sommaire
présidence de M. Guy Fischer
2. Communication relative à une commission mixte paritaire
3. Organisme extraparlementaire
4. Locaux du Congrès à Versailles. - Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture
Discussion générale : MM. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement ; René Garrec, rapporteur de la commission des lois ; Mme Adeline Gousseau, M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.
Clôture de la discussion générale.
Amendement no 1 de la commission et sous-amendement no 5 rectifié de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. le rapporteur, Jean-Claude Peyronnet, le ministre délégué. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié rédigeant l'article.
Amendements identiques nos 2 de la commission et 6 de M. Jean-Claude Peyronnet. - MM. le rapporteur, Jean-Claude Peyronnet, le ministre délégué. - Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
M. Josselin de Rohan, Mme Jacqueline Gourault.
Adoption de la proposition de loi.
5. Transposition du droit communautaire à la fonction publique. - Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture
Discussion générale : M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique ; Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la commission des lois ; MM. Hugues Portelli, Jacques Mahéas.
Clôture de la discussion générale.
Motion no 3 de Mme Josiane Mathon. - Mmes Josiane Mathon, le rapporteur, MM. le ministre, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Rejet par scrutin public.
Articles 4 bis et 4 ter. - Adoption
Amendement no 4 de Mme Josiane Mathon. - Mmes Josiane Mathon, le rapporteur, M. le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 5 de Mme Josiane Mathon. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 6 de Mme Josiane Mathon. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 7 de Mme Josiane Mathon. - Mmes Josiane Mathon, le rapporteur, M. le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 8 de Mme Josiane Mathon. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 10
Amendement no 9 de M. Hugues Portelli. - M. Hugues Portelli, Mme le rapporteur, M. le ministre. - Retrait.
Amendement no 10 de M. Hugues Portelli. - M. Hugues Portelli, Mme le rapporteur, M. le ministre. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 23
Amendement no 11 du Gouvernement. - M. le ministre, Mme le rapporteur, MM. Hugues Portelli, le président de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
MM. Claude Biwer, Jacques Mahéas.
Adoption du projet de loi.
6. Concessions d'aménagement. - Adoption définitive d'un projet de loi
Discussion générale : MM. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme ; Jean-Pierre Sueur, rapporteur de la commission des lois ; Claude Biwer, Mme Eliane Assassi, MM. André Vézinhet, Paul Blanc.
Clôture de la discussion générale.
Amendement no 1 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait.
Adoption de l'article.
Amendement no 4 de Mme Eliane Assassi. - Mme Eliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 6
Amendement no 2 de M. André Vézinhet. - MM. André Vézinhet, le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Rejet.
Amendement no 3 de M. André Vézinhet. - MM. André Vézinhet, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
MM. André Vézinhet, Claude Biwer, Paul Blanc, Mme Eliane Assassi.
Adoption définitive du projet de loi.
M. le ministre délégué.
7. Communication relative à une commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
8. Communication relative à une commission mixte paritaire
9. Ratification d'une ordonnance relative à l'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports. - Adoption définitive d'un projet de loi
Discussion générale : MM. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme ; Jackie Pierre, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Yannick Texier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Roland Muzeau, Claude Domeizel, Jean Boyer, Daniel Reiner.
M. le ministre délégué.
Clôture de la discussion générale.
Motion no 6 de M. Roland Muzeau. - MM. Michel Billout, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet par scrutin public.
Mme Hélène Luc
Demande de réserve des amendements 1 rectifié et 5 après l'amendement no 4. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - La réserve est ordonnée.
Amendement no 7 de M. Daniel Reiner ; amendements identiques (réservés) nos 1 rectifié de M. Jean-Jacques Hyest et 5 de M. Yannick Texier ; amendements nos 3, 4 de M. Yannick Texier et 2 rectifié de M. Jean-Jacques Hyest. - MM. Daniel Reiner, Yannick Texier, Jean-Jacques Hyest, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet de l'amendement no 7 ; retrait des amendements nos 3, 2 rectifié et 4, les amendements nos 1 rectifié et 5 devenant sans objet.
Mme Françoise Henneron, MM. Daniel Reiner, Michel Billout, Jean Arthuis.
Adoption définitive du projet de loi.
M. le ministre délégué.
10. Adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers. - Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture
Discussion générale : Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur ; MM. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances ; François Marc.
Clôture de la discussion générale.
Article additionnel avant l'article 1er
Amendement no 1 de M. François Marc. - Mme Nicole Bricq, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement no 2 de M. François Marc. - MM. François Marc, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement no 3 de M. François Marc. - MM. François Marc, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 4 de M. François Marc. - Mme Nicole Bricq, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 5 de M. François Marc. - Mme Nicole Bricq, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Adoption de l'article.
M. Jean Boyer, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.
Adoption définitive du projet de loi.
Mme la ministre déléguée.
12. Transmission d'un projet de loi organique
13. Transmission d'un projet de loi
14. Dépôt de propositions de loi
15. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
17. Dépôt d'un rapport d'information
18. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de sauvegarde des entreprises est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
3
ORGANISME extraparlementaire
M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil national du bruit.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires sociales à présenter une candidature.
4
Locaux du Congrès à Versailles
Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, tendant à mettre à la disposition du public les locaux dits du Congrès, au château de Versailles (n°s 386, 459).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, le Gouvernement exprime une nouvelle fois sa reconnaissance à la représentation nationale pour les perspectives offertes par cette réforme destinée à mettre à la disposition du public de nouveaux moyens d'accueil dans le monument le plus emblématique de notre nation, lequel sera ainsi mieux mis en valeur.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, que je vous prie de bien vouloir excuser, a eu l'occasion de dire à votre Haute Assemblée la portée symbolique de cette initiative pour l'accès de nos concitoyens à la richesse du patrimoine de la nation. C'est un acte ambitieux de politique culturelle.
La mise à disposition de locaux supplémentaires va faciliter grandement la mise en oeuvre du schéma directeur de modernisation de l'accueil dans le château de Versailles, schéma approuvé en septembre 2003 par le Gouvernement sous l'appellation significative de : « Grand Versailles ».
Cette proposition de loi fait l'objet, entre les deux assemblées, d'un dialogue fructueux.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est beaucoup dire !
M. Henri Cuq, ministre délégué. Vos débats sont marqués par le souci de concilier ces nouvelles perspectives d'ouverture avec les exigences du nécessaire respect de l'histoire et de la souveraineté parlementaires, tout en tenant compte de la réalité des besoins du fonctionnement de vos institutions au sein du Congrès.
Je renouvelle aujourd'hui l'engagement du Gouvernement de s'en remettre strictement au dialogue entre les assemblées...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. Henri Cuq, ministre délégué. ... pour préciser les modalités d'une réforme qui concerne au premier chef le Parlement dans sa souveraineté et dans son rôle constitutionnel.
Le Gouvernement s'en remet, avec la même confiance, à l'analyse de votre Haute Assemblée pour faire valoir, dans ce cadre, le principe d'une ouverture maximale des espaces ainsi restitués au public, ainsi que les acquis d'une gestion unifiée et simplifiée du palais rétabli dans sa logique originelle.
Par conséquent, au nom du Gouvernement, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat sur les amendements présentés par la commission des lois.
Je souhaite toutefois rappeler ce que M. Donnedieu de Vabres a déjà fait valoir devant vous : cette restitution, qui constitue - nous en sommes conscients - une chance historique de mise en valeur du plus grand monument de notre âge classique, est aussi une charge financière dont il faudra tenir compte lorsque vous aurez à discuter des moyens à accorder à la conservation et à la mise en valeur des monuments historiques. M. Donnedieu de Vabres et moi-même savons que nous pouvons compter sur vous. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est appelé à se prononcer, en deuxième lecture, sur la proposition de loi, déposée par M. Jean-Louis Debré le 3 mars 2005 et adoptée en deuxième lecture par l'Assemblée nationale le 9 juin dernier, tendant à mettre à la disposition du public les locaux dits du Congrès, au château de Versailles.
Je ne reviendrai pas sur l'enjeu symbolique de cette proposition de loi, qui tend à définir de nouvelles relations entre les assemblées et le château de Versailles.
A l'issue de cette première navette, force est de constater que les conceptions de l'Assemblée nationale et du Sénat divergent.
En première lecture, le Sénat s'est prononcé favorablement sur le transfert de certains locaux à l'établissement public de Versailles en vue d'améliorer les conditions d'accueil du public. Cette position lui était d'autant plus naturelle qu'il avait entrepris, par la voie conventionnelle et depuis plusieurs années, de confier certains locaux à l'établissement public pour faciliter l'exercice de ses missions.
Sur la proposition de sa commission des lois, le Sénat avait néanmoins souhaité préserver l'affectation de la salle des séances du Congrès et de ses accès aux deux assemblées.
En outre, il avait adopté un amendement, présenté par nos collègues MM. de Rohan, Mercier et Pelletier, tendant à préciser l'utilisation que l'établissement public de Versailles pourrait faire des nouveaux locaux qui lui seraient confiés. Cet amendement prévoyait que les locaux transférés seraient destinés en priorité à l'accueil du public ou, s'ils ne s'y prêtaient pas, à l'exercice par l'établissement public de ses missions, à l'exclusion de toute affectation en logements de fonction.
Enfin, il avait adopté un amendement de notre collègue M. Patrice Gélard, prévoyant que les locaux de l'aile du Midi ne pourraient faire l'objet d'aucune modification susceptible de gêner la tenue du Congrès du Parlement.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rétabli le dispositif qu'elle avait adopté en première lecture.
L'article 1er du texte qui nous est transmis prévoit ainsi de supprimer l'affectation permanente aux assemblées de la totalité des locaux situés à Versailles. La salle du Congrès relèverait ainsi d'un régime de mise à disposition par l'établissement public.
Nos collègues députés ont par ailleurs précisé à l'article 1er de la proposition de loi que la salle du Congrès serait réservée aux réunions de ce dernier et aux réunions parlementaires, ce qui nous paraît plus exclusif que ce que nous avions proposé.
Cette sanctuarisation, qui devait d'abord figurer au sein des conventions prévues à l'article 3 pour préciser les modalités du changement d'affectation des locaux, figurerait ainsi dans le corps de l'ordonnance du 17 novembre 1958.
Enfin, l'Assemblée nationale a supprimé en deuxième lecture les dispositions que le Sénat avait adoptées à l'article 3 pour préciser, dans ces mêmes conventions, l'utilisation des locaux par l'établissement public de Versailles.
Toutefois, le point de divergence le plus significatif entre les deux assemblées est bien celui de l'affectation au Parlement de la salle des séances du Congrès.
La position exprimée par le Sénat en première lecture tendait à préserver les conditions d'organisation du Congrès du Parlement en ne les faisant dépendre exclusivement que des deux assemblées.
Je vous propose, mes chers collègues, de maintenir cette position en deuxième lecture. En effet, la salle des séances du Congrès est un lieu de mémoire de l'histoire parlementaire de notre pays. Mais c'est aussi un lieu d'activité parlementaire, le lieu où les deux assemblées exercent depuis plus d'un siècle leurs prérogatives les plus éminentes.
Son entretien et son fonctionnement ne sauraient être confiés à l'établissement public du musée et du domaine national de Versailles, qui n'a pas vocation à prendre en charge un hémicycle parlementaire.
La conception traditionnelle de l'autonomie des assemblées parlementaires impose que cette salle demeure affectée aux deux assemblées qui y siègent. Par conséquent, je vous proposerai deux amendements tendant à rétablir la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 14 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Adeline Gousseau.
Mme Adeline Gousseau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici réunis en session extraordinaire pour débattre, en deuxième lecture, de la proposition de loi tendant à mettre à la disposition du public les locaux du château de Versailles qui appartenaient encore, pour des raisons historiques, au Parlement.
L'élue des Yvelines que je suis ne peut que se satisfaire de l'opportunité qui est ainsi offerte au domaine de Versailles d'accroître encore son aura culturelle et de réaliser son objectif d'accueil de plus de 10 millions de visiteurs par an, dont 3 millions pour le seul château. Soulignons à quel point ce chiffre est exceptionnel pour un site qui ne se situe pas intra muros, même s'il bénéficie d'un excellent accès, notamment grâce à l'efficience de nos transports collectifs franciliens.
Avec ce texte, il nous est proposé de transférer à l'établissement public du musée et du domaine national de Versailles les 25 000 mètres carrés de locaux du Parlement sis dans les ailes du château, afin de les intégrer dans le projet ambitieux du « Grand Versailles ».
Ce projet, dont l'achèvement est prévu en 2017, doit bénéficier d'un financement de 135 millions d'euros jusqu'en 2009. Face à l'effort financier considérable de l'Etat, annoncé en septembre 2003 dans le cadre du « plan patrimoine », le geste du Parlement semble à la hauteur de l'ambition affichée.
En première lecture, nous rappelions que de nombreuses salles non accessibles au public représentaient un intérêt historique indéniable. En conséquence, il est souhaitable que l'Etablissement public de Versailles puisse procéder aux aménagements nécessaires à l'ouverture au public de ces salles.
Pour ne citer que les locaux aujourd'hui encore affectés au Sénat, nous pensons à la salle qui est située dans l'aile des ministres et qui servit de bureau au comte de Vergennes, le ministre des affaires étrangères de Louis XVI, et dans laquelle a été signé, en 1783, le traité d'indépendance des Etats-Unis d'Amérique. Nous ne pourrions que nous réjouir de son ouverture au public.
Nous pensons également aux anciennes loges de l'Opéra, situées dans le bâtiment des acteurs. Quel formidable objectif pourrait être l'ambition de redonner à cette salle son affectation initiale de plus grand opéra de cour jamais construit !
Si nous partageons sans réserve avec les députés cette volonté de transférer à l'établissement public de Versailles les locaux gérés par le Parlement, nous conservons toutefois de légères différences de vues. Notre excellent rapporteur, René Garrec, vient de nous les exposer avec la conviction qui le caractérise.
La navette aurait dû nous permettre de parvenir sans difficulté à un consensus, puisque nous étions d'accord sur l'essentiel et que l'adoption de ce texte est attendue par les professionnels concernés. Notre groupe est convaincu du bien-fondé des propositions qui sont faites par notre rapporteur et que nous soutenons avec force, tout en regrettant qu'un meilleur esprit n'ait pas présidé au dialogue entre nos deux assemblées.
Ainsi, il est essentiel, selon nous, de maintenir la seule salle du Congrès dans le domaine géré par le Parlement. Au nom de la traditionnelle autonomie des assemblées parlementaires, il nous semble utile de prévoir que l'entretien, le fonctionnement et l'utilisation de cette salle devront relever exclusivement des deux assemblées.
Certes, Mounier démontra avec force que le Parlement se trouve « partout, là où ses membres sont réunis »,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
Mme Adeline Gousseau. ...mais le Parlement se réunit en Congrès à Versailles avec suffisamment de régularité depuis le début de la ve République pour justifier le maintien de cet hémicycle dans son affectation actuelle. Je rappelle qu'au cours des treize réunions qui ont eu lieu depuis 1958 nous avons procédé à seize révisions de la Constitution par la voie parlementaire.
Nous soutenons également les autres dispositions utiles que le Sénat a ajoutées à ce texte en première lecture. Ces dispositions ne nous semblaient pas superfétatoires dans la mesure où elles précisent les règles qui devront présider, d'une part, à l'accueil du public et, d'autre part, aux garanties de tenue d'un Congrès.
Il nous semble en effet utile de préciser que les futures conventions devront prévoir que les locaux attenants à l'hémicycle seront prêtés au Parlement en vue de l'organisation d'un Congrès et que ces locaux ne peuvent faire l'objet, par l'établissement public, de modifications de nature à gêner le bon déroulement des travaux du Parlement. Cette disposition avait d'ailleurs reçu un avis favorable du Gouvernement.
Une telle précision existait déjà dans l'annexe de l'ordonnance de 1958, abrogée par l'article 2 de la présente proposition de loi. Elle n'est donc en rien redondante et mérite de figurer dans le présent texte.
Il en est de même des garanties que nous avions souhaité apporter en matière d'affectation des locaux transférés. Préciser que les futures conventions devront prévoir que les salles transférées seront affectées, en priorité, à l'usage du public ne nous semble pas superflu puisqu'il s'agit de l'objet même de la proposition de loi et que cet objectif figure dans son intitulé.
Il est toutefois évident que certains locaux situés en sous-sol ou sous les combles ne se prêtent pas à la mise à la disposition du public. Il conviendra de préciser, dans les futures conventions, que ces locaux devront concourir aux missions scientifiques et culturelles du domaine de Versailles, à l'exclusion de leur affectation en logements de fonction.
Je terminerai mon propos en exprimant ma confiance dans l'établissement public pour réaliser les missions qui lui sont confiées. Le domaine de Versailles témoigne d'une volonté croissante d'ouverture sur l'extérieur. J'en veux pour preuve le formidable succès populaire de la fête de la musique, qui a été retransmise sur France Télévision, et la diversité des manifestations qu'il accueille depuis quelque temps, comme tout récemment la fête du cinéma.
Le groupe l'UMP votera donc avec enthousiasme cette proposition de loi, qui concourt, à son échelle, au rayonnement culturel du château de Versailles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le ministre, je vous avais bien dit que ce texte était important. (Sourires.) Ce fut le premier texte présenté par M. de Villepin et sa discussion est inscrite à l'ordre du jour de la session extraordinaire !
Au demeurant, il semble qu'il ne fera pas l'objet d'une commission mixte paritaire, ni maintenant ni au mois de septembre. Dans la mesure où nous n'étions pas convaincus de son utilité, cette éventualité nous conviendrait tout à fait.
Cela dit, comme l'a souligné Mme Adeline Gousseau, il est étonnant que le Sénat et l'Assemblée nationale ne soient pas parvenus à un accord sur des sujets aussi mineurs et de bon sens, même si certains ont un aspect symbolique important.
L'Assemblée nationale a plaidé pour la sanctuarisation. Cela éviterait les errements qui ont pu se produire dans certains hémicycles, dont le nôtre, lors de manifestations à caractère médiatique, voire people. Nous partageons ce point de vue. Je présenterai toutefois un amendement visant à permettre aux bureaux des assemblées d'autoriser, à titre dérogatoire et exceptionnel, d'autres utilisations des locaux du Congrès.
L'Assemblée nationale a souhaité cette sanctuarisation par respect pour l'honneur et la dignité du Parlement. Dès lors, on comprend mal qu'elle oblige le Parlement à quémander, le terme est sans doute un peu excessif, disons plutôt à passer par l'intermédiaire d'un établissement public pour pouvoir utiliser les locaux du Congrès.
Quelles que soient les conventions qui pourraient être passées, il est plus simple et plus convenable que le Parlement soit directement affectataire des locaux du Congrès. Sur ce point, nous restons fidèles à notre position et nous suivrons la commission.
Nous serons donc vraisemblablement unanimes pour réaffirmer les positions que le Sénat avait adoptées en première lecture.
En fait, si une commission mixte n'est pas convoquée, cela nous conviendra parfaitement, car il ne nous paraît pas utile de légiférer en la matière. Il sera tout à fait possible au collège des questeurs de continuer à travailler avec l'établissement public. La discussion qui s'était engagée avait déjà permis de bien progresser s'agissant de la répartition des locaux : l'hémicycle revenait au Parlement et les autres locaux étaient affectés à l'établissement public et mis à la disposition du public.
Si nous nous orientions dans cette voie, nous ferions l'économie d'une loi, ce qui serait bon pour l'image du Parlement, que l'on accuse parfois, et à juste titre, de trop légiférer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je tiens tout d'abord à souligner que le Sénat n'a été ni informé ni consulté sur le dépôt de cette proposition de loi alors qu'il est concerné au premier chef, puisque le Congrès est l'affaire des deux assemblées du Parlement. De ce point de vue, il ne me semble pas souhaitable d'interrompre la navette.
Comme vous avez tenu à le rappeler dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, dans cette affaire, le Gouvernement est neutre. Je considère qu'il serait anormal en effet qu'une seule assemblée puisse trancher dans un domaine qui concerne les deux chambres du Parlement.
Le Sénat manifeste depuis longtemps son intérêt pour le développement du domaine de Versailles. Les discussions qui s'étaient engagées, par convention, avec l'établissement public auraient sans doute permis de résoudre des problèmes qui restent en suspens avec cette proposition de loi.
Certes, chacun doit faire un effort. Mais comment le Sénat pourrait-il faire un effort si on lui fait comprendre qu'aucune de ses propositions n'est recevable ? Vouloir imposer, de manière unilatérale, le point de vue de l'Assemblée nationale n'est pas rendre service aux institutions. En tout cas, le Sénat ne pourra pas l'accepter.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 1er
L'avant-dernier alinéa de l'article 2 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est ainsi rédigé :
« Les locaux nécessaires à la tenue du Congrès du Parlement, sis au château de Versailles, sont, en tant que de besoin et gratuitement, mis à la disposition de l'Assemblée nationale et du Sénat. La salle des séances du Congrès est réservée aux réunions de ce dernier et aux réunions parlementaires. »
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Garrec, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'avant-dernier alinéa de l'article 2 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« La salle des séances du Congrès et ses accès sont affectés à l'Assemblée nationale et au Sénat.
« Les autres locaux nécessaires à la tenue du Congrès du Parlement, sis au château de Versailles, sont, en tant que de besoin et gratuitement, mis à la disposition de l'Assemblée nationale et du Sénat.»
La parole est à M. le rapporteur.
M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement reprend la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.
M. le président. Le sous-amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Peyronnet, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Sutour, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour remplacer l'avant-dernier alinéa de l'article 2 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 par deux phrases ainsi rédigées :
Cette salle est réservée aux réunions du Congrès et aux réunions parlementaires. A titre exceptionnel, les Bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat définissent conjointement les conditions de ses autres utilisations.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Ce sous-amendement reprend certains éléments de la discussion que nous avons eue et sur lesquels nous étions parvenus à un accord.
Il s'agit de préciser que l'hémicycle du Congrès est affecté au Parlement mais que, par mesure dérogatoire - à titre exceptionnel, selon la rédaction du sous-amendement -, il peut accueillir d'autres instances que le Parlement - le Conseil de l'Europe, l'assemblée de l'UNESCO, par exemple - voire se prêter à une reconstitution historique de qualité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 5 rectifié ?
M. René Garrec, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur ce sous-amendement. Il présente en effet un double avantage.
En premier lieu, il ouvre l'hémicycle à la visite du public en l'absence de réunion du Parlement.
En second lieu, il reprend, de façon harmonieuse, une disposition que j'avais évoquée lors des travaux préparatoires, à savoir autoriser l'utilisation de l'hémicycle à des fins autres que la tenue du Congrès : reconstitution historique ou accueil d'une instance européenne, par exemple. Il est bien évident qu'une telle utilisation ne devra être possible qu'avec l'accord du bureau des deux assemblées du Parlement.
Il présente en outre un intérêt qui m'avait échappé dans un premier temps. S'il est adopté, tous les locaux seront mis à la disposition du public, ce qui met le texte en conformité avec le titre qui lui est donné : « Mise à disposition du public des locaux dits du Congrès, au château de Versailles ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Henri Cuq, ministre délégué. J'ai indiqué dans mon propos liminaire, ce qui n'a pas échappé à M. le président de la commission des lois (Sourires.), que je m'en remettrais à la sagesse du Sénat !
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 5 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que ce sous-amendement est adopté à l'unanimité des présents.
Je mets aux voix l'amendement n° 1, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement est adopté à l'unanimité des présents.
L'article 1er est ainsi rédigé.
Article 3
Des conventions conclues entre les personnes publiques intéressées précisent les modalités du changement d'affectation des locaux occupés par l'Assemblée nationale et le Sénat à Versailles ainsi que les conditions de la mise à disposition de ceux nécessaires à la tenue du Congrès du Parlement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par M. Garrec, au nom de la commission.
L'amendement n° 6 est présenté par M. Peyronnet, Mme M. André, M. Badinter, Mme Boumediene-Thiery, MM. Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Sueur, Sutour, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Celles-ci prévoient que les locaux qui ne sont plus affectés à l'Assemblée nationale et au Sénat sont destinés à l'accueil du public ou, lorsqu'ils ne s'y prêtent pas, à l'exercice par l'Etablissement public du musée et du domaine national de Versailles de ses autres missions, définies par décret, à l'exclusion de toute affectation en logements de fonction.
Elles prévoient que les locaux de l'aile du Midi affectés à cet établissement public ne peuvent recevoir aucune modification qui serait susceptible de gêner la tenue du Congrès du Parlement.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 2.
M. René Garrec, rapporteur. Cet amendement vise également à reprendre la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 6.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je n'ai rien à ajouter.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 6.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je constate que ces amendements sont adoptés à l'unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote.
M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord féliciter le rapporteur de son exposé très concis et très précis, et remercier les orateurs, qui, à mon avis, ont dit tout ce qu'il fallait dire sur le sujet.
Je voudrais également remarquer que, si une meilleure concertation avait eu lieu au préalable,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est vrai !
M. Josselin de Rohan. ... nous aurions pu éviter ces navettes, qui sont, en effet, aussi inutiles que...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. ... dérisoires !
M. Josselin de Rohan. ... sinon désagréables, du moins regrettables. Il aurait été préférable que nous nous mettions d'accord et que nous votions un texte qui ne donne pas lieu à débat.
Enfin, monsieur le ministre, j'exprimerai le voeu que les espaces que nous libérons soient utilisés au mieux pour l'accueil du public. Le Sénat remet à disposition l'aile des ministres, et Mme Gousseau a rappelé tout à l'heure les événements historiques de première importance qui s'y sont déroulés en 1783, puisque c'est là, dans le bureau du ministre des affaires étrangères, qui était alors Vergennes, qu'a été reconnue l'existence des Etats-Unis d'Amérique ; ce n'est tout de même pas rien ! Peut-être même verrons-nous le bureau auquel s'asseyait Vergennes et qui, à l'heure actuelle, est utilisé par le ministre des affaires étrangères regagner son lieu d'origine.
M. René Garrec, rapporteur. Bonne idée !
Mme Jacqueline Gourault. Très bonne idée !
M. Josselin de Rohan. Mais il ne faut pas rêver !
Quoi qu'il en soit, il me semble que l'établissement public aurait à tout le moins intérêt, grâce aux dons nombreux qu'il ne manquera pas de recueillir, à restaurer les appartements des ministres pour que le public ait une idée de la manière dont fonctionnaient à l'époque les services ministériels ; je crois qu'il en tirerait les plus grands avantages.
J'ajoute que nos amis américains auront certainement à coeur de nous aider à restaurer ces lieux,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Josselin de Rohan. ... qui peuvent faire l'objet de leur reconnaissance : après tout, l'aide que nous avons apportée aux Etats-Unis n'a pas été négligeable, en l'occurrence !
Naturellement, le groupe UMP votera de tout coeur cette excellente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le réalisateur de Si Versailles m'était conté aurait dû vivre quelques années de plus pour ajouter à son film l'épisode majeur que nous sommes en train de vivre : celui où le Parlement s'illustre en rendant au peuple français l'usage des locaux de Versailles qu'il avait acquis au gré de l'histoire.
Vous comprenez, monsieur le ministre, que c'est avec une certaine ironie que j'introduis mon propos, qui va plus loin que celui de M. de Rohan : nous sommes désolés d'avoir été obligés de légiférer sur ce sujet.
Notre regret est d'autant plus amer que le Gouvernement, au même moment, prive le Sénat et l'Assemblée nationale d'un véritable débat sur l'emploi, qui semble pourtant d'une plus grande priorité.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
Mme Jacqueline Gourault. Le débat a révélé certaines faiblesses dans la démarche qui nous est proposée. En effet, René Garrec, dans son excellent rapport, a rappelé à juste titre que la voie législative n'était peut-être pas la plus adaptée.
La proposition de loi va obliger à rompre avec la méthode qui s'inscrivait pleinement dans le projet « Grand Versailles » de 2003, lequel prévoit notamment d'assurer la conservation et la mise en valeur de Versailles par voie conventionnelle. Vous comprendrez donc nos interrogations sur l'opportunité d'une telle démarche.
Cela étant, monsieur le rapporteur, nous souhaitons bien entendu soutenir votre position. Aussi, le groupe UC-UDF votera, quoique sans enthousiasme, cette proposition de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Je constate que la proposition de loi est adoptée à l'unanimité des présents.
5
Transposition du droit communautaire à la fonction publique
Adoption d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique (nos 286, 460).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte du projet de loi que vous examinez aujourd'hui en deuxième lecture n'a guère changé par rapport à celui que vous avez adopté en première lecture le 23 mars dernier : l'Assemblée nationale n'a effectué que quelques ajustements de forme. Cela confirme, s'il en était besoin, la qualité du travail accompli par la Haute Assemblée.
Vous le savez, ce projet de loi vise à transposer l'ensemble des directives et des jurisprudences européennes qui doivent être appliquées dans le champ de la fonction publique. Dorénavant, le droit de la fonction publique sera entièrement conforme aux normes communautaires.
Poursuivre l'ouverture de notre administration aux ressortissants européens, lutter contre les discriminations, résorber la précarité dans la fonction publique : tels sont les objectifs principaux de ces mesures. Vous les connaissez, je ne les rappellerai que brièvement.
Dans la situation actuelle, la fermeture est la règle et l'ouverture l'exception, les corps étant ouverts au cas par cas. Nous allons renverser la situation : l'ouverture sera la règle et la fermeture l'exception.
Ainsi, l'ensemble des corps de la fonction publique sera désormais ouvert au recrutement par concours des ressortissants communautaires. En cours de carrière, l'entrée des ressortissants par détachement dans tous les corps de la fonction publique sera possible. Seul l'accès aux emplois relevant de la puissance publique continuera d'être subordonné à la jouissance de la nationalité française.
Le projet de loi tend également à renforcer la lutte contre les discriminations, conformément aux règles du droit communautaire en la matière. En particulier, il met fin à certaines différences de traitement entre hommes et femmes pour les dérogations aux limites d'âge et aux conditions de diplôme au moment du recrutement.
Par ailleurs, il impose la continuité des contrats des agents publics en cas de transfert d'une activité du secteur privé à l'administration : celle-ci aura l'obligation de reprendre les personnels, à l'image de ce que prévoyait déjà le code du travail pour les employeurs privés, et devra également préserver les clauses substantielles des contrats. Cela jouera, par exemple, lorsque les missions d'une association ou d'une concession de service public seront prises en charge par une administration de l'Etat ou par une administration locale.
Enfin, dernier point, les employeurs publics, Etat et collectivités territoriales, peuvent aujourd'hui employer des agents sur des contrats à durée déterminée sans aucune limitation de durée, parfois des dizaines de fois. Sauf à passer un concours de fonctionnaire, ce qui ne leur est pas toujours possible, ces contractuels n'ont aucun espoir de voir leur situation consolidée.
Pour remédier à cette situation, le projet de loi qui vous est présenté n'autorise le renouvellement des contrats à durée déterminée que pour une durée totale de six années. Au-delà, le contrat sera transformé en contrat à durée indéterminée.
Par ailleurs, les agents de plus de cinquante ans justifiant de six ans de service public bénéficieront de la transformation automatique de leur contrat en contrat à durée indéterminée.
Cette mesure de justice et d'équité ne remet nullement en cause le statut des fonctionnaires et s'applique aux trois fonctions publiques.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui, en deuxième lecture, permettra donc de réelles avancées : plus de stabilité, plus d'ouverture, plus d'égalité, tels sont les acquis essentiels des mesures qu'il met en place. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est saisi en deuxième lecture du projet de loi portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique.
Je rappellerai brièvement que ce texte, déjà adopté par le Sénat et l'Assemblée nationale en première lecture, respectivement le 23 mars et le 6 avril derniers, vise essentiellement à transposer des directives européennes en tenant compte de certaines évolutions du droit et de la jurisprudence communautaires dans le domaine de l'emploi public, et à proposer certaines modifications qui, sans être directement dictées par le droit communautaire, découlent de son application à l'échelon national ou tendent à améliorer certains dispositifs.
Le présent projet de loi a pour principal objet la transposition de la directive du 28 juin 1999 sur le travail à durée déterminée, qui impose à la France de prendre de nouvelles dispositions afin de lutter contre la succession abusive de contrats à durée déterminée au sein de la fonction publique. En conséquence, il est proposé que les agents contractuels ne puissent voir la durée de leurs contrats successifs excéder six années, ces derniers ne pouvant ensuite être renouvelés que pour une durée indéterminée. Un dispositif transitoire est également prévu pour régler la situation des agents non titulaires actuellement en fonction.
Le projet de loi détermine aussi les conditions du transfert des personnels d'une entité économique dont l'activité serait reprise par une personne publique dans l'exercice d'un service public administratif, procédant ainsi à la transposition de la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001.
Enfin, le présent texte tend à poursuivre les efforts déjà engagés tant en matière de promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes et de lutte contre les discriminations, M. le ministre vient de le rappeler, que dans l'amélioration des conditions d'accès aux emplois publics pour les ressortissants communautaires.
Comptant initialement 22 articles, le projet de loi en comporte 24 à l'issue de la première lecture, dont 13 ont été adoptés en termes identiques par le Sénat et l'Assemblée nationale. En outre, l'Assemblée nationale a confirmé la suppression de l'article 21, décidée par le Sénat par coordination avec la reprise, au sein d'un nouvel article 15 bis, de la disposition initialement prévue à l'article 21.
En première lecture, le Sénat avait adopté 30 amendements qui, outre qu'ils ont apporté des améliorations techniques, ont principalement visé à assouplir le dispositif transitoire prévu pour les agents non titulaires actuellement âgés d'au moins cinquante ans : en effet, la condition de services effectifs nécessaires pour qu'ils puissent bénéficier de la transformation de droit de leur contrat en contrat à durée indéterminée a été réduite à une durée de six ans au cours des huit dernières années, au lieu des huit ans au cours des dix dernières années initialement prévus.
L'Assemblée nationale a, quant à elle, adopté 20 amendements, qui n'ont pas modifié sur le fond les dispositions du projet de loi.
Ainsi, elle a déplacé les dispositions relatives à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes des articles 16 à 20 vers les articles 4 bis à 4 sexies qu'elle a créés au sein du chapitre Ier.
Elle a également assuré certaines coordinations et amélioré la rédaction de plusieurs articles et de deux intitulés de chapitres.
Enfin, sur l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a introduit dans le projet de loi un article 23 ayant pour objet de prévoir que les fonctions exécutives au sein de l'Ecole nationale supérieure des métiers de l'image et du son, l'ENSMIS, ne seraient plus exercées par le président de son conseil d'administration mais par son directeur. Il s'agit ainsi d'aligner le statut de cette école sur celui des autres établissements d'enseignement relevant du ministère de la culture et de la communication. Cette nouvelle répartition devrait également permettre de confier la présidence du conseil d'administration à un professionnel du cinéma, susceptible d'apporter son expérience et de contribuer ainsi au rayonnement de l'établissement.
Le Sénat avait déjà adopté ce dispositif lors de l'examen de la loi de finances pour 2005, mais il avait été rejeté par la commission mixte paritaire. Si le présent projet de loi ne constitue pas non plus le support idéal pour modifier l'organisation de l'ENSMIS, je vous propose tout de même, mes chers collègues, de maintenir cet article, cette modification paraissant opportune et attendue.
En conclusion, on peut dire que, tout en souscrivant pleinement à ce texte, les deux assemblées l'ont utilement amélioré. Dans la mesure où les modifications apportées par l'Assemblée nationale sont de portée purement technique, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, d'adopter le présent projet de loi portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien !
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 19 minutes ;
Groupe socialiste, 14 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique, tel qu'il revient au Sénat en seconde lecture, n'appelle pas de réflexion particulière dans la mesure où les modifications adoptées par l'Assemblée nationale, si l'on excepte un cavalier législatif qui se promène de projet de loi en projet de loi, ne remettent pas en cause l'économie du texte.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Hugues Portelli. Comment en serait-il d'ailleurs autrement dans la mesure où le législateur national est tenu de respecter fidèlement dans sa transposition les dispositions du texte européen ?
Les trois domaines visés par le projet de loi concernent la promotion de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes, l'accès des citoyens européens à la fonction publique - il serait judicieux d'utiliser enfin l'expression « citoyen européen » plutôt que l'expression « ressortissant communautaire », ce serait plus conforme au droit européen et à nos convictions - et la résorption de l'emploi précaire, trois domaines dans lesquels le droit français ne se différencie pas fondamentalement du droit des autres Etats membres de l'Union, mais qui connaît des inadaptations plus ou moins importantes.
D'un côté, le droit français de la fonction publique apparaît particulièrement rigide, de l'autre, il est contourné par des pratiques contradictoires qui permettent d'introduire de la souplesse dans le système.
C'est notamment le cas en matière de recours aux emplois contractuels. L'alignement du droit public français sur le droit européen permettra de limiter l'usage des contrats à durée déterminée en faisant du CDI la référence, et il ira dans le sens de la protection des agents.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est exact !
M. Hugues Portelli. Il ne supprimera pas pour autant le recours aux contrats dans l'administration, car cette contractualisation est fonctionnelle, malgré toutes les mesures de titularisation qui se sont succédé depuis vingt ans. Entre l'absence de cadre d'emploi, la pénurie de personnel statutaire et le besoin d'emplois non permanents dans certains secteurs comme l'éducation, les emplois contractuels correspondent à un besoin nécessaire au système administratif ; ils permettent même d'assurer une souplesse de gestion des emplois statutaires.
Pour autant, ces transpositions ne doivent pas nous dispenser de réfléchir à l'avenir de la fonction publique, et ce sans préjugé idéologique.
Le comportement même des nouvelles générations de fonctionnaires démontre que le besoin de mobilité, de souplesse, de contractualisation se développe, y compris au sein du personnel titulaire, toujours plus féminisé, qui ne conçoit plus sa profession et sa carrière comme les générations antérieures.
Dans un système administratif aussi rigide que le nôtre, la modernisation passe par l'européanisation des normes. Mais cette européanisation ne doit pas leurrer : le droit communautaire n'est pas un droit sui generis ; il n'est que la résultante des différents droits nationaux, notamment de ceux qui sont les plus influents et les plus adaptés à notre temps.
Si nous voulons savoir ce que sera demain le droit du travail dans l'administration des Etats européens, il suffit d'observer les évolutions à l'oeuvre chez nos voisins. C'est dans des pays dirigés par la social-démocratie que ces évolutions sont le plus rapides, avec le passage du statut au contrat, notamment dans l'administration territoriale. En Italie, c'est la gauche de M. Prodi et non la droite de M. Berlusconi, qui a libéralisé le régime de l'administration. Il est vrai que, dans ces Etats où le syndicalisme est puissant, unifié et représentatif, les conventions collectives disposent d'une force qui vaut bien celle d'un statut, tout en ayant l'adaptabilité que n'aura jamais le moindre statut.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est vrai !
M. Hugues Portelli. Sommes-nous condamnés à être à la remorque du progrès et de la modernité et sommes-nous obligés d'attendre les transpositions du droit communautaire, c'est-à-dire du droit de nos voisins - auquel nous avons souscrit dans la discrétion des conseils bruxellois - pour réformer l'Etat et les administrations territoriales ?
Espérons que les prochains textes qui nous seront proposés, notamment le projet de loi relatif à la fonction publique territoriale, nous permettront d'arrêter enfin de marcher à reculons et de réformer au grand jour ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui nous revient de l'Assemblée nationale quasiment conforme. Autrement dit, le débat a fait long feu, puisque la mesure la plus éminemment contestable, la création de contrats à durée indéterminée de droit public, a été entérinée.
Aujourd'hui, la commission des lois nous propose un vote conforme. Les articles 6 à 8 du chapitre consacré aux agents non titulaires, qui ont constitué le coeur du débat en première lecture, ne sont plus amendables.
Le risque de voir se créer une fonction publique bis avait pourtant été pointé par la quasi-totalité des syndicats et par les associations d'élus, tous opposés ou du moins très inquiets du devenir d'une telle mesure. Il s'agit, en effet, d'un dispositif dérogatoire à cette particularité de la fonction publique française, qui fait du contrat l'exception et du recrutement par concours le principe.
Il n'y a pas de « lutte contre la précarité » dans ce texte, si ce n'est le titre nouveau donné par l'Assemblée nationale en seconde lecture au chapitre consacré aux non-titulaires.
Pourtant, lutter contre la précarité en limitant le recours abusif aux contrats à durée déterminée est bien l'objectif de la directive de 1999. Celle-ci va dans le bon sens, mais le Gouvernement l'accommode à sa « sauce » idéologique et politique, celle qui érige le contrat contre le statut, dans un contexte de banalisation et de fragmentation de la fonction publique.
Qu'il me soit donc permis de dénoncer de nouveau fortement ce choix, qui concernerait tout de même pas moins de 250 000 agents, et de regretter qu'aucun de nos amendements tendant à encadrer le dispositif, à limiter le recours aux contractuels ou qu'aucune mesure destinée à empêcher la reconstitution de l'emploi précaire n'aient été adoptés.
Le seul apport positif de nos débats - nous avions d'ailleurs déposé un amendement en ce sens - a été l'assouplissement du dispositif transitoire prévu pour les agents non titulaires âgés d'au moins cinquante ans en réduisant la condition de services effectifs à six ans au cours des huit dernières années au lieu de huit ans au cours des dix dernières années.
Au-delà de la généralisation « irraisonnée » des CDI, le bilan de cette législature en matière de fonction publique est bien sombre. Après trois ans, trois ministres et une promesse récurrente d'un grand projet de modernisation de la fonction publique, qu'avons-nous vu venir ? Non pas la réforme ambitieuse et cohérente, unanimement réclamée, tant à droite qu'à gauche, tous partenaires sociaux confondus, que mérite la fonction publique, mais des mesures disparates enfonçant autant de coins dans un statut dangereusement disloqué, au point que l'on pourrait croire ce saucissonnage volontaire et destiné à empêcher toute lisibilité d'ensemble !
Que fait donc le Gouvernement pour lutter contre la précarité dans la fonction publique, alors qu'il poursuit inlassablement la baisse des effectifs ? Moins 1089 postes en 2003, moins 4561 en 2004, moins 7188 en 2005. Il semblerait que 2006 marque un certain ralentissement, avec la suppression annoncée de « seulement » 5312 postes ! Mais, compte tenu des nouvelles règles budgétaires, nous n'avons aucune certitude, d'autant que le ministre des finances continue de contredire le Premier ministre, affirmant que « personne ne peut dire aujourd'hui si ce sera moins 5000, moins 6000 ou moins 7000 fonctionnaires en 2006 » ; il espère que les ministres feront « mieux » que ce qui est annoncé, mieux selon sa logique, qui n'est évidemment pas la mienne ! Le ministre délégué au budget a encore récemment affirmé que 5000 était « un plancher » et que les ministres « qui le voudront seront totalement libres d'aller plus loin dans la voie de la réduction des effectifs ».
En dehors des atteintes au statut et de l'obsession comptable qui fait des fonctionnaires des variables d'ajustement aux errances budgétaires, que retenir encore de ces trois années ? L'absence de dialogue social, l'incapacité à conduire des négociations salariales et le recul du pouvoir d'achat des agents, les augmentations octroyées unilatéralement pour 2005 n'étant que la stricte compensation de l'inflation ; la réforme des retraites, qui se traduit également par une baisse importante de pouvoir d'achat ; le lundi de Pentecôte travaillé, pour un résultat global que l'INSEE qualifie de « très proche de zéro » ; le transfert de 130 000 agents de l'Etat vers les collectivités territoriales, avec les difficultés que l'on connaît ?
Il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser ! Et ce ne sont ni les quelques propos généralistes et lénifiants prononcés par M. de Villepin lors de son discours de politique générale ni la séance de rattrapage lors de sa première conférence de presse, au cours de laquelle il affirme qu'il n'y aura pas de « charcutage des effectifs » et que l'on ne peut faire de « politique avec un simple rabot », qui seront de nature à rassurer des fonctionnaires légitimement désenchantés de se sentir ainsi négligés. Apparemment, la fonction publique n'intéresse nullement le nouveau Premier ministre, qui ne lui a consacré qu'un service minimum !
Que dire également de la suppression des limites d'âge pour les concours de la fonction publique et de la création du PACTE junior par ordonnances ? D'ailleurs, peut-on en dire quelque chose dès lors que la procédure des ordonnances écarte de fait le Parlement de toute possibilité de débat démocratique ? La commission des lois n'a même pas été saisie alors qu'elle traite traditionnellement de toutes les questions relatives à la fonction publique.
Ces deux mesures seront prises en urgence, par ordonnances. N'est-ce pas paradoxal ? En effet, le Gouvernement reconnaît à la première une portée « plus symbolique que réelle » : les limites d'âge aux concours dans la fonction publique territoriale sont supprimées et un très grand nombre de dérogations existe dans la fonction publique de l'Etat ? Quant à la seconde mesure, elle mériterait une discussion approfondie. Elle n'est pas nouvelle, puisqu'elle figurait déjà dans le programme 4 du plan Borloo, présenté en conseil des ministres le 30 juin 2004. Son objectif est de « permettre aux jeunes de seize à vingt-cinq ans sortis du système éducatif sans diplôme ou ayant des difficultés d'insertion professionnelle de bénéficier d'une formation en alternance rémunérée et d'intégrer la fonction publique, à l'issue d'un examen professionnel, en qualité de fonctionnaire titulaire ».
Cette dernière proposition se situe dans la lignée du pré-recrutement élaboré sous la précédente législature, afin notamment de diversifier les origines socio-économiques des fonctionnaires en réservant des emplois à des jeunes en difficulté.
La réussite de cette idée dépend des conditions de sa mise en oeuvre. Or, justement, pour ce que l'on en connaît, et au-delà du fait que l'on est en train de recréer la catégorie D et d'élargir l'accès à la fonction publique sans concours, il est permis de douter de sa portée et de son efficacité. En effet, n'oublions pas que ce dispositif est censé s'adresser à des jeunes en difficulté et que le niveau de rémunération envisagé ne leur permettra pas de bénéficier de cette formation en alternance.
Malheureusement, nous ne pourrons pas discuter de sa mise en oeuvre. S'il est tout à fait normal que la fonction publique participe au plan de lutte pour l'emploi, les solutions proposées s'apparentent plus à de l'esbroufe, à de la poudre aux yeux qu'à une véritable solution.
Cette méthode des ordonnances est d'autant plus regrettable qu'il semble qu'après trois ans nous aurions pu enfin discuter d'un « vrai » projet de loi.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela va venir !
M. Jacques Mahéas. Ces deux mesures faisaient partie d'un avant-projet de loi portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, soumis au Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat le 16 juin dernier, mais rejeté par la majorité des fédérations de fonctionnaires.
Etrangement, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale a même été invité à se prononcer sur le projet de décret du PACTE le 6 juillet dernier. Or, à cette date, il ne pouvait pas connaître le texte de l'ordonnance puisque le projet de loi d'habilitation n'est pas encore adopté ! D'ailleurs, ce projet de décret n'a reçu aucun avis favorable, y compris des élus.
Ainsi, plutôt que de profiter de la session extraordinaire pour faire examiner sereinement ce projet de loi, le Gouvernement choisit le passage en force.
Il est à craindre que, avec l'empilement de telles mesures, l'exception ne devienne la règle et que le recrutement statutaire légal ne se métamorphose en une pratique tout à fait résiduelle.
A moins que - ce serait là un notable paradoxe ! - la fonction publique ne devienne, par l'adoption du texte que nous examinons aujourd'hui, le dernier sanctuaire des CDI, les contrats à durée indéterminée ! En effet, dans la ligne des idées prônées par M. Camdessus, qui semblent progresser à grands pas, et des propos de M. Sarkozy, qui, dès le mois de mars, exhortait le Gouvernement à faire disparaître le CDI au profit du « contrat de travail unique », le ministre des finances affirme désormais qu'il n'exclut pas, à terme, la fusion des CDD et des CDI.
Enfin, je voudrais attirer votre attention sur ce qui m'apparaît comme un télescopage de textes.
Il est tout à fait vraisemblable que le Sénat votera conforme le texte dont nous débattons aujourd'hui, qui prévoit notamment d'étendre aux hommes les dérogations, jusque-là réservées aux femmes, relatives aux limites d'âge pour l'accès aux concours de la fonction publique. Tout cela est très bien, mais, dans le même temps, le Gouvernement propose dans le projet de loi d'habilitation de supprimer les limites d'âge pour accéder à la fonction publique. Nous sommes donc en train de voter des dispositions dont l'objet même n'a plus lieu d'être puisque les ordonnances sont censées régler le problème !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Nous ne pouvons présager de rien !
M. Jacques Mahéas. Il est vrai que, souvent, le Gouvernement nous annonce des textes qui ne sont jamais discutés ou qui ne le sont qu'après un long délai ! En l'espèce, j'ai lu dans un entretien accordé par M Jacob au journal Le Parisien, qu'il allait s'attaquer avec enthousiasme à toute une série de dossiers, notamment celui des corps de fonctionnaires, et renouer un vrai dialogue avec les représentants syndicaux.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. N'est-ce pas bien ?
M. Jacques Mahéas. Je ne peux que l'en féliciter, s'il ne s'agit pas de simples annonces...
Quoi qu'il en soit, alors que le contexte actuel laisse augurer un avenir bien sombre pour la fonction publique, le groupe socialiste ne votera pas un texte dont la mesure emblématique, l'instauration de contrats à durée indéterminée de droit public, ne pourra qu'affaiblir davantage le statut d'une fonction publique déjà fort maltraitée puisqu'elle vient de vivre trois années de démembrement par petites touches successives. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Mathon, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 3, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique (n° 286, 2004-2005).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Josiane Mathon, auteur de la motion.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré le camouflet reçu par le Gouvernement le 29 mai dernier,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas seulement par lui !
Mme Josiane Mathon. ...celui-ci persiste et signe dans sa volonté de transposer des directives contraires au voeu exprimé par les Français. Lors du référendum sur la Constitution européenne, ceux-ci ont en effet exprimé le souhait de voir la justice sociale prendre le pas sur le libéralisme. Or ce que propose aujourd'hui le Gouvernement est à l'opposé de leurs attentes.
Le texte qui nous est soumis est loin de lutter contre la précarité dans la fonction publique ; au contraire, il la renforce ; pis, il la pérennise. Sous couvert de la transposition de la directive européenne du 28 juin 1999 visant à limiter les recours abusifs aux contrats à durée déterminée dans l'ensemble de l'activité salariée, le Gouvernement propose la création de contrats à durée indéterminée dans la fonction publique.
Force est de constater que ce projet de loi de transposition est contraire à l'objectif de la directive européenne puisqu'il vise à instaurer une nouvelle voie de recrutement précaire : l'agent sera engagé sous contrat à durée déterminée pendant trois ans, renouvelable une fois, mais l'employeur ne sera pas soumis à une obligation de recrutement au terme de ces six ans d'embauche. La durée de ce contrat est ainsi quatre fois supérieure à celle qui est imposée dans le secteur privé.
Loin de résorber la précarité dans la fonction publique, le Gouvernement l'encourage. Loin de chercher à limiter le recours aux contrats à durée déterminée, il propose de le maintenir dans la fonction publique, car l'application d'un tel projet pourrait tout à la fois favoriser le turnover d'agents non titulaires et créer une sous-catégorie de fonctionnaires, privés de la carrière et des garanties qu'emporte le statut de fonctionnaire. Dans le cadre de la politique actuelle de suppressions d'emplois, c'est là ouvrir la porte à un véritable cheval de Troie pour mettre à mal les garanties statutaires.
Au surplus, le Gouvernement ne résout absolument pas la question des conditions d'emploi des non-titulaires, condamnés actuellement au chômage, au temps partiel ou à la vacation.
La situation que connaissent les trois fonctions publiques au regard des emplois précaires ne peut pas perdurer. La part des non-titulaires dans leurs effectifs est en effet très importante : de 12,7 % dans la fonction publique de l'Etat, d'un peu plus de 20 % dans la fonction publique territoriale et de 5,8 % dans la fonction publique hospitalière. Au total, ce sont donc 242 152 personnes qui se trouvent dans une situation instable.
Avec la multiplication des CDD, entrecoupés de périodes de chômage, et les nombreux contrats à temps partiels, la problématique est la même que dans le secteur privé : il est quasiment impossible d'organiser sa vie personnelle autour d'une vie professionnelle aussi précaire, et il est difficile de s'investir dans un emploi aussi fluctuant.
Cet enchaînement de contrats à durée déterminée maintient les agents dans une dépendance anormale pour organiser leur vie. Comment envisager l'avenir et sécuriser le présent quand on ne sait même pas si l'on va être réembauché le mois suivant ? Les répercussions de cette précarité sont multiples dans le cadre d'un projet de vie, notamment en matière de logement, et peuvent même avoir un effet pervers sur la santé.
Pérenniser les contrats à durée déterminée au lieu de limiter les possibilités d'y recourir révèle la volonté du Gouvernement de ne pas résorber efficacement la précarité. Sinon, il aurait été facile de mettre en oeuvre la loi Sapin du 3 janvier 2001 et de maintenir les postes de fonctionnaires supprimés depuis maintenant trois ans. L'application de cette loi nécessite en effet de créer des postes destinés à être occupés, par la suite, par des agents contractuels ayant été titularisés, en réactivant les concours réservés et la reconnaissance des acquis.
Le Gouvernement a fait d'autres choix et procède depuis trois ans à un véritable « dégraissage » de la fonction publique. Selon lui, au nom de la maîtrise des dépenses publiques, le nombre de fonctionnaires devrait impérativement être revu à la baisse, ces derniers pesant trop lourd dans le budget de l'Etat. Or cette restriction des dépenses publiques n'est plus le leitmotiv du Gouvernement quand il s'agit d'accorder des allégements de charges aux entreprises ! Ainsi, aux termes du projet de loi de sauvegarde des entreprises, les administrations fiscales et sociales peuvent consentir des remises de dettes aux entreprises en difficulté.
Par conséquent, après la diminution des effectifs, le démantèlement du statut de la fonction publique est la prochaine étape à franchir pour le Gouvernement.
En effet, ce projet de loi est la mort annoncée du statut de fonctionnaire et du recrutement par concours, pourtant garant de l'égalité d'accès à la fonction publique. C'est la porte ouverte au recrutement clientéliste, à tous les niveaux de la hiérarchie.
Nous ne sommes évidemment pas hostiles à une modernisation du statut de la fonction publique, avec - pourquoi pas ? - la création de nouveaux corps, correspondant à des missions nouvelles, à des besoins émergents, intégrant des métiers nouveaux tels qu'informaticien ou responsable de communication.
Mais le principe du recrutement par concours doit être impérativement préservé. C'est d'ailleurs, je le rappelle, une exigence constitutionnelle : l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 pose la règle de l'égalité devant les emplois publics et interdit, de fait, les discriminations, aussi bien pour l'entrée dans la fonction publique que pour le déroulement de la carrière.
Puisque seul le concours garantit cette égalité des citoyens dans l'accès à la fonction publique et que toute autre procédure de recrutement laisserait la place au pouvoir discrétionnaire, le concours doit être la règle commune.
Au-delà des adaptations qui peuvent s'avérer indispensables, comme la mise en adéquation des concours avec les qualifications professionnelles requises, toute tentative marginalisant le recrutement par concours doit être dénoncée et combattue. C'est bien ce que nous faisons en défendant cette motion tendant à opposer la question préalable.
Le recrutement par la voie contractuelle, qui est aujourd'hui mis en avant, conduit déjà à écarter de manière discrétionnaire un grand nombre de catégories de personnes, notamment les personnes handicapées, ce qui, en l'occurrence, laisse la fonction publique très éloignée des obligations d'emploi fixées par la loi.
Banaliser la contractualisation dans la fonction publique constitue un réel danger. Les droits des agents seront progressivement remis en cause par l'introduction d'un nouveau type de relation entre l'Etat employeur et ses agents, et deux types de statuts coexisteront au sein des trois fonctions publiques.
Tandis que les agents titulaires continueront d'être soumis au statut général, à leurs côtés, travailleront de nouveaux agents contractuels qui ne seront pas soumis au même régime. Cela signifie qu'ils ne bénéficieront pas des garanties du statut en termes de déroulement de carrière ou encore de maintien de leur emploi.
En définitive, seront-ils recrutés et intégrés dans tel ou tel corps de fonctionnaires ou recrutés uniquement pour un emploi déterminé ? Il y a là une différence qui n'est pas sans importance, au regard tant de l'agent concerné que de la mission de service public à laquelle il participe. Le fait d'être recruté dans un corps et d'y faire carrière est une des garanties de la continuité du service public.
Multiplier les recrutements contractuels pour des emplois déterminés peut aboutir progressivement à une remise en cause de la continuité du service public, et même de son existence, si nous poussons le raisonnement un peu plus loin, comme l'a d'ailleurs certainement fait le Gouvernement.
Pour l'agent recruté à durée indéterminée, l'incertitude va peser sur sa carrière : quel en sera le déroulement, quelle forme prendra sa fin de contrat, quelles seront les garanties dont il pourra bénéficier à ce moment-là, que se passera-t-il si son emploi est supprimé ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est pour cette raison qu'il faut des CDI !
Mme Josiane Mathon. De toute façon, ces CDI ne seront pas nécessairement accordés.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous plaidez donc pour les CDI : c'est très bien, madame Mathon !
Mme Josiane Mathon. Pas du tout, je plaide pour la titularisation !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous savez très bien que ce n'est pas possible !
Mme Josiane Mathon. Ces questions essentielles m'amènent à soulever un problème : le risque est grand que tous ces nouveaux agents contractuels servent de variable d'ajustement dans la fonction publique, ce qui fait peser un danger sur l'avenir de nos services publics. En effet, l'externalisation des services étant de plus en plus courante, il est à craindre que le Gouvernement ne la facilite encore davantage en multipliant les CDI.
Nous ne pouvons accepter une telle situation. Ce projet de loi remet ni plus ni moins en cause le principe selon lequel la titularisation est la règle et la contractualisation l'exception. Comment ne pas admettre qu'il ouvre une brèche sans précédent dans le statut de la fonction publique ?
Mme Hélène Luc. Absolument !
Mme Josiane Mathon. La volonté du Gouvernement n'est certainement pas de résorber la précarité. Il entend, bien au contraire, remettre en cause le statut des fonctionnaires, sous couvert de la transposition de la directive de 1999.
Résorber la précarité dans la fonction publique ne passe certainement pas par l'éclatement du statut.
Avant de conclure, je souhaite évoquer une disposition du projet de loi qui est relative au congé d'adoption : celui-ci se trouvera aligné sur celui du régime général de la sécurité sociale. Nous sommes d'autant plus scandalisés par cette disposition que nous venons d'adopter une proposition de loi portant réforme de l'adoption.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Et alors ?
Mme Josiane Mathon. Nous aurions pu discuter de cette disposition lors de l'examen de ladite proposition de loi.
Au reste, plus grave encore, dans la réforme de l'adoption qui nous a été présentée, la priorité fixée était de faciliter l'adoption, pour permettre ainsi à des enfants de trouver plus rapidement un foyer.
Mme Hélène Luc. Tout à fait !
Mme Josiane Mathon. Or, en supprimant l'actuel droit au congé d'adoption prévu pour les fonctionnaires, le Gouvernement tient un discours contradictoire.
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Il n'est pas supprimé !
Mme Josiane Mathon. Madame le rapporteur, puisque la durée du congé sera partagée, elle sera forcément diminuée !
Le refus des créations d'emplois publics statutaires et la priorité donnée à la voie contractuelle sont à nos yeux inacceptables. C'est remettre en cause le fondement même du service public, à savoir apporter la réponse la mieux adaptée aux besoins sociaux et à l'intérêt collectif.
L'emploi public est porteur d'une fonction sociale permettant d'assurer les missions qui relèvent du service public et, par conséquent, d'assurer l'accès des citoyens à des droits et des services dans la neutralité, l'égalité, la continuité sur tout le territoire et la laïcité. Il découle de cette conception de l'emploi public des caractéristiques particulières, qui se concrétisent dans les dispositions statutaires. Statut et mission de service public sont ainsi intimement liés, et nous renouvelons notre attachement à l'un et à l'autre.
Le statut de la fonction publique, si souvent critiqué, représente avant tout des garanties tant pour l'emploi... pardonnez-moi,... tant pour l'Etat employeur...
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Lapsus révélateur !
Mme Josiane Mathon. Pour l'emploi aussi, bien évidemment !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour l'emploi, d'abord !
Mme Josiane Mathon. Le statut est surtout plus porteur de garanties que l'emploi externalisé !
Les fonctionnaires présentent des garanties d'indépendance face à toute tentative individuelle ou collective de pression, aussi bien politique qu'économique.
Par ailleurs, le fait que les fonctionnaires soient recrutés dans un cadre d'emploi et non pour occuper un emploi déterminé représente une garantie de qualité et de continuité.
Nous rejetons donc ce projet de loi que nous considérons comme fallacieux, qui ne permet pas de lutter contre la précarité, mais s'attaque au statut de la fonction publique et, par voie de conséquence, à l'avenir même du service public. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Comme je l'ai dit en première lecture, la commission des lois souscrit à la démarche du Gouvernement et aux objectifs du présent projet de loi. Ce dernier permet en effet de transposer plusieurs directives en droit français et, plus généralement, de mettre en conformité le droit français de la fonction publique avec le droit issu de la jurisprudence communautaire. Il contribue également à combler l'important retard enregistré par la France en matière de transposition de directives.
Les différentes dispositions du projet de loi permettent ainsi de poursuivre la lutte contre toutes les formes de discrimination, en encourageant en particulier l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes et en harmonisant les dispositifs législatifs qui tendent à éviter les actes discriminatoires. Elles sont en outre de nature à ouvrir plus largement les emplois publics aux ressortissants communautaires, répondant ainsi aux exigences de libre circulation des travailleurs, et, surtout, à réduire l'emploi précaire...
Mme Hélène Luc. Vous savez très bien que ce n'est pas vrai !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. ... par la transposition de la directive 99-70 du 28 juin 1999, selon laquelle les agents non titulaires ne pourront voir leur contrat renouvelé que pour une durée indéterminée passé un délai de six ans.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois émet un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
Mme Hélène Luc. C'est n'importe quoi !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre. Madame Mathon, permettez-moi de m'étonner : à suivre votre analyse, les agents qui sont actuellement en CDD dans la fonction publique devraient être maintenus dans une situation de grande précarité. En effet, tout votre plaidoyer a consisté à défendre le statu quo et donc le maintien de la précarité.
Or nous proposons précisément la possibilité de sortir de cette précarité, et cela selon deux voies : soit en accédant à un CDI au bout de six années, soit en passant les concours internes.
Quant à la titularisation systématique de tous les agents concernés par le processus Sapin, cela porterait véritablement atteinte au système du concours pour l'accès à la fonction publique.
Autrement dit, ce que vous demandez en fait, madame Mathon, c'est le maintien de ces personnes dans la précarité, alors que le Gouvernement souhaite, lui, leur offrir la possibilité d'accéder à un statut plus valorisant et plus sécurisant.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le ministre, il ne s'agit absolument pas de maintenir une forme de précarité ! La précarité, c'est vous qui l'instaurez !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non, c'est vous !
M. Jacques Mahéas. Pendant deux fois trois ans, ils auront une épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête ! Six ans sans pouvoir, par exemple, obtenir un prêt pour acheter un logement !
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. C'est le contraire !
M. Jacques Mahéas. Six ans à être rejeté par les organismes d'HLM.
Pour notre part, dans le cadre de la loi Sapin, nous avions programmé des concours spécifiques De cette façon, nous avions effectivement réussi à titulariser la moitié des agents aptes à passer ces concours adaptés.
En outre, nous avions fait voter une loi concernant la reconnaissance professionnelle. Prenez-la en compte ! C'est vous qui placez les gens dans des situations précaires et même plus que précaires ! Car, au bout de six ans, ils pourront être purement et simplement licenciés !
Par ailleurs, vous dites que le concours est absolument nécessaire, qu'il est sacré, mais, dans trois domaines, vous lui tordez le cou ! Tout d'abord, avec le système « deux CDD puis un CDI ». Ensuite, avec le « PACTE junior », qui est destiné à ouvrir les portes de la fonction publique aux jeunes en difficulté : sur le principe, on ne peut qu'y être favorable, mais il n'empêche que cela se fait sans concours. Enfin, avec la fusion des échelles de rémunération 2 et 3, car il semble bien que, là encore, il n'y aura pas de concours.
Dites-nous donc franchement, monsieur le ministre, que vous allez généraliser le contrat et supprimer les concours !
D'autre part, on sait bien que, pour certaines collectivités territoriales, il est évidemment plus facile de recruter sans avoir à organiser des concours, d'autant que la formation de ceux qui réussissent ces concours, notamment dans la catégories A, dure quelquefois l'équivalent d'une demi-année, voire plus...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Un an !
M. Jacques Mahéas. Un maire ou un président de conseil général préférera par conséquent embaucher des personnes qui n'ont pas passé le concours, afin de ne pas avoir à assumer cette formation.
Il existe évidemment quelques exceptions, qui peuvent toujours être étudiées et pour lesquelles on peut prévoir des concours adaptés, mais la situation logique, normale, c'est celle où un fonctionnaire est titulaire de son poste. C'est ainsi que notre Etat pourra vraiment compter sur ceux qu'il emploie, pas en en maintenant certains dans la précarité ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Un certain nombre d'arguments, sur lesquels nous ne reviendrons pas, ont déjà été développés en première lecture.
Plusieurs lois ont été votées pour la résorption de l'emploi précaire, mais, nous nous en sommes aperçus, aucune n'a fonctionné.
M. Jacques Mahéas. Mais si !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non ! Monsieur Mahéas, sachez que, dans mon département, depuis un peu plus d'un an, c'est-à-dire à la suite du changement de majorité, plus de 100 contractuels ont été embauchés, sur un total de 240 recrutements. Il y a donc une différence entre ce que l'on dit à Paris et ce que l'on fait sur le terrain !
Pour ma part, j'ai dénoncé cette situation, car je pensais que l'on pouvait recruter beaucoup d'agents dans le cadre statutaire.
Vous avez évoqué des difficultés relatives à la FIA, la formation initiale d'application. Or M. le ministre de la fonction publique, dans le projet de loi sur la fonction publique territoriale qui sera présenté à l'automne, entend alléger ce dispositif, qui, me semble-t-il, est une fausse bonne idée. Sans doute vaut-il mieux, en effet, mettre en oeuvre cette formation au cours des deux ou des trois années suivant le recrutement plutôt que de bloquer la carrière des fonctionnaires. J'en conviens tout à fait, monsieur Mahéas, en fin de compte, ce système décourage les collectivités locales de recruter les jeunes qui passent le concours, car, ensuite, elles les voient disparaître.
De la même manière, monsieur le ministre, sans doute nous faudrait-il envisager, comme c'est le cas dans la fonction publique de l'Etat, un système d'« attachés élèves », dont le régime de rémunération serait globalisé et mutualisé. Une fois formés, ils seraient affectés aux collectivités. Un tel dispositif a d'ailleurs très bien fonctionné pour les officiers de sapeurs-pompiers.
En définitive, chers collègues de l'opposition, je ne comprends pas votre position !
Mme Hélène Luc. Ça, ce n'est pas surprenant !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En effet, nous offrons une garantie à des agents qui, de toute façon, n'auraient pas pu être titularisés. Normalement, ils auraient dû être licenciés puisque, selon la règle actuelle, un contrat de trois ans n'est renouvelable qu'une fois. Je rappelle qu'il s'agit d'emplois spécifiques. Si le contrôle de légalité était correctement effectué, on ne pourrait pas recruter dans n'importe quelles conditions, y compris, tout à fait entre nous, dans mon département.
Dans nos départements ou nos communes, nous avons besoin de faire appel à des spécialistes - je pense en particulier aux informaticiens. Ils occupent des emplois spécifiques et ont parfois un certain âge. Pour eux, le CDI, qui constitue, contrairement à ce que vous dites, une garantie, est la seule voie. Bien entendu, il faut que cela ne concerne qu'un petit nombre d'emplois.
D'ailleurs, dans la pratique, ces contrats existent aujourd'hui, notamment dans les directions départementales de l'équipement, où les personnes ainsi recrutées bénéficient d'une évolution de carrière. Alors que cela ne devrait pas exister, les personnes qualifiées restent parfois vingt ou vingt-cinq ans dans le même poste !
Il s'agit donc d'entériner une situation qui est nécessaire à l'administration, qui ne nuit pas aux agents et qui ne remet pas du tout en cause le statut de la fonction publique, auquel nous sommes attachés. Car le statut de la fonction publique est inséparable du concours !
Mme Hélène Luc. Ça ne se voit pas !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si, je suis désolé !
Nous aménageons un dispositif qui donnera satisfaction à des agents en situation de précarité ! Au demeurant, je vérifierai que tous ceux qui se sont prononcés aujourd'hui contre ce dispositif n'ont pas pratiqué, dans leur collectivité, une politique différente de celle qu'ils défendent aujourd'hui ! Car je suis bien persuadé qu'ils ont également recours aux contrats ! Et sans doute est-il nécessaire de les inciter à donner à ces contractuels une certaine stabilité d'emploi.
Quoi qu'il en soit, à mes yeux, cette mesure constitue un progrès. Et je ne parle pas des autres dispositions, sur lesquelles Mme le rapporteur s'est exprimée, à savoir, en particulier, la promotion de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, sujet qui ne me paraît pas négligeable.
Pour tous ces motifs, il me semble que cette motion tendant à opposer la question préalable est mal venue. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 3, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 198 :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 119 |
Contre | 207 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Mme Hélène Luc. Dommage !
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article 4 bis
Dans l'article L. 711-9 du code de la sécurité sociale, les mots : « du quatrième alinéa » sont remplacés par les mots : « des quatrième et cinquième alinéas ».
M. le président. Je mets aux voix l'article 4 bis.
(L'article 4 bis est adopté.)
Article 4 ter
I. - L'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée est ainsi modifié :
1° Après le cinquième alinéa, il est inséré un 1° ainsi rédigé :
« 1° Le fait qu'il a subi ou refusé de subir des agissements contraires aux principes énoncés au deuxième alinéa du présent article ; »
2° Le sixième alinéa est ainsi modifié :
a) La référence : « 1° » est remplacée par la référence : « 2° » ;
b) Les mots : « les principes énoncés au deuxième alinéa du présent article » sont remplacés par les mots : « ces principes » ;
3° Au début du septième alinéa, la référence : « 2° » est remplacée par la référence : « 3° » ;
4° Dans le dernier alinéa, après le mot : « procédé », sont insérés les mots : « ou enjoint de procéder » ;
5° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. »
II. - L'article 6 bis de la même loi est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, après le mot : « distinction », sont insérés les mots : «, directe ou indirecte, » ;
2° Il est complété par six alinéas ainsi rédigés :
« Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :
« 1° Le fait qu'il a subi ou refusé de subir des agissements contraires aux principes énoncés au premier alinéa ;
« 2° Le fait qu'il a formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire respecter ces principes ;
« 3° Ou bien le fait qu'il a témoigné d'agissements contraires à ces principes ou qu'il les a relatés.
« Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus.
« Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. »
III. - L'article 6 ter de la même loi est ainsi modifié :
1° Après le 1°, il est inséré un 2° ainsi rédigé :
« 2° Le fait qu'il a formulé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; »
2° Au début du troisième alinéa, la référence : « 2° » est remplacée par la référence : « 3° » ;
3° Dans l'avant-dernier alinéa, après le mot : « procédé », sont insérés les mots : « ou enjoint de procéder ».
IV. - Dans l'avant-dernier alinéa de l'article 6 quinquies de la même loi, après les mots : « ayant procédé », sont insérés les mots : « ou ayant enjoint de procéder ». - (Adopté.)
Article 4 quater
Le 5° de l'article 34 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Le droit au congé d'adoption est ouvert à la mère ou au père adoptif. Lorsque les deux conjoints travaillent, soit l'un des deux renonce à son droit, soit le congé est réparti entre eux. Dans ce dernier cas, la durée de celui-ci est augmentée et fractionnée selon les modalités prévues par la législation sur la sécurité sociale. » ;
2° Dans le dernier alinéa, les mots : « ou d'adoption » sont supprimés ;
3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A l'expiration de chacun des congés mentionnés aux deux alinéas précédents, le fonctionnaire est réaffecté de plein droit dans son ancien emploi. Dans le cas où celui-ci ne peut lui être proposé, le fonctionnaire est affecté dans un emploi équivalent, le plus proche de son dernier lieu de travail. S'il le demande, il peut également être affecté dans l'emploi le plus proche de son domicile sous réserve du respect des dispositions de l'article 60 ; ».
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mmes Mathon, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 5 et 6.
Le Parlement a adopté la loi portant réforme de l'adoption, qui a été promulguée le 4 juillet dernier. Défendue par la majorité UMP, elle était présentée comme généreuse et visait à faciliter les procédures d'adoption.
Or, dans le texte que nous débattons actuellement, figurent des dispositions qui vont à l'encontre de cette démarche. En effet, sous couvert d'équité, le Gouvernement aligne le droit des fonctionnaires sur celui des salariés du secteur privé. Il remet ainsi en cause le droit au congé d'adoption puisqu'il interdit de cumuler congé parental et congé d'adoption.
Encore une fois, le Gouvernement fait le choix d'abaisser le niveau des droits sociaux pour les aligner sur des droits beaucoup moins favorables aux salariés. Dernier exemple en date : les retraites ; le régime des fonctionnaires est désormais aligné sur celui des salariés du secteur privé.
On nous présente une loi censée faciliter l'adoption et, dans le même temps, les parents susceptibles d'adopter apprennent que leurs droits à congé seront réduits. Il est difficile de faire plus contradictoire ! Comment, dans ce cas, être crédible ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui tend à supprimer un article alignant les droits à congé d'adoption des fonctionnaires de l'Etat sur ceux des assurés du régime général.
Selon le texte, la mère ou le père adoptif peuvent prendre le congé d'adoption. Ils peuvent décider de se le répartir, auquel cas ce congé est allongé de onze jours pour une adoption simple et de dix-huit jours en cas d'adoptions multiples. En outre, en cas de partage du congé, la durée totale du congé ne peut être fractionnée en plus de deux parties, la plus courte étant au moins égale à onze jours.
En revanche, c'est vrai, le père adoptif ne peut plus cumuler un congé d'adoption avec un congé de paternité.
La commission émet le même avis sur les amendements n° 5 et 6.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre. Comme vient de le dire Mme la rapportrice, il s'agit en fait d'une harmonisation formelle des règles applicables aux fonctionnaires avec le code de la sécurité sociale ; il ne s'agit pas de retirer des droits acquis. Les parents adoptifs sont simplement mis sur un pied d'égalité, qu'ils relèvent du régime général ou qu'ils soient fonctionnaires.
Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements nos 4, 5 et 6.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4 quater.
(L'article 4 quater est adopté.)
Article 4 quinquies
Le 5° de l'article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Le droit au congé d'adoption est ouvert à la mère ou au père adoptif. Lorsque les deux conjoints travaillent, soit l'un des deux renonce à son droit, soit le congé est réparti entre eux. Dans ce dernier cas, la durée de celui-ci est augmentée et fractionnée selon les modalités prévues par la législation sur la sécurité sociale. » ;
2° Dans le dernier alinéa, les mots : « ou d'adoption » sont supprimés ;
3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A l'expiration de chacun des congés mentionnés aux deux alinéas précédents, le fonctionnaire est réaffecté de plein droit dans son ancien emploi. Dans le cas où celui-ci ne peut lui être proposé, le fonctionnaire est affecté dans un emploi équivalent, le plus proche de son dernier lieu de travail. S'il le demande, il peut également être affecté dans l'emploi le plus proche de son domicile sous réserve du respect des dispositions de l'article 54 ; ».
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mmes Mathon, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a déjà été défendu.
La commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4 quinquies.
(L'article 4 quinquies est adopté.)
Article 4 sexies
Le 5° de l'article 41 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Le droit au congé d'adoption est ouvert à la mère ou au père adoptif. Lorsque les deux conjoints travaillent, soit l'un des deux renonce à son droit, soit le congé est réparti entre eux. Dans ce dernier cas, la durée de celui-ci est augmentée et fractionnée selon les modalités prévues par la législation sur la sécurité sociale. » ;
2° Dans le dernier alinéa, les mots : « ou d'adoption » sont supprimés ;
3° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« A l'expiration de chacun des congés mentionnés aux deux alinéas précédents, le fonctionnaire est réaffecté de plein droit dans son ancien emploi. Dans le cas où celui-ci ne peut lui être proposé, le fonctionnaire est affecté dans un emploi équivalent, le plus proche de son dernier lieu de travail. S'il le demande, il peut également être affecté dans l'emploi le plus proche de son domicile sous réserve du respect des dispositions de l'article 38 ; ».
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mmes Mathon, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a déjà été défendu.
La commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 6.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4 sexies.
(L'article 4 sexies est adopté.)
Article 9
I. - L'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des emplois permanents peuvent être occupés par des agents contractuels dans les cas suivants :
« 1° Lorsqu'il n'existe pas de cadre d'emplois de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ;
« 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. » ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « pour une durée déterminée et renouvelés par reconduction expresse » sont supprimés ;
3° Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les agents recrutés conformément aux quatrième, cinquième et sixième alinéas sont engagés par des contrats à durée déterminée, d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables, par reconduction expresse. La durée des contrats successifs ne peut excéder six ans.
« Si, à l'issue de la période maximale de six ans mentionnée à l'alinéa précédent, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. »
II. - Dans la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 34 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, les mots : « trois derniers alinéas » sont remplacés par les mots : « quatrième, cinquième et sixième alinéas ».
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mmes Mathon, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Les arguments que je vais développer vaudront également pour l'amendement n° 8.
Des trois fonctions publiques, la fonction publique territoriale est celle qui concentre le plus grand nombre d'agents non titulaires. Les salariés à statut précaire représentent en effet plus de 20 % des effectifs dans les collectivités territoriales.
Nous regrettons évidemment que le Gouvernement n'ait pas choisi d'utiliser les outils qui existent déjà afin de lutter contre la précarité et n'ait pas eu la volonté d'appliquer la loi Sapin. Au contraire, il est proposé que, dans la fonction publique territoriale, comme dans la fonction publique de l'Etat, soit appliqué ce nouveau dispositif de contrats.
Certes, la durée d'embauche à durée déterminée sera limitée puisque les agents concernés ne pourront pas être embauchés en CDD au-delà de six ans. Mais absolument rien ne garantit que ces contrats à durée déterminée ne seront pas de très courte durée ; la précarité des agents qui y seront soumis ne sera donc nullement réduite.
Rien ne garantit non plus que ces agents seront embauchés à durée indéterminée à l'issue de leur CDD et de la période de six ans : il n'y a aucune obligation à cet égard.
Ainsi, non seulement un tel dispositif n'a aucun effet positif sur la précarité des agents en question, mais il la renforce.
Nous sommes résolument contre l'introduction de CDI dans l'ensemble des trois fonctions publiques. Loin de résorber la précarité, cela va la pérenniser, et deux statuts aux droits et obligations différents vont coexister.
Nous proposons donc la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement parce que, sur le fond, nous croyons à la création du CDI. D'ailleurs, la fonction publique d'Etat et la fonction publique hospitalière l'ont adopté, et nous estimons qu'il ne faut pas créer de distorsion entre les différentes fonctions publiques.
La commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 8.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
I. - Non modifié.......................................................................
II. - Le contrat est, à la date de publication de la présente loi, transformé en contrat à durée indéterminée, si l'agent satisfait, le 1er juin 2004 ou au plus tard au terme de son contrat en cours, aux conditions suivantes :
1° Etre âgé d'au moins cinquante ans ;
2° Etre en fonction ou bénéficier d'un congé en application des dispositions du décret mentionné à l'article 136 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ;
3° Justifier d'une durée de services effectifs au moins égale à six ans au cours des huit dernières années ;
4° Occuper un emploi en application des quatrième, cinquième ou sixième alinéas de l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée dans une collectivité ou un établissement mentionné à l'article 2 de cette même loi.
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par Mmes Mathon, Assassi, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a déjà été défendu.
La commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 8.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article additionnel après l'article 10
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Portelli, est ainsi libellé :
Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 8 de la loi n° 2001-2 du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire et à la modernisation du recrutement dans la fonction publique ainsi qu'au temps de travail dans la fonction publique territoriale est ainsi rédigé :
« Art. 8 - Les agents bénéficiant des dispositions prévues aux articles 4 et 5, en fonction à la date de publication de la présente loi, sont nommés et classés dans leur cadre d'emplois, en prenant en compte la totalité de la durée des services accomplis en tant qu'agents non titulaires.
« Les conditions de nomination et de classement dans chacun des cadres d'emplois des agents bénéficiant des dispositions prévues aux articles 4 et 6 sont celles prévues par les statuts particuliers desdits cadres d'emplois pour les lauréats des concours internes ou, lorsque l'accès au cadre d'emplois ne s'effectue pas par la voie de concours internes, celles prévues pour les lauréats des autres concours mentionnés à l'article 36 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée ou pour les candidats recrutés dans les conditions prévues au d de l'article 38 de ladite loi, sous réserve des dispositions particulières concernant la durée des stages fixées par décret en Conseil d'Etat. »
La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. La loi du 3 janvier 2001, dite « loi Sapin », a permis l'intégration directe d'environ 2000 agents contractuels des collectivités territoriales dans la catégorie A, selon des modalités qui ont été définies par le décret d'application du 28 septembre 2001.
Ce dernier a prévu des conditions très restrictives de prise en compte de l'ancienneté, qui ont entraîné des conséquences pénalisantes sur le classement, le déroulement de carrière et les droits à la retraite des personnels concernés.
Ainsi, les services accomplis dans un emploi de niveau de la catégorie A n'ont été retenus qu'à raison de la moitié de leur durée jusqu'à douze ans et des trois quarts au-delà de douze ans.
Ces modalités apparaissent comme particulièrement inéquitables pour les agents contractuels qui étaient en poste depuis une longtemps - plus de quinze ans dans certains cas - et qui ont contribué à la mise en place des institutions lors des lois de décentralisation, c'est-à-dire bien avant la création des cadres d'emplois et l'organisation des concours de fonctionnaires territoriaux qui y correspondent.
Lors de leur intégration, il n'a pas été tenu compte, contrairement aux principes du droit européen, de la validation des acquis de l'expérience professionnelle et de l'application des dispositions de la directive n° 1999/70/CE, qui aurait dû être transposée en droit interne le 10 octobre 2001.
Ces dispositions européennes auraient pu permettre non seulement la prise en compte de l'intégralité des années effectuées par ces agents non titulaires, mais également un reclassement plus favorable dans la grille des fonctionnaires territoriaux.
S'agissant des attachés, il ne leur a pas été possible de subir les épreuves de l'examen professionnel d'attaché principal, et ce, en dépit de leur ancienneté, faute de réunir les conditions de durée de services effectifs dans leur cadre d'emploi.
Pourtant, de telles restrictions ont été levées par l'article 106 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales pour les agents de l'Etat titularisés dans le cadre de la loi Sapin et mis à disposition d'une collectivité, en prévoyant, sous certaines conditions, la prise en compte de la durée des services accomplis antérieurement par ces agents pour la détermination des conditions d'ancienneté.
Par ailleurs, l'article 15 du présent projet de loi prévoit également la possibilité pour les agents d'une entité économique privée reprise par une collectivité publique de bénéficier d'un contrat de droit public intégrant toutes les dispositions - y compris celles qui concernent leur ancienneté - de leur contrat antérieur de droit privé.
Le présent amendement a donc pour objet de modifier l'article 8 de la loi Sapin afin qu'il soit tenu compte, avec effet rétroactif à la date de la publication de cette loi, de la totalité des services accomplis en tant que contractuels par les personnels concernés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Cet amendement vise en effet à permettre la prise en compte de la totalité de la durée des services accomplis par les agents bénéficiant du dispositif de la loi Sapin en tant qu'agents non titulaires.
La question de l'intégration des agents non titulaires dans la fonction publique territoriale est souvent abordée et mériterait certainement une réflexion plus approfondie. Elle aura peut-être lieu - M. le ministre nous le confirmera éventuellement - à l'occasion de l'examen du texte sur la fonction publique territoriale qui est en préparation.
Il semblerait donc opportun de reporter la réflexion sur cette question au futur débat. C'est pourquoi la commission des lois demande à M. Portelli de bien vouloir retirer son amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre. A vous suivre, monsieur Portelli, l'agent contractuel qui aurait passé un concours externe - et nous connaissons leur sélectivité - se trouverait dans une situation moins favorable que celui qui aurait bénéficié d'une intégration directe sans concours. Il y aurait donc un risque de distorsion.
Je comprends votre souci, mais, dans sa forme actuelle, cet amendement n'est pas satisfaisant. Je vous propose donc de le retirer, étant entendu que, si vous le souhaitez, ce sujet pourra être évoqué de nouveau au moment de la discussion du projet de loi sur la fonction publique territoriale.
M. le président. Monsieur Portelli, l'amendement est-il maintenu ?
M. Hugues Portelli. Non, monsieur le président, je le retire. Mais il faut comprendre l'esprit de la proposition que j'ai formulée. Il conviendrait de régler le problème de tous les fonctionnaires qui ont été intégrés avant 1982, à un moment où ils ne pouvaient évidemment pas bénéficier des dispositions qui existent aujourd'hui.
Je souhaiterais donc que la situation de ces agents soit effectivement prise en compte au moment de l'examen du texte sur la fonction publique territoriale.
M. le président. L'amendement n° 9 est retiré.
Article 15
Lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires.
Sauf disposition législative ou réglementaire ou conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu'elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération.
En cas de refus des salariés d'accepter les modifications de leur contrat, la personne publique procède à leur licenciement, dans les conditions prévues par le droit du travail et par leur contrat.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Portelli, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le dernier alinéa de cet article :
En cas de refus des salariés d'accepter le contrat de travail proposé conformément aux dispositions de l'alinéa précédent, la personne publique procède à leur licenciement. Ce refus constitue en soi un motif personnel de licenciement, lequel est soumis aux dispositions du code du travail.
La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. L'article 15 est relatif au transfert de salariés de droit privé à l'intérieur d'un service public administratif. Dans le cadre de ce transfert, il est proposé aux agents un contrat de droit public à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils étaient titulaires.
Le dernier alinéa de l'article prévoit que, « en cas de refus des salariés d'accepter les modifications de leur contrat, la personne publique procède à leur licenciement, aux conditions prévues par le droit du travail et leur contrat antérieur ».
Le présent amendement vise en fait à clarifier la rédaction de ce texte, afin d'éviter qu'un certain nombre de contestations puissent émaner du salarié, en cas de mesure de licenciement dont il aurait fait l'objet, devant la juridiction prud'homale - je rappelle en effet que ce sont les prud'hommes qui sont compétents en la matière, conformément à la jurisprudence du tribunal des conflits - et donc que les personnes morales de droit public soient placées dans une position juridique délicate, compte tenu du risque de dérive jurisprudentielle.
Je propose donc de supprimer le mot « modifications », qui pourrait laisser croire que, à l'occasion de la conclusion d'un contrat de droit public, des modifications autres que celles qui seraient imposées par les dispositions de l'article 15, à savoir des dispositions législatives ou réglementaires ou des conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la fonction publique, pourraient survenir.
Par ailleurs, il est fait référence, dans l'article 15, au droit du travail et au contrat. Or cela renvoie à l'ensemble des textes législatifs et réglementaires ainsi qu'à la jurisprudence et à la doctrine en la matière, qui sont extrêmement détaillées et quelquefois contradictoires.
Selon moi, la référence au code du travail aurait l'avantage de renvoyer précisément aux règles applicables en matière de licenciement.
En outre, il ne serait plus nécessaire, de ce fait, de faire référence à la notion de contrat de travail puisque celle-ci est inscrite dans le code du travail.
Enfin, en prévoyant que, en cas de refus des salariés d'accepter les modifications de leur contrat de travail, c'est-à-dire la transformation de leur contrat de droit privé en droit public, la personne publique devra procéder à leur licenciement, le dernier alinéa de l'article 15 prive la personne publique de la possibilité de renoncer à son projet de modification du contrat de travail : le licenciement est la seule solution qui lui est offerte.
Or le projet de loi n'énonce pas clairement que le refus du salarié constitue en soi un motif de licenciement. Pourtant, une telle précision est nécessaire dès lors que le refus du salarié n'est pas, au regard des règles de droit du travail applicables, un motif de licenciement. En effet, ce motif doit être recherché dans la cause qui est à l'origine de la modification proposée.
Dans le cas précis, et en l'état actuel du texte, la cause de la modification - je pense, par exemple, à la reprise par la personne publique d'un service public administratif géré auparavant par une entreprise privée - n'étant ni personnelle ni économique, le licenciement prononcé par la personne publique serait nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Il me paraît souhaitable de maintenir le renvoi au droit commun du licenciement par parallélisme avec l'article L. 122-12 du code du travail, applicable en matière de transfert de personnel d'une entité économique.
Toutefois, je souhaiterais connaître l'avis de M. le ministre afin que toutes les assurances nous soient données sur ce sujet.
M. le président. Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Jacob, ministre. Le large renvoi au droit du travail auquel procède la rédaction proposée par le Gouvernement nous paraît plus conforme tant à l'esprit du code du travail qu'à celui de la directive européenne.
Je précise d'ailleurs que le Gouvernement a retenu la rédaction proposée par le Conseil d'Etat. Ce dernier nous a effectivement indiqué que nous ne serions considérés comme ayant satisfait aux exigences de la directive européenne du 12 mars 2001 que si nous respections un équilibre subtil entre les droits des gestionnaires et ceux des personnels.
Or votre proposition, monsieur le sénateur, déroge au droit commun du travail en déterminant à l'avance le régime de licenciement applicable au salarié d'une entité transférée.
Le droit du travail implique un examen particulier des situations pouvant donner lieu à un licenciement. Il n'est pas exclu, en effet, qu'un autre régime de licenciement trouve à s'appliquer à des salariés qui sont dans cette situation. Dans certains cas, ce régime pourrait être plus favorable aux personnels que le licenciement pour motif personnel.
En contournant le droit commun, nous pourrions être considérés comme ayant imparfaitement transposé le droit communautaire, qui vise, je le rappelle, à assurer la continuité des contrats.
En revanche, monsieur Portelli, je partage votre souci de faciliter la tâche des gestionnaires. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à mes services de se rapprocher de ceux du ministère du travail afin d'élaborer une doctrine commune en matière de transfert d'entités économiques. Je souhaite que ce travail donne lieu à la diffusion de lignes directrices facilement utilisables par tous les gestionnaires.
Je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir, à la lumière de ces explications, retirer votre amendement, faute de quoi le Gouvernement se verrait contraint d'émettre un avis défavorable.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Portelli ?
M. Hugues Portelli. M. le ministre a avancé deux types d'arguments : le premier est relatif au motif de licenciement, le second au respect du droit communautaire.
En ce qui concerne le motif du licenciement, l'idée qui est la vôtre, monsieur le ministre, et qui, à vous entendre, est partagée par le Conseil d'Etat, est qu'il faut laisser aux personnes publiques le soin de se situer sur le terrain du motif personnel ou sur celui du motif économique. Cependant, en droit du travail, le refus même par le salarié d'accepter la modification de son contrat ne constitue ni un motif personnel ni un motif économique de licenciement.
Si elles devaient opter pour une qualification économique, les personnes publiques se trouveraient confrontées à une difficulté inextricable, tenant à l'obligation préalable de reclassement. Je tiens à rappeler que toute défaillance de l'employeur à cet égard, en cas de contentieux prud'homal, serait immédiatement sanctionnée par la requalification du licenciement en licenciement abusif, quelle que soit par ailleurs la réalité du motif économique avancé.
S'agissant du droit communautaire, la directive du 12 mars 2001 sur le maintien du droit des travailleurs en cas de transfert d'entreprise garantit la continuité du contrat de travail. Or cette directive pose le principe du transfert automatique des contrats de travail du cédant vers le cessionnaire, ce dernier se substituant au précédent pour l'exécution des droits et obligations nées du contrat de travail, ainsi que l'interdiction de faire du transfert lui-même une cause de licenciement, que ce soit par le cédant ou par le cessionnaire.
Toutefois, la directive, en son article 4, admet que des modifications substantielles puissent, le cas échéant, être apportées au contrat de travail pour des raisons propres au nouvel employeur, qu'elles soient d'ordre économique, technique ou d'organisation du service. Elle précise simplement que, dans ce cas, la résiliation du contrat de travail qui interviendrait par suite de telles modifications serait considérée comme étant de la responsabilité de l'employeur ; je pense, par exemple, à une rupture qualifiée de licenciement.
En conséquence, l'amendement n° 10 ne contrarie en rien les principes communautaires auxquels vous avez fait implicitement référence, monsieur le ministre.
Cela dit, dans la mesure où votre ministère semble s'orienter vers l'idée de circulaire d'interprétation, je retire cet amendement.
Il reste que ce ne sont pas des directives ministérielles qui retiendront le juge, ce dernier considérant qu'il est le seul capable d'interpréter la loi. Au demeurant, le juge administratif n'hésite pas à censurer des directives et des circulaires interprétatives émanant des ministères.
Par conséquent, le mur que vous proposez d'ériger pour nous protéger est un mur de papier, qui ne tiendra pas devant la jurisprudence si le juge ne veut pas s'y conformer.
Je retire donc l'amendement n° 10 en gage de bonne volonté, monsieur le ministre, mais je vous donne rendez-vous : vous verrez que le juge se prononcera dans un sens différent de celui qui a été retenu par le Conseil d'Etat.
M. André Vézinhet. Vous avez raison, mais alors pourquoi retirer l'amendement ?
M. le président. L'amendement n° 10 est retiré.
Je mets aux voix l'article 15.
(L'article 15 est adopté.)
Article 15 ter
Dans l'article L. 1424-67 du code général des collectivités territoriales, la référence : « article 63 de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale » est remplacée par la référence : « article 15 de la loi n° du portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique ». - (Adopté.)
Articles 16 à 20
M. le président. Les articles 16 à 20 ont été supprimés par l'Assemblée nationale.
Article 22
Les articles 1er, 2 et 4 s'appliquent aux concours ouverts à compter du premier jour du cinquième mois suivant la publication de la présente loi.
L'article 3 s'applique aux fonctionnaires recrutés à compter du premier jour du cinquième mois suivant la publication de la présente loi.
L'article 6 entre en vigueur le premier jour du septième mois suivant la publication de la présente loi. - (Adopté.)
Article 23
Le premier alinéa du II de l'article 90 de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'établissement public est administré par un conseil d'administration et dirigé par un directeur général. Le conseil d'administration en vote le budget.
« Le président du conseil d'administration et le directeur général sont nommés par décret. » - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 23
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 23, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'ordonnance n° 2005-727 du 30 juin 2005 portant diverses dispositions relatives à la simplification des commissions administratives est ratifiée.
La parole est à M. le ministre.
M. Christian Jacob, ministre. Dans le cadre de l'ordonnance de simplification du 1er juillet 2004, la suppression de deux cents commissions déconcentrées et leur remplacement par soixante-dix organismes pivots ont été décidés. Cette mesure a, me semble-t-il, été globalement saluée comme un progrès significatif tant pour l'usager que pour les administrations.
Or ce nouveau système n'a pu être mis en place le 1er juillet dernier, comme cela était initialement prévu.
C'est la raison pour laquelle je propose de reporter ce délai d'un an, pour que ce dispositif puisse entrer en vigueur dans de bonnes conditions et, surtout, que ces soixante-dix organismes pivots couvrent bien l'ensemble du champ prévu, tant il est vrai que de nombreuses commissions sont concernées ; je pense, entre autres, aux commissions départementales d'orientation de l'agriculture.
Je mesure ce que ce procédé a d'un peu exorbitant et je vous demande, mesdames, messieurs, les sénateurs, de bien vouloir m'en excuser.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Comme vient de le rappeler M. le ministre, sur le fondement de l'habilitation prévue à l'article 55 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, et répondant au souhait de réduire le nombre d'organismes collégiaux consultatifs et de simplifier leur composition, cette ordonnance vise à supprimer la consultation, notamment du conseil départemental de protection de l'enfance - commission qui ne se réunit plus dans les faits - ou de la commission chargée d'émettre un avis sur certains projets de remembrement réalisés par une agence foncière urbaine.
Cette ordonnance tend aussi à aménager les conditions d'entrée en vigueur de certaines dispositions de l'ordonnance n° 2004-637 relative à la simplification de la composition et du fonctionnement des commissions administratives et à la réduction de leur nombre, et qui n'étaient pas d'application immédiate.
Il s'agit ainsi de se donner un peu plus de temps, jusqu'au 1er juillet 2006 au lieu du 1er juillet 2005, pour mettre en place les nouvelles commissions pivots destinées à remplacer certaines commissions déconcentrées existant actuellement.
Cet amendement ayant été déposé ce matin, j'espère que le Gouvernement aura su convaincre l'ensemble de mes collègues. Pour sa part, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. Je voudrais simplement faire remarquer que la façon dont est utilisé l'article 38 de la Constitution est singulièrement évolutive et de plus en plus éloignée du libellé même de cet article.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est vrai !
M. Hugues Portelli. Je considère que le fait de déposer un amendement tendant à insérer un article additionnel dans un projet de loi de manière à ratifier une ordonnance est contraire à l'esprit de la Constitution de 1958. D'ailleurs, si les rédacteurs de celle-ci avaient vu se multiplier de tels procédés, ils en auraient sans doute été extrêmement surpris !
Je tiens, pour ma part, que la ratification d'ordonnances doit donner lieu au dépôt de textes spécifiques. Les articles additionnels ont, eux, pour objet de préciser la loi. Dès lors, il n'est à mes yeux ni normal ni correct de déposer, à la sauvette, un amendement comme celui-ci dans le but de ratifier des ordonnances.
Je me bornerai à cette réflexion, car, pour le reste, je ferai, bien sûr, comme tout le monde ! (Sourires.)
M. le président. Si je vous comprends bien, mon cher collègue, vous dénoncez le catimini !
M. Hugues Portelli. Non, monsieur le président, je conteste le procédé même consistant à utiliser un article de loi pour procéder à la ratification d'une ordonnance.
L'article 38 de la Constitution est tout à fait clair à ce sujet : il y a des lois d'habilitation, il y a des ordonnances et il y a des lois de ratification. Tel est le droit constitutionnel de la Ve République.
Or, je le répète, le fait de déposer un projet de loi de ratification pour ensuite avoir recours à un article de complaisance, et ce uniquement afin de respecter les délais, me paraît, même si cela est devenu coutumier, absolument anormal.
M. Jean-Pierre Sueur. Voilà qui est profondément juste !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On peut dire qu'il s'agit d'une ratification-validation. En effet, selon le Conseil d'Etat, l'ordonnance, telle qu'elle a été prise, n'est pas conforme à la loi d'habilitation.
M. Hugues Portelli. C'est encore mieux !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mon cher collègue, j'ai toujours dit que les validations étaient insupportables. Toutefois, nous avons très souvent été amenés à y recourir parce qu'un intérêt public supérieur était en jeu.
Or beaucoup de commissions ont été installées et, si nous ne ratifiions pas, il y aurait une cascade de décisions annulées. Par exemple, dans mon département, la Seine-et-Marne, deux remembrements ont été annulés simplement pour vice de forme. Or les remembrements coûtent des sommes colossales et, quand surgit un vice de forme, il faut tout recommencer !
Monsieur le ministre, tout le monde souhaitait que l'on supprime des commissions et, franchement, cela ne me choque pas que l'on habilite le Gouvernement à simplifier. Il s'agit d'une bonne mesure pour accélérer les choses. Mais dites à l'ensemble des membres du Gouvernement de bien veiller, quand nous votons un projet de loi d'habilitation, à le respecter strictement ou plutôt à nous proposer un projet de loi d'habilitation qui puisse ensuite se traduire dans des textes ; c'est la moindre des choses ! A défaut, nous serons face à un écheveau juridique inextricable. C'est bien la raison pour laquelle, en l'espèce, une ratification est urgente.
Evidemment, le procédé n'est pas glorieux. Mais reconnaissons que cela est déjà arrivé dans le passé : rappelez-vous certains concours ! Ce n'est donc malheureusement pas une première fois, mais j'aimerais, monsieur le ministre, pouvoir dire que c'est la dernière fois.
M. Jean-Pierre Sueur. Soyez prudent !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ecoutez, je vois ici certains anciens ministres qui nous ont demandé des validations ! Que celui qui n'a jamais péché jette la première pierre ! (Sourires.)
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, il faut que le Gouvernement fasse preuve d'une attention extrême. Nous n'aimons vraiment pas ces ratifications implicites, si nombreuses dans le passé.
Ici, il s'agit d'une ratification explicite, qui est aussi une validation, et qui est justifiée par l'urgence.
Monsieur le ministre, je pense que le Sénat va voter cet amendement, mais il faudrait inciter les auteurs des ordonnances à faire preuve de plus de vigilance.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 23.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Claude Biwer, pour explication de vote.
M. Claude Biwer. Je voudrais tout d'abord dire que je partage le point de vue de M. le président de la commission à propos de l'amendement n° 11. Il est voté, mais je demeure inquiet quant aux perspectives évoquées à l'instant.
La mise en conformité de notre législation avec différentes directives communautaires permet un certain nombre d'avancées, qu'il s'agisse de la promotion de l'égalité des droits entre les hommes et les femmes, de la lutte contre les discriminations, de l'ouverture de la fonction publique aux ressortissants européens et, surtout, de la lutte contre la précarité.
Le fait de limiter le recours abusif aux contrats à durée déterminée constitue, en effet, le point d'orgue de ce projet de loi que nous comprenons bien et que nous approuvons.
Je sais que les syndicats dans leur ensemble sont opposés à cette mesure, mais il faut leur rappeler qu'elle a pour but de lutter contre la précarité des contractuels. Il ne s'agit ni de la mise en place d'une fonction publique parallèle ni de la fin du statut général de la fonction publique. II s'agit de prendre en compte une réalité et d'y adapter notre législation.
C'est pourquoi le groupe UC-UDF est favorable à ces dispositions et à l'ensemble du projet de loi, saluant au passage le travail remarquable qui a été accompli par notre collègue Mme Jacqueline Gourault, rapporteur.
Au-delà de ce texte, je voudrais insister sur la nécessité, monsieur le ministre, d'engager une réforme d'envergure de la fonction publique, et particulièrement de la fonction publique territoriale.
Cette réforme nous a été promise à maintes reprises et nous l'attendons toujours. Pourtant, des projets touchant aux acquis de l'expérience, à la formation professionnelle, aux seuils et aux quotas d'avancement, au droit syndical, aux adaptations aux nouveaux métiers, à la réforme des centres de gestion, et j'en passe, sont indispensables.
S'il n'est pas question de mettre un terme au principe d'un statut général de la fonction publique, tout le monde conçoit que la question de la rigidité de ce statut mérite d'être posée, afin d'assurer une plus grande équité entre tous les Français, sans protection abusive.
Les collectivités attendent légitimement cette réforme. La fonction publique territoriale a besoin de se moderniser. En effet, elle est confrontée à différents défis comme ceux qui sont liés aux évolutions de la décentralisation, de la structure démographique et du contexte européen.
Nous avons besoin d'une législation innovante et ambitieuse sur tous ces sujets. Je crois que vous avez annoncé cette réforme pour l'automne. J'espère, monsieur le ministre, que cette promesse ne restera pas lettre morte et je vous en remercie par avance.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le ministre, j'ai lu avec une attention particulière l'entretien que vous avez accordé à un quotidien et auquel j'ai déjà fait allusion. J'y ai perçu d'excellentes intentions. De façon logique, vous avez constaté que, depuis 1998, il n'y avait pas eu d'accord dans la fonction publique entre le Gouvernement et les syndicats. Vous avez annoncé que vous vouliez sortir de la culture de l'échec, ce qui me paraît intéressant, et que vous souhaitiez une négociation plus large avec les syndicats.
La deuxième lecture du projet de loi portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique représentait pour vous une excellente occasion de mettre immédiatement vos bonnes intentions en pratique. Or vous faites exactement le contraire ! Cela étant, je reconnais que votre tâche n'est pas facile, car vous n'occupiez pas les fonctions de ministre de la fonction publique lors de la première lecture de ce projet de loi.
Vous voulez, nous dites-vous, moderniser l'Etat et réformer les 900 corps. Or vous créez une particularité : des fonctionnaires qui n'en sont pas, qui sont sous contrat à durée indéterminée. Vous créez un groupe supplémentaire, marginal par rapport au statut de fonctionnaire.
Vous souhaitez développer la fonction publique et le service public. Mais comment va faire le Gouvernement, tiraillé entre un ministre d'Etat qui annonce qu'il faut continuer de ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite et un Premier ministre qui dit qu'il n'est pas possible d'utiliser le « rabot » pour éliminer des fonctionnaires ? Il faudra faire preuve de davantage de cohérence et essayer de rapprocher les points de vue ; c'est une partie de votre mission.
Aujourd'hui, les fonctionnaires se posent des questions. Comment ont-ils été considérés jusqu'à présent ? Mal ! En trois ans, trois ministres de la fonction publique se sont succédé ! La fonction publique nécessite une continuité d'action, de réflexion ; elle ne peut être traitée au pied levé.
Vous annoncez qu'il faudra examiner les questions du pouvoir d'achat, du logement et de la protection sociale.
En ce qui concerne le pouvoir d'achat des fonctionnaires, vous devrez formuler des propositions parce que, ces dernières années, il a notablement diminué.
S'agissant du logement, en tant qu'élu de la Seine-Saint-Denis - mais le problème doit se poser dans les mêmes termes dans d'autres départements, et pas seulement en région parisienne -, je sais les difficultés de plus en plus importantes, parfois énormes, que rencontrent les fonctionnaires. Quant aux agents sous contrat à durée déterminée, il est clair que les sociétés d'HLM ne regarderont même pas leur dossier. Comment vont-ils se loger pendant les six années où ils seront dans cette situation ?
Mme Jacqueline Gourault, rapporteur. Au contraire, ce sera plus facile pour eux !
M. Jacques Mahéas. Peut-être serait-il intéressant que vous vous portiez caution. Je ne sais pas ce qui pourra être fait dans ce domaine.
Pour ce qui est de la protection sociale des fonctionnaires, avec ce texte, elle risque fort d'être réduite. Il y aura toujours des élus pour trouver intéressant d'embaucher des personnes sous contrat à durée déterminée pendant six ans, puis éventuellement de les remercier, sauf si elles sont âgées de plus de cinquante ans, puisque, dans ce cas, la loi prévoit nécessairement un contrat à durée indéterminée.
Le groupe socialiste ne pourra voter ce projet de loi, qui, je le répète, ne porte malheureusement pas plus à l'issue de cette seconde lecture qu'après la première la marque des bonnes intentions que vous avez affichées en tant que nouveau ministre de la fonction publique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
6
Concessions d'aménagement
Adoption définitive d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux concessions d'aménagement (nos 431, 458).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter au nom de Dominique Perben, et qui a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale en première lecture, va mettre un terme à un long débat sur la nature des conventions d'aménagement et les conditions dans lesquelles elles doivent être conclues.
Ce texte est très attendu par les collectivités et les aménageurs. Il permettra de lever des incertitudes juridiques qui entravent la réalisation des opérations d'aménagement et compromettent le succès de la relance des constructions de logements, pourtant essentielle pour nos concitoyens.
Les changements apportés sont profonds. Notre droit interne permettait aux communes de choisir librement leur aménageur, sans obligation de mise en concurrence préalable.
Cette faculté a été réaffirmée en dernier lieu par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains du 13 décembre 2000, qui a par ailleurs réservé les subventions publiques aux opérations confiées à un établissement public d'aménagement ou à une société d'économie mixte, leur conférant ainsi un quasi-monopole.
Depuis 2001, la Commission européenne conteste ce dispositif. La France a soutenu que les conventions d'aménagement ne constituaient ni des marchés de travaux ni des délégations de service public et n'étaient donc pas soumises aux règles de publicité et de passation prévues pour ces contrats. Et il est exact qu'elles ne sont ni l'un ni l'autre.
Mais la Cour de justice des Communautés européennes a précisé que tous les contrats publics, y compris ceux qui sont exclus du champ d'application des directives sur la passation des marchés, devaient faire l'objet d'une publicité préalable pour respecter les règles fondamentales du traité de l'Union.
Cette jurisprudence, qui a été reprise par un premier jugement de notre justice administrative, imposait de modifier notre système juridique. La discussion a été renouée avec la Commission européenne. Elle a débouché sur le texte qui vous est aujourd'hui soumis.
La philosophie générale de ce texte est simple. Il subordonne le choix d'un aménageur à une mise en concurrence préalable et met les différents aménageurs sur un pied d'égalité quel que soit leur statut, public, semi-public ou privé : égalité des droits à concourir et à être désigné comme concessionnaire, égalité des moyens d'action - je pense, par exemple, à la possibilité de se voir déléguer le droit de préemption urbain - mais aussi égalité au regard des obligations qui leur sont faites, notamment en matière de publicité de leurs propres marchés, de contrôle ou de rendu compte auprès de la collectivité concédante.
J'en viens aux principales dispositions du projet de loi.
Une catégorie unique de contrats d'aménagement, ouverts à tous les aménageurs, qu'ils soient publics ou privés, est créée : c'est la concession d'aménagement.
Compte tenu de la diversité des situations, le projet de loi fixe un cadre très général. Il appartiendra aux communes d'adapter les traités de concession aux caractéristiques des opérations dont elles prennent l'initiative et pour lesquelles elles apportent, le cas échéant, une participation financière contribuant à leur équilibre.
Les concessions d'aménagement devront être conclues en respectant des procédures de publicité et de mise en concurrence qui seront définies par décret en Conseil d'État.
Ce décret retiendra des procédures très comparables à celles qui découlent de la loi Sapin, en tenant compte de l'existence ou de l'absence d'une participation de la collectivité et, le cas échéant, de son importance.
En cas de participation publique, le contrôle exercé sur le concessionnaire sera analogue à celui que la loi prévoit aujourd'hui pour les opérations menées par des SEM, des sociétés d'économie mixte.
Les marchés conclus par le concessionnaire pour la réalisation des travaux et des équipements destinés à être remis à l'issue de la concession à la collectivité locale devront, eux aussi, faire l'objet d'une procédure spécifique de transparence et de concurrence, procédure qui sera différente selon que l'opération est partiellement financée par des fonds publics ou entièrement prise en charge par l'aménageur privé.
Enfin, conformément à la jurisprudence européenne, le concédant ne sera pas tenu de mettre en oeuvre une procédure de mise en concurrence lorsqu'il conclura une concession avec un aménageur sur lequel il exerce un contrôle comparable à celui qu'il exerce sur ses propres services.
A cet égard, les débats à l'Assemblée nationale ont longuement porté sur l'impossibilité, pour les collectivités, de se doter de sociétés à capitaux exclusivement publics, comme il en existe dans de nombreux pays européens.
Le Gouvernement a pris l'engagement de constituer un groupe de travail et de préparer très rapidement un texte qui permettra de donner aux collectivités qui le souhaitent, la possibilité de disposer d'opérateurs dédiés dont elles assureraient entièrement le contrôle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi très technique est essentiel pour apporter aux opérations d'aménagement la sécurité juridique indispensable à leur réalisation.
Il modifiera très sensiblement des pratiques anciennes, mais je ne doute pas que l'ensemble des acteurs de l'aménagement, dont il faut saluer le professionnalisme et la compétence, sauront s'adapter.
Dans un cadre plus sûr et plus transparent, ce projet de loi permettra aux collectivités et à leurs élus de poursuivre le développement de nos villes, indispensable pour assurer leur vitalité culturelle et économique et répondre aux besoins de leurs habitants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le ministre, vous venez de le rappeler, les conventions passées pour la réalisation d'opérations d'aménagement ne font aujourd'hui l'objet, dans notre droit interne, d'aucune obligation de publicité ni de mise en concurrence.
Certaines d'entre elles, appelées « conventions publiques d'aménagement », ne peuvent être conclues qu'avec des sociétés d'économie mixte locales, des sociétés d'économie mixte dont le capital est détenu à plus de la moitié par une ou plusieurs collectivités publiques et des établissements publics. Elles permettent à leurs titulaires de bénéficier d'une participation de la collectivité publique et de prérogatives de puissance publique, telles que le droit d'exproprier et de préempter.
Mais, nous le savons tous, mes chers collègues, ce régime est aujourd'hui très fragilisé, ce qui suscite l'inquiétude d'un grand nombre d'élus locaux, de présidents et d'administrateurs de sociétés d'économie mixte.
En effet, la Commission européenne a adressé à la France, en 2001, une lettre de mise en demeure. La Cour de justice des Communautés européennes, le 7 décembre 2000, a rendu une décision dite Telaustria. Le 5 février 2004, dans un avis motivé qu'elle a adressé à la France, la Commission européenne a contesté la compatibilité de notre procédure avec le droit communautaire. Le 9 novembre 2004, la cour administrative d'appel de Bordeaux en a tiré les conséquences dans un arrêt pris au second degré. Enfin, il y a eu l'arrêt Stadt Halle du 11 janvier 2005 de la Cour de justice des Communautés européennes.
L'ensemble de ces événements montre, à l'évidence, les limites du dispositif que nous connaissons. C'est pourquoi il est nécessaire de légiférer, et cela fait, me semble-t-il, l'objet d'un large accord.
D'ailleurs, M. Jean-Pierre Bel et plusieurs de nos collègues du groupe socialiste, M. Paul Blanc et plusieurs de nos collègues du groupe UMP ont présenté des propositions de loi qui allaient exactement dans ce sens, et donc dans le même sens que le projet de loi que vous venez de présenter, monsieur le ministre.
L'idée qui sous-tend ce projet de loi est simple : les concessions ayant pour objet l'aménagement, sous toutes ses formes, pourront être conclues avec toute personne publique ou privée, mais elles devront être soumises à des règles de publicité et de mise en concurrence d'une parfaite équité.
L'Assemblée nationale a apporté plusieurs modifications au projet de loi initial.
En premier lieu, elle a élargi le champ des missions des concessionnaires, en leur confiant la réalisation de toutes les missions nécessaires à l'exécution des programmes des opérations d'aménagement.
En deuxième lieu, elle a précisé que la participation du concédant au coût d'une opération d'aménagement pouvait prendre la forme d'un apport financier ou d'un apport en terrain.
En troisième lieu, elle a, dans un souci de souplesse, rendu facultative la mention de la localisation des équipements publics dans les zones d'aménagement concerté, les ZAC, prévues par un plan local d'urbanisme, ou PLU.
Je tiens à souligner que c'est là une innovation positive.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. En effet, autant il est souhaitable, lorsque l'on crée une ZAC, d'indiquer la nature des équipements publics que l'on a l'intention d'y installer, autant il faut laisser la place aux concours d'urbanisme, d'architecture, à la concertation avec les habitants, pour décider finalement de l'endroit où l'on va implanter la bibliothèque, la piscine ou tel autre équipement public.
En quatrième lieu, l'Assemblée nationale a introduit l'obligation de soumettre à une enquête publique les délibérations du conseil municipal concernant l'établissement des plans d'alignement et de nivellement, l'ouverture, le redressement et l'élargissement des voies communales.
En cinquième lieu, elle a introduit un nouvel article, l'article 11, qui permet de procéder à la validation législative de l'ensemble des conventions passées - et, par conséquent, des opérations qu'elles ont permis de réaliser - avant la promulgation de la loi.
La commission des lois du Sénat souscrit tout à fait à une telle validation. Puisque nous recherchons la sécurité juridique, il est clair qu'il faut valider ce qui a été fait en fonction de la législation actuelle au moment où nous mettons cette législation en conformité avec le droit européen.
Une autre innovation de l'Assemblée nationale, que la commission a retenue mais qui ne suscite pas forcément l'enthousiasme de son rapporteur, consiste à proroger de six mois le délai accordé au Gouvernement pour réformer par ordonnance les différents régimes d'enquêtes publiques. Qu'en dirait M. Portelli, qui évoquait tout à l'heure cette question, à propos du précédent texte ? M. le président de la commission des lois a également dit : « Je souhaiterais que ce fût la dernière fois. » Or il nous est de nouveau demandé une prorogation de délai !
Voilà donc les modifications qui ont été introduites par l'Assemblée nationale.
Permettez-moi maintenant, monsieur le ministre, mes chers collègues, de formuler quelques remarques.
Premièrement, dans ce projet de loi, la définition des règles de publicité et de mise en concurrence est renvoyée à un décret. Nous émettons quelques doutes sur cette procédure. Il est en effet paradoxal de renvoyer l'essentiel de l'objet du projet de loi, c'est-à-dire la définition des règles de transparence et de mise en concurrence, à un simple décret.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que l'article 34 de la Constitution dispose que la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales relève de la loi, ce qui signifie que l'on ne peut imposer à celles-ci quelque obligation que ce soit sans le vote d'une loi.
Le Conseil d'Etat considère d'ailleurs depuis fort longtemps que le code des marchés publics intervient dans une matière normalement réservée au législateur lorsqu'il détermine les modalités de passation et d'exécution des marchés des collectivités locales.
La procédure de passation des délégations de service public a ainsi été fixée par la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin ». Vous y avez du reste fait allusion, monsieur le ministre, et c'était précisément à propos de ce que contiendrait le futur décret.
Nous savons tous ici qu'il est possible de se référer, et vous ne manquerez pas de le faire, au fameux décret-loi du 12 novembre 1938 relatif aux marchés publics. Je me permets cependant de vous faire humblement remarquer, monsieur le ministre, mes chers collègues, que ce texte est évidemment antérieur au partage des domaines respectifs de la loi et du règlement opéré par la Constitution de 1958...
Nous avons donc décidé de vous soumettre un amendement tendant à indiquer ce qui, à notre avis, doit constituer la substance de cette publicité et de cette mise en concurrence. Nous aurons l'occasion d'y revenir ultérieurement et de vous interroger à ce sujet, monsieur le ministre.
Deuxièmement, je souhaite me faire l'écho d'une question que nous avons évoquée avec les partenaires des opérations d'aménagement que nous avons rencontrés.
Chacun le sait, aujourd'hui, les sociétés d'économie mixte d'aménagement et les autres aménageurs, notamment privés, ne sont pas soumis au même régime fiscal. Or, à partir du moment où l'on fait jouer la concurrence, il paraît utile de mener une réflexion à ce sujet. En effet, il ne faudrait pas que se crée, à l'occasion de cette mise en concurrence et par le biais de cette différence de régime fiscal, une distorsion qui serait préjudiciable à l'équité.
Troisièmement, je souhaite soulever une question de principe à propos de l'ordonnance du 6 juin 2005, qui a été publiée mais n'a pas été ratifiée par le Parlement.
Le Conseil d'Etat considère en effet que, dès lors qu'une ordonnance est citée dans un texte de loi, cette citation vaut ratification.
En ce qui concerne les partenariats public-privé, on s'est ainsi trouvé dans une situation pour le moins bizarre, le Conseil d'Etat ayant jugé qu'une ordonnance était ratifiée dans la mesure où elle était citée dans la loi relative à la politique de santé publique.
Or ce n'était pas l'avis du Parlement puisque, à l'occasion de l'examen d'un tout autre texte, le rapporteur du Sénat avait déposé un amendement tendant à la ratification de l'ordonnance en question : le fait que la Haute Assemblée ait eu l'intention de ratifier cette ordonnance signifie bien que ses membres étaient opposés à la ratification implicite de cette dernière.
Et ce n'était pas non plus l'avis du puisque celui-ci avait déposé un projet de loi de ratification de cette même ordonnance devant le Conseil d'Etat : cela tend à prouver que lui non plus n'admet pas la notion de ratification implicite.
En vertu de cet arrêt du Conseil d'Etat, la simple citation d'une ordonnance dans un texte de loi pourrait donc se traduire par une sorte de ratification implicite, « à l'insu du plein gré », si je puis dire, du Parlement et du Gouvernement. (Sourires.)
M. Paul Blanc. Ça, c'est vraiment de la simplification administrative !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Monsieur le ministre, nous aimerions être rassurés sur ce point lorsque nous examinerons l'article dans lequel est citée l'ordonnance du 6 juin 2005.
J'en arrive à mon quatrième sujet de réflexion.
Vous y avez fait référence, monsieur le ministre : plusieurs députés, reprenant une position défendue par de nombreux présidents de société d'économie mixte et par la Fédération nationale des sociétés d'économie mixte, ont souhaité que puissent être créées des sociétés publiques locales ayant une collectivité locale pour actionnaire unique.
Cette proposition, qui avait reçu l'agrément de l'ensemble des groupes, a donné lieu à un grand débat à l'Assemblée nationale, le Gouvernement faisant pour sa part valoir un certain nombre d'objections juridiques, relatives, notamment, au statut des sociétés anonymes.
Je formulerai, à cet égard, deux remarques.
Tout d'abord, les sociétés anonymes ne me semblent pas relever de l'économie mixte qui, par définition, est... mixte.
Ensuite, il faudra veiller à ce que ces sociétés, qui peuvent tout à fait être utiles, n'entraînent pas le démembrement des collectivités locales.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Exactement !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. En effet, à partir du moment où l'on crée, afin de gérer la compétence « aménagement », une société dont le seul et unique actionnaire est une collectivité locale, le risque existe de voir le champ de compétence de cette société s'étendre progressivement à l'urbanisme, au logement,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. A la culture !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. ... et déborder sur telle ou telle prérogative des collectivités locales : le sport, la culture, etc.
Selon nous, une collectivité locale ne saurait en aucun cas devenir une sorte d'addition de sociétés. Il y a donc là un problème de fond. Bien que cette idée de société publique locale à actionnaire unique soit sans doute utile et pertinente, il nous faut d'abord réfléchir à certains points.
Monsieur le ministre, vous avez proposé la création d'un groupe de travail. Cette suggestion a été acceptée par l'Assemblée nationale puisque les amendements qui tendaient à concrétiser cette idée ont été retirés.
J'ajouterai encore deux observations avant de conclure.
Premièrement, et c'est la raison pour laquelle cette mesure est réclamée avec force par beaucoup d'élus, les sociétés dont nous parlons aujourd'hui sont, toutes catégories confondues, au nombre de 16 000 en Europe. Parmi elles, 14 000 sociétés ont pour actionnaire unique une collectivité publique. Or, parmi ces 14 000 sociétés, aucune n'est française !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et voilà !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. On ne voit pas pourquoi ce dispositif, qu'on appelle le « in house » et qui existe dans les autres pays européens, ne pourrait pas exister chez nous ?
Il ne s'agit pas d'éviter la concurrence, par ailleurs rendue possible et nécessaire en vertu du présent projet de loi, mais de réfléchir à un autre dispositif, déjà mis en place dans d'autres pays. En effet, si elles étaient les seules à ne pouvoir y recourir, nos collectivités risqueraient d'être pénalisées.
Nous devons approfondir cette question, tout en tenant compte des difficultés que j'ai énoncées tout à l'heure.
Deuxièmement, il semble qu'au sein du groupe de travail dont vous avez souhaité la mise en place, monsieur le ministre, et qui s'est déjà réuni une fois, la participation de sénateurs ne soit pas prévue. Si cet état de fait subsistait, il y aurait, pour le coup, une profonde anomalie. Vous n'ignorez pas, en effet, qu'en vertu de la Constitution le Sénat représente les collectivités territoriales de la République française !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Bien entendu, mes chers collègues, la commission des lois vous propose d'adopter ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratiqueet social européen, 8 minutes ;
Réunion administrative des sénateursne figurant sur la liste d'aucun groupe6 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui pourrait a priori nous permettre de faire l'économie d'une discussion, tant est large le consensus dont il fait l'objet. Toutefois, je souhaite apporter la contribution de mon groupe au débat en insistant sur deux ou trois points qui me semblent importants.
Afin de répondre aux exigences de la Commission européenne, nous sommes conduits à modifier le code de l'urbanisme en prévoyant une obligation minimale de transparence, de publicité et de mise en concurrence pour les conventions publiques d'aménagement.
En effet, depuis le vote de la loi SRU du 13 décembre 2000, une distinction est opérée entre les conventions d'aménagement dites « ordinaires » et les conventions publiques, ces dernières n'étant pas soumises à des contraintes de publicité.
Cet état du droit, justifié par le particularisme de nos conventions d'aménagement, avait fait l'objet de critiques de la part de la Commission européenne, celle-ci considérant que les conventions d'aménagement ne peuvent être exemptées d'obligation de mise en concurrence.
Le point d'orgue fut l'invalidation d'une procédure d'aménagement par la cour administrative d'appel de Bordeaux, en novembre dernier.
En l'état, la situation est juridiquement instable et un grand nombre de conventions risquent d'être annulées, ce qui porterait un coup d'arrêt à de nombreuses opérations d'aménagement. Réformer le droit des contrats d'aménagement est aujourd'hui une urgence.
C'est donc, dans un premier temps, le souci de sécuriser l'environnement juridique des concessions d'aménagement qui justifie ce projet de loi, et nous ne pouvons qu'y souscrire.
Nous y sommes d'autant plus favorables que, depuis que le Gouvernement a fait part de son projet de réformer les conventions publiques d'aménagement, la Commission a suspendu sa plainte auprès de la Cour de justice des Communautés européennes.
Sur le fond, la question de l'obligation de publicité et de mise en concurrence des concessions d'aménagement mérite que l'on s'y attarde un peu plus.
Bien entendu, nous soutenons l'idée selon laquelle il faut placer tous les aménageurs sur un pied d'égalité et nous attachons une importance particulière au respect du principe de l'égal accès à la commande publique. Nous ne pouvons toutefois occulter la spécificité de ce type de contrat.
C'est pourquoi il nous semble indispensable que la mise en concurrence conduise les adjudicateurs à faire un choix guidé par des considérations qualitatives, et non pas seulement par la recherche du meilleur prix, sur lequel ils doivent d'ailleurs quelquefois se justifier.
En effet, le recours à ces conventions est généralement motivé par la réalisation d'opérations importantes, qui touchent au logement et à la construction de zones de commerce, mais qui s'accompagnent également de la mise en place de services publics.
Apparemment, monsieur le ministre, nous pouvons être rassurés. En effet, si la procédure établie par décret, en application de la présente proposition de loi, ressemble à celle qu'a fixée la loi Sapin, les critères retenus devraient s'apparenter aux critères qualitatifs et à la confiance que des élus accordent aux entreprises avec lesquelles ils traitent plus qu'aux critères liés au prix.
Pourrez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre, sur le contenu de ce décret ?
Notre souci est ici, bien sûr, de trouver un juste équilibre entre le principe de l'égal accès à la commande publique et la spécificité des contrats d'aménagement, mais également de garantir la sauvegarde des sociétés d'économie mixte. Le risque est en effet pour celles-ci de perdre des contrats, une fois les aménageurs privés installés dans le jeu de la concurrence.
Or les SEM ont des atouts à défendre. Il s'agit d'un instrument que les collectivités ont su utiliser et qu'il est important de préserver. Nous le savons, avec ce texte, il n'est pas question de bouleverser le fonctionnement des SEM, mais il ne faudrait pas que, par ricochet, la mise en oeuvre de cette réforme remette en cause leur existence.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur un autre élément du contenu du futur décret d'application.
Il sera possible pour les collectivités de constituer des commissions chargées des concessions d'aménagement. Nous souhaitons - le groupe UC-UDF attache beaucoup d'importance à cette question - que ne soient pas oubliés, dans la composition de ces commissions, les agents territoriaux en charge du dossier.
Grâce à notre collègue Christian Gaudin, auteur d'un amendement tendant à insérer un article additionnel dans le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, une erreur du code général des collectivités territoriales quant à la composition des commissions compétentes en matière de délégation de service public a été corrigée.
S'agissant des commissions chargées des concessions d'aménagement, la présence des agents territoriaux n'est pas prévue, contrairement à ce qu'il en est pour les commissions d'appels d'offres.
Or, du fait de cette lacune, des procédures ont été annulées à plusieurs reprises par la juridiction administrative en raison de la présence d'agents dans les commissions de délégation de service public.
Pourtant, il s'agit bien souvent, si ce n'est toujours, de personnes qui apportent un soutien technique majeur aux élus.
Monsieur le ministre, nous sommes réunis ici précisément pour rompre avec la situation actuelle d'insécurité juridique. C'est pourquoi je vous encourage à ne pas faire la même erreur que pour les délégations de service public, au risque de fragiliser la procédure de passation de concession d'aménagement.
Enfin, monsieur le ministre, alors que nous sommes réunis ici pour adapter notre code de l'urbanisme aux exigences européennes, une récente jurisprudence de la Cour européenne de justice m'inquiète.
En effet, selon les termes du projet de loi, sont exemptées des obligations de publicité et de mise en concurrence les prestations « in house », selon l'expression empruntée à la jurisprudence communautaire.
Deux conditions doivent préalablement être remplies : il faut, d'une part, que l'entité adjudicatrice « exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services » et, d'autre part, que la personne morale prestataire « réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent ».
En outre, la Cour européenne a rendu en janvier dernier un arrêt en vertu duquel les SEM comprenant un actionnaire privé ne peuvent bénéficier de l'exemption de la mise en concurrence prévue pour les contrats « in bouse ». Or, selon le code général des collectivités territoriales, « la participation des actionnaires [des SEM] autres que les collectivités territoriales et leurs groupements ne peut être inférieure à 15% du capital social. »
Comment donc concilier cette exigence avec la nouvelle jurisprudence communautaire qui interdit l'exception « in house » pour les SEM qui comprennent un actionnaire privé ? Cette situation ne risque-t-elle pas de créer une nouvelle situation d'insécurité juridique?
Je voudrais, avant de conclure, saluer l'initiative du rapporteur de l'Assemblée nationale sur ce texte, qui a proposé un amendement validant l'ensemble des conventions en cours et permettant ainsi de mettre fin à une incertitude quant à leur poursuite.
Par ailleurs, s'agissant de l'importante question des sociétés publiques locales, nous sommes favorables à la création d'un groupe de travail annoncé par M. le ministre à l'Assemblée nationale. Je souhaite seulement, comme M. le rapporteur, que le Sénat soit associé à cette démarche.
Il est important de faire participer le plus grand nombre à cette réflexion pour trouver de nouveaux modes de gouvernance des collectivités territoriales et offrir plus de souplesse aux SEM pour leur permettre de s'adapter aux nouvelles exigences, notamment à celles du présent projet de loi.
En outre, la possibilité de transformer les SEM en sociétés publiques locales détenues entièrement par les collectivités territoriales permettrait peut-être de se conformer à la jurisprudence récente de la Cour européenne que j'ai évoquée à l'instant.
Ces quelques remarques sur des points auxquels les membres du groupe UC-UDF sont particulièrement attachés étant faites, je vous assure de notre soutien, monsieur le ministre.(Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui a pour objectif de mettre fin à l'incertitude juridique entourant depuis l'an dernier les projets d'aménagement engagés par les sociétés d'économie mixte dans le cadre de conventions publiques d'aménagement.
En effet, en l'état actuel du droit, ces conventions passées pour la réalisation des opérations d'aménagement ne sont soumises à aucune obligation de publicité ni de mise en concurrence.
L'article L. 300-4 du code de l'urbanisme dispose que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics peuvent confier l'étude et la réalisation d'opérations d'aménagement à toute personne publique ou privée y ayant vocation.
Mais il prévoit également que les dispositions de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ne sont pas applicables aux conventions publiques d'aménagement, c'est-à-dire aux conventions passées avec un établissement public ou une SEM.
Il était donc urgent de modifier le régime juridique de passation de ces conventions publiques d'aménagement. Cela l'était d'autant plus que la Cour de justice des communautés européennes, dans sa décision Telaustria du 7 décembre 2000, a posé le principe de l'obligation de respecter les règles minimales de publicité et de mise en concurrence lorsque sont conclues des concessions de service public.
Elle précise que les règles régissant la passation des conventions d'aménagement par les collectivités territoriales n'étaient pas compatibles avec les règles fondamentales du Traité, lequel garantit la neutralité à l'égard du statut public ou privé des entreprises et impose aux pouvoirs adjudicateurs de respecter des principes de non-discrimination et d'égalité de traitement.
La cour administrative d'appel de Bordeaux s'inscrit dans la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes en affirmant, dans un arrêt Sogedis du 9 novembre 2004, qu'une concession d'aménagement, alors qu'elle n'entre pas dans le champ d'application de la loi Sapin, n'est toutefois pas exclue du champ d'application des règles fondamentales posées par le traité de l'Union et doit respecter les obligations minimales de publicité et de transparence propres à assurer l'égalité d'accès à ces contrats.
Les conventions d'aménagement qui ont déjà été conclues se trouvent donc dans une situation juridique incertaine, puisque la jurisprudence de la cour administrative d'appel fait peser sur elles un risque d'annulation non négligeable. Cette incertitude juridique posant évidemment problème aux collectivités territoriales et aux SEM qui les ont conclues, il était urgent d'adapter notre législation en la matière.
Le texte qui nous est soumis procède à une modification du code de l'urbanisme. Dans un premier temps, il supprime la distinction qui existait entre les conventions d'aménagement conclues avec une personne publique, les conventions publiques d'aménagement, et les conventions passées avec une personne privée, les conventions ordinaires.
La suppression de toute distinction entre les cocontractants d'une concession d'aménagement répond, certes, à l'exigence de non-discrimination édictée par la Cour de justice des communautés européennes Mais en soumettant les concessions d'aménagement à un régime unique ouvert à la concurrence, le Gouvernement applique strictement les principes d'une concurrence libre et non faussée, ce qui pose la question de la mise en concurrence des SEM avec le secteur privé.
Désormais, l'attribution des concessions d'aménagement sera soumise par le concédant à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes.
Mais plutôt que de préciser et de détailler dans la loi les conditions d'attributions des concessions, le Gouvernement a fait le choix de renvoyer à un décret pris en Conseil d'Etat.
Ce choix est regrettable, car nous aurions voulu connaître les conditions de publicité exigées pour l'attribution d'une concession d'aménagement. En ce sens, nous saluons l'initiative du rapporteur, monsieur Sueur, qui a déposé un amendement visant à préciser la procédure de publicité. Nous aimerions que le Gouvernement soit plus clair et s'engage précisément à ce sujet.
Nous souhaitons que l'attribution des concessions d'aménagement se fasse dans le cadre d'une procédure qui soit analogue à celle de la loi Sapin et qui respecte ainsi les principes de transparence et de non-discrimination.
Le vide juridique entourant la conclusion des conventions d'aménagement serait ainsi comblé. Les dispositions du code de l'urbanisme se trouveraient en conformité non seulement avec les exigences de la Commission européenne qui, à deux reprises, a notifié à la France l'obligation de revoir sa législation en matière de passation des conventions d'aménagement, mais aussi avec la jurisprudence dégagée par la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Par ailleurs, si l'article 2, qui traite des modalités de mise en oeuvre des concessions d'aménagement, ne pose pas réellement de problème, il me semble important de m'arrêter quelques instants sur l'article 3. Celui-ci, dans le texte proposé pour l'article L. 300-5-2 du code de l'urbanisme, dispense des règles de publicité et de mise en concurrence les « concessions d'aménagement conclues entre le concédant et un aménageur sur lequel il exerce un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services et qui réalise l'essentiel de son activité avec lui ou, le cas échéant, les autres personnes publiques qui le contrôlent ».
Ce type de concessions est encore appelé « in house ». Cette disposition ne fait que reprendre la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes, et plus particulièrement l'arrêt Teckal du 18 novembre 1999. Selon cet arrêt, les directives communautaires relatives aux marchés publics ne s'appliquent pas lorsque, pour répondre à ses besoins, la collectivité publique recourt à ses propres services ou à une entité juridique distincte constituant un simple prolongement administratif.
Mais la portée de cet arrêt a été réduite par l'arrêt Stadt Halle du 11 janvier 2005. La Cour de justice des communautés européennes a en effet considéré que la participation, fût-elle minoritaire, d'une entreprise privée dans le capital d'une société à laquelle participe également le pouvoir adjudicateur en cause exclut en tout état de cause que ce pouvoir adjudicateur puisse exercer sur cette société un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services.
Les contrats passés entre une collectivité territoriale et une société d'économie mixte locale ne pouvant entrer dans le champ des prestations « in house », ils ne sont donc pas exemptés des règles de publicité et de mise en concurrence. En effet, les SEM doivent nécessairement contenir dans leur capital une partie, ne serait-ce qu'infime, de capital privé.
Cet état de fait pose la question de sociétés qui seraient détenues à l00 % par des personnes publiques, et dont l'Assemblée nationale proposait la création sous la dénomination de « sociétés publiques locales ». Si les amendements du rapporteur sur ce sujet ont été retirés en séance, je tiens néanmoins à exprimer mon point de vue, qui va d'ailleurs rejoindre celui de notre rapporteur.
La création de sociétés publiques locales n'est pas sans soulever un certain nombre de problèmes. Si le champ d'application de telles sociétés serait au départ limité à l'aménagement, cet outil serait vraisemblablement vite étendu à d'autres domaines, comme le logement ou encore la santé.
Nous pourrions alors assister, comme M. le rapporteur le souligne à juste titre, à un démembrement progressif des services des collectivités territoriales, ce qui n'est évidemment pas souhaitable.
Des amendements ont été déposés en ce sens. Nous espérons que les débats permettront d'éclairer le Sénat sur l'opportunité ou non de créer de telles sociétés.
Quoi qu'il en soit, ce texte permet de mettre fin à une situation d'insécurité juridique préjudiciable à la mise en oeuvre des opérations d'aménagement. Il était donc nécessaire de mener une réflexion sur ce point. C'est la raison pour laquelle les membres du groupe CRC se prononceront favorablement sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. André Vézinhet.
M. André Vézinhet. « Aménagement : maître mot de l'action publique » ! Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aménager un territoire est en effet l'une des responsabilités majeures des élus, à l'échelle de leurs collectivités, qu'il s'agisse des communes, des intercommunalités, des départements ou des régions.
La réussite des opérations d'aménagement qui se déroulent sur une longue durée passe par un portage politique puissant et une maîtrise d'ouvrage responsabilisée qui permettent d'anticiper, d'adapter les projets à l'évolution de la conjoncture et du marché.
A ce titre, l'aménagement et l'équipement du territoire ne peuvent se limiter à une simple approche économique qui relèverait du domaine concurrentiel.
C'est pourquoi de nombreuses collectivités se sont appuyées sur des sociétés d'économie mixte qu'elles ont mises en place. Les SEM ont apporté la transparence et la souplesse de gestion d'une société anonyme dans la réalisation des projets des collectivités.
Le rapporteur de la commission des lois, M. Jean-Pierre Sueur, a expliqué par le menu, voilà un instant, le feuilleton juridique auquel a donné lieu le fonctionnement des SEM.
Je m'en tiendrai donc à un bref rappel.
Depuis 2001, la Commission européenne demande à l'Etat français de justifier de la compatibilité avec le droit communautaire des modalités d'octroi des conventions d'aménagement.
Les réponses de la France n'ont pas satisfait la Commission, qui a saisi la Cour de justice des communautés européennes.
La position de la Cour a été clairement énoncée : pour respecter les règles fondamentales du traité de l'Union, tous les contrats publics, y compris ceux qui sont exclus des directives sur la passation des marchés, doivent faire l'objet d'une publicité adéquate, permettant une ouverture à la concurrence ainsi que le contrôle de l'impartialité des procédures d'adjudication.
La cour administrative d'appel de Bordeaux, dans un arrêt du 9 novembre 2004, s'est appuyée sur cette jurisprudence pour annuler une convention publique d'aménagement, instaurant de fait une incertitude juridique préjudiciable à l'ensemble des acteurs et faisant courir le risque d'une fragilisation des contrats en cours. Contrôle de légalité et recours d'un tiers pèsent désormais sur tous les projets d'aménagement public, dont l'essence est et doit demeurer de répondre à l'intérêt général.
Une réforme du régime des concessions s'imposait donc d'urgence, afin de conformer ce régime aux principes de transparence, de publicité et de mise en concurrence prévus par le droit européen.
Conscients de cette urgente nécessité, les parlementaires, toutes sensibilités politiques confondues, ont pris l'initiative dès le printemps de déposer, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, des propositions de loi en ce sens. Je suis moi-même coauteur de la proposition de loi n° 278, déposée le 5 avril dernier par le groupe socialiste.
Le Gouvernement a préféré présenter son propre texte, annoncé pour la fin mars par M. Gilles de Robien. C'est finalement sur le projet de loi présenté par M. Dominique Perben que nous allons nous prononcer aujourd'hui.
Si ce projet de loi est assez proche des différentes propositions de loi, on peut pourtant regretter le retard pris pour l'inscription à l'ordre du jour.
La discussion d'une proposition de loi voilà plusieurs semaines et la navette parlementaire qui serait alors intervenue auraient sans doute permis d'enrichir le contenu de la réforme proposée.
Aujourd'hui au contraire, pressés par le temps et soucieux de mettre en place rapidement la nouvelle procédure, nous allons, je n'en doute pas, devoir passer une fois de plus sous les fourches caudines du vote conforme.
Ce texte est perfectible, cependant. Le groupe socialiste a d'ailleurs déposé deux amendements, sur lesquels nous reviendrons tout à l'heure.
L'article 1er appelle plusieurs remarques.
Tout d'abord, il efface la distinction entre convention d'aménagement ordinaire et convention publique d'aménagement, pour créer des concessions d'aménagement désormais soumises aux règles de publicité.
Il porte en corollaire une nouveauté, puisque, désormais, tout concessionnaire, qu'il soit public ou privé, peut se voir accorder les prérogatives de puissance publique que sont les droits de préemption et d'expropriation. Ces droits n'étaient jusqu'alors délégués par la collectivité publique qu'aux seuls aménageurs publics.
Ce point n'est pas anodin. Il appartiendra à chaque collectivité publique d'être vigilante quant aux conditions dans lesquelles elle peut être amenée à déléguer à un aménageur privé - c'est une simple faculté, et non une obligation - les droits de préempter et d'exproprier, procédures lourdes de signification dans la mesure où elles portent atteinte au droit de propriété.
Ces procédures de préemption ou d'expropriation doivent naturellement être portées par le politique, pour être acceptées le mieux possible dans le cadre de la réalisation d'un projet d'intérêt général.
Ma seconde remarque concerne le renvoi au décret pour préciser les conditions de la procédure de publicité dans l'attribution des concessions d'aménagement.
Pour le groupe socialiste, il devait incomber au législateur de fixer ces règles et, à tout le moins, de fixer des seuils.
Nous nous félicitons du dépôt par le rapporteur de la commission des lois d'un amendement en ce sens, auquel nous nous rallierons bien volontiers.
Pour en finir avec l'article 1er, je rappellerai l'ajout positif des députés qui, sur proposition du rapporteur et du groupe socialiste, ont élargi les missions des aménageurs aux actions d'accompagnement social ou de promotion économique.
J'indiquais précédemment que le groupe socialiste avait déposé deux amendements : un amendement visant à insérer un article additionnel après l'article 6 et un amendement de suppression de l'article 10 nouveau.
Le premier amendement pose un problème de fond qui, je le sais, a été longuement débattu à l'Assemblée nationale, mais sur lequel nous tenons à revenir : il s'agit de la possibilité de créer des sociétés ne comportant pas d'actionnaire privé pour répondre aux critères du « in house » définis par la jurisprudence européenne.
Autrement dit, il s'agit de mettre à disposition un nouvel outil juridique d'aménagement et de maîtrise d'ouvrage : la société publique locale.
Le capital de cette société serait constitué en totalité de fonds publics émanant des collectivités territoriales et de leurs groupements, associés ou non à d'autres personnes publiques.
Pour illustrer l'intérêt de cet amendement, je voudrais signaler la situation actuelle de l'Hérault, situation dans laquelle se trouvent de très nombreux départements, j'en suis convaincu.
Nous avons décidé, politiquement, de maîtriser la SEM départementale, Hérault Aménagement, dont nous sommes actionnaire majoritaire avec 78 % du capital.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas interdit, cela !
M. André Vézinhet. Avec les collectivités, les chambres consulaires et la Caisse des dépôts et consignations, les capitaux publics représentent 95 % du capital, le reste étant détenu par la caisse d'épargne du Languedoc-Roussillon.
Comme d'autres SEM en France, la SEM Hérault Aménagement présente la caractéristique d'être un outil principalement voué à sa collectivité, le département, qui, de ce fait, a décidé d'inscrire les relations contractuelles avec la SEM sous le régime « in house ».
Or l'arrêt Stadt Halle de janvier 2005 vient remettre en cause ce dispositif mis en oeuvre par de nombreuses collectivités.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. André Vézinhet. L'amendement n° 2, dans le cadre de la libre administration des collectivités locales, ne l'oublions pas, vise à permettre aux élus de continuer à utiliser cette formule qui a fait ses preuves, en leur offrant les avantages de la transparence, de la sécurité - avec le cumul des contrôles de droit privé et de droit public -, de la souplesse de gestion d'une société anonyme et surtout de la maîtrise des décisions par les élus.
Les avantages de la société publique locale n'ont d'ailleurs pas échappé à nos voisins, puisque ce dispositif est en vigueur dans vingt-deux pays. Je rappelle que, dans les vingt-cinq pays de l'Union européenne, existent 16 000 entreprises publiques locales, dont 14 000 disposent de capitaux entièrement publics.
A l'Assemblée nationale, le Gouvernement a demandé et obtenu le retrait d'amendements ayant le même objet, sous prétexte d'obstacles d'ordre juridique à lever. Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé, peut-être imprudemment, à ce que soit constitué un groupe de travail qui « pourrait se réunir précisément le 5 juillet, pour réaliser une étude beaucoup plus approfondie ».
Cette date est passée. Qu'en est-il de ce groupe de travail ? Je crois savoir qu'il s'est effectivement réuni. Est-il pour autant constitué ? Si c'est le cas, qui en est membre ?
A ma connaissance, le Sénat n'a pas été informé des travaux de ce groupe, et encore moins associé à ces derniers.
Le groupe de travail s'est-il déjà réuni ? Quel sera son calendrier de travail ?
Devant les députés, M. le ministre a aussi affirmé que les propositions de ce groupe trouveraient une traduction législative avant la fin de l'année. Êtes-vous en mesure, monsieur le ministre, de confirmer ces déclarations et de nous préciser à quel « véhicule législatif » vous raccrocherez les futures dispositions créant les sociétés publiques locales ?
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. André Vézinhet. Après le refus du Gouvernement, à l'Assemblée nationale, d'amender le texte sur ce point et le refus que vous nous opposerez très probablement dans cet hémicycle, des incertitudes, pour ne pas dire des doutes, demeurent. Nous aimerions les voir dissipés.
Le second amendement déposé par le groupe socialiste vise à supprimer l'article 10, introduit à l'Assemblée nationale sur l'initiative du Gouvernement.
Sous prétexte de permettre la poursuite de la concertation avec les associations et les élus locaux, cet article prolonge de six mois le délai durant lequel le Gouvernement est autorisé à réformer par ordonnance le régime de l'enquête publique et du débat public. Plusieurs orateurs ont déjà évoqué ce point.
En tout état de cause, cet article ne traite pas des concessions d'aménagement.
Nous nous félicitons que le projet de loi ait été complété par la validation des conventions d'aménagement signées avant la publication de la loi, ainsi que des actes pris en application de la convention, eu égard aux enjeux économiques en cause. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Mme Eliane Assassi applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens en premier lieu à remercier et à féliciter le Gouvernement pour la promptitude avec laquelle il a inscrit ce projet de loi à l'ordre du jour. Nous connaissons en effet l'encombrement législatif traditionnel des sessions extraordinaires.
Avec un certain nombre de mes collègues du groupe UMP, j'ai déposé, voilà quelques semaines, une proposition de loi ayant un objet identique à celui du projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis, ce qui démontrait l'urgence de légiférer en la matière.
Par ailleurs, vous retrouverez dans mes propos, avec quelques nuances, la belle unanimité que viennent d'afficher les précédents orateurs.
Ne nous y trompons pas. Le projet de loi était doublement nécessaire pour nos collectivités territoriales et les sociétés d'économie mixte dont elles sont membres.
Le texte était nécessaire pour clarifier la nature juridique de leurs actes en matière d'opérations d'aménagement, il était ainsi que pour sécuriser les conventions déjà passées.
Je ne reprendrai pas l'exposé parfaitement clair de M. le rapporteur et me limiterai à rappeler la chronologie des faits et les raisons qui nous ont conduits à légiférer afin d'instituer un régime unique de concessions d'aménagement. Il est bon de rappeler ces éléments.
Le 18 juillet 2001, la Commission européenne a demandé à la France de justifier de la compatibilité avec le droit communautaire des conditions et des modalités d'octroi des conventions d'aménagement prévues par l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme.
En réponse, la France a produit un mémoire justifiant le caractère sui generis tant des conventions publiques d'aménagement qui confient aux aménageurs des prérogatives de puissance publique, que des conventions privées qui sont systématiquement négociées avec le propriétaire des terrains.
Insatisfaite de cette réponse, la Commission européenne a adressé à la France le 3 février 2004 un avis motivé sur le même sujet, développant des arguments similaires.
Comme l'a rappelé M. le rapporteur, l'évolution de la jurisprudence nationale, après celle de la jurisprudence communautaire, a finalement tranché le débat, puisque la cour administrative d'appel de Bordeaux a considéré, le 9 novembre dernier, qu'une concession d'aménagement conclue sans formalité préalable de publicité et de mise en concurrence était entachée de nullité.
En conséquence, dix jours plus tard, le Gouvernement français a informé la Commission européenne de son intention de réformer le régime des conventions d'aménagement. La Commission européenne a donc suspendu sa plainte auprès de la Cour de justice des Communautés européennes, et la France se trouve désormais dans l'obligation de réformer le régime des conventions d'aménagement dans les meilleurs délais.
Le présent projet de loi prévoit la création d'une catégorie unique de contrats d'aménagement ouverte à tous les acteurs publics ou privés. Ces concessions d'aménagement devront être conclues en respectant des procédures de publicité et de mise en concurrence.
A ce stade, je souhaite saluer le travail de nos collègues de l'Assemblée nationale, qui ont su apporter des précisions essentielles à ce projet de loi. Je pense notamment ici à l'élargissement du rôle dévolu aux concessionnaires, puisque les députés leur ont confié les missions dont l'accomplissement est nécessaire à l'exécution des opérations d'aménagement, ou à la précision selon laquelle la participation du concédant à l'opération d'aménagement doit s'entendre non pas seulement en termes d'apport financier, mais également en termes d'apport de terrains.
Surtout, nous accueillons avec soulagement la validation législative, au nouvel article 11, des conventions d'aménagement déjà passées qui ne respectent pas les règles, que nous édictons maintenant, qui vaudront à l'avenir en matière de publicité ou de mise en concurrence. Cette disposition, dont nous suggérions nous-mêmes, dans notre proposition de loi, l'introduction, sera de nature à sécuriser juridiquement les opérations d'aménagement déjà engagées. Il importait en effet de ne pas mettre en péril financier les collectivités territoriales et les sociétés d'économie mixte.
Il demeure un point que je souhaite plus particulièrement aborder, car il a trait directement aux opérations d'aménagement, sans pour autant être lié au projet de loi qui nous est soumis : il s'agit de la question de la nature juridique des sociétés d'aménagement.
Je tiens à rappeler que ces opérations d'aménagement ont une finalité non directement économique et qu'elles sont menées, sur l'initiative des décideurs locaux, à la seule fin de promouvoir, au bénéfice de nos concitoyens, un habitat adapté aux évolutions urbaines, enchevêtrant équipements publics et logements dans un environnement harmonieux et rénové.
Cette précision étant apportée, il convient de rappeler en quoi consistent exactement ces opérations. Il s'agit d'opérations intermédiaires entre les actions de planification urbaine en amont et la construction publique ou privée en aval. L'aménageur achète des terrains bruts, en général non viabilisés, pour les rendre constructibles et les revendre à des constructeurs.
Cette activité n'a pas de fin économique en elle-même et ne vise pas, habituellement, à réaliser un profit économique immédiat. C'est précisément en raison de cette absence de perspective de rentabilité que les collectivités territoriales éprouvent des difficultés à trouver des partenaires privés.
Or, en l'absence de partenaires privés, comment constituer une SEM, qui, par nature, regroupe des acteurs publics et des acteurs privés ?
Notre propos n'est pas ici d'ouvrir à nouveau le débat qui s'était engagé en 2000, devant notre assemblée, sur l'élargissement des marges de participation, entre un tiers et la totalité du capital des SEM, même si la France est le seul pays européen à prévoir à la fois un seuil minimal et un seuil maximal de participation des collectivités au capital social des SEM. Il nous semble raisonnable que les collectivités détiennent, d'une part, plus de la moitié du capital d'une telle société, et que, d'autre part, afin de garantir le principe de mixité, cette participation ne puisse être supérieure à 85 %.
Pourtant, sans rouvrir ce débat général sur le statut juridique des SEM, il nous paraît légitime de nous intéresser à la seule question de l'aménagement, en raison même de la nature non rentable de telles opérations, que nous avons précédemment évoquée.
A ce titre, l'amendement présenté par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale qui tendait à offrir aux collectivités un nouvel outil juridique, à savoir la société publique locale d'aménagement, sans revenir sur le régime des SEM, nous semblait particulièrement pertinent, d'autant que des améliorations techniques pouvaient être apportées au dispositif.
En créant une forme de société dont les actionnaires pourraient être, et même devraient être exclusivement, les collectivités territoriales ou leurs groupements, nous offririons aux élus locaux un moyen efficace de développer des projets d'aménagement de leur territoire, sans qu'ils soient obligés de trouver des partenaires privés, habituellement réticents à l'égard de ce type d'investissements, pour les raisons de manque de rentabilité que nous venons de mettre en exergue.
De telles sociétés publiques d'aménagement représenteraient une aubaine pour les collectivités territoriales, car leur gestion serait beaucoup plus souple que celle des établissements publics prévus par la loi « Borloo », tout en garantissant le respect des principes essentiels de transparence des comptes.
En effet, la création d'un établissement public passe par un processus long et complexe de dissolution de société et de transfert du personnel et des opérations à une nouvelle structure. Avec le statut que nous proposons, une simple opération affectant le capital permettrait de transformer une SEM en société publique d'aménagement.
Enfin, le champ d'intervention de ces sociétés serait strictement borné à ce type d'opérations d'aménagement, précisément définies à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. De surcroît, leur action devrait se limiter au territoire des collectivités actionnaires. Avec cet encadrement, l'existence d'un tel statut juridique serait, à notre avis, une chance pour nos collectivités.
Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé, devant l'Assemblée nationale, à mettre en place un groupe de réflexion sur ce thème. Vous avez tenu parole, puisqu'une première réunion s'est tenue au ministère des collectivités territoriales dès mardi dernier. Malheureusement, aucun membre du Sénat n'a été associé à cette première réflexion. Etant les représentants constitutionnels des collectivités territoriales, nous ne pouvons que le regretter. Nous acceptons toutefois de considérer que cette erreur n'est, sans doute, que la conséquence de la volonté du Gouvernement d'agir rapidement, au risque de limiter la concertation aux seuls députés auteurs de l'amendement en question. (Sourires.) Je souhaiterais donc être rassuré quant à l'intention du Gouvernement d'associer les membres de la Haute Assemblée à cette réflexion.
M. René Garrec. Très bien !
M. Paul Blanc. Je souhaiterais également obtenir des assurances de votre part, monsieur le ministre, sur un autre point, qui concerne non pas le protocole, mais bien le fond du sujet : je veux parler de votre détermination à traiter ce dossier jusqu'au bout dans les délais les plus brefs.
En effet, l'apparente réticence des services que laissent transparaître les échos nous étant parvenus de cette première réunion nous inquiète. Si nous avons bien compris les raisons juridiques pour lesquelles l'amendement de l'Assemblée nationale était difficilement acceptable en l'état, nous n'admettrions pas, pour autant, que l'on fasse montre de frilosité en la matière. Il nous semblerait inopportun que l'on oppose des arguments juridiques à la création d'un régime de société publique qui existe dans la totalité des Etats membres de l'Union européenne, à l'exception de la France et du Luxembourg, étant précisé que, dans ce dernier pays, les SEM elles-mêmes n'existent pas.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Il faut saluer le Luxembourg ! (Sourires.)
M. Paul Blanc. Mes collègues et moi-même accueillerons avec la plus grande attention, monsieur le ministre, les éclaircissements que vous pourrez apporter sur ces points très précis et très sensibles pour les élus locaux.
Sous réserve des précisions que vous ne manquerez pas de nous livrer, monsieur le ministre, sur le contenu du décret fixant les règles de publicité et de mise en concurrence pour la passation des concessions d'aménagement, notre groupe votera sans modification ce projet de loi tant attendu par les élus locaux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
L'article L. 300-4 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :
« Art. L. 300-4. - L'Etat et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, peuvent concéder la réalisation des opérations d'aménagement prévues par le présent livre à toute personne y ayant vocation.
« L'attribution des concessions d'aménagement est soumise par le concédant à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.
« Le concessionnaire assure la maîtrise d'ouvrage des travaux et équipements concourant à l'opération prévus dans la concession, ainsi que la réalisation des études et de toutes missions nécessaires à leur exécution. Il peut être chargé par le concédant d'acquérir des biens nécessaires à la réalisation de l'opération, y compris, le cas échéant, par la voie d'expropriation ou de préemption. Il procède à la vente, à la location ou à la concession des biens immobiliers situés à l'intérieur du périmètre de la concession. »
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Sueur, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme par neuf alinéas ainsi rédigés :
« L'attribution d'une concession d'aménagement est soumise par le concédant à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes.
« Cette procédure est déterminée par le concédant si le montant prévisionnel de sa participation au coût de l'opération d'aménagement est inférieur à 150 000 euros hors taxes.
« Si le montant prévisionnel de sa participation au coût de l'opération d'aménagement est supérieur ou égal à 150 000 euros hors taxes, le concédant publie un avis d'appel public à la concurrence dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales, dans une publication spécialisée dans les domaines des travaux publics, de l'urbanisme ou de l'architecture, ainsi qu'au Journal officiel de l'Union européenne.
« Cet avis précise la date limite de présentation des candidatures, qui doit être fixée un mois au moins après la date de la dernière publication, et mentionne les caractéristiques essentielles de l'opération d'aménagement.
« Lorsque le concédant est une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, la liste des candidats admis à présenter une offre est établie par une commission dont les membres sont désignés par l'organe délibérant de la collectivité ou du groupement, en son sein, à la représentation proportionnelle au plus fort reste.
« Le concédant adresse à chacun des candidats admis à présenter une offre un document définissant les caractéristiques qualitatives et quantitatives des prestations attendues.
« Les offres présentées sont librement négociées par le concédant qui, au terme de ces négociations, choisit le titulaire de la concession d'aménagement.
« Dès qu'il a fait son choix sur les candidatures ou sur les offres, le concédant avise tous les candidats non retenus du rejet de leur candidature ou de leur offre. Un délai d'au moins dix jours doit être respecté entre la date à laquelle la décision est notifiée aux candidats dont l'offre n'a pas été retenue et la date de signature du traité de concession.
« Un avis d'attribution est publié dans les publications qui ont assuré la publicité de l'avis d'appel public à la concurrence. »
II. En conséquence, supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Comme je l'ai exposé tout à l'heure, cet amendement vise à inscrire dans la loi le contenu même de la procédure de publicité et de mise en concurrence.
Nous considérons qu'il serait juste que cette procédure soit déterminée par le concédant si le montant prévisionnel de sa participation au coût de l'opération d'aménagement est inférieur à 150 000 euros hors taxes, et qu'un formalisme de publicité soit clairement défini dans les textes pour les cas où il est supérieur ou égal à cette somme.
Nous pensons en outre qu'il faut que la collectivité territoriale puisse désigner à la représentation proportionnelle une commission chargée d'établir la liste des candidats retenus.
Nous pensons enfin qu'il faut que toutes garanties soient écrites s'agissant de l'impartialité, de l'équité et de l'objectivité avec lesquelles il sera procédé à la mise en concurrence.
Nous souhaitons donc connaître, monsieur le ministre, vos intentions à cet égard.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Lors de son examen du présent projet de loi, le Conseil d'Etat a établi le principe de la mise en concurrence, le décret devant en préciser les modalités concrètes. Le Conseil d'Etat ayant validé la rédaction présentée par le Gouvernement, je pense que celle-ci respecte la Constitution.
Je vais maintenant donner au Sénat les grandes lignes dudit décret, et répondre ainsi à votre question, monsieur le rapporteur, qui a d'ailleurs été posée par de nombreux orateurs.
Le texte que le Gouvernement va élaborer s'inspirera des mécanismes prévus par la loi « Sapin », en les adaptant aux particularités des opérations d'aménagement. Il est envisagé de fixer des règles différentes en fonction du montant de la participation financière de la collectivité à l'opération d'aménagement. Lorsque celui-ci sera inférieur à un seuil de l'ordre de 150 000 euros, la commune sera tenue à une simple information. Lorsque le montant de la participation sera supérieur à ce seuil, la collectivité devra faire une publicité, adresser un dossier aux candidats et désigner une commission spéciale élue à la représentation proportionnelle, qui désignera le candidat à retenir.
Dans le domaine de l'aménagement urbain, il paraît évident que les critères de qualité seront plus importants que les critères financiers. Le dispositif d'ensemble sera très comparable à celui qui est présenté par la commission au travers de son amendement, mais, comme je l'ai dit, la définition de ses modalités précises relève du décret en Conseil d'Etat. C'est pourquoi je souhaiterais que la commission accepte de retirer son amendement. A défaut, le Gouvernement ne pourrait émettre qu'un avis défavorable.
Tels sont les quelques éléments de réponse que je pouvais vous apporter, monsieur le rapporteur. Par ailleurs, je voudrais indiquer à M. Biwer que les agents territoriaux ne seront naturellement pas oubliés dans la composition des commissions.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Je remercie M. le ministre de ces précisions, qui reprennent, pour l'essentiel, le dispositif que nous avons présenté. Le Gouvernement s'étant ainsi engagé, la commission accepte de retirer son amendement, même si elle aurait préféré que la procédure de publicité et de mise en concurrence fût précisée dans la loi. Nous souhaitons simplement que le décret paraisse aussi rapidement que possible.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
L'article L. 300-5 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« I. - Le traité de concession d'aménagement précise les obligations de chacune des parties, notamment :
« 1° L'objet du contrat, sa durée et les conditions dans lesquelles il peut éventuellement être prorogé, ou modifié ;
« 2° Les conditions de rachat, de résiliation ou de déchéance par le concédant, ainsi que, éventuellement, les conditions et les modalités d'indemnisation du concessionnaire.
« II. - Lorsque le concédant décide de participer au coût de l'opération, sous forme d'apport financier ou d'apport en terrains, le traité de concession précise en outre, à peine de nullité : » ;
2° Au premier alinéa du 3°, les mots : « la collectivité ou le groupement contractant ; à cet effet, la société » sont remplacés par les mots : « le concédant ; à cet effet, le concessionnaire » ;
3° Au a du même 3°, les mots : « la convention » sont remplacés par les mots : « la concession » ;
4° Le huitième alinéa est ainsi rédigé :
« L'ensemble de ces documents est soumis à l'examen de l'organe délibérant du concédant ou à l'autorité administrative lorsque le concédant est l'Etat. Le concédant a le droit de contrôler les renseignements fournis, ses agents accrédités pouvant se faire présenter toutes pièces de comptabilité nécessaires à leur vérification. Si le concédant est une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, dès la communication de ces documents et, le cas échéant, après les résultats du contrôle diligenté par le concédant, ces documents sont soumis, dans un délai de trois mois, à l'examen de l'organe délibérant, qui se prononce par un vote. » ;
5° Le neuvième alinéa est ainsi rédigé :
« L'apport financier mentionné aux trois premiers alinéas du II du présent article est approuvé par l'organe délibérant du concédant ou par l'autorité administrative lorsque celui-ci est l'Etat. Toute révision de cet apport doit faire l'objet d'un avenant au traité de concession, approuvé par l'organe délibérant du concédant ou par l'autorité administrative lorsque celui-ci est l'Etat. » ;
6° Le dernier alinéa est remplacé par un III ainsi rédigé :
« III. - L'opération d'aménagement peut bénéficier, avec l'accord préalable du concédant, de subventions versées par l'Etat, des collectivités territoriales et leurs groupements ou des établissements publics. Dans ce cas, le traité de concession est soumis aux dispositions du II, même si le concédant ne participe pas au financement de l'opération. Le concessionnaire doit également rendre compte de l'utilisation des subventions reçues aux personnes publiques qui les ont allouées. » - (Adopté.)
Article 3
Après l'article L. 300-5 du même code, sont insérés deux articles L. 300-5-1 et L. 300-5-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 300-5-1. - Lorsque le concessionnaire n'est pas soumis au code des marchés publics ou aux dispositions de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, les contrats d'études, de maîtrise d'oeuvre et de travaux conclus par lui pour l'exécution de la concession sont soumis à une procédure de publicité et de mise en concurrence définie par décret en Conseil d'Etat.
« Art. L. 300-5-2. - Les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 300-4 ne sont pas applicables aux concessions d'aménagement conclues entre le concédant et un aménageur sur lequel il exerce un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services et qui réalise l'essentiel de ses activités avec lui ou, le cas échéant, les autres personnes publiques qui le contrôlent. »
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mmes Assassi, Mathon, Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article L. 300-5-1 du code de l'urbanisme :
« Art. L. 300-5-1. - Les contrats de travaux, d'études et de maîtrise d'oeuvre conclus par l'aménageur pour l'exécution de la concession sont soumis aux principes de publicité et de mise en concurrence prévus par l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics.
La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Madame Assassi, votre amendement a le mérite de poser la question des modalités de la mise en concurrence effectuée par le concessionnaire.
Toutefois, la commission a considéré qu'il fallait distinguer les cas dans lesquels un apport financier est opéré par la collectivité. Il apparaît alors juste que les dispositions de l'ordonnance du 6 juin 2005 soient mises en oeuvre.
En revanche, il semble délicat d'imposer un tel dispositif à des opérateurs privés qui mettraient en oeuvre des opérations privées sans bénéficier d'aucun concours public.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, monsieur le président.
Je profite de cette intervention pour répondre à M. le rapporteur.
Le Gouvernement comprend vos préoccupations, monsieur Sueur, et tient à y apporter des réponses précises et claires.
En ce qui concerne l'application de l'ordonnance du 6 juin 2005 aux aménageurs privés, la loi doit tenir compte de la diversité des situations. Il n'est pas possible d'imposer des obligations identiques aux aménageurs dont l'opération est financée par la collectivité et à ceux qui assurent un risque économique.
Le décret d'application fera dans ce domaine, comme dans celui des modalités de la publicité préalable au choix de l'aménageur, une distinction claire entre les opérations qui bénéficient d'un financement public et celles qui sont entièrement financées par l'aménageur.
Dans le premier cas, les modalités de passation des marchés seront alignées sur celles qui sont prévues par l'ordonnance du 6 juin 2005.
Dans le second cas, une procédure de publicité et de transparence beaucoup plus souple sera définie.
Enfin, je souhaite répondre aux questions soulevées par M. Jean-Pierre Sueur dans la discussion générale, concernant la non-ratification de l'ordonnance.
Vous avez noté, monsieur le rapporteur, que le projet de loi comporte une référence à l'ordonnance du 6 juin 2005, relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, alors que cette ordonnance n'a pas encore été ratifiée par le Parlement.
Il était nécessaire, dans le présent projet de loi, de ne plus se référer au texte que cette ordonnance vient de remplacer. Bien évidemment, monsieur le rapporteur, la mention qui en est faite ne vaut pas ratification.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Merci, c'est une précision importante !
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Enfin, monsieur Sueur, vous avez évoqué le régime de la TVA.
La principale question qui se pose sur l'harmonisation des régimes fiscaux est celle de la limitation dans le temps du régime de la TVA pour les cessions de terrains effectuées par des aménageurs privés.
Je saisirai mon collègue en charge du budget ; il est d'accord sur le principe d'une solution, cette dernière pouvant trouver un support dans une prochaine loi de finances.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
L'article L. 311-5 du même code est ainsi modifié :
1° Le mot : « confiés » est remplacé par le mot : « concédés » et les mots : « à un établissement public y ayant vocation, à une société d'économie mixte ou à une personne publique ou privée » sont supprimés ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le concédant ou le concessionnaire conclut avec des propriétaires de terrains situés à l'intérieur de la zone une convention définissant les conditions dans lesquelles ces propriétaires participent à l'aménagement, cette convention est distincte de la convention de participation financière prévue par le dernier alinéa de l'article L. 311-4. » - (Adopté.)
Article 5
I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 212-2 du même code, les mots : « soit à une société d'économie mixte répondant aux conditions définies au deuxième alinéa de l'article L. 300-4 et bénéficiant d'une convention publique d'aménagement » sont remplacés par les mots : « soit au concessionnaire d'une opération d'aménagement ».
II. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 213-3 du même code, les mots : « ou à une société d'économie mixte répondant aux conditions définies au deuxième alinéa de l'article L. 300-4 et bénéficiant d'une concession d'aménagement » sont remplacés par les mots : « ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement ». - (Adopté.)
Article 6
I. - L'article L. 1523-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « convention publique d'aménagement » sont remplacés par les mots : « concession d'aménagement » ;
2° Dans le troisième alinéa (2°), les mots : « la collectivité, le groupement ou la personne publique contractant » sont remplacés par les mots : « le concédant », et les mots : « de la société » par les mots : « du concessionnaire » ;
3° Dans le quatrième alinéa (3°), les mots : « de la collectivité territoriale, du groupement ou de la personne publique » sont remplacés par les mots : « du concédant », et les mots : « la personne contractante » par les mots : « le concédant » ;
4° Dans le cinquième alinéa (4°), les mots : « la personne publique contractante » sont remplacés par les mots : « le concédant », les mots : « l'organe délibérant de la personne publique contractante » par les mots : « l'organe délibérant du concédant », et les mots : « l'assemblée délibérante » par les mots : « l'organe délibérant du concédant » ;
5° Dans le septième alinéa (6°), les mots : « du contrat » sont remplacés par les mots : « du traité de concession » ;
6° Dans la première phrase du huitième alinéa, les mots : « La convention » sont remplacés par les mots : « Le traité de concession » et la dernière phrase est ainsi rédigée :
« Un accord spécifique est conclu entre le concédant et la collectivité qui accorde la subvention ».
II. - A l'article L. 1523-3 du même code, les mots : « convention publique d'aménagement prévue au deuxième alinéa de » sont remplacés par les mots : « concession d'aménagement prévue à » et les mots : « la convention est établie conformément aux dispositions de l'article L. 300-5 du même code » sont remplacés par les mots : « le traité de concession est établi conformément aux dispositions des articles L. 300-4 à L. 300-5-2 du même code ».
III. - L'article L. 1523-4 du même code est ainsi modifié :
1° Dans le premier alinéa, le mot : « conventions » est remplacé par le mot : « concessions » ;
2° Dans la première phrase du dernier alinéa, le mot : « convention » est remplacé par le mot : « concession ». - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 6
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Vézinhet, Mme Bricq, M. Madec et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° Par dérogation aux articles L. 2253-1, L. 3231-6, L. 4211-1 et L. 5111-4, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, avec d'autres personnes publiques, prendre des participations dans des sociétés publiques locales dont elles détiennent ensemble ou séparément entièrement le capital. Ces sociétés, dédiées à l'aménagement et à l'équipement des territoires, prennent la forme de sociétés anonymes composées de un ou plusieurs actionnaires et sont soumises aux dispositions du titre II du livre cinquième à l'exception du 2° du présent article et de l'article L. 1522-2. »
La parole est à M. André Vézinhet.
M. André Vézinhet. La France se trouve dans la singulière situation d'être le seul pays de l'Union européenne à ne pas admettre des sociétés d'aménagement dont le capital serait détenu à 100 % par la puissance publique.
La nécessaire harmonisation européenne conduit donc à l'introduction en droit français d'un nouvel outil, la société publique locale.
Nous continuons à affirmer - j'ai bien entendu les différents intervenants, notamment Paul Blanc, membre du groupe UMP -, que la société publique locale serait une bonne réponse pour nous couler dans le moule européen qui vaut pour tous les autres pays.
En outre, la société publique locale présente des avantages dans les domaines de la transparence, de la maîtrise, de la sécurité et de l'efficacité qui ne se retrouvent dans aucune autre forme juridique. Le problème demeure donc.
Un groupe de travail a été annoncé à l'Assemblée nationale. Mais le Sénat, dans sa diversité, doit aussi pouvoir faire connaître son point de vue sur la création de telles sociétés. J'attends les remarques de M. le ministre sur ce sujet.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. La commission est très sensible à l'intérêt que présenterait une telle structure, et nous savons, monsieur Vezhinet, la part que vous avez prise pour faire avancer les idées qui ont abouti à la discussion de ce projet de loi aujourd'hui.
Toutefois, comme je l'ai indiqué dans une précédente intervention, la commission est également sensible aux difficultés juridiques existantes et au fait que toutes les précautions soient prises pour qu'il n'y ait pas de démembrement des collectivités locales.
C'est pourquoi la commission a estimé judicieux de constituer un groupe de travail à condition que ce dernier soit élargi - M. le ministre l'aura certainement compris - aux membres du Sénat.
En conséquence, tout en marquant l'intérêt que présente votre proposition, monsieur Vezhinet, la commission émet un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Léon Bertrand, ministre délégué. La création de sociétés à capitaux exclusivement publics, à l'instar de ce qui existe dans de nombreux pays européens, a été longuement débattue à l'Assemblée nationale.
Le Gouvernement est attentif à la possibilité, pour les collectivités, de se doter de structures adaptées pour mener à bien les opérations d'aménagement. Pour autant, il faut permettre une expertise préalable des mécanismes proposés.
C'est pourquoi le Gouvernement n'a pas souhaité l'adoption d'un amendement analogue à celui que vous présentez.
Il a pris l'engagement de constituer un groupe de travail et de préparer très rapidement un texte qui permettra de répondre en toute sécurité aux préoccupations exprimées par le Parlement.
Comme convenu lors de l'examen à l'Assemblée nationale, un groupe de travail a été mis en place pour étudier la question des sociétés publiques locales. Une première réunion a eu lieu le 5 juillet dernier. A cette occasion, le principe du soutien du Gouvernement à cette initiative parlementaire a été réaffirmé. Cette réunion a permis de recenser une première liste de points juridiques à expertiser.
Compte tenu de la situation d'urgence dans laquelle a été constitué ce groupe, cette première réunion s'est malheureusement tenue uniquement avec des députés ; mais il est normal que les sénateurs soient directement associés aux travaux de ce groupe de travail.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Vous vous y engagez ?
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Je m'y engage, monsieur le rapporteur, d'autant plus que les sénateurs sont les représentants des collectivités locales ; ils ont donc toute leur place dans ce groupe de travail. Vous serez donc conviés à la prochaine réunion qui se tiendra à la fin du mois de septembre sous l'égide du ministre délégué aux collectivités locales, Brice Hortefeux. Nous voulons que les travaux de ce groupe de travail aboutissent d'ici à la fin de l'année au plus tard.
Ce groupe de travail permettra de répondre aux attentes légitimes que vous avez exprimées, mais aussi aux difficultés que vous avez tous soulignées.
En conséquence, monsieur Vézinhet, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Vézhinet ?
M. André Vézinhet. J'ai pris acte des propos de M. le ministre ; j'apprécie que, à la suite des observations exprimées sur les différentes travées de cette enceinte, le Sénat - j'espère dans sa diversité - soit bientôt associé aux travaux du groupe de travail.
J'ai également entendu ce que les uns et les autres ont dit, notamment M. le rapporteur, exprimant l'opinion de la commission des lois, ou Mme Assassi, et je ne voudrais pas que ce qui, aujourd'hui, apparaît comme un doute devienne une impossibilité de faire, comme j'ai pu, en seize ans de mandat parlementaire, le voir en d'autres circonstances.
Je souhaite donc préciser quelques points.
Tout d'abord, les sociétés d'économie mixte ont été jusqu'à présent l'expression de la volonté politique des collectivités territoriales. Compte tenu des impossibilités devant lesquelles nous nous trouvons de poursuivre dans ce sens, le modèle juridique adopté par les autres pays de l'Union européenne nous ouvre des perspectives.
Il faut non pas créer des difficultés aux solutions, mais rechercher des solutions aux difficultés devant lesquelles nous nous trouvons placés.
J'entends bien qu'il existe la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003, mais vous conviendrez avec moi qu'il ne s'agit pas seulement de la ville et de la rénovation urbaine, monsieur le ministre.
Aujourd'hui, en raison de la fracture numérique, des ségrégations sociale et spatiale qu'il faut faire cesser, l'aménagement concerne de larges territoires, à l'échelle du département, de la région et de l'intercommunalité, et la disposition de la loi Borloo concernant la rénovation urbaine est insuffisante.
Enfin, après avoir entendu M. le rapporteur exprimer les réserves de la commission, je tiens à affirmer que cette société publique locale n'est aucunement conçue pour démembrer les services des collectivités locales. Le champ d'intervention est strictement circonscrit par la loi relative à l'aménagement et à l'équipement du territoire, et il ne saurait être question de déborder de cette conception.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, je maintiens l'amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je me permets de rappeler à M. Vézinhet que la libre administration des collectivités locales s'effectue toujours dans les conditions prévues par la loi. Il ne s'agit pas d'une liberté totale.
A partir du moment où une loi vous interdit de dépasser les missions d'une société d'économie mixte, il n'y a qu'à la respecter pour ne pas se retrouver en difficulté.
Monsieur Vézinhet, si l'on veut comparer, il faut faire du droit comparé jusqu'au bout : à l'étranger, nombre de structures correspondent exactement aux EPIC ou aux régies. C'est notamment le cas en Allemagne, le droit allemand ayant dû s'adapter, compte tenu des problèmes de concurrence.
Je le rappelle, les SEM sont des sociétés anonymes. Or, jusqu'à voilà huit jours, on ne pouvait pas constituer une société anonyme avec une seule personne. J'espère que, demain, cette règle vaudra encore ... Un contrat de société, c'est en effet un contrat entre plusieurs associés, éventuellement entre plusieurs collectivités publiques !
Vous l'avez dit, il faut circonscrire le champ d'intervention des sociétés publiques locales. Dans plusieurs pays, celui-ci est en effet très étendu, et les sociétés publiques locales peuvent pratiquement exercer toutes les compétences. Il nous faut donc être attentifs !
Vous l'avez également souligné, il existe quand même des possibilités de gérer directement un service public sans faire appel à des structures extérieures. Ainsi, je pense aux récents établissements publics locaux d'aménagement. Et, que je sache, les régies existent encore !
Cet amendement, qui n'est d'ailleurs pas porté par vous seul, monsieur Vézinhet, nécessite une expertise, car il soulève des problèmes juridiques sérieux. Je comprends que vous vouliez le maintenir, mais la commission - et ce n'est pas un refus de sa part - le considère comme un peu prématuré. Elle n'a pas eu le temps d'évaluer toutes les implications de ce dispositif, et des compléments d'information sont donc nécessaires.
C'est la raison pour laquelle, monsieur Vézinhet, la commission des lois vous avait demandé de retirer cet amendement. Mais puisque vous persistez à le maintenir, elle se voit dans l'obligation d'émettre un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. André Vézinhet, pour explication de vote.
M. André Vézinhet. Monsieur le président de la commission, votre intervention est très éclairante, et j'entends bien vos arguments. Mais, vous le savez, ce sujet fait resurgir un grand débat : soit les collectivités sont obligées d'avoir recours à la régie, ce qui fait perdre la souplesse de la société anonyme, soit elles se retrouvent en délicatesse avec le contrôle de légalité, ...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est vrai !
M. André Vézinhet. ...ou avec le recours du tiers.
La situation devient donc vraiment grave pour l'aménagement du territoire français.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 7
Dans le premier alinéa de l'article L. 123-3 du code de l'urbanisme, les mots : « précise en outre » sont remplacés par les mots : « peut en outre préciser ». - (Adopté.)
Article 8
Dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 213-11 du code de l'urbanisme, les mots : « autre qu'une société d'économie mixte répondant aux conditions définies au deuxième alinéa de l'article L. 300-4 sont remplacés par les mots : « autre que le concessionnaire d'une opération d'aménagement ». - (Adopté.)
Article 9
Dans le deuxième alinéa de l'article L. 141-3 du code de la voirie routière, les mots : « prévues à l'alinéa précédent sont dispensées d'enquête publique préalable sauf lorsque le classement ou le déclassement envisagé » sont remplacés par les mots : « concernant le classement ou le déclassement sont dispensées d'enquête publique préalable sauf lorsque l'opération envisagée ». - (Adopté.)
Article 10
Le premier alinéa de l'article 92 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit est ainsi modifié :
1° La référence : « 60, » est supprimée ;
2° Les références : « 84 à 87 » sont remplacées par les références : « 60 et 84 à 87 ».
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Vézinhet, Mme Bricq et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. André Vézinhet.
M. André Vézinhet. L'article 10, qui traite non pas des concessions d'aménagement, mais de la réforme par ordonnance des régimes de l'enquête publique et du débat public, a été introduit à l'Assemblée nationale sur l'initiative du Gouvernement. Ce dernier, n'étant pas capable de respecter le délai d'un an prévu par la loi du 9 décembre 2004 afin de procéder à cette réforme, demande de le proroger de six mois.
Partant du principe qu'il n'est jamais souhaitable que le Parlement se dessaisisse de ses prérogatives, les auteurs de cet amendement estiment qu'il n'est a fortiori pas acceptable de prolonger la durée de ce dessaisissement, d'autant que la matière en cause - l'enquête publique - participe au fonctionnement de la démocratie participative.
Mme Nicole Bricq. C'est clair !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Monsieur le sénateur, à titre personnel, je partage votre sentiment. J'ai en effet très peu d'affection pour les ordonnances, surtout lorsque celles-ci ont pour objet de statuer sur les enquêtes publiques, domaine qui, à mon sens, doit relever de la loi.
Toutefois, mes chers collègues, la commission des lois n'a pas suivi votre rapporteur. Je me dois donc de rendre compte de son avis.
L'article 10 vise simplement à ajouter six mois à un délai de douze mois. Au départ, le Gouvernement avait demandé dix-huit mois, mais c'est le Parlement qui a réduit ce délai. Dès lors, la majorité de la commission a souhaité soutenir la position du Gouvernement et émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Le Gouvernement sait très bien qu'il est toujours difficile aux parlementaires de se dessaisir d'une partie de leurs compétences. Mais de nombreuses propositions n'étant pas totalement arrêtées, la rédaction du projet d'ordonnance pourra difficilement être achevée dans le délai initialement prévu.
Le délai de six mois supplémentaires ayant été voté à l'Assemblée nationale, le Gouvernement demande à la Haute Assemblée de bien vouloir l'adopter à son tour.
M. le président. Monsieur Vézinhet, l'amendement est-il maintenu ?
M. André Vézinhet. J'ai pris note des déclarations qui viennent d'être faites. Mais, au nom du groupe socialiste, je maintiens cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés, en tant que leur légalité serait contestée au motif que la désignation de l'aménageur n'a pas été précédée d'une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes :
1° Les concessions d'aménagement, les conventions publiques d'aménagement et les conventions d'aménagement signées avant la publication de la présente loi ;
2° Les cessions, locations ou concessions d'usage de terrains ainsi que l'ensemble des actes effectués par l'aménageur pour l'exécution de la concession ou de la convention. - (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. André Vézinhet, pour explication de vote.
M. André Vézinhet. Compte tenu de mes précédents propos, je ne voudrais pas que subsiste un doute sur le bilan que nous tirons de ce débat. Nous considérons en effet que l'aspect positif l'emporte. C'est la raison pour laquelle j'indique, au nom du groupe socialiste, que nous voterons le projet de loi en l'état.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi permettra à notre code de l'urbanisme de s'adapter aux exigences communautaires et, surtout, d'introduire une dose de transparence dans la procédure des concessions d'aménagement, la faisant ainsi sortir de l'exception. Nous partageons bien évidemment ces orientations. Il n'est d'ailleurs pas inutile d'insister sur cette avancée européenne au moment où nous entendons trop fréquemment, à notre goût, des critiques adressées à l'Union.
Aussi, je voudrais remercier M. le ministre des précisions qu'il a apportées au sujet du contenu du décret, notamment en réponse à mes interrogations. J'aimerais également indiquer que nous sommes très heureux de pouvoir continuer à administrer nos collectivités territoriales avec le plus de liberté possible, dans le respect, bien sûr, d'une réglementation.
S'agissant des sociétés publiques locales, il est en effet très urgent que le groupe de travail aboutisse à un résultat. Nous sommes les seuls en Europe à ne pas disposer d'une telle forme juridique de société, qui permettrait pourtant d'offrir plus de souplesse aux collectivités que les régies et les aménagements délégués. Je réitère toutefois notre attachement au fait que le Sénat soit associé au groupe de travail. Mais je sais que M. le ministre a déjà répondu positivement à ce souhait.
Dans ces conditions, nous sommes heureux de soutenir le projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le ministre, lors de mon intervention dans la discussion générale, j'ai indiqué que le groupe UMP avait l'intention de voter ce texte. Mais j'ai également particulièrement insisté sur le fait que le Sénat devait être associé au groupe de travail.
J'ai interprété de façon formelle votre volonté de voir la Haute Assemblée effectivement associée à ce groupe de travail et votre désir que la réflexion sur la mise en place des sociétés publiques locales aboutisse.
Ces deux éléments ne font que confirmer ma conviction que le Gouvernement a l'intention d'aller de l'avant avec ce projet de loi. C'est la raison pour laquelle je voterai le texte tel qu'il nous vient de l'Assemblée nationale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi.
Mme Eliane Assassi. Au cours de la discussion générale, j'ai émis des réserves sur ce texte. Néanmoins, j'ai également précisé qu'il permettrait de mettre un terme à une situation juridique préjudiciable à la mise en oeuvre des opérations d'aménagement.
Le groupe communiste républicain et citoyen votera le projet de loi. Je tiens cependant à réaffirmer notre volonté de voir le groupe de travail être composé à parité de représentants de l'Assemblée nationale et du Sénat, et ce dans toute la diversité de ce dernier !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté définitivement, à l'unanimité.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom de M. Dominique Perben, je tiens vraiment à remercier le Sénat de ce vote qui est intervenu à l'unanimité et qui permettra la promulgation prochaine du projet loi relatif aux concessions d'aménagement.
Je tiens à remercier non seulement l'ensemble de la commission des lois, notamment son rapporteur, du travail réalisé, qui a permis cet aboutissement, mais aussi M. Claude Biwer, Mme Eliane Assassi, MM. André Vézinhet et Paul Blanc, qui sont intervenus dans ce débat.
Ce texte, qui est le fruit d'un très large consensus, met fin à une période d'incertitude hautement préjudiciable à l'action des communes et des intercommunalités en faveur de l'aménagement de nos villes.
M. Perben, en sa qualité de ministre en charge de l'urbanisme, s'attachera non seulement à l'élaboration et à la publication rapides des décrets d'application, mais aussi à la parution de documents pédagogiques destinés aux élus et aux praticiens afin de leur permettre de disposer avec le maximum de sécurité juridique des outils de l'aménagement concerté.
Enfin, je retiens le souhait du Sénat que le groupe de travail soit paritaire. Tel sera le cas ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF et du groupe CRC.)
7
COMMUNICATION relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures d'urgence pour l'emploi est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
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Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
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Ratification d'une ordonnance relative à l'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports
Adoption définitive d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2004-1197 du 12 novembre 2004 portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports (nos 287, 379, 360).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer aurait souhaité défendre ce texte devant vous aujourd'hui, mais les tragiques événements survenus à Londres jeudi dernier et la nécessité de mettre en place les mesures permettant d'assurer la sécurité des transports l'ont contraint à remettre en cause son emploi du temps. Le texte que nous examinons est très attendu par les professions du transport ; aussi m'a-t-il demandé de le présenter en son nom devant la Haute Assemblée.
La loi n° 2004-237 du 18 mars 2004 portant habilitation à transposer par ordonnance des directives communautaires a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance deux types de dispositions.
Il s'agit, d'une part, des dispositions législatives nécessaires à la transposition de la directive 2000/34 du Conseil du 22 juin 2000 modifiant la directive 93/104 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, afin de couvrir les secteurs et les activités exclus de cette directive, dont celui des transports.
Il s'agit, d'autre part, des mesures d'adaptation des règles générales relatives à l'aménagement du temps de travail, rendues nécessaires par les spécificités des activités de transport, telles que les fortes variations de l'activité, les contraintes de lieu et d'horaire, ainsi que les aléas qui influent sur la durée des opérations de transport.
C'est sur le fondement de cette loi d'habilitation qu'a été prise l'ordonnance du 12 novembre 2004 portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports. Le projet de loi de ratification de cette ordonnance vous est soumis aujourd'hui.
L'ordonnance détermine les dispositions particulières applicables aux salariés des entreprises des secteurs d'activité des transports qui, en matière d'aménagement de la durée du travail, relèvent du code du travail : ces secteurs sont le transport routier, la navigation intérieure, le transport ferroviaire hors SNCF et, enfin, les entreprises assurant la restauration et exploitant les places couchées dans les trains.
L'ordonnance rend applicables aux personnels roulants et navigants de ces secteurs d'activité, avec les adaptations nécessitées par leurs caractéristiques particulières, les dispositions du code du travail relatives à la durée du repos quotidien, hebdomadaire et des pauses, ainsi qu'au travail de nuit. C'est un progrès,...
Mme Hélène Luc. Un progrès, un progrès...façon de parler !
M. Léon Bertrand, ministre délégué. ...car les personnels roulants et navigants de ces secteurs ne bénéficiaient pas, jusqu'ici, de ces dispositions
Cette ordonnance constitue également la traduction législative du volet social du plan d'action gouvernemental en faveur du transport routier de marchandises présenté par les pouvoirs publics le 8 septembre 2004.
A cet égard, les deux rapports mettent en évidence la situation préoccupante du secteur du transport routier. Très sensibilisé à ces difficultés, Dominique Perben a reçu, au cours du mois de juin, l'ensemble des fédérations professionnelles.
Des mesures très significatives étaient déjà intervenues depuis le début de l'année sur le plan fiscal - stabilisation pour trois ans au niveau plancher autorisé par les textes européens de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, simplification et déplafonnement du système de remboursement partiel de la TIPP dont la profession bénéficie, triplement du dégrèvement de la taxe professionnelle - mais également, j'aurai l'occasion d'y revenir, sur le plan social.
Vous avez, messieurs les rapporteurs, mis l'accent sur le problème du cabotage, c'est-à-dire sur la réalisation d'une prestation de transport intérieur par un opérateur non établi en France.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Le flou juridique qui entoure le caractère temporaire du cabotage et le régime juridique applicable aux conducteurs des entreprises effectuant des transports de cabotage a en effet favorisé des dérives.
Des mesures législatives d'urgence sont en cours d'adoption ; elles sont de trois ordres : l'encadrement de la durée maximale autorisée pour le cabotage ; la sanction de la violation de cette obligation, et en particulier l'immobilisation des camions en infraction, qui devrait constituer un moyen des plus dissuasifs pour réprimer ces délits ; l'application des règles du détachement aux conducteurs d'entreprises non résidentes dont les véhicules effectuent des opérations de cabotage sur le sol français.
Ces trois mesures très attendues par les professionnels de la route ont été introduites à l'Assemblée nationale, sur proposition de la commission de la production et des échanges, dans le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, en total accord avec le Gouvernement ; la commission mixte paritaire sur ce texte s'est réunie aujourd'hui même.
Par ailleurs, en concertation avec les professionnels, Dominique Perben va chercher le moyen d'améliorer la prise en compte des hausses de gazole dans le prix du transport.
Sur le plan fiscal, Dominique Perben examinera, en liaison avec notre collègue Thierry Breton, les évolutions possibles de la taxe professionnelle du secteur du transport routier.
Monsieur Texier, vous avez, souligné dans votre rapport à quel point ce secteur souffrait de l'absence d'harmonisation fiscale. Avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, nous allons reprendre les discussions au niveau de l'Union européenne pour que la Commission et les membres du Conseil travaillent à l'harmonisation de la fiscalité du gazole professionnel, afin d'éviter des concurrences déloyales.
Sur le plan social, qui nous intéresse plus particulièrement aujourd'hui,...
M. Roland Muzeau. Oui !
M. Léon Bertrand, ministre délégué. ...le décret du 31 mars 2005 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises a été pris, en application de l'ordonnance. Il a permis la mise en oeuvre concrète des dispositions concernant ce secteur.
Ce décret était très attendu par les organisations professionnelles de transporteurs, de nombreuses dispositions de l'ordonnance, notamment celles de l'article 1er, n'étant pas d'application directe ; c'est pourquoi ce décret est intervenu avant l'adoption du présent projet de loi de ratification.
Au demeurant - je réponds ainsi à une observation formulée dans votre rapport, monsieur Texier -, cela n'est pas contraire au droit et était totalement justifié par l'urgence que présentaient ces mesures d'assouplissement dans un secteur soumis à une très forte concurrence européenne.
Ces textes maintiennent la durée légale de temps de service des conducteurs ; ils augmentent modérément certaines durées maximales et permettent le décompte de la durée du travail sur une période de trois mois ou de quatre mois en cas d'accord.
Ils créent ainsi un système spécifique de décompte et d'octroi des repos compensateurs attribués aux salariés qui accomplissent des heures supplémentaires, un système plus simple et identique pour toutes les entreprises du secteur.
Pour répondre à une remarque formulée dans le rapport de M. Pierre, je précise que ce décompte du temps de travail sur trois ou quatre mois est sans incidence sur la rémunération des heures de temps de service. Cette dernière reste établie sur une base mensuelle, comme le prévoit l'accord collectif du 23 avril 2002 et comme s'y étaient engagées les organisations professionnelles lors de la concertation préalable à l'élaboration de l'ordonnance.
Si un besoin de clarification demeurait en ce domaine, en dépit de l'absence d'ambiguïté des positions exprimées par l'administration et par l'Union des fédérations de transports, en raison de la référence de l'accord du 23 avril 2002 à l'ancienne réglementation, il relèverait de la négociation collective et non de la loi ; dans cette hypothèse, les partenaires sociaux seraient amenés à adopter un avenant à l'accord du 23 avril 2002.
L'un des enjeux de la transposition des directives sur l'aménagement du temps de travail est le rapprochement des législations nationales en Europe. Ces directives, qui nous incitent à assouplir notre réglementation pour sauvegarder la compétitivité de nos entreprises, vont obliger la plupart de nos voisins à réduire la durée du travail de leurs conducteurs routiers. Ainsi, la durée de travail maximale moyenne hebdomadaire sur une période de quatre mois ne pourra en aucun cas dépasser quarante-huit heures.
Les deux rapports soulignent également l'enjeu de sécurisation juridique auquel cette ordonnance s'attache à répondre, en donnant une base législative adaptée aux dispositions réglementaires dérogatoires au droit commun.
Le texte du projet de loi de ratification qui vous est proposé, mesdames et messieurs les sénateurs, comporte, à la suite de l'amendement gouvernemental adopté par l'Assemblée nationale, plusieurs modifications concernant le travail de nuit.
Le paragraphe II de l'article unique est ainsi complété pour prendre en compte les accords collectifs intervenus en 2001 en matière d'aménagement et de réduction du temps de travail dans le secteur de la navigation intérieure. Ces accords limitent la durée quotidienne du travail des membres des équipages à douze heures par période de vingt-quatre heures et prévoient des périodes substantielles de repos à terre. Ils répondent donc à l'exigence de repos suffisant posée par la directive européenne pour les personnels navigants qui, en raison de leurs horaires, sont travailleurs de nuit.
Pour répondre à une observation formulée par M. Pierre dans son rapport, la référence dans le texte à un nombre de jours de repos en nombre suffisant peut, certes, paraître imprécise, mais toute autre référence, consistant par exemple à reprendre le nombre de jours de repos à terre prévu par les accords, aurait été trop rigide.
La nouvelle rédaction du paragraphe III tend à mieux articuler la transposition des deux directives sur l'aménagement du temps de travail qui s'appliquent aux conducteurs routiers : la directive 2002/2015 qui vise à limiter la durée du travail des personnels roulants travaillant la nuit, même occasionnellement ; la directive 2003/1988 qui a pour objet de limiter la durée du travail des travailleurs de nuit, c'est-à-dire des personnes qui travaillent habituellement pendant la nuit.
Elle vise également à mieux prendre en compte l'accord sur le travail de nuit intervenu dans le secteur du transport routier de marchandises le 14 novembre 2001. Elle limite à dix heures la durée quotidienne du travail des personnels roulants travailleurs de nuit, ainsi que celle des autres personnels roulants les jours où ils accomplissent une partie de leur travail entre vingt heures et cinq heures.
Du fait de ce paragraphe III qui le concerne spécifiquement, le personnel roulant des entreprises de transport routier n'est pas dans le champ d'application du paragraphe II.
Le paragraphe IV corrige une ambiguïté du texte de l'ordonnance en précisant que les dispositions de l'article L. 213-3, qui limitent la durée du travail des travailleurs de nuit, ne s'appliquent pas aux personnels roulants et navigants relevant de l'article L. 213-11, qui les soumet à des dispositions spécifiques en matière de durée du travail de nuit.
Enfin, le projet de loi de ratification comporte deux corrections destinées à améliorer la compréhension des textes pris dans le cadre de l'ordonnance.
En premier lieu, les dispositions issues des articles 2 et 3 de l'ordonnance sont modifiées de manière à améliorer la répartition entre les dispositions générales et les dispositions particulières de certains salariés du secteur des transports : ainsi, la définition générale du travailleur de nuit est maintenue à l'article L. 213-2 du code du travail, tandis que l'ensemble des éléments de cette définition propres aux personnels roulants et navigants des transports sont reportés à l'article L. 213-11.
En second lieu, aux termes de l'article 6 de l'ordonnance, la mention des personnels employés sur les navires est supprimée à l'article 7 de la loi du 13 juin 1998. Cette mention est en effet superflue puisque ces salariés sont régis par le code du travail maritime et non par le code du travail.
Plusieurs amendements ont été déposés sur ce texte. Ils répondent à des difficultés d'organisation résultant de l'application des dispositions de l'ordonnance relatives aux pauses, d'une part, dans le transport sanitaire et, d'autre part, dans le transport routier de voyageurs sur des lignes régulières de moins de 50 kilomètres, notamment dans les zones périurbaines.
Ces difficultés sont réelles. Il est dommage que, en raison sans doute de la complexité des textes, elles n'aient pas été soulevées par les professionnels lors de la consultation sur le projet d'ordonnance qui avait été organisée par Gilles de Robien.
M. Roland Muzeau. C'est ça, les ordonnances !
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Cependant, il est important que ce projet de loi soit adopté rapidement. Les aménagements qu'il comporte en matière de travail de nuit sont importants pour le transport routier de marchandises.
Je souhaite donc que le Sénat se prononce sur ce texte par un vote conforme (Exclamations sur les travées du groupe CRC), et je vous fais part de l'engagement de Dominique Perben à traiter les problèmes que ces amendements tendent à résoudre dans le cadre d'un projet de loi qui interviendra avant la fin de l'année. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jackie Pierre, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le secteur des transports, et particulièrement celui des transports routiers, se porte mal.
Pour le seul transport routier de marchandises, qui représente 1,2 % du PIB, les parts de marché détenues par le pavillon français ont reculé de 21 % en quatre ans. Peut-il être question de laisser dépérir un secteur qui représente encore 330 000 emplois ?
Le projet de loi qui nous est soumis s'inscrit dans le cadre d'une certaine urgence économique. Il se situe aussi au terme d'un cheminement juridique qu'il convient de retracer.
La loi du 18 mars 2004 a habilité le Gouvernement à transposer par ordonnance des directives communautaires. Parmi elles, figurait la directive 2000/34/CE concernant l'aménagement du temps de travail dans les transports.
La loi d'habilitation a précisé que, outre les mesures législatives nécessaires à la transposition de cette directive, des mesures d'adaptation du code du travail pouvaient être prises dès lors qu'elles étaient « rendues nécessaires par les caractéristiques particulières des activités concernées ».
Ainsi, l'ordonnance dont la ratification nous est proposée, et qui concerne principalement les transports routiers et la navigation intérieure, comporte deux grands types de mesures.
D'une part, des mesures tendant à la transposition de directives communautaires et, d'autre part, des mesures d'adaptation.
Si les mesures de transposition sont globalement protectrices, les mesures d'adaptation résultent d'un contexte économique difficile, marqué par une concurrence dangereuse pour le pavillon français.
A cet égard, l'ordonnance du 12 novembre 2004 constitue un élément du plan de mobilisation et de développement en faveur du transport routier de marchandises présenté par le ministre des transports en septembre 2004. Les mesures de ce plan, destinées à renforcer la compétitivité du secteur, se répartissent en trois volets.
Le premier volet, qui est fiscal, porte sur la TIPP et sur la taxe professionnelle. Cependant, les mesures qui en découlent sont loin de compenser l'augmentation du prix du pétrole depuis 2003.
Le deuxième volet tend au renforcement de la lutte contre les pratiques illégales, c'est-à-dire contre le cabotage.
Le troisième volet, qui est social, comporte des propositions d'adaptation, c'est-à-dire d'assouplissement : une augmentation modérée de certains plafonds hebdomadaires, les durées normales de service demeurant inchangées, une modulation du temps de travail sur la base d'un trimestre, une simplification de la réglementation des repos compensateurs.
Finalement, l'ordonnance dont la ratification nous est proposée est conforme aux termes de la loi d'habilitation du 18 mars 2004, tout en réalisant les ambitions du volet social du plan de mobilisation et de développement en faveur du transport routier de marchandises.
En outre, elle met un terme à une certaine insécurité juridique en transposant des directives qui risquent d'être directement invoquées devant les juridictions nationales.
En effet, la date limite de transposition de la directive 2000/34/CE était fixée au mois d'août 2003, tandis que la directive 2002/15/CE, qui traite spécifiquement du temps de travail dans le transport routier et devait être transposée avant le 23 mars 2005, est également transcrite par la présente ordonnance.
Par ailleurs, jusqu'à la publication de la présente ordonnance, certaines dispositions réglementaires dérogatoires concernant le temps de travail dans les transports reposaient sur des fondements juridiques incertains.
Je commencerai par aborder l'examen des mesures d'adaptation, qui sont à distinguer des mesures de transposition.
Les mesures d'adaptation concrétisent les orientations du plan de mobilisation et de développement en faveur du transport routier de marchandises.
D'abord, ces mesures tendent à assouplir les règles concernant le temps de travail maximal. Si la durée normale du travail demeure inchangée, la durée moyenne hebdomadaire de travail maximale peut être portée de 44 heures à 46 heures sur une période de référence de trois mois.
Mme Hélène Luc. Quel progrès !
M. Jackie Pierre, rapporteur. Ensuite, la période de référence servant au décompte des heures supplémentaires peut être portée à trois mois.
Enfin, les droits à repos compensateur peuvent faire l'objet d'un décompte simplifié en fonction du seul nombre d'heures supplémentaires effectuées, tandis que ce repos peut être pris dans un délai de trois mois au lieu de celui des deux mois du droit commun.
Par ailleurs, il est précisé, concernant les bateaux exploités en relève, que les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires du travail peuvent être dépassées, ce qui fournit une base légale à certains modes d'organisation du travail.
Les possibilités ouvertes par l'ordonnance ne disent cependant pas grand-chose de l'évolution du droit finalement applicable aux salariés des entreprises de transport. Aussi convient-il d'examiner le décret du 31 mars 2005 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport routier de marchandises.
Il s'agit, en effet, du premier décret d'application de l'ordonnance. Il était également le plus attendu. Conformément aux termes de l'ordonnance, les temps de service normaux sont inchangés.
Cependant, les durées moyennes maximales hebdomadaires sont portées, pour les grands routiers, de 50 heures à 53 heures, et pour les « autres personnels roulants marchandises », de 48 heures à 50 heures.
En outre, les périodes de référence pour l'appréciation de ces durées moyennes sont portées du mois au trimestre civil, voire au quadrimestre civil.
Toutefois, l'augmentation du temps de travail qui en résulte doit être relativisée en raison d'un règlement communautaire, qui continue de s'appliquer, limitant spécifiquement la durée de conduite.
Par ailleurs, et cela est très important, la période retenue pour le calcul de la durée hebdomadaire de travail peut être portée de un mois à trois mois par l'entreprise. Ainsi, le nombre d'heures supplémentaires donnant lieu à repos compensateur peut s'en trouver diminué.
Néanmoins, le paiement des heures majorées continuera à s'appliquer sur la base inchangée de l'accord collectif du 23 avril 2002 concernant les rémunérations.
J'insiste sur ce point, car une confusion est parfois commise sur la portée de l'augmentation de la période retenue pour le calcul de la durée hebdomadaire de travail, confusion qui pourrait faire craindre que les éventuels accroissements du temps de travail ne soient assortis d'une diminution des rémunérations.
Or l'analyse des textes, confortée par les intentions du Gouvernement, confirme qu'il n'en est rien. En tout état de cause, je me réjouis que M. le ministre vienne de confirmer notre interprétation commune.
Au total, les assouplissements précités permettent de qualifier l'équilibre atteint de « gagnant-gagnant » : les routiers qui travailleront plus auront une rémunération plus élevée.
M. Claude Domeizel. Pas du tout !
M. Jackie Pierre, rapporteur. J'en viens aux mesures de transposition. Ces dernières sont de nature protectrice. Elles concernent le travail de nuit, la réglementation des pauses et la réglementation des repos quotidiens ou hebdomadaires.
Jusqu'à la parution de l'ordonnance, les personnels roulants et navigants s'étaient trouvés exclus du droit commun du travail de nuit.
Dans son équilibre initial, l'ordonnance fixait la durée maximale à huit heures en moyenne ; mais cette disposition a été assouplie par l'Assemblée nationale, qui a appliqué au transport routier un plafond absolu de dix heures par jour - celui de la directive 2002/15/CE.
Ce plafond est supérieur au droit commun, qui impose huit heures quotidiennes au maximum, mais il respecte l'accord sur le travail de nuit dans le secteur routier de marchandises du 14 novembre 2001.
Les personnels roulants et navigants étaient également exclus du droit commun des pauses et des repos quotidiens. Or les directives communautaires fixent des règles précises en ces matières.
Au total, les mesures de transposition adoptées sont surtout protectrices en ce qu'elles élèvent au niveau législatif des règles préexistantes aux niveaux réglementaire et conventionnel. Toutefois, elles posent certains problèmes pour le transport sanitaire, ainsi que cela ressort des amendements déposés par M. Yannick Texier.
Mes chers collègues, j'ai voulu m'en tenir à l'essentiel dans un domaine complexe, dont le traitement juridique se trouve éclaté entre les règlements et les directives communautaires, la législation nationale de droit commun, la présente ordonnance en voie d'acquérir valeur législative au travers de la ratification qui nous est demandée, la réglementation nationale et, enfin, les règles d'origine conventionnelle, tout cela sans parler des pratiques juridiques existantes !
Toutefois, mon exposé serait trop incomplet si je n'évoquais pas les problèmes posés actuellement par le cabotage pratiqué sur le territoire français. De leur règlement, dépend en partie l'effectivité des règles s'appliquant au transport routier.
Depuis 1998, tout transporteur d'un Etat membre peut effectuer des prestations de transport à l'intérieur d'un autre Etat membre, mais, selon le texte communautaire, « à titre temporaire » et « dans le respect de certaines réglementations du pays d'accueil ».
Or le flou qui entoure aussi bien la définition du caractère temporaire que le droit applicable au conducteur rend très difficile la caractérisation du cabotage irrégulier, ce qui conduit à des contrôles notoirement insuffisants.
En dépit de l'interdiction transitoire de cabotage imposée à sept des dix nouveaux Etats membres, le transport routier français reste particulièrement exposé à cette pratique.
Les professionnels que nous avons auditionnés réclament des mesures permettant de combler rapidement les lacunes des textes existants et de mettre en place un dispositif efficace de contrôles.
Dans cette perspective, il est heureux que des dispositions visant à mieux encadrer et sanctionner le cabotage illégal ou irrégulier soient enfin adoptées dans le cadre du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises. Puissent-elles tenir toutes leurs promesses !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il s'agit d'un texte qui résulte d'arbitrages longs et complexes, et sur lequel il serait difficile de revenir sans risquer de compromettre certains équilibres acquis par voie conventionnelle.
Il est une certitude : l'ordonnance est de nature à conforter les droits fondamentaux des salariés du secteur des transports, tout en en permettant des assouplissements raisonnables dans le contexte d'une concurrence accrue.
M. Roland Muzeau. Ça m'étonnerait !
M. Jackie Pierre, rapporteur. Ainsi, la commission des affaires sociales ne propose pas d'amendement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Roland Muzeau. Et voilà !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yannick Texier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le contexte juridique de l'ordonnance du 12 novembre 2004 ni sur les directives européennes qu'elle transpose, car ces points viennent de vous être exposés en détail par M. le ministre et par M. le rapporteur de la commission des affaires sociales.
La commission des affaires économiques se félicite des dispositions de l'ordonnance qui mettent le code du travail en conformité avec les règles communautaires pour les droits des salariés des transports en matière de pause, de repos quotidien, de repos hebdomadaire et de limitation de la durée de travail. Si des mesures de protection existaient pour ces travailleurs sur le plan réglementaire ou conventionnel, il est évident que l'inscription de garanties sur le plan législatif et l'intégration de leur régime dans le droit commun sont le gage d'une plus grande sécurité juridique.
La commission des affaires économiques souligne, en outre, le caractère nécessaire des mesures dites d'adaptation de l'ordonnance - essentiellement en matière de durée du travail. Elles introduisent en droit interne certaines souplesses prévues par la directive du 11 mars 2002 relative au temps de travail des conducteurs routiers.
A cet égard, s'il est vrai que l'ordonnance concerne tous les salariés des transports terrestres - à l'exception des salariés des entreprises à statut et des transports urbains -, ces mesures d'adaptation s'adressent plus spécifiquement aux salariés du transport routier de marchandises.
Depuis 2003 - rappelons-le -, ce secteur traverse une véritable crise économique : l'activité est atone, l'emploi diminue, les trésoreries des entreprises sont dégradées et les défaillances se multiplient.
Les parts de marché des transporteurs français ont reculé de 12 % en quatre ans alors que celles des routiers espagnols ont augmenté dans le même temps de 9 %.
Ces difficultés ont pour partie leur source dans des facteurs conjoncturels, notamment dans l'augmentation du prix du gazole, qui contribue à l'inflation des coûts de production, dans la faiblesse de la croissance ou encore dans la surcapacité chronique du pavillon qui pèse, à la baisse, sur les prix.
L'incidence de ces facteurs négatifs est accentuée par un environnement de plus en plus concurrentiel qui empêche la répercussion de l'augmentation des coûts dans le prix du transport et explique l'écrasement tendanciel des marges nettes des entreprises, aujourd'hui inférieures à 1 %.
Si l'élargissement de l'Union européenne à l'Est a suscité beaucoup de craintes dans le secteur du transport routier, ses effets sont pour l'instant encore modestes, même si la pratique illégale du cabotage se développe. En revanche, le pavillon français souffre incontestablement d'un différentiel de compétitivité par rapport à des pays voisins, tels les Pays-Bas, la Belgique ou l'Espagne.
Ce retard de compétitivité tient fondamentalement à deux handicaps structurels : le poids de la fiscalité, qui représente 13,2 % du chiffre d'affaires du secteur, et le coût du travail, véritable « talon d'Achille » du transport routier de marchandises.
Premier poste de dépenses, la main-d'oeuvre représente plus du tiers des coûts d'exploitation de ce secteur. Mais, au-delà de la charge globale que représente le travail pour les entreprises, c'est surtout le différentiel de coût horaire moyen avec les autres Etats membres qui pose problème. Ainsi, le coût d'une heure de conduite en France est supérieur de 20 % à la moyenne des sept pays européens les plus limitrophes. Cette situation résulte du niveau élevé du coût des heures supplémentaires et des charges sociales, mais aussi d'une durée du travail insuffisante, cette dernière s'étant progressivement réduite depuis dix ans...
M. Roland Muzeau. Pauvres patrons !
M. Yannick Texier, rapporteur pour avis. S'il n'y avait pas de patrons, il n'y aurait pas de salariés !
Je le confirme en tout cas, la durée du travail s'est réduite en raison de la mise en place d'une réglementation contraignante et de plus en plus déconnectée des règles applicables dans le reste de l'Union européenne.
L'adaptation de la législation sociale applicable au transport routier apparaît comme une nécessité vitale, de l'avis même des professionnels du secteur. L'avenir du pavillon routier français en dépend. Faut-il rappeler ici l'enjeu économique, pour notre pays, d'un secteur de 42 000 entreprises qui compte 330 000 emplois et affiche un chiffre d'affaires de 30 milliards d'euros ?
Mme Hélène Luc. C'est pour cette raison qu'on supprime le transport combiné train-camions !
M. Yannick Texier, rapporteur pour avis. Les échanges de marchandises vont continuer à croître au cours de la prochaine décennie, et il ne faut pas se faire d'illusions : si les routiers français ne sont pas en mesure de faire face à cette croissance, ce sont les transporteurs étrangers qui y suppléeront.
Par conséquent, la commission des affaires économiques espère que les dispositions de l'ordonnance - notamment la possibilité de moduler sur trois mois la durée du travail - et l'augmentation modérée des maxima hebdomadaires moyens permettront aux entreprises de transport routier de regagner un peu de compétitivité.
Pour les salariés, ces mesures devraient se traduire, certes, par une réduction du nombre des repos, mais également par un gain salarial puisque les jours de travail qui les remplaceront constitueront autant d'heures supplémentaires payées à un taux majoré. En outre, il faut bien souligner que les assouplissements prévus par l'ordonnance restent modérés par rapport à ceux qu'autorisent les directives communautaires qui ont été transposées.
Certes, ce texte ne règle pas tous les problèmes auxquels sont confrontés les professionnels du transport, en particulier les transporteurs routiers de marchandises, qui réclament de manière urgente une harmonisation des règles applicables à l'échelle européenne en matière de fiscalité sur le gazole car les différences de taxation entre les Etats membres créent actuellement d'insupportables distorsions de concurrence. Sur ce point, pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, si des avancées sont envisageables à court terme ?
L'autre grand sujet de préoccupation des transporteurs, qui fut également abordé lors de l'examen du présent projet de loi par la commission des affaires économiques, est le développement illégal du cabotage, question qui a été également évoquée par notre collègue Jackie Pierre.
Si, depuis 1998, tout transporteur d'un Etat membre peut assurer des prestations de transport à l'intérieur d'un autre Etat membre, ce ne doit théoriquement être qu'« à titre temporaire » et « dans le respect de certaines réglementations du pays d'accueil ». Or les lacunes du droit communautaire et du droit national avaient jusqu'à présent rendu impossible toute caractérisation du cabotage irrégulier et conduit à une absence de contrôles encourageant toutes les dérives.
Ces difficultés se sont aggravées depuis l'élargissement de l'Union intervenue en mai 2004, en dépit de l'interdiction transitoire de cabotage qui a été signifiée à sept des dix nouveaux membres.
Très exposée à la concurrence liée au cabotage irrégulier, la profession attendait avec impatience des mesures fortes. C'est pourquoi nous nous félicitons de l'adoption, dans le cadre du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, d'amendements visant à mieux encadrer et sanctionner le cabotage illégal ou irrégulier. L'utilisation, certes inattendue, de ce support législatif va permettre, nous l'espérons, une entrée en vigueur rapide de ces mesures et un renforcement des contrôles.
En conclusion, je vous indique que la commission des affaires économiques n'a pas présenté d'amendement au présent projet de ratification et a donné un avis favorable à son adoption. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que notre assemblée examine aujourd'hui vise à ratifier l'ordonnance du 12 novembre 2004, dont l'objet était de transposer la directive du 22 juin 2000.
En réalité, le décret d'application du 31 mars dernier, paru au Journal officiel avant même la ratification de la loi par le Parlement - ce qui, vous l'avouerez, est un véritable déni de démocratie -, vise également à mettre en oeuvre la directive du 11 mars 2002 dite « temps de travail dans le secteur routier ».
De l'avis des organisations syndicales représentatives des salariés, ce décret d'application constitue un véritable recul social. Pourtant, l'article 10 de cette directive disposait que « la mise en oeuvre de celle ci ne saurait justifier aucune réduction du niveau général de protection dont bénéficient les salariés ». On en est loin !
M. Daniel Reiner. Absolument !
M. Roland Muzeau. Encore une fois, ce Gouvernement prend prétexte de l'application du droit communautaire pour mettre en oeuvre sa politique de destruction des garanties sociales. En effet, ce projet s'inscrit dans la logique des législations successives de démantèlement du code du travail et de régression sociale.
Le groupe communiste républicain et citoyen a dénoncé à de multiples reprises l'hypocrisie de ces nouvelles dispositions qui, derrière l'idée de liberté d'entreprise, masquent une précarisation du salariat face au patronat.
Rappelons à ce titre que, dernièrement, la réforme des 35 heures, les lois en faveur de la cohésion sociale et le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises ont constitué autant d'atteintes aux garanties des travailleurs en matière de durée du travail.
Ainsi, le contingent annuel d'heures supplémentaires fixé par simple accord d'entreprise est passé de cent quatre-vingts à deux cent vingt heures ; les conventions de forfait ont été élargies, contribuant à remettre en cause la durée légale du travail ; le Gouvernement multiplie les dérogations à l'interdiction du travail de nuit dans des secteurs d'activité toujours plus nombreux... et, dernièrement, les apprentis ont même été visés. On n'arrête pas le progrès !
Plus fort encore, les lois d'habilitation qui ont été votées la semaine dernière par notre assemblée vont permettre au Gouvernement d'aller encore plus loin dans la déréglementation du travail.
Le texte qui est soumis au Sénat vise à cette même logique de remise en cause au coup par coup du droit à une durée raisonnable de travail, cette fois-ci dans le secteur des transports.
De surcroît, le Gouvernement vient d'annoncer ce soir qu'il n'y avait rien à amender et rien à discuter ! Il exige un vote conforme. C'est probablement une nouvelle péripétie dans le travail parlementaire !
Concernant plus particulièrement le texte qui nous est soumis aujourd'hui, le Gouvernement souhaite ajouter la flexibilité et la modulation à l'allongement de la durée du travail. De facto, la durée maximale du travail d'un conducteur courte distance sur une semaine isolée passera de quarante-huit à cinquante-deux heures.
La durée hebdomadaire moyenne de travail augmente, aussi bien pour les conducteurs courte distance que pour les grands routiers. Non seulement elle augmente en valeur absolue, passant de quarante-huit à cinquante-deux heures pour les premiers et de cinquante à cinquante-trois heures pour les seconds, mais la possibilité de leur faire enchaîner des semaines plus denses est également étendue puisque la période de référence passe d'un mois à trois mois, voire à quatre mois.
Cela signifie concrètement, monsieur le ministre, qu'un employeur pourra faire travailler un conducteur grand routier cinquante-six heures par semaine pendant deux mois et demi.
De surcroît, cet allongement de la durée du travail ne rime pas avec hausse des salaires. Ce constat est la conséquence immédiate d'un décompte de la durée du travail, des heures supplémentaires et des repos compensateurs sur trois, voire quatre mois au lieu d'une semaine ou un mois suivant l'obtention de dérogations.
Avec ce nouveau décompte, le seuil de déclenchement des heures supplémentaires se trouve relevé, entraînant une situation inacceptable pour les conducteurs : pour un travail équivalent et un temps de travail identique, plus aucune heure supplémentaire ne sera payée !
De plus, par cette ordonnance, la période durant laquelle les heures effectuées sont considérées comme du travail de nuit est limitative par rapport au droit commun. En effet, alors que pour l'ensemble des salariés sont considérées comme du travail de nuit les heures effectuées entre vingt et une heures et six heures, pour les salariés du secteur des transports, cette période sera limitée aux heures effectuées entre vingt-deux heures et cinq heures.
Il s'agit d'un véritable marché de dupes, dont les victimes sont encore une fois les salariés. Nous sommes loin du « travailler plus pour gagner plus » que promettait le Gouvernement, notamment pas la voix de son Premier ministre lors de son discours de politique générale.
Nous sommes loin aussi des ambitions qui ont été annoncées par la Commission européenne en termes d'harmonisation.
Mme Hélène Luc. Oui !
M. Roland Muzeau. Les directives en matière de droit du travail constituent systématiquement un recul pour les droits sociaux des salariés français. L'harmonisation qui est proposée organise en réalité le dumping social.
Alors que l'Union européenne devrait être le moteur du progrès social partagé entre les peuples, c'est en réalité une spirale du déclin. C'est aussi pour cette raison que, le 29 mai dernier - souvenez-vous -, les citoyens français ont rejeté le traité de Constitution européenne qui gravait dans le marbre ces politiques libérales.
Ce projet de loi ratifiant l'ordonnance du 12 novembre 2004 portant transposition de directives communautaires et le décret qui en découle concoctent un droit du travail sur mesure pour le patronat du secteur des transports, dont on connaît l'avant-gardisme...
Je le répète : en relevant le seuil de la durée maximale hebdomadaire de travail des conducteurs, en supprimant la notion de durée maximale annuelle de travail, en instituant le droit de décompte de la durée du travail sur trois mois - ce qui supprime en moyenne trente-deux jours de repos compensateur - et en maintenant les équivalences, le décret va en outre faire disparaître un nombre important d'infractions qui, jusqu'à présent, étaient relevées et sanctionnées, alors même que les abus sont manifestes et les moyens mis à disposition des contrôleurs bien insuffisants.
Je rappelle qu'une entreprise est contrôlée en moyenne tous les huit ans et que plus de 20 % des infractions relevées le sont pour entrave au respect de la durée légale du travail.
Pour assurer l'ensemble des contrôles, ce sont cinquante postes supplémentaires de contrôleur du travail qu'il faudrait créer. Le Gouvernement n'en a prévu que trois pour l'année 2005 !
Dans ces conditions, il va sans dire que le contrôle du respect par les employeurs des dispositions sur les rémunérations, la durée du travail et les normes de sécurité ne sera pas efficace.
Tout le monde aurait-il déjà oublié les accidents mortels qui sont survenus ces derniers mois et qui ont impliqué des conducteurs âgés de plus de soixante-dix ans, certains n'étant même pas titulaires du permis de conduire, d'autres - parfois les mêmes - n'ayant pas de contrat de travail ?
Bref, le discours généreux sur la sécurité routière ne pèse pas bien lourd et reste hélas pour l'ensemble des conducteurs concernés et pour les autres usagers de la route, ces usagers que vous sacrifiez facilement aux intérêts du patronat des transports, une préoccupation de façade.
Les conducteurs sont soucieux de la sécurité routière. Ils désireraient être des piliers dans la prévention et dans la lutte contre ce fléau. Il suffit pourtant de les écouter vous expliquer leurs conditions de travail, la pénibilité de leur profession et les rythmes imposés par l'employeur pour être vite convaincu des dégâts que causeront ces mesures !
La lutte contre l'insécurité routière suppose un préalable : que ne soit pas ignorée la question de la durée de travail.
J'ajoute que ces modifications de la législation sur le travail laissent aux employeurs la possibilité de dégrader irrémédiablement les conditions de travail des conducteurs de messagerie et de transport de fonds. Ces secteurs ne sont nullement concernés par la concurrence et ne doivent pas faire partie du champ d'application des mesures concernées !
En définitive, l'ordonnance qu'il nous est proposé de ratifier va au-delà d'une simple transposition des directives européennes en droit interne. Elle bouleverse la réglementation de la durée du travail, dans le sens - bien sûr - du moins-disant social.
En conséquence, elle ne peut être considérée comme une transposition légale des directives, et elle est même non conforme à leurs prescriptions. C'est d'ailleurs le sens du recours intenté devant le Conseil d'Etat par une organisation syndicale de salariés.
La ratification de cette ordonnance, ainsi que la modification du décret n° 83-40 qui est intervenue, entraînera un retour en arrière de quinze ans s'agissant des conditions de travail des conducteurs. La sécurité des transporteurs, ainsi que, par ricochet, celle des usagers de la route, est aussi mise à mal.
C'est cette construction européenne ultralibérale qui a été rejetée par 55 % de nos concitoyens le 29 mai dernier. Le temps passe, et le Gouvernement n'a rien entendu !
Le dogme de la rentabilité immédiate conduit à considérer le coût du travail comme un handicap structurel à la compétitivité des entreprises, les deux rapporteurs viennent de nous le rappeler. A l'inverse, pour nous, le travail n'est pas un coût, c'est la richesse même des entreprises. Ainsi, pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, seule une législation sociale qui offre de réelles garanties aux salariés peut permettre un développement économique harmonieux et durable.
C'est pourquoi nous voterons résolument contre ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ces temps de dessaisissement des prérogatives législatives du Parlement, ce projet de loi apparaît, somme toute, plutôt commun, puisqu'il renvoie lui-même à une ordonnance prise le 12 novembre dernier transposant les directives communautaires de 2000 et 2002, qui devaient faire l'objet d'une transposition en droit interne avant le 23 mars 2005.
Il est donc question de modifier le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports. Néanmoins, il faut noter que cette ordonnance renvoie elle-même au décret du 31 mars 2005, qui en constitue le signifiant.
Permettez-moi de m'attarder quelque peu sur le secteur du transport en France, plus particulièrement sur le secteur routier, le plus important, puisque l'article unique de l'ordonnance exclut les personnels sous statut.
Le transport routier compte 42 000 entreprises qui emploient directement 330 000 salariés, auxquels s'ajoutent 100 000 autres qui en dépendent organiquement ; 32 000 entreprises comptent moins de cinq salariés, alors qu'elles ne sont que 546 a en avoir plus d'une centaine. Essentiel à notre économie, ce secteur réalise un chiffre d'affaires annuel de 30 milliards d'euros.
Sur la forme, cette ordonnance est le fruit d'un intense travail de collaboration entre une partie du patronat de ce secteur et le Gouvernement. Malheureusement, les syndicats n'ont eu droit, quant à eux, qu'à une simple information.
Initialement, cette ordonnance aurait dû ne concerner que les 20 000 à 30 000 routiers « longue distance » qui sont effectivement soumis à rude concurrence. Toutefois, monsieur le ministre, fidèle au credo ultralibéral et thatchérien de votre gouvernement, vous ne vous en êtes pas tenu là. Non seulement vous avez étendu le champ d'application de cet aménagement du temps de travail aux 300 000 chauffeurs, mais, en outre, vous vous êtes employé à poursuivre l'oeuvre de régression sociale, de précarisation et de remise en cause des acquis sociaux.
Cette politique est d'autant plus scandaleuse que vous instrumentalisez le droit européen pour diminuer la protection des salariés. Il est pourtant très clair que le droit européen n'impose pas de remettre en cause la législation française applicable aux chauffeurs routiers.
Mais revenons dans le détail aux dispositions contenues dans cette ordonnance et dans ce décret, véritable fondement du recul social organisé par le Gouvernement.
Ainsi, la durée hebdomadaire du travail passe de quarante-huit heures à cinquante-deux heures pour les chauffeurs « courte distance », et de cinquante heures à cinquante-trois heures pour les chauffeurs « longue distance ».
Non content de ce recul, le Gouvernement a modifié la réglementation du travail de nuit. Il sera compris non plus entre vingt et une heures et six heures, mais entre vingt-deux heures et cinq heures du matin. Cette redéfinition aura automatiquement un impact sur les compensations horaires.
Ajoutons qu'en faisant passer la période de référence de un à trois mois, et même à quatre mois, les employeurs vont pouvoir non seulement procéder à des lissages permettant de reporter les repos compensateurs, mais aussi soumettre les chauffeurs à des semaines de conduite plus denses. Ces modifications de l'enveloppe trimestrielle de temps de service librement utilisable, dans la limite du respect de plafonds hebdomadaires, entraîneront mécaniquement, bien évidemment, le relèvement du seuil de déclenchement des heures supplémentaires.
Soyons concrets, un employeur pourra faire travailler consécutivement un chauffeur « longue distance » cinquante-six heures par semaine pendant deux mois et demi. Au regard des nouveaux seuils de déclenchement d'heures supplémentaires, mais également de repos compensateur, le chauffeur perdra de l'argent. Dans le coût global d'exploitation, compte tenu que le poste de dépense de chauffeur correspond à 29 % pour le transport « longue distance » et à 42 % pour le transport de « courte distance », on comprend mieux ce qui a incité le Gouvernement à élargir le champ d'application de la directive !
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Claude Domeizel. Vous disiez : « travailler plus pour gagner plus » ; la réalité, c'est : « travailler plus pour gagner moins » ! Car votre seul souci est de faire de la masse salariale la seule et unique variable d'ajustement. Il ne s'agit, ni plus ni moins, que d'un scandaleux marché de dupes !
La majorité des organisations syndicales de salariés a introduit devant le Conseil d'Etat un recours en annulation contre l'ordonnance du 12 novembre 2004. Vous nous demandez, en quelque sorte, de légaliser un texte qui fait l'unanimité contre lui parmi les chauffeurs routiers. Nous ne pouvons vous suivre.
Par cette action en justice, les syndicats veulent tenter de démonter que l'ordonnance constitue un « moins-disant social ». La dégradation des conditions de travail que vous organisez sciemment me semble d'autant plus grave que, selon de toutes récentes enquêtes de la Caisse nationale d'assurance maladie, le secteur du transport est le secteur qui, avec celui du BTP, enregistre la plus importante hausse des accidents de travail. En procédant de la sorte, vous ne pourrez qu'accentuer ce mouvement.
Qui plus est, comment ne pas penser que cet allongement du temps de travail aura irrémédiablement des conséquences négatives sur la sécurité routière ?
Monsieur le ministre, ce projet de loi est dangereux à plus d'un titre.
Il est dangereux socialement, car il constitue une dégradation des conditions de travail qui nous fait revenir quinze ans en arrière et qui réduit à néant les espérances et les améliorations nées de la signature du « contrat de progrès ». De plus, il accentue l'antagonisme qui existe entre vie familiale et conditions d'exercice de la parentalité, d'une part, et vie professionnelle, d'autre part. A quelques heures près, cet aspect est d'autant plus choquant que ce thème constitue l'un des axes forts du texte sur « l'égalité salariale », que votre gouvernement soumettra au Sénat demain matin.
Ce projet de loi est également dangereux économiquement. Si le transport routier sous pavillon français connaît d'incontestables difficultés, n'eut-il pas été plus efficace, par exemple, d'oeuvrer en faveur d'une harmonisation européenne des taxes sur le gazole ? Ce poste de dépense correspond, en effet, à près du cinquième des coûts d'exploitation globaux. N'eut-il pas été essentiel, aussi, de réglementer les délais de paiement anormalement longs qui asphyxient nombre d'entreprises, les privent de leur capacité d'investissement et, à terme, nuisent à leur compétitivité ? De même, ne faudrait-il pas entreprendre une refonte de la politique tarifaire, afin que les transporteurs puissent être rémunérés au juste prix ?
Plus globalement, monsieur le ministre, le Gouvernement n'aurait-il pas pu s'engager fermement pour que l'harmonisation sociale se concrétise non pas sur un « moins-disant social », mais plutôt sur le contraire ? A cet égard, pourquoi n'a-t-il pas profité du fait que Bruxelles procède actuellement à la réécriture de la directive de 1993, qui fixe les limites extrêmes du temps de travail, pour défendre cette position ?
En fait, votre choix est clair. Depuis trois ans, malgré les échecs économiques que confirme le nombre de chômeurs, malgré l'état plus que préoccupant des finances publiques, malgré les revers électoraux, malgré les manifestations d'opposition et de colère de millions de nos concitoyens, vous n'avez cessé de faire de la régression sociale l'alpha et l'oméga de votre politique économique et sociale. Mais, cette fois, vous ne pourrez pas faire porter la responsabilité à l'Europe, car elle n'y est pour rien. Cet immense gâchis sera de votre seule responsabilité !
Par conséquent, nous nous opposerons résolument à ce texte inique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'ordonnance que le Sénat est aujourd'hui appelé à ratifier répond, nous le savons tous, à deux objectifs aussi impératifs l'un que l'autre. Le premier est de transposer en droit interne les directives communautaires de 2000 et 2002, qui étendent au secteur des transports les règles déjà en vigueur dans l'Union européenne depuis 1993 en matière de temps de travail et dont la date limite de transposition était le 23 mars dernier. Le second objectif est d'adapter les règles du code du travail, afin de tenir compte des contraintes spécifiques aux activités de transport.
En matière de transposition de directives communautaires, la France connaît un retard récurrent, auquel le Gouvernement a néanmoins tenté de remédier en faisant adopter par le Parlement une loi l'habilitant à transposer les directives de l'Union européenne par voie d'ordonnance. La loi d'habilitation du 18 mars 2004 a donc eu pour objet de résorber dans les meilleurs délais le retard accumulé par la France dans la transcription en droit interne des dispositions communautaires de nature législative. Elle visait ainsi à compléter les efforts de transposition engagés sur le plan réglementaire, qui doivent encore s'intensifier.
Si l'objectif est louable, le groupe UC-UDF tient toutefois à rappeler, avec modération mais vérité, que la procédure des ordonnances doit rester exceptionnelle, ...
Mme Hélène Luc. Vous la votez quand même !
M. Jean Boyer. ... même si elle est constitutionnelle, dans la mesure où elle tend à priver le Parlement de ses prérogatives.
De plus, dans ce cas précis, on peut douter de la rapidité de la procédure, ce texte ayant vraiment tardé à être inscrit à l'ordre du jour. Monsieur le ministre, permettez-moi de m'interroger, avec tout le respect que j'ai pour vous : un processus législatif classique aurait-il nécessité plus de temps ?
En outre, les parlementaires UC-UDF souhaitent depuis longtemps une participation plus grande, et surtout plus en amont, du Parlement à l'élaboration du droit communautaire et des positions que la France va défendre à Bruxelles.
L'adaptation du droit du temps de travail à laquelle procède cette ordonnance va permettre de simplifier et d'assouplir les règles et l'organisation du travail dans les transports, notamment dans les transports routiers.
Aujourd'hui, le cadre juridique applicable en matière de temps de travail dans les transports routiers est relativement strict, comme l'a rappelé un de nos collègues députés dans son rapport sur la situation du transport routier en France. Le temps de travail et de conduite dans notre pays est, en effet, l'un des plus faibles d'Europe. Or ce secteur est confronté à de nombreuses difficultés structurelles, aggravées par des éléments conjoncturels comme la faible croissance économique entre 2001 et 2003, ou l'explosion du coût du gazole.
Par ailleurs, l'élargissement de l'Union européenne à l'Est suscite, reconnaissons-le, des inquiétudes tout à fait justifiées chez les transporteurs routiers. En quelques années, la part des transports internationaux dans le chiffre d'affaires de la profession est ainsi tombée de 29 % à 18 %.
L'augmentation des durées moyennes hebdomadaires maximales va permettre de réduire de 20 % à 3 % ou 4 % les écarts entre les temps de conduite et de travail maximaux des chauffeurs routiers français et ceux de leurs collègues européens, soumis à des réglementations plus souples, ce qui permettra incontestablement d'améliorer leur compétitivité.
M. Roland Muzeau. C'était sur les autres qu'il fallait peser, pas sur les Français ! C'est du dumping !
M. Jean Boyer. Le dynamisme des 42 000 entreprises de ce secteur, qui vont du grand groupe à la PME, est indispensable à l'emploi dans nos régions, au développement de nos territoires et à la compétitivité de notre économie. Aussi devons-nous réussir à concilier à la fois impératifs économiques et conditions de travail satisfaisantes pour les transporteurs.
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas possible !
M. Jean Boyer. Cette ordonnance s'inscrit pleinement dans le cadre du plan de mobilisation et de développement en faveur du transport routier de marchandises, qui a été présenté par votre prédécesseur, monsieur le ministre, à la suite de la dégradation de la situation dans ce secteur.
Enfin, la réglementation en matière de temps de travail dans les transports est complexe, tant en droit communautaire qu'en droit interne.
Trois textes communautaires, un règlement et deux directives sont en effet applicables en la matière, tandis qu'en droit français les dispositions pertinentes contenues dans les décrets fortement dérogatoires de 1982 et de 1983 ont une base légale très générale, voire souvent incomplète, reconnaissons-le.
Aussi devenait-il impératif de simplifier cette législation et de renforcer la base légale des décrets, afin d'éviter les recours trop nombreux contre ces textes. La simplification à laquelle procède cette ordonnance est donc la bienvenue, dans un souci de sécurisation du droit.
En conclusion, je tiens à rappeler la nécessité de lutter fermement contre le cabotage illégal et contre le cabotage sauvage, qui constituent une forme de concurrence déloyale. Les professionnels réclament un meilleur contrôle et des sanctions plus fermes à l'égard de ces pratiques qui nuisent aux transporteurs français. A cet effet, il serait souhaitable de modifier le règlement de 1993 qui a libéralisé le cabotage et qui en fixe les conditions d'exercice.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, parce qu'il offrira davantage de souplesse...
M. Roland Muzeau. Pour qui ?
M. Jean Boyer. ... dans l'organisation du temps de travail des transporteurs, le groupe de l'UC-UDF votera le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 12 novembre 2004,...
Mme Hélène Luc. Vous êtes en contradiction avec vos propos !
M. Jean Boyer. ... visant à transposer des directives communautaires et à modifier le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un projet de loi visant à ratifier une ordonnance, ce qui, vous le comprendrez, ne peut que nous indisposer !
Il s'agit de l'ordonnance du 12 novembre 2004 - on pourrait y adjoindre le décret qui a suivi - qui transpose deux directives européennes de 2000 et 2002 sur le temps de travail dans le secteur des transports.
Ce projet de loi est discuté par le Sénat au moment même où des signaux plus qu'alarmants sont envoyés par les entreprises de transport routier aux pouvoirs publics, faisant état du recul du pavillon international français et de la faillite de nombreuses entreprises du secteur, qui souffrent de difficultés multiples.
Quoi qu'il en soit, la brièveté de ce texte et son apparence très technique ne doivent pas occulter l'aspect éminemment politique du dossier. Ainsi, mes chers collègues, je vous invite à vous référer à la séance publique du 12 février 2004, au cours de laquelle le Sénat a examiné le projet de loi d'habilitation autorisant le Gouvernement à légiférer en la matière par ordonnance.
Sur un sujet aussi important que la politique des transports, la commission des affaires sociales, saisie au fond, et la commission des affaires économiques et du Plan, saisie pour avis - à ma demande - s'étaient opposées au recours aux ordonnances et avaient souhaité le retrait des directives concernées du champ de l'habilitation. Il avait alors fallu toute l'insistance du ministre pour que - comme à son habitude, allais-je dire - la majorité finisse par céder.
La commission des affaires économiques avait insisté pour être saisie de ce texte, car elle est concernée par la politique des transports, au-delà du simple aspect technique du sujet.
Je me réjouissais, je l'avoue, de la perspective de m'entretenir de cette question pour la première fois avec le nouveau ministre des transports. Je reconnais bien entendu vos multiples compétences, monsieur Bertrand, mais je regrette néanmoins l'absence de M. Perben...
En réalité, il apparaît que le Gouvernement profite d'un texte d'apparence technique pour satisfaire une tentation permanente - il faut le reconnaître -, de tirer le droit du travail vers le bas.
Ces mesures, qui visent à satisfaire certaines entreprises - d'ailleurs très demandeuses - sont inadaptées et très insuffisantes pour endiguer le déclin du pavillon français. En revanche, elles concourent à souligner l'incohérence de la politique des transports du Gouvernement.
Permettez-moi de faire appel à vos souvenirs. C'est au crédit de la présidence française de l'Union européenne, du gouvernement de Lionel Jospin et du ministre des transports de l'époque, qu'il faut porter l'aboutissement d'une directive sur le temps de travail dans les transports. La tâche n'était pas aisée !
Mais, alors que ce texte visait à améliorer par le haut les conditions de travail des chauffeurs de toute l'Europe, à encourager le mieux-disant social, vous saisissez aujourd'hui l'occasion de faire l'inverse avec les travailleurs français : c'est paradoxal !
Si l'esprit de la directive visait explicitement les 20 000 à 30 000 chauffeurs routiers de longue distance concernés par la concurrence internationale, le texte que vous nous proposez aujourd'hui s'appliquera à plus de 300 000 salariés du secteur du transport, y compris à ceux des entreprises de messagerie qui, convenons-en, ne sont pas soumis aux mêmes contraintes.
On peut s'interroger ! Au cours de nos débats sur la régulation des activités postales, il avait été question - je m'en souviens - que les salariés des entreprises de messagerie relèvent d'une convention collective des activités postales plutôt que d'une convention collective des transports. Pouvez-vous nous dire quel sera, en fin de compte, le texte qui les concernera ?
Nous ne méconnaissons pas les difficultés des entreprises de transport français : pertes d'emplois, dépôts de bilan, régression du pavillon français dans le transport international, surcapacité - il faut le dire -, difficultés de répercuter la hausse du gazole sur les clients et les donneurs d'ordre, effritement des marges, qui ont pratiquement été divisées par trois ces dernières années et qui se situent aujourd'hui autour de 1 %.
Toutefois, je le répète, c'est non pas en prônant le moins-disant social, mais plutôt en le combattant, que l'on sauvera le pavillon français. De ce point de vue, il est éminemment important de réglementer le cabotage, qui engendre le dumping social.
Le cabotage, je le rappelle, c'est le droit pour un transporteur de l'Union européenne d'effectuer du transport de marchandises à titre temporaire - ce mot est important - dans un autre pays européen que le sien.
Le droit à caboter a été initialement conçu pour éviter le retour à vide des camions qui effectuent du transport international, ce qui était en soi assez logique. Malheureusement, ce droit a été dévoyé faute d'une définition claire de la notion de cabotage temporaire et d'un manque de précision de la législation sociale applicable aux chauffeurs.
Pays de transit, la France est frappée de plein fouet par ce phénomène, les entreprises et les salariés du secteur des transports nous l'ont confirmé : un tiers du cabotage européen est effectué dans notre pays.
Des entreprises étrangères ont profité de ce flou juridique pour ne pas appliquer à leurs salariés la législation sociale française, notamment en matière de rémunération, alors qu'ils transportaient des marchandises en France. De grandes sociétés françaises créent, ou ont déjà créé, des filiales dans des pays européens aux lois sociales moins-disantes, notamment dans les pays de l'Est, afin de recruter sur place des chauffeurs routiers qu'elles font ensuite rouler en France. On « bolkesteinise », en quelque sorte, le transport routier.
Sans définition précise du cabotage, aucun contrôle n'est possible, sauf pour le cabotage illégal des pays de l'Est. Mais le manque de contrôleurs et l'absence de sanctions réelles rendent illusoire une lutte efficace contre cette pratique.
Plusieurs tentatives ont été faites par le passé pour définir dans notre droit la notion de cabotage : je pense en particulier au décret Gayssot de 2002, qui a été annulé.
Je ne vous cache pas que notre groupe avait un temps envisagé de déposer un projet de loi sur ce sujet. Il s'agissait pour nous de donner une définition du cabotage et de prévoir des sanctions en cas d'infraction. Or cela vient d'être fait à l'Assemblée nationale, à l'occasion de la discussion du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises. Je souhaite toutefois, monsieur le ministre, que vous nous donniez de plus amples explications sur les choix qui ont été faits.
Le cabotage légal est limité à trente jours consécutifs sur un territoire et à quarante-cinq jours sur une période de douze mois. Pourquoi cette durée ? Trente jours consécutifs, n'est-ce pas trop long ? Vous me répondrez sans doute que c'est la durée qui a été retenue par nos voisins britanniques et grecs, mais ce n'est qu'une pratique parmi d'autres. La Commission européenne, dans sa note interprétative, évoque bien une durée de un à deux mois, mais elle ajoute aussitôt que d'autres critères comme la fréquence, la continuité, la périodicité sont tout aussi importants.
Par ailleurs, comment la période de référence de douze mois sera-t-elle calculée ? S'agira-t-il d'une année civile ? Dans l'affirmative, comment empêcher des routiers étrangers de caboter tout le mois de décembre puis d'enchaîner sur le début du mois de janvier, c'est-à-dire pendant la période où les activités économiques et de transport sont les plus fortes ?
Enfin, l'Assemblée nationale a considéré qu'il convenait d'introduire une dérogation à ces critères pour le transport à caractère saisonnier des récoltes agricoles de leur lieu de production à leur lieu de collecte ou de transformation. Il semble que la commission mixte paritaire ait repoussé cet amendement dit « betterave », ce qui est bien le moins. Les sucriers voudraient que le Conseil d'Etat prenne des décrets dans ce domaine. Il semble que cette profession ne souhaite pas une harmonisation par le haut du travail dans le secteur des transports ! Rien ne justifiait au demeurant une telle dérogation, qui aurait créé un précédent néfaste.
Un autre amendement adopté à l'Assemblée nationale prévoit explicitement que la directive « détachement » s'applique aux salariés faisant du cabotage. Ce serait une bonne chose ! Néanmoins, le texte n'affirme pas le principe d'une déclaration préalable au détachement dès lors qu'il y a cabotage. Or, nous le savons, sans déclaration préalable, le contrôle n'est pas possible. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous garantir qu'il n'en sera pas ainsi ?
Enfin, vous vous êtes donné jusqu'au 1er janvier 2007 pour prendre les décrets d'application. Comment expliquer une si longue attente alors qu'il y a, paraît-il, urgence ?
En tout état de cause, quels sont les moyens de contrôle ? Les contrôleurs que nous avons rencontrés sont conscients de l'insuffisance des outils dont ils disposent. Il est inutile de légiférer sur le cabotage sauvage si l'on ne peut pas le combattre effectivement ! D'aucuns affirment que trente postes supplémentaires de contrôleur pourraient être inscrits dans le projet de budget pour 2006. Est-ce plus qu'une rumeur, monsieur le ministre, et est-ce que ce sera suffisant ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous confirmer l'abandon de la location transfrontalière qui, je le rappelle, permet de louer en toute légalité un camion et son chauffeur pour venir rouler en France ? C'est un sujet dont on parle moins, mais moi qui suis Lorrain, je peux vous dire qu'il s'agit d'une question particulièrement sensible dans les régions de l'Est de la France. Je crains, à cet égard, que certaines promesses ne soient pas tenues.
Le secteur du transport est sous haute tension et la flambée actuelle des cours du pétrole pourrait constituer un coup de grâce pour de nombreuses entreprises.
Le Gouvernement considère que l'allongement du temps de travail des chauffeurs routiers apportera de l'oxygène aux entreprises. Or les entretiens que nous avons eus avec les organisations professionnelles patronales et salariées ont montré que les coûts salariaux représentent environ un tiers du coût total du transport, et l'on peut estimer que les mesures contenues dans le présent projet de loi entraîneront une baisse de 12 % à 15 % de ces coûts salariaux - baisse qui touchera également les salariés, chacun l'a bien compris -, soit une diminution de 4 % ou 4,5 % du coût global des transports. Ce sera de toute façon insuffisant pour concurrencer le coût du transport dans les pays de l'Est, qui est de 30 % inférieur à celui de la France. En clair, c'est un coup d'épée dans l'eau pour les entreprises, mais un coup d'épée dans les reins pour les salariés !
La mise en oeuvre de ces mesures va indéniablement constituer un recul social pour les chauffeurs, se traduire par un allongement de leur durée du travail, une réduction significative du nombre de repos compensateurs et une perte de revenus liée à la modulation des heures supplémentaires. Et, bien entendu, cela va à l'encontre de l'objectif de sécurité routière que tout le monde affiche avec beaucoup de sérénité.
Non seulement ces dispositions ne donneront pas d'armes au transport routier français pour lutter contre la concurrence étrangère mais, de surcroît, elles vont le rendre plus compétitif par rapport à d'autres modes de transport respectueux d'un développement durable. Où est la logique dans tout cela ? J'y vois une preuve nouvelle de l'incohérence de la politique des transports du Gouvernement, en contradiction totale avec l'ambition d'un report modal en faveur du transport ferroviaire et fluvial.
Depuis plusieurs années, les faits parlent d'eux-mêmes, bien loin des discours en faveur du développement durable : je dénonce régulièrement dans cet hémicycle, et je ne suis pas le seul, l'assassinat budgétaire du transport combiné, condamné à très court terme en France alors que chacun reconnaît la nécessité d'y injecter de l'argent public, et les débats auxquels je participe au Conseil national des transports ne cessent de m'alarmer sur ce point.
J'ai récemment eu l'occasion de présenter au Sénat les risques que recèle l'actuel plan fret de la SNCF qui, sous couvert d'un retour à l'équilibre financier, supprime de nombreuses dessertes, réduit le réseau ferré de transport de marchandises à un squelette voué à n'être emprunté à terme que par des trains internationaux. Des milliers de camions sont à nouveau jetés sur les routes par ce plan, en ce moment même !
Enfin, le coup de grâce a été donné par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, avec l'annonce de la privatisation totale des sociétés d'autoroute.
Le Parlement unanime avait souhaité la création d'une agence de financement des infrastructures, et votre prédécesseur avait concrétisé cette ambition. L'idée était simple : enfin, la route allait financer les modes alternatifs à la route ! La « rente autoroutière », qui, selon le président de la commission des finances du Sénat, aurait atteint 30 milliards d'euros d'ici à 2030, devait alimenter l'agence, et 70 % de cette manne devait aller au ferroviaire et au fluvial...
Aujourd'hui, tout est abandonné. L'agence ne récoltera que des miettes de l'opération de privatisation ; et qui profitera dans les années à venir de « la rente autoroutière » ? Les grands groupes privés qui auront saisi cette aubaine ! Efforts publics, gains privés, telle est la logique, ou plutôt l'absence de logique de ce gouvernement.
Comprenez mes doutes, monsieur le ministre - et, en la circonstance, c'est plutôt au ministre chargé des transports que je m'adresse -, quand j'apprends la relance d'une autoroute ferroviaire entre Luxembourg et Perpignan : voilà vingt-cinq ans qu'il en est question ! Est-ce la fin de la mise à mort budgétaire du transport combiné engagée depuis trois ans par le Gouvernement ?
Or cette autoroute ferroviaire doit passer par le corridor ouest-lorrain, dans la mise aux normes duquel ont été investis 150 millions de francs dans la perspective du transport combiné ; on attendait cinquante trains par jour, moins de dix circulent aujourd'hui ! Alors, que signifient ces annonces ? Envisagez-vous, monsieur le ministre, d'inscrire en loi de finances des subventions pour le maintien et la relance des plates-formes de transport combiné, que nous sommes en train de fermer une à une ?
Surtout, avec quel argent ce projet sera-t-il conduit ? Les crédits de l'agence viennent de s'évaporer, et ce ne sont pas les récentes déclarations du ministre de l'économie et des finances qui nous laissent espérer un effort budgétaire en la matière.
Bien entendu, une autre source de financement pourrait résider dans l'instauration d'une redevance d'usage pour le transport routier, comme cela se pratique en Allemagne. Il en est question, mais rien ne vient. Où en est ce dossier ?
En résumé, monsieur le ministre, il est clair que votre gouvernement agit sans véritable vision globale des transports. Je le répète, ce n'est pas contre la concurrence des transporteurs routiers étrangers que vont s'appliquer les mesures contenues dans ce texte, mais contre les modes de transport alternatifs nationaux, qui sont déjà en train de perdre des parts de marché, et que votre politique condamne à brève échéance.
Au-delà de l'aspect social, c'est une raison supplémentaire de ne pas voter ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais avant toute chose remercier Jackie Pierre et Yannick Texier de la qualité de leurs rapports. Je les remercie surtout de n'avoir pas proposé d'amendement : cela vous permettra, si tout va bien, de voter un texte conforme, comme le souhaite le Gouvernement.
Croyez, monsieur le rapporteur pour avis, que la question de la taxation du carburant est l'objet d'un combat que nous menons en permanence à Bruxelles. Dominique Perben a en tout cas la volonté farouche d'aboutir, et nous espérons y parvenir.
Monsieur Boyer, les progrès que nous avons obtenus s'agissant du cabotage représentent effectivement une avancée certaine et très importante dont nous pouvons nous féliciter.
Vous avez aussi, et surtout, évoqué le caractère exceptionnel que devait garder le recours aux ordonnances. Nous partageons votre avis, mais certains sujets brûlants demandent à être « poussés » au maximum : le Gouvernement est alors obligé d'emprunter ce chemin.
Selon Claude Domeizel, l'ordonnance n'a fait l'objet d'aucune concertation : à l'en croire, nous avons brutalement proposé un texte, les syndicats étant simplement « informés ». J'avoue ma surprise devant de tels propos, alors que les partenaires sociaux, dont les organisations syndicales, ont été consultés sur le projet d'ordonnance à la fin de septembre et au début d'octobre 2004, au cours de quatre réunions organisées par le ministère.
Une réunion s'est tenue pour chaque secteur d'activité concerné : transport routier, navigation intérieure, réseau ferroviaire, ainsi qu'avec les syndicats de cheminots au titre du transport ferroviaire hors SNCF. Le projet d'ordonnance avait été communiqué aux participants plusieurs jours avant chacune de ces réunions, à la suite desquelles le projet a été modifié sur plusieurs points dans un sens favorable aux salariés.
Mme Hélène Luc. Vous savez bien que les cheminots sont contre !
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Enfin, s'agissant du transport routier de marchandises, une mission de concertation confiée à Georges Dobias s'est déroulée durant plusieurs mois au printemps 2004 : la concertation a donc été bien réelle et a enregistré des résultats tangibles.
Mme Hélène Luc. Qu'ont dit les cheminots ?
M. Léon Bertrand, ministre délégué. En matière de durée du temps de travail, monsieur Muzeau, l'ordonnance n'aggrave en rien les dérogations prévues dans la directive, à laquelle elle est parfaitement conforme. Ainsi, elle fixe une durée maximale hebdomadaire moyenne de travail de quarante-six heures sur trois mois là où la directive autorise quarante-huit heures sur quatre mois : nous sommes donc même deux heures en deçà !
Monsieur Muzeau, monsieur Domeizel, vous avez repris le slogan : « travailler plus pour gagner plus » en nous reprochant, en fin de compte, de n'être pas en mesure de l'appliquer. Or le lissage des heures supplémentaires est sans incidence sur les rémunérations : celles-ci, en application de l'accord collectif de branche du 23 avril 2002, qui n'est pas remis en cause, restent déterminées sur une base mensuelle. Les heures de temps de service que le décret permet d'effectuer en plus sont des heures supplémentaires rémunérées comme telles : en d'autres termes, on travaille plus pour gagner plus.
M. Daniel Reiner. Et les repos compensateurs ?
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Vous avez également prédit, monsieur Muzeau, monsieur Domeizel, que cette ordonnance détruirait le rythme de travail des routiers, au mépris de leur santé et de la sécurité routière.
Les normes qui visent à assurer la sécurité routière sont préservées, je le confirme, ainsi, bien sûr, que la réglementation communautaire des temps de conduite et de repos et que la durée maximale du temps de service des conducteurs grands routiers sur une semaine isolée, qui reste limitée à cinquante-six heures, alors que la directive communautaire prévoit soixante heures.
Par ailleurs, les contrôles du respect des temps de conduite et de repos seront renforcés grâce à l'augmentation des effectifs, comme Gilles de Robien s'y était engagé dans le cadre du plan du 8 septembre 2004.
Enfin, monsieur Reiner, vous avez regretté que le ministre chargé des transports ne soit pas présent lui-même dans cet hémicycle. Permettez-moi simplement de vous rappeler, monsieur le sénateur, que j'appartiens à un grand ministère qui est à la fois celui des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Par conséquent, il ne me paraît pas illégitime de vous répondre ce soir.
M. Daniel Reiner. Bien sûr !
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Ainsi, s'agissant de la sanction à partir du trentième jour prévue dans les dispositions s'appliquant au cabotage, le Gouvernement n'a fait que s'aligner sur une directive européenne. (M. Daniel Reiner proteste.) Il a d'ailleurs consenti sur cette question un effort important qui pourrait être une raison suffisante pour que ce projet de loi soit adopté ce soir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Et adopté conforme !
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques précisions que je souhaitais vous apporter.
Ce texte difficile, issu d'une longue concertation, est équilibré et permettra à la fois de protéger le salarié et, grâce à des assouplissements, de rendre ce secteur concurrentiel. Nous en avons besoin, car nous perdons des parts de marché que les Espagnols sont en train de gagner : si nous voulons véritablement préserver l'emploi, nous ne pouvons prendre d'autre chemin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Muzeau, Billout, Fischer, Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 6, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2004-1197 du 12 novembre 2004 portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports (n° 287, 2004-2005).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Michel Billout, auteur de la motion.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'aborder le contenu même de ce projet de loi, je voudrais, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, manifester notre profond regret de l'utilisation de la procédure des ordonnances pour légiférer dans un domaine aussi important que celui du droit du travail.
Cette possibilité, offerte au Gouvernement par la Constitution de la Ve République, ne correspond pas à un fonctionnement démocratique. Ainsi, le Parlement, privé de son pouvoir législatif, ne doit que ratifier ou non un texte rédigé par le Gouvernement.
Pourtant, cette procédure a l'air de satisfaire les parlementaires de la majorité, puisqu'ils ont adopté de nouvelles lois d'habilitation pas plus tard que la semaine dernière.
Alors même que le résultat du référendum du 29 mai dernier aurait dû l'inciter à un plus grand respect du peuple, y compris à travers ses représentants au Parlement, la majorité gouvernementale passe outre, bien décidée à mettre en oeuvre son projet libéral fondé sur la mise en concurrence et la rentabilité immédiate.
En l'occurrence, si cette procédure législative ne nous satisfait pas, nous apprécions encore moins que les décrets d'application, notamment celui du 31 mars dernier, aient été pris avant même la ratification par le Parlement de l'ordonnance sur le temps de travail dans les transports. C'est un autre déni de démocratie, une véritable atteinte à la souveraineté du peuple français, à laquelle vous ajoutez, monsieur le ministre, la demande d'un vote conforme : la panoplie est complète ! Que faisons-nous ici ?
M. Roland Muzeau. Eh oui !
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Michel Billout. Pour ces raisons, nous serions déjà fondés à ne pas ratifier cette ordonnance ; ce ne sont malheureusement pas les seules.
Je ne reviendrai pas, en défendant cette motion, sur les aspects sociaux de la déréglementation du travail, mon collègue et ami Roland Muzeau ayant déjà expliqué tous les risques que cette ordonnance faisait peser sur les travailleurs du secteur des transports en les précarisant davantage, en les privant de droits sociaux.
Je voudrais pour ma part alerter notre assemblée sur les risques économiques qui concernent ce secteur d'activité, en développant quelques arguments qui ont été peu abordés au cours du débat.
En effet, depuis maintenant plusieurs mois, nous proposons de débattre de l'avenir du transport ferroviaire et du transport combiné,...
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Michel Billout. ... mais nous le faisons sans succès, puisque même la question orale avec débat proposée par le groupe communiste républicain et citoyen n'a pas été retenue par la conférence des présidents.
Si le Gouvernement, comme la Commission européenne dans le Livre blanc des transports, exprime régulièrement sa volonté de promouvoir le rééquilibrage des modes de transport comme alternative au tout-routier, mode de transport particulièrement polluant et dangereux, force est de constater que les réformes annoncées et mises en oeuvre ne correspondent ni aux attentes ni aux enjeux.
Prenant le contre-pied de ces considérations, M. Gilles de Robien, alors ministre des transports, présentait le 8 septembre dernier un plan pour le développement du transport routier de marchandises, avec pour objectif de donner une plus grande souplesse aux règles de la législation sociale. Ce plan, argumentait-il, se justifiait par la concurrence absolument déloyale exercée par les pays européens bénéficiant d'une législation sociale moins protectrice des droits des travailleurs dans le secteur routier.
Pourtant, l'organisation de la concurrence dans le Marché commun est une conséquence directe des politiques européennes de déréglementation, dans lesquelles le coût du travail est considéré comme un handicap structurel à la compétitivité. Ainsi, l'harmonisation sociale prévue par les traités est une harmonisation à la baisse qui lamine les droits sociaux des salariés.
Le Gouvernement français, au lieu de remettre en cause le système du tout-concurrentiel, a préféré, dans la droite ligne de la Commission européenne, mettre en cause les droits sociaux des travailleurs dans le secteur des transports en faisant du transport routier de marchandises à bas coût l'axe prioritaire de la réorganisation des transports.
De plus, en organisant le dumping social dans le secteur routier, monsieur le ministre, vous permettez une distorsion de concurrence entre les différents modes de transport, pénalisant une nouvelle fois le fret ferroviaire.
En effet, ces dérogations au droit du travail dans le secteur du transport routier de marchandises se traduiront nécessairement par une baisse des prix des prestations offertes. Ainsi, le mode routier sera bien plus économique pour les entreprises que le mode ferroviaire, malgré les avantages du rail en termes de sécurité, d'économie d'énergie, d'aménagement du territoire et de préservation de l'environnement.
Est-ce de la sorte que vous voulez faire du fret ferroviaire une alternative à la route en matière de transport de marchandises ? Il est pourtant urgent de développer le fret ferroviaire, quand on sait que le transport de marchandises devrait augmenter de 40 % d'ici à 2020 : c'est dès aujourd'hui, sans plus attendre, que des politiques ambitieuses doivent être mises en oeuvre !
De plus, un audit sur l'évaluation des infrastructures récemment remis au Gouvernement recommanderait, notamment, une diminution des frais d'entretien de ces infrastructures. Comment comprendre de telles conclusions, alors que le manque d'investissement dans l'entretien des voies oblige déjà la SNCF à ralentir ses trains sur au moins 800 kilomètres du réseau ?
En ce qui concerne les routes et les autoroutes, en revanche, avec le transfert des premières aux départements et la privatisation des secondes, l'entretien du réseau ne sera bientôt plus l'affaire de l'Etat.
Il existe donc un véritable problème de financement des infrastructures pour permettre la promotion du rail et une diminution des risques de la route.
D'autre part, le champ d'application de l'ordonnance, qui concerne les transporteurs routiers et ferroviaires en dehors des entreprises à statut, pose aussi problème.
En effet, cette différentiation entre des entreprises à statut, c'est-à-dire la SNCF et la RATP, et des sociétés privées entrantes va également créer une distorsion de concurrence dans le domaine du fret ferroviaire, libéralisé par les directives européennes depuis le 15 mars 2003.
Ainsi, on offre à la Connex, filiale de Véolia Environnement, des conditions concurrentielles plus favorables en lui permettant de limiter ses coûts sociaux, mais au risque, là aussi, de compromettre la sécurité.
Ainsi, après avoir dégagé des sillons pour de nouveaux opérateurs, on va jusqu'à leur fournir des conditions sociales plus avantageuses.
A cela, on peut ajouter que les patrons routiers ont reçu en 2005 un milliard d'euros de l'Etat sous forme de nouvelles exonérations de taxe professionnelle. Curieuse conception d'une concurrence « libre et non faussée » ! Il sera ensuite facile de constater que la SNCF est en difficulté.
A force de libéralisation, de plan de casse de l'outil de production et de dispositions favorables aux nouveaux opérateurs entrants, il sera de plus en plus difficile pour la SNCF d'assurer ses missions de service public.
En effet, le plan fret SNCF et le plan de réorganisation du transport combiné, fondés sur la rentabilité économique immédiate, ont déjà fait augmenter de 200 000 le nombre de camions sur les routes en 2004, en supprimant 3 505 emplois et en abandonnant 22 000 sillons au 12 décembre 2004.
De plus, le volume de marchandises transporté par la SNCF a diminué de 3,7 % en 2004 et de 6,2 % pour le transport combiné. On est donc loin des objectifs affichés par le plan Véron !
Ce plan, présenté par son concepteur comme un plan de développement du fret ferroviaire, montre son vrai visage : c'est un plan de repli et de casse de l'outil de production en limitant la capacité de production, tant en ce qui concerne la masse salariale que les infrastructures.
En 2005, les résultats du premier trimestre accentuent la tendance dangereuse de 2004 avec une nouvelle baisse de 10,8 % des tonnes transportées par kilomètre.
Ces plans consacrent le repli du fret ferroviaire. Pourtant, les enjeux de préservation de l'environnement, de maîtrise et d'économie de l'énergie, de sécurité publique appellent à se poser concrètement la question du rééquilibrage entre les différents modes de transport.
Je rappellerai à ce propos quelques faits qui doivent nous inciter à réfléchir à la pertinence des politiques gouvernementales de promotion du transport routier.
Premièrement, le transport routier est à l'origine de 84 % des émissions de gaz à effet de serre.
Deuxièmement, les coûts externes supportés par la société dans le secteur des transports représentent 650 milliards d'euros par an, dont 83 % sont générés par la route.
Troisièmement, pour transporter la même quantité de marchandises, le rail consomme trois fois moins d'énergie que la route, et ce sans compter les risques que fait peser cette nouvelle réglementation du travail concernant la sécurité publique. On connaît pourtant les conséquences dramatiques des accidents dans lesquels sont impliqués des poids lourds !
On ne peut transiger sur ces questions : l'homme doit rester plus important que le marché. Pour le bénéfice de quelques-uns, il est trop dangereux de s'arranger avec la sécurité et la préservation de l'environnement.
Dans ce sens, et pour respecter les engagements pris par le Président de la République lors de la signature du protocole de Kyoto, en vigueur depuis peu, la puissance publique doit rester l'autorité disposant de la maîtrise et de la régulation de l'ensemble du secteur. Elle doit imposer une tarification des transports qui tienne réellement compte du coût de réalisation et d'entretien des infrastructures et activer une politique multimodale des transports et de l'équipement, s'appuyant sur le développement des services publics et le respect de l'environnement.
D'ailleurs, le Président de la République a annoncé, lors du sommet du G8, son intention de réunir l'an prochain à Paris une conférence internationale sur le sujet capital du réchauffement de la planète. Il a réaffirmé sa volonté d'agir pour la réduction des gaz à effet de serre, l'amélioration de l'environnement mondial et le renforcement de la sécurité énergétique. Dès lors, la promotion des modes de transport alternatifs à la route apparaît comme une priorité. Ce n'est pourtant pas le cas dans ce projet de loi !
Un autre élément fondamental de la promotion du rail consisterait en la reprise de la dette de RFF et de la SNCF, sur laquelle l'Etat s'était engagé, mais cet engagement n'a pas été tenu. Pour recapitaliser son activité, la SNCF cède d'importants actifs fonciers aux promoteurs. Il est certes nécessaire d'augmenter l'offre de logements en France, mais nous avons aussi besoin d'un service public ferroviaire performant, capable de répondre aux demandes des usagers.
De plus, si le Gouvernement souhaitait légiférer dans le domaine du transport routier, il aurait dû aborder mieux qu'il ne l'a fait la question du cabotage, qui reste un problème majeur en raison d'un manque flagrant de contrôle et de réglementation. Avec le cabotage, le secteur du transport routier de marchandises est donc « bolkesteinisé » avant l'heure.
D'autre part, nous espérons qu'en 2006 les subventions accordées au transport combiné augmenteront. Il faut dire qu'elles n'ont jamais été aussi basses : elles sont passées de 92 millions d'euros en 2002 à 16 millions d'euros en 2005 !
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen interviendront donc pour que des engagements concrets soient pris par l'Etat pour le financement des grandes infrastructures ferroviaires, notamment s'agissant de la réalisation de la ligne Lyon-Turin.
Parce que cette ordonnance pénalise les salariés du secteur routier en appliquant la formule favorite du MEDEF - « travailler plus pour gagner moins » -, parce que la question du développement d'une politique des transports axée sur l'intermodalité et favorisant l'essor du fret ferroviaire est un problème urgent qui ne peut être laissé au seul marché, parce que nous considérons que cette ordonnance contribue à organiser le dumping social dans une Europe libérale, symbolisée par le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe - que le peuple français a rejeté -, parce qu'il faut maintenant que le Gouvernement s'engage concrètement contre le « tout-routier », les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen appellent les sénatrices et les sénateurs à adopter cette question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jackie Pierre, rapporteur. Si les décrets d'application de l'ordonnance ont été pris rapidement - antérieurement à la présente ratification -, c'est pour satisfaire à l'obligation de se conformer à des directives dont les délais limites de transposition étaient expirés.
Mme Hélène Luc. On a bien compris !
M. Jackie Pierre, rapporteur. Par ailleurs, les assouplissements que déplorent les auteurs de la motion ne sont pas préjudiciables au service public ferroviaire. Ils sont tout simplement destinés à mieux supporter la concurrence des pavillons étrangers qui, seuls, tirent profit de la moindre compétitivité du pavillon français.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable.
Mme Hélène Luc. Je ne sais pas pourquoi nous discutons : cela ne sert à rien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Les auteurs de la motion tendant à opposer la question préalable ignorent la nécessité de remplir les engagements communautaires de notre pays.
Comme je vous l'ai indiqué lors de la discussion générale, l'ordonnance qu'il vous est proposé de ratifier transpose deux textes européens : la directive 2003/88 du 4 novembre 2003 et la directive 2002/15 du 11 mars 2002.
La France a toujours respecté et respectera toujours ses engagements européens. Transposer les textes européens fait partie de nos engagements, il en va de l'image de marque de notre pays. J'ajouterai que, pour être crédible et audible à Bruxelles, il faut être exemplaire. Vous l'avez oublié dans votre motion tendant à opposer la question préalable !
Par ailleurs, vos arguments ignorent la nécessité d'assurer la compétitivité, et donc l'emploi de nos entreprises de transport face à leurs concurrentes étrangères. Il faut se souvenir que les entreprises étrangères réalisent en France près du tiers du cabotage de toute l'Union !
De plus, en France, le transport routier représente près de 370 000 emplois et 41 000 entreprises.
Ce gouvernement s'est battu, se bat et se battra toujours à Bruxelles pour que les directives harmonisent les règles du transport routier à l'échelon du continent. Il en va de la survie de l'emploi et de nos industries.
Mais, inversement, si nous n'appliquons pas les règles européennes, ce seront des employés français et des entreprises françaises qui en pâtiront.
Mme Hélène Luc. Vous n'avez rien compris au résultat du référendum !
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Enfin, vous ignorez l'urgence que présente la situation du pavillon français.
Le Gouvernement, quant à lui, connaît très bien les difficultés de la profession et l'urgence des mesures à prendre pour redresser la situation.
C'est la raison pour laquelle les dispositions encadrant le cabotage ont été soutenues à l'Assemblée nationale pour rétablir le même cadre économique pour tous les transporteurs, français comme étrangers. Les mesures de cette ordonnance sont urgentes et elles sont demandées avec insistance par la profession, les patrons comme les chauffeurs. Le Gouvernement leur fait confiance : ils savent ce dont ils ont besoin.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 6, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 199 :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 119 |
Contre | 207 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
I. - Les articles 1er, 4, 5 et 7 de l'ordonnance n° 2004-1197 du 12 novembre 2004 portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports sont ratifiés.
II. - L'article 2 de la même ordonnance est ratifié sous réserve des modifications suivantes à l'article L. 213-11 du code du travail :
1° Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'application de l'article L. 213-2 relatif à la définition du travailleur de nuit, la période nocturne à retenir est celle définie en application des deux alinéas précédents. » ;
2° Le dernier alinéa du II est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour les personnels navigants des entreprises de navigation intérieure, une convention ou un accord de branche peuvent déroger à la durée quotidienne du travail fixée à l'alinéa précédent, sous réserve de prévoir une durée quotidienne du travail des travailleurs de nuit qui n'excède pas douze heures par période de vingt-quatre heures et que ceux-ci bénéficient, outre des jours de repos et de congés légaux, de jours de repos supplémentaires en nombre suffisant. » ;
3° Le même II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables au personnel roulant des entreprises de transport routier. » ;
4° Le III est ainsi rédigé :
« III. - La durée quotidienne du travail d'un salarié appartenant au personnel roulant d'une entreprise de transport routier ne peut excéder dix heures, conformément au second alinéa de l'article L. 212-1, lorsque ce salarié est un travailleur de nuit ou lorsqu'il accomplit, sur une période de vingt-quatre heures, une partie de son travail dans l'intervalle compris entre 24 heures et 5 heures. Il ne peut être dérogé à ces dispositions qu'en cas de circonstances exceptionnelles dans des conditions et selon des modalités fixées par décret, après consultation des organisations syndicales représentatives au plan national des employeurs et des salariés du secteur. » ;
5° Il est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. - Les dispositions de l'article L. 213-3 ne sont pas applicables aux salariés relevant du présent article. »
III. - L'article 3 de la même ordonnance est ratifié sous réserve de la suppression de son second alinéa.
IV. - L'article 6 de la même ordonnance est ratifié sous réserve de la suppression, à l'article 7 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail, des mots : « et aux personnels employés sur les navires ».
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, sur l'article.
Mme Hélène Luc. Mes amis Roland Muzeau et Michel Billout ont très bien montré les conséquences de la transposition de cette directive communautaire.
Monsieur le ministre, nous sommes à la fin de la session, et vous demandez un vote conforme. Tout est clair ! Toutefois, ceux qui voteront cette directive prennent une grave responsabilité sur le plan économique et sur le plan environnemental.
Ce projet de loi devait être examiné avant le référendum, mais M. Raffarin l'avait retirée de l'ordre du jour. Cependant, le nouveau Premier ministre, voulant faire mieux, va légiférer par ordonnance, et il va pouvoir aggraver les mesures qui vont être prises.
Vous parlez d'emplois, et vous présentez comme un progrès le fait de ramener la durée du travail à quarante-huit heures. En vous entendant, on croit rêver ! Alors que les trente-cinq heures ont été instaurées en France, voilà que l'on veut maintenant ramener la durée du travail des routiers à quarante-huit heures... et même plus, car nous savons très bien que cela ne s'arrêtera pas là : comme l'a dit mon ami Roland Muzeau, non seulement le temps de travail augmentera, mais la rémunération de chaque heure diminuera également.
Il faut donc bien mesurer ce qui est en train de se passer aujourd'hui : conséquence de l'organisation ultralibérale du transport des marchandises, le salariat des pays de l'Est est devenu omniprésent à l'international, avec des conditions de travail inacceptables et - je pèse mes mots - dignes de Zola !
Mme Hélène Luc. De véritables campements bordent les routes, les chauffeurs routiers ne se voient proposer, pour tout menu, que des boîtes de ration et, pour tout logement, que la cabine de leur camion. En définitive, ce sont de véritables « Sangatte mobiles », qui n'offusquent ni le ministre des transports ni le ministre de l'intérieur dès lors que cela rapporte de l'argent à leurs amis du patronat.
Par ailleurs, l'incidence environnementale n'est plus à démontrer. Elle se mesure à l'aune des coûts supportés par la société. A cet égard, la facture est élevée : 650 milliards d'euros par an en Europe, dont 83 % sont imputables à la route, et 235 milliards d'euros rien que pour le fret.
Les statistiques sont éloquentes, et montrent que la part des poids lourds dans la circulation routière totale est énorme. En 2003, alors qu'ils ont effectué 6 % des kilomètres parcourus, ils ont été impliqués dans 12,4 % des accidents mortels, avec une gravité deux fois et demie plus importante. Ainsi, 4 472 accidents impliquant un poids lourd ont causé la mort de 720 personnes, dont 107 salariés de la route, qui paient donc un lourd tribut. En outre, on dénombre 28 % d'accidents en plus le vendredi par rapport au lundi, la fatigue accumulée toute la semaine favorisant la perte de vigilance. Toujours en 2003, la circulation des poids lourds en France s'est élevée à 33,4 milliards de véhicules/kilomètres. La proportion des camions étrangers s'accroît, et nous constatons une implication de plus en plus prononcée de ces derniers dans les accidents mortels.
Alors que le nombre d'accidents de poids lourds a diminué de 32 % de 1999 à 2003, ils augmentent de nouveau d'une manière très inquiétante.
Monsieur le ministre, lors d'une récente séance de questions d'actualité, j'avais déjà interrogé le Gouvernement sur le problème du transport combiné rail-route. Dernièrement, le Sénat a refusé d'inscrire à l'ordre du jour la question orale avec débat de mon ami Michel Billout sur le même sujet. Je vous demande donc qu'un débat ait lieu à la rentrée sur cette politique nationale du transport des marchandises et des usagers.
Du reste, n'en déduisez surtout pas que nous voulons opposer les routiers aux employés de la SNCF et de la CNC, la Compagnie nationale de conteneurs, responsable du transport combiné pour la région d'Ile-de-France !
Cela étant, demain matin, nous nous rendrons en délégation au ministère des transports.
Mme Hélène Luc. Tous ensemble, élus nationaux, départementaux, régionaux, représentants des comités de défense pour l'environnement, responsables de la CNC, nous entendons bien être reçus !
D'ores et déjà, je peux vous annoncer l'organisation, au cours de l'automne, des assises régionales pour le transport combiné, pour le transport des marchandises et pour le transport des voyageurs. En effet, nous n'acceptons pas que la SNCF privatise et brade le transport des marchandises, car c'est bien de cela qu'il s'agit avec Novotrans, avec la CNC.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne manquerons pas de reparler de cette question, et vous verrez que nous serons nombreux. Avec les routiers, avec les cheminots, avec les usagers de la route, avec les habitants des villes de la région d'Ile-de-France,...
M. Robert Del Picchia. Et ceux des campagnes !
Mme Hélène Luc. ...mais pas seulement eux, nous serons nombreux à refuser l'asphyxie de nos régions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jackie Pierre, rapporteur. Monsieur le président, la commission des affaires sociales demande la réserve des amendements identiques nos 1 rectifié et 5 jusqu'après l'examen de l'amendement n° 4.
M. Jean-Jacques Hyest. Bonne idée !
M. Roland Muzeau. Dans ces conditions, il n'y a plus qu'à aller se coucher !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. le président. En conséquence, la réserve est ordonnée.
Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 7, présenté par MM. Reiner, Domeizel et Godefroy, Mmes Le Texier et Demontes, M. Ries et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Plusieurs d'entre nous l'ont souligné - c'était une symphonie ! -, nous regrettons que le Gouvernement utilise le prétexte d'une transposition de directive communautaire pour remettre en cause la législation française applicable aux chauffeurs routiers.
L'objet des directives européennes n'est pas le nivellement de la protection sociale par le bas. Par conséquent, s'en servir à cette fin a naturellement donné lieu, comme c'était prévisible, à des interprétation dangereuses de la réalité du projet européen.
Avec ce texte et le décret d'avril 2005, qui sont bien sûr liés, la durée hebdomadaire du travail va augmenter, quoi que vous en disiez, aussi bien pour les conducteurs de courte distance que pour les grands routiers. Non seulement elle augmentera en valeur absolue, passant de quarante-huit à cinquante-deux heures pour les premiers et de cinquante à cinquante-trois heures pour les seconds, mais la possibilité de faire enchaîner des semaines plus denses aux chauffeurs routiers est aussi accrue, puisque la moyenne hebdomadaire sera calculée sur trois mois, ou même quatre mois, et non plus sur un seul.
Le résultat est indéniable : un employeur pourra faire travailler un grand routier cinquante-six heures par semaine pendant deux mois et demi d'affilée.
M. Jackie Pierre, rapporteur. Non !
M. Daniel Reiner. De plus, le décompte de la durée du travail, des heures supplémentaires et des repos compensateurs sur trois ou quatre mois va naturellement entraîner un seuil de déclenchement plus élevé. Il en résultera que, sous ce seuil, pour un temps de travail identique, plus aucune heure supplémentaire ne sera payée.
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Daniel Reiner. En moyenne, les salariés nous l'ont assuré, trente-deux jours de repos compensateur pourraient disparaître, ce qui aura inévitablement pour conséquence une baisse de rémunération ou une augmentation de la durée du travail.
En réalité, le Gouvernement a pour objectif avoué de diminuer le différentiel prétendument constaté avec les principaux concurrents du pavillon français, que vous estimez à 20 %. Nos chauffeurs routiers ne sont pas mieux rémunérés que les chauffeurs néerlandais ou allemands,...
Mme Hélène Luc. Ou luxembourgeois !
M. Daniel Reiner. ...mais ils bénéficient d'une meilleure législation du travail.
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Daniel Reiner. Par votre réforme, ils travailleront plus et ils gagneront moins. Comment voulez-vous qu'ils soient d'accord ?
Ce n'est pas avec les chauffeurs routiers d'Europe de l'Ouest que vous allez les rendre compétitifs, mais c'est avec les chauffeurs venus de l'Est, lesquels, j'ai pu le constater sur nos routes de Lorraine, travaillent dans des conditions inqualifiables.
M. Roland Muzeau. Exactement !
M. Daniel Reiner. En définitive, on peut se demander ce qui reste du discours du Président de la République sur la sécurité routière.
M. Roland Muzeau. Rien !
M. Daniel Reiner. Comme dans d'autres domaines du droit du travail, il y a plus qu'un fossé : c'est une véritable opposition entre les intentions affichées et la politique réellement mise en oeuvre.
Certes, nous nous félicitons de ce que, vis-à-vis des automobilistes, la prévention et, surtout, la répression contre les chauffards aient porté leurs fruits. Il est donc important de la poursuivre sans faiblesse.
Toutefois, il n'en est pas de même à l'égard des entreprises de transport routier. Dans ce cas, c'est la conception de l'entreprise libérale qui prime, et la sécurité routière passe en second. Comment expliquer autrement qu'il y ait aussi peu de contrôles ? Une entreprise est en moyenne contrôlée tous les huit ans ! Les contrôleurs eux-mêmes reconnaissent qu'ils ne disposent pas des moyens d'être toujours efficaces : pour faire face aux besoins, il faudrait au moins créer cinquante postes supplémentaires de contrôleurs !
Les chauffeurs routiers sont soucieux de la sécurité routière. Ils savent qu'ils ont entre les mains une machine qui peut provoquer de terribles accidents. Ils savent aussi que la fatigue, les mauvaises conditions de travail et les rythmes intenables sont, dans leur métier, la première cause d'accident.
L'une des premières conditions de réussite de la lutte pour la sécurité routière, c'est que les professionnels de la route, les grands routiers comme les convoyeurs de fonds ou les conducteurs de messageries, conservent des conditions de travail correctes.
Votre utilisation de la directive européenne va en sens inverse. Comme d'habitude, en matière sociale, vous répondez exclusivement aux exigences du patronat, en prenant prétexte de la concurrence internationale.
Vous portez ainsi atteinte aux salaires et aux conditions de travail des chauffeurs routiers et, en conséquence, à la sécurité de l'ensemble des usagers de la route. C'est, à nos yeux, une attitude irresponsable qui va à l'encontre de l'intérêt général que vous prétendez défendre.
Telles sont les raisons qui justifient amplement la suppression de cet article unique.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Texier, est ainsi libellé :
I. Compléter le texte proposé par le 3° du II de cet article pour compléter le II de l'article L. 213-11 du code du travail par les mots :
, à l'exception de celui des entreprises de transport sanitaire
II. En conséquence, dans la première phrase du texte proposé par 4° du II de cet article pour le III de l'article L. 213-11 du code du travail, après les mots :
transport routier
insérer les mots :
, à l'exception de celui des entreprises de transport sanitaire,
La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. Cet amendement vise à prévoir, pour le personnel roulant des entreprises de transport sanitaire, la possibilité de déroger à la durée maximale de dix heures quotidiennes en cas de travail de nuit.
Il convient en effet de prendre en compte les contraintes spécifiques de la profession d'ambulancier, qui impose notamment des gardes de nuit régulières de douze heures.
Je précise que la directive européenne que nous transposons prévoit explicitement la possibilité d'une telle dérogation pour le transport sanitaire.
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Hyest, Gournac et Houel et Mme Malovry, est ainsi libellé :
Après le III de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - « L'article 4 de la même ordonnance est ratifié sous réserve que dans la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 220-3 du code du travail, après les mots : "transport public" soient insérés les mots : "interurbain pour les lignes ne dépassant pas 50 kilomètres et". »
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Cet amendement vise à réparer ce qui n'est certainement qu'un oubli. En effet, l'ordonnance ne fait pas référence au transport public interurbain, qui concerne les lignes ne dépassant pas cinquante kilomètres mais qui relève de la même nomenclature que le transport public urbain.
L'article 26 de la directive prévoit une approche pragmatique puisqu'une consultation européenne aura lieu avec les partenaires sociaux dans le secteur du transport de voyageurs, mais uniquement sur les lignes de transport urbain régulier.
Par conséquent, si l'ordonnance, qui prévoit des pauses obligatoires de quinze minutes, n'est pas rectifiée, une inégalité de traitement caractérisée risque d'apparaître et de modifier substantiellement l'exploitation des lignes interurbaines à fort cadencement dans les zones périurbaines. C'est particulièrement vrai dans la grande couronne de la région d'Ile-de-France, mais je suppose que c'est la même chose dans les autres grandes agglomérations.
C'est pourquoi il y aurait lieu d'inclure les lignes interurbaines de transport dans l'exception visée au premier alinéa de l'article L. 220-3 du code du travail, sous réserve, bien entendu, des accords prévus au troisième alinéa du même article.
Mes collègues et moi-même sommes extrêmement inquiets de l'avenir de ces lignes, qui, en Ile-de-France, sont gérées par le réseau OPTILE. Au lieu d'êtres obligatoires, les pauses doivent également pouvoir être fractionnées dans les entreprises de transport interurbain.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Texier, est ainsi libellé :
Après le III de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
.... - L'article 4 de la même ordonnance est ratifié sous réserve des modifications suivantes à l'article L. 220-3 du code du travail :
1° Dans le troisième alinéa, les mots : « relevant du premier alinéa ci-dessus à l'exception des entreprises de transport routier » sont remplacés par les mots : « de navigation intérieure, de transport ferroviaire, des entreprises assurant la restauration et exploitant les places couchées dans les trains et des entreprises de transport sanitaire » ;
2° Dans la première phrase du dernier alinéa, après les mots : « entreprises de transport routier », sont insérés les mots : «, à l'exception de celui des entreprises de transport sanitaire, ».
La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. Cet amendement vise à assouplir, pour le personnel roulant des entreprises de transport sanitaire, le régime de pauses obligatoires prévu par l'article 4 de l'ordonnance.
Il s'agit de prendre en compte les spécificités de la profession d'ambulancier, qui impose à ceux qui l'exercent des temps de disponibilité et d'attente assez longs, les temps de conduite pouvant être brefs, et surtout une obligation d'exécuter le service sans interruption lorsqu'un malade doit effectivement être transporté.
La dérogation que je vous propose est autorisée par la directive communautaire. Elle tend à permettre aux partenaires sociaux de prévoir, par accord ou par convention, le remplacement de la période de pause par une période équivalente de repos compensateur attribuée au plus tard avant la fin de la journée suivante.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 1 rectifié est présenté par MM. Hyest, Gournac et Houel et Mme Malovry.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Texier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le I de cet article, supprimer la référence :
, 4
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour présenter l'amendement n° 1 rectifié.
M. Jean-Jacques Hyest. Il s'agit d'un amendement de conséquence. En effet, l'article 4 de l'ordonnance n'ayant pas été modifié, il convient de ne pas le viser dans le présent texte.
M. le président. La parole est à M. Yannick Texier, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Yannick Texier. Cet amendement a le même objet, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jackie Pierre, rapporteur. Selon M. Reiner, les patrons auraient l'autorisation de faire travailler les employés cinquante-six heures par semaine pendant deux mois et demi. Or, en réalité, il s'agit de cinquante-trois heures par semaine en moyenne sur une période de trois mois. Vous pensez bien, monsieur Reiner, qu'il n'a jamais été question de faire travailler les salariés cinquante-six heures par semaine pendant deux mois et demi, ce qui représenterait un volume horaire bien supérieur à la moyenne !
L'amendement n° 7 tendant à supprimer l'article unique du présent projet de loi, la commission y est naturellement défavorable.
Sur l'amendement n° 3, la commission a émis un avis favorable.
Concernant l'amendement n° 2 rectifié, la commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement. Si celui-ci était défavorable, elle s'alignerait sur cette position.
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas possible !
M. Daniel Reiner. Mais si ! Il n'y a pas de raison, c'est comme pour nous ! (Rires.)
M. Jackie Pierre, rapporteur. Sur l'amendement n° 4, la commission a émis un avis favorable.
Enfin, la commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 1 rectifié et 5.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Léon Bertrand, ministre délégué. S'agissant de l'amendement n° 7, je rappelle que la durée totale du travail n'est pas modifiée, comme j'ai eu l'occasion de le dire voilà quelques instants. Elle peut être de cinquante-six heures par semaine pendant une semaine seulement, et non pas pendant deux mois et demi, comme cela a été dit.
En outre, le calcul du repos compensateur est actuellement trop compliqué : il est donc simplifié et rendu lisible, afin que tout le monde puisse le comprendre. C'est donc mieux pour les salariés et pour les employeurs.
M. Daniel Reiner. Les salariés ne l'ont pas compris !
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Vous avez également soutenu, monsieur Reiner, que le résultat obtenu est de travailler plus pour gagner moins. Cette remarque n'est absolument pas recevable. En effet, le lissage des heures supplémentaires est sans incidence sur les rémunérations. Celles-ci restent déterminées à partir d'une base mensuelle, en application de l'accord collectif de branche du 23 avril 2002, qui n'est pas remis en cause. Par conséquent, les heures de service supplémentaires qu'il est possible d'effectuer sont rémunérées comme telles, ce qui permet de rapprocher le niveau de rémunération mensuelle des conducteurs « grands routiers » de celui qui est en usage en Allemagne, en Belgique ou aux Pays-Bas.
Enfin, j'ajoute que les organisations professionnelles d'employeurs s'étaient engagées, dans le cadre de la concertation menée par M. Georges Dobias, à instaurer par accord collectif une garantie mensuelle de rémunération, ce qui aurait constitué une réelle avancée sociale permettant aux salariés d'éviter de subir des variations de rémunération.
Il est dommage que les syndicats de salariés, par leur refus global du dispositif de transposition, aient refusé toute négociation sur cette proposition.
Dans la discussion générale et en répondant aux auteurs de la motion tendant à opposer la question préalable, j'ai souligné l'attachement du Gouvernement et des professionnels à la ratification de cette ordonnance au cours de la présente session. Je ne peux donc que regretter, monsieur Reiner, votre opposition à ce projet de loi, qui paraît méconnaître l'importance de l'emploi et de la compétitivité pour nos entreprises de transport.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 7.
S'agissant des amendements nos 3, 4 et 5 de M. Texier, la nature des activités de transport sanitaire rend effectivement nécessaire d'exécuter un tel service sans interruption lorsqu'un malade doit être transporté, ce qui peut parfois empêcher l'employé de prendre une pause pendant sa journée de travail.
Toutefois, si un assouplissement allant dans le sens que vous proposez, monsieur Texier, paraît nécessaire, le Gouvernement souhaite aboutir à la ratification de cette ordonnance lors de la session extraordinaire et obtenir aujourd'hui un vote conforme. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Hélène Luc. C'est incroyable !
M. Léon Bertrand, ministre délégué. En tout état de cause, Dominique Perben s'est engagé à régler la question que vous venez de soulever dans le cadre d'un projet de loi sur les transports, qui sera présenté avant la fin de l'année.
Mme Hélène Luc. Certains disent que le Parlement est en crise : c'est bien vrai !
M. Léon Bertrand, ministre délégué. C'est la raison pour laquelle je me sens autorisé à vous demander, monsieur Texier, de bien vouloir retirer les amendements nos 3, 4 et 5, comme je demande à M. Hyest de retirer les amendements nos 2 rectifié et 1 rectifié.
M. le président. Si je comprends bien, monsieur le ministre, le Gouvernement demande le retrait de tous les amendements, excepté celui de M. Reiner, auquel il est défavorable ?
M. Daniel Reiner. C'était pourtant le seul amendement acceptable ! (Sourires.)
M. Daniel Reiner. C'est bien dommage !
M. le président. L'amendement n° 3 est-il maintenu, monsieur Texier ?
M. Yannick Texier. Monsieur le ministre, la solution que vous me proposez n'est pas entièrement satisfaisante, car nous aurions souhaité régler ce problème dès aujourd'hui.
Si l'engagement que vous venez de donner me rassure quelque peu, je voudrais néanmoins être certain que, avant l'examen du futur texte, les transporteurs ambulanciers ne seront pas inquiétés par toutes sortes de contrôles intempestifs en application de la réglementation actuelle.
M. Roland Muzeau. La loi, c'est la loi !
M. Philippe Marini. Ne tirez pas sur les ambulances ! (Sourires.)
Mme Hélène Luc. Que devient le droit d'amendement des parlementaires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Monsieur Texier, ces nouveaux dispositifs seront très rapidement annoncés dans une circulaire d'application.
M. Daniel Reiner. Une circulaire d'application de quoi ?
M. le président. Dans ces conditions, monsieur Texier, l'amendement n° 3 est-il maintenu?
M. Yannick Texier. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.
Monsieur Hyest, l'amendement n° 2 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Hyest. Le Gouvernement a pris des engagements : un nouveau projet de loi sera présenté à l'automne, qui permettra de régler le problème.
M. Roland Muzeau. On aura dépassé les cent jours !
Mme Hélène Luc. Et vous vous étonnez que le « non » triomphe !
M. Jean-Jacques Hyest. Mais ce qui m'ennuie, c'est l'avis défavorable de la commission sur cet amendement, et je ne le comprends toujours pas.
Sans doute pensez-vous, monsieur le rapporteur, que les problèmes de transport routier interurbain ne sont pas de vrais problèmes. Or, si l'on ne trouve pas une solution à cette situation, cela conduira à augmenter les tarifs et donc à augmenter la dépense publique, comme d'aucuns le préconisent dans certains cercles.
M. Philippe Marini. Oh là là !
M. Jean-Jacques Hyest. Il me semble que vous n'avez pas bien lu mon amendement, monsieur le rapporteur !
Néanmoins, puisque c'est le Gouvernement - et non la commission - qui me le demande, j'accepte de retirer mon amendement, à condition que nous réglions ce problème à l'automne.
M. Philippe Marini. Nous y veillerons !
M. Jean-Jacques Hyest. Sachez en tout cas que je ne lâche jamais !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Monsieur Hyest, il est exact que l'exploitation des lignes de transport routier interurbain de voyageurs à fort cadencement dans les zones périurbaines peut rendre difficile l'application des règles fixées au dernier alinéa de l'article L. 220-3 du code du travail pour l'ensemble des salariés du personnel roulant du transport routier.
Ces dispositions prévoient en effet, pour ces salariés, deux pauses d'au moins quinze minutes lorsque la durée du travail quotidien est supérieure à six heures. Or l'organisation du travail dans ce type d'activité se caractérise par des pauses plus nombreuses, mais plus courtes. Il apparaît donc nécessaire d'assouplir le texte sur ce point.
Mais le Gouvernement, je l'ai dit, souhaite aboutir à la ratification de cette ordonnance lors de la session extraordinaire.
Nous allons donc travailler sur cette question et je vous demande, monsieur Hyest, de bien vouloir retirer l'amendement n° 2 rectifié, en tenant compte de cet engagement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jackie Pierre, rapporteur. Monsieur Hyest, la commission souhaitait simplement connaître l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 2 rectifié ; il ne s'agissait pas d'autre chose...
M. le président. Dans ces conditions, monsieur Hyest, l'amendement n° 2 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Hyest. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié est retiré.
Monsieur Texier, l'amendement n° 4 est-il maintenu ?
M. Yannick Texier. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.
En conséquence, les amendements identiques nos 1 rectifié et 5 n'ont plus d'objet.
M. Roland Muzeau. C'est un débat d'enfer !
M. le président. Avant de mettre aux voix l'article unique du projet de loi, je donne la parole à Mme Françoise Henneron, pour explication de vote.
Mme Françoise Henneron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les échanges que nous avons eus ce soir nous auront démontré, si c'était nécessaire, l'ardente nécessité d'agir pour sauvegarder les emplois du secteur du transport routier de marchandises, menacés non seulement par la hausse du prix des carburants, mais surtout par la concurrence de pays qui n'ont pas les mêmes exigences que la France en termes de protection sociale.
Ce projet de loi permet de ratifier l'ordonnance prise par le Gouvernement pour mettre en place une nouvelle réglementation applicable à tous les camions entrant en France, qui doit être strictement observée sous peine de sanctions. Cette ordonnance s'inscrit dans le cadre du plan de mobilisation et de développement en faveur du transport routier de marchandises présenté par M. de Robien le 8 décembre dernier.
Des mesures très concrètes sont ainsi mises en place pour lutter contre les pratiques de cabotage, qui représentent une concurrence déloyale et préjudiciable au secteur.
M. Daniel Reiner. Ce n'est pas dans le texte !
Mme Françoise Henneron. Les chauffeurs étrangers pénétrant sur notre sol seront strictement soumis à la réglementation de notre pays.
Cette ordonnance a également pour avantage de clarifier la réglementation concernant le temps de travail dans les transports routiers, qui est un peu confuse, et de donner une base légale aux décrets dérogatoires qui régissaient cette matière.
Les entreprises de transport bénéficieront de plus de souplesse. Par exemple, les heures supplémentaires seront toujours payées tous les mois ; en revanche, le calcul des heures relevant du repos compensateur pourra dorénavant être effectué sur un trimestre, voire sur quatre mois, par accord d'entreprise.
Cette souplesse ne s'exercera pas aux dépens des salariés, au contraire.
M. Roland Muzeau. On vous croit !
Mme Françoise Henneron. Ils bénéficieront d'un renforcement de la prévention routière, ainsi que de conditions de travail plus favorables que leurs concurrents, notamment en ce qui concerne le droit à des pauses. En outre, c'est le temps de service, qui comprend notamment le déchargement et l'attente et non plus seulement le temps de conduite, qui devra désormais être payé.
Afin de mieux lutter contre la concurrence, les modalités de l'aménagement du temps de travail sont revues. Le temps de travail des chauffeurs français est aujourd'hui le plus faible d'Europe.
M. Roland Muzeau. Tant mieux !
Mme Françoise Henneron. La réforme retenue maintient la durée en vigueur des temps de service dus par les chauffeurs routiers. Toutefois, elle accroît certains des maxima hebdomadaires en la matière. Elle définit et harmonise également les dispositions concernant le travail de nuit.
Je souhaite souligner le travail remarquable effectué par nos rapporteurs, Jackie Pierre et Yannick Texier, sur ce sujet complexe, et remercier M. le ministre d'avoir répondu aux questions que nous nous posions, concernant notamment le secteur du transport sanitaire et celui des lignes interurbaines.
M. Claude Domeizel. Il a répondu par des demandes de retrait !
Mme Françoise Henneron. Nous pensons que les mesures proposées concilient impératifs de compétitivité et de sécurité et amélioration des conditions de travail d'un secteur qui emploie 330 000 personnes.
Mme Hélène Luc. Pour les améliorations, on attendra !
Mme Françoise Henneron. C'est pourquoi le groupe UMP votera ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Nous avons déjà eu l'occasion de dire tout le mal que nous pensions de ce texte, et je ne suis toujours pas convaincu par les explications qui nous ont été fournies.
Je veux bien que ce projet soit techniquement complexe : la législation en la matière est effectivement très fine. Mais, pour avoir rencontré les organisations de salariés et analysé point par point les divers éléments de ce texte - qui, selon vous, leur avaient été communiqués -, je confirme les chiffres que nous avons indiqués tout à l'heure : les conducteurs travailleront plus pour gagner moins, et ils perdront des repos compensateurs.
Quoi qu'il en soit, nous allons faire arbitrer par la profession notre désaccord sur le fond.
Sur le plan social, quand j'entends les propos que vient de tenir à l'instant Mme Henneron au nom du groupe UMP, je ne suis pas certain que nous parlions du même texte.
M. Jean-Jacques Hyest. Nous non plus en vous entendant !
M. Daniel Reiner. Même si nous y étions fortement opposés dans la mesure où ils retiraient quelques avantages à certaines professions - alors même que ces dernières ne sont pas soumises à la concurrence internationale, notamment s'agissant des transports interurbains de moins de cinquante kilomètres - nous aurions néanmoins souhaité, pour la bonne tenue du débat législatif, que les amendements du groupe UMP soient présentés.
De surcroît, sur la forme, la ratification qui nous est proposée nous indispose. Non pas seulement parce que nous sommes dans l'opposition - je présume que tout parlementaire ne peut qu'être indisposé dès lors qu'il s'agit d'ordonnances -, mais parce qu'on nous dit aujourd'hui que nous ne pouvons en aucune manière amender ce texte, que nous devons le voter conforme.
Les rapporteurs ont effectué, nous dit-on, un excellent travail. Mais ils ont dû renoncer aux amendements qu'ils avaient prévu de déposer et interrompre leur réflexion sous la pression du Gouvernement. C'est intolérable !
A quoi servons-nous ? Que faisons-nous ici, à cette heure tardive, sinon écouter ce que dit le Gouvernement ? Et, comme d'habitude, la majorité acquiesce...
Vous ne serez donc pas étonnés que nous nous opposions à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous aura fallu bien peu de temps pour juger de l'avenir que ce projet de loi réserve aux salariés dans le secteur des transports, qui représente pourtant 370 000 emplois.
Par ce projet de loi ratifiant l'ordonnance du 12 novembre 2004, la majorité parlementaire a fait le choix, une nouvelle fois, de la déréglementation du droit du travail, précarisant davantage les salariés du secteur.
Le Gouvernement a également décidé de nouveau de légiférer par voie d'ordonnance, privant le Parlement de son pouvoir législatif, et il y a ajouté sa volonté de vote conforme. Nous sommes totalement opposés à ce simulacre de débat démocratique. Monsieur le ministre, le rôle que vous faites jouter au Parlement est affligeant.
Mme Hélène Luc. Ah oui !
M. Michel Billout. Sur le fond, à l'inverse de ce qui a été acté, il nous aurait paru plus pertinent de prévoir des conditions de travail qui permettent d'assurer à la fois la performance des entreprises dans ce domaine d'activité mais aussi la sécurité des personnes.
Loin de ces considérations, monsieur le ministre, vous allongez la durée du temps de travail, la période de référence pour le calcul des heures supplémentaires et des repos compensateurs. Vous réduisez le créneau horaire considéré comme du travail de nuit, mettant gravement en cause les consignes fondamentales de sécurité, tant pour les salariés que pour les usagers des infrastructures de transport.
Ainsi, vous ne permettez pas aux personnels d'exercer leur mission dans des conditions satisfaisantes. Pensez-vous concrètement que des salariés épuisés et sous-payés seront plus performants ? Nous ne le pensons pas, au contraire ! En témoignent des études récentes de l'INSEE qui ont montré que la mise en oeuvre des 35 heures avait permis une augmentation de la productivité des entreprises.
De plus, vous renforcez le dumping social organisé par la route en abandonnant toute volonté de prendre des mesures afin de rééquilibrer les différents modes de transport. Pourtant, il devient très urgent d'opérer de véritables choix pour promouvoir le fret ferroviaire et le transport combiné, mode respectueux de l'environnement et économe en énergie.
C'est aujourd'hui l'une des mesures concrètes qui permettrait au Gouvernement français de respecter ses engagements pris lors du protocole de Kyoto.
Au contraire, votre politique est menée au nom de la libre concurrence et de la rentabilité, érigées en dogme de la construction européenne.
Quand comprendrez-vous que cette vision libérale de la société ne permet pas son développement économique ? Quand comprendrez-vous que cette gestion à court terme des intérêts capitalistes se fait au détriment de l'intérêt général et du bien-être social ?
Pourtant, après le vote populaire du 29 mai dernier, par lequel les citoyens ont refusé le modèle proposé par l'Union européenne, le Gouvernement doit s'engager sur une autre voie, conformément au mandat donné par le peuple.
Il doit également affirmer devant les institutions européennes un autre modèle de construction européenne fondé sur un développement partagé entre pays, passant par une harmonisation sociale par le haut afin de garantir un niveau élevé de protection sociale pour tous.
Dans ce sens, les services publics, notamment le service public ferroviaire, sont l'un des piliers de la construction européenne.
C'est dans cette voie que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen travaillent au quotidien, et c'est pour ces raisons qu'ils ne peuvent pas voter un texte qui entérine un recul social aussi considérable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste, tout en réaffirmant les réserves que lui inspire le recours aux ordonnances, votera ce projet de loi de ratification de l'ordonnance portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports.
Je voudrais simplement saisir l'occasion qui m'est donnée pour lancer un appel au Gouvernement : au-delà des dispositions réglementaires, il faudra veiller, monsieur le ministre, à ce que les contrôlés et les contrôleurs se comprennent. Il m'a en effet été rapporté que, sur le territoire français, ceux qui exercent ces contrôles sont souvent confrontés à des difficultés difficilement surmontables, car les personnes qu'ils contrôlent ne comprennent pas notre langue,...
M. Daniel Reiner. C'est sûr !
M. Jean Arthuis. ... tandis que, manifestement, les contrôleurs ne comprennent pas non plus la langue des chauffeurs.
M. Roland Muzeau. C'est vrai !
M. Jean Arthuis. J'espère que nous pourrons surmonter cette difficulté et que nos règles seront suffisamment claires et simples pour que nous puissions les faire respecter. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Léon Bertrand, ministre délégué. Je tiens à remercier l'ensemble du Sénat, au nom de Dominique Perben et en mon nom, pour ce vote.
Dès ce soir, tous les professionnels de la route, patrons comme conducteurs, seront rassurés. En adoptant ce projet de loi ratifiant l'ordonnance du 12 novembre 2004, vous leur avez apporté un nouveau cadre juridique comportant d'importantes avancées sociales et apportant des souplesses indispensables pour faire face à la compétition internationale.
Je tiens à remercier les rapporteurs, Jackie Pierre et Yannick Texier, ainsi que les collaborateurs du Sénat pour la qualité du travail accompli.
Je tiens également à souligner la qualité des échanges qui ont eu lieu ce soir. Compte tenu de l'urgence - que vous avez tous soulignée -, je suis particulièrement heureux que vous ayez adopté ce texte dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale. Soyez sûr que tous les chauffeurs, les bateliers, les conducteurs et les transporteurs vous en seront reconnaissants.
Je terminerai en disant à Jean Arthuis que nous avons bien entendu sa préoccupation au sujet des contrôleurs et des contrôlés : nous y travaillons de façon à trouver une solution. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
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Adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers
Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers (nos 432, 456).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous aviez examiné au début du mois de mai dernier le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers. Depuis cette date, la Haute Assemblée a examiné le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie : la mobilisation de votre rapporteur général, M. Philippe Marini, a assuré une parfaite cohérence d'examen entre ces deux textes complémentaires. Votre vision de la transposition de la directive sur les abus de marché est désormais globale.
Les dispositions relatives au rôle de sanction dévolu à l'autorité de régulation nationale ont été adoptées dans le cadre du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie.
Il s'agissait à la fois de renforcer le pouvoir de sanction de l'Autorité des marchés financiers, l'AMF, et d'organiser son articulation avec ses correspondants dans les autres Etats de l'Union européenne, afin d'assurer la cohérence, sur le territoire de l'Union, de l'action répressive sur les marchés financiers et, par voie de conséquence, l'attractivité de ces marchés pour les investisseurs au moment où se met en place le « passeport européen » en matière de prospectus et de visa.
Le texte a donc d'abord renforcé le pouvoir de sanction de l'AMF. Jusqu'alors, notre droit, avant de sanctionner une manipulation de marché, imposait de faire la preuve de son impact effectif sur le cours d'un titre ou sur le bon fonctionnement du marché. En quelque sorte, la manipulation n'était condamnable que si elle réussissait.
Nous avons adapté nos règles pour obéir au droit européen, qui nous demande de considérer que les manquements sont « sanctionnables » dès que les comportements fautifs sont avérés, sans qu'ils soient nécessairement et forcément parvenus à leurs fins. Cela est de nature à faciliter la sanction des manipulations de cours par l'AMF. De même, l'Autorité pourra désormais sanctionner les tentatives de délits d'initié.
Enfin, le projet de loi a réorganisé le champ d'application des délits et manquements boursiers sur les marchés : l'AMF pourra désormais décider de sanctionner les abus de marché sur les marchés non réglementés.
La directive laisse aux autorités nationales de régulation une compétence large. L'AMF sera ainsi compétente pour sanctionner tout manquement qui se produit non seulement sur des titres d'émetteurs cotés sur un marché français, où qu'ils soient négociés, mais également sur des titres cotés sur un marché européen mais négociés en France. Cette « double couverture », qui cumule les possibilités de saisine au titre du lieu de cotation et du lieu de négociation, permet ainsi d'éviter les conflits de compétence négatifs qui seraient particulièrement inopportuns dans un domaine répressif.
En contrepartie, la directive organise un degré élevé de coopération entre autorités de régulation, qui permettra d'intensifier des relations déjà étroites.
Le texte que vous examinez aujourd'hui en deuxième lecture installe dans notre droit deux nouveaux outils pour prévenir et détecter les infractions boursières. Il s'agit, d'une part de la tenue de listes de personnes qui, au sein d'une société cotée, ont accès à des informations privilégiés - communément appelées « listes d'initiés » - et, d'autre part, de la mise en place d'un régime de déclaration de transactions suspectes, sur le modèle des déclarations de soupçons en matière de blanchiment d'argent.
L'Assemblée nationale a adopté ces deux dispositions en y apportant des améliorations formelles, notamment en assurant la cohérence de la codification compte tenu de l'adoption de la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. L'AMF sera ainsi plus facilement en mesure, dans le cours de ses enquêtes par exemple, de remonter la trace d'une information privilégiée jusqu'à la source de la fuite. Elle sera également alertée par les intermédiaires financiers des ordres qui leur semblent suspects et pourra plus rapidement engager ses enquêtes.
Il est important de rappeler que les pratiques naturelles d'achat et de vente de titres, y compris de la part de personnes qui exercent des responsabilités importantes dans l'entreprise, ne sont pas en cause en tant que telles. Il ne s'agit pas d'interdire, ni même de stigmatiser, mais de responsabiliser les auteurs, de sécuriser les circuits et de créer les instruments efficaces de contrôle a posteriori de leurs opérations. C'est pourquoi nos solutions juridiques doivent rester pragmatiques.
A la différence des listes d'initiés et des déclarations de transactions suspectes, le dispositif de déclaration à l'AMF des transactions par les dirigeants et les personnes qui leur sont proches existait déjà dans notre droit : d'abord sous la forme d'une recommandation de la Commission des opérations de bourse, la COB, qui remonte à 2001, puis dans le cadre d'un article voté dans la loi de sécurité financière en août 2003.
Une évolution de ce dispositif était nécessaire afin qu'il recoupe exactement le champ défini par les textes d'application de la directive, qui n'étaient pas encore connus à l'époque.
Dès lors, deux extensions étaient nécessaires, d'une part pour élargir le champ des titres concernés à l'ensemble des instruments financiers - afin d'y ajouter, par exemple, les warrants -, d'autre part pour inclure dans le champ des personnes concernées non seulement les mandataires sociaux mais aussi les « cadres dirigeants » ainsi, bien sûr, que les personnes qui leur sont proches.
Le cercle des personnes concernées par cette obligation de déclaration - dont je rappelle qu'elle ne doit en aucun cas être confondue avec une quelconque opération suspecte - est donc devenu relativement large.
S'agissant d'un dispositif assez intrusif eu égard à la vie privée - en ce qu'il prévoit la publicité et l'information de l'émetteur, qui est parfois l'employeur - et dans le souci de ne pas décourager le développement de l'actionnariat salarié, le Gouvernement entend néanmoins délimiter précisément son champ d'application dans le décret qui sera pris en Conseil d'Etat.
Les personnes concernées sont uniquement, outre le gérant ou les mandataires sociaux, de hauts cadres dirigeants qui ont un accès régulier à des informations privilégiées : cela vise, en pratique, le directeur financier et le responsable du contrôle de gestion.
Quant aux personnes physiques proches, elles regroupent, quant à elles, leur conjoint - qu'elles soient mariées ou pacsées -, leurs enfants à charge et ceux de leurs parents qui partagent leur domicile. Les personnes proches peuvent également être des personnes morales, dirigées ou contrôlées par la personne physique concernée et qui agissent pour son compte ou sont un élément de son patrimoine, tel un trust, par exemple.
L'Assemblée nationale a souhaité modifier la procédure de déclaration des transactions, en prévoyant que les personnes concernées effectuent directement leurs déclarations auprès de l'AMF, qui les rend publiques. Les mêmes personnes en informent parallèlement l'émetteur, qui peut ainsi s'acquitter de son obligation d'information à l'égard de l'assemblée générale.
Ce débat avait eu lieu à l'occasion de la première lecture au sein de la Haute Assemblée, mais votre commission des finances avait accepté de retirer cette proposition au bénéfice des explications du Gouvernement, qui avait clarifié le régime de responsabilité des émetteurs.
Le Gouvernement avait en effet estimé que, loin d'impliquer pour lui une responsabilité supplémentaire, faire jouer à l'émetteur un rôle pivot dans la déclaration était tout simplement cohérent avec son rôle pédagogique vis-à-vis des personnes concernées et, surtout, simplifiait le traitement des déclarations par l'AMF.
La première intention du Sénat ayant été partagée par l'Assemblée nationale, le Gouvernement a décidé de s'en remettre finalement à la sagesse du Parlement.
Par ailleurs, il rappellera aux émetteurs l'importance du rôle qu'ils doivent jouer vis-à-vis des personnes concernées, qu'il s'agisse de leur rappeler leurs obligations ou de leur fournir un soutien logistique. Une évaluation du bon fonctionnement de ce nouveau mécanisme de transmission des déclarations sera effectuée par l'AMF au bout d'un an.
En plus de la directive « abus de marché », le présent projet de loi est destiné à transposer la directive « marchés d'instruments financiers », dite « directive MIF », qui introduit une concurrence accrue entre les plates-formes de négociation et n'autorise plus le monopole de centralisation des ordres sur les marchés réglementés, tel que la France le connaissait auparavant.
Le Gouvernement n'a pas caché aux deux assemblées l'importance de cette réforme, sur la négociation de laquelle il a pesé de tout son poids au plan européen et qu'il continue à soutenir aujourd'hui en vue d'arrêter les mesures d'application communautaires.
La longueur et la complexité de la directive, qui ne comporte pas moins de soixante-treize articles et deux annexes, ainsi que l'intérêt de présenter au Parlement un dispositif complet incluant les mesures de transparence qui relèvent pour l'essentiel du domaine réglementaire ont conduit le Gouvernement à privilégier le recours en amont à une habilitation à légiférer par ordonnance.
M. le rapporteur a proposé d'encadrer strictement cette habilitation, en donnant en quelque sorte un « mandat » au Gouvernement, que j'interprète comme valant à la fois pour la poursuite des négociations sur les mesures d'application au niveau européen et pour la rédaction des dispositions d'adaptation en droit français.
L'Assemblée nationale a adopté sans modification cette habilitation.
Elle a également validé la proposition de votre rapporteur de ratifier deux ordonnances. La première permet d'aligner les règles relatives au transfert de propriété des titres sur la règle en vigueur partout ailleurs en Europe ; la seconde vise à effectuer la transposition d'une directive européenne relative à la supervision des conglomérats financiers.
Ainsi complété et amendé, le Gouvernement considère que ce projet de loi a atteint ses objectifs de renforcement de la transparence sur les marchés financiers, au bénéfice du maintien d'une base confortée d'investisseurs et d'un accès consolidé des entreprises aux financements de marché. C'est la raison pour laquelle il vous en demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de l'adopter conforme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous discutons est essentiellement un texte de transposition. Il fait progresser notre droit financier dans le droit-fil de la loi de sécurité financière de 2003, les dispositions qu'il comporte étant, par ailleurs, suivies d'autres mesures que nous avons eu l'occasion d'étudier tout récemment lors de l'examen du projet de loi pour la modernisation et la confiance dans l'économie, lequel fera l'objet, dès demain matin, d'un débat en commission mixte paritaire.
Tous ces éléments tracent un cadre nouveau permettant, il est permis de le penser, de favoriser la transparence sur les marchés financiers. Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers a d'ailleurs déjà réalisé une oeuvre importante de transposition à son propre niveau.
Les dispositions dont il s'agit ici vont affecter de manière importante et concrète l'environnement des professionnels des marchés et, bien sûr, à travers eux, les épargnants eux-mêmes, les investisseurs, auxquels il va falloir apporter des garanties et offrir des possibilités nouvelles plus larges, de nature à leur permettre de bénéficier pleinement de la globalisation des marchés financiers.
Bien entendu, nous serons très vigilants quant à l'élaboration de l'ordonnance destinée à transposer la directive sur les marchés d'instruments financiers, et vous avez rappelé à juste titre, madame la ministre, que le Sénat avait tenu à encadrer l'habilitation donnée au Gouvernement.
Quant aux discussions qui ont eu lieu lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, elles ont abouti au dépôt de plusieurs amendements de précision rédactionnelle qui nous paraissent tout à fait de nature à perfectionner le texte.
S'agissant de l'article 3, sur l'initiative du rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée nationale, notre collègue Richard Mallié, le texte qui nous est soumis incorpore en définitive l'idée première de la commission des finances du Sénat concernant la transmission directe par les dirigeants d'un émetteur et par les personnes qui leur sont liées à l'Autorité des marchés financiers et non plus par l'intermédiaire de cet émetteur lui-même.
La commission des finances estime que ce texte est satisfaisant, qu'il représente un vrai progrès dans notre droit financier et, comme vous-même, madame la ministre, elle préconise une adoption conforme, dans la version qui nous vient de l'Assemblée nationale.
En conclusion, madame la ministre, à titre plus personnel, permettez-moi de dire que je me réjouis de vous voir pour la première fois défendre un texte dans l'hémicycle du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes effectivement appelés à examiner en deuxième lecture le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers, que nous avions étudié en première lecture le 2 mai 2005.
Sont ici visées, comme l'a souligné M. le rapporteur, des deux directives « abus de marché » et « marchés d'intérêts financiers », qui se situent en droite ligne de ce que la France a déjà décidé de mettre en place dans le cadre de la loi de sécurité financière en 2003. Il était effectivement nécessaire de rechercher un cadre nouveau.
En première lecture, notre groupe avait mis en lumière certaines insuffisances du projet de loi. Il s'agissait, d'une part, des quatre premiers articles qui, à notre sens, affaiblissaient quelque peu l'efficacité du régime de sanction des abus de marché, et, d'autre part, du dernier article, qui portait exclusivement sur les modalités de transposition de la directive « marchés d'instruments financiers », ce qui restreignait, selon nous, le domaine d'intervention du Parlement au détriment du principe de transparence sur les marchés financiers.
Il est vrai qu'un certain nombre de modifications, auxquelles nous avions d'ailleurs souscrit, sont intervenues ici même, en première lecture.
En outre, des améliorations formelles ont également été apportées par l'Assemblée nationale, concernant en particulier les questions de traçabilité.
Cela dit, ce texte, qui a donc été légèrement amendé par l'Assemblée nationale, présente toujours certains défauts d'application qui, selon nous, sont fortement préjudiciables à la transparence sur les marchés financiers.
C'est la raison pour laquelle nous estimons nécessaire de défendre à nouveau certains des amendements que nous avions présentés lors de la première lecture.
Tout d'abord, il nous faut faire face à un certain nombre de dérives qui se produisent parfois sur les marchés financiers. Ensuite, les abus qui peuvent être constatés portent sur des fonds considérables. Enfin, le Parlement est parfois saisi de textes d'une importance moindre relatifs à certains délits, et il y passe pourtant beaucoup de temps.
Certaines infractions étant susceptibles de mettre en cause des champs financiers très étendus, il nous semble que la plus grande précision doit être recherchée dans la formulation de ce texte.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, le groupe socialiste vous demandera d'adopter un certain nombre d'amendements.
Compte tenu de l'heure tardive, je m'en tiendrai là s'agissant des principes généraux qui nous guident, me réservant d'intervenir à nouveau, avec ma collègue Nicole Bricq, sur certains arguments relatifs à l'un ou l'autre de ces amendements.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 225-252 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 225-252 - Les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit par une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les actionnaires peuvent, pour les mêmes faits et simultanément, intenter une action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, en réparation du préjudice, direct ou indirect, qu'ils ont subi personnellement. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Nous avons bien noté la volonté commune du Gouvernement et de la commission d'aboutir à un vote conforme sur ce texte.
Toutefois, nous souhaitons, pour notre part, défendre une nouvelle fois certains amendements auxquels nous tenons tout particulièrement.
L'amendement n° 1 vise à assortir l'obligation de déclaration de soupçon et l'obligation d'information qui incombent aux dirigeants de sociétés visées par le texte d'une sanction juridique permettant une action en responsabilité civile.
En effet, le régime général de l'action en responsabilité contre les dirigeants, tel qu'il est prévu par le code de commerce, est bien peu efficace et le droit des sociétés est organisé de telle façon qu'il est très rare que les actionnaires victimes des agissements de leurs dirigeants intentent directement une action en responsabilité contre ces derniers.
En outre, la loi et la jurisprudence ne permettent pas de reconnaître le préjudice propre à l'actionnaire. C'est pourquoi nous souhaitons précisément accorder des droits accrus à celui-ci.
Par ailleurs, lorsque la société est, elle aussi, victime des agissements de ses dirigeants, le code de commerce oblige les actionnaires à avoir recours à l'action sociale pour mettre en cause la responsabilité des dirigeants. Et le mécanisme de l'action sociale écarte, pour ces actionnaires qui souhaiteraient être demandeurs, toute perspective de réparation directe, puisque les dommages et intérêts ne seront perçus que par la société, considérée comme seule victime de la mauvaise gestion de ses dirigeants.
En clair, nous voulons accroître les droits des actionnaires vis-à-vis des dirigeants indélicats.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Il convient de rappeler une nouvelle fois que, en droit français, deux catégories d'actions en responsabilité contre les dirigeants et les administrateurs existent : d'une part, l'action individuelle qui est exercée par une personne ayant subi un préjudice indépendant de celui de la société - mais qui doit être en même temps un préjudice direct, certain et personnel - et, d'autre part, l'action sociale, dite ut singuli, destinée à réparer le préjudice subi par la société et donc exercée au nom de la société par un ou plusieurs actionnaires.
Lors de la première lecture de ce projet de loi, l'amendement qui nous est présenté a déjà suscité de la part de la commission un avis défavorable, et ce essentiellement pour deux raisons.
Tout d'abord, nous voudrions qu'aboutisse la réflexion en cours sur les actions collectives. Un groupe de travail a été mis en place à ce sujet et peut-être Mme la ministre pourrait-elle nous dire un mot sur le cheminement de son activité. Ensuite, l'indemnisation du préjudice indirect qui est ici proposée ouvrirait, selon nous, la voie à une inflation contentieuse. La notion de préjudice indirect subi par les actionnaires, dont les contours nous semblent mal définis, pourrait être source de confusion juridique et d'instabilité.
Il reste, madame la ministre, que le régime de responsabilité des administrateurs et des dirigeants pourrait sans doute être amélioré dans l'avenir, car il est vrai que le préjudice personnel de l'actionnaire est peu reconnu et que la faute détachable fait l'objet d'une interprétation jurisprudentielle très stricte.
À cet égard, la commission vous suggère une piste de réflexion : permettre l'avance de frais par l'entreprise en cas d'action ut singuli. Certaines associations d'actionnaires sont sensibles à cette idée. Peut-être pourriez-vous, madame la ministre, nous dire, à la suite de Thierry Breton, comment évoluent les réflexions.
Dans l'immédiat, s'agissant de l'amendement qui nous est présenté, comme en première lecture, l'avis de la commission est défavorable. Elle en demande donc le retrait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée. Je rappelle que la sanction des violations des règles établies en matière d'abus de marché relève de l'Autorité des marchés financiers et que l'adoption du projet de la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie a encore renforcé son pouvoir en la matière.
De plus, l'amendement n° 1 est très représentatif d'une tendance qui voudrait faire des actionnaires des « créanciers-consommateurs » de la société plutôt que de véritables associés de la société. Il entre ainsi en contradiction avec le principe même d'une société représentant une collectivité d'intérêt s'exprimant par le biais de votes en assemblée générale.
Enfin, en cas de variation du cours, la première victime est la société atteinte dans ses capacités financières ainsi que dans son image, et le droit actuel permet justement aux actionnaires d'agir au nom de la société à l'encontre des dirigeants, sans imposer aux dirigeants une double indemnisation du préjudice.
Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 1.
J'ajoute, en réponse à votre sollicitation, monsieur le rapporteur, que les travaux concernant l'action collective et la possibilité de son adoption en droit français sont actuellement en cours et n'ont pas abouti à des conclusions précises, et que le décret permettant l'agrément des associations d'actionnaires sera publié d'ici à la fin du mois. Il s'agit d'un élément important pour permettre aux associations d'actionnaires d'intervenir dans ce type de contentieux.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Notre amendement tend à reconnaître un préjudice personnel aux actionnaires. Je relève que le Gouvernement démontre par son argumentation qu'il y est opposé tandis que M. le rapporteur général propose, me semble-t-il, que cette idée fasse son chemin.
Le groupe socialiste maintient donc cet amendement. Nous serons d'ailleurs amenés à évoquer de nouveau ce sujet lors de futures discussions.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
I. - Non modifié.
II. - Après l'article L. 621-17 du même code, il est rétabli une sous-section 5 ainsi rédigée :
« Sous-section 5
« Déclaration d'opérations suspectes
« Art. L. 621-17-2. - Les établissements de crédit, les entreprises d'investissement et les personnes mentionnées à l'article L. 421-8 sont tenus de déclarer sans délai à l'Autorité des marchés financiers toute opération sur des instruments financiers admis aux négociations sur un marché réglementé, ou pour lesquels une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée, effectuée pour compte propre ou pour compte de tiers, dont ils ont des raisons de suspecter qu'elle pourrait constituer une opération d'initié ou une manipulation de cours au sens des dispositions du règlement général de l'Autorité des marchés financiers.
« Art. L. 621-17-3. - Lorsque l'Autorité des marchés financiers transmet, conformément aux articles L. 621-15-1 et L. 621-20-1, certains faits ou informations au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, la déclaration prévue à l'article L. 621-17-2, dont le procureur de la République est avisé, ne figure pas au dossier de la procédure.
« Art. L. 621-17-4. - Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers précise les conditions dans lesquelles est faite la déclaration prévue à l'article L. 621-17-2.
« La déclaration peut être écrite ou verbale. Dans ce dernier cas, l'Autorité des marchés financiers en demande une confirmation par écrit.
« La déclaration doit contenir :
« 1° Une description des opérations, en particulier du type d'ordre et du mode de négociation utilisés ;
« 2° Les raisons conduisant à soupçonner que les opérations déclarées constituent une opération d'initié ou une manipulation de cours ;
« 3° Les moyens d'identification des personnes pour le compte de qui les opérations ont été réalisées et de toute autre personne impliquée dans ces opérations ;
« 4° L'indication que les opérations ont été effectuées pour compte propre ou pour compte de tiers ;
« 5° Toute autre information pertinente concernant les opérations déclarées.
« Lorsque certains de ces éléments ne sont pas disponibles au moment de la déclaration, celle-ci doit au moins indiquer les raisons mentionnées au 2°. Les informations complémentaires sont communiquées à l'Autorité des marchés financiers dès qu'elles deviennent disponibles.
« Art. L. 621-17-5. - Est puni des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal le fait, pour les dirigeants ou les préposés des personnes mentionnées à l'article L. 621-17-2 du présent code, de porter à la connaissance de quiconque, et en particulier des personnes ou des parties liées aux personnes pour le compte desquelles les opérations déclarées ont été effectuées, l'existence de la déclaration mentionnée au même article ou de donner des informations sur les suites réservées à celle-ci.
« Art. L. 621-17-6. - Sans préjudice de l'article 40 du code de procédure pénale, des articles L. 621-15-1, L. 621-17-3, L. 621-20-1 du présent code et de l'exercice de ses pouvoirs par l'Autorité des marchés financiers, il est interdit à cette dernière, ainsi qu'à chacun de ses membres, experts nommés dans les commissions consultatives mentionnées au III de l'article L. 621-2, membres de son personnel et préposés, de révéler les informations recueillies en application de l'article L. 621-17-2. Si l'Autorité des marchés financiers utilise le concours des personnes mentionnées à l'article L. 621-9-2, cette interdiction s'applique également à ces personnes, ainsi qu'à leurs dirigeants et préposés.
« Le fait pour un membre de l'Autorité des marchés financiers, un expert nommé dans les commissions consultatives mentionnées au III de l'article L. 621-2, un membre de son personnel ou un préposé, de révéler le contenu de la déclaration ou l'identité des personnes qu'elle concerne, est puni des peines prévues à l'article L. 642-1. Si l'Autorité des marchés financiers utilise le concours des personnes mentionnées à l'article L. 621-9-2, ces peines s'appliquent également à ces personnes, ainsi qu'à leurs dirigeants et préposés.
« Lorsque des opérations ayant fait l'objet de la déclaration relèvent de la compétence d'une autorité compétente d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, l'Autorité des marchés financiers transmet sans délai la déclaration à cette autorité, ainsi que les éventuels compléments d'information fournis par le déclarant à la demande de cette dernière, dans les conditions prévues à l'article L. 621-21.
« Art. L. 621-17-7. - Concernant les opérations ayant fait l'objet de la déclaration mentionnée à l'article L. 621-17-2, aucune poursuite fondée sur l'article 226-13 du code pénal ne peut être intentée contre les dirigeants et les préposés des personnes mentionnées à l'article L. 621-17-2 qui, de bonne foi, ont effectué cette déclaration.
« Aucune action en responsabilité civile ne peut être intentée contre une personne mentionnée à l'article L. 621-17-2, ses dirigeants ou ses préposés qui ont effectué de bonne foi cette déclaration.
« Sauf concertation frauduleuse avec l'auteur de l'opération ayant fait l'objet de la déclaration, le déclarant est dégagé de toute responsabilité : aucune poursuite pénale ne peut être engagée contre ses dirigeants ou ses préposés par application de l'article L. 465-1 et du premier alinéa de l'article L. 465-2 du présent code et des articles 321-1 à 321-3 du code pénal, et aucune procédure de sanction administrative ne peut être engagée à leur encontre pour des faits liés à une opération d'initié ou à une manipulation de cours.
« Les dispositions du présent article s'appliquent même si la preuve du caractère fautif ou délictueux des faits à l'origine de la déclaration n'est pas rapportée ou si ces faits font l'objet d'une décision de non-lieu ou de relaxe et n'ont donné lieu à aucune sanction de la part de l'Autorité des marchés financiers ou de l'autorité compétente mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 621-17-6. »
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-2 du code monétaire et financier, remplacer les mots :
, ou pour lesquels une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée
par les mots :
ou non
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. La critique majeure que nous avions formulée est toujours d'actualité au vu de cette dernière mouture du texte : la portée du dispositif de surveillance est limitée aux titres « admis à la négociation sur les marchés réglementés ».
Pourtant, la transposition de la directive européenne sur les marchés d'instruments financiers, dite « directive MIF », supprime le monopole de la centralisation des ordres et des marchés réglementés. Par conséquent, une grande quantité d'opérations financières se déroulera « hors marché », c'est-à-dire ailleurs que sur les marchés réglementés.
M. le rapporteur considère que l'article 1er s'applique également aux titres pour lesquels une demande d'admission à la négociation sur les marchés réglementés a été présentée, mais cela nous paraît insuffisant. Cela peut d'ailleurs être interprété comme un aveu : M. le rapporteur a ainsi entendu ne pas laisser de « vide juridique » pour les titres non cotés sur les marchés réglementés.
Le problème est que ce dispositif ne suffit pas puisqu'il ne vise que les titres susceptibles d'être cotés sur un marché réglementé sous peu, ce qui est le cas de titres négociés sur Alternext, marché organisé non réglementé.
Qu'advient-il des titres qui ne seront pas cotés sur un marché réglementé ? Peuvent-ils échapper à l'obligation de déclaration de soupçons ?
Non, il n'y a aucune raison de limiter le champ d'application de cet article !
La rédaction que nous vous soumettons nous semble mieux à même d'intégrer l'ensemble des cas de figure. Cet amendement nous paraît donc toujours légitime.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je rappelle que le texte qui nous est soumis est strictement conforme à la directive « abus de marchés » et que nous visons ici les instruments financiers admis à la négociation sur un marché réglementé, quel que soit le lieu de leur négociation : ils peuvent être négociés ou non sur un marché réglementé.
Par ailleurs, l'article 10 du projet de loi Breton, récemment discuté dans cette assemblée, étend le pouvoir de sanction de l'AMF à l'ensemble des configurations de marchés constitutifs de l'appel public à l'épargne. Une nouvelle définition plus large et plus réaliste de l'appel public à l'épargne est donnée, ce qui me semble pouvoir satisfaire largement nos collègues.
Plus précisément, les trois manquements boursiers constitutifs d'un abus de marché, le délit d'initié, la manipulation de cours et la diffusion de fausses informations pourront désormais être réprimés sur l'ensemble des marchés d'instruments financiers, qu'ils soient réglementés ou non.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée. Je souscris intégralement aux commentaires de M. le rapporteur.
J'ajoute simplement que la procédure de déclaration n'est pertinente que sur les marchés réglementés, où les sociétés de services d'investissement, sur lesquelles pèse cette obligation, ont un monopole de négociation
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 2.
M. le président. Monsieur Marc, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
M. François Marc. Nous le maintenons, monsieur le président.
Il subsiste une légère incompréhension entre nous, car notre analyse ne nous conduit pas à aller aussi loin que M. le rapporteur. Selon nous, cet amendement est pertinent.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 621-17-7 du code monétaire et financier, remplacer les mots :
, ses dirigeants ou ses préposés qui ont
par les mots :
qui a
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. L'article 1er prévoit d'exonérer de toute action en responsabilité civile les dirigeants ayant effectué la déclaration de soupçon de bonne foi.
De l'aveu même du rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Richard Mallié, « cet article limite singulièrement la responsabilité civile et pénale des personnes physiques qui ont effectué une déclaration de soupçon ». Il est vrai que cet article « prémunit ces personnes contre les poursuites pénales qui pourraient être lancées sur le fondement de l'article 226-13. De plus, aucune action en responsabilité civile ne pourra être recherchée. »
Si nous partageons l'analyse du rapporteur de l'Assemblée nationale, nous ne pouvons que regretter que l'article 1er ait finalement été adopté tel quel par l'Assemblée nationale. M. Mallié n'a pas donné suite à ses propres observations, et nous le regrettons !
En effet, comment donner une efficacité à l'obligation de déclaration de soupçon quand la loi ne prévoit aucune sanction dans le cas de sa violation ? Il n'était donc pas opportun d'exonérer de toute responsabilité les dirigeants des sociétés soumises à l'obligation de déclaration de soupçon. Cette déclaration ne pourra être réellement utile qu'à la condition qu'elle fasse partie des obligations qui incombent aux dirigeants.
Ainsi, le non-respect par les dirigeants des dispositions de l'article L. 621-17-1 du code monétaire et financier devrait entraîner la mise en cause de leur responsabilité civile, dont le régime juridique devrait être amélioré.
Dans la rédaction que nous proposons, l'exonération de responsabilité ne devrait concerner que les prestataires de services d'investissement en tant que personne morale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission demeure en désaccord avec le groupe socialiste sur ce point.
Il s'agit d'inciter à déclarer. L'efficacité du dispositif en dépend et le régime d'exonération de responsabilité civile des déclarants, personnes morales ou personnes physiques, se déduit de cette incitation à déclarer, dans les limites de la bonne foi bien entendu.
Ce critère est, je le rappelle, usuel en droit pénal des affaires. Il permet au juge d'apprécier les situations au cas par cas. Il n'y a donc pas lieu d'exonérer les seules personnes morales, dans la mesure où la déclaration est matériellement effectuée par des personnes physiques.
J'espère, mon cher collègue, vous avoir convaincu, ce qui devrait vous permettre de retirer votre amendement. A défaut, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée. De nouveau, je ne peux que souscrire aux arguments de M. le rapporteur.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement, qui ne lui paraît pas conforme à la directive.
M. le président. Monsieur Marc, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?
M. François Marc. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Au second alinéa de l'article L. 532-18 du même code, après la référence : « L. 533-13 », sont insérées les références : «, L. 621-17-2 à L. 621-17-7 ». - (Adopté.)
Article 3
L'article L. 621-18-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 621-18-2. - Sont communiqués par les personnes mentionnées aux a à c à l'Autorité des marchés financiers, et rendus publics par cette dernière dans le délai déterminé par son règlement général, les acquisitions, cessions, souscriptions ou échanges de titres d'une personne faisant appel public à l'épargne ainsi que les transactions opérées sur des instruments financiers qui leur sont liés, lorsque ces opérations sont réalisées par :
« a) Les membres du conseil d'administration, du directoire, du conseil de surveillance, le directeur général, le directeur général unique, le directeur général délégué ou le gérant de cette personne ;
« b) Toute autre personne qui, dans les conditions définies par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers a, d'une part, au sein de l'émetteur, le pouvoir de prendre des décisions de gestion concernant son évolution et sa stratégie, et a, d'autre part, un accès régulier à des informations privilégiées concernant directement ou indirectement cet émetteur ;
« c) Des personnes ayant, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat, des liens personnels étroits avec les personnes mentionnées aux a et b.
« Les personnes mentionnées aux a à c sont tenues de communiquer à l'émetteur, lors de la communication à l'Autorité des marchés financiers prévue au premier alinéa, une copie de cette communication. Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers définit les modalités de la communication à celle-ci ainsi que les conditions dans lesquelles l'assemblée générale des actionnaires est informée des opérations mentionnées au présent article. » - (Adopté.)
Article 4
Après l'article L. 621-18-3 du même code, il est inséré un article L. 621-18-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 621-18-4. - Tout émetteur dont les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, ou pour lesquels une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée, établit, met à jour et tient à la disposition de l'Autorité des marchés financiers, dans les conditions prévues par le règlement général de cette dernière, une liste des personnes travaillant en son sein et ayant accès aux informations privilégiées concernant directement ou indirectement cet émetteur ainsi que des tiers ayant accès à ces informations dans le cadre de leurs relations professionnelles avec ce dernier.
« Dans les mêmes conditions, ces tiers établissent, mettent à jour et tiennent à la disposition de l'Autorité des marchés financiers une liste des personnes travaillant en leur sein et ayant accès aux informations privilégiées concernant directement ou indirectement l'émetteur, ainsi que des tiers ayant accès aux mêmes informations dans le cadre de leurs relations professionnelles avec eux. »
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 621-18-4 du code monétaire et financier, remplacer les mots :
, ou pour lesquels une demande d'admission aux négociations sur un tel marché a été présentée
par les mots :
ou non
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. L'obligation des émetteurs d'établir une liste des personnes travaillant en son sein et ayant accès aux informations privilégiées les concernant directement ou indirectement ne peut être limitée à ceux dont les titres sont admis ou « en passe d'être admis », selon la formulation proposée par M. le rapporteur, aux négociations sur les marchés réglementés.
Il convient d'étendre le champ d'application de cet article aux titres négociés sur Alternext, par exemple, la création de ce marché structuré et organisé mais non réglementé exigeant le respect de la transparence, ce qui présuppose que les règles de l'abus de marché lui soient applicables.
La rédaction proposée par M. le rapporteur ne nous convient donc pas. Elle reprend partiellement la directive « abus de marché », dont elle fausse le sens.
L'expression que nous proposons par cet amendement permet de couvrir toutes les hypothèses, que les titres soient admis sur un marché réglementé ou non.
Le domaine d'application de cet article doit être le plus large possible ; on ne peut pas exclure qu'une opération d'initié ou une manipulation des cours puisse avoir lieu sur Alternext, qui est un marché organisé. Cet amendement satisfait le principe de précaution et l'exigence de sécurité.
Enfin, la directive 2004/72/CE du 29 avril 2004 prévoit, en son article 2, qu'au rang des critères à prendre en compte dans l'évaluation des pratiques de marché figurent « les caractéristiques structurelles du marché en question, en particulier son caractère réglementé ou non, les types d'instruments financiers négociés et les types de participants à ce marché, notamment l'importance relative de la participation des investisseurs de détail ». Il est ici clairement fait référence à toutes les hypothèses de marché, le hors cote, le marché libre ou les marchés organisés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La problématique ici abordée est identique à celle que nous avons examinée il y a quelques instants à propos de l'amendement n° 2. La commission se fonde sur les mêmes arguments pour demander le retrait, sinon le rejet de cet amendement n° 4.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
I. - Les articles L. 421-12 et L. 421-13 et le 3° du VII de l'article L. 621-7 du même code sont abrogés.
II et III. - Non modifiés
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Masseret, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement de suppression de l'article 5 est pour nous un amendement de principe.
Les mesures qui figurent dans cet article doivent faire l'objet d'un débat devant le Parlement et d'un vote. Seule la loi peut fixer les obligations de transparence à la faveur du respect de l'égalité de traitement des investisseurs. Il importe donc de mettre en place un système juridique plus protecteur de l'information et du principe de l'égalité de traitement de ces investisseurs.
C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article qui prive les parlementaires d'un champ d'intervention pourtant essentiel.
Je rappelle que la Bourse est organisée en France depuis le XVe siècle sur le système de centralisation des ordres. Le mode de formation du prix sur un marché réglementé français protège ainsi les droits de l'investisseur individuel, consommateur - vous l'avez dit tout à l'heure, madame la ministre, et ce n'est pas un mal - de produits financiers, et souvent profane, dans la mesure où ce système offre la garantie du juste prix pour tous les investisseurs, quels que soient leur importance ou le volume des titres qu'ils achètent.
Avec la directive MIF, cette organisation est en train de disparaître au profit des gros investisseurs et au détriment des petits porteurs. En mettant fin au monopole des marchés réglementés, la directive MIF augmente l'opacité des marchés financiers. Elle introduit une rupture qui doit être accompagnée de mesures garantissant la transparence pour tous et le respect de l'égalité de traitement des actionnaires.
Nous voulons que ce soit la loi qui organise cette transparence. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cette disposition.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. J'ai le sentiment, en écoutant Nicole Bricq, que ce n'est pas tant le projet de loi qu'elle conteste que la directive elle-même. Or cette directive existe et il faudra la transposer.
Mme Nicole Bricq. J'en conteste l'interprétation a minima !
M. Philippe Marini, rapporteur. Non, ce n'est pas l'interprétation que vous contestez, c'est le concept lui-même des plates-formes intégrées à des firmes financières globales, ce que je comprends très bien. Mais ce concept est inscrit dans la directive, et cette directive doit être transposée. Elle est d'une grande technicité et, de ce fait, le recours à une habilitation n'est pas anormal.
En première lecture, nous avons souhaité cadrer cette habilitation et faire figurer dans le texte la conséquence majeure qu'est l'abrogation du principe, traditionnel en droit boursier français, de centralisation des ordres sur les marchés réglementés.
Nous avons d'ores et déjà quelques indications sur le contenu prévisionnel de la transposition et sur la répartition de ces éléments entre le champ législatif et le champ réglementaire. Il y a sans doute encore beaucoup de travail à faire. J'ai développé, à cet égard, dans le rapport écrit, bon nombre d'éléments d'information auxquels je me permets de vous renvoyer, madame Bricq.
Madame le ministre, bien entendu, nous serons très vigilants quant à l'élaboration de cette ordonnance, s'agissant en particulier de la transparence qui doit prévaloir avant toute négociation et de la définition de la règle de meilleure exécution. C'est tout ce que nous pouvons faire dans le cadre de la directive, mais il faudra agir avec le souci de ne léser personne et de mettre en place un dispositif à la fois équitable et compétitif.
Enfin, il faut quand même souligner que cette réforme des modes de négociation doit aussi permettre aux investisseurs de se situer sur des marchés beaucoup plus considérables, beaucoup plus liquides, et que le financement de l'économie doit y trouver son compte, dans la mesure où la transparence, elle aussi, sera autant que possible au rendez-vous.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement n° 5.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée. Nous avons déjà eu ce débat lors de la première lecture de ce texte, au cours de laquelle M. le rapporteur a fait adopter un amendement permettant de cadrer l'habilitation. L'Assemblée nationale a validé cette proposition, sous réserve d'un amendement de coordination.
Dans ces conditions, vous comprendrez que le Gouvernement maintienne sa position et soit défavorable à cet amendement.
M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean Boyer, pour explication de vote.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, comme nous l'avions fait remarquer lors de son premier passage devant notre assemblée, dans un contexte bien plus négatif pour l'Europe qu'il ne l'est aujourd'hui, grâce à la remarquable ratification luxembourgeoise, ce projet de loi constitue un exemple concret et réussi de l'intégration européenne appliquée aux marchés financiers.
Les différentes directives que ce projet de loi vise à transposer dans notre droit national permettent d'harmoniser le droit boursier européen et facilitent ainsi l'émergence d'un marché financier intégré, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Ce texte permet l'optimisation de la circulation des capitaux, moteur d'une croissance durable tirée par les investissements et, en conséquence, par la création d'emplois, dont nous avons tant besoin aujourd'hui.
Il permet aussi une adaptation du mode de fonctionnement des marchés financiers aux évolutions techniques, harmonise son contrôle et ses modes de répression. Il offre aussi une occasion de moraliser les marchés, ce que réclame depuis longtemps l'opinion publique.
Plus concrètement, il apporte de nouvelles garanties aux épargnants, afin d'optimiser pour eux la libéralisation des marchés financiers.
Nous ne reviendrons pas sur la demande d'habilitation qui nous est faite. Nous y sommes toujours réticents par principe mais, dans un domaine aussi technique et grâce à un encadrement que M. le rapporteur a souhaité préciser, elle nous paraît acceptable.
Pour toutes ces raisons, nous pensons que ce texte va dans le bon sens, celui de la construction d'une Europe financière intégrée dans un souci de meilleur fonctionnement des marchés. C'est pourquoi le groupe UC-UDF le votera.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, comme l'a souligné notre excellent rapporteur, Philippe Marini, nombre des modifications apportées à ce projet de loi par les députés en première lecture sont essentiellement de nature rédactionnelle ou sont de simples coordinations.
Le Sénat et l'Assemblée nationale sont d'ores et déjà parvenus à un accord sur les principales dispositions de ce projet de loi.
Il convient d'en féliciter notre rapporteur, qui a su à la fois faire preuve de pédagogie, de patience et de conviction sur des sujets souvent complexes. Il a également su mettre en évidence les enjeux de ce projet de loi d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers.
A cet égard, le groupe UMP tient à rappeler l'importance qu'il accorde à un bon suivi des dispositions que le Sénat s'apprête à adopter définitivement.
Ce projet de loi s'inscrit en effet dans un long processus d'harmonisation du droit boursier européen et de réalisation d'un marché unique des marchés financiers.
Ce processus est complexe, dans son contenu comme dans ses modalités d'élaboration, ainsi que l'illustre la procédure « Lamfalussy », dont notre rapporteur a très bien souligné l'originalité, mais aussi les limites, dans son rapport en première lecture.
La France a renforcé les dispositifs de contrôle et de sanction des abus de marchés dès 2003, sans attendre que la législation européenne le lui impose. Il faut féliciter le Gouvernement de cette volonté d'efficacité et de transparence, que vous avez très bien exprimée ce soir, madame le ministre, et que traduit également le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie dont nous poursuivons l'examen en parallèle.
Toutefois, si beaucoup a déjà été fait, beaucoup reste à faire. Ni ce projet de loi ni les directives qu'il vise à transposer ne constituent une fin en soi.
D'une part, toutes les mesures d'application de ce texte ne sont pas encore finalisées sur le plan européen. D'autre part, les techniques et l'organisation des marchés financiers évoluent sans cesse. Notre cadre juridique doit être adapté en permanence, sous peine d'être dépassé, voire contourné.
Les pouvoirs publics doivent donc faire preuve de la plus grande vigilance, compte tenu des risques que comporte la nouvelle architecture des marchés financiers.
Transparence, contrôle et adaptation sont les clés de la confiance, de l'efficacité, donc de la réussite du grand marché unique des marchés financiers.
C'est dans cet esprit que le groupe UMP votera le texte qui est soumis à notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je tiens à saluer la performance de Mme Christine Lagarde, qui intervenait, comme n'a pas manqué de le souligner le rapporteur, pour la première fois ce soir devant la Haute Assemblée.
Madame le ministre, je salue votre efficacité puisque, après moins d'une heure de débat, le Sénat est sur le point d'adopter un projet de loi d'habilitation - et nous resterons vigilants - en vue de la transposition de dispositions qu'il est indispensable d'introduire dans notre droit.
Madame le ministre, votre prestation fut tout à fait prometteuse et je tenais à vous en féliciter. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier de la qualité du débat qui vient d'avoir lieu.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie en particulier du travail de fond très pédagogique que vous avez effectué à l'égard de cette noble assemblée, et dont j'ai été l'humble bénéficiaire lorsque je m'en suis rapportée à vos commentaires.
J'ajoute que Thierry Breton et moi-même comptons sur votre vigilance, comme vous pourrez compter sur notre détermination à faire respecter les principes d'équité, de transparence et d'égalité dans un contexte d'attractivité des marchés financiers pour notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
11
COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE DE TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 8 juillet 2005, l'informant de l'adoption définitive des textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
E2894 - COM (2005) 228 final : Proposition de règlement du Conseil instituant certaines mesures restrictives à l'encontre de la République démocratique du Congo et abrogeant le règlement (CE) n° 1727/2003.
Adoptée le 13 juin 2005.
E2892 - COM (2005) 220 final : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels et agricoles.
Adoptée le 27 juin 2005.
E2880 - 7846/05 : Décision du Conseil fixant la date d'application de certaines dispositions du règlement (CE) n° 871/2004 concernant l'attribution de certaines fonctions nouvelles au Système d'information Schengen, y compris dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Adoptée le 13 juin 2005.
E2878 - COM (2005) 182 final : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 131/2004 imposant certaines mesures restrictives à l'égard du Soudan.
Adoptée le 30 mai 2005.
E2851 - 7116/05 : Projet de décision du Conseil de l'Union européenne relative à l'admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne.
Adopté le 25 avril 2005.
E2850 - COM (2005) 103 final : Proposition de règlement du Conseil instituant des droits de douane supplémentaires sur les importations de certains produits originaires des États-Unis d'Amérique.
Adoptée le 25 avril 2005.
E2843 - COM (2005) 66 final : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission fixant certaines dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire.
Adoptée le 23 mai 2005.
E2804 - COM (2004) 814 final : Proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 2500/2001 afin de permettre la mise en oeuvre de l'aide communautaire conformément à l'article 54, paragraphe 2, point c), du règlement financier.
Adoptée le 30 mai 2005.
E2794 - COM (2004) 772 final : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1868/94 instituant un régime de contingentement pour la production de fécule de pomme de terre.
Adoptée le 30 mai 2005.
E2748 - COM (2004) 733 final : Proposition de décision du Conseil relative à la signature de l'accord entre la Communauté européenne et la Principauté de Monaco prévoyant des mesures équivalentes à celles prévues dans la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 sur l'imposition des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts et à l'approbation ainsi qu'à la signature de la Déclaration d'intention qui l'accompagne, et Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la Principauté de Monaco prévoyant des mesures équivalentes à celles prévues dans la directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts.
Première proposition adoptée le 7 décembre 2004.
Deuxième proposition adoptée le 22 décembre 2004.
E2716 - COM (2004) 619 final : Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République de Côte d'Ivoire concernant la pêche au large de la Côte d'Ivoire, pour la période allant du 1er juillet 2004 au 30 juin 2007.
Adoptée le 24 juin 2005.
E2683 - COM (2004) 511 final : Proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à la conclusion du protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la Bulgarie, d'autre part, visant à tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Hongrie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque.
Adoptée le 18 avril 2005.
E2682 - COM (2004) 510 final : Proposition de décision du Conseil et de la Commission relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la Roumanie, d'autre part, visant à tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Hongrie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque.
Adoptée le 25 avril 2005.
E2680 - COM (2004) 566 final : Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire d'un protocole additionnel à l'accord d'association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Hongrie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque ; Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord d'association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part, pour tenir compte de l'adhésion à l'Union européenne de la République tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Hongrie, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République slovaque.
Première proposition adoptée le 22 novembre 2004.
Deuxième proposition adoptée le 10 mai 2005.
E2673 - COM (2004) 456 final : Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, d'un accord de coopération avec la principauté d'Andorre.
Adoptée le 10 mai 2005.
E2629 - COM (2004) 435 final : Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels.
Adoptée le 19 juillet 2004.
E2593 - COM (2004) 289 final : Proposition de règlement du Conseil instituant une agence communautaire de contrôle des pêches et modifiant le règlement (CE) n° 2847/93 instituant un régime de contrôle applicable à la politique commune de la pêche.
Adoptée le 26 avril 2005.
E2556 - COM (2004) 91 final : Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil instituant un programme communautaire pluriannuel visant à promouvoir une utilisation plus sûre de l'internet et des nouvelles technologies en ligne. [Safer internet plus 2005-2008]
Adoptée le 11 mai 2005.
E2432 - COM (2003) 625 final : Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement.
Adoptée le 17 février 2005.
E2418 - COM (2003) 560 final : Proposition de décision du Conseil relative à l'échange d'informations, à l'évaluation des risques et au contrôle des nouveaux stupéfiants et des nouvelles drogues de synthèse.
Adoptée le 10 mai 2005.
E2339 - COM (2003) 356 final : Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant les directives 84/450/CEE, 97/7/CE et 98/27/CE (directive sur les pratiques commerciales déloyales).
Adoptée le 11 mai 2005.
E2260 - SEC (2003) 255 final : Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et la république socialiste démocratique de Sri Lanka concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier.
Adoptée le 3 mars 2005.
E2112 - COM (2002) 548 final : Proposition de directive du Conseil relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'études, de formation professionnelle ou de volontariat.
Adoptée le 13 décembre 2004.
E2042 - COM (2002) 244 final : Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 72/166/CEE, 84/5/CEE, 88/357/CEE et 90/232/CEE du Conseil et la directive 2000/26/CE sur l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs.
Adoptée le 11 mai 2005.
12
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI organique
M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif aux lois de financement de la sécurité sociale.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 474, distribué et renvoyé à la commission des affaires sociales.
13
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur des petites et moyennes entreprises.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 469, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan.
14
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Paul Alduy une proposition de loi tendant à limiter la quantité de tabac pouvant circuler librement sur le territoire français.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 470, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de MM. François Autain, Guy Fischer, Roland Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen une proposition de loi tendant à autoriser la recherche sur des embryons humains clonés à des fins scientifiques ou thérapeutiques.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 471, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
15
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Projet d'action commune 2005/.../PESC du Conseil relatif à l'action civilo-militaire de l'Union européenne en soutien à la mission de surveillance de l'Union africaine dans la région du Darfour au Soudan (AMIS II).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2915 et distribué.
16
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président. J'ai reçu un rapport déposé par M. Nicolas About, premier vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, sur la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées, établi par Mme Cécile Gallez, députée, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé.
Le rapport sera imprimé sous le n° 466 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de sauvegarde des entreprises.
Le rapport sera imprimé sous le n° 467 et distribué.
J'ai reçu de M. Alain Gournac, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi.
Le rapport sera imprimé sous le n° 472 et distribué.
J'ai reçu de M. Gérard Cornu, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises.
Le rapport sera imprimé sous le n° 473 et distribué.
17
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de M. Jacques Valade un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires culturelles sur la concentration des médias en France.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 468 et distribué.
18
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mardi 12 juillet 2005, à neuf heures quarante-cinq, à quinze heures et, éventuellement, le soir :
1. Discussion du projet de loi (n° 343, 2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Rapport (n° 435, 2004-2005) de Mme Esther Sittler, fait au nom de la commission des affaires sociales ;
Rapport d'information (n° 429, 2004-2005) de Mme Gisèle Gautier, présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes.
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
2. Discussion des conclusions du rapport (n°472, 2004-2005) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi.
M. Alain Gournac, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
3. Suite de la discussion du projet de loi (n° 343, 2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mardi 12 juillet 2005, à zéro heure quarante-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD