sommaire

présidence de M. Roland du Luart

1. Procès-verbal

2. Mesures d'urgence pour l'emploi. - Discussion d'un projet de loi d'habilitation déclaré d'urgence

Discussion générale : MM. Dominique de Villepin, Premier ministre ; Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Jean-Pierre Bel, Henri de Raincourt, Michel Mercier, Roland Muzeau, Aymeri de Montesquiou, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Alima Boumediene-Thiery, M. Jean-Pierre Sueur.

Clôture de la discussion générale.

3. Attentats à Londres

MM. le président, Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

4. Hommage aux victimes des attentats de Londres

5. Candidatures à des commissions mixtes paritaires

6. Mesures d'urgence pour l'emploi. - Suite de la discussion d'un projet de loi d'habilitation déclaré d'urgence

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

Exception d'irrecevabilité

Motion no 22 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Question préalable

Motion no 1 de Mme Raymonde Le Texier. - Mme Raymonde Le Texier, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Rappel au règlement

M. Roland Muzeau.

Article 1er

Amendements nos 2 à 7, 8 rectifié et 9 à 10 de M. Jean-Pierre Godefroy, 23 à 27 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 13 à 17 de M. Michel Mercier, 30 du Gouvernement et 21 de la commission. - M. Jean-Pierre Godefroy, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Raymonde Le Texier, MM. Michel Mercier, le ministre délégué, le rapporteur.

M. Michel Mercier.

Suspension et reprise de la séance

7. Modification de l'ordre du jour

8. Mesures d'urgence pour l'emploi. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi d'habilitation déclaré d'urgence

Article 1er (suite)

Amendements nos 13 rectifié bis, 15 rectifié et 18 à 20 de M. Michel Mercier, 11, 12 de M. Jean-Pierre Godefroy, 28 et 29 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - M. Michel Mercier, Mmes Raymonde Le Texier, Alima Boumediene-Thiery, MM. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ; Jean-Pierre Godefroy, Mme Nicole Bricq. - Retrait des amendements nos 19 et 20 ; rejet, par scrutins publics, des amendements nos 2 et 9 ; rejet des amendements nos 3, 4, 23, 24, 5 à 7, 25, 26, 16, 8 rectifié, 27, 10, 18, 11, 12, 28 et 29 ; adoption des amendements nos 13 rectifié bis, 14, 15 rectifié, 30, 17 et 21.

Adoption de l'article modifié.

Article 2. - Adoption

MM. Michel Mercier, le président.

Suspension et reprise de la séance

Vote sur l'ensemble

MM. Michel Mercier, Jean-Pierre Godefroy, Mme Marie-Thérèse Hermange.

Adoption, par scrutin public, du projet de loi.

MM. le rapporteur, le ministre.

9. Nomination de membres de commissions mixtes paritaires

10. Décisions du Conseil constitutionnel

11. Communication de M. le président de l'Assemblée nationale

12. Dépôt de propositions de loi

13. Dépôt d'un rapport d'information

14. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

 
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
Discussion générale (suite)

mesures d'urgence pour l'Emploi

Discussion d'un projet de loi d'habilitation déclaré d'urgence

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi (nos 454, 457).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de me trouver aujourd'hui parmi vous, au sein de votre Haute Assemblée.

M. Roland Muzeau. Les sénateurs ne sont pas très nombreux ce matin à droite !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Votre dévouement, votre compétence et votre sens de l'intérêt général sont des atouts précieux pour notre démocratie.

Hier, nous avons connu une grande déception avec l'échec de la candidature de Paris aux jeux Olympiques de 2012. Plus que jamais, notre pays doit se rassembler et faire vivre l'esprit de solidarité et de dépassement qui se trouvait au coeur de notre candidature.

Je suis venu vous demander votre soutien dans la bataille pour l'emploi, qui est la priorité absolue de mon gouvernement. Je suis venu vous demander d'examiner en conscience un projet de loi qui, j'en suis convaincu, nous permettra de marquer des points contre le chômage et de retrouver le chemin de la confiance.

Vous êtes mieux placés que quiconque pour le savoir : dans toutes les régions de France, dans toutes les villes et dans tous les quartiers, l'emploi est aujourd'hui une préoccupation majeure de nos concitoyens. Il y a urgence à réagir avec force, avec pragmatisme, avec la volonté de toujours faire mieux et davantage.

C'est pour cette raison qu'en accord avec le Président de la République j'ai fait le choix des ordonnances.

Nous ne pouvons plus accepter que, depuis plus de vingt ans, le chômage reste à un taux aussi élevé dans notre pays. Nous ne pouvons plus accepter qu'un jeune sur cinq ne trouve pas d'emploi. Nous ne pouvons plus accepter que des hommes et des femmes compétents et expérimentés soient exclus du marché du travail simplement parce qu'ils ont plus de cinquante ans. C'est une injustice qui fragilise notre pacte social. C'est un mal qui mine la confiance de nos concitoyens dans l'action politique.

Contre le chômage, nous n'avons pas tout essayé. Notre pays a tous les atouts pour retrouver une croissance dynamique. Nous avons les infrastructures, les compétences, les talents. Pourquoi n'aurions-nous pas les emplois ? Nous devons faire preuve d'audace en nous inspirant des solutions mises en oeuvre avec succès dans d'autres pays, mais aussi en inventant des réponses nouvelles. Le temps n'est plus à l'immobilisme. Aujourd'hui, chacun doit prendre ses responsabilités.

Les solutions que je vous propose sont des solutions équilibrées, qui prennent en compte l'intérêt de tous : entreprises, demandeurs d'emploi et salariés. Je suis profondément attaché à la voie française, qui allie dynamisme économique et solidarité. Mais, aujourd'hui, nous sommes à la croisée des chemins. Si nous voulons sauver notre modèle social, nous devons l'adapter.

Cette action, je veux la mener dans un esprit de dialogue et de concertation.

Concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux que j'ai reçus pour écouter leurs propositions. Le ministre de l'emploi et le ministre délégué au travail sont en contact permanent avec eux.

Dialogue avec le Parlement, comme en témoigne notre débat d'aujourd'hui. Mais le dialogue n'a de sens que s'il est constructif et s'il permet de répondre mieux encore aux attentes des Français. C'est pourquoi j'en appelle à l'esprit de responsabilité de chacun, pour que ce débat soit entièrement guidé par l'intérêt général.

Dans la bataille pour l'emploi, j'ai besoin de votre soutien. Le projet de loi que je soumets aujourd'hui à votre examen vise à habiliter mon gouvernement à prendre six ordonnances.

Elles auront pour objet de mettre en oeuvre des mesures pragmatiques, efficaces et concrètes, qui permettront de débloquer des emplois là où c'est possible : dans les secteurs en pénurie de main-d'oeuvre et dans les très petites entreprises qui aujourd'hui hésitent à embaucher.

Sur les 2,5 millions d'entreprises recensées en France, on compte 2,3 millions de très petites entreprises. Pour ces dernières, recruter, c'est s'engager dans des procédures administratives complexes et coûteuses. C'est aussi prendre une décision lourde de conséquences en dépit de la faible visibilité qui est la leur. C'est, enfin, risquer de ne pouvoir revenir en arrière en cas de difficultés imprévues. Nous devons les aider à surmonter ces obstacles.

Ces mesures proposent des solutions à ceux qui sont le plus souvent touchés par le chômage et par la précarité : les jeunes d'abord, en particulier les moins qualifiés, qui ont aujourd'hui le choix entre le chômage ou les emplois précaires ; les seniors, trop souvent écartés du marché du travail en dépit de leur expérience et de leur efficacité.

La première ordonnance met en place le contrat « nouvelles embauches ». Il s'agit d'un vrai contrat, avec une vraie rémunération, de vraies perspectives et de vraies garanties. C'est un contrat à durée indéterminée, qui ouvre au salarié un accès durable à l'entreprise et à l'ensemble des droits individuels et collectifs.

Ce contrat offre plus de souplesse à l'employeur, grâce à une période initiale de deux ans destinée à consolider l'emploi : au cours de cette période, les procédures de rupture seront simplifiées. En contrepartie, le salarié bénéficiera de plusieurs garanties.

Il aura droit à un préavis dès le deuxième mois de travail. Ce préavis sera de deux semaines au cours des six premiers mois, et augmentera ensuite en fonction de l'ancienneté.

L'indemnité de rupture sera également calculée en fonction de l'ancienneté. A cette indemnité pourra s'ajouter une contribution de reclassement. Par ailleurs, les salariés qui n'auraient pas cotisé suffisamment longtemps pour bénéficier d'une couverture chômage auront droit à une allocation forfaitaire financée par l'Etat.

Enfin, le salarié bénéficiera d'un accompagnement renforcé, pris en charge par le service public de l'emploi. Si les partenaires sociaux le souhaitent, ils pourront bénéficier de la convention de reclassement personnalisé. En attendant, le Gouvernement se dotera de moyens pour leur permettre de retrouver plus facilement un emploi.

Le contrat « nouvelles embauches » fera l'objet d'une évaluation conduite en liaison avec les partenaires sociaux. Mais, afin de débloquer dès maintenant le plus d'emplois possibles, le contrat « nouvelles embauches » sera disponible à la rentrée dans toutes les entreprises jusqu'à vingt salariés.

La deuxième ordonnance crée le chèque emploi pour les entreprises les plus petites. Tout à la fois déclaration unique d'embauche, contrat de travail, déclaration de données sociales et fiche de paie, il permettra de simplifier les formalités administratives pour les employeurs qui pourront ainsi se consacrer pleinement au développement de leur entreprise.

A travers la troisième ordonnance, l'Etat pourra prendre à sa charge les surcoûts financiers liés au franchissement du seuil de dix salariés, et ce pour les dix salariés suivants.

Cette ordonnance prévoit également un crédit d'impôt de 1 000 euros pour les jeunes de moins de vingt-six ans qui choisissent de reprendre un emploi dans l'un des secteurs en pénurie de main-d'oeuvre. Cette prime leur sera versée après six mois de travail. Afin que cette mesure soit pleinement efficace, j'ai souhaité qu'elle puisse s'appliquer à tous les jeunes qui ont commencé leur activité dès aujourd'hui.

Une prime sera également versée aux chômeurs de longue durée bénéficiaires de minima sociaux qui reprennent un emploi stable.

La quatrième ordonnance vise à faciliter l'accès à l'emploi des plus jeunes, en permettant aux employeurs de ne plus inclure les jeunes de moins de vingt-six ans dans le décompte des seuils de dix et de cinquante salariés pour les obligations sociales et financières des entreprises.

La cinquième ordonnance créera en métropole un dispositif d'insertion sur le modèle du service militaire adapté. Mis en place par le ministère de la défense dans les départements d'outre-mer, ce dispositif a fait la preuve de son succès. II offrira une formation aux jeunes sans diplôme ni qualification. Un premier centre sera ouvert dès le mois de septembre.

La sixième ordonnance concerne les règles de recrutement dans l'ensemble de la fonction publique. En supprimant le principe de la limite d'âge, l'Etat donnera l'exemple dans la lutte contre le chômage des seniors.

Cette ordonnance prévoit également une formation en alternance rémunérée, qui permettra à des jeunes d'intégrer la fonction publique après un examen professionnel en tant que fonctionnaires titulaires. Ce nouveau mode de recrutement s'adressera aux jeunes de seize à vingt-cinq ans sortis du système éducatif sans diplôme ou qui rencontrent des difficultés d'insertion professionnelle.

Vous le voyez, ces mesures s'efforcent de répondre de manière concrète et efficace aux obstacles que rencontrent les employeurs mais aussi les demandeurs d'emploi.

Afin de marquer l'engagement du Gouvernement, j'ai décidé de mettre à disposition des jeunes 100 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi, en particulier dans le secteur de l'éducation, dans les maisons de retraite et dans les hôpitaux. Je compte aussi sur la mobilisation des contrats d'avenir, pour lesquels vous venez d'adopter des mesures de simplification indispensables.

Mon plan pour l'emploi s'appuie sur une mobilisation sans précédent de l'Agence nationale pour l'emploi.

L'ANPE a déjà reçu 4 000 des 57 000 jeunes qui sont au chômage depuis plus d'un an, pour leur proposer un emploi, une formation ou un contrat aidé.

Elle renforcera ses liens avec l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, l'UNEDIC, afin de parvenir à un meilleur accompagnement des demandeurs d'emploi.

Je lui demanderai tout à l'heure, à l'occasion d'une rencontre avec ses cadres, de mettre sur pied dans les meilleurs délais une équipe nationale chargée de répondre aux difficultés de recrutement auxquelles il n'est pas possible d'apporter de solution dans chacune des agences locales, et qui viendra les appuyer. II faut faire en sorte qu'un grand groupe national qui cherche à recruter plusieurs centaines d'employés dans toute la France puisse avoir un interlocuteur capable de répondre rapidement à ses besoins.

Ce plan pour l'emploi est la première étape pour retrouver le chemin d'une croissance dynamique et retisser le fil de la confiance avec les Français.

Nous avons des atouts remarquables : la position géographique de notre pays, la qualité de notre main-d'oeuvre, notre réseau d'infrastructures, notre tradition industrielle. Mais, au-delà de la baisse du dollar et de la hausse du pétrole, notre économie a aussi des faiblesses à surmonter. Notre industrie reste trop concentrée sur des secteurs traditionnels ; nos entreprises n'ont pas su tirer suffisamment parti de l'émergence de nouvelles zones de forte croissance économique.

Pour faire face à ce défi, nous devons renforcer notre maîtrise de l'innovation et entrer de plain-pied dans l'économie de la connaissance. Qu'il s'agisse des nanotechnologies, des biotechnologies ou des sciences de l'information, nous devons nous donner les moyens d'être à la pointe des secteurs stratégiques de demain. Tous les acteurs de la recherche, qu'elle soit publique ou privée, doivent unir leurs efforts. L'Etat donne l'exemple à travers le doublement de la dotation de l'Agence pour l'innovation industrielle et la création de l'Agence nationale pour la recherche.

Relever ce défi économique suppose aussi de parvenir à une meilleure mise en réseau de tous les acteurs de l'innovation.

Les pôles de compétitivité décidés la semaine prochaine permettront aux laboratoires, aux universités, aux petites et moyennes entreprises, de mieux travailler ensemble. Cette nouvelle organisation devra s'appuyer sur les collectivités locales afin d'apporter leur dynamique aux bassins d'emplois et aux régions.

Je veux également lancer de grands projets d'infrastructure afin d'améliorer l'attractivité de notre territoire et la compétitivité de notre outil industriel.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez devant vous un gouvernement de service public qui, depuis plus d'un mois, est à l'écoute des Français, un gouvernement qui est au travail pour répondre à leurs attentes, un gouvernement qui cherche des solutions concrètes et pragmatiques pour améliorer leur vie quotidienne.

Comme d'autres en Europe, notre pays traverse une période difficile. Je suis convaincu qu'il a tous les atouts pour en sortir rapidement et pour renouer avec l'emploi et la croissance.

Mais, pour rétablir la confiance dans notre pays, nous devons nous rassembler autour d'objectifs simples : le service des Français et la défense de l'intérêt général. C'est pourquoi je suis venu vous demander aujourd'hui, en conscience, votre soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, même si le vote du 29 mai a répondu à des motivations très diverses, il est en grande partie, à mon sens, l'expression du malaise social profond qui traverse notre pays. Le niveau élevé du chômage, qui frappe plus de 10 % de la population active, inquiète légitimement nos concitoyens et leur fait envisager l'avenir avec crainte. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

Bien que le précédent gouvernement ait pris de nombreuses mesures positives pour l'emploi, ...

M. Roland Muzeau. Ah oui ? Lesquelles ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Je vais vous le dire !

M. Guy Fischer. On n'a rien vu !

M. Alain Gournac, rapporteur. ... qu'il s'agisse de l'assouplissement des trente-cinq heures (exclamations sur les travées du groupe CRC),...

M. Alain Gournac, rapporteur. ... du plan de cohésion sociale ou encore du droit individuel à la formation, ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Combien d'emplois créés ?

M. Alain Gournac, rapporteur. ...les résultats de cette politique sont demeurés jusqu'à présent trop limités. (Brouhaha sur les travées du groupe CRC.)

Ces résultats encore peu probants s'expliquent notamment par les conséquences défavorables d'une conjoncture économique faiblement porteuse. Ils tiennent aussi aux inévitables délais de mise en oeuvre des politiques publiques : les premiers contrats d'avenir ou d'accompagnement vers l'emploi n'ont été signés que très récemment.

M. Roland Muzeau. La faute à qui ?

M. Alain Gournac, rapporteur. C'est pourquoi le Gouvernement dirigé par Dominique de Villepin a choisi, sans remettre en cause les orientations retenues depuis trois ans, de donner une nouvelle impulsion à la politique de lutte contre le chômage.

M. Christian Cointat. Très bien !

M. Alain Gournac, rapporteur. Le Premier ministre a consacré la plus grande partie de sa déclaration de politique générale, prononcée devant l'Assemblée nationale le 8 juin dernier et le lendemain au Sénat, à la présentation de mesures d'urgence pour l'emploi. Celles-ci sont aujourd'hui reprises dans le projet de loi d'habilitation soumis à notre examen.

Bien qu'il soit prévu par notre Constitution, le recours à la procédure des ordonnances est vivement critiqué par certains, ce qui me paraît à vrai dire un peu excessif.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un peu seulement !

M. Adrien Gouteyron. Très excessif !

M. Alain Gournac, rapporteur. Depuis 1958, en effet, plusieurs gouvernements ont eu recours à cette procédure pour mettre en oeuvre des aspects de leur programme au contenu politique très sensible : les privatisations en 1986, le découpage électoral la même année, la réforme de la sécurité sociale en 1995, mais aussi les grandes réformes sociales de 1982 - retraite à soixante ans, cinquième semaine de congés payés, semaine de trente-neuf heures, et bien d'autres encore -, ont été décidés par voie d'ordonnance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

De plus, le Conseil constitutionnel considère, comme il l'a rappelé dans une décision de 2003, que l'urgence figure bien au rang des justifications qui peuvent motiver le recours aux ordonnances.

Surtout, sur le plan politique, je considère qu'il serait regrettable de ne pas apporter une réponse rapide aux difficultés économiques et sociales que connaît notre pays.

Mme Catherine Tasca. Il est temps !

M. Alain Gournac, rapporteur. Gagner la bataille de l'emploi appelle de notre part une action prompte et déterminée.

M. Roland Muzeau. D'abord de la part du Gouvernement !

M. Alain Gournac, rapporteur. L'exemple du plan de cohésion sociale montre que les meilleurs projets peuvent parfois requérir de si longs délais de mise en oeuvre qu'ils en viennent à susciter la déception ou le scepticisme.

Il nous appartient maintenant d'agir sans délai pour que les mesures annoncées soient effectives dès la rentrée prochaine.

Les mesures d'urgence proposées s'organisent autour de quatre axes.

En premier lieu, le Gouvernement entend stimuler les créations d'emplois en simplifiant les procédures d'embauche et de licenciement.

Les petites entreprises, nous le savons, hésitent souvent à embaucher, car elles craignent de ne pouvoir réduire leurs effectifs si leurs perspectives d'activité faiblissent ou si leur situation financière se dégrade. Afin de surmonter cet obstacle, le Gouvernement propose la création d'un nouveau contrat de travail à durée indéterminée : le contrat « nouvelles embauches », CNE.

Pendant les deux années suivant la signature de ce contrat, le licenciement du salarié serait soumis à des procédures simplifiées par rapport au droit commun. Ce contrat serait réservé aux petites entreprises employant moins de vingt salariés. Or, comme près de 30 % des salariés du privé travaillent dans ces entreprises, les effectifs concernés par ce contrat « nouvelles embauches » devraient être suffisamment importants pour que la mesure ait un réel et fort impact.

Vous le savez, il avait d'abord été envisagé que ce contrat soit assorti d'une « période d'essai de deux ans ». Ce projet est désormais abandonné, ce dont notre commission se félicite : en cas de rupture du contrat « nouvelles embauches » sur l'initiative de l'employeur, le salarié bénéficiera de plusieurs garanties, notamment un préavis d'une durée proportionnelle à l'ancienneté du salarié, une indemnité de licenciement et un accompagnement personnalisé assuré par le service public de l'emploi.

Par ailleurs, un chèque emploi sera créé, qui dispensera les entreprises de l'accomplissement de diverses formalités administratives, sur le modèle du titre emploi entreprise créé en 2004, qui permet d'ores et déjà d'accomplir de manière simplifiée les déclarations adressées aux organismes sociaux. Le chèque emploi aurait l'avantage de tenir lieu, de surcroît, de contrat de travail et de titre de paiement.

Notre commission vous présentera, sur ce point, un amendement destiné à préciser le champ de l'habilitation. Un groupe de travail a été mis en place sur l'initiative des ministères de l'emploi et des PME, avec l'ensemble des acteurs concernés, afin de définir les modalités techniques de création de ce chèque.

Le deuxième axe d'action consiste à lutter contre les effets de seuil préjudiciables à la croissance des petites et moyennes entreprises.

Le franchissement du seuil des dix salariés, en particulier, entraîne pour les entreprises des obligations financières supplémentaires : elles doivent s'acquitter de contributions au financement de la formation professionnelle continue, au financement des transports en commun ou encore au Fonds national d'aide au logement. Le coût global résultant de l'embauche du dixième salarié est évalué à environ 5 000 euros.

Il n'est guère surprenant, dans ces conditions, que l'on compte dans notre pays peu d'entreprises de dix salariés et beaucoup qui en emploient huit ou neuf. Pour que les entreprises franchissent plus facilement le cap du dixième salarié, le Gouvernement propose que l'Etat prenne en charge, au moins en partie, les surcoûts occasionnés par la dixième embauche : les entreprises seraient dispensées d'effectuer les versements que j'ai mentionnés et l'Etat compenserait, auprès des organismes concernés, le manque à gagner.

Dans le même souci, une autre mesure consisterait à aménager les règles de décompte des effectifs, de manière que l'embauche de jeunes de moins de vingt-six ans n'entraîne pas de dépassement de seuil. Cette mesure devrait inciter à l'embauche de jeunes demandeurs d'emploi, qui sont souvent pénalisés sur le marché du travail par leur manque d'expérience.

Cette mesure présente cependant, à nos yeux, un inconvénient : elle risque d'affaiblir la représentation syndicale dans l'entreprise et de faire obstacle à la création d'institutions représentatives du personnel, qui sont soumises à des conditions de seuil.

Nous comprenons que le Gouvernement veuille accorder aujourd'hui la priorité aux créations d'emploi par la mise en oeuvre de décisions simples et immédiatement lisibles. Nous pensons toutefois qu'il ne serait pas inutile d'engager, en parallèle, une réflexion sur les moyens de renforcer la présence syndicale et de conforter les institutions représentatives du personnel dans les entreprises. Cette suggestion répond d'ailleurs au souci constant de notre commission de favoriser le dialogue social dans l'entreprise.

M. Roland Muzeau. C'est la meilleure !

M. Alain Gournac, rapporteur. En troisième lieu, le projet de loi d'habilitation prévoit d'ouvrir de nouvelles voies d'insertion professionnelle. Deux initiatives sont ici annoncées.

La première consiste à adapter en métropole le « service militaire adapté » existant outre-mer et qui permet à des jeunes peu qualifiés de s'engager dans un parcours d'insertion organisé par le ministère de la défense : 20 000 jeunes en difficulté pourraient bénéficier de ce nouveau dispositif d'ici à 2007.

Notre collègue Anne-Marie Payet, qui connaît bien le service militaire adapté puisqu'elle est élue de la Réunion, soulignait, dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2005, que le taux d'insertion professionnelle de ses bénéficiaires est très élevé, de l'ordre de 75 %.

Cette observation incite notre commission à envisager très favorablement l'extension du dispositif à la métropole.

La deuxième initiative consiste à réformer les modalités d'accès à la fonction publique. Tout d'abord, les administrations seraient autorisées à recruter leurs fonctionnaires de catégorie C par la voie de l'alternance - un mot que j'aime beaucoup ! -, puis à les titulariser dans leur emploi après un examen professionnel. Cette exception apportée au principe du concours devrait faciliter l'accès aux emplois publics de jeunes dont le faible niveau de formation initiale fait obstacle à leur entrée sur le marché du travail.

Par ailleurs, les limites d'âge prévues pour les concours dans les trois fonctions publiques seraient supprimées, ce qui permettrait notamment à des salariés du secteur privé de connaître une seconde carrière en tant que fonctionnaires.

M. Roland Muzeau. Vous supprimez 5 000 emplois dans le secteur public !

M. Alain Gournac, rapporteur. Enfin, et c'est le quatrième axe, le Gouvernement prévoit de créer deux nouvelles incitations fiscales à la reprise d'emploi.

La première bénéficierait aux chômeurs de longue durée et leur permettrait de faire face plus facilement aux frais qu'occasionne la reprise d'un emploi, tels que les frais de garde des enfants, les frais de transport ou la perte de diverses aides.

La seconde incitation profiterait aux jeunes de moins de vingt-six ans qui acceptent un emploi dans un secteur confronté à des pénuries de recrutement. On pense immédiatement aux secteurs du bâtiment, des travaux publics et de l'hôtellerie-restauration, entre autres.

De cette manière, une partie des 200 000 emplois non pourvus recensés par l'Agence nationale pour l'emploi, l'ANPE, devraient trouver preneurs.

En conclusion, notre commission vous demande d'approuver les propositions innovantes contenues dans ce projet de loi d'habilitation. Je signale que celles-ci s'accompagnent d'un effort budgétaire non négligeable, évalué à 4,5 milliards d'euros en 2006, qui explique la décision du Gouvernement de marquer une pause dans la politique de baisse de l'impôt sur le revenu.

Nous considérons cependant que ces propositions n'épuisent pas la réflexion qu'il convient de mener sur nos politiques d'emploi. Elles ne nous dispensent pas en particulier d'envisager une réforme plus globale des procédures de licenciement ou encore de procéder à une remise à plat du problème des seuils d'effectifs, de manière que les effets négatifs de ces derniers ne soient pas éternellement compensés par le budget de l'Etat.

M. Guy Fischer. Mme Parisot sera contente !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est plus le baron ?

M. Alain Gournac, rapporteur. J'ai retiré des auditions que j'ai menées sur ce projet de loi le sentiment que les partenaires sociaux sont plutôt ouverts à la discussion sur ce deuxième point.

Nous estimons, enfin, que ces mesures vont dans le sens de la réhabilitation de la valeur du travail, à laquelle la majorité oeuvre depuis 2002, et nous formons le voeu que les divisions qui se manifestent aujourd'hui sur ce texte finissent par être dépassées au profit d'un large rassemblement national pour l'emploi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme Hélène Luc. Ils veulent démolir le code du travail !

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 103 minutes ;

Groupe socialiste, 67 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 26 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratiqueet social européen, 15 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Bel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, au moment d'aborder ce projet de loi de recours aux ordonnances dans le domaine de l'emploi, il n'est pas inutile de s'interroger sur l'état dans lequel se trouve la société française aujourd'hui.

Il ne s'agit, je vous rassure, ni d'un exercice de dénigrement facile, ni d'une énième analyse de ce qui s'est exprimé le 29 mai, chacun d'entre nous peut avoir son avis sur ce point. Non, il s'agit tout simplement d'apprécier, face à l'état de notre pays, la pertinence de votre réponse, monsieur le Premier ministre, tant sur la méthode que sur le contenu.

Mes chers collègues, lequel d'entre nous n'a pas eu témoignage de ce profond malaise qui traverse toutes les couches de notre société ? Qui, ici, n'a pas perçu la souffrance de ceux sans avenir, sans perspective, pour lesquels quotidien rime avec précarité, pouvoir d'achat avec difficulté et mode de vie avec peurs et angoisses ?

Comment ne pas mesurer ce désarroi face à un horizon absurde marqué, d'un côté, par le mal-être des banlieues bondées et, de l'autre côté, par celui de zones rurales désertifiées, de territoires entiers à la dérive, de bassins industriels en voie de disparition ? Comment ne pas voir cette colère plus ou moins contenue pour ceux qui, génération après génération, ont tout donné et qui se sentent aujourd'hui abandonnés ?

Beaucoup ont utilisé, pour caractériser la période, des mots forts et qui ont du sens : crise de confiance, crise de régime, crise de la démocratie, affaiblissement du modèle républicain. On voit bien que c'est l'ensemble du système qui est touché avec la perte de crédit du politique, une Vème République à bout de souffle, une crise de l'Etat, de l'action publique, une fin de règne enfin, marquée par les fiascos successifs d'un chef de l'Etat qui semble échouer sur tout ce qu'il touche.

Alors, monsieur le Premier ministre, face à cela, je crains fort que les mesures que vous nous proposez ce matin non seulement ne soient en décalage complet avec les enjeux du moment, avec les attentes des Français, mais aussi ne soient tellement injustes qu'elles ne pourront engendrer que frustration et colère.

Il y a le fond, mais il y a aussi la forme : vous utilisez la procédure la plus détestable qui soit, celle des ordonnances, au nom de l'urgence. Cela signifie, en fait, que vous venez de découvrir, seulement ces derniers jours, qu'il y a urgence à mener le combat pour l'emploi. Comment expliquer cela alors que vous êtes en responsabilité depuis plus de trois ans ?

Les Français ont exprimé qu'ils vivaient très mal la distance entre eux et leurs représentants, et vous, vous décidez de l'élargir en niant l'intérêt du débat parlementaire et le rôle des partenaires sociaux.

J'ai, bien sûr, entendu M. le rapporteur : tous les gouvernements y ont eu recours et même le précédent gouvernement de gauche.

Pour le gouvernement de Lionel Jospin, vous le savez bien, il l'a fait dans des domaines en rien comparables à un sujet aussi essentiel que la politique de l'emploi : il s'agissait d'adapter le droit de l'outre-mer, de combler le retard de la France en matière de transposition de directives, de relancer la codification.

Quant aux ordonnances prises antérieurement, rappelons qu'en 1945 elles concernaient la création des comités d'entreprise et de la sécurité sociale, qu'en 1982 il s'agissait des 39 heures et de la cinquième semaine de congés payés, tout le contraire de ce que vous nous proposez aujourd'hui ! Alors que nous voulions favoriser le progrès social et les droits des salariés, vous, vous ne pensez qu'à en découdre avec les garanties, les sécurités et les protections que préserve notre code du travail !

Où est le temps, monsieur le Premier Ministre, où le Président de la République, il est vrai en campagne électorale, déclarait : « Il faut négocier avant de légiférer», pour renouveler le pacte démocratique français ?

J'espère que vous n'imaginez pas que le fait d'avoir reçu les syndicats et les avoir poliment écoutés tient lieu de dialogue social, dès lors que ce que disent les représentants des salariés n'est ni pris en compte ni entendu, ni encore moins mis en oeuvre.

Votre écoute, dans la réalité, votre seule écoute, vous la réservez au MEDEF, parce qu'il est clair, là aussi, que vos annonces ont été suggérées, demandées, puis exigées par le MEDEF, notamment dans les rapports de MM. de Virville et Camdessus.

Dans un instant, mes amis Jean-Pierre Godefroy, Alima Boumediene-Thiery, Jean-Pierre Sueur et d'autres entreront dans le détail des mesures et démontreront ainsi combien elles sont unilatérales, toujours favorables aux mêmes, et combien, d'un autre côté, elles fragilisent et précarisent le statut du salarié.

Je voudrais simplement vous mettre en garde : hausse de l'endettement public, déficits sociaux, déficit du commerce extérieur, panne du pouvoir d'achat, augmentation des tarifs publics, hausse des prestations sociales, approfondissement des inégalités territoriales, tous les clignotants sont au rouge et il y a un vrai risque d'explosion sociale.

Est-ce vraiment ce que vous souhaitez ? Comment ne pas l'imaginer quand vous poussez la provocation jusqu'à spolier les familles d'un milliard d'euros dans le projet de convention entre l'Etat et la Caisse nationale d'allocations familiales ?

Comment continuer, au même moment, à vous entendre annoncer la création de 15 000 places en crèche alors que vous savez bien que vous présenterez la facture aux seules collectivités locales ?

Monsieur le Premier ministre, vous et vos amis, depuis trois ans, vous n'avez assumé aucun échec. A chaque désaveu électoral, vous avez poursuivi la même politique.

Il n'y a pas aujourd'hui de rupture, car la politique est conduite par les mêmes hommes, avec, il est vrai, un peu moins de femmes. Vous poursuivez, en l'accélérant, votre programme de libéralisation économique et de flexibilité du marché du travail. Vous habillez cette continuité par un changement dans le discours. A la gestion conservatrice de votre prédécesseur, vous substituez la politique du karcher de votre vice-premier ministre !

Nous attendions le sursaut, nous entendons la démagogie. Oui, monsieur le Premier ministre, prenons garde !

Prenons garde parce que le chômage qui touche plus de 10% de la population française, dont 22% de nos jeunes, instille la peur de l'avenir. La détresse qu'il porte en germe est bien souvent d'ordre moral. Vous ne pourrez pas sans cesse et sans risque instrumentaliser les craintes et les peurs des Français !

Prenez garde aussi à jouer sur une prétendue faiblesse des syndicats. Ce n'est pas leur force qui constitue une menace pour notre pays, c'est l'inverse. Sans eux, la confrontation sera d'autant plus rude.

Une fois épuisés vos 100 jours, vous allez vous retrouver à l'automne, lorsque les Français feront les comptes, dans un dangereux face à face puisque vous avez contourné la démocratie sociale et la démocratie représentative.

La vraie confrontation sera celle de vos annonces et de vos réformes avec la réalité sociale sur le terrain. Je vous ai entendu ironiser, comme d'autres d'ailleurs, sur la situation de la gauche aujourd'hui. Ne vous réjouissez pas trop vite ! Pour ce qui nous concerne, nous n'entendons pas nous dérober à nos responsabilités.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pourvu que ça dure !

M. Jean-Pierre Bel. Le moment venu, nous présenterons aux Français le projet d'une politique radicalement différente.

Par une grande négociation, une conférence sociale annuelle avec les représentants salariaux et patronaux, les forces vives de notre pays, il faut mener un grand débat public pour faire émerger un nouveau contrat social garantissant les mécanismes de solidarité nationale, une sécurité professionnelle et sociale, oeuvrer pour renouveler le pacte républicain qui renforcera nos services publics, assurera la sécurité, luttera contre les discriminations.

Il faut poser les premières pierres d'une nouvelle démocratie participative et sociale, transformer nos institutions pour mieux rénover la vie politique, proposer de reconstruire un projet européen pour répondre aux défis de la mondialisation.

Voilà les chantiers sur lesquels nous travaillons en remplissant par là notre rôle de parti d'opposition dans une démocratie, soucieux de préparer l'alternative pour trouver un débouché à la crise sociale, économique et politique de notre pays.

Monsieur le Premier ministre, vous avez demandé 100 jours pour rendre la confiance aux Français. Mais la confiance se mérite et elle passe par le respect et la clarté.

Le respect, c'est celui du contrat passé avec ceux qui font notre pays, dans leur diversité. Vous leur avez tourné le dos. La clarté, c'est le choix de la responsabilité, de la solidarité et de la vérité dans l'action. Malheureusement pour notre pays, les ordonnances que vous préparez cet été sont le signe de votre renoncement à ces valeurs de respect et de clarté.

Nous nous y opposerons de façon combative et déterminée parce que nous savons qu'il y a urgence, oui, mais urgence à renouer avec les attentes des Français, à porter un projet crédible de changement politique dans notre pays et à une autre échelle, à relancer l'espérance européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.

M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, faire passer la France d'un siècle à l'autre, c'est notre devoir collectif et notre volonté. La nostalgie des trente glorieuses et l'illusion d'une providence sociale illimitée ne sauraient constituer le passeport du XXI ème siècle.

Au coeur de cette volonté, il y a un message clair que nous souhaitons faire partager et retrouver : c'est celui de la valeur du travail et de l'effort.

Pour nous, le travail est non seulement au service de l'essor économique et du progrès social, mais il constitue également, comme le rappelait le Président de la République, « l'une des valeurs fondamentales de notre société car il n'est pas seulement source de revenus. Il représente bien plus. Il permet à chacun de se construire une identité, de trouver sa place dans la société ».

On ne dira jamais assez les ravages causés dans toutes les couches de notre société par la culture du non-travail et de la civilisation des loisirs.

M. André Dulait. Très bien !

M. Roland Muzeau. Et voilà ! Les salariés sont des fainéants !

M. Alain Gournac, rapporteur. M. de Raincourt a raison !

M. Guy Fischer. Les pauvres sont des tricheurs !

Mme Nicole Bricq. C'est trop ! Il va nous parler du Front populaire, bientôt !

M. Henri de Raincourt. Vos réactions sont révélatrices !

La rupture de cet équilibre engendre déception et dépression. II faut remettre les choses à l'endroit, soutenir l'activité et encourager la création d'entreprises et d'emplois.

Or, aujourd'hui, le marché de l'emploi se caractérise par un paradoxe inacceptable : d'un côté, 2,5 millions de chômeurs, de l'autre, des centaines de milliers d'offres d'emploi non pourvues, notamment dans les PME qui cherchent vainement à embaucher.

M. André Dulait. C'est vrai !

M. Henri de Raincourt. En outre, je veux citer l'exemple de la Bourgogne, où, pour la première fois, cette année, le nombre de personnes qui quittent le marché du travail est supérieur au nombre de celles qui y entrent.

Ces difficultés en matière d'emploi sont d'autant plus regrettables que les résultats obtenus par certains de nos partenaires européens démontrent, s'il en était besoin, qu'il n'y a pas d'incompatibilité de principe entre le plein-emploi et le respect de ce qu'on voudrait être un modèle social fondé, en particulier, sur une régulation collective des relations du travail et le développement de mécanismes de solidarité permettant une protection sociale à vocation universelle et réglée par la puissance publique.

Monsieur le Premier ministre, lors de votre déclaration de politique générale, vous nous avez délivré un message fort d'action en faveur de la mobilisation pour l'emploi.

C'est ce message que vous souhaitez promouvoir et traduire dans le concret au travers du projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui. Celui-ci a une double caractéristique : il répond à l'urgence avec cohérence et pragmatisme.

Oui, nous sommes bien dans l'urgence. La situation économique, sociale et politique appelle des réponses qui ne peuvent attendre. Les Françaises et les Français, nous le savons tous ici, ont clairement exprimé leur souffrance, leur détresse et leur inquiétude devant l'avenir, dans un environnement qui leur paraît, non sans raisons, incertain.

Cela étant, comme nous venons de l'entendre, certains vous reprochent, monsieur le Premier ministre, la méthode retenue, consistant à procéder par ordonnances. Mais que proposent-ils ? Rien, désespérément rien !

En outre, si nous en sommes là aujourd'hui, c'est peut-être parce que, à une époque pas si lointaine, l'utilisation qui a été faite des fruits de la croissance...

Mme Nicole Bricq. C'est l'héritage !

M. Henri de Raincourt. ... n'a pas permis de régler un certain nombre de questions fondamentales qui empoisonnent la vie économique et sociale de notre pays depuis longtemps ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) J'appelle donc nos collègues à faire preuve, comme nous, d'un peu d'humilité et de modestie ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Roland Muzeau. Vous transformez l'or en sable !

Mme Catherine Tasca. Cela fait trois ans que vous êtes au pouvoir !

M. Henri de Raincourt. Tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ont utilisé la procédure prévue à l'article 38 de la Constitution. On nous affirme, et je viens encore d'entendre cet argument, que les réformes adoptées précédemment dans ces conditions n'étaient pas aussi importantes. Je reprendrai, à cet instant, les propos tenus par mon ami Alain Gournac, pour rappeler quelques-unes de ces réformes, qui à mes yeux n'étaient pas secondaires : abaissement de l'âge de la retraite à soixante ans,...

M. Alain Gournac, rapporteur. Oui !

M. Henri de Raincourt. ... fixation de la durée légale hebdomadaire du travail à 39 heures, instauration de la cinquième semaine de congés payés...

M. Jean-Pierre Bel. Excellent !

M. Guy Fischer. C'était social !

M. Michel Charasse. L'interdiction du travail des enfants dans les mines !

Mme Catherine Tasca. Ce sont les salariés qui vous dérangent ?

M. Henri de Raincourt. Il s'agissait non pas de simples ajustements, mais de la création d'un surcroît de chômage par ordonnances ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) On peut difficilement prétendre que ces mesures n'affectaient pas significativement le code du travail.

La justification du recours aux ordonnances donnée aux députés, le 8 décembre 1981, par le Premier ministre de l'époque, notre collègue Pierre Mauroy, est riche d'enseignements sur les motivations du gouvernement d'alors :

L'ardeur des députés, disait-il, « n'a cependant pas encore permis que les réformes de structures, engagées dès l'ouverture de la législature, soient votées aujourd'hui. Cette ardeur ne suffirait pas à faire adopter nos propositions en matière d'abaissement de la durée légale du travail, d'aménagement du temps de travail, d'âge de la retraite, d'ici au printemps. Même si nous convoquions encore de longues sessions extraordinaires, nous n'y parviendrions que difficilement. En outre, votre tâche de députés ne consiste pas seulement à siéger à l'Assemblée nationale. Vous devez pouvoir être davantage présents dans vos circonscriptions. » (Rires sur les travées de l'UMP.)

Le complément d'explication fourni par le même Premier ministre dans notre hémicycle, quelques jours plus tard, quand il évoquait « la nécessité de mettre en place dans l'urgence des mesures pour l'emploi afin qu'elles puissent porter leurs fruits le plus tôt possible », me semble quant à lui tout à fait légitime et propre à recueillir l'assentiment de tous les membres de notre assemblée. Nous faisons nôtre, bien évidemment, cet argument plein de bon sens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Bricq. Vous avez vingt-trois ans de retard !

M. Henri de Raincourt. Ne reniez pas, tout de même, les propos de M. Mauroy !

C'est bien dans cette perspective que nous nous inscrivons aujourd'hui, parce que cette démarche correspond en tout point à l'esprit et à la lettre de la Constitution. En effet, l'habilitation est strictement encadrée, s'agissant de son champ d'application comme de son calendrier.

Enfin, certains prétendent qu'à légiférer trop vite on légifère souvent mal.

M. Guy Fischer. C'est le président qui l'a dit hier !

M. Henri de Raincourt. Ce risque serait aggravé par le fait que les ordonnances ne donnent plus lieu à une éventuelle correction parlementaire. Dois-je rappeler que le Parlement garde la latitude de modifier à tout moment, par une loi ordinaire, le texte des ordonnances qui seront promulguées ? Les ordonnances sont donc bien une voie efficace pour agir rapidement.

Durant trois années, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a engagé des réformes importantes, trop longtemps différées, on ne le dira jamais assez. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.) C'est un acquis national, sur lequel peut s'appuyer l'action que vous conduisez, monsieur le Premier ministre.

Aujourd'hui, parce qu' « aucune solution ne doit être écartée par préjugé », comme le rappelait le Président de la République, le Gouvernement nous présente des mesures cohérentes, concrètes et pragmatiques.

Le contour des mesures d'urgence qui seront prises par ordonnances, dont vous avez d'ores et déjà commencé à négocier les modalités avec les partenaires sociaux, monsieur le Premier ministre, ne remet nullement en cause, contrairement à ce que l'on entend dire, les grands équilibres de notre code du travail. Il s'agit au contraire de mesures concrètes et pertinentes qui visent à libérer rapidement les énergies tant des entreprises que des demandeurs d'emploi et donc à créer des emplois.

Tout d'abord, le présent projet de loi d'habilitation correspond aux dispositions d'ordre législatif annoncées par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale. Elles sont centrées sur l'emploi dans les très petites entreprises, l'emploi des jeunes et celui des seniors. Elles répondent à la demande des entreprises qui souhaitent recruter et se voient encouragées par des mesures de simplification et de souplesse.

Pour autant, certains prétendent que le « contrat nouvelle embauche », disposition phare du plan, serait un contrat précaire. Or, actuellement, les trois quarts des contrats de travail au sein des très petites entreprises sont des contrats à durée déterminée, c'est-à-dire sans aucune garantie de reconduction à leur terme.

M. Guy Fischer. C'est vrai !

M. Henri de Raincourt. N'est-il pas préférable de favoriser un contrat à durée indéterminée dont les titulaires verront leurs droits croître avec leur ancienneté dans l'entreprise ? En cas de rupture du contrat, des indemnités supérieures à celles qui sont prévues dans le cadre d'un CDI pourront être versées et seront de plus payables avant cette dernière.

Le présent projet de loi tend également à répondre à la demande des salariés qui veulent travailler avec des garanties et des droits. Il devrait permettre de lever la grande crainte de beaucoup de petits entrepreneurs d'avoir, le cas échéant, à « gérer » un licenciement, en particulier d'avoir à le justifier devant un juge. Ceux d'entre eux qui, devant la complexité administrative et les aléas de la vie économique, n'ont jamais osé tenter l'aventure de l'embauche, vont pouvoir s'y lancer, grâce aux filets de sécurité tendus au profit des salariés, ainsi qu'au « chèque emploi entreprise », qui simplifiera grandement les formalités.

Par ailleurs, le droit du travail comporte de nombreuses dispositions qui s'appliquent au-delà d'un certain seuil en matière d'effectif. Parmi ces obligations, plusieurs entrent en jeu cumulativement à l'embauche du dixième salarié. Il en résulte que l'on dénombre deux fois moins d'entreprises comptant dix salariés que d'entreprises en comptant neuf : je ne crois pas au hasard dans ce domaine ! Si la prise en charge du surcoût des charges par l'Etat peut permettre à des entreprises de franchir le cap psychologique très marqué des dix salariés, ce sont, à l'évidence, plusieurs milliers d'emplois qui pourront être créés très rapidement, sans aucune réduction des avantages sociaux.

Dans le même esprit, des dispositifs de bon sens seront mis en place pour faire tomber les obstacles à l'embauche des jeunes : décompte des effectifs de l'entreprise pour l'application de l'ensemble des seuils sociaux et mise en oeuvre d'un dispositif d'insertion des jeunes en difficulté, notamment dans les institutions de la défense, à l'image du service militaire adapté tel qu'il existe outre-mer et qui, mêlant une formation militaire à une formation professionnelle distincte, permet aux jeunes d'être formés et de trouver, pour nombre d'entre eux, un emploi.

Deux autres mesures particulières pourront être appliquées dans de brefs délais. Il s'agit, d'une part, de la suppression des limites d'âge dans la fonction publique, et, d'autre part, de la mise en oeuvre rapide d'une nouvelle modalité de recrutement pour l'accès aux corps et cadres d'emplois de catégorie C, par la voie de la formation en alternance.

Enfin, on ne peut continuer à connaître des pénuries de main-d'oeuvre dans certains secteurs alors que les chômeurs représentent plus de 10 % de la population active de notre pays.

M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !

M. Henri de Raincourt. La prime de 1000 euros qui sera versée présente une spécificité, puisqu'elle vise à encourager la prise d'emplois dans les secteurs où ceux-ci sont effectivement offerts. Nous agirons ainsi sur les deux leviers de l'offre et de la demande de façon coordonnée, en multipliant les chances de réussite.

Notre groupe partage évidemment l'analyse très pertinente développée au travers de l'excellent rapport de la commission des affaires sociales, dont je tiens à saluer, à cet instant, le président, Nicolas About, et le rapporteur, Alain Gournac, qui a fourni un travail remarquable. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.)

MM. Nicolas About, président de la commission, et Alain Gournac, rapporteur. Merci !

M. Henri de Raincourt. Ils le méritent, mes chers collègues !

Conformément à la volonté du Gouvernement d'agir vite, le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, prévoit une durée d'habilitation brève, de deux mois. Le Gouvernement aura également deux mois, après la publication des ordonnances, pour déposer des projets de loi de ratification.

Ces ordonnances seront de nature à rétablir la confiance.

M. Roland Muzeau. Il n'y a que la foi qui sauve !

M. Henri de Raincourt. Nous devrons poursuivre nos efforts dans la durée, nous consacrer à une mise en oeuvre dynamique de ces mesures et de celles qui ont déjà été votées, telles que la réforme du service public de l'emploi.

Ce défi de l'emploi, nous le relevons avec vous, monsieur le Premier ministre,...

M. Roland Muzeau. Vous n'êtes pas nombreux aujourd'hui !

M. Henri de Raincourt. ... nous aussi avec modestie et, néanmoins, avec une très forte détermination. Vous savez pouvoir compter sur nous : nous n'avons pas l'intention de nous résigner, nous voulons au contraire avec vous faire preuve de pragmatisme et avoir le courage d'innover.

Ces ordonnances vont, à nos yeux, dans le bon sens. Elles marquent une étape décisive dans la bataille pour l'emploi et, à l'évidence, une chance pour l'avenir de notre pays. Notre groupe sera à vos côtés, monsieur le Premier ministre, tout au long de leur mise en oeuvre.

M. Roland Muzeau. Vous serez plus nombreux qu'aujourd'hui ?

M. Henri de Raincourt. Nous voterons ce projet de loi avec conviction. Comme vous l'avez indiqué ce matin, nous évaluerons les résultats de son application, et nous verrons bien, alors, si ceux qui crient le plus fort aujourd'hui seront encore présents pour nous rendre justice. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 29 mai 2005 est une date qui marque notre histoire politique de façon profonde. En répondant « non » ce jour-là, à une forte majorité et après une forte mobilisation, les Français ont lancé un appel clair à toute la classe politique, comme ils l'avaient déjà fait en 2004. Ils nous ont dit, simplement mais très fermement : « Cela suffit, notre situation s'aggrave de jour en jour et vous ne faites rien, ou pas assez ! »

Au coeur du malaise se trouve l'emploi.

Depuis vingt ans, notre pays subit un chômage de masse fluctuant autour de la barre record de 10 % de la population active, et aucun gouvernement n'est parvenu à l'endiguer. Les dispositifs, catégoriels ou non, se sont empilés sans résultats significatifs. Même la forte croissance de l'an 2000 n'y a rien fait.

Ce chômage endémique nous fait aujourd'hui douter de notre modèle social qui, nous dit-on, ne produirait plus que du chômage.

Aussi, la seule réponse pertinente attendue par les Français est celle-ci : que soit menée avec détermination la seule bataille qui vaille, celle de l'emploi.

Vous l'avez compris, monsieur le Premier ministre, et vous avez fait de l'emploi la priorité absolue de votre action gouvernementale. Sur ce point, nous partageons sans réserve votre analyse.

Vous nous proposez aujourd'hui une réponse par la voie de l'article 38 de la Constitution, c'est-à-dire par les ordonnances. Même si la méthode que vous choisissez ne nous paraît pas bonne sur la forme, nous souhaitons, sur le fond, pouvoir participer à l'encadrement de ce que fera, demain, le pouvoir exécutif, lequel obtiendra probablement une délégation du Parlement pour agir dans le domaine de l'emploi.

Pourquoi les ordonnances nous paraissent-elles constituer une mauvaise méthode ?

C'est la troisième fois cette semaine que l'on demande au Parlement de déléguer son pouvoir législatif au Gouvernement : deux fois lors de l'examen du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie qu'a soutenu M. Breton avant-hier, et aujourd'hui, avec un texte plus général d'habilitation. D'ailleurs, lors de l'examen de la proposition de loi portant réforme de l'adoption, voilà quinze jours, on nous avait proposé également un texte d'habilitation.

Il faut quand même respecter l'équilibre des institutions. Quatre demandes d'habilitation en si peu de temps, cela fait beaucoup !

Le Parlement ne doit pas se dessaisir de son pouvoir législatif dans des domaines aussi importants et sur des questions aussi fondamentales.

Par principe, nous sommes hostiles au système des ordonnances. Le débat parlementaire est un catalyseur de la vie démocratique. C'est là un point fondamental. Nos concitoyens se sont réapproprié le débat, vous ne l'éviterez pas. Mais en choisissant les ordonnances, ce débat aura lieu ailleurs que dans l'hémicycle parlementaire, ce qui me semble dommage.

Est-ce à dire que la procédure des ordonnances est à proscrire de façon absolue ?

Notre excellent rapporteur nous a expliqué que tous les gouvernements précédents avaient pris des ordonnances. C'est vrai. Comme il cherchait à nous montrer qu'il avait vraiment raison, il nous a rappelé tout ce que les gouvernements socialistes avaient fait en matière d'ordonnances.

Mais, cher ami, ce n'est pas l'exemple que vous voulez suivre !

M. Alain Gournac, rapporteur. Cela a été fait !

M. Michel Mercier. Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez justifier votre action en disant que, puisque les socialistes ont utilisé la procédure des ordonnances, il vous faut en faire encore plus ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est pas ma référence !

M. Roland Muzeau. Pan, Gournac !

M. Michel Mercier. Vous n'êtes pas là pour cela !

M. Josselin de Rohan. Les communistes n'ont jamais été au Gouvernement.

M. Roland Muzeau. Ça ne nous a pas réussi !

M. Michel Mercier. Il faut éviter de vouloir trop démontrer dans ce domaine.

Dans notre système institutionnel où le Parlement est hyper contraint et enfermé dans des limites très strictes, il paraît peu compatible avec les exigences de la démocratie que le pouvoir législatif se dessaisisse au profit du pouvoir exécutif.

Toutefois, selon moi, il y a deux cas dans lesquels le recours à la procédure des ordonnances peut paraître légitime, même s'il est toujours légal.

Il peut en être ainsi, tout d'abord, pour l'examen d'un texte très technique qui ne soulève pas de question politique importante ; en matière de réforme du droit des sûretés, par exemple, on peut comprendre que la technicité du texte puisse justifier un recours à une ordonnance, mais à condition qu'une procédure de ratification permette ensuite au Parlement d'ajuster éventuellement les choses.

Il peut en être également ainsi quand, lors d'une campagne électorale présidentielle ou parlementaire, les Français ont été avertis d'un recours aux ordonnances pour mettre en oeuvre des engagements électoraux qu'ils ont clairement validés par leur vote.

Nous ne sommes ici ni dans le premier ni dans le second cas. Les réformes que vous nous proposez sont importantes : elles visent en effet, de votre propre aveu, au maintien de notre modèle social. Elles sont donc d'envergure et touchent aux modalités mêmes de notre « vivre ensemble ». Elles exigent un consensus national et une appropriation par chacun d'entre nous. C'est le rôle fondamental du Parlement que de participer à l'élaboration de ce consensus national par le dialogue entre la majorité et l'opposition et par le débat créé autour de ce dialogue. S'en priver, c'est, dans une certaine mesure, renoncer à l'efficacité des mesures proposées.

Voilà pourquoi, monsieur le Premier ministre, nous sommes opposés à ce que le Parlement abandonne au pouvoir exécutif sa compétence législative sur les propositions que vous nous soumettez.

Néanmoins, nous savons bien que l'Assemblée nationale vous suivra sur ce dessaisissement du Parlement, et nous avons choisi d'aborder au fond les questions posées par la loi d'habilitation et d'essayer - avec le concours de tous les membres de la Haute Assemblée, j'espère - d'encadrer au maximum la latitude qui sera certainement accordée au pouvoir exécutif d'intervenir par ordonnances dans la compétence législative.

A plusieurs reprises, monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré que votre ambition était de maintenir, tout en le rénovant, notre modèle social. Nous adhérons pleinement à cette ambition ; mais ce n'est pas notre modèle social qui n'est plus d'actualité ; ce sont ses modalités de mise en oeuvre. Il faut replacer les curseurs économiques et sociaux pour que notre « vivre ensemble », fondé sur une adhésion solidaire à un progrès poursuivi en commun, reste une réalité vivante.

Le temps nous paraît venu de revoir à la fois le rôle des vecteurs de notre société et le mode de financement ; votre projet nous invite à apporter nos réponses à ces questions.

Le rôle de l'entreprise et celui de la puissance publique doivent être redéfinis pour faire face à la fois aux défis de la mondialisation et à l'objectif de maintien de notre pacte social.

A l'entreprise le soin de créer des richesses, de l'emploi, en s'appuyant sur la recherche et l'innovation ; à la nation le soin d'assurer les solidarités nécessaires.

M. Jean Arthuis. Très bien !

M. Michel Mercier. C'est dans ce cadre que nous souhaitons étudier, discuter vos propositions, vous dire pourquoi, même si elles vont dans le bon sens, nous ne pouvons les accepter en l'état, et soumettre au Sénat des dispositions concrètes qui donneront l'équilibre manquant, nous semble-t-il, à votre projet.

Le chômage qui affecte notre pays est principalement structurel, c'est-à-dire qu'il résulte de la structure même de notre marché du travail ; c'est donc sur lui qu'il faut agir.

Il faut, c'est vrai - nous devons le dire clairement et nettement -, réformer le code du travail. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Il faut à l'évidence rendre plus souple le marché du travail, mais il faut le faire en respectant notre modèle social.

M. Henri de Raincourt. Et là, les communistes ne disent rien !

M. Guy Fischer. MEDEF ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC.)

M. Michel Mercier. Comme d'habitude, les communistes, excités par les gaullistes, se réveillent ! (Sourires.) C'est une vraie tradition de la Ve République, nous n'échapperons à rien aujourd'hui !

La disposition principale de votre projet, monsieur le Premier ministre, le contrat « nouvelles embauches », ne respecte pas ces équilibres. Il faut rendre plus de liberté à l'entreprise dans la gestion de ses effectifs de salariés, notamment pour les plus petites qui hésitent toujours à embaucher lorsqu'elles ont du travail parce que leurs perspectives sont plutôt à court ou à moyen terme et que la réglementation trop complexe du droit du travail conduit souvent et à refuser d'embaucher et à refuser le travail. Il faut donc fluidifier le marché du travail, mais pas au prix d'une précarisation généralisée des salariés.

Nous devons mener une réforme équilibrée : à l'entreprise, plus de liberté et plus de souplesse dans la gestion de ses effectifs ; à la nation le soin de renforcer à due concurrence la solidarité collective.

Pour cela, tout assouplissement du code du travail en matière de licenciement doit s'accompagner de garanties très sérieuses en matière de revenu de remplacement, d'aide au reclassement, de formation professionnelle et de suivi personnalisé du salarié licencié.

L'accompagnement des chômeurs doit être drastiquement renforcé et adapté à chaque bassin d'emploi.

C'est dans ce sens que nous vous suggérons de travailler en adoptant l'un de nos amendements que nous considérons comme essentiel.

Il faut rendre plus efficaces les services de l'emploi et les restructurer autour de rapprochements coordonnés par les bassins d'emploi de l'ASSEDIC et de l'ANPE. Il faut globaliser les moyens pour répondre aux besoins locaux ; c'est ce que tend à proposer notre second amendement.

Le deuxième axe qui nous semble prioritaire est celui qui consiste à inciter les chômeurs et les bénéficiaires de minima sociaux à se réinsérer sur le marché du travail. Voilà pourquoi, lors de l'examen du projet de loi relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, j'avais souhaité que l'on puisse réduire la durée d'ancienneté dans un minima social pour avoir droit à un contrat d'avenir, notamment ; il faut simplifier beaucoup pour que les contrats de ce type puissent remplir tout leur rôle.

Dans le même esprit, nous vous présenterons un amendement visant à combattre les trappes à pauvreté et à inactivité. Aujourd'hui, pour un allocataire du RMI, l'incitation à reprendre un emploi est faible, surtout si l'on prend en compte les droits connexes attachés aux minima sociaux. C'est ce qu'a très bien démontré Valérie Létard dans le rapport qu'elle a rendu public le 18 mai dernier.

Notre amendement proposera donc de lisser le passage d'une situation d'assistanat à une situation de réinsertion dans l'emploi en permettant un double cumul : cumul d'abord entre revenus de l'emploi et droits connexes aux minima sociaux ; cumul ensuite entre revenus de l'emploi et revenus de remplacement.

J'en viens ensuite au troisième axe de nos propositions : je crois que nous ne ferons pas l'économie d'une refonte du mode de financement de la protection sociale. Nous en avons déjà parlé dans cet hémicycle, et nous souhaitons pouvoir en parler de nouveau à l'occasion de l'examen de ce projet de loi d'habilitation.

Le système de cotisations sociales date d'un temps où la France connaissait le plein emploi et où la sécurité sociale ne couvrait pas toute la population. Aujourd'hui, tout est inversé : la sécurité sociale est universelle, mais le travail ne l'est plus. En matière de droits, nous sommes passés en cinquante ans d'une logique assurancielle à une logique de solidarité nationale. Nous devons en tirer les conséquences en matière de financement de ces droits. Les cotisations sociales pèsent sur l'emploi. Elles accroissent le coût du travail. Aussi proposons-nous la création d'une TVA sociale et l'élargissement de la contribution sociale généralisée, la CSG.

En marge de ces trois axes prioritaires, ce projet de loi nous semble perfectible sur plusieurs points.

Premièrement, vous exonérez de versement transport les entreprises franchissant le seuil de dix salariés. C'est une bonne intention, mais l'exonération du versement transport coûtera environ 500 millions d'euros soit aux collectivités organisatrices de transports en commun, soit à l'Etat. Cela ne va pas sans poser certains problèmes à la fois financiers et techniques, d'autant que l'Etat s'est déjà engagé à verser 500 millions d'euros aux collectivités locales pour la décentralisation du RMI. Cette mesure est d'autant moins justifiée que les petites entreprises, les petits commerces par exemple, profitent pleinement des transports en commun. Je défendrai donc un amendement visant à exclure de l'exonération le versement transport.

Deuxièmement, ce projet de loi ouvre à juste titre la fonction publique aux jeunes. Je proposerai, par un amendement, de le faire aussi à l'égard des bénéficiaires du RMI âgés de plus de cinquante-quatre ans, afin qu'ils puissent trouver dans les collectivités locales un emploi pour terminer leur carrière active.

Troisièmement, la mise en place du contrat « nouvelles embauches » est l'occasion d'aborder la question de l'emploi du temps des salariés à temps partiel. Il ne faut pas que le temps partiel soit l'occasion d'imposer aux salariés des horaires attentatoires au droit à la vie privée et familiale qui les obligeraient à engager des dépenses de garde supérieures à leurs revenus. Nous défendrons aussi un amendement en ce sens.

Telles sont, monsieur le Premier ministre, nos propositions concrètes. Nous ne sommes pas des spectateurs qui vous regarderaient agir. Si vous le souhaitez, nous entendons être des acteurs avec le Gouvernement.

Vous l'aurez compris, nous désapprouvons le recours aux ordonnances. Nous regrettons de ne pas vous avoir convaincu de renoncer à cette procédure, alors que nous sommes prêts à examiner les projets de loi que le Gouvernement pourrait nous présenter. Nous sommes suffisamment nombreux pour le faire.

M. Guy Fischer. Vous croyez ?

M. Michel Mercier. Mais si vous souhaitez vraiment vous passer de nous, acceptez au moins nos amendements. C'est, bien entendu, l'accueil que vous réserverez à nos propositions qui guidera notre décision. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. -Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le chômage et le pouvoir d'achat restent la priorité économique et sociale des Français, comme l'a violemment rappelé le résultat du référendum.

A de multiples reprises, dans les urnes - à l'occasion des élections cantonales et régionales -, dans la rue - le 10 mars dernier lors de la forte mobilisation en faveur des salaires -, le peuple a fait entendre ses urgences sociales. Les signaux ne manquaient pas.

Pourtant, le Président de la République et ses gouvernements successifs - Raffarin I, II et III - ont méprisé cette réalité. Pis encore, ils ont aggravé l'insécurité sociale par leurs choix fiscaux, économiques et sociaux ainsi que par les contre-réformes imposées en matière de protection sociale.

Résultat, alors que l'ensemble des élites politiques et économiques défendait corps et âme le « oui » au projet de traité constitutionnel européen, à 55 % les électeurs leur ont signifié leur soif de démocratie ainsi que leur désaccord avec ce projet de société ultra-libérale se nourrissant du dumping social, mettant en concurrence les peuples et les salariés, et avec cette Europe qui place le diktat de la « concurrence libre et non faussée » au-dessus du progrès social.

Une seule frange homogène de la population a résisté au « non », celle des 5 % de plus hauts revenus. A l'inverse, la grosse majorité du salariat - 66 % des électeurs disposant d'un revenu de moins de 1 000 euros, 76 % des travailleurs intérimaires, 69 % des électeurs en contrat à durée déterminée, ou CDD, mais aussi 58 % des électeurs en contrat à durée indéterminée, ou CDI - a porté un « non » social.

Ce « non » vertueux n'appelle pas simplement une impulsion sociale, il réclame une véritable inflexion, une rupture dans les politiques capitalistes les plus débridées menées depuis plusieurs années contribuant, à un bout, à créer plus de précarité, de pauvreté, à dégrader les conditions de travail et de vie, sans pour autant résorber le chômage, et, à l'autre bout, à accroître la spéculation boursière et financière ainsi que l'appauvrissement de notre économie, de notre industrie.

A ces exigences de respect, de démocratie, de plus de sécurité, vous répondez pour la énième fois : changement dans la continuité, passage en force !

Les ordonnances sont un témoignage supplémentaire de la crise de régime dont vous êtes responsables, comme l'a rappelé mon ami Jacques Brunhes, la semaine dernière, à l'Assemblée nationale, en soutenant la motion de censure. La souveraineté populaire est bafouée. La majorité ne représente plus qu'elle-même. Jamais un Président de la République n'a eu une aussi faible cote de popularité. Jamais des ministres ne se sont laissés aller à un tel populisme !

Alors que la situation politique française est des plus fragiles, vous choisissez, oubliant bien vite votre priorité affichée d'une négociation obligatoire, préalable à toute intervention du législateur dans le domaine social, de contourner les partenaires sociaux et de dessaisir le Parlement de ses pouvoirs dans un domaine aussi central que celui de l'emploi. Vous prescrivez la « précarité sur ordonnances », comme l'a unanimement titré la presse au lendemain de votre déclaration de politique générale. Décidément, vous ne tirez aucune leçon du 29 mai dernier !

Vous nous rejouez le coup du discours alarmiste, maintes fois entendu, pour justifier la mise à mal de notre système de retraite et d'assurance maladie, en affirmant que ce plan sur l'emploi constitue « l'une des dernières chances de sauver le modèle social français », tout en passant à l'étape supérieure dans la dérégulation du droit du travail et la politique d'abaissement du coût du travail.

Dans un gouvernement pyromane, vous voulez endosser les habits de pompier ! C'est à peine croyable ! Vous critiquez en creux la politique de Jean-Pierre Raffarin. Ainsi, vous nous dites que « nous serions allés au bout des solutions traditionnelles » en matière d'emploi. Mais vous continuez à décliner sous une autre forme les recettes éculées des exonérations de cotisations sociales, des aides fiscales au bénéfice des entreprises, et vous reconnaissez, à la grande satisfaction du MEDEF et des plus libéraux d'entre vous, comme l'a déclaré M. Novelli, « que la flexibilité est un élément incontournable de la lutte contre le chômage ».

MM. Henri de Raincourt et Josselin de Rohan. C'est vrai !

M. Roland Muzeau. J'ai été frappé de constater que la bataille pour l'emploi éclipsait d'autres problématiques, dont celle de la croissance, et que, à aucun moment dans votre déclaration de politique générale, il n'avait été question des conséquences du chômage, des bas salaires ou des moyens de lutter contre la pauvreté. Peut-être était-ce non pas un oubli, mais un moyen supplémentaire d'accréditer la thèse, défendue par le MEDEF et un certain ministre, que le chômage français s'expliquerait avant tout par certaines spécificités hexagonales et un code du travail trop rigide.

Comme nous, Bernard Gomel, spécialiste des politiques de l'emploi, regrette que vous n'engagiez pas une politique de relance. Pour lui, « segmenter à ce point les politiques de l'emploi - seniors, moins de vingt-cinq ans, secteurs en pénurie, chômeurs de longue durée ... -, c'est imputer la responsabilité du chômage aux personnes ; c'est individualiser le problème ». Or cette voie est dangereuse et inéquitable dans la période de chômage de masse que nous connaissons.

Certes, messieurs les ministres, la situation sociale est inédite. Jamais, depuis 1999, le taux de chômage n'a été aussi élevé. Avec votre politique, ce sont 230 000 chômeurs de plus en trois ans ; le nombre de RMIstes a augmenté de 9 % en un an ; une personne sur deux n'est pas indemnisée ; 3,5 millions de nos concitoyens vivent désormais en dessous du seuil de pauvreté ; 4,7 millions de personnes dépendent de la couverture maladie universelle ; près des trois quarts des embauches se font en CDD ; un contrat d'intérim sur quatre est conclu pour une seule journée ; 19 % des heures travaillées en France sont effectuées par des salariés embauchés pour moins d'un an ; la moitié des travailleurs pauvres sont des actifs ; trois SDF sur dix ont un emploi ; 17 % des salariés émargent à 950 euros nets par mois.

Tout cela, c'est vous ! C'est le résultat de vos choix dogmatiques, de l'inflexion des politiques de l'emploi contribuant au développement de l'emploi sous-qualifié et faiblement rémunéré, à l'émiettement et à la dévalorisation du travail, à la précarisation des parcours professionnels.

Aujourd'hui, la panique gagne les rangs de l'UMP. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Josselin de Rohan. Quelle panique ?

Plusieurs sénateurs du groupe CRC. Ecoutez-le !

M. Roland Muzeau. Ainsi, M. Gilles Carrez, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, a pris conscience, au début du mois de juillet 2005, que « supprimer les emplois-jeunes a été le résultat d'une attitude manichéenne. Alors qu'il faut privilégier la continuité, et avoir une vision pragmatique ».

M. Josselin de Rohan. Pragmatique, voilà !

M. Roland Muzeau. Ecoutez la suite !

M. Josselin de Rohan. On vous écoute !

M. Roland Muzeau. C'est aussi le député UMP Philippe Auberger...

M. Henri de Raincourt. Il est de l'Yonne !

M. Roland Muzeau. ... qui a qualifié la décision de sa majorité d'« idéologique et pas suffisamment pragmatique ».

Pour autant, l'urgence aujourd'hui décrétée autour du plan de mobilisation pour l'emploi, qui justifie le recours aux ordonnances au cours d'une session extraordinaire, n'est qu'un prétexte. La ficelle est un peu grosse et ne trompe personne.

Même ceux qui en défendent le principe peinent à croire que Dominique de Villepin découvre aujourd'hui que le gouvernement Raffarin, dont il était l'un des membres les plus importants, ait mené depuis trois ans une politique contre-productive en matière d'emploi. Ce que pourtant le député UMP - encore un ! - Pierre Cardo, frappé lui aussi par une soudaine révélation, qualifie après coup d'« erreur politique, économique et stratégique ». Et il ajoute que, en ayant écouté les idéologues plutôt que les pragmatiques, la droite s'est tiré une balle dans le pied.

Comment imaginer que Jacques Chirac, qui fait de l'emploi « la priorité des priorités » dans tous ses discours depuis 1995, s'aperçoive subitement que telle n'a pas été l'action de son ancien Premier ministre ? Pourtant, dans son « Contrat France 2005 », celui-ci s'était fixé comme objectif -vous vous en souvenez sûrement - la baisse de 10 % du nombre de demandeurs d'emploi en 2005. Tout cela n'est ni crédible ni sérieux et confine au pitoyable.

En réalité, l'objectif est clair : publier lesdites ordonnances « avant le 1er septembre », c'est-à-dire durant les congés d'été afin d'en avoir fini avant la rentrée.

Pour le Premier ministre, qui a bien une majorité à l'Assemblée nationale et au Sénat mais pas de majorité politique dans le pays pour faire passer son projet de casse sociale, il s'agit de s'épargner un débat parlementaire qui pourrait provoquer des remous dans l'opinion et se muer en nouvelle épreuve de force sociale avec le Gouvernement.

Cette procédure expéditive présente également l'avantage de vous dispenser du diagnostic pourtant nécessaire. Des vraies causes de la dégradation de l'emploi et de la persistance d'un chômage de masse, du sous-emploi et de la « smicardisation » du salariat, nous ne pouvons donc débattre.

Il en est de même de la question centrale de la répartition des richesses dans notre pays.

Selon le chef du Gouvernement, ces ordonnances ne constituent pas « l'arbitraire, mais la tradition républicaine lorsque les circonstances l'exigent ». Pour justifier cela, il explique qu'« elles ont été utilisées par la gauche comme par la droite depuis le début de la Ve République ».

Mais M. de Villepin fait mine d'oublier que le recours à cette disposition constitutionnelle par un pouvoir désavoué, comme l'a été le Président de la République à la suite du référendum, est totalement inédit.

M. de Villepin oublie également de dire - mais ce n'est qu'un détail - que, depuis l'arrivée au pouvoir de sa majorité UMP-UDF, l'ampleur des mesures prises sur la base des ordonnances est sans précédent.

Pour mieux faire avaler la pilule, le Premier ministre oppose à ce hold-up institutionnel « la concertation avec les partenaires sociaux », qui « est le meilleur moyen de prendre les bonnes décisions ».

Mais sa promesse n'a leurré personne dans le monde syndical. « Le Gouvernement nous met le couteau sous la gorge », a déclaré Bernard Thibault de la CGT. « Où est le dialogue social dans tout ça ? », s'est interrogé de son côté Jacques Voisin, de la CFTC. Quant à François Chérèque, de la CFDT, il a souligné que les ordonnances allaient « à l'encontre du dialogue social ».

Tous les syndicats s'opposent donc à ces ordonnances, que ce soient la CGT, la CFDT, la CGC, FO, la CFTC, mais également l'UNSA et Sud.

Pourquoi utiliser des méthodes aussi antidémocratiques, que nous condamnons dans leur principe même ? Tout simplement, parce que les réformes prévues par ces trois ordonnances, réclamées à cor et à cri par les trois organisations patronales - le MEDEF, la CGPME et l'UPA -, sont antisociales. Tout simplement aussi parce que vous n'assumez pas ouvertement vos choix en faveur de l'accentuation des inégalités dans le salariat, de la remise en cause des droits des salariés employés dans les très petites entreprises, ni l'ambition des libéraux de parvenir un jour à brûler le code du travail.

Qu'est-ce que le plan emploi du Gouvernement si ce n'est une resucée des préconisations des rapports Camdessus, Virville ou Cahuc et Kramarz en écho aux souhaits du MEDEF ?

La mesure phare concerne la mise en place du contrat « nouvelles embauches », octroyant « plus de souplesse à l'employeur durant les deux premières années » au nom de la facilité d'embaucher. Ce contrat pourra « être rompu avec des procédures simplifiées » durant cette période.

De plus, M. le Premier ministre a bien précisé qu'il se réservait le droit d'adapter la mesure « dans ses modalités et dans son champ d'application », confirmant ainsi la crainte des syndicats de voir cette disposition étendue à d'autres entreprises.

Le résultat, c'est une remise en cause complète de la protection des salariés. Le Gouvernement est en train de donner sur un plateau ce que réclamaient depuis des années le MEDEF et la CGPME, à savoir la déjudiciarisation du contrat de travail des salariés. L'Union des petits artisans « le demandait depuis le début », a expliqué son président.

Cela signifie que l'on pourra bientôt, en vertu du contrat « nouvelles embauches », licencier tout salarié récemment engagé sans lui fournir la moindre justification.

Par ailleurs, que vous le vouliez ou non, le contrat « nouvelles embauches » facilitera très concrètement le délit de faciès. Les femmes, les jeunes, les populations issues de l'immigration apprécieront ...

En outre, ce contrat offre à l'employeur un droit réel à tout licenciement abusif. Bientôt, il n'y aura plus de garde-fou pour les salariés. Quand on sait ce qu'un licenciement représente en termes de souffrance humaine, sociale, personnelle et familiale, ce nouveau type de contrat est inacceptable.

Reste une question, et non des moindres, soulevée par d'éminents spécialistes en droit social : comment les conseils de prud'hommes trancheront-ils si un salarié licencié attaque son employeur dans le cadre d'un contrat « nouvelles embauches » ?

Vous proposez ensuite d'atténuer l'effet de seuil dans les très petites entreprises qui embauchent un dixième salarié. L'Etat prendrait en charge les coûts supplémentaires, estimés à 5 000 euros par an. Le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a précisé que le Gouvernement irait plus loin encore en prenant totalement en charge ces surcoûts pour les entreprises comptant entre dix et dix-neuf salariés.

Qu'en est-il ici de la responsabilité sociale de l'entreprise ? Désormais, les créations d'emplois - et quels emplois ! - seront financées par des fonds publics, donc par les contribuables, c'est-à-dire par les salariés eux-mêmes ! Les employeurs seraient donc totalement désinvestis de cette tâche et des responsabilités qui leur incombent.

Pour le seul budget de 2004, les allégements de charges sur les entreprises ont été, je vous le rappelle, de 17 milliards d'euros. Au titre de la taxe professionnelle, il y a encore eu 1,5 milliard d'euros supplémentaires, auquel il faut ajouter 3 milliards d'euros pour l'impôt sur le revenu. Au total, cela fait 21,5 milliards d'euros, représentant, à titre d'équivalent, 560 000 emplois payés au salaire moyen brut du secteur public.

Mesurez-vous ce gigantesque gâchis ? Mesurez-vous que, depuis 1993, ce sont 153 milliards d'euros d'exonération ?

Outre l'allégement des diverses contributions que l'Etat va prendre à nouveau en charge - pour 4,5 milliards d'euros en 2006 -, ces mesures posent la question du torpillage de la mise en place des structures représentatives du personnel dans l'entreprise.

Ces mesures constituent donc une remise en cause larvée, mais brutale, du code du travail, entraînant de fait une modification substantielle de la législation sociale, mais aussi fiscale, et également une remise en cause implicite des conventions collectives passées entre les partenaires sociaux.

Quant aux chômeurs, une nouvelle fois stigmatisés, vous leur appliquez la double peine : le Gouvernement prévoit de renforcer les contrôles et les sanctions afin de les rendre plus vulnérables pour leur imposer toujours plus de précarité. Le renforcement du contrôle des chômeurs est, en effet, un des objectifs de ces ordonnances.

Dans le langage flou du Gouvernement, le but est d'atteindre un « équilibre entre droits et obligations » du chômeur. Concrètement, le chômeur n'aura plus de droits, seulement des obligations, et qu'importe si tout cela se fait alors même qu'il est avéré que les cas de fraude sont marginaux !

Le nouveau dispositif prévoit deux nouveautés essentielles.

Tout d'abord, le contrôle se fondera sur « la qualification professionnelle de l'allocataire et sa capacité d'insertion professionnelle », ainsi que sur « l'état du marché du travail ». En d'autres termes, les garde-fous tombent. Il faudra s'adapter à l'offre imposée et accepter les sales boulots avec de mauvaises conditions de travail, de faibles salaires, le temps partiel et l'éloignement géographique.

Par ailleurs, le bâton est confié aux ASSEDIC qui versent les allocations. Les ASSEDIC, gérées par le MEDEF, auront toute latitude pour faire des économies et purger le plus possible leurs fichiers, en faisant fonctionner à plein les suspensions d'allocations au moindre refus d'emploi. C'est déjà ce qui se pratique pour le versement du RMI, avec des radiations par milliers dans nombre de départements !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce serait plutôt des inscriptions par milliers !

M. Roland Muzeau. Le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, Gérard Larcher, s'est voulu rassurant en soulignant que la sanction finale revenait à « l'Etat, au représentant de l'Etat dans le département ». Qui croyez-vous que cela va rassurer ?

Rappelons-nous encore ! Les gouvernements Raffarin ont facilité le recours aux licenciements, ont brisé la hiérarchie des normes, ont individualisé les rapports entre employeurs et employés, ont multiplié les contrats précaires, ont dérégulé le temps de travail, ont libéré les contingents d'heures supplémentaires, ont renforcé le contrôle des chômeurs, ont développé les statuts précaires comme les contrats d'insertion-RMA, ont flexibilisé tous les secteurs professionnels et fait augmenter le chômage, ont bouleversé notre système de retraites, ont supprimé un jour férié, ont remis en cause l'assurance maladie. Votre bilan, c'est, entre autres, tout cela ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Comment alors se situer dans un tel débat qui n'est en fait qu'une mascarade destinée à convaincre les Français que le Gouvernement agit pour l'emploi alors qu'en réalité il continue à vouloir masquer le chômage derrière le sous-emploi, au plus grand bénéfice de la financiarisation de l'économie ?

Vous ne convaincrez pas, monsieur le Premier ministre, les travailleurs de Nestlé, ceux de Sediver, de la Samaritaine, de STMicroélectronique et de tant d'autres encore.

Mme Hélène Luc. Le Premier ministre est parti !

M. Roland Muzeau. Mais oui, le Premier ministre est parti, cela ne l'intéresse pas !

Le groupe CRC a formulé, texte après texte, au cours des trois dernières années, des propositions concrètes pour la relance de l'économie, pour la création d'emplois, publics et privés, pour l'augmentation du pouvoir d'achat et contre la précarité, pour le développement de la concertation avec les organisations syndicales de salariés.

Vos amis, monsieur le Premier ministre, y sont restés sourds, aveuglés par leur dogmatisme ! Le peuple a parlé, vous n'en tenez pas compte !

Alors, monsieur le Premier ministre, sachez que le groupe CRC s'opposera à votre projet de loi, porteur pour demain de plus d'injustices encore. Votre projet est inamendable, et c'est en bloc que nous le rejetterons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le champ de l'habilitation que vous nous soumettez est large. Il revêt une cohérence d'ensemble qui cible certains dysfonctionnements de notre économie et de notre législation. La nécessité de faire durablement baisser le chômage commande des mesures drastiques : elles n'ont que trop longtemps tardé à être prises. Acte vous sera donné d'agir avec la promptitude et l'efficacité qu'appelle la situation.

Néanmoins, vous comprendrez, monsieur le ministre, que les ordonnances que le Gouvernement veut prendre peuvent a priori laisser perplexe. Pourquoi et comment les mesures que vous préparez seraient-elles plus efficaces, sur un temps très réduit, que toutes les politiques menées depuis des décennies ?

Ne voyez pas dans l'habilitation du Parlement un blanc-seing : la stérilité du traitement économique et social du chômage depuis trente ans n'autorise pas de vaines incantations de bonne volonté pour l'avenir ! Arrêtons les constats et agissons ! Le philosophe Alain écrivait : « Réfléchissez à ceci que la pensée ne peut nullement diriger une action qui n'est pas commencée ».

Monsieur le ministre, le Gouvernement a rappelé lundi soir devant le Sénat, lors de la discussion générale sur le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, que la plupart des PME françaises comptent moins de dix salariés. Là se situe l'un des principaux gisements d'emplois. D'ailleurs, chacun le souligne.

L'activité de ces entreprises, susceptibles de créer des emplois, ne parvient cependant pas à se relancer durablement. Le troisième trimestre 2004 apparaît historiquement faible, avec un indicateur de chiffre d'affaires en retrait de neuf points par rapport à la moyenne du premier semestre. En Ile-de-France par exemple, 32 % des PME ont subi, au dernier trimestre 2004, une baisse de leur rentabilité.

Selon une enquête récente, réalisée sur notre pays à l'échelon européen, 30 % de ces entreprises mettent en cause les réglementations et les contraintes administratives pesant sur elles. Pourquoi, depuis plus de trente ans, les politiques menées n'ont-elles pas abouti à réduire durablement le chômage, ce qu'ont réussi la plupart de nos voisins ?

Pourquoi, en l'espace de dix ans seulement, des pays comme le Royaume-Uni, l'Irlande ou le Danemark ont-ils pu faire baisser leur taux de chômage de dix points ? Pourquoi l'Espagne est-elle en mesure de présenter un taux de chômage inférieur à celui de la France, laissant cette dernière au vingt-deuxième rang de l'Union européenne ? Pourquoi les coûts salariaux horaires français, et non les salaires, ont-ils augmenté de 25 % entre 1996 et 2004 ? Pourquoi les indicateurs de compétitivité de l'économie française sont-ils inférieurs à ceux du Royaume-Uni, des Etats-Unis, du Japon, de l'Europe orientale ou des pays émergents d'Asie ?

L'indicateur de confiance des ménages a perdu vingt-neuf points entre mai 2004 et mai 2005. Les perspectives de commandes des PME sont médiocres. Le taux de chômage des jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans - 23,3 % en avril 2005 - est à un niveau inacceptable lorsque l'on songe, de surcroît, que 49 % des jeunes actifs occupant un emploi étaient, en 2004, en situation précaire.

La lourdeur des prélèvements obligatoires et l'ampleur des déficits publics sont autant de handicaps structurels qui grèvent irrémédiablement notre économie et le niveau de l'emploi. L'honnêteté intellectuelle me conduit à affirmer que l'impôt moderne doit être désolidarisé des coûts de production. La détérioration des termes de l'échange, certes en partie imputable à la hausse du prix des hydrocarbures, montre que nous ne pouvons plus compter sur la seule consommation pour affermir nos performances économiques.

La réduction significative du chômage chez nos partenaires s'est toujours accompagnée d'un effort drastique de réduction de la dépense publique et des déficits. Or, selon la direction du Trésor, notre pays ne prend pas le chemin de cet assainissement des comptes publics. Bien au contraire ! Nous ne pouvons plus reporter sine die ni l'assainissement réel des finances de l'Etat ni même une très significative réduction de ses dépenses de personnel.

La pression fiscale - 43,8 % de prélèvements obligatoires en 2005 - étouffe les initiatives aussi bien des personnes physiques que des entreprises. Tant que l'Etat n'aura pas restructuré sa dépense, nous ne pourrons que déplorer les phénomènes de nomadisme fiscal, de délocalisations et de non-localisations. Je regrette la trop faible réduction des postes de fonctionnaires programmée pour 2006 : 5 000 au lieu des 10 000 initialement prévus. Le Gouvernement manque là d'un courage dont l'absence lui sera reprochée par tous les réalistes.

La recherche d'un nouveau souffle pour notre économie passe évidemment par le développement des emplois non aidés ou inhérents à la sphère publique.

Il faut une véritable mobilisation du Gouvernement et du législateur pour libérer des énergies créatrices. C'est bien du côté de la qualité de la vie économique de nos entreprises que nous devons porter nos efforts, sans ambages ni demi-mesure.

Entreprise et emploi sont indissociables. Je prends acte de votre volonté, au travers du dispositif des contrats « nouvelles embauches », de « débloquer le plus d'emplois possibles, là où ils sont ».

Je souhaite que la création de dispositifs simplifiés au profit des très petites entreprises pour les déclarations d'embauche et de paiement des cotisations sociales soit un premier pas vers un processus général d'allègement des contraintes administratives et financières affectant les PME.

Les rapports Virville, Marimbert et Camdessus ont clairement montré que notre système privilégie les emplois existants au détriment des embauches nouvelles. Précisément, ce système corsète les entreprises dans un imbroglio réglementaire rigide au lieu de favoriser leur adaptation rapide à un contexte économique en perpétuel mouvement. Pourquoi n'a-t-on pas tenu compte, à ce jour, des préconisations révélées par ces rapports ?

Au surplus, deux exemples peuvent illustrer le paradigme du mal économique français.

Je citerai tout d'abord le cas des artisans qui travaillent seuls et qui souhaiteraient embaucher. La plupart d'entre eux sont trop excédés par les charges sociales et les complexités administratives pour être dans l'état d'esprit de créer un emploi, alors même que leur activité le leur permettrait. De plus, ils ont souvent la conviction, justifiée ou non, que, s'ils embauchaient un salarié, leur revenu baisserait.

Le second exemple, toujours aussi probant, que j'évoquerai concerne les effets de seuil. Nombre de PME préfèrent éviter l'embauche d'un dixième salarié, alors que leur activité le justifierait. Cette embauche est synonyme d'une hausse de charges de 13 %, soit l'équivalent d'un salaire sacrifié. Une entreprise sur deux a ainsi renoncé à embaucher un dixième salarié, alors que le gain net en emplois est estimé, selon des sources concordantes, à 50 000 postes. Cette même dynamique négative se retrouve dans les entreprises approchant le seuil de cinquante salariés.

Incontestablement, les pouvoirs publics ne peuvent plus faire supporter à ces PME l'archaïsme de seuils dont la définition n'apparaît absolument pas justifiée au regard de la structure économique de la France. Le moment est venu de les modifier, et de passer d'un seuil de dix à un seuil de vingt, et de celui de cinquante salariés à celui de deux cent cinquante salariés. Je soutiendrai donc ces mesures indispensables pour placer nos PME dans un contexte microéconomique moins contraignant.

Que l'on comprenne bien que l'amélioration des résultats économiques n'est en rien synonyme, comme d'aucuns voudraient le faire croire, de régression sociale ! Il ne s'agit pas ici de verser dans un schématisme idéologique qui sacrifierait irrémédiablement la performance économique.

Il est autrement plus cohérent et de bon sens de repousser le seuil de déclenchement que de faciliter le passage des seuils critiqués en le subventionnant, ce qui serait un signal négatif et inutile.

Les courbes relatives au nombre de salariés par entreprise nous démontrent que cette réforme se passerait sans rupture sociale. Opposons-nous à toute nouvelle aggravation des dépenses publiques alors que l'aménagement de l'environnement législatif et réglementaire parviendrait aux mêmes fins, sans porter atteinte à l'environnement social des entreprises.

La consolidation de notre économie passe bien évidemment en premier lieu par la création de richesses et aussi par la consommation. Le traitement social du chômage est non pas une fin en soi, mais plutôt la manifestation de l'indispensable solidarité de la nation à l'égard des personnes les plus démunies. Mais gardons à l'esprit le fait qu'il n'est plus possible de faire supporter aux futures générations les conséquences des errements des politiques !

On ne peut encourager la croissance, et donc la sauvegarde de l'économie nationale, en raisonnant dans le seul cadre national : en cela, les partenaires sociaux et la classe politique sont coupables. La loi française persévère dans la méconnaissance de la réalité de la mondialisation et favorise la lente destruction du tissu économique français.

Les contraintes accumulées sont toutes non seulement facteurs de délocalisations, mais - plus grave encore - de non-localisations. Le marché mondial est ainsi fait que ce que nous empêchons d'être produit en France est néanmoins vendu sur le marché français. En accumulant ces contraintes, nous délocalisons notre savoir-faire et nos profits, le tout financé par le consommateur français.

Monsieur le ministre, le groupe du RDSE, dans sa diversité, prend acte de votre volonté d'enrayer de façon pérenne la courbe erratique du chômage. La formulation du projet de loi d'habilitation reste suffisamment large pour que vous possédiez les marges de manoeuvre nécessaires à la mise en oeuvre d'un électrochoc macroéconomique pour notre pays. Nous attendrons de voir les résultats de ces mesures. Aujourd'hui, une majorité d'entre nous placent sa confiance en vous et approuveront l'habilitation. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous avons pu le constater, l'arrivée de M. le Premier ministre à l'Hôtel Matignon s'est faite dans un contexte particulièrement difficile, et sa déclaration de politique générale montre au moins qu'il en avait conscience. A travers leur vote du 29 mai, les Français ont exprimé leurs inquiétudes, leurs angoisses, mais aussi leurs espoirs et leur volonté de changement.

M. le Premier ministre a tout à faire pour obtenir la confiance des Français. Pourtant, d'entrée de jeu, il commet, à mon sens, une double erreur : erreur sur la méthode, erreur sur le fond.

La première erreur, c'est de préférer l'impératif de l'urgence et de la précipitation à celui de la concertation.

L'urgence : l'argument est de poids ! Alors que la croissance ne cesse de faiblir et que le taux de chômage commence tout juste à stagner après avoir continuellement augmenté depuis trois ans, on comprend que le Gouvernement veuille jouer la bataille de l'urgence. Mais cette bataille de l'emploi est si importante qu'il faut prendre le temps de la concertation. M. le Premier ministre oublie que l'efficacité d'une réforme ne tient pas seulement à la rapidité de sa mise en oeuvre. Sinon, les gouvernements de M. Raffarin auxquels il a participé auraient eu plus de succès, l'urgence ayant souvent été invoquée.

L'efficacité d'une réforme tient tout autant à l'adhésion qu'elle rencontre. De cette adhésion dépend la mobilisation des acteurs et des partenaires, car il ne suffit pas de décréter unilatéralement la bataille de l'emploi pour s'assurer de son efficacité.

De ce point de vue, la procédure des ordonnances est détestable et contreproductive. Elle est détestable à l'égard du Parlement, dont les droits sont restreints, et je ferai observer que l'ancien ministre de l'intérieur, qui avait aimablement mis en doute la légitimité du Premier ministre à l'égard des Français, veut se passer d'emblée de celle qui est liée au débat parlementaire.

Bien sûr, la procédure des ordonnances est prévue par la Constitution et a déjà été largement utilisée par des gouvernements de droite comme de gauche. Faisons donc un examen comparatif !

Le gouvernement de M. Pierre Mauroy a eu recours aux ordonnances pour mettre en oeuvre non seulement la semaine de 39 heures et la cinquième semaine de congés payés - ce sont deux éléments de progrès social, personne ne le contestera -, mais aussi, à l'époque, les nationalisations. Il s'agissait alors de permettre l'exécution d'un programme qui venait d'être validé par les électeurs, ce qui n'est pas, bien au contraire, le cas du présent gouvernement.

M. Lionel Jospin, quant à lui, n'a jamais eu recours aux ordonnances dans le domaine de la politique intérieure. La réforme des 35 heures, par exemple, a été menée à bien avec et devant le Parlement, malgré une majorité relative à l'Assemblée nationale et un Sénat pour le moins hostile. Ce n'est pas le cas du gouvernement actuel, qui a la majorité absolue, ou presque, dans les deux assemblées.

Pour ce qui est des résultats du gouvernement Jospin, notamment dans le domaine de l'emploi, ils sont incontestables et il ne faudrait pas les oublier : 600 000 emplois créés, 700 000 chômeurs en moins.

La procédure des ordonnances est également contreproductive. Les Français comprennent bien que le Gouvernement, loin de vouloir convaincre, cherche à faire passer en force des mesures discutables. L'histoire le démontre amplement : tous les gouvernements qui, au motif d'aller vite, ont usé de cette procédure et ont voulu faire l'économie d'un débat en ont ultérieurement payé le prix. Des ordonnances de 1967 du général de Gaulle à celles de M. Juppé en 1996 - il doit les regrette encore ! - en passant par celles de M. Chirac en 1986, le gain de temps a été illusoire et les effets pervers de la procédure ont été plus importants que ses effets supposés positifs à l'origine.

Il existe, par ailleurs, une procédure d'examen des textes en urgence par le Parlement, ainsi que la possibilité de siéger en session extraordinaire - c'est d'ailleurs le cas actuellement. Le prédécesseur de M. le Premier ministre a largement fait usage de ces deux possibilités, certes sans réel succès !

Dans le cas qui nous réunit aujourd'hui, le constat est encore plus grave. Le Gouvernement, non content de mettre le Parlement sur la touche - ce dernier commence à en avoir l'habitude depuis trois ans -, fait également peu de cas des prérogatives des partenaires sociaux. Oubliées, les promesses de M. Fillon dans la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social : il avait tout de même été indiqué dans l'exposé des motifs que rien ne serait fait en matière sociale qui ne soit précédé d'une consultation, d'une concertation, voire d'une négociation avec les partenaires sociaux !

M. Guy Fischer. C'est vrai !

M. Jean-Pierre Godefroy. A l'exception du MEDEF, toutes les organisations syndicales ont dit le mal qu'elles pensaient de votre plan d'urgence pour l'emploi. Les auditions auxquelles notre rapporteur, M. Gournac, a procédé rapidement la semaine dernière - il ne pouvait guère faire autrement - l'ont largement démontré.

Dans le cas du droit du travail, c'est encore plus grave. Venons-en au fait ! Comme je l'ai déjà dit à M. le Premier ministre lorsqu'il est venu demander la confiance du Sénat, le plan d'urgence qui nous est proposé n'est fait que de vieilles recettes de traitement faussement social du chômage et de nouvelles recettes bien libérales ; bref, un catalogue de mesures qui ne pourront répondre à la gravité de la situation. Le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale est encore plus abscons et vague que le texte d'origine : nous sommes devant un véritable écran de fumée !

Le passif dans le domaine de l'emploi des gouvernements auxquels le Premier ministre a participé depuis 2002 est réel. Si certains éléments économiques échappent aux capacités d'intervention d'un gouvernement, le choix d'avoir ou non une politique de l'emploi et de décider laquelle lui revient. Dans ce domaine, nous avons pu assister, depuis 2002, à deux épisodes sur lesquels j'aimerais attirer l'attention de mes collègues.

La première époque, jusqu'en 2004, a consisté à supprimer les dispositifs qui avaient été créés ou recadrés par le gouvernement de gauche :...

M. Jean-Pierre Godefroy. ...suppression des emplois-jeunes, diminution drastique des contrats emploi-solidarité et des contrats emplois consolidés, abandon du programme TRACE, ou Trajet d'accès à l'emploi ; ce furent de graves erreurs que nous avions largement dénoncées à l'époque.

On peut résumer cette politique en indiquant que tout système public ou associatif a été l'objet d'une destruction programmée, alors que, dans le même temps, des dispositifs orientés vers le seul secteur marchand étaient mis en place, essentiellement par l'allégement des cotisations sociales patronales qui, il ne faut pas l'oublier, représentent 55 % des dotations du budget de l'emploi pour 2005, soit 17,7 milliards d'euros.

Dans un contexte économique mondial qui commençait à se dégrader après la période 1998-2001, cette option très libérale s'est révélée particulièrement mal adaptée ; nous en payons le prix aujourd'hui.

Les chiffres du chômage ont augmenté, malgré un apurement déterminé des fichiers de l'ANPE. On compte aujourd'hui officiellement 10,2 % de chômeurs, en augmentation de 2,1 % sur un an. En catégorie 1, ils seraient 2 487 000 ; mais si l'on ajoute les personnes travaillant moins de soixante-dix-huit heures par mois, leur nombre atteint 2 940 000. Cette dernière donnée englobe une partie des chômeurs et des personnes en situation précaire, mais ne reflète pas pour autant la gravité de la situation.

Il faut aussi rappeler l'augmentation de 8 % du chômage de longue durée en un an, soit 778 000 personnes, dont l'augmentation de 17,5 % des chômeurs depuis deux ou trois ans. Le chômage des jeunes a aussi progressé de 3,2 % en un an, pour atteindre 448 000 jeunes. Le nombre de chômeuses s'est par ailleurs accru de 100 000 en trois ans, alors qu'il avait baissé de 471 000 pendant la législature de Lionel Jospin.

La deuxième époque est arrivée après le désastre électoral de 2004 et a amené M. Borloo au ministère de l'emploi, avec une inflexion apparemment nette de la politique suivie jusqu'alors par M. Fillon. On a vu le retour des contrats aidés, y compris dans le secteur non marchand, dans des proportions inusitées, tout au moins au stade des promesses et de l'affichage, le désengagement de l'Etat se poursuivant avec la création des maisons de l'emploi et, en ligne de mire, le regroupement, au moins fonctionnel, de la « gestion » des chômeurs par l'ANPE et l'UNEDIC.

La lutte contre le chômage passe non par l'adoption de quelques mesures phares, mais par le retour du cocktail « croissance forte, soutien à la consommation et politique active de l'emploi ».

Vous avez évoqué à plusieurs reprises des modèles étrangers dont nous devrions nous inspirer, et notamment le modèle danois dit de « flexisécurité », mais vous n'en retenez que la flexibilité et pas la sécurité. Vous avez en revanche omis de citer quelques-unes de vos autres sources que sont, par exemple, les rapports Camdessus, Virville, Kramarz !

Venons-en au texte qui nous est proposé.

Le contrat « nouvelles embauches » est un avatar inquiétant du fameux « contrat de mission » proposé par le rapport Virville : un contrat de flexibilité maximale pour l'employeur et de sécurité minimale pour le salarié ; un contrat qui pose de nombreuses questions juridiques quant à sa légalité.

Vous avez d'ailleurs commencé à vous en apercevoir puisque vous n'évoquez plus, désormais, une période d'essai, laquelle relève des conventions collectives et non de la loi, mais une période d'adaptation à l'emploi, une période probatoire de deux ans pendant lesquels le salarié pourra voir son contrat interrompu sans réelles formalités. Que deviennent l'entretien préalable, la motivation de la décision, le préavis, etc. ? Vous inventez bien, par cette mesure, le salarié « kleenex » !

Qui plus est, vous instaurez une flexibilité que vous faites supporter à l'assurance chômage. Dois-je vous rappeler que l'UNEDIC aura accumulé un déficit de près de 14 milliards d'euros en cette fin d'année ?

Le contrat « nouvelles embauches » préfigure sans aucun doute la fin du contrat à durée indéterminée, d'abord dans les petites entreprises et demain, probablement, dans les plus grandes. On est déjà passé, selon les dires contradictoires de certains ministres, d'un contrat réservé aux entreprises de moins de dix salariés à celles de moins de vingt salariés -certains ont même évoqué cinquante salariés. Dans six mois, dans un an, ces seuils sauteront ; soyons-en sûrs !

Le travail précaire est déjà la règle aujourd'hui. Actuellement, trois cinquièmes des contrats de travail sont des contrats à durée déterminée ou des contrats d'intérim. Le contrat « nouvelles embauches » ne fera que renforcer cette tendance. Son effet sur le nombre d'emplois susceptibles d'être créés est totalement incertain. Vous ne présentez d'ailleurs aucune étude d'impact,...

Mme Nicole Bricq. C'est vrai, il faut le dire !

M. Jean-Pierre Godefroy. ...mais son effet sur la situation du salarié est quant à lui certain.

Savez-vous, monsieur le ministre, que, hors les palais de la République, il faut aujourd'hui, pour louer un appartement, des conditions de plus en plus strictes, un voire deux CDI, des cautions multiples, etc. ?

M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui, c'est vrai !

M. Jean-Pierre Godefroy. Que dira à l'agent immobilier ou au propriétaire un salarié voulant louer un appartement : « Pas de problème, mon contrat peut être rompu du jour au lendemain pendant deux ans, mais j'aurai droit à un accompagnement renforcé par le service public de l'emploi ! ». (Rires et exclamations sur les travées du groupe CRC.) Croyez-vous qu'il va trouver un logement ? C'est une gageure de considérer ce nouveau contrat comme une bonne solution, tout au moins pour le salarié.

M. Alain Gournac, rapporteur. On va attendre vos propositions !

M. Jean-Pierre Godefroy. La deuxième mesure phare est le « chèque emploi TPE ». En 2003, nous avons eu le TESE, ou titre emploi simplifié entreprise, qui permettait déjà de simplifier les procédures - contrat, déclaration préalable, etc. - liées à l'embauche d'un salarié. Il ne restait plus qu'à en faire également un moyen de paiement, et c'est l'objet du « chèque emploi TPE ». L'échec du TESE est patent, notamment parce que le secteur des PME auquel il est destiné relève de très nombreuses conventions collectives. Faire de ce titre un chèque n'y changera rien !

Par ailleurs, quelle sera son articulation avec le chèque-emploi-service universel, le CESU, proposé par M. Borloo dans le projet de loi relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale ?

S'agissant du « chèque emploi TPE », ce qui est également regrettable, c'est que le Parlement aurait dû en débattre dans le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises si cette mesure n'avait été retirée en cours de discussion - il est vrai que les rapporteurs des commissions des affaires économiques et des affaires sociales ont fait part de leur scepticisme quant à l'efficacité de cette disposition.

Le Parlement avait déjà été privé de débat sur le TESE, souvenez-vous, là aussi prévu dans la loi pour l'initiative économique et finalement inclus dans la première loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit du 2 juillet 2003. Même ministre, même schéma pour le « chèque emploi TPE » !

Vous n'entendez pas nos critiques et nos propositions, ni celles des organisations professionnelles et syndicales, qui font toutes part de leurs réserves à l'égard de ce dispositif qui, une fois de plus, éloigne le salarié du droit commun pour mieux le précariser.

Quant aux moyens de contrôle, ils sont limités. Pour cinq heures déclarées donnant accès à la couverture accidents du travail-maladies professionnelles, combien d'heures ne sont pas déclarées ? Les syndicats ont raison de craindre une opération de blanchiment du travail illégal, ce qui aura au moins le mérite de faire baisser quelque peu les statistiques du chômage- mais ce n'est pas un but en soi.

Oserai-je dire, monsieur le ministre, que vous inventez, au moins pour les entreprises, l'opting out à la française que vous prétendez combattre au niveau européen ?

La troisième mesure envisagée est « la neutralisation des effets de seuil ». La démonstration a été faite que toutes les politiques d'exonération de cotisations patronales effectuées depuis des décennies ne favorisent pas l'emploi. Aujourd'hui, le patronat bénéficie de 20 milliards d'euros d'exonération, sans aucune contrepartie en termes d'emploi !

Bien au contraire, les politiques publiques successives consistant à faire baisser le coût du travail ont tiré vers le bas l'ensemble des rémunérations. Il en est ainsi, par exemple, du bénéfice d'exonérations à hauteur de 1,6 SMIC.

M. Jean-Pierre Godefroy. La proposition, qui n'est pas dans ce texte mais que le Premier ministre a annoncée dans sa déclaration de politique générale, de supprimer, à terme, toutes les charges sur le SMIC et d'alléger les charges pour les entreprises de moins de dix salariés aggravera cette situation et fragilisera encore plus les finances de la sécurité sociale.

M. Jean-Pierre Godefroy. Les autres victimes collatérales de cette neutralisation des effets de seuil sont les collectivités locales ou les bailleurs sociaux.

Pour le versement transport, par exemple, ce sont 450 millions d'euros que vous allez neutraliser pour les collectivités. Bien sûr, vous nous dites que vous les compenserez à l'euro près.

M. Guy Fischer. Ce n'est pas vrai !

M. Roland Muzeau. Menteurs !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Personne n'y croit !

M. Jean-Pierre Godefroy. On sait ce qu'il faut penser des compensations, toutes les collectivités territoriales peuvent en témoigner ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Ah ça, oui !

M. Jean-Pierre Godefroy. C'est la même chose pour le 1 % logement, soit 160 millions d'euros.

Ce n'est pas la pratique de « l'euro près » des lois de décentralisation telle qu'elle est appliquée aujourd'hui qui nous rassurera !

Une autre disposition est le non-décompte dans l'effectif de l'entreprise des jeunes de moins de vingt-six ans. Monsieur le ministre, je m'interroge sur la conformité de cette mesure avec les conventions internationales du travail, dont la France est signataire, et avec les recommandations de l'OIT.

Il s'agit, en effet, d'une discrimination à l'égard des jeunes qui se retrouvent traités comme des sous-salariés. S'ils ne comptent pas dans l'effectif de l'entreprise, pourront-ils tout de même exercer leurs droits de salarié, par exemple pour les élections des représentants du personnel ? (M. Roland Muzeau s'exclame.)

Un jeune de moins de vingt-six ans, monsieur le ministre, peut être député, maire, élu local ; mais en entrant dans l'entreprise, il devient un citoyen de deuxième zone, privé de son droit de représentativité !

M. Guy Fischer. C'est le vrai visage du MEDEF !

M. Jean-Pierre Godefroy. L'entreprise ne peut pas être un champ clos exonéré des droits démocratiques dévolus à chaque citoyen, quel que soit son âge ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Nous y reviendrons lors de l'examen de l'alinéa concerné.

M. Josselin de Rohan. On s'excite ?

M. Roland Muzeau. Forcément, on est plus nombreux que vous : la droite n'est pas là pour défendre son projet !

M. Jean-Pierre Godefroy. Vous feriez bien, vous aussi, de vous exciter un peu sur ce sujet !

J'ai pris l'exemple des représentants du personnel - enfin, s'il y en a toujours ! En effet, cette disposition permettra à certains employeurs d'échapper aux obligations légales représentatives dues aux effectifs : dix salariés pour les délégués du personnel et cinquante salariés pour les comités d'entreprise notamment.

Mme Catherine Tasca. C'est le but !

M. Jean-Pierre Godefroy. Dans certains secteurs ou dans certaines entreprises qui embauchent quasi exclusivement des jeunes, c'est le droit syndical lui-même qui est menacé. Ces dispositions sont intolérables !

Je dirai un mot des deux mesures relatives à la fonction publique.

La mesure relative à la suppression des limites d'âges a surtout une portée symbolique, dans la mesure où les limites d'âge aux concours de la fonction publique territoriale sont déjà supprimées et où un grand nombre de dérogations existent dans la fonction publique d'Etat. Mais ce n'est qu'un pis-aller : entrer dans la fonction publique à cinquante ans, ce ne sera pas suffisant pour se constituer, par exemple, des droits à la retraite. En l'espèce, la loi Fillon réformant les retraites est extrêmement pénalisante.

M. Guy Fischer. Les mères de famille le savent !

M. Jean-Pierre Godefroy. Quant à la mesure relative à l'apprentissage dans les collectivités locales, j'ai déjà eu l'occasion de dire à M. Borloo - décidément, il ne reste jamais pour m'écouter ! (sourires) - que nous l'attendions favorablement. Elle figurait déjà au programme 4 de son plan de cohésion sociale, présenté en conseil des ministres en juin 2004, et a déjà été expérimentée avec succès dans un certain nombre de collectivités. Fallait-il attendre un an pour s'en saisir par ordonnance ?

Nous avons également proposé à M. Borloo de nous présenter un texte de refondation de l'apprentissage. Il s'agit d'une filière de formation d'avenir, mais on se contente de la retoucher au fil des textes, souvent dans un sens régressif d'ailleurs - travail de nuit, les jours fériés et le dimanche pour les apprentis mineurs. La filière apprentissage mérite mieux que cela !

Pour ces deux mesures, le recours aux ordonnances est justifié non par une urgence particulière, mais par la volonté de contourner les partenaires sociaux et le débat parlementaire.

En effet, ces deux dispositions figuraient dans l'avant-projet de loi portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique, soumis au Conseil supérieur de la fonction publique d'Etat le 16 juin dernier.

La majorité des fédérations de fonctionnaires ont rejeté le projet de loi : la CGT, la FSU et l'Union nationale des syndicats autonomes, l'UNSA, ont voté contre ; la CFDT et la CFTC se sont abstenues.

Le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, lui, aurait été saisi le 6 juillet - donc hier - du projet de décret d'application du dispositif PACTE. Bel exemple, si c'est le cas, de concertation et de respect à l'égard du Parlement qui, je le rappelle, ne vous a pas encore accordé l'habilitation.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous communiquer dès maintenant ce projet de décret, si tel est le cas ? Sinon, il nous faudra le demander aux organisations syndicales.

A propos de l'extension du service militaire adapté à la métropole, le principe est intéressant ; c'était d'ailleurs une idée formulée voilà déjà plus d'un an par MM. Masseret et Pelchat, qui proposaient d'abord une expérimentation. Cette dernière n'a jamais eu lieu, car elle n'a jamais été acceptée ! Aucune suite n'a donc été donnée à cette proposition.

Le flou et l'inconsistance du dispositif que vous annoncez aujourd'hui semblent plutôt être les produits de la précipitation et de l'improvisation. Ils risquent de nuire fortement à d'éventuels effets bénéfiques.

Nous aurons de nombreuses questions pratiques à vous poser lors de la discussion de ce cinquième alinéa, mais une interrogation s'impose. Mme le ministre de la défense et l'état-major n'ont jamais montré beaucoup d'enthousiasme à l'idée d'étendre à l'Hexagone le service militaire adapté en vigueur outre-mer. Qu'en est-il aujourd'hui ? Quelle en serait l'incidence sur le budget de la défense ? Il s'agit, certes, d'une question annexe, mais qui n'est pas sans importance !

Je veux également dire un mot sur les primes versées sous forme de crédit d'impôt de 1000 euros aux chômeurs retrouvant un emploi et aux jeunes de moins de vingt-six ans qui accepteront un emploi dans les secteurs professionnels connaissant des difficultés de recrutement. Ces deux mesures viennent s'ajouter aux études sur la réforme de la prime pour l'emploi, afin de l'augmenter et de la verser mensuellement pour la rendre immédiatement attractive.

S'agissant des secteurs qui connaissent des difficultés de recrutement, on sait parfaitement, et depuis longtemps, qu'il s'agit pour l'essentiel du BTP et des métiers de bouche ; certains demandeurs de nombreuses dérogations ont d'ailleurs suscité récemment les foudres de M. Larcher ! Je ne crois pas qu'une aide fiscale ponctuelle suffise à les rendre attractifs. Les conditions indispensables pour développer l'emploi dans ces secteurs concernent l'amélioration des conditions de travail, des perspectives de carrières et des salaires. Ce sont les seules conditions qui soient pérennes !

Mme Raymonde Le Texier. Absolument, mais ils le savent !

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Jean-Pierre Godefroy. De manière générale, le crédit d'impôt aux salariés sous-payés comme les exonérations de cotisations sociales patronales sous plafond de salaire à 1,6 SMIC constituent une prime aux bas salaires, une subvention aux employeurs, ce qui incite ces derniers à continuer ces pratiques. Cela revient à faire subventionner le maintien des bas salaires par la collectivité.

Mme Raymonde Le Texier. Parfaitement !

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous sommes là non dans le cas d'une charge compensée par une allocation - comme les allocations familiales - mais bien dans celui d'une prestation destinée à compenser la pauvreté du même ordre qu'un minimum social.

Monsieur le ministre, je n'irai pas plus avant dans le catalogue des dispositions contenues dans ce plan d'urgence pour l'emploi, car nous aurons l'occasion d'y revenir largement lors de l'examen des articles. Mais vous l'aurez compris, tant la méthode que le contenu de ces futures ordonnances ne peuvent nous satisfaire.

M. Alain Gournac, rapporteur. On l'avait compris !

M. Jean-Pierre Godefroy. En effet, vous attribuez le chômage à des causes qui sont fausses : rigidité du code du travail et difficulté des entreprises à embaucher pour des raisons administratives et financières. Vous allez bientôt nous dire que, si Paris n'a pas été retenu pour organiser les jeux Olympiques, c'est à cause du code du travail ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Vous proposez de mauvaises solutions, aggravant seulement la flexibilité et la précarité du salariat. Monsieur le ministre, le salarié n'est pas une charge pour l'entreprise, il est une richesse ; l'embauche n'est pas un risque - même si c'est difficile -, elle est une chance pour l'entreprise !

Quant aux 4,5 milliards d'euros annoncés pour 2006, tous les doutes sont permis. M. Breton l'a dit : les marges budgétaires sont inexistantes,...

M. Josselin de Rohan. Vous ne nous avez rien laissé !

M. Alain Gournac. De beaux cadeaux !

M. Jean-Pierre Godefroy. ... la dette publique est passée de 58,2 % du PIB en 2002 à presque 65 % du PIB aujourd'hui, la charge de la dette absorbant la quasi-totalité du produit de l'impôt sur le revenu. Le déficit public a atteint les 3,6 % du PIB en 2004 : ce n'est pas nous, ça !

Quant aux comptes sociaux, leur déficit sera encore supérieur à 10 milliards d'euros - ce n'est pas nous non plus ! -malgré les mesures drastiques que vous avez mises en place.

M. Roland Muzeau. Quel fiasco !

M. Jean-Pierre Godefroy. A l'évidence, il y a peu à attendre des mesures que vous nous annoncez et vous aurez bien du mal, avec elles, à atteindre les objectifs que vous vous fixez. Je ne crois pas un seul instant que vous réussirez à faire baisser le chômage.

Mme Raymonde Le Texier. Eux non plus n'y croient pas ! Ils soignent leur électorat, c'est tout !

M. Alain Gournac, rapporteur. Ne soyez pas pessimiste, monsieur Godefroy !

M. Jean-Pierre Godefroy. C'est la réalité, monsieur le rapporteur. Il faut être objectif et ne pas chercher à s'aveugler ! Vous aurez du mal à faire baisser le chômage et à regagner la confiance des Français grâce à ces mesures ! Même l'effet d'affichage escompté a d'ores et déjà échoué !

Telles sont toutes les raisons pour lesquelles nous nous opposerons à l'habilitation que le Gouvernement nous demande. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le philosophe Alain le soulignait, le pessimisme est d'humeur.

Oui, nos concitoyens sont attentistes, car ils ressentent que la France est comme en difficulté...

M. Jean-Pierre Sueur. Ils ressentent bien !

Mme Marie-Thérèse Hermange. ... et que le chômage est le principal problème rencontré par tous les gouvernements depuis trente ans, monsieur Godefroy !

Nos concitoyens expriment ce malaise très clairement, telle la fédération des très petites entreprises, qui nous a envoyé hier un e-mail : « SOS, TPE cherchent main-d'oeuvre » ; le texte poursuivait : « véritable gisement de postes à pourvoir, les TPE seraient en mesure de recruter rapidement si toutes les conditions étaient réunies et si les contraintes administratives étaient levées ». (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)

Certes, nombre de mesures ont été adoptées, mais les résultats n'ont pas été à la hauteur des attentes. D'où, les recours au traitement social du chômage, à la réduction du temps de travail et à l'augmentation concomitante des prélèvements pour financer ces dépenses, pratiques auxquelles tous les gouvernements que vous avez soutenus n'ont cessé de recourir, monsieur Godefroy !

Nous connaissons les résultats, et nous les payons aujourd'hui ; notre économie comme notre organisation sociale sont en difficulté.

Un journal du soir, que l'on ne peut pas beaucoup suspecter de soutenir le Gouvernement, titrait, au lendemain du 29 mai : « Le modèle social français est à bout de souffle ». Les raisons avancées dans l'article expliquent et définissent les chantiers des réformes : un écart qui se creuse entre la situation économique et la poursuite, toujours plus exigeante, du progrès social ; une préférence donnée, non à la création d'emplois, mais à la protection du travail, avec une réglementation toujours plus rigidifiée ; ...

M. Alain Gournac, rapporteur. C'est Le Monde qui l'écrit !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et alors ? Le Monde, ce n'est pas la Bible ! C'est peut-être la vôtre, mais ce n'est pas la mienne !

Mme Marie-Thérèse Hermange. ... un système éducatif laissant, chaque année, plusieurs milliers de jeunes sans qualification, comme j'ai pu le constater récemment en effectuant un travail pour l'ancien ministre de l'intérieur, Dominique de Villepin, sur la sécurité des mineurs et la protection de l'enfance. J'ai en effet rencontré des jeunes de quinze ans, monsieur le ministre, qui ne connaissaient pas les signes mathématiques d'une multiplication et d'une division !

Ainsi, notre pays est tendu. Il ne sait pas de quoi sera fait demain.

Les Français aspirent à gagner en pouvoir d'achat. Nous devons leur redonner confiance. Telle est l'entreprise que le gouvernement de Dominique de Villepin a engagée et que la commission des affaires sociales du Sénat, par les voix de son président et de son rapporteur, a soutenue, avec le groupe de l'UMP d'ailleurs.

Le Premier ministre nous propose un objectif clair, la bataille pour l'emploi, conscient que, face à l'Asie, qui veut partager les fruits de la croissance, l'exception française ne se justifiera que par l'effort. Il nous propose une méthode de travail, le bon sens, faisant fi des slogans et de la politique des « ya-qu'à » ou des « ni-ni ». Il nous propose enfin une politique, l'optimisme, conscient de la nécessité d'en sortir et d'aller à la rencontre de la population afin qu'elle perçoive dans l'autorité du Gouvernement une partie de la solution et non le problème !

A cet effet, vous nous proposez un plan ambitieux, qui s'attaque à la fois aux obstacles au recrutement et aux coûts du travail, notamment pour les plus petites entreprises, et qui cible les demandeurs d'emploi les plus vulnérables.

Dans ces conditions, mettre le travail en avant, c'est manifester votre détermination à changer le fonctionnement de notre société qui, structurellement, limite la capacité de notre économie à créer des emplois. C'est à cette ambition que veut répondre le présent projet de loi d'habilitation.

Les gouvernements qui se sont succédé de 2002 à 2005, conduits par Jean-Pierre Raffarin, ont engagé de nombreux chantiers de réforme qui n'ont évidemment pu encore produire tous leurs effets. Il n'en est pas moins vrai qu'ils constituent un ensemble cohérent, guidé par quelques principes forts qu'il est juste de rappeler : simplification, dynamisation de la formation professionnelle et promotion du dialogue social pour mieux anticiper la gestion prévisionnelle de l'emploi ainsi que les restructurations.

Enfin, la loi de programmation pour la cohésion sociale est venue, elle aussi, offrir un ensemble cohérent de mesures.

Le gouvernement de Dominique de Villepin a décidé d'aller plus loin, conscient que l'heure est non pas au débat idéologique mais à la politique des faits et des résultats.

Mme Marie-Thérèse Hermange. C'est la seule chose qui compte pour un jeune cherchant du travail. C'est la seule chose qui compte pour un chef d'entreprise. C'est aussi la seule chose qui compte pour un gouvernement.

C'est la raison pour laquelle le choix qui nous est proposé aujourd'hui ne peut être que le choix de l'urgence : l'urgence à agir, l'urgence sans délai.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela fait trois ans !

Mme Marie-Thérèse Hermange. C'est pourquoi la méthode des ordonnances est bien compréhensible, d'autant que le texte du projet de loi répond parfaitement aux conditions requises par l'article 38 de la Constitution. : il délimite avec précision le champ d'habilitation et prévoit les délais de parution des ordonnances ainsi que ceux du dépôt du projet de loi de ratification. Le calendrier serré illustre bien cette urgence.

C'est le choix de l'urgence, mais aussi le choix de l'action autour de quelques idées fortes : la vraie précarité, c'est le chômage ; le travail est constitutif du lien social ; aider nos entreprises à se développer, c'est favoriser la croissance et l'emploi.

A cet égard, miser sur le travail, c'est bien évidemment penser une politique de recherche et d'innovation par une politique de compétitivité forte ; mais c'est aussi croire dans l'éducation et donner un espoir de promotion sociale à chaque Français.

Aussi, les dispositions relatives au service militaire adapté apparaissent au groupe de l'UMP comme très prometteuses.

M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Néanmoins, il convient aussi de lever les freins à l'emploi afin que notre marché du travail soit plus fluide, plus flexible, plus ouvert et plus efficace. C'est dans cette optique que le Gouvernement nous annonce la mise en place du contrat « nouvelles embauches ». Celui-ci répond à un vrai besoin puisqu'il permet d'interrompre la relation contractuelle en fonction du niveau d'activité de l'entreprise.

Pour autant, le contrat « nouvelles embauches », monsieur Godefroy, n'institue pas un salarié « kleenex » !

M. Michel Mercier. A la condition que soit adopté notre amendement !

MM. Yannick Bodin et Jean-Pierre Godefroy. Mais si !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est une réforme « kleenex » !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Il n'a pas pour conséquence de précariser la situation du salarié. Au contraire, il s'agit d'une nouvelle forme d'entrée dans l'entreprise.

Par rapport au CDD, le contrat « nouvelles embauches » est un contrat pérenne. Il a vocation à devenir un CDI.

M. Yannick Bodin. La vocation ne suffit pas !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Par rapport au CDI classique, la période d'essai est plus courte, le préavis est moins long, et, en cas de rupture au cours des deux premières années, ce contrat donne droit à une indemnité dont le montant sera connu à l'avance.

Des voix se sont élevées pour dénoncer un prétendu recul des droits.

M. Yannick Bodin. Ce n'est pas fini !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je voudrais rappeler que les droits à la formation professionnelle s'acquerront aussi rapidement. Les femmes enceintes continueront de bénéficier de protections spécifiques.

M. Jean-Pierre Godefroy. Heureusement !

M. Roland Muzeau. Grand merci !

M. Yannick Bodin. C'est une grande avancée...

Mme Marie-Thérèse Hermange. Le préavis sera obligatoire dès la fin du premier mois de travail. Au-delà de deux ans, les dispositions du CDI relatives au licenciement s'appliqueront. En cas de rupture abusive du contrat, le recours devant les conseils de prud'hommes sera possible. Concernant les salariés protégés, les procédures actuelles relatives à la consultation et à l'autorisation de l'inspection du travail seront bien évidemment maintenues. En tout état de cause, le contrat « nouvelles embauches » fera l'objet d'une évaluation menée en lien avec les partenaires sociaux.

La question des franchissements de seuils est ancienne et chaque majorité y a été confrontée. Le Gouvernement a pris la décision de supprimer l'obstacle des dix salariés, ce qui devrait faciliter les embauches dans les petites entreprises en expansion. La charge pour l'Etat sera largement compensée par la création d'emplois qui en résultera.

La création du nouveau chèque-emploi va dans le bon sens. Alliant dans un même document titre social et titre de paiement, il constitue une vraie simplification pour les plus petites entreprises.

S'agissant de l'accès à la fonction publique, il était important de permettre à des jeunes qui, à un moment de leur vie, n'étaient pas prêts à entrer dans la fonction publique, d'y accéder plus tard ; des voies parallèles d'accès devaient donc être prévues.

Enfin, une première mesure fiscale nouvelle tente de répondre au paradoxe suivant : dans certains secteurs d'activité, des employeurs échouent à pourvoir des postes vacants, alors même que notre marché du travail compte 2,5 millions de chômeurs.

M. Roland Muzeau. On n'a qu'à les payer !

Mme Marie-Thérèse Hermange. La seconde mesure fiscale vise les demandeurs d'emploi de longue durée. La reprise d'un emploi nécessite souvent des dépenses significatives qui ne sont pas prises en compte. La prime de 1 000 euros vise donc à financer ces dépenses invisibles dès le début de l'emploi afin de garantir la dignité de celui qui recommence à travailler.

Mes chers collègues, le gouvernement de Dominique de Villepin a décidé de faire de l'emploi son credo, non pour stigmatiser les chômeurs, mais pour offrir à chacun des réponses adaptées et pour dynamiser rapidement notre économie.

Le Premier ministre, au lendemain du 29 mai, indiquait ceci : « Les Français veulent des réponses tout de suite. » Pour aller vite, vous avez choisi de procéder par voie d'ordonnances, car vous savez que les Français attendent une action résolue. Pour avoir si souvent critiqué les politiques pour leur inaction, n'aurait-on pas mauvaise grâce aujourd'hui à reprocher au gouvernement de Dominique de Villepin de vouloir agir trop vite ?

M. Yannick Bodin. Ce n'est pas trop vite, c'est trop tard !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Non, bien évidemment. Il convient d'aller vite pour apporter des solutions plutôt que pour aggraver les problèmes. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP, monsieur le ministre, vous soutiendra sans réserve. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau.

Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, comme mes collègues parlementaires de la Réunion, tant sénateurs que députés, et quelle que soit leur étiquette politique, vous le diront, la situation sociale de notre région est extrêmement préoccupante, principalement dans le domaine de l'emploi.

Or cette situation ne date pas d'aujourd'hui. Elle dure depuis des décennies, et cela fait aussi des décennies que nous tirons la sonnette d'alarme.

Tous les gouvernements qui se sont succédé ont élaboré et appliqué des solutions qui se sont avérées inefficaces. La première loi de programme pour les départements d'outre-mer date des années soixante. La dernière est celle du 21 juillet 2003. Un bilan d'étape est prévu cette année. Selon la presse réunionnaise, les résultats de cette dernière loi se révéleraient moins prometteurs que prévu. Depuis près de quarante ans, nous avons mis en oeuvre toutes sortes de solutions : la mobilité, la défiscalisation, les exonérations de charges ainsi que des formes spécifiques de traitement social du chômage.

Je l'ai déjà dit ici et je le répète : tout n'est pas négatif. Compte tenu des résultats économiques de la Réunion, notre taux de croissance et notre taux de création nette d'emplois dans le secteur marchand sont les plus élevés des départements d'outre-mer. A moyen et long termes, les perspectives tracées par la région, à laquelle il incombe d'orienter le développement économique de l'île, sont intéressantes.

Mais tout cela ne suffit pas à faire baisser le chômage, dont le taux reste de loin le plus élevé de tous les départements français de métropole et d'outre-mer.

Nous ne voyons pas dans les mesures que vous proposez aujourd'hui ce qui pourrait chez nous changer fondamentalement la situation.

L'expérience l'a prouvé, l'application mécanique à la Réunion de dispositions prises en fonction du contexte métropolitain débouche sur des difficultés de mise en oeuvre ou des dérives graves.

L'efficacité de certaines de vos propositions, monsieur le ministre, est contestée ici même en métropole. Appliquer mécaniquement chez nous de mauvaises solutions serait sans résultat. L'actualité, avec les contrats d'avenir, nous fournit un exemple de la difficulté à mettre en oeuvre des solutions qui ont été décidées pour la métropole et étendues chez nous. Les communes et les associations, potentiellement les plus grosses utilisatrices de ces contrats, chacune pour des raisons propres, rechignent à y recourir.

Mais à supposer que la Réunion réussisse le pari des contrats d'avenir, nous n'aurions pas pour autant réglé le problème du chômage.

Dans le domaine du traitement social du chômage, nous sommes passés de 55 980 contrats aidés en 2001 à 38 570 en 2004, secteurs marchand et non marchand confondus, soit 17 410 contrats de moins ! Cette année, leur nombre diminuera encore tandis que, le 1er janvier 2006, les contrats emploi-solidarité, ou CES, et les contrats emploi consolidé, ou CEC, n'auront plus cours. En réalité, les 45 000 contrats d'avenir sur trois ans qu'avait promis à la Réunion M. Borloo, lors de son passage sur l'île, ne seront au mieux que du rattrapage. En réalité, nous bénéficierons en 2006 de moins d'emplois aidés qu'en 2001, alors même que notre population aura augmenté de 30 000 à 40 000 personnes ! Cependant, même si les contrats aidés ne sont que du « travail soldé », ainsi qu'on les appelle chez nous, ils permettent pour le moment à des dizaines de milliers de familles de survivre. Il faut les maintenir, en les modifiant, pour les inscrire dans un parcours professionnel et une perspective de développement durable et de développement des besoins sociaux et humains de notre société, à l'abri du clientélisme.

Monsieur le ministre, je renouvelle ici ma proposition : je propose au Gouvernement de faire une pause dans les réformes, de maintenir à la Réunion le statu quo, s'agissant notamment des CES et des CEC. Nous devons prendre le temps nécessaire, d'une part, pour dresser un bilan de tout ce qui a été fait jusqu'à présent et pour mieux analyser la situation de l'emploi et les spécificités réunionnaises de celui-ci, d'autre part, pour élaborer, dans le cadre d'une large concertation, un plan d'urgence pour l'emploi.

Les solutions ne manquent pas à la Réunion. Qu'il s'agisse de la défense et de la diversification de la filière de la canne à sucre, de la création de pôles de recherche, de la définition d'une économie solidaire ou de la réalisation de grands travaux, nous avons de réelles possibilités.

Dans la fonction publique, pour répondre aux besoins en effectifs, l'expression de la solidarité à l'égard d'un département véritablement sinistré par le chômage devrait conduire le Gouvernement à privilégier un recrutement spécifique de nos jeunes diplômés avec une obligation de formation, à l'instar de ce qui a déjà été fait pour les agents de catégorie C mais en l'entendant également aux agents des catégories A et B. Ce mode de recrutement local, en prévoyant une formation adéquate, doit être aussi privilégié dans les secteurs parapublic et privé.

Une vaste concertation permettrait de dégager ces solutions et d'établir une hiérarchie des priorités. Nous vous proposons, monsieur le ministre, de fixer des objectifs précis. Le Gouvernement vient de faire savoir qu'il se donne pour but de ramener en 2010 le taux de chômage métropolitain à 6 %. Quelle est votre ambition pour la Réunion ?

Enfin, monsieur le ministre, dès lors qu'aura été définie une politique pour la Réunion, vous pourrez la contractualiser avec vos partenaires réunionnais pour la mener à bien.

La Réunion doit affronter des défis majeurs : la progression démographique, la mondialisation - et, dans ce cadre, l'éloignement des marchés solvables - et, enfin, les effets du réchauffement climatique.

Le Gouvernement vient de reprendre à l'échelle nationale l'exemple du régiment du service militaire adapté, le RSMA, solution développée dans l'outre-mer. Le « national » a repris à son compte des solutions développées chez nous. Je ne les citerai pas toutes.

En tenant compte des paramètres que j'ai cités plus haut, nous pouvons construire pour l'île un modèle de développement durable qui pourrait inspirer des réflexions dans d'autres pays du Sud. En effet, à notre échelle, notre situation rappelle celles d'autres territoires. Nos problématiques sont souvent les mêmes. La France s'honorerait en contribuant à l'ébauche de solutions qui pourraient être reprises ou imitées.

Le Gouvernement est-il prêt à s'engager dans cette voie ? Telle est la question que je vous pose, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir été sanctionné à toutes les élections depuis 2002, c'est-à-dire par trois fois, et après le désaveu dont il a fait l'objet le 29 mai dernier, le Gouvernement n'oppose au mécontentement de nos concitoyens et à leur résistance face à la précarité qu'un refus de débattre !

Cela fait maintenant trois ans que l'UMP est aux affaires : trois ans au terme desquels le Premier ministre en arrive à un constat d'échec, trois ans au terme desquels il demande aujourd'hui l'urgence afin de résoudre des problèmes que les gouvernements successifs étaient censés traiter dès leur arrivée au pouvoir !

Alors que vous n'avez pas su résoudre ces problèmes en trois ans, vous proposez aujourd'hui de le faire en cent jours ! Comment, dans ces conditions, vous croire ? Comment pouvez-vous être crédible ? Le plan du Gouvernement s'inscrit dans le droit-fil de la politique menée jusqu'à présent. Dès lors, comment pouvez-vous espérer obtenir de meilleurs résultats en poursuivant dans la même voie, monsieur le ministre ?

Le Gouvernement nous demande une nouvelle fois d'accepter une procédure d'urgence, celle que prévoit l'article 38 de la Constitution. Le recours à l'urgence, censé être exceptionnel, est en passe de devenir ordinaire. En effet, siégeant au sein de cette Haute Assemblée depuis moins d'un an, j'entends parler d'urgence ou de vote conforme à l'occasion de l'examen de presque tous les projets de lois !

Mais comment croire, une fois encore, que le Gouvernement parviendra à obtenir des résultats ? Ne fera-t-on pas, une fois de plus, un constat d'échec ?

Depuis 2002, vous présentez l'emploi comme une priorité, mais rien de ce que vous faites ne permet de résoudre ce problème. Le bilan de ces trois années de gouvernement est tout simplement catastrophique ! Il est la conséquence de vos choix politiques, qui vous conduisent à user, voire à abuser, de manière ordinaire désormais, de la procédure d'urgence.

En somme, c'est la gravité de votre échec qui justifie le recours aux ordonnances... En voulant légiférer en urgence, le Gouvernement interprète mal le message que les Français ont exprimé à l'occasion du scrutin du 29 mai dernier. Oui, nos concitoyens aspirent à plus de démocratie, à une meilleure prise en compte de leurs préoccupations et à une véritable défense de leurs droits.

Le Parlement représente le peuple et se doit de défendre l'intérêt général. Lorsque les parlementaires sont niés, ce sont les droits des peuples qui sont bafoués ! Quand on invoque l'urgence pour faire passer une réforme en force et empêcher le Parlement d'en débattre et de prendre des décisions, c'est un véritable déni de démocratie. C'est manifester un dédain évident envers la représentation nationale que de lui confisquer le droit de s'exprimer. C'est nier de manière désinvolte et méprisante les droits qui sont conférés au Parlement.

Pour les Verts, le recours aux ordonnances, qu'il soit le fait de la droite ou de la gauche, est souvent condamnable. C'est une décision grave et inopportune. Cette tentative -répétée - de marginalisation du Parlement est scandaleuse !

Pourquoi recourir aux ordonnances alors que les décrets d'application de nombreuses lois déjà votées ne sont toujours pas publiés ? Ainsi, comment expliquez-vous le retard de publication des décrets sur l'assurance maladie ? Et comment expliquez-vous le retard dans la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale, voté depuis octobre 2004, et le faible budget qui lui est affecté ?

Après nous avoir demandé de nous prononcer sur la simplification administrative et sur la simplification du droit, vous nous demandez aujourd'hui de vous autoriser à simplifier le droit social ; mais quels moyens seront mis en oeuvre pour cela ?

Le recours aux ordonnances, méthode anti-démocratique permettant à quelques dirigeants de dicter leur loi au pays, à l'abri du contrôle et de l'initiative parlementaire, confirme que vous avez fait le choix d'une fuite en avant, s'agissant du démantèlement des atouts économiques, industriels et sociaux de notre pays.

Nous le savons, le recours aux ordonnances permet au Gouvernement d'essayer d'avoir raison contre le peuple !

M. Henri de Raincourt. Vous avez fait la même chose !

M. Josselin de Rohan. Ce n'est pas gentil pour Pierre Mauroy, ni pour Lionel Jospin ! 

Mme Alima Boumediene-Thiery. Vous nous demandez aujourd'hui de nous dessaisir de nos droits.

De plus, vous présentez ces mesures d'urgence pour l'emploi à la veille des vacances d'été afin d'éviter la contestation et la mobilisation dans la rue. Vous aviez déjà utilisé cette technique à l'occasion de la réforme des retraites et de celle de la sécurité sociale. Mais, depuis le 29 mai, j'ai encore plus confiance en la capacité de réaction et de résistance du peuple, quelle que soit la période de l'année !

N'aurions-nous pas pu siéger quelques jours de plus ? Le Gouvernement est-il si pressé de nous voir partir en vacances ? Un sujet aussi important que l'emploi, qui constitue un enjeu national, ne justifie-t-il pas que nous sacrifiions nos vacances, alors que la plupart de nos concitoyens n'ont parfois, et même souvent, pas les moyens de partir en vacances ? Sans doute vouliez-vous vous épargnez la longue et pénible procédure que constitue le passage devant le Parlement ? Ecarter tout débat est tellement plus simple !

Quant aux partenaires sociaux, leur avis n'est plus qu'un gadget, puisque les textes des ordonnances sont déjà prêts dans les tiroirs des ministères. Or presque tous les partenaires sociaux sont opposés au démantèlement du droit du travail que vous préparez. Il ne s'agit donc que d'une consultation de façade, pour ne pas dire d'une mascarade !

Bref, le recours aux ordonnances, au prétexte de lutter pour l'emploi, n'est absolument pas justifié. C'est un véritable hold-up démocratique. On ne peut, sur un tel sujet, faire l'économie d'un grand débat parlementaire !

Examinons de plus près ces mesures pour l'emploi. Le nouveau contrat que vous proposez ne vise, en fait, qu'à accroître la flexibilité du travail, et donc la précarité.

Le chômage serait en partie dû, selon vous, à la rigidité du code du travail. Dans le même temps, vous affirmez qu'il serait difficile de licencier. Quel paradoxe !

Permettez-moi de vous rappeler que, sur cent chômeurs, vingt-cinq le sont devenus à la suite d'un licenciement. Vous prétendez que le code du travail pénaliserait les petites entreprises. Or, vous savez bien que ce sont justement elles qui licencient le plus facilement, car leurs contraintes sont moindres. De plus, elles comptent peu de syndicats et de délégués du personnel susceptibles de défendre les droits de leurs salariés.

Le contrat « nouvelles embauches » vise, selon vous, à « surmonter la grande crainte - qu'elle soit ou non justifiée - de beaucoup de petits entrepreneurs d'avoir le cas échéant à gérer un licenciement et en particulier à le justifier devant un juge ».

Mais avions-nous réellement besoin d'un contrat précaire supplémentaire ? Est-il besoin de rappeler que, aujourd'hui, plus de deux millions de Français sont sans emploi et vivent une situation dramatique ?

Notre société a tendance à gérer l'exclusion au lieu de travailler sans relâche à l'éradiquer et à la prévenir. D'ailleurs, « on ne croit plus au vivre ensemble », nous disent les sociologues. Mais comment pourrait-il en être autrement quand 3,5 millions de nos concitoyens, c'est-à-dire 6 % de la population, survivent au dessous du seuil de pauvreté, quand 4,7 millions d'entre eux dépendent de la couverture maladie universelle, quand un million de personnes, au moins, perçoivent le revenu minimum d'insertion, quand un chômeur sur deux n'est pas indemnisé, quand un million de Français sont dans l'attente d'un logement social et que trois millions d'entre eux sont mal logés ?

Face à une telle situation, l'Etat devrait commencer par montrer l'exemple en relançant l'emploi dans sa propre maison. Or les mesures que vous proposez s'agissant de la fonction publique sont issues de la proposition de loi du mois de juin dernier que, déjà à l'époque, l'ensemble des syndicats avaient refusée.

Ces propositions de réformes, pourtant tant attendues par la fonction publique, ne sont-elles pas plus de la poudre aux yeux qu'autre chose ? En effet, vous nous proposez de faire disparaître la limite d'âge pour l'accès aux concours de la fonction publique. Or, celle-ci est déjà supprimée dans plusieurs cas et de nombreuses dérogations permettent de la contourner quand elle existe encore ! Reconnaissez donc que cette mesure est plus symbolique que réellement novatrice !

Pour couronner le tout, au moment où vous proposez des mesures visant à relancer l'emploi, vous annoncez la suppression de plus de 5 000 postes dans la fonction publique en 2006, après celle de 7 000 postes en 2005. Ainsi, le Gouvernement ne fait rien pour lutter contre la précarité dans sa propre maison. Bien au contraire, il continue de diminuer les effectifs dans la fonction publique (Exclamations sur les travées de l'UMP),...

M. Josselin de Rohan. Vous manquez d'imagination !

Mme Alima Boumediene-Thiery. ... alors que chacun connaît les difficultés que cela engendre dans les hôpitaux, les tribunaux, les écoles ! Dès lors, quelle crédibilité accorder à votre plan ?

Aux millions de salariés précaires qui existent déjà, vous en ajoutez quatre autres millions qui ne pourront plus ni contracter de prêt ni accéder au logement. Comment, dans ces conditions, imaginer l'avenir ? Comment avoir confiance dans la société de demain ? C'est évidemment impossible !

Ces mesures pour l'emploi seront inefficaces contre le chômage. Elles créeront surtout des effets d'aubaine et de substitution, tout comme les nouvelles exonérations de cotisations sociales patronales que devra supporter le contribuable. En dix ans, ces exonérations ont déjà décuplé. Alors qu'elles atteignent 17 milliards d'euros en 2005, elles ne produisent, on le sait, aucun résultat sur la croissance et sur l'emploi.

Par ailleurs, exploiter la population à n'importe quel prix et dans n'importe quelles conditions a un coût social et entraîne des souffrances que ne reflètent pas les courbes du chômage. L'immense majorité de la population accumule difficultés et désillusions. Plus d'un Français sur deux éprouve quotidiennement un profond sentiment d'insécurité sociale et redoute de sombrer dans l'exclusion.

On subventionne indirectement les employeurs, on réduit la rémunération du travail, on favorise le développement des bas salaires, on précarise davantage encore les personnes en situation précaire.

Reconnaissez que le contrat « nouvelles embauches », dispositif phare du plan gouvernemental, constitue un véritable cadeau pour les patrons ! De plus, c'est un cadeau à moindre coût puisque, à la fin du circuit, c'est le contribuable qui paie. La boucle est ainsi bouclée !

Et que dire du fait que les jeunes de moins de vingt-six ans pourraient ne plus être pris en compte dans le calcul des effectifs de l'entreprise ? Nous assistons là à un véritable torpillage des structures représentatives du personnel dans l'entreprise et de certains droits sociaux qui ne peuvent exister qu'au-delà du seuil de vingt ou de cinquante salariés. Je pense en particulier à la mise en place d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT, ou d'un comité d'entreprise, à la participation aux résultats, à la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

Comme l'a fait observer le directeur adjoint de l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, comme il y a les jeunes et les autres, il y aura demain les entreprises de moins de dix salariés et les autres. Les salariés des petites entreprises n'auront désormais plus les mêmes droits sociaux que les autres ! Est-ce ainsi que vous comptez rendre les petites entreprises attractives aux yeux des salariés, alors que les avantages sociaux qu'elles offrent, comme les tickets-restaurants et les mutuelles, sont déjà moindres par rapport à ceux des grandes entreprises ?

Vous nous dites que les seuils sociaux eux-mêmes constituent un obstacle à l'emploi. Vous proposez donc de ne pas inclure les jeunes de moins de vingt-six ans dans les effectifs de l'entreprise afin qu'ils ne soient pas comptabilisés pour les seuils à partir desquels l'élection de délégués du personnel et la mise en place des instances représentatives sont obligatoires. En fait, on « clandestine » légalement les plus jeunes et on fragilise la démocratie sociale au sein de l'entreprise.

Le lissage des seuils d'effectifs dans l'entreprise permettra à l'employeur de s'affranchir de ses responsabilités en matière de droit social. La notion de très petite entreprise devient, quant à elle, de plus en plus fluctuante. A combien de salariés sera fixé le seuil ? A dix, vingt, cinquante salariés ? Lorsque le seuil de vingt salariés sera acquis, vous expliquerez qu'il constitue un frein à l'embauche, qu'il convient donc de le relever, car passer à plus de vingt salariés coûte cher. Et le contrat à durée indéterminée disparaîtra !

Comment justifier l'exclusion des jeunes salariés aujourd'hui, et probablement des seniors demain, des effectifs de l'entreprise ? A quand le tour des étrangers ? Et à quand celui des femmes ? A ce rythme, seuls les hommes français âgés de vingt-six à cinquante ans seront comptabilisés dans les effectifs !

De quelle démocratie sociale parle-t-on ? Ne risque-t-on pas d'assister à une discrimination à l'embauche fondée sur l'âge, selon que l'on aura vingt-quatre ou vingt-six ans ? C'est une classe d'âge dans son entier qui est ainsi stigmatisée. Ces salariés sont considérés comme des salariés au rabais, mis à l'écart du monde du travail et précarisés !

On donne sans cesse des leçons de citoyenneté aux jeunes. Dans le même temps, on les exclut de l'exercice de cette citoyenneté. Mais on n'en est plus à une contradiction près, n'est-ce pas ?

Sachez, monsieur le ministre, que ni l'emploi ni la démocratie dans l'entreprise n'en sortiront gagnants !

Ces seuils ont également un autre effet pervers : il est en effet prévu que les obligations financières supplémentaires résultant de leur dépassement soient allégées, s'agissant de la formation professionnelle, du 1%  logement et du versement aux sociétés de transports.

Ces pertes de recettes pour les organismes concernés devront être compensées. De quelle façon ? Il n'y a pas trente-six solutions : elles seront compensées soit par des hausses des tarifs ou des loyers, soit par une prise en charge par l'Etat, ce qui reviendra, en fait, à faire supporter ces nouvelles charges aux contribuables. Et la boucle sera de nouveau bouclée !

A cette régression démocratique s'ajoute donc également une régression sociale.

Ces mesures remettent en cause le code du travail, voire les conventions collectives, notamment en ce qui concerne la période d'essai, qui n'en finit pas, même si elle n'en est pas véritablement une. On lui cherche en effet toujours un nom. Une « période d'essai » de deux ans, c'était vraiment trop gros !

Le contrat « nouvelles embauches » offre en somme la possibilité à l'employeur de licencier à tout moment, sans préavis et sans motif particulier. Il n'aura à invoquer ni une cause propre au salarié ni une raison économique, les deux seuls motifs de licenciement reconnus à ce jour.

A ces deux motifs de licenciement viendrait donc s'ajouter la décision unilatérale de l'employeur. Mais si ce principe était inscrit dans la loi, le contrôle du juge deviendrait alors impossible, puisque aucun motif de licenciement ne serait plus nécessaire ! Or un licenciement ne peut en principe intervenir sans cause réelle et sérieuse.

De plus, les salariés ne pourront plus s'appuyer sur aucun fondement pour ester en justice. C'est donc le principe d'égalité des citoyens devant la loi qui est bafoué ! Et tant pis si cela contrevient au pilier de l'ordre public social introduit par la loi de 1973.

Même abusif, le licenciement ne pourra être contesté. De plus, il ne donnera droit à aucune indemnité. Simplifier, voire faciliter le licenciement serait-il un remède au chômage ?

Le titre spécial de paiement, semblable au chèque emploi-service, destiné à l'embauche de salariés dans les très petites entreprises, est de la même veine : c'est le retour du travail journalier, du travail à la tâche, sans contrat de travail ni bulletin de salaire.

Par ailleurs, comment procéder aux contrôles nécessaires à la lutte contre le travail illégal alors qu'aucune déclaration d'embauche, aucun contrat de travail ne permet de connaître le nombre d'heures, les horaires, les conditions de travail ? En outre, aucun document ne pourra servir de référence en cas de litige avec l'employeur. A croire que les droits des salariés sont incompatibles avec le droit à l'emploi !

De la même manière, dans la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, on nous a fait croire que le droit de travailler, donc le droit de rechercher un travail, était la même chose que le droit au travail effectif.

Pour les Verts, ces pratiques sont inacceptables !

Vous prétendez que l'assouplissement du marché du travail est nécessaire, mais, en vérité, la précarité n'a déjà que trop augmenté. Le nombre d'intérimaires est passé de 113 000 en 1983 à 471 000 en 2003 et, sur la même période, les emplois aidés ont augmenté de 128 %. Le nombre de contrats à durée déterminée a été multiplié par six en dix ans.

Le chômage s'en est-il trouvé réduit ? Assurément non !

Le Gouvernement poursuit son entreprise de casse sociale, passant même aujourd'hui à une vitesse supérieure avec la casse du code du travail.

Un autre point prévu par les futures ordonnances concerne la prime de 1 000 euros allouée, à l'embauche, au chômeur retrouvant un emploi.

Je souhaite aborder en cet instant une question sensible, notamment pour les femmes qui sont déjà les premières victimes de la flexibilité imposée et donc de la précarité : il s'agit de la garde des enfants. Il est nécessaire de prévoir une aide plus continue. Ainsi, une femme seule élevant des enfants et retrouvant un emploi en cours d'année ne peut pas trouver rapidement une place en crèche. Elle devrait donc bénéficier d'une assistante maternelle, au moins jusqu'à ce qu'elle obtienne une place en crèche.

Arrêtons-nous un instant sur les incohérences de ce plan qui nous font douter de sa réussite. M. le rapporteur a expliqué que l'aménagement des règles de décompte dans l'entreprise existe déjà pour certaines catégories de personnes : apprentis, titulaires de contrats en alternance ou aidés, travailleurs handicapés.

M. Alain Gournac, rapporteur. C'est exact !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Dans ce dernier cas, pourquoi avoir voté une loi à la fin de l'année 2004 visant à favoriser l'insertion des travailleurs handicapés sur le marché du travail si c'est pour les exclure aujourd'hui de la masse salariale, leur retirer la place qui leur est due au sein de l'entreprise ?

Entre 2002 et 2004, le taux de chômage des jeunes de quinze à vingt-quatre ans est passé de 20,20 % à 24,20 %, alors que celui des jeunes femmes est passé de 18 % à 21,60 %. Or les contrats jeunes, exonérés de cotisations, étaient censés régler la question du chômage des jeunes.

Depuis 1993, les charges patronales sur les salaires, en fait les cotisations sociales, sont passées de 40 % à 13 %, et vous continuez à les réduire ! Les exonérations de charges se chiffrent à plus de 19 milliards d'euros et les dépenses fiscales dérogatoires représentent 20 % des recettes nettes de l'Etat, autant d'argent qui pourrait être utilisé à financer des dépenses plus efficaces pour l'emploi.

Jusqu'à présent, les CDD étaient limités à des conditions spécifiques ; demain, les contrats « nouvelles embauches » seront la règle, et la taille des entreprises n'entrera plus en ligne de compte.

S'il est difficile de trouver des salariés dans certains secteurs, c'est souvent aussi en raison d'un manque de formation.

Si urgence il y a, c'est pour réfléchir à des secteurs porteurs pour l'emploi et à la meilleure manière de les aider. Des gisements d'emplois existent dans les secteurs associatif, sportif, culturel, artistique, environnemental. Mais votre vision de l'économie ne permet pas d'appliquer une politique volontariste, solidaire et environnementale. Ainsi, il est tout à fait révélateur d'évoquer à la fois les grands chantiers routiers et la lutte contre l'effet de serre ! On ferait mieux de réfléchir à l'amélioration du transport par voie ferrée, ou de donner des moyens à la recherche, notamment pour les énergies renouvelables, en cette fin annoncée des ressources pétrolières.

Un autre exemple que je souhaite évoquer concerne l'intermittence. Va-t-elle enfin, grâce à votre plan, obtenir le financement des emplois que les acteurs de ce secteur attendent depuis deux ans, avec, bien sûr, une couverture sociale digne de ce nom pour tous les artistes, les techniciens et les réalisateurs ?

Sous prétexte de lutter contre le chômage, ce plan favorise les discriminations, puisque vous voulez instituer dans le calcul des effectifs une discrimination fondée sur l'âge. Comment allez-vous justifier cela au regard de nos principes constitutionnels et du droit européen ? En effet, on ne peut que s'interroger sur le caractère discriminatoire des offres d'emploi précisant un âge. Mais cette question fournira sans doute du travail à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE !

De plus, cette politique contribue à l'assèchement continu des recettes de l'Etat et à la dilapidation de ses richesses. Cette perte nous prive de toute marge de manoeuvre pour mener d'autres politiques et remet en cause, à terme, l'implication de l'Etat en matière d'éducation, de santé et de logement.

Pour les Verts, c'est inacceptable !

A l'image de la légitime lutte contre le terrorisme et l'insécurité, on multiplie les politiques sécuritaires et liberticides. On veut même nettoyer nos banlieues au Karcher ! Or la sécurité, y compris la sécurité sociale, ne se construira ni sur le dos des politiques de l'emploi ni sur la violation des droits fondamentaux.

S'agissant des libertés démocratiques, le fait de choisir le recours aux ordonnances et de mettre à l'écart le Parlement alors qu'il s'agit aujourd'hui de traiter de questions sociales et d'emploi n'est-il pas une porte ouverte sur d'autres domaines, à l'exemple de l'ordonnance de 1959 ?

Nous voulons réduire les inégalités dans notre pays, instaurer plus de justice et de solidarité pour construire la paix sociale, nationale et internationale, et nous assurer que notre modèle de développement ne mène pas la planète à l'abîme. Malheureusement, nous devons nous rendre à l'évidence : ce n'est pas avec une politique comme celle que vous proposez que nous y arriverons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun sait à quel point le sujet que nous examinons aujourd'hui est grave. Au cours de notre débat dans cette enceinte, nous ne pouvons pas nous satisfaire de paroles quelque peu rituelles, car nous devons penser à tous ces hommes, à toutes ces femmes en grande difficulté qui connaissent l'angoisse au quotidien. On dénombre 2 484 000 chômeurs, sans compter les millions de Françaises et de Français employés sous CDD, contrats précaires, en intérim, ou qui font face à la succession de missions d'intérim, de petits contrats, aux stages qui ne mènent à rien, aux mesures en trompe-l'oeil, etc.

Lorsque nous avons appris la nomination de M. de Villepin aux fonctions de Premier ministre, nous n'avons certes pas rêvé d'un changement politique. Les mêmes hommes et les mêmes femmes ont été appelés à exercer les responsabilités. Mais, l'ayant entendu dans d'autres enceintes et l'ayant vu à l'oeuvre dans d'autres genres littéraires, nous attendions du souffle et espérions un commencement d'élan. Mais d'élan point, mes chers collègues. « Morne plaine », comme disait Victor Hugo que je ne peux que citer en cette circonstance.

La déclaration de politique générale de M. le Premier ministre fut une récapitulation quasi notariale de mesures disparates, un catalogue. Paradoxalement, mes chers collègues, on a cherché à nous faire croire qu'il y avait rupture, qu'il y avait une nouvelle politique de l'emploi, un New Deal, en quelque sorte.

Or, alors que la droite est au pouvoir depuis trois ans, la même politique est menée, le même gouvernement est en fonction, à quelques exceptions près. Ce point a été rappelé par MM. Bel et Godefroy, ainsi que par Mme Boumediene-Thiery,

Nous devons rendre hommage à la ténacité avec laquelle M. Raffarin a annoncé tous les trois mois que le chômage passerait en dessous du seuil des 10 % en 2005. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Après trois ans de gouvernement Jospin, on dénombrait 700 000 chômeurs de moins.

M. Alain Gournac, rapporteur. Ne dites pas n'importe quoi !

M. Henri de Raincourt. Et la croissance ?

M. Josselin de Rohan. Ils l'ont gâchée !

M. Jean-Pierre Sueur. Après trois ans de gouvernement Raffarin, il y a 230 000 chômeurs supplémentaires. C'est la réalité !

Vous dites « croissance » de même que M. Raffarin affirmait que le chômage allait baisser : si vous le voulez, nous parlerons tout à l'heure de la croissance qui est en effet un bon sujet.

Avec 2 484 000 chômeurs, la France connaît un taux de chômage de 10,2 %, alors que la moyenne du chômage dans les pays de l'OCDE s'élève à 6,9 %.

M. Henri de Raincourt. Cherchez pourquoi ?

M. Josselin de Rohan. Demandez à Tony Blair !

M. Jean-Pierre Sueur. En trois ans, le moins que l'on puisse dire est que le problème n'a pas été réglé.

M. Henri de Raincourt. Parce que vous ne voulez pas !

M. Jean-Pierre Sueur. Je veux revenir, comme l'a fait tout à l'heure M. Foucaud, sur la question des emplois-jeunes. Leur mise à mort nous avait été annoncée. Je me souviens de la déclaration de politique générale de M. Raffarin, ici même : les emplois-jeunes, c'était du toc ; de vrais emplois allaient être créés !

Mme Raymonde Le Texier. Absolument ! Rappelons-le !

M. Jean-Pierre Sueur. Le journal Le Monde, que vous lisez certainement, mes chers collègues,...

M. Henri de Raincourt. Non ! On peut s'en passer ! Il n'y a pas de photos !

M. Josselin de Rohan. Ce n'est pas la Bible !

M. Jean-Pierre Sueur. ... citait, dans son numéro du 2 juillet dernier, M. Carrez,...

MM. Henri de Raincourt, Josselin de Rohan et Robert Del Picchia. On l'a déjà eu ce matin !

M. Jean-Pierre Sueur. ...qui, à propos des emplois-jeunes, déclarait avoir « pris conscience à l'automne 2004 qu'il y aurait un problème ».

Selon M. Auberger,...

MM. Henri de Raincourt, Josselin de Rohan et Robert Del Picchia. On l'a déjà eu aussi ce matin !

M. Roland Muzeau. Répéter, c'est pédagogique !

M. Jean-Pierre Sueur. ...ce fut un peu idéologique et pas suffisamment pratique.

Telle est l'analyse faite par un certain nombre d'élus de l'UMP qui constatent bien que porter atteinte aux emplois-jeunes a été une grave erreur.

M. Jean-Pierre Sueur. On nous a dit qu'à la place des emplois-jeunes seraient mis en oeuvre d'autres dispositifs. Mais sur les 100 000 contrats avenir prévus, moins de 500 avaient été créés au mois de juin dernier. Quel résultat ! Quelle efficacité !

M. Josselin de Rohan. Et les emplois-tremplin de Huchon ?

M. Jean-Pierre Sueur. Et le style volontairement plat de M. de Villepin n'empêche pas l'incantation par une sorte de nouveau paradoxe.

Lorsque M. de Villepin affirme que « toutes nos marges budgétaires iront à l'emploi », on a envie de lui rétorquer : mais quelles marges budgétaires ?

M. Henri de Raincourt. Quatre milliards d'euros !

M. Jean-Pierre Sueur. Où sont-elles ? La dette est passée de 58,2 % du PIB en 2002 à presque 65 % aujourd'hui. Elle absorbe quasiment le produit de l'impôt sur le revenu. Le déficit budgétaire s'élevait à 3,6 milliards d'euros en 2004.

Je veux maintenant démontrer à mon tour à quel point les mesures que vous nous proposez sont dangereuses. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Le contrat « nouvelles embauches » donne en réalité la possibilité à l'employeur de licencier un salarié à tout moment, sans motif. C'est un grand changement dans le droit du travail. En effet, aujourd'hui, seuls deux motifs autorisent un employeur à licencier un employé : il doit pouvoir invoquer une cause propre au salarié ou une raison économique.

M. Josselin de Rohan. Mieux vaut les RMIstes !

M. Jean-Pierre Sueur. Dans un premier temps, M. le Premier ministre a lui aussi parlé de période d'essai. Mais vous vous êtes rendu compte que cette période était définie de manière contractuelle et jurisprudentielle. M. le Premier ministre a alors dit : « Le contrat que je propose est un contrat à durée indéterminée. Il instaure une période d'embauche qui est un temps de consolidation de l'emploi. » J'ai envie d'ajouter « sic », car ceux qui seront embauchés pour deux ans, sans aucune garantie, pouvant être exclus sans aucun motif du jour au lendemain, seront ravis d'apprendre, j'en suis sûr, que, pendant ces deux ans, ils sont dans une phase de consolidation de l'emploi !

En dénommant « consolidation » ce qui est, bien entendu, la précarité la plus totale, M. le Premier ministre montre la virtuosité qui est la sienne dans l'art de l'antiphrase. C'est la seule chose que l'on puisse mettre à son crédit en la matière.

Mes chers collègues, ce qui manque à ce plan, à ce catalogue de mesures, c'est, en premier lieu, la concertation. On ne peut pas relancer l'emploi sans engager une négociation sociale d'envergure. Il faut un Grenelle de l'emploi. On ne relancera pas la politique de l'emploi sans recréer la confiance, le dialogue social, sans montrer une volonté claire, manifeste de jouer réellement la carte de la négociation, du contrat, des conventions collectives, de vrais et forts accords entraînant des partenariats dans de nombreux domaines. Il faut y croire, et, si l'on n'y croit pas, cela se voit énormément. Il suffit d'entendre les partenaires sociaux : ce dialogue social, cette concertation n'existent pas. De ce fait, on ne pourra pas mettre en oeuvre une grande politique de l'emploi.

M. Jean-Pierre Sueur. En deuxième lieu, aucune disposition n'est prévue en faveur de la relance du pouvoir d'achat. Or, lorsque nous rencontrons nos concitoyens, dans nos villes, dans nos permanences ou sur les marchés, tous nous parlent du pouvoir d'achat.

Il y a erreur à s'obstiner à refuser toute relance du pouvoir d'achat, et notamment du pouvoir d'achat de ceux dont les revenus sont les plus faibles,...

M. Josselin de Rohan. En cinq ans, les socialistes n'ont pas augmenté le SMIC !

M. Jean-Pierre Sueur. ...car nous savons bien, monsieur de Rohan, que, sans politique de relance du pouvoir d'achat, il n'y aura relance ni de l'activité ni de l'emploi !

M. Josselin de Rohan. Qu'avez-vous fait du SMIC ?

M. Jean-Pierre Sueur. En troisième lieu, la nouvelle politique de l'emploi, qui est assurément nécessaire, ne doit pas se traduire par une exclusion, toujours plus marquée, du monde du travail, d'une part des salariés ayant atteint un certain âge, d'autre part des jeunes.

Comme M. Godefroy l'a dit, la disposition concernant les jeunes de moins de vingt-six ans est scandaleuse. Je vois mal comment quiconque ici pourrait justifier que l'on dise à un jeune qu'il va être salarié et entrer dans le monde du travail mais qu'il ne comptera pour rien dans l'entreprise.

M. Alain Gournac, rapporteur. Cela vaut mieux que d'être chômeur !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous pensons quant à nous, monsieur le rapporteur, qu'il faut afficher la chance que ce jeune représente pour l'entreprise et pour notre pays au lieu de le mettre entre parenthèses, de l'ignorer, de faire comme s'il n'existait pas ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du groupe CRC. - Protestations sur les travées de l'UMP.)

MM. Josselin de Rohan et Henri de Raincourt. C'est de la caricature !

M. Jean-Pierre Sueur. Je demande donc qui, dans cette enceinte, pourrait justifier une mesure à ce point contraire au sens de la citoyenneté.

M. Josselin de Rohan. Vous êtes les seuls socialistes en Europe à tenir un tel discours !

Mme Raymonde Le Texier. Aucun pays en Europe n'a un gouvernement aussi nul !

M. Jean-Pierre Sueur. Exclure, ne pas prendre en compte, « gommer » les salariés les plus jeunes ainsi que ceux qui ont atteint un certain âge, c'est tourner le dos à une politique qui devrait nous conduire à mobiliser toutes les forces vives, toute la richesse humaine de ce pays afin que chacun apporte sa pierre à la croissance et à l'emploi.

Enfin, dans le « catalogue » qui nous est présenté, on ne trouve rien sur la formation, rien sur la recherche, rien sur les nouvelles technologies, alors que tous ces domaines sont indissociablement liés à la reprise de la croissance.

S'agissant par exemple de la formation, vous savez très bien, monsieur le ministre, qu'il est essentiel de préparer les jeunes aux emplois pour lesquels il y a des offres non satisfaites.

A juste titre, nous sommes fiers des succès de la France dans divers domaines, comme l'aéronautique ; mais il y a tant d'autres domaines où il est possible à notre pays de faire, avec ses partenaires européens, oeuvre de volontarisme.

Monsieur le ministre, vos mesures diverses, dont certaines sont dangereuses, ne pourront pas tenir lieu de véritable politique pour l'emploi, politique qui reste à construire : sans volontarisme et tout simplement sans volonté, il n'est pas de politique qui vaille ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
Discussion générale (suite)

3

Attentats à Londres

M. le président. Mes chers collègues, nous vivons un moment très grave : le centre de Londres vient d'être le théâtre d'au moins six explosions, et on dénombrerait à l'heure actuelle une vingtaine de morts.

La parole est à M. le ministre.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, une série d'explosions a en effet frappé ce matin le système de transports publics de Londres.

Le ministre de l'intérieur, Charles Clarke, a déclaré que les explosions avaient provoqué de « terribles blessures ». A cette heure-ci, le Premier ministre Tony Blair s'adresse à la nation britannique ; à douze heures quarante-cinq, M. de Villepin s'adressera aux Françaises et aux Français.

Le Gouvernement tient à exprimer sa solidarité avec le peuple britannique, le gouvernement britannique, et les Londoniens, frappés ce matin par ces terribles explosions qui nous rappellent la nécessité de la solidarité face au terrorisme.

M. le président. Mes chers collègues, par respect pour les victimes londoniennes et par solidarité avec nos amis britanniques, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

HOMMAGE aux victimes des attentats de Londres

M. le président. Mes chers collègues, ce matin, dès l'annonce des terribles attentats de Londres, le président de séance a manifesté l'émotion du Sénat et vous y avez, monsieur le ministre, associé le Gouvernement.

Au fil des heures, nous prenons de plus en plus conscience de la gravité de ces événements. En hommage aux victimes, par respect pour elles et pour exprimer notre sympathie envers nos amis Britanniques, je vous invite, mes chers collègues, à vous recueillir quelques instants. (M. le ministre délégué, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.)

5

CANDIDATURES À des COMMISSIONs MIXTEs PARITAIREs

M. le président. J'informe le Sénat que la commission des affaires économiques et du Plan m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises.

Cette liste a été affichée, conformément à l'article 12, alinéa 4, du règlement. Elle sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.

J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi d'habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures d'urgence pour l'emploi actuellement en cours d'examen.

Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

6

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
Discussion générale (suite)

Mesures d'urgence pour l'emploi

Suite de la discussion d'un projet de loi d'habilitation déclaré d'urgence

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
Exception d'irrecevabilité

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que nous examinons aujourd'hui est un projet de loi d'urgence pour l'emploi.

Depuis trois ans, nous avons engagé un certain nombre de réformes de fond, ainsi que M. de Raincourt et Mme Hermange l'ont rappelé ce matin, que ce soit en matière d'organisation du temps de travail, de maîtrise et d'allégement du coût du travail ou de gestion des mutations économiques.

Après la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, les partenaires sociaux, à l'unanimité moins une organisation - cette dernière ne s'y est d'ailleurs pas opposée -, ont porté ensemble les principes de la convention de reclassement personnalisé. Il s'agit là d'un élément fort d'accompagnement des mutations économiques permettant de réduire la fracture entre les salariés des grandes entreprises et ceux des petites et moyennes entreprises.

Monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires sociales, je tiens tout d'abord à vous remercier, ainsi que l'ensemble des membres de la commission des affaires sociales, pour le travail que vous avez conduit dans un temps forcément contraint, mais aussi pour l'ensemble des auditions auxquelles vous avez procédé et pour les contributions que vous apportez aujourd'hui à nos débats.

Monsieur le rapporteur, vous avez eu raison d'indiquer ce matin que nous devions amplifier nos efforts en direction des petites entreprises créatrices d'emplois. M. de Raincourt le disait lui aussi : il y a sans doute là un vivier d'emplois.

Ce n'est pas pour autant que nous devons oublier les grandes entreprises. Depuis le début du mois de juin, j'ai d'ailleurs entrepris de recevoir les directeurs des ressources humaines de toutes les grandes entreprises françaises afin d'examiner avec eux les moyens de développer l'emploi, de mieux insérer les jeunes, d'utiliser les dispositifs de retour vers l'emploi dans le secteur marchand pour ceux qui sont aujourd'hui éloignés de l'emploi.

J'ai beaucoup entendu parler de précarité. On peut effectivement se satisfaire de la situation actuelle, où 70 % des embauches sont réalisées par le biais d'un CDD.

M. Roland Muzeau. Pour quelles raisons ?

Mme Raymonde Le Texier. Vous allez en rajouter !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Si nous prenons les chiffres de 2001, monsieur Muzeau, 78 % des embauches des jeunes de moins de vingt-cinq ans étaient réalisées en CDD (Protestations sur les travées du groupe CRC), et la moitié de ces CDD s'interrompaient lors du premier mois tandis que l'autre moitié durait en moyenne quatre mois et demi.

Alors, ne changeons rien, et continuons comme par le passé.

M. Henri de Raincourt. Voilà ! M. Muzeau est un conservateur !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est qui, le passé ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement a décidé de changer cette situation, et je reviendrai sur les conditions de la construction du dialogue social.

Ce que nous proposons, c'est le contrat « nouvelles embauches », à savoir un CDI qui possède, dans sa forme nouvelle, un certain nombre d'avantages par rapport au CDD comme par rapport au CDI classique pendant sa période d'essai.

M. Robert Bret. Deux ans !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Contrairement au CDD, le contrat « nouvelles embauches » est un contrat pérenne, qui comporte une assurance plus importante en matière d'emploi. En effet, je rappelle qu'il faut 180 jours pour faire naître des droits à assurance chômage.

Par rapport au CDI classique, la période d'essai du contrat « nouvelles embauches » est plus courte, le préavis est au moins aussi long et, en cas de rupture au cours des deux premières années, il ouvre droit à une indemnité dont le montant sera connu à l'avance. Les droits à formation seront acquis plus rapidement, et il ouvrira droit aux mêmes garanties collectives.

Le salarié qui sera embauché dans le cadre d'un contrat « nouvelles embauches » ne prendra donc aucun risque nouveau, il aura vocation à s'insérer durablement dans l'entreprise et, si son contrat s'interrompt, il bénéficiera immédiatement d'une indemnité, d'une couverture assurance chômage et d'un accompagnement renforcé.

M. Guy Fischer. Tu parles !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Contrairement à ce que j'ai pu entendre ce matin, le contrat « nouvelles embauches » ne remet pas en cause les droits des salariés, mais repose sur un nouvel équilibre. Les procédures de rupture sont simplifiées, mais, en contrepartie, le salarié bénéficie de garanties nouvelles : préavis, indemnité de cessation de contrat pour ceux qui ne peuvent bénéficier de l'assurance chômage, actions de reclassement renforcées, dont nous confierons d'ailleurs aux partenaires sociaux le soin de fixer les conditions d'accompagnement.

M. Guy Fischer. Oui, bien sûr !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Mercier, nous reviendrons à l'occasion de la discussion des articles sur l'accompagnement renforcé, auquel vous tenez.

Le Gouvernement a l'intention de mettre en place un dispositif adapté pour l'accompagnement des salariés en situation de cessation de contrat. A cette fin, nous avons déposé un amendement permettant de mettre en place une contribution de l'employeur au reclassement.

Mme Boumediene-Thiery, M. Muzeau et M. Godefroy ont évoqué ce matin le recours aux ordonnances.

M. de Raincourt a rappelé que les majorités successives y ont eu recours, y compris dans le domaine social. Pour ne prendre que la période allant de 1997 à 2002, ce ne sont pas moins de soixante-seize ordonnances qui ont été publiées. Ce chiffre mérite d'être rappelé !

M. Robert Bret. Après une victoire de la gauche, pas après une déroute électorale !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Quand aux craintes exprimées sur l'absence de débat parlementaire, je tiens ici à vous indiquer que je m'emploierai, avec Jean-Louis Borloo, à répondre avec le plus de précision possible à vos questions. C'est ce que nous avons fait à l'Assemblée nationale, et c'est naturellement ce que nous ferons au Sénat.

Certains ont évoqué le préambule de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social. Je voudrais leur rappeler que, le 30 juin 2004, nous écrivions justement aux partenaires sociaux un courrier sur ce sujet, ouvrant ainsi une série de consultations. Et permettez-moi de vous donner lecture de ce que nous leur écrivions sur ce sujet : « Nous devons travailler à l'adaptation nécessaire de notre droit du travail et à la levée des freins à la création d'emplois, car il est de notre responsabilité commune de créer par des réformes structurelles les conditions d'une croissance de l'emploi dans notre pays. Nous pensons plus particulièrement à la simplification et à la lisibilité des règles du droit du travail, notamment lorsqu'elles concernent les petites et moyennes entreprises. »

C'était le 30 juin 2004. Nous avons eu depuis deux séries de consultations avec l'ensemble des partenaires sociaux, qui nous ont fait savoir au bout du compte qu'il appartenait au législateur et à l'exécutif de se saisir de ce dossier. C'est ce que nous faisons aujourd'hui.

Parallèlement, le Premier ministre, après son discours de politique générale, nous a demandé d'entamer une série de consultations avec les partenaires sociaux, ce que nous avons fait. Et, dans quelques jours, je présenterai au Comité supérieur de l'emploi, qui est la structure de dialogue social en la matière, l'ensemble des mesures que nous envisageons.

Vous pouvez le constater, le préambule de la loi du 4 mai 2004 a bien été respecté, la consultation a eu lieu, y compris la consultation de l'instance responsable, en l'occurrence le Comité supérieur de l'emploi.

Il existe aujourd'hui, M. de Montesquiou l'a souligné, de véritables freins à l'embauche. Ces derniers sont moins liés à un manque de potentiel économique ou au coût trop important du travail qu'à la complexité d'un certain nombre de règles, parfois difficiles à appréhender pour les petites et moyennes entreprises, en matière de relations individuelles du travail.

Le contrat « nouvelles embauches » est donc une réponse pragmatique.

M. Guy Fischer. C'est une arnaque !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ce matin, monsieur Muzeau, vous nous reprochiez de « déjudiciariser » le droit du travail. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Robert Bret. Eh oui, il avait raison !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Oui, vous aviez raison ! En effet, si les relations du travail doivent en permanence être arbitrées par le juge, alors c'est que le législateur a mal fait son travail et que le code n'est pas adapté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Guy Fischer. C'est scandaleux !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. En effet, la judiciarisation conduit, dans un certain nombre d'opérations, à des pertes sèches d'emplois, à la disparition d'entreprises. Ce mode de relations sociales ne peut pas construire le dialogue social !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Dans les dispositifs de la loi du 18 janvier 2005 comme dans ceux que nous proposons aujourd'hui, le juge garde toutefois sa place - toute sa place -, mais il n'est pas l'arbitre permanent des relations sociales, au point d'aller jusqu'à convoquer le comité d'entreprise.

Nous partageons donc votre approche, nous voulons déjudiciariser les relations du travail. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Robert Bret. Avec vous, il ne reste plus que le patron !

M. Roland Muzeau. Demandez aux travailleurs de Sediver !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a plus besoin d'arbitre : il y a les patrons d'un coté et les salariés de l'autre !

M. Robert Bret. Ce n'est plus le code du travail, c'est le code patronal !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Par ailleurs, dois-je vous rappeler que n'ont plus été pris en compte dans la détermination des seuils les jeunes en apprentissage - c'était en 1985, je vous laisse deviner sous quel gouvernement - non plus que tous les contrats aidés mis en oeuvre par Mme Aubry puis par Mme Guigou ? Le reproche qui nous est adressé en la matière devrait donc être renvoyé aux gouvernements de 1985 et de 1997 !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Concernant les seuils, il ne s'agit pas de revenir en arrière, et je dis clairement au Sénat que les comités d'entreprise, les CHSCT ou les droits à représentation par des délégués du personnel ne sont pas appelés à disparaître par un système de cliquet arrière. Ces garanties sont accordées, et il ne faut voir dans les modifications qui vous sont proposées qu'une incitation à l'embauche en direction des jeunes.

M. Robert Bret. Vous parlez régulation, c'est tout !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Des craintes se sont exprimées quant aux droits individuels et collectifs des salariés.

M. Robert Bret. Rassurez-nous, monsieur le ministre !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ces craintes sont infondées : l'ensemble du droit en la matière, notamment la capacité de recourir aux formes de défense, reste naturellement intact, de même que tous les dispositifs relevant du droit civil.

M. Robert Bret. Nous voilà rassurés !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Les innovations relatives au chèque TPE sont, comme l'a souligné M. le rapporteur, des mesures de simplification pratiques et opérationnelles, elles ne concernent en rien les obligations juridiques de l'employeur vis-à-vis du salarié. Je pense notamment au registre unique, au fonds national d'aide au logement, au 1 % logement ou aux fonds formation : toutes ces aides seront préservées.

J'ai cru comprendre que l'extension du SMA à la métropole était appréciée. Pour avoir moi-même participé à une journée de préparation à la défense, je peux vous dire que j'ai constaté, avec les officiers présents, qu'il pouvait s'agir d'une bonne formule.

Le Premier ministre s'est engagé à lancer une première expérimentation dès le mois de septembre et à la développer ensuite, de façon à offrir à 20 000 jeunes une réponse adaptée. Cela devrait permettre aux très nombreux jeunes sortis de l'école sans diplôme - ils sont 150 000 sur 750 000 chaque année - de retrouver le chemin de la formation.

Au moment où l'étude Génération 2001 présentée devant le Conseil économique et social par le Centre d'études et de recherches sur les qualifications, le CEREQ, a fait apparaître que la plus terrible des inégalités tient à l'échec ou à la réussite de la scolarité et de la formation, la réforme de l'école doit être un objectif prioritaire si nous voulons changer cette terrible réalité qui veut que le chômage frappe aujourd'hui deux fois plus de jeunes que d'adultes.

Vous avez évoqué, madame Boumediene-Thiery, l'application de la loi. J'ai eu l'occasion, hier, de présenter devant la commission des affaires sociales, familiales et culturelles de l'Assemblée nationale le rapport sur la loi du 4 mai 2004. Je préciserai donc, puisque je sais la commission des affaires sociales du Sénat est particulièrement attentive à cette question, que, s'agissant de ladite loi, un seul décret a été différé jusqu'au second semestre 2005, à la demande de l'ensemble partenaires sociaux : il concerne l'application du droit individuel à la formation pour les petites entreprises.

Vous avez, monsieur Sueur, évoqué la question du pouvoir d'achat.

M. Robert Bret. Ou de ce qu'il en reste !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. A cet égard, je me contenterai de rappeler que, depuis le 1er juillet, nous pouvons enfin reparler d'un SMIC unique, dont le pouvoir d'achat a crû de 11,4 %. Et c'est ce gouvernement qui a engagé, au travers de la sous-commission de la négociation collective, un travail sur les grilles salariales, que nous entendons poursuivre jusqu'à la fin de l'année.

Dans cette perspective, le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, a appelé l'ensemble des branches à achever les négociations salariales. Il nous paraît en effet important, à la suite de la réévaluation du SMIC, de réviser l'ensemble des grilles salariales, le tassement des salaires intermédiaires que nous observons actuellement en France étant une préoccupation du Gouvernement.

Vous me permettrez, madame Hoarau, de vous répondre avec précision, mais je ne doute pas que l'ensemble de vos collègues seront, eux aussi, attentifs aux problèmes de la Réunion.

Je vous rappellerai tout d'abord que, jusqu'au 31 décembre prochain, la Réunion bénéficiera d'une prolongation du régime CES-CEC ; ensuite, que le contrat d'accompagnement vers l'emploi, le CAE, équivaut aux CES-CEC. Vous devez donc accepter ce dispositif, d'autant que le Premier ministre - il l'a confirmé ce matin - vient d'accorder 80 000 CAE supplémentaires en direction des jeunes, dont le taux de couverture par l'Etat sera de 90 %.

J'ajoute que nous avons signé avec le conseil régional de la Réunion un contrat d'objectifs et de moyens concernant l'apprentissage, et qu'un autre est en préparation concernant l'ensemble du plan de cohésion sociale.

De la sorte, nous pourrons répondre à vos préoccupations tout à fait légitimes : nous avons notamment prévu avec le conseil général de signer 8 000 contrats d'avenir à compter de 2006.

Mme Gélita Hoarau. Vous n'en subventionnez que 600 !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ce sont autant de points que je tenais à rappeler s'agissant d'un département dont on sait qu'il a besoin, en matière de contrats aidés, d'accompagnement et de cohésion sociale, de mesures particulières.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le contrat « nouvelles embauches » et l'habilitation que nous vous demandons aujourd'hui...

M. Robert Bret. C'est un chèque en blanc !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... sont le fruit d'une nécessité : il est urgent de se battre pour l'emploi, de libérer les énergies et les capacités d'emploi de nos petites entreprises.

Je suis certain que vous apporterez, à l'issue d'un débat approfondi, votre soutien au Gouvernement pour qu'il puisse mettre en place d'ici à la rentrée le contrat « nouvelles embauches », qui peut tisser de nouveaux rapports sociaux et offrir aux jeunes de ce pays d'autres perspectives que celle de devoir « galérer » de CDD en intérim ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Exception d'irrecevabilité

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Muzeau, Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 22, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi (n° 454, 2004-2005).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la motion.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J'ignore si nous aurons un débat approfondi, monsieur le ministre, puisque les nombreux sénateurs de votre majorité ne se sont pas déplacés pour y assister. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Henri de Raincourt. Nous n'avons pas de leçons de morale à recevoir !

M. Robert Bret. C'est tellement rare qu'ils se déplacent pour un débat de fond !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et, de toute façon, la loi d'habilitation ne le permet pas !

Quoi qu'il en soit, j'aurais souhaité, monsieur le ministre, informer le Premier ministre - qui est absent, à l'instar de M. Borloo, qui ne s'intéresse pas aux débats du Sénat -, que votre projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures d'urgence pour l'emploi est irrecevable, d'abord et principalement parce que vous voulez avoir raison contre la majorité de notre peuple.

En démocratie, monsieur le ministre, et de par notre Constitution, le peuple est souverain.

Vous êtes aux responsabilités depuis trois ans, et vous avez tous les pouvoirs : Président de la République, Gouvernement, majorité parlementaire dans les deux assemblées. Or la politique que vous mettez en oeuvre a fait la preuve de son inefficacité totale pour répondre aux attentes populaires et à la première d'entre elles, l'emploi,... mais de sa grande efficacité pour satisfaire les intérêts financiers.

Cette politique a été sanctionnée deux fois lors des consultations du printemps dernier par la majorité de notre peuple, et une troisième fois le 29 mai dernier.

J'ajoute que la sanction est croissante, puisque la consultation par référendum sur le projet de traité européen a été l'occasion d'une mobilisation et d'une politisation inédite et qu'au terme d'un débat de fond - au sein du peuple, cette fois-ci - et en dépit de moyens politiques considérables pour lui prouver qu'il avait tort, notre peuple a rejeté la constitutionnalisation des politiques libérales européennes dont il fait l'expérience depuis des années, ici, en France.

Vous avez concédé que le « non » du 29 mai exprimait « des inquiétudes et des préoccupations ».

M. Robert Bret. Quelle perspicacité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et quelle est votre réponse ? Le mépris !

Le mépris du verdict populaire au niveau européen, puisque le Président de la République s'est refusé à exprimer, lors du dernier sommet européen - symbole de la crise qui sévit en Europe -, ce que lui demande la majorité des Français : la remise à plat des politiques européennes.

Le mépris du verdict populaire en France par la poursuite aggravée de la politique menée depuis trois ans, dont les caractéristiques sont la baisse des protections sociales, la baisse de la rémunération du travail, les cadeaux aux patrons, et dont les résultats sont négatifs sur l'emploi, puisque le taux de chômage n'a jamais été aussi élevé...

M. Guy Fischer. Du jamais vu !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... mais est ô combien dramatique pour notre société.

M. Robert Bret. C'est la stratégie de Lisbonne !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certes, vous ne lésinez pas sur l'affichage, et vous avez commencé bien avant le 29 mai, de sorte que nous savons à quoi nous en tenir en la matière.

M. Borloo annonçait 500 000 embauches rapides grâce aux contrats d'avenir dans son plan de cohésion sociale,...

M. Guy Fischer. Mensonge !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... nous en sommes à 1 000 !

M. Fillon a créé les contrats de réinsertion-revenu minimum d'activité, les CI-RMA, dont 1 000 ont été signés. Quant aux contrats d'insertion dans la vie sociale, les CIVIS, également créés par M. Fillon, ils ont donné lieu à 300 signatures et ils paraissent aujourd'hui abandonnés.

Pendant ce temps, 13 000 emplois par an ont disparu à la suite des délocalisations. Pendant ce temps, les salaires des patrons du CAC 40 ont augmenté de 10 %. Pendant ce temps, le SMIC est à 957,74 euros par mois...

M. Henri de Raincourt. Grâce à qui ?

M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Grâce à nous !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez ! Savez-vous ce que c'est que de vivre avec 957 euros par mois ?

M. Henri de Raincourt. Ce n'est pas la peine de crier !

M. Alain Gournac, rapporteur. Et vous, madame, qu'avez-vous fait ?

M. Henri de Raincourt. Nous, nous avons augmenté le SMIC. Il ne faut tout de même pas exagérer !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pendant ce temps, 30 % des salariés gagnent moins de 1,3 SMIC, soit moins de 1 100 euros par mois. Faites vos comptes : 3,3 millions de salariés sont au SMIC ou en dessous !

Comment ces Français peuvent-ils vivre au-dessus de leurs moyens ? Comment peuvent-ils, avec 957,74 euros par mois, consommer, et donc permettre aux petites entreprises de produire et de vendre leur production ? Expliquez-moi !

M. Robert Bret. Ce n'est pas leur problème !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors, après trois ans d'aggravation de l'insécurité sociale, vous avez le front de dire : « Il faut aller très vite et donc légiférer par ordonnance ». Et pour faire quoi ? Principalement pour casser le code du travail, dont, il est vrai, M. Ollier, président de la commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale, disait déjà le 24 mai qu'il était devenu un frein à l'emploi !

N'avez-vous pas pensé, par exemple, monsieur le ministre, aller très vite pour pénaliser les entreprises qui délocalisent leurs emplois en les obligeant à rembourser les aides publiques dont elles ont bénéficié ?

N'avez-vous pas pensé, par exemple, qu'il y avait urgence à relancer la consommation par un sérieux coup de pouce au pouvoir d'achat ?

N'avez-vous pas pensé, par exemple, qu'il y avait urgence à relancer les investissements publics dans les secteurs créateurs d'emploi -- plan ferroutage, recherche, hôpital public, logement social... - et, pour ce faire, à réorienter l'utilisation de l'argent public, à réformer la fiscalité, à lancer un emprunt ? Non !

L'urgence de la situation exigeait un débat d'orientation politique sur l'emploi au Parlement, et non un simulacre !

En d'autres temps, en l'an 2000, à l'occasion de l'examen d'un projet d'habilitation pour transposer par ordonnance des directives européennes - auquel mon groupe s'était opposé : mêmes causes, mêmes effets, le refus du recours aux ordonnances - vous aviez qualifié, monsieur Larcher, la procédure des ordonnances « d'étouffoir du débat ».

M. Roland Muzeau. Il avait raison !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On ne saurait mieux dire aujourd'hui, monsieur le ministre !

En se sabordant, le Parlement...

M. Robert Bret. Est-ce qu'il y a un Parlement ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... contribue à accroître davantage encore le fossé entre le peuple et les gouvernants, à mettre en évidence la crise profonde de nos institutions, la véritable crise de régime que nous connaissons.

Certes, avec votre projet de loi, vous avez anticipé la feuille de route de la nouvelle présidente du MEDEF, Mme Parisot, qui se fait fort d'en finir avec le code du travail,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !

Mme Hélène Luc. C'est elle qui l'a dit !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elle n'a pas dit cela !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... mais vous anticipez moins les conséquences de cette feuille de route pour notre démocratie.

Croyez-vous possible de revenir au XIXe siècle, avec des salariés corvéables à merci, le « travail à la tâche » - cela vous dit quelque chose ? - c'est-à-dire avant la réduction de la durée du travail hebdomadaire, avant les congés payés, avant les retraites, avant la sécurité sociale ?

Vous avez déjà le discours de l'époque : on croit entendre dans vos propos - « l'oisiveté est la mère de tous les vices », « classes laborieuses, classes dangereuses », « les jeunes du peuple, des délinquants en puissance » - les accents du docteur Villermé qui, en 1841, pensait qu'il était préférable de faire travailler les enfants de moins de huit ans que de les laisser vagabonder sur la voie publique ou subir l'influence de parents imprévoyants et débauchés. Voilà le discours que l'on tient aujourd'hui sur le peuple ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Vasselle. C'est exagéré !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Justifier la procédure des ordonnances par l'urgence de l'emploi, alors que l'objet de la loi d'habilitation est de faire accepter aux salariés de nouvelles dégradations de leurs conditions de travail, ce n'est pas recevable. (M. Henri de Raincourt proteste.)

Il y a maldonne : je vous rappelle que la jurisprudence du Conseil constitutionnel précise que l'objectif des ordonnances doit être clairement identifié. Or, avec les mesures visées par le projet de loi, notamment le contrat « nouvelles embauches », l'objectif clairement identifié est non pas l'emploi, mais la possibilité de licencier sans contrainte, le contournement du contrat à durée indéterminée, et même un recul par rapport au contrat à durée déterminée.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, si aujourd'hui les employeurs n'embauchent pas plus de salariés, en particulier de jeunes en CDD,...

M. Robert Bret. C'est cela, l'objectif !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L'objectif, c'est de donner de l'emploi !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... comment nous expliquerez-vous qu'ils en embaucheront davantage avec votre nouveau contrat, que vous prétendez plus protecteur que les CDD ? C'est étrange, tout de même !

M. Robert Bret. Expliquez-nous, monsieur le ministre !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. D'ailleurs, avant même de nous présenter ce projet de loi sur les ordonnances, vous avez montré le sens de votre modernisation avec la loi de sauvegarde des entreprises, avec les délocalisations d'entreprises et avec quelques cavaliers disséminés çà et là.

Peu de textes ont échappé à cette frénésie libérale de remise en cause du droit du travail. Ainsi en est-il du travail du dimanche, qui a été récemment autorisé pour les apprentis.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas mal, qu'un apprenti puisse travailler le dimanche !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ainsi le mandat des représentants des personnels est-il fragilisé.

M. Robert Bret. C'est la modernité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ainsi est-il institué, par le biais d'un amendement très avisé de M. Marini dans le cadre du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, un nouveau statut d'entreprise : la société européenne, dégagée de toute contrainte géographique au sein de l'Union européenne. Que deviennent les salariés de ces sociétés ?

M. Robert Bret. Ils ont eu bien raison de voter non !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce nouveau type de société paraît bien être la version statutaire pour les entreprises de la fameuse directive Bolkestein !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous dites vouloir faciliter l'emploi dans les petites et moyennes entreprises. Or, précisément, votre projet de loi fait une impasse totale sur leurs difficultés réelles, qui tiennent à la stagnation voire à la régression de l'activité économique.

Aucune mesure n'est envisagée, par exemple, en faveur de l'allégement de leurs charges financières. Les PME se voient en effet appliquer des taux d'intérêt de 6 % à 8 %, alors que les grands groupes empruntent à 2 %.

Nous vous suggérons, en contrepartie de la création d'emplois, la mise en place d'un crédit sélectif à taux réduit et la réduction de la taxe professionnelle.

Voilà des mesures qui seraient urgentes !

L'urgence du recours à l'article 38 de la Constitution, tel que vous le concevez, monsieur le ministre, est irrecevable, parce que le débat sur une politique de l'emploi digne de ce nom est nécessaire. Or cela, vous le refusez.

J'évoquerai deux autres motifs d'irrecevabilité.

Le premier concerne le non-respect du principe d'égalité entre salariés, du fait de la modification des seuils. En effet, avec l'article 1er du projet de loi, les salariés de moins de vingt-six ans ne seront pas pris en compte dans le calcul des seuils qui fondent l'application du droit du travail et la représentation syndicale. Ces derniers souffriront donc d'une discrimination réelle par rapport à leurs aînés. En outre, ces dispositions entraîneront une différence entre les entreprises en matière de représentation syndicale.

L'autre motif d'irrecevabilité est directement lié au précédent. Il s'agit du droit à la sécurité des salariés. Ce droit, qui est reconnu expressément par le Conseil constitutionnel, est bafoué par la disposition concernant les seuils. En effet, une entreprise pourra s'exempter de la création d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail en embauchant des jeunes en nombre suffisant. C'est particulièrement vrai, chacun le sait, pour le secteur de la restauration rapide, qui emploie 90 % de jeunes de moins de vingt-cinq ans. (M. Robert Bret approuve.)

Monsieur le ministre, le recours aux ordonnances est irrecevable, parce qu'il est inadmissible. Vous voulez un chèque en blanc pour vider pas à pas le code du travail des protections qu'il garantit aux salariés, pour baisser encore la qualité de l'emploi et le niveau des rémunérations, comme vous le demande le patronat.

Vous visez les modèles Bush, Thatcher et Blair. Mais quels modèles ? Trois millions d'enfants pauvres en Grande-Bretagne, les chômeurs transformés en invalides pour diminuer les chiffres du chômage,...

M. Guy Fischer. Voilà ! Ce sont des maquilleurs, des magouilleurs !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... vingt millions d'Américains en dessous du seuil de pauvreté, des salariés flexibles, précaires et corvéables à merci. Mais, évidemment, encore plus de profits financiers dans ces deux pays « modèles ».

Les sénatrices et sénateurs de mon groupe refusent de dessaisir le Parlement de ses prérogatives pour des projets contraires aux intérêts des salariés, de notre peuple et de notre pays. C'est la raison pour laquelle ils vous appellent à voter cette motion. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Henri de Raincourt. C'est ridicule !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Ma chère collègue, je vais vous répondre avec calme...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela vous caractérise !

M. Alain Gournac, rapporteur. Avec calme, dis-je !

M. Robert Bret. Comme vous le faites d'habitude ! (Sourires.)

M. Alain Gournac, rapporteur. Voilà ! Mais je m'étonne que vous me critiquiez quand je suis passionné !

M. Robert Bret. Je n'ai jamais dit que vous étiez passionné, moi ! (Rires.)

Mme Marie-France Beaufils. C'est ce que vous nous dites qui nous fait réagir !

M. Alain Gournac, rapporteur. S'agissant de la motion, vous connaissez déjà notre réponse. (« Non ! » sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

M. Roland Muzeau. Il y a peut-être eu une réflexion !

Mme Marie-France Beaufils. Vous voulez peut-être un débat sur l'emploi !

M. Alain Gournac, rapporteur. Oui, et je vais vous répondre, chère madame !

Nous ne pensons pas que le texte proposé par le Gouvernement porte atteinte à un principe constitutionnel quelconque.

L'urgence, je l'ai dit ce matin,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'urgence, c'est de créer des emplois !

M. Alain Gournac, rapporteur. ... c'est de créer des emplois, et tel est bien l'objet du présent projet de loi.

Le législateur doit pouvoir aménager les règles du droit du travail pour inciter à l'embauche de telle ou telle catégorie de demandeurs d'emploi particulièrement frappés par le chômage. C'est le cas !

M. Alain Gournac, rapporteur. Comme M. le ministre l'a indiqué tout à l'heure, l'aménagement proposé pour les jeunes de moins de vingt-six ans trouve déjà son équivalent pour les apprentis, vous le savez,...

M. Robert Bret. Non, pas du tout !

M. Alain Gournac, rapporteur. ... et pour les titulaires de contrats aidés.

Effectivement, la complexité du droit du travail - écoutez bien ! -...

M. Robert Bret. Oui, nous écoutons !

M. Alain Gournac, rapporteur. ... est l'obstacle aux créations d'emploi...

Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est pas vrai !

M. Alain Gournac, rapporteur. ...et qu'elle finit par jouer à l'encontre des salariés qu'elle est censée protéger.

M. Robert Bret. Vous avez trouvé cela tout seul ?

M. Alain Gournac, rapporteur. La commission émet donc un avis défavorable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Robert Bret. Comme débat de fond, c'est au ras des pâquerettes !

M. Roland Muzeau. Vous êtes les fossoyeurs de l'emploi !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 22, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. Robert Bret. Ce n'est pas un vote représentatif !

M. Roland Muzeau. C'est l'inverse de ce que pense le peuple !

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
Rappel au règlement

Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par Mme Le Texier, MM. Godefroy et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery, Demontes, Printz et Tasca, MM. Domeizel, Courteau, Ries, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi (n° 454, 2004-2005).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier, auteur de la motion.

Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un chômage qui frappe plus de 10 % de sa population active, la France se classe au vingt et unième rang de l'Union européenne en matière d'emploi. Triste bilan pour un Président de la République qui avait fait de la réduction de la fracture sociale son slogan de campagne !

Depuis trois ans, de réforme en réforme, la situation ne cesse de se dégrader : croissance en berne, salaires en panne, précarité en hausse. La potion libérale, faite d'atteintes au droit du travail, d'allégement de charges pour les entreprises et de flexibilité pour les salariés, ne fait qu'empirer la situation.

Cela importe peu à un gouvernement qui préfère l'acharnement thérapeutique à la prise en compte réelle des difficultés du pays et du désespoir des Français.

Et ce n'est pas ce « plan emploi », qu'on leur assène à grands coups d'ordonnances, qui rendra aux Français foi en l'avenir et confiance en leurs dirigeants !

Sans envergure sociale, sans ambition économique, sans perspectives industrielles et sans portée politique, il s'appuie sur la peur du chômage pour saper les protections du salarié et faire de la précarité l'ultime mode de gestion des ressources humaines.

L'instauration de la période d'essai de deux ans en est l'illustration la plus caricaturale, la plus grinçante, à vrai dire la plus scandaleuse.

Mais, avant de se plonger dans l'examen de ces mesures, il est bon de s'attarder sur la méthode choisie.

Fort de sa toute nouvelle conscience des enjeux, le Gouvernement veut frapper vite et fort. Il n'a pas de vision d'avenir, pas de stratégie politique, pas de soutien dans la population. Qu'à cela ne tienne ! Son empressement lui tiendra lieu de détermination, sa vacuité, d'ouverture d'esprit, et son désordre, d'absence de préjugés. Tout cela peut éventuellement constituer un plan de communication. Quant à fonder une politique pour l'emploi, ce n'est vraiment pas sérieux !

C'est même plus que désinvolte à l'égard des Français : depuis trois ans, de désaveu en sanctions électorales, ils vous font part de leur malaise et de leur détresse, mais vous ne leur renvoyez que votre indifférence... Or, subitement, en l'espace de quelques semaines, vous proposez un plan pour l'emploi clefs en main, un plan dont vous êtes apparemment si sûr que vous choisissez de le passer en force, au mépris des organisations syndicales et des parlementaires.

Vos seuls arguments pour justifier une telle méthode : l'urgence et l'obligation de résultats. Vos moyens d'actions : la destruction du code du travail, la mise sous pression des salariés, la précarisation des contrats et la culpabilisation des chômeurs.

Pourtant, dans un pays où la croissance peine à atteindre 1,5 %, où 1,2 million de personnes sont au RMI, où 70 % des embauches se font en CDD, où la dette publique dépasse 65 % de la richesse nationale, où les mêmes disposent de tous les pouvoirs depuis trois ans, il nous semble qu'il conviendrait de s'interroger sur le bien-fondé des propositions qui nous sont faites avant de s'empresser de les mettre en oeuvre.

Dans la précipitation, monsieur le ministre, auriez-vous oublié que l'efficacité d'une réforme tient moins à la célérité de sa mise en oeuvre qu'à l'adhésion qu'elle rencontre, que la rapidité s'exerce au détriment de la confiance, qu'à trop mépriser le Parlement on porte atteinte à la démocratie représentative, et qu'à systématiquement contourner les syndicats c'est le dialogue social que l'on méprise, en instituant l'affrontement comme seul mode de communication ?

En faisant le choix de procéder par ordonnance et en refusant au Parlement et aux partenaires sociaux de jouer leur rôle, ce sont les citoyens que l'on ignore et les salariés que l'on exclut.

Sur un sujet comme l'emploi, préoccupation première des Français, la procédure des ordonnances n'est pas seulement maladroite, elle est contre-productive. On ne refonde pas un contrat social en disant aux citoyens : « Restez chez vous, je m'occupe de tout », surtout avec un tel bilan !

De quoi avez-vous donc peur pour procéder ainsi par ordonnances ? Si vos mesures sont crédibles, alors convaincre l'opinion de leur bien-fondé, c'est leur procurer cette adhésion populaire qui est le levier du changement, le gage de sa réussite et la garantie de sa pérennisation.

En revanche, si vos mesures sont discutables, si derrière les beaux discours se trament de basses manoeuvres, il s'agit moins de répondre à la problématique de l'emploi que de l'utiliser pour achever la déréglementation du marché et dépouiller les salariés de la plupart de leurs droits. Le passage en force est alors la solution.

C'est cette dernière que vous avez choisie, qui ne peut que jeter la suspicion sur vos intentions et le doute sur vos véritables objectifs.

L'échec du référendum vous a permis de prendre la mesure de la colère des Français, mais il ne semble pas que vous ayez perçu la réalité de leur demande. Vous vivez dans le même pays, mais manifestement pas dans le même monde.

Les difficultés qu'ils affrontent s'étendent bien au-delà du problème du chômage, elles concernent autant l'état de leur fiche de paie que leurs conditions de travail et les atteintes portées aux droits et au statut des salariés.

Vous choisissez de ne prendre en compte qu'un seul de ces éléments, le chômage. Certes, le problème est d'importance. Mais croyez-vous vraiment que, en proposant des contrats plus précaires, en décomptant des effectifs les salariés de moins de vingt-six ans, vous favoriserez l'augmentation de la consommation ?

En réalité, le marché du travail dépend davantage de l'état des carnets de commandes que de la mise en place d'un énième type de contrat de travail, d'un énième cadeau aux entreprises. Cela, les Français le savent parfaitement et, ce qui est plus grave, vous le savez parfaitement vous aussi !

Ce que nos concitoyens ont dit le 29 mai dernier est simple : « On n'en peut plus de vivre comme cela,... »

M. Roland Muzeau. C'est sûr !

Mme Raymonde Le Texier. « ... on n'en peut plus des fins de mois qui arrivent de plus en plus tôt, on n'en peut plus de répondre toujours non à nos enfants, on n'en peut plus de voir la pression du chômage récupérée pour aggraver nos conditions de travail et maintenir des salaires bas. »

Ce sont là des propos que je n'interprète pas : nous sommes nombreux à les entendre tous les jours.

Mais ce que prévoit le projet de loi vous habilitant à prendre par ordonnance des mesures urgentes en faveur de l'emploi est également très simple, voire simpliste : pour vous, ce qui freine l'embauche dans ce pays, ce n'est pas l'atonie de la demande, l'absence d'investissements des entreprises, une répartition des richesses qui privilégie massivement l'actionnaire au détriment des salariés et du développement même de l'industrie, mais ce sont uniquement les rigidités du code du travail.

Depuis le temps que l'on se sert de cette même rengaine pour justifier la précarisation du travail et alléger la participation des entreprises à la solidarité nationale, force est de constater qu'elle s'est davantage traduite par une augmentation des bénéfices des sociétés que par une croissance du nombre des embauches.

Mme Raymonde Le Texier. Pis, même si les entreprises savent réclamer des aides, elles peuvent facilement se dispenser de remplir leur part du contrat tant le Gouvernement répugne à leur appliquer des sanctions.

Finalement, pour cette majorité, les crises économiques ont au moins une vertu : elles permettent de porter atteinte aux règles qui régissent le travail tout en prétendant défendre un modèle de protection sociale, le tout au nom de l'intérêt général.

Les trois mesures phares de ce plan pour l'emploi illustrent cette loi du genre.

Ainsi, il est créé un contrat « nouvelles embauches » avec une période d'essai de deux ans, une sorte de CDI avec sursis. Tout en plaçant le salarié dans une situation fragile et inconfortable, cette innovation permet de ne pas verser à ce dernier une indemnité de précarité puisque son contrat ne comporte pas de terme fixé.

Dans l'état actuel du texte, durant la période d'essai, le licenciement peut avoir lieu sans qu'il soit motivé, et il n'ouvre droit à indemnité. Ce fait a été confirmé par le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, lors des débats à l'Assemblée nationale : « Dans le cas d'un contrat "nouvelles embauches", comme c'est déjà le cas en période d'essai, il n'y aura pas obligation de motiver. »

Cela révèle à quel point l'objectif de cette prétendue période d'essai n'est plus d'évaluer les compétences professionnelles du salarié, mais bien de faciliter la rupture de tout contrat de travail.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non ! Il s'agit de faciliter l'embauche !

Mme Raymonde Le Texier. C'est le permis de licenciement sec, dont le MEDEF rêvait. C'est tellement énorme que vous envisagez de faire des propositions, notamment en matière d'indemnités !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !

Mme Raymonde Le Texier. Mettre le salarié à la merci de l'employeur et faire fi de la protection juridique qu'est censée apporter l'existence d'un contrat de travail, tel est l'effet le plus évident de cette proposition. En revanche, son impact sur la relance de l'emploi est d'autant moins prouvé que, avec 70 % des embauches d'ores et déjà réalisées sous forme de CDD, il y a bien longtemps que les employeurs ont trouvé les moyens de contourner les contraintes liées au CDI.

Qui plus est, l'institution de ce contrat « nouvelles embauches » est une aberration politique.

Aux Français qui réclament plus de sécurité et de stabilité, on répond en accroissant leur fragilité et en rognant leurs garanties. Ils ont peur de devenir des « travailleurs pauvres » ? On crée des contrats de travail qui instituent cette dérive. Ils ressentent la pression du chômage comme la dégradation de leurs conditions de travail ? On les dépouille de leurs droits pendant deux ans.

Avec ce système, certains salariés risquent d'être à l'essai toute leur vie. On leur enlève ainsi le droit de se projeter dans l'avenir. Car, monsieur le ministre, si vous ne savez pas que, pour obtenir un logement ou un crédit, il faut avoir un emploi stable et présenter une garantie de revenu, c'est que vous n'avez probablement jamais eu besoin ni de logement ni de crédit.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Mais si !

Mme Raymonde Le Texier. Ce plan pour l'emploi constitue un pas supplémentaire dans le processus de démantèlement du droit du travail. Les lois Fillon, la loi de modernisation sociale, les mesures d'aménagement du temps de travail ont déjà largement taillé dans les garanties collectives liées au paritarisme et mis à mal les garanties individuelles liées au contrat de travail. Les ordonnances poursuivent cette offensive.

J'aborderai maintenant le cas des secteurs qui connaissent des difficultés de recrutement. Il illustre parfaitement les incohérences de ce système et l'inadaptation du plan pour l'emploi à la réalité.

Le secteur de la restauration-hôtellerie en est l'exemple parfait. Voilà une branche où, comme c'est le cas du BTP, un nombre significatif d'offres d'emploi ne trouve pas preneur. Or, quand un pays compte plus de 10 % de sa population active au chômage, la situation paraît pour le moins paradoxale.

Mais, lorsque l'on se penche de plus près sur les rémunérations et les conditions de travail, on s'étonne plutôt que les difficultés de recrutement ne soient pas plus accentuées encore.

Selon le syndicaliste Rémy Jouan, dans ces secteurs, « même les cadres ont les premiers échelons de salaire au-dessous du SMIC ! Et les patrons viennent pleurer parce qu'ils ne trouvent pas de jeunes à embaucher ».

Au lieu d'affronter les causes mêmes de ces difficultés et de rendre ainsi ces métiers plus respectueux des salariés et plus attractifs, vous vous bornez, monsieur le ministre, à proposer aux jeunes un crédit d'impôt.

Or, comme les exonérations sociales patronales sous plafond de salaire, le crédit d'impôt accordé aux salariés sous-payés constitue une prime aux bas salaires, une subvention aux employeurs, dont l'effet essentiel est de les inciter à continuer de pratiquer des rémunérations faibles. Cela revient à faire subventionner le maintien des bas salaires par la collectivité. Bref, c'est une mesure qui induit plus d'effets pervers qu'elle n'apporte de réponses.

Enfin, à travers la politique d'allégement de cotisations sociales comme de versement d'aides directes, on demande à la collectivité de prendre en charge ce qui relève de la responsabilité de l'entrepreneur.

Outre les effets pervers déjà dénoncés - trappe à bas salaire, manque à gagner pour la sécurité sociale et le budget de l'Etat, effets d'aubaine -, l'absence de contreparties dans certains secteurs d'activité rend la pilule difficile à avaler pour l'ensemble des Français. Ces allégements s'élèvent à 18 milliards d'euros dans le budget de 2005 ! Au vu des résultats obtenus sur le marché de l'emploi, on pourrait remettre en cause cette vache sacrée du patronat, au nom de l'absence de rentabilité de la mesure.

A titre d'exemple, le secteur de la restauration a obtenu du Gouvernement des avantages substantiels en attendant que l'Union européenne accepte que l'on applique un taux de TVA réduit à 5,5 %.

Alors que cette branche a touché des aides à l'emploi à hauteur de 1,5 milliard d'euros, ses engagements, qu'ils soient en matière d'embauche ou d'amélioration des salaires, n'ont pas été tenus. Vous vous en êtes d'ailleurs officiellement indigné, monsieur le ministre, en affirmant : « les hôtels-cafés-restaurants ont bénéficié d'un soutien exceptionnel de l'Etat ; il n'est pas acceptable que ces efforts soient préemptés par les entreprises sans contrepartie pour les salariés ».

Quant à moi, je n'en suis pas vraiment étonnée : lors de la discussion du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, j'avais, à cette même tribune, indiqué que cela finirait exactement de cette façon. M. Borloo s'était alors indigné de mon esprit soupçonneux et de mon attitude négative...

Alors, que va faire l'Etat ? Rien ! Le conditionnement des aides publiques au respect des engagements en matière d'emploi et de salaire est évoqué à chaque fois que le scénario se reproduit ; mais, à force d'entendre des paroles qui ne sont pas suivies d'effets, on peut penser que, pour certains, exhiber une indignation exonère de prendre une réelle décision.

Un autre symbole choquant est le fait de ne pas prendre en compte certaines catégories de personnels dans le décompte des effectifs.

Dans le cas des jeunes âgés de moins de vingt-six ans, le message sous-jacent est explicite : « Tu ne comptes pas ! » Belle déclaration à une jeunesse qui doute !

La question se pose alors : après vingt-six ans, quand ils deviennent comptabilisables, est-il intéressant pour l'entreprise de les garder ? Nous connaissons déjà tous la réponse, et vous la connaissez aussi bien que nous, monsieur le ministre ! Non, ils ne seront pas gardés puisque l'un des intérêts de cette mesure est de dispenser les employeurs de respecter la législation en matière de représentation du personnel.

Décidément, à défaut de répondre aux aspirations des citoyens, ce gouvernement ne sait plus que faire pour combler le MEDEF.

Quand on rapproche cette question de celle des seniors que l'on renvoie chez eux passé cinquante-cinq ans, on se demande qui, dans cette société, est considéré comme un travailleur à part entière.

Que le travail soit une valeur, on vient à en douter tant l'évolution de la législation en fait un produit jetable à consommation immédiate et à faible valeur ajoutée.

Même des personnes aussi peu soupçonnables de gauchisme que MM. Camdessus, Cahuc et Kramarz ont compris qu'on ne pouvait réclamer la flexibilité de l'emploi sans proposer, en échange, le renforcement de certaines garanties sociales.

Nous n'avons sans doute pas la même définition de ce que devrait être une sécurité sociale professionnelle, mais au moins le concept leur est connu.

Dans le plan d'urgence du Gouvernement, si la flexibilité se taille la part du lion, la référence au concept de sécurité a complètement disparu. Ainsi, non seulement les mesures annoncées apparaissent inadaptées face aux enjeux, mais surtout les réponses apportées ne sont que dogmatiques : c'est la bible de l'ultralibéralisme qui les sous-tend.

C'est pourquoi ces propositions suscitent plus l'angoisse qu'elles n'y répondent. Or, sans confiance populaire, toute réforme échoue et tout projet s'enlise.

De plus, en précarisant encore les classes moyennes, monsieur le ministre, vous porterez la responsabilité de l'éclatement de la société salariale dans la crise de régime à laquelle vous êtes confronté.

Pour notre part, la seule question qui se pose vraiment aujourd'hui est la suivante : comment arrêter de fabriquer de la pauvreté ? Mais, pour vous, le seul enjeu qui vaille se résume à gommer encore la frontière entre travail et exploitation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable.

Mme Raymonde Le Texier a longuement parlé de la procédure des ordonnances ; je ne reviendrai pas sur cette question, car nous en avons largement débattu ce matin et chacun a pu s'exprimer.

La commission estime que le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures d'urgence en matière d'emploi apporte des réponses concrètes et pragmatiques au problème du chômage et souhaite donc que le débat s'engage sur tarder.

Comme je l'ai déjà dit - mais je le répète -, notre droit du travail a besoin d'être rénové. C'est pourquoi nous accueillerons favorablement la mesure phare du plan pour l'emploi, à savoir le contrat « nouvelles embauches », ainsi que les autres dispositions du texte.

M. Alain Gournac, rapporteur. Enfin, ma chère collègue, j'ai le sentiment que l'opposition considère que la seule cause du chômage réside dans un problème de demande, et qu'il suffirait de relancer la demande pour baisser le chômage. La réalité, c'est que le chômage se maintient à un niveau élevé depuis vingt ans quelle que soit la conjoncture. Il existe donc des causes structurelles, auxquelles ce projet de loi entend s'attaquer.

C'est pourquoi, je le confirme, la commission émet un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Rappel au règlement

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
Art. 1er (début)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour un rappel au règlement.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement concerne l'exercice des droits du Parlement et la poursuite de nos travaux.

Mon amie Nicole Borvo et moi-même avons souligné le mépris indécent du Gouvernement à l'égard des assemblées parlementaires. Le recours à la procédure des ordonnances pousse à son paroxysme une attitude du pouvoir exécutif à l'égard d'un pouvoir législatif ravalé au rang de chambre d'enregistrement. L'avalanche législative qui rend obsolète toute velléité de débat approfondi, la multiplication du nombre de sessions extraordinaires opportunes pour imposer au Parlement et au peuple des mesures ultralibérales et conservatrices pendant l'été et, plus généralement, l'utilisation des armes de la Ve République qui brident la démocratie, tout cela a privé petit à petit le Parlement de sa puissance originelle due à la représentation populaire.

Cette dérive apparaît aujourd'hui inacceptable après le vote historique des Françaises et des Français le 29 mai dernier, et les débats que nous avons eus ce matin montrent le décalage gigantesque qui existe entre le peuple et la majorité parlementaire.

Outre le fait d'avoir rejeté un modèle libéral, déshumanisé, de l'Europe, les Français ont exprimé une soif de démocratie. A trois reprises, en 2002, en 2004, puis lors du référendum, ils ont porté l'exigence d'une autre politique, d'une autre manière de faire de la politique. Nos compatriotes veulent décider, ils veulent prendre leur destin en main pour changer la vie, pour changer leur vie, pour changer le monde.

Comment répondez-vous à ces préoccupations, monsieur le ministre, mesdames, messieurs de la majorité parlementaire ? En décrétant une parodie de débat pour imposer, une nouvelle fois, toujours et encore, des mesures qui ne sont pas au service des plus défavorisés, mais au service du patronat.

Il faut rompre avec une telle tartufferie. Ne laissons pas croire que le Parlement s'inscrit dans une telle dérive, qui élargit chaque jour le fossé entre les représentants et les représentés.

Pour notre part, nous avons décidé d'affirmer clairement, sans ambiguïté, notre désaccord fondamental avec une telle procédure, que rien ne justifie. Votre gouvernement est disqualifié pour nous parler d'urgence, alors que le chômage sévit depuis trente ans.

Mme Hélène Luc. Absolument !

M. Roland Muzeau. Plus globalement, votre conception dangereuse des institutions porte en elle la colère, la désillusion, le fatalisme. Ne nous parlez pas d'urgence quand, depuis trois ans, votre politique a délibérément cassé l'emploi et l'économie !

En clair, nous ne mangeons pas de ce pain-là !

Le groupe communiste républicain et citoyen, qui a toujours mené un combat actif et rude contre les projets de loi conservateurs, qui affiche toujours, comme aujourd'hui, une présence forte, constructive et reconnue dans l'hémicycle, a décidé de ne pas déposer d'amendement sur un texte qui vise à confier les pleins pouvoirs au Gouvernement et, en toute logique, il a pris la décision de se retirer de ce simulacre de débat.

Nous vous laissons donc continuer sans nous, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette parodie de débat et cette discussion vaine, dont l'objet essentiel est de retirer au Parlement sa compétence, pour mieux enfoncer le clou libéral.

En agissant ainsi, nous portons la voix des travailleurs, ceux de Nestlé, de Sediver, de ST Microélectronique, de la Française de Mécanique, de La Samaritaine et de tant d'autres encore. Leur combat est le nôtre ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

(Les membres du groupe CRC se lèvent et quittent l'hémicycle.)

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
Art. 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure visant à :

1° Favoriser l'embauche dans les entreprises et organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 131-2 du code du travail et n'employant aucun salarié ou n'employant qu'un petit nombre de salariés, par l'institution d'un contrat de travail sans limitation de durée comportant pendant une période déterminée des règles de rupture et un régime indemnitaire spécifiques ;

2° Prévoir, pour les salariés dont le contrat mentionné au 1° a été rompu, un revenu de remplacement adapté à leur situation ;

3° Alléger, pour les employeurs occupant moins de vingt salariés ou atteignant ou dépassant cet effectif, les effets financiers résultant de l'application des articles L. 2333-64 et L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales, L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation, L. 834-1 du code de la sécurité sociale, L. 951-1 du code du travail et 235 ter EA du code général des impôts, moyennant une compensation par l'Etat de la diminution éventuelle des ressources pour les bénéficiaires des versements et contributions institués par les articles susmentionnés ;

4° Aménager les règles de décompte des effectifs utilisées pour la mise en oeuvre de dispositions relatives au droit du travail ou d'obligations financières imposées par d'autres législations, pour favoriser, à compter du 22 juin 2005, l'embauche par les entreprises de salariés âgés de moins de vingt-six ans ;

5° Mettre en place dans les institutions de la défense, par aménagement des textes législatifs appropriés, notamment le code de la défense, le code du service national, la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires et la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense, et en s'inspirant du modèle relatif à la formation professionnelle des volontaires stagiaires du service militaire adapté en vigueur outre-mer, un dispositif d'accompagnement et d'insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté leur permettant l'obtention de diplômes ou titres professionnels et assorti d'un statut adapté aux exigences particulières de cette formation ;

6° Permettre aux très petites entreprises d'utiliser un dispositif simplifié pour leurs déclarations d'embauche ainsi que pour leurs déclarations relatives au paiement des cotisations et contributions sociales de leurs salariés, et pouvant, le cas échéant, servir de titre de paiement ;

7° Supprimer les limites d'âge applicables au recrutement dans la fonction publique de l'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, y instituer une nouvelle modalité de recrutement pour l'accès des jeunes de moins de vingt-six ans aux corps et cadres d'emploi de catégorie C par la voie d'une formation en alternance conduisant à la titularisation après vérification des aptitudes professionnelles, et prévoir une exonération de cotisations sociales pour les personnes recrutées par cette procédure ;

8° Instituer une mesure fiscale :

a) En faveur des personnes inscrites comme demandeurs d'emploi depuis plus d'un an et titulaires de certains avantages sociaux non contributifs accordés sous condition de ressources, qui créent ou reprennent une entreprise, ou qui sont recrutées pour occuper un emploi dans une entreprise ;

b) Encourageant les jeunes de moins de vingt-six ans à occuper un emploi dans certains secteurs professionnels connaissant des difficultés de recrutement ;

9° Adapter les ordonnances prises en application des 5°, 6° et 8° aux départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon ; rendre applicables à Mayotte, en les adaptant, les ordonnances prises en application des 1° à 7° appropriées à l'organisation particulière de cette collectivité.

M. le président. Je suis saisi de vingt-huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery, Demontes, Printz et Tasca, MM. Domeizel, Courteau, Ries, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Les six ordonnances qui seront prises en application de cet article 1er constituent le plan d'action du Gouvernement pour l'emploi. Elles sont censées être la première étape « du retour à la confiance et à la croissance », pour reprendre les termes mêmes du Premier ministre.

Si nous ne pouvons que rendre hommage à cette volonté - certainement réelle chez M. de Villepin -, notre rôle de parlementaires est d'examiner les moyens de la politique qui nous est proposée et de déterminer s'il y a bien adéquation entre les intentions affichées et les moyens.

D'emblée, deux problèmes se posent.

D'une part, la procédure des ordonnances nous dessaisit sur le fond, alors que ces questions méritent un débat approfondi. C'est un regret qui s'exprime à plus ou moins haute voix sur toutes les travées : la politique économique et la politique de l'emploi - si toutefois cette dernière existe ! - ne doivent pas être traitées dans des arrière-cuisines, elles doivent faire l'objet d'un débat public, en termes clairs, dans lequel la représentation nationale doit prendre toute sa place et grâce auquel les Français peuvent se faire une opinion. En effet, nous ne devons jamais perdre de vue que ces questions concernent au premier chef tous nos concitoyens.

D'autre part, depuis ce malencontreux référendum sur le projet de Constitution européenne, chacun connaît le prix du déficit démocratique. Il serait infiniment regrettable que, au niveau national, nous prenions le même chemin. Telle est pourtant la crainte qui commence à s'exprimer aujourd'hui avec de plus en plus de force. Et les résultats des dernières consultations électorales ne peuvent d'ailleurs que renforcer cette inquiétude ! Voilà qui rend assez dangereuse la procédure des ordonnances, que le Gouvernement utilise de manière excessive en matière économique et sociale.

En outre - et ce sont des questions d'importance -, y a-t-il adéquation entre les intentions et les moyens ? Les moyens traduisent-ils les intentions réelles ?

Que prévoit l'article 1er, sinon un nouveau contrat de travail censé mettre un terme aux appréhensions des employeurs dans les petites entreprises mais qui se traduit, de fait, par des dérogations nouvelles aux seuils d'effectifs, par des allégements - ou des exonérations : à dire vrai, nous n'en savons rien ! - de contributions des entreprises aux dispositifs d'aide au logement, au transport et à la formation professionnelle, par la généralisation du chèque-emploi service aux entreprises et par des primes pour les chômeurs de longue durée et pour les jeunes qui acceptent un emploi dans une branche déficitaire dans ce domaine ?

Voilà les mesures que vous proposez réellement !

Deux autres dispositions - l'insertion des jeunes en difficulté dans les institutions de défense et le recul de la limite d'âge pour entrer dans la fonction publique d'Etat - étaient déjà en préparation et ne relèvent pas de l'initiative du Premier ministre. Nous y reviendrons.

S'agissant de vos propositions, peut-on considérer qu'il s'agit d'une politique de l'emploi, ou même de mesures pour l'emploi ? Absolument pas !

Peut-on même dire qu'il s'agit d'une politique pour les entreprises ? Ce n'est même pas certain !

Personnellement, j'ai été très étonné, lors de l'audition par la commission des affaires sociales du représentant de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, de voir celui-ci manifester aussi peu d'enthousiasme. Je m'attendais de sa part à une chaleureuse approbation de votre dispositif. Sans parler à sa place, je me bornerai à dire que ce ne fut pas exactement le cas... Les petits entrepreneurs me semblent plus préoccupés par le prix des matières premières, le dumping international et les charges fiscales et sociales - que l'on soit d'accord ou pas avec eux sur ce dernier point -, que par de nouveaux dispositifs qui leur apparaissent comme de nouvelles trouvailles technocratiques.

Ce que nous voyons, en réalité, dans le texte qui nous est soumis, c'est un assemblage traditionnel de mesures contre le droit du travail, réclamées depuis des années par le MEDEF et mises en musique par des idéologues et experts dont la compétence première est la soumission absolue à l'ultralibéralisme.

Aucune de ces mesures n'est de nature à créer les emplois qualifiés dont notre pays a besoin. Aucune de ces mesures n'est de nature à favoriser le développement de la formation, de la recherche, de l'investissement productif ou à créer un environnement propice à la création d'entreprises. Vous vous bornez à gérer au fil de l'eau et à bricoler des systèmes non financés pour alléger les statistiques du chômage.

Votre politique de l'emploi se résume à attendre que les enfants du baby-boom parviennent à l'âge de la retraite et à vous soumettre aux injonctions de quelques institutions internationales supposées nous ramener la croissance.

Nous avons examiné le texte de programmation pour la cohésion sociale, qui feint de recréer dans la précipitation les centaines de milliers d'emplois aidés que vous avez détruits, puis le texte relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, qui précarise tout ce secteur.

Nous voici devant un projet de précarisation généralisée, de limitation des droits sociaux et de poursuite de la baisse des revenus salariaux. Il est le reflet d'une absence de projet collectif pour notre pays. C'est également le dernier avatar d'un projet de société fondé sur l'inégalité des statuts et des conditions de travail.

Pour toutes les raisons que je viens d'indiquer, nous sommes en totale opposition avec ce projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi, et nous demanderons un scrutin public sur cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery, Demontes, Printz et Tasca, MM. Domeizel, Courteau, Ries, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa (1°) de cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez pu constater que j'ai défendu le précédent amendement rapidement, afin de ne pas dépasser le temps de parole qui m'était imparti.

Avec votre accord, monsieur le président, et de façon très exceptionnelle, je présenterai plus longuement cet amendement n° 3, car il sera pour moi l'occasion de poser sept questions à M. le ministre. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Mais, par la suite, rassurez-vous, je serai beaucoup plus raisonnable !

M. le président. Nous vous faisons confiance, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Godefroy. Le deuxième alinéa de l'article 1er est la mesure emblématique, la plus attendue et la plus commentée, de votre projet de loi d'habilitation et porte création du contrat « nouvelles embauches », le CNE. II faut reconnaître que vous donnez matière à critique, monsieur le ministre !

Demeurées opaques dans un premier temps, les modalités de ce contrat « nouvelles embauches » apparaissent, à l'issue du débat à l'Assemblée nationale, de façon beaucoup plus nette. II s'agit d'une nouvelle étape dans la réalisation de votre objectif réel, la précarisation du salariat, que nous combattons depuis 2002.

Ne disposant d'aucun texte précis, nous avons dû nous résoudre, monsieur le ministre, à nous pencher avec une attention particulière sur les réponses que vous avez faites à nos collègues députés, notamment à Mme Martine Billard, à M. Gaëtan Gorce et à M. Alain Vidalies. Je tiens à rendre hommage à leur opiniâtreté, qui vous a obligé à dévoiler le contenu, et donc la nature véritable de ce projet. Mais je tiens aussi à répéter que ces procédés ne sont pas convenables de la part du Gouvernement : il s'agit d'un manque de respect manifeste à l'égard de la représentation nationale, contraire au fonctionnement normal d'une démocratie adulte.

Monsieur le ministre, vous avez été parlementaire dans cette assemblée et, s'il m'est permis de le dire, vous y avez été un sénateur actif et ouvert au dialogue. Vous ne pouvez donc pas ne pas être sensible à notre position.

Il est vrai que, quand on étudie attentivement le texte du Gouvernement et toutes ses implications, on comprend que vous ayez préféré éviter la consultation des partenaires sociaux et le débat parlementaire !

Le contrat « nouvelles embauches » n'est donc en rien un contrat à durée déterminée, puisqu'un CDD est assorti de garanties, il comporte un début et une fin, il se conclut par une indemnité de précarité. De plus, le licenciement du salarié en CDD ne peut intervenir pendant la durée du contrat, sauf faute lourde, ce qui implique, de fait, que le licenciement soit motivé.

Sur le plan strictement formel, le CNE sera un CDI. Mais, comme l'a indiqué le Premier ministre et malgré certaines semi-dénégations embarrassées de sa part, ce sera bien un CDI comprenant une période d'essai de deux ans, ouvert à toutes les entreprises du secteur privé ou, plus exactement, si je me réfère au premier alinéa de l'article L. 131-2 du code du travail, à tous les organismes non publics, aux associations, ainsi qu'aux particuliers, puisque les employés de maison sont mentionnés.

Monsieur le ministre, qu'en est-il exactement ? C'est ma première question.

Qu'il s'agisse d'une entreprise ou d'un particulier, le CNE ouvrira droit à toutes les exonérations de cotisations sociales patronales existantes, et le salarié pourra être payé par chèque-emploi-service universel.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer ce point ? C'est ma deuxième question.

Pour le moment, ce contrat, qui ne devait au préalable être accessible qu'aux employeurs de moins de onze salariés, sera ouvert aux employeurs de moins de vingt salariés. M. Dutreil a déjà annoncé qu'il ne voyait pas pourquoi ce seuil ne serait pas porté à cinquante salariés. Quant à la nouvelle présidente du MEDEF, Mme Parisot, dont nous saluons par courtoisie l'élection, elle a déclaré souhaiter que le CNE prenne une nouvelle ampleur. Autant considérer tout de suite que la messe est dite, si vous me permettez l'expression !

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si vous envisagez de généraliser le CNE à toutes les entreprises ou seulement à celles dont l'effectif atteint cinquante salariés ? C'est ma troisième question.

Mais ce qui définit le mieux le CNE, ce qui est sa véritable raison d'être, c'est, paradoxalement, le licenciement, plus particulièrement sa procédure. Monsieur le ministre, vous avez indiqué que « les règles spécifiques à la cessation anticipée du CNE seront des procédures allégées, et qu'il ne devrait pas y avoir d'entretien automatique préalable ».

La procédure de licenciement est aujourd'hui définie par les articles L. 122-4 et suivants du code du travail. Avons-nous bien compris que ces articles ne s'appliqueront pas au CNE pendant une période de deux ans ?

Monsieur le ministre, ce licenciement pourrait-il donc avoir lieu sans procédure ? C'est ma quatrième question.

Toujours sur ce sujet, vous avez déclaré, monsieur le ministre, que le CNE serait obligatoirement passé par écrit. C'est la seule trace de formalité qui soit parvenue jusqu'à nous.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire - c'est ma cinquième question - si le licenciement sera signifié par écrit, au moins par une lettre, éventuellement envoyée en recommandé avec avis de réception si son coût ne constitue pas une charge insupportable pour l'entreprise ? J'espère en la matière un parallélisme des formes. En outre, si votre intention de prévoir un préavis est maintenue, il faudra bien fixer une date de début !

J'en viens à la motivation du licenciement. Après avoir tergiversé et évoqué des motifs de rupture spécifiques sans indiquer lesquels - et pour cause ! -, vous avez affirmé : « On ne rompt pas un contrat sans motif, mais l'enjeu ici, c'est l'obligation ou non de motiver la rupture. Dans le cadre d'un CNE, comme c'est déjà le cas dans la période d'essai, il n'y aura pas obligation de motiver. En cas de litige, le juge appréciera s'il y a abus de droit. » Vous avez même ajouté : « De telles clauses sont d'ailleurs admises couramment en droit civil. »

Monsieur le ministre, vous connaissez trop bien le droit du travail, notamment ses articles L. 122-4 et suivants, pour ne pas mesurer avec exactitude la portée de cette réforme. Mais peut-on encore parler en l'occurrence d'une « simple » réforme ?

Monsieur le ministre, devons-nous considérer, comme tout porte à le croire, que, dans le cadre du CNE, la cause réelle et sérieuse du licenciement est devenue caduque ? Et que vous n'opérez plus la distinction entre le licenciement économique, qui est assorti de garanties en matière d'indemnité et de reclassement, et le licenciement pour une autre cause ? C'est ma sixième question.

Enfin, si le licenciement n'est pas motivé et qu'un salarié se hasarde à introduire un recours, sur quelle base se fondera le contrôle du juge ? L'abus de droit est bien connu en droit civil, dites-vous. Mais, en droit civil, les protections spécifiques au droit du travail, notamment en ce qui concerne la charge de la preuve, ne s'appliquent pas. Le salarié devra donc prouver qu'il a été victime d'un préjudice. Chacun voit bien le rapport de forces qui s'établira et la difficulté à laquelle sera confronté le salarié !

En mettant en place ce contrat, monsieur le ministre, vous jetez à bas trente années de législation et de jurisprudence. Vous revenez à la situation antérieure, lorsque le licenciement n'avait pas à être motivé par une cause réelle et sérieuse.

Si nous poursuivons ce raisonnement, un licenciement ne sera abusif que s'il est prononcé en violation d'un texte l'interdisant expressément, par exemple s'il s'agit d'une femme enceinte, ou encore si l'intention de nuire est avérée ou si des formes brutales ou vexatoires sont manifestes. Dans ce cas, la victime présumée pourra demander réparation et, éventuellement, obtenir des dommages et intérêts.

Monsieur le ministre, avons-nous compris correctement les implications du CNE en ce qu'il sortira le licenciement du droit du travail et renverra tout le contentieux au droit civil ? C'est ma septième et dernière question.

En clair, il n'y a plus vraiment licenciement, mais seulement rupture, abusive ou non, d'un simple contrat entre deux parties juridiquement égales, même si nous savons tous que cette égalité est une pure fiction dans le cadre des rapports professionnels.

Si nous avons bien compris, monsieur le ministre, vous avez fini, dans le cadre du CNE, par résoudre le conflit emblématique en droit du travail entre la loi et le contrat.

En 2004, votre prédécesseur a porté un coup décisif aux accords de branche en supprimant presque totalement le principe de faveur. Pour protéger les salariés, seule la loi demeurait. Il ne restait donc plus qu'à changer la loi, non pas à la marge, mais simplement en rendant inapplicable tout un pan de la législation, en créant un dispositif pour lequel elle ne s'applique expressément pas.

On a beaucoup glosé ces derniers mois sur la simplification du code du travail. Devait-elle se faire ou non à droit constant ? Il faut reconnaître que la question est ici résolue. On ne touche pas au code du travail : on se contente d'y glisser, tel le ver dans la pomme, un nouveau contrat supposé soutenir la création d'emploi et simplifier les formalités des employeurs.

Sans doute est-ce une coïncidence si le CNE correspond aux préconisations de l'OCDE et à celles du rapport Camdessus ! Mais que l'on ne vienne pas nous dire que le CNE a pour objectif des créations d'emplois ! La précarisation et le licenciement ne créent pas l'emploi : dans le meilleur des cas, ils le font tourner. Ce texte, dans le droit-fil de ceux qui ont précédé, est l'application du dogme libéral au profit d'une petite minorité et au détriment de la grande majorité.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery, Demontes, Printz et Tasca, MM. Domeizel, Courteau, Ries, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa (1°) de cet article, après les mots :

du code du travail

insérer les mots :

, à l'exception des assistantes maternelles,

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous venons de l'indiquer, monsieur le ministre, l'article L. 131-2 du code du travail, auquel il est fait référence pour l'application du contrat « nouvelles embauches », s'applique « aux entreprises industrielles et commerciales, aux exploitations agricoles [...], aux professions libérales, aux offices publics et ministériels, aux employés de maison, aux concierges et gardiens d'immeubles à usage ou non d'habitation ou à usage mixte, aux travailleurs à domicile, aux assistants maternels, aux assistants familiaux, au personnel des sociétés civiles, des syndicats professionnels, des sociétés mutualistes... »

Nous pourrions examiner ces professions une à une et, pour chacune d'entre elles, chercher à savoir en quoi le contrat « nouvelles embauches » sera décisif. Par exemple, la création du CNE conduira-t-elle un syndic de copropriété à embaucher un concierge ?

C'est justement parce que nous estimons que ce texte ne témoigne pas d'une volonté réelle de créer des emplois de qualité, c'est-à-dire durables et payés décemment, que nous jugeons que cette question est vaine.

Nous aimerions malgré tout nous pencher sur le cas des assistants maternels, car la lecture du compte rendu des débats de l'Assemblée nationale nous a inquiétés. Interrogé sur cette profession, vous avez répondu, monsieur le ministre, que les assistants maternels « sont d'ores et déjà soumis à un régime spécifique de contrat de travail qui correspond à des conditions particulières d'emploi. Ce régime leur assure une protection tout en garantissant la souplesse propre aux nécessités de leur service, notamment au bénéfice des parents. Il n'y a donc pas lieu de le préciser dans la loi d'habilitation ».

Permettez-nous d'insister sur ce point, monsieur le ministre. Mentionner, comme vous le faites, l'article L. 131-2 du code du travail dans le projet de loi d'habilitation signifie que l'ordonnance prise en application pourra concerner l'ensemble des professions citées dans cet article, y compris, par conséquent, les assistants maternels.

Je ne doute pas de votre bonne foi en la matière, mais nous sommes là en présence d'un fait incontestable. Or, vous le savez, le Parlement a adopté définitivement, le 16 juin dernier, une loi relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux, donnant enfin un statut à cette profession.

Même si tout n'y est pas parfait, un certain nombre de points fondamentaux ont été fixés : la procédure d'agrément, la formation, la durée du travail, les congés payés, et je tiens également à saluer l'existence d'un vrai contrat de travail - ce dernier était demandé depuis très longtemps - assorti d'une procédure en cas de rupture du contrat, qui relève de la compétence du conseil de prud'hommes et non plus de celle du tribunal d'instance : en un mot, c'est là un dispositif à rebours de celui du CNE.

Les assistants maternels ont, eux aussi, une convention collective, et ils y sont attachés. Tout ayant été excellemment dit sur la position du groupe socialiste à cet égard par mes collègues Mmes Gisèle Printz et Claire-Lise Campion, je n'y reviens donc pas en détail.

Ce que nous craignons, maintenant, c'est que le CNE, dont les assistants maternels ne sont pas expressément exclus, ne soit utilisé pour contourner leur nouveau statut et le vote du Parlement, ce d'autant plus que la loi d'habilitation et les ordonnances seront postérieures à la loi sur le statut des assistants maternels.

Nous demandons donc que les assistants maternels soient expressément exclus dès à présent d'une éventuelle application du CNE, afin de lever cette incertitude.

Selon moi, c'est un amendement que le Gouvernement pourrait très facilement accepter.

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa (1°) de cet article, remplacer les mots :

n'employant qu'un petit nombre de salariés

par les mots :

employant moins de dix salariés

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Pour compenser la longueur de l'intervention de M. Godefroy, je serai très brève. (Sourires.)

Cet amendement vise à préciser la volonté gouvernementale. En effet, il me semble nécessaire de ne pas rester dans le flou, surtout lorsque le Gouvernement demande à agir par ordonnance.

Il est également nécessaire, voire indispensable, d'encadrer cette procédure en limitant aux très petites entreprises les mesures prévues. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons préciser qu'elles s'appliqueront à celles qui emploient « moins de dix salariés ».

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa (1°) de cet article, après les mots :

période déterminée

insérer les mots :

de 90 jours maximum

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. De la même manière, cet amendement vise à préciser la volonté gouvernementale, afin que nous ne restions pas dans le flou et que l'action du Gouvernement soit, elle aussi, encadrée.

Nous vous proposons de limiter la période d'essai à quatre-vingt-dix jours, car il est inconcevable de maintenir plus longtemps dans la précarité des personnes titulaires de ce contrat de travail et de les empêcher, par exemple, de louer un logement, de conclure un prêt, voire, tout simplement, de vivre.

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery, Demontes, Printz et Tasca, MM. Domeizel, Courteau, Ries, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa (1°) de cet article, après les mots :

des règles de rupture

insérer le mot :

motivée

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Par cet amendement, nous proposons d'insérer, dans le 1° de l'article 1er, l'adjectif « motivée » pour qualifier la rupture du CNE.

Nous sommes en effet, si l'on entre dans le raisonnement du Gouvernement, en présence d'un licenciement motivé. Vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre délégué : « on ne licencie pas sans motif », mais ce motif ne sera pas porté à la connaissance du salarié, ce qui suffit à lui ôter tout moyen de recours.

Le droit au recours existe, mais il risque d'être sans portée, sauf à démontrer l'abus de droit par les moyens de preuve ordinaires, ce qui n'ira pas sans difficulté.

La perte de confiance invoquée par l'employeur, qui n'était pas, jusqu'à présent, une cause de licenciement, va le devenir sans contestation possible si elle n'est pas accompagnée, par exemple, d'agissements injurieux ou vexatoires. Encore faudra-t-il trouver des témoins !

L'étendue de la réforme nous semble vaste. Un salarié pourra-t-il encore contester une modification de son contrat de travail ou un changement de ses conditions de travail ?

La question de savoir ce qui justifie un licenciement économique, par exemple la sauvegarde de l'entreprise, ne se posera plus, puisqu'un licenciement de salarié en CNE n'aura plus à être motivé.

Il faut reconnaître que les débats qui ont animé les parlementaires et les juristes trouvent ici une solution radicale.

La conséquence de cette réforme est que le salarié sera totalement à la merci de l'employeur. II pourra être embauché puis licencié à tout moment sans explication ni formalité, et ce pendant deux ans, délai prévu pour le moment avant qu'un allongement de cette période accompagne la « nouvelle ampleur » donnée bientôt au CNE.

Nous n'avons pas plus d'illusions sur la portée du dispositif, en termes de créations d'emplois, que sur la fortune qui lui est promise dans le contexte politique actuel.

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa (1°) de cet article par les mots :

et dans le cadre duquel les salariés à temps partiel ne pourront se voir imposer des plages de travail décalées

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Cet amendement a pour objet d'éviter que, dans le contrat « nouvelles embauches », le statut du salarié à temps partiel ne donne lieu à l'imposition par l'employeur d'emplois du temps non souhaités mais subis, et donc d'interdire que le salarié se voie imposer des plages de travail décalées.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery, Demontes, Printz et Tasca, MM. Domeizel, Courteau, Ries, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa (1°) de cet article par un membre de phrase ainsi rédigé :

Les conditions d'indemnisation sont destinées à compenser la précarité de la situation du salarié dans des conditions au moins identiques à celles prévues à l'issue d'un contrat à durée déterminée ;

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Par cet amendement, nous proposons de préciser que les conditions d'indemnisation seront au moins identiques à celles qui sont prévues à l'issue d'un contrat à durée déterminée.

En effet, à l'issue d'un CDD, la loi prévoit que l'employeur doit verser au salarié une indemnité de 10 % de son salaire antérieur. Rien n'est ici précisé. Considérant l'absence de motivation et de procédure qui va constituer la règle spécifique à la rupture du CNE, nous craignons qu'une même absence ne caractérise, au final, l'indemnisation du salarié.

Cette question se pose avec d'autant plus d'acuité que le montant de l'indemnisation sera à la charge de l'employeur, comme M. le ministre délégué l'a indiqué au cours du débat à l'Assemblée nationale. II faut donc encore négocier ce point avec les représentants du patronat.

Monsieur le ministre, où en êtes-vous de cette négociation ? Quel taux indemnitaire les représentants des employeurs acceptent-ils de verser ? Ce taux évoluera-t-il avec l'ancienneté ? Par exemple, peut-on concevoir qu'un salarié qui serait licencié au bout de vingt-trois mois, durée supérieure à la durée maximale, renouvellement compris, d'un CDD de droit commun, perçoive une indemnité supérieure aux 10 % prévus ?

Nous vous posons cette question parce que le licenciement sans procédure ni motivation au bout de vingt-deux ou de vingt-trois mois ne nous paraît pas une hypothèse rare, surtout pour des emplois peu qualifiés.

Devons-nous considérer, au contraire, que la convention collective de branche s'appliquera et que ce sont les taux fixés par celle-ci qui serviront à fixer le montant de l'indemnité ?

Cette question me paraît se poser si nous sommes en présence d'un CDI. Il conviendrait, en effet, que le salarié en CNE ne soit pas victime d'une nouvelle discrimination sur ce point si l'indemnité prévue par l'accord de branche est supérieure à un taux de 10 %.

Pouvez-vous nous indiquer si ce point a été envisagé, et quelles sont vos intentions à cet égard ?

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa (1°) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

... ° Evaluer le dispositif prévu au 1° du présent article ;

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Cet amendement a pour objet de prévoir une évaluation du contrat « nouvelles embauches ».

Il y a là une innovation intéressante, surtout si elle est encadrée par les dispositions prévues par l'amendement n° 15, que je défendrai dans un instant.

Nous avançons un peu en terre inconnue et il est donc nécessaire, si nous voulons réellement modifier le cadre du travail de manière consensuelle - tout consensus exige qu'à un moment donné les dispositifs soient évaluées -, que nous puissions déterminer quels points doivent éventuellement être modifiés.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est nécessaire et indispensable !

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery, Demontes, Printz et Tasca, MM. Domeizel, Courteau, Ries, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le troisième alinéa (2°) de cet article.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Le 2o de cet article 1er est particulièrement sibyllin, ce qui est inquiétant s'agissant du revenu de remplacement des salariés précaires qui auront été licenciés du jour au lendemain de leur contrat « nouvelles embauches ».

L'UNEDIC devant accuser, à la fin de cette année, un déficit de plus de 13 milliards d'euros, le Gouvernement a décidé que ce n'est pas elle qui financerait le revenu de remplacement,... qui ne s'appellera donc pas « allocation de chômage ».

L'ex-salarié en CNE relèvera donc non pas du régime assurantiel, mais de la solidarité nationale, sauf erreur de notre part. Pour quel montant ? Pour combien de temps ? Quand basculera-t-il sur le RMI à la charge des départements ?

Pour un contrat qui semble promis à un bel avenir, on peut craindre que les sommes en jeu ne soient rapidement fort importantes. Certes, c'est un moyen pour que l'UNEDIC cesse, au moins partiellement, de financer la précarité - qui, par, les sorties de CDD et d'intérim, charge son budget -, mais ce n'est qu'un système de vases communicants.

C'est encore un nouveau démantèlement dissimulé du système social, le financement de l'indemnisation du chômage étant discrètement et de plus en plus transféré à la charge de la collectivité nationale et des collectivités territoriales pour être de moins en moins assumé par les employeurs, qui ont érigé la précarité en système de gestion du personnel.

Se pose ensuite la question de l'accompagnement et du reclassement. Nous sommes ici dans le strict cadre de la promesse verbale, ce texte ne contenant rigoureusement rien sur ce point. Nous vous faisons néanmoins crédit de vos intentions positives personnelles sur ce point, monsieur le ministre, mais vous ne serez pas seul à décider et, surtout, à financer si un tel dispositif doit, finalement, voir le jour.

Nous en sommes réduits aux conjectures. Vous avez dit, à l'Assemblée nationale : « Ces mesures font partie de la sécurisation des parcours professionnels. Cela passe par le droit individuel à la formation. Il faudra sans doute aller plus loin que les vingt heures annuelles de formation. Je pense notamment au doublement du DIF dans le cadre de la convention de reclassement personnalisé. Nous comptons, en accord avec les partenaires sociaux nous inspirer de la dynamique de la CRP. »

On ne saurait mieux dire que l'on ne sait pas où l'on va ! Si votre texte et vos propos sont parfaitement clairs en ce qui concerne l'absence totale de garanties et de protections du salarié en CNE, ils sont, en revanche, totalement obscurs pour ce qui est d'un dispositif d'accompagnement et de reclassement : je note que vous n'avez pas clairement employé le terme de « formation », ce qui est bien normal puisque cela impliquerait une participation financière des employeurs, alors que le financement de l'accompagnement et du reclassement est beaucoup plus partagé.

Si l'on tente, néanmoins, une exégèse de vos propos, il en ressort de nouvelles interrogations.

Le droit individuel à la formation, le DIF, est un dispositif ouvert aux salariés, qui doivent, sous certaines conditions, les suivre en cas de licenciement. Les salariés en CDD, qui ont rarement un an d'ancienneté leur permettant d'avoir capitalisé les vingt heures annuelles de droit à la formation, bénéficient de leurs premiers droits au bout de quatre mois, prorata temporis. En dessous de quatre mois, il n'y a donc rien. Les salariés doivent se former hors du temps de travail, sauf accord de branche, et peuvent percevoir 50 % de leur salaire pendant cette période, mais cela à condition qu'ils soient encore dans une entreprise. Or, par définition, les salariés en CNE ont été licenciés. Vous appelez donc à la rescousse le dispositif flambant neuf de la convention de reclassement personnalisée, la CRP, qui n'est pas encore en vigueur.

Ce dispositif est prévu pour offrir une aide au reclassement aux salariés licenciés dans des entreprises de moins de 1 000 salariés. II comporte un bilan de compétences, une validation des acquis, un suivi individuel dans le cadre du renforcement du contrôle des chômeurs, et même une éventuelle formation.

Les chômeurs devraient recevoir 80 % de leur salaire précédent pendant quatre-vingt-onze jours, puis 70 % pendant sept mois. Cela fait peu par rapport à des minima conventionnels inférieurs au SMIC, surtout si les salariés étaient à temps partiel !

Cependant, il se trouve que le dispositif négocié par les partenaires sociaux et adopté par le Parlement prévoit que, si les salariés ont moins de deux ans d'ancienneté, ils ne percevront qu'une allocation égale à l'allocation de chômage à laquelle ils peuvent prétendre, et cela pendant une durée correspondant à leurs droits acquis.

De même, l'employeur doit contribuer au financement de la CRP par le versement d'une somme correspondant à deux mois de préavis, sauf si les salariés ont moins de deux ans d'ancienneté, auquel cas l'allocation est réduite au niveau de l'allocation chômage.

On a peine à croire qu'il s'agit là de simples coïncidences !

Ma question, monsieur le ministre, est simple : où en êtes-vous de vos consultations avec les partenaires sociaux ? Qu'envisagez-vous exactement de faire ? Et j'ai envie de vous demander également quelles sont vos espérances et ce que vous pensez pouvoir tirer de ce patronat dont vous passez déjà toutes les volontés...

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après les mots :

un revenu de remplacement

rédiger comme suit la fin du troisième alinéa (2°) de cet article :

garanti spécifique et supérieur au droit commun dont le versement sera conditionné au suivi d'un parcours de réinsertion personnalisé défini par les services de l'emploi qui veilleront à offrir de larges possibilités de formation ;

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Cet amendement est, pour moi, essentiel pour parvenir au dispositif que nous souhaitons.

Je ne vais pas rappeler ici que nous sommes contre les ordonnances. Toutefois, comme elles vont, malgré tout, être autorisées par le Parlement, nous tenons absolument à ce que l'exercice qu'en fera le pouvoir exécutif soit clairement encadré.

Le contrat « nouvelles embauches » repose sur une idée simple : il faut plus de flexibilité pour fluidifier le marché du travail.

Nous sommes prêts à adhérer à cette idée, à la condition que cette flexibilité soit contrebalancée par des garanties sociales accrues.

Ces garanties sociales accrues, pour nous, sont simples : le travailleur dont le contrat « nouvelles embauches » a été rompu sur l'initiative de l'employeur doit bénéficier d'un régime globalement meilleur que celui auquel il aurait été soumis s'il avait été embauché avec un contrat à durée indéterminée.

Cela signifie qu'il doit avoir droit à un revenu de remplacement plus tôt que si les conventions collectives, qui prévoient cent quatre-vingts jours, avaient été appliquées - sans toutefois en arriver à un jour, bien évidemment, mais nous faisons confiance au Gouvernement pour qu'il fixe une durée minimale dans de bonnes conditions.

Nous voulons que l'indemnité de chômage soit supérieure à celle qui est actuellement prévue par l'article L. 122-9 du code du travail.

De surcroît, nous voulons que les services de l'emploi assurent un suivi personnalisé de ces travailleurs qui ont vu leur contrat « nouvelles embauches » rompu. Bien entendu, ce régime indemnitaire particulier repose sur le suivi d'un parcours de réinsertion, dont le contrôle sera assuré par les services de l'emploi.

Il est pour nous fondamental qu'une plus grande flexibilité pour l'entreprise soit assortie de garanties sociales accrues pour le travailleur qui bénéficierait de ce contrat « nouvelles embauches ». Il n'y a là rien de très original ; c'est ce qui se fait déjà dans plusieurs Etats européens. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Compléter le troisième alinéa (2°) de cet article par les mots :

financé notamment par une taxation sociale sur l'emploi précaire à la charge des employeurs ;

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à financer l'allocation due aux titulaires d'un contrat « nouvelles embauches » rompu sur l'initiative de l'employeur et ne justifiant pas de la durée nécessaire pour accéder aux ASSEDIC, par une taxation sociale sur l'emploi précaire à la charge des employeurs.

Il est juste d'exiger une contrepartie sociale des employeurs recourant de manière parfois excessive aux formes d'embauche les plus précaires.

Quant à l'allocation elle-même, nous en ignorons toujours les caractéristiques précises. Il faut espérer qu'il ne sera pas nécessaire de la verser dès cette année, car les financements afférents n'ont pas encore été mis en place.

M. le président. L'amendement n° 26, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Compléter le troisième alinéa (2°) de cet article par les mots :

, et une aide au logement spécifique, prise en charge par la caisse du 1 % patronal, pour ceux qui sont locataires de leur logement ;

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement tend à prévoir une aide au logement pour les personnes titulaires d'un contrat « nouvelles embauches » qui auraient été licenciées.

Cette aide au logement devra être financée par la caisse du 1 % logement, caisse alimentée par les cotisations salariales et patronales, mais, cette fois, nous souhaitons qu'elle soit à la seule charge des employeurs.

II est en effet juste d'exiger une contrepartie sociale des employeurs recourant de manière excessive aux formes d'embauche les plus précaires.

M. le président. L'amendement n° 30, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter le troisième alinéa (2°) de cet article par les mots :

et un accompagnement renforcé en vue de leur retour à l'emploi financé le cas échéant par une contribution spécifique à la charge de leur employeur ;

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Par rapport à la souplesse nécessaire, nous avons évoqué la sécurité renforcée.

Je rappelle que les salariés dont le contrat a été rompu bénéficieront d'un accompagnement par le service public de l'emploi. Cet accompagnement doit être financé par une contribution spécifique de l'employeur, au moins pour partie. Il convient donc de préciser le champ de l'habilitation sur ce point.

A l'Assemblée nationale, nous avions débattu de ce sujet. Le présent amendement vise à nous autoriser, par la voie de l'habilitation, à demander la contribution de l'employeur à cet accompagnement renforcé.

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après le troisième alinéa (2°) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

... ° Coordonner les services de l'Agence nationale pour l'emploi et de l'Association pour l'emploi dans l'industrie et le commerce au niveau de chaque bassin d'emploi ;

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. L'un des problèmes de notre pays, que pointent souvent les ministres, c'est à la fois le nombre élevé des demandeurs d'emploi et celui des offres d'emploi non satisfaites. Cela veut donc dire que, d'une certaine manière, les choses ne fonctionnent pas bien.

Puisque le Gouvernement veut agir par voie d'ordonnance, avec rapidité et efficacité, nous lui proposons d'aller au-delà de ce qu'il a prévu et de faire mieux fonctionner l'ensemble des services de l'emploi. En effet, on pourra prendre toutes les mesures que l'on veut, si l'on ne rend pas plus efficaces les services de l'emploi, le système ne fonctionnera pas.

Nous proposons donc d'opérer, au niveau de chaque bassin d'emploi, un rapprochement entre les services des ASSEDIC et ceux de l'ANPE, de manière que ces services travaillent ensemble, aient des fichiers communs. Ainsi, ils pourront regrouper les demandes d'emplois, mettre en place des formations adaptées par petits groupes. Il ne s'agit pas de former 500 000 personnes dans tel secteur alors que seuls douze emplois y sont proposés, mais peut-être est-il nécessaire de former une équipe de quinze personnes qui auront un emploi.

M. le président. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery,  Demontes,  Printz et  Tasca, MM. Domeizel,  Courteau,  Ries,  Bel,  Collomb et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le quatrième alinéa (3°) de cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Le 3° de l'article 1er du projet de loi soulève une série de problèmes. Il y est proposé un allégement des contributions financières des employeurs occupant moins de vingt salariés en matière de versement transport, de financement de la formation professionnelle et d'obligation de participation à l'effort de construction et au fonds national d'aide au logement.

Il est très douteux que ces contributions aient un effet décisif sur la décision des employeurs de ne pas investir et de ne pas embaucher. Mais même si l'on admet un tel effet, on peut se demander pourquoi le seuil d'allégement est fixé à vingt salariés, et non à un autre niveau, comme cela est déjà envisagé pour le contrat « nouvelles embauches ». Les entreprises de vingt et un salariés ne vont pas tarder à faire savoir que la décision d'embaucher le vingt-deuxième ou le vingt-troisième salarié dépend d'une extension de cette mesure d'allégement, et le tour sera vite joué.

Il est bien évident que nous sommes devant un mouvement général d'exonération des employeurs de toute obligation à caractère collectif. Les entreprises sont supposées avoir un rôle moteur dans l'économie, et leur prospérité être indispensable à toute redistribution sociale postérieure. Il faudra expliquer aux Français pourquoi cela commence par un désengagement en matière de formation et de logement.

II faudra aussi expliquer la cohérence de votre démarche qui consiste, dans un projet de loi, à augmenter les taux puis, dans un autre projet de loi, six mois après, à baisser les seuils.

La formation est en effet, elle aussi, à la source des compétences et des qualifications des salariés. Mais en disant cela, on voit bien qu'il y a antinomie entre le démontage du statut salarié et l'engagement des entreprises à les former.

Déjà, les salariés doivent se former en partie ou totalement hors de leur temps de travail. Qu'en sera-t-il demain de salariés totalement précarisés, sans aucune attache durable avec une entreprise ? Qu'en sera-t-il des prestataires de services individuels ? II est dans la logique patronale que les entreprises, après s'être attaquées au statut salarié et avoir réduit leur participation au financement de la protection sociale, abordent maintenant l'étape de leur désengagement de la formation professionnelle, du financement du logement et des transports collectifs.

Les questions techniques posées par votre texte ne sont pas réglées. Le projet de loi prévoit un allégement. S'agit-il d'un allégement partiel ou d'un recul pur et simple du seuil de contribution ?

Qu'allez-vous compenser exactement et quel sera le poids de ce nouvel allégement sur les finances publiques ? On nous parle de 450 millions d'euros pour les transports. Est-ce votre estimation ? Est-ce supportable pour nos finances publiques ?

Par ailleurs, certaines contributions ne sont pas à proprement parler des prélèvements, mais des obligations de dépenses. Voulez-vous dire que l'Etat va se substituer à l'entreprise et financer à sa place telle action ou tel organisme ?

Cela est évidemment exclu, et ce que nous voyons se profiler est plutôt une diminution des financements.

En tant qu'élus territoriaux, c'est une expérience que nous avons souvent faite.

Cela m'amène à évoquer plus particulièrement la question du versement transport. Je rappelle que ce versement permet de financer aujourd'hui les réseaux de transport urbain à hauteur de 45 %, contre 20 % pour les recettes issues des usagers.

La mesure que vous proposez reviendra-t-elle à supprimer le versement transport payé par tous les employeurs qui emploient moins de vingt personnes, c'est-à-dire par ceux qui constituent majoritairement le maillage de notre économie ?

En outre, si l'on ne précise pas que l'éventuelle compensation de l'Etat sera affectée au financement des transports en commun, la tendance sera de l'intégrer à la dotation globale de décentralisation, ressource versée de manière non affectée.

Nous risquons donc d'aller vers une véritable catastrophe en matière de financement des réseaux de transport en commun urbains. Et nous n'avons aujourd'hui aucun engagement clair du Gouvernement sur la compensation. On nous parle de compensation à l'euro près, mais la compensation telle que la vivent les élus territoriaux dans le cadre des lois de décentralisation les laisse très perplexes.

On peut seulement espérer qu'il n'en ira pas comme avec les contrats de plan, pour lesquels vos retards de participation sont si importants qu'ils vous ont conduits à prolonger les contrats en cours.

Pour toutes ces raisons, nous demandons le retrait de cette disposition.

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Dans le quatrième alinéa (3°) de cet article, supprimer les mots :

L. 2333-64 et L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales,

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Cet amendement a pour objet de rendre un grand service au Gouvernement ! (Sourires.)

Certaines mesures très coûteuses doivent faire l'objet d'une compensation. Parmi les dispositions prévues par ce projet de loi d'habilitation, celle qui est relative à la suppression du versement prévu par le code général des collectivités territoriales en faveur des autorités organisatrices de transport en commun est extrêmement difficile à gérer pour le Gouvernement. Ne pas compenser cette suppression, qui représente entre 450 millions et 500 millions d'euros, c'est mettre en difficulté toutes les autorités organisatrices de transport en commun.

Ainsi, en ce qui concerne le département du Rhône, que je connais bien, le manque à gagner pour l'autorité organisatrice de transport en commun représenterait 50 millions d'euros, que le département devrait malheureusement compenser en partie.

Par ailleurs, les situations sur le terrain sont extrêmement hétérogènes. Dans certains endroits, il n'existe pas de versement transport. D'un territoire à l'autre, les taux diffèrent. Les autorités organisatrices sont très naturellement amenées à faire évoluer le taux du versement transport en fonction de leurs investissements, de l'agrandissement du réseau, etc. Ne pas compenser ces évolutions créerait un différentiel entre certaines entreprises, et ce serait très difficile à gérer, pour ne pas dire ingérable.

Le Gouvernement peut autoriser les autorités organisatrices, si elles le veulent, à exonérer certaines entreprises du versement transport. Mais l'Etat devant déjà plus de 500 millions d'euros aux départements au titre du RMI, il ne serait pas sain d'alourdir encore les finances publiques. Je crois donc qu'il faut très raisonnablement supprimer la possibilité d'exonérer du versement transport les entreprises qui ont entre dix et vingt salariés.

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery,  Demontes,  Printz et  Tasca, MM. Domeizel,  Courteau,  Ries,  Bel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le cinquième alinéa (4°) de cet article.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. La disposition prévue au 4° de l'article 1er constitue une atteinte supplémentaire aux droits des salariés à la représentation, aux droits dont la progressivité dépend des seuils d'effectifs, comme par exemple les plans sociaux, et au dialogue social en général, malgré vos déclarations de principe sur ce sujet.

Aujourd'hui, je le rappelle, les apprentis, les jeunes en contrat de professionnalisation et les titulaires de contrats aidés destinés aux chômeurs de longue durée ne sont pas pris en compte dans les seuils d'effectifs. Les salariés à temps partiel ne sont pris en compte qu'au prorata de leur temps de travail. Les salariés en CDD et en contrat de travail temporaire sont pris en compte au prorata de leur temps de présence dans l'entreprise au cours des douze mois précédents. En cas de remplacement d'un salarié absent, il n'y a pas de prise en compte.

On voit, par ces quelques exemples, qu'il existe déjà de nombreuses exceptions aux règles de décompte des effectifs, et qu'au fil des années vous avez suivi fidèlement les revendications des représentants du MEDEF et de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, pour leur éviter ces fâcheuses contraintes.

En ce qui concerne les jeunes, vous simplifiez radicalement la question, puisque les jeunes de moins de vingt-six ans qui seront désormais embauchés ne seront plus décomptés dans les effectifs. Et il faut bien noter que cette mesure ne concerne pas seulement les entreprises de moins de vingt salariés. II n'y a aucune précision de cet ordre dans votre texte. En l'état actuel, la mesure concerne tous les jeunes de moins de vingt-six ans, dans toutes les entreprises.

Comme toutes les mesures de ce type, on peut craindre qu'elle provoque une accélération de la rotation des emplois, surtout peu qualifiés, certains employeurs préférant, grâce à votre contrat « nouvelles embauches », se débarrasser d'un salarié qui fait atteindre le seuil fatidique plutôt que de passer le seuil de vingt salariés, par exemple.

II y a, dans les mesures que vous proposez, que ce soit en termes de contrats, de seuil d'effectifs, de contributions financières, une véritable méthode pour mettre à bas les droits des salariés. Cela provoquerait presque notre admiration à l'égard des techniciens du MEDEF, eux-mêmes simples salariés, qui ont fabriqué cette mécanique extraordinaire.

La situation des jeunes qui entrent dans le monde du travail est donc particulièrement difficile.

Si l'on ajoute au texte que vous nous présentez aujourd'hui les mesures que vous avez déjà décidées, notamment celles autorisant le travail des apprentis mineurs le dimanche et les jours fériés, voire la nuit dans certaines branches, on voit se dessiner votre conception du salarié de demain, précarisé et corvéable à merci dès l'âge de seize ans.

Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour vous faire part d'une autre de nos inquiétudes, concernant cette fois les « séniors » : c'est en effet le nom que l'on donne à ces salariés de plus de cinquante ans, qui ne peuvent plus être mis en préretraite parce que le robinet du financement est fermé et qui sont supposés être moins pugnaces et efficaces. Il faut néanmoins les garder dans le monde du travail, à la fois pour financer les régimes de retraite, même si la précarité empêchera le plus grand nombre de toucher une retraite à taux plein, et parce qu'ils constituent malgré tout une main-d'oeuvre expérimentée.

Une négociation est aujourd'hui en cours : elle est supposée être encore l'objet de deux réunions des partenaires sociaux et aboutir à l'automne, faute de quoi, comme d'habitude, le Gouvernement, selon l'expression consacrée, « prendra ses responsabilités ».

L'expérience des trois dernières années nous incite à penser que le Gouvernement fera siennes les propositions des représentants du patronat et nous les présentera sous forme d'un projet de loi.

Monsieur le ministre, votre collègue Thierry Breton a déjà présenté la suppression de la contribution Delalande et l'extension du cumul emploi-retraite comme des nécessités. Vous avez dû à nouveau recoller les morceaux. Vous n'avez décidément pas de chance avec les ministres qui s'expriment à votre place dans votre domaine de compétence. A moins qu'il ne s'agisse d'un habile partage des tâches.

En revanche, rien pour les départs anticipés de ceux qui exercent des métiers pénibles. Tout sera renvoyé à une hypothétique négociation de branche. C'est bien normal, puisque cette formule s'apparente à un système de préretraite, que le patronat devrait financer, au moins en partie.

Mais le patronat vous demande l'instauration d'un « contrat vieux » - c'est très élégant ! - qui comporterait une mesure analogue à celle que vous nous présentez : les salariés de plus de cinquante-cinq ans ne seraient plus décomptés dans le calcul des effectifs. On croit rêver !

Les moins de vingt-six ans et ceux de plus de cinquante-cinq ans ne seront donc plus des salariés à part entière.

Quant à ceux qui seront âgés de vingt-six à cinquante-cinq ans et qui ne seront pas devenus prestataires de services, ils bénéficieront du contrat « nouvelles embauches » généralisé. Ils percevront un salaire inférieur à 1,6 SMIC, afin que l'employeur ne paie pas de cotisations sociales, et bénéficieront de l'intéressement, ce qui permet de flexibiliser la rémunération. Leur durée de travail annualisée sera calculée au forfait jours, ce qui dispensera l'employeur du paiement des heures supplémentaires. Enfin, la retraite par capitalisation complétera leurs droits acquis, insuffisants pour survivre. Tel est le monde du travail que l'on nous prépare !

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en est exactement cette négociation ? Est-il exact que ce « contrat vieux » est en préparation ? Sera-t-il assorti de nouvelles exonérations de cotisations au-delà de 1,6 SMIC ? S'agira-t-il d'un contrat précaire apparenté au contrat de mission, ou bien vous en remettrez-vous au contrat « nouvelles embauches » ?

Telles sont quelques-unes des questions qui, aujourd'hui, inquiètent sérieusement et à juste titre le monde du travail.

M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Supprimer le sixième alinéa (5°) de cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il ne nous semble pas opportun que l'institution militaire assure la formation des personnes, alors même qu'il existe des dispositifs de formation initiale et professionnelle dont on ne peut remettre en cause la qualité. Il serait donc dommage de se passer de ces compétences.

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery,  Demontes,  Printz et  Tasca, MM. Domeizel,  Courteau,  Ries,  Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le septième alinéa (6°) de cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement tend à supprimer le 6° de l'article 1er, qui prévoit la possibilité, dans les très petites entreprises, de ne plus établir de déclaration unique d'embauche, de fiche de paie, de déclaration de cotisations sociales et, selon les termes d'un amendement attendu de M. le rapporteur, de contrat de travail.

Nous assistons ici à la perversion d'un dispositif, créé à l'origine pour faciliter la création d'emplois familiaux chez les particuliers, mais aussi pour transformer un nombre important d'emplois d'aides ménagères au noir en emplois déclarés.

Le succès de ce dispositif a été réel à l'époque, puisque 500 000 emplois ont été créés. Il a été ensuite envisagé de l'étendre d'abord aux exploitations agricoles dans certains départements, puis pour l'embauche d'un premier salarié.

Ces mesures peuvent se comprendre. En effet, l'embauche d'un premier salarié est une étape objective, et pas seulement psychologique. Les représentants de la CGPME nous l'ont dit : il s'agit selon eux du seul point intéressant de ce dispositif.

Nous abordons aujourd'hui une étape décisive : la généralisation de ce dispositif aux très petites entreprises. Monsieur le ministre, comment définissez-vous une très petite entreprise ? A partir de quel seuil ne peut-on plus parler de TPE ? S'agit-il de dix, vingt, cinquante salariés, ou plus ? Ce seuil est-il prévu en droit français ou en droit européen ?

La réponse à cette question est essentielle pour pouvoir déterminer combien de millions de salariés sont potentiellement concernés par votre texte.

Après avoir étendu le chèque-emploi au secteur des services à la personne, vous le généralisez maintenant aux entreprises privées, ce qui signifie en clair que les salariés ne disposeront plus ni de contrat de travail ni de bulletin de paie. Ils ne pourront donc connaître ni leurs horaires de travail, ni le montant de leur salaire, ni le décompte des heures supplémentaires avec leur majoration. Ils seront dépourvus de tout document permettant d'établir un préjudice à leur encontre.

On nous a expliqué que cette extrême simplification était le corollaire du contrat « nouvelles embauches ». Nous sommes donc dans le vrai lorsque nous disons que le salarié sera totalement à la merci de l'employeur et privé de moyens de se défendre. C'est ce que j'appelais ce matin l'opting out à la française.

Vous supprimez également la base du contrôle administratif en faisant disparaître la déclaration unique d'embauche. Celle-ci avait été créée sur l'initiative de Martine Aubry dans un but de simplification par rapport à la législation sur le registre du personnel et le registre de paie. Maintiendrez-vous cependant une déclaration à l'URSSAF ?

M. Borloo a déclaré à l'Assemblée nationale : nous travaillons actuellement sur ce sujet avec l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS. Qu'est-ce que cela signifie exactement ? Nous aurions apprécié, si on nous en avait laissé le temps, d'entendre les représentants des organismes sociaux à ce propos.

Sur toutes ces questions pratiques, nous ne disposons même pas d'un début de réponse.

Nous aurions également aimé auditionner les représentants de l'administration du travail ; je ne parle pas des inspecteurs du travail afin de n'effrayer personne.

Ce qui est manifestement le plus à craindre, compte tenu de la précipitation avec laquelle toutes ces mesures sont mises en place, c'est le développement exponentiel du travail illégal. Je fais allusion non pas aux ateliers clandestins remplis de travailleurs immigrés sans papiers, mais aux heures non déclarées, car le chèque-emploi permet ce détournement de la loi.

Là aussi, il y a une incohérence entre les annonces de renforcement de la lutte contre le travail illégal contenues dans le projet de loi en faveur des PME et la mise en place du chèque-emploi.

La seule constante de votre politique, c'est que vous n'augmentez pas le nombre d'inspecteurs du travail sur le terrain et que vos efforts portent exclusivement sur la lutte contre les réseaux de trafic de main-d'oeuvre étrangère. C'est un problème important, auquel vous avez tout à fait raison de vous attaquer, mais pas à l'exclusion de tout le reste !

Nous avons le sentiment étrange que le travail illégal effectué sous la responsabilité d'employeurs français, tant qu'il ne dépasse pas les heures supplémentaires non déclarées ou l'emploi de saisonniers invisibles, ne constitue pas un délit de la même gravité. En toute hypothèse, il est certain que le nouveau dispositif facilitera le développement de ces pratiques, ce qui n'est pas le moindre des paradoxes quand on songe aux motifs qui ont présidé à la création du chèque-emploi-service.

M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le septième alinéa (6°) de cet article, après les mots :

et pouvant, le cas échéant,

insérer les mots :

tenir lieu de contrat de travail et bulletin de paie et

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à préciser le champ de l'habilitation en détaillant les fonctions du chèque-emploi.

M. le président. La parole est à M. Mercier.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de quelques minutes, afin de parfaire la rédaction de deux amendements.

C'est le problème des ordonnances : avec un texte de loi, nous aurions été plus performants ! (Sourires.)

M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur Mercier.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Art. 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
Discussion générale

7

MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement, la lettre suivante :

« Monsieur le président,

« En application de l'article 48 de la Constitution et de l'article 29 du règlement du Sénat, le Gouvernement modifie comme suit l'ordre du jour de la séance du mercredi 13 juillet :

« Mercredi 13 juillet, le matin, l'après-midi et le soir :

« - Lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, sous réserve de leur dépôt ;

« - Troisième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale ;

«  - Lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au développement des services à la personne ;

« - Lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de sauvegarde des entreprises, sous réserve de leur dépôt ;

«  - Lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, sous réserve de leur dépôt.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

« Signé : Henri CUQ. »

Acte est donné de cette communication et la troisième lecture du projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale sera inscrite en deuxième point de l'ordre du jour du mercredi 13 juillet.

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Art. 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
Art. 1er

Mesures d'urgence pour l'emploi

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi d'habilitation déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
Art. 2

Article 1er (suite)

M. le président. Nous poursuivons l'examen de l'article 1er.

Je vous informe, mes chers collègues, que les amendements n0s 13 et 15, présentés par M. Michel Mercier, ont été rectifiés.

L'amendement n° 13 rectifié est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa (1°) de cet article par les mots :

", garantissant au salarié, pendant cette période, une indemnité en cas de rupture à l'initiative de l'employeur, supérieure à celle résultant de l'application des règles de l'article L. 122-9 du code du travail et dans le cadre duquel les salariés à temps partiel ne pourront se voir imposer des plages de travail décalées"

L'amendement n° 15 rectifié est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le 2° de cet article :

"Prévoir, pour les salariés qui n'ont pas encore acquis de droits à l'assurance chômage et dont le contrat mentionné au 1° a été rompu, un revenu de remplacement subordonné à une durée minimale de présence dans l'emploi ; ainsi qu'un parcours de réinsertion personnalisé défini par les services de l'emploi qui veilleront à offrir de larges possibilités de formation;"

Dans la discussion des amendements, nous en étions parvenus à l'amendement n° 18.

L'amendement n° 18, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après le huitième alinéa (7°) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

... ° Autoriser les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion âgés de plus de 54 ans à bénéficier d'un contrat à durée indéterminée avec une collectivité locale ou un établissement public ;

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Au travers de la loi d'habilitation, le Gouvernement souhaite favoriser l'entrée des jeunes dans le monde du travail. Nous adhérons tout à fait à cette idée, mais il ne faut pas oublier les plus âgés.

Je voudrais notamment appeler l'attention du Gouvernement sur les bénéficiaires du RMI âgés de plus de 54 ans. Le présent amendement a pour objet de les aider à trouver un emploi dans une collectivité territoriale. Ils ne deviendraient pas titulaires, faute de pouvoir, à 54 ans, cotiser assez longtemps à la Caisse de retraite des collectivités locales, mais ils occuperaient un emploi en CDI dans une collectivité territoriale, ce qui leur permettrait d'achever leur activité professionnelle avant de partir à la retraite.

M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après le huitième alinéa (7°) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

... ° Permettre une sortie progressive des minima sociaux et de l'assurance chômage en prévoyant, d'une part, un cumul entre revenus de l'emploi et droits connexes aux minima sociaux et, d'autre part, un cumul entre revenus de l'emploi et revenus de remplacement ;

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Notre système de prise en charge des demandeurs d'emploi, qu'il s'agisse de l'allocation spécifique, du RMI ou des minima sociaux, pose des problèmes de seuil compte tenu des droits connexes.

Si l'on s'en tient à une application stricte, sans lisser l'effet de seuil, on ne favorise pas le retour à l'emploi. Le dispositif n'est pas en lui-même très intéressant -  on ne peut pas dire, par exemple, que toucher en moyenne 350 euros par mois au titre du RMI suffise à éveiller une vocation à rester dans ce système - mais les droits connexes qui y sont attachés - la cantine, les transports, etc. - font passer le revenu au-dessus du SMIC, dissuadant ainsi de reprendre un emploi.

Cet amendement a donc pour objet de lisser l'effet de seuil et de rendre les cumuls possibles.

Je souhaite que M. le ministre nous dise si cette proposition peut être retenue dans le cadre des ordonnances ou s'il faut que le groupe UDF présente une proposition de loi, qui aurait, d'ores et déjà, le soutien du Gouvernement.

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery,  Demontes,  Printz et  Tasca, MM. Domeizel,  Courteau,  Ries,  Bel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer l'antépénultième alinéa (a) du 8°) de cet article.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Notre amendement prévoit la suppression du crédit d'impôt prévu pour les chômeurs de longue durée et les allocataires de minima sociaux qui créent ou reprennent une entreprise ou qui retrouvent un emploi.

Notre objectif n'est évidemment pas d'empêcher le retour à l'emploi des chômeurs de longue durée. Mais le dispositif d'une sorte de prime unique nous paraît totalement inadapté à la situation de ces personnes.

Le gouvernement de Lionel Jospin avait mis en place, avec la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions de 1998, un dispositif d'intéressement qui permettait à une personne en difficulté de cumuler pendant un certain temps, selon un système dégressif, un minimum social et une rémunération du travail.

Nous avions choisi cette méthode afin de soutenir ces personnes dans leur démarche de réinsertion professionnelle, et souvent sociale, avec une certaine continuité.

Notre préoccupation était celle de la progressivité et d'un accompagnement multiforme en termes de logement, d'accès à la santé, que nous avons mis en oeuvre avec la CMU, et de retour à l'emploi.

Votre démarche a un fondement différent, même si elle peut apparaître dans un premier temps comme positive : elle est strictement financière. Sans doute, me direz-vous, ce n'est pas négligeable, et vous aurez raison.

Mais l'octroi en une seule fois d'une somme de 1 000 euros à des personnes démunies ne va pas forcément leur être d'un secours durable. En effet, soit nous évoquons la création ou la reprise d'entreprise, et la somme est alors très insuffisante. Soit nous parlons d'une reprise d'emploi, et la somme de 1 000 euros va en priorité être utilisée pour éponger un découvert bancaire ou une autre dette.

Cette somme risque fort de ne faire que transiter par son bénéficiaire nominal. Mais elle ne suffira pas non plus à compenser durablement les frais de transport supplémentaires, les frais de garde d'enfant et la perte d'autres aides. Et ce d'autant que l'on ignore la date de versement, qui peut intervenir longtemps après la reprise d'emploi, ce qui n'aura pas empêché l'aggravation de la dette.

Nous considérons donc cette disposition fiscale comme tout à fait inadaptée, dans sa brutalité et son caractère univoque, à la situation des personnes en difficulté. De plus, elle masque le problème de fond, celui de salaires qui sont trop bas pour permettre de vivre à peu près dignement.

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery,  Demontes,  Printz et  Tasca, MM. Domeizel,  Courteau,  Ries,  Bel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer l'avant-dernier alinéa (b) du 8°) de cet article.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Nous proposons de supprimer la disposition tendant à octroyer une prime de 1 000 euros à tout jeune de moins de vingt-six ans qui accepterait un emploi dans une branche connaissant des difficultés de recrutement.

Il est vrai que les jeunes au chômage âgés de moins de vingt-cinq ans n'ont droit à aucune allocation, et que l'on a toujours considéré, sans doute à raison, que c'est une formation ou un dispositif d'insertion qui doit leur être consacré, et non une allocation.

Ce qui est proposé ici est tout à fait nouveau, mais le problème est que la véritable finalité de cette prime n'est pas l'aide ou l'insertion. Elle vise simplement à compenser les salaires scandaleusement bas, les conditions de travail déplorables et les horaires démentiels en vigueur dans les branches rencontrant des difficultés de recrutement.

En effet, on sait parfaitement quelles sont les raisons de ces difficultés, pourquoi les jeunes ne veulent pas s'engager dans certaines professions et pourquoi leurs parents les dissuadent autant qu'ils le peuvent d'aller se détruire la santé pour un salaire ridicule. On comprend mieux, au vu de cette mesure, pourquoi le Gouvernement a récemment engagé avec vigueur le patronat des branches concernées - pour l'essentiel, le BTP, les métiers de bouche et l'hôtellerie-restauration - à pratiquer des salaires plus corrects. Or c'est précisément dans ces mêmes branches professionnelles que le Gouvernement a autorisé le travail des apprentis mineurs le dimanche, les jours fériés et même la nuit.

Si votre intention est vraiment de diminuer le chômage des jeunes et de leur ouvrir un avenir, cette mesure est un non-sens, monsieur le ministre. En revanche, s'il s'agit de permettre aux employeurs de ces branches de continuer à pratiquer les mêmes salaires et à imposer les mêmes conditions de travail, elle constitue pour eux, de fait, un encouragement.

Nous estimons très sincèrement que l'état d'esprit qui sous-tend cette mesure est scandaleux. C'est une offense faite à la jeunesse, que l'on imagine sans doute suffisamment dans le besoin pour accepter une telle disposition, ou que l'on croit pouvoir contraindre par des mesures de contrôle et de coercition exercées contre les chômeurs. Cela témoigne d'une condescendance à l'égard des jeunes absolument sidérante.

Dans ces conditions, on peut douter sérieusement que cette mesure ait un effet positif sur le chômage des jeunes, qui a pris dans notre pays des proportions alarmantes. Elle aura surtout pour effet de maintenir une situation défavorable pour les salariés des branches concernées. Conjuguée aux autres mesures que vous mettez en place, elle aggravera encore leur condition.

M. le président. L'amendement n° 28, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Compléter l'avant-dernier alinéa (b) du 8°) de cet article par les mots :

à condition de ne pas avoir procédé à des licenciements économiques au cours de l'année écoulée ;

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s'agit en fait d'un amendement de repli. En effet, la nouvelle mesure de défiscalisation des entreprises qui nous est présentée ne doit pas favoriser la substitution d'emplois par effet d'aubaine.

C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement, qui vise en quelque sorte à limiter les dégâts.

M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Compléter le 8° de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

c) Visant à restreindre la part des cotisations sociales dans le financement de la protection sociale au profit de l'affectation à la sécurité sociale d'une partie du produit de la taxe sur la valeur ajoutée et de celui de la contribution sociale généralisée.

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Le groupe de l'UC-UDF du Sénat a déjà eu à plusieurs reprises l'occasion de défendre cet amendement, par la bouche de M. Jean Arthuis ou par celle de M. Christian Gaudin.

Il s'agit de favoriser l'emploi, en particulier dans les entreprises de production. Lorsque le système de sécurité sociale a été mis en place, à la Libération, presque tout le monde travaillait, à partir de quatorze ans, voire plus tôt encore, jusqu'à l'âge de soixante-cinq ans. On comptait peu de retraités, peu de jeunes en formation scolaire ou universitaire, et la grande masse de la population était donc constituée de personnes qui occupaient un emploi, essentiellement dans les unités de production.

Aujourd'hui, en revanche, on entre de plus en plus tard dans le monde du travail, vers vingt-quatre ou vingt-cinq ans, sinon à un âge plus avancé encore, et l'on en sort beaucoup plus tôt qu'auparavant, à soixante ans, cinquante-huit ans ou cinquante-sept ans, selon les cas.

Dans ces conditions, on fait peser le financement de l'assurance maladie, à travers les cotisations sociales, sur une tranche de plus en plus étroite de la population, sur des personnes qui travaillent dans des entreprises soumises à la concurrence mondiale. On est donc obligé d'augmenter le montant des cotisations pour pouvoir satisfaire les besoins du grand nombre. On est ainsi passé d'un système d'assurance à un système de solidarité universelle, que l'entreprise n'a pas vocation à financer, ce rôle revenant à l'impôt, à la nation tout entière.

C'est la raison pour laquelle nous proposons que le Gouvernement profite de cette occasion pour restreindre la part des cotisations sociales dans le financement de l'assurance maladie, puisque leur montant a toujours été fixé dans le cadre des ordonnances. Il s'agirait d'affecter à ce financement une partie du produit de la TVA et de celui de la CSG, les nouvelles ressources provenant donc tant des revenus que de la consommation.

Une telle solution, associant une taxe qui frapperait tous les produits, qu'ils soient fabriqués chez nous ou à l'étranger, et un impôt dont le montant serait proportionnel aux revenus, nous paraîtrait juste et équitable. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Ces mesures s'accompagneront d'un dispositif de contrôle et d'évaluation de l'effectivité des emplois créés.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à mettre en place un mécanisme de contrôle et d'évaluation des effets de la politique souhaitée par le Gouvernement. Il est en effet juste que lorsque le Parlement se trouve dépossédé de sa fonction de législateur, comme c'est le cas en l'occurrence, il puisse au moins disposer d'un droit de regard a posteriori.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements ?

M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. L'amendement n° 2 tend à la suppression de l'article 1er. On comprendra que nous y soyons défavorables, puisque nous soutenons le texte du Gouvernement.

L'amendement n° 3 vise à supprimer une disposition portant création du contrat « nouvelles embauches », mesure phare du texte que nous approuvons. Nous ne pouvons donc qu'émettre un avis défavorable.

L'amendement n° 4 a pour objet d'interdire le recours aux contrats « nouvelles embauches » pour le recrutement d'assistantes maternelles. Une telle disposition ne nous paraît pas vraiment utile, dans la mesure où les assistantes maternelles sont déjà soumises à un statut particulier. En effet, si j'ai bonne mémoire, nous avons légiféré dans ce sens le 27 juin dernier. Cependant, j'aimerais connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.

L'amendement n° 23 tend à restreindre le champ d'application du contrat « nouvelles embauches » aux entreprises de moins de dix salariés. Or, au terme d'une longue discussion, nous sommes parvenus à un consensus sur un seuil de vingt salariés. Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.

L'amendement n° 24 vise à limiter à seulement quatre-vingt-dix jours la période d'embauche. Nous souhaitons pour notre part que celle-ci soit plus longue, et nous émettons donc un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n° 5 a pour objet de prévoir que la rupture du contrat « nouvelles embauches » devra nécessairement être motivée. Tel n'est pas l'avis de la commission, qui estime que mieux vaut pouvoir entrer dans le monde du travail que rester à la porte de l'entreprise.

J'ajoute que la Cour de cassation, qui a développé une jurisprudence, saura, j'en suis persuadé, se montrer attentive s'agissant des contrats « nouvelles embauches ».

Enfin, il ne faut pas toujours noircir le tableau ! Il s'agit ici de petites entreprises, où des contacts directs existent, dans la plupart des cas, entre le salarié et le patron.

Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 13 rectifié, je ne puis donner l'avis de la commission, puisqu'elle n'a pu examiner la nouvelle version de l'amendement.

Cela étant, elle avait émis une réserve sur la rédaction initiale de l'amendement, considérant que les problèmes posés par le temps partiel devaient être examinés de manière plus globale. Je souhaiterais en outre, monsieur Mercier, que vous acceptiez de supprimer le dernier membre de phrase de la rédaction présentée, car c'est le temps de travail fractionné, et non pas le temps de travail décalé, qui pose problème.

Si M. Mercier acceptait cette suggestion, la commission émettrait un avis favorable sur l'amendement.

M. le président. Monsieur Mercier, acceptez-vous la rectification proposée par M. le rapporteur ?

M. Michel Mercier. Tout à fait, monsieur le président ! A mes yeux, l'essentiel, dans cette affaire, est bien entendu que l'on instaure comme contrepartie du contrat « nouvelles embauches » un dispositif social renforcé. En cas de rupture d'un tel contrat sur l'initiative de l'employeur, le salarié devra se trouver dans une situation plus favorable que s'il avait été titulaire d'un contrat à durée indéterminée.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 13 rectifié bis, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, et ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa (1°) de cet article par les mots :

, garantissant au salarié, pendant cette période, une indemnité en cas de rupture à l'initiative de l'employeur supérieure à celle résultant de l'application des règles de l'article L. 122-9 du code du travail ;

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. J'insiste sur le fait que nous devrons nous pencher sur le réel problème soulevé au travers du membre de phrase dont M. Mercier a accepté la suppression.

En ce qui concerne l'amendement n° 6, la commission n'est pas favorable à ce que l'on précise dès le stade de la loi d'habilitation ce que devra être le montant de l'indemnité due en cas de licenciement. C'est par la suite, à mon sens, que cette précision devra être apportée. Le Gouvernement pourra peut-être nous éclairer sur ses intentions à cet égard.

S'agissant de l'amendement n° 14, la commission est bien évidemment favorable à une démarche d'évaluation des politiques d'emploi. L'évaluation des dispositifs est pour elle une préoccupation récurrente, et je ne vois donc pas comment elle pourrait s'opposer à un tel amendement.

L'amendement n° 7 vise à supprimer le 2° de l'article 1er ; nos collègues socialistes comprendront que nous y soyons défavorables. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

En ce qui concerne l'amendement n° 15 rectifié, la commission n'a pas pu l'examiner dans sa forme rectifiée. Toutefois, à titre personnel, j'y suis favorable, car il précise de manière utile les droits du salarié en cas de rupture du contrat « nouvelles embauches ».

Pour ce qui est de l'amendement n° 25, il ne nous paraît pas opportun de créer une nouvelle taxe sur les salaires, car nous en avons déjà beaucoup. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 26, les employeurs ont déjà l'obligation de contribuer au financement de la construction de logements. Cet amendement n'apporterait donc rien de très nouveau à la situation existante. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

L'amendement n° 30 tend à renforcer les garanties apportées au titulaire du contrat « nouvelles embauches » en matière d'accompagnement. Une contribution à la charge des employeurs permettrait de financer cet accompagnement personnalisé. On aimerait savoir comment. Cependant, la commission n'y est pas défavorable : elle s'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.

L'amendement n° 16 vise à compléter les mesures qui ont été adoptées dans le cadre de la loi de programmation pour la cohésion sociale. Une négociation est en cours entre l'Etat, l'ANPE et l'UNEDIC pour signer une convention renforçant la coopération entre les différentes institutions du service public de l'emploi.

A l'échelon local, les maisons de l'emploi ont également vocation à opérer un tel rapprochement. Mais cet amendement vise la coordination au niveau du bassin d'emploi, ce qui est plus précis. Nous ne sommes pas opposés à cet amendement, mais nous souhaitons entendre l'avis du Gouvernement.

J'en viens à l'amendement n° 8 rectifié. Lorsqu'on compare le nombre d'entreprises de huit ou neuf salariés avec celui de dix salariés, on constate un réel décalage. L'effet de seuil induit par l'embauche du dixième salarié existe donc bel et bien. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

L'amendement n° 17 vise à réduire la portée de la disposition relative aux effets de seuils. Notre collègue Michel Mercier s'inquiète à juste titre des conséquences budgétaires de la mesure. La compensation par l'Etat du manque à gagner par les collectivités locales apparaît techniquement très difficile à réaliser. La commission est donc favorable à cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 9, la commission n'est pas in+sensible aux préoccupations du groupe socialiste. Elle estime néanmoins, en raison de la gravité de la situation - le taux de chômage des jeunes est d'environ 20 % - que toute autre préoccupation doit être subordonnée à l'objectif de création d'emploi pour les jeunes.

Par ailleurs, je rappelle que la mesure prévue pour les jeunes de moins de vingt-six ans s'applique déjà, sur l'initiative de gouvernements de gauche, aux apprentis et aux titulaires. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

La commission est également défavorable à l'amendement n°27.

S'agissant de l'amendement n° 10, la commission est favorable à la simplification des formalités administratives pour les PME. Le Gouvernement travaille aujourd'hui à la définition des modalités techniques du chèque-emploi, qui permettront de préserver les droits du salarié. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 18, nous savons que des réflexions sont en cours au ministère de la fonction publique en vue de la création d'un PACTE sénior, qui serait le pendant du PACTE junior mis en place par ordonnance. Il s'agirait de faciliter l'accès à la fonction publique aux demandeurs d'emploi âgés qui ont du mal à se réinsérer.

L'idée de nos collègues centristes nous paraît intéressante, mais nous craignons que cette mesure ne vienne contrarier les travaux en cours au sein du ministère. Nous souhaitons donc connaître l'avis du Gouvernement à cet égard.

Pour ce qui est de l'amendement n° 19, le problème soulevé par nos collègues du groupe de l'Union centriste-UDF est intéressant. La commission a d'ailleurs constitué en son sein un groupe de travail pour approfondir la question des minima sociaux. C'est dire si la question est complexe ! La commission demande donc le retrait de cet amendement.

S'agissant de l'amendement n° 11, la mesure fiscale envisagée par la disposition dont il prévoit la suppression tend à inciter les chômeurs de longue durée à reprendre un emploi. Comme la prime pour l'emploi créée par le gouvernement de Lionel Jospin, elle vise à rendre le travail plus intéressant que l'inactivité. La commission est donc défavorable à cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 12, nos collègues socialistes veulent supprimer une disposition innovante du projet de loi. Ils comprendront que la commission émette un avis défavorable.

Les auteurs de l'amendement n° 28 semblent ne pas avoir compris que la prime est versée non pas à l'entreprise, mais à l'employé. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

L'amendement n° 20 nous invite à envisager la mise en oeuvre, par voie d'ordonnance, d'une importante réforme du financement de notre protection sociale. Il s'agit là d'un dossier très lourd que le Gouvernement aura du mal à traiter dans le délai de deux mois prévu pour la publication des ordonnances, d'autant que les pistes envisagées font l'objet d'un débat.

Cette mesure aurait davantage sa place dans la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement.

J'en viens enfin à l'amendement n° 29. Nous sommes bien sûr favorables à ce que le Gouvernement s'inscrive dans une démarche de contrôle et d'évaluation de l'efficacité des mesures prises par ordonnance. Pour autant, nous ne pensons pas qu'il faille créer un dispositif particulier pour l'occasion. C'est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement. A défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président, avant de donner l'avis du Gouvernement, je souhaite répondre à M. Godefroy, qui m'a posé plusieurs questions.

Le Gouvernement vous confirme, monsieur Godefroy, qu'il faudra, bien entendu, un contrat écrit. De même, la rupture devra être notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception. Il ne sera pas nécessaire que ce courrier précise le motif de la rupture ; je reviendrai sur les motivations d'ordre public.

En contrepartie, nous souhaitons que l'indemnité, qui sera plus importante que dans le système antérieur, puisse être payée immédiatement, et non pas après des procédures judiciaires complexes et incertaines, pour un salarié parfois démuni. De plus, l'indemnité sera acquise quoi qu'il arrive, à l'exception de la faute lourde.

Il sera toujours possible de saisir le juge en cas d'abus, notamment s'il y a discrimination, conformément à l'article L. 122-45 du code du travail.

Dans un souci de sécurité juridique, nous proposerons de reconduire les dispositions qui ont été adoptées lors de l'examen de la loi de programmation pour la cohésion sociale en matière de délai de recours pour les licenciements économiques : un délai de prescription d'un an, sous réserve que ce délai ait été indiqué dans la lettre recommandée avec accusé de réception, de façon que chacun sache à quoi s'en tenir.

S'agissant des employés de maison, monsieur Godefroy, ceux-ci relèvent, vous le savez, d'un régime spécifique : il s'agit du livre VII du code du travail. Bien entendu, ces règles continueront de s'appliquer. La rupture sera notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception.

En ce qui concerne l'élargissement du champ de la mesure, la réponse du Premier ministre est claire : les entreprises de vingt salariés.

Enfin, le dispositif du chèque-emploi s'appliquera aux entreprises de petite taille, cinq salariés au maximum. Il s'agit d'une aide aux formalités administratives. De toute façon, le seuil sera très inférieur au chiffre de vingt salariés qui est retenu pour la définition des TPE.

Par conséquent, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 2, 3, 4.

M. Jean-Pierre Godefroy. C'est dommage !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 23.

En ce qui concerne l'amendement n° 24, notre idée est vraiment d'aller vers une consolidation de l'emploi, de sortir du CDD de quatre mois ou quatre mois et demi, qui est le lot commun de la TPE. Il faut aller en pente douce vers des contrats de vingt-quatre mois. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 5.

J'en viens aux amendements nos  13 rectifié bis et 15 rectifié. Nous partageons, monsieur Mercier, votre souci de garantir au salarié embauché en contrat « nouvelles embauches » des droits globalement plus favorables, en cas de rupture, à ceux dont il bénéficiait, dans le cadre de l'application des règles de droit commun du code du travail, pour le contrat à durée indéterminée, en matière tant d'indemnités de licenciement que de reclassement.

A cet égard, deux amendements précisent les choses. Le principe consiste à accorder une indemnité de rupture plus importante que celle qui est prévue à l'article L. 122-9 du code du travail, qui est nulle pendant deux ans ; je le rappelle, parce qu'on a tendance à l'oublier. En écoutant les uns et les autres, on a le sentiment qu'avant c'était le bonheur, alors que 70 % des salariés étaient en CDD et que ceux qui étaient en CDI n'avaient pas droit à une indemnité pendant deux ans en cas de licenciement.

Nous essayons de réduire le nombre de CDD, d'aller vers la consolidation, d'améliorer les conditions de rupture, y compris par rapport aux CDI de droit commun, ainsi que les conditions de reclassement.

Nous sommes donc favorables aux amendements nos 13 rectifié bis et 15 rectifié.

En revanche, nous sommes défavorables à l'amendement n° 6. Nous voulons, précisément, abandonner la logique du CDD, notamment pour les TPE. En conséquence, l'architecture qui consiste à rapprocher ce contrat du CDD ne peut pas nous convenir.

En ce qui concerne l'amendement n° 14, qui tend à prévoir le principe d'une évaluation du dispositif du contrat « nouvelles embauches », l'avis du Gouvernement est, bien évidemment, favorable. Une telle évaluation paraît en effet indispensable.

S'agissant de l'amendement n° 7, j'ai un peu de mal à le comprendre, car il vise à supprimer le revenu de remplacement. Ce dispositif doit sans doute être évalué. Mais l'idée est de permettre à des salariés, qui prennent le risque de s'engager dans la voie professionnelle dans une toute petite entreprise, de bénéficier de droits complémentaires si, pour des raisons diverses et variées, ils n'atteignaient pas les 180 jours.

On peut débattre du revenu de remplacement, mais le fait de vouloir le supprimer paraît surprenant. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

L'amendement n° 25 est en contradiction avec l'amendement n° 7, puisqu'il vise à faire financer le revenu de remplacement par une taxation sur l'emploi précaire. Je le rappelle, le Gouvernement a prévu de financer le reclassement des salariés par une faible taxe. Il émet donc un avis défavorable.

L'amendement n° 26 touche au problème du logement. Il n'a donc pas sa place dans ce projet de loi. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.

L'amendement n° 16 vise à prévoir une coordination entre l'ANPE et l'ASSEDIC dans chaque bassin d'emploi. Le Gouvernement est très favorable à ce principe. D'ailleurs, c'est ce que nous mettons en place dans le cadre de la loi du 18 janvier 2005, que le Sénat a améliorée : c'est l'objet de la convention tripartite que nous élaborons actuellement et des maisons de l'emploi.

Simplement, monsieur Mercier, laissez-nous le temps d'organiser ce rapprochement sur le terrain, sans donner une impression de brutalité, en respectant l'identité des uns et des autres. D'ailleurs, toute la journée, les quatre cents cadres de l'ANPE ont été réunis et nous rencontrons ceux de l'UNEDIC à la fin de la semaine prochaine.

Nous sommes d'accord sur la philosophie générale, mais, compte tenu de la bonne volonté des différents réseaux, il serait préférable que vous acceptiez de retirer votre amendement.

L'amendement n° 8 rectifié visant à supprimer le 3° de l'article 1er, le Gouvernement y est, bien évidemment, défavorable. Comme l'a excellemment dit M. le rapporteur, les chiffres concernant les effets de seuil sont éloquents.

L'amendement n° 17 apporte un soutien du groupe Union centriste-UDF à la fois au projet de loi d'habilitation, aux ordonnances à venir et au financement des différentes collectivités territoriales. Le Gouvernement y est donc favorable.

L'amendement n° 9 vise à supprimer le 4°de l'article 1er au motif que cette disposition bouleverserait les seuils. Or il existe déjà de tels dispositifs, notamment pour les contrats aidés et les contrats d'apprentissage, depuis 1985. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

L'amendement n° 27 vise à supprimer l'utilisation de la formidable capacité de formation professionnelle des institutions de la défense dans le cadre de leur réorganisation.

Les institutions de la défense forment des jeunes à une grande diversité de métiers. Ne pas les utiliser serait se priver d'un outil remarquable. Aucun parlementaire qui a pu voir fonctionner un service militaire adapté - il y en a un dans tous les départements d'outre-mer, notamment à Saint-Pierre à la Réunion, qui enregistre un taux de placement de 92 % - ne peut soutenir cet amendement de suppression. Le Gouvernement y est donc défavorable.

L'amendement n° 10 étant, lui aussi, un amendement de suppression, le Gouvernement y est défavorable. Le dispositif envisagé représente une mesure technique et opérationnelle de simplification. Il n'a pas d'incidence sur les obligations juridiques de l'employeur à l'égard des salariés ni, bien entendu, sur le respect des différentes conventions collectives.

Le Gouvernement est bien entendu favorable à l'amendement n° 21, tout en précisant que cette mesure n'exclut ni la déclaration préalable ni le registre unique. Mais, à l'évidence, cette précision allait de soi dans l'esprit de M. le rapporteur. (Sourires.)

L'amendement n° 18 vise à permettre aux RMIstes de plus de cinquante-quatre ans de bénéficier d'un CDI avec une collectivité locale ou un établissement public.

Le pacte junior est en route ; le pacte senior est à l'étude. Il est d'ores et déjà prévu de supprimer les limites d'âge pour les concours. Faire des propositions en direction des plus de cinquante ans, outre les contrats d'avenir réservés aux bénéficiaires de l'ASS ou du RMI, qui, je le rappelle, sont limités à cinq ans, est une voie qui est ouverte. Mais il serait préférable d'aborder cette question avec le ministère de la fonction publique dans le cadre du pacte senior, plutôt qu'au détour d'une ordonnance.

Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement.

L'amendement n° 19 a trait à un sujet essentiel. A cet égard, je tiens à souligner le travail réitéré de la commission des affaires sociales du Sénat et le remarquable rapport de Mme Valérie Létard, à la suite duquel la commission a décidé de créer un groupe de travail pour approfondir les pistes. C'est en effet indispensable !

Je ne sais pas si ses conclusions déboucheront sur une proposition de loi ou sur un aménagement du projet de loi « Habitat pour tous » ou des mesures de cohésion sociale. Car, en la matière, on le sait bien, il faut sans cesse adapter, affiner en fonction des difficultés rencontrées. En tout cas, la ligne directrice est clairement la bonne.

Cela étant, pour des raisons d'efficacité, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement Je ne vois pas comment on pourrait faire entrer ce dispositif dans le cadre du projet de loi d'habilitation.

En ce qui concerne les amendements n°s 11 et 12, à l'instar de M. le rapporteur, je pense qu'il y a un problème de compréhension : il ne s'agit pas d'une défiscalisation !

M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Cette mesure constitue une aide directe à destination du salarié, ...

M. Alain Gournac, rapporteur. Eh oui, pas des entreprises !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... jeune ou demandeur d'emploi de longue durée, qui reprend une activité.

Ce qui vous a probablement induit en erreur, monsieur Godefroy, c'est le fait que la mécanique n'est pas budgétaire : il s'agit d'un crédit d'impôt. Je vous rassure, cette confusion a également eu lieu à l'Assemblée nationale.

Dans la mesure où ces deux amendements semblent être le fruit d'une incompréhension, le Gouvernement en demande le retrait. A défaut, il émettra un avis défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 28, les mêmes causes produisant les mêmes effets, le Gouvernement en demande également le retrait. Sinon, il émettra un avis défavorable.

L'amendement n° 20 fait partie des grandes avancées du groupe de l'Union centriste. D'ailleurs, depuis aujourd'hui, nous avons à disposition le rapport de M. Arthuis, qui représente une contribution essentielle à ce chantier, sur lequel nous sommes déterminés à avancer. Compte tenu de la gravité du sujet, le Gouvernement proposera de créer un groupe de travail, qui pourrait d'ailleurs comprendre des membres de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Tout en confirmant l'intérêt du Gouvernement pour ce dispositif, du moins en ce qui concerne la réflexion générale relative à l'assiette du financement de la protection sociale, je vous demande, monsieur Mercier, de bien vouloir retirer votre amendement ; il n'a pas sa place dans le présent projet de loi d'habilitation.

Enfin, l'amendement n° 29 prévoit l'institution d'un dispositif de contrôle et d'évaluation de l'effectivité des emplois créés. Le Gouvernement préfère -  j'espère que vous ne lui en voudrez pas, Madame Boumediene-Thiery - la rédaction de l'amendement de M. Michel Mercier sur le même sujet. En conséquence, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. A défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Godefroy, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Godefroy. M. le ministre a apporté un certain nombre de précisions, mais il n'a pas totalement répondu à nos inquiétudes. Cela montre bien qu'il aurait fallu prendre le temps de débattre. En effet, au fur à mesure de l'examen de ce texte, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, peu à peu, nous parvenons à y voir plus clair.

C'est la raison pour laquelle nous maintenons cet amendement et notre demande de scrutin public.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 195 :

Nombre de votants 301
Nombre de suffrages exprimés 301
Majorité absolue des suffrages exprimés 151
Pour l'adoption 105
Contre 196

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 4. (Marques d'impatience sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Mes chers collègues, nous avons encore du temps ! Il était prévu que nous siégions durant toute la journée de demain ! (Sourires.)

M. Michel Mercier. Exactement !

M. Alain Gournac, rapporteur. Et d'abord cette nuit !

M. Jean-Pierre Godefroy. Cela ne me dérangerait pas !

Monsieur le ministre, je regrette que vous ayez émis un avis défavorable sur cet amendement. J'ai bien entendu vos arguments, mais la question des assistantes maternelles a été assez difficile à traiter et n'a abouti qu'au terme d'une longue démarche. Les intéressées étaient très contentes de la loi telle qu'elle était, malgré certaines insuffisances. Véritablement, écrire dans le projet de loi que les assistantes maternelles sont exclues du champ de l'ordonnance représenterait, pour elles, une sécurité.

Cela lèverait tout risque d'ambiguïté. En effet, la discussion de ce projet de loi d'habilitation ayant lieu après la promulgation de la loi relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux, je crains qu'il ne puisse y avoir un doute dans l'esprit de certains.

J'aurais vraiment préféré qu'il soit écrit dans le texte que les assistantes maternelles ne sont pas concernées par le projet de loi d'habilitation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote sur l'amendement n° 13 rectifié bis.

M. Michel Mercier. J'ai volontiers accepté une seconde rectification de l'amendement n° 13, devenu ainsi l'amendement n° 13 rectifié bis, de sorte que les dispositions relatives aux salariés à temps partiel et aux plages de travail décalées ont disparu. Cependant, je demanderai aux sénatrices du groupe UC-UDF de déposer un amendement idoine sur le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, texte qui viendra en discussion la semaine prochaine et qui constituera un meilleur véhicule législatif.

M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

M. Michel Mercier. Le groupe UC-UDF vote cet amendement et soutient donc le Gouvernement !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur Mercier, l'amendement n° 16 est-il maintenu ?

M. Michel Mercier. J'ai beaucoup apprécié les commentaires de M. le ministre sur les amendements que j'ai présentés au nom de mon groupe, notamment chaque fois qu'il a précisé que l'on ne pouvait pas régler la question par ordonnance. (Sourires.) Cela prouve que M. le ministre est réservé vis-à-vis de la procédure des ordonnances, position que je me plais à souligner et qui ne manque pas de susciter mon intérêt...

Toutefois, nous discutons d'un projet de loi d'habilitation, et je veux rappeler au Gouvernement que c'est le seul cas de figure dans lequel nous, pouvoir législatif, pouvons donner des injonctions au pouvoir exécutif parce que c'est notre pouvoir législatif qui est délégué.

Nous ne nous adressons pas du tout aux futurs « bénéficiaires » de la loi, nous encourageons le Gouvernement à agir, en l'occurrence nous l'incitons à réunir l'ANPE et l'ASSEDIC ! Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que c'est ce que vouliez faire.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. C'est ce que nous faisons !

M. Michel Mercier. Raison de plus pour laisser le Parlement vous encourager dans cette voie ! Or nous avons un seul moyen de le faire, c'est de proposer cet amendement. C'est la raison pour laquelle je le maintiens.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 16.

M. Jean-Pierre Godefroy. Les arguments de M. Mercier ont fini de nous convaincre. Nous voterons donc cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 17.

Mme Nicole Bricq. Nous voterons cet amendement du groupe UC-UDF.

Lors de la dernière séance de questions d'actualités au Gouvernement, j'avais soulevé par avance le problème de l'exonération du versement transport s'agissant des transports publics en Ile-de-France. Nous déplorons que, par ailleurs, les prélèvements destinés au financement du logement et de la formation soient exonérés.

Le Gouvernement s'est rangé aujourd'hui à la proposition du groupe UC-UDF sur le versement transport. Je vous rappelle que le manque à gagner total sur l'ensemble du territoire avait été estimé à 450 millions d'euros et que la compensation reste très aléatoire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 9.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous ne pouvons pas souscrire à l'idée que des jeunes de moins de vingt-six ans qui jouissent de la plénitude de leur citoyenneté - ils peuvent être élus maires, députés, conseillers municipaux, conseillers régionaux ou conseillers généraux - soient exclus de la citoyenneté dans l'entreprise sous prétexte qu'ils vont bénéficier de dispositions particulières pour leur permettre d'être embauchés.

L'entreprise n'est pas un lieu clos où la citoyenneté ne peut pas s'exercer.

Vous savez très bien, monsieur le ministre, que, dans certains secteurs, que ce soit la restauration rapide ou la vente de disques, par exemples, où une très forte proportion de salariés sont des jeunes, il est déjà très difficile pour les organisations syndicales de constituer une cellule syndicale pour, au moins, les représenter.

Si ces jeunes de moins de vingt-six ans ne peuvent ni être représentés ni voter, il s'agit tout d'abord d'un déni de justice. Il est évident que l'on désarme complètement ces salariés en leur ôtant toute représentation.

Vraiment, monsieur le ministre, je ne vois pas l'utilité d'ouvrir cette « parenthèse » dans les garanties offertes aux salariés.

Un jeune de vingt-six ans n'en est pas moins un citoyen et à ce titre jouit de tous les droits que lui confère sa citoyenneté dans la République ; il ne peut pas les perdre quand il entre dans l'entreprise, et ce quelles que soient les conditions dans lesquelles il aura été embauché et quel que soit la nature de son contrat ! Ce n'est pas possible !

Le groupe socialiste demande donc un scrutin public sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 196 :

Nombre de votants 302
Nombre de suffrages exprimés 302
Majorité absolue des suffrages exprimés 152
Pour l'adoption 105
Contre 197

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 27.

M. Jean-Pierre Godefroy. Mme Boumediene-Thiery me pardonnera, mai nous ne voterons pas cet amendement, et je m'en explique.

Depuis 2001-2002, la commission armée-jeunesse, que le ministre de la défense connaît bien, avance sans relâche la proposition d'adapter à la métropole un service militaire ad hoc existant actuellement pour l'outre-mer, mais sans succès auprès des ministres concernés.

Ainsi, en juillet 2003, les sénateurs Masseret et Pelchat élaborèrent un rapport d'information, n°380, 2002-2003, sur l'expérimentation en métropole du soutien militaire à l'insertion des jeunes. A cette occasion, les rapporteurs avaient évalué les risques et les obstacles - notamment le cadre juridique, le financement, le contenu de la formation - d'une extension à la métropole du système existant outre-mer.

Considérant que, malgré l'intérêt d'un tel dispositif, il fallait agir avec méthode et prudence, ils se sont prononcés alors pour l'expérimentation d'un système militaire d'aide à l'insertion des jeunes en situation difficile complémentaire des dispositifs civils et adapté à la métropole. Ils signalaient également dans leurs conclusions que « ce dispositif devrait être mis en oeuvre sans surcoût notable pour les armées, sous la tutelle conjointe des ministres de la défense et des affaires sociales avec un fort appui des régions ».

Or jamais le gouvernement précédent n'a voulu donner suite à cette demande d'expérimentation ! Aujourd'hui, changement de cap : quelques petites phrases dans le projet de loi, et le tour est joué. Cette initiative, hier encore inadaptée, devient une mesure phare dans le plan d'urgence d'un gouvernement créateur de chômage, qui se voudrait créateur d'emplois.

Cependant, le projet que le Premier ministre nous présente aujourd'hui se caractérise par le flou qui l'entoure. Jugez-en vous-mêmes, mes chers collègues.

On se propose de mettre en place, en s'inspirant du modèle relatif à la formation professionnelle des volontaires stagiaires du service militaire adapté en vigueur outre-mer, un dispositif d'accompagnement et d'insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté leur permettant l'obtention de diplômes ou de titres professionnels, et assorti d'un statut adapté aux exigences particulières de cette formation.

De quoi s'agit-il précisément ? Les informations en la matière sont maigres ; on nous dit que ce dispositif pourra être proposé aux jeunes qui quittent chaque année le système scolaire sans diplôme ou qualification, évalués aujourd'hui à 60 000 par an.

Ce « service militaire adapté » sera-t-il proposé à tous ces jeunes gens ? Comment croire que les fortes réticences du ministère de la défense, qui craint pour son budget, aient pu disparaître du jour au lendemain ? Les gouvernements successifs de M. Raffarin ont en effet toujours refusé de s'engager dans cette voie.

Nous savons que ce type de dispositif ne peut fonctionner que si des moyens humains et financiers importants lui sont alloués. Or ce projet arrive apparemment sans concertation avec les ministères concernés, sans véritable étude d'impact technique et financière sur le passage d'un « volontariat militaire » en outre-mer, qui concerne à peine 2 200 jeunes, à la population « ciblée » en métropole, au moins dix fois plus importante.

Au stade actuel, monsieur le ministre, votre proposition concernant le service militaire adapté manque de précision sur des points essentiels et de nombreuses questions demeurées en suspens mériteraient pourtant des réponses.

Quel pourrait être le statut des jeunes s'insérant dans ce dispositif ? S'agira-t-il de volontaires dans les armées ? Auront-ils le statut militaire ? Quel est le niveau d'indemnisation retenu ? Quel sera le régime de rattachement à la sécurité sociale ? Va-t-on placer les jeunes en internat avec un encadrement militaire ? Seront-ils formés par des militaires ou par des formateurs civils ? Quel sera le statut de l'encadrement et son autorité de tutelle ? Quels seront les contenus de la formation militaire et de la formation professionnelle civile ? Quelle pourrait être la durée de la « formation » ? Des prolongations seront-elles possibles ? Quel est le financement d'un dispositif adapté à 20 000 jeunes aujourd'hui et à 60 000 demain ? Le financement sera-t-il imputé sur le budget des armées ? Quel est le lien entre les dispositifs civils d'insertion déjà existants et le service militaire adapté en métropole ?

Toutes ces questions auraient pu faire l'objet d'un débat propre à susciter notre adhésion, car nous ne voulons pas laisser au bord du chemin nos jeunes les plus démunis, sans avenir et en proie à la désespérance.

En d'autres termes, le Gouvernement nous demande de signer un chèque en blanc !

Dans notre pays, près d'un jeune sur quatre est au chômage : c'est insupportable ! Nous voulons que des mesures actives et efficaces leur soient proposées - nous l'avons fait entre 1997 et 2001 -, mais il n'est pas question de laisser croire, comme vous le faites aujourd'hui, que « l'insertion des jeunes sans diplôme ni qualification » se fera d'un coup de baguette magique, fût-elle militaire !

Une telle mesure méritait mieux que ce passage en force, que cette application virtuelle risquant de gâcher les chances de faire réussir une bonne initiative qui, avec une autre volonté politique, dans d'autres circonstances et avec les moyens financiers appropriés, aurait pu venir en aide à des milliers de jeunes gens.

Je pense sincèrement que la procédure des ordonnances n'est pas du tout adaptée à un sujet aussi important.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur Mercier, l'amendement n° 18 est-il maintenu ?

M. Michel Mercier. Je tiens beaucoup à cet amendement. En effet, le nombre de bénéficiaires du RMI est en constante augmentation et il faut vraiment se donner tous les outils, avec le moins de conditions possible, pour essayer de leur trouver un emploi.

Dans le département du Rhône, qui est celui que je connais le mieux, on a enregistré 1 000 nouveaux bénéficiaires du RMI par mois au cours du dernier trimestre. J'ai donc fait ce que tout gestionnaire doit faire : nous avons rencontré individuellement 6 000 bénéficiaires du RMI, nous avons essayé de voir où ils en étaient et nous leur avons fait des propositions. A la fin de l'année, les 32 000 bénéficiaires du RMI du département auront tous un contrat d'insertion et un référent ; j'y tiens absolument.

Néanmoins, il nous restera l'essentiel à faire, à savoir leur trouver une activité. Quant à savoir si ce sera dans le secteur marchand ou dans le secteur non marchand, j'ai presque envie de dire que le problème n'est pas là. Evidemment, le secteur marchand serait préférable, mais l'essentiel est d'avoir une activité. Un département ne peut pas vivre avec autant de bénéficiaires du RMI, même si, sur les 32 000 RMIstes que compte le Rhône, près de la moitié ont des problèmes de santé relevant notamment de la psychiatrie, secteur dans lequel il reste beaucoup à faire.

Par cet amendement tout simple, nous voulons interpeller le Gouvernement.

Vous avez créé les contrats d'avenir et les contrats d'accompagnement dans l'emploi ? C'est très bien, et nous y sommes favorables, mais il convient à présent de supprimer toutes les conditions !

Vous prévoyez aujourd'hui des dispositions en faveur des jeunes ? C'est encore très bien, et nous y sommes toujours favorables, mais ajoutez une mesure pour les RMIstes de plus de cinquante-quatre ans : s'ils trouvent un emploi dans une collectivité locale, offrez-leur la possibilité de l'occuper jusqu'à la date de leur départ à la retraite et non pas simplement pendant trois ans, comme prévu !

Cet amendement n'a pas d'autre objet. A cet égard, il concourt tout à fait au but que se fixe le Gouvernement, donc je le maintiens !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 18.

M. Jean-Pierre Godefroy. Le 7° de l'article 1er vise la suppression de la limite d'âge pour l'accès aux trois fonctions publiques et la mise en oeuvre du « PACTE junior ».

La suppression de la limite d'âge n'est pas une mesure innovante et sa portée est plus symbolique que réelle. En effet, dès aujourd'hui, les limites d'âge aux concours de la fonction publique territoriale sont supprimées et un très grand nombre de dérogations existent pour la fonction publique d'Etat.

Le dispositif de l'ordonnance sera-t-il conforme à la proposition de loi de M. Serge Poignant, adoptée en première lecture en avril 2004, ou bien à l'avant-projet de loi soumis au Conseil supérieur de la fonction publique le 16 juin dernier ? Selon ce dernier texte, la condition d'âge serait limitée aux emplois classés en service actif, comme les pompiers. Des limites d'âge pourraient également être prévues pour certaines carrières de haut fonctionnaire qui exigent une formation initiale longue, afin de préserver un équilibre entre le coût de la formation et la durée des services susceptibles d'être effectués par l'agent.

Encore une fois, plusieurs questions restent en suspens. Quelle sera l'attractivité de ce dispositif si l'intégration après la réussite au concours se fait au premier échelon ? Quelle est l'articulation avec l'ensemble des réformes en cours, notamment avec le décret de mars 2004 fixant l'âge maximal à trente-cinq ans pour la voie interne de recrutement à l'ENA ? Est-il exact qu'un décret porterait l'âge limite de recrutement à l'ENA par la voie externe à quarante ans ?

Quel sera le mode de calcul des pensions pour des carrières mixtes public-privé ? Les personnes ayant accompli moins de quinze ans en tant que fonctionnaire ne bénéficieraient pas, selon le système actuel, de la retraite proportionnelle de la fonction publique et seraient reversées au régime général, auquel elles devraient payer un rappel de cotisations : ce système sera-t-il maintenu ? Quelles seront les conséquences sur les carrières et la gestion des corps ?

Le « PACTE junior » a pour objet de permettre l'accès à la fonction publique de jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans sortis du système scolaire sans diplôme ni qualification, avec un niveau inférieur au baccalauréat.

Ces jeunes bénéficieraient d'un pré-recrutement par contrat, pour deux ans au maximum, dans des emplois de catégorie C. Une formation en alternance leur serait ouverte, celle-ci ne pouvant excéder 20 % de la durée du contrat. La rémunération serait de 55 % à 70 % du SMIC, comme pour un contrat de professionnalisation. L'employeur serait exonéré de cotisations sociales.

A l'issue du contrat, le jeune, sous réserve de l'obtention du diplôme préparé, passerait un examen d'aptitude professionnelle - et non un concours - lui permettant, en cas de succès, d'être titularisé.

Il est évident que la situation de l'emploi a entraîné la ruée des diplômés sur les concours de la fonction publique, et que des « bacs+3 » occupent des emplois de catégorie C. Cela est aussi frustrant pour eux que pour les non-diplômés, qui n'ont plus aucune chance de réussir aux concours du fait de cette concurrence.

Le gouvernement précédent avait pris conscience de cette situation et tenté d'y porter remède en mettant en place des recrutements sans concours pour la catégorie C, dans le cadre du plan de résorption de l'emploi précaire.

Dans le nouveau dispositif, plusieurs questions se posent, en particulier celle du niveau des rémunérations, qui semble faible pour des jeunes en difficulté. Ne risque-t-on pas de recréer une catégorie D ?

La formation prévue - 20 % de la durée du contrat, c'est-à-dire 240 heures au maximum sur deux ans - est-elle suffisante ? Comment sera-t-elle financée ? Quel sera le rôle du tuteur ?

Le Gouvernement ne serait-il pas en train d'annoncer, une nouvelle fois, une mesure dont l'organisation et le financement sont laissés à d'autres, peut-être aux collectivités territoriales ?

Monsieur le ministre, quand vous nous avez proposé votre plan de cohésion sociale, nous étions favorables à cette idée qui figurait dans l'objectif 4. Depuis un an, malgré nos rappels, il n'était plus question de cette mesure, mais elle revient subitement à l'ordre du jour avec ce projet de loi d'habilitation : est-ce la bonne méthode ?

Quoi qu'il en soit, nous apporterons notre soutien à l'amendement n° 18 de M. Mercier.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Mercier, l'amendement n° 19 est-il maintenu ?

M. Michel Mercier. Je me range tout à fait à l'avis de M. le ministre, qui a parfaitement raison : cet amendement est très intéressant, mais la procédure des ordonnances n'est vraiment pas adaptée à la mesure que je propose ! (Sourires.) C'est tellement vrai que je retire mon amendement. Pour le reste, si le ministre arrivait à se persuader lui-même, ce serait un réel progrès.

Nous déposerons donc une proposition de loi, qui sera naturellement soutenue par le Gouvernement, comme M. le ministre nous l'a annoncé !

M. le président. L'amendement n° 19 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Mercier, l'amendement n° 20 est-il maintenu ?

M. Michel Mercier. Une fois de plus, la commission et le Gouvernement me demandent de retirer cet amendement au motif que la procédure des ordonnances n'est pas adaptée à la réforme de la sécurité sociale.

Je fais pourtant observer à ces deux éminents spécialistes que, s'il est un domaine où l'on a toujours procédé par ordonnances, c'est bien celui-là !

Mais je constate que, ce soir, M. le ministre et M. le rapporteur s'entendent pour nous promettre que l'on ne recourra plus aux ordonnances en ce qui concerne la sécurité sociale. Je m'incline donc devant ce progrès de la démocratie (Sourires) et je retire l'amendement !

M. le président. L'amendement n° 20 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Art. 1er
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 2

Les ordonnances doivent être prises dans un délai de deux mois suivant la publication de la présente loi. Pour chaque ordonnance, un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de sa publication. - (Adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, souhaitant réunir mon groupe afin que nous arrêtions notre position sur l'ensemble du projet de loi, je sollicite une suspension de séance.

M. Robert Del Picchia. De trois heures ? (Sourires.)

M. Michel Mercier. Mon cher collègue, nous arrivons à nous décider bien plus vite que cela ! (Sourires.)

M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à la demande du président du groupe de l'UC-UDF.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Vote sur l'ensemble

Art. 2
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

M. Michel Mercier. Au terme de ce débat sur le projet de loi d'habilitation, débat qui a été relativement court, mais très intéressant, je voudrais remercier tous ceux qui l'ont animé : notre rapporteur, le président de la commission des affaires sociales, les ministres qui se sont succédé au banc du Gouvernement. Notre groupe a apprécié l'atmosphère dans laquelle nos travaux se sont déroulés.

Ainsi que je l'avais déclaré dans mon intervention liminaire, nous sommes par principe opposés à la procédure des ordonnances, et le cas présent ne fait pas exception.

Nos débats le montrent à l'évidence, il aurait suffi d'adopter quelques amendements judicieusement déposés par le Gouvernement sur le projet de loi relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, texte que nous avons adopté il y a quelques jours, pour régler les questions juridiques que l'on nous demande d'autoriser le Gouvernement à régler demain par ordonnance !

Comme on peut l'imaginer, nous aurions discuté, amélioré et voté ces amendements du Gouvernement. Il y aurait eu débat et tout se serait bien passé. Mais non, le choix fut fait du recours aux ordonnances : nous pouvons le comprendre, mais nous n'y souscrivons pas. C'est la raison pour laquelle nous avons tenu à déposer des amendements.

Je veux remercier M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, qui a fait la preuve de son ouverture d'esprit. Un certain nombre de nos amendements ont été adoptés ; d'autres non, mais ils furent pour certains d'entre eux l'occasion de certaines ouvertures.

Nous sommes conscients, monsieur le ministre, des efforts que vous avez faits personnellement, et au nom du Gouvernement. Nous sommes très satisfaits que des amendements aient été adoptés visant à compenser réellement, concrètement, de manière palpable et importante, la flexibilité qui est accordée à l'entreprise dans le cadre du « contrat nouvelles embauches ».

Les salariés ne se sentiront pas abandonnés dans une formule contractuelle sans garanties sociales. Quant aux entreprises, qui jouiront désormais d'une plus grande liberté, je souhaite qu'elles créent des emplois et de la richesse, pour mieux revenir ensuite aux contrats de droit commun, qui devront se substituer aux « contrats nouvelles embauches ».

Nous ne sommes pas opposés à ces contrats-là dès lors qu'ils offrent de vraies compensations.

Il est possible que je me trompe, mais je crois que ceux de nos amendements que vous avez acceptés, monsieur le ministre, donneront aux salariés titulaires de ce contrat de vraies garanties, concrètes et palpables, tant sur le plan financier que sur le plan indemnitaire, d'un niveau plus élevé que dans le cadre d'un contrat à durée indéterminé de droit commun. De surcroît, la formule permettra un vrai suivi du chômage, ce qui est très important à nos yeux.

Par conséquent, même si le groupe UC-UDF reste totalement opposé au recours à la procédure des ordonnances, aucun de ses membres ne votera contre ce texte. Nous consentons ici un effort extrêmement important, monsieur le ministre, car, encore une fois, ce n'est pas la bonne méthode, comme vous avez eu l'occasion de le reconnaître vous-même lors de l'examen de certains de nos amendements. D'autant que, si le Gouvernement a fait quelques pas - il faut le reconnaître -, il n'en demeure pas moins qu'ils auraient pu être un peu plus nombreux.

Je regrette ainsi que nous ne soyons pas parvenus à des solutions plus claires, plus simples, plus efficaces et plus directes en faveur des titulaires du RMI de plus de cinquante-quatre ans. L'honnêteté impose en effet de reconnaître que les outils dont nous disposons sont sans doute bons, mais tellement compliqués qu'il faut être un spécialiste pour pouvoir s'en servir.

Si nous disposions, d'ici au 13 juillet prochain, c'est-à-dire d'ici à l'interruption de nos travaux, d'un petit créneau, nous pourrions ôter du texte une partie des conditions ouvrant droit à un emploi aidé. Ce serait une très bonne chose. En effet, même si vous avez fait des efforts dans ce domaine, monsieur le ministre, les dispositifs sont encore trop compliqués. Il faut à tout prix que nous puissions aller plus vite.

Pour toutes les raisons qui précèdent, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les membres du groupe UC-UDF soit s'abstiendront soit apporteront leur soutien au texte du Gouvernement. (M. le président de la commission des affaires sociales applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Le Gouvernement justifie le recours aux ordonnances par l'urgente nécessité de sauver le modèle social français. Pourtant, une fois de plus, chacune des mesures que vous vous apprêtez à mettre en oeuvre dès la rentrée de septembre, monsieur le ministre, engagera notre pays encore plus loin, selon nous, dans la voie du « moins disant social ».

Depuis trois ans, notre pays est en état de déprime économique et sociale. A cet égard, le passif des gouvernements Raffarin dans le domaine de l'emploi est éloquent. Nous assistons en effet à une aggravation générale du chômage, du chômage de longue durée, du chômage des jeunes, du chômage des femmes. Et la précarité ne cesse de progresser.

Au bout de trois ans, le Gouvernement a enfin compris que la lutte contre le chômage est une priorité. Il a fallu attendre le 29 mai dernier pour cela. Pour autant, vous n'infléchissez pas votre politique, monsieur le ministre. Au contraire, vous allez toujours plus loin : c'est le credo libéral qui triomphe et M. Seillière, qui quitte le MEDEF, peut partir satisfait : mission accomplie !

Mis en accusation, le code du travail continue, lentement mais sûrement, d'être démantelé. Les mesures nouvelles que vous proposez constituent autant de nouveaux reculs sociaux que vous imposez aux Français, creusant ainsi encore un peu plus les inégalités entre les salariés des petites entreprises et les autres, ouvrant de nouvelles brèches dans les dispositions de notre législation sociale qui protégent les salariés.

La lutte pour l'emploi passe, selon nous, non pas par la dérégulation du marché du travail, mais par une politique économique de soutien de la croissance et de la consommation et par une politique active de soutien de l'emploi. Les entreprises embauchent si elles en ont besoin, si elles ont des débouchés. Elles ont besoin de salariés formés et impliqués et non de salariés inquiets face au développement de la flexibilité et de la précarité.

Ce plan pour l'emploi est en totale contradiction avec le discours récurrent sur la nécessité de développer la négociation au plus près de la réalité des entreprises. En fait, vous concevez le dialogue social comme une relation la plus développée et la plus individualisée possible entre le salarié et son employeur, un gré à gré à la française.

Sans vouloir être désagréable, je relève que ce plan, que vous dites si ambitieux, reprend, en fait, un certain nombre de dispositions que M. Raffarin avait laissées en attente dans ses placards ou que vous-même aviez annoncées, monsieur le ministre, voilà un an, et dont nous aurions pu débattre. Quel art d'accommoder les restes !

A cet égard, je rejoins M. Mercier. Depuis plusieurs années, le Sénat a pris l'habitude de siéger assez longuement en session extraordinaire, achevant ses travaux à la fin du mois de juillet, comme en 2004 et en 2003, voire au début du mois d'août, comme en 2002. Forts de ces précédents, nous aurions pu mettre à profit le reste du mois de juillet pour avoir un réel débat sur ce texte, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, ce qui nous aurait permis de l'amender et de parvenir à une version élaborée. C'était tout à fait faisable, même avec la déclaration d'urgence, et nous y aurions vu plus clair.

Or c'est pratiquement impossible avec un projet de loi d'habilitation.

Nous vous avons posé des questions, vous nous avez apporté des réponses, mais pas suffisamment. Il a fallu vous pousser dans vos retranchements pour obtenir des informations !

Je trouve d'ailleurs assez curieux que certains de nos collègues qui déclarent qu'ils soutiendront bien sûr le projet de loi d'habilitation, soient si pressés d'en finir ! Je ne vois pas pourquoi il est si urgent pour le Parlement d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance et de se dessaisir de ses prérogatives. Nous avons le temps, et même si certains manifestent leur impatience quand un groupe se réunit pour décider de la position à adopter, cela ne prendra jamais trop de temps, contrairement à ce que j'ai entendu dire tout à l'heure!

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de l'examen expéditif de ce projet de loi d'habilitation, nos craintes sont renforcées. C'est pourquoi le groupe socialiste votera résolument contre ce texte sur lequel il demande au Sénat de se prononcer par scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'issue de ce débat, le groupe UPM demeure convaincu, sans tergiversations, du bien-fondé de l'action engagée par le Gouvernement avec le dépôt de ce projet de loi d'habilitation.

Je ne reviendrai pas sur la méthode choisie ; elle a fait l'objet de nombreux échanges sur ces travées toute la journée. Le constat est là : il y a urgence à agir, sans délais. C'est la raison pour laquelle le choix de la procédure des ordonnances s'imposait. Après avoir si souvent critiqué les politiques pour leur inaction, nous aurions mauvaise grâce de vous reprocher, monsieur le ministre, de vouloir agir trop vite aujourd'hui !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Permettez-moi ensuite de remercier le Gouvernement qui, tout au long de ce débat, a fait preuve d'écoute, de patience, a répondu avec précision à nos questions et à celles des collègues qui ont déposé des amendements.

Je tiens également à saluer le travail de la commission des affaires sociales, de son président, ainsi que de notre excellent rapporteur, Alain Gournac. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Notre pays s'est donné de nombreux outils, notamment, monsieur le ministre, avec le plan de cohésion sociale, pour réussir dans la lutte contre le chômage. Cependant, des obstacles demeuraient, que vous nous proposez aujourd'hui de supprimer, en assouplissant et en simplifiant nos dispositifs.

Par ailleurs, avec votre projet de loi, monsieur le ministre, vous proposez un objectif - la bataille pour l'emploi -, une méthode de travail - le bon sens -, une volonté - l'optimisme -, conscient que vous êtes de la nécessité de sortir du chômage et d'aller à la rencontre de nos concitoyens en difficulté afin que ceux-ci perçoivent, dans l'autorité du Gouvernement, une partie de la solution à leurs problèmes.

Ce projet de loi vise à réaffirmer la place centrale du travail, à faciliter l'embauche par les plus petites entreprises, à encourager le travail des jeunes et des seniors, ainsi que celui des chômeurs de longue durée. Ce sont des mesures simples et pragmatiques, de nature à donner très rapidement de bons résultats.

La mesure phare de ce projet de loi est le « contrat nouvelles embauches », contrat à durée indéterminée auquel sont associés des droits en termes de protection de l'emploi, qui se renforceront progressivement.

L'embauche sera simplifiée grâce au chèque-emploi entreprise, qui comportera un volet social, comme le titre emploi entreprise, mais qui, en plus, aura valeur de contrat de travail et de bulletin de paie.

La neutralisation des coûts financiers liés aux effets de seuil lèvera l'un des principaux freins à l'emploi.

Le travail des jeunes sera encouragé. Tout sera mis en oeuvre, en effet, pour que leur premier emploi, celui qui met le pied à l'étrier, soit qualifiant, leur garantisse une autonomie et leur offre des perspectives d'avenir.

Vous encouragez également l'offre de travail en faveur des personnes les plus âgées en supprimant les obstacles liés à l'âge empêchant d'accéder aux concours de la fonction publique.

En conclusion, si la France est aujourd'hui confrontée à trois évolutions majeures, qui, ensemble, bousculent d'un même élan notre modèle - la rapidité des évolutions technologiques, le vieillissement démographique et, bien sûr, la mondialisation -, notre pays a également des atouts extraordinaires : une histoire, des réussites technologiques dans des secteurs de pointe, un capital humain et matériel qui nous place au nombre des premières puissances mondiales. Ne l'oublions pas !

Face aux défis qui nous sont lancés, nous devons nous inscrire dans une perspective claire à long terme, innover, expérimenter et réformer. Les mesures que vous nous proposez aujourd'hui, monsieur le ministre, vont dans ce sens et concourront à la modernisation de notre modèle social.

C'est pourquoi le groupe UMP votera avec conviction ce projet de loi d'habilitation, persuadé, comme Alain, que, si le pessimisme est d'humeur, l'optimisme est de volonté. Vous faite preuve de volonté pour vaincre le pessimisme, nous vous en félicitons, monsieur le ministre, et nous vous soutiendrons sans réserve. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste, l'autre, de la commission des affaires sociales.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 197 :

Nombre de votants 325
Nombre de suffrages exprimés 299
Majorité absolue des suffrages exprimés 150
Pour l'adoption 171
Contre 128

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. Je veux dire à quel point je suis heureux que ce projet de loi ait été adopté aujourd'hui, car je souhaite que, dès le mois de septembre, les effets des dispositions qui seront mises en oeuvre puissent être ressentis. Si ce texte n'avait pas été adopté, les mesures d'urgence pour l'emploi auraient reçu un début d'application, au plus tôt, au mois de décembre. Or nous n'avons pas le droit de considérer l'urgence du combat contre le chômage comme secondaire.

Les élus sont nombreux dans cet hémicycle ; ils ont dû souvent être confrontés à des jeunes venant les trouver dans leur mairie pour leur expliquer qu'ils n'ont aucune possibilité de trouver un premier emploi. En adoptant ce projet de loi, je crois que nous les aidons dans leur recherche.

Oui au CNE, oui au chèque-emploi, oui au service militaire adapté, oui au PACTE junior dans la fonction publique : ces mesures devraient avoir des effets bénéfiques.

Je considère que le débat a été riche et de bonne tenue.

Je remercie tous mes collègues, y compris ceux de l'opposition, madame Le Texier. Chacun contribue au débat ; vous avez des choses à dire et nous vous écoutons.

Je remercie les membres de la commission des affaires sociales, eux qui n'ont pas hésité à sacrifier l'heure du déjeuner. Je remercie de même le personnel du Sénat, toujours très efficace, et particulièrement les collaborateurs de la commission des affaires sociales, toujours disponibles, même fort tard. (Sourires.)

Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier également du climat de confiance que vous savez toujours susciter.

Je n'aurai garde enfin d'oublier les présidents de séance, que je salue.

M. le président. Je vous remercie à mon tour, monsieur le rapporteur.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, dans son discours de politique générale, M. le Premier ministre s'était engagé à vous présenter un projet de loi d'habilitation strictement limité à huit points : on les retrouve précisément dans l'article 1er de ce projet de loi, outre les dispositions relatives aux départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte. L'engagement a donc été tenu.

Ce débat a permis d'aller au fond des choses, bien que le cadre soit limité, et je voudrais en remercier la commission, son excellent rapporteur ainsi que l'ensemble des sénateurs dont les amendements auront en fait permis au Gouvernement d'expliciter ses choix.

Je remercie également le personnel du Sénat, qui nous a permis de travailler dans de bonnes conditions.

Je remercie enfin la présidence de séance d'avoir conduit nos travaux pendant cette séance remarquable.

J'aurai également une pensée pour Gérard Larcher, qui me représente en cet instant au sommet du G8, en Ecosse.

Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que les pistes qui ont été ouvertes, ajustements techniques ou points de fond, pourront probablement être explorées lors de la discussion du projet de loi « Habitat pour tous » et dans certaines mesures d'adaptation du plan de cohésion sociale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
 

9

NOMINATION DE MEMBRES DE COMMISSIONs MIXTEs PARITAIREs

M. le président. Monsieur le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur le texte que nous venons d'adopter.

Il va être procédé immédiatement à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de cette commission mixte paritaire.

La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.

Je n'ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Nicolas About, Alain Gournac, Mmes Françoise Henneron, M. André Lardeux, Mmes Janine Rozier, MM. Jean-Pierre Godefroy, Roland Muzeau ;

Suppléants : M. Paul Blanc, Mmes Isabelle Debré, M. Guy Fischer, Mmes Marie-Thérèse Hermange, Gisèle Printz, MM. Bernard Seillier, Jean-Marie Vanlerenberghe.

Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.

La liste des candidats a été affichée ; je n'ai reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 12 du règlement.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Jean-Paul Emorine, Gérard Cornu Mmes Catherine Procaccia, MM. Christian Cambon, Bernard Dussaut, Daniel Raoul, Jean Boyer ;

Suppléants : MM. Auguste Cazalet, Mmes Michelle Demessine, MM. Jean Desessard, François Fortassin Mme Elisabeth Lamure, MM. Dominique Mortemousque, Yannick Texier.

Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.

10

DÉCisions du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettres en date du 7 juillet 2005, le texte de deux décisions rendues par le Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution, d'une part, de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique et, d'autre part, de la loi organique modifiant la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Acte est donné de ces communications.

Ces décisions du Conseil constitutionnel seront publiées au Journal officiel, édition des lois et décrets.

11

COMMUNICATION DE M. le président de l'Assemblée nationale

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président de l'Assemblée nationale la lettre suivante :

« Paris, le 4 juillet 2005

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous informer qu'au cours de la deuxième séance du lundi 4 juillet 2005, M. Jean-Luc Warsmann a été nommé vice-président de l'Assemblée nationale en remplacement de M. François Baroin, nommé membre du Gouvernement.

« A la suite de cette nomination, le bureau est ainsi composé :

« Président : M. Jean-Louis Debré

« Vice-présidents : MM. Yves Bur, René Dosière, Jean-Luc Warsmann, Maurice Leroy, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Eric Raoult.

« Questeurs : MM. Claude Gaillard, Guy Drut, Didier Migaud.

« Secrétaires : MM. René André, Jacques Brunhes, Bernard Deflesselles, François-Michel Gonnot, Jean-Marie Le Guen, Bernard Perrut, Jean Proriol, Didier Quentin, François Rochebloine, René Rouquet, Mme Odile Saugues M. Jean Ueberschlag.

« Je vous prie, monsieur le président, de croire à l'assurance de ma haute considération.

Signé : Jean-Louis DEBRÉ »

Acte est donné de cette communication.

12

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Pierre Sueur une proposition de loi sur le statut et la destination des cendres des personnes dont le corps a fait l'objet d'une crémation.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 464, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de MM. Roger Karoutchi et Jean Puech une proposition de loi visant à adapter la compensation financière à la réalité des charges transférées aux régions au titre de la décentralisation des formations sanitaires et sociales.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 465, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

13

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Adrien Gouteyron un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur l'appareil diplomatique français au Brésil.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 463 et distribué.

14

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 11 juillet 2005 :

A quinze heures :

1. Discussion en deuxième lecture de la proposition de loi (n° 386, 2004-2005), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, tendant à mettre à la disposition du public les locaux dits du Congrès, au Château de Versailles ;

Rapport (n° 459, 2004-2005) de M. René Garrec, fait au nom de la commission des lois.

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 8 juillet 2005, avant dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 juillet 2005, à douze heures.

2. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 286, 2004 2005), modifié par l'Assemblée nationale, portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique ;

Rapport (n° 460, 2004-2005) de Mme Jacqueline Gourault, fait au nom de la commission des lois.

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 8 juillet 2005, avant dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 juillet 2005, à douze heures.

3. Discussion du projet de loi (n° 431, 2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux concessions d'aménagement ;

Rapport (n° 458, 2004-2005) de M. Jean-Pierre Sueur, fait au nom de la commission des lois.

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 8 juillet 2005, avant dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 juillet 2005, à douze heures.

Le soir :

4. Discussion du projet de loi (n° 287, 2004 2005), adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2004 1197 du 12 novembre 2004 portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports ;

Rapport (n° 379, 2004-2005) de M. Jackie Pierre, fait au nom de la commission des affaires sociales.

Avis (n° 360, 2004-2005) présenté par M. Yannick Texier, au nom de la commission des affaires économiques.

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 8 juillet 2005, avant dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 juillet 2005, à douze heures.

5. Discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 432, 2004 2005), modifié par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers ;

Rapport (n° 456, 2004-2005) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances.

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 8 juillet 2005, avant dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 8 juillet 2005, à douze heures.

Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes (n° 343, 2004-2005) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 11 juillet 2005, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 11 juillet 2005, à douze heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD