M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, auteur de la question n° 780, transmise à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je veux attirer votre attention sur le préjudice financier subi par une commune ayant développé une politique de création d'infrastructures à vocation économique et qui se voit privée de la croissance annuelle de cette ressource par le vote de la taxe professionnelle unique, la TPU, au sein de la communauté de communes à laquelle elle a volontairement adhéré.
Je souhaite savoir si l'exécutif de la communauté de communes peut valablement refuser au maire de la commune concernée une information sur les bases supplémentaires générées par l'implantation de nouvelles entreprises sur son territoire. Dans l'affirmative, quelle autorité doit être saisie pour que les administrés de cette commune puissent avoir accès à une information sur une création de richesses qu'ils ont rendue possible par leur effort de contribuables ?
Je souhaite savoir aussi quelle est la position du Gouvernement quant à la procédure de mise en place d'une dotation supplémentaire, s'ajoutant à la dotation de compensation figée à l'année n+l du reste de la TPU, afin de restituer en partie à la commune les retombées budgétaires de sa politique volontariste.
J'attire, enfin, votre attention sur le fait que le comportement de certains exécutifs intercommunaux à ce sujet nourrit la défiance envers une compétence partagée du développement économique qui, elle, reste nécessaire.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, la mise en oeuvre par un établissement public de coopération intercommunale, un EPCI, de la taxe professionnelle unique - et, vous savez que cette taxe, qui concerne aujourd'hui à peu près 62 % des ressortissants de l'intercommunalité, est en progression constante si bien qu'il faut préciser un certain nombre de points - est un choix politique fort qui traduit la volonté des communes membres de mettre en commun leurs ressources dans le cadre d'une structure de coopération plus intégrée. Ce choix implique que ces communes membres renoncent à percevoir cette taxe.
Pour autant, ces communes ne sont pas dans l'ignorance quant à l'évolution des bases situées sur leur territoire. Les services fiscaux communiquent en fin d'année à chaque commune un état récapitulatif qui indique le montant global des bases imposées au titre des quatre taxes directes locales. Cet état fiscal est un document public.
Pour les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique, cet état précise le montant des bases de taxe professionnelle imposées au profit de l'EPCI sur leur territoire ainsi que les produits correspondants.
L'administration fiscale communique en outre aux collectivités locales et à leurs groupements une copie des rôles généraux des impôts locaux émis à leur profit.
Ces rôles, je vous le rappelle, comportent l'identité du redevable, son lieu d'imposition et le détail du calcul de l'imposition.
Chaque commune, qu'elle soit ou non membre d'un EPCI à TPU, connaît donc les bases de taxe professionnelle imposées sur son territoire et leur évolution d'une année sur l'autre.
S'agissant des reversements de taxe professionnelle, les EPCI qui perçoivent la taxe professionnelle sont tenus de verser à leurs communes membres une attribution de compensation.
Cette dernière a pour objet évident d'assurer la neutralité budgétaire du passage à la taxe professionnelle unique tant pour la communauté que pour ses communes membres à la date du changement de régime fiscal. Elle ne peut être indexée.
L'article 183 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales autorise cependant le conseil communautaire d'un EPCI, statuant à l'unanimité, à définir librement le montant et les conditions de révision de l'attribution de compensation. Cette faculté ne peut, en tout état de cause, être utilisée qu'une seule fois par chaque EPCI.
Enfin, le code général des impôts autorise les EPCI à TPU autres que les communautés urbaines à verser à leurs communes membres une dotation de solidarité communautaire dont le principe et les critères de répartition sont fixés à la majorité des deux tiers du conseil communautaire.
Depuis la loi du 13 août 2004, l'établissement public de coopération intercommunale doit tenir compte en priorité de l'importance de la population et du potentiel fiscal par habitant lors de la définition de ces critères de répartition. La répartition de la dotation de solidarité communautaire peut ainsi répondre à l'objectif de réduction des inégalités économiques et sociales sur le territoire communautaire.
Quant aux autres critères, ils sont définis librement selon les principes que vous connaissez, monsieur le sénateur, par le conseil communautaire. Il peut, notamment, s'agir de critères de développement économique, tels que l'accroissement des bases de taxe professionnelle de chaque commune, destinés à les encourager à mener, dans le cadre de leurs compétences, des politiques de développement économique dynamiques.
Au total, comme vous ne manquerez certainement pas d'en convenir avec moi, le cadre légal récemment rénové par la loi du 13 août 2004 permet une gestion à la fois transparente et évolutive des relations entre les EPCI à TPU et leurs communes membres.
Monsieur le sénateur, j'espère avoir ainsi répondu à votre interrogation.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je vous remercie vivement de cette réponse, qui clarifie les droits des communes et les devoirs de l'administration des impôts.
Je vous rappelle que les communes n'ont pas eu accès aux documents, l'administration des impôts les ayant renvoyées vers la communauté de communes qui a, par écrit, refusé de communiquer quelque renseignement que ce soit.
Lorsque, voilà quelques années, nous avions examiné le projet de loi relatif à l'intercommunalité, j'avais souligné cette difficulté. Je suis particulièrement heureux qu'au plan national, en tout cas, ma préoccupation ait été prise en compte. Nous allons veiller à ce que les mesures soient appliquées.
Vous rappelez, par ailleurs, que, de ce point de vue, la loi d'août 2004 est une avancée dont les possibilités sont intéressantes.
Il s'agit de la répartition d'une certaine richesse, mais, monsieur le ministre, vous êtes bien placé, de par vos fonctions et votre implantation personnelle, pour savoir que, dans certaines intercommunalités, il n'y a guère d'argent à se partager, alors que, dans d'autres, au contraire, il y en a beaucoup, sans qu'aucun des précédents élus ait beaucoup agi pour remédier à cet état de fait.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je plaide inlassablement pour l'instauration d'une forme de péréquation de la TPU.
devenir du commissariat de Noisy-le-Sec
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck, auteur de la question n° 779, adressée à M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, ma question concerne le devenir du commissariat de Noisy-le-Sec en Seine-Saint-Denis, dont la compétence territoriale s'exerce sur une commune de près de 40 000 habitants en plein développement.
En effet, ce commissariat, qui est privé de commissaire depuis de nombreux mois, pourrait, selon certaines indications transmises à Mme le maire de Noisy-le-Sec, être déclassé et devenir un commissariat subdivisionnaire rattaché à celui de Bobigny.
Ainsi, les effectifs du commissariat de Noisy-le-Sec, qui ont été renforcés en janvier 2005, mais qui vont prochainement connaître une forte diminution en raison des mutations et des départs en retraite, pourraient être mis à disposition du commissariat de Bobigny, ville préfecture et siège du tribunal de grande instance, dès lors que le besoin s'en ferait sentir.
Or, nous le savons, cela ne manquera pas d'arriver régulièrement dans la pratique.
Ainsi, il n'y aurait plus, à Noisy-le-Sec, de brigade de nuit propre, et un certain nombre d'activités seraient elles-mêmes transférées à Bobigny.
Si la ville de Noisy-le-Sec n'est pas celle des quarante communes de Seine-Saint-Denis la plus concernée par les faits de délinquance, elle fait face, comme l'ensemble du département, à une nette sous-administration policière par rapport à d'autres villes, notamment à Paris.
En outre, cette commune, qui est désormais et le sera plus encore dans le futur, un noeud de transports en commun, connaît actuellement de sérieuses difficultés en matière de sécurité des commerces du centre-ville, avec une quinzaine d'agressions violentes et à main armée en moins d'un an, ainsi que de nombreux cas d'insécurité et de dommages aux biens dans les parkings souterrains et de surface.
La disparition d'un commissariat de plein exercice à Noisy-le-Sec, qui n'irait pas du tout dans le sens du rapprochement entre les citoyens et l'administration et qui est bien entendu fermement refusée par la municipalité, apparaît dès lors comme un projet inopportun et qui devrait être abandonné au plus vite.
C'est pourquoi je souhaitais vous sensibiliser, monsieur le ministre, sur cette situation et connaître votre position quant au devenir de ce commissariat.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, c'est au nom de M. le ministre d'Etat, de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, que je vais répondre à votre question.
La réforme des corps et carrières de la police nationale, objet d'un protocole d'accord signé le 17 juin 2004, prévoit une diminution d'un nombre de postes du corps de conception et de direction qui a pour corollaire une transformation des responsabilités conduisant à offrir des postes au corps de commandement et d'encadrement.
Cette mesure a pour objet la recherche d'une efficience accrue dans l'emploi des ressources globalement disponibles et induit la nécessité de modifier l'organisation de certaines structures.
A cette fin, une étude approfondie a été réalisée en vue de déterminer les secteurs pouvant utilement bénéficier d'une réorganisation. Dans ce cadre, il a été décidé de fusionner les deux circonscriptions monocommunales de Bobigny et de Noisy-le-Sec.
Cette opération a pour objet de permettre aux fonctionnaires de la nouvelle circonscription de pouvoir intervenir sur l'ensemble du périmètre ainsi défini. Elle vise également à la détermination d'une stratégie renforcée contre la délinquance à l'échelle de l'agglomération.
Ce projet doit autoriser une mutualisation des équipes et des moyens opérationnels au bénéfice direct d'une occupation de la voie publique plus importante, notamment aux heures où le besoin est le plus fort, ce au service de la sécurité de l'ensemble des habitants de Noisy-le-Sec et de Bobigny.
Je tiens à vous assurer, monsieur le sénateur, que cette réorganisation ne se fera aucunement au détriment de la commune de Noisy-le-Sec.
Cette dernière conservera bien évidemment sa structure policière, qui, je vous l'affirme, restera ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ce commissariat subdivisionnaire disposera d'un effectif en adéquation avec ses charges et assurera le même service au public, en bénéficiant de l'appui supplémentaire des fonctionnaires de police du commissariat central, installé à Bobigny, qui prendront en charge les tâches administratives incombant jusqu'à présent aux fonctionnaires de Noisy-le-Sec, dont la capacité opérationnelle sera ainsi renforcée.
Je peux vous garantir que cette opération n'est commandée que par la seule et unique volonté de lutter avec toujours plus d'efficacité contre la criminalité. Elle privilégie avant tout une présence accrue sur le terrain et une mobilité opérationnelle des effectifs.
Pour avoir été rapporteur du projet de loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, à l'Assemblée nationale, lorsque j'étais encore député, je puis vous indiquer que cette démarche s'inscrit pleinement dans les grandes lignes de ce texte : plus de disponibilité des forces de l'ordre sur le terrain et une meilleure organisation, en particulier aux heures où nous savons que la délinquance est la plus active. Tel est l'objectif recherché par M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, qui se traduit, notamment, par l'accord passé en vue de la restructuration des corps et carrières de la police nationale.
Les moyens et les besoins nécessaires au bon fonctionnement de ce service seront constamment évalués, de manière qu'il puisse répondre au mieux à la demande de sécurité de nos concitoyens. M. Sarkozy m'a prié de vous confirmer son engagement à veiller personnellement à ce qu'il dispose, au même titre que l'ensemble des circonscriptions de la Seine-Saint-Denis, de moyens adaptés.
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, vous savez que le département de la Seine-Saint-Denis, s'il dispose d'atouts considérables, d'ailleurs trop peu connus, est confronté, en matière d'insécurité, à des problèmes particulièrement importants.
La réponse que vous venez de me donner va rassurer complètement les élus de Noisy-le-Sec et le sénateur que je suis. Nous ne voulions surtout pas que les effectifs soient transférés à Bobigny et que le commissariat soit fermé la nuit, ce qui n'aurait pas manqué d'entraîner une augmentation de la délinquance.
Je me réjouis que M. le ministre d'Etat, dans la lutte qu'il mène, à l'échelon national, contre la délinquance et la criminalité, se soit engagé à veiller à ce que des moyens suffisants soient donnés à ce commissariat.
organisation des prochaines élections
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la question n° 786, adressée à M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
M. Jean Louis Masson. Lorsque, en juillet, j'avais posé une question orale portant sur ce même sujet, le Gouvernement n'avait pas encore apporté de précisions concernant notamment le calendrier électoral. Toutefois deux points que j'évoquais alors restent tout à fait d'actualité.
Le premier concerne le déséquilibre dans le découpage démographique des circonscriptions, notamment des cantons, et le second la parité.
Tout d'abord, à plusieurs reprises, au cours de l'année écoulée, le ministre de l'intérieur du précédent gouvernement m'a indiqué que, pour réduire les importants déséquilibres de populations constatés entre cantons, un redécoupage des cantons était envisagé et qu'il aurait lieu en même temps que celui des circonscriptions législatives. Or, ce dernier est repoussé une nouvelle fois sine die.
Je rappelle que, d'un canton à l'autre, le rapport va de un à quarante-six dans un même département, ce qui, selon moi, constitue une distorsion tout à fait inadmissible et choquante du point de vue de la démocratie, et est de ce fait vingt fois plus élevé que dans les circonscriptions législatives, où il est de un à deux.
Ensuite, j'attire votre attention, monsieur le ministre - M. le ministre de l'intérieur avait abordé ce sujet en s'exprimant sur le problème des élections cantonales - sur le fait que la parité entre les hommes et les femmes au sein des conseils généraux est loin d'être respectée.
De très gros progrès ont été faits, en France, au sein des conseils régionaux et des conseils municipaux, voire au sein du Sénat. En revanche, dans les conseils généraux, on dénombre à peine un peu plus de 10 % de femmes, ce qui ne correspond absolument pas aux objectifs fixés, même au plan européen, dans les accords internationaux signés par la France.
L'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes avait notamment proposé que soient prévus, pour les conseillers généraux, des suppléants d'un sexe différent, afin que, petit à petit, au gré des démissions, des décès ou autres vacances, le ratio puisse être amélioré.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, vous souhaitez connaître l'évolution du droit dans la perspective des prochaines échéances électorales.
La question que vous avez adressée à M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, appelle une quadruple réponse.
En ce qui concerne le remodelage des circonscriptions législatives, tout d'abord, un groupe de travail présidé par un conseiller d'Etat a remis, au mois de juin dernier, à M. Nicolas Sarkozy, un rapport précisant la portée de l'obligation de procéder au remodelage au regard du principe constitutionnel de l'égalité des citoyens devant le suffrage.
Au vu de ce rapport, le Gouvernement a décidé de ne pas engager de remodelage avant l'échéance de la présente législature.
Une telle initiative, à moins de deux ans de l'expiration des pouvoirs de l'Assemblée nationale, aurait été contraire à l'usage républicain. La préparation des prochaines élections législatives se déroulera donc dans le cadre des circonscriptions actuelles.
Le Gouvernement a toutefois pris bonne note des observations du Conseil constitutionnel sur la nécessité de procéder au remodelage des circonscriptions après les prochaines élections législatives.
Pour les mêmes raisons, il a été décidé de ne pas engager de remodelage des limites cantonales avant le prochain renouvellement des conseils généraux.
Monsieur le sénateur, vous m'avez également interrogé sur le calendrier électoral de l'année 2007, dont la mise en oeuvre soulève des difficultés majeures. Les mandats du Président de la République, des députés, des conseillers généraux et municipaux élus en 2001 et des sénateurs élus en 1998 devraient être renouvelés entre les mois de mars et de septembre 2007, ce qui poserait des problèmes d'organisation, entraînerait une confusion entre les campagnes nationales et locales, et risquerait d'accroître l'abstention. Ce calendrier nécessite donc un ajustement, comme l'a confirmé le Conseil constitutionnel dans ses observations publiées au Journal officiel du 8 juillet dernier.
Deux projets de loi, présentés en conseil des ministres le 2 août dernier, ont ainsi été déposés sur le bureau du Sénat. Le premier vise à reporter d'un an les élections municipales et cantonales, qui seraient organisées au mois de mars 2008. Le second a pour objet de fixer au mois de septembre 2008 le scrutin sénatorial initialement prévu en 2007. Ces projets seront très prochainement examinés par votre assemblée et feront certainement l'objet d'un large débat. Il appartiendra au Parlement de trancher.
Votre dernière interrogation, monsieur le sénateur, concernait la parité entre les hommes et les femmes. La législation actuelle a déjà permis d'améliorer de manière significative la féminisation des assemblées élues au scrutin de liste. La situation reste en revanche peu satisfaisante dans les assemblées élues au scrutin uninominal.
L'accès des femmes aux fonctions exécutives reste rare. Plusieurs propositions sont régulièrement suggérées au Gouvernement : d'abord, l'établissement de la parité au sein des exécutifs locaux ; ensuite, l'instauration d'un « ticket mixte » pour les scrutins majoritaires ; enfin, l'aggravation de la sanction financière applicable aux partis politiques qui ne respectent pas l'obligation de parité aux élections législatives.
Aucune de ces propositions n'est toutefois pleinement satisfaisante. Aussi la réflexion doit-elle se poursuivre sur le sujet, étant admis que la responsabilité des partis politiques en la matière ne doit pas être négligée.
Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions que je suis en mesure de vous apporter. J'espère avoir ainsi répondu, sinon pleinement du moins partiellement, à vos interrogations.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Depuis que je suis parlementaire, que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat - cela fait plusieurs décennies -, chaque fois qu'a été abordé le problème du découpage des cantons, la réponse fut toujours la même : on verra après les élections cantonales. Je prie donc pour que le Saint-Esprit tombe sur le nouveau Gouvernement qui sera constitué après les prochaines élections et que cette réforme, qui est à mon avis tout à fait indispensable, je le répète, au regard de la démocratie, puisse être engagée.
Mais, rassurez-vous, monsieur le président, je ne me fais pas beaucoup d'illusions ! (Sourires.)
Aménagement du territoire et développement économique dans un département rural
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 809, adressée à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire.
M. Georges Mouly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre de l'aménagement du territoire, le soutien aux zones en difficulté économique, grâce notamment à l'adoption, lors d'un récent comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, de mesures spécifiques de solidarité nationale au profit des territoires ruraux, mais aussi la création des pôles de compétitivité témoignent de la volonté de favoriser un développement équilibré et durable du territoire national, volonté qui est partagée par les élus et les responsables économiques.
Dans mon département, département pilote dans l'expérimentation pour l'accès aux services publics, le conseil général entend conduire, autant que possible, une politique volontaire et innovante en matière économique et multiplie les actions pour rendre le territoire départemental le plus attractif possible.
C'est ainsi qu'à l'initiative du conseil général chacun des trois arrondissements qui composent mon département sont « desservis » par des syndicats mixtes d'aménagement - conseil général, compagnie consulaire et communauté de communes -qui ont pour vocation d'aménager de vastes zones industrielles visant à favoriser l'implantation d'entreprises. La démarche est connue.
Dans deux de ces trois arrondissements, les choses avancent normalement. En revanche, pour le syndicat mixte d'aménagement du pays de Tulle, que je préside, la situation évolue moins favorablement et nous nous heurtons à des difficultés. Alors que sont enregistrés deux importants projets d'installation d'entreprises sur cette zone située aux portes de Tulle, je mesure aujourd'hui l'ampleur des obstacles qu'il faut surmonter pour réussir.
Il y a d'abord les complications administratives et réglementaires fortes qui surgissent habituellement lorsqu'est lancé un projet d'installation d'entreprises. Le même type de démarche est nécessaire pour l'aménagement des plates-formes : pour partie, il faut passer par les mêmes filtres. A cela s'ajoute la réticence des riverains - naturelle sans doute, encore que... -, lesquels, à tort ou à raison, forment des comités de défense.
Il est normal, me direz-vous, monsieur le ministre, que le syndicat mixte d'aménagement soit confronté à ce type de difficultés que l'on retrouve en d'autres circonstances. Cela dit, nous nous heurtons à une autre difficulté - c'est sur celle-là que je veux mettre l'accent - liée au refus de certains établissements publics d'investir dans la desserte de la zone sous prétexte d'une rentabilité non assurée ! Comment peut-on assurer a priori une rentabilité ?
Ainsi, Gaz de France répond que l'alimentation en gaz naturel ne peut être envisagée, compte tenu de l'application de « règles technico-économiques » qui conduisent à l'impossibilité d'atteindre le « taux de rentabilité exigé » !
Ainsi, la SNCF répond que la réalisation d'un terminal embranché est du ressort de Réseau ferré de France, RFF, - ce qui paraît normal - et qu'elle se fera en fonction des prévisions de trafic - inconnues à ce jour, car la zone n'est pas « remplie » - et du retour sur investissement que celles-ci laissent augurer ! En d'autres termes, selon la SNCF, si les hypothèses de trafic ne peuvent être précisées dans le cadre d'une zone logistique, il revient à RFF de conditionner la création du raccordement ferroviaire au financement par le futur embranché de la totalité de l'investissement de première partie, et cela à plus forte raison lorsque l'investissement est particulièrement important. En matière de service public, on peut faire mieux !
Heureusement, mais c'est une bien mince consolation, EDF envisage de faire un effort et le conseil général - toujours lui ! - mène une politique dynamique en matière de couverture du territoire pour la téléphonie mobile et l'accès aux haut et très haut débits.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre - sans trop d'illusions, certes -, si des structures comme Gaz de France ou la SNCF ne pourraient assouplir leur position, de façon à favoriser le développement des territoires ruraux.
Puisqu'il est question d'aménagement du territoire, notamment à l'échelon départemental, je terminerai par deux réflexions que je formulerai sous forme de questions.
Première question, et je traduis en l'occurrence une remarque du président du conseil général de mon département : la taxe sur les contrats d'assurance, dont le produit est très inégalitaire selon les départements, pourrait-elle faire l'objet d'une péréquation ?
Deuxième question : puisque la décentralisation accroît les pouvoirs du département, des contractualisations Etat-département sont-elles possibles, sur le modèle des contrats de plan Etat-région ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, les questions que vous m'avez posées vont bien au-delà des éléments qui m'ont été fournis pour vous répondre. Pour autant, je m'efforcerai d'y répondre du mieux possible, en tout cas pour ce qui est des dossiers qui relèvent de ma compétence.
Vous m'interrogez, monsieur le sénateur, sur les difficultés rencontrées par le syndicat mixte d'aménagement du pays de Tulle, que vous présidez, pour concrétiser le projet sur la zone de la Montane, importante zone d'activité du département de la Corrèze.
Vous mettez en particulier l'accent sur les modalités d'embranchement fer et gaz, question que vous rapprochez de celle de l'accès aux services publics. Je vous répondrai d'emblée qu'il y a là une obligation. Il est nécessaire de coupler la démarche du conseil général de la Corrèze en faveur du développement de ces zones d'activité avec un meilleur accès aux services au public.
Cela va parfaitement dans le sens de la circulaire que le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et moi-même avons cosignée le 2 août dernier et adressée à tous les préfets de département. Il n'est plus question de fermer, dans les six mois à venir, le moindre service public dans notre pays.
Parallèlement, il convient d'engager avec l'ensemble des élus locaux, en partenariat avec les présidents de conseils généraux, un débat sur l'accès non pas aux « services publics » mais aux « services au public », pour que la France de la ruralité se dote d'un projet de modernisation de l'aménagement de son territoire. Cette notion de services au public doit s'appliquer sans tabou : toutes les pistes croisant l'intervention du public et du privé doivent être abordées. Nous le savons, il est des territoires en France dans lesquels des services publics ne reçoivent plus de public depuis des années.
M. Raymond Courrière. C'est le désert !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous pouvez effectivement parler de désert ! Ce lent processus de fermeture du service public a été engagé, nous le savons, voilà maintenant six à sept ans. Avait alors été mise en oeuvre dans notre pays une politique de schémas nationaux qui partait du principe que la France était uniforme, que la France des vallées était la même que celle des littoraux, que celle des littoraux était la même que celle des montagnes, que celle des montagnes était la même que celle des villes !
Nous avons, M. le ministre de l'intérieur et moi-même, une vision tout à fait différente. La France est diverse, elle est riche de sa diversité. L'Etat a le devoir de s'y adapter et d'engager aujourd'hui, sur chaque territoire, un débat qui réponde au mieux aux problèmes de proximité et aux projets dont se dotent un certain nombre de collectivités avec un esprit d'initiative fort, à l'instar de ceux que vous développez en Corrèze.
Evidemment, pour ce qui concerne le raccordement de la zone d'activité, sur lequel vous m'avez interrogé, la problématique est un peu différente. Malgré tout, elle mérite d'être abordée dans l'état d'esprit que je viens de préciser. Ce projet de développement économique se doit d'être attractif : il n'est pas question de favoriser une implantation d'entreprises et de générer des investissements dans une zone d'activité où existerait à terme un risque de déclin qui pourrait être source de difficultés sociales.
Si nous devons vous accompagner, il nous faut le faire avec la certitude que seront créés de la richesse, de l'emploi et une forte attractivité du territoire. Dans ces conditions, nous y sommes prêts.
Si le bassin de Tulle a des atouts, il ne faut pas pour autant sous-estimer les conditions économiques de réalisation et d'exploitation des infrastructures. Au vu des éléments qui sont à ma disposition, il me semble qu'un embranchement fer serait difficilement compatible avec cet objectif. La SNCF n'a pas tort de vous répondre que, s'agissant d'infrastructures, la compétence relève en premier lieu de RFF.
Toutefois, je suis tout à fait prêt à travailler au plus près avec vous et les acteurs concernés sur cet aspect, afin d'étudier si nous pouvons dégager des solutions. A ce titre, je souhaite que nous rencontrions ensemble Réseau ferré de France et que nous interrogions la SNCF, en tant qu'exploitant, sur les moyens qu'elle serait prête à mettre en oeuvre pour la desserte de la zone dès lors que nous aurions trouvé une solution.
C'est la raison pour laquelle je ne peux vous donner aujourd'hui ni une réponse positive ni une réponse négative. En revanche, je le répète, je suis tout à fait disposé à travailler sur ce sujet avec vous.
Quant au raccordement au réseau de gaz, il doit pouvoir s'envisager dans la mesure où vous lancez une consultation qui s'appuie sur des implantations d'entreprises en cours ou envisagées de manière réaliste, comme vous venez de le faire. Les opérateurs devraient y être sensibles, car le marché est là. Je tenais donc à vous dire que je soutiendrai votre démarche.
Par ailleurs, comme vous l'avez justement indiqué, le bassin de Tulle a subi les restructurations de l'industrie d'armement. Des moyens d'accompagnement ont été dégagés dans ce cadre et sont mis en oeuvre, à vos côtés, par M. le préfet. Je vous invite à examiner la meilleure façon de mobiliser ces ressources, qui proviennent notamment du FNADT, le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, et du FEDER, le Fonds européen de développement régional, pour soutenir des projets porteurs de développement pour ce bassin d'emploi.
En outre, s'agissant de la taxe sur les contrats d'assurance, je ne dispose pas forcément de la bonne réponse, car ce sujet relève davantage de mon collègue Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales.
Quoi qu'il en soit, nous serons attentifs, notamment au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, à ce que la meilleure péréquation soit mise en place et que l'évolution s'effectue au bénéfice des départements.
Concernant votre question sur la contractualisation possible entre l'Etat et les départements, je peux vous dire que, à la fin de cette année et notamment lors du CIADT qui se tiendra sous la présidence de M. le Premier ministre au mois de décembre prochain, nous devrions être amenés à débattre et à faire des propositions sur la prochaine génération des contrats de plan.
D'ores et déjà, les commissions des finances et des affaires économiques du Sénat et de l'Assemblée nationale ont tracé un certain nombre de pistes, en proposant notamment des contrats mieux ciblés sur un temps bien défini et au plus près des acteurs compétents pour la mise en oeuvre des politiques.
Cela signifie que nous ne nous interdisons pas d'ouvrir le débat avec le Parlement sur l'opportunité, en fonction du niveau de compétence, de contractualiser ici avec la région, là avec le département, voire avec une communauté d'agglomération ou une commune.
Telles sont donc nos pistes de réflexion. Au demeurant, nous attendons du Sénat un certain nombre de propositions pour les nourrir.
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Je vous remercie vivement, monsieur le ministre délégué, de votre réponse, qui me satisfait pleinement.
A propos de mes dernières questions, je regrette le dysfonctionnement qui vous a empêché d'en connaître plus tôt la teneur.
J'ai noté votre souhait qu'ensemble nous essayions de trouver comment faire avancer les choses pour ce qui concerne les premiers problèmes de desserte de la zone.
S'agissant des contrats de plan et de la péréquation, que je n'avais pas évoqués dans la question qui vous a été communiquée, vous avez émis des orientations et des idées intéressantes.
Je vous remercie encore une fois de votre proposition de coopération. Je ne manquerai pas de répondre à votre invitation.