Article 1er
Les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances pour 2004 sont arrêtés aux sommes mentionnées ci-après :
(En euros)
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Charges |
Ressources |
Solde |
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A. - Opérations à caractère définitif |
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Budget général |
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Recettes brutes |
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371 131 697 857,93 |
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A déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales et des Communautés européennes |
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61 176 076 169,44 |
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Recettes nettes des prélèvements |
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309 955 621 688,49 |
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A déduire : |
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- Dégrèvements et remboursements d'impôts |
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64 471 758 484,39 |
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- Recettes en atténuation des charges de la dette |
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2 493 324 451,20 |
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Dépenses ordinaires civiles brutes |
305 239 576 094,52 |
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A déduire : |
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- Dégrèvements et remboursements d'impôts |
64 471 758 484,39 |
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- Recettes en atténuation des charges de la dette |
2 493 324 451,20 |
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Dépenses ordinaires civiles nettes |
238 274 493 158,93 |
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Dépenses civiles en capital |
18 797 527 836,34 |
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Dépenses militaires |
31 328 114 579,05 |
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Total pour le budget général |
288 400 135 574,32 |
242 990 538 752,90 |
- 45 409 596 821,42 |
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Comptes d'affectation spécialeà caractère définitif |
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Recettes |
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9 253 250 557,71 |
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Dépenses ordinaires civiles |
3 594 474 677,14 |
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Dépenses civiles en capital |
5 581 527 142,93 |
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Total pour les comptes d'affectation spéciale |
9 176 001 820,07 |
9 253 250 557,71 |
77 248 737,64 |
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Totaux (budget général et comptes d'affectation spéciale) |
297 576 137 394,39 |
252 243 789 310,61 |
- 45 332 348 083,78 |
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Budgets annexes |
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Aviation civile |
1 475 557 159,04 |
1 475 557 159,04 |
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Journaux officiels |
194 652 877,54 |
194 652 877,54 |
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Légion d'honneur |
20 001 245,08 |
20 001 245,08 |
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Monnaies et médailles |
71 355 362,15 |
71 355 362,15 |
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Ordre de la Libération |
906 079,00 |
906 079,00 |
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Prestations sociales agricoles |
17 851 858 152,10 |
17 851 858 152,10 |
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Totaux pour les budgets annexes |
19 614 330 874,91 |
19 614 330 874,91 |
» |
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Totaux des opérations à caractère définitif (A) |
317 190 468 269,30 |
271 858 120 185,52 |
- 45 332 348 083,78 |
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Charges |
Ressources |
Solde |
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B. - Opérations à caractère temporaire |
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Comptes spéciaux du Trésor |
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Comptes d'affectation spéciale à caractère temporaire |
1 896 354,40 |
1 116 148,42 |
- 780 205,98 |
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Comptes de prêts |
334 786 430,44 |
895 264 024,40 |
560 477 593,96 |
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Comptes d'avances |
67 154 374 790,43 |
67 565 762 533,48 |
411 387 743,05 |
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Comptes de commerce (solde) |
- 371 463 520,18 |
|
371 463 520,18 |
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Comptes d'opérations monétaires (hors FMI) (solde) |
- 109 154 539,88 |
|
109 154 539,88 |
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Comptes de règlement avec les gouvernements étrangers (solde) |
» |
» |
» |
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Totaux des opérations à caractère temporaire hors FMI (B) |
67 010 439 515,21 |
68 462 142 706,30 |
1 451 703 191,09 |
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Solde d'exécution des lois de finances hors FMI (A+B) |
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- 43 880 644 892,69 |
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Solde d'exécution des lois de finances hors FMI, hors FSC. |
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- 43 880 751 406,28 |
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2 et tableau A annexé
Le montant définitif des recettes du budget général de l'année 2004 est arrêté à 309 955 621 688,49 €. La répartition de cette somme fait l'objet du tableau A annexé à la présente loi. (1)
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 2 et du tableau A annexé.
(L'ensemble de l'article 2 et du tableau A annexé est adopté.)
M. le président. Nous passons à l'examen des articles 3 et 4 et des tableaux B et C annexés.
Article 3 et tableau B annexé
Le montant définitif des dépenses ordinaires civiles du budget général de 2004 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis par ministère conformément au tableau B annexé à la présente loi. (1)
(En euros)
Désignation des titres |
Dépenses |
Ajustements de la loi de règlement |
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Ouverturesde crédits complémentaires |
Annulationsde créditsnon consommés |
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I. - Dette publique et dépenses en atténuation de recettes |
105 576 015 642,58 |
129 480 720,90 |
1 560 035 078,32 |
II. - Pouvoirs publics |
830 658 966,43 |
» |
302 514,57 |
III. - Moyens des services |
118 668 220 508,04 |
618 261 846,70 |
412 104 443,66 |
IV. - Interventions publiques |
80 164 680 977,47 |
27 988 360,30 |
1 005 551 507,83 |
Totaux |
305 239 576 094,52 |
775 730 927,90 |
2 977 993 544,38 |
Article 4 et tableau C annexé
Le montant définitif des dépenses civiles en capital du budget général de 2004 est arrêté aux sommes mentionnées au tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme il est dit au même tableau et répartis par ministère conformément au tableau C annexé à la présente loi. (1)
(En euros)
Désignation des titres |
Dépenses |
Ajustements de la loi de règlement |
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Ouverturesde crédits complémentaires |
Annulationsde créditsnon consommés |
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V.- Investissements exécutés par l'Etat |
4 132 276 459,25 |
» |
22,75 |
VI. - Subventions d'investissement accordées par l'Etat |
14 665 230 164,49 |
» |
35,51 |
VII. - Réparations des dommages de guerre |
21 212,60 |
» |
0,40 |
Totaux |
18 797 527 836,34 |
» |
58,66 |
(1) Se reporter aux documents annexés au projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004 (n° 2428), sans modification.
M. le président. Nous allons procéder aux trois débats décidés par la conférence des présidents et portant, respectivement, sur les crédits des ministères des affaires étrangères, de l'agriculture et de la pêche et enfin, de la culture et de la communication.
Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé qu'interviendraient successivement dans chaque débat :
- le rapporteur spécial de la commission des finances, pour dix minutes maximum ;
- les rapporteurs des commissions pour avis intéressées, pour dix minutes maximum ;
- les orateurs des groupes, pour une durée n'excédant pas une heure trente, aucune intervention ne pouvant dépasser dix minutes.
Le ministre répondra en deux temps, tout d'abord aux rapporteurs puis aux orateurs des groupes.
La parole est à M. Alain Lambert, sur l'article 3.
M. Alain Lambert. Je veux dire quelques mots sur l'article 3 s'agissant de la norme de dépense, très bien évoquée par M. le rapporteur général, M. le président de la commission et M. le ministre.
Intuitivement, je sens monter, monsieur le ministre, un doute quant à l'utilité de s'en tenir à cette notion de norme de dépense à laquelle nous tenons depuis 2002. Il faut que vous persistiez de toutes vos forces, car c'est un élément décisif de crédibilité de notre pays en matière de finances publiques.
Tout à l'heure, la question a été évoquée de savoir si nous devions retenir une évolution en volume ou une évolution en valeur. Il me semble qu'il serait très intéressant de retenir une évolution en valeur. Cela nous permettrait, en effet, d'utiliser un langage compréhensible par tous nos concitoyens.
Si nous leur disons que l'Etat, producteur de services qui leur sont destinés, arrive à maintenir chaque année un niveau de services égal - voire à l'améliorer - tout en leur facturant le même prix, ils comprendront. Si, en revanche, nous exprimons l'évolution des coûts en volume, je puis vous dire qu'ils ne comprendront pas. Des expressions telles que « euro courant » ou « même prix que l'année précédente » leur parlent.
La démocratie se trouvera donc renforcée si, sans simplisme, nous savons parler le langage de nos concitoyens, leur dire que l'Etat assure les mêmes prestations, voire les améliore, année après année, au « même prix que l'année précédente ». Ce langage peut être compris par tous. Monsieur le ministre, arriver à une évolution de la norme à « zéro valeur » constituerait un excellent progrès.
Je voulais également vous demander - je ne reprendrai pas la parole avant ce soir, puisque que c'est ce soir que M. le président de la commission des finances a placé ma question orale avec débat ! - si vous évaluez la différence entre « zéro volume » et « zéro valeur » à un peu plus de 5 milliards d'euros. Si j'ai bien lu ce qu'a écrit le rapporteur général - et je parle sous son contrôle -, le déficit primaire, qui est la différence entre les dépenses et les recettes avant paiement des charges de la dette, s'élève à environ 5,8 milliards d'euros. Si nous avions pu tenir en « zéro valeur », l'équilibre primaire serait réalisé. Cela signifie que nous n'emprunterions plus pour payer les intérêts. Ce raisonnement est-il juste ? A cet égard, mes chers collègues, nous aurions bien servi l'intérêt de nos compatriotes. Cela méritait d'être souligné. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Sur le premier point, je suis tout à fait d'accord avec M. Lambert. Pour ma part, je « faisais du Lambert dans le texte » et je m'inscris dans ses pas en permanence. (Sourires.) Comme je l'avais entendu parler de « zéro volume » entre 2002 et 2004, je l'imitais. Maintenant, s'il me dit qu'il faut s'exprimer en euros constants et en euros courants, je n'y vois aucun inconvénient et l'on ne parlera plus autrement qu'en euros courants.
S'agissant du second point, son raisonnement est tout à fait exact. Nous allons y travailler ensemble. C'est d'ailleurs l'un des enjeux majeurs du prochain débat budgétaire. Cela constituera une véritable petite révolution dans le rapport des responsables politiques et des Français à la dépense publique. Expliquer que l'Etat et ses services publics, à dépenses en valeur courante maîtrisées, seront plus efficaces changera beaucoup de choses.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je voudrais remercier M. Lambert, auteur d'une excellente question orale sur la politique des transports terrestres.
Dans un premier temps, il est vrai que l'ordre du jour prévoyait que celle-ci serait examinée prioritairement, au début de l'après-midi.
J'ai protesté, étant un lecteur assidu du rapport né de la nouvelle coproduction Lambert-Migaud sur le suivi de la mise en oeuvre de la LOLF. En effet, j'ai estimé que ce serait faire insulte à ce rapport que de ne pas donner la priorité à la discussion du projet de loi de règlement.
Je vous l'avoue, j'étais las de voir inscrits les projets de loi de règlement généralement le lundi soir, vers vingt-trois heures, parce qu'ils n'intéressaient personne. Il y a un moment où il faut changer d'air, « changer de braquet », changer d'époque ! Et je me réjouis qu'Alain Lambert ait accepté de reporter la discussion de la question orale avec débat à ce soir. Cette discussion aurait peut-être pu se dérouler à un autre moment, mais M. Perben n'est pas libre jeudi matin.
Je tenais à donner ces précisions parce que ne veux pas être suspecté d'avoir de mauvaises manières à l'égard d'Alain Lambert !
Débat sur les crédits du ministère des affaires étrangères
M. le président. Nous passons au débat sur les crédits du ministère des affaires étrangères.
Dans le débat, la parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde conviendra que l'organisation d'un débat, lors de l'examen du projet de loi de règlement définitif du budget de 2004, sur les crédits d'un certain nombre de ministères gestionnaires, constitue une initiative très heureuse.
Il me revient d'évoquer les crédits du ministère des affaires étrangères.
Je voudrais indiquer d'abord que ce débat ne préfigure pas tout à fait celui que nous aurons à l'horizon 2008, dans le courant des mois de mai ou juin, comme nous l'espérons, ainsi que l'a dit tout à l'heure M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Tout à fait !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Les indicateurs de performance, pour la plupart d'entre eux, viennent à peine d'être créés au ministère des affaires étrangères. Dès lors, on le comprend, peu sont encore renseignés.
Nous ne pouvons donc pas nous livrer à une analyse des performances de la gestion 2004 du Quai d'Orsay. Mais, monsieur le ministre, votre présence annonce les rendez-vous que nous aurons pour évaluer ensemble les résultats de votre gestion, en fonction des objectifs que vous aurez soumis à notre approbation, lors de l'examen du projet de loi de finances initiale.
Je dirai tout d'abord quelques mots sur l'exécution de la loi de finances pour 2004. Ensuite, monsieur le ministre, je vous indiquerai que, s'il nous a paru souhaitable, aujourd'hui, d'amorcer l'exercice que nous aurons bientôt à effectuer lors de la pleine entrée en vigueur de la LOLF, nous voulons saluer - je commence par un compliment ! - le travail qu'ont accompli vos services dans la préparation de la mise en oeuvre de la LOLF.
Permettez-moi d'évoquer la gestion du budget pour 2004.
Le budget du ministère des affaires étrangères pour 2004 s'était établi en loi de finances initiale à 4,224 milliards d'euros, enregistrant une augmentation de 2,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003.
Le projet de loi de finances initiale pour 2004 prévoyait une pleine participation du Quai d'Orsay à l'effort de rigueur budgétaire du Gouvernement, qui s'est traduit tout d'abord, en matière d'emplois et de rémunérations, par la baisse de 4,2 % de la masse salariale entre le projet de loi de finances pour 2003 et le budget pour 2004. Cette baisse - il faut le signaler, même si la réduction de la dépense publique n'est pas une fin en soi, comme l'a illustré la discussion précédente - est liée à une diminution des effectifs - moins 116 emplois - équivalent à un taux de non-renouvellement de 46 % des départs à la retraite. Les frais de fonctionnement de l'administration centrale et du réseau ont, en outre, diminué de 2 %.
En exécution, la gestion a été moins tendue qu'au cours de l'exercice 2003 : certains mouvements des personnels ont, semble-t-il, été entendus. En tout cas, les dépenses nettes de 2004 affichent un montant de 4,264 milliards d'euros contre 3,916 milliards d'euros en 2003, soit une hausse de 8,9 %. Cela laisse à penser que la régulation budgétaire a été moins sévère en 2004 qu'en 2003. En cours de gestion 2004, 102,6 millions d'euros ont été annulés, en crédits de paiement, contre 170,8 millions d'euros en 2003.
Dans ce contexte de modération de la dépense, le ministère des affaires étrangères a mis à profit la préparation de la LOLF, au cours de ces derniers mois, pour se mettre en position de moderniser sa gestion, au service de notre diplomatie et de la place de la France dans le monde.
Le Quai d'Orsay, il me plaît de le signaler, a participé activement aux travaux préalables à l'entrée en vigueur de la LOLF : votre ministère a lancé en 2004, dans cinq pays, une expérimentation de « budget-pays LOLF » qui a permis aux ambassadeurs de tester la fongibilité asymétrique des crédits de rémunération vers les crédits de fonctionnement.
Grâce à la LOLF a été accompli, en premier lieu, un exercice de clarification des missions du Quai d'Orsay. Deux missions ont été créées : « action extérieure de l'Etat » et « aide publique au développement ».
La première, dont je suis le rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, comprend trois programmes : « action de la France en Europe et dans le monde », « Français à l'étranger et étrangers en France », et « rayonnement culturel et scientifique ». Cette mission permet, avec clarté, d'énoncer les priorités d'action des agents de votre ministère, monsieur le ministre. Nous pouvons reconnaître néanmoins qu'elle n'est pas encore parfaite, faute d'être interministérielle.
Les missions économiques, rattachées au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ne sont pas intégrées à la mission « action extérieure de l'Etat ». De la même manière, certains crédits de fonctionnement, correspondant notamment aux frais de déplacement des agents de certains autres ministères, comme celui de l'intérieur, n'y figurent pas davantage.
Sur le terrain, dans les ambassades - j'ai pu le vérifier -, ces petits défauts de conception de la mission « action extérieure de l'Etat » pourraient compliquer la tâche des gestionnaires. Le périmètre des missions n'est toutefois pas figé, et j'imagine que des ajustements seront possibles. Il faudra un jour trouver une traduction budgétaire au fait que l'ambassadeur est, à l'étranger, le responsable de l'ensemble des services déconcentrés et l'unique ordonnateur secondaire de l'Etat.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Ces ajustements pourront d'ailleurs concerner également la seconde mission qui, elle, est interministérielle. Je ne l'évoquerai que pour mémoire, car Michel Charasse en est le rapporteur spécial de la commission des finances et il fera part de ses observations au cours de la discussion du projet de loi de finances.
Je peux néanmoins remarquer que, si elle est interministérielle, cette mission comprend un programme qui est géré par le Quai d'Orsay et un second qui est géré par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ; mais elle n'est interministérielle qu'imparfaitement, car elle est loin de recouvrir de manière exhaustive l'ensemble des actions que mène la France en matière d'aide au développement. Il faut donc perfectionner le dispositif sur ce point.
Je me permettrai en outre, monsieur le ministre, de faire une remarque sur la répartition des crédits entre les deux missions, qui découle d'un contrôle sur pièces et sur place que j'ai effectué au Brésil en avril 2005.
Notre ambassadeur m'a tenu des propos qui m'ont semblé très convaincants. Il m'a expliqué que la France ne faisait pas au Brésil, à proprement parler, d'aide au développement, et que l'Agence française de développement, mis à part quelques projets très ciblés d'intérêt mondial, comme ceux qui sont liés à la protection de la forêt amazonienne, n'avait pas vocation à y intervenir. Il m'a précisé également que le Brésil, puissance économique considérable, avait vocation à gérer sa question sociale de manière indépendante, sans aide internationale.
Toute notre action culturelle et de coopération relève donc de l'influence, dans un pays d'avenir. Or, tous les crédits dédiés à la coopération et à l'action culturelle sont du ressort de la mission « aide au développement », parce que, au regard des critères internationaux édictés par le comité d'aide au développement de l'OCDE, le Brésil fait partie de la très longue liste des pays en développement. Selon moi, cela pose problème, car l'immense majorité des crédits d'action culturelle mis en oeuvre au Brésil sont bien éloignés d'une démarche d'aide au développement.
Je voudrais, en deuxième lieu, monsieur le ministre, saluer le travail accompli au Quai d'Orsay, grâce à la LOLF, en matière de recensement des effectifs. Je veux en dire quelques mots à notre assemblée.
Les effectifs budgétaires ont atteint ainsi 9293 emplois en 2004. Le recensement des effectifs réels du ministère fait apparaître, pour 2006, 16 720 équivalent temps plein. Cette différence est due, en partie, au fait que, en 2004, les recrutés locaux n'ont pas été pris en compte. Vos services se sont donc livrés à un exercice salutaire de « sincérité budgétaire »,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Enfin !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. ...qui est un préalable indispensable à une véritable gestion des ressources humaines. Comment, en effet, pouvait-on imaginer auparavant gérer des effectifs sans en connaître le nombre exact ?
Grâce à ce recensement, monsieur le ministre, vous disposez désormais des outils pour piloter vos ressources humaines. Les responsables de programme pourront ainsi réaliser les arbitrages nécessaires, par exemple dans les centres culturels, entre titulaires, contractuels, expatriés et recrutés locaux, afin d'assurer un fonctionnement des services diplomatiques, culturels et consulaires alliant excellence et coûts maîtrisés.
En troisième lieu, le même exercice a été réalisé, toujours en application de la LOLF, en ce qui concerne la gestion du patrimoine immobilier de votre ministère. Celle-ci a concentré, en 2004, les critiques justifiées de notre commission des finances et de la Cour des comptes. En effet, comment peut-on imaginer gérer un patrimoine immobilier dont on ne connaît ni le statut juridique ni l'étendue ni la valeur ?
Je ne voudrais pas revenir sur le débat qui nous avait réunis en séance publique, avec votre prédécesseur, en avril dernier. Je me félicite néanmoins que le Quai d'Orsay ait souhaité participer en 2006, comme je l'avais recommandé, à l'expérimentation des « loyers domaniaux », à Athènes notamment, afin de faciliter les arbitrages entre location et achat.
J'indique que, selon mes informations, le tableau général des propriétés de l'Etat a été actualisé en ce qui concerne les 1 708 immeubles ou terrains du ressort du ministère des affaires étrangères.
S'agissant de la valorisation de ces biens immobiliers, les réponses à mon questionnaire budgétaire soulignent que les travaux sont en cours de finalisation. Il faut reconnaître que l'exercice est difficile : comment évaluer, par exemple, la Maison de France à Rio de Janeiro, construite sur un terrain donné par l'Etat de Rio, et qui ne peut être cédé qu'à ce même Etat ?
Cet exemple illustre la spécificité du Quai d'Orsay dans la mise en place de certains instruments liés à la LOLF : la valorisation du patrimoine de l'Etat est beaucoup plus complexe à l'étranger qu'en France. Il en est de même - c'est une parenthèse - en ce qui concerne le déploiement des systèmes d'information nécessaires à la mise en place de la LOLF.
En quatrième et dernier lieu, je crois, monsieur le ministre, qu'il est très important que le travail de préparation de la LOLF débouche, comme vous l'envisagez, sur un contrat de modernisation triennal entre le ministère des affaires étrangères et le ministère du budget. Nous sommes en attente d'une stratégie budgétaire claire du Quai d'Orsay.
Lors de ma mission du contrôle au Brésil, j'ai été frappé, monsieur le ministre - je tiens à le dire ici, car cela me paraît très important -, par certains symptômes de ce qu'il faut sans doute appeler un malaise social au Quai d'Orsay.
Ce n'était certes que des impressions, mais elles étaient fortes. Beaucoup l'ont reconnu, le climat n'est pas bon, et c'est ce phénomène, très dommageable pour notre diplomatie, qui a retenu mon attention, à tel point, monsieur le ministre, que j'ai souhaité en préciser les causes.
Elles tiennent selon moi, pour faire simple, à l'écart grandissant entre les « budgétaires » et les diplomates. Ceux-ci et ceux-là, visiblement, ne parlent pas le même langage Entre les grands discours, souvent très généreux, et les moyens financiers mis à la disposition de ceux-ci, il y a un fossé qui nuit au crédit de notre diplomatie. Nous ne pourrons pas tenir longtemps un tel grand écart.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Dans les questions que se sont posées à haute voix mes interlocuteurs au Brésil, j'ai discerné une inquiétude : le Quai d'Orsay a-t-il aujourd'hui une politique ? Faut-il restreindre nos ambitions, réduire la voilure de nos postes diplomatiques ? Faut-il augmenter les crédits ?
En guise de conclusion, monsieur le ministre, je voudrais citer une phrase que j'ai lue cette semaine dans un hebdomadaire, sous la plume d'un excellent éditorialiste : « La France est-elle en train de devenir, partout où elle passe, la promesse qui ne peut être tenue ? ».
Monsieur le ministre, cette phrase me paraît mériter réflexion.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oh oui !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Il n'est pas ici question de nous désespérer, mais bien de prendre conscience de la réalité de nos moyens...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. ... afin de nous fixer des priorités, de sorte que notre action puisse être aussi efficace que dans le passé. Nous ne voulons pas renoncer à la vocation universaliste de notre pays ; nous voulons simplement que cette vocation s'exerce de manière réaliste et que les discours soient, autant que faire se peut, compatibles avec les moyens. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances de notre assemblée a souhaité rénover les modalités de discussion de la loi de règlement et voir évoquées, dans ce cadre, les modifications induites par la loi organique relative aux lois de finances dans l'organisation interne du ministère des affaires étrangères.
Cette innovation est tout à fait judicieuse, car elle permet à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées d'exprimer ses vues sur les efforts considérables qui ont été accomplis par votre administration, monsieur le ministre, pour répondre aux exigences de la nouvelle discussion budgétaire. Je suis d'autant plus heureux de vous adresser de nouveau des félicitations cette année que j'aurais dit le contraire avec la même conviction s'il l'eût fallu.
Je ne reviendrai pas sur les éléments qui viennent d'être évoqués par le rapporteur spécial de la commission des finances, mon collègue et ami M. Adrien Gouteyron, sinon pour rappeler que l'exécution du budget de 2004 a été marquée par un ajustement de 39,7 millions d'euros, en provenance du budget des charges communes, pour permettre à votre ministère de faire face à la dégradation de la situation en Côte d'Ivoire et aux opérations entreprises à la suite du raz-de-marée qui a frappé l'Asie du Sud-Est.
J'aimerais savoir quelles modalités suivront les ajustements de ce type dans le cadre de la nouvelle nomenclature budgétaire. Mais je me concentrerai sur les perspectives de réforme évoquées par celui qui était ministre des affaires étrangères à l'époque de la discussion du projet de loi de finances pour 2004 : M. Dominique de Villepin.
Celui-ci relevait alors, tout d'abord, la nécessité « de renforcer la capacité stratégique du Quai d'Orsay pour mieux définir les priorités de notre action diplomatique ». Il s'agit là d'un élément central, car la vocation universaliste de notre pays a parfois pour conséquence négative de rendre difficile la définition de quelques axes forts à privilégier. Ainsi la France se veut-elle, par exemple, tout à la fois le moteur de l'action en faveur des pays déshérités du Sud, le pôle de la francophonie, l'instigatrice d'un renouveau transatlantique et l'animatrice de bien d'autres actions tout aussi légitimes, mais qu'il est malaisé de conduire simultanément.
Cette difficulté à établir des priorités se retrouve d'ailleurs dans la densité de notre réseau diplomatique, consulaire et culturel : aucun autre pays au monde ne dispose d'un nombre aussi élevé de bâtiments divers. Nous avons ainsi 156 ambassades et 98 postes consulaires, alors que la Grande-Bretagne en a respectivement 150 et 84, l'Allemagne 145 et 52. Or le maintien en l'état, et en bon état, de ce réseau requiert des financements qui excèdent largement les capacités budgétaires du ministère des affaires étrangères.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est vrai !
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis. Restructurer ce réseau me semble la seule voie pour vous permettre, d'une part, de retrouver des marges de manoeuvres budgétaires nécessaires à toute nouvelle impulsion et, d'autre part, de dégager les crédits indispensables à l'entretien des bâtiments français à l'étranger, dont l'état parfois déplorable donne de notre pays une image qui n'est pas à la hauteur de nos ambitions.
Je relève que les crédits d'investissements immobiliers ne se montaient qu'à 42 millions d'euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances 2004, ce qui a conduit vos services à mettre en place des montages budgétaires innovants pour l'élaboration du centre des archives de La Courneuve. Cette diversification des crédits est une bonne chose, mais elle ne pourra être mise en oeuvre que dans des situations spécifiques comme celle-ci.
Cela vaut également pour les établissements d'enseignement français à l'étranger, qui peinent parfois à se mettre aux simples normes minimales de sécurité, car l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger dispose de crédits très limités pour soutenir cette action pourtant hautement indispensable.
J'aimerais également, monsieur le ministre, que vous nous présentiez l'état d'avancement du regroupement en un site unique des différentes implantations de votre ministère dans la capitale.
La nécessité de renforcer la cohérence interministérielle de notre action diplomatique était déjà évoquée lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2004. C'est dans cette perspective que le comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger devrait réaffirmer cette indispensable coordination, ainsi que le souligne le préfet Le Bris dans son récent rapport sur le fonctionnement des services de l'Etat à l'étranger. J'aimerais, là aussi, recueillir votre sentiment sur les modalités à retenir pour donner vie et substance à cette coordination, afin d'éviter que ce rapport ne rejoigne la trop longue cohorte des rapports inutiles.
Ensuite, je souhaiterais que vous nous livriez quelques informations sur les premiers résultats obtenus dans le cadre de la « stratégie ministérielle de réforme » du Quai d'Orsay. Son application s'est conjuguée aux modifications considérables de méthodes de travail induites par le passage à la discussion du budget suivant la nouvelle grille imposée par la LOLF. Vos services ont relevé ce défi avec une grande efficacité, unanimement soulignée par mes collègues et moi-même. En revanche, nous mesurons mal l'incidence que cette réforme aura sur le mode de fonctionnement de nos implantations à l'étranger, qu'elles soient diplomatiques, consulaires ou culturelles. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point, à l'aide de quelques exemples concrets ?
J'en viens maintenant à l'aide au développement. Ma collègue Mme Brisepierre exprime souvent l'inquiétude que lui inspire la part croissante prise par les financements multilatéraux qui s'imputent sur ces crédits. Non que les actions menées par les institutions qui en sont bénéficiaires, tel le Fonds européen de développement, soient sans intérêt, loin de là, mais les rigidités induites par ces financements croissants et obligatoires obèrent nos capacités d'action dans le domaine bilatéral, alors qu'elles doivent être préservées.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Très bien !
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis. Vous savez, tout comme moi, que seule l'aide bilatérale permet une claire visibilité politique de notre action...
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Eh oui !
M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis. ...et qu'elle confère la nécessaire souplesse d'adaptation requise par les situations de crise. Mes collègues Adrien Gouteyron et Michel Charasse viennent de le démontrer une nouvelle fois à travers l'analyse des difficultés alimentaires rencontrées par les populations au sud du Niger.
Je voudrais également évoquer, reprenant ainsi des éléments que j'avais déjà mis en relief dans mon avis sur le budget de 2005, l'augmentation des coûts imputables à la multiplication des opérations de maintien de la paix, les fameuses OMP.
Il s'agit là de contributions obligatoires versées par notre pays, dont la croissance reflète hélas celle des situations de crise dans le monde. Ainsi, en 2005, la France s'est-elle une nouvelle fois engagée aux niveaux diplomatique et financier dans le règlement de la crise du Darfour, au Soudan, suscitant un nouveau besoin de financement d'environ 80 millions d'euros.
Certes, l'ONU joue pleinement son rôle lorsqu'elle met en oeuvre de telles opérations, mais il importe de souligner que les difficultés inhérentes à la sortie des crises conduisent parfois à une prolongation excessive de certaines opérations.
Cette rigidité - imputable à la difficulté des décisions collectives - réduit mécaniquement les financements disponibles pour d'éventuelles nouvelles urgences et ampute d'autant les sommes disponibles pour nos contributions obligatoires aux diverses agences de l'ONU. Ainsi les contributions françaises aux opérations de maintien de la paix sont-elles passées de 52 millions d'euros en 1998 à plus de 200 millions en 2004.
Il s'agit là d'un problème complexe, et j'aimerais que vous nous indiquiez quelques pistes pour sortir d'une situation si contrainte.
En conclusion, monsieur le ministre, je voudrais vous exprimer ma confiance dans votre action, car les propos que vous avez tenus lors de la dernière conférence des ambassadeurs démontrent votre volonté de poursuivre la modernisation de notre outil diplomatique. J'ai notamment relevé avec intérêt votre projet de conclure avec le ministère des finances un « contrat de modernisation » qui permettrait en particulier aux agents du ministère des affaires étrangères de bénéficier des efforts de productivité qu'ils ont déjà réalisés et qu'ils poursuivent avec constance.
Monsieur le ministre, vous avez une tâche importante à accomplir. Beaucoup a été fait depuis 2004, et je suis confiant dans votre capacité et celle de l'ensemble des agents du Quai d'Orsay à mener à bien l'oeuvre de modernisation de notre action diplomatique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie d'avoir bien voulu m'inviter à participer à votre important débat.
La réforme de l'Etat est un devoir impératif. La discussion du projet de loi de règlement constitue certainement une occasion de vérifier la pertinence des pistes que nous devons explorer et, surtout, d'apprécier les ressources que la LOLF nous apportera.
Je vous propose, à partir des remarques que vous avez formulées, d'examiner quelques points saillants de l'exécution, sous le régime de l'ordonnance de 1959, de la dépense en 2004, avant d'évoquer la mise en oeuvre de la LOLF au ministère des affaires étrangères.
MM. Gouteyron et Branger ont évoqué la situation budgétaire des opérations de maintien de la paix des Nations unies et, de manière plus générale, la situation budgétaire de nos contributions obligatoires à l'ONU.
MM. les rapporteurs ont raison : ces dépenses représentent un poids considérable et croissant dans le budget du programme « action de la France en Europe et dans le monde », soit plus de 60 % en 2005, hors dépenses de personnel.
En 2004, le chapitre 42-31 a été abondé en loi de finances rectificative de 25,4 millions d'euros pour faire face à la hausse de nos contributions aux OMP. Cette situation se reproduira en 2005.
L'année 2004 a vu l'introduction d'une distinction entre les contributions obligatoires inscrites à l'article 11 du chapitre 42-31 et les contributions versées par la France au titre des OMP inscrites à l'article 12. C'était un pas vers plus de transparence.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Ainsi, dès 2004, la hausse des OMP a été plus forte et a entraîné des mouvements à l'intérieur du chapitre, conséquence de l'engagement plus important de la communauté internationale en faveur du maintien de la paix. Cela devrait se traduire par de nouvelles dépenses en 2005 et en 2006, notamment en raison de l'opération conduite au Soudan pour faire face à la crise du Darfour
On le constate : ces dépenses sont bien réelles, mais leur évaluation précoce reste malaisée.
Sous le régime de l'ordonnance de 1959, il s'agissait de crédits provisionnels. Leur transformation en crédits limitatifs sous le régime de la LOLF nous oblige à les budgéter de la manière la plus rigoureuse et précise possible.
A cette fin, la distinction entre les articles du chapitre 42-31 a été reconduite et renforcée par la création de deux actions séparées au sein du programme 105 : la régulation de la mondialisation pour les contributions au fonctionnement des Nations unies et la contribution à la sécurité internationale pour les opérations de maintien de la paix. Ce sont deux actions bien distinctes.
Ces actions sont ensuite réparties en sous-actions selon les monnaies de règlement : dollar, euro ou franc suisse. La présentation y gagne en clarté, mais l'exercice de prévision devient encore plus délicat.
C'est pourquoi le contrat de modernisation en cours de finalisation avec le ministère du budget prévoit le regroupement de ces contributions sur un seul budget opérationnel de programme et leur « rebasage » rapide ; je pense que cela recueillera l'approbation de M. Arthuis.
Il convient, enfin, de signaler qu'un plafond semble avoir été atteint cette année : les capacités contributives des Etats, tant financières que militaires, ne sont pas illimitées et une stabilisation du montant des opérations de maintien de la paix est peut-être en vue.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Je vous en prie, monsieur le président de la commission des finances.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Adrien Gouteyron a évoqué ce point particulier : allons-nous vers l'inscription en loi de finances initiale des dépenses effectives ?
Chaque année, ce constat d'une dérive entre la somme que l'on inscrit et celle que l'on va devoir payer - alors que l'on en connaît parfaitement le montant -, est un facteur d'insincérité budgétaire.
La loi de finances pour 2006, telle que vous l'avez préparée, permet-elle l'inscription des crédits réels ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. C'est exactement ce que je m'efforce de faire de manière graduelle, afin d'introduire progressivement de la sincérité dans ce budget.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ça veut dire quoi « progressivement », monsieur le ministre ?
M. Yves Pozzo di Borgo. Ne peut-on le faire brutalement ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Manifestement, il faut beaucoup plus de clarté et de transparence. Prenez le Fonds européen de développement : la contribution de la France à ce fonds illustre le problème posé par les financements multilatéraux et bilatéraux.
Faisons de l'aide multilatérale, mais envisageons toujours très clairement, dès le départ, notre capacité d'action bilatérale. Ne rognons pas sur les budgets de notre aide bilatérale, faute de quoi il en résultera une forme d'insincérité, et je remercie M. Branger de l'avoir souligné.
Permettez-moi, maintenant, de reprendre le fil de mon propos.
Le contrôle que nous nous devons d'exercer, le plus en amont possible, sur la définition des opérations de maintien de la paix et leur budgétisation sera également renforcé, en liaison, si c'est envisageable, avec d'autres grands contributeurs européens.
En ce qui concerne les transferts en provenance des charges communes, ils se sont élevés pour l'année 2004 à 39,7 millions d'euros.
Si l'on met de côté une contribution à la réparation des dommages liés aux manifestations qui se sont déroulées en Suisse à l'occasion du sommet du G8, ces dépenses nous renvoient à la gestion des crises, activité éminemment régalienne et plus spécifiquement consubstantielle au ministère des affaires étrangères ; je pense au rapatriement des Français de Côte d'Ivoire et aux premiers versements volontaires réalisés par la France aux grandes agences des Nations unies après le tsunami qui a touché l'Asie.
Contrairement à d'autres diplomaties, qui ont pu faire l'objet de critiques sur le plan national, le ministère des affaires étrangères a toujours su se mobiliser dans l'urgence et couvrir, sur ses crédits, le financement des premières décisions qui s'imposaient. C'est évidemment l'un des bénéfices de la taille de notre réseau diplomatique.
Les moyens du ministère étant ce qu'ils sont, des crédits en provenance des charges communes ont toutefois dû être mobilisés rapidement.
En ce qui concerne la Côte d'Ivoire, un premier arrêté, en date du 24 novembre 2004, a permis de dégager 2,3 millions d'euros pour les opérations de rapatriement aérien, puis un décret du 7 décembre a couvert 1,67 million d'euros de dépenses accidentelles liées à la mise en oeuvre des opérations de regroupement et d'accueil.
Pour le tsunami, c'est un décret pour dépenses accidentelles du 30 décembre qui a permis de réaliser, pour un montant de 15 millions d'euros, les premiers dons de la France aux victimes via, notamment, le HCR, l'UNICEF et l'Organisation mondiale de la santé.
Sous le régime LOLF, il appartiendra évidemment aux chefs de programme de faire face aux crises en proposant au ministre les premiers arbitrages qui leur paraîtront nécessaires : abandon d'opérations moins prioritaires ou dégel de crédits sur la réserve légale de début d'année.
On le constate d'emblée, le choix sera plus facile pour des programmes essentiellement dotés en crédits d'intervention, comme le programme « solidarité à l'égard des pays en développement », que pour des programmes dotés presque uniquement en fonctionnement, comme le programme « Français à l'étranger ».
Ce point offre sans doute matière à réflexion : si cette gestion des crises devait être renvoyée au Parlement, la rapidité nécessaire à l'action appellerait des procédures d'information ou d'autorisation nouvelles. C'est aux commissions des finances des deux assemblées qu'il revient d'explorer cette voie.
Au Pakistan, le jour même de la catastrophe, nous avons dépêché une équipe de sécurité civile ; quarante-huit heures après, nous avons envoyé un avion et quarante-cinq médecins urgentistes du service de santé des armées, avec du matériel chirurgical ; dans la soirée, nous avons expédié 90 tonnes de matériels prélevés sur les stocks du ministère des affaires étrangères, de la Croix-Rouge et des organisations non gouvernementales.
Il faudra bien que le Parlement fasse également preuve d'une certaine réactivité. Je suis persuadé que, ensemble, nous y parviendrons.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il faut avoir des provisions !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Je conclurai sur ce premier point en évoquant le gel de crédits opéré en 2004.
C'est la première fois, et je m'en félicite, que ce gel de crédits est moins important d'une année sur l'autre : 102,6 millions d'euros de crédits de paiement ont été annulés en 2004, contre 170,8 millions d'euros en 2003, et 46,5 millions d'euros d'autorisations de programme ont été annulés en 2004, contre 91,7 millions d'euros en 2003.
Je me réjouis également des nouvelles dispositions introduites par le Parlement dans la LOLF en juillet dernier. Elles amélioreront la transparence et la qualité de gestion en matière de mise en réserve.
Il convenait, en effet, de briser le cercle vicieux du déficit anticipé sur les crédits provisionnels, qui amenait, dès le mois de janvier, des régulations de 15 à 20 % sur les autres chapitres, de manière à constituer un gage pour une éventuelle loi de finances rectificative.
A propos de la mise en oeuvre de la LOLF, messieurs les rapporteurs, vous avez fait mention de la capacité stratégique du ministère des affaires étrangères, de son rôle de coordination de notre action à l'étranger. J'y suis naturellement sensible.
M. Branger a évoqué le comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger. Pour ma part, j'ai l'intention de proposer au Premier ministre la convocation prochaine de ce comité - la première depuis huit ans - afin d'étudier la mise en oeuvre des principales propositions de M. le préfet Le Bris, notamment, monsieur Gouteyron, celles consacrées au redéploiement de notre réseau et au meilleur pilotage de l'action extérieure de l'Etat.
Vous le savez, la taille du réseau consulaire et celle du réseau culturel ont fait l'objet d'actions énergiques ces dernières années. Le fait est que ces implantations ont diminué de 7 % en cinq ans. Seule demeure inchangée la taille de notre réseau diplomatique, dont nous considérons qu'il est un outil stratégique pour la France. D'autres pays ont fait le choix de diminuer leur réseau diplomatique. Selon moi, ils ne réitéreraient pas ce choix aujourd'hui.
L'essentiel, à l'heure actuelle, est donc d'avoir une vision claire, globale et hiérarchisée de nos actions internationales, et de disposer d'une évaluation de leur efficacité. La LOLF constitue une formidable opportunité en ce sens.
L'architecture des missions et des programmes s'accompagne encore d'une grande dispersion des actions et des sous-actions, et pas seulement en matière économique. C'est ainsi que, au-delà des trois programmes de la mission Action extérieure de l'Etat, ce sont en fait vingt-sept programmes qui comportent des crédits concourant à cette action.
Ce recensement figure dans le document de politique transversale que j'aurai également l'honneur de vous présenter, mesdames, messieurs les sénateurs, et que j'ai voulu complet et fidèle. Ce document de politique transversale retrace l'ensemble de l'action extérieure de l'Etat, au-delà des frontières de compétences administratives et des rubriques budgétaires.
Un second document de politique transversale sur l'aide publique au développement vous sera également présenté.
Il me paraît important que ces documents soient vus et exploités comme des pistes nouvelles tendant à la réforme de l'Etat. C'est en tout cas dans cette optique qu'ils ont été élaborés par le ministère des affaires étrangères.
La stratégie ministérielle de mise en oeuvre de la LOLF a privilégié la recherche de solutions simples, notamment à l'échelon de l'administration centrale : seulement douze budgets opérationnels de programme pour quatre programmes ; divers ajustements de structures à la direction générale de l'administration et de la fonction publique, à la direction générale de la coopération internationale et du développement, à la direction des Français de l'étranger et des étrangers en France ; ils devraient être publiés d'ici à la fin de l'année ; enfin, et surtout, un partenariat renouvelé et approfondi avec la comptabilité publique, qui nous a orientés vers des expériences novatrices, comme celle du service facturier unique.
En fait, et certains d'entre vous ont soulevé la question, c'est l'impact de la LOLF sur les ambassades qui demeure un sujet d'appréhension, et d'abord parce que l'existence de programmes définis selon les politiques mises en oeuvre, mais ne communiquant pas budgétairement entre eux, pourrait amener à un cloisonnement au sein même des ambassades. Je fais bien sûr confiance aux ambassadeurs pour articuler et faire coexister les programmes. Néanmoins, je ne sous-estime pas les difficultés qu'ils pourront rencontrer, surtout au cours de cette première année, car la gestion au quotidien sera éventuellement compliquée.
S'il n'y a à l'étranger que des unités opérationnelles, les budgets opérationnels de programme étant réservés à l'administration centrale, ces unités ne seront alimentées en crédits que par des voies informatiques longues, par le truchement des systèmes déconcentrés de la comptabilité publique.
A cette fragilité informatique s'ajoute, dans bien des postes, une fragilité en ressources humaines, monsieur Gouteyron. Si un effort de formation sans précédent est entrepris depuis septembre - effort dont l'initiative a été prise en juillet, à l'occasion de la première réunion jamais réalisée des chefs de service administratifs et financiers, et que j'ai tenu à présider personnellement -, il est toutefois évident que la disponibilité très tardive des nouveaux systèmes - on parle de décembre pour Accord LOLF - ne simplifie pas les choses.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Dans cette optique, le maintien de gestions séparées pour tous les ordonnateurs secondaires délégués de l'Etat à l'étranger me paraît singulièrement anachronique : tenir autant de comptabilités séparées, devenues plus complexes dans le cadre du nouveau plan comptable, et ce uniquement pour des crédits de fonctionnement que chaque administration s'entête à vouloir gérer par-devers elle, constitue un défi au bon sens. Je ne vois pas ce que la gestion des quotes-parts de téléphone, de chauffage ou de gardiennage ajoute à la compétence d'un chef de service spécialisé.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous avez raison !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Il est donc grand temps de généraliser, comme le Premier Ministre nous y a au demeurant invités lors de la conférence des ambassadeurs, les expériences de services administratifs et financiers uniques pour regrouper et gérer les dépenses de fonctionnement de l'Etat à l'étranger.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. J'ai lu attentivement les avis et propositions de MM. Charasse et Gouteyron sur la situation au Niger. Leur rapport est utile en vue de nous inciter à mettre à l'avenir tout en oeuvre pour éviter de passer de l'insécurité au drame.
J'ai tenu à me rendre moi-même au Niger, d'abord, puis à Genève, au siège de l'UNICEF, le 13 août, pour prendre la mesure de la situation.
Je tiens, depuis cette tribune, à vous remercier, messieurs, du jugement positif que vous portez sur l'action de mon département et des agents qui se dévouent face à de telles situations d'urgence. Le constat que vous tirez de leur action est connu des agents : c'est un encouragement dont ils mesurent le prix.
L'impact de cette crise alimentaire qui a touché l'ensemble de la bande sahélienne et a particulièrement frappé le Niger, deuxième pays le plus pauvre du monde, a montré l'insuffisance patente des structures sanitaires et des réseaux d'approvisionnement. C'est la raison pour laquelle la France, depuis plusieurs années, consacre un effort particulier au Niger, dont elle est, de loin, le premier bailleur bilatéral.
Mais un autre devoir nous incombe : celui d'améliorer nos mécanismes d'alerte précoce. La crise n'était pas imprévisible. Cependant, le dispositif national de prévention et de gestion a été dépassé et n'a pu remplir pleinement son rôle. Il faut mobiliser davantage la communauté internationale pour que, au Niger et ailleurs, nous aidions nos partenaires à se doter de tels systèmes ou à les renforcer.
La crise du Niger a mis en évidence le lien étroit existant entre développement et sécurité.
J'ai évoqué au début de cette intervention les dépenses liées aux opérations de maintien de la paix. Pour conclure, je voudrais évoquer un chiffre. En 2005, le monde consacrera environ 4,7 milliards de dollars au financement d'opérations de maintien de la paix sur le continent africain. A ce titre, la contribution française représente près de 220 millions d'euros, soit plus que l'enveloppe totale des crédits de paiement du Fonds de solidarité prioritaire. Il nous faut cesser de considérer que l'enlisement des crises est une fatalité africaine. Les Etats doivent travailler ensemble pour accélérer la sortie de conflits sur ce continent et consacrer plus de moyens à son développement. C'est là le devoir mais aussi l'intérêt bien compris de la communauté internationale.
M. Gouteyron s'interroge sur la politique du ministère des affaires étrangères quant à la taille de notre réseau, c'est-à-dire en fait sur la compatibilité entre nos ambitions et nos moyens.
Je tiens à dire ici que notre réseau est un atout pour notre pays, un vecteur d'influence, un outil d'information dont nous profitons tous. Cela n'empêche pas de considérer que des redéploiements et des fermetures sont éventuellement nécessaires, de manière à mieux cibler notre présence culturelle et consulaire. Monsieur Gouteyron, je me permets de vous rappeler que, en trois ans, six postes consulaires ont été fermés en Europe ; d'autres opérations sont prévues.
La modernisation de notre réseau diplomatique, qui a été entamée sous la conduite de Jean-Pierre Raffarin, que j'ai le plaisir de saluer ici, se poursuivra sous celle Dominique de Villepin.
Cette modernisation doit s'articuler autour de deux actions.
Sur le plan culturel, scientifique et technique, nous pouvons nous inspirer de l'exemple britannique : nous devons rechercher une lisibilité et une visibilité de l'action à l'extérieur semblables à celles qu'offre le British Council, quand nous péchons trop souvent par un excès de dispersion et par une insuffisante identification.
Par ailleurs, nous devrions pouvoir mettre en place une structure qui conduirait à la fois les actions de santé et les actions de développement. Tout ce que nous faisons dans le domaine de la santé publique ne constitue-t-il pas un grand facteur de développement dans le monde, en particulier en Afrique ? C'est là une réflexion que nous devons mener ensemble.
M. Branger a notamment évoqué le tsunami. A ce sujet, je lui indique que nous avons manifesté une réaction immédiate de secours aux victimes par un décret d'avance de 15 millions d'euros signé le 30 décembre. La somme a été versée le 31 décembre sous forme de contribution volontaire à des organisations multilatérales.
S'agissant du site unique, je lui précise que le ministère des affaires étrangères occupe actuellement 53 000 mètres carrés utiles, répartis en onze sites : huit en propriété, trois en location. Cette situation est certes une source de dépenses inutiles, de dysfonctionnements, d'inconfort pour les personnels. Une mission de pilotage du regroupement a été installée pour mener, avec l'appui d'un « programmiste », les études nécessaires. A ce jour, plusieurs sites sont identifiés, mais aucun ne répond aux spécifications du dossier. Celui-ci reste donc à l'étude.
Mesdames, messieurs les sénateurs, merci de vos réflexions. Pour conclure, je me contenterai de vous rappeler que le réseau du ministère des affaires étrangères est probablement, avec ceux du Département d'Etat américain et du Foreign Office britannique, un des meilleurs réseaux diplomatiques du monde. Nous devons savoir le conserver et le défendre, car c'est, pour la France, une source de renseignements de première importance. Je vous remercie de me permettre de contribuer à la préservation de cet instrument stratégique majeur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je tiens à remercier M. le ministre des affaires étrangères d'avoir d'emblée répondu à mon souhait en acceptant de venir, à l'occasion de la discussion de ce projet de loi de règlement, rendre compte au Sénat de la gestion de son ministère pour l'année 2004.
Vous nous permettez ainsi, monsieur le ministre, de démontrer que la discussion du projet de loi de règlement en présence des ministres gestionnaires nous offre la possibilité de préparer, en quelque sorte, l'examen du projet de loi de finances initiale pour l'année à venir.
Au nom de la commission des finances, je veux dire au Gouvernement combien nous souhaitons que, désormais, au printemps, nous puissions consacrer au moins une semaine à l'examen des projets de loi de règlement.
L'autorité de la France dans le monde dépend certes de son réseau diplomatique, mais la concrétisation de cette autorité dépend de l'équilibre de ses finances publiques. Nous serons mieux écoutés lorsque nous aurons les moyens de faire face à nos engagements internationaux. Imaginez la peine de ceux d'entre nous qui se rendent dans nos postes à l'étranger lorsqu'ils entendent un ambassadeur leur expliquer qu'il prend des engagements au nom de la France, mais que, au moment de liquider ces derniers, les crédits ne sont pas disponibles. Il y a là comme une dichotomie entre la parole et la capacité d'agir, et je doute que nous y gagnions en crédibilité.
J'ai bien entendu votre appel, monsieur le ministre, et je vous garantis le total appui de la commission des finances pour, en tant que de besoin, mobiliser les moyens nécessaires lorsque survient un cataclysme comme le tsunami qui a frappé l'Asie du Sud-Est ou le tout récent tremblement de terre qu'ont subi le Pakistan et le nord-ouest de l'Inde. Mais vous serez sage aussi de prévoir dans votre budget les provisions nécessaires. Nous devons cesser de nous raconter des histoires et de laisser courir un certain nombre de dépenses pour ne pas avoir à provisionner, parce que la couette ne tient pas dans la valise !
A l'occasion, tirant les conséquences de cet échange, Adrien Gouteyron et moi-même vous proposerons peut-être des amendements dès l'examen du projet de loi de finances pour 2006, notamment pour faire en sorte qu'il y ait une vraie sincérité dans l'inscription des dépenses incontournables qui correspondent à des engagements internationaux.
J'ai par ailleurs bien noté les difficultés inhérentes à l'absence de système comptable digne de ce nom. Nous continuons à faire fonctionner de vieux systèmes. La commission des finances en est consciente et s'impatiente de voir mis en place, avec le Palier 2006, un système d'information budgétaire, comptable et financière digne de la LOLF.
Encore une fois, merci, monsieur le ministre, d'être venu ce soir débattre avec nous. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Si je me crois autorisé à intervenir en cet instant, c'est parce que M. le président de la commission des finances a estimé qu'un peu de réactivité et d'interactivité dans ce débat n'était pas une mauvaise chose. Je vais donc, moi aussi, réagir brièvement à un passage de votre réponse, monsieur le ministre, car je ne voudrais pas qu'il y ait entre nous le moindre malentendu.
Je n'ai pas limité mon propos au réseau diplomatique. Ce que j'ai voulu dire, mais peut-être mal dit, c'est que votre ministère et, par conséquent, vos agents gagneraient à ce que la politique de ce ministère soit très nettement définie. La définition d'une politique implique nécessairement des choix, des choix sectoriels sans doute, des choix géographiques aussi. Cette lisibilité me paraît absolument indispensable non seulement, c'est évident, au bon fonctionnement du réseau diplomatique, mais aussi aux parlementaires, de façon que ceux-ci puissent exercer pleinement leur mission de contrôle sur la gestion des crédits affectés au Quai d'Orsay, comme aux autres ministères.
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. A mon tour, je tiens à remercier le président de la commission des finances de nous avoir permis, par l'initiative qu'il a prise, de nous livrer avant l'heure à un exercice novateur et susceptible de redonner au Parlement un peu du pouvoir qui est le sien en matière de contrôle budgétaire.
L'examen du projet de loi de règlement visera en effet, à terme, c'est-à-dire dès le débat que nous aurons en 2007 concernant l'exécution budgétaire de 2006, à analyser la dépense effective ministère par ministère et à utiliser ainsi les nouveaux outils qui nous sont offerts par la mise en oeuvre de la LOLF, à savoir les objectifs et les indicateurs de résultats. Il me semble dans l'ordre des choses que chaque ministre puisse venir devant le Parlement rendre compte de sa gestion.
Au regard de la nature de la loi de règlement, je suis satisfait que cet exercice ait enfin lieu sous sa forme développée. D'ailleurs, dans les collectivités locales, l'examen du compte administratif est un moment important et donne lieu à de nombreux débats. J'espère en tout cas que les parlementaires parviendront à « s'approprier » ce nouveau format, qui vise d'abord à leur permettre enfin d'exercer le pouvoir qui est le leur en matière de contrôle des dépenses.
Dès lors, il me semble nécessaire que, dans le cadre d'une discussion mission par mission, la vérification sur pièces et sur place ne soit pas réservée aux seuls membres de la commission des finances et qu'une réforme de notre règlement intérieur donne à chaque parlementaire la possibilité de procéder à une telle vérification. C'est toute une énergie parlementaire que nous pourrons ainsi réveiller.
Mais j'en viens au sujet qui nous occupe directement aujourd'hui. Mon propos portera sur deux points : les crédits dont a bénéficié le ministère des affaires étrangères en 2004, d'une part, l'application de la LOLF à ces mêmes crédits, d'autre part.
En 2004, le budget des affaires étrangères a augmenté de 2,61 %. Dans ce ministère, comme dans les autres, un effort réel a été accompli afin que les dépenses n'augmentent pas, et, disant cela, je pense plus particulièrement à la masse salariale.
Cependant, le ministère des affaires étrangères, tout en conservant les priorités qui sont les siennes, dispose encore d'importantes possibilités pour se réformer. De plus, raisonnablement, il ne me semble pas qu'une stabilisation de la dépense en volume soit suffisante compte tenu de l'état général de nos finances ! Quand comprendrons-nous enfin que, à recettes constantes, nous ne diminuerons pas la dette sans réduire la dépense ?
Je ne reviendrai pas sur le débat que nous avons eu voilà quelques mois dans cette enceinte concernant la gestion du patrimoine du ministère des affaires étrangères. Mais on voit bien que des économies d'échelle sont possibles, notamment en ayant recours aux financements nouveaux et en rationalisant notre réseau diplomatique dans le monde, plus particulièrement en Europe. Je pense que la LOLF nous aidera à y voir plus clair s'agissant de la rationalisation des moyens mis à la disposition de notre diplomatie et nous permettra d'optimiser l'utilisation de ces derniers en les rapprochant des enjeux et des objectifs inscrits dans chacune des missions. Monsieur le ministre, des efforts sont-ils prévus dans ce sens ?
En ce qui concerne la nouvelle architecture budgétaire, comme l'avait souligné la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 2003, la création de la mission « action extérieure de l'Etat » et de la mission « aide publique au développement » introduit une distinction artificielle au sein de l'action de l'Etat à l'étranger, sans doute à cause de l'ancien programme « aide économique et financière au développement », qui dépendait de Bercy. Cette distinction ne doit cependant pas être un obstacle à l'harmonisation des objectifs des deux programmes, notamment en termes de structuration des programmes en actions.
Quoi qu'il en soit, nous souhaitons vivement que cette nouvelle architecture puisse évoluer et faire preuve d'adaptation.
Pour conclure, je souhaite revenir sur un sujet qui tient très à coeur aux membres de l'UDF - je sais d'ailleurs que vous y êtes également sensible, monsieur le ministre -, celui de l'Europe.
L'Europe ne possède pas de mission à proprement parler, mais il ne faut pas s'en désintéresser au motif que les Français ont rejeté le projet de Constitution.
Les crédits de participation de la France au budget européen ne constituent pas une mission à part entière, sans doute parce que l'Europe, c'est aussi la France, que la politique européenne, c'est aussi la politique intérieure, et que les missions incombant aujourd'hui à l'Europe concernent tous les domaines. Par conséquent, si nous voulons une Europe forte, capable d'agir à la hauteur de ce nous attendons d'elle, nous devons aussi en tirer les conséquences budgétaires, notamment en augmentant le nombre de missions actuellement dévolues à l'Etat et en les mutualisant à l'échelle européenne. Plusieurs pistes sont à explorer en ce domaine. Cela ne signifie pas pour autant que la France doit délivrer un blanc-seing aux institutions européennes ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un peu plus de 4 milliards d'euros, soit 1,5 % du budget de l'Etat, les crédits des affaires étrangères ne représentent pas un poids budgétaire majeur, mais leur utilisation et les réformes opérées par le Quai d'Orsay sont exemplaires du point de vue de l'esprit de la réforme budgétaire en cours.
Le choix du budget des affaires étrangères pour l'examen du projet de loi de règlement définitif du budget de 2004 est également pertinent dans la mesure où, contrairement à 2003, les crédits de 2004 n'auront connu aucune régulation dans leur exécution. Il faut rendre ici hommage à l'impulsion personnelle donnée par le Président de la République, qui, par une lettre de mars 2004, l'avait demandé, eu égard à la crise qu'avait connue l'administration du Quai d'Orsay à la fin de 2003.
Le ministère des affaires étrangères a su conduire une véritable politique de réorganisation au service d'une stratégie, qui, elle, reste encore à confirmer. L'année 2004 est sur ce point une année charnière, puisque le plan d'aménagement du réseau pour les années 2004 à 2007 a été adopté au mois de février de la même année.
Tout d'abord, la bonne gestion du ministère apparaît dans la maîtrise des emplois avec la suppression de 116 emplois budgétaires en 2004 et de 106 en 2005, l'objectif étant, de 2004 à 2007, 248 emplois de fonctionnaires en moins et 99 emplois de recrutés locaux.
Il faut le rappeler, le ministère des affaires étrangères est l'un des seuls ministères à respecter la règle d'un remplacement pour deux départs à la retraite, avec une mise en pratique d'une politique de résultat concrétisée par une meilleure gestion des effectifs et des moyens.
Cette réduction de l'emploi public se justifie par l'intégration progressive des nouvelles technologies, qui permettent de travailler vite, en réseau et en direct. L'effort est manifeste à tous les niveaux : il va du développement de l'administration électronique vis-à-vis des citoyens à l'utilisation du courriel sans intermédiaire par un nombre croissant de nos ambassadeurs.
Dans ce contexte de réduction de postes budgétaires, on comprend d'autant plus mal la création, en 2004, de trois postes d'ambassadeurs en mission, à savoir, le 29 janvier, d'un ambassadeur chargé de la lutte contre le VIH-SIDA et les maladies transmissibles, le 25 juin, d'un ambassadeur chargé de questions économiques internationales et, le 26 juillet, d'un ambassadeur en mission, Haut représentant pour la sécurité et la prévention des conflits. Qui plus est, nous manquons d'informations sur le contenu de ces fonctions et les activités qui y sont liées ! Cela nous semble tout à fait contradictoire avec l'esprit de la LOLF.
Ensuite, l'année 2004 a vu la poursuite de la rationalisation de notre réseau diplomatique et consulaire. Sur le fond, et dans un esprit d'intégration européenne, affirmer que les consulats situés à l'intérieur de l'Union devront disparaître à terme et que les ressortissants communautaires pourront s'adresser directement aux administrations du pays d'accueil serait un moyen majeur de faire vivre la citoyenneté européenne.
Nous nous targuons de gérer le deuxième réseau diplomatique après celui des Etats-Unis. Hélas ! nos ambassadeurs, en particulier ceux qui sont en poste dans les pays qualifiés, par commodité, de « petits pays », manquent souvent de moyens. Certains éprouvent même des difficultés à honorer leurs factures, comme l'a rappelé M. le président de la commission des finances.
Cette situation donne une image contre-productive de notre pays et interdit toute efficacité à nos ambassadeurs. Il conviendrait donc d'avoir des « ambassades-centres » qui regrouperaient plusieurs pays. Ce dispositif permettrait non seulement de réaliser des économies, mais nous amènerait également à définir des stratégies régionales.
En 2004, le Département a également su innover en conduisant des expériences de préfiguration de la LOLF. L'effort de clarification quant à la bonne utilisation des fonds publics est évident et apporte l'espoir d'une optimisation de la dépense dans ce ministère.
La modestie des crédits - 64,25 millions d'euros dans la loi de finances initiale -, ayant fait l'objet d'une expérimentation préfigurant la mise en oeuvre de la LOLF, ne doit pas restreindre l'intérêt de l'expérience ; la dynamique a été enclenchée, puisque ce montant a presque triplé l'année suivante.
Je retiendrai deux exemples.
Le premier a trait à l'apport de la LOLF en termes de comptabilisation des emplois. Ainsi, il suffit de comparer les 16 720 emplois en « équivalent temps plein » par rapport à la notion d'emplois budgétaires, soit 9 293, dont près de 4 000 dans l'administration centrale. Nous quittons une gestion purement administrative pour nous rapprocher enfin de la réalité.
Mon second exemple concerne la responsabilisation des chefs de poste à qui l'on a confié une enveloppe globale de gestion de l'ambassade, mais également des consulats.
Conduite dans cinq pays en 2004, cette expérimentation d'une « logique-pays » a été satisfaisante, car elle a permis une meilleure vision globale de notre action. Parallèlement, dans une dimension purement conforme à la LOLF, les ambassadeurs ont pu expérimenter la fongibilité asymétrique entre crédits de rémunération et crédits de fonctionnement. Dans la réalité, celle-ci a été limitée et elle a essentiellement occasionné une fluidité des redéploiements entre les personnels, avec aussi une fiabilité incitative, et non un recyclage de crédits de rémunération en crédits de fonctionnement. Cependant, cette expérimentation démontre la volonté d'une mise en oeuvre du principe d'efficacité maximale de la dépense publique.
Pour l'avenir, j'espère que le Gouvernement acceptera de modifier les conditions de discussion du projet de loi de règlement définitif du budget dès 2006, notamment en prévoyant son examen avant le débat d'orientation budgétaire pour 2007. C'est en analysant l'exécution des budgets précédents de manière dynamique et non descriptive que nous réussirons à tirer le meilleur parti de chaque euro dépensé, pour notre diplomatie comme pour l'ensemble des ministères.
Monsieur le ministre, je vous remercie de vous être engagé à une plus grande rationalisation et à plus de lisibilité. Si l'argent des Français est mieux utilisé, cela donnera l'opportunité à nos compatriotes de bien prendre conscience de la très haute qualité de notre diplomatie. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur Pozzo di Borgo, il est vrai que la LOLF éclaire la variation des crédits. D'abord, la mission « aide publique au développement » augmente. Ensuite, la mission « action extérieure de l'Etat » diminue, malgré la part importante des contributions obligatoires.
Monsieur de Montesquiou, je le répète, il est prévu la fermeture de six postes consulaires sur trois ans. Je souhaite d'ailleurs poursuivre dans cette voie, puisque onze suppressions doivent intervenir d'ici à 2008.
En fait, le nombre de postes consulaires de plein exercice en Europe sera ramené à vingt en 2005. Neuf Etats seulement ont encore plus de circonscriptions consulaires que notre pays : l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la Grèce, l'Italie, la Pologne, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suisse. Mais nous sommes en train d'aller plus loin. En témoignent les suppressions de postes qui pourraient être intégrées au contrat de modernisation en discussion à Bercy.
La modernisation de l'action consulaire a cependant permis de compenser une certaine rationalisation sur le plan du réseau européen. Ainsi, je pense au regroupement de compétences : centralisation de l'état civil à Bruxelles et à Berlin, création de pôles régionaux de fabrication des passeports, fabrication centralisée des passeports à Nantes ; je pense également au projet de réseau d'administration consulaire informatisé, appelé RACINE, qui permettra de développer l'administration électronique à l'issu d'un effort budgétaire soutenu en matière informatique, ainsi qu'à la suppression de l'activité notariale des consulats en Europe.
Mais nous devrons réaliser dans les années à venir un effort budgétaire s'agissant des écoles primaires et des lycées français à l'étranger, dont l'existence constitue l'une des particularités de la diplomatie française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. -M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.)
Depuis trop longtemps, on considère que ces établissements sont seulement destinés à satisfaire les diplomates et leurs enfants. Certes, ce point est important, et je ferai d'ailleurs tout afin que les diplomates puissent travailler dans de bonnes conditions, c'est-à-dire en ayant une famille épanouie dont les enfants peuvent fréquenter un établissement scolaire français.
Mais la réalité la plus importante n'est pas celle-là. Ainsi, lors de ma visite en Egypte, le président Moubarak a attiré mon attention sur le fait que tous les ministres égyptiens parlent français, mais que, si nous n'y prêtons pas attention, dans quinze ans, après la fermeture de ces établissements ou la diminution du nombre de places disponibles, plus aucun ministre ne parlera français.
De même, je constate, lorsque je me rends en Tunisie, au Maroc, en Algérie ou au Brésil, que vous évoquiez tout à l'heure, monsieur Gouteyron, que tous les ministres parlent français. Dans quinze ans, leurs successeurs risquent de ne plus parler notre langue.
J'ajoute que les enfants scolarisés dans ces écoles primaires n'apprennent pas seulement notre langue ; ils acquièrent également des réflexes de francophilie et se constituent un réseau. Issus d'une certaine élite, ils deviendront sans doute, à l'âge adulte, les uns présidents de banque, les autres ministres, médecins ou avocats. Ils pourront alors tisser des liens avec nos professions libérales, nos dirigeants politiques et économiques, ainsi qu'avec nos personnels diplomatiques et administratifs.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit là d'une diplomatie non pas de rayonnement, mais d'influence ! Je vous remercie de m'aider à la défendre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Le débat sur les crédits du ministère des affaires étrangères est clos.
Débat sur les crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche
M. le président. Nous passons au débat sur les crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux de participer à ce débat d'un genre nouveau, qui permet au Sénat de mieux appréhender l'exécution budgétaire pour 2004, plus particulièrement celle du budget du ministère de l'agriculture. Cette discussion s'inscrit dans le droit-fil des nouveaux pouvoirs confiés au Parlement par la LOLF.
Dans un premier temps, je souhaite évoquer avec vous, monsieur le ministre, les conditions d'exécution du budget en 2004. Puis, dans un second temps, je reviendrai sur les efforts notables consentis par votre ministère en vue de la mise en oeuvre de la LOLF.
S'agissant de l'exécution budgétaire en 2004, le ministère de l'agriculture a fait preuve d'un réel effort de maîtrise de ses dépenses.
En effet, ainsi que la Cour des comptes l'a noté dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2004, les dépenses effectuées sur le budget du ministère de l'agriculture ont diminué de plus de 5 % par rapport à celles de l'année précédente.
En outre, il faut noter avec satisfaction que le montant des reports de l'année 2003 sur l'année 2004 était en nette diminution par rapport aux années antérieures et que la fixation de ce montant a été établie en fonction de règles strictes.
Ainsi, ne seront ouverts en 2004 que les crédits non consommés du collectif de fin d'année, les reports pris en compte lors de l'élaboration de la loi de finances et les fonds de concours tardifs.
Parmi les chapitres budgétaires ayant subi les tensions les plus importantes au cours de l'exercice 2004, il faut souligner que l'insuffisance des crédits du Fonds national de garantie des calamités agricoles, le FNGCA, a rendu nécessaire d'abonder ce fonds à hauteur de 47,3 millions d'euros, par un décret d'avance du 14 juin 2004, afin d'éviter l'interruption des paiements aux agriculteurs.
En outre, les tensions apparues en cours de gestion sur certains chapitres ont rendu indispensable la levée du gel portant sur ces lignes budgétaires.
Ainsi, s'agissant des dépenses d'enseignement agricole, un dégel de 5,6 millions d'euros a été réalisé afin de financer les assistants d'éducation recrutés à la rentrée 2004, de verser les bourses et de revaloriser la rémunération des formateurs de l'enseignement technique privé.
De même, s'agissant des dépenses d'intervention pour l'orientation et la valorisation en agriculture, un dégel de 5,1 millions d'euros a été effectué afin d'assurer une aide aux producteurs de canne à sucre dans les départements d'outre-mer.
J'aborderai à présent un point qui suscitera certainement un large débat au sein de notre assemblée, débat qu'a d'ailleurs déjà entamé cet après-midi notre collègue M. Jean-Jacques Jégou : la situation financière du régime de protection sociale des non-salariés agricoles.
En 2004, ce régime était encore financé par le biais du budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, remplacé depuis 2005 par un établissement public, le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, lequel entre dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale.
Pour l'année 2004, le déficit du BAPSA s'est élevé à 814 millions d'euros, tandis que, à la clôture du budget annexe au 31 décembre 2004, le compte établi a fait apparaître un report à nouveau négatif de 3,2 milliards d'euros, déficit cumulé que la Cour des comptes considère comme une créance du nouveau FFIPSA sur l'Etat.
Je sais l'importance que vous accordez, monsieur le ministre, à la préservation du régime de protection sociale des agriculteurs. Celui-ci se trouve aujourd'hui confronté à une grave crise financière, qui nécessite des mesures radicales de diversification et de pérennisation de ses ressources.
Par conséquent, j'aimerais connaître les réflexions du Gouvernement sur l'avenir financier du FFIPSA.
Les différents mouvements de crédits intervenus au cours de l'exécution budgétaire pour 2004 permettent d'insister sur l'une des spécificités majeures du budget de l'agriculture : son extrême dépendance face aux crises conjoncturelles et aux aléas climatiques. Il est donc nécessaire de disposer d'une réelle souplesse en termes de gestion budgétaire.
A cet égard, la mise en oeuvre de la LOLF à compter du projet de loi de finances pour 2006 constituera sans aucun doute un facteur de flexibilité et de bonne gestion budgétaire.
J'en viens donc, monsieur le ministre, aux efforts louables consentis par le ministère de l'agriculture et de la pêche en vue de la mise en oeuvre de la LOLF.
Dans le cadre de la définition d'unités de gestion de crédits, votre ministère a défini trois types de budgets opérationnels de programme, les BOP : les BOP centraux, les BOP mixtes et les BOP déconcentrés.
Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2004, la Cour des comptes a souligné la perspective d'une déconcentration progressive de la gestion des différents BOP, mais s'est inquiétée de la mise en place d'instruments propres à préserver, à l'échelon central, la maîtrise des diverses actions ministérielles, notamment dans le domaine de la gestion des ressources humaines.
Or, dans leurs réponses au questionnaire budgétaire de la commission des finances du Sénat, les services de votre ministère ont insisté sur l'objectif de déconcentrer totalement la gestion de l'ensemble des crédits de personnel et de fonctionnement du ministère d'ici à 2007. Ils ont également rappelé que le BOP déconcentré du programme 4 « soutien des politiques de l'agriculture » de la mission « agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » avait vocation à inclure les personnels permanents des services à la même échéance.
Ainsi, la perspective retenue par le ministère de l'agriculture et de la pêche est de déconcentrer progressivement les décisions affectant tant les équivalents temps plein - personnels permanents et vacataires - que les masses financières correspondantes.
Il me semble que ces informations sont de nature à apaiser les craintes formulées par la Cour des comptes. Pouvez-vous nous le confirmer, monsieur le ministre ?
J'ai également noté avec satisfaction que le ministère de l'agriculture s'était engagé avec sincérité dans une démarche de performance et que nombre des remarques formulées par les commissions des finances des deux assemblées sur la définition des critères de performance - objectifs et indicateurs - de la mission « agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » avaient été suivies d'effet.
Ainsi, de nombreux objectifs et indicateurs portent spécifiquement sur l'évaluation de l'effet des dispositifs de soutien à l'agriculture et des politiques d'intervention mises en oeuvre par le ministère de l'agriculture.
En outre, sur les trente-six indicateurs que comportait le pré-projet d'action personnalisé pour 2005, le « pré-PAP », dix ont été supprimés et autant de nouveaux ont été créés, tandis que treize ont été modifiés. Un effort particulier a été fait pour introduire de véritables indicateurs d'efficience dans chaque programme.
Je me félicite également du niveau du plafond des autorisations d'emplois équivalents temps plein travaillés ; il est fixé pour 2006 à 39 914, ce qui correspond à un solde de créations et de suppressions d'emplois pour le ministère de l'agriculture de moins 1 136 emplois. Un réel effort de rationalisation et d'amélioration de la productivité des effectifs a donc été effectué par le ministère de l'agriculture.
Enfin, j'insisterai sur la démarche engagée par le ministère de l'agriculture depuis quelques années pour moderniser la gestion de son patrimoine immobilier. Le ministère a engagé une meilleure identification de l'ensemble de ce patrimoine, afin d'en assurer le suivi et d'organiser les cessions des biens devenus inutiles au fonctionnement des services.
Ainsi le total des cessions immobilières s'est-il élevé en 2004 à près de 900 000 euros, dont près d'un tiers a été rattaché au budget de l'agriculture en 2004, puis reporté sur l'exercice 2005, le reste ayant fait l'objet d'un transfert aux services du Premier ministre.
Sur les cinq dernières années, le montant des recettes issues des cessions immobilières du ministère de l'agriculture s'est élevé à plus de 2 millions d'euros. Les perspectives pour 2006 se chiffrent également à près de 2 millions d'euros. Ces éléments prouvent que le ministère de l'agriculture participe activement à la recherche d'une plus grande efficacité de la gestion publique et qu'il s'est engagé dans une démarche de maîtrise de ses dépenses. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons aujourd'hui au Sénat est totalement inédit.
Je me réjouis tout particulièrement d'y participer en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur les crédits pour 2004 du ministère de l'agriculture.
Je ne doute pas que ce débat sera suivi, dans les prochaines années, de discussions tout aussi riches, pour donner à l'examen du projet de loi de règlement la place et l'importance qui doivent naturellement lui revenir dans le cadre de la LOLF.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Je passerai rapidement, monsieur le ministre, sur les ultimes réglages réalisés durant l'année 2004 en vue de la mise en oeuvre de la loi organique, mon collègue Joël Bourdin, rapporteur spécial, nous ayant déjà livré, conformément à son habitude, des analyses très pertinentes.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Merci, mon cher collègue !
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Je souhaite cependant souligner brièvement le soin avec lequel cette réforme a été préparée et rappeler qu'elle devrait permettre une amélioration du pilotage budgétaire.
Monsieur le ministre, nous pouvons nous féliciter, me semble-t-il, de la concertation poussée et suivie entre les services de votre ministère et les commissions sénatoriales concernées durant l'année 2004.
Cette concertation fut d'abord politique. Lors de chacune de ses auditions par la commission des affaires économiques, votre prédécesseur, M. Hervé Gaymard, a toujours pris le temps d'expliquer les enjeux de la réforme pour son ministère.
La concertation fut ensuite administrative. Les fonctionnaires des commissions des affaires économiques et des finances ont été invités par les services du ministère de l'agriculture à faire valoir leurs observations sur la définition des objectifs et indicateurs de la mission « agriculture ».
Les remarques formulées à cette occasion ne sont pas restées lettre morte. En effet, comme l'a souligné fort opportunément mon collègue Joël Bourdin, elles ont été suivies d'une révision substantielle des critères de performance, permettant de mieux prendre en compte les notions d'efficience, de qualité et d'efficacité.
Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2004, la Cour des comptes s'est d'ailleurs félicitée de ce que l'architecture du budget de votre ministère a intégré ses propres remarques, ainsi que celles qui avaient été formulées par les commissions parlementaires.
L'examen du projet de loi de finances débutera dans quelques jours et sera pour la première fois entièrement conforme au cadre défini par la LOLF. Dans ce contexte, tous les instruments sont prêts pour que la réforme prenne toute sa portée, tant pour la mission ministérielle « agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » que pour les trois missions interministérielles « enseignement scolaire », « recherche et enseignement supérieur » et « sécurité sanitaire ».
La commission des affaires économiques ne manquera pas d'apporter sa contribution au débat, en rendant des rapports pour avis sur deux de ces missions.
Après le cadre juridique, j'en viens à l'analyse de la dépense du ministère de l'agriculture durant l'exercice budgétaire de 2004.
S'agissant tout d'abord des grands équilibres, on peut certes regretter que ces dépenses se trouvent réduites de 5 % par rapport à l'exercice précédent : la loi de finances initiale votée chaque année par le Parlement ne doit pas devenir purement indicative, ce vers quoi tendrait une multiplication des annulations de crédits en cours d'exercice.
Toutefois, dans le contexte de rigueur budgétaire que nous connaissons aujourd'hui, le ministère de l'agriculture a dû prendre sa part dans l'effort de maîtrise des dépenses publiques poursuivi par le Gouvernement. Ainsi, 243 millions d'euros en crédits de paiement et 74 millions d'euros en autorisations de programme ont été mis en réserve sur le budget de 2004 afin de répondre à la demande du Premier ministre de constituer une soulte destinée à faire face aux différents aléas et urgences.
Il faut saluer le fait que cet effort de solidarité substantiel n'a pas affecté, ou très peu, les chapitres supportant les dépenses particulièrement contraignantes : l'enseignement et la formation, la lutte contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, les contrats territoriaux d'exploitation, ou CTE, les contrats d'agriculture durable, ou CAD, le développement rural ou encore la recherche.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter quelques précisions sur ce sujet, en particulier sur l'évolution des crédits destinés au financement des bâtiments d'élevage, qui ont fait l'objet d'une discussion ce matin en commission des affaires économiques, sur l'initiative de notre collègue M. Bailly ? Une dérogation est-elle possible pour ces bâtiments ? Ce serait, me semble-t-il, une bonne solution pour les agriculteurs, qui attendent l'autorisation de financement. Pourriez-vous également faire le point sur les contrats territoriaux d'exploitation et les contrats d'agriculture durable, tels qu'ils sont aujourd'hui mis en place ?
S'agissant toujours des grands équilibres, je signale que les reports réalisés sur l'année 2004 ont été en net repli par rapport à ceux qui avaient été constatés l'année précédente. C'est le signe d'une gestion budgétaire plus optimisée et d'une meilleure utilisation des crédits.
Après le cadre financier général, j'en viens maintenant à l'analyse des chapitres ayant subi des tensions par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale.
J'évoquerai tout d'abord le dispositif de gestion des aléas climatiques en matière agricole. Après une année 2003 déjà difficile de ce point de vue, la survenance de nouveaux aléas durant l'exercice 2004 - le gel, la sécheresse, les pluies abondantes - a rapidement fait apparaître la nécessité de réévaluer l'enveloppe affectée au Fonds national de garantie des calamités agricoles : 47 millions d'euros ont ainsi été débloqués par la prise d'un décret d'avance dans le courant du mois de juin.
La récurrence d'aléas climatiques de plus en plus violents rend aujourd'hui nécessaires une refonte du système de gestion des risques et le développement véritable du mécanisme de l'assurance récolte. Plusieurs dispositions du projet de loi d'orientation agricole vont dans ce sens, tandis que le projet de loi de finances pour 2006 prévoit le doublement de la contribution financière de l'Etat au Fonds national de garantie des calamités agricoles.
Mais de nombreuses interrogations subsistent : quelle diversité de risques pourra-t-on assurer ? Faut-il envisager de rendre obligatoire le recours à l'assurance, comme le propose le président de la commission des affaires économiques et du Plan, M. Jean-Paul Emorine, et d'en élargir la base de cotisation afin de rendre viable ce nouveau dispositif ? Quels seront, à terme, les engagements financiers de l'Etat en vue d'accompagner la mise en oeuvre du système ? Ces questions sont cruciales pour l'avenir du régime d'indemnisation. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter quelques pistes de réflexion à cet égard ?
S'agissant toujours des mesures de redéploiement opérées en 2004, je ne manquerai pas d'évoquer un décret de virement qui me tient tout particulièrement à coeur, car il concerne le secteur viticole : 5 millions d'euros ont été mobilisés pour soutenir très utilement la promotion des vins à l'exportation. Cette mesure est particulièrement appréciable eu égard aux difficultés que connaît la filière viticole à l'échelon international.
Vous en conviendrez, monsieur le ministre, le soutien actif de ces deux filières ne signifie pas une quelconque partialité. Par souci d'objectivité, permettez-moi de vous signaler que des progrès restent à accomplir dans la programmation des dépenses. En effet, le recours à certaines opérations budgétaires infra-annuelles aurait sans doute pu être évité, ou du moins réduit, par une meilleure anticipation du montant des charges incompressibles. Ainsi, 16 millions d'euros ont dû être débloqués en cours d'exercice pour assurer la rémunération du personnel du ministère de l'agriculture. Toutefois, cette mesure a été gagée non sur des crédits d'investissement - cela aurait été catastrophique -, mais sur des économies en moyens de fonctionnement.
J'évoquerai enfin, monsieur le ministre, l'actualité législative la plus immédiate pour le monde agricole, à savoir le projet de loi d'orientation agricole que vous viendrez défendre au Sénat dans quelques jours et que j'aurai l'honneur de rapporter au nom de la commission des affaires économiques.
Très attendu par la profession, ce texte n'est pas neutre d'un point de vue financier, aspect qui nous intéresse en priorité aujourd'hui : son poids budgétaire peut être en effet estimé à plus de 70 millions d'euros, sans compter les enrichissements parlementaires, dont il fera sans doute l'objet.
Je vous fais confiance, monsieur le ministre, pour que cette enveloppe se traduise rapidement sur le terrain par des actions concrètes et efficaces. La commission des affaires économiques ne manquera pas de suivre avec une grande attention les suites réglementaires et financières données à ce texte.
Tels sont, monsieur le ministre, les éléments dont je tenais à vous faire part à l'occasion de ce débat inédit.
Sachez que la majorité sénatoriale, tout en restant vigilante face aux opérations de régulation budgétaire en cours d'année, soutiendra la démarche d'optimisation des dépenses publiques que vos services et vous-même avez engagée en matière agricole. Le cadre entièrement rénové du débat budgétaire cette année ne pourra, j'en suis persuadé, que renforcer ces progrès. Mais c'est là un autre sujet dont nous aurons bientôt l'occasion de discuter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis vraiment très heureux que le Sénat ait retenu le ministère de l'agriculture pour l'examen de l'exécution de son budget de 2004, et j'en remercie personnellement le président de la commission des finances. J'en suis d'autant plus heureux que cet exercice préfigure une partie du fonctionnement budgétaire dans le cadre de la LOLF, pour laquelle je me suis investi dans mes précédentes fonctions ministérielles, que Jean-Pierre Raffarin avait bien voulu me confier.
Je me souviens d'ailleurs de nos débats, monsieur le président de la commission des finances, au moment de l'examen de la loi de règlement l'an dernier. Vous aviez alors dit, à juste titre, que cette loi ne devait plus être un exercice purement formel. Vous aviez souhaité à juste raison que, dans le cadre de la LOLF, elle constitue un véritable compte rendu de l'utilisation par le Gouvernement des crédits votés. Avec la LOLF, il sera possible de vérifier, à l'euro près, l'utilisation des crédits. Naturellement, l'exercice prendra de plus en plus une dimension politique importante.
Pour répondre à M. le rapporteur spécial et à M. le rapporteur pour avis, j'évoquerai tout d'abord l'application de la LOLF au ministère de l'agriculture, puis l'exécution du budget de 2004 et, pour finir, la protection sociale agricole, sujet cher à M. Boyer.
Je suis très attaché à la LOLF, qui permettra une gestion plus efficace et précise des performances. Je sais tout le travail qu'ont accompli MM. Alain Lambert et Didier Migaud, ainsi que, depuis quatre ans, les gouvernements successifs et les assemblées, en vue de redéfinir le budget de l'Etat.
Chaque politique publique devra être évaluée en rapprochant les indicateurs de performance, fixés sous le contrôle du Parlement - je sais que la commission des finances du Sénat y a été très attentive, monsieur Arthuis -, des objectifs fixés.
S'agissant du ministère de l'agriculture, des échanges ont notamment permis de faire émerger un programme « forêt ». Nous avons également identifié, à l'image des deux volets de la politique agricole commune, un programme « valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », pouvant être mis en regard du premier pilier de la PAC, et un programme « gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural », correspondant au second pilier. Il y a donc une correspondance avec les politiques de l'Union européenne.
La souplesse de gestion introduite par la LOLF constitue une opportunité ; elle est aussi une exigence de résultat. Les projets annuels de performance, ou PAP, selon la terminologie « lolfienne », du ministère de l'agriculture, présentent 34 objectifs et 57 indicateurs. Les remarques formulées par les assemblées et la Cour des comptes sur les « pré-PAP » établis l'hiver dernier ont fait l'objet d'un examen particulier : la plupart d'entre elles ont été intégrées dans les PAP 2006.
Nous sommes donc entrés dans une logique d'amélioration constante, et le Parlement aura toute sa place dans la réflexion sur notre budget.
La LOLF est également un formidable outil d'accompagnement de la réforme de l'Etat et de modernisation de l'administration. D'ailleurs, dans le nouveau gouvernement, le ministre du budget est également responsable de la réforme de l'Etat. Dans ce cadre, le ministère de l'agriculture a souhaité - c'est à mettre à l'actif d'Hervé Gaymard - une vaste déconcentration de la gestion budgétaire et des crédits.
La plupart des crédits d'intervention seront désormais gérés à l'échelon régional, niveau de coordination des politiques locales. Les crédits de fonctionnement seront mis directement à la disposition des responsables de structures : les directions régionales et les directions départementales de l'agriculture et de la forêt, ainsi que les directions départementales des services vétérinaires, puisqu'il n'existe pas de niveau régional pour les services vétérinaires.
M. Bourdin a souligné à juste titre l'objectif de déconcentration de l'ensemble des crédits de personnel et les craintes de la Cour des comptes sur ce sujet. Je suis persuadé que les connaissances et les idées d'amélioration du service public sont les plus avancées au sein même des administrations et que, en donnant à chaque responsable de terrain la possibilité de gérer la totalité de ses moyens, nous pourrons offrir un service de plus grande qualité, en particulier au monde agricole et rural.
La gestion des statuts et la gestion au quotidien des corps, des promotions par exemple, resteront pilotées par le secrétariat général du ministère de l'agriculture, que j'ai récemment créé : la Cour des comptes, et vous-même, monsieur le rapporteur spécial, pouvez donc être pleinement rassurés.
Enfin, la nouvelle architecture résultant de la LOLF démontre l'étendue des compétences du ministère de l'agriculture, lesquelles sont très horizontales. En effet, 40 % des crédits de ce ministère sont concentrés sur trois missions interministérielles : la mission « recherche et enseignement supérieur », la mission « enseignement scolaire » et la mission « sécurité sanitaire ». Ce caractère interministériel démontre, s'il en était besoin, la place tout à fait spécifique et importante de l'agriculture dans l'économie et la société françaises.
J'en viens à l'exécution du budget de 2004, marquée, comme l'a très bien rappelé M. César, par des crises. Elle est assez exemplaire des nouvelles perspectives offertes par la LOLF.
En termes d'événements budgétaires, le ministère de l'agriculture a subi de nombreux aléas en 2004, aléas au sujet desquels les parlementaires sollicitent, souvent à juste titre, les pouvoirs publics et auxquels ces derniers doivent pouvoir réagir rapidement.
En 2004 - MM. Bourdin et César l'ont indiqué -, plusieurs décrets d'avance et de virement ainsi que des mouvements de dégel sont intervenus pour traiter la fin de la terrible sécheresse de 2003, la crise viticole qui s'annonçait - je pense au vignoble du bordelais qui vous est cher, monsieur César -, les crises dans le secteur des légumes - les tomates en été, les choux-fleurs en automne - et, enfin, pour lutter contre certaines maladies des végétaux.
Au total, plus de 100 millions d'euros ont été redéployés en cours de gestion, ce qui constitue une somme importante. S'y ajoutent 198 millions d'euros ouverts en loi de finances rectificative. Au total, 10 % des crédits d'intervention du ministère de l'agriculture ont fait l'objet de mouvements en gestion.
Deux applications peuvent résulter de la LOLF.
Tout d'abord, le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche doit, dès la conception du projet de loi de finances initiale, prévoir des crédits suffisants pour la gestion des éventuelles crises et le soutien aux agriculteurs en difficulté. C'est la raison pour laquelle, après plusieurs années de baisse excessive, j'ai décidé de doubler dans le projet de loi de finances pour 2006 les crédits dits « Agridiff » et les crédits du fonds d'allégement des charges des agriculteurs, ces deux instruments étant classiquement utilisés dans la gestion des crises.
Ainsi que M. César l'a lui aussi souligné, et je l'en remercie, nous nous sommes également engagés dans le développement de l'assurance récolte. Un doublement des crédits est prévu : ils passeront de 10 millions à 20 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2006, puisque les choses démarrent très bien, les offres de Groupama et du Crédit agricole dans ce domaine étant une réussite.
Nous avons fait le choix de laisser aux exploitants la liberté de s'assurer ou non. Toutes les cultures, c'est vrai, ne sont pas encore assurées. Des pistes restent à explorer. Nous devons trouver des solutions originales pour les fourrages. Par ailleurs, nous devons affiner notre intervention financière, peut-être en la spécialisant - ce point a d'ailleurs été évoqué la nuit dernière lors des débats à l'Assemblée nationale sur le projet de loi d'orientation agricole - afin de mieux cibler les cultures où l'assurance n'est pas encore très développée.
Je pense également au caractère spécifique de l'assurance aux récoltes outre-mer, monsieur Adrien Giraud. Nous pouvons également travailler dans cette direction. Ce point a également été évoqué par les députés au début de l'examen du projet de loi d'orientation agricole.
Nous allons créer un comité national pour l'assurance en agriculture. C'est un point du projet de loi d'orientation agricole, monsieur César, texte que vous aurez prochainement l'occasion de rapporter, au nom de la commission des affaires économiques.
Enfin, nous allons également utiliser les crédits communautaires du 1 % de modulation budgétaire dédiés à la gestion de crise : c'est un point dont nous sommes convenus avec nos partenaires européens.
J'en viens à une seconde application.
La LOLF nous offre des simplifications nous permettant des redéploiements en cours de gestion. Des marges de manoeuvre peuvent être trouvées en cours d'année pour traiter rapidement, de manière conjoncturelle ou structurelle, les crises sectorielles. C'est une nécessité qui nous est encore apparue au cours de cette année s'agissant des problèmes viticoles. Nous avons pu ainsi mobiliser sur le budget du ministère, par redéploiement, 17 millions d'euros d'aides directes en faveur des vignobles en difficulté dans notre pays et 70 millions d'euros de prêts de consolidation, en particulier pour des exploitations ou des coopératives.
Nous mobilisons également les offices agricoles pour faire de la restructuration de filières et de la promotion.
Je répondrai maintenant plus précisément à MM. les rapporteurs sur les questions des bâtiments d'élevage, des CTE et des CAD.
Avant 2005, un peu moins de 20 millions d'euros, dispersés dans une multitude de dispositifs illisibles, étaient consacrés aux bâtiments d'élevage. En 2005, sur l'initiative d'Hervé Gaymard, a été créé un fonds unique « bâtiments d'élevage » doté de 80 millions d'euros de crédits de paiement, mais financé, en réalité, sur reports.
Dans le projet de loi de finances pour 2006, 90 millions d'euros sont d'ores et déjà affectés à ce fonds unique, auxquels s'ajoutent 20 millions d'euros que j'ai décidé de déléguer immédiatement aux directions régionales afin de résorber les files d'attente. Vous m'avez en effet indiqué que, dans de nombreux départements et régions, il n'était plus possible, en fin d'année, de répondre à la demande très forte suscitée par cette politique, qui connaît un grand succès sur le terrain.
Les crédits de paiement sont donc sécurisés, ils sont inscrits « en dur » dans le projet de loi de finances, si vous me permettez cette expression, et, pour les années à venir, notre objectif est d'affecter 120 millions d'euros par an à cette politique.
La précédente majorité nous avait laissé une formidable bombe budgétaire, avec les CTE : alors que ces contrats avaient été dotés de moins de 70 millions d'euros, ils avaient fini par coûter 250 millions d'euros.
Nous avons donc essayé de trouver un dispositif plus simple et mieux encadré à travers les contrats d'agriculture durable. La dotation pour 2006 est de 160 millions d'euros en autorisations d'engagement, avec un cofinancement de l'Union européenne. Cela nous permettra de financer environ 6 000 contrats, mais je suis ouvert à toutes les réflexions susceptibles de nous permettre de simplifier encore le dispositif.
J'en viens aux problèmes ayant trait à la protection sociale agricole, me réservant de compléter ma réponse après l'intervention de M. Boyer, qui souhaitera certainement évoquer également ces problèmes.
Faut-il regretter le bon vieux BAPSA ? La disparition de ce dernier en tant que budget annexe - je parle sous le contrôle du président Jean Arthuis - est une conséquence directe de la LOLF. (M. le président de la commission des finances acquiesce.). Par ailleurs, même à l'époque du BAPSA, la problématique du financement existait déjà. Nous avons connu des lois de finances rectificatives visant à « boucler » le BAPSA, avec, « in extremis », des appels à recettes spéciales, des prélèvements divers, par exemple sur les réserves des caisses de la mutualité sociale agricole.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oh là là !
M. Dominique Bussereau, ministre. En 2004, la question du financement a évidemment pris une tournure très différente. L'affectation de la taxe sur le tabac, dont le rendement, pour des raisons que vous connaissez bien, s'est avéré décevant, comparé à celui de la TVA, a nécessité une mobilisation très forte.
D'importants travaux ont associé les ministères, les partenaires agricoles, les parlementaires. Je pense au député Yves Censi, président du conseil de surveillance du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, qui s'est particulièrement intéressé à ce sujet, ainsi qu'à votre collègue Jean-Jacques Jégou
Je ne reviendrai pas sur les causes du déficit, car vous les connaissez. Il y a au moins consensus sur l'analyse : croissance des dépenses - mais cette croissance est beaucoup plus faible que dans les autres régimes, car il s'agit d'un système beaucoup mieux maîtrisé - et rendement plus faible que prévu, comme je l'ai déjà dit, de la taxe sur le tabac.
Ni la gestion du régime ni une dérive particulière de ses dépenses ne sont donc en cause. Mais, au-delà de ce constat, pourquoi ne comble-t-on pas le déficit de ce régime ?
Le cadre général de nos finances publiques offre malheureusement un élément de réponse.
Pour assurer le besoin de financement, trois solutions sont possibles : soit l'on affecte des recettes dynamiques, mais encore faut-il les trouver et qu'elles ne soient pas déjà affectées ; soit l'on prélève sur les ressources de l'Etat ; soit l'on modifie les règles de compensation au régime de la sécurité sociale, sujet ô combien délicat.
Nous devons explorer chacune de ces solutions en tenant compte des contraintes.
Nous avons en effet la volonté de maîtriser l'évolution des prélèvements obligatoires, y compris ceux qui pèsent sur les agriculteurs, ce qui veut dire que nous ne souhaitons pas augmenter les cotisations.
Par ailleurs, augmenter la part des recettes de l'Etat affectées au FFIPSA implique de rechercher avec le Parlement des recettes dynamiques pour ce régime.
En ce qui concerne la sécurité sociale, il faut que nous préservions le plan de maîtrise des dépenses de santé. Le conseil des ministres a adopté ce matin le projet de loi de financement de la sécurité sociale. On voit les premiers effets de cette réforme, que vous aviez souhaitée, monsieur Raffarin, en tant que Premier ministre. Mais toute évolution de ces mécanismes nécessite naturellement une concertation entre l'Etat et les partenaires sociaux.
Pour parler franchement, en son état actuel, le projet de loi de finances pour 2006 - mais il n'a pas encore franchi le stade de l'examen par toutes les commissions - n'affecte pas de recettes courantes supplémentaires au régime agricole. J'espère que, d'ici à la fin de cette année, le travail que réalisera Jean-François Copé avec le Parlement permettra de trouver des solutions.
En attendant, la caisse centrale de MSA, avec la garantie de l'Etat et dans le cadre du FFIPSA, sera autorisée à gérer ses besoins de trésorerie dans les conditions habituelles, que vous connaissez. Ces dernières ne sont pas brillantes, mais nous permettent d'assurer les paiements ; ce sont les conditions d'utilisation de l'emprunt.
Ces mesures doivent permettre d'assurer le versement des prestations par le régime. Par conséquent, l'exigence d'un déficit ne fait pas obstacle au maintien du droit des assurés.
Il faut maintenir l'autonomie de la MSA. Vous avez constaté, sur le terrain, le grand attachement des agriculteurs à leur système de protection sociale, ainsi que le fort taux de participation lors des élections aux caisses locales : plus de 60 % en dépit du changement de régime électoral.
La MSA apporte aux agriculteurs et au monde rural un grand nombre de services dans le cadre d'une organisation mutualiste et d'un guichet unique. On constate, dans le cadre du plan de cohésion sociale, à quel point la MSA est un bon interlocuteur pour les départements, les collectivités territoriales, dans la mise en oeuvre des dispositifs de proximité.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons continuer à rechercher des solutions permettant d'assurer un meilleur financement de ce régime.
En conclusion, cet outil budgétaire qu'est la LOLF, à laquelle je suis très attaché, permet, en favorisant les échanges entre nous, donc en servant la démocratie, de redonner au Parlement la place éminente qui est la sienne dans le débat budgétaire, à savoir la première. Soyez assurés de ma volonté de poursuivre les efforts du ministère qui est aujourd'hui le mien pour la mettre en oeuvre avec la plus grande attention. Cela permettra, tout au long de la procédure budgétaire, en cours d'année, d'informer encore davantage le Parlement afin qu'il puisse mieux juger de l'efficacité des crédits qu'il aura votés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le président, mes chers collègues, je tiens à remercier Dominique Bussereau et à le saluer en sa qualité de ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le ministre, nous nous souvenons avec émotion de ce lundi 29 novembre 2004, alors que, siégeant au banc du Gouvernement pour défendre les articles de la première partie du budget, vous avez appris que M. le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin vous avait confié le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.
C'est dire si, dans notre volonté d'organiser dès cette année une discussion du projet de loi de règlement préfigurant ce qu'il devra devenir demain, et cherchant quelques ministres disposés à se livrer à l'exercice du questionnement du Parlement, nous avons d'emblée pensé à vous. Merci donc de vous être prêté de si bonne grâce à cet exercice !
Nous avons bien noté qu'il y avait des éléments aléatoires et que, dans ces conditions, le principe de précaution devait vous amener à inscrire dans votre budget des enveloppes provisionnelles pour ne pas avoir à connaître de déconvenues en cours d'exercice.
S'agissant du FFIPSA, l'Etat garantit le recours à l'emprunt. C'est donc une dette de l'Etat et une dépense publique. Nous allons devoir trouver une solution.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La seule nostalgie que j'éprouve pour le BAPSA tient au fait qu'il était la préfiguration de la TVA sociale puisque, pour l'essentiel, il était financé par un prélèvement sur la TVA.
M. Aymeri de Montesquiou. C'était une bonne idée !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Sans vouloir anticiper sur le prochain débat relatif aux prélèvements obligatoires, je pense que la TVA pourrait, un jour, permettre de financer les dépenses de santé et les dépenses de politique familiale.
Je vous remercie, monsieur le ministre, pour le dialogue que vous venez d'engager avec le Sénat, dialogue qui va maintenant se poursuivre grâce aux questions des orateurs des groupes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union centriste-UDF, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, dans ce débat thématique portant sur le projet de loi de règlement du budget agricole de 2004, je n'interviendrai pas sur les chiffres de l'exécution budgétaire, puisque cette année charnière de mise en oeuvre de la LOLF est dépourvue de rapport annuel de performance qui nous permettrait une véritable évaluation.
Je limiterai mon propos à un sujet qui est au coeur de l'action du ministère de l'agriculture depuis deux ans et qui est particulièrement d'actualité : il s'agit de la mise en place de la réforme de la PAC, notamment du dispositif des droits à paiement unique, ou DPU.
La nouvelle PAC suscite des interrogations mais surtout de profondes inquiétudes dans le monde agricole. Vous en avez conscience, monsieur le ministre. Pour preuve, la complexité des dispositions propres au premier volet de la conditionnalité des aides a nécessité de votre ministère un ajustement de certaines mesures pour les adapter davantage aux réalités concrètes des exploitations. Cela se traduit par la réécriture actuelle des livrets « conditionnalité », dans un esprit - nous l'espérons sans, hélas, trop y croire ! - de simplification pour 2006. (M. le ministre marque son étonnement.)
Je sais, monsieur le ministre, votre souci de traduire la réforme de la PAC au niveau national de manière la plus pragmatique possible et la plus lisible pour les exploitants.
C'est sans doute pourquoi vous avez retardé le calendrier pour l'application du deuxième volet de la réforme, le découplage des aides.
M. Aymeri de Montesquiou. Vous avez raison de mener un travail approfondi avec les organisations professionnelles agricoles. Il est indispensable d'améliorer et de simplifier le dispositif initialement envisagé.
Les modalités sont désormais connues et les agriculteurs devraient recevoir, autour du 15 octobre, les documents relatifs aux droits à paiement unique.
C'est là que les difficultés vont commencer...
« Ne vous affolez pas ! » ; tel est le message que les organisations professionnelles agricoles s'efforcent de faire passer à leurs adhérents depuis déjà plusieurs semaines. Je crains qu'elles n'aient pas fini de le répéter. Certains agriculteurs vont en effet avoir à effectuer bien des démarches administratives pour recevoir l'ensemble des informations nécessaires pour établir leur dossier, c'est-à-dire que nous allons à l'opposé de la simplification.
En effet, le calcul des DPU s'effectuera selon la moyenne des aides perçues au cours de la période 2000-2002. Or, depuis cette époque, bien des situations ont évolué, par des départs, des arrivées, des associations, des changements de forme juridique, des agrandissements, des investissements... Il appartiendra à chaque exploitant de recenser et de signaler tous ces événements pour actualiser sa situation. Et le plus vite sera le mieux, soulignent déjà les directions départementales de l'agriculture, ajoutant que les agriculteurs n'ont pas intérêt à attendre la date butoir, au risque de ne pas avoir accès, l'an prochain, à toutes les aides découplées auxquelles ils ont droit.
J'évoquerai un exemple des difficultés pouvant se poser : un agriculteur qui aura repris des terres après une période de référence devra conclure une clause de transfert avec le ou les exploitants précédents, afin de récupérer les DPU afférents. Quel recours aura-t-il si ces derniers ne sont plus en vie, s'ils font preuve de mauvaise volonté ou, pis encore, s'ils tentent de négocier financièrement leur accord ? Que proposez-vous pour lutter contre ces comportements spéculatifs, contre la surenchère sur les prix des terres, contre la cession de DPU à titre onéreux ?
Certes, les taux de prélèvements appliqués lors des transferts de DPU sont déconnectés des transferts fonciers et seront dissuasifs, puisqu'ils seront de l'ordre de 50 %, alors qu'ils seront réduits dans les autres cas, s'établissant à 0,3 % ou à 10 %. Je me réjouis que ces prélèvements viennent abonder une réserve qui sera redistribuée aux agriculteurs avec une priorité à l'installation des jeunes, mais expliquez-moi, monsieur le ministre, comment on peut transférer des DPU sans terre...
Une mise au point est ici indispensable, et il apparaît véritablement nécessaire d'informer et de conseiller les agriculteurs. Hier, des aides subordonnées au respect de certaines pratiques environnementales et sanitaires ; demain, des aides liées non plus à une activité ou à un produit, mais à un historique : n'est ce pas beaucoup trop compliqué et source d'exaspération ? Quel avenir offre-t-on aux agriculteurs ? Chacun sait que le montant des aides qu'ils ont perçues a diminué de 3 % cette année, pourcentage qui passera vraisemblablement à 4 % en 2006 et à 5 % en 2007. Pendant ce temps-là, les prix continuent de baisser, tandis que le coût des intrants et les charges sont au plus haut. Dans beaucoup de régions, en particulier dans mon département du Gers, être agriculteur devient de plus en plus difficile, les jeunes étant de moins en moins nombreux à s'installer. Monsieur le ministre, consacrez toute votre énergie à la sauvegarde de notre agriculture.
Les grands chantiers que vous avez ouverts au travers de la mise en oeuvre de la loi relative au développement des territoires ruraux et de l'élaboration du projet de loi d'orientation agricole témoignent sans aucun doute que telle est bien votre intention. Je veux néanmoins me faire l'écho de l'inquiétude actuelle des agriculteurs et de leur souhait, qui rejoint celui de l'ensemble de nos compatriotes, d'une simplification réelle et d'une lisibilité des dispositifs publics qui n'est pas aujourd'hui, loin de là, une réalité.
Ecoutez les agriculteurs, qui ont de plus en plus de difficultés à faire face à l'augmentation des coûts et à la baisse des prix. Ne les exaspérez pas en accroissant leur travail administratif et en hypothéquant leur futur par une disposition source de nombreux conflits. Vous connaissez bien maintenant les problèmes de l'agriculture française, ou plutôt des agricultures dans leur diversité. Mettez toute votre expérience et toute votre énergie à lutter contre le développement d'un sentiment qu'éprouvent tous les chefs d'exploitation : l'exaspération devant la complexité administrative. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer l'excellente initiative de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, initiative qui marque très bien l'ampleur de ses compétences et qui nous conduit aujourd'hui à ce débat sur le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004.
Prélude à la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, un tel débat permet de revaloriser le rôle de contrôle de l'action gouvernementale du Parlement et surtout d'obliger l'exécutif à rendre compte de ses réalisations et de ses manquements, ce dont je me réjouis, avec tous mes collègues.
En ce qui concerne plus particulièrement le budget de l'agriculture, vous êtes appelé, monsieur le ministre, à rendre compte de la gestion de votre prédécesseur. Ce n'est jamais chose facile, mais nous vous faisons confiance.
Comme l'a très bien rappelé le rapporteur spécial, M. Joël Bourdin, ainsi que vous-même et d'autres intervenants, les dépenses engagées au titre du budget du ministère de l'agriculture ont été en retrait de plus de 5 % en 2004 par rapport à l'année précédente.
Je me félicite de ce louable effort de maîtrise des dépenses, alors même que les dossiers agricoles à traiter cette année-là étaient très lourds : réforme de la politique agricole commune, reprise des négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce après l'échec de la conférence de Cancún.
Par ailleurs, je tiens à mettre en exergue une constante du budget agricole, à savoir une extrême sensibilité aux crises conjoncturelles et aux aléas climatiques. Ainsi, au cours de l'exercice 2004, l'insuffisance des crédits du Fonds national de garantie des calamités agricoles a rendu nécessaire son abondement, à hauteur de 47,3 millions d'euros. En 2005, nous avons subi, malheureusement, ce que j'appellerai la « loi des séries ».
Ces accidents récurrents, voire structurels, affectant le budget du département ministériel que vous dirigez m'amènent à vous interroger, monsieur le ministre, sur la nécessaire mise en place d'une assurance récolte, sur le modèle espagnol ou américain. J'étais d'ailleurs intervenu sur ce sujet voilà quelques mois.
Certes, le projet de loi d'orientation agricole, actuellement en discussion à l'Assemblée nationale, prévoit, à ses articles 18 et 19, une adaptation du code rural, pour favoriser le développement progressif de l'assurance contre les dommages occasionnés aux exploitations. M. Gérard César a très bien évoqué ce point tout à l'heure.
Cependant, plutôt qu'un développement progressif, il faudrait favoriser une adhésion massive - c'est un état d'esprit qu'il faut construire -, afin que la base assurantielle soit suffisamment large pour garantir une répartition du risque et permettre aux assureurs de pratiquer des tarifs attrayants.
M. Louis de Broissia. Très bien !
M. Jean Boyer. Je souhaiterais maintenant revenir sur la situation financière du régime de protection sociale des non-salariés agricoles, sujet que vous avez déjà abordé, monsieur le ministre.
A cet égard, 2004 a été une année de transition. Le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles a été créé, et appelé dans l'immédiat à prendre en charge les intérêts de l'emprunt correspondant à la mensualisation des retraites agricoles, décision qui répondait à une forte aspiration des organisations professionnelles.
Dès son démarrage, le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles a dû reprendre une situation déficitaire, à hauteur de 3,2 milliards d'euros, antérieure à sa création et résultant des déficits cumulés du BAPSA, pour 2,4 milliards d'euros, et du passage à une comptabilité en droits constatés, pour 800 millions d'euros.
Cette situation est liée non pas au niveau des cotisations payées par les agriculteurs ou à l'évolution des dépenses, mais à la disparition ou à la suppression de certaines recettes qui alimentaient le BAPSA.
On ne peut donc pas conclure, s'agissant du problème de la situation financière du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, qu'il convient de procéder à une augmentation des cotisations des agriculteurs. Le rendement éventuel d'un tel relèvement ne serait d'ailleurs pas à la mesure du déficit : il faut rappeler que le montant des prestations atteint 16 milliards d'euros, que les dépenses de maladie s'élèvent à 6,2 milliards d'euros et que l'assiette des cotisations représente 6,6 milliards d'euros.
Sur ce point, le rapport des trois inspections indique que la hausse globale des dépenses du régime a été relativement modérée pour la période 1996-2004, s'établissant à 1,97 % en moyenne annuelle. Il est à noter que, pour 2006, est prévu un accroissement de 0,3 % du montant des dépenses.
Cependant, la gravité de la situation du régime, dont le déficit cumulé représentera, si rien n'est fait, 40 % du montant des prestations à la fin de 2006, doit nous amener à nous interroger. Des mesures d'équilibre pérennes doivent être prises par l'Etat, à l'instar de ce qui a été fait pour le régime général. Je sais que cela est facile à dire, monsieur le ministre, et difficile à mettre en application.
Le Gouvernement s'était d'ailleurs engagé en ce sens lors du débat qui s'est tenu ici même, en juillet 2004, sur la réforme de l'assurance maladie. Il avait été alors affirmé que la loi prévoyait que le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles pouvait - je dis bien « pouvait » - bénéficier d'une dotation budgétaire de l'Etat, afin, si nécessaire, d'équilibrer les comptes.
Cela étant, le BAPSA a continué à fonctionner jusqu'au 31 décembre 2004, date à laquelle il a été remplacé, dans toutes ses missions, par le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles.
Depuis 1997, tous les exercices du BAPSA s'étaient soldés par un déficit d'exécution, ce qui met en évidence les difficultés d'une réelle gestion de ce budget annexe, structurellement déficitaire en raison, reconnaissons-le, d'un faible taux de couverture des dépenses par les cotisations.
Toutefois, les déficits constatés ont également eu pour origine une sous-estimation récurrente des dépenses prévisionnelles du budget annexe des prestations sociales agricoles, notamment des dépenses d'assurance maladie, ainsi qu'une constante surestimation de ses recettes.
Par ailleurs, lors de la transformation du BAPSA en établissement public administratif - le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles -, le déficit a été maintenu, en contradiction avec les règles applicables aux budgets annexes, et transféré directement au nouvel établissement. L'Etat a demandé à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole d'augmenter le montant de l'emprunt qu'elle porte pour le compte du budget annexe des prestations sociales agricoles. La charge a donc été soustraite du solde d'exécution du budget de l'Etat, pour un montant de 3,2 milliards d'euros.
En outre, le déficit d'exécution du Fonds pour 2005 était de l'ordre de 1,7 milliard d'euros. Compte tenu des remarques faites par la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2005, on peut s'inquiéter du coût qui pourrait résulter, pour l'Etat, de la situation financière du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles.
Enfin, je souhaiterais revenir brièvement sur un dernier point.
Comme le souligne l'institut Montaigne dans son rapport de juillet 2005 intitulé Ambition pour l'agriculture, Libertés pour les agriculteurs,...
M. Jean Boyer. ...l'agriculture française est très probablement suradministrée.
En effet, le ministère de l'agriculture compte plus de 35 000 agents, auxquels s'ajoutent les effectifs des offices agricoles, de l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique, du CEMAGREF, le Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts, et du CNASEA, le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, qui sont respectivement de 3 000, de 8 600, de 1 000 et de 490 agents, soit, au total, près de 48 000 personnes. Si l'on rapporte ce chiffre au nombre d'exploitations agricoles, qui est de 600 000, on obtient un ratio de 8 %, soit huit agents pour cent exploitations.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Jean Boyer. Le but est non pas de supprimer des postes pour supprimer des postes, mais d'éviter les doublons et les gaspillages...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà ! Très juste !
M. Jean Boyer. ...et d'assigner au secteur tertiaire agricole les objectifs d'efficacité qui s'imposent à l'agriculture.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Jean Boyer. En restructurant la dizaine d'offices agricoles selon trois pôles identifiables, la loi d'orientation agricole montrera clairement la voie.
Là où la volonté existe, n'y a-t-il pas un chemin ? Votre volonté, votre compétence reconnue et appréciée, monsieur le ministre, doivent vous permettre de trouver ce chemin.
Parvenu au terme de mon propos, il me reste à remercier et à féliciter de leur excellent travail les présidents, les rapporteurs et les membres de la commission des finances et de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre. Je tiens d'abord à vous remercier, monsieur de Montesquiou, d'avoir analysé les difficultés de la politique agricole commune.
Lorsque j'ai succédé à Hervé Gaymard, le 30 novembre 2005, comme le président Arthuis l'a amicalement rappelé, ma première préoccupation a été de poursuivre les efforts de mon prédécesseur pour simplifier la conditionnalité que vous estimez, à juste titre, beaucoup trop complexe.
Nos efforts ont porté leurs fruits, car peu d'incidents ou de problèmes liés aux contrôles au titre de la conditionnalité se sont produits.
Je compte aller plus loin puisque j'annoncerai prochainement la mise en place d'un système d'autodiagnostic, dont j'ai déjà fait part au Parlement. Ce dispositif permettra de ne faire intervenir le contrôle qu'en bout de course, et donc de prendre en compte, auparavant, la parole de l'exploitant agricole qui aura décidé, dans une démarche volontaire, d'élaborer un diagnostic. Il s'agit en quelque sorte d'inverser la charge de la preuve.
Quant aux droits à paiement unique, les DPU, ils constituent une usine à gaz d'une incroyable complexité, avec plusieurs tours de métallisation !
Nous avons effectué un tour d'Europe avec des responsables agricoles et plusieurs parlementaires, sénateurs et députés, que je remercie de nous avoir accompagnés, afin d'étudier les différents dispositifs en place - couplage, découplage, DPU à l'échelon régional, comme cela se passe en Allemagne.
Nous avons donc tenté de choisir le système le moins complexe d'entre tous, même si, je le reconnais, il n'est pas d'une simplicité « biblique », si vous me permettez l'expression.
Les agriculteurs recevront vers le 15 octobre les dossiers relatifs aux droits à paiement unique.
Les chambres d'agriculture et les différentes organisations professionnelles ont accepté le principe de réunions d'information qui seront tenues dans la quasi-totalité des cantons en vue d'expliquer le système.
Les agriculteurs disposeront d'un délai allant jusqu'à la fin de l'année prochaine pour se mettre à jour afin de recevoir leurs aides au 1er décembre 2006.
Dans le cadre de notre réflexion, nous avons abordé différents problèmes, en particulier celui des agriculteurs décédés ou encore des exploitants agricoles de mauvaise volonté, ou qui refuseraient de souscrire des clauses.
Le système de clause pour lequel nous avons opté présente l'avantage d'éviter de passer par une réserve nationale, qui serait une nouvelle usine à gaz, en permettant de créer au fil des années une relation directe entre le cédant et le repreneur et de se mettre à jour de l'évolution de l'exploitation.
Ainsi, me semble-t-il, peu d'agriculteurs prendront le risque de se faire qualifier de chasseurs de primes, d'autant que nous avons mis en place un certain nombre de mesures coercitives que vous avez rappelées.
J'ajoute que nous avons essayé de donner une priorité à l'installation des jeunes et à certaines cultures difficiles.
Je reconnais, cependant, que tous ces dispositifs nécessitent des efforts de la part des agriculteurs, et je donne ma parole de tout mettre en oeuvre pour que les choses se déroulent de la manière la plus sereine et la plus facile possible à cet égard, tout en ne perdant jamais de vue l'objectif qui a été celui des différents gouvernements, à savoir que la « ferme France » ne perde aucun euro.
Comme je vous l'ai indiqué, nous avons déjà constitué une petite réserve qui nous permet d'effectuer de légères modulations, notre souhait étant de faire en sorte que le montant que percevra un agriculteur à la fin de l'année 2006 soit le plus proche possible de celui qu'il reçoit aujourd'hui. Tel est le sens de mes efforts.
En tout cas, croyez-bien, monsieur le sénateur, que j'adhère à votre message tendant à la simplification. Comme vous le constaterez, cette dernière, avec la suppression de règlements anciens et la modernisation du code rural, est au coeur du projet de loi d'orientation agricole.
Monsieur Jean Boyer, je vous remercie des propos que vous avez tenus au sujet de l'assurance récolte, qui constitue un succès. Je prends note de la nécessité d'améliorer encore les dispositions qui sont prévues à cet égard aux articles 18 et 19 du projet de loi d'orientation agricole.
S'agissant du BAPSA, vous avez rappelé à juste titre le montant du déficit qui s'élevait à 3,2 milliards d'euros à la fin de 2004. Ce dernier résulte du cumul suivant : il s'agit d'abord du coût de la mensualisation des pensions de retraites et de la retraite complémentaire obligatoire - une très bonne mesure du gouvernement Raffarin - qui, avec le phénomène de rattrapage, représente le versement de deux mois supplémentaires de pensions de retraite en 2004 ; il s'agit ensuite d'une diminution de 840 millions d'euros de la recette de la taxe sur le tabac, conséquence de la politique de santé publique ; il s'agit enfin d'une baisse de recettes de 960 millions d'euros, due à un changement de système de comptabilisation des recettes et des dépenses, dont je vous épargne les détails techniques.
Aujourd'hui, nous devons trouver des solutions pour mettre fin à ce déficit et rembourser cette dette.
En ce qui concerne les effectifs du ministère de l'agriculture et de la pêche, il importe certes de simplifier. Comme vous le constaterez dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, nous prévoyons d'accomplir des efforts importants en matière de réduction des effectifs, tout en assumant les missions du ministère. Ainsi que vous l'avez indiqué, nous allons procéder au regroupement et au déménagement des offices agricoles sur un site unique, à Montreuil, afin d'améliorer leur travail.
Par ailleurs, la loi d'orientation agricole prévoit la création d'une agence unique de paiement, afin de simplifier les démarches des agriculteurs qui auront ainsi un interlocuteur unique pour les paiements du premier pilier et le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, ou CNASEA, pour les paiements du deuxième pilier.
Je me permets enfin d'attirer votre attention, monsieur le sénateur, sur le fait que, si les personnels du ministère peuvent paraître trop nombreux, à entendre les chiffres importants que vous indiquez, la moitié d'entre eux sont des enseignants : près de 17 000 dispensent des enseignements agricoles dirigés non seulement vers le monde agricole, mais aussi vers l'ensemble de la ruralité et des Français.
L'enseignement agricole compte seulement 18 % de fils d'agriculteurs.
La filière cheval, à laquelle le président Arthuis et beaucoup d'entre vous sont attachés, attire de plus en plus de jeunes et crée des emplois : elle représente près de 75 000 emplois aujourd'hui dans notre pays.
L'enseignement agricole comprend également la formation à tous les métiers de l'environnement, de la jardinerie, à des métiers nouveaux, notamment d'aide à la personne en milieu rural.
La mission « enseignement agricole » nécessite des effectifs nombreux afin de dispenser des formations pour les futurs acteurs du monde agricole, mais aussi pour l'ensemble de la société française.
L'enseignement agricole a en effet la particularité d'être un enseignement de terrain. Souvent fondé sur l'alternance, il récupère de nombreux jeunes en échec dans le système scolaire classique. De ce fait, il joue un rôle actif d'intérêt collectif au sein de notre République.
Tourné vers les utilisateurs, au contact des réalités, inspiré par les agriculteurs, l'enseignement agricole est un exemple de réussite de l'enseignement républicain.
Je me devais de rappeler cette mission essentielle de l'enseignement agricole, qui est au coeur des dépenses de personnels du ministère de l'agriculture et de la pêche. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Le débat sur les crédits du ministère de l'agriculture et de la pêche est clos.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Philippe Richert.)