compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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Petites et moyennes entreprises
Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises (n° 473).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard Cornu, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le ministre, ce projet de loi, que vous nous avez présenté il y a tout juste un mois, était attendu.
Il était attendu par les chefs d'entreprise, les commerçants, les artisans et les professionnels libéraux, tous ceux qui contribuent quotidiennement au développement de notre économie. Tous espéraient des mesures de soutien à la création et à la reprise d'entreprise, d'aide au financement de leur croissance, d'amélioration du statut du conjoint collaborateur et, plus globalement, de simplification et d'allégement des procédures.
Les petites et moyennes entreprises, les PME, espéraient par ailleurs une amélioration des relations commerciales, ainsi qu'une modification des termes de la loi Galland qui permette de définir plus rigoureusement la coopération commerciale et de faire disparaître, enfin, le gonflement anormal des marges arrière.
Toutes ces attentes, monsieur le ministre, ont été exprimées au cours de débats parlementaires animés et fructueux. J'en veux pour preuve le nombre des articles, qui était de 53 dans le projet de loi initial - ou plutôt 52, puisque l'article relatif au chèque emploi TPE a été retiré -, et sera en définitive de 102 dans la loi. Il s'agit presque d'un doublement de la taille du texte, dû pour l'essentiel aux contributions de nos collègues du Sénat et de l'Assemblée nationale.
Je crois que l'on peut se féliciter de ce double témoignage du souci des parlementaires d'apporter davantage de soutien et de souplesse aux PME et aux très petites entreprises, les TPE, mais aussi de votre sens de l'écoute, monsieur le ministre, et de la confiance qui caractérise les relations entre le Gouvernement et sa majorité.
Au terme de nos travaux, qui se concluent par le bon accord auquel est parvenue la commission mixte paritaire, quelles sont les principales caractéristiques à retenir de ce texte ?
Tout d'abord, 31 des 82 articles adoptés par le Sénat ont été retenus sans modification par l'Assemblée nationale.
Nos collègues députés ont en particulier approuvé, parfois en les assortissant de précisions rédactionnelles mineures, les principes que nous avions retenus.
Parmi ceux-ci, j'évoquerai la prise en charge financière, au titre de la formation professionnelle continue, de la formation et de l'accompagnement des créateurs et des repreneurs d'entreprise par les fonds d'assurance formation des commerçants, des artisans et des professionnels libéraux, dès lors qu'aucun autre type de financement ne peut être sollicité, puis le droit au rachat des années d'activité du conjoint collaborateur au titre de l'assurance vieillesse, ainsi que le bénéfice d'un certain nombre de droits sociaux.
Je citerai aussi la plus grande partie des articles additionnels enrichissant le titre V du projet de loi consacré à la simplification, la suppression de l'article 23, qui créait inutilement un statut de société civile artisanale à responsabilité limitée, et la nouvelle définition du seuil de revente à perte, le fameux SRP, les solutions extrêmes que constituaient le maintien du statu quo, d'une part, ou le « triple net », d'autre part, ayant toutes deux été repoussées au profit, globalement, du mécanisme proposé par le Gouvernement et retenu par le Sénat.
Je mentionnerai, enfin, les précisions apportées à la nouvelle architecture du réseau des chambres de commerce et d'industrie, les mesures en faveur de l'apprentissage que nous avions insérées - rétablissement sur l'ensemble de la durée du contrat de la prise en charge par l'Etat des cotisations sociales patronales, légalisation immédiate du travail dominical ou les jours fériés des apprentis mineurs, création d'un médiateur de l'apprentissage -, et les mesures en faveur des officines pharmaceutiques, de la lutte contre le travail illégal, de l'encadrement du détachement transnational de travailleurs et de l'augmentation de la durée du mandat des élus du personnel.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a également laissé son empreinte sur ce texte en insérant 26 articles additionnels et en apportant à certains des dispositifs des modifications substantielles. Au total, la commission mixte paritaire a examiné avant-hier 77 articles : 39 ont été adoptés dans la rédaction de l'Assemblée nationale sans modifications et 14 autres assortis de simples corrections rédactionnelles, de coordination ou de précision.
Je citerai les plus importants de ces articles.
A l'article 5, il n'a finalement pas semblé opportun de revenir à l'exonération des droits de mutation pour la donation familiale en nature que le Sénat avait adoptée. L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition, qui, estimait-elle, était difficile à mettre en oeuvre.
L'article 8 a été fort opportunément complété par nos collègues députés par un dispositif de provision pour dépenses de conformité ouvert à toutes les entreprises individuelles et aux entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée, les EURL. Cette avancée majeure avait certes été « gagée », si l'on peut dire, par le rétablissement de la limitation du bénéfice de la provision pour investissement aux seules entreprises de moins de trois ans. On ne peut pas avoir le beurre, l'argent du beurre et le sourire de la crémière !
M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Hélas ! (Sourires.)
M. Gérard Cornu, rapporteur. La nouvelle rédaction de l'article 16 évite désormais tout risque de requalification des contrats entre les gérants mandataires et leurs mandants, tout en permettant la définition d'un cadre minimum pour la négociation, notamment en matière de montant garanti de la commission.
L'important article 17 ter, introduit par l'Assemblée nationale, permettra le développement du travail à temps partagé.
L'article 19 a été complété par nos collègues députés de manière à éviter que la prime de transmission n'affecte le montant des cotisations sociales à acquitter par le tuteur.
L'article 22 bis, sur l'initiative de l'Assemblée nationale, autorise les fondations reconnues d'utilité publique à recevoir des parts sociales ou des actions de sociétés.
L'article 25 quater autorise finalement les esthéticiennes à pratiquer des « modelages esthétiques de confort sans finalité médicale ».
M. Gérard Cornu, rapporteur. En effet !
L'article 25 quinquies, inséré par l'Assemblée nationale, fait passer la limite de l'autorisation des paiements en espèces de 750 euros à 1 100 euros.
L'article 28 ter, adopté par les députés, évite l'inscription au bulletin n°°2 du casier judiciaire des délits à caractère économique.
L'article 31 prévoit de fixer le seuil du SRP à 20 % du prix net d'achat en 2006 et de le baisser à 15 % en 2007. Il prévoit par ailleurs un mécanisme de coefficient minorateur de 0,9 permettant de diminuer le prix des produits vendus par les grossistes aux petits détaillants indépendants. Un équilibre complet a, en effet, été recherché.
L'article 32, tout en rétablissant la notion d'abus d'accord de gamme, donne satisfaction au Sénat, qui, en proposant d'interdire ces accords, empêchait l'accès aux linéaires des produits concurrents. C'est exactement ce que précise la rédaction de l'Assemblée nationale.
S'agissant toujours du seuil de revente à perte, l'article 37 ter indique que le rapport d'étape prévu par le Sénat devra, en plus, évaluer l'opportunité de baisser à 10 %, puis à 0 %, le seuil de 20 % prévu l'an prochain.
L'article 37 quinquies a été inséré par l'Assemblée nationale afin de soumettre les opérateurs à un délai maximal de dix jours pour effectuer le portage du numéro de téléphone mobile d'un abonné.
L'article 42 renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer la limite d'âge des présidents de chambre de commerce et d'industrie, les CCI, précision dont nous souhaitions qu'elle figure dans le règlement intérieur.
L'article 44 bis A a été inséré par l'Assemblée nationale pour faciliter sur le plan fiscal les conséquences patrimoniales des fusions de CCI.
L'article 44 quater a été ajouté sur l'initiative du Gouvernement pour mettre fin au régime spécial de retraite des agents de la CCI de Paris, lesquels relèveront désormais du régime général.
L'article 47 quinquies a été inséré par l'Assemblée nationale pour soumettre les apprentis qui ont obtenu leur diplôme à l'obligation de prévenir leur maître d'apprentissage lorsqu'ils entendent rompre leur contrat de travail avant son terme.
L'article 48 bis, qui augmentait le maximum du quantum de l'amende en cas de recours au travail dissimulé, a été supprimé par l'Assemblée nationale.
Les articles 50 quater, 50 quinquies et 50 septies ont été introduits par les députés pour sanctionner les infractions en matière de cabotage fluvial et routier.
A l'article 51, la CMP, après un débat et une suspension de séance, a entériné l'extension du dispositif de forfait-jours à tous les salariés non-cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée, et pas aux seuls salariés itinérants.
L'article 52 bis assouplit, sur l'initiative de l'Assemblée nationale, le fonctionnement des fonds d'investissement de proximité, les FIP.
Enfin, les articles 52 ter et 52 quater sont relatifs aux coopératives de transport public routier de marchandises.
Je vous prie de m'excuser de cet inventaire « à la Prévert ». Comme, à de rares exceptions, chaque article constitue une réforme en tant que tel, il est impossible de réaliser une synthèse des travaux de l'Assemblée nationale sans rendre justice à tous ses apports. Et il en sera d'ailleurs de même pour les travaux de fond menés par la commission mixte paritaire.
J'en viens donc maintenant à la vingtaine d'articles que la CMP a adoptés après les avoir substantiellement modifiés.
A l'article 1er, elle a adopté un amendement supprimant le décret d'application prévu afin de ne pas retarder la mise en place de l'ensemble du dispositif, mais soumettant les organismes chargés des actions d'accompagnement des créateurs et repreneurs d'entreprise aux mêmes contrôles que ceux auxquels sont soumis les organismes de formation professionnelle.
A l'article 2 bis, elle a confirmé le crédit d'impôt ouvert par les députés aux chefs d'entreprise en formation en l'adaptant à l'architecture du crédit d'impôt récemment institué en faveur des maîtres d'apprentissage.
La CMP n'a pas voulu me suivre pour supprimer l'article 10 bis, qui, en modifiant le droit des sûretés afin de protéger le conjoint travaillant dans l'entreprise, me semblait à la fois contraire au principe d'égalité et insuffisant pour résoudre les problèmes rencontrés effectivement par certaines personnes s'étant portées cautions.
Elle a, en revanche, adopté un texte qui étend à tous les conjoints de chef d'entreprise la protection prévue par l'article et qui confie au tribunal de grande instance la compétence pour attribuer la charge des dettes ou sûretés au conjoint qui conserve l'entreprise.
A l'article 12, elle a ouvert la possibilité de racheter des annuités passées à tous les conjoints collaborateurs, même ceux qui étaient adhérents volontaires à l'assurance vieillesse.
A l'article 17, elle a autorisé toutes les coopératives existantes ou à venir à rendre des services de groupement d'employeurs et rétabli le texte du projet de loi initial pour permettre aux organisations de groupements d'employeurs et aux organisations syndicales de salariés de conclure des accords collectifs de travail portant sur la polyvalence, la mobilité et le travail en temps partagé.
A l'article 17 bis, afin de permettre une bonne mise en oeuvre du mécanisme de contrôle des ventes au déballage institué par l'Assemblée nationale, la CMP a ajouté les intercommunalités à l'espace géographique au sein duquel est compté le nombre de fois où les particuliers sont autorisés à participer à ces ventes.
A l'article 20, elle a supprimé la précision selon laquelle la possibilité d'acheter les actions ou les parts sociales louées à l'issue de la période de location est, le cas échéant, prévue dès la conclusion du contrat de bail.
Puis, par coordination avec le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, qui contient une disposition similaire, elle a supprimé l'article 23 bis A relatif au rapport sur les procédures de contrôle interne.
A l'article 27, elle a ajouté le chiffre d'affaires aux critères permettant la différenciation des conditions générales de vente et renvoyé à un décret le soin de préciser ces critères.
A l'article 28, afin d'éviter de créer des incertitudes dans les relations commerciales, elle a supprimé la précision selon laquelle les services autres que ceux constituant la coopération commerciale sont ceux « qui ne relèvent pas des obligations résultant des achats et des ventes ».
Elle a ensuite supprimé l'article 28 bis relatif aux délais de paiement. Jugeant qu'une réponse sectorielle à cette question délicate risque de générer des effets pervers, elle a préconisé à cet égard une réflexion préalable plus globale.
Puis, afin de souligner, comme le souhaitait le président de notre commission des finances, l'importance du critère de l'emploi, elle a rétabli l'article 32 ter relatif au contrôle des concentrations, qui avait été supprimé par l'Assemblée nationale.
A l'article 33, après qu'un débat m'a conduit à retirer un amendement tendant à étendre à tous les types d'enchères, et pas seulement aux enchères inversées, le dispositif de contrôle des enchères prévu par le projet de loi, la CMP a supprimé l'obligation de subordonner la divulgation de l'identité du candidat retenu à l'issue d'une procédure d'enchères inversées à distance à l'accord dudit candidat et de l'organisateur, puisque, comme je l'ai démontré, cette obligation aurait abouti à ôter toute portée à la disposition.
Le très important article 37 quater, qui institue, comme je l'avais souhaité lors de nos débats, un dispositif de sauvegarde du commerce de proximité en créant un droit de préemption des communes sur les fonds et les baux commerciaux, a été profondément remanié.
Il s'agit à la fois d'étendre le droit de préemption aux fonds artisanaux, de supprimer la possibilité de le déléguer aux chambres de commerce et d'industrie, de rendre nécessaire l'accord préalable du bailleur lorsque la commune rétrocède un bail commercial à un nouveau commerçant et, enfin, de soumettre la procédure aux dispositions du code de commerce fixant les conditions d'information par le vendeur de l'acte de rétrocession d'un fonds de commerce.
Grâce à cet article 37 quater, les communes auront enfin la possibilité d'agir pour sauvegarder des fonds de commerce. A cet égard, on peut remercier à la fois M. le ministre, très attaché à cet amendement, pour son initiative et les deux chambres pour leur coopération, le travail commencé au Sénat ayant été approfondi par l'Assemblée nationale.
Sur un problème qui touche l'ensemble des élus locaux aussi bien des zones rurales que des grandes villes, la CMP est parvenue à un consensus dont nous pouvons tous nous féliciter.
A l'article 39, la commission a évité d'imposer aux chambres de commerce et d'industrie l'exercice d'une mission de service aux associations d'entreprises et unions commerciales, lesquelles ne contribuent pas, il est vrai, au financement des établissements consulaires.
A l'article 45, après un débat au cours duquel il a été expliqué que, bien qu'encadrée, la limitation des démembrements de propriété des parts de sociétés d'exercice libéral prévue par la rédaction de l'Assemblée nationale portait une atteinte excessive au droit de propriété et que des protections existaient déjà dans le droit positif, le mécanisme dérogatoire voté par les députés a été supprimé sur l'initiative de notre excellent collègue Christian Cambon, rapporteur pour avis de la commission des lois.
Le texte de l'article 47 ter A, inséré par l'Assemblée nationale, a été réécrit pour prévoir que les délégués du Médiateur de la République peuvent exercer leur activité au sein des chambres consulaires afin de faciliter l'instruction des réclamations spécifiques aux relations entre les entreprises et les administrations. Mais ces délégués seront sous la responsabilité du Médiateur de la République. Toujours fidèles à notre souci de simplification, nous n'entendions pas créer un médiateur spécifique pour les entreprises.
A l'article 47 ter, la commission a précisé que le travail dominical des apprentis mineurs serait autorisé dans des secteurs déterminés par décret. Il en ira de même pour les jours fériés ; je m'adresse là plus particulièrement à Mme Procaccia, qui fut le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.
A l'article 50 sexies, la CMP a supprimé l'exclusion du transport des récoltes agricoles du champ des dispositions relatives à la durée du cabotage.
Une loi d'orientation pour l'agriculture étant en préparation, nous avons exclu, dans un souci de cohérence, les très nombreux amendements qui avaient trait à l'agriculture.
Puis, la CMP a supprimé l'article 51 bis A, qui revenait sur le régime dérogatoire transitoire applicable aux PME pour le passage aux 35 heures adopté par le Parlement il y a quatre mois. Par cohérence, j'ai repoussé bon nombre d'amendements qui revenaient sur des lois très récemment adoptées, dont il faut d'abord apprécier les résultats dans la durée !
A l'article 51 bis, pour tenir compte des secteurs ou des entreprises où la rotation des personnels est importante, la CMP a ouvert la possibilité de fixer, par accord collectif de branche, de groupe ou d'entreprise la durée du mandat des représentants du personnel entre deux et quatre ans. C'est un sous-amendement à l'amendement de Mme Lamure, qui avait été particulièrement efficace lors de nos discussions.
Enfin, la CMP a adopté un amendement portant article additionnel après l'article 53 afin d'autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions nécessaires à l'application de la loi à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Au total, 31 des 102 articles du projet de loi ont donc été adoptés dans le texte du Sénat, 34 dans celui de l'Assemblée nationale et 37 dans celui de la CMP.
Je suis convaincu que ce texte, qui foisonne de dispositions utiles aux PME, rencontrera le même succès et aura la même efficacité que la loi pour l'initiative économique qui porte votre nom, monsieur le ministre.
Nombre de ces articles s'avéreront essentiels.
Il s'agit, d'abord, des nouveaux mécanismes financiers mis à disposition des entrepreneurs pour faciliter la création, pour accompagner le développement et la mise aux normes des entreprises et pour encourager leur transmission ainsi que, avec l'instauration du tutorat, la transmission des savoirs.
Il s'agit aussi des multiples mesures de simplification des procédures auxquelles sont soumises les PME et en particulier les TPE.
Il s'agit également de l'importante réforme de la loi Galland - qui devrait enfin permettre la disparition de la fausse coopération commerciale -, du dégonflement des marges arrière, de la sanction des accords de gamme qui pervertissent la concurrence et interdisent l'accès aux linéaires des produits des PME, ainsi que d'une diminution du prix des produits de grande marque, au bénéfice final des consommateurs.
Il s'agit, enfin, du renforcement très important de la lutte contre les pratiques qui altèrent gravement les conditions de la concurrence en matière de droit du travail : travail dissimulé, emploi illégal de main-d'oeuvre transfrontalière, cabotage fluvial et routier.
Je crois sincèrement que nous avons collectivement bien travaillé. Quand je dis « collectivement », je vise à la fois la majorité et l'opposition.
A cet égard, je voudrais remercier le président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Emorine, de son total soutien, et nos collègues rapporteurs pour avis, Mme Catherine Procaccia, M. Christian Cambon et M. Auguste Cazalet de leur concours très apprécié, en particulier sur des questions parfois techniquement difficiles.
Je voudrais également remercier la présidence des longues heures nocturnes de débats voilà un mois : quatre séances de nuit jusqu'à une heure du matin.
Je terminerai par vous, monsieur le ministre, et c'est bien naturel. Même s'il s'agissait pour vous d'un « retour au bercail », ce n'était pas facile. Vous avez repris d'entrée de jeu le texte préparé par votre prédécesseur, M. Christian Jacob. Je vous remercie à la fois de la qualité des débats et de votre écoute très attentive des propositions des parlementaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici au terme du processus d'examen et d'élaboration législative du projet de loi relatif aux PME.
En cet instant, je considère le résultat obtenu avec satisfaction, et je vous suis reconnaissant du travail accompli sur ce texte.
Je remercie particulièrement le rapporteur au fond, M. Gérard Cornu et les trois rapporteurs pour avis, le président de la commission des affaires économiques, ainsi que l'ensemble des sénateurs, qui se sont beaucoup impliqués dans l'examen du texte.
Ainsi 158 amendements ont été adoptés au Sénat et 164 à l'Assemblée nationale. J'observe cependant que le taux d'adoption est meilleur au Sénat, où 445 amendements avaient été déposés, qu'à l'Assemblée nationale, où 629 ont été discutés.
Nous pouvons aujourd'hui, après de longues soirées d'étude, nous réjouir de voir cette loi aboutie et perfectionnée.
Après la loi pour l'initiative économique de juillet 2003, qui a redonné aux Français l'envie d'entreprendre, cette loi permettra aux PME et aux TPE de mieux se développer.
Nous renforçons la formation et les fonds propres des entreprises. Nous définissons des statuts d'activité.
De nombreuses mesures ont été adoptées sur l'initiative du Parlement. Une bonne loi est une loi enrichie et améliorée par le Parlement. C'est dans cet esprit que je vous ai présenté différents textes depuis 2002.
Le Parlement a créé deux objets nouveaux, dont l'intérêt est indéniable.
Il s'agit de la société de travail en temps partagé, d'une part, et du label « entreprises du patrimoine vivant », d'autre part, très lié aux entreprises le plus enracinées dans nos territoires.
Par ailleurs, par cette loi, nous facilitons la transmission d'entreprise, ce qui est essentiel face au choc démographique auquel nous sommes confrontés.
Nous créons des prestations de tutorat, des mécanismes de location d'actions, nous renforçons le dispositif d'exonération de droits de mutation pour les transmissions d'entreprises.
L'initiative parlementaire est, en outre, à l'origine de nombreuses mesures dont je souhaite saluer les auteurs.
Je citerai notamment l'instauration d'un droit de préemption des baux commerciaux par les mairies, M. Gérard Cornu en a parlé, ou la portabilité du numéro de téléphone mobile, avancée importante pour les consommateurs qui pourront en dix jours changer d'opérateur et conserver leur numéro de téléphone.
Je mentionnerai également la définition du commerce équitable, nouvelle forme de commerce à laquelle beaucoup de Français sont attachés.
Nous avons créé un médiateur des entreprises, qui pourra mettre un peu d'huile dans les rouages de l'administration, lorsqu'un entrepreneur sera confronté à une menace de sanction ou de contentieux.
J'évoquerai aussi la régularisation des possibilités de travail des apprentis le dimanche, le renforcement de la répression du travail illégal, les mesures qui, je l'espère, tordront définitivement le cou au mythe du plombier polonais, et celles qui permettront d'encadrer le cabotage routier.
J'en viens maintenant aux mesures de régulation des relations commerciales qui nous ont beaucoup occupés. Je crois que nous avons trouvé un équilibre. C'était la mission que l'on nous avait confiée.
Le nouveau texte encadre les services de coopération commerciale, afin de mieux protéger les fournisseurs.
Cette disposition rend obligatoire l'évaluation précise et contractuelle des services de coopération commerciale ; elle oblige les distributeurs à justifier les services rendus et, en cas de litige, inverse la charge de la preuve.
La loi donne la possibilité aux distributeurs de remettre sur l'avant les fameuses marges arrière, qui ont privé les consommateurs français d'une partie de leur pouvoir d'achat depuis 1997, date à partir de laquelle ces marges ont été artificiellement gonflées.
Par rapport au projet initial du Gouvernement, le Parlement a souhaité indiquer clairement la direction à suivre, et je ne peux qu'approuver son intention : il s'agissait d'aller dans le sens d'une convergence vers la notion de prix économique.
Cette orientation est renforcée par la possibilité, mentionnée à l'article 37 ter, de faire passer les marges arrière, à terme, à 10 % puis à 0 %, en fonction d'une évaluation de la première étape par le Gouvernement, qui sera faite avant le 1er octobre 2007.
C'est un ensemble de mesures qui peuvent parfois sembler sans lien les unes avec les autres, mais qui répondent en réalité à des questions très concrètes que se posent les acteurs économiques de notre pays.
Je suis sûr que, avec le plan emploi que le Gouvernement mettra en oeuvre dès le 1er septembre, avec les pôles de compétitivité annoncés hier, qui donnent une perspective à nos territoires en appuyant leur devenir sur l'innovation et la recherche, avec la loi PME, nous aurons un triptyque qui permettra à notre économie de retrouver le chemin de la croissance et de l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d'aujourd'hui a trait à l'ultime discussion du projet de loi en faveur des PME, puisque le Gouvernement a encore une fois choisi de proclamer l'urgence sur ce texte.
Au vu de l'enjeu social et économique fondamental que représentent les PME, mais également de la complexité de la législation en ce qui concerne la coopération commerciale, nous regrettons sincèrement que la discussion parlementaire ait été ainsi tronquée.
Annoncée de longue date, cette législation visant à dynamiser le tissu économique des PME était nécessaire.
Hélas, le projet de loi reste très en dessous des attentes des acteurs économiques et des objectifs fixés !
Les mesures proposées sont en effet insuffisantes, parfois incomplètes, souvent injustes.
Les quelques avancées du texte restent timides.
Les dispositions relatives à l'adhésion obligatoire à un statut pour le conjoint collaborateur répondent enfin aux demandes anciennes des travailleurs concernés.
Ces mesures demeurent cependant incomplètes et perfectibles : il est inconcevable que les couples liés par un pacte civil de solidarité ou vivant en concubinage ne se voient pas reconnaître les mêmes droits que les couples mariés.
Le droit de préemption urbain pour les fonds de commerce constitue une mesure positive s'il permet aux maires d'éviter la désertion par le petit commerce de bon nombre de centres-villes tant en milieu rural qu'en milieu urbain.
Les mesures d'accompagnement nécessaires au fonctionnement pérenne de ces petits commerces demeurent toutefois quasiment inexistantes.
Hormis ces quelques avancées, la volonté affichée de proposer une législation en faveur des PME ne se traduit pas en pratique.
En effet, si l'objectif avait réellement été de développer et de pérenniser les PME, cela aurait nécessité de mettre en oeuvre un programme de relance économique, de favoriser une hausse de la croissance et de conduire une véritable politique de valorisation des métiers de l'artisanat.
Les entreprises ont besoin de moyens financiers pour se lancer, créer des fonds propres et investir.
La garantie pour accéder au crédit est l'obstacle majeur qu'elles rencontrent.
Pourtant, face à cette réalité, vous proposez de faciliter les dons familiaux et mettez en place des exonérations fiscales qui ne profitent qu'aux ménages et aux acteurs économiques les plus aisés.
Il n'est d'ailleurs pas étonnant que des députés de la majorité aient tenté de détourner les débats vers la réforme de l'ISF, prétextant la hausse de la pression foncière et immobilière pour exonérer les véritables grandes fortunes.
L'amendement visant à alléger l'ISF en portant de 50 % à 75 % l'abattement dont bénéficient les détenteurs d'actions engagés pour six ans dans un pacte d'actionnaires ne semble pas vraiment répondre aux difficultés avancées.
En ce qui concerne la grande distribution notamment, le titre VI reste très insuffisant et tend à légaliser des pratiques plus que critiquables des grands groupes.
La réforme annoncée de la loi Galland ne protège en rien les petites et moyennes entreprises, que ce soient les producteurs ou les fournisseurs, et les consommateurs restent livrés au bon vouloir des grandes surfaces.
Nous avions demandé l'interdiction pure et simple des accords de gammes. Le projet de loi refuse cette interdiction de principe, de sorte que seuls les accords de gammes constituant des pratiques abusives seront sanctionnés.
Les débats autour des marges arrière, du contrat de coopération commerciale, des enchères électroniques inversées posent en réalité la même question, celle des rapports de force totalement déséquilibrés qui existent entre la grande distribution et les petits fournisseurs et producteurs.
Limiter les marges arrière et encadrer les enchères électroniques, c'est accepter des pratiques intolérables sans en assurer une sanction efficace.
Vous avez également opté pour un assouplissement du seuil de revente à perte, laissant la possibilité à la grande distribution de baisser les prix, mais vous permettez également de faire baisser tendanciellement le prix de vente des producteurs en le déconnectant de la rémunération de leur travail.
Le titre VI n'apporte en réalité aucune solution concrète, d'une part, parce que l'arsenal juridictionnel prévu, loin d'être dissuasif pour les grands groupes, sera peu utilisé par les PME craignant les représailles et, d'autre part, parce que la baisse des prix ne garantit pas le dynamisme économique de nos entreprises.
Nous tenons à rappeler une fois encore l'importance de la revalorisation du prix du travail. La relance économique nécessaire à nos entreprises passe par une augmentation du pouvoir d'achat et une hausse de la rémunération du travail.
C'est dans ce sens notamment que nous avions avancé les notions de prix minimum et de prix rémunérateur pour les produits agricoles périssables.
Alors que le décret mettant en oeuvre le coefficient multiplicateur vient enfin d'être pris, nous nous en réjouissons,...
M. Gérard Le Cam. ...nous tenons à insister sur la nécessité d'associer ce mécanisme à un prix minimum et d'en assurer une application rapide et efficace en temps de crise.
Nous regrettons enfin que ce projet de loi ait été l'occasion pour le Gouvernement et la majorité parlementaire d'adopter des mesures en marge du sujet, mesures souvent attentatoires aux droits des salariés.
A titre d'exemple, nous pouvons citer ici les dispositions relatives au travail des apprentis le dimanche, les dispositions concernant le temps de travail des salariés itinérants non cadres ou encore l'allongement de la durée du mandat des élus du personnel.
Ces dispositions confirment la vocation de boîte à idées du rapport Virville pour le Gouvernement.
Les mesures relatives au droit du travail dans le projet de loi PME poursuivent la logique de démantèlement du droit du travail. Si le Gouvernement a retiré son projet de chèque-emploi-service, ce n'était que dans le but de pouvoir traiter cette question par le biais des ordonnances.
Nous regrettons l'allure qu'ont prise les débats en ce qui concerne le droit du travail, pour deux raisons principalement.
En premier lieu, nous tenons à réaffirmer notre étonnement face à la différence de traitement dont ont fait l'objet les amendements de la majorité et ceux de l'opposition.
Nous avions en effet proposé un certain nombre de mesures visant à permettre la représentation des salariés dans les plus petites entreprises, ou encore à assurer une augmentation du personnel de l'inspection du travail.
Or, selon M. le rapporteur, ces amendements n'avaient pas leur place dans un texte sur les PME.
En revanche, l'allongement de la durée des mandats des délégués du personnel présenté par Mme Lamure a reçu un avis favorable du fait de son « caractère technique ».
Si nous pouvons, à la limite, accepter la nécessité d'un débat au fond sur des questions aussi importantes que la représentation des salariés dans l'entreprise, nous ne pouvons que dénoncer une telle discrimination.
Parce que le texte qui nous est présenté reste largement insuffisant pour assurer la relance économique des PME, parce qu'il ignore les droits des salariés et la situation dramatique des petits producteurs et commerçants, parce qu'il demeurera sans effet face à la position dominante des grands groupes, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen s'opposent fermement à son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Il nous aura fallu exactement un mois, monsieur le ministre, seulement un mois, pour boucler l'examen d'un projet de loi dont l'adoption aura pourtant de lourdes conséquences dans de nombreux domaines de la vie économique. Je pense encore, à cet instant, à tous ces jeunes apprentis qui ne pourront, malgré leur jeune âge, échapper aux dures conditions de travail du secteur de la restauration, dont chacun d'entre nous sait à quel point elles sont parfois ingrates. A leur âge, il est pourtant plus naturel, reconnaissons-le, d'être avec les copains, le dimanche et les jours fériés, que de travailler en cuisine ou de servir la clientèle. (Exclamations au banc de la commission.)
M. Daniel Raoul. Vous avez refusé la proposition de notre collègue Mme Procaccia, rapporteur de la commission des affaires sociales, comme vous avez refusé le compromis en rejetant un amendement de notre groupe portant sur ce thème. Le travail du dimanche des apprentis mineurs a donc été accepté. Quant au travail de ces derniers les jours fériés, vous vous y étiez déclaré défavorable devant la Haute Assemblée, monsieur le ministre, mais qu'à cela ne tienne : la brèche était ouverte, où l'on pouvait s'engouffrer !
Deux semaines plus tard, lors de l'examen du projet de loi relatif au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, un nouveau coup de griffe était donné à la réglementation du travail des apprentis mineurs : autorisation du travail de nuit dans les secteurs de la boulangerie-pâtisserie et des courses hippiques, travail possible les jours fériés. Sur ce dernier point, quelle est donc, en définitive, la position réelle du Gouvernement ? N'est-ce pas tout simplement scandaleux ? Envisage-t-on d'abaisser demain l'âge de la scolarité obligatoire ? Croyez-vous que l'on attirera ainsi les jeunes vers cette filière de formation ?
Mme Gisèle Printz. Non !
M. Daniel Raoul. Mais revenons à ce qui devait être le sujet même du projet de loi, à savoir les PME et les TPE, les très petites entreprises.
Voici donc un texte en faveur des petites et moyennes entreprises dont on risque finalement de ne retenir, hélas ! pour la partie qui les concerne directement, que le statut du conjoint collaborateur, indépendamment de la réforme de la loi Galland.
Ce texte comporte en effet de nombreuses insuffisances et reflète une appréhension malgré tout bien peu innovante de la vie de l'entreprise.
Ainsi, en ce qui concerne le financement, on ne relève rien de vraiment nouveau.
En matière d'exonérations fiscales, on constate, dans la continuité, en quelque sorte, de la loi « Dutreil I », une fuite en avant, après de nouvelles tentatives, certes avortées, de remise en cause de l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune.
S'agissant du taux de l'usure, il s'agit d'une mesure supplémentaire en faveur des services bancaires, mais certainement pas en faveur des plus petites de nos entreprises, qui souffrent déjà tellement des conditions discriminatoires d'accès au crédit et des délais de paiement excessivement longs imposés par leurs acheteurs.
En matière de formation, le dispositif présenté est bâti sur des fonds d'assurance formation qui n'ont déjà plus de marges financières.
Quant à la vision de la création et de la reprise d'entreprise qui sous-tend ce projet de loi, elle est très patrimoniale et, finalement, discriminatoire. Vous entendez favoriser la transmission des héritages, monsieur le ministre, sans vous soucier réellement des entreprises qui pourraient être reprises en l'absence de telles solutions familiales.
En effet, que dire d'autre de la mise en place d'un système qui va privilégier les familles aisées avec la défiscalisation des dons familiaux en guise d'aide à l'installation, puisque vous ne nous proposez rien d'autre en matière d'aide financière à l'installation ou à la reprise ? Cela est d'autant plus choquant que vous avez refusé de revenir sur la « prime remboursable » à l'installation pour les chômeurs créateurs d'entreprise. Ce n'est certainement pas de cette manière que l'on revalorisera le travail,...
M. Daniel Raoul. ... sauf à penser que l'ascension sociale n'est désormais possible que par l'héritage et la transmission du patrimoine, et non plus par le travail !
Avec votre proposition de tutorat, vous risquez d'introduire un lien de tutelle propre à tuer dans l'oeuf tout esprit d'entreprise. Nos propositions relatives au parrainage permettaient de sortir de cette vision de la transmission d'entreprise. Sur le plan purement économique, celui de la dynamique économique, offrir le choix entre un tutorat ou un parrainage aurait pourtant tout son sens.
D'ailleurs, à en croire le Gouvernement, seul le social entraverait encore l'esprit d'entreprise, en constituant l'ultime obstacle au bon fonctionnement du marché du travail. A cet égard, le contrat « nouvelles embauches », étape importante dans la remise en cause du salariat et des droits qui lui sont attachés, donnera à l'employeur toute la souplesse qu'il pouvait espérer en matière de gestion de la main-d'oeuvre. Vous avez utilisé la procédure des ordonnances pour imposer des mesures de régression sociale.
Les salariés et les employés des petites et moyennes entreprises sont d'ailleurs les grands oubliés du texte.
Ainsi, le collaborateur principal, notion à laquelle j'étais personnellement très attaché, n'est pas considéré comme repreneur potentiel avec toute l'attention qu'il mériterait. Cela est plus que regrettable : il est pourtant un repreneur plus probable que le conjoint, qui, le plus souvent d'un âge proche de celui du chef d'entreprise, fera valoir ses droits à la retraite en même temps que ce dernier.
En outre, si les petites et moyennes entreprises se battent pour être attractives, la majorité ne concède rien pour les y aider. Elle aurait pu, par exemple, leur ouvrir la possibilité de se regrouper pour proposer des comités d'oeuvres sociales à leurs salariés.
Fidèle à sa méthode, le Gouvernement introduit dans des textes différents, histoire de brouiller les pistes, des mesures qui n'auraient pu être acceptées en bloc. A cet égard, nous évoquions, tout à l'heure, le travail des apprentis mineurs.
C'est aussi au détour de l'examen de ce texte que l'on daigne se pencher sur la situation des intermittents, mais seulement d'un point de vue répressif : l'approche globale, indispensable pour résoudre cette épineuse question, est abandonnée. Nous redoutons que le Gouvernement n'ait le sentiment d'avoir achevé le travail par le biais de l'introduction d'une mesure tout à fait insuffisante pour régler une situation désastreuse.
Quant au titre VI, certaines de ses dispositions constituent de réelles avancées, qu'il s'agisse de la définition de la coopération commerciale, des accords de gamme ou encore des délais de paiement relatifs aux produits alimentaires. Pour autant, nous ne pouvons que regretter le recul opéré par l'Assemblée nationale, qui a assoupli très nettement le dispositif relatif aux abus de puissance de vente. En définitive, le premier point de la rédaction de l'article 32 adoptée au Sénat se trouve pratiquement vidé de son contenu.
La même remarque vaut en ce qui concerne les enchères inversées. La suppression du tiers certificateur est regrettable. Certes, une telle disposition n'est pas facile à mettre en oeuvre, je le reconnais, mais nous devons, devant ces pratiques d'enchères inversées qui prennent chaque jour davantage d'ampleur, réfléchir aux garde-fous et aux régulations qu'il est nécessaire de mettre en place. Je ne doute pas que nous soyons obligés, à l'avenir, de revenir sur ces questions, en particulier pour empêcher l'apparition de véritables comportements de négriers liés à la pratique d'enchères inversées concernant la main-d'oeuvre.
Enfin, la discussion de ce projet de loi fut à maints égards tout à fait exemplaire, relativement aux contradictions qui traversent le Gouvernement et sa majorité, et je ne pense pas ici à la seule épineuse question de l'ISF.
Par exemple, l'idée d'interdire les enchères inversées dans le domaine du placement et du travail temporaire, afin d'éviter que les salariés n'y soient soumis, fut l'une des nombreuses pierres d'achoppement entre vous, monsieur le ministre, et certains des représentants de la majorité.
Une telle exigence, qui relève de l'éthique et de la nécessaire régulation, n'était pourtant pas une aberration. Je reste convaincu que, à terme, nous n'y échapperons pas. Nous avions nous-mêmes déposé un amendement relevant de la même problématique, qui participe de la revalorisation du travail par la reconnaissance des exigences de formation et de la nécessité de salaires dignes.
En effet, aujourd'hui, et c'est là que le bât blesse, la baisse des salaires accompagne la baisse des prix. Autrement dit, il ne suffit pas de réduire les prix à la consommation pour relancer la consommation et la croissance économique. Comme chacun peut le constater, ce sont malheureusement les salaires et l'emploi qui jouent le rôle de variables d'ajustement.
Vous savez que nous ne partageons pas votre point de vue sur la remise en cause du seuil de revente à perte, monsieur le ministre. Nous en avons longuement débattu en commission et lors de la discussion générale sur le projet de loi initial. Vous pensez pouvoir, à partir de là, revenir à un véritable prix économique. Je m'interroge, quant à moi, sur cette notion de « vrai prix économique ». En vérité, de quoi s'agit-il ? D'un prix rémunérateur pour les producteurs, les fournisseurs et l'ensemble des prestataires de services ?
M. Daniel Raoul. On a pu l'observer, le prix n'exprime finalement qu'un rapport de force, souvent déséquilibré au profit de la grande distribution.
Qu'en sera-t-il lorsque l'on aura mis définitivement fin à l'application des règles, certes contournées - le phénomène des marges arrière est révélateur à cet égard -, régissant les relations commerciales entre distributeurs et fournisseurs ? Je persiste à penser, pour ma part, que, sans régulation, il n'existe pas de prix économiquement vrai, particulièrement pour les fournisseurs. On parle souvent de seuil de revente à perte, mais jamais de seuil d'achat à perte...
Ainsi, le retour à des prix d'appel, à des « prix prédateurs », sera tout à fait possible, alors que la loi Galland visait précisément à interdire ce genre de pratiques. Je crains que les petits fournisseurs, les PME et, au-delà, le commerce de proximité n'en fassent les frais. Que l'on me comprenne bien, il ne s'agit en aucun cas de stigmatiser la grande distribution, mais simplement de faire remarquer que celle-ci n'a pas d'autre échappatoire que de diminuer ses propres prix pour faire face à la concurrence du hard discount. Vous savez d'ailleurs, monsieur le ministre, qu'une certaine enseigne de la grande distribution avait menacé de créer des magasins de hard discount, ce qui constituait une forme de chantage.
M. Guy Fischer. Elles le font toutes !
M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, dans la baisse des prix à la consommation, il y a nécessairement un perdant. La grande distribution n'étant certainement pas disposée à rogner ses marges, nous risquons de perdre sur les deux tableaux : celui des petits commerces de proximité, qui ne pourront résister à la nouvelle donne, et celui de l'emploi dans la grande distribution, où l'on cherchera à compenser la compression des marges.
Dans ce domaine, l'exemple de la chaîne de distribution Wal-Mart, numéro un mondial, est tout à fait éloquent. Sa filiale britannique, ASDA, a annoncé, le 6 juillet dernier, la suppression de 1 400 emplois. La direction a expliqué qu'elle souhaitait investir dans la baisse des prix les économies réalisées grâce à la réduction des effectifs ! Là encore, la variable d'ajustement, c'est l'emploi. Je crains, monsieur le ministre, que la réforme que vous engagez ne nous soumette à des risques démesurés dans le contexte actuel. Vous étiez pourtant instruit de l'expérience des Pays-Bas, où a été enregistrée une perte de 100 000 emplois.
M. Gérard Cornu, rapporteur. C'est bien pour cela que nous procédons différemment !
M. Daniel Raoul. Vous avez vous-même parlé de déflation des prix à la consommation. Or, souvent, la déflation par les prix passe par la déflation par les coûts, autrement dit par la baisse des salaires et la régression de l'emploi, sur fond d'accroissement des inégalités.
Cependant, l'urgence a été déclarée pour ce texte, et nous n'aurons donc pas la possibilité de revenir sur des questions extrêmement importantes qui engagent la France sur le moyen terme.
Qui plus est, de nombreuses dispositions ont été introduites subrepticement, concernant, par exemple, la question des retraites des agents des chambres de commerce et d'industrie. Le passage d'un régime spécial à un régime général n'est pas en soi contestable ; ce qui est absolument inadmissible, en revanche, c'est qu'une telle réforme puisse être engagée sans qu'il ait été procédé à aucune concertation avec le personnel concerné, et cela par le biais d'un amendement gouvernemental, qui n'a d'ailleurs pu être examiné par la commission des affaires sociales du Sénat. Les négociations ne sont-elles pas préférables aux mesures d'autorité ?
J'ai l'impression que, avec ce gouvernement, plus nous avançons, plus nous revenons sur l'ensemble des acquis sociaux. Pour toutes les raisons, de fond et de forme, que j'ai évoquées, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, d'une part, aucun amendement n'est recevable, sauf accord du Gouvernement ; d'autre part, étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, le Sénat statue d'abord sur les amendements puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.
TITRE Ier
L'AIDE À LA CRÉATION