre. C'est bien entendu la raison pour laquelle Jean-François Copé et moi-même avons décidé, après nous en être entretenu avec M. le Premier ministre, d'inscrire dans le budget, en toute transparence, une telle mesure, qui, je le répète, peut être qualifiée de « gagnant-gagnant ».
Il appartient maintenant à nos services de négocier sa prorogation auprès des autorités de Bruxelles.
Je tiens donc à vous confirmer que les premières discussions sur ce sujet auront lieu d'ici à dix jours. Par ailleurs, les 10 et 11 novembre prochains, se tiendra le Conseil des ministres de l'économie et des finances, au cours duquel j'aurai l'occasion de défendre moi-même la prorogation de cette mesure, que nous considérons comme très positive pour l'économie française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Journée de la misère
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Comme ma collègue Raymonde Le Texier, j'ai bien remarqué lundi soir, sur le parvis des Droits de l'homme, que le Président de la République, dans le discours qui a été lu par Mme Vautrin, n'a manqué ni de souligner le travail des associations de lutte contre l'exclusion, qui se battent chaque jour pour un minimum de respect de la dignité humaine, ni de défendre l'action de votre gouvernement dans ce domaine. Le même jour, les députés de votre majorité redoublaient d'efforts pour réduire largement l'impôt de solidarité sur la fortune.
Monsieur le Premier ministre, les associations qui interviennent sur le terrain, que ce soit pour la nourriture, l'hébergement, les soins, etc. assurent de plus en plus des missions de service public, dans des domaines où l'Etat, sous votre responsabilité, se désengage.
Comment comprendre alors que les subventions accordées aux associations de lutte contre l'exclusion ne soient finalement pas honorées au cours de l'exécution du budget, victimes d'abord de gels budgétaires puis d'annulations ? Servent-elles d'affichage d'abord, de variable d'ajustement ensuite ?
Comment expliquer par ailleurs - c'est une autre contradiction - que vous rendiez quasiment impossible le recours aux soins pour les plus pauvres, c'est-à-dire les sans domicile fixe et les sans-papier, qui jusqu'à présent pouvaient bénéficier de l'aide médicale d'Etat, l'AME ?
Les décrets relatifs à l'AME que vous avez fait publier cet été, en écartant une partie des plus pauvres de l'accès aux soins, non seulement distendent les liens de solidarité et entérinent l'exclusion, mais constituent un danger pour la santé publique de tous nos concitoyens, alors que cela représente une dépense dérisoire au regard de l'ensemble des dépenses de santé.
Monsieur le Premier ministre, pour que votre action soit en accord avec les objectifs sociaux que vous ne manquez jamais de rappeler, je vous demande d'honorer les dotations aux associations votées par le Parlement, en les reportant sur 2006 et en garantissant l'exécution du prochain budget. Je vous demande également de rétablir le droit à l'aide médicale d'Etat dans les conditions antérieures aux décrets du mois de juillet 2005. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Madame la sénatrice, dans un domaine aussi sensible et aussi important que celui de la misère et de la pauvreté, où nous sommes tous portés par la même ambition, il faut éviter deux écueils. D'une part, il nous faut nous méfier de l'idéologie. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Eh voilà !
M. René-Pierre Signé. Surtout de la vôtre !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. D'autre part - tous les amateurs de sport le savent -, il est plus facile de marquer des buts quand on est placé en haut des gradins (M. Jacques Mahéas s'exclame) que lorsque l'on se trouve sur le terrain !
M. Ladislas Poniatowski. C'est une bonne image !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Vous avez eu l'occasion pendant cinq ans d'éprouver cette difficulté et nous avons pu tirer le bilan de l'action que vous avez menée dans ce domaine. (M. René-Pierre Signé proteste.) Il nous appartient de faire mieux ; c'est ce à quoi nous nous employons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne se voit pas pour l'instant !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Lutter contre la misère, contre l'exclusion ou contre la discrimination, agir en faveur de la justice sociale, telle est l'ambition de mon gouvernement.
Pour cela, nous avons fait le choix simple de privilégier l'emploi et la croissance sociale.
M. René-Pierre Signé. Il était temps !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Pour moi, en effet, le chômage représente la véritable précarité.
M. Roland Muzeau. Vous radiez les chômeurs !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Avoir un travail, c'est reprendre pied dans la société, rompre avec l'isolement, retrouver sa dignité.
Le Gouvernement agit pour le retour à l'emploi de ceux qui en sont le plus éloignés.
M. René-Pierre Signé. Jean-Pierre Raffarin n'a rien fait ?
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Ainsi, nous dégagerons 500 millions d'euros pour augmenter la prime pour l'emploi en 2006 et 500 millions d'euros supplémentaires en 2007.
Nous verserons également une prime de mille euros aux titulaires de minima sociaux afin de les inciter à reprendre une activité. Tous les titulaires de l'allocation spécifique de solidarité seront reçus d'ici à la fin de l'année par les services de l'ANPE. Par ailleurs, MM. Henri de Raincourt et Michel Mercier ont accepté - je les en remercie - une mission essentielle concernant la refondation du contrat d'insertion pour les RMIstes.
M. Guy Fischer. On a du souci à se faire !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Avec le plan de cohésion sociale, le Gouvernement met en oeuvre un dispositif ambitieux pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion.
Prenons la question essentielle du logement. En 2005, 12 000 places en hébergement d'urgence sont en chantier ; nous avons réalisé un effort sans précédent. S'agissant du logement social, ce sont 80 000 places qui sont en chantier en 2005 et 100 000 le seront en 2006. C'est deux fois plus que ce que vous aviez vous-mêmes fait.
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. René-Pierre Signé. Et Jean-Pierre Raffarin ?
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Enfin, je veux que nous nous battions pied à pied face aux difficultés concrètes que rencontrent les Français.
Prenons l'exemple du service bancaire universel. Thierry Breton et Catherine Vautrin ont tenu hier une première réunion avec les représentants des banques et des associations. Mon objectif est que tous nos compatriotes puissent bénéficier d'un compte bancaire et des moyens de paiement indispensables dans notre société.
J'ai également décidé d'interdire les coupures d'électricité et d'énergie pendant la période hivernale.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les salariés d'EDF qui ont maintenu l'électricité se trouvent mis en examen !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Un texte en ce sens sera présenté au Parlement dans les prochaines semaines.
M. Guy Fischer. Il faut supprimer les sanctions !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Enfin, s'agissant de l'accès de tous aux soins, madame la sénatrice, il faut être précis et juste. La réforme de l'aide médicale d'Etat était indispensable pour préserver ce droit. En politique aussi, le principe de responsabilité existe. Nous n'avons porté aucune atteinte aux droits des malades.
MM. Michel Dreyfus-Schmidt et René-Pierre Signé. Si !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Les soins urgents, les soins pour les mineurs, les soins pour les femmes enceintes...
Mme Eliane Assassi. Quand on est enceinte, on n'est pas malade !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ...les soins pour les personnes atteintes de maladies infectieuses sont totalement pris en charge, sans aucune condition de résidence. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Mahéas. On vous les enverra !
M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Vous le voyez, madame la sénatrice, la lutte contre la pauvreté est le devoir de tous. C'est bien sûr celui de l'Etat - vous avez raison -, c'est aussi celui des collectivités locales, des entreprises et des associations, lesquelles accomplissent un travail remarquable sur le terrain.
Les crédits de lutte contre l'exclusion seront donc préservés de toute régulation budgétaire. J'en prends l'engagement ici même devant vous. Il faut de la responsabilité, de la générosité et de l'action. Voilà ce dont nous avons besoin ! Voilà ce que fera le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Fermeture de l'usine Alcan-Péchiney dans les Hautes-Pyrénées
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le ministre, le département des Hautes-Pyrénées est déjà très durement touché par les restructurations de GIAT-Industries. La ville de Lannemezan, qui compte 6 500 habitants, doit également faire face à l'abandon du centre de mobilisation militaire. Or cette situation, déjà fortement préoccupante, s'aggrave encore aujourd'hui avec l'annonce, par la direction de la société canadienne Alcan, qui a repris en 2003 les activités de Péchiney Aluminium, de la fermeture du site de Lannemezan, qui emploie près de 300 salariés.
Cette situation est injuste et intolérable pour les salariés, pour leurs familles et pour le département des Hautes-Pyrénées.
Injuste, car, au cours des dernières années, les salariés se sont fortement impliqués dans la mise en oeuvre d'un plan d'amélioration de la productivité de l'usine. Des progrès importants ont d'ailleurs été enregistrés par le groupe.
Injuste, car, pendant des décennies, cette activité a profité, pour son développement, des ressources de notre région et de sa main-d'oeuvre volontaire et qualifiée.
Intolérable, car, entre 2003 et 2004, les résultats du groupe Alcan ont progressé de 50 %. Le site de Lannemezan a, à lui seul, dégagé un bénéfice de plus de 6 millions d'euros l'année dernière.
Intolérable, car le groupe qui envisage de détruire des activités dans le département des Hautes- Pyrénées investit notamment dans un nouveau centre de recherches, à Brisbane. Or le marché australien représente 1,7 % de la production mondiale contre 8,8 % pour le marché français et 19 % pour le marché européen.
Intolérable, car c'est grâce au rachat du groupe Péchiney qu'Alcan s'est approprié un savoir-faire technologique, notamment la technique de l'électrolyse, qui est l'une des plus performantes du monde.
Intolérable enfin, car, pour notre pays, au-delà des difficultés locales que cela engendre, la fermeture des sites industriels aggrave le déséquilibre de la balance de notre commerce extérieur.
Monsieur le ministre, il nous et il vous sera difficile d'expliquer aux Français que nous ne sommes pas capables de négocier des contrats de fourniture d'énergie à nos industriels à des conditions acceptables pour la production d'aluminium, alors que nous produisons de l'énergie électrique à faible coût pour l'exportation.
Sommes-nous en train de devenir un pays en voie de développement, qui vend ses matières premières et importe des produits finis ? Notre pays a-t-il toujours la volonté, et surtout les moyens, de créer de la valeur ajoutée ?
Monsieur le ministre, ma question est triple.
Avez-vous les moyens politiques d'amener Alcan à renoncer à la fermeture du site de Lannemezan ?
Pouvez-vous autoriser Alcan à négocier des tarifs avantageux avec EDF ?
Enfin, vous est-il possible de rappeler à Alcan certaines obligations, en lui précisant notamment que la notion d'« entreprise citoyenne » a encore un sens dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Raymond Courrière. Entreprise citoyenne privatisée !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, je mesure la gravité de votre question...
M. René-Pierre Signé. C'est tout ?
M. Thierry Breton, ministre. ...et je voudrais vous dire que le Gouvernement partage vos préoccupations.
M. René-Pierre Signé. C'est ça !
M. Thierry Breton, ministre. Vous avez fait référence à la fermeture du site de Lannemezan, qui concernera 270 personnes.
M. Jean-Pierre Bel. Et quelques autres !
M. Thierry Breton, ministre. Ce n'est pas rien.
Vous avez également indiqué, monsieur le sénateur, que cette réduction d'effectifs serait progressive. Le groupe a annoncé qu'elle s'échelonnerait de 2006 à 2008, date retenue pour la fermeture de ce site, d'après les informations que nous avons obtenues de la société Alcan.
Il faut être clair sur nos responsabilités respectives et sur la façon dont nous pouvons gérer cette situation.
Tout d'abord, monsieur le sénateur, il est faux de dire ou de laisser croire - vos propos ne le laissaient pas entendre, mais je ne voudrais pas qu'il y ait de méprise dans cet hémicycle - que ce sont les tarifs électriques qui ont conduit à la fermeture de cette usine. Vous le savez, cette décision a été prise depuis très longtemps : les investissements n'étaient pas assez importants.
M. Raymond Courrière. A qui la faute ?
M. Thierry Breton, ministre. C'est précisément pour cette raison que la direction d'Alcan a décidé de fermer le site, indépendamment de l'évolution tarifaire.
J'ajoute que François Loos et moi-même avons convoqué à plusieurs reprises l'ensemble des grands consommateurs, les « électro-intensifs », pour trouver avec EDF les moyens d'obtenir les tarifs les plus compétitifs en Europe. Nous sommes sur la bonne voie. Alcan participe à cette table ronde.
Cela dit, vous avez raison de le souligner, le groupe Alcan a des obligations et le Gouvernement veillera à ce qu'elles soient remplies. Alcan doit être une entreprise citoyenne : la fermeture de l'usine de Lannemezan ne peut se faire au détour d'un chemin, mais doit être réalisée en concertation avec les organisations syndicales et en veillant à la bonne réindustrialisation du site.
Monsieur le sénateur, nous serons à vos côtés pour nous assurer que ces obligations seront intégralement respectées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
L'OMC et l'agriculture
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque.
M. Dominique Mortemousque. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le ministre, le volet agricole sera au coeur des négociations de la conférence interministérielle de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, qui se déroulera à Hong Kong du 13 au 18 décembre prochain.
Mardi dernier, lors du conseil « Affaires générales et relations extérieures » réunissant à Luxembourg l'ensemble des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne, la France a obtenu un vote à l'unanimité pour recadrer le mandat de la Commission.
En particulier, nous avons obtenu qu'il ne sera à aucun moment question, dans les pourparlers avec l'OMC, de remettre en cause la politique agricole commune renégociée en 2003.
Plusieurs sénateurs socialistes. Voilà !
M. René-Pierre Signé. C'est ce que le ministre a cru !
M. Dominique Mortemousque. Par ailleurs, grâce à l'action déterminée du gouvernement français, un comité d'experts se tiendra en permanence aux côtés de la Commission.
Cependant, nous lisons et nous entendons un peu partout des informations contradictoires selon lesquelles nous serions isolés sur ce dossier.
MM. Michel Dreyfus-Schmidt et René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Dominique Mortemousque. A cela s'ajoutent les propos troublants du commissaire Mandelson, qui a déclaré que l'Union européenne était prête à réduire de 70 % les aides agricoles.
Monsieur le ministre, le monde agricole est inquiet : il a besoin de clarté et de sécurité pour son avenir, non de polémiques.
M. René-Pierre Signé. Il n'en aura pas !
M. Dominique Mortemousque. Pouvez-vous nous confirmer que vous avez la ferme intention de surveiller et de recadrer, si besoin, le mandat de Bruxelles, afin que les intérêts de l'agriculture française et, plus largement, européenne, soient respectés à Hong Kong ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Jacques Mahéas. Nous voulons la vérité !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. M. le Premier ministre a rappelé ce matin que le cycle de Doha était, avant tout, le cycle du développement et que la France entendait y aider les pays en voie de développement et non favoriser un développement ultralibéral des échanges mondiaux.
D'ailleurs, l'Europe, et la France en particulier, n'ont pas de leçons à recevoir en matière de développement. En effet, nous sommes d'ores et déjà le premier continent à importer des produits en provenance du tiers monde. Je demande aux autres de faire le même effort.
Le Gouvernement souhaite que le cycle soit équilibré. M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie l'a rappelé également : il faut parvenir à des accords sur les biens industriels, sur les services et, enfin, sur l'agriculture, cette dernière ne devant pas être la variable d'ajustement de l'ensemble de cette négociation.
Pour ce faire, la France a demandé et obtenu que se tienne, mardi dernier, un conseil des ministres extraordinaire « Affaires générales ». Nous y avons rappelé trois points.
Premièrement, que nous tenons au respect de la PAC. En effet, nous venons de la réformer et nos agriculteurs éprouvent déjà des difficultés ; mieux vaut donc en rester là.
M. Raymond Courrière. C'est un voeu pieux !
M. Dominique Bussereau, ministre. Deuxièmement, dans ce dossier, nous souhaitons que le mandat de la Commission soit strictement respecté.
M. René-Pierre Signé. C'est un souhait !
M. Dominique Bussereau, ministre. A cette fin - nous avons été soutenu par une majorité d'Etats - a été mis en place un comité d'experts techniques, qui s'est réuni hier et se réunira à nouveau lundi, comité devant lequel la Commission devra justifier ses propositions.
Comme, pour l'instant, nous n'avons pas obtenu la justification du mandat de négociation de la Commission, nous avons indiqué que la France n'accepterait pas que s'ouvrent de nouvelles négociations agricoles tant que ce mandat ne serait pas vérifié et respecté.
M. Serge Vinçon. Très bien !
M. Dominique Bussereau, ministre. Telle est la position de la France, et elle n'est pas isolée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le Premier ministre, en écoutant tout à l'heure avec attention votre réponse à Mme Borvo, je me demandais qui croire, ou, plus exactement, s'il fallait vous croire.
M. Henri de Raincourt. Oui !
M. Jean-Pierre Michel. Je tiens à interroger M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur les difficultés dramatiques que rencontrent les associations qui, par les fonctions civiques, sociales et éducatives qu'elles assurent, jouent un rôle indispensable dans une société qui doute et qui même se décompose.
Au coeur de cette entreprise de démolition du fait associatif se trouve le ministère des sports, chargé également - faut-il le lui rappeler ? - de la jeunesse et de la vie associative, mais il n'est pas le seul. Madame Vautrin, permettez-moi de vous dire, à vous qui êtes ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, que ce sont là des actes et non des discours.
Au coeur de l'été, les annonces officielles de suppression de moyens, de réduction ou d'arrêt de financements publics sont tombées en catimini, et elles se poursuivent : suppression des deux tiers des crédits par le ministère de la jeunesse et des sports, votés dans la loi de finances et dédiés au développement de la vie associative ; suppression totale des subventions du ministère de l'agriculture, qui change de politique en cour d'année ; un million d'euros en moins au ministère de l'éducation nationale pour toutes les fédérations départementales ; enfin, gel de crédits annoncé ces derniers jours par le ministère de la culture alors que des conventions d'objectifs avaient été signées et que les actions correspondantes sont pratiquement toutes réalisées.
Toute la vie associative locale va souffrir de ces choix politiques au travers également des baisses significatives à la formation des bénévoles associatifs. Les promesses faites pour favoriser l'engagement bénévole sont singulièrement contrariées par l'annonce, fin septembre, de l'attribution de seulement 2,7 millions d'euros pour cette formation, alors qu'aux termes de la loi de finances que le Sénat a adoptée étaient prévus 7 millions d'euros.
Mais parlons de notre vote. En effet, monsieur le Premier ministre, les parlementaires ne peuvent que dénoncer avec force la pratique qui se développe, celle du gel et de l'annulation de crédits par le ministère des finances, décidés unilatéralement, malgré le vote du budget de la nation.
Il y a plus grave : où est la cohérence de la politique gouvernementale alors que ces associations sont des partenaires incontournables des politiques locales en faveur de l'emploi, de la réinsertion sociale et de la réussite éducative ?
La suppression de la délégation ministérielle à l'économie sociale, décidée sans aucune concertation, révèle bien la démarche idéologique du Gouvernement, confortée par le fait que toutes les grandes associations se heurtent à la porte close des ministères au moment même où le Gouvernement et ses services déconcentrés sollicitent les associations pour qu'elles s'investissent à l'échelon national contre le chômage.
M. le président. Votre question !
M. Jean-Pierre Michel. Une lecture du projet de budget pour 2006 ne peut qu'aggraver l'inquiétude, les crédits concernés, notamment ceux du FASIL, le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, étant en baisse constante. Qu'on ne prétende pas que le plan de cohésion sociale résoudra tous les problèmes, car ce n'est pas exact !
Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, comment pensez-vous assurer la cohésion sociale en décimant notre tissu associatif ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le sénateur, comme M. le Premier ministre vient de le réaffirmer, la priorité du Gouvernement est de lutter contre le chômage et de créer des emplois.
M. René-Pierre Signé. C'est la méthode qui pêche !
M. Jean-François Lamour, ministre. Dans le domaine de l'animation et de la vie associative, j'ai d'ailleurs engagé un plan de création d'emplois, avec force et détermination. Ainsi, j'ai décidé, en concertation avec Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, de créer 45 000 emplois dans le secteur associatif avant la fin de l'année, par le biais des contrats aidés, que ce soit les contrats d'accompagnement vers l'emploi ou les contrats d'avenir. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Raymond Courrière. Payez déjà ce que vous devez !
M. Guy Fischer. En deux mois ? Vous vous rendez compte ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Monsieur le sénateur, dites donc aux responsables des grands réseaux associatifs - puisque vous avez, semble-t-il, leur oreille ! - de s'engager résolument avec le Gouvernement et de signer des conventions avec le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, et celui de la jeunesse, des sports et de la vie associative pour créer des emplois dans le champ associatif. Ils refusent de le faire, ce qui porte à ce dernier un grave préjudice ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Ce sont des contrats précaires !
M. Jean-François Lamour, ministre. Pour autant, je tiens à vous dire que M. Dominique de Villepin a souhaité, par l'institution d'un ministère de la vie associative, accompagner le champ associatif dans son développement.
M. Guy Fischer. On a un gouvernement qui est tendu !
M. Didier Boulaud. Il n'y a plus un sou dans les caisses !
M. Jean-François Lamour, ministre. Nous aurons l'occasion, au mois de décembre prochain, de formuler un certain nombre de propositions après que des groupes de travail se seront réunis en amont de la conférence nationale de la vie associative.
Je tiens à rectifier certains chiffres concernant le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Ce sont 7,5 millions d'euros qui ont été dégelés l'été dernier pour permettre la formation des bénévoles (Applaudissements sur les travées de l'UMP -Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste), ce sont 3 400 postes FONGEP qui ont été créés grâce aux 75 millions d'euros dédiés, sur l'exercice 2004-2005, à ce poste d'animation et d'éducation populaire, et c'est une augmentation de 2,4 % pour 2006 de mon budget qui sera soumis, dans quelques jours, à la Haute Assemblée.
Le Gouvernement travaille au développement du secteur associatif, mais son action, contrairement à la vôtre, mesdames, messieurs les sénateurs, n'est guidée ni par le clientélisme, ni par la démagogie ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat.
M. Jacques Peyrat. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Hier, Gaz de France a officiellement déposé une proposition de hausse de ses tarifs de 12 %. Pour l'entreprise, cette augmentation traduit une réalité économique que nous ne pouvons plus ignorer, à savoir la répercussion de l'envolée des cours du pétrole, sur lesquels sont indexés les prix du gaz.
Cette hausse, si, bien sûr, elle était confirmée, aurait pour résultat de grever fortement le budget des consommateurs, soit plus de 10 millions de Français, et de réduire leur pouvoir d'achat pour un bien qui est pourtant de première nécessité.
Dans un contexte général de crise des marchés énergétiques, vous avez déjà, monsieur le ministre, pris des mesures ciblées pour compenser l'augmentation des prix du pétrole. Il s'agit, en particulier, de l'aide à la cuve de 75 euros pour les Français les plus modestes qui se chauffent au fioul et d'un nouveau ticket transport qui permettra de déduire de leur impôt le coût des kilomètres parcourus pour se rendre à leur travail.
C'est pourquoi je vous demande quelles mesures vous comptez prendre afin d'atténuer les conséquences de la hausse des prix du gaz pour nos concitoyens et d'alléger ainsi leur facture énergétique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Peyrat, la question que vous posez préoccupe tous les Français et, désormais, tous les citoyens de notre planète.
En effet - je tiens à le redire ici - nous sommes entrés dans une longue période de crise énergétique : les énergies fossiles, dont fait partie le gaz, étant en voie de raréfaction, leur prix ne va donc cesser d'augmenter dans les années à venir.
Face à cette situation, que fait le Gouvernement ?
M. René-Pierre Signé. Il ne fait rien !
M. Thierry Breton, ministre. Sous l'impulsion de Dominique de Villepin, il a tout d'abord souhaité que notre pays puisse accroître son indépendance énergétique, notamment dans le domaine du nucléaire, en donnant à EDF les capacités de son développement, afin que, dans les années qui viennent, jamais l'augmentation du prix de l'électricité ne dépasse celle de l'inflation.
Revenons-en au gaz. La France n'en produisant plus, comme vous le savez, elle doit donc en acheter, selon la formule suivante, adoptée depuis douze ans : le prix du gaz est indexé sur celui du pétrole, et, lorsque ce dernier augmente, l'entreprise Gaz de France est autorisée à répercuter cette hausse sur les consommateurs.
Comme les textes l'y autorisent, elle a interrogé, non pas le Gouvernement, comme j'ai pu le lire, mais la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, qui est une autorité administrative indépendante, sur le bien-fondé de l'application de cette formule.
La CRE est désormais en train de procéder à une évaluation technique de la véracité, de la justesse des demandes de Gaz de France.
Parallèlement, le Gouvernement n'est pas resté inactif puisque François Loos, ministre délégué à l'industrie, et moi-même avons demandé immédiatement à l'entreprise Gaz de France de faire des propositions substantielles - quelle que soit la décision que la CRE prendra - pour atténuer de façon très significative les conséquences d'une éventuelle hausse du prix du gaz.
Il s'agit de mesures d'importance.
M. Jean-Pierre Bel. Quinze euros !
M. Thierry Breton, ministre. Le président de Gaz de France m'a affirmé que, grâce aux mesures commerciales très significatives qu'il prendrait au début de mois de novembre, cette hausse n'affecterait pas les Français occupant un logement de moins de cent mètres carrés, c'est-à-dire la très grande majorité de nos concitoyens.
Pendant que la CRE procède à cette évaluation, François Loos et moi-même allons, en collaboration, examiner les propositions de Gaz de France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
rentrée universitaire
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yannick Bodin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le ministre, l'université française va mal ; j'en veux pour preuve les récentes grèves qui ont eu lieu à la faculté des sciences de Rouen et l'on peut s'attendre à une situation encore plus tendue dans les semaines à venir.
Dans un classement mondial récent, et qui fait référence, la première université française n'apparaît qu'au quarante-sixième rang. L'OCDE, elle, place la France au dix-neuvième rang sur vingt-six.
M. Raymond Courrière. Eh oui !
M. René-Pierre Signé. C'est la catastrophe !
M. Yannick Bodin. L'Etat français investit en moyenne 6 800 euros par étudiant, quand les autres pays d'Europe investissent, eux, 9 000 euros.
Monsieur le ministre, vous venez d'annoncer que 110 millions d'euros allaient être consacrés à la rénovation des bâtiments universitaires. Permettez-moi de vous dire que ce n'est là qu'un pansement.
M. Jacques Mahéas. Une misère !
M. Yannick Bodin. Cette somme reste bien en deçà des besoins réels : 110 millions d'euros pour l'ensemble du territoire français, c'est vraiment dérisoire !
A titre comparatif, je vous indique que la région d'Ile-de-France consacre 171 millions d'euros à la rénovation de ses lycées cette année !
Par ailleurs, nous sommes inquiets quant aux engagements non tenus du plan « Université du troisième millénaire », U3M, et au résultat des contrats de plan Etat-région. Ce ne sont pas les quelques crédits débloqués pour la recherche et la création de 3 000 postes dans le projet de budget pour 2006 qui pourront améliorer qualitativement la situation !
L'université, monsieur le ministre, est ouverte à tous les étudiants Mais voilà : tous les étudiants n'ont pas les moyens de poursuivre leurs études !
La précarité sociale des jeunes est une réalité. Deux étudiants sur trois doivent travailler pour financer leurs études et plus de 10 000 d'entre eux vivent au dessous du seuil de pauvreté. De plus, le logement est devenu rare et cher, donc inaccessible pour eux.
Un syndicat a ainsi montré que les dépenses des étudiants ont augmenté de 20 % alors que les aides de l'Etat dont ils bénéficient n'ont crû que de 5 %. Plus de 60 % des universités sont même amenées à imposer à leurs étudiants des frais obligatoires complémentaires.
M. le président. Monsieur Bodin, posez votre question !
M. Yannick Bodin. En résumé, les universités font payer aux étudiants le manque de moyens qui devraient être accordés par l'Etat ! Comment s'étonner, dans ces conditions, que les objectifs de réussite en licence ne soient pas atteints ?
L'échec en premier cycle s'élève à 40 % : il est impossible d'assurer la réussite de 60 % d'une classe d'âge en licence dans des conditions matérielles et sociales aussi dégradées ! (Marques d'impatience sur les travées de l'UMP.)
Plusieurs sénateurs de l'UMP. La question !
M. Yannick Bodin. Dans l'immédiat, monsieur le ministre, votre projet de budget pour 2006, fait de renoncements et de reculs, n'inspire que des inquiétudes.
M. le président. Monsieur Bodin, vous pénalisez l'intervenant suivant !
Un sénateur socialiste. Il n'est pas le seul !
M. le président. Je vous demande de conclure rapidement. Sinon, je serais obligé de vous interrompre !
M. Yannick Bodin. Monsieur le président, je poserai ma question dès que l'on me laissera la parole ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Plusieurs sénateurs de l'UMP. La question !
M. Dominique Braye. La question qui fâche !
M. Yannick Bodin. De toute façon, mon intervention ne sera pas plus longue que la réponse d'un ministre !
Ma question est la suivante. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Enfin !
M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, quelles initiatives proposez-vous pour redonner à l'université française son niveau européen et mondial, et quel plan de rattrapage êtes-vous prêt à mettre en oeuvre pour offrir un enseignement supérieur de qualité à tous les étudiants, quel que soit leur milieu social ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Monsieur Bodin, vous avez parlé pendant trois minutes trente-trois ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Pensez à l'intervenant suivant ! A cause de vous, certains de nos collègues ne bénéficieront pas de la retransmission télévisée de leur intervention. C'est une question d'élégance et de courtoisie !
M. Dominique Braye. Pensez aux autres !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le sénateur, nous sommes tous attachés à l'enseignement supérieur et à la réussite des étudiants.
Pour ma part, j'aurais apprécié que les gouvernements que vous avez soutenus dans le passé (protestations sur les travées du groupe socialiste) ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela ne va pas recommencer ! Cela suffit !
M. François Goulard, ministre délégué. ... en aient fait autant pour l'université française que nous, actuellement !
Monsieur le sénateur, l'Etat consacre aujourd'hui plus de 20 milliards d'euros à l'enseignement supérieur et à la recherche. Les dotations aux universités progressent de 3 % dans le projet de budget pour 2006.
M. René-Pierre Signé. Plaisanterie !
M. François Goulard, ministre délégué. En outre, et c'est une première, nous créons 3 000 emplois pour la recherche.
M. Jacques Mahéas. Vous y avez été obligés !
M. François Goulard, ministre délégué. Sur ces 3 000 emplois, 1 900 sont réservés à l'université puisque ce sont des postes d'enseignants-chercheurs.
Au travers de ce grand plan pour la recherche française, inédit de par son ampleur même, nous soutenons également l'université et l'enseignement supérieur. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
En ce qui concerne les étudiants, l'Etat consacre, vous le savez, 4,5 milliards d'euros à la vie étudiante. Le plan en cours, que nous exécutons année après année, prévoit la construction de 50 000 logements neufs, soit 5 000 logements par an.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont les municipalités qui construisent les logements !
M. François Goulard, ministre délégué. Nous avons décidé par ailleurs de rénover 70 000 logements sur dix ans, à raison de 7 000 logements par an. Un tel effort n'a jamais été accompli !
Mme Paulette Brisepierre. Exactement !
M. François Goulard, ministre délégué. Je n'aurai pas la cruauté de vous demander, mesdames, messieurs les sénateurs, combien de terrains ont été libérés aujourd'hui par la Ville de Paris pour construire les logements étudiants dont nous avons, en effet, tant besoin ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est honteux d'entendre cela !
M. Didier Boulaud. Et à Neuilly, chez Sarkozy ?
M. François Goulard, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique du Gouvernement en matière d'enseignement supérieur ne laisse aucun sujet de côté.
Nous souhaitons tirer l'ensemble de l'enseignement supérieur vers le haut grâce à une politique de recherche ambitieuse.
Les campus que M. le Premier ministre a décidé de créer doivent permettre à nos universités et à nos centres de recherche les plus performants de se doter de pôles d'excellence, afin qu'ils puissent rivaliser avec les meilleurs campus du monde. C'est un objectif tout à fait accessible pour la France.
Plusieurs sénateurs socialistes. La réponse !
M. François Goulard, ministre délégué. Nous voulons également nous attaquer au problème récurrent, et que vous n'avez pas réglé, de l'échec lors du premier cycle universitaire.
Il est nécessaire d'améliorer l'orientation et le soutien des étudiants de premier cycle. Tel est l'objectif prioritaire des contrats quadriennaux que nous signons avec les universités.
En effet, nous n'oublions pas que la qualité de l'enseignement supérieur traduit le dynamisme de la France et représente pour l'ensemble des étudiants des perspectives d'emploi. C'est notre priorité ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Paroles ! Paroles !
M. François Goulard, ministre délégué. L'enseignement supérieur doit déboucher sur des diplômes, car les diplômes, ce sont les emplois de demain ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
violences dans les stades
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Jean-Pierre Fourcade. Ma question s'adresse à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Depuis quelques mois, la violence précède, accompagne ou suit les rencontres de football.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a de la violence partout !
M. Jean-Pierre Fourcade. En dépit d'une forte mobilisation des forces de police pour tenter de contenir cette violence, qui donne parfois aux habitants de certains quartiers de nos villes le sentiment d'être en état de siège, on assiste régulièrement à de véritables batailles rangées entre supporters.
Depuis le début du championnat de France, la commission de discipline de la Ligue de football professionnel a sanctionné douze des vingt clubs de ligue 1 à la suite d'incidents causés par des supporters.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que fait la police ?
Mme Eliane Assassi. Que fait Sarkozy ?
M. Didier Boulaud. Des Kärcher !
M. Jean-Pierre Fourcade. Je citerai deux exemples : les matchs opposant Nice à Marseille, le 2 octobre dernier, et l'Olympique de Marseille au Paris Saint-Germain, entre autres. J'ai même découvert, à l'occasion d'un match à Boulogne-Billancourt, que ces violences pouvaient désormais avoir lieu entre supporters d'un même club !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut supprimer le football !
Mme Eliane Assassi. Il faut supprimer le sport !
M. Jean-Pierre Fourcade. Ces émeutes se traduisent à chaque fois par l'hospitalisation de supporters, par des dégâts causés aux riverains et par la multiplication de jours d'incapacité temporaire de travail octroyés aux forces de l'ordre victimes des agressions.
En outre, des incidents de ce genre portent gravement atteinte à l'image du sport, car ils dissuadent les familles de fréquenter les stades et n'encouragent pas les jeunes à pratiquer des sports collectifs.
Ces actes de violence sont le fait de supporters surexcités qui semblent échapper à tout encadrement. Mais plutôt que de multiplier les forces de police - 400 policiers et CRS ont ainsi été déployés pour encadrer 800 supporters d'un club, le 1er octobre dernier, au Parc des Princes, soit une proportion de un pour deux -, il faut s'attaquer aux causes de ce phénomène.
Ma question est double.
Premièrement, le coût excessif de la mobilisation des forces de police et de gendarmerie pour tenter de maîtriser les supporters est-il pris en charge par l'Etat ou par les clubs concernés ? Et qui supporte la charge de la dépense lorsque les violences se produisent au-delà des abords immédiats des stades ?
Deuxièmement, compte tenu de l'insuffisante efficacité des sanctions financières, peut-on envisager une accentuation de la responsabilité des dirigeants de clubs et, plus particulièrement, des responsables d'associations de supporters, afin de tenter d'endiguer cette vague de violence qui ne fait pas honneur au sport dans notre pays ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Yannick Bodin. Je suis battu au temps, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez rappelé, ces actes sont inqualifiables et inacceptables, et ce à double titre.
D'une part, ils ternissent l'image du sport en général et en particulier du sport le plus populaire en France et dans le monde, le football. D'autre part, ils représentent un véritable cauchemar pour les riverains, qui ne peuvent plus sortir, dont les véhicules sont dégradés et qui ont peur.
Comparons ces actes avec la rencontre de rugby qui s'est déroulée samedi dernier, au stade de France, entre le Stade toulousain et le Stade français : dans les tribunes, les supporters des deux équipes étaient côte à côte et leurs drapeaux mélangés. Voilà ce qu'est le sport ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Didier Boulaud. Vive le rugby !
M. Jean-François Lamour, ministre. Monsieur le sénateur, le Gouvernement n'est pas resté inactif.
Lors de l'été 2004, Dominique de Villepin, alors ministre de l'intérieur, Dominique Perben, garde des sceaux, et moi-même, avons signé le premier contrat local de sécurité. Celui-ci concernait le Parc de Princes et tendait à une meilleure coordination des forces de police et de justice, afin de juguler ces quelques énergumènes qui troublent l'ordre public lors des évènements sportifs.
M. Paul Raoult. C'est un échec !
M. Didier Boulaud. C'est Sarkozy qui devrait répondre !
M. René-Pierre Signé. Il n'est pas là !
M. Jean-François Lamour, ministre. Nous avons également autorisé la transmission aux clubs sportifs, par le préfet, des listes de personnes interdites de stades, afin d'empêcher ces supporters, une fois jugés et sanctionnés, de pénétrer dans ces enceintes.
Nous avons également mis en place une formation des stadiers qui sont amenés à fouiller les spectateurs à l'entrée des stades, et renforcé la vidéosurveillance.
Mais ces mesures ne sont pas suffisantes.
Vous le savez, Nicolas Sarkozy a rencontré, au début de la semaine dernière, Frédéric Thiriez, le président de la Ligue de football professionnel, afin de discuter avec lui d'une nouvelle mesure administrative, décidée à l'origine par Dominique de Villepin : l'interdiction préventive de l'entrée des stades à des énergumènes qui n'auraient pas encore commis l'irréparable. S'agissant de cette mesure de prévention de la délinquance, un texte est actuellement en cours de préparation.
Il est également possible d'envisager, comme vous l'avez évoqué, monsieur le sénateur, la dissolution des associations de supporters qui ne respecteraient pas ce code de bonne conduite consistant à encourager une équipe sans commettre d'actes inqualifiables pendant les matchs de football.
Pour autant, au sein de cette démarche, nous sommes tous responsables : le Gouvernement, comme je l'ai affirmé ici, mais aussi les clubs.
M. René-Pierre Signé. Et les médias !
M. Jean-François Lamour, ministre. Ainsi, les présidents et les équipes dirigeantes des clubs que vous avez cités doivent prendre toute leur part de responsabilité, en faisant en sorte que ces supporters n'obtiennent pas de places et ne puissent donc pas troubler l'ordre public pendant les matchs de football. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
situation de l'industrie du nickel en Nouvelle-Calédonie
M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote.
M. Simon Loueckhote. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le ministre, la Nouvelle-Calédonie, selon les estimations, possèderait 25 % à 30 % des réserves de nickel dans le monde.
Actuellement, en Nouvelle-Calédonie, le principal opérateur dans ce secteur est le groupe français Eramet-SLN, installé depuis plus de cent ans sur notre territoire. Deux autres opérateurs sont également présents : les groupes canadiens Inco Limited et Falconbridge.
Inco Limited, deuxième producteur mondial, présent par l'intermédiaire de sa filiale Goro-Nickel, construit actuellement une usine dans le sud de la Nouvelle-Calédonie, qui entrera en exploitation en 2008.
Falconbridge, partenaire de la Société minière du sud Pacifique, la SMSP, société calédonienne, s'est, pour sa part, engagé à construire une usine dans le nord.
Mais alors même que toutes les conditions ne sont pas réunies pour la réalisation de cette usine, ô combien importante pour le développement économique et social de la Nouvelle-Calédonie, nous apprenions dans la nuit du 10 octobre que le groupe minier canadien Inco Limited lançait une offre publique d'achat amicale sur le groupe canadien Falconbridge.
Si cette fusion aboutit, Inco Limited deviendra le premier producteur mondial de nickel. Cette absorption intéresse au plus haut point la Nouvelle-Calédonie et, par voie de conséquence, notre pays, car le groupe issu de cette fusion détiendrait alors 75 % des réserves de nickel de la Nouvelle-Calédonie, et donc de la France.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, je veux une nouvelle fois insister devant la Haute Assemblée sur ce sujet sensible.
La période de troubles qu'a connue la Nouvelle-Calédonie nous rappelle l'attachement des Calédoniens, et en particulier des Mélanésiens, à leur terre, à la terre.
M. René-Pierre Signé. Ce sont les socialistes qui ont ramené la paix !
M. Simon Loueckhote. Nos concitoyens ne comprendraient pas qu'une partie de leur patrimoine, de notre patrimoine, nous échappe sans que nous n'intervenions pour l'en empêcher.
M. François Autain. Et la privatisation ?
M. Simon Loueckhote. Ma question est simple : de quels moyens dispose le Gouvernement et que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour que nos intérêts soient préservés ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Loueckhote, je vous remercie de votre question.
Je puis d'abord vous assurer que le Gouvernement, en particulier François Baroin et moi-même, est très attentif à la situation du nickel, car, comme vous l'avez rappelé à juste titre, cette ressource est extrêmement importante pour la Nouvelle-Calédonie et pour la France : exploitée depuis la fin du xixe siècle, elle représente aujourd'hui plus de 10 % du produit intérieur brut de la Nouvelle-Calédonie. La forte augmentation des cours, qui ont pratiquement doublé depuis 2001, est une chance pour le territoire.
Le Gouvernement est notamment très attentif à la bonne conduite de deux projets extrêmement importants, l'usine Goro Nickel au sud et l'exploitation du massif de Koniambo au nord.
S'agissant de ce dernier projet, le respect du calendrier est un point majeur. L'usine qui doit voir le jour fait, vous l'avez rappelé, l'objet d'un partenariat entre la province Nord, la SMSP et l'entreprise Falconbridge, qui a été choisie. Cela étant dit, nous veillerons à ce que les engagements qui doivent être tenus d'ici au 31 décembre 2005 le soient.
Sur l'OPA, amicale, je le rappelle, lancée par INCO sur Falconbridge, nous n'avons pas de commentaire à faire, si ce n'est sur la concentration, sujet que vous avez vous-même évoqué : les services de mon ministère veilleront à ce que l'équilibre concurrentiel soit préservé, notamment sur le territoire calédonien.
L'important pour la Nouvelle-Calédonie, pour la région du nord comme pour la région du sud, est que ces deux projets aboutissent. Je le répète, le Gouvernement est très attentif à la situation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l'article 36, alinéa 3, du règlement du Sénat et fait suite aux propos tenus hier, à l'Assemblée nationale, lors des questions d'actualité au Gouvernement, par le ministre de l'intérieur.
Celui-ci a décrit de manière outrancière la situation, dans les familles monoparentales, des enfants dont la mère ne rentre qu'à vingt heures et qui, par conséquent, restent seuls après la sortie de l'école.
Le ministre de l'intérieur a osé qualifier ces enfants d'orphelins qui, de surcroît, seraient voués à la rue, donc à la délinquance. Les mères célibataires ou seules apprécieront ce commentaire sur leurs enfants...
Monsieur le ministre, puisque vous représentez ici le Gouvernement, permettez-moi de vous dire qu'il est inquiétant d'entendre un ministre de la République enflammer son auditoire par des provocations qui stigmatisent des femmes et des familles souvent en difficulté mais qui ont la dignité d'élever leurs enfants !
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au Gouvernement, ma chère collègue.
5
Offres publiques d'acquisition
Adoption d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif aux offres publiques d'acquisition (nos 508, 2004-2005, 20, 24).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, pour préserver leur compétitivité et leur savoir-faire, nos entreprises doivent être en mesure d'innover et d'investir à long terme. Elles doivent trouver en France et en Europe un environnement favorable à leurs investissements mais aussi des actionnaires prêts à les accompagner dans la durée.
Le Gouvernement mène une action vigoureuse pour renforcer et pour stabiliser le capital des entreprises françaises, action qui suit trois axes majeurs.
Premier axe : placer la croissance et la compétitivité de nos entreprises au coeur de notre politique économique. Il ne faut pas oublier que c'est en premier lieu à l'entreprise elle-même - en pratique, à ses dirigeants - qu'il revient, en mobilisant ses collaborateurs autour d'une stratégie porteuse d'avenir, d'assurer sa pérennité et son développement. Les pouvoirs publics sont aux côtés des entreprises pour garantir un environnement favorable à leur réussite. La loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, que j'ai eu l'honneur de défendre devant vous cet été, et la loi en faveur des petites et moyennes entreprises ont amélioré en ce sens l'environnement juridique et fiscal de l'entreprise tout au long de sa vie, de sa création à sa transmission.
Deuxième axe : favoriser un actionnariat stable, pour donner aux entreprises un horizon de long terme. A cet égard, nous connaissons notre faiblesse : Nos compatriotes se montrent trop timides lorsqu'il s'agit d'investir leur épargne en actions, ce qui a un effet négatif sur la disponibilité et le coût du capital des entreprises françaises.
A cet égard, trois pistes concrètes de progrès peuvent être envisagées.
Tout d'abord, avec l'adoption de la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, qui autorise le transfert des contrats d'assurance vie en euros vers les contrats multi-supports, le Parlement a permis que le premier vecteur d'épargne des Français, l'assurance vie, s'investisse davantage en actions. Mes services ont préparé l'instruction fiscale attendue par les assureurs pour lancer le mouvement. De mon côté, je leur ai indiqué les engagements déontologiques que j'attendais d'eux avant de publier cette circulaire : les transformations de contrats devront respecter à la fois les intérêts des clients et la volonté du législateur. Le mouvement sera donc lancé, comme prévu, début novembre.
Ensuite, pour donner un actionnariat stable à nos entreprises, il me paraît légitime de récompenser la fidélité ; c'est la deuxième piste. Le Président de la République avait, au début de l'année, demandé au Gouvernement d'étudier le moyen d'encourager la détention longue d'actions en s'inspirant du modèle des plus-values immobilières. Nous avons arrêté, et je réserve cette nouvelle à la Haute Assemblée, un schéma équilibré, que je veux vous présenter en détail aujourd'hui.
Je proposerai au Parlement, lors de la discussion du prochain projet de loi de finances rectificative, d'examiner un dispositif qui sera ouvert à tous les épargnants dès lors qu'ils enregistreront, à partir du 1er janvier prochain, leurs titres au nominatif, de manière à pouvoir, bien entendu, « suivre » la détention des actions. Comme pour l'immobilier, l'exonération des plus-values serait progressive, à l'issue d'une conservation d'une durée minimale de cinq ans. L'analogie avec le secteur immobilier me paraît toutefois ne pas devoir aller plus loin, compte tenu de la différence des horizons de placement. L'exonération serait effective sur les trois années suivantes, par tranche d'un tiers, et serait donc totale après une détention de huit ans.
Avec ce système, les entreprises bénéficieront d'un actionnariat stable et durable, sur lequel elles auront une bonne visibilité grâce à l'inscription au nominatif. Les épargnants seront donc récompensés de leur fidélité. Le plan d'épargne en actions, le fameux PEA, ne disparaît évidemment pas, mais deux stratégies d'épargne à moyen terme seront désormais encouragées : l'une reposant, avec le PEA, sur une logique de « portefeuille » géré dans la durée ; l'autre, avec la dégressivité de l'imposition des titres au nominatif, sur un accompagnement continu d'un certain nombre d'entreprises françaises. Les épargnants pourront choisir entre ces deux approches selon leur profil ; il leur sera également possible de les cumuler.
La troisième piste de progrès pour favoriser un actionnariat stable consiste à créer un environnement propre à encourager le développement de l'actionnariat salarié, du point de vue à la fois de l'entreprise et des salariés eux-mêmes. J'ai été très attentif aux messages transmis à l'occasion des débats sur le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, et qui ont été repris dans l'excellent rapport de MM. Godfrain et Cornut-Gentille. L'importance de l'épargne salariale dans notre pays est un atout puisque près des deux tiers de cette épargne, soit 67 milliards d'euros au 30 juin 2005, sont investis en actions ; c'est ainsi le vecteur d'épargne le plus porté vers ce type d'investissement.
J'ai bien entendu la demande des acteurs de la participation et de l'intéressement de prévoir, pour l'avenir, un cadre juridique stable et de ne plus procéder de manière imprévisible à des déblocages exceptionnels ; je peux vous confirmer que le Gouvernement travaille actuellement sur un nouveau cadre stabilisé.
L'actionnariat salarié présente en outre l'avantage d'associer encore plus les salariés au destin de leur entreprise. De nombreux groupes français ont, du reste, compris que c'était une stratégie gagnante et ont développé ce type d'actionnariat, non seulement quantitativement, mais aussi qualitativement, en l'appuyant sur un dialogue interne renforcé et nourri.
Le Gouvernement souhaite encourager cette logique et favoriser sa diffusion non seulement dans les entreprises cotées, mais également dans les entreprises non cotées. Il nous faut notamment prendre en compte les questions de gouvernance, afin que les actionnaires salariés puissent exercer pleinement leur rôle d'actionnaires.
Il faut également éviter que l'imposition du patrimoine ne piège les salariés qui s'engagent fortement aux côtés de leur entreprise par le biais de l'actionnariat salarié. Le dirigeant d'une entreprise très impliquée dans ce type d'actionnariat m'a récemment indiqué que plusieurs milliers - je vous laisse méditer sur cet ordre de grandeur - de ses collaborateurs étaient potentiellement assujettis à l'ISF du simple fait de la valorisation des actions de leur entreprise qu'ils détiennent, alors même que cette épargne est bloquée. C'est un effet pervers qu'il me paraîtrait utile de corriger. Nous en débattrons dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances.
Troisième axe de l'action du Gouvernement pour renforcer et stabiliser le capital des entreprises françaises : définir des règles du jeu équitables, adaptées à une économie mondialisée. Tel est, plus spécifiquement, l'objet du projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter.
La présentation de ce texte devrait permettre à la France d'être l'un des premiers pays européens - c'est suffisamment rare pour être souligné - à transposer la directive sur les offres publiques d'acquisition, dont le délai de transposition expire, je vous le rappelle, en mai 2006. Cette échéance doit d'ailleurs nous inciter à ne pas traîner, car de nombreuses dispositions réglementaires sont également nécessaires à la mise en oeuvre de la directive.
Le projet de loi relatif aux offres publiques d'acquisition résulte d'une large concertation, qui a notamment porté sur la manière de transposer en droit français les dispositions optionnelles de la directive. Je tiens à cet égard à saluer le remarquable travail qu'a réalisé le groupe présidé par M. Jean-François Lepetit : il a permis d'aboutir à des propositions réellement consensuelles et saluées sur la place de Paris.
Je m'engage devant vous à ce que cette dynamique de concertation soit maintenue : l'Autorité des marchés financiers, l'AMF, procédera à une consultation publique sur les modifications de son règlement général nécessaires à la mise en oeuvre du projet de loi que vous vous apprêtez à examiner.
Venons-en maintenant au contenu concret de ce texte, qui comporte deux grandes parties.
En premier lieu, le projet de loi vise à transposer les dispositions obligatoires de la directive. Celles-ci modifient relativement peu notre droit national dans la mesure où, depuis 1966, notre droit boursier est l'un des plus complets, cohérents et protecteurs des actionnaires minoritaires en Europe.
En second lieu, et c'est l'aspect le plus innovant de ce projet de loi, il traduit les choix qui ont été effectués s'agissant des dispositions optionnelles de la directive.
Le Gouvernement, qui a suivi les recommandations du groupe Lepetit, a eu deux exigences fortes lors de cette transposition.
Il a d'abord souhaité renforcer encore davantage la démocratie actionnariale, qui est au coeur de notre droit boursier. Je dois dire que j'aurais eu du mal à défendre ce texte au Sénat sans avoir cet objectif en tête, connaissant par ailleurs la conviction de la Haute Assemblée en la matière, et plus particulièrement celles du rapporteur général et du président de la commission des finances. Je partage évidemment, mesdames, messieurs les sénateurs, votre intérêt pour ce sujet.
Le Gouvernement a aussi voulu permettre aux entreprises de disposer de moyens de défense équitables face à d'éventuels initiateurs. La protection des actionnaires minoritaires n'est en rien synonyme de naïveté, je le répète, à l'égard de la compétition internationale.
Je passerai rapidement sur la transposition par le projet de loi des dispositions obligatoires de la directive. Nous aurons l'occasion d'y revenir tout à l'heure.
Le projet de loi tend d'abord à adapter le champ de compétence et les pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers. Il s'agit, en fait, de prendre en compte les cas où plusieurs marchés réglementés de l'Union européenne, et donc leurs autorités de contrôle, sont concernés par l'offre. Le champ de compétence de l'AMF est modifié en conséquence, en fonction de critères relatifs au siège social et au lieu de première cotation des sociétés.
Le projet de loi donne également compétence à l'AMF pour prévoir, à la demande d'Alternext, les éléments de réglementation des offres publiques qui pourraient s'avérer pertinents pour ce marché. C'est la suite logique de la démarche que nous avions retenue, vous vous en souvenez, pour la loi sur la confiance et la modernisation de l'économie.
Le projet de loi traite ensuite de la question du prix des offres obligatoires, en disposant que le prix équitable doit être au moins égal au prix le plus élevé payé par l'initiateur pour l'acquisition des titres ayant donné lieu au dépôt de l'offre obligatoire. L'Autorité des marchés financiers peut en demander la modification, en fonction de critères précisés dans son règlement général.
J'en viens maintenant à une disposition importante du projet de loi, à savoir le nouveau dispositif de retrait obligatoire à la suite de toute offre publique d'acquisition. Il représente une simplification importante pour les initiateurs, qui n'auront plus à déposer, au préalable, une offre publique de retrait. Pour autant, je souhaite garantir la protection des actionnaires minoritaires : c'est pourquoi j'ai souhaité exercer l'option offerte par la directive et donc maintenir le seuil de retrait obligatoire à 95 %.
Sur la question des compétences de l'Autorité des marchés financiers, une disposition, élaborée par mes services et cette Autorité, prévoit que, dans certains cas, un éventuel initiateur peut avoir à déclarer ses intentions, notamment en cas de rumeurs sur un titre ou de variation significative du cours de ce titre. L'AMF peut alors en tirer les conséquences et, le cas échéant, le dépôt d'une offre peut être refusé.
Chacun voit le progrès appréciable apporté par cette disposition, qui permet de mettre fin, de manière claire, à des situations insatisfaisantes pour la bonne information du marché. Je vous proposerai d'introduire par voie d'amendement la base législative nécessaire à cette clarification.
Dernier point de cette première partie du projet de loi : l'amélioration de l'information des actionnaires et des salariés.
Le projet de loi tend tout d'abord à imposer la publication des mesures susceptibles d'avoir une influence sur le cours de l'offre. Actuellement, seules certaines mesures, comme les pactes d'actionnaires, doivent être publiées, et ce dans divers documents. Demain, l'ensemble des mesures susceptibles d'avoir une incidence sur l'offre seront publiées dans un même document, le rapport de gestion.
Le projet de loi vise également à améliorer l'information des salariés : l'auteur de l'offre devra adresser la note d'information non seulement au comité d'entreprise de la société visée, mais également à son propre comité d'entreprise. Par ailleurs, une information est également prévue pour les entreprises dépourvues de représentation du personnel, situation qui existe aussi dans les sociétés cotées, par exemple dans les holdings.
J'en arrive aux dispositions de nature optionnelle de la directive.
Comme je vous le disais tout à l'heure, le Gouvernement a eu deux exigences fortes : renforcer la démocratie actionnariale, mais aussi, en se gardant de toute naïveté, permettre aux entreprises de disposer de moyens de défense équitables. Nous avons donc cherché un équilibre, et je pense sincèrement que nous y sommes parvenus.
Le Gouvernement a fait le choix de rendre obligatoire l'article 9 de la directive. Celui-ci prévoit que, en période d'offre, c'est à l'assemblée générale des actionnaires que revient la responsabilité d'approuver toute mesure dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre. C'est un principe fort, qui est repris par nos partenaires européens : six pays de l'Union à quinze envisagent d'ores et déjà de le retenir.
La contrepartie de cette confiance accordée aux actionnaires est évidemment un fonctionnement facilité et accéléré des assemblées générales. Dans la logique de la réforme des quorums des assemblées générales adoptée cet été, et après une discussion du reste intéressante, plusieurs initiatives de votre rapporteur général, qui visent à améliorer ce fonctionnement, me paraissent utiles.
Ce renforcement de la démocratie actionnariale doit être conjugué avec les outils nécessaires à nos entreprises pour affronter la compétition internationale.
Pour cela, le Gouvernement a fait le choix d'offrir aux entreprises la possibilité de mettre en oeuvre la clause de réciprocité. Cela signifie qu'une société française qui fait l'objet d'une offre initiée par une société étrangère n'appliquant pas l'article 9 ou des mesures équivalentes pourra suspendre l'application de cet article.
Dès le vote de la loi, les sociétés ne seront donc plus dans la situation actuelle, issue de l'ordonnance sur les valeurs mobilières du 24 juin 2004, d'une suspension automatique des délégations au conseil d'administration en période d'offre.
En revanche, le Gouvernement, comme ceux de la quasi-totalité des pays de l'Union européenne, a choisi de ne pas vous proposer de rendre obligatoire l'application de l'article 11.
Cet article, qui conduit à suspendre des contrats de droit privé en période d'offre, est en effet trop rigide et a pour conséquence de priver émetteurs et investisseurs de solutions contractuelles, concourrant, dans des conditions transparentes, à la structuration et à la stabilité de leur capital, et permettant des solutions favorables à leur financement.
Ce projet de loi est néanmoins l'occasion, et c'est un choix fort, d'inscrire au niveau législatif deux mesures comprises dans le champ de l'article 11 de la directive, déjà connues, du reste, en droit français. Il s'agit de la suspension des clauses statutaires qui, en période d'offre, limiteraient les transferts d'actions ainsi que de celles qui, à l'issue d'une offre réussie, limiteraient l'exercice des droits de vote. Ces dispositions entrent donc dans notre ordre public et le Gouvernement estime qu'elles constituent un socle nécessaire et suffisant pour assurer la compétitivité de notre environnement juridique.
Tel est donc le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui. Il est caractérisé, c'est vrai, par une nécessaire technicité. Mais qu'on ne s'y trompe pas : elle est placée au service de choix stratégiques forts en faveur de la compétitivité de notre pays, du point de vue tant des entreprises que des investisseurs. Je suis donc sûr qu'il recueillera toute votre attention et je vous remercie par avance de la qualité des débats qui s'annoncent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte est un texte de transposition, mais il intervient dans un contexte marqué par une grande sensibilité aux offres publiques d'acquisition.
Par ailleurs, il demeure très technique, car il apporte des retouches ponctuelles au code de commerce, ainsi qu'au code monétaire et financier. Dès lors que l'on vise ces deux codes, il paraît logique que la commission des lois et la commission des finances avancent du même pas. Je salue, à cet égard, le travail effectué en bonne entente avec le rapporteur pour avis de la commission des lois, François-Noël Buffet.
Il convient, tout d'abord, de rappeler que l'on assiste à une véritable reprise, à une amplification même du mouvement de fusion et d'acquisition à l'échelle internationale.
La France ne fait pas exception. C'est ainsi qu'elle a connu des opérations majeures entre acteurs nationaux ; je pense au succès de Sanofi-Synthé Labo sur Aventis en mai 2004, mais aussi au rachat d'entreprises françaises par des centres de décision internationaux, par exemple, l'acquisition de Péchiney par Alcan fin 2003. L'inverse s'est également produit sous la forme de brillants succès remportés par de grands groupes à direction française, tel Pernod-Ricard acquérant le contrôle de son principal concurrent, Allied Domecq.
Il est clair que l'opinion est particulièrement sensible à ces sujets, qui suscitent les commentaires les plus divers, même lorsqu'il s'agit techniquement, non d'une offre publique d'acquisition, mais seulement de rumeurs ou d'éventualités ; je pense à l'épisode Danone de l'été dernier.
Mes chers collègues, les offres publiques d'acquisition figurent dans notre législation depuis fort longtemps et participent à la mobilité et à la vitalité du tissu économique.
Bien souvent, la simple probabilité ou le simple risque que ces offres se produisent est un facteur incitatif à la réorganisation d'entreprises, à une meilleure gestion, à la prise de responsabilité et, donc, à la préservation des intérêts patrimoniaux des actionnaires comme à celle de l'identité et de la continuité de l'entreprise.
A l'examen des épisodes réels de ces derniers mois, nous pouvons, les uns et les autres, confronter notre vision de ces phénomènes.
Pour ma part - et c'est le point de vue de la commission des finances - je pense que les offres publiques d'acquisition telles qu'elles se déroulent, sur des marchés aussi transparents que possible, présentent, dans l'ensemble, plus d'avantages que d'inconvénients : avantages pour les actionnaires, avantages pour les sociétés, avantages pour l'économie dans son ensemble.
J'achèverai cette introduction en rappelant que, selon une statistique récente, du 1er janvier au 21 septembre 2005, ce sont les initiateurs d'origine française qui arrivent au premier rang pour les fusions et acquisitions transfrontalières portant sur des sociétés européennes.
Ce classement montre que les opérations de cette nature ont représenté globalement, sur cette période, plus de 60 milliards de dollars.
Nous avons donc à opérer la transposition d'une directive communautaire. Suivant un chemin long d'un peu plus de vingt ans -- elle aurait dû, en effet, être adoptée en 1989 - elle a connu des phases diverses. Elle est passée à plusieurs reprises devant le Parlement européen pour, en définitive, être adoptée dans le cadre du plan d'action pour les services financiers, le 21 avril 2004.
Le débat communautaire, ces dernières années, s'est surtout focalisé sur la notion d'égalité dans les conditions de jeu, en d'autres termes, d'équité de la concurrence et de transparence de l'information.
La directive, qui résulte d'assez savants compromis et de cette histoire longue et complexe, est à géométrie variable, c'est-à-dire qu'elle comporte des options de transposition à la disposition des Etats membres. Dans ce cadre, et en tout cas à ce stade, le Gouvernement ayant pris connaissance des marges de manoeuvre que cela nous offre, il nous propose une transposition que la commission estime, pour sa part, équilibrée.
M. le ministre Thierry Breton nous a rappelé l'articulation générale du texte sur laquelle je ne reviendrai donc pas. Je voudrais néanmoins rappeler que l'on a très largement consulté les acteurs et les professionnels, en particulier dans le cadre du groupe de travail présidé par M. Jean-François Lepetit et dont le rapport a été remis le 27 juin 2005.
Au demeurant, le présent projet de loi est loin d'être une révolution pour les offres publiques d'acquisition en droit français. En effet, la plupart des dispositions de la directive, même sous des formulations juridiques différentes, avaient été anticipées par notre droit au fil des années.
Il en est ainsi des procédures d'offre obligatoire en cas de franchissement de seuil, et nous avons de nombreux seuils dans le droit financier français. Il en est également ainsi des procédures d'offre de retrait ou de rachat obligatoire et, même, de la suspension de certaines clauses statutaires, ou encore des dispositions relatives aux informations sur une offre publique.
Néanmoins, le texte que nous allons examiner peut être considéré comme un bon socle pour la compétitivité du marché financier de Paris et, en même temps, pour une gestion à la fois sécurisée, autant que l'économie le permet, et transparente des entreprises et du contrôle de leur capital.
Comme vous le savez, mes chers collègues, en particulier depuis la loi de sécurité financière de 2003, l'Autorité des marchés financiers occupe une place centrale dans la surveillance et la régulation de toutes ces procédures. Elle le fait sur la base des principes généraux qui sont affirmés par son règlement général.
Ces principes, je le rappelle, sont le libre jeu des offres et de leur surenchère, l'égalité de traitement et d'information des détenteurs de titres, la transparence et l'intégrité du marché, et la loyauté dans les transactions.
Tous ces principes sont présents dans la directive européenne et le projet de loi de transposition n'y contrevient en rien.
Dans ce contexte, la commission des finances a souhaité suggérer à notre Haute Assemblée, non seulement de valider les options que nous propose le Gouvernement, mais aussi d'apporter quelques précisions ou quelques interprétations qui nous paraissent encore nécessaires. C'est le cas, en particulier, à l'article 2, concernant la définition du prix équitable, dans le souci d'éviter retards ou contentieux inutiles, toujours perturbants et coûteux pour la réalité économique.
Nous nous sommes également interrogés, monsieur le ministre, sur le seuil des retraits obligatoires. Lorsqu'un initiateur est parvenu à acquérir plus de 90 % des titres en jeu, nous estimons que l'offre qui a été aussi fructueuse a fait la preuve de ses mérites et que les conséquences doivent pouvoir en être tirées sur l'intégrité du capital de l'entreprise.
C'est, au demeurant, une pratique internationale largement répandue. Et, si nous souhaitons atteindre autant qu'il est possible notre objectif de compétitivité du marché de Paris dans un contexte extrêmement concurrentiel, nous avons le sentiment que ce seuil serait raisonnable, d'autant plus que notre législation en la matière, adoptée à la fin de 1993, prévoit des dispositions tout à fait précises pour la fixation des prix en matière de retrait obligatoire.
Dans ce cas, vous le savez, monsieur le ministre, on se réfère à une analyse multicritères susceptible de pondérer les appréciations issues de la simple observation des valeurs de marché.
Pour le reste, nous estimons que le principe de réciprocité est l'une des clés de ce texte. Il s'agit de protéger les entreprises cibles d'offres publiques des initiatives prises par d'autres entreprises, le cas échéant non européennes, qui ne s'astreindraient pas à la même transparence.
En d'autres termes, la commission des finances estime que, s'il existe des offres compétitives visant une même cible émanant de différentes compagnies dont une seule bénéficierait de règles de protection du capital plus dissuasives que ne le sont celles de la cible, cette dernière devrait pouvoir rétablir l'intégralité des défenses dont la directive, par le jeu des options, risque de la priver.
Tel est le sens que nous entendons donner à la notion de réciprocité : celle-ci doit être aussi étendue que possible et l'équité doit prévaloir dans son application. Mais je ne m'appesantirai pas sur ce point, renvoyant les explications techniques à l'occasion de la discussion des articles. Je souhaitais simplement vous indiquer l'orientation générale qui a guidé la commission des finances.
De même, nous considérons que ce texte représente une bonne opportunité pour adapter sur quelques points notre droit financier afin d'améliorer - M. le ministre y a fait allusion -, les conditions de convocation des assemblées générales en période d'offre ainsi que les conditions de fonctionnement desdites assemblées. Nous pourrons notamment faciliter, lorsque cela est possible, le recours au vote électronique.
Nous serons donc amenés, sur ces différents sujets, à proposer quelques initiatives susceptibles, à notre avis, de renforcer encore un peu plus cette démocratie actionnariale dont nous parlait M. Breton il y a quelques instants.
Enfin, monsieur le ministre, je tiens à dire que la commission des finances a abordé dans un esprit très positif -elle a d'ailleurs émis à ce sujet un avis tout à fait favorable - un amendement déposé par le Gouvernement tendant à renforcer les pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers en permettant à cette dernière, en cas de rumeurs de marché ou de mouvements apparemment anormaux sur un titre, d'interroger l'initiateur éventuel d'une offre future non encore déclarée, afin que cette société puisse exprimer de façon transparente devant le marché ses réelles intentions.
L'initiateur putatif est-il oui ou non intéressé ? Etudie-t-il cette possibilité ? Exclut-il de le faire dans l'avenir ? Il lui appartient de le faire savoir et d'en informer de manière tout à fait transparente l'ensemble du marché, de telle sorte que chacun puisse adapter son comportement en toute connaissance de cause.
Dès lors que la réponse à ce questionnement de l'AMF serait négative, montrant par là même un désintérêt vis-à-vis de l'opération, il est clair que la sanction devrait être l'irrecevabilité, pendant par exemple une période de six mois, de toute offre ultérieure de la même société sur la même cible.
En conclusion, mes chers collègues, les trente-quatre amendements déposés par la commission - dont beaucoup ont un caractère rédactionnel - représentent autant d'initiatives destinées tout à la fois à accroître la prévisibilité, et donc la compétitivité, de la place de Paris, à mieux protéger les actionnaires, en particulier minoritaires, et à utiliser à bon escient tout l'arsenal défensif qu'autorise la directive afin de permettre aux entreprises françaises de lutter à armes égales, c'est-à-dire, espérons-le, de gagner le plus souvent possible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis tend à créer un cadre harmonisé applicable aux offres publiques d'acquisition intervenant sur le territoire de l'Union européenne, la directive européenne prise à cet égard devant être transposée au plus tard le 21 avril 2006.
Une fois n'est pas coutume, l'adoption du présent projet de loi permettrait à la République française d'honorer ses engagements avec une certaine avance sur le calendrier initialement prévu.
Ce texte a été renvoyé, pour son examen au fond, à la commission des finances, et notre excellent collègue Philippe Marini vient de s'exprimer en sa qualité de rapporteur.
Mais la commission des lois a souhaité se saisir pour avis de treize articles du projet de loi tendant à modifier le code de commerce, qui relève de son champ traditionnel de compétence.
L'offre publique d'acquisition, contrairement à la technique dite du « ramassage », vise à prendre de manière instantanée le contrôle d'une société cotée en bourse.
La nécessité d'une réglementation de ce type de cession de contrôle est apparue de manière relativement récente. Elle répond à deux objectifs distincts, le premier étant de créer un cadre juridique propice aux restructurations économiques, le second consistant à assurer la protection des actionnaires minoritaires.
Chaque Etat procède, selon sa vision du marché boursier, à un équilibrage entre ces objectifs. De ce fait, juridiquement, les offres publiques d'achat ne posent guère de difficultés lorsqu'elles interviennent entre des entités juridiques relevant du droit d'un même Etat membre.
Il n'en va pas de même lorsque l'initiateur et la société cible sont régis par des droits différents. La pratique des offres publiques est alors plus directement liée à la problématique du patriotisme économique. Nous avons d'ailleurs pu le constater lors des mouvements de concentration qui sont intervenus dans le secteur pharmaceutique - je pense, notamment, à l'affaire Sanofi-Aventis - et, plus récemment encore, avec la rumeur d'OPA sur le groupe Danone.
Cette tendance et l'existence de réglementations distinctes dans les Etats membres étant susceptibles de fausser la transparence des marchés financiers et de freiner l'achèvement du marché intérieur communautaire, l'idée d'une harmonisation des législations des Etats membres de la Communauté européenne s'est fait jour dès le milieu des années quatre-vingt. Ce n'est qu'au terme d'une longue et difficile gestation qu'a pu être adopté un cadre juridique communautaire, en avril 2004.
L'équilibre auquel a abouti la directive se traduit par l'instauration de deux types de mesures.
D'une part, certaines dispositions ont un caractère obligatoire pour les Etats membres. Ces derniers doivent donc les transposer dans leur législation sans pouvoir exercer aucun pouvoir d'appréciation. Pour l'essentiel, de telles mesures existent d'ores et déjà dans notre législation depuis de nombreuses années.
D'autre part, certaines dispositions sont d'application optionnelle, au choix des Etats. Cette solution, qui empêche de facto une harmonisation totale des législations nationales, a été retenue à la fin des négociations entre Etats membres afin de rallier l'ensemble d'entre eux à l'adoption de la directive.
Ces dispositions optionnelles prévoient l'autorisation préalable de l'assemblée générale pour l'adoption de défenses anti-OPA en cours d'offre, la confirmation, toujours par l'assemblée générale, de certaines mesures de défense anti-OPA, ainsi que la neutralisation des restrictions au transfert de titres et de droits de vote au cours d'une OPA.
Les Etats membres peuvent ainsi décider de ne pas imposer ces dispositions aux sociétés relevant de leur législation nationale.
En outre, l'article 12 de la directive permet aux Etats qui auraient décidé de faire application des dispositions susvisées à leurs sociétés de les exempter de l'application de tout ou partie des dispositions des articles 9 et 11 de la directive dans l'hypothèse où l'initiateur de l'offre n'y serait pas lui-même soumis.
L'objet principal du projet de loi, notamment les sujets dont la commission des lois s'est saisie, est de déterminer les options ouvertes par la directive et retenues par le droit français.
S'agissant des options ouvertes par les articles 9, 11 et 12 de la directive, le choix du Gouvernement s'est porté sur plusieurs points, suivant en cela les préconisations du groupe de travail institué par le ministre de l'économie et des finances en novembre 2004, présidé par M. Jean-François Petit.
Il s'agit, en premier lieu, de l'obligation d'une autorisation préalable ou d'une confirmation accordée par l'assemblée générale de la société à ses organes d'administration ou de direction pour prendre des mesures anti-OPA pendant la période d'offre publique ; en deuxième lieu, de la possibilité donnée à une société dont les titres font l'objet d'une offre publique d'acquisition par une société non soumise aux dispositions limitant les mesures anti-OPA de ne pas appliquer elle-même ces limitations ; enfin, en troisième lieu, de la possibilité donnée aux sociétés dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé de prévoir, sur une base volontaire, l'inopposabilité ou la suspension de restrictions conventionnelles ou statutaires touchant le transfert d'actions ou l'exercice des droits de vote.
Les sociétés faisant application des mesures susmentionnées devraient en informer l'Autorité des marchés financiers, qui rendrait alors leur décision publique.
Ainsi, l'application des dispositions de l'article 11 de la directive se fera de manière discrétionnaire par chaque société qui étudiera, en opportunité, l'intérêt que peut présenter l'application d'un tel dispositif.
La commission des lois estime qu'il convient de souscrire aux objectifs du présent projet de loi, qui permettra à la France d'honorer ses engagements communautaires, et juge opportun le choix des options ouvert par la directive tel qu'il figure dans le texte dont elle s'est saisie pour avis.
Elle vous soumettra néanmoins, mes chers collègues, six amendements tendant à conforter l'efficacité des dispositions du projet de loi ayant pour objet de modifier notre code de commerce.
Ces amendements viseront, en particulier, à éviter certains détournement de la clause de réciprocité, prévue notamment à l'article 11 du projet de loi, dans le cas spécifique d'un concert entre la société cible et les autres offres publiques. Ils auront également pour objet de garantir une plus grande transparence du marché en imposant l'information de l'Autorité des marchés financiers au cas où une société déciderait de ne plus appliquer les mesures de suspension des restrictions anti-OPA. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. François Trucy.
M. François Trucy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vient de le dire à l'instant M. Philippe Marini, si le projet de loi relatif aux offres publiques d'acquisition constitue un texte de transposition de nature technique, il intervient dans un contexte très particulier, marqué en France par plusieurs affaires récentes et par la volonté du Gouvernement de faire preuve de « patriotisme économique » et de volonté - terme que je préfère à celui de « volontarisme » -, face au phénomène de la mondialisation.
Dans son excellent rapport, d'une grande valeur pédagogique, M. Marini combat avec justesse un certain nombre d'idées reçues concernant les OPA.
Tout d'abord, il souligne à juste titre que celles-ci participent de la mobilité et de la vitalité du tissu économique, en permettant l'obtention de la taille critique ou de synergies industrielles et commerciales, la conquête plus rapide de parts de marché, voire la remise en cause d'une mauvaise gestion ou d'une direction, dans l'intérêt des actionnaires.
Il rappelle aussi que les OPA ne sont pas « à sens unique » et que la France figurait, au 21 septembre 2005, au premier rang des fusions-acquisitions transfrontalières sur des entreprises européennes.
Or, en dépit de tout cela, cette question reste sensible pour l'opinion publique française, qui n'est pas suffisamment informée, comme en atteste l'ampleur des réactions aux rumeurs d'OPA visant ces derniers temps certaines grandes entreprises françaises.
L'inquiétude des Français rejoint celle, plus globale, qu'ils ont exprimée quant aux conséquences de la mondialisation.
Pour sa part, le groupe UMP souhaite que l'examen de ce projet de loi de transposition soit l'occasion de clarifier la situation et d'apporter des réponses aux questions que se posent nos compatriotes.
L'enjeu n'est pas seulement technique ou européen, il est également politique. Il ne concerne pas que les entreprises et les marchés financiers, il intéresse tous ceux qui souhaitent agir en faveur de la croissance et de l'emploi.
A cet égard, le groupe UMP tient à saluer la volonté de M. le Premier ministre de ne pas « rendre les armes devant la mondialisation ». Ni lui ni nous ne sommes des « adeptes du laisser-faire ». Nous sommes en faveur de la compétition économique, source d'émulation et de croissance sur le plan européen et mondial, mais nous voulons une compétition loyale, un combat à armes égales, avec des règles s'imposant à tous.
Le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui vise à atteindre cet objectif en conciliant la dimension internationale des entreprises françaises, l'attractivité de la place financière de Paris et la capacité pour les entreprises de disposer de mesures de défense équitables face à d'éventuelles offres jugées inamicales.
Le groupe UMP soutient cette démarche visant à doter les entreprises françaises « cibles », sous le contrôle de leurs actionnaires et de l'Autorité des marchés financiers, de moyens de défense comparables à ceux dont dispose l'auteur d'une offre d'acquisition, en application du principe de réciprocité.
Les dirigeants des entreprises françaises pourront toujours recourir, en cas d'OPA, aux armes statutaires qu'elles auront mises en place préventivement afin de faire échouer l'offre, mais elles devront soumettre leur utilisation à l'autorisation de l'assemblée générale.
En application du principe de réciprocité, une société française visée par une OPA pourra mettre en oeuvre des mesures de défense en suspendant l'application des dispositions de la directive lorsqu'elle devient la cible d'une société qui ne les applique pas. Il importe en effet que nos entreprises puissent jouer à armes égales, notamment face aux groupes américains ou aux groupes européens dont le pays n'aurait pas transposé la directive.
La transposition de la directive se révèle également plus équitable et plus protectrice pour l'ensemble des parties prenantes, qu'il s'agisse des actionnaires, des salariés, des organisations syndicales ou des clients. Le champ de compétence et les pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers seront en particulier adaptés afin de renforcer l'information et la protection des épargnants en cas d'offre obligatoire.
Notre rapporteur propose plusieurs amendements afin de préciser l'application de la directive et d'en compléter le dispositif. Ceux-ci nous paraissent aller dans le bon sens en renforçant la transparence des opérations de marché ainsi que la compétitivité des entreprises françaises et de la place de Paris.
Je tiens également à saluer le travail et l'apport de notre collègue François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois.
L'amendement du Gouvernement permettant à l'AMF d'obliger un éventuel initiateur d'OPA à déclarer ses intentions devrait lui aussi contribuer à une plus grande transparence des opérations en mettant fin à certaines rumeurs, rumeurs dont nous avons pu récemment mesurer les ravages.
Au total, ce projet de loi constitue un bon équilibre entre les intérêts des dirigeants d'entreprise, ceux des investisseurs et ceux des salariés. Il répond aux préoccupations exprimées ces dernières années par le Sénat et par sa commission des finances. Il vient compléter et appuyer la volonté du Gouvernement de protéger les entreprises nationales de certains secteurs industriels « sensibles » contre des offres d'achats hostiles venant de l'étranger. Enfin, il s'inscrit plus globalement dans une démarche volontariste afin de soutenir la croissance et de développer l'emploi, au service des entreprises, des salariés et des épargnants.
C'est dans cet esprit que le groupe UMP votera le texte qui résultera des travaux de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui a pour objet de transposer la directive du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition.
A l'évidence, celle-ci ne bouleverse pas le droit français des offres publiques, qui est l'un des plus abouti en Europe. Cependant, l'examen du projet de loi de transposition ne peut manquer de provoquer ici un débat sur la logique d'adaptation retenue par le gouvernement français, en particulier pour les articles où un droit d'option était offert à chaque Etat européen.
La logique d'adaptation du Gouvernement est en effet révélatrice d'une conception de l'entreprise que nous ne partageons pas dans tous ses aspects. J'évoquerai en particulier la conception par trop financière, et parfois même spéculative, de l'entreprise qui guide l'action de ce gouvernement et qui se retrouve dans le projet de loi.
Chacun a conscience, en outre, que la recherche d'une extrême précision s'impose sur des textes de cette nature. Je note, par exemple, que la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, votée il y a seulement quelques mois, génère déjà, en son article 34 - précisément relatif aux OPA -, d'importantes divergences de vues, notamment s'agissant du risque de délocalisation.
Il est d'ailleurs à noter que ce sujet est devenu particulièrement sensible depuis le mois de juillet dernier et la pseudo-OPA de PepsiCo sur Danone, en raison précisément d'une communication gouvernementale tonitruante, voire caricaturale, sur le thème du patriotisme économique.
J'observe que le présent texte de loi ne fait aucun écho à ces déclarations d'intention enflammées ! A l'évidence, cette communication estivale à vocation patriotique ne peut manquer de nous interpeller sur sa réelle finalité...
Le Premier ministre évoque la notion de patriotisme économique comme « le fait de défendre la France et ce qui est français ». Avec cette argumentation défensive et cet appel à la nation, on sent poindre chez Dominique de Villepin une forme de nostalgie des temps anciens, d'une époque où l'on pouvait ordonner par une décision péremptoire le blocage des frontières et la mise à l'abri derrière des remparts imprenables !
Ces déclarations de l'été ont, semble-t-il, fait long feu. Laissant la plage aux « romantiques », (Sourires) vous adoptez avec ce texte, monsieur le ministre, une vision ô combien pragmatique de la finance et de l'actionnariat international.
L'effervescence boursière que vous vous contentez d'accompagner à travers ce texte mériterait pourtant une régulation et un encadrement juridique forts, fondés sur une prise en compte plus équilibrée des paramètres de la finance, de l'économique et du social.
Mais, au fond, cette gesticulation politico-médiatique de l'été avait peut-être une autre fin : masquer l'incapacité du Gouvernement à répondre aux attentes du monde salarié, notamment sur la question du pouvoir d'achat.
Par des artifices, le Gouvernement s'évertue à enterrer le débat sur la redistribution. On ne sait pas redistribuer ou, plutôt, on ne le veut pas. Le projet de budget pour 2006 en apporte une nouvelle illustration !
Impuissant sur ce terrain, on donne en contrepartie le sentiment de protéger.
« Protégeons les entreprises françaises », dit le Premier Ministre ! Mais comment ? Si c'est à l'aide d'un décret destiné à permettre un meilleur contrôle des investissements directs étrangers, cela reste à voir ! Ce décret est en effet bloqué au Conseil d'Etat. Pourra-t-il un jour être appliqué ? En l'espèce, rien ne semble acquis.
Dans ces conditions, on pouvait s'attendre à ce que le projet de loi apporte - au-delà des seules préconisations du rapport Lepetit - une concrétisation de vos velléités de protection. En fait, il n'en est rien. Non seulement ce texte n'innove en aucune façon en matière de protections, mais il crée au surplus un contexte encore plus incertain pour les entreprises françaises soumises à des OPA hostiles.
Alors que le droit français offrait aux entreprises des moyens juridiques de garantir la stabilité de leur capital et, dans une certaine mesure, de se protéger contre les opérations inamicales de prise de contrôle, le texte de transposition de la directive européenne tend en fait à restreindre leur marge de manoeuvre.
Ainsi, en choisissant de transposer l'article 9 de la directive, qui prévoit qu'en période d'offre publique toute mesure de défense doit être approuvée par les actionnaires de la société « cible », vous déplacez les centres de décision.
La décision de se protéger contre une OPA hostile n'appartiendra plus au seul conseil d'administration, elle dépendra exclusivement des actionnaires Bien sûr, cette disposition renforcera la démocratie actionnariale, ce qui peut apparaître comme un progrès, mais elle subordonnera cette décision aux intérêts exclusivement financiers des actionnaires, perdant ainsi de vue la nécessité de garantir l'emploi, la stabilité économique de l'entreprise et la préservation des territoires.
Monsieur le ministre, vous dites vouloir protéger les entreprises françaises. Mais, dans le même temps, vous subordonnez la décision de lutter ou non contre une OPA hostile au bon vouloir des seuls actionnaires, qui, à l'évidence, se préoccuperont avant tout de leurs propres intérêts financiers à court terme.
Non, monsieur le ministre, nous ne partageons pas la même conception de l'entreprise ! L'aspect financier et capitalistique ne saurait être l'unique critère pour décider de l'avenir d'une entreprise. Celle-ci n'est pas une machine à sous ! Elle est avant tout une organisation sociale et le maillon d'une chaîne complexe de production de biens et de services.
Vous délaissez les réalités humaines et sociales pour ne retenir qu'une logique spéculative souvent contraire aux intérêts mêlés des salariés, des bassins d'emploi et des filières situées en amont et en aval.
Avec la logique de transposition retenue dans votre projet de loi, vous privilégiez la satisfaction des prérogatives actionnariales. Vous n'offrez aucune possibilité de mobilisation des forces de défense, en particulier celle des acteurs sociaux de l'entreprise.
De nombreux exemples tirés de l'actualité récente démontrent à quel point la recherche d'un maximum de profit à court terme dérègle bien des ressorts de l'économie mondiale. Il est clair que la course à la rentabilité à court terme nuit à l'emploi, sacrifié sur l'autel des exigences actionnariales des 15 % de rentabilité minimum. De nombreux scandales boursiers ont d'ailleurs été générés par cette gigantesque course au profit !
Comment inverser la tendance, privilégier à nouveau le long terme sur le court terme, se préoccuper de la préservation des bassins d'emploi, mieux intégrer le monde du travail aux prises de décision qui le concernent ? Telles sont les questions qui nous sont posées aujourd'hui.
Ce projet de loi offrait à cet égard une opportunité de répondre à ces préoccupations, certes de façon très partielle,... mais n'est-ce pas l'intention qui compte ?
Le groupe socialiste et apparentés aurait ainsi souhaité que cette transposition puisse être l'occasion d'une affirmation plus tranchée de principes d'action plus largement affranchis du carcan de la finance dominatrice.
En choisissant de transposer l'article 9, alors que la directive laissait la liberté de choix aux Etats membres, vous vous êtes enfermés dans un piège, vous avez mis au jour les contradictions qui existent entre vos discours et vos actes.
Vous favorisez les actionnaires au détriment de l'intérêt social et de l'emploi, mais pas n'importe quels actionnaires : vous faites porter vos efforts sur les plus gros, les investisseurs institutionnels et les fonds de pension, ceux qui, justement, dictent leur loi aux entreprises et peuvent, par une simple transaction financière, décider de délocaliser une entreprise sans égard pour la situation locale qui en résulte.
Oui, ce projet de loi est aussi construit pour protéger les plus forts. L'amendement déposé par le rapporteur, notre collègue M. Marini, en accentue d'ailleurs la vocation : ne se satisfaisant pas de l'expropriation à moindre coût des actionnaires minoritaires dans les offres publiques obligatoires, la commission des finances propose d'en faciliter la mise en oeuvre en abaissant le seuil à 90 % des titres !
A qui souhaite-t-on faire plaisir ? Est-ce aux investisseurs institutionnels, aux gros conglomérats ? Sans doute ! Mais, ce faisant, on oublie que la protection de l'actionnaire minoritaire est l'un des principes fondamentaux du droit des marchés financiers.
Ce principe n'est pas inutile, car il garantit un fonctionnement équitable du marché, ce qui est indispensable à la sécurité et à la confiance des marchés financiers : tous les acteurs doivent être traités équitablement, surtout en matière de procédures d'exclusion.
Monsieur le ministre, votre texte feint de protéger les entreprises françaises alors qu'il n'est construit que pour faciliter la vie actionnariale au détriment - comme toujours ! - des plus faibles : les salariés et, dans une moindre mesure, les actionnaires minoritaires. Aussi, en l'état, il ne peut recueillir l'approbation du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il ne fait aucun doute que la mise en oeuvre des offres publiques d'acquisition constitue un facteur essentiel de l'animation des marchés financiers. Si l'on se place dans le cadre d'une économie libérale, où l'on vise à la plus grande mobilité des capitaux, elles en constituent même l'une des manifestations les plus caractéristiques.
Dès lors que des entreprises sont concurrentes sur un même marché, que la structure de leur capital permet d'envisager une éventuelle prise de contrôle, que les dirigeants visent à donner à leur groupe la « taille critique » qui lui permettra de jouer un rôle sur ses secteurs d'activité, la mise en oeuvre des OPA constitue un outil de réalisation de ces objectifs.
M. Marini le confirme d'ailleurs dans son rapport écrit : « Les OPA participent de la mobilité et de la vitalité du tissu économique. Elles contribuent à l'acquisition d'une taille critique, à l'obtention de synergies industrielles et commerciales, à la conquête plus rapide de parts de marché. Leur simple probabilité constitue un facteur incitatif à la création de valeur et à la préservation des intérêts financiers des actionnaires, susceptible de se traduire par un accroissement du cours de bourse, et donc par le renchérissement du prix à payer pour une cible potentielle. »
En vertu de tels principes, nous ne devrions voir, dans l'accomplissement de ce type d'opérations financières, que des aspects positifs.
Pourtant, la simple lecture des événements historiques qui ont conduit à l'adoption de la directive européenne 2004/25/CE nous montre que ces questions sont bien plus complexes et dépassent de loin la seule « animation » des marchés financiers.
Le capital d'une entreprise ne crée pas de valeur par hasard et la valorisation actuelle ou future d'une entreprise, quelle qu'elle soit, dépend étroitement de la production de biens et de services qu'elle réalise par le travail de ses salariés.
La directive européenne de 2004 est l'aboutissement d'un long processus de rédaction - « une histoire sans fin », pour reprendre les termes de ses coauteurs - visant à unifier le fonctionnement des marchés financiers en Europe et à faciliter le déroulement des OPA.
Par conséquent, nous devons nous poser une première question : faut-il transposer quasiment à l'identique dans notre droit interne une directive dont l'assise juridique est fondée sur un texte qui a été sérieusement remis en question par le suffrage universel au mois de mai dernier ?
La directive relative aux OPA a tout simplement attendu dix-neuf ans avant de trouver cette forme pour le moins contradictoire, comme c'est souvent le cas pour un texte européen. Je ne reviendrai donc pas sur ce long processus chaotique, mais nous pouvons néanmoins en retenir quelques éléments essentiels.
Nous nous trouvons face à un projet de loi d'inspiration et de philosophie profondément libérales ; ses seules véritables avancées en matière d'information ne concernent que les actionnaires, qu'ils appartiennent aux sociétés offrantes ou aux sociétés cibles.
Mais ce texte ne règle pas le problème que posent des OPA annoncées tardivement et dont l'objectif est, la plupart du temps, de réaliser une juteuse plus-value sur une opération menée de longue main, par ordres de bourse discrets et successifs.
Peut-être devrions-nous demander s'il n'y pas lieu de renforcer les prérogatives des autorités de contrôle sur les opérations qui peuvent être menées avant même la publicité effective des OPA.
En effet, si le règlement général de l'AMF évoque la notion de « manipulations de marché » dans son livre VI, il n'en demeure pas moins que le suivi de ces opérations appelle sans doute des moyens et des mesures substantiels.
Une autre question-clé de la directive est celle de l'information des salariés. Y a-t-il lieu de donner une teneur particulière à l'expression de leur sentiment ?
Là encore, la directive ne fournit que de minces garanties. Tout juste fait-elle entrer dans notre droit la faculté pour le chef d'une entreprise dépourvue de comité d'entreprise d'informer ses salariés de la mise en oeuvre d'une OPA.
Là se situe pourtant, nous semble-t-il, le coeur du débat.
Si les conditions d'information et de réaction des actionnaires de chacune des entreprises concernées semblent fixées par la directive, le texte ne modifie pas de façon substantielle le droit des salariés, notamment en ce qui concerne la gestion des entités économiques en jeu.
Or, nul ne peut l'ignorer, que ce soit par l'achat ou l'échange de titres ou par la mobilisation de ressources financières propres ou empruntées, les OPA ont une incidence sur l'emploi comme sur l'implantation de chacune des entreprises concernées.
Les « synergies industrielles et commerciales » se traduisent trop souvent par la fermeture de certaines implantations et par la suppression de services qui viennent en doublon avec ceux de l'entreprise offrante.
Créer de la valeur est, dans l'esprit de certains, la quête inexorable du profit et de la rentabilité financière.
Quand, en 2005, Hewlett Packard a licencié plusieurs milliers de salariés, dont plusieurs centaines en France - mon département de l'Essonne est particulièrement concerné -, c'est bien parce que, en 2003, le groupe a absorbé Compaq et qu'il a depuis lors déplacé vers certains pays du sud-est asiatique une grande partie de la fabrication de composants de matériels. Il peut ainsi aujourd'hui vendre à bas prix, dans la plus féroce concurrence avec les autres fabricants.
Comment, dès lors, ne pas souligner la timidité de la directive sur le point essentiel de l'information des salariés, timidité qu'a d'ailleurs soulignée Mme Van den Burg, rapporteur de la commission de l'emploi du Parlement européen ?
Ce texte, qui est un compromis entre diverses constructions et les différents intérêts des actionnaires, exclut les travailleurs.
Pourquoi les salariés des sociétés visées ne seraient-ils pas concernés, alors même que les OPA, surtout lorsqu'elles sont hostiles, s'accompagnent presque toujours de plans de restructuration et de compression du personnel ?
Si nous voulons considérer l'Europe comme un instrument de progrès social, nous devons redonner aux travailleurs la place qui est véritablement la leur et cesser de les considérer comme une quantité négligeable.
Il nous appartient donc, au-delà de la seule transposition de cette directive, de donner davantage de pertinence à la réalité des pouvoirs d'intervention des salariés en matière de réalisation d'OPA.
Enfin, je ne manquerai pas de souligner, ainsi que cela est indiqué dans le rapport, que les entreprises françaises ne sont pas en reste en matière de réalisation d'OPA.
En effet, selon les éléments fournis, ce sont près de cent soixante opérations, pour un montant proche de 60 milliards de dollars, qui ont été menées par des entreprises françaises entre janvier et septembre 2005.
La croissance est en panne dans notre pays, mais les moyens financiers des entreprises ont rarement été aussi importants !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il va sans dire que, sans modification du contenu du projet de loi et sans avancée en matière de droits de regard des salariés sur la gestion, le groupe CRC ne pourra pas voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 13 octobre dernier, un grand journal du soir titrait : « Fusions-acquisitions : 2005 est déjà un millésime historique ».
La reprise ou l'amplification de ces mouvements peuvent être perçues - ou même présentées par ceux qui sont visés - comme l'expression d'un manque de compétitivité ou de vigueur de nos entreprises. Mais, si l'on se place non pas du point de vue du « visé », mais de celui du « viseur », ne peuvent-elles pas marquer aussi un dynamisme retrouvé ?
Notre « patriotisme économique », auquel notre collègue M. François Marc faisait allusion dans un esprit un peu différent tout à l'heure, se satisfait tout à fait de la situation lorsque les « viseurs » sont français, M. le rapporteur le soulignait à l'instant. Simplement, cela, on le dit moins souvent !
Il en est des OPA comme du commerce extérieur : pour exporter, il faut un commerce international, donc des importations !
Globalement, la pratique des OPA apparaît plutôt comme un signe de croissance, et nous avons sans aucun doute besoin de tels signes actuellement !
Le phénomène concerne tous les secteurs et tous les pays. Ces opérations s'expliquent par la bonne santé financière des entreprises et par des taux d'intérêt extrêmement bas. Si les entreprises semblent aujourd'hui redonner la priorité à la croissance de leurs activités, c'est sans doute qu'elles ont particulièrement mis à profit ces dernières années pour restaurer leurs marges en purgeant leurs bilans des dettes et des dépréciations d'actifs, en coupant dans leurs coûts et en se recentrant sur leurs métiers stratégiques, bref en faisant les choix indispensables dans un monde ouvert.
Si elles ne sont pas toujours bien perçues, les OPA ont cependant un intérêt évident. Comme l'a très clairement rappelé M. le rapporteur, elles contribuent à l'acquisition par les entreprises d'une taille critique et à la manifestation de synergies industrielles et commerciales, elles-mêmes garantes de leur vitalité et de leur capacité à créer de l'emploi.
Vous le voyez, monsieur le ministre, j'ai intentionnellement engagé mon intervention dans un esprit positif. Je ne suis pas naïf pour autant ! Nous savons très bien que la structure et le mode de fonctionnement actuels des marchés sont loin d'être optimaux et sains, mais il faut les prendre tels qu'ils sont ! A nous de voir quelles améliorations sont nécessaires et possibles, en dépassant évidemment les condamnations de principe excessivement simplistes. Lorsque ces mouvements sont transparents, contrôlés et respectueux des intérêts de tous, notamment des salariés, ils sont positifs pour notre économie !
C'est bien dans cette perspective que s'inscrit le texte que nous examinons aujourd'hui. Il propose un certain nombre de mesures qui vont dans le sens de la transparence, de la défense des différents intérêts en cause et d'un assainissement de toutes les pratiques.
Au passage, l'Européen que je suis souhaite faire remarquer que nous avons ici une illustration de la capacité de l'Europe à progresser démocratiquement et solidement. C'est possible ! Elle peut le faire !
La directive a lancée voilà quinze ans. Que de réflexions et de travaux depuis lors, notamment pour prendre en compte les disparités de situation d'un Etat membre à l'autre ! Aujourd'hui, après ce travail long - mais très normal -, c'est également de manière tout à fait normale que, par la voie parlementaire, cette directive est transposée. C'est la preuve qu'il est possible de travailler normalement tout en travaillant bien ! L'Europe n'impose pas nécessairement de faire vite et mal à Bruxelles, puis de procéder par ordonnances à Paris ! On peut également agir sagement et démocratiquement à Bruxelles, puis à Paris, ce qui est bon tant pour nos textes que pour l'Union européenne et la France !
Les améliorations proposées visent à harmoniser les règles du jeu sur la scène européenne et internationale, ainsi qu'à rendre plus transparentes l'offre et à la fixation des prix, grâce à une meilleure information des acteurs.
Dans ce contexte, l'emploi et la bonne gouvernance n'ont rien à gagner d'une réglementation plus stricte, et encore moins d'un protectionnisme devenu surréaliste, voire suicidaire. En revanche, ils ont tout à gagner d'une meilleure utilisation des outils ainsi que des possibilités que nous offre le marché, il ne faut jamais l'oublier. Remarquons d'ailleurs que les grands fonds d'investissements, principaux acteurs des acquisitions qui nous ont fait tellement peur ces dernières années, ont récemment abandonné du terrain aux industriels. Cela est peut-être également le signe du retour d'un certain bon sens économique, et il faut s'en réjouir !
L'affaire Danone, que M. le rapporteur évoquait à l'instant, a démontré que l'on avait moins à gagner à s'enfoncer dans la polémique protectionniste qu'à élaborer une réglementation effective et raisonnable, ce que ce texte contribue à faire.
Il existe d'ailleurs d'autres vecteurs et d'autres solutions pour offrir plus de garanties aux investisseurs et aux entreprises françaises : favoriser l'actionnariat salarié ou développer l'épargne retraite et l'assurance vie. Cela, en tant que parlementaires, nous avons la possibilité - et je dirai même le devoir - de le faire, en particulier lors de l'examen du projet de loi de finances ! Nous y reviendrons donc à partir du 20 novembre.
A cet égard, je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir confirmé que nous pourrions débattre du sujet jusqu'ici idéologiquement interdit qu'était l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF. Je vous remercie également de nous avoir donné la primeur du plan que vous nous soumettrez lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative. Nous l'examinerons en détail, avec intérêt et attention, d'ici au mois de décembre.
Je termine en reprenant ce qui est devenu un refrain pour le président de la mission sénatoriale sur l'expatriation des capitaux, des compétences et des entreprises que j'ai été : ce n'est pas en tenant des discours idéologiques et doctrinaux que l'on fait avancer les choses. La fuite de nos capitaux et de nos compétences vers des pays qui leur offrent des conditions plus favorables est une réalité. Il faut la prendre en compte.
Regardons donc la réalité en face, d'autant que les remèdes sont très concrets. D'ailleurs, un signal montrant que l'on a compris certaines réalités et que l'on a la volonté de remonter la pente peut souvent suffire à empêcher un départ ou à encourager un retour. Les facteurs psychologiques, je le répète, comptent beaucoup dans le monde de l'économie... et dans l'économie du monde !
Nous savons tous que tout ne peut être fait tout de suite. Donnons-nous cependant les moyens nécessaires pour que la France redevienne un pays dynamique, ambitieux et confiant en son avenir.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, va dans le bon sens. Il sera même très positif lorsqu'il aura été enrichi par les amendements de la commission des finances et du Gouvernement. Le groupe de l'UC-UDF le votera donc. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi relatif aux offres publiques d'acquisition, qui vise à transposer la directive 2004/25/CE. D'aucuns, proches du patronat et du Medef, ont qualifié cette directive de « texte épouvantable », tant l'harmonisation qu'elle propose en matière de déroulement des OPA au sein de l'Union européenne est réalisée a minima.
Le discours du Gouvernement nous semble néo-protectionniste. La discussion parlementaire de ce projet de loi s'ouvre alors que, depuis quelques mois, à la suite notamment des rumeurs d'un possible rachat de Danone par la société américaine PepsiCo, le Gouvernement se targue de promouvoir le « patriotisme économique ». Je dois avouer que je ne connais pas cette notion !
Au demeurant, monsieur le ministre, vous-même et vos amis expliquez que les chefs d'entreprise ont une logique : aborder leurs marchés, faire des profits et développer leurs investissements ! Cela, nous pouvons parfaitement le comprendre.
En réalité, en rétablissant des mesures protectionnistes surannées - et surtout inefficaces -, vous cherchez à mettre en oeuvre une politique « cocardière ». J'en veux pour preuve votre projet de décret visant à protéger dix secteurs dits « sensibles », comme celui des casinos ou des antidotes, qui a fait l'objet de sévères critiques, à la fois de la Commission européenne et du Conseil d'Etat.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous exposer les raisons qui vous conduisent à vouloir bâtir des murailles - de sable à mon sens ! - autour de nos sociétés cotées en bourse, alors même que la France, cela a été dit, est, à l'échelon européen et probablement même à l'échelon international, le pays dont les entreprises sont responsables ou à l'initiative du plus grand nombre d'acquisitions en valeur depuis le début de l'année 2005 ? Je me réjouis d'ailleurs de cet état de fait, car il se traduit par des emplois pour les Français établis hors de France, que je représente.
Je rappelle que, entre les mois de janvier et d'août 2005, les sociétés françaises ont acheté cent quarante-six entreprises européennes, pour un montant atteignant près de 60 milliards d'euros. Ainsi la France se situe-t-elle désormais, en valeur, juste devant les Etats-Unis, dont le montant des acquisitions ne s'élève qu'à 55 milliards d'euros, et loin devant l'Italie et le Royaume-Uni. Les exemples des entreprises Pernod-Ricard, France Télécom et Suez, qui détient le quasi-monopole de la production d'électricité en Belgique, ont déjà été évoqués.
Avec le discours qui est le vôtre, monsieur le ministre, la France peut-elle réellement être crédible aux yeux de ses partenaires européens ? Vous tentez en effet d'accréditer l'idée que vous défendez les sociétés françaises contre les « méchantes » entreprises américaines et que, ce faisant, vous défendez l'emploi. Ce n'est malheureusement pas ainsi qu'il faut s'y prendre, me semble-t-il. D'ailleurs, vos résultats en la matière en témoignent !
Autre preuve d'incohérence politique : alors que, au mois de juillet dernier, vous vous êtes efforcé de faire passer un décret protectionniste au Conseil d'Etat - avec difficulté, semble-t-il -, nous examinons aujourd'hui un projet de loi qui, lui, est d'inspiration libérale, voire néo-libérale.
Certes, votre texte ne modifie qu'à la marge la législation française en matière d'OPA, celle-ci étant déjà l'une des plus avancées et des plus libérales d'Europe, dans la mesure où c'est l'Autorité des marchés financiers qui, après avoir autorisé une OPA, veille scrupuleusement à ce que le « libre jeu des offres et des surenchères » soit respecté.
Toutefois, permettez-moi de douter de votre sincérité, monsieur le ministre, lorsque vous vous présentez comme le protecteur des entreprises françaises. Votre discours me laisse d'autant plus perplexe que, dans un passé récent, certaines personnalités de votre majorité - quelques-unes d'entre elles sont d'ailleurs présentes aujourd'hui - demandaient aux entreprises françaises, ce que l'on peut comprendre, de s'ouvrir aux capitaux étrangers. Il y a là une contradiction !
En examinant scrupuleusement votre projet de loi, on constate que, sous la pression des banques d'affaires, vous avez décidé de limiter les instruments permettant aux entreprises françaises cotées en bourse de se défendre contre des opérations de prise de contrôle hostiles et étrangères.
Ainsi l'article 4 élargit-il la notion d'action de concert. Il vise une technique de protection bien connue, celle du chevalier blanc. Limiter le recours à cette pratique n'est pas conforme aux objectifs que vous annoncez. Toutefois, je vous l'accorde, monsieur le ministre, vous ne disposiez pas en la matière d'une grande marge de manoeuvre. En fait, vous n'en aviez aucune !
L'article 10 du projet de loi transpose l'article 9 de la directive. A l'instar de ce qui a été fait au Royaume-Uni, les dispositions de cet article rendent obligatoire la consultation des actionnaires réunis en assemblée générale si la direction de la société souhaite prendre des mesures dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre.
Certes, la consultation des actionnaires est soumise à la clause de réciprocité, qui permet aux entreprises françaises de suspendre l'application de l'article 9 de la directive. Cette disposition leur permet ainsi de réagir à armes égales à l'échelon européen.
Toutefois, la transposition de l'article 9 étant optionnelle, pourquoi ne pas laisser les sociétés cotées en bourse libres d'appliquer ou non ces dispositions, qui limitent les moyens de défense qu'elles peuvent mettre en place durant l'OPA ?
Par ailleurs, en transposant l'article 9 de la directive, vous pensez développer la démocratie actionnariale. Or il est fort probable que, dans la plupart des cas, les actionnaires exprimeront leur envie de voir aboutir une offre hostile afin non seulement d'empocher des dividendes, mais également de réaliser une plus-value. En effet, le prix qui leur sera offert sera normalement supérieur à celui du marché avant le lancement de l'OPA. Dans votre projet de loi, la logique financière prime donc sur les logiques industrielle et entrepreunariale.
Puisque vous êtes si favorable à la démocratisation des sociétés cotées, pourquoi ne pas prendre en considération l'avis des autres acteurs, les salariés, qui, eux, vivent au coeur de l'entreprise ? Il ne s'agit pas seulement de défendre les actionnaires, leurs dividendes et leurs plus-values !
Ainsi, avant et pendant la période d'offre publique d'acquisition, le comité d'entreprise ou les délégués du personnel devraient être consultés lorsque la direction de l'entreprise envisage de prendre des mesures dont la mise en oeuvre serait susceptible de faire échouer l'offre. Octroyer aux salariés le droit de donner leur avis dans le cadre d'une OPA est une impérieuse nécessité.
Quant aux articles 13 à 15 du projet de loi, ils renvoient la transposition de l'article 11 de la directive aux statuts des sociétés. Par conséquent, durant la période de l'offre, la suspension des dispositions restreignant le transfert des actions ou l'exercice des droits de vote de la société ciblée sera facultative. Les entreprises françaises pourront ainsi conserver leurs armes de défense préventive, notamment leurs pactes d'actionnaires.
Dès lors, pourquoi ne pas avoir procédé de la même manière en ce qui concerne l'article 9 de la directive ?
L'article 16 limite également l'efficacité des moyens de défense contre les OPA. Il prévoit en effet la suspension des clauses de plafonnement des droits de vote à l'issue d'une offre réussie. Lors de la première assemblée générale qui suit une offre réussie, les clauses de plafonnement des droits de vote, c'est-à-dire celles qui limitent le nombre de droits de vote qu'un actionnaire peut exercer en assemblée générale, seraient suspendues.
Telles sont, monsieur le ministre, les observations que je souhaitais formuler sur la cohérence globale de ce projet de loi, qui nous semble comporter des contradictions et des incohérences avec la politique que vous annoncez. Pour ces raisons, nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre. Vous aviez bien commencé votre intervention, monsieur Yung. Malheureusement, vous ne l'avez pas aussi bien terminée que je l'escomptais ! Je vais donc essayer de vous convaincre que ce texte est bon pour nos entreprises.
Je présenterai trois observations, mais, au préalable, je voudrais, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous remercier de la qualité de cette discussion générale et de celle des travaux préparatoires à notre débat d'aujourd'hui.
Le texte qui nous réunit est très technique, complexe, voire byzantin, la directive qu'il vise à transposer étant, comme l'a dit M. Marini, à géométrie variable. Le législateur aura néanmoins pu en mesurer toute la portée, grâce à l'investissement intellectuel de la commission des finances et de la commission des lois. La clarté et le goût de la précision de M. le rapporteur ainsi que la contribution de M. le rapporteur pour avis permettront au Sénat, me semble-t-il, d'adopter un texte de bien meilleure qualité que le projet de loi initial.
Vous avez, mesdames, messieurs les sénateurs, exprimé trois exigences, sur lesquelles nous reviendrons au cours de l'examen des articles du projet de loi.
Vous souhaitez tout d'abord offrir à nos entreprises - qui ne sont pas, monsieur Marc, des machines à sous ! -, un cadre de développement durable et équitable dans une économie mondialisée.
Vous souhaitez ensuite assurer une parfaite transparence des évolutions du contrôle des entreprises, tant vis-à-vis du marché que des salariés.
Vous souhaitez enfin veiller à la simplicité, à la cohérence et à la stabilité des règles de droit applicables aux entreprises.
Sur le premier point, le Gouvernement s'inscrit pleinement dans une logique d'adéquation entre le temps du développement des entreprises et la stabilité du capital que celui-ci requiert. Les évolutions fiscales que je vous ai présentées en matière de plus-values de cessions de titres, celles que l'on discute par ailleurs en matière de fiscalité du patrimoine, vont parfaitement, et uniquement, dans ce sens.
Le choix de ne pas transposer les mesures dites « de l'article 11 » s'inscrit dans cette logique ; celui d'offrir une clause de réciprocité dans une perspective de démocratie actionnariale y concourt également. Et, bien entendu, si nous pouvons améliorer le texte dans ces directions, nous le ferons.
La transparence vis-à-vis des actionnaires et des salariés est, je le répète, essentielle, et j'ai écouté avec attention les préconisations en ce sens émanant de tous les bords de l'hémicycle. Le projet de loi prévoit une information améliorée des actionnaires, avec l'introduction, dans le rapport de gestion, de données importantes sur les modalités de contrôle de l'entreprise. Par ailleurs, il prévoit une information des salariés de la société cible, mais également, je le rappelle, de l'initiateur de l'offre. A cet égard, monsieur Marc, monsieur Vera, j'ai bien pris en compte vos observations.
Je rappelle par ailleurs qu'une bonne loi doit s'inscrire dans la durée. Toutes les améliorations rédactionnelles seront les bienvenues, toutes les précisions sur la portée du texte devront être considérées. Je sais que MM. Marini et Buffet y veilleront, et j'ai noté que les remarques de M. Marc sur la transparence ne remettent pas en cause le choix même de la transposition. D'avance, je leur dis que nous sommes ici pour élaborer ensemble un bon texte et non pour ouvrir la voie à des querelles d'interprétation.
Ce texte, je souhaite donc qu'il soit durable : notre droit des offres est d'autant plus fort qu'il s'est construit sur une longue période. Mais, si le législateur lui a fait franchir des caps décisifs, il l'a également laissé évoluer par la voie de la pratique et de la jurisprudence.
M. le rapporteur l'a souligné, ce projet de loi a le mérite de maintenir les équilibres du droit des offres. Il a toutefois considéré qu'il n'était pas révolutionnaire. Certes, j'en conviens ! Mais il me semble que, de sa part, c'est un compliment. (M. le rapporteur sourit.) Et c'est parce que nous ne voulons pas révolutionner les équilibres du droit boursier que nous ne sommes pas favorables, a priori, à une modification des conditions de retrait obligatoire.
J'ajoute, en outre, qu'il arrive aujourd'hui de plus en plus souvent que des entreprises ayant des filiales cotées en bourse souhaitent qu'elles ne le soient plus ou qu'elles soient réintégrées au sein de leur maison mère. Si la maison mère détient plus de 50 %, voire plus de 80 % - cela s'est vu dernièrement - d'une filiale, le maintien d'un seuil à 95 % est une garantie pour les actionnaires que leurs droits seront préservés.
Par ailleurs, je lis ou j'entends parfois à Bruxelles qu'il faudrait rouvrir le chantier de la directive relative aux OPA à l'échelon européen. D'une manière générale, je crains que l'annonce d'une telle éventualité, alors que la directive n'est ni transposée ni entrée en vigueur, ne soit une fort mauvaise méthode.
J'aurai l'occasion de m'entretenir très prochainement de ces questions avec Charlie Mac Greevy, commissaire européen au marché intérieur. Je lui dirai qu'une ère nouvelle s'ouvrira avec l'entrée en vigueur de cette directive et qu'il convient, j'en suis convaincu, de la laisser déployer ses effets avant d'envisager sa modification éventuelle.
Pour conclure, je puis vous assurer que, depuis ma prise de fonction, je me suis efforcé, avec l'aide de mon cabinet, de rattraper quelque peu le retard de la France en matière de transposition de directives européennes à caractère financier, mais aussi de veiller à ce que l'exercice soit ponctuel, même s'il anticipe, comme aujourd'hui, sur certaines transpositions. Je considère en effet que la voix de la France doit être entendue, et je ferai en sorte qu'elle le soit par le commissaire européen Charlie Mac Greevy.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les observations dont je souhaitais vous faire part.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
CHAPITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMPÉTENCE ET AUX POUVOIRS DE L'AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS
Article 1er
L'article L. 433-1 du code monétaire et financier est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 433-1. - I. - Afin d'assurer l'égalité des actionnaires et la transparence des marchés, le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les règles relatives aux offres publiques portant sur des instruments financiers émis par une société dont le siège social est établi en France et qui sont admis aux négociations sur un marché réglementé français.
« II. - Ces règles s'appliquent également aux offres publiques visant des instruments financiers émis par une société dont le siège statutaire est établi sur le territoire d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen autre que la France lorsque les titres de capital de cette société auxquels sont attachés des droits de vote :
« 1° Ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé de l'État sur le territoire duquel la société a son siège statutaire ; et
« 2° Ont été admis aux négociations sur un marché réglementé d'un État membre ou d'un autre État partie de l'Espace économique européen pour la première fois en France.
« Lorsque la première admission mentionnée au 2° ci-dessus est intervenue simultanément dans plusieurs États membres ou d'autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen avant le 20 mai 2006, l'Autorité des marchés financiers fixe les règles lorsqu'elle a été déclarée autorité compétente pour le contrôle de l'offre par les autorités de contrôle des autres États membres. A défaut, lorsque cette déclaration n'est pas intervenue dans les quatre semaines suivant le 20 mai 2006, l'Autorité des marchés financiers fixe les règles lorsqu'elle a été déclarée compétente pour le contrôle de l'offre par la société qui fait l'objet de l'offre.
« Lorsque la première admission mentionnée au 2° ci-dessus intervient simultanément dans plusieurs États membres ou d'autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen après le 20 mai 2006, l'Autorité des marchés financiers fixe les règles lorsqu'elle a été déclarée compétente pour le contrôle de l'offre par la société qui fait l'objet de l'offre.
« Dans les conditions et selon les modalités fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, la société qui fait l'objet de l'offre et qui déclare l'Autorité des marchés financiers compétente pour le contrôle de l'offre en informe cette dernière, qui rend cette décision publique.
« III. - Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les conditions dans lesquelles les règles prévues au I ci-dessus s'appliquent aux offres publiques visant des instruments financiers émis par des sociétés dont le siège statutaire est établi hors d'un État membre ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen et qui sont admis aux négociations sur un marché réglementé français.
« IV. - Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers peut également fixer les conditions dans lesquelles les règles prévues au I ci-dessus s'appliquent aux offres publiques visant des instruments financiers qui sont admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers autre qu'un marché réglementé, à la demande de la personne qui le gère. »
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du 2° du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 433-1 du code monétaire et financier :
Ont été admis aux négociations en premier lieu sur le marché réglementé français.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. La question de la compétence territoriale de l'AMF est un sujet suffisamment complexe pour qu'il ne soit pas nécessaire d'en rajouter par une rédaction législative confuse. Or le texte proposé précise que l'AMF est compétente en ce qui concerne les offres publiques dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé de l'Etat sur le territoire duquel la société a son siège statutaire et qui - je cite le texte proposé pour l'article L. 433-1 du code monétaire et financier - « ont été admis aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat membre ou d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen pour la première fois en France ».
Ce texte laisse planer un doute : le titre doit-il être admis aux négociations sur un marché réglementé de n'importe quel Etat membre ou pour la première fois sur un marché réglementé français ?
Cette rédaction nous paraît approximative. Pourtant, en cette matière, la loi doit être clarifiée afin d'éviter des difficultés d'interprétation et un alourdissement du contentieux.
Il est donc proposé de s'inspirer directement de la rédaction de la directive pour rédiger cet article 1er.
La directive prévoit un mécanisme clair en matière de compétence de l'autorité de marché, à savoir que, si les titres de la société visée ne sont pas admis à la négociation sur un marché réglementé de l'Etat membre, l'autorité de marché compétente pour le contrôle de l'offre est celle de l'Etat membre sur le marché réglementé duquel les titres de la société ont été admis à la négociation en premier lieu.
Cette rédaction est un peu technique, je le reconnais, mais c'est selon nous la meilleure. C'est pourquoi nous vous proposons l'amendement n° 44, directement inspiré de la directive européenne.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Peut-être cet amendement apporte-t-il une clarification utile, mais la commission s'en remettra à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le sénateur, votre amendement rédactionnel modifie la signification du texte.
Le projet de loi couvre actuellement les sociétés dont le siège est hors de France mais qui sont cotées uniquement en France, ainsi que les sociétés dont le siège est hors de France et qui sont cotées sur plusieurs pays européens et dont la première cotation a lieu en France.
Votre amendement rédactionnel conduirait à supprimer ce second cas. C'est pourquoi je vous invite à le retirer, faute de quoi je serais contraint d'en demander le rejet.
M. le président. Monsieur Marc, maintenez-vous votre amendement ?
M. François Marc. N'ayant pas été vraiment convaincu, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. La commission partage-t-elle l'avis défavorable du Gouvernement ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 36, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 433-1 du code monétaire et financier par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Toute personne, dont il y a des motifs raisonnables de penser qu'elle prépare une offre publique, peut être tenue de déclarer ses intentions à l'Autorité des marchés financiers, dans des conditions et selon des formes fixées par le règlement général de celle-ci. Il en est ainsi, en particulier, quand des instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé français font l'objet d'un mouvement significatif.
« Cette information est portée à la connaissance du public dans les conditions fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers.
« Le règlement général détermine les conséquences qui résultent de cette déclaration d'intention. Il précise notamment les conditions dans lesquelles le dépôt d'un projet d'offre publique par toute personne qui aurait, dans un délai fixé par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, démenti avoir l'intention de déposer une telle offre, peut être refusé. »
La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre. Les mouvements sur le cours de l'action d'une grande entreprise française intervenus cet été sur fond de rumeurs ont suscité une certaine émotion, ainsi que plusieurs d'entre vous l'ont rappelé ici même tout à l'heure.
Certains ont regretté que nous ne disposions pas en France d'un dispositif permettant, en cas de rumeurs sur un titre, d'obliger un éventuel initiateur à déclarer ses intentions, comme cela existe dans d'autres pays européens.
Le dispositif que nous vous proposons aujourd'hui permet de concilier assez simplement trois objectifs : la transparence, la cohérence et la souplesse.
S'agissant, tout d'abord, de la transparence, le dispositif permet de compléter notre droit en prévoyant qu'un éventuel initiateur peut avoir à déclarer ses intentions. Le cas échéant, s'il dément vouloir déposer une offre, il ne pourra alors le faire avant un certain délai.
En ce qui concerne, par ailleurs, la cohérence, un éventuel initiateur qui fait une déclaration doit s'y conformer pendant un certain délai.
Pour ce qui est de la souplesse, enfin, le règlement général de l'AMF définira les conditions pratiques de ce dispositif afin d'éviter d'entraver l'action des éventuels initiateurs et de prévenir toute manipulation. Il prévoira également les conditions dans lesquelles l'information est portée à l'attention du public.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. J'ai par avance, lors de mon intervention dans la discussion générale, dit combien la commission des finances était favorable à cette innovation.
En effet, elle va dans le sens de la transparence, elle peut contribuer à clarifier et à assainir certaines situations de marché et elle investit l'Autorité des marchés financiers d'une responsabilité supplémentaire.
Pour cette raison, la commission est très favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. Cet amendement n° 36 n'est pas sans présenter un certain intérêt.
M. Philippe Marini, rapporteur. Alors, votez-le !
M. Bernard Vera. L'un des débats essentiels, en ce qui concerne les offres publiques d'acquisition, est bien celui de l'information.
On peut en effet mener une OPA avant l'heure, en utilisant quelques artifices relativement connus en matière boursière. Cette action peut d'ailleurs être menée de concert, comme nous le reverrons plus tard, et précéder de plusieurs mois l'offre publique d'acquisition.
L'amendement n° 36 pose donc clairement la question de la transparence des pratiques boursières et de l'évolution du règlement général de l'Autorité des marchés financiers en ce sens.
Evidemment, on ne peut manquer de rapprocher ce débat de celui qui anime la place boursière de Paris depuis l'affaire de l'annonce du rachat de Danone... qui, au demeurant, n'en était finalement pas un.
De même, le Gouvernement a listé assez précisément un certain nombre de secteurs d'activité dans lesquels nous devrions protéger la détention du capital des entreprises par des personnes physiques ou morales de nationalité française.
Aussi, si nous pouvons suivre les termes de l'amendement n° 36, vous nous permettrez tout de même de souligner que l'une des meilleures manières de préserver le caractère national de certaines entreprises est encore d'éviter la dispersion de leur capital dans le champ de la propriété privée.
La directive communautaire qu'il nous est proposé de transposer n'apporte pas de garanties significatives en ces matières.
Enfin, faut-il renforcer encore les pouvoirs réglementaires de l'Autorité des marchés financiers sans se poser une fois de plus la question essentielle du rôle du politique dans la gestion des affaires économiques du pays ? Lors de la création de l'AMF, le groupe CRC s'était interrogé sur le sens et le rôle de ces autorités indépendantes.
En conclusion, notre groupe est favorable à cet amendement, sans être pleinement convaincu du bien-fondé et de l'absolue pertinence de son contenu.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Nous comprenons bien la philosophie qui sous-tend cet amendement et nous souscrivons à l'objectif visé à travers cette recherche de clarification.
Néanmoins, nous avons le sentiment que la détermination d'un délai entre la publication du démenti et le dépôt d'un projet d'OPA ne peut pas relever d'une autorité de régulation.
Nous pensons que seul le législateur peut fixer un délai. C'est fondamental au regard de l'objectif visé, à savoir garantir la protection de l'intérêt général économique et préserver, dans le respect du principe de liberté des offres et des surenchères, l'intérêt social de l'entreprise française.
C'est la raison pour laquelle nous aurions souhaité que le délai dont il est fait état en ce qui concerne les possibilités d'intervention soit fixé directement par la loi et que sa durée minimale soit de six mois. Cela aurait permis de garantir le déroulement de la procédure.
Nous aurions donc souhaité pouvoir sous-amender le texte en ce sens. Monsieur le ministre, que pensez-vous de cette possibilité de garantir dans la loi elle-même le délai de six mois plutôt que de laisser à l'autorité de régulation la responsabilité de déterminer le délai ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Qu'il me soit permis de solliciter de M. le ministre une précision qui pourra utilement figurer dans les travaux préparatoires de la loi que nous sommes en train d'examiner.
Même s'il est logique que les prescriptions techniques nécessaires soient apportées par le règlement général de l'AMF, il serait utile que nous sachions ce que devrait être, selon vous, monsieur le ministre, le bon délai. Nous avons entendu parler de six mois et il nous a été dit, au cours de contacts préalables, qu'un initiateur éventuel qui aurait nié son intérêt pour une cible devrait se voir opposer l'irrecevabilité de toute offre publique sur cette cible pendant une durée de six mois, ce qui semble raisonnable.
Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que telle est bien votre vision des choses ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Mon intervention se situe dans le même esprit que celle de M. le rapporteur.
Monsieur le ministre, la disposition que vous proposez nous est apparue, en effet, tout à fait intéressante, mais il ne faut pas en surestimer la portée.
S'agissant des offres publiques d'acquisition, les autorités de marché doivent disposer de bons instruments, mais il ne faudrait pas non plus que les sociétés recourent à de subtiles pratiques de diffusion de rumeurs pour se protéger d'une possible offre publique d'acquisition.
La société qui est supposée préparer une offre peut, c'est vrai, y trouver un inconvénient parce que ses actionnaires ne le comprendraient pas bien. J'imagine que, dans ces cas-là, la société supposée se livrer à une offre publique communiquera elle-même afin que le marché soit parfaitement informé. Mais il ne faudrait pas que quelques intermédiaires se croient autorisés à lancer des rumeurs afin de déclencher l'intervention de l'Autorité des marchés financiers.
Il faut donc aussi que l'Autorité des marchés financiers ait suffisamment de moyens pour combattre d'éventuels recours à de telles procédures, qui seraient une bien piètre façon de se protéger contre une possible offre publique d'acquisition.
Il ne faudrait pas non plus que des parlementaires, au motif qu'ils sont relativement protégés, se croient autorisés à diffuser des informations. Une déontologie appropriée sera nécessaire pour prévenir et contenir d'éventuels abus.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre. Permettez-moi tout d'abord de me féliciter de l'unanimité que semble susciter cet amendement.
Un certain nombre de questions ont toutefois été posées.
Monsieur le rapporteur, en ce qui concerne le délai, dans mon esprit, une durée de six mois me semble effectivement parfaitement équitable et justifiée pour ce type de pratique.
La question qui se pose concerne le caractère renouvelable ou non de ce délai. Il faudra le préciser, étant entendu que nous discuterons de toutes ces questions avec l'AMF.
Cela étant, monsieur le président de la commission des finances, si la mesure que propose le Gouvernement est moderne, c'est parce qu'elle tient compte des réalités et qu'elle ne stigmatise pas trop les entreprises.
De toute façon, à partir du moment où un initiateur potentiel, putatif, n'a pas l'intention d'être réellement l'initiateur que certains voudraient qu'il soit, il est normal et il est même de bonne gouvernance que l'entreprise démente les rumeurs, si celles-ci persistaient, pour se protéger - même vis-à-vis de ses propres actionnaires - des répercussions que cela pourrait avoir, en particulier sur le cours de l'entreprise. Il y a donc là une conjonction d'intérêts.
Sur le fait que certains pourraient utiliser cette mesure de manière abusive, je crois que, de toute façon, de telles pratiques sont sanctionnées, quoi qu'il arrive par ailleurs. Cela s'appelle des « manipulations de cours ». Je pense donc, au contraire, qu'une mesure de cette nature a pour effet de clarifier la situation, de rappeler chacun à ses responsabilités, et peut-être à éviter des débordements tels que ceux que vous avez à juste titre soulignés.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
I. - Il est ajouté au I de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier deux alinéas ainsi rédigés :
« Le prix proposé doit être au moins équivalent au prix le plus élevé payé par l'auteur de l'offre, agissant seul ou de concert au sens des dispositions de l'article L. 233-10 du code de commerce, sur une période définie par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. L'Autorité des marchés financiers peut demander la modification du prix proposé dans les conditions et selon les modalités fixées dans son règlement général.
« Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe également les conditions dans lesquelles l'Autorité peut accorder une dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique portant sur des instruments financiers émis par une société dont le siège social est établi en France et dont les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé d'un État membre ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen. »
II. - Aux I et II de l'article L. 433-3 et au I de l'article L. 433-4, les mots : « une société dont les actions » sont remplacés par les mots : « une société dont le siège social est établi en France et dont les actions ».
III. - Aux I et II de l'article L. 433-3 et au I de l'article L. 433-4, il est ajouté après l'expression : « marché réglementé » l'expression : « d'un État membre ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour compléter le I de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier :
Le prix proposé doit être un prix équitable, défini comme le prix le plus élevé payé par l'auteur de l'offre, agissant seul ou de concert au sens des dispositions de l'article L. 233-10 du code de commerce.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Notre amendement concerne un point essentiel : la définition du prix équitable.
Alors que la directive définit clairement la notion de prix équitable pour les offres publiques, tel n'est pas le cas du projet de loi, ce qui ne nous semble pas justifié.
La notion de prix équitable permet, notamment en période d'offre publique de retrait obligatoire, de garantir à l'actionnaire minoritaire qu'il peut céder ses titres dans des conditions normales de marché. Il n'y a aucune raison que l'actionnaire minoritaire puisse être exproprié sans bénéficier, au minimum, d'une garantie en ce qui concerne le prix de cession de ses titres ! Si la loi ne prévoit pas l'indemnisation de l'actionnaire minoritaire, elle doit du moins lui offrir l'assurance d'un prix équitable.
Or la notion de prix équitable n'était définie, jusqu'à l'adoption de la directive concernant les offres publiques d'acquisition, que par la jurisprudence.
Ainsi, la jurisprudence française a fréquemment utilisé cette notion. La première chambre de la cour d'appel, dans un arrêt du 5 mai 1998, a reconnu la notion de prix équitable dans le cadre d'une offre publique obligatoire : « La recherche de l'indemnisation juste et équitable par l'initiateur d'une offre publique [...] doit viser [...] à déterminer un juste prix en écartant, le cas échéant, les critères non pertinents et en retenant au contraire des méthodes conduisant à une évaluation équitable et légitime de l'entreprise. »
Le contentieux boursier est suffisamment chargé en ce qui concerne la détermination du prix des titres en période d'offre publique de retrait obligatoire pour que l'on n'en rajoute pas au travers de l'adoption d'un article où ne figurerait même pas l'expression « prix équitable ». Il serait plus pertinent, pour le législateur, de tenter d'alléger le contentieux boursier en donnant une définition précise de la notion de prix équitable.
En conséquence, je ne vois pas comment il serait possible d'argumenter en allant à la fois contre les choix du juge et contre ceux qui sont exprimés dans le texte de la directive. Le choix qui est le vôtre, monsieur le ministre, de ne pas retenir l'expression « prix équitable », institutionnalisée par la jurisprudence et par le droit européen, est significatif de votre conception du droit boursier : un droit tourné essentiellement vers les plus gros acteurs, au détriment de l'égalité de traitement des investisseurs et de l'intérêt général.
Dans ces conditions, cet amendement nous paraît de nature à mieux préciser les choses. Son adoption permettrait à notre sens d'apporter une protection supplémentaire à l'épargnant.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour compléter le I de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier, supprimer les mots :
au moins
L'amendement n° 2, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
A la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour compléter le I de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier, remplacer les mots :
définie par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers.
par les mots :
de douze mois précédant l'offre.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces deux amendements et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 45 rectifié.
M. Philippe Marini, rapporteur. L'amendement n° 1 reflète une approche très voisine de celle que vient de présenter M. Marc.
Afin d'éviter les risques de contentieux, il semble en effet préférable d'être plus précis et de rapprocher la rédaction du projet de loi de celle de l'article 5 de la directive.
L'initiateur d'une offre publique obligatoire, liée par exemple au franchissement du seuil de 33 % du capital, a déjà acquis des titres sur le marché au cours d'une certaine période antérieure. Il convient donc de considérer que le prix proposé par l'auteur de l'offre publique doit être équivalent au prix le plus élevé qu'il aura payé précédemment pour les mêmes titres. Dans ces conditions, les mots : « au moins » ne paraissent pas devoir figurer au I de l'article 2.
Quant à l'amendement n° 2, il tend à préciser un peu plus ce dispositif en fixant dans la loi la période de comparaison permettant de déterminer le prix proposé. Plutôt que de s'en remettre au règlement général de l'AMF sur ce point, nous pensons qu'il serait plus clair, pour l'ensemble des intervenants du marché, d'inscrire dans la loi la durée de douze mois précédant l'offre.
Dans ces conditions, la commission estime que les auteurs de l'amendement n° 45 rectifié pourraient se rallier à l'amendement n° 1, qui est très voisin.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Il me semble que MM. Marini et Marc disent des choses différentes.
Tout d'abord, l'amendement n° 45 rectifié vise à préciser dans la loi la période de référence en fonction de laquelle le prix proposé dans le cadre de l'offre publique obligatoire sera déterminé.
A cet égard, la directive prévoit une durée comprise entre six mois et douze mois. La détermination de cette période de référence est une question sensible qui entretient le débat parmi les différentes parties prenantes. Je pense que, sur ce point, il serait opportun de consulter la Place, qui devra, évidemment, prendre en compte le souhait exprimé par le législateur.
C'est pourquoi je propose de renvoyer cette question au règlement général de l'AMF. Par conséquent, je suggère le retrait de cet amendement.
Par ailleurs, s'agissant de l'amendement n° 1 de la commission, supprimer les mots : « au moins » dans la rédaction présentée au I de l'article 2 pourrait, selon notre analyse, dissuader certains auteurs d'offres publiques obligatoires de proposer un prix supérieur au prix le plus élevé constaté au cours de la période antérieure.
Cela étant, maintenir ces mots peut sembler inutile, dans la mesure où l'AMF a la possibilité de demander une modification du prix proposé. Dans ces conditions, je m'en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Enfin, en ce qui concerne l'amendement n° 2, le Gouvernement préconise son retrait.
M. le président. Monsieur Marc, l'amendement n° 45 rectifié est-il maintenu ?
M. François Marc. Il me semble que notre démarche n'a pas été tout à fait comprise. Dans notre esprit, la question posée est celle de la définition du prix équitable ; elle nous paraît suffisamment importante pour mériter d'être traitée dans la loi.
Or vous proposez, monsieur le ministre, de la renvoyer au règlement général de l'instance de régulation. Cela ne me semble pas souhaitable, et le maintien de notre amendement, qui correspond bien à l'esprit sous-tendant la directive, paraît donc pleinement justifié. Il s'agit aussi pour nous de prévenir de futurs contentieux.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Dans ces conditions, la commission se voit contrainte d'émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 45 rectifié, pour des raisons techniques. Je maintiens en effet que cet amendement et l'amendement n° 1 de la commission ont le même objet.
S'agissant de la fixation du prix proposé dans le cadre d'une offre publique obligatoire, de deux choses l'une : soit le marché présente une liquidité suffisante pour que l'on puisse se référer au cours le plus élevé auquel l'initiateur a précédemment acquis les mêmes titres pendant une période dont la durée doit, à mon avis, être fixée à douze mois par la loi ; soit il s'est produit des phénomènes aberrants qui privent le cours de bourse de sa signification économique, par exemple la survenue d'un fait nouveau ayant eu une très forte incidence sur ce dernier, à la baisse ou à la hausse, tel que des difficultés graves pour l'entreprise, l'imminence d'une procédure collective ou d'un dépôt de bilan.
Dans le second cas de figure, que l'on ne saurait exclure, l'AMF peut et doit décider de s'écarter de la référence exclusive au cours de bourse - la directive comporte une liste des événements susceptibles de motiver une telle décision -pour recourir à ce que l'on appelle l'analyse multicritères, c'est-à-dire la combinaison de toutes les méthodes permettant d'aboutir à l'évaluation économique et financière d'une entreprise : vous avez évoqué ce dernier point ce matin dans un autre contexte, monsieur le ministre.
Je pense donc que M. Marc peut être pleinement rassuré. Si la commission lui suggère de se rallier à son amendement n° 1, c'est bien parce que les contenus des deux propositions sont très proches.
En ce qui concerne maintenant la question de la période de référence, il semble qu'il existe une légère divergence technique entre la commission et le Gouvernement.
En effet, si M. le ministre estime qu'il faut consulter la Place et qu'il vaut mieux que cette période soit définie dans le règlement général de l'AMF, nous pensons plutôt, pour notre part, que, pour plus de clarté et pour une meilleure information de l'ensemble des investisseurs, il serait préférable que la durée de douze mois soit inscrite dans la loi.
C'est pourquoi la commission maintient son amendement n° 2, en dépit de la demande de retrait de M. le ministre. Qu'il ne nous en veuille pas trop !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
M. François Marc. Le groupe socialiste s'abstient.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 46, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour compléter le I de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier :
Lorsque le prix proposé porte atteinte au principe d'égalité de traitement des actionnaires et/ou ne respecte pas la méthode multicritère telle que définie par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, cette dernière peut en demander une modification.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. L'AMF doit pouvoir contrôler que le prix proposé dans le cadre d'un retrait obligatoire est conforme au principe d'égalité de traitement des actionnaires.
La directive prévoit, à l'article 5, que les Etats membres « peuvent autoriser leurs autorités de contrôle à modifier le prix prévu dans des circonstances et selon des critères clairement déterminés ».
Il importe, en conséquence, que le législateur soit à l'origine de la détermination de ces critères, pour en garantir la stabilité et le respect. A cet égard, le législateur doit orienter l'évaluation établie par l'AMF, et l'encadrer par des critères largement utilisés et connus de tous à travers la méthode multicritères.
La directive prévoit de surcroît que « toute décision des autorités de contrôle qui modifie le prix équitable doit être motivée et rendue publique ». Or l'autorité de marché, autorité de régulation, ne doit pas avoir une maîtrise exclusive de la détermination des prix des titres en matière d'offres publiques. Lui fixer un cadre d'action, c'est permettre à tout un chacun de s'y référer pour pouvoir éventuellement contester son avis.
C'est aussi dans cette perspective qu'il importe de faire référence au principe d'égalité de traitement des actionnaires. Ce principe doit guider l'AMF dans son évaluation du caractère équitable ou non du prix fixé.
A cet effet, l'AMF pourra encourager la délivrance par l'initiateur de l'offre publique d'une attestation d'équité, en référence au principe d'égalité de traitement des investisseurs, ce qui devrait conduire l'initiateur à montrer qu'il a bien respecté la méthode multicritères.
J'insiste sur la philosophie qui inspire notre groupe dans cette matière : il s'agit d'inclure dans la loi un maximum d'éléments de cadrage, afin que l'AMF puisse travailler dans des conditions qui auront bien été précisées par le législateur.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour compléter le I de l'article L. 433-3 du code monétaire et financier, remplacer le mot :
conditions
par le mot :
circonstances
et les mots :
modalités fixées
par les mots :
critères fixés
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 3.
M. Philippe Marini, rapporteur. Pour des raisons que j'ai déjà expliquées, la commission ne peut être favorable à l'amendement n° 46. Selon la directive, l'AMF peut - et même doit - s'écarter de la seule référence au cours de bourse en faisant intervenir l'analyse multicritères lorsque le cours de bourse n'est pas significatif, du fait, en particulier, de circonstances exceptionnelles.
A l'inverse, l'amendement n° 3 a pour objet de mieux se conformer aux dispositions de l'article 5 de la directive concernant les offres publiques d'acquisition, s'agissant de la possibilité donnée à l'Autorité des marchés financiers de modifier le prix de l'offre publique obligatoire lorsque surviennent lesdites circonstances exceptionnelles. Il tend à une clarification rédactionnelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission : il est donc défavorable à l'amendement n° 46 et favorable à l'amendement n° 3.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
Au IX de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier, les mots : « de titres de capital ou de titres de créance d'un émetteur faisant appel public à l'épargne en France » sont remplacés par les mots : « d'instruments financiers dans les conditions prévues par l'article L. 433-1 du code monétaire et financier ». - (Adopté.)
Article 4
Il est ajouté au I de l'article L. 233-10 du code de commerce un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d'offre publique d'acquisition, sont considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord avec l'auteur d'une offre publique visant à obtenir le contrôle de la société qui fait l'objet de l'offre. Sont également considérées comme agissant de concert les personnes qui ont conclu un accord avec la société qui fait l'objet de l'offre afin de faire échouer cette offre. » - (Adopté.)
Article 5
Il est ajouté un III à l'article L. 433-4 du code monétaire et financier ainsi rédigé :
« III. - Sans préjudice des dispositions du II, le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe également les conditions dans lesquelles, à l'issue de toute offre publique et dans un délai de trois mois à l'issue de la clôture de cette offre, les titres non présentés par les actionnaires minoritaires, dès lors qu'ils ne représentent pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote, sont transférés aux actionnaires majoritaires à leur demande, et les détenteurs indemnisés. Dans les conditions et selon les modalités fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, l'indemnisation est égale, par titre, au prix proposé lors de la dernière offre ou, le cas échéant, au résultat de l'évaluation mentionnée au II. Le montant de l'indemnisation revenant aux détenteurs non identifiés est consigné. »
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la première phrase du texte proposé par cet article pour le III de l'article L. 433-4 du code monétaire et financier :
Sans préjudice des dispositions du II, le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe également les conditions dans lesquelles, dans un délai de trois mois suivant toute offre publique ayant permis aux actionnaires majoritaires d'acquérir au moins 90 % des droits de vote faisant l'objet de l'offre, les titres non présentés par les actionnaires minoritaires, dès lors qu'ils ne représentent pas plus de 10 % du capital et des droits de vote, sont transférés aux actionnaires majoritaires et les détenteurs indemnisés.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous sommes ici dans le cas de figure particulier de l'offre publique de retrait obligatoire.
Je rappelle que, lorsqu'une société cotée est très largement contrôlée par une autre société, deux situations différentes peuvent se présenter.
La première situation est celle de l'existence durable d'un très faible « flottant ».
La procédure mise en place dans notre droit à la fin de 1993, désignée volontiers sous le terme de squeeze out, permet aux actionnaires majoritaires à plus de 95 % d'indemniser les actionnaires très minoritaires en même temps qu'elle permet à ceux-ci de requérir l'achat de leurs titres par l'actionnaire très majoritaire.
La loi précise très opportunément que, dans ces cas, il est procédé à une évaluation par une expertise extérieure selon une approche multicritères. Le paiement s'effectue en numéraire.
Cette disposition n'est pas touchée par la directive concernant les offres publiques d'acquisition, que ce projet de loi vise à transposer.
La directive se place dans l'autre cas de figure, c'est-à-dire celui du retrait obligatoire consécutif à une offre publique : un initiateur a gagné la partie, en quelque sorte, et doit aller jusqu'au bout ; tous les titres ne sont pas venus. Or, pour éviter que le marché ne soit trop étroit et non significatif, il est dans l'intérêt des actionnaires très minoritaires de se faire racheter leurs titres, même s'ils n'ont pas voulu répondre positivement à l'offre qui leur a été faite : à partir du moment où il y a un actionnaire très majoritaire, les actionnaires très minoritaires vont suivre le sort stratégique de l'entreprise dont l'actionnaire très majoritaire sera seul juge. Et la valeur d'un titre très minoritaire ne sera pas animée par la même dynamique que si ce titre continuait à figurer dans le capital d'une entreprise dont le contrôle est à prendre.
Cet amendement vise donc à la fois à protéger les actionnaires minoritaires et à améliorer la compétitivité du marché de Paris.
La proposition de la commission des finances est donc la suivante : à partir du moment où l'initiateur d'une offre a pu acquérir au moins 90 % des droits de vote faisant l'objet de l'offre, il doit pouvoir enchaîner l'offre publique et l'offre publique de retrait obligatoire. Cela conduit à un seuil dont le niveau sera variable, car, si l'initiateur ne détient au départ aucun titre de l'entreprise, le seuil sera de 90 %. Mais si, avant de lancer son offre publique, il a déjà amassé des titres, le seuil sera plus élevé et il pourra atteindre 95 %.
Monsieur le ministre, nous ne sommes donc pas complètement en contradiction avec vous, car selon les cas de figure, on peut atteindre un seuil de 95 % ou de 90 %. Cela ne constitue pas une énorme question de principe, mais, du point de vue de l'efficacité du marché, cette disposition nous semble pouvoir être défendue.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Je souhaite tout d'abord rappeler le contexte actuel.
La directive européenne concernant les offres publiques d'acquisition permet d'abaisser le seuil du retrait obligatoire à 90 % du « flottant » tout en offrant également la possibilité, et ce à la demande de la France lors de la négociation de la directive, de fixer ce seuil à 95 %, comme cela se pratique dans notre pays depuis plus de dix ans.
C'est pourquoi, conformément à notre position traditionnelle qui nous a guidés lors de la négociation, le texte que je vous présente prévoit de maintenir un seuil de 95 %.
J'ai bien entendu vos arguments, monsieur le rapporteur. Néanmoins, votre proposition me paraît un peu prématurée, et, si nous arrivions un jour à ce seuil de 90 %, il faudrait le faire par paliers. Les actionnaires minoritaires craignent en effet - du reste légitimement, dans certains cas particuliers - de se voir lésés. Ils sont aujourd'hui plus à l'aise avec un seuil de 95 % plutôt que de 90 %.
Il me semble donc préférable de conserver le seuil de 95 %.C'est pourquoi je vous invite à retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement n°4 est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je ne suis pas très convaincu par le propos de M. le ministre. Néanmoins, j'accepte bien volontiers de retirer l'amendement, non seulement pour satisfaire à la requête de M. le ministre, mais aussi parce que je voudrais pouvoir convaincre Mme Colette Neuville, personne que j'estime beaucoup et avec qui j'ai les relations les plus constructives et les plus amicales qui soient, et, à travers elle, les associations d'actionnaires minoritaires, que le dispositif évoqué par la commission va dans le sens des intérêts des actionnaires minoritaires. Mais je n'y suis pas encore parvenu - nous avons en effet eu très peu de temps pour examiner ce projet de loi, monsieur le ministre -, et je retire donc l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.
L'amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Remplacer la dernière phrase du texte proposé par cet article pour le III de l'article L. 433-4 du code monétaire et financier par deux phrases ainsi rédigées :
Lorsque la première offre publique a eu lieu en tout ou partie sous forme d'échange de titres, l'indemnisation peut consister en un règlement en titres, à condition qu'un règlement en numéraire soit proposé à titre d'option, dans les conditions et selon les modalités fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. Le cas échéant, le montant de l'indemnisation revenant aux détenteurs non identifiés est consigné.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui a pour objet de mieux se conformer aux dispositions de l'article 15 de la directive et de faciliter le déroulement des offres « en séquence ».
Dans ce cas de figure, il me semble utile que l'on puisse procéder, dans le cadre du retrait obligatoire comme dans le cadre de l'offre publique préexistante, si tel était le cas pour cette dernière, à un règlement mixte en titre et en numéraire. Cela me paraît favorable à la compétitivité du marché de Paris.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le rapporteur, cet amendement est plus que rédactionnel : il est important. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement y est favorable.
Vous proposez en effet une véritable avancée, puisque, si cet amendement est adopté, les actionnaires pourront, en cas de retrait, être rémunérés en espèces mais également en titres. Il nous faut cependant être bien clairs : des espèces doivent systématiquement être proposées à tous les actionnaires, le choix devant leur être laissé entre, d'une part, les espèces, s'ils refusent l'offre, et, d'autre part, les titres, s'ils acceptent de participer encore à l'aventure actionnariale.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L'AMÉLIORATION DE L'INFORMATION DES ACTIONNAIRES ET DES SALARIÉS
Article 6
Après l'article L. 225-100-2 du code de commerce, il est ajouté un article L. 225-100-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 225-100-3. - Pour les sociétés dont des titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, le rapport visé à l'article L. 225-100 détaille et explique les éléments suivants lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir une incidence en cas d'offre publique :
« 1° La structure du capital de la société ;
« 2° Les restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote et aux transferts d'actions ou les conventions portées à la connaissance de la société en application de l'article L. 233-11 ;
« 3° Les prises de participation directes ou indirectes dans le capital de la société dont elle a connaissance en vertu des articles L. 233-7 et L. 233-12 ;
« 4° La liste des détenteurs de tout titre comportant des droits spéciaux et la description de ceux-ci ;
« 5° Les mécanismes de contrôle prévus dans un éventuel système d'actionnariat du personnel, quand les droits de contrôle ne sont pas exercés par ce dernier ;
« 6° Les accords entre actionnaires dont la société a connaissance ;
« 7° Les règles applicables à la nomination et au remplacement des membres du conseil d'administration ou du directoire ainsi qu'à la modification des statuts de la société ;
« 8° Les pouvoirs des membres du conseil d'administration ou du directoire ;
« 9° Les accords conclus par la société qui sont modifiés ou prennent fin en cas de changement de contrôle de la société, sauf si cette divulgation, hors les cas d'obligation légale de divulgation, porterait gravement atteinte à ses intérêts ;
« 10° Les accords prévoyant des indemnités pour les membres du conseil d'administration ou du directoire ou les salariés, s'ils démissionnent ou sont licenciés sans raison valable ou si leur emploi prend fin en raison d'une offre publique. »
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 225-100-3 du code de commerce, remplacer les mots :
détaille et
par les mots :
expose et, le cas échéant,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement est un texte de clarification et d'appel : il tend à inviter le Gouvernement à apporter les explications nécessaires en ce qui concerne le contenu du rapport dont il est question à l'article 6.
Nous ne voudrions pas que le rapport s'encombre de dispositions paperassières qui ne seraient pas d'une pleine utilité, mais nous souhaitons qu'il comporte tous les éléments explicatifs nécessaires pour apprécier les obstacles éventuels au contrôle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 225-100-3 du code de commerce par les mots :
et les mouvements l'ayant affecté
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. L'article 6 du projet de loi porte sur la question de l'information des actionnaires quant à la situation réelle de l'entreprise dont ils détiennent quelques instruments financiers et sur le contenu du rapport de gestion présenté lors de l'assemblée générale ordinaire. Il prétend répondre aux attentes de transparence dans la gestion de l'entreprise, attentes qui ont fortement animé les débats relatifs à la directive transposée.
La question se pose de savoir si les actionnaires sont en général parfaitement informés de la situation réelle des entreprises. En effet, la majeure partie des actionnaires se désintéresse parfaitement de la gestion et de la stratégie des entreprises, comme l'affluence toute relative que l'on peut observer dans les assemblées générales le prouve largement.
Le louable effort d'information qui sous-tend l'article 6 doit à notre sens être encore amélioré. L'une des interrogations majeures posées par le déroulement des offres publiques d'acquisition est en effet bel et bien celle de leur effectif de déclenchement. Bien souvent, c'est au travers d'ordres de bourse successifs et antérieurs à toute déclaration effective d'offre que des opérations de prise de contrôle sont effectuées par certaines entreprises à l'encontre d'autres entreprises.
De fait, pour améliorer la qualité de l'information des actionnaires, il nous semble nécessaire de fournir, dans le cadre du rapport de gestion, les éléments d'appréciation des mouvements ayant affecté, durant l'exercice de référence, la structure du capital de l'entreprise.
Tel est le sens de cet amendement de transparence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La rédaction de cet amendement ne nous semble pas suffisamment précise. En particulier, la notion de mouvement affectant la structure du capital nous paraît assez difficile à cerner.
En outre, cette initiative est redondante avec les informations déjà requises par la législation lors des franchissements de seuils. Il convient de rappeler que des informations publiques doivent être données quand on franchit les seuils de 5 %, 10 %, 15 %, 20 %, 25 %, un tiers, 50 %, deux tiers et 95 % du capital ou des droits de vote.
Je rappelle que ce sont des informations contraignantes et, naturellement, publiques, ce qui me semble amplement suffire. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 225-100-3 du code de commerce, remplacer les mots :
prises de participation
par le mot :
participations
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Les membres de la commission considèrent qu'il y a lieu de parler de « participations » et non de « prises de participation » pour se conformer à nos usages juridiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans le cinquième alinéa (4°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 225-100-3 du code de commerce, après le mot :
droits
insérer les mots :
de contrôle
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement vise à apporter une précision afin de mieux transposer la directive : il convient de parler des droits « de contrôle ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Compléter in fine le septième alinéa (6°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 225-100-3 du code de commerce par les mots :
et qui peuvent entraîner des restrictions au transfert d'actions et à l'exercice des droits de vote ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement a pour objet de préciser que l'information dont il est question doit concerner les pactes d'actionnaires dont la société a connaissance « et qui peuvent entraîner des restrictions au transfert d'actions et à l'exercice des droits de vote ». Cette interprétation me semble être la plus conforme à la directive.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le neuvième alinéa (8°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 225-100-3 du code de commerce :
« 8° Les pouvoirs du conseil d'administration ou du directoire, en particulier l'émission ou le rachat d'actions ; »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement vise à ajouter que les pouvoirs du conseil d'administration ou du directoire concernent en particulier l'émission ou le rachat d'actions.
Par ailleurs, il faut viser ces deux organes sociaux et non leurs membres, conformément à notre droit des sociétés.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
Le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail est modifié comme suit :
« En cas de dépôt d'une offre publique d'acquisition portant sur une entreprise, le chef de cette entreprise et le chef de l'entreprise qui est l'auteur de cette offre réunissent immédiatement leur comité d'entreprise respectif pour les en informer. Au cours de la réunion du comité de l'entreprise qui fait l'objet de l'offre, celui-ci décide s'il souhaite entendre l'auteur de l'offre et peut se prononcer sur le caractère amical ou hostile de l'offre. Le chef de l'entreprise qui est l'auteur de l'offre adresse au comité de l'entreprise qui en fait l'objet, dans les trois jours suivant sa publication, la note d'information mentionnée au IX de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier. L'audition de l'auteur de l'offre se déroule dans les formes, les conditions, les délais et sous les sanctions prévues aux alinéas suivants.
« Si l'offre est déposée par une entreprise dépourvue de comité d'entreprise, et sans préjudice de l'article L. 422-3, le chef de cette entreprise en informe directement les membres du personnel. De même, à défaut de comité d'entreprise dans l'entreprise qui fait l'objet de l'offre, et sans préjudice de l'article L. 422-3, le chef de cette entreprise en informe directement les membres du personnel. Dans ce cas et dans les trois jours suivant la publication de la note d'information mentionnée au IX de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier, l'auteur de l'offre la transmet au chef de l'entreprise faisant l'objet de l'offre qui la transmet lui-même au personnel sans délai. »
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
Le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail, remplacer les mots :
réunissent immédiatement
par les mots :
doivent réunir
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Le principe de la transposition de textes d'origine communautaire dans notre législation, notamment dans le socle que constituent les différents éléments codifiés, nous offre a priori la possibilité d'opter pour une amélioration de notre propre corpus législatif. Rien ne nous empêche par conséquent de donner au code du travail, et singulièrement au droit des comités d'entreprise, expressément visé par les articles 7 et 8 du présent projet de loi, une nouvelle rédaction et de nouveaux éléments d'appréciation des situations.
L'une des avancées de la directive concernant les offres publiques d'acquisition est d'avoir intégré, contrairement au texte rejeté en 2001, le fait que les OPA pouvaient influer tant sur la situation de l'emploi que sur celle de la structure même des entreprises offrantes comme des entreprises visées. L'intégration est pourtant limitée, puisque l'effort d'information des salariés en matière d'OPA ne trouve de véritable traduction que par une réécriture partielle de la législation française.
S'agissant des entreprises qui sont pourvues d'un comité d'entreprise, la transposition de la directive n'aura guère d'effets. Et comment ne pas regretter qu'aucune disposition propre ne soit prévue pour les entreprises d'implantation communautaire disposant de comités d'entreprise européens ?
La série d'amendements que nous avons déposée sur ces questions tend à remédier à ces manques. De fait, la mise en oeuvre d'une opération d'offre publique d'acquisition doit être l'objet d'une réunion du comité d'entreprise de l'entreprise visée, et cela doit procéder de l'obligation même de l'employeur. Il importe qu'il y ait en la matière un échange précis entre toutes les parties.
Si une OPA dynamise peut-être l'activité boursière autour d'une entreprise, elle entraîne aussi, bien souvent, de légitimes inquiétudes parmi les salariés, qui sont au premier rang des personnes concernées par l'opération.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. L'amendement n° 37 nous semble superfétatoire, car, dans les textes juridiques, le présent de l'indicatif est la forme la plus impérative.
Par conséquent, mon cher collègue, vous avez à mon avis satisfaction avec le texte initial du Gouvernement, et je vous invite par conséquent à retirer l'amendement n° 37.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour modifier le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail, insérer une phrase ainsi rédigée :
Ils doivent remettre à leur comité d'entreprise respectif la note d'information mentionnée au IX de l'article L. 621-8 du Code monétaire et financier ou, si celle-ci n'est pas encore prête, un document comprenant les principaux éléments du projet d'offre publique.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement vise à compléter l'article 7 en précisant que les chefs de l'entreprise cible et de l'entreprise « attaquante » remettent à leur comité d'entreprise respectif la note d'information mentionnée dans le code monétaire et financier.
L'article 7 renforce, il est vrai, les droits à l'information des salariés et prévoit que le chef d'entreprise qui est l'auteur de l'offre doit, lui aussi, réunir son comité d'entreprise pour l'informer de l'opération.
Mais l'élargissement de l'information au bénéfice des salariés par l'intermédiaire du comité d'entreprise ne suffit pas. Le comité d'entreprise étant pour l'heure, malgré tous nos efforts dans cette assemblée et ailleurs, privé de voix délibérative au conseil d'administration, il devrait au moins pouvoir détenir les principaux éléments du projet d'OPA. Les salariés sont en effet les premiers concernés par les prises de contrôle.
En conséquence, nous proposons de donner aux représentants du personnel les moyens de réagir en leur garantissant l'accès à l'information au même titre que les membres du conseil d'administration.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement, monsieur le président.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Le projet de loi prévoit déjà une avancée importante en disposant que le chef d'entreprise de la société initiatrice informe son comité d'entreprise. Je rappelle que la note d'information est un document public, et c'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« L'organe d'administration ou de direction de la société visée, établit et rend public un document contenant son avis motivé sur l'offre, notamment quant à ses répercussions sur l'ensemble des intérêts de la société, y compris l'emploi, et quant aux plans stratégiques de l'offrant pour la société visée et leurs répercussions probables sur l'emploi et les sites d'implantation énoncés dans le document d'offre. Avant de finaliser ce document, l'organe d'administration ou de direction de la société visée informe et consulte de manière approfondie et complète les représentants du personnel de la société et indique les conclusions qu'il tire de leur avis. Si l'organe d'administration ou de direction de la société visée reçoit en temps utile un avis distinct des représentants du personnel quant aux répercussions sur l'emploi, celui-ci est joint à ce document. »
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement tend à préciser les conditions d'examen des offres publiques d'acquisition par les comités d'entreprise. Il reprend les termes d'une proposition formulée par le rapporteur de la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen qui a le mérite, à nos yeux, de préciser le contenu de l'échange d'informations entre la direction et les salariés de l'entreprise visée.
On observera d'ailleurs que cette proposition a finalement été incluse à l'alinéa 5 de l'article 9 du texte de la directive. Cet amendement vise donc à consacrer la spécificité de l'expression des salariés en matière d'OPA et à caractériser plus nettement leur sentiment sur le sens donné à cette opération.
Il nous semble, dans un louable souci de transparence, que cette procédure doit être intégrée à notre législation en vue de renforcer le droit de regard et d'expression des salariés et de leurs représentants sur tout ce qui touche au devenir de leur entreprise.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission tient à rappeler que la note d'information visée par l'Autorité des marchés financiers contient nécessairement une information sur les orientations en matière d'emploi de l'entreprise qui initie l'offre. Le contenu de la note d'information est très détaillé ; il est fixé à l'article 231-20 du règlement général de l'AMF, mais la description très précise de ce contenu n'est pas du niveau législatif.
Si nous soutenions la proposition de nos collègues, il y aurait donc une dualité de documents d'information, ce qui, à notre sens, ne pourrait qu'alimenter les risques de contentieux et se retourner contre l'intérêt des entreprises et de leur personnel.
C'est pourquoi la commission souhaite le retrait de l'amendement, à défaut de quoi elle ne pourrait émettre qu'un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour modifier le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité d'entreprise de la société visée par l'offre, ou, en l'absence de comité d'entreprise, les délégués du personnel de la société visée par l'offre, doivent rendre un avis sur l'opération dans les 7 jours qui suivent la réception de la note d'information mentionnée au IX de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier. Cet avis doit être publié dans les meilleurs délais ».
L'amendement n° 49, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour modifier le quatrième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :
« Le comité d'entreprise de la société initiatrice de l'offre, ou, en l'absence de comité d'entreprise, les délégués du personnel de la société initiatrice de l'offre, doivent rendre un avis sur l'opération dans les 7 jours qui suivent la réception de la note d'information mentionnée au IX de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier. Cet avis doit être publié dans les meilleurs délais ».
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Nous proposons que le comité d'entreprise de la société visée par l'offre - c'est l'amendement n° 48 - et celui de la société initiatrice de l'offre - c'est l'amendement n° 49 - rendent un avis sur l'opération dans les sept jours qui suivent la réception de la note d'information mentionnée dans le code monétaire et financier.
Les salariés des deux sociétés sont en fait les premiers concernés par les projets d'OPA. Ils peuvent subir les conséquences des décisions de changements de stratégie de l'entreprise. En effet, le changement de contrôle peut affecter la conduite des affaires et avoir des effets sur leurs conditions de travail et sur leur emploi.
En conséquence, nous prévoyons de donner aux salariés des deux sociétés les moyens d'être informés. Si la loi prévoit que le comité d'entreprise doit délivrer un avis, elle le contraint à examiner le projet d'OPA, à consulter l'ensemble des salariés afin de déterminer une position raisonnable, conforme au respect de l'intérêt social et à même de leur assurer un positionnement pertinent.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Ces deux amendements présentent le même dispositif, d'une part pour la société cible, d'autre part pour la société initiatrice de l'offre.
La commission estime que de telles procédures auraient des effets pervers, car elles entraîneraient des délais, des incertitudes, des risques juridiques supplémentaires. Or, en période d'offre, ces incidents de procédure risqueraient de se retourner contre l'intérêt de la société et de ses actionnaires.
C'est en fonction de cette analyse que la commission sollicite le retrait de ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Je partage l'avis de la commission. J'ajoute que rien n'empêche le comité d'entreprise de faire part publiquement de sa recommandation.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la deuxième phrase du cinquième alinéa de l'article L. 432-1 du code du travail, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« A cette fin, le comité d'entreprise peut demander à l'auteur de l'offre toute information relative à l'évolution de l'emploi et de l'implantation dans l'entreprise visée. »
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement procède de la même philosophie que nos amendements déposés à l'article 7 : il s'agit concrètement de donner au comité d'entreprise la faculté de demander des éléments d'appréciation à l'auteur de l'offre publique d'acquisition quant au devenir de l'emploi et à la mise en oeuvre d'une restructuration des implantations de l'entreprise visée.
A ce titre, il ne s'agit dans notre esprit que de transposer, en matière d'offres publiques d'acquisition, l'esprit des dispositions qui s'appliquent d'ores et déjà lorsqu'une opération de concentration est mise en oeuvre ou qu'une entreprise est placée en redressement judiciaire.
C'est donc dans un souci de transparence, que nous vous invitons à adopter cet amendement, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je rappelle que l'article L. 621-8 du code monétaire et financier permet au comité d'entreprise d'auditionner l'auteur de l'offre. Une telle disposition a d'ailleurs été instituée par la loi relative aux nouvelles régulations économiques de 2001.
Ainsi, toutes les informations nécessaires quant à l'évolution de l'emploi et au devenir des sites de l'entreprise doivent pouvoir être livrées à l'occasion de ce dialogue entre le comité d'entreprise et l'auteur de l'offre. Pour cette présentation, ce dernier peut être assisté par des conseils ou collaborateurs dans les conditions prévues par la loi.
En conséquence, cet amendement me semble superfétatoire au regard des dispositions déjà existantes ; c'est la raison pour laquelle la commission en sollicite le retrait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 40, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 432-1 ter du code du travail est abrogé.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. De manière assez étonnante, alors même que la directive communautaire dont nous débattons affiche l'objectif d'une plus grande information des salariés, la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a introduit, par lettre rectificative, une dérogation à l'information des comités d'entreprise en cas d'offre publique d'acquisition.
Or, une telle disposition n'a pas lieu d'être, eu égard au sens général que le texte européen que nous transposons ici tend à donner à la protection des actionnaires minoritaires et à l'information des salariés. A ce titre, le seul véritable motif trouvé pour justifier l'adoption d'une telle dérogation est la confidentialité. Voilà qui a, au moins, le mérite de la clarté !
Une OPA doit donc rester secrète le plus longtemps possible, sans que les salariés, qui seront ensuite le plus souvent habilités à justifier la création de valeur et à subir les effets des synergies industrielles et commerciales, puissent être informés des choix opérés par leur employeur.
En bref, un comité d'entreprise peut être consulté sur un plan de reprise, sur une procédure de concentration, mais nullement avant le déclenchement d'une offre publique d'acquisition.
Voilà une logique que nous ne partageons pas ; c'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission peine à comprendre comment il serait possible d'informer de manière précise un comité d'entreprise d'une offre qui n'existe pas encore ! Ne s'agirait-il pas d'une agitation voire d'une polémique susceptible de nuire à l'entreprise ?
Elle souhaite donc le retrait de l'amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 8
Au quatrième alinéa de l'article L. 439-2 du code du travail, les mots : « offre publique d'achat ou offre publique d'échange » sont remplacés par les mots : « offre publique d'acquisition » et les mots : « quatrième et cinquième alinéas » sont remplacés par les mots : « quatrième à sixième alinéas ».
M. le président. L'amendement n° 41, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
A la fin de cet article, remplacer les mots :
sixième alinéas
par les mots :
septième alinéas
Cet amendement n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article additionnel après l'article 8
M. le président. L'amendement n° 42, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article L. 439-10 du code du travail est ainsi rédigé :
« L'accord doit prévoir selon quelles modalités les représentants des salariés ont le droit de se réunir pour procéder à un échange de vues au sujet des informations qui leur sont communiquées et qui portent sur des questions transnationales affectant considérablement les intérêts des salariés, notamment lorsque l'entreprise est l'objet d'une offre publique d'acquisition. »
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Les dispositions relatives au fonctionnement et au sens des comités d'entreprise européens ont été introduites dans notre législation voilà une dizaine d'années, et leurs contours ont été précisés en 2001.
Les entreprises, et singulièrement celles d'origine française, du fait de leur évolution économique, sont aujourd'hui implantées dans de nombreux pays de l'Union européenne ; la mise en place progressive de comités d'entreprise au même échelon n'est donc pas illogique.
Or, le présent projet de loi évoque précisément le problème de l'autorité compétente pour contrôler l'offre publique d'acquisition lorsqu'une entreprise est implantée dans plusieurs pays.
S'il y a lieu, le comité d'entreprise européen doit donc, nous semble-t-il, être consulté dès lors que se met en oeuvre la procédure d'OPA. Il importe en effet que les salariés puissent, d'une manière ou d'une autre, être informés des conséquences de ces opérations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable, un tel amendement lui semblant superfétatoire.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.
(L'amendement n'est pas adopté.)
CHAPITRE III
DISPOSITIONS VISANT À ASSURER UN TRAITEMENT ÉGAL AUX ENTREPRISES
Article 9
Au chapitre III du titre III du livre II du code de commerce, il est ajouté une section intitulée : « Section V - Des offres publiques d'acquisition » et comprenant les articles L. 233-32 à L. 233-40 rédigés conformément aux articles 10 à 15 et 17 à 19. - (Adopté.)
Article 10
L'article L. 233-32 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 233-32. - Pendant la période d'offre publique visant une société dont des actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, le conseil d'administration, le conseil de surveillance, à l'exception de leur pouvoir de nomination, le directoire, le directeur général ou l'un des directeurs généraux délégués de la société visée doivent obtenir l'approbation préalable de l'assemblée générale pour prendre toute mesure dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre, hormis la recherche d'autres offres.
« Toute délégation d'une telle mesure accordée par l'assemblée générale avant la période d'offre est suspendue en période d'offre publique.
« Toute décision prise avant la période d'offre qui n'est pas totalement ou partiellement mise en oeuvre, qui ne s'inscrit pas dans le cours normal des activités de la société et dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre doit faire l'objet d'une approbation ou d'une confirmation par l'assemblée générale.
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-32 du code de commerce, remplacer les mots :
une société dont des actions sont admises
par les mots :
une société dont les instruments financiers sont admis
et les mots :
doivent obtenir
par le mot :
obtiennent
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement est à la fois rédactionnel et de fond.
En premier lieu, le droit financier, lorsqu'il vise ce que l'on appelait autrefois « une société cotée », se réfère aujourd'hui à « une société dont les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ».
La notion d'instrument financier est plus large que la notion d'action, et le code monétaire et financier retient maintenant de façon usuelle la première formulation, laquelle semble véritablement s'inscrire dans l'esprit de la directive. Par conséquent, ne se référer qu'aux actions aboutirait à restreindre, nous semble-t-il, le champ du dispositif du projet de loi.
En second lieu, l'amendement n° 12 vise à revenir à l'indicatif présent, qui est la forme la plus impérative dans les textes juridiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Le Gouvernement est d'accord avec la commission, s'agissant de l'emploi de l'indicatif présent.
En revanche, la notion d'instrument financier est spécifique au code monétaire et financier. Le code de commerce emploie plus volontiers la notion d'action.
Si votre remarque est tout à fait pertinente, monsieur le rapporteur, il me semble néanmoins risqué, dans ce contexte, d'introduire cette notion à la faveur du présent projet de loi : cela pourrait en effet entraîner des confusions.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, sans pour autant mettre en doute la pertinence de vos propos.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je souhaiterais savoir si nous avons bien la même interprétation du champ d'application du texte.
Certes, le code de commerce et le code monétaire et financier emploient des catégories conceptuelles distinctes ! Mais, au-delà de ces différences de méthode, l'utilisation des mots « action » ou « instrument financier » modifie-t-il le champ d'application du projet de loi de transposition ?
Si tel n'est pas le cas, j'accepte volontiers toutes les rédactions que M. le ministre estimera correctes ; mais, dans l'hypothèse contraire, la commission souhaiterait pouvoir apprécier la différence de fond.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le rapporteur, il n'y a pas de différence de fond ! Encore une fois, nous traitons d'un texte relatif aux OPA. Or ces dernières concernent les actions. C'est pourquoi il me semble opportun d'en rester à la rédaction initiale.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je ne suis pas pleinement convaincu !
En effet, une offre publique peut tendre à l'acquisition non seulement d'actions mais aussi de titres hybrides, tels que les certificats d'investissement, les obligations remboursables en actions... Il n'y a pas que les actions qui sont cotées ! La directive vise-t-elle l'ensemble de ces titres ou seulement les actions ?
Monsieur le ministre, à l'occasion de la navette, nous pourrons sans doute préciser ce point. Toutefois, j'avoue ne pas être en mesure de prendre aujourd'hui une décision en toute connaissance de cause.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre. La navette me semble effectivement le bon véhicule pour régler ce petit problème !
Dans le Journal officiel de l'Union européenne, il est question de titres, autrement dit de valeurs mobilières auxquelles sont attachés les droits de vote dans une société.
Par conséquent, en attendant que nous nous concertions pour déterminer si une précision s'impose, je vous invite à conserver la rédaction initiale.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Dans certains cas, l'offre publique pourrait concerner des certificats de droit de vote. Mais nous n'allons pas entrer dans les détails techniques ou juridiques ! Nous préciserons ce point dans le cadre de la navette. Je rectifie par conséquent l'amendement n° 12, afin de ne conserver que la disposition relative à l'indicatif présent.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 12 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-32 du code de commerce, remplacer les mots :
doivent obtenir
par le mot :
obtiennent
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 50, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-32 du code de commerce par une phrase ainsi rédigée :
Le conseil d'administration, le conseil de surveillance, le directoire, le directeur général ou l'un des directeurs généraux délégués de la société visée doit également consulter le comité d'entreprise ou, en l'absence de comité d'entreprise, les délégués du personnel, pour prendre toute mesure dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Cet amendement s'inscrit dans la même démarche que les amendements défendus à l'instant par mon collègue Richard Yung : le concept d'entreprise citoyenne doit avoir une traduction concrète au sein de l'entreprise, à l'égard des forces vives qui y travaillent.
Comme l'a évoqué Richard Yung, il importe que les salariés, par le biais du comité d'entreprise, soient informés des OPA hostiles et qu'ils puissent émettre un avis sur le sujet.
L'amendement n° 50 porte sur la transposition de l'article 9 de la directive concernant les offres publiques d'acquisition, cette transposition étant optionnelle.
L'article 9 dispose que « pendant la période visée au deuxième alinéa, l'organe d'administration ou de direction de la société visée obtient une autorisation préalable de l'assemblée générale des actionnaires à cet effet avant d'entreprendre toute action susceptible de faire échouer l'offre, à l'exception de la recherche d'autres offres, et en particulier avant d'entreprendre toute émission d'actions de nature à empêcher durablement l'offrant de prendre le contrôle de la société visée. »
En d'autres termes, en période d'offre publique, si la direction de la société concernée souhaite prendre des mesures dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre, telles que des mesures de défense anti-OPA, elle doit obtenir l'approbation préalable de l'assemblée générale des actionnaires.
Ce faisant, l'article 10 du projet de loi fait de l'intervention des actionnaires le lieu exclusif de la décision d'acceptation ou de refus de l'OPA.
Entendons-nous bien : nous ne sommes pas contre la démocratie actionnariale, loin s'en faut ! Nous sommes simplement opposés à ce que l'assemblée générale des actionnaires soit le seul centre de décision concernant l'avenir d'une entreprise.
Il y a en effet de bonnes chances pour que les actionnaires expriment leur envie de voir aboutir une offre hostile, afin d'empocher les bénéfices susceptibles de s'y rattacher.
En conséquence, la prise de décision doit, dans certains cas et en particulier lorsque l'intérêt général économique est en jeu, être encadrée et subordonnée à la consultation de la direction de l'entreprise.
C'est toute une conception de l'entreprise qui est en jeu ici : le seul et unique point de référence doit-il être celui de l'intérêt des actionnaires, ou l'intérêt général doit-il être pris en considération ? L'intérêt général et la nécessité de protéger l'emploi doivent-ils prévaloir sur les intérêts des actionnaires ?
La transposition de l'article 9 fait du critère capitalistique et financier le critère déterminant dans la prise de décision, alors que d'autres critères devraient être pris en considération.
Ce qui devrait orienter la décision, c'est l'intérêt social, considéré comme celui de l'entreprise, un intérêt de gestion à long terme qui pérennise les emplois et l'outil industriel.
Nous attachons donc le plus grand prix à cet amendement. Son adoption ferait apparaître de façon explicite que les forces vives de l'entreprise sont associées à la prise de décision concernant leur future vie de travail.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission n'est pas convaincue par cette proposition qui relève d'une certaine confusion des responsabilités.
En effet, selon nos collègues, il s'agit de consulter le comité d'entreprise ou les délégués du personnel sur un dispositif de défense du capital de l'entreprise, avant la décision de l'assemblée générale.
Or le choix d'un dispositif de défense, qu'il s'agisse d'une autorisation d'émission de titres ou de n'importe quel autre dispositif capitalistique susceptible de décourager l'auteur d'une offre, relève vraiment d'une décision des actionnaires.
Il ne peut en être autrement dans la mesure où il s'agira pour eux d'accepter, par exemple, une dilution du bénéfice par action avec une autorisation d'émettre du capital, un échange de titres avec ceux d'une autre entreprise, voire une opération de croissance externe si une telle opération a été préparée avant la survenance d'une offre sur le capital.
En conséquence, je le répète, la commission n'est pas convaincue par cette disposition. Elle considère que cette dernière serait un facteur de dilution des responsabilités, de retard, voire d'approfondissement d'une crise, et émet en conséquence un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Marc, l'amendement est-il maintenu ?
M. François Marc. Je précise à nouveau qu'une entreprise, dans notre esprit, n'est pas seulement un ensemble d'actifs patrimoniaux ; c'est aussi une organisation sociale, un outil de production, une entité qui participe à l'effort économique national et qui mérite donc, au travers de l'ensemble de ses acteurs, de la considération.
A mon sens, les salariés et le comité d'entreprise doivent être clairement informés. Ils doivent être associés, et leur point de vue doit pouvoir être recueilli.
C'est la raison pour laquelle cet amendement me tient à coeur. Je le maintiens donc.
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-32 du code de commerce, insérer un alinéa ainsi rédigé :
" Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 225-104, la convocation de l'assemblée générale en période d'offre peut être faite dans des formes et délais spécifiques fixés par décret en Conseil d'Etat.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de cohérence.
L'article 9 de la directive que nous transposons permet de prévoir des règles autorisant la convocation d'une assemblée générale des actionnaires dans un délai bref, à condition que cette assemblée ne se tienne pas durant les deux semaines qui suivent sa notification.
En période d'offre, l'assemblée générale est donc complètement souveraine pour adopter toute résolution permettant d'assurer au mieux la défense du contrôle préexistant de la société, s'il en est bien sûr ainsi décidé.
Mais encore faut-il, monsieur le ministre, que l'assemblée générale puisse se réunir en temps utile. Or les délais de convocation de droit commun, dans le code des sociétés, risquent d'être trop longs pour permettre à l'assemblée générale de se réunir et de prendre des décisions pendant la période d'offre.
Cet amendement vise donc à faire en sorte qu'un décret - cette matière est en effet réglementaire - prescrive les formes et les délais spécifiques à la convocation de l'assemblée générale en période d'offre. Il s'agit, à mon sens, d'une précision indispensable à la bonne compréhension du texte et surtout à sa bonne application.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Je partage tout à fait l'avis de M. le rapporteur quant à la nécessité de prévoir, dès lors que la transposition de l'article 9 de la directive rendra nécessaire la décision « à chaud » en assemblée générale, la possibilité de convoquer cette dernière dans un délai aussi bref que possible, et ce afin de pouvoir statuer sur d'éventuelles mesures de défense ; en cas d'OPA, il faut en effet être réactif.
Pour autant, une telle disposition législative n'est pas justifiée. A mon avis, une simple modification du décret du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales suffit.
Je m'engage donc, monsieur le rapporteur, à ce que cette modification soit apportée dans le sens et selon les délais que vous souhaitez. Au bénéfice de cette clarification, le Gouvernement demande à la commission des finances de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Marini, l'amendement est-il maintenu ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir prendre en compte nos préoccupations.
Vous serait-il possible d'aller un peu plus loin et de nous indiquer la durée du délai dérogatoire que vous comptez fixer par décret en période d'offre pour la convocation de l'assemblée générale ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Dans ces conditions, monsieur le ministre, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 13 est retiré.
L'amendement n° 14, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Au début du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-32 du code de commerce, remplacer les mots :
Toute délégation d'une telle mesure
par les mots :
Toute délégation en vue de prendre une telle mesure
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 30, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-32 du code de commerce :
Toute décision du conseil d'administration, du conseil de surveillance, du directoire, du directeur général, de l'un des directeurs généraux délégués ou de l'assemblée générale, prise avant la période d'offre, qui ...
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. La commission des lois souhaite préciser que les décisions devant faire l'objet d'une approbation ou d'une confirmation en période d'offre sont soit des décisions des organes d'administration, de surveillance ou de direction, soit des décisions antérieures de l'assemblée générale elle-même.
M. le président. L'amendement n° 51, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-32 du code du commerce, remplacer les mots :
prise avant la période d'offre qui n'est pas totalement ou partiellement mise en oeuvre, qui ne s'inscrit
par les mots :
ayant été prise avant la période d'offre mais n'ayant pas été totalement mise en oeuvre et ne s'inscrivant
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
Il existe une ambiguïté sur l'antécédent auquel renvoie le pronom relatif « qui ». En réalité, il s'agit de la décision et non de l'offre.
De plus, « pas totalement ou partiellement mise en oeuvre » est une formulation redondante !
Cet aspect technique et rédactionnel rejoint, à mon avis, les préoccupations exprimées à l'instant.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est favorable à l'amendement n° 30 et s'en remet à l'avis du Gouvernement sur l'amendement n°51.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. S'agissant de l'amendement n° 30, le projet de loi rappelle que, dans le cadre de l'application de l'article 9 de la directive, toute mesure susceptible d'avoir une incidence sur l'offre, qui est prise avant la période d'offre et qui n'est pas totalement mise en oeuvre, doit être confirmée par l'assemblée générale.
Cet amendement vise à préciser que la décision qui doit être confirmée est celle des dirigeants. Il apporte plus de lisibilité au texte, et le Gouvernement y est donc favorable.
Cet amendement répond d'ailleurs à l'amendement n° 51, qui pourrait donc être retiré par son auteur.
M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le président, je confirme que la commission préfère l'amendement n° 30.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 51 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 15, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-32 du code de commerce, après les mots :
pas totalement ou
insérer le mot :
est
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 52, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-32 du code de commerce par une phrase ainsi rédigée :
Toute décision prise avant la période d'offre, qui ne s'inscrit pas dans le cours normal des activités de la société et dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre doit faire l'objet d'une consultation du comité d'entreprise, ou, en l'absence de comité d'entreprise, des délégués du personnel.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Il s'agit d'un amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Par cohérence avec ses positions antérieures, la commission est défavorable à cet amendement !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
L'article L. 233-33 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 233-33. - Les dispositions prévues à l'article L. 233-32 ne sont pas applicables lorsque la société fait l'objet d'une ou plusieurs offres publiques engagées exclusivement par des entités qui n'appliquent pas ce même article ou des mesures équivalentes ou qui sont respectivement contrôlées, au sens du II ou du III de l'article L. 233-16, par des entités qui n'appliquent pas ce même article ou des mesures équivalentes. Il en est de même en cas de concert au sens de l'article L. 233-10, si l'une des entités agissant de concert n'applique pas l'article L. 233-32 ou des mesures équivalentes ou est contrôlée, au sens du II ou du III de l'article L. 233-16, par une entité qui n'applique pas l'article L. 233-32 ou des mesures équivalentes. Toute contestation sur l'équivalence de ces mesures fait l'objet d'une décision de l'Autorité des marchés financiers.
« Dans le cas où le précédent alinéa s'applique, toute mesure prise par le conseil d'administration, le conseil de surveillance, le directoire, le directeur général ou l'un des directeurs généraux délégués de la société visée, doit avoir été expressément autorisée pour l'hypothèse d'une offre publique par l'assemblée générale dans les dix-huit mois précédant le jour de l'offre. »
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, sur l'article.
M. Philippe Marini, rapporteur. Le présent article introduit la faculté pour une société cible de mettre en oeuvre la clause de réciprocité prévue par l'article 12 de la directive.
Une société pourra donc mettre en place des mesures de défense sans les faire approuver pendant l'offre par son assemblée générale, si le ou les attaquants n'appliquent pas ce régime de souveraineté de l'assemblée générale.
Ces mesures de défense doivent cependant avoir été approuvées « à froid », c'est-à-dire dans la période de dix-huit mois précédant le jour de l'offre.
Parmi les mesures de défense, peuvent figurer les augmentations de capital réservées sans droit préférentiel de souscription, prévues par l'article L. 225-138 du code de commerce, lequel avait été modifié par la loi de sécurité financière puis par l'ordonnance du 24 juin 2004 sur les valeurs mobilières.
Cet article dispose ceci : « L'assemblée générale qui décide l'augmentation du capital peut la réserver à une ou plusieurs personnes nommément désignées ou catégories de personnes répondant à des caractéristiques déterminées. A cette fin, elle peut supprimer le droit préférentiel de souscription. »
Ce type d'augmentation de capital doit être réalisé dans un délai de dix-huit mois et l'organe de direction doit présenter ex post un rapport décrivant les conditions définitives de réalisation de l'opération.
L'appréciation de la notion de « catégorie de personnes », dont les caractéristiques sont déterminées par l'assemblée générale, semble poser des difficultés au regard de la doctrine de l'Autorité des marchés financiers.
Compte tenu de la généralité du texte, cette notion est potentiellement large et peut désigner non seulement les salariés, mais également une catégorie d'investisseurs, d'actionnaires, de créanciers ou d'obligataires.
Néanmoins, l'AMF tend à lui donner une interprétation restrictive qu'elle a notamment précisée en novembre 2004.
Elle considère ainsi que la seule référence à la catégorie des investisseurs qualifiés n'est pas suffisante. Il en résulte, monsieur le ministre, une incertitude juridique quant au contenu et à la portée des résolutions que les assemblées générales peuvent adopter préventivement.
La question est donc de savoir si ces assemblées générales peuvent décider ou déléguer au conseil d'administration ou au directoire une telle augmentation de capital réservée à des partenaires qui ne seraient désignés par l'organe de direction qu'au moment de l'offre.
Cette interprétation permettrait, en effet, de renforcer l'efficacité de la clause de réciprocité.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de soulever ce point important des augmentations de capital réservées, qui, dans le cadre du présent projet de loi, renvoie à deux questions.
D'abord, toutes les formes d'augmentation de capital qui sont possibles par délégation « à froid » demeurent-elles réalisables « à chaud », dans le cadre de l'exercice de la clause de réciprocité prévue par l'article 11 ?
Ensuite, dans quel cadre juridique peuvent être réalisées des augmentations de capital réservées non pas à des personnes dénommées mais à des catégories de personnes ?
Je voudrais essayer de répondre à chacune de ces deux questions.
En premier lieu, les délégations de l'assemblée générale au conseil d'administration ou au directoire ne se trouveront pas affectées en cas d'exercice de la clause de réciprocité.
Je tiens à être précis : l'autorisation d'une augmentation de capital relève des articles L. 225-129-1, L. 225-129-2 et L. 225-129-4 du code de commerce. Or, l'article L. 225-129-2 renvoie expressément à l'article L. 225-138, qui régit la délégation en ce qu'elle concerne la désignation des bénéficiaires de l'augmentation de capital. Autrement dit, nous couvrons bien dans cet article la faculté pour le conseil d'administration ou le directoire d'établir la liste précise des souscripteurs de l'augmentation de capital au sein des catégories dont les caractéristiques auront été arrêtées « à froid » par l'assemblée générale. Il est évident que tout ce qui est possible « à froid » demeure possible « à chaud » !
En second lieu, monsieur le rapporteur, vous considérez que la notion de « catégorie de personnes » est entachée d'incertitude juridique, ce qui empêcherait de définir des catégories suffisamment larges.
Je vais m'efforcer, là aussi, de répondre à votre inquiétude. Il ressort des prises de position du régulateur que deux principes doivent guider l'assemblée générale dans la définition des catégories de personnes : ces catégories doivent être cohérentes avec la nature et l'objet de l'opération envisagée ; elles doivent également être précisément décrites par l'assemblée générale, notamment en termes de périmètres d'activité.
Ces deux critères permettent de définir des catégories larges, l'important étant, comme toujours, d'expliquer aux actionnaires ce que l'on veut faire. Par exemple, une société de biotechnologie a fait récemment voter en assemblée générale une émission « réservée à des sociétés ou fonds gestionnaires d'épargne collective investissant dans le secteur pharmaceutique-biotechnologique ». Le conseil d'administration a pu ensuite choisir lui-même les personnes au sein de cette catégorie.
J'espère, monsieur le rapporteur, que ces principes et cet exemple sont de nature à vous convaincre de la pertinence du cadre juridique des augmentations de capital réservées à des catégories de personnes. S'il devait néanmoins subsister une incertitude sur cette question, je demanderais à mes services d'examiner au cours des prochaines semaines, en concertation avec l'AMF, les modalités permettant de clarifier encore davantage le droit applicable en la matière.
M. le président. L'amendement n° 54 rectifié, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
Il est inséré dans la section V du chapitre III du Titre III du Livre II du code de commerce, un article L. 233-33 ainsi rédigé :
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. C'est une proposition de forme, qui tend à créer l'article L.233-33 du code de commerce, auquel il est fait référence mais qui n'existe pas.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Sur cet aspect des choses, la commission a décidé de s'en remettre à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54 rectifié.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. - Modifier comme suit la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-33 du code de commerce :
1°) Remplacer les mots :
engagées exclusivement par des entités
par les mots :
engagées par des entités, agissant seules ou de concert au sens de l'article L. 233-10,
2°) Remplacer (deux fois) les mots :
qui n'appliquent pas ce même article
par les mots :
qui n'appliquent pas toutes ces dispositions
II. - En conséquence, supprimer la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-33 du code de commerce.
L'amendement n° 17, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier ainsi la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 233-33 du code de commerce :
I. - Après les mots :
Il en est de même en cas
insérer le mot :
d'action
II. - Après les mots :
si l'une des entités agissant de concert n'applique pas
et les mots :
par une entité qui n'applique pas
insérer (deux fois) les mots :
les dispositions de
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. L'amendement n° 16 rectifié tend à une application à notre sens plus logique et pragmatique de la clause de réciprocité en cas d'offres concurrentes.
Selon nous, il convient de supprimer le terme « exclusivement » pour considérer que la réciprocité s'applique si un seul des initiateurs d'offre, au cas où il y a plusieurs offres concurrentes, ne s'astreint pas à la même transparence que la cible de l'offre publique. Cette disposition nous semble à la fois plus protectrice et conforme à l'esprit de la directive.
J'indique d'ores et déjà que, les deux dispositions proposées étant incompatibles, l'amendement n° 17 n'aurait plus d'objet si l'amendement n° 16 rectifié était adopté.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Le projet de loi prévoit, conformément aux conclusions du rapport Lepetit que j'ai cité précédemment, que la clause de réciprocité ne peut être mise en oeuvre que si la société cible fait l'objet d'offres initiées exclusivement par des sociétés qui n'appliquent pas l'article 9.
Monsieur le rapporteur, j'ai entendu vos arguments, qui se placent du point de vue de la cible et dont je dois reconnaître la pertinence. Si nous supprimons le terme « exclusivement », comme vous le souhaitez, une société appliquant l'article 9 pourra plus facilement faire jouer la clause de réciprocité dans la mesure où il suffira qu'une seule société n'applique pas cet article pour que cette clause soit mise en oeuvre.
Notre position sur cet article consiste, comme je vous l'ai dit, à favoriser la démocratie actionnariale. Dès lors que tous les investisseurs ne l'appliquent pas - et au-delà du droit français nous n'y pouvons rien -, ce n'est pas encourager la démocratie actionnariale que de mettre en situation de vulnérabilité ceux qui l'appliquent.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 16 rectifié
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 17 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 31, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-33 du code de commerce, insérer une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, les dispositions prévues à l'article L. 233-32 s'appliquent si les seules entités qui n'appliquent pas les dispositions de cet article ou des mesures équivalentes ou qui sont contrôlées, au sens du II ou du III de l'article L. 233-16, par des entités qui n'appliquent pas ces dispositions ou des mesures équivalentes, agissent de concert, au sens de l'article L. 233-10, avec la société faisant l'objet de l'offre.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à préciser le régime applicable lorsqu'il existe un concert entre la société cible et exclusivement des sociétés non vertueuses, c'est-à-dire des sociétés qui n'appliquent pas les règles d'autorisation à la prise de mesures anti-OPA, visées dans les dispositions de l'article L. 233-32 du code de commerce dans sa rédaction proposée par l'article 10 du projet de loi.
Pour lever toute ambiguïté, il convient de prévoir que la société cible doit appliquer les mesures « vertueuses » prévues par l'article L. 233-32. En effet, il est nécessaire d'éviter des contournements du dispositif qui pourraient résulter d'une forme d'action de concert qui n'entrerait pas dans les prévisions de l'article L. 233-33 dans sa rédaction actuelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 53, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-33 du code de commerce par une phrase ainsi rédigée :
Ce type de mesure doit être également communiqué au comité d'entreprise qui doit rendre un avis dans les meilleurs délais.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. C'est une proposition que nous avons déjà défendue, mais je crains qu'elle ne remporte moins de succès que l'amendement n° 54 rectifié ! En effet, nous défendons à nouveau l'idée de permettre au comité d'entreprise de rendre un avis sur la note d'information dans les meilleurs délais. Nous pensons que, dans une démocratie économique avancée, cette idée est tout à fait acceptable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12
L'article L. 233-34 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 233-34. - Sauf lorsqu'elles résultent d'une obligation législative, les clauses des statuts d'une société dont des actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé prévoyant des restrictions statutaires au transfert d'actions de la société sont inopposables à l'auteur d'une offre publique pour les titres qui lui seraient apportés dans le cadre de son offre. »
M. le président. L'amendement n° 55 rectifié bis, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
Il est inséré dans la section 4 du chapitre III du Titre III du Livre II du code de commerce, un article L. 233-34 ainsi rédigé :
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement tend, comme l'amendement n° 54 rectifié, à créer au sein du code de commerce un article auquel il est fait référence dans ce projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55 rectifié bis.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 233-34 du code de commerce, remplacer les mots :
dont des actions sont admises à la négociation
par les mots :
dont les instruments financiers sont admis à la négociation
Cet amendement n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Article 13
L'article L. 233-35 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 233-35. - Les statuts d'une société dont des actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé peuvent prévoir que les effets de toute clause d'une convention conclue après le 21 avril 2004 prévoyant des restrictions au transfert d'actions de la société sont inopposables à l'auteur de l'offre, en période d'offre publique. »
M. le président. L'amendement n° 56 rectifié bis, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
Il est inséré dans la section 4 du chapitre III du Titre III du Livre II du code de commerce, un article L. 233-35 ainsi rédigé :
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Il s'agit d'un amendement de forme, tendant encore à la création d'un article du code de commerce auquel il est fait référence dans le projet de loi mais qui n'existe pas encore.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56 rectifié bis.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 233-35 du code de commerce, remplacer les mots :
dont des actions sont admises à la négociation
par les mots :
dont les instruments financiers sont admis à la négociation
Cet amendement n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 13, modifié.
(L'article 13 est adopté.)
Article 14
L'article L. 233-36 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 233-36. - Les statuts d'une société dont des actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé peuvent prévoir que les effets de toute clause d'une convention conclue après le 21 avril 2004 prévoyant des restrictions à l'exercice des droits de vote attachés à des actions de la société sont suspendus en période d'offre publique visant la société lors des assemblées réunies aux fins d'adopter toute mesure susceptible de faire échouer l'offre. »
M. le président. L'amendement n° 57 rectifié bis, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
Il est inséré dans la section 4 du chapitre III du Titre III du Livre II du code de commerce, un article L. 233-36 ainsi rédigé :
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Il s'agit du même cas de figure que précédemment : il faut créer l'article L. 233-36 du code de commerce.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Comme précédemment, la commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 233-36 du code de commerce, remplacer les mots :
dont des actions sont admises à la négociation
par les mots :
dont les instruments financiers sont admis à la négociation
Cet amendement n'a plus d'objet.
L'amendement n° 32, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 233-36 du code de commerce, après les mots :
d'adopter
insérer les mots :
ou d'autoriser
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à lever une ambiguïté : il convient en effet de spécifier que l'assemblée concernée est celle qui est réunie aussi bien pour adopter une mesure susceptible de faire échouer l'offre que pour autoriser une telle mesure par l'organe d'administration, de surveillance ou de direction.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Article 15
L'article L. 233-37 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 233-37. - Les statuts d'une société dont des actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé peuvent prévoir que les restrictions statutaires à l'exercice des droits de vote attachés à des actions de la société sont suspendues en période d'offre publique visant la société lors des assemblées réunies aux fins d'adopter toute mesure susceptible de faire échouer l'offre. »
M. le président. L'amendement n° 58 rectifié, présenté par MM. Marc et Yung, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne et Sergent, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sueur, Sutour et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
Il est inséré dans la section V du chapitre III du Titre III du Livre II du code de commerce, un article L. 233-37 ainsi rédigé :
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement s'inscrit dans la même logique que les précédents amendements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 58 rectifié.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 233-37 du code de commerce, remplacer les mots :
dont des actions sont admises à la négociation
par les mots :
dont les instruments financiers sont admis à la négociation
Cet amendement n'a plus d'objet.
L'amendement n° 22, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 233-37 du code de commerce :
I. - Avant les mots :
restrictions statutaires
insérer les mots :
effets des
II. - En conséquence, remplacer le mot :
suspendues
par le mot :
suspendus
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel tendant à prévoir que la suspension porte non pas sur les restrictions statutaires elles-mêmes, mais sur leurs effets.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 233-37 du code de commerce, après les mots :
d'adopter
insérer les mots :
ou d'autoriser
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 15, modifié.
(L'article 15 est adopté.)
Article 16
A l'article L. 225-125 du code de commerce, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les effets de la limitation mentionnée à l'alinéa précédent, prévue dans les statuts d'une société qui fait l'objet d'une offre publique et dont des actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé, sont suspendus lors de la première assemblée générale qui suit la clôture de l'offre lorsque l'auteur de l'offre, agissant seul ou de concert, vient à détenir une fraction du capital ou des droits de vote de la société visée par l'offre supérieure à une quotité fixée par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. »
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour compléter l'article L. 225-125 du code de commerce, remplacer les mots :
des actions sont admises
par les mots :
les instruments financiers sont admis
Cet amendement n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 16.
(L'article 16 est adopté.)
Article 17
L'article L. 233-38 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 233-38. - Les statuts d'une société dont des actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé peuvent prévoir que les restrictions à l'exercice des droits de vote attachés à des actions de la société ainsi que les effets de toute clause d'une convention conclue après le 21 avril 2004 prévoyant des restrictions à l'exercice des droits de vote attachés à des actions de la société sont suspendus lors de la première assemblée générale suivant la clôture de l'offre lorsque l'initiateur de l'offre, agissant seul ou de concert, vient à détenir à l'issue de celle-ci une fraction du capital ou des droits de vote supérieure à une quotité fixée par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. »
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 233-38 du code de commerce, remplacer les mots :
des actions sont admises
par les mots :
les instruments financiers sont admis
Cet amendement n'a plus d'objet.
L'amendement n° 25, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 233-38 du code de commerce, remplacer les mots :
peuvent prévoir que les restrictions
par les mots :
peuvent prévoir que les effets des restrictions statutaires
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement est rédactionnel et de coordination.
En premier lieu, il s'agit de lever toute ambiguïté éventuelle sur la nature des restrictions à l'exercice des droits de vote attachés à des actions de la société, que l'article mentionne concomitamment aux restrictions issues de conventions de vote. La première catégorie de restriction ainsi visée doit bien être comprise comme fixée par les statuts de la société.
En second lieu, il s'agit de préciser que ce sont les effets des clauses statutaires, et non ces clauses elles-mêmes, qui sont suspendus.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.
(L'article 17 est adopté.)
Article 18
L'article L. 233-39 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 233-39. - Les statuts d'une société dont des actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé peuvent prévoir que les droits extraordinaires de nomination ou révocation des administrateurs, membres du conseil de surveillance, membres du directoire, directeurs généraux, directeurs généraux délégués, attachés à certains actionnaires sont suspendus lors de la première assemblée générale suivant la clôture de l'offre lorsque l'auteur de l'offre, agissant seul ou de concert, détient à l'issue de celle-ci une fraction du capital ou des droits de vote supérieure à une quotité fixée par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers. »
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 233-39 du code de commerce, remplacer les mots :
des actions sont admises
par les mots :
les instruments financiers sont admis
Cet amendement n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 18.
(L'article 18 est adopté.)
Article 19
L'article L. 233-40 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 233-40. - Lorsqu'une société a décidé d'appliquer les dispositions prévues aux articles L. 233-35 à L. 233-39, elle en informe l'Autorité des marchés financiers, qui rend cette décision publique dans des conditions et selon des modalités fixées par son règlement général. »
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 233-40 du code de commerce, remplacer les mots :
a décidé d'appliquer les dispositions
par les mots :
décide d'appliquer ou de mettre fin à l'application des dispositions
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de prévoir l'information obligatoire de l'Autorité des marchés financiers non seulement lorsqu'une société décide d'appliquer les mesures de suspension des restrictions en cas d'offre publique d'acquisition, mais aussi lorsqu'elle décide de mettre fin à leur application.
Cette mesure d'information de caractère symétrique n'est certes pas prévue expressément par la directive ; elle devrait néanmoins contribuer à améliorer la transparence du marché.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après les mots :
décision publique
remplacer la fin du texte proposé par cet article pour l'article L. 233-40 du code de commerce par les dispositions :
. Les conditions et modalités d'application du présent alinéa sont fixées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement vise à attribuer clairement à l'AMF la compétence d'organiser, outre la procédure suivant laquelle elle rend publiques les décisions de sociétés de mettre en place des mécanismes de suspension volontaires, la procédure suivant laquelle ces décisions lui sont préalablement notifiées par les sociétés concernées.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 28 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Compléter in fine le texte proposé par cet article pour l'article L. 233-40 du code de commerce par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions des articles L. 233-35 à L. 233-39 qu'une société a décidé d'appliquer ne sont pas applicables lorsque cette dernière fait l'objet d'une ou plusieurs offres publiques engagées par des entités, agissant seules ou de concert au sens de l'article L. 233-10, qui n'appliquent pas toutes l'ensemble de ces dispositions ou des mesures équivalentes ou qui sont respectivement contrôlées, au sens du II ou du III de l'article L. 233-16, par des entités qui n'appliquent pas toutes ces mêmes dispositions ou des mesures équivalentes. Toute contestation sur l'équivalence de ces mesures fait l'objet d'une décision de l'Autorité des marchés financiers. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit d'un amendement à caractère substantiel.
Il a pour objet de prévoir l'application de la clause de réciprocité aux dispositions de l'article 11 de la directive concernant les offres publiques d'acquisition que les sociétés peuvent, sur une base volontaire, décider d'appliquer. Lesdites sociétés doivent pouvoir, selon nous, se prévaloir de la réciprocité dans les cas où un ou plusieurs initiateurs d'offres les concernant n'ont pas prévu les mêmes suspensions ou inopposabilités de clauses statutaires et conventionnelles.
De notre point de vue, monsieur le ministre, le principe de réciprocité revêt un caractère fondamental en ce qu'il permet d'établir une égalité des conditions - nous en avons vu un cas précédemment - et constitue la contrepartie, l'incitation nécessaires à la « vertu » des entreprises, que ce soit au titre des dispositions de l'article 9 de la directive, précédemment adopté, ou de celles de l'article 11 de la même directive.
Toutefois, cette réciprocité, selon la commission, ne doit jouer que pour les options exercées volontairement par les sociétés, sans préjudice des suspensions d'ordre public issues de la doctrine de l'Autorité des marchés financiers, et dont la consécration législative figure aux articles 13 et 16 déjà votés du présent projet de loi.
M. le président. Le sous-amendement n° 35 rectifié, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après la première phrase du texte proposé par l'amendement n° 28 rectifié pour compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 233-40 du code de commerce, insérer une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, les dispositions des articles L. 233-35 à L. 233-39 s'appliquent si les seules entités qui n'appliquent pas les dispositions de ces articles ou des mesures équivalentes ou qui sont contrôlées, au sens du II ou du III de l'article L. 233-16, par des entités qui n'appliquent pas ces dispositions ou des mesures équivalentes, agissent de concert, au sens de l'article L. 233-10, avec la société faisant l'objet de l'offre.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. A partir du moment où la commission des finances, par son amendement n° 28 rectifié, introduit la clause de réciprocité dans l'application des articles L.233-35 à L.233-39 du code de commerce, il convient d'éviter que l'application de cette clause ne soit mise à profit par des sociétés non vertueuses qui agiraient alors de concert avec la société cible.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Conformément aux conclusions du groupe de travail présidé par Jean-François Lepetit, le Gouvernement a décidé de ne pas imposer aux entreprises les dispositions de l'article 11 au-delà des mesures d'ores et déjà connues en droit français, qui concernent deux des différentes catégories de mesures statutaires de l'article 11. Aller plus loin nuirait à la liberté contractuelle et à la bonne organisation de la stabilité du capital.
Il y a en effet un lien logique entre transposition des articles optionnels et faculté de réciprocité. Dans la mesure où l'article 11 n'est pas rendu obligatoire, la mise en oeuvre de la clause de réciprocité n'est pas nécessaire. L'argument qui consiste à dire qu'une société appliquant l'article 11 serait injustement privée de la réciprocité doit être relativisé dans la mesure où aucune société n'est obligée d'appliquer cet article.
En tout état de cause, la directive impose d'appliquer la réciprocité en bloc, ce qui signifie que, si la clause de réciprocité était mise en oeuvre, elle devrait l'être pour l'ensemble de l'article 11, y compris donc les deux mesures qui figuraient dans le règlement général ou la doctrine de l'AMF et que le présent projet de loi porte au niveau législatif.
L'amendement n° 28 rectifié préserve au contraire, et je comprends pourquoi, ces deux mesures. Mais il n'est sans doute pas d'une sécurité juridique certaine. La clause de réciprocité conduirait en effet à remettre en cause deux mesures d'ordre public établies de longue date en France, ce que, évidemment, personne ne souhaite.
Ces considérations de principe étant rappelées, je tiens par ailleurs à m'engager devant vous, monsieur le rapporteur, à vous informer au fur et à mesure des choix de transposition de nos homologues européens et d'une éventuelle position de la Commission quant à l'interprétation de la directive, si elle venait à se prononcer avant que vous n'adoptiez définitivement le projet de loi.
Comme vous le savez, nous avons des contacts fréquents sur ces sujets et nous ne manquerons pas d'en faire état.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le rapporteur, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; quant au sous-amendement n° 35 rectifié, il n'aurait alors plus d'objet.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Monsieur le ministre, c'est une interprétation, mais elle peut être soutenue ou contestée.
Il peut y avoir débat juridique sur la compatibilité avec les deux exceptions d'ordre public qui ont précédemment été votées.
M. Philippe Marini, rapporteur. Pour la commission, ce n'est pas évident ; on peut soutenir le point de vue que vous avez exprimé, mais on peut aussi, avec la même conviction, soutenir le point de vue inverse.
Nous voulons que les entreprises qui se sont appliqué volontairement la disposition la plus astreignante, donc celles qui ont privé d'efficacité leur défense de capital, puissent être prémunies contre des situations imprévues. Elles peuvent être confrontées à des offres qui n'étaient pas même imaginées au moment où la décision de principe de baisser les défenses aura été prise, émanant de sociétés, par exemple, dont le siège est situé hors de l'Union européenne et qui ne sont pas assujetties à la même obligation de transparence, ou du moins dont le capital est contrôlé telle une forteresse quasi inexpugnable du fait d'obstacles conventionnels.
Nul ne peut prédire l'avenir, et même si, en assemblée générale, une société a pu estimer qu'elle maîtrisait son environnement économique, trois mois, six mois, un an après, la réalité peut être toute différente. Il nous semble donc que l'option pour l'ouverture la plus complète doit toujours être assortie de la réciprocité, et que, dans tous les cas, la réciprocité doit pouvoir être invoquée.
Je rappelle que les décisions prises par les assemblées générales le sont « à froid » en cette matière et que nul ne peut prévoir la configuration dans laquelle la société se trouvera au lendemain même de l'assemblée générale qui aura décidé de priver d'efficacité les défenses conventionnelles.
Monsieur le ministre, je reconnais tout à fait que le débat juridique existe et qu'il n'est pas tranché. Mais le texte doit encore cheminer et, en attendant qu'il acquière sa forme définitive et que la bonne formule soit trouvée, je pense que le Sénat pourrait adopter cet amendement.
Notre souhait est de parvenir à ce que la clause de réciprocité, parce qu'elle est protectrice, ait la portée la plus large possible. Ce sera également un message important que vous adresserez par ce texte.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre. J'entends bien les arguments de M. le rapporteur, mais cela me gêne un peu de recommander au Sénat d'adopter cet amendement alors qu'un doute certain persiste sur la sécurité juridique du dispositif. Ne serait-il pas plus sage, monsieur le rapporteur, de décider que, tant que le doute n'est pas levé, on n'applique pas la clause, et donc, à l'inverse de ce que vous proposez, de ne pas adopter cet amendement pour se donner le temps de bien étudier cette question de sécurité juridique ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je suis tout à fait d'accord, monsieur le ministre, un doute persiste, mais je n'en tire pas les mêmes conclusions que vous : je propose au Sénat de voter cet amendement et de peaufiner le dispositif à l'occasion de la navette. A mon avis, il est utile d'exprimer clairement cette intention que soit étendue le plus largement possible la clause de réciprocité.
A mon sens, notre formulation est correcte puisqu'elle est exprimée sans préjudice des suspensions d'ordre public. Mais ce point peut certainement être approfondi d'ici à l'adoption définitive du texte.
Mes chers collègues, adoptons cet amendement, et nous aviserons !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 35 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 19, modifié.
(L'article 19 est adopté.)
Article 20
I. - L'article L. 225-129-3 du code de commerce est abrogé.
II. - Dans tous les textes législatifs et réglementaires, la référence à l'article L. 225-129-3 du code de commerce est remplacée par la référence à l'article L. 233-32 du même code.
III. - L'article L. 433-2 du code monétaire et financier est remplacé par les dispositions suivantes :
« Art. L. 433-2. - En période d'offre publique, les mesures dont la mise en oeuvre est susceptible de faire échouer l'offre et les restrictions au transfert d'actions et au droit de vote sont régies par les articles L. 233-32 à L. 233-40 du code de commerce. » - (Adopté.)
Article 21
La présente loi entre en vigueur le 20 mai 2006. Jusqu'à cette date, en cas d'offre publique d'acquisition portant sur les titres d'une société dont des actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, les délégations votées en application des articles L. 225-129-1, L. 225-129-2 et L. 225-129-4 du même code ne sont pas suspendues, par exception à l'article L. 225-129-3 du code de commerce.
M. le président. L'amendement n° 29 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la première phrase de cet article :
Les articles 1 à 20 de la présente loi entrent en vigueur le 15 mars 2006.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Nous proposons d'avancer la date d'entrée en vigueur des articles 1 à 20 au 15 mars 2006.
En réalité, mes chers collègues, il s'agit d'un amendement d'appel. Des entreprises nous ont fait remarquer que le maintien de la date d'entrée en vigueur au 20 mai 2006 pourrait avoir des effets pervers quant au délai de convocation des assemblées générales de 2006 et à la prise en compte, dans les statuts des entreprises, des conséquences de ce texte.
Encore une fois, le présent amendement est plutôt destiné à solliciter l'avis du ministre sur le sujet.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Votre amendement vise à prévoir l'entrée en vigueur au 15 mars 2006 là où le présent projet de loi retient le 20 mai 2006, date butoir fixée par la directive pour sa transposition. Cela semble correspondre à une demande des entreprises qui souhaitent mettre en oeuvre les dispositions du projet de loi dès leur assemblée générale de 2006. Je vous propose néanmoins que nous ajustions cette question de l'entrée en vigueur à l'occasion de l'examen du texte à l'Assemblée nationale.
Si, comme le Gouvernement le souhaite, l'adoption du projet de loi est rapide et le calendrier resserré, nous pourrons accéder à cette demande des entreprises. Pour l'heure, je vous invite à retirer cet amendement, monsieur le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Je le retire !
M. le président. L'amendement n° 29 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 21.
(L'article 21 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 21
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 235-2-1 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque la société fait application du II de l'article L. 225-107 et qu'elle apporte la preuve qu'elle a mis en place des moyens permettant l'identification des actionnaires, la participation effective au vote ainsi que l'intégrité du vote exprimé, le tribunal a la faculté de ne pas prononcer la nullité encourue si un incident ayant perturbé le déroulement des opérations de vote n'a eu aucun effet sur l'adoption ou le rejet des délibérations. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement vise à faciliter le recours au vote électronique en assemblée générale en substituant à une nullité impérative une nullité facultative, qui nous paraît suffisante : s'il y a contestation sur la manière dont le vote d'est déroulé, le juge saisi pourra apprécier la situation, le bon déroulement des opérations de vote, la portée de l'incident et prendre la décision qui lui semblera s'imposer, sans se voir contraint de déclarer l'annulation des votes émis en assemblée générale. Ainsi se trouverait écarté un risque juridique susceptible d'entraver la mise en oeuvre et le développement des procédures de vote électronique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Cet amendement constitue un progrès certain par rapport à nos débats antérieurs. Le Gouvernement y est donc tout à fait favorable, et tient à remercier la commission des finances, notamment son rapporteur, d'avoir clarifié ce point.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21.
L'amendement n° 59, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 98-261 du 6 avril 1998 portant réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière est ainsi modifiée :
1° Les quatrième et cinquième alinéas du II de l'article 2 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« - le président de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles ou son représentant, lorsque le projet de règlement est relatif aux entreprises régies par le code des assurances, aux institutions de prévoyance régies par le livre IX du code de la sécurité sociale ou aux mutuelles régies par le code de la mutualité. » ;
2° L'article 4 est ainsi rédigé :
« Art. 4. - I. - Les règlements du Comité de la réglementation comptable relatifs aux établissements de crédit, aux compagnies financières, aux compagnies financières holding mixtes soumises aux dispositions du code monétaire et financier ainsi qu'aux entreprises d'investissement et autres entreprises assimilées ne peuvent être adoptés qu'après avis du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières.
« II. - Les règlements du Comité de la réglementation comptable relatifs d'une part aux entreprises régies par le code des assurances et d'autre part aux mutuelles régies par le code de la mutualité ne peuvent être adoptés qu'après avis respectivement du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières et du Conseil supérieur de la mutualité. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Il s'agit d'une harmonisation avec plusieurs textes récents de droit financier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21.
L'amendement n° 60 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'ordonnance n° 2005-648 du 6 juin 2005 relative à la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs est ratifiée sous réserve des modifications suivantes :
1° L'article 1er est ainsi modifié :
a) Au 2° du I, la référence : « L. 120-20-16 » est remplacée par la référence : « L. 121-16 » ;
b) Après le 2° du I, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis L'article L. 121-16 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, elles ne s'appliquent pas aux contrats portant sur des services financiers. » ;
c) Au 3° du I, la référence : « L. 121-20-17 » est remplacée par la référence : « L. 121-17 » ;
d) Au II, après les mots : « de la section 2 du chapitre II », sont insérés les mots : « du même titre du même livre du même code » ;
e) Au 4° de l'article L. 121-20-10 du code de la consommation, les mots : « L'information relative à l'existence ou à l'absence du droit de rétractation, » sont remplacés par les mots : « L'existence ou l'absence du droit de rétractation, » ;
2° Dans le texte proposé par l'article 2 pour le 5° du III de l'article L. 112-2-1 du code des assurances, le mot : « rétractation » est remplacé par le mot : « renonciation ».
II. - Au 2° de l'article L. 353-1 du code monétaire et financier, les mots : « définie à l'article L. 341-1 » sont remplacés par les mots : « dans les conditions définies au septième alinéa de l'article L. 341-1 ».
Cette disposition entre en vigueur le 1er décembre 2005.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. L'amendement n° 60 rectifié vise à ratifier l'ordonnance du 6 juin 2005 relative à la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, tout en y apportant deux modifications de détail et de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21.
L'amendement n° 61, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'ordonnance n° 2005-429 du 6 mai 2005 modifiant la partie législative du code monétaire et financier est ratifiée.
II. - L'article L. 131-1 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :
« Art. L. 131-1. - Dans le présent chapitre, le terme : "banquier" désigne les établissements de crédit et les institutions, services ou personnes habilités à tenir des comptes sur lesquels des chèques peuvent être tirés. »
III. - Le livre II du même code est ainsi modifié :
1° La sous-section 1 de la section 2 du chapitre III du titre Ier est complétée par deux articles L. 213-6-1 et L. 213-6-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 213-6-1. - Tout acte qui interrompt la prescription des intérêts à l'égard de l'un des porteurs d'obligations émises en France par toutes les collectivités privées ou publiques, sociétés commerciales ou civiles, françaises ou étrangères, profite aux autres obligataires du même emprunt.
« Ce même acte interrompt également au profit du Trésor la prescription des impôts et taxes qui peuvent lui être dus sur les intérêts visés à l'alinéa qui précède.
« Art. L. 213-6-2. - La décision judiciaire définitive obtenue par l'un des porteurs d'obligations émises en France par toute collectivité privée ou publique, ou par toute société commerciale ou civile, française ou étrangère, et concernant les droits communs des obligataires, peut acquérir force exécutoire au profit de tout obligataire qui n'a pas figuré dans l'instance par une ordonnance du président du tribunal de grande instance dans la circonscription duquel l'affaire a été portée en première instance. » ;
2° Avant la sous-section 1 de la section 3 du chapitre III du titre Ier, il est inséré un article L. 213-21-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 213-21-1. - Tout propriétaire de titres émis par l'Etat faisant partie d'une émission comprenant à la fois des titres au porteur et des titres nominatifs a la faculté de convertir ses titres dans l'autre forme. » ;
3° Le II de l'article L. 214-1 est ainsi rétabli :
« II. - Tout organisme de placement collectif doit, préalablement à sa commercialisation sur le territoire de la République française, faire l'objet d'une autorisation délivrée par l'Autorité des marchés financiers. Un décret définit les conditions de délivrance de cette autorisation. » ;
4° La section 3 du chapitre Ier du titre II est complétée par un article L. 221-26-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-26-1. - Les opérations relatives au livret jeune sont soumises au contrôle sur pièces et sur place de l'inspection générale des finances et les établissements et organismes collecteurs sont, à raison de cette activité, soumis au même contrôle. »
IV. - Le chapitre II du titre Ier du livre III du même code est ainsi modifié :
1° L'article L. 312-10 est ainsi modifié :
a) Au troisième alinéa, le mot : « douze » est remplacé par le mot : « dix » ;
b) Le 2 est ainsi rédigé :
« 2. Six représentants des autres établissements de crédit. » ;
c) Le 3 est abrogé ;
2° L'article L. 312-12 est ainsi modifié :
a) Les mots : « de trois membres » sont remplacés par les mots : « de deux membres au moins » ;
b) Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Les conditions d'application des dispositions du présent article sont définies, en tant que de besoin, par arrêté du ministre chargé de l'économie. »
V. - Au troisième alinéa de l'article L. 452-1 du même code, les mots : « dans des conditions fixées par décret » sont remplacés par les mots : « dans des conditions fixées par décret, ».
VI. - Le livre V du même code est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa de l'article L. 512-5, les mots : « en exécution des prescriptions du deuxième alinéa de l'article 10 de la loi du 24 juillet 1929 » sont supprimés ;
2° Au premier alinéa de l'article L. 512-55, les mots : « qui ne sont pas régies par la section 3 ou par les lois particulières comportant un contrôle de l'Etat » sont supprimés ;
3° La section 5 du chapitre II du titre Ier est ainsi rétablie :
« Section 5
« Le Crédit mutuel agricole et rural
« Art. L. 512-60. - Les caisses de Crédit mutuel agricole et rural sont régies par les règles fixées à la section 3, à l'exception des dispositions visant spécifiquement les caisses de Crédit agricole mutuel soumises aux dispositions de l'article L. 512-35. Elles ont pour organe central la Confédération nationale du crédit mutuel. Elles doivent adhérer à la Fédération du Crédit mutuel agricole et rural, qui elle-même adhère à la Confédération nationale du crédit mutuel. » ;
4° Au troisième alinéa de l'article L. 512-75, les mots : « ne peut être inférieure à un minimum fixé par le décret prévu par l'article L. 512-84 » sont remplacés par les mots : « est fixée par les statuts prévus à l'article L. 512-73 » ;
5° La sous-section 2 de la section 2 du chapitre VIII du titre I est complétée par un paragraphe 5 ainsi rédigé :
« Paragraphe 5
« Présentation et certification des comptes
« Art. L. 518-15-1. - Chaque année, la Caisse des dépôts et consignations présente aux commissions des finances des deux assemblées ses comptes annuels et consolidés, certifiés par deux commissaires aux comptes. La commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations désigne les commissaires aux comptes ainsi que leurs suppléants sur proposition du directeur général. » ;
6° Le chapitre VIII du titre Ier est complété par une section 5 intitulée « Les associations sans but lucratif habilitées à faire certains prêts ».
VII. - Le livre VI du même code est ainsi modifié :
1° L'article L. 611-7 est ainsi rétabli :
« Art. L. 611-7. - Les règlements du Comité de la réglementation bancaire et financière en vigueur antérieurement à la loi n° 2003-706 du 1 août 2003 de sécurité financière et qui n'ont pas été modifiés ou abrogés demeurent applicables. Ils peuvent être modifiés ou abrogés par arrêté du ministre chargé de l'économie pris dans les conditions prévues à l'article L. 611-1. » ;
2° Le titre Ier est complété par un chapitre V intitulé « Autres institutions », composé d'une section unique intitulée « Commissaires du Gouvernement et mission de contrôle des activités financières », et comprenant le II de l'article L. 511-32 qui devient l'article L. 615-1.
VIII. - L'article 47 de la loi n° 2003-706 du 1 août 2003 de sécurité financière est ainsi modifié :
1° Les mots : « du Comité de la réglementation bancaire et financière, » et les mots : «, selon les cas, par arrêté du ministre chargé de l'économie dans les conditions prévues à l'article L. 611-1 du code monétaire et financier ou » sont supprimés ;
2° Les mots : « prévues à l'article L. 621-6 du même code » sont remplacés par les mots : « prévues à l'article L. 621-6 du code monétaire et financier ».
IX. - Le livre VII du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa des articles L. 741-4, L. 751-4 et L. 761-3, après les mots : « doivent déclarer », les mots : «, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, » sont supprimés ;
2° La section 1 du chapitre VI du titre V est complétée par une sous-section 5 ainsi rédigée :
« Sous-section 5
« Comité consultatif du crédit auprès du conseil des ministres de la Polynésie française
« Art. L. 756-4-1. - La composition du comité consultatif auprès du conseil des ministres de la Polynésie française est fixée par l'article 101 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ci-après reproduit :
« "Art. 101. - Il est créé, auprès du conseil des ministres, un comité consultatif du crédit.
« "Ce comité est composé à parts égales de :
« "1° Représentants de l'Etat ;
« "2° Représentants du gouvernement de la Polynésie française ;
« "3° Représentants des établissements bancaires et financiers exerçant une activité en Polynésie française ;
« "4° Représentants des organisations professionnelles et syndicales intéressées.
« "Un décret détermine les règles d'organisation et de fonctionnement du comité. " » ;
3° La section 2 du chapitre Ier du titre VI est complétée par une sous-section 3 intitulée « Constatation et poursuites des infractions » et comprenant les articles L. 761-4 et L. 761-5.
X. - Au début de l'article L. 511-32 du même code, la référence : « I » est supprimée.
XI. - 1. La section 1 du chapitre VI du titre III du livre VII du même code est complétée par une sous-section 5 ainsi rédigée :
« Sous-section 5
« Autres institutions
« Art. L. 736-4-1. - L'article L. 615-1 est applicable à Mayotte. »
2. La section 1 du chapitre VI du titre IV du livre VII du même code est complétée par une sous-section 5 ainsi rédigée :
« Sous-section 5
« Autres institutions
« Art. L. 746-4-1. - L'article L. 615-1 est applicable en Nouvelle-Calédonie.
3. La section 1 du chapitre VI du titre V du livre VII du même code est complétée par une sous-section 6 ainsi rédigée :
« Sous-section 6
« Autres institutions
« Art. L. 756-4-2. - L'article L. 615-1 est applicable en Polynésie française. »
4. La section 1 du chapitre VI du titre VI du livre VII du même code est complétée par une sous-section 5 ainsi rédigée :
« Sous-section 5
« Autres institutions
« Art. L. 766-4-1. - L'article L. 615-1 est applicable dans les îles Wallis et Futuna. »
XII. - Le II, le 4° du III et le 3° du VII du présent article sont applicables à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
XIII. - Sont abrogés :
1° Les articles L. 432-1 à L. 432-4 et les articles L. 463-1 et L. 463-2 du code monétaire et financier ;
2° Les articles 1 et 2 de la loi du 16 juillet 1934 relative aux droits des porteurs d'obligations d'un même emprunt ;
3° L'article 1 du décret-loi du 8 août 1935 relatif aux droits d'obligataires d'un même emprunt ;
4° L'article 73-2 du décret-loi du 30 octobre 1935 unifiant le droit en matière de chèques et relatif au cartes de paiement ;
5° Le 3 de l'article 30 de la loi n° 84-148 du 1 mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement vise à ratifier l'ordonnance du 6 mai 2005 modifiant le code monétaire et financier, afin de réaliser diverses mesures de simplification du droit. Il a également pour objet de procéder à des harmonisations avec différents textes de droit financier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21.
L'amendement n° 62, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 3 de l'ordonnance n° 2000-1223 du 14 décembre 2000 relative à la partie législative du code monétaire et financier est ainsi rédigé :
« Art. 3. - Les références contenues dans les dispositions de nature législative et réglementaire à des dispositions abrogées par l'article 4 de la présente ordonnance, par l'article 111 de l'ordonnance n° 2005-429 du 6 mai 2005 modifiant la partie législative du code monétaire et financier et par l'article 5 du décret n° 2005-1007 du 2 août 2005 relatif à la partie réglementaire du code monétaire et financier sont remplacées par des références aux dispositions correspondantes du code monétaire et financier. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement vise à procéder à une harmonisation avec l'article 3 de l'ordonnance du 14 décembre 2000 relative à la partie législative du code monétaire et financier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
6
Renvoi pour avis
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi d'orientation agricole (n° 26, 2005-2006), adopté, après déclaration d'urgence, par l'Assemblée nationale, dont la commission des affaires économiques et du Plan est saisie au fond, est renvoyé pour avis à sa demande, à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
7
DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Adnot un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la communication de la Cour des comptes relative aux subventions d'équipement à la recherche universitaire.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 36 et distribué.
J'ai reçu de M. Gérard Dériot, rapporteur, et M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur-adjoint, un rapport d'information fait au nom de la mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 37 et distribué.
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ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 25 octobre 2005 :
A dix heures :
Dix-huit questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe)
A seize heures et le soir :
2. Discussion en deuxième lecture de la proposition de loi (n° 23, 2005-2006), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative au traitement de la récidive des infractions pénales.
Rapport (n° 30, 2005-2006) de M. François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 24 octobre 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 24 octobre 2005, à seize heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat sur les prélèvements obligatoires :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 25 octobre 2005, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Michel Thiollière relative au renforcement de la coopération décentralisée en matière de solidarité internationale (n° 224, 2004-2005) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 26 octobre 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 25 octobre 2005, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de résolution de MM. Josselin de Rohan, Henri de Raincourt, André Dulait et des membres du groupe UMP tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'immigration clandestine (n° 10, 2005-2006) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 26 octobre 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 25 octobre 2005, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires culturelles sur les propositions de loi de :
- Mme Annie David et plusieurs de ses collègues tendant à modifier l'article 40 de la loi d'orientation pour l'avenir de l'école relatif au lieu d'exercice des délégués départementaux de l'éducation nationale (n° 483, 2004-2005) ;
- MM. Jean-Claude Carle, Jacques Valade et plusieurs de leurs collègues relative aux délégués départementaux de l'éducation nationale (n° 511, 2004-2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 26 octobre 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 25 octobre 2005, à dix-sept heures.
Débat de contrôle budgétaire sur la gestion de la dette dans les Etats de l'Union européenne :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 26 octobre 2005, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD