sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
Mme Josiane Mathon, M. le président.
3. Adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice. - Adoption définitive d'un projet de loi
Discussion générale : M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice.
Suspension et reprise de la séance
MM. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois; Jean-Claude Peyronnet, Philippe Goujon, Pierre Fauchon, Mme Josiane Mathon, M. Georges Othily.
Clôture de la discussion générale.
Amendement no 3 de Mme Josiane Mathon. - Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Adoption de l'article.
Articles 2 à 4 bis. - Adoption
Articles additionnels avant l'article 5
Amendements nos 4 et 5 de Mme Josiane Mathon. - Mme Josiane Mathon, M. le rapporteur. - Retrait des deux amendements.
Adoption définitive de l'ensemble du projet de loi.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.
Suspension et reprise de la séance
4. Audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. - Discussion des conclusions du rapport d'une commission
Discussion générale : MM. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois ; Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Laurent Béteille, Mme Josiane Mathon, MM. Georges Othily, Robert Badinter.
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
5. Energie. - Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixte paritaire
Discussion générale : MM. Henri Revol, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; François Loos, ministre délégué à l'industrie ; Roland Courteau, Yves Coquelle.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Amendement no 1 du Gouvernement. - MM. le ministre, Henri Revol, rapporteur de la commission des affaires économiques. - Vote réservé.
Amendement no 2 du Gouvernement. - MM. le ministre, le rapporteur. - Vote réservé.
MM. Michel Houel, Thierry Repentin, Jean Boyer.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
M. le ministre.
6. Audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. - Suite de la discussion et adoption des conclusions du rapport d'une commission
Motion no 1 de M. Robert Badinter. - MM. Jean-Pierre Sueur, François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois ; Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Laurent Béteille, Robert Badinter. - Rejet.
Motion no 5 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 2 de M. Robert Badinter. - MM. Pierre-Yves Collombat, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le garde des sceaux. - Rejet.
Amendements identiques nos 3 de M. Robert Badinter et 6 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendements nos 7 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 4 de M. Robert Badinter. - M. Jean-Pierre Sueur, Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Badinter, Pierre-Yves Collombat. - Rejet des quatre amendements.
Mme Anne-Marie Payet.
Adoption de l'article unique de la proposition de loi.
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour un rappel au règlement.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, profitant de la présence de M. le garde des sceaux, je souhaite faire un rappel au règlement, fondé sur l'article 36 de ce dernier, au sujet de la récente déclaration du ministre de l'intérieur selon laquelle il souhaiterait « faire payer la faute » d'un juge. De tels propos sont intolérables !
Une fois de plus, le ministre de l'intérieur outrepasse ses fonctions et cette déclaration est d'autant plus choquante qu'elle intervient après d'autres propos tout aussi excessifs.
Il est donc impératif que le Président de la République, garant de l'indépendance de la justice et président du Conseil supérieur de la magistrature, rappelle à l'ordre son ministre de l'intérieur.
Nous demandons, en outre, une réunion de la commission des lois du Sénat afin que le ministre de l'intérieur puisse venir s'expliquer devant elle sur les propos tenus outrageux qu'il a tenus.
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, madame Mathon.
La commission des lois décidera ce qu'elle doit faire et son président nous en informera.
3
adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice
Adoption définitive d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice (nos 330, 392).
Monsieur le garde des sceaux, je voudrais tout d'abord vous saluer - je le fais d'ailleurs avec d'autant plus de plaisir que c'est un peu la Haute-Loire qui salue la Loire ! - et vous dire combien nous sommes heureux de vous retrouver ici dans vos nouvelles fonctions.
Je vous donne maintenant la parole.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, je vous remercie de votre accueil amical de voisin en quelque sorte. Je suis également très heureux de retrouver le Sénat dans les circonstances actuelles. Cela fait en effet dix ans que je n'exerçais plus de fonctions ministérielles.
Le texte que j'ai l'honneur de vous présenter, mesdames, messieurs les sénateurs, porte diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice.
Bien que formulée pour la première fois en 1977, la notion d'espace judiciaire européen reste encore à construire. En effet, si l'Europe est aujourd'hui bien avancée dans le domaine de la libre circulation des hommes, des biens et des services, il n'en va pas de même en matière policière et judiciaire.
Confrontée au développement de nouvelles formes de criminalité organisée transnationale, l'Union européenne tente d'y apporter des réponses au moyen, notamment, de directives et de décisions-cadres, qui requièrent une transposition en droit interne.
L'objectif majeur du projet de loi que j'ai l'honneur de défendre ici, après son adoption par l'Assemblée nationale, est de transposer dans notre droit quatre directives et décisions-cadres du Conseil de l'Union européenne.
L'article 1er a pour finalité de transposer la directive du 27 janvier 2003 visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières.
Ces dispositions ont pour objet de permettre à une personne, quelle que soit sa nationalité, dès lors qu'elle réside habituellement et régulièrement dans un Etat membre de l'Union, d'obtenir l'aide juridictionnelle dans un autre Etat membre dans lequel elle souhaite agir.
La demande d'aide juridictionnelle pourra concerner la résolution d'un litige civil ou commercial au stade précontentieux ou juridictionnel ou l'exécution d'une décision de justice.
Cette demande sera examinée selon les critères d'admission - ressources, bien-fondé - de l'Etat dans lequel siège la juridiction compétente sur le fond du litige.
Ainsi, un Français qui veut agir au Portugal, et souhaite obtenir l'aide juridictionnelle, adressera sa demande au ministère de la justice, qui la transmettra au Portugal, où elle sera examinée selon les critères portugais.
Réciproquement, la demande d'un Portugais sollicitant l'aide juridictionnelle pour introduire une action en France sera reçue par le ministère de la justice, puis instruite par le bureau d'aide juridictionnelle de la juridiction compétente, au regard des règles françaises.
L'article 2 du projet de loi a pour objet de transposer la décision-cadre du 6 décembre 2001 visant à prendre en compte les condamnations prononcées par un autre Etat membre en matière de faux monnayage au titre de la récidive.
Cet article constitue une véritable innovation juridique.
En effet, en l'état actuel de notre droit et selon la jurisprudence de la Cour de cassation, « seule une condamnation prononcée par une juridiction française peut constituer l'un des termes de la récidive ».
Le fait de reconnaître comme premier terme de la récidive une décision étrangère représente donc une avancée juridique importante.
En effet, si nous voulons une Europe judiciaire, les décisions prises par d'autres Etats membres de l'Union européenne doivent être prises en compte par les juridictions françaises.
La reconnaissance d'une telle récidive constitue le prolongement de l'initiative que nous avons engagée en 2003 avec l'Allemagne, l'Espagne et la Belgique, visant à faciliter et à accélérer la transmission des condamnations par l'interconnexion des casiers judiciaires nationaux des Etats membres, qui sera opérationnelle à la fin de l'année.
L'introduction de la récidive considérée dans le code pénal permettra ainsi de prendre en considération l'ensemble du passé pénal d'un délinquant, fût-il condamné à l'étranger, et constituera un nouveau pas vers la mise en place d'un casier judiciaire européen.
Les articles 3 et 4 du projet de loi visent à transposer la décision-cadre du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé.
Cette décision-cadre a pour objet de réprimer tous les faits de corruption, active ou passive, commis « dans le cadre d'activités professionnelles », de « personnes qui exercent une fonction de direction ou un travail, à quelque titre que ce soit, pour une entité du secteur privé, à but lucratif ou non lucratif ».
En l'état actuel, l'article L. 152-6 du code du travail ne réprime que la corruption des dirigeants ou des salariés qui se trouvent en situation de subordination hiérarchique vis-à-vis des employeurs, lorsqu'il s'agit d'un acte commis à l'insu et sans l'autorisation de ces derniers.
Le projet de loi élargit la définition de la corruption en rendant cette qualification applicable au-delà de la relation entre employeur et salarié et en supprimant son caractère secret.
Le texte tend également à harmoniser les sanctions, conformément aux conclusions du Conseil européen de Tampere, en obligeant les Etats membres à prévoir, d'une part, des peines maximales d'au moins un à trois ans d'emprisonnement et, d'autre part, la possibilité de prononcer à l'encontre des personnes physiques une mesure d'interdiction temporaire d'exercer certaines activités ou de diriger une entreprise.
Enfin, l'article 5 de cette décision-cadre fait obligation aux Etats membres de prévoir un régime de responsabilité des personnes morales.
Cet élargissement des incriminations de corruption, active et passive, au secteur privé permettra d'engager des poursuites pénales à l'encontre, par exemple, d'un dirigeant non salarié ou d'un consultant d'entreprise.
Dans un souci de coordination, l'article 4 du projet de loi vise à l'abrogation du chapitre du code du travail relatif à la corruption.
L'article 5 du projet de loi a pour objet de transposer la décision-cadre du 22 juillet 2003 relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve.
L'objet principal de cette décision-cadre est de fixer les règles selon lesquelles un Etat membre de l'Union européenne reconnaît et exécute sur son territoire une décision de gel émise par une autorité judiciaire d'un autre Etat membre de l'Union dans le cadre d'une procédure pénale.
Cette décision-cadre constitue une innovation majeure en matière d'entraide judiciaire dans la mesure où elle est fondée sur le principe d'une transmission directe de la décision de gel de juridiction à juridiction.
L'article 5 précité tend, à cet effet, à insérer une section 5 dans le chapitre Il du titre X du livre IV du code de procédure pénale.
Les dispositions générales regroupent les règles relatives aux conditions de fond et de forme d'une décision de gel de biens ou d'éléments de preuve, émises par les autorités judiciaires françaises ou par celles des autres Etats membres de l'Union européenne.
Les dispositions relatives à l'émission d'une décision de gel par les autorités judiciaires françaises sont insérées dans les articles 696-9-7 à 696-9-9 du code de procédure pénale.
Le droit actuel prévoit que les autorités judiciaires compétentes pour ordonner une saisie de biens ou d'éléments de preuve se situant sur le territoire français sont, selon les cas, le procureur de la République, le juge d'instruction, le juge des libertés et de la détention et les juridictions de jugement.
Le projet de loi confie donc à ces mêmes autorités le soin de décider du gel de biens ou d'éléments de preuve qui se trouvent sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne, dès lors qu'elles auraient été compétentes pour le faire si le bien ou l'élément de preuve dont il s'agit avait été situé sur le territoire français.
Les dispositions relatives à l'exécution d'une décision de gel par les juridictions françaises figurent, pour leur part, aux articles 696-9-10 à 696-9-30 du code de procédure pénale.
Le projet de loi organise cette exécution dans les conditions les plus proches possible de celles qui seraient mises en oeuvre si la saisie était effectuée dans le cadre d'une procédure pénale française.
Le mécanisme prévu dans ce texte encadre la procédure d'exécution d'une décision de gel dans des délais très brefs afin de se conformer à ceux qui sont impartis aux autorités judiciaires des Etats membres de l'Union européenne par la décision-cadre.
Ces nouvelles dispositions législatives devraient ainsi réduire l'impunité dont bénéficient certains délinquants qui dissimulent, à l'étranger ou en France, les preuves ou le produit de leurs crimes ou délits.
Enfin, l'article 7 du projet de loi en rend les dispositions applicables dans les collectivités d'outre-mer.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes lignes du projet de loi que le Gouvernement a l'honneur de soumettre à votre examen.
L'ensemble du dispositif, enrichi par les amendements introduits en première lecture à l'Assemblée nationale, est, selon moi, de nature à assurer une transposition fidèle des textes de droit européen considérés et permet à notre législation d'effectuer certaines avancées substantielles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance de quelques instants.
M. le président. Monsieur le garde des sceaux, le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures quarante-cinq, est reprise à dix heures.)
M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice, adopté par l'Assemblée nationale le 9 mai dernier, s'inscrit dans la construction progressive d'un espace pénal européen, dont les fondements ont été posés par le traité de Maastricht en 1992, aux termes duquel la coopération judiciaire pénale devait être rangée parmi les sujets d'intérêt commun.
Le traité d'Amsterdam, conclu en 1997, a poursuivi cette démarche à travers l'intégration dans le cadre de l'Union des accords de Schengen.
Enfin, le Conseil européen extraordinaire de Tampere, réuni en octobre 1999, a établi les quatre grands axes de la construction d'un espace pénal européen : le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, le rapprochement du droit pénal des Etats membres, l'institution d'acteurs intégrés de coopération et le renforcement de la coopération internationale.
Le bilan peut être qualifié d'encourageant. Toutefois des difficultés apparaissent chaque fois que nous voulons transposer des directives ou des décisions-cadres.
Ainsi l'effectivité du droit dérivé de l'Union européenne en matière pénale demeure partielle. Les décisions-cadres sont souvent transposées tardivement. A cet égard, la France accuse un retard persistant, en dépit de la forte mobilisation du Gouvernement en faveur de la mise en conformité du droit français avec le droit communautaire et malgré des efforts significatifs pour inscrire des textes de transposition à l'ordre du jour du Parlement.
Monsieur le garde des sceaux, votre prédécesseur indiquait le 1er mars 2005 que, « depuis l'année 2000, la France a été condamnée une centaine de fois au titre de la procédure en manquement » prononcée par la Cour de justice des Communautés européennes pour sanctionner la non-application d'une norme communautaire. Etre condamné cent fois en quatre ans est une situation qui ne peut nous satisfaire.
Nous pouvons d'ailleurs observer que, dans le projet de loi qui nous est soumis, deux textes auraient dû être retranscrits plus tôt.
Il s'agit de la directive 2003/8/CE du 27 janvier 2003 visant à améliorer l'accès à la justice judiciaire dans les affaires transfrontalières. La fin du délai de transposition en était fixée au 30 novembre 2004.
Quant à la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 6 décembre 2001 visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro, la fin du délai de transposition en était bien antérieure, puisqu'elle était fixée au 31 décembre 2002. Nous avons donc en l'occurrence deux ans et demi de retard.
Le projet de loi comporte quatre séries de dispositions.
L'Assemblée nationale a voté le texte sans grand changement.
Dès maintenant, j'indique qu'elle a supprimé, à juste titre, me semble-t-il, l'article 6, qui tendait à offrir aux juridictions pénales la possibilité de prononcer des mesures conservatoires afin de garantir le paiement de l'amende ou l'exécution de la confiscation prononcée.
Les députés ont estimé que cet article anticipait sur une réforme d'ensemble des mesures d'exécution provisoire en matière pénale, qui est en cours de réflexion. Je vous propose donc de ne pas revenir sur ce point.
L'Assemblée nationale a adopté vingt-deux amendements de portée rédactionnelle, qui ont utilement précisé et clarifié certaines dispositions du texte et sur lesquels nous ne reviendrons pas.
L'article 1er du projet de loi a pour objet de mettre le droit français en conformité avec la directive 2003/8/CE du Conseil de l'Union européenne du 27 janvier 2003, visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières.
Je rappellerai qu'une affaire transfrontalière consiste en un litige dans lequel la partie qui sollicite l'aide a sa résidence habituelle ou son domicile dans un Etat membre autre que celui où siège la juridiction.
Le droit français ne restait pas muet sur cette question : la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique répond en grande partie aux objectifs de la directive. Le retard de la transposition était donc moins grave dans ce cas.
La loi du 10 juillet 1991 permet aux justiciables qui résident dans l'Union européenne d'accéder effectivement à l'aide judiciaire dans le cas d'une procédure engagée sur le territoire national.
En 2004, cent vingt-trois demandes d'aide juridictionnelle transfrontalières ont été enregistrées, ce qui nous a paru fort peu quand on rapporte ce chiffre aux huit cent mille demandes d'aide juridictionnelle.
Les nouvelles mesures sur lesquelles nous devons nous prononcer se traduiraient par une charge pour le budget de l'Etat de 70 000 euros pour 2005, cette charge étant d'ailleurs déjà inscrite dans la loi de finances.
Quelques aménagements du droit français sont nécessaires pour satisfaire aux obligations communautaires.
Le champ des frais couverts par l'aide juridictionnelle française serait étendu à deux égards.
D'une part, les ressortissants résidant régulièrement dans un autre Etat membre de l'Union européenne pourraient obtenir en France, au titre de l'aide juridictionnelle, la prise en charge des frais d'interprétation, des frais de déplacement et des frais de traduction supportés à l'occasion d'une procédure engagée sur le territoire français.
Les ressortissants résidant sur le territoire national pourraient obtenir la couverture des frais de traduction supportés à l'occasion d'une demande d'assistance judiciaire adressée à un autre Etat membre.
D'autre part, les ressortissants résidant régulièrement dans un autre Etat membre pourraient bénéficier d'un assouplissement des conditions de ressources imposées par la loi française, à condition de prouver leur impossibilité de supporter les dépenses liées au procès compte tenu des différences de coût de la vie entre la France et l'Etat dans lequel ils résident.
Enfin, ce régime aurait un caractère subsidiaire, ce qui est une très bonne chose. Il ne s'appliquerait qu'à la condition que les frais exposés ne soient pas déjà pris en charge par un autre système de protection, un contrat d'assurance par exemple.
L'article 2 du projet de loi a pour objet la transposition de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 6 décembre 2001 visant à renforcer par des sanctions pénales la protection contre le faux monnayage.
Cette disposition très intéressante pourrait inaugurer une réforme que nous souhaitons et attendons, et sur laquelle nous nous sommes déjà prononcés, monsieur le garde des sceaux, lors de l'examen de la proposition de loi sur la récidive, dont vous étiez l'auteur en tant que président de la commission des lois de l'Assemblée nationale.
Nous étions convenus que traiter de la récidive dans le cadre français n'avait plus grand sens, dès lors que les frontières de l'Union européenne étaient absolument perméables et que nous rencontrions de plus en plus de grands criminels ayant commis des actes en Belgique, en Allemagne, en Italie ou en Espagne, puis en France.
L'article 2 du projet de loi est en ce sens intéressant : il ouvre une première brèche dans la règle édictée par la Cour de cassation dans une jurisprudence constante fondée sur le principe de territorialité de la loi pénale et selon laquelle seule une condamnation prononcée par une juridiction française pouvait être prise en compte au titre de la récidive.
La reconnaissance des faits commis dans un autre Etat membre pour une condamnation en France ou dans un autre Etat nous paraît très importante.
Les articles 3 et 4 du projet de loi visent à la transposition de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 22 juillet 2003 relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé.
Actuellement, le droit français incrimine la corruption active et la corruption passive, qui ne visent que des personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public. La corruption active désigne l'activité de la personne corruptrice et la corruption passive l'activité de la personne corrompue.
Les nouvelles dispositions proposées tendent à insérer dans le code pénal un chapitre concernant la corruption des personnes n'exerçant pas une fonction publique. Ces dispositions modifieraient le droit en vigueur à trois titres.
En premier lieu, l'ensemble des faits de corruption concernant le secteur privé seraient incriminés, y compris ceux qui seraient commis par des personnes exerçant des fonctions de direction, comme l'a dit M. le garde des sceaux : chefs d'entreprises, personnes exerçant une profession libérale ou une profession de conseil.
La responsabilité des personnes morales pourrait ensuite être mise en cause pour des faits de corruption active ou passive.
Enfin, les peines encourues ont été relevées à un niveau comparable à celui des peines prévues pour certaines infractions comme l'abus de biens sociaux ou l'escroquerie.
Ces dispositions complèteront utilement notre dispositif de lutte contre la corruption.
L'article 5 vise à transposer la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 22 juillet 2003 relative à l'exécution des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve. Ainsi pas moins de trente articles seraient insérés dans le code de procédure pénale.
Rappelons-le, les demandes de saisie venant de l'étranger ou adressées à l'étranger passe par la voie d'une commission rogatoire internationale. Cette procédure est souvent lente et lourde du fait de la transmission par voie diplomatique et ne donne donc satisfaction ni aux magistrats, ni aux enquêteurs ni aux avocats, qui nous ont fait part de leur souhait de voir modifier cette procédure.
Il paraît essentiel d'agir de manière rapide. La décision-cadre apporte des progrès significatifs en la matière.
A l'avenir, la décision de gel serait en effet transmise directement de l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission à l'autorité judiciaire de l'Etat d'exécution.
L'exécution devrait intervenir « immédiatement », selon la terminologie retenue.
Enfin, les décisions de gel devraient désormais s'accompagner d'un certificat comportant l'ensemble des mentions pertinentes pour permettre au magistrat d'exécuter la mesure.
Aujourd'hui, les demandes sont formulées de façon très variée, parfois très floue, ce qui met les magistrats dans l'embarras pour l'exécution des mesures de saisie.
La transposition de la décision-cadre s'inscrit dans l'économie du dispositif français des saisies.
Mes chers collègues, compte tenu de ces observations, la commission des lois vous demande d'adopter le projet de loi sans modification. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est inutile de revenir sur les analyses que le Gouvernement et la commission ont très bien faites. Je vais donc limiter mon propos à l'essentiel, en souhaitant que les dispositions de ce texte soient adoptées.
Ce projet de loi vise à transposer dans notre droit quatre directives et décisions-cadres du Conseil de l'Union européenne qui contribuent à renforcer l'espace judiciaire européen.
Si, en matière économique et financière, la construction européenne permet la libre circulation des biens et des personnes, on conçoit facilement qu'elle constitue aussi, pour la criminalité organisée, une opportunité qui lui permet d'étendre ses méfaits. C'est comme pour la construction d'une autoroute en Auvergne ou en Limousin, monsieur le président. Cela présente beaucoup d'avantages, mais aussi quelques petits inconvénients ! (Sourires.)
M. le président. Remarque pertinente.
M. Jean-Claude Peyronnet. Mais on préfère quand même qu'il y ait des autoroutes !
Plusieurs indicateurs attestent de ce développement préoccupant dans des domaines aussi variés que le faux monnayage, le trafic de stupéfiants, la corruption, le terrorisme, la traite des êtres humains, l'exploitation sexuelle des femmes et des enfants et toute une série d'infractions graves concernant la criminalité organisée.
Ce texte concourt à la poursuite nécessaire de l'effort déjà engagé pour faire de l'espace judiciaire européen une réalité.
L'article 1er du projet de loi qui nous est soumis a pour objet de procéder, en matière d'aide juridictionnelle, aux ajustements de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
En effet, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose que « Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. » C'est à ce titre qu'il est précisé ensuite : « Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice. »
C'est en s'appuyant sur ces dispositions que le Conseil de l'Union européenne a arrêté la directive du 27 janvier 2003 qui promeut l'octroi de l'aide juridictionnelle pour les litiges transfrontaliers à toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes.
Je partage le sentiment de notre rapporteur, à savoir que l'on ne part pas de zéro dans notre propre droit, bien au contraire ! Le projet de loi étend ces dispositions à « celui dans lequel la partie qui sollicite l'aide a sa résidence habituelle ou son domicile dans un Etat membre autre que celui où siège la juridiction compétente sur le fond du litige ou que celui dans lequel la décision doit être exécutée ». Tout cela est de bon sens.
Toutefois, certaines restrictions sont apportées par le texte au droit commun de l'aide juridictionnelle. Je ne reprendrai pas l'analyse que le Gouvernement et la commission ont excellemment faite. Je retiendrai seulement la difficulté qui découle de l'une de ces restrictions : « L'aide juridictionnelle n'est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge, soit au titre d'un contrat d'assurance, soit par d'autres systèmes de protection. » Cette disposition ne manquera pas de poser des problèmes de preuve et de délai liés à l'inertie probable des compagnies d'assurances.
Cette aide est accordée, quelle que soit leur nationalité, aux personnes qui sont en situation régulière de séjour sur le territoire français. Nous nous rallions à cette disposition.
Je retiens enfin que l'aide sera accordée aux personnes qui ne peuvent faire face aux dépenses « en raison de la différence du coût de la vie entre la France et l'Etat membre où elles ont leur domicile ou leur résidence habituelle ». Là encore, il s'agit d'une disposition de bon sens.
Sans reprendre l'analyse qui a été faite sur le faux monnayage, je veux souligner seulement l'intérêt de l'évolution du droit en matière de récidive. Effectivement, monsieur le rapporteur, la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle « seule une condamnation prononcée par une juridiction française peut constituer l'un des termes de la récidive » évolue de façon positive.
Elle sera modifiée afin que les condamnations prononcées par les juridictions pénales d'un Etat membre pour les infractions prévues au chapitre du code pénal relatif à la fausse monnaie soient prises en compte au titre de la récidive. Nous sommes favorables à ces dispositions, qui permettront de lutter plus efficacement contre le faux monnayage à l'échelle européenne.
Par ailleurs, les articles 3 et 4 donnent la possibilité - ce dont on ne peut que se féliciter - de s'attaquer à la corruption dans le domaine privé, phénomène qui s'intensifie. Là encore, je ne reprendrai pas les analyses parfaitement claires qui ont été développées. Je retiendrai seulement l'harmonisation des sanctions, conformément au tableau de bord établi par le Conseil européen de Tampere en octobre 1999, qui figure dans le texte et qui oblige les Etats membres à prévoir la possibilité de prononcer à l'encontre des personnes physiques, en plus des peines complémentaires existantes, une mesure de déchéance temporaire de l'exercice de certaines activités ou de direction d'une entreprise.
De plus, l'article 5 du projet de loi insère dans le code de procédure pénale trente nouveaux articles relatifs à l'émission et à l'exécution des décisions de gel de biens, ce qui est une nouveauté, ou de preuve en application de la décision-cadre du Conseil de l'Union du 22 juillet 2002.
Je me félicite que l'Assemblée nationale ait supprimé l'article 6, visant à modifier l'exécution des mesures conservatoires en matière délictuelle prévues par le code de procédure pénale. Cette mesure aurait pu avoir d'importantes conséquences sur la situation des tiers et des enjeux en termes de libertés publiques graves ; elle nécessite un débat général sur le fond.
Toutes ces dispositions qui contribuent à renforcer l'espace pénal européen vont dans le bon sens.
La coopération judiciaire dans les matières tant pénales que civiles pourrait encore être développée en renforçant la confiance mutuelle et en faisant émerger progressivement une culture judiciaire européenne fondée sur la diversité des systèmes juridiques des Etats membres et sur l'unité par le droit européen. C'est en ce sens que nous souhaitons travailler, certes avec d'autres, dans les mois et les années à venir.
Accroître la confiance mutuelle exige que l'on s'efforce expressément d'améliorer la compréhension mutuelle entre les autorités judiciaires et les différents systèmes juridiques. Dans cet espoir, le groupe socialiste votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.
M. Philippe Goujon. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, s'il est un domaine à l'égard duquel les attentes des citoyens européens sont particulièrement fortes, c'est bien celui de l'Europe judiciaire. En effet, selon un sondage Eurobaromètre réalisé en avril 2002, plus de sept Européens sur dix sont favorables à une prise de décision au niveau européen en matière de lutte contre la criminalité organisée.
En France même, une enquête IPSOS de mai 2003 nous apprend que la création d'une justice commune arrive en tête, avec 40 % de citations, des avancées de l'Union les plus attendues.
Certaines affaires qui ont défrayé la chronique, comme celles de l'extradition de Sid Ahmed Rezala ou de Rachid Ramda vers la France, de Cesare Battisti vers l'Italie ou encore l'absence de communication entre les casiers judiciaires français et belges au sujet du tueur en série présumé Michel Fourniret - le rapporteur en a parlé à l'instant -, ont frappé l'opinion publique et illustré les insuffisances de la coopération européenne.
Force est donc de constater que la construction de l'espace pénal européen, évoquée dès 1977, est particulièrement lente. Certes, une étape décisive a été franchie avec l'adoption de la décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen. Mais il a fallu les attentats du 11 septembre 2001 pour que ce projet aboutisse, et les événements tragiques du 11 mars 2004 pour que sa transposition dans le droit des Etats membres s'accélère.
Comme l'a souligné notre rapporteur, le premier bilan du mandat d'arrêt européen au cours des douze derniers mois confirme le caractère opérationnel et efficace attendu de cette procédure, 268 personnes ayant été remises par la France et 144 autres lui ayant été livrées par les autorités étrangères, résultat dont nous ne pouvons que nous réjouir.
La Constitution européenne, quant à elle, comportait des avancées déterminantes. La constitutionnalisation du principe de reconnaissance mutuelle, « pierre angulaire » de l'espace judiciaire européen, et la création d'un parquet européen, par exemple, constituaient des progrès majeurs. Le rejet du projet de loi référendaire va sans doute nous conduire à devoir nous limiter aux traités existants. Cela doit non pas nous décourager, mais, au contraire, nous inviter à nous battre encore davantage pour cette Europe à laquelle nous aspirons, à la construction de cet espace européen dans lequel la justice n'aura plus de frontières.
Il importe donc aujourd'hui d'appliquer et de tirer parti, autant que possible, des traités existants. Le traité de Maastricht a posé les fondements d'un espace pénal européen et le traité d'Amsterdam a consacré le développement d'un espace judiciaire européen « de liberté, de sécurité et de justice ». Plus que jamais, il convient de transposer les directives et décisions-cadres européennes, afin de renforcer la construction de cet espace judiciaire européen qu'il serait bien sûr inconcevable de remettre en cause.
Toutes ces directives ou décisions-cadres sont autant de pierres apportées à la construction de l'édifice communautaire, d'autant plus indispensable que l'espace pénal européen, qui procède du « troisième pilier » de l'Union européenne créé par le traité de Maastricht, se caractérise, au départ, par une logique intergouvernementale et non communautaire.
Je ne rappellerai pas - cela a été fait par les orateurs qui m'ont précédé - les grandes orientations qui ont été définies par le Conseil européen de Tampere et qui doivent présider à la construction de cet espace judiciaire européen.
Monsieur le garde des sceaux, autant dire qu'à l'aune de ces objectifs il nous reste encore du chemin à parcourir... C'est aussi la raison pour laquelle je me réjouis du projet de loi dont nous débattons aujourd'hui et qui va notamment nous permettre de rattraper notre retard s'agissant de la transposition de deux décisions-cadres.
En particulier, je tiens à mettre en exergue la disposition qu'introduirait dans notre droit pénal la transposition de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 6 décembre 2001.
Grâce à celle-ci, pour les infractions de faux monnayage, les condamnations prononcées par une autre juridiction européenne pourraient être prises en compte par les juridictions françaises au titre de la récidive.
En l'état actuel de notre droit positif, selon une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation et citée par les orateurs, « seule une condamnation prononcée par une juridiction française peut constituer l'un des termes de la récidive ».
Il s'agirait donc d'une évolution particulièrement importante de notre droit pénal, qui nous permettrait de renforcer considérablement notre efficacité en matière de répression de la grande criminalité, laquelle se joue parfaitement des frontières, nous le savons très bien.
A l'heure où le Gouvernement s'attache résolument à combattre efficacement la récidive dans notre pays, la reconnaissance des condamnations antérieurement prononcées par les juridictions d'autres Etats membres au titre de la récidive est indissociable de la notion d'espace judiciaire européen. Ce point est particulièrement développé dans le Livre vert déposé par la Commission le 30 avril 2004.
La mise en place d'un casier judiciaire européen constitue, à cet égard, une nécessité urgente. En effet, comment peut-on justifier qu'une personne soupçonnée d'une dizaine de meurtres sur des victimes belges et françaises - ce cas est cité abondamment et c'est bien normal - ait pu s'établir en Belgique et y occuper un emploi de surveillant de cantine scolaire, sans que les autorités belges aient eu connaissance de ses condamnations antérieures ?
Par conséquent, la prise en compte par le juge des condamnations prononcées dans un autre Etat membre, pour certaines infractions harmonisées bien sûr, est souhaitable, sous réserve, évidemment, de respecter pleinement le pouvoir d'appréciation du juge et le principe d'individualisation des peines.
Au nom de l'UMP, je tiens également à souligner l'importance de la transposition de la décision-cadre du 22 juillet 2003. Cette transposition est d'autant plus importante que nos concitoyens sont très attachés - et bien leur en prend - à l'exemplarité et à la probité de leurs dirigeants, non seulement dans le secteur public - je pense en premier lieu à nous-mêmes, hommes et femmes politiques - mais aussi dans le secteur privé, sur leur lieu de travail.
En l'état actuel de notre droit, seule la corruption des dirigeants ou des salariés qui commettraient un acte à l'insu de leurs employeurs est réprimée en droit français, les autres formes de corruption étant sanctionnées au titre de l'abus de biens sociaux ou de confiance, du recel, du faux et usage de faux.
Ce texte élargit la définition de la corruption dans le secteur du travail en allant au-delà de la relation employeur - salarié et en supprimant le caractère secret de cette corruption.
Avec l'autre décision-cadre du 22 juillet 2003, qui porte sur le gel de biens ou d'éléments de preuve, ce texte présente l'avantage, outre de mieux définir le rôle de l'ensemble des magistrats en matière de gel de biens, de faire également progresser la coopération judiciaire, même si l'expression de gel s'inspire plutôt du droit anglo-saxon.
Quant à la directive du Conseil de l'Union européenne du 27 janvier 2003, elle apportera à notre législation, tardivement il est vrai, des éléments nouveaux complétant le dispositif de la loi de 1991 : les citoyens européens concernés par des juridictions qui ne sont pas celles de leur pays d'origine seront ainsi mieux défendus et pourront mieux faire valoir leur point de vue.
Cette directive permet une prise en charge de toute la procédure, de la phase précontentieuse jusqu'à l'exécution de la décision de justice, y compris sur un plan financier en tenant compte par exemple - c'est très important - des frais de déplacement. Elle doit être transposée dans notre droit positif sans modification substantielle.
Mes chers collègues, parce que toutes ces directives et décisions-cadres sont une nouvelle illustration de l'apport à la législation française que représente la construction d'un espace judiciaire européen que nous appelons tous de nos voeux, le groupe UMP votera avec conviction en faveur de ce projet de loi, tel qu'il est ressorti des travaux de l'Assemblée nationale et, conformément aux conclusions de notre commission des lois et de son excellent rapporteur, François Zocchetto, nous proposons donc de l'adopter sans modification. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, monsieur le garde de sceaux, mes chers collègues, les temps sont durs pour un Européen convaincu comme moi et ce n'est ni l'échec du traité établissant une Constitution pour l'Europe ni celui du sommet de Bruxelles lors du week-end dernier qui me contrediront.
Vous connaissez mon engagement personnel, notre engagement, pour un renforcement de la coopération judiciaire en Europe, ayant été rapporteur à plusieurs reprises sur divers textes tels que l'entraide judiciaire et le mandat d'arrêt européen, pour comprendre mon inquiétude.
Je suis heureux d'intervenir aujourd'hui pour rappeler notre attachement à la poursuite de la construction d'une communauté européenne forte, pour dire que le débat européen ne doit absolument pas être abandonné et pour insister sur notre détermination à poursuivre les ambitions qui sont au coeur de notre engagement politique.
Le texte examiné aujourd'hui nous renvoie à un thème qui m'est cher, à savoir la construction d'un espace judiciaire européen qui, convenons-le, n'est en réalité qu'à l'état d'ébauche.
Aujourd'hui, vous nous proposez de faire quelques pas en transposant dans notre législation quatre textes relevant aussi bien du droit pénal matériel que de la procédure pénale.
Ainsi, les transpositions proposées permettent de compléter notre droit dans quatre domaines. On se demande d'ailleurs pourquoi ceux-là ont été retenus et non d'autres !
Il s'agit, d'abord, de l'aide juridictionnelle dans les affaires transfrontalières. Il nous a été dit tout à l'heure que, finalement, il y avait très peu d'affaires transfrontalières !
Il s'agit de la reconnaissance de la récidive en matière de faux monnayage. Pourquoi spécialement le faux monnayage ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est important !
M. Pierre Fauchon. La récidive, comme nous le savons tous, est un problème d'une très grande étendue. Et s'il n'y avait que le faux monnayage !
Il s'agit de la lutte contre la corruption dans le secteur privé, question intéressante, mais qui aurait peut-être mérité des développements plus approfondis.
Il s'agit, enfin, de la décision de gel de biens ou d'éléments de preuve.
L'article 6, quant à lui, est passé à la trappe des choses non souhaitables, sans que l'on ait d'ailleurs très bien compris pourquoi celle-ci était moins souhaitable que d'autres.
Quoi qu'il en soit, le projet de loi va, comme on dit, dans le bon sens. Quelle belle formule ! Alors allons-y, c'est le bon sens ! Nous ne pouvons qu'approuver sa philosophie, encore que son caractère fragmentaire relève plus du bricolage que de la cohérence. Je ne suis pas contre le bricolage, je suis bricoleur moi-même, mais à mes moments perdus ! ((Sourires.)
Si la transposition de la décision-cadre sur l'aide juridictionnelle et celle sur le gel des biens ou d'éléments de preuve n'appellent pas de commentaires particuliers, je voudrais insister sur deux aspects qui me semblent importants, à savoir la reconnaissance de la récidive en matière de faux monnayage et la reconnaissance de la responsabilité pénale des personnes morales en matière de corruption active ou passive.
S'agissant de la reconnaissance de la récidive en matière de faux monnayage, nous sommes face à une avancée remarquable puisqu'elle revient, certes de manière ponctuelle, sur une jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation, selon laquelle seule une condamnation prononcée par une juridiction française peut être prise en compte au titre de la récidive.
Il s'agissait de l'une des vaches sacrées, si je peux m'exprimer ainsi, de notre système. Porter atteinte à ce principe est une très bonne chose ! Le sujet est important puisqu'il rejoint d'ailleurs le débat plus général que nous avons sur le casier judiciaire européen, lequel piétine fâcheusement par suite de la réunion d'un Conseil « Justice et affaires intérieures ».
À propos du casier judiciaire européen, monsieur le garde des sceaux, la France avec quelques partenaires a fait des propositions intéressantes, mais cela n'empêche qu'il faut oeuvrer à l'échelon européen. On l'a un peu oublié parce que ce que fait la France ne vaut que pour quelques Etats. Pour les autres - et nous sommes vingt-cinq maintenant -, la Commission européenne proposait donc d'établir sinon un casier judiciaire européen, ce qui est infaisable dans l'immédiat, au moins une sorte de répertoire permettant de repérer les individus qui sont sous le coup de condamnations ailleurs. C'est une idée sur laquelle il faudrait revenir.
Je me réjouis de la mise en oeuvre d'un régime de responsabilité pénale des personnes morales en matière de corruption. Vous vous souvenez peut-être, monsieur le garde des sceaux, que, lors du débat sur la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, j'ai fait voter ici un amendement tendant à généraliser la responsabilité pénale des personnes morales.
M. Pierre Fauchon. Vous avez bien voulu, quand vous étiez président de la commission des lois à l'Assemblée nationale, approuver cette démarche qui mettait fin à une espèce de patchwork dans lequel tantôt la personne morale était punissable, tantôt elle ne l'était pas. Cela finissait pas être incompréhensible. On l'a généralisée, nous la renforçons ici, je voudrais, à titre personnel, saluer cette initiative.
Toutefois, monsieur le garde sceaux, je voudrais attirer plus particulièrement votre attention sur une question qui n'est pas abordée alors qu'elle mérite d'être examinée, au moins entre juristes, tout en m'excusant de son aspect quelque peu technique.
Je suis très inquiet parce que j'ai l'impression que la législation européenne en matière pénale n'a pas de base juridique. J'ajoute immédiatement que ce n'est pas grave. Nous avons parfaitement le droit d'introduire dans notre droit des dispositions qui nous paraissent bonnes. Le Gouvernement pourrait nous proposer des dispositions en matière de faux monnayage ou d'aide juridictionnelle.
Dans ce domaine, il me semble que l'on assiste à une inflation de la part des services de Bruxelles. En réalité, le troisième pilier comporte plus d'énoncés de principe et de bonnes intentions que de normes véritablement applicables. La question est de savoir si les traités autorisent les autorités de Bruxelles à imposer de telles normes. Sans doute, de manière générale, la construction d'un espace pénal européen passe indéniablement par le développement de l'harmonisation des législations nationales du point de vue tant du droit pénal matériel que de la procédure pénale.
De longue date, quelques-uns d'entre nous aussi bien à la délégation du Sénat qu'à la délégation de l'Assemblée nationale ont opté clairement pour une véritable unification du droit en matière de criminalité transfrontalière - bien entendu il ne s'agit pas de toute la criminalité - et pour une véritable unification des poursuites, du moins au sommet, par la création d'un parquet européen opérationnel - je me permets de vous signaler que même le traité établissant une Constitution pour l'Europe ne le prévoyait pas formellement ; de toute façon, le traité n'a pas été accepté par la France - et par le développement, dans ce domaine pénal, du contrôle de la Cour de justice de l'Union.
Ainsi, dans un récent Livre vert sur les dispositions pénales, il apparaît que la Commission s'arroge la responsabilité de vérifier l'efficacité des mesures qui sont prises, d'en établir des statistiques et de les livrer à une appréciation critique, ce qui signifie que l'exécutif se chargerait de contrôler le judiciaire en quelque sorte. Sans vouloir évoquer les propos récemment tenus par M. le ministre de l'intérieur, je crois tout de même qu'il n'appartient pas à l'exécutif, fût-il bruxellois, de contrôler le judiciaire et je vous prie de m'excuser de cet aparté qui n'est peut-être pas injustifié. (M. le président de la commission des lois sourit).
Nous sommes très loin de tout cela. Le fondement juridique actuel - rappelons-le, puisque nous n'avons pas voulu en sortir - est le traité de Nice et il ne faut pas se bercer d'illusions.
L'article 31 E du traité de Nice pose le principe d'une harmonisation minimale en droit pénal matériel, uniquement pour la définition des incriminations et des sanctions dans des domaines particuliers comme la criminalité organisée, le terrorisme et le trafic de stupéfiants. En dehors de cela, il n'y a pas de base juridique pour édicter des décisions-cadres applicables d'office dans tous les Etats. Encore une fois, nous sommes libres de faire ce que nous voulons. Mais la décision-cadre me paraît tout à fait excessive et dépourvue de base juridique.
Cette limitation du champ de la compétence n'a pas empêché le législateur européen d'utiliser cet article comme base d'une harmonisation très généralisée des législations dans d'autres domaines aussi variés que les infractions en matière d'environnement, les fraudes, le faux monnayage, la cybercriminalité, la corruption, et j'en passe.
Parmi les explications qui nous sont fournies, il y a la suivante : à Tampere, les chefs d'Etat et de gouvernement ont pris des décisions et sont tombés d'accord pour reconnaître qu'il fallait opérer des avancées dans ce domaine. Mais les conclusions des chefs d'Etat et de gouvernement à Tampere ou ailleurs ne sont que des conclusions et des orientations. Ce ne sont pas des normes juridiques. Il y a une grande différence entre des conclusions politiques et des normes juridiques. Les normes juridiques sont inscrites dans les traités que l'on peut lire. La question de la base juridique est grave.
M. Yves Fréville. Oui !
M. Pierre Fauchon. Bien entendu, j'approuve la légitimité des préoccupations et des objectifs que sous-tend cette législation, mais je suis le premier à dénoncer les limites du principe de la reconnaissance mutuelle et je ne peux que m'insurger contre une pratique qui outrepasse le mandat confié à Bruxelles par les traités. Comme tout Etat de droit, l'Union européenne doit respecter un certain nombre de règles fondamentales.
Je reviens d'ailleurs sur le fait que l'article 6 est passé à la trappe, sans autre forme de procès. Ou ces transpositions sont obligatoires ou elles ne le sont pas ! Si elles le sont, il fallait digérer cet article 6 ou le modifier. Nous, nous l'avons écarté.
Je rappelle à cette occasion que le traité établissant une Constitution pour l'Europe représentait, lui, une avancée considérable et permettait de combler cette lacune juridique. Son rejet fragilise encore davantage l'avenir juridique de l'Europe.
Au cours du débat auquel nous avons assisté pendant quelques mois - et je ne peux que le déplorer - personne n'a abordé cette question !
Il me semble important, monsieur le garde des sceaux, de souligner la gravité de cette situation. Sans doute est-il parfaitement loisible au législateur français d'introduire spontanément les mesures proposées dans notre droit positif. Il n'en est pas moins très douteux que les autorités européennes aient le droit de nous y obliger.
Il me semble, monsieur le garde des sceaux, que votre rôle est d'insister sur ce problème auprès de vos homologues. En effet, n'oublions pas que de nombreuses raisons expliquent le rejet de la Constitution. Parmi elles, il y a le fait que Bruxelles apparaît, à tort ou à raison, mais quelquefois à raison, comme dépassant ses compétences et imposant des normes et des directives qui ne sont pas justifiées.
Cela touche davantage les profanes quand il s'agit du lait écrémé ou des fromages, mais pour nous, juristes, et pour tous ceux qui suivent ces affaires, le sujet est sérieux et grave. En effet, dans le domaine pénal, nous pourrions avoir des annulations devant la Cour de justice des Communautés européennes. Si quelqu'un s'avisait de dire : vous avez pris une décision-cadre qui n'a pas de base juridique, comment statuerait la cour de Luxembourg ? Elle serait bien obligée de constater que, effectivement, il n'y a pas de base juridique. Dans le domaine pénal, nous sommes quelques-uns à savoir que l'on marche sur un terrain miné, qu'il suffit d'une moindre irrégularité pour flanquer par terre des procédures entières. Il y a là un rappel à faire à Bruxelles à l'occasion d'un Conseil « JAI » et cela, me semble-t-il, entre dans vos responsabilités, monsieur le garde des sceaux. C'est pourquoi je me permets d'attirer votre attention sur cette question qui me paraît de plus en plus grave.
En effet, on a renoncé à élaborer des codes, alors on essaie de les faire par petits bouts. Dans dix ans, on aura probablement construit une sorte de droit pénal européen comme on fabrique un patchwork. Encore faudrait-il qu'on le fasse sur une base qui soit solide ; je crois que ce n'est pas le cas pour le moment. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, notre ordre du jour appelle l'examen d'un projet de loi particulier, mêlant des sujets sans lien véritable entre eux.
Ce type de texte visant à adapter en droit français des dispositions européennes est toujours ambigu. Présenté comme d'importance technique plutôt que politique, il ne peut cependant être réellement neutre quant à l'orientation de la justice de notre pays.
Mes chers collègues, ce projet de loi pose également un second problème de fond. Pouvons-nous poursuivre notre tâche de législateur sans prendre en compte l'expression de nos concitoyens le 29 mai dernier ?
Personnellement, je ne le pense pas et les propos de M. Fauchon sur ce point se rapprochent un peu des miens.
M. Philippe Goujon. C'est un scoop !
Mme Josiane Mathon. Je crois qu'il existe, en effet, un rapport entre les exigences qui ont résonné au-delà des urnes du référendum et la méthode qui nous est proposé pour bâtir une Europe de la justice.
Que reprochent nos concitoyens à l'actuelle construction européenne ? Outre son contenu libéral, ce sont également la méthode, l'opacité, l'éloignement des processus de décision qui sont dénoncés avec force. Or il s'agit bien ici d'inclure dans le droit français des dispositions - au demeurant très diverses : une directive et trois décisions-cadres -, arrêtées à l'échelon européen, sans concertation avec les Parlements nationaux ni avec les professionnels et les acteurs du droit.
L'article 1er a pour objet de transposer la directive du 27 janvier 2003 en modifiant la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il s'agit d'« améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l'établissement de règles minimales communes relatives à l'aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires ». Seules les affaires de nature commerciale ou civile sont concernées.
Cette proposition pourrait être saluée comme une avancée pour les justiciables. Hélas, nous devons regretter et dénoncer l'introduction, au détour de cette adaptation d'une mesure européenne, d'une notion totalement étrangère à notre modèle.
Il nous est en effet proposé d'accepter un principe jusque-là repoussé : celui du recours préférentiel aux assurances juridiques pour réaliser l'égalité de nos concitoyens devant la justice.
Le texte que vous soumettez à notre approbation, monsieur le ministre, contient explicitement cette grave entorse à notre philosophie du service public pour l'accès à la justice : « L'aide juridictionnelle n'est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge, soit au titre d'un contrat d'assurance, soit par d'autres systèmes de protection. » Le principe de subsidiarité au profit du marché assurantiel est donc inséré dans le droit français, sans véritable débat sur ce sujet, sans évaluation du dispositif actuel d'aide sociale juridique.
Qui peut croire que cette première entorse ne servira pas demain à élargir cette brèche devant laquelle les compagnies d'assurance piaffent déjà en attendant de pouvoir s'y engouffrer plus largement ? Le libéralisme dont vous vous réclamez, monsieur le ministre, et qui vient d'être rejeté souverainement par notre peuple, est donc insatiable, transformant tout domaine d'activité humaine en marché, sclérosant les relations humaines les plus élaborées, telle la société de droit.
Pour notre part, nous souhaitons qu'une loi vienne moderniser, étendre et renforcer l'aide juridique pour faire réellement progresser l'égalité de nos concitoyens devant l'accès à la loi et aux juridictions chargées de la dire.
Le projet de loi accumule des articles sans logique, l'urgence de la transposition étant sans doute le fil conducteur.
Ainsi, l'article 2 tend à transposer une décision-cadre du 6 décembre 2001 du Conseil de l'Union européenne qui a pour objet de renforcer la répression du faux monnayage. Il introduit la prise en compte au titre de la récidive des condamnations définitives prononcées en la matière dans un autre Etat membre. Il est donc contraire à une jurisprudence constante de la Cour de cassation, comme l'ont rappelé les orateurs qui m'ont précédée.
Comment ce projet de loi procède-t-il ? Vous croyez de bonne foi voter pour un renforcement des sanctions contre le faux monnayage, et vous introduisez en réalité un cheval de Troie dirigé contre une jurisprudence nationale.
L'Europe de la justice ne peut pas se construire sur ce mode, à coups de transpositions, de « mesurettes » qui, subrepticement, viennent transformer le paysage judiciaire. Que deviennent les libertés individuelles, le droit de la défense, avec de telles pratiques ? Il est temps d'ouvrir ce débat aux citoyens et aux citoyennes et de remettre entre leurs mains la construction de l'Europe.
Les articles 3 et 4 visent à renforcer la lutte contre la corruption dans le secteur privé, par adaptation de la décision-cadre du 22 juillet 2003.
Dans une compétition économique caractérisée par des relations violentes de domination financière et de guerres commerciales et aiguisée par une globalisation sans limites, les risques de corruption sont d'autant plus élevés. Le projet de loi ne répond aucunement à la volonté de changer le cours inhumain de cette mondialisation ; cependant, ses auteurs proposent d'élargir le champ d'application de la corruption privée au-delà de la relation entre employeur et salarié, ce qui est une bonne chose : la corruption active s'accompagne souvent d'une corruption passive.
Nous aurions néanmoins préféré, monsieur le ministre, que les infractions créées par l'article 4 fussent insérées dans le code du travail. C'est l'objet de l'action du corps de l'inspection du travail que de veiller au respect des règles auxquelles sont astreintes les entreprises ; or vous le privez de la compétence du constat de corruption et, ce faisant, vous privez les pouvoirs publics d'un moyen efficace de contrôle. Mais il est vrai que vous n'êtes pas un ami du code du travail et de ceux qui ont mission de le faire respecter !
L'article 5, qui vise à transposer la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 22 juillet 2003 relative à l'exécution des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve, suscite peu de commentaires critiques de notre part. La lutte contre le crime nécessite que l'on se dote de véritables outils pour l'investigation et la réparation.
Nous souhaiterions cependant voir pris en compte un amendement issu d'un travail spécifique des parlementaires communistes portant sur la lutte contre le proxénétisme. Les propositions de loi émanant des groupes de l'opposition, singulièrement de l'opposition communiste républicaine et citoyenne, n'étant pas considérées dignes d'un débat public par la majorité sénatoriale,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas vrai !
Mme Josiane Mathon. C'est souvent vrai !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si rarement ! Nous les prenons en considération quand elles sont intéressantes !
Mme Josiane Mathon. Elles le sont toujours, monsieur le président !
... nous souhaitons faire avancer vaille que vaille nos préconisations au fil des textes que vous nous soumettez. Nous défendrons donc un amendement visant à élargir le champ d'application de cet article aux personnes mises en examen pour proxénétisme.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est véritablement nécessaire que la représentation nationale entende le message adressé par nos concitoyens quant à la construction européenne. Le mode de l'harmonisation européenne de la justice doit évoluer profondément et se fonder sur les droits de la personne et sur les libertés individuelles et collectives, et non procéder par ajouts successifs dans le droit national de mesures techniques prises dans des cénacles fermés à l'intervention citoyenne.
Vous mesurez alors la force de notre vote contre le projet de loi, puisque, selon l'avis de la commission des lois, aucun amendement ne viendra l'améliorer.
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la signature de la convention de Naples sur la coopération et l'assistance mutuelle entre les administrations douanières pour lutter contre la fraude marque les premiers pas de ce que l'on appelle l'« espace judiciaire européen » : c'était en 1967 et, à l'époque, l'Europe ne comptait que ses six membres fondateurs.
Depuis cette date, la mise en place d'un espace judiciaire européen n'a cessé de pendre une place croissante dans le processus de la construction européenne ; elle a même connu une très forte accélération avec l'ouverture des frontières dans l'espace Schengen.
Toutefois, cet espace judiciaire européen demeure inachevé tant sa constitution se heurte aux souverainetés nationales sur bien des questions délicates. En effet, nombreuses sont les difficultés à surmonter pour l'élaboration de règles européennes sur des questions qui touchent aux fonctions les plus régaliennes des Etats, telles que la sécurité, la justice, la liberté, trois notions qui se trouvent au coeur même du concept de souveraineté nationale.
De plus, la création d'un véritable espace judiciaire commun impose que l'on réponde aux défis que représentent la reconnaissance mutuelle des décisions de justice d'un autre Etat, l'harmonisation des législations et des sanctions, ou la production de normes juridiques communes sur des sujets où les intérêts nationaux sont identiques, comme c'est le cas en matière d'immigration, d'asile, de trafic de drogues, de blanchiment d'argent ou encore de terrorisme.
D'ailleurs, il faut souligner que c'est la lutte contre le terrorisme qui a relancé les efforts en matière d'espace judiciaire européen. Un an après les attentats du 11 septembre 2001, les débats se sont accélérés sur des questions aussi importantes que la transposition en droit interne de la décision-cadre du 13 juin 2002 sur le mandat d'arrêt européen ou que la poursuite de la mise en oeuvre des mesures décidées à Tampere en octobre 1999.
En effet, les 15 et 16 octobre 1999, le Conseil européen de Tampere décida la création d'un véritable « espace de liberté, de sécurité et de justice », qui devait se traduire par l'instauration d'un espace judiciaire européen en matière civile et pénale et par la lutte contre la criminalité et le blanchiment d'argent.
La représentation nationale est aujourd'hui appelée à faire progresser sensiblement l'espace judiciaire européen et à rendre ainsi effective une partie des engagements pris à Tampere par les chefs d'Etat et de gouvernement.
Il nous faut poursuivre ce grand chantier, qui traduira de façon très concrète et très visible une idée européenne qui devient de plus en plus floue aux yeux de nombreux citoyens ! Car, comme le rappelait Jacques Delors, les avancées réalisées « sont peu lisibles par l'opinion, qui ne comprend pas que, dans un espace unifié, l'on continue à ne pas pouvoir résoudre simplement les problèmes de couples mixtes ».
Le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la justice participe de cette concrétisation de l'espace judiciaire européen. La transposition dans notre droit positif des directives et des décisions-cadres contenues dans ce texte va permettre d'établir des règles communes à l'ensemble des Etats européens en matière d'accès à la justice dans les affaires transfrontalières, et d'instaurer une infraction relative à la récidive internationale en matière de faux monnayage. C'est donc du concret !
Elle permettra aussi de poser des règles relatives à la lutte contre la corruption dans le secteur privé et celles à partir desquelles un Etat de l'Union européenne reconnaît et exécute sur son territoire une décision de gel de biens ou d'éléments de preuve émise par une autorité judiciaire d'un autre Etat de l'Union dans le cadre d'une procédure pénale. Là aussi, c'est du concret, toujours du concret !
Dans ces conditions, en quoi ces mesures ne constitueraient-elles pas un progrès ? Ne sont-elles pas une réalisation concrète de ce que l'Europe peut faire de mieux ? N'y a-t-il pas là une manifestation d'un bon sens européen au service du pragmatisme et de l'efficacité ?
Pour permettre ces avancées, il nous faut aujourd'hui, mes chers collègues, adopter ce projet de loi et ainsi modifier notre code pénal, notre code de procédure pénale et la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Permettez-moi de revenir maintenant sur quelques-unes des avancées contenues dans ce texte.
L'article 1er du projet de loi concerne les règles communes relatives à l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières. La conséquence concrète de la transposition de la directive du 27 janvier 2003 sera de faciliter les règlements des litiges transfrontaliers, de plus en plus nombreux en matière civile mais aussi commerciale. Cela signifie que nos concitoyens, devant des juridictions étrangères, bénéficieront des moyens de faire valoir leur point de vue et d'être correctement défendus. Cette transposition permettra aussi, par exemple, la prise en charge des frais pesant sur le justiciable durant toute la procédure, comme les frais de déplacement ou de traduction, en tenant compte bien sûr des différences de niveau de vie entre les Etats membres. La portée de cette directive est donc loin d'être négligeable !
L'article 2 du projet de loi a pour objet la transposition de la décision-cadre du Conseil de l'Union du 6 décembre 2001 visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro. Cette transposition permettra notamment la reconnaissance du principe de récidive par chaque Etat membre, après une condamnation définitive en matière de faux monnayage prononcée par une juridiction d'un autre Etat membre. De plus, l'interconnexion des casiers judiciaires qui en résultera aura pour effet quasi automatique de rendre plus efficace la lutte contre la criminalité organisée à l'échelle du territoire européen.
Enfin, je souhaite évoquer l'harmonisation des sanctions que rendra possible l'adoption de ce texte, conformément aux conclusions du Conseil européen de Tampere. En effet, les Etats membres devront désormais prévoir des peines minimales et harmoniser les sanctions. La transposition de la décision-cadre de juillet 2003 relative à l'exécution des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve engendrera de substantiels progrès en matière de coopération judiciaire et de traitement pénal à l'échelle européenne. C'est ici un grand pas vers une meilleure homogénéisation de l'espace judiciaire européen.
Il n'y a pas le moindre doute, mes chers collègues : comme l'a souligné notre excellent rapporteur, François Zocchetto, les dispositions contenues dans le présent projet de loi constituent un réel progrès et rendent plus concrètes la réalisation et, surtout, la perception de l'espace judiciaire européen. En adoptant ce texte, mes chers collègues, nous ferons de l'espace judiciaire européen une réalité de tous les jours et nous renforcerons par là même l'Europe des citoyens. Ainsi, nous nous rapprocherons davantage de l'« espace de liberté, de justice et de sécurité » dont le principe a été posé par le traité d'Amsterdam.
Malgré le rejet du traité constitutionnel européen, qui aurait permis l'inscription du principe de « reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires », il faut poursuivre le grand chantier de la construction d'un espace judiciaire européen toujours plus homogène, efficient et efficace.
C'est pourquoi je voterai le projet de loi qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
CHAPITRE IER
Transposition de la directive 2003/8/CE du Conseil de l'Union européenne, du 27 janvier 2003, visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l'établissement de règles minimales communes relatives à l'aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires
Article 1er
La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi modifiée :
1° Après l'article 3, il est inséré un article 3-1 ainsi rédigé :
« Art. 3-1. - Par dérogation aux deuxième et troisième alinéas de l'article 2 et à l'article 3, et pour l'application de la directive 2003/8/CE du Conseil, du 27 janvier 2003, visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l'établissement de règles minimales communes relatives à l'aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires, l'aide juridictionnelle est accordée dans les litiges transfrontaliers en matière civile ou commerciale, et dans cette même matière définie au titre II, aux personnes qui, quelle que soit leur nationalité, sont en situation régulière de séjour et résident habituellement dans un Etat membre de l'Union européenne, à l'exception du Danemark, ou y ont leur domicile.
« Le litige transfrontalier est celui dans lequel la partie qui sollicite l'aide a sa résidence habituelle ou son domicile dans un Etat membre autre que celui où siège la juridiction compétente sur le fond du litige ou que celui dans lequel la décision doit être exécutée. Cette situation s'apprécie au moment où la demande d'aide est présentée.
« L'aide juridictionnelle n'est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge, soit au titre d'un contrat d'assurance, soit par d'autres systèmes de protection. » ;
2° L'article 6 est complété par les mots : « ou, dans les litiges transfrontaliers mentionnés à l'article 3-1, si elles rapportent la preuve qu'elles ne pourraient faire face aux dépenses visées à l'article 24 en raison de la différence du coût de la vie entre la France et l'Etat membre où elles ont leur domicile ou leur résidence habituelle » ;
3° Au dernier alinéa de l'article 10, les mots : « d'une décision de justice ou de tout autre titre exécutoire » sont remplacés par les mots : » sur le territoire français, d'une décision de justice ou de tout autre titre exécutoire, y compris s'ils émanent d'un autre Etat membre de l'Union européenne à l'exception du Danemark » ;
4° Après l'article 40, il est inséré un article 40-1 ainsi rédigé :
« Art. 40-1. - Dans les litiges transfrontaliers mentionnés à l'article 3-1, l'aide juridictionnelle couvre les frais de traduction de sa demande et des documents exigés pour son instruction avant transmission de cette demande à l'Etat de la juridiction compétente sur le fond. En cas de rejet de cette demande, les frais de traduction peuvent être recouvrés par l'Etat.
« L'aide juridictionnelle couvre pour les mêmes litiges, lorsque l'instance se déroule en France, les frais d'interprète, les frais de traduction des documents que le juge a estimé indispensable d'examiner pour apprécier les moyens soulevés par le bénéficiaire de l'aide, ainsi que les frais de déplacement des personnes dont la présence à l'audience est requise par le juge. » ;
5° Il est rétabli un article 61 ainsi rédigé :
« Art. 61. - Dans les litiges transfrontaliers mentionnés à l'article 3-1, la consultation d'un avocat, préalablement à la réception de la demande d'aide juridictionnelle par l'Etat de la juridiction compétente sur le fond, a lieu au titre de l'aide à l'accès au droit mise en oeuvre en application de la deuxième partie de la présente loi. »
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article 3-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, remplacer les mots :
en matière civile ou commerciale
par les mots :
en toutes matières
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet.
L'amendement n° 3 est présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le premier alinéa du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article 3-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, supprimer les mots :
sont en situation régulière de séjour et
L'amendement n° 2 n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Josiane Mathon, pour défendre l'amendement n° 3.
Mme Josiane Mathon. L'article 1er du projet de loi vise à insérer un article 3-1 dans la loi du l0 juillet 1990.
Alors que l'article 3 de cette loi concerne le bénéfice de l'aide juridictionnelle à l'occasion d'une procédure engagée en France, le nouvel article 3-1, qui transpose la directive de janvier 2003, a pour objet la définition du régime d'aide juridictionnelle applicable aux litiges transfrontaliers.
Cependant, les conditions de l'octroi de l'aide juridictionnelle diffèrent selon que l'on se trouve dans un cas ou dans l'autre, et cela est particulièrement vrai pour les personnes de nationalité étrangère.
En effet, à la différence du régime de droit commun, le projet de loi prévoit qu'en cas de litige transfrontalier, les étrangers en situation irrégulière ne pourraient plus bénéficier de l'aide juridictionnelle, alors que cela leur est possible en cas de procédure engagée en France.
Si la condition de la régularité du séjour était effectivement maintenue, ceux qui n'ont pas les moyens d'assurer la prise en charge des frais d'avocat ou de procédure ne seraient plus en mesure d'assurer correctement leur défense devant les tribunaux. Pouvoir assurer sa défense est pourtant un des éléments du droit à un procès équitable. C'est ce qui justifie l'existence de l'aide juridictionnelle accordée à toute personne dans l'incapacité de payer les frais afférents au litige. Comment, sans l'aide juridictionnelle, ces étrangers pourraient-ils faire valoir leurs droits ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, la directive ne vise que les personnes en situation régulière sur le territoire de l'Union européenne.
Certes, comme l'a très bien dit M. Pierre Fauchon tout à l'heure, le législateur français peut décider d'aller au-delà du dispositif prévu par la directive, mais, en l'occurrence, il ne paraît pas du tout judicieux de permettre systématiquement aux personnes en situation irrégulière sur le territoire de l'Union de bénéficier de l'aide juridictionnelle.
Aux termes de la loi du 10 juillet 1991, des personnes en situation irrégulière peuvent, dans certains cas, bénéficier de l'aide juridictionnelle. Mais les conditions d'admission sont très restrictives, et l'aide juridictionnelle n'est accordée que sous réserve d'un examen au cas par cas : en règle générale, ce dispositif s'applique quand il y a un problème familial assez grave et que l'intérêt de la famille, notamment l'intérêt des enfants, est en jeu.
Je pense qu'il n'est pas du tout cohérent d'étendre automatiquement le bénéfice du nouveau dispositif aux personnes en situation irrégulière et qu'il convient d'en rester au dispositif prévu par la loi du 10 juillet 1991.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. La tâche du Gouvernement est largement facilitée par M. le rapporteur, qui a rappelé, madame le sénateur, que sont bien entendu visées des personnes en situation régulière.
Vous le savez, même si la France voulait faire preuve d'une grande générosité, elle ne peut pas aller au-delà de la directive européenne. Je ne refuse donc pas votre proposition, je vous dis simplement qu'elle n'est pas opportune.
Par ailleurs, je tiens à préciser devant la Haute Assemblée que le problème de l'aide juridictionnelle et des frais de justice est le problème majeur que rencontre le ministère de la justice. Or il y a dans cette affaire une progression sinon géométrique, du moins considérable, des frais de justice, essentiellement due aux expertises, aux écoutes téléphoniques, et pas uniquement avec le problème qui nous occupe aujourd'hui : nous sommes passés en quatre ans de 280 millions d'euros à plus de 500 millions d'euros.
Nous allons, pour la première fois dans la prochaine loi de finances, expérimenter un nouveau mode budgétaire : il y aura non plus des crédits estimatifs mais des crédits limitatifs ; on ne peut pas en plus augmenter la partie variable des crédits que sont les frais de justice, qui constituent la part la plus ingérable des crédits du ministère de la justice !
Dans ces conditions, non seulement je considère qu'un tel amendement n'est pas recevable compte tenu de la directive, mais je recommande à tous la plus grande circonspection dans l'augmentation des frais de justice.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
CHAPITRE II
Transposition de la décision-cadre 2001/888/JAI du Conseil de l'Union européenne, du 6 décembre 2001, visant à renforcer par des sanctions pénales et autres la protection contre le faux monnayage en vue de la mise en circulation de l'euro
Article 2
Après l'article 442-15 du code pénal, il est inséré un article 442-16 ainsi rédigé :
« Art. 442-16. - Les condamnations prononcées par les juridictions pénales d'un Etat membre de l'Union européenne pour les infractions prévues au présent chapitre sont prises en compte au titre de la récidive conformément aux règles prévues par les articles 132-8 à 132-15. » - (Adopté.)
CHAPITRE III
Transposition de la décision-cadre 2003/568/JAI du Conseil de l'Union européenne, du 22 juillet 2003, relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé
Article 3
Le titre IV du livre IV du même code est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« CHAPITRE V
« De la corruption des personnes n'exerçant pas une fonction publique
« Section 1
« De la corruption passive et active des personnes n'exerçant pas une fonction publique
« Art. 445-1. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le fait de proposer, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour obtenir d'une personne qui, sans être dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale, ou un organisme quelconque, qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de son activité ou de sa fonction ou facilité par son activité ou sa fonction, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles.
« Est puni des mêmes peines le fait de céder à une personne visée à l'alinéa précédent qui sollicite, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte visé audit alinéa, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles.
« Art. 445-2. - Est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende le fait, par une personne qui, sans être dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, exerce, dans le cadre d'une activité professionnelle ou sociale, une fonction de direction ou un travail pour une personne physique ou morale, ou un organisme quelconque, de solliciter ou d'agréer, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour accomplir ou s'abstenir d'accomplir un acte de son activité ou de sa fonction, ou facilité par son activité ou sa fonction, en violation de ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles.
« Section 2
« Peines complémentaires applicables aux personnes physiques et responsabilité pénale des personnes morales
« Art. 445-3. - Les personnes physiques coupables des infractions définies aux articles 445-1 et 445-2 encourent également les peines complémentaires suivantes :
« 1° L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-26, des droits civiques, civils et de famille ;
« 2° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ;
« 3° La confiscation, suivant les modalités prévues par l'article 131-21, de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ;
« 4° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35.
« Art. 445-4. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, des infractions définies aux articles 445-1 et 445-2.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1° L'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;
« 2° Pour une durée de cinq ans au plus, les peines mentionnées aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6° et 7° de l'article 131-39.
« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise ;
« 3° La confiscation, suivant les modalités prévues par l'article 131-21, de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit, à l'exception des objets susceptibles de restitution ;
« 4° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35. » - (Adopté.)
Article 4
La section 6 du chapitre II du titre V du livre Ier du code du travail est abrogée. - (Adopté.)
Article 4 bis
I. - L'article L. 1414-4 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Dans le a, après la référence : « 441-9 », sont insérés les mots : « , par l'article 445-1 » ;
2° A la fin du même a, les mots : « , ainsi que par le deuxième alinéa de l'article L. 152-6 du code du travail » sont supprimés.
II. - L'article 22 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières est ainsi modifié :
1° Dans le c du 1°, après la référence : « 441-8 », sont insérées les références : « , 445-1 et 445-2 » ;
2° Dans le même c, les mots : « de l'article L. 152-6 du code du travail, » sont supprimés. - (Adopté.)
CHAPITRE IV
Transposition de la décision-cadre 2003/577/JAI du Conseil de l'Union européenne, du 22 juillet 2003, relative à l'exécution dans ladite Union européenne des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve
Articles additionnels avant l'article 5
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est inséré après l'article 225-24 du code pénal un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les personnes physiques et morales reconnues coupables des infractions prévues aux sections 2 et 2 bis du présent chapitre encourent également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, qu'elle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis ».
L'amendement n° 5, présenté par Mmes Mathon, Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est inséré, après l'article 706-36 du code de procédure pénale, un article ainsi rédigé :
« Art. ... - En cas d'information ouverte pour une infraction entrant dans le champ d'application de l'article 706-34 et afin de garantir le paiement des amendes encourues ainsi que, le cas échéant, la confiscation prévue par l'article additionnel après l'article 225-24 du code pénal (cf. amendement n° 4), le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur de la République peut ordonner, aux frais avancés du Trésor et selon les modalités prévues par le code de procédure civile, des mesures conservatoires sur les biens de la personne mise en cause.
« La condamnation vaut validation des saisies conservatoires et permet l'inscription définitive des sûretés.
« La décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement emporte de plein droit, aux frais du Trésor, mainlevée des mesures ordonnées. Il en est de même en cas d'extinction de l'action publique.
« Pour l'application des dispositions du présent article, le juge des libertés et de la détention est compétent sur l'ensemble du territoire national ».
La parole est à Mme Josiane Mathon, pour défendre ces deux amendements.
Mme Josiane Mathon. L'article 5 transpose la décision-cadre du 22 juillet 2003 relative à l'exécution dans l'Union européenne des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve.
L'occasion nous est donnée ici de reprendre certaines dispositions de notre proposition de loi relative à l'exploitation sexuelle et à la protection des victimes et qui concernent le gel des biens des proxénètes.
C'est en effet en direction de ceux qui profitent de la prostitution et de la traite des êtres humains que nous souhaitons agir : les trafiquants et les proxénètes.
Bien que nous disposions de nombreuses mesures législatives en matière de lutte contre le proxénétisme, il convient de constater que les réseaux ne sont pas démantelés. Il faut donc s'attaquer au coeur du système de la prostitution organisé de manière transnationale, et qui est constitué en priorité de l'argent des proxénètes.
Nos deux amendements offrent donc la possibilité de confiscation de tous les biens, « quelle qu'en soit la nature », du proxénète, ou l'extension de la saisie conservatoire des biens aux personnes mises en examen pour proxénétisme. Ces mesures avaient d'ailleurs été adoptées à l'unanimité à l'Assemblée nationale lors du débat relatif à la lutte contre l'esclavage.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Madame Mathon, les dispositions que vous proposez figurent déjà dans le code pénal et dans le code de procédure pénale.
Pour l'amendement n° 4, il s'agit de l'article 225-25 du code pénal, et pour l'amendement n° 5, il s'agit de l'article 706-36-1 du code de procédure pénale.
Vos amendements sont donc satisfaits et je vous demande de les retirer.
M. le président. Madame Mathon, les amendements sont-ils maintenus ?
Mme Josiane Mathon. Je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 4 et 5 sont retirés.
Article 5
Le chapitre II du titre X du livre IV du code de procédure pénale est complété par une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« De l'émission et de l'exécution des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve en application de la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 22 juillet 2003
« Paragraphe 1er
« Dispositions générales
« Art. 695-9-1. - Une décision de gel de biens ou d'éléments de preuve est une décision prise par une autorité judiciaire d'un Etat membre de l'Union européenne, appelé Etat d'émission, afin d'empêcher la destruction, la transformation, le déplacement, le transfert ou l'aliénation d'un bien susceptible de faire l'objet d'une confiscation ou de constituer un élément de preuve et se trouvant sur le territoire d'un autre Etat membre, appelé Etat d'exécution.
« L'autorité judiciaire est compétente, selon les règles et dans les conditions déterminées par la présente section, pour prendre et transmettre aux autorités judiciaires des autres Etats membres de l'Union européenne ou pour exécuter, sur leur demande, une décision de gel de biens ou d'éléments de preuve.
« La décision de gel de biens ou d'éléments de preuve est soumise aux mêmes règles et entraîne les mêmes effets juridiques que la saisie.
« Art. 695-9-2. - Les biens ou les éléments de preuve qui peuvent donner lieu à la prise ou à l'exécution d'une décision de gel sont les suivants :
« 1° Tout bien meuble ou immeuble, corporel ou incorporel, ainsi que tout acte juridique ou document attestant d'un titre ou d'un droit sur ce bien, dont l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission estime qu'il est le produit d'une infraction ou correspond en tout ou partie à la valeur de ce produit, ou constitue l'instrument ou l'objet d'une infraction ;
« 2° Tout objet, document ou donnée, susceptible de servir de pièce à conviction dans le cadre d'une procédure pénale dans l'Etat d'émission.
« Art. 695-9-3. - Toute décision de gel de biens ou d'éléments de preuve est accompagnée d'un certificat décerné par l'autorité judiciaire ayant ordonné la mesure et comprenant les mentions suivantes :
« 1° L'identification de l'autorité judiciaire qui a pris, validé ou confirmé la décision de gel et de l'autorité compétente pour exécuter ladite décision dans l'Etat d'émission, si celle-ci est différente de l'autorité d'émission ;
« 2° L'identification de l'autorité centrale compétente pour la transmission et la réception des décisions de gel, lorsqu'une telle autorité a été désignée ;
« 3° La date et l'objet de la décision de gel ainsi que, s'il y a lieu, les formalités procédurales à respecter pour l'exécution d'une décision de gel concernant des éléments de preuve ;
« 4° Les données permettant d'identifier les biens ou éléments de preuve faisant l'objet de la décision de gel, notamment la description précise de ces biens ou éléments, leur localisation dans l'Etat d'exécution et la désignation de leur propriétaire ou de leur gardien ;
« 5° L'identité de la ou des personnes physiques ou morales soupçonnées d'avoir commis l'infraction ou qui ont été condamnées et qui sont visées par la décision de gel ;
« 6° Les motifs de la décision de gel, le résumé des faits connus de l'autorité judiciaire qui en est l'auteur, la nature et la qualification juridique de l'infraction qui la justifie y compris, s'il y a lieu, l'indication que ladite infraction entre, en vertu de la loi de l'Etat d'émission, dans l'une des catégories d'infractions mentionnées aux troisième à trente-quatrième alinéas de l'article 695-23 et y est punie d'une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement ;
« 7° La description complète de l'infraction lorsque celle-ci n'entre pas dans l'une des catégories d'infractions visées au 6° ;
« 8° Les voies de recours contre la décision de gel pour les personnes concernées, y compris les tiers de bonne foi, ouvertes dans l'Etat d'émission, la désignation de la juridiction devant laquelle ledit recours peut être introduit et le délai dans lequel celui-ci peut être formé ;
« 9° Le cas échéant, les autres circonstances pertinentes de l'espèce ;
« 10° La signature de l'autorité judiciaire d'émission ou celle de son représentant attestant l'exactitude des informations contenues dans le certificat.
« Art. 695-9-4. - La décision de gel de biens ou d'éléments de preuve est accompagnée, selon les cas :
« 1° D'une demande de transfert des éléments de preuve vers l'Etat d'émission ;
« 2° D'une demande d'exécution d'une décision de confiscation du bien.
« A défaut, le certificat contient l'instruction de conserver le bien ou l'élément de preuve dans l'Etat d'exécution jusqu'à la réception d'une des demandes visées aux 1° et 2° et mentionne la date probable à laquelle une telle demande sera présentée.
« Les demandes visées aux 1° et 2° sont transmises par l'Etat d'émission et traitées par l'Etat d'exécution conformément aux règles applicables à l'entraide judiciaire en matière pénale et à la coopération internationale en matière de confiscation.
« Art. 695-9-5. - Le certificat doit être traduit dans la langue officielle ou dans une des langues officielles de l'Etat d'exécution ou dans l'une des langues officielles des institutions des Communautés européennes acceptées par cet Etat.
« Art. 695-9-6. - La décision de gel et le certificat sont, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa, transmis directement par l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission à l'autorité judiciaire de l'Etat d'exécution, par tout moyen laissant une trace écrite et dans des conditions permettant à cette dernière autorité d'en vérifier l'authenticité.
« Lorsqu'un Etat membre de l'Union européenne a fait une déclaration à cet effet, la décision de gel et le certificat sont expédiés par l'intermédiaire d'une ou plusieurs autorités centrales désignées par ledit Etat.
« Paragraphe 2
« Dispositions relatives aux décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve prise par les autorités judiciaires françaises
« Art. 695-9-7. - Le procureur de la République, les juridictions d'instruction, le juge des libertés et de la détention et les juridictions de jugement compétents, en vertu des dispositions du présent code, pour ordonner une saisie de biens ou d'éléments de preuve, sont compétents pour prendre, dans les mêmes cas et conditions, des décisions de gel visant des biens ou des éléments de preuve situés sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne et pour établir les certificats afférents à ces décisions.
« Le certificat peut préciser que la demande de gel visant des éléments de preuve devra être exécutée dans l'Etat d'exécution selon les règles du présent code.
« Art. 695-9-8. - La décision de gel prise par un juge d'instruction est transmise par celui-ci, avec son certificat, à l'autorité judiciaire de l'Etat d'exécution, selon les modalités prévues à l'article 695-9-6. Dans les autres cas, la décision et le certificat sont transmis par le ministère public près la juridiction qui en est l'auteur.
« Art. 695-9-9. - Les décisions qui emportent mainlevée de la décision de gel sont transmises sans délai, selon les modalités prévues à l'article 695-9-8, à l'autorité judiciaire de l'Etat d'exécution.
« Paragraphe 3
« Dispositions relatives à l'exécution des décisions de gel de biens ou d'éléments de preuve prises par les autorités étrangères
« Art. 695-9-10. - Le juge d'instruction est compétent pour statuer sur les demandes de gel d'éléments de preuve ainsi que pour les exécuter.
« Le juge des libertés et de la détention est compétent pour statuer sur les demandes de gel de biens en vue de leur confiscation ultérieure. Le procureur de la République est compétent pour procéder à l'exécution des mesures ordonnées par ce juge.
« Art. 695-9-11. - La décision de gel et le certificat émanant de l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission sont transmis, selon les modalités prévues à l'article 695-9-6, au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention territorialement compétent, le cas échéant par l'intermédiaire du procureur de la République ou du procureur général.
« Le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention territorialement compétent est celui du lieu où se situe l'un quelconque des biens ou des éléments de preuve faisant l'objet de la demande de gel ou, si ce lieu n'est pas précisé, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention de Paris.
« Si l'autorité judiciaire à laquelle la demande de gel a été transmise n'est pas compétente pour y donner suite, elle la transmet sans délai à l'autorité judiciaire compétente et en informe l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission.
« Art. 695-9-12. - Avant d'y statuer, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention saisi directement d'une demande de gel la communique pour avis au procureur de la République.
« Le procureur de la République qui reçoit directement une demande de gel la transmet pour exécution, avec son avis, au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention, suivant l'objet de la demande.
« Dans le cas prévu à l'article 694-4, le procureur de la République saisit le procureur général.
« Art. 695-9-13. - Après s'être assuré de la régularité de la demande, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention se prononce sur l'exécution de la décision de gel dans les meilleurs délais et, si possible, dans les vingt-quatre heures suivant la réception de ladite décision.
« Il exécute ou fait exécuter immédiatement la décision de gel.
« Il informe sans délai l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission de l'exécution de la décision de gel par tout moyen laissant une trace écrite.
« Art. 695-9-14. - Les décisions de gel d'éléments de preuve sont exécutées selon les règles de procédure prévues par le présent code.
« Toutefois, si la demande ou le certificat le précise, les décisions de gel sont exécutées selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article 694-3.
« Art. 695-9-15. - Les décisions de gel de biens ordonnées à des fins de confiscation ultérieure sont exécutées, aux frais avancés du Trésor, selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution.
« Art. 695-9-16. - L'exécution d'une décision de gel peut être refusée si le certificat n'est pas produit, s'il est établi de manière incomplète ou s'il ne correspond manifestement pas à la décision de gel. Toutefois, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention peut impartir un délai à l'auteur de la décision pour que le certificat soit produit, complété ou rectifié, accepter un document équivalent ou, s'il s'estime suffisamment éclairé, dispenser l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission de toute production complémentaire.
« Art. 695-9-17. - Sans préjudice de l'application de l'article 694-4, l'exécution d'une décision de gel est refusée dans l'un des cas suivants :
« 1° Si une immunité y fait obstacle ou si le bien ou l'élément de preuve est insaisissable selon la loi française ;
« 2° S'il ressort du certificat que la décision de gel se fonde sur des infractions pour lesquelles la personne visée dans ladite décision a déjà été jugée définitivement par les autorités judiciaires françaises ou par celles d'un Etat autre que l'Etat d'émission, à condition, en cas de condamnation, que la peine ait été exécutée, soit en cours d'exécution ou ne puisse plus être ramenée à exécution selon les lois de l'Etat de condamnation ;
« 3° S'il est établi que la décision de gel a été prise dans le but de poursuivre ou de condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle, ou que l'exécution de ladite décision peut porter atteinte à la situation de cette personne pour l'une de ces raisons ;
« 4° Si la décision de gel a été prise à des fins de confiscation ultérieure d'un bien et que les faits qui la justifient ne constituent pas une infraction permettant, selon la loi française, d'ordonner une mesure conservatoire.
« Toutefois, le motif de refus prévu au 4° n'est pas opposable lorsque la décision de gel concerne une infraction qui, en vertu de la loi de l'Etat d'émission, entre dans l'une des catégories d'infractions mentionnées aux troisième à trente-quatrième alinéas de l'article 695-23 et y est punie d'une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement.
« Art. 695-9-18. - Nonobstant les dispositions du 4° de l'article 695-9-17, l'exécution de la décision de gel ne peut, en matière de taxes ou d'impôts, de douanes et de change, être refusée au motif que la loi française ne prévoit pas le même type de taxes ou d'impôts ou le même type de réglementation en matière de taxes ou d'impôts, de douane et de change que la loi de l'Etat d'émission.
« Art. 695-9-19. - Le refus d'exécuter une décision de gel de biens ou d'éléments de preuve est motivé. Il est notifié sans délai à l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission par tout moyen laissant une trace écrite.
« Lorsqu'il est impossible d'exécuter la décision de gel parce que le bien ou les éléments de preuve ont disparu, ont été détruits, n'ont pas été retrouvés à l'endroit indiqué dans le certificat ou qu'il n'a pas été possible de les localiser, même après consultation de l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention en informe sans délai l'autorité judiciaire dudit Etat par tout moyen laissant une trace écrite.
« Art. 695-9-20. - L'exécution d'une décision de gel de biens ou d'éléments de preuve peut être différée :
« 1° Lorsqu'elle risque de nuire à une enquête pénale en cours ;
« 2° Lorsque l'un quelconque des biens ou éléments de preuve en cause a déjà fait l'objet d'une mesure de gel ou de saisie dans le cadre d'une procédure pénale ;
« 3° Lorsque la décision de gel est prise en vue de la confiscation ultérieure d'un bien et que celui-ci fait déjà l'objet d'une décision de gel ou de saisie dans le cadre d'une procédure non pénale en France ;
« 4° Lorsque l'un quelconque des biens ou éléments de preuve en cause est un document ou un support protégé au titre de la défense nationale, tant que la décision de le déclassifier n'a pas été notifiée par l'autorité administrative compétente au juge d'instruction ou au juge des libertés et de la détention en charge de l'exécution de la décision de gel.
« Le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention qui décide de différer l'exécution de la décision de gel en informe sans délai l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission par tout moyen laissant une trace écrite, en lui précisant le motif du report et, si possible, sa durée prévisible.
« Art. 695-9-21. - Dès que le motif de report n'existe plus, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention procède à l'exécution de la décision de gel, dans les conditions prévues à l'article 695-9-13.
« Art. 695-9-22. - Lorsque la décision de gel concerne un élément de preuve, celui qui le détient ou toute autre personne qui prétend avoir un droit sur ledit élément peut, par voie de requête remise au greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel territorialement compétente dans les dix jours à compter de la date de mise à exécution de la décision considérée, former un recours à l'encontre de cette dernière. Les dispositions de l'article 173 sont alors applicables.
« Le recours n'est pas suspensif et ne permet pas de contester les motifs de fond de la décision de gel.
« La chambre de l'instruction peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, autoriser l'Etat d'émission à intervenir à l'audience par l'intermédiaire d'une personne habilitée par ledit Etat à cet effet ou, le cas échéant, directement par l'intermédiaire des moyens de télécommunications prévus à l'article 706-71. Lorsque l'Etat d'émission est autorisé à intervenir, il ne devient pas partie à la procédure.
« Art. 695-9-23. - Lorsque la décision de gel est prise en vue de la confiscation d'un bien, les voies de recours prévues en matière de procédures civiles d'exécution sont applicables.
« Toutefois, le recours ne permet pas de contester les motifs de fond de la décision de gel.
« Art. 695-9-24. - La personne intéressée par la décision de gel peut également s'informer, auprès du greffe du juge d'instruction ou de celui du juge des libertés et de la détention, des voies de recours contre la décision de gel ouvertes dans l'Etat d'émission et mentionnées dans le certificat.
« Art. 695-9-25. - Le procureur général ou, s'il a été fait application de l'article 695-9-23, le procureur de la République, informe l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission du recours éventuellement exercé et des moyens soulevés, afin que cette autorité puisse produire ses observations, le cas échéant par l'intermédiaire des moyens de télécommunications prévus à l'article 706-71. Il l'avise des résultats de cette action.
« Art. 695-9-26. - Lorsque l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission a demandé le transfert d'un élément de preuve et que la décision d'exécution de la décision de gel revêt un caractère définitif, le juge d'instruction prend les mesures nécessaires au transfert, dans les meilleurs délais, de cet élément de preuve à ladite autorité judiciaire, selon les règles applicables à l'entraide judiciaire en matière pénale.
« Art. 695-9-27. - Lorsque l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission n'a pas demandé le transfert de l'élément de preuve faisant l'objet de la décision de gel, celui-ci est conservé sur le territoire français selon les règles du présent code.
« Si le juge d'instruction, en application de ces règles, envisage de ne pas conserver l'élément de preuve, il en avise l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission et la met à même de produire ses observations avant de prendre sa décision.
« Art. 695-9-28. - Lorsque l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission a demandé le gel d'un bien en vue de sa confiscation ultérieure, celui-ci est conservé selon les modalités prévues à l'article 695-9-15.
« Les sûretés ordonnées peuvent être renouvelées avant l'expiration du délai légal de conservation. Si le juge des libertés et de la détention n'envisage pas de renouveler ces sûretés, il en avise l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission et la met à même de produire ses observations avant l'expiration de ce délai.
« Art. 695-9-29. - Le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention informe l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission de toute autre mesure de gel ou saisie dont le bien ou l'élément de preuve concerné par la décision de gel fait l'objet.
« Art. 695-9-30. - La mainlevée totale ou partielle de la mesure de gel peut être demandée par toute personne intéressée.
« Lorsque le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention envisage, d'office ou à la demande de toute personne intéressée, de donner mainlevée de la mesure de gel, il en avise l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission et la met à même de produire ses observations.
« La mainlevée de la décision de gel prononcée par l'autorité judiciaire de l'Etat d'émission emporte de plein droit, aux frais avancés du Trésor, mainlevée des mesures d'exécution prises à la demande de cette autorité. » - (Adopté.)
CHAPITRE V
[Division et intitulé supprimés]
Article 6
M. le président. L'article 6 a été supprimé par l'Assemblée nationale.
CHAPITRE VI
Dispositions relatives à l'outre-mer
Article 7
Les dispositions des articles 2, 3 et 5 sont applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie.
Les dispositions des articles 2 et 3 sont applicables dans les Terres australes et antarctiques françaises. - (Adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance d'une dizaine de minutes.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
Discussion des conclusions du rapport d'une commission
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de M. François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de loi de M. Laurent Béteille précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (nos 409, 358).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour reparler de ce qui constitue certainement l'une des principales, sinon la principale innovation de la loi du 9 mars 2004, à savoir la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, que j'appellerai dans la suite de mon propos la « CRPC », car il faut, à mon sens, éviter d'utiliser l'expression « plaider-coupable », qui ne s'applique pas vraiment à la procédure que nous avons adoptée.
M. François Zocchetto, rapporteur. Même si la CRPC s'inspire des procédures anglo-saxonnes de « plaider-coupable », elle s'en distingue sur un point essentiel : tandis que le « plea bargaining » autorise le juge à abandonner certaines charges en échange d'une reconnaissance de culpabilité sur d'autres faits et de l'acceptation de la peine prononcée, le principe même d'une négociation est écarté dans le cadre de la CRPC.
Il faut observer que la CRPC se rapproche plus de la composition pénale telle qu'elle avait été instituée par la loi du 23 juin 1999. Il s'agit en quelque sorte de la concrétisation de ce dispositif, qui avait alors permis d'« entrouvrir une porte » dans ce domaine.
La CRPC présente un caractère original et novateur. Elle est définie par les articles 495-7 à 495-16 nouveaux du code de procédure pénale.
Son champ d'application doit répondre à trois conditions.
Tout d'abord, le délit doit être puni de cinq ans d'emprisonnement maximum, à l'exclusion des délits de presse, des délits d'homicide involontaire, des délits politiques ou de ceux qui sont prévus par une loi spéciale.
Ensuite, la personne concernée doit reconnaître les faits.
Enfin, le délinquant doit être majeur.
Précision importante, la CRPC est écartée pour tous les faits qui font l'objet d'une information : dès qu'il y a intervention d'un juge d'instruction, il ne peut pas y avoir de CRPC en l'état actuel des textes. Nous verrons ce qu'il en sera à l'avenir...
Le procureur peut recourir d'office à la CRPC à la demande soit de l'intéressé, c'est-à-dire l'auteur des faits, soit de son avocat.
En ce qui concerne les peines susceptibles d'être proposées, une double limite est prévue : le quantum prononcé ne peut excéder un an d'emprisonnement ni dépasser la moitié de la peine d'emprisonnement encourue. Il s'agit donc d'un régime de peines très préférentiel.
Je rappellerai en quelques mots la procédure suivie devant le procureur.
L'avocat doit être présent à chacune des étapes de cette procédure - Le Sénat y tenait beaucoup - et, a contrario, lorsqu'il n'y a pas d'avocat, il ne peut y avoir de CRPC.
Tout d'abord, les déclarations par lesquelles la personne reconnaît les faits sont recueillies par le procureur.
Ensuite, le procureur fait une proposition de peine.
Puis, dans un troisième temps, la personne peut librement s'entretenir avec son avocat, hors la présence du procureur.
Enfin, si la personne accepte la peine, elle en fait part au procureur, toujours en présence de son avocat, et est « aussitôt présentée », pour reprendre les termes de la loi, devant le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui, qui aura été saisi par le procureur de la République d'une requête en homologation.
S'agissant de l'audience d'homologation, sujet qui nous préoccupe ce matin, la loi a prévu un déroulement en quatre temps.
Premièrement, le juge entend la personne et son avocat.
Deuxièmement, le juge vérifie la réalité des faits et leur qualification juridique. A ce moment-là, il peut donc poser des questions au prévenu ou à son avocat.
Troisièmement, le juge statue par une ordonnance motivée soit en homologuant la peine, soit en la rejetant. Par conséquent, le juge n'a pas le pouvoir de renégocier ou de proposer autre chose. Il ne peut qu'accepter ou refuser la peine proposée par le procureur.
Enfin, quatrièmement, l'ordonnance d'homologation est lue en audience publique. Elle est immédiatement exécutoire.
Je précise que la procédure prévoit un double délai de réflexion : avant l'acceptation de la peine, il est possible de bénéficier d'un délai de réflexion de dix jours ; après le prononcé de la peine, la personne condamnée peut faire appel, avec une possibilité d'appel incident du parquet.
Evidemment, si la peine est refusée ou si elle n'est pas homologuée, l'affaire est renvoyée à l'audience du tribunal correctionnel, qui statue de façon classique.
Je crois également utile, mes chers collègues, de vous rappeler que les droits de la victime sont garantis par trois dispositions particulières.
Si la victime est identifiée, elle est informée de cette procédure sans délai et par tout moyen, et elle est invitée à comparaître à l'audience de l'homologation, accompagnée, le cas échéant, de son avocat. Elle peut alors se constituer partie civile et demander réparation.
Si la victime n'a pu exercer ce droit, le procureur de la République doit l'informer de son droit de lui demander de citer l'auteur des faits à une audience du tribunal correctionnel statuant sur les intérêts civils en cause.
En tout état de cause, la victime peut faire appel de l'ordonnance d'homologation.
Cela dit, il est probablement trop tôt pour dresser un bilan de ce que je vous ai présenté comme une modification fondamentale de la procédure pénale française.
Néanmoins, en nous rendant sur le terrain, en rencontrant des magistrats, des avocats et des greffiers, nous avons constaté, presque contre toute attente, une utilisation croissante et importante, pour ne pas dire déjà massive, de la procédure de CRPC.
A ce jour, 147 tribunaux de grande instance sur 181 utilisent cette procédure sur le territoire de la République. Et, depuis sa mise en place, c'est-à-dire depuis le mois d'octobre 2004, plus de 10 000 affaires ont été traitées par cette voie, avec un taux d'homologation de l'ordre de 85 %.
Nous constatons aussi une homogénéisation des pratiques, malgré certaines disparités. En effet, de fortes convergences se dégagent.
Tout d'abord, s'agissant du choix du contentieux, la CRPC est principalement utilisée pour les conduites en état alcoolique, généralement avec un taux supérieur à 0,80 milligramme d'alcool par litre d'air expiré, ainsi que pour les conduites sans permis et sans assurance, généralement dans les cas de réitération ou de récidive.
Nous avons constaté que les procureurs privilégiaient cette procédure pour les infractions sans victime. Mais elle peut être retenue aussi pour les auteurs de vol ou de dégradation, de préférence toutefois lorsque ces infractions ont concerné des victimes « institutionnelles », à savoir des administrations publiques, des grandes surfaces ou des grosses sociétés.
Dans plusieurs tribunaux, la CRPC est également appliquée à certaines infractions au droit pénal du travail telles que le travail dissimulé ou les infractions aux règles d'hygiène et de sécurité, voire certaines infractions au droit pénal de la consommation.
Dans tous les cas, la procédure devant le procureur se déroule de manière similaire et le délai de réflexion n'a été utilisé que très rarement.
Les peines proposées par la grande majorité des parquets paraissent légèrement plus avantageuses que celles qui auraient été prononcées dans le cadre d'une audience correctionnelle classique. Toutefois, un double clivage persiste. D'une part, certains parquets appliquent la CRPC aux personnes déférées, c'est-à-dire aux personnes qui viennent d'être interpellées ou qui ont fait l'objet d'une garde à vue, tandis que d'autres s'y refusent et préfèrent utiliser cette procédure sur convocation. D'autre part, il s'agit de savoir si des peines d'emprisonnement ferme peuvent être prononcées à l'issue d'une telle procédure. Certains parquets, comme ceux de Paris, de Bobigny ou de Toulon, proposent des peines d'emprisonnement ferme, mais la majorité d'entre eux, semble-t-il, écartent cette possibilité.
La procédure de CRPC me semble bien acceptée aujourd'hui. Elle ne se serait d'ailleurs pas inscrite aussi rapidement dans notre paysage judiciaire si elle n'avait recueilli, en pratique, l'assentiment des acteurs de l'institution.
Il est vrai que, dans toutes les juridictions, la mise en oeuvre de la procédure a été précédée d'une concertation étroite entre le parquet, le siège et le barreau, en particulier quant au champ des infractions susceptibles de faire l'objet d'une CRPC et quant à l'éventail des sanctions proposées.
Au lendemain de l'adoption de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, cette adhésion n'allait pas de soi. En effet, la plupart des intervenants du monde judiciaire avaient indiqué leur extrême réserve à l'égard de cette nouvelle procédure, voire leur refus de participer à sa mise en place.
M. Pierre Fauchon. C'était plutôt bon signe !
M. François Zocchetto, rapporteur. En effet, car l'inverse de ce qui avait été annoncé a eu lieu.
Le rôle de chacun des intervenants s'est trouvé profondément modifié par cette procédure.
Le parquet, en particulier, est appelé non plus à prononcer des réquisitions lors d'une audience, mais à faire des propositions à l'auteur des faits.
Les avocats, il faut le reconnaître, nous ont un peu surpris par la façon dont ils ont « apprivoisé » cette nouvelle procédure. Sans doute certains ont-ils souligné le paradoxe qui les conduit, lors de l'audience d'homologation et en l'absence du procureur, à défendre indirectement, en tout cas à accepter la peine proposée. Quoi qu'il en soit, ce changement de rôle a, semble-t-il, été accepté par la majorité de ces professionnels.
Les clivages les plus forts se retrouvent sans doute chez les magistrats du siège. En effet, certains supportent mal de voir leur rôle restreint à un choix binaire, tandis que d'autres - nous en avons rencontré beaucoup ! - estiment que l'homologation n'est pas une simple formalité et qu'ils ont un véritable rôle, à savoir « vérifier la réalité des faits et leur qualification juridique ». De plus, l'ordonnance d'homologation qu'ils rendent doit être obligatoirement motivée. Leur nouveau rôle est donc réel.
Par ailleurs, les juges des tribunaux correctionnels nous ont également fait observer que, en termes de temps d'audience, le gain réalisé était très significatif. Pour eux, il s'agit donc d'une réelle opportunité de se décharger d'un contentieux souvent répétitif pour se consacrer davantage aux affaires les plus délicates et les plus graves.
Je crois donc réellement que la procédure de CRPC se traduit par une réelle valeur ajoutée au regard des procédures existantes. Outre l'allégement des audiences correctionnelles classiques, un traitement plus personnalisé de l'infraction pénale est favorisé, grâce à une meilleure acceptation de la peine par la personne condamnée et à une meilleure attention portée à l'affaire elle-même puisque le procureur a en face de lui la personne poursuivie.
Dans tous les cas, je crois utile de rappeler que cette procédure a contribué à améliorer le taux de réponse pénale.
Cependant, monsieur le garde des sceaux, des problèmes matériels importants subsistent dans les greffes, même s'ils ne concernent pas seulement la CRPC. Quoi qu'il en soit, tant en termes de moyens humains que d'outils informatiques, des marges de progression importantes semblent non seulement possibles mais aussi souhaitables dans un très proche avenir.
J'aborderai maintenant le sujet de la présence obligatoire du parquet à l'audience d'homologation.
En tant que rapporteur du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, il m'apparaît que, conformément à l'esprit de cette réforme, l'audience d'homologation doit se tenir en l'absence du procureur.
L'audience d'homologation doit être une alternative à l'audience correctionnelle classique et non en constituer le doublon. Il s'agit dès lors d'une audience sui generis - selon l'expression utilisée par le professeur Pradel -, qu'il est donc impossible de comparer avec d'autres audiences. Par conséquent, vouloir intégrer cette nouvelle procédure dans un cadre préexistant n'a pas de sens à mes yeux.
Cette analyse résulte tout à la fois des travaux préparatoires de la loi et de la logique même du dispositif.
Au reste, la première circulaire d'application du ministre de la justice, en date du 2 septembre 2004, n'a pas été expressément critiquée par la juridiction administrative, qui a explicitement noté que la présence du parquet demeurait facultative.
Au cours des travaux préparatoires, une autre question importante avait été abordée au Sénat, à savoir le caractère public de l'audience d'homologation. Ce sujet avait fait l'objet d'un débat assez vif entre l'Assemblée nationale, qui préférait que l'homologation se fasse en chambre du conseil, c'est-à-dire à huis clos, et le Sénat, qui était très attaché, monsieur le garde des sceaux - vous le savez, nous en avons discuté en d'autres lieux -, à ce que cette audience soit publique.
L'Assemblée nationale a pu imposer son point de vue en commission mixte paritaire, mais le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 2 mars 2004, a annulé cette disposition et a rétabli, conformément à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le principe de publicité du jugement des affaires pénales, faisant d'ailleurs observer que la question ne se discutait pas dès lors qu'une telle procédure pouvait conduire à une privation de liberté.
Au Sénat, au-delà de ce principe, nous avions pensé que la présence de la victime à l'audience et le principe d'exemplarité des peines ne pouvaient que nous conduire à opter pour le caractère public des audiences d'homologation.
Par ailleurs, la logique de la CRPC s'articule autour de deux étapes successives : le parquet propose la peine après avoir entendu l'intéressé, puis le président du tribunal contrôle la conformité de la peine au regard des critères fixés par la loi. Ces deux séquences sont complémentaires et non redondantes.
Par ailleurs, le Sénat avait rejeté, lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, un amendement présenté par notre collègue Robert Badinter tendant à permettre au juge d'inviter le procureur à formuler une proposition nouvelle.
M. Robert Badinter. Tout à fait !
M. François Zocchetto, rapporteur. Nous nous étions opposés à cette proposition qui, à nos yeux, ne présentait pas d'intérêt puisque cette procédure n'autorise pas la négociation, et encore moins la renégociation.
Quels sont les inconvénients pratiques d'une présence obligatoire du parquet ?
Il paraît tout d'abord évident, comme l'indiquent tous les juges du parquet et du siège, que la participation systématique du procureur de la République allongerait le temps consacré par le ministère public à cette procédure. En effet, si le procureur devait être présent ou représenté à toutes les audiences d'homologation, il perdrait son temps : il devrait se contenter de s'en remettre à l'appréciation du tribunal, car sa proposition aura déjà été clairement exprimée dans sa requête en homologation.
Vous me répondrez, mes chers collègues, que le président peut éventuellement vouloir l'interroger. Or c'est justement ce que nous voulons éviter, puisque l'audience d'homologation n'a pas pour objet d'ouvrir un débat. Si le président pose des questions au prévenu, c'est pour s'assurer que la personne qu'il a devant lui correspond bien à son état civil, qu'elle a effectivement commis les faits, qu'elle les reconnaît librement et qu'elle accepte librement la peine proposée. Et la présence du parquet lors de l'audience d'homologation pourrait constituer un poids pour la personne qui est sur le point de reconnaître les faits.
Par ailleurs, la réouverture des débats ne présente aucun avantage, car on en reviendrait alors à une audience classique de tribunal correctionnel.
J'observe que, dans la plupart des tribunaux qui appliquent la CRPC, le parquet, jusqu'aux décisions récentes de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat, ne participait pas à l'audience d'homologation, et personne ne s'en était ému.
En revanche, certaines juridictions de taille moyenne ont fait le choix d'organiser les audiences d'homologation dans le prolongement des audiences correctionnelles classiques. Dans ce cas, le ministère public y a donc naturellement participé.
La situation dans laquelle nous nous trouvons présente des risques d'interprétations contradictoires. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de légiférer, car notre droit est aujourd'hui source d'incertitudes.
Aux termes de l'article 32 du code de procédure pénale, le ministère public « est représenté auprès de chaque juridiction répressive. Il assiste au débat des juridictions de jugement ; toutes les décisions sont prononcées en sa présence. » Ainsi, des dispositions spécifiques à chaque juridiction rappellent expressément la présence du ministère public et les conditions de son intervention.
Inversement, le procureur n'est pas présent lorsque aucune disposition du code pénal ou du code de procédure pénale ne le prévoit expressément. Il en est ainsi du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention lorsque celui-ci est saisi par le procureur de la République aux fins de placement du prévenu en détention provisoire dans l'attente de sa comparution devant le tribunal correctionnel selon la procédure de comparution immédiate. De même, le parquet n'est pas présent lorsque le juge des enfants statue en chambre du conseil en application des articles 8 et 8-1 de l'ordonnance du 2 février 1945.
A contrario, il est vrai que le troisième alinéa de l'article 464 du code de procédure pénale prévoit explicitement que la présence du ministère public n'est pas obligatoire à l'audience correctionnelle consacrée aux seuls intérêts civils.
J'en viens à l'avis de la Cour de cassation qui a été rendu le 18 avril 2005, sur demande de juges délégués par le président du tribunal de grande instance de Nanterre.
La logique de cet avis est aisément compréhensible : la Cour de cassation a estimé que les dispositions de l'article 32 du code de procédure pénale s'appliquaient et que, en conséquence, le ministère public est « tenu d'assister aux débats de cette audience de jugement, la décision devant être prononcée en sa présence ».
Je précise que cet avis ne lie pas les juridictions. C'est en tout cas ce que considèrent certaines juridictions.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est vrai !
M. François Zocchetto, rapporteur. Néanmoins, en pratique, cet avis a conduit les magistrats à faire preuve d'un peu de prudence. C'est pourquoi la Chancellerie a réagi par une circulaire publiée le 21 avril 2005, qui dissociait, au sein de l'audience d'homologation, la phase au cours de laquelle le juge entend la personne et prend sa décision de celle où l'ordonnance d'homologation est lue en audience publique. Seule cette dernière phase impliquerait la présence du parquet.
M. Pierre Fauchon. C'est assez « baroque » !
M. François Zocchetto, rapporteur. En effet, et le Conseil d'Etat a souligné tous les risques d'irrégularité que ferait peser sur les procédures en cours la voie suggérée par la Chancellerie. Il a bien fait ! Sinon, nous serions revenus devant la Cour de cassation dans six mois, dans un an ou dans plusieurs années, et de nombreuses procédures auraient été annulées.
Aujourd'hui, la balle est dans le camp du législateur, et la Cour de cassation comme le Conseil d'Etat attendent qu'il se prononce.
Tel est précisément l'objet de notre discussion.
La présente proposition de loi tend en effet à apporter une double clarification à l'article 495-9 du code de procédure pénale, en précisant, en premier lieu, que la présence du procureur de la République à l'audience d'homologation n'est pas obligatoire. L'auteur de la proposition de loi, M. Béteille -j'aurais dû citer son nom plus tôt, car c'est grâce à sa perspicacité que nous sommes réunis de matin - nous propose ainsi de reprendre les termes mêmes de l'article 464 du code de procédure pénale, relatif aux audiences du tribunal correctionnel statuant sur les seuls intérêts civils.
Les membres de la commission des lois se sont toutefois interrogés, monsieur le garde des sceaux, sur la rédaction proposée par M. Béteille, même si elle introduit une certaine souplesse. Certains se demandent en effet qui décidera si le procureur doit être présent ou non.
M. Bernard Frimat. Le ministre de l'intérieur ! (Sourires.)
M. François Zocchetto, rapporteur. Pour ma part - et j'ai cru déceler que telle était aussi la position de l'auteur de la proposition de loi, mais M. Béteille nous le dira mieux que moi tout à l'heure -, j'estimais qu'il était important que le parquet puisse, soit de sa propre initiative soit à la demande du président du tribunal de grande instance, participer à l'audience d'homologation. Nous souhaitons en tout cas connaître votre opinion sur ce point, monsieur le garde des sceaux.
En second lieu, la proposition de loi de notre collègue Laurent Béteille comporte une disposition intéressante en précisant expressément que l'audience au cours de laquelle le président du tribunal de grande instance statue revêt un caractère public. Aujourd'hui, en effet, nous nous trouvons dans une situation bancale, selon laquelle il est prévu que l'ordonnance est lue en audience publique. Ce n'est pas ce que nous souhaitions. Nous préférions que toute la procédure d'homologation soit publique, c'est-à-dire la phase d'audition de la personne et de son avocat, la phase de vérification des faits et de leur qualification juridique, la phase de décision d'homologation, et enfin la phase de lecture.
La proposition de loi qui vous est soumise ce matin répond à cette exigence de double clarification et, après les débats que nous avons eus, après les auditions auxquelles nous avons procédé, je suis en mesure de vous proposer de l'adopter sans modification. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur Béteille, qui êtes l'auteur de la présente proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, la nouvelle procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, dite de CRPC, est sans doute l'une des innovations les plus importantes de la loi du 9 mars 2004.
Cette procédure est particulièrement innovante, d'une part parce qu'elle repose sur l'adhésion du condamné à la peine prononcée, d'autre part parce qu'elle diffère très sensiblement des procédures traditionnelles de jugement pénal, avec notamment la présence obligatoire de l'avocat.
Elle permet au procureur de la République, pour des délits punis jusqu'à cinq ans d'emprisonnement, de proposer une ou plusieurs peines à une personne majeure qui reconnaît sa culpabilité et qui est assistée par un avocat.
La peine proposée peut être un emprisonnement d'une durée maximale égale à la moitié de la peine encourue, sans pouvoir dépasser un an. En cas d'accord de l'auteur des faits, donné en présence de son avocat, la ou les peines proposées doivent faire l'objet d'une homologation par le président du tribunal de grande instance ou un magistrat délégué par lui, après que celui-ci a entendu la personne et son avocat.
Cette audience d'homologation est publique, conformément à la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 2 mars 2004.
Le magistrat chargé de statuer sur l'homologation peut, par la même décision, statuer sur la demande de dommages et intérêts formée par la victime.
Si l'homologation est prononcée, la peine est alors exécutoire.
De par sa nature, la CRPC est destinée à être mise en oeuvre dans le cadre du traitement en temps réel des procédures, lorsque les faits sont simples et reconnus.
La CRPC, vous le savez, comporte deux objectifs.
Elle tend tout d'abord à alléger les audiences correctionnelles et à diminuer les délais de jugement. Elle assure une meilleure régulation des flux pénaux, permettant de consacrer les audiences correctionnelles à l'examen des dossiers les plus complexes.
Ensuite, elle conduit au prononcé de peines mieux adaptées et plus efficaces, car acceptées par l'auteur du délit et, de ce fait, mieux exécutées.
La CRPC a suscité lors de sa création des objections qui n'ont pas résisté, me semble-t-il, à l'épreuve des faits. En effet, l'application de la CRPC par les juridictions constitue d'ores et déjà, vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, un succès, d'un point de vue aussi bien quantitatif que qualitatif.
C'est un succès statistique tout d'abord : depuis le 1er octobre 2004, date de son entrée en vigueur, jusqu'au 8 juin 2005, 147 tribunaux de grande instance ont fait application de cette procédure, qui a concerné plus de 10 700 personnes, avec un taux d'homologation des propositions de peine supérieur à 87 %.
La montée en puissance progressive de cette procédure est ainsi beaucoup plus importante que celle de la composition pénale, dont la CRPC constitue une extension plus efficace et plus élaborée.
C'est aussi un succès d'un point de vue qualitatif. Les acteurs de cette procédure, malgré des débuts parfois quelque peu difficiles, sont satisfaits des conditions de sa mise en oeuvre. Il suffit pour s'en convaincre de constater une absence quasi totale d'appel, ou d'écouter les avocats qui se sont exprimés sur cette question le 9 juin dernier, lors d'un colloque.
La mise en oeuvre de la CRPC a toutefois donné lieu à des difficultés pratiques résultant de l'insuffisante précision des dispositions de l'article 395-9 du code de procédure pénale, relatif à l'audience d'homologation.
La question s'est en effet posée de savoir s'il convenait que le procureur de la République assiste ou non à cette audience, l'article 395-9 étant muet sur ce point.
Il ne fait certes pas de doute que l'intention du législateur, dont l'un des objectifs est la simplification du traitement de certains contentieux, était de réserver la présence du procureur à la première phase de cette procédure, celle de la proposition de la peine.
Toutefois, dans un avis en date du 18 avril 2005, la Cour de cassation a considéré que les dispositions générales de l'article 32 du code de procédure pénale, qui prévoient la présence du procureur de la République lors des « débats devant les juridictions de jugement », étaient applicables et que le parquet devait donc assister aux audiences d'homologation.
Dans deux décisions rendues en référé le 11 mai 2005 sur les circulaires d'application, le Conseil d'Etat en a jugé de même.
Au vu de ces décisions, les juridictions ont, dans l'attente d'une clarification législative, diversifié leurs pratiques. Lorsque les magistrats du siège exigent la présence des magistrats du ministère public, une majorité d'entre eux ont choisi d'y assister, une minorité ayant renoncé à l'utilisation de la CRPC. Dans les autres cas, les pratiques antérieures perdurent, le ministère public n'est pas présent lors de la lecture des décisions d'homologation.
Il en résulte une hétérogénéité de pratiques qui n'est pas satisfaisante, et qui appelle donc une clarification législative urgente.
La proposition de loi de M. Laurent Béteille est, dès lors, particulièrement bienvenue, et je souhaite le remercier vivement de son initiative.
Telle qu'elle est reprise par la commission des lois sur la proposition de votre rapporteur, M. François Zocchetto, elle tend à inscrire clairement dans le code de procédure pénale que la procédure d'homologation se déroule en audience publique, mais que la présence du parquet à cette audience est facultative.
La première précision consacre la décision du Conseil constitutionnel.
La seconde correspond au caractère sui generis de la procédure et à l'intention du législateur, qui apparaissait lors des débats tant devant le Sénat que devant l'Assemblée nationale.
Cette précision permettra ainsi que la procédure de CRPC conserve un intérêt pratique pour les magistrats du parquet, et qu'elle poursuive ainsi son extension au sein des juridictions dans des conditions homogènes, ce qui permettra d'accroître la célérité et la qualité de la justice répressive.
Je suis, dans ces conditions, tout à fait favorable à cette proposition de loi, que je vous demande en conséquence, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir adopter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi « Perben II », a été adoptée par le Parlement voilà maintenant plus d'un an.
Cette loi a apporté beaucoup d'évolutions nécessaires pour adapter notre système pénal et répondre avec efficacité aux nouvelles formes et au développement de la criminalité.
Le législateur a été ambitieux dans la mesure où il a saisi cette occasion pour revoir profondément nos codes pénal et de procédure pénale afin de traiter différentes questions qui se posaient à notre système judiciaire pénal. Je pense, notamment, à la lutte contre les incendies volontaires ou à la création du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, deux dispositifs adoptés sur l'initiative de notre assemblée.
Evidemment, comme toute réforme d'envergure, cette loi s'est vue accompagnée de son cortège de critiques sur bon nombre de ses innovations.
Il en fut ainsi, par exemple, pour le fichier des délinquants sexuels, que je viens d'évoquer, mais également -c'est le sujet qui nous occupe ce matin - pour la nouvelle procédure de comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité.
En adoptant cette nouvelle procédure, le Parlement avait un objectif simple, qu'il convient de rappeler : apporter une réponse pénale rapide à la petite délinquance - celle qui agresse le quotidien de nos concitoyens - en diminuant les délais de jugement, en désengorgeant les tribunaux correctionnels, tout en garantissant les droits de la défense et en favorisant le prononcé de peines adaptées et acceptées.
Le dispositif est simple. Il permet au procureur de la République de proposer une peine à une personne majeure qui reconnaît sa culpabilité pour un délit puni d'une peine de cinq ans d'emprisonnement au plus.
La personne est assistée d'un avocat, la peine proposée ne peut être supérieure à un an et elle doit être au maximum fixée à la moitié de la peine encourue.
Nous avons tout entendu des détracteurs de cette procédure dite de « plaider-coupable » : qu'elle renforcerait le rôle du parquet au point de déséquilibrer notre système judiciaire fondé sur le mode inquisitoire, qu'elle porterait atteinte aux droits de la défense - c'est tout le contraire ! -, ou qu'elle serait tout simplement contraire à la Constitution.
Nous sommes bien loin aujourd'hui de ce schéma. Qu'en est-il réellement, moins d'un an seulement après l'entrée en vigueur de la loi ?
Mon propos n'est pas d'établir ici un bilan détaillé des premiers mois d'exécution de ce dispositif. Celui-ci sera fait en temps et en heure, dans le cadre de la mission d'information de la commission des lois sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale, dont François Zocchetto est rapporteur et que j'ai l'honneur de présider.
Bien qu'elle ne soit entrée en vigueur que le 1er octobre dernier et que nous ne disposions pas de chiffres définitifs pour la première année d'application, il peut toutefois être constaté que la CRPC est un succès. En effet, après huit mois, 147 TGI l'ont utilisée dans plus de 10 000 affaires, avec un taux d'homologation supérieur à 80 %. Encore faut-il préciser que le taux d'homologation progresse depuis le début, pour se rapprocher à présent des 90 % !
Plus efficace que la procédure de comparution immédiate, la CRPC est également plus protectrice, en particulier pour le prévenu, car elle repose sur un accord inédit entre le parquet, les magistrats du siège et les représentants de la défense.
En ce sens, elle révèle une évolution des mentalités des professions judiciaires, qui, plutôt que l'affrontement théorique en audience, cherchent à présent le consensus. De surcroît, l'acceptation de la peine par l'auteur de l'infraction a sur lui un aspect pédagogique, puisqu'il est invité à réfléchir sur sa responsabilité. De plus, l'exécution de la peine est grandement facilitée par son acceptation.
Les premières statistiques fourniront de plus amples précisions sur la montée en puissance de cette procédure et sa capacité à désengorger les tribunaux correctionnels.
Si notre propos d'aujourd'hui n'est pas de dresser un bilan général de la CRPC, il convient toutefois de se pencher sur un problème spécifique qui s'offre au législateur. C'est l'objet de la proposition de loi que j'ai pris l'initiative de déposer.
Il s'agit de régler le point très précis et limité de la présence du parquet lors de l'audience d'homologation de la peine. En effet, lorsque les parties parviennent à un accord sur la peine, ce qui est le cas dans plus de 80 % des affaires, celle-ci doit ensuite être homologuée par le président du tribunal de grande instance, ou par un magistrat délégué, qui le fait après avoir entendu la personne et son avocat.
Contrairement au texte issu de la commission mixte paritaire, le Conseil constitutionnel, dans une décision du 2 mars 2004, a notamment estimé que, pour des raisons d'exemplarité de la peine, la décision devait être lue en audience publique.
Pour bien comprendre l'enjeu du débat, il convient de bien analyser en quoi consiste précisément l'audience d'homologation.
Selon l'article 495-9 du code de procédure pénale, le président du tribunal de grande instance, ou son délégataire, vérifie la réalité des faits et leur qualification juridique. Il est en outre précisé que le président entend la personne et son avocat. En revanche, il n'est nullement indiqué - et pour cause - qu'il entend le procureur de la République.
Il n'y donc pas de débat sur l'action publique, mes chers collègues. Au cours de cette audience, il s'agit en réalité de s'assurer de la sincérité et du libre consentement du prévenu.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Laurent Béteille. La présence du parquet n'est pas utile à cette vérification, qui peut se faire en dehors de lui. Je suis d'ailleurs d'accord avec M. le rapporteur pour dire qu'il n'est pas absurde de penser que l'absence du parquet pourrait même favoriser cette vérification et lever les éventuelles ambiguïtés.
Brève et sans débat sur l'action publique, cette audience peut, à l'inverse, se prolonger sur l'action civile, puisque l'article 495-13 dispose que la victime peut se constituer partie civile et demander réparation de son préjudice.
Une jurisprudence extensive récente est toutefois intervenue contre la volonté initiale du législateur. En effet, la Cour de cassation, par un avis du 18 avril 2005, puis le Conseil d'Etat, par deux ordonnances du juge des référés du 11 mai 2005, ont estimé que, à défaut de mention explicite dans l'article 495-9 du code de procédure pénale, la présence du procureur de la République était requise lors de l'audience d'homologation de la CRPC.
L'intention initiale du législateur était pourtant, je le rappelle, de simplifier et de fluidifier le traitement des affaires correctionnelles ; la présence du procureur n'était, dès lors, plus nécessaire après la phase de proposition et d'acceptation de la peine.
L'objet de cette proposition de loi est donc de préciser les dispositions de cet article et de lever les ambiguïtés consécutives aux modalités de la rédaction de la loi Perben II afin de ne pas freiner la mise en oeuvre de cette nouvelle procédure, dont les avantages seraient remis en cause si elle devait être ralentie par des formalités inutiles.
Ce texte se borne donc à un article unique ayant pour objet de préciser la rédaction de l'article 495-9 du code de procédure pénale en spécifiant tout simplement que la présence du procureur de la République à l'audience publique au cours de laquelle le juge statue sur l'homologation de la peine n'est pas obligatoire.
Cette rédaction reprend exactement la formulation, désormais traditionnelle, de l'article 464 du même code, qui prévoit également une présence facultative du parquet lors des audiences du tribunal correctionnel statuant sur les intérêts civils.
Ainsi, conformément à l'avis de la Cour de cassation, la présence du procureur de la République demeurera la règle dans les audiences publiques, mais il pourra y être dérogé afin de ne pas affaiblir l'efficacité de la justice pénale et de garantir sa rapidité.
Ce texte se limite donc au strict minimum afin de ne pas bloquer la montée en puissance de la CRPC dans les différentes juridictions.
Sur le fond, ceux qui profitent de l'examen de cette proposition de loi pour remettre en cause la CRPC elle-même ont déjà été désavoués par les faits et par la réalité vivante de nos tribunaux de grande instance.
A ceux qui, à propos de la présence du procureur de la République à l'audience d'homologation, mettent en avant des grands principes - auxquels j'adhère bien évidemment (Ah ! sur les travées du groupe socialiste) - et l'exigence d'un procès « équitable » au sens où l'entend la Cour européenne des droits de l'homme, je dirai qu'il faut d'abord analyser concrètement l'utilité des formalités que l'on estime substantielles.
La présence du parquet à une audience où il n'a rien à dire n'est une garantie pour personne. Le parquet s'est déjà exprimé, l'accord de la victime est déjà intervenu, c'est la seule chose qu'il faille vérifier.
La seule garantie véritablement utile et tout à fait novatrice dans notre droit pénal appliqué aux majeurs est celle que le Sénat a introduite dans le dispositif, à savoir la présence de l'avocat d'un bout à l'autre de la procédure. C'est effectivement une garantie majeure de cette procédure.
En conséquence, et sous réserve d'une éventuelle modification formelle, notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la loi du 9 mars 2004 a instauré la nouvelle procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité afin d'éviter de recourir à la procédure de jugement de droit commun.
L'objectif du Gouvernement était d'alléger les audiences correctionnelles, qui, il est vrai, sont engorgées. Mais le Gouvernement a fait le choix d'une procédure très particulière, qui est inadaptée à notre procédure pénale. L'ancien garde des sceaux, Dominique Perben, avouait lui-même qu'il avait souhaité s'inspirer de la procédure anglo-saxonne du « plaider-coupable ».
Ainsi, à partir du moment où le prévenu reconnaît les faits, la procédure est considérablement accélérée, puisque c'est le procureur qui propose une peine au prévenu. Une fois homologuée par le président du tribunal ou le juge délégué par lui, cette peine est exécutoire comme un jugement.
Dénoncée dès le départ par les magistrats et les avocats ainsi que par nous-mêmes lors de l'examen du projet de loi, cette procédure n'en a pas moins été adoptée. Pourtant, elle a fait l'objet de sérieux revers.
En effet, le dispositif issu du texte adopté par le Parlement prévoyait à l'origine que l'homologation aurait lieu en chambre du conseil. Or cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel qui, dans sa décision du 2 mars 2004, a considéré que « le caractère non public de l'audience au cours de laquelle le président du tribunal de grande instance se prononce sur la proposition du parquet, même lorsque aucune circonstance particulière ne nécessite le huis clos, méconnaît les exigences constitutionnelles » qui résultent de la combinaison des articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789, selon lesquels « le jugement d'une affaire pénale pouvant conduire à une privation de liberté doit [...] faire l'objet d'une audience publique ».
L'application du « plaider-coupable » connaissait donc des débuts difficiles et il a fallu adapter cette procédure après la censure du Conseil constitutionnel.
Dès lors, n'aurait-il pas déjà fallu considérer que la présence du procureur était obligatoire du seul fait que l'audience publique d'homologation s'apparentait aux autres audiences publiques correctionnelles ?
En effet, le Conseil constitutionnel a émis une réserve dans sa décision. II a admis la conformité à la Constitution de la nouvelle procédure, sous réserve que le président du tribunal de grande instance ne procède à l'homologation de la proposition du parquet acceptée par l'intéressé qu'après avoir vérifié la qualification juridique des faits et s'être interrogé sur la justification de la peine au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.
Ces deux conditions pourraient-elles être remplies si le président du tribunal de grande instance ne pouvait interroger le parquet sur des éléments nécessaires à son appréciation des faits ?
Le président, ou le juge délégué, doit pouvoir obtenir du prévenu, mais aussi du parquet, toutes les explications lui permettant de mesurer la pertinence des observations qu'il formule ou des irrégularités qu'il relève.
Pourtant, Dominique Perben a diffusé, le 2 septembre 2004, une première circulaire d'application de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité sans rendre obligatoire la présence du parquet lors de l'audience d'homologation.
La censure du Conseil constitutionnel n'est pas le seul revers que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité allait connaître.
La Cour de cassation, saisie pour avis par le tribunal de grande instance de Nanterre sur la présence obligatoire ou facultative du procureur à l'audience publique, s'est également prononcée sur cette question. Sa réponse est d'ailleurs à l'origine de la proposition de loi examinée aujourd'hui.
L'avis de la Cour de cassation du 18 avril 2005 est clair : « Lorsqu'il saisit le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui d'une requête en homologation de la ou des peines qu'il a proposées dans le cadre de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, le procureur de la République est, conformément aux termes de l'article 32 du code de procédure pénale, tenu d'assister aux débats de cette audience de jugement, la décision devant être prononcée en sa présence. »
C'est ici que nous pouvons constater l'obstination du précédent garde des sceaux, qui avait décidé de passer outre l'avis de la Cour de cassation, pourtant la mieux à même, puisqu'elle est composée de professionnels du droit, de juger de cette réforme.
En effet, dès le 19 avril 2005, le lendemain de l'avis rendu par la Cour de cassation, Dominique Perben a rédigé une deuxième circulaire précisant que, malgré l'avis négatif de la Cour de cassation, les parquets devaient continuer d'appliquer la loi selon l'interprétation de la Chancellerie.
Le Conseil d'Etat a donc été saisi afin d'ordonner la suspension de l'application des deux circulaires du 2 septembre 2004 et du 19 avril 2005.
Dans ses deux ordonnances, rendues le 11 mai 2005, le Conseil d'Etat a ordonné la suspension d'urgence de ces deux circulaires, au motif qu'elles méconnaissaient la portée réelle de l'article 32 du code de procédure pénale, qui prévoit que le ministère public assiste aux débats.
Et nous voici donc en train d'examiner une proposition de loi déposée lors de la séance du 12 mai 2005, autrement dit dès le lendemain du jour où le Conseil d'Etat a rendu ses ordonnances, et qui vise tout simplement à passer outre les décisions des juridictions suprêmes que sont la Cour de cassation et le Conseil d'Etat !
Comment ne pas imaginer que cette proposition de loi est directement commandée par la Chancellerie ? Le garde des sceaux n'arrive pas à faire appliquer sa loi, qui est manifestement entachée d'irrégularité ? Peu lui importe, un parlementaire pourra bien se charger de cette tâche !
Mais ce qui est étonnant, c'est que la proposition de loi soit signée par notre collègue Laurent Béteille, alors qu'il préside une mission d'information sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale, qui n'a d'ailleurs toujours pas rendu ses conclusions. Il me semble pourtant que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité entre dans le champ des procédures accélérées de jugement ! Nous aurions donc pu attendre que cette mission d'information mette fin à la confusion dans laquelle nous nous trouvons.
M. Robert Badinter. Très juste !
Mme Josiane Mathon. Je rappellerai simplement que ce sont les droits fondamentaux des justiciables qui sont ici en jeu. Je pense notamment à ceux qui, depuis neuf mois maintenant, ont été jugés selon cette procédure. Il est difficilement admissible que des personnes aient été condamnées à des peines d'emprisonnement dans le cadre d'une procédure qui comporte des irrégularités !
Le problème, avec cette procédure, c'est que les droits des justiciables sont altérés dès le départ. En effet, si le prévenu avoue avoir commis un délit, le procureur dispose d'un formidable moyen de pression sur celui-ci : il donnera le choix au prévenu - mais un choix vicié ! - entre l'application de la procédure du « plaider-coupable », avec une peine d'emprisonnement moindre, ou l'application de la procédure de droit commun, avec une peine d'emprisonnement beaucoup plus lourde à la clé.
Il est évident que le prévenu ne prendra pas le risque d'encourir une peine de prison plus lourde, mais il est incroyable de considérer le jugement correctionnel, avec toutes les garanties qu'il comporte, comme un risque. Or c'est à ce retournement de situation que nous aboutissons avec l'introduction dans notre procédure pénale de la CRPC, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Même si vous reniez le terme, nous pouvons à juste titre parler de « négociation » entre le procureur et le prévenu. Si l'on cumule cette négociation au fait que vous souhaitiez à tout prix rendre facultative la présence du procureur lors de l'audience d'homologation, nous avons la désagréable impression de nous retrouver face à une procédure à caractère civil ou commercial, ce qui est gênant lorsque sont en cause des peines privatives de liberté.
Le procureur, dans une audience pénale, n'a pas uniquement pour rôle de requérir une peine contre un accusé. Il représente les intérêts de la société et, à ce titre, il doit prendre la responsabilité de la sanction requise par l'Etat. La question ne se pose donc pas en termes de doublon d'une audience correctionnelle classique, comme le sous-entend M. Zocchetto dans son rapport. Même si la procédure de CRPC est une procédure simplifiée, elle doit respecter les principes fondamentaux du droit pénal.
Enfin, l'argument du Gouvernement selon lequel la présence du procureur ne serait pas obligatoire étant donné que l'article 495-9 du code de procédure pénale ne l'indique pas expressément ne tient pas. En effet, le code de procédure pénale ne précise pas, pour chaque procédure, que la présence du procureur est obligatoire lors de l'audience de jugement et l'article 32 du code de procédure pénale est de portée générale.
Cet article 32 dispose de façon claire que le procureur est représenté auprès de chaque juridiction répressive ; il assiste aux débats des juridictions de jugement ; toutes les décisions sont prononcées en sa présence, et il assure l'exécution des décisions de justice.
La Cour de cassation a retenu le caractère de principe général de cet article, qui s'impose à toutes les juridictions répressives. Ainsi l'a-t-elle interprété dans son avis du 18 avril 2005, puisqu'elle considère que, conformément aux termes de l'article 32, le procureur est tenu d'assister aux débats de l'audience d'homologation.
Cette audience, qui fait intervenir pour la première fois dans la procédure du « plaider-coupable » un juge du siège, doit être assimilée à une audience répressive, et donc respecter l'article 32 du code de procédure pénale.
En conclusion, il est dangereux pour l'équilibre de notre justice pénale que le Gouvernement ne tienne pas compte des positions des trois juridictions suprêmes, qui ont eu l'occasion depuis plus d'un an maintenant de condamner la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Encore une fois, le Gouvernement tente de passer en force, au travers d'une proposition de loi, malgré les avis négatifs de professionnels avertis.
Nous avions déjà dénoncé les dangers de cette procédure lors de l'examen de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. Les décisions des juridictions suprêmes nous ont confortés dans notre position. Nous réclamons toujours l'abrogation du plaider-coupable, ce qui a fait l'objet d'une proposition de loi déposée par notre groupe.
Au vu de tous ces éléments, nous nous opposerons fermement à cette proposition de loi, tant en raison de la méthode employée que sur le fond. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la procédure législative est parfois longue et complexe. Le chemin qui transforme un projet de loi examiné en conseil des ministres en loi promulguée et mise en application peut être long et ponctué de nombreuses étapes. Bref, fabriquer du droit et changer les normes en vigueur peut prendre du temps. En tout cas, il s'agit de prendre le temps nécessaire de la réflexion et de l'analyse.
Il existe donc des lois qui passent par toutes les étapes possibles de la procédure législative : la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité est de celles-là. Il aura fallu plus d'un an, deux lectures, une commission mixte paritaire et une décision du Conseil constitutionnel avant que cette loi ne paraisse au Journal officiel du 10 mars 2004.
Et voilà qu'aujourd'hui cette loi, aussi appelée « loi Perben II », resurgit devant Parlement, puisque le texte de la proposition de loi déposée par notre collègue Laurent Béteille vient compléter le dispositif de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité contenue dans la loi du 9 mars 2004. Cette procédure, plus connue sous l'appellation de « plaider-coupable », a été instituée afin de diminuer les délais de jugement et de désengorger les tribunaux correctionnels, tout en garantissant les droits de la défense et en favorisant le prononcé de peines adaptées.
Faut-il rappeler, mes chers collègues, que le plaider-coupable donne la possibilité au procureur de la République de proposer une peine à une personne qui reconnaît sa culpabilité pour un délit puni d'une peine de cinq ans d'emprisonnement au plus ?
La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est entrée en vigueur le 1er octobre 2004, et les quelques chiffres dont nous disposons montrent son efficacité.
D'ailleurs, aujourd'hui, il n'est pas question de remettre en cause ce dispositif ; il s'agit de modifier l'article 495-9 du code de procédure pénale relatif à l'audience d'homologation afin de préciser que « la présence du procureur de la République à cette audience n'est pas obligatoire ».
Il convient de légiférer en réaction à une jurisprudence très récente. La Cour de cassation, dans un avis du 18 avril dernier, puis le Conseil d'Etat, dans deux référés du 11 mai dernier, ont annulé deux circulaires de la Chancellerie rendant facultative la présence du ministère public à l'audience d'homologation, au motif que la loi du 9 mars 2004 avait en la matière laissé inchangé le code de procédure pénale, lequel prévoit que toutes les décisions sont prononcées en présence du parquet. La Cour de cassation et le Conseil d'Etat ont donc estimé que, à défaut de mention explicite dans l'article 495-9 du code de procédure pénale, la présence du procureur de la République à cette audience était requise lors de l'audience d'homologation de la CRPC. Il faut donc redonner la parole à la loi, qui est aujourd'hui muette !
Notre collègue Laurent Béteille nous propose en quelque sorte de remettre la lettre et l'esprit de la loi en conformité : il s'agit de « permettre une meilleure régulation des flux pénaux ». En adoptant ce texte, la procédure de CRPC pourra être de plus en plus fréquemment utilisée par les juridictions, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Ainsi, en rendant non obligatoire, et donc facultative, la présence du procureur de la République à l'audience d'homologation, nous permettrons une meilleure justice pénale, dans la mesure où nous accélérerons les procédures. Il s'agit de tenir compte du principe de réalité pour jouer sur les délais, et donc sur les quantités. En ce sens, c'est une bonne chose.
Toutefois, mes chers collègues, vous me permettrez de regretter que nous ne puissions coupler les justifications quantitatives et qualitatives. En effet, il serait évidemment préférable que le procureur de la République soit systématiquement présent à l'audience d'homologation. Nous touchons ici, monsieur le garde des sceaux, à la question des moyens humains et financiers qui sont à la disposition de notre justice.
M. Robert Badinter. Eh oui !
M. Georges Othily. C'est donc dans un souci d'efficacité et de responsabilité que je soutiens cette proposition de loi, tout en espérant qu'un jour nous pourrons rendre de nouveau obligatoire la présence du procureur de la République. Cela voudra alors dire que notre justice dispose des moyens nécessaires à son efficacité, qu'elle fonctionne vite et que ses exigences les plus élevées de qualité et d'éthique sont respectées. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter. Monsieur le garde des sceaux, je salue avec plaisir votre présence au banc du Gouvernement : cela nous ramène, comme dans le Quadrille des lanciers mais à fronts renversés, longtemps en arrière, lorsque vous étiez un jeune et ardent parlementaire ; aujourd'hui, vous êtes aux responsabilités, et je vous en félicite, tandis que je suis moi-même voué à la sérénité qu'appelle cet hémicycle, et nous allons aussitôt en apporter la démonstration ! (Sourires.)
Si le texte qui nous est soumis est modeste par sa portée, il n'en est pas moins intéressant. Mais lorsque, tout à l'heure, notre excellent rapporteur a évoqué la loi du 9 mars 2004 et la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la CRPC - procédure qui n'a rien à voir, contrairement à ce que d'aucuns s'obstinent à dire, avec le plaider-coupable -, j'ai eu parfois le sentiment que nous ne parlions pas du même texte.
Sur le texte lui-même, je me garderai de reprendre la longue description des articles qui ont fait l'objet, au Sénat, de débats soutenus et prolongés.
Toutefois, monsieur le rapporteur, si je suis d'accord avec vous pour considérer qu'il s'agit d'une novation importante de notre procédure pénale - et l'on mesure ce qu'elle apporte de singulièrement différent par rapport à ce qu'ont été jusqu'à présent les principes fondamentaux du procès pénal -, je ne la saluerai pour ma part jamais avec satisfaction. Et les motifs invoqués, qu'il s'agisse de l'accélération des procédures, de l'afflux des infractions et de la nécessité de les juger rapidement, dont je ne méconnais pas l'importance, ne suffisent pas, selon moi, à justifier ce texte.
La CRPC, quoi que l'on dise, reste marquée par l'extraordinaire prépondérance accordée à la partie poursuivante dans notre procédure pénale. C'est là une modification structurelle, tant pour la défense que pour le magistrat du siège.
Nous sommes entrés, avec cette procédure, dans une ère judiciaire où le parquet, dont je connais à la fois les prérogatives, les mérites... et plusieurs de ses excellents représentants, se voit sans cesse surchargé d'obligations. Or la nécessité de soulager le parquet ne se poserait sans doute pas de la même façon si, au fil des lois, on n'accumulait pas sur ce dernier, qui n'en peut mais, des obligations ne relevant pas fondamentalement de sa mission première, c'est-à-dire la mise en oeuvre de la loi, et particulièrement de la loi pénale.
S'agissant de la procédure pénale, le parquet a, tout d'abord, le devoir de contrôler l'enquête conduite par la police judiciaire. A l'issue de celle-ci, il détient ensuite le pouvoir essentiel de classement sans suite. Au-delà, il est celui qui, dans notre système judiciaire, a le privilège de choisir, sauf en cas d'intervention par citation directe ou de plainte avec constitution de partie civile, la voie procédurale. Et voici qu'à cet éventail - qui comporte déjà, cela va de soi puisque c'est l'essence même de sa mission, le droit de déclencher l'action publique et le pouvoir de requérir à l'audience -, il convient à présent d'ajouter la détermination de la peine proposée et, éventuellement, encourue.
Là est la véritable novation ! Jusqu'à présent, nous avons vécu dans un système où la responsabilité de la peine était, dans tous les cas, le privilège et le difficile devoir du magistrat du siège, non seulement en matière d'affirmation de la culpabilité, mais également - ce qui constitue l'essentiel de sa mission et de sa responsabilité, car l'une ne va pas sans l'autre -, de détermination de la peine prononcée.
Dans le système qui a été institué, il perd cette prérogative. Vous avez en effet rompu, si je puis dire, l'unité du procès pénal en deux temps, d'un procès pénal dont l'issue demeure fort heureusement, dans notre droit, la transaction pénale en matière d'action publique.
Premier acte, donc, le procureur reçoit l'intéressé, s'assure qu'il a reconnu les faits, puis propose une peine qui est acceptée après « négociation », même s'il est difficile de parler de négociation au regard de la différence de niveau entre les deux parties en présence. Le parquet est en effet tout-puissant et détient l'arme qui conduit inévitablement à l'acceptation : quel est celui qui acceptera, après avoir reconnu les faits, de recourir à une audience judiciaire alors qu'il sait - ce que l'avocat lui confirme - que le risque est considérable, puisqu'il a reconnu les faits, que soit prononcée à son encontre une peine forte que celle qui lui est alors proposée ? Ne parlons donc pas de négociation ! Disons plutôt : voilà la peine proposée selon des cadres qui ont été établis par le parquet - ce que je conçois, politique pénale oblige ! -, voire au cours d'entretiens avec les magistrats du siège durant lesquels sont fixés des cadres de normes répressives.
Une fois cette étape terminée, nous nous trouvons devant l'élément essentiel et décisif, à mon sens, de cette rénovation, ou plutôt de cette révolution juridictionnelle : celui qui portera la responsabilité ultime de la décision perd sa liberté et n'a plus que la possibilité de choisir entre un oui et un non.
C'est toute la différence, permettez-moi de le dire, entre le veto et la détermination. On peut dire oui, on peut dire non, mais on ne peut plus dire : voyons, au regard de ce qui s'est passé, ce qui me paraît être la juste peine ! Là, s'opère un véritable changement dans la fonction juridictionnelle et, au regard de cette exigence, j'affirme que nous sommes entrés dans un système que nous pouvions parfaitement éviter.
Pour ma part, je ne suis pas opposé aux procédures accélérées en cas de reconnaissance des faits. Après tout, vous vous en souvenez, nous avons beaucoup travaillé, en 1983, pour améliorer la procédure du flagrant délit et pour mettre sur pied, au Sénat, avec M. Rudloff, la procédure de comparution immédiate.
La composition pénale, je le conçois parfaitement, aurait dû être améliorée pour devenir une véritable procédure de comparution immédiate en deux temps. A partir du moment où la culpabilité est reconnue par le justiciable - ici prévenu en audience publique, avec toutes les garanties que ce type d'audience offre -, il est logique que l'on passe à une procédure allégée, facile à mettre en oeuvre. Elle a d'ailleurs été expérimentée du temps de M. Drai.
Donc, premièrement en transformant simplement la composition pénale, et deuxièmement en innovant en matière de comparution immédiate, la question aurait été réglée sans que l'on aboutisse pour autant à cette réduction du pouvoir du juge du siège et à cette séparation en deux du procès pénal.
Cela étant, puisque l'on a maintenant une loi, il faut la prendre telle qu'elle est.
Cela étant, vous nous avez fait part tout à l'heure avec tant de chaleur, monsieur Zocchetto, du succès rencontré par cette mesure que je n'ai pu m'empêcher de sourire. Il est curieux, en effet, que nous ayons assisté au même colloque et que nous n'y ayons pas entendu les mêmes propos : vous avez trouvé que l'accueil fait à la loi était satisfaisant ; pour ce qui me concerne, j'ai surtout entendu des critiques, notamment dans les couloirs, et je n'ai relevé que peu de motifs de satisfaction !
J'esquisse également un certain sourire lorsque l'on évoque la montée en puissance de cette procédure. En effet, qui est le maître du choix de la procédure ? L'avocat ? Le juge du siège ? Pas du tout, c'est le parquet ! Et, lorsque l'on sait que cette procédure donne tant de pouvoir au parquet, on comprend qu'il y recoure aussi volontiers : elle a été faite sur mesure pour lui ! Il est normal que le parquet entame la procédure de comparution, qui va nécessairement jusqu'à son terme.
M. Robert Badinter. Avec plaisir, monsieur le garde des sceaux.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Badinter, nous sommes d'accord : le procureur est un magistrat et l'autorité de poursuite, c'est bien le procureur. Mais il ne s'agit pour le procureur, dans cette affaire, que de faire son métier, à savoir de poursuivre et de recommander une peine. D'une manière générale, il n'y a donc pas là de différence de nature avec l'audience !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Badinter.
M. Robert Badinter. L'observation est juste, monsieur le ministre, mais elle ne contredit en rien ce que j'ai dit ! C'est le procureur, vous le reconnaissez, qui a la maîtrise du choix de la procédure. Et, par une sorte d'entraînement naturel, il ira vers celle qui lui donnera le plus de pouvoir et qui sera la plus rapide pour lui ! En conséquence, la montée en puissance évoquée trouve son explication dans le fait que cette procédure est taillée pour le procureur et qu'il l'utilisera autant qu'il le peut.
J'ajoute par ailleurs, en ce qui concerne le taux d'homologation, que, étant donné la fonction qui est celle du juge - vérifier la légalité, et il n'y a à cet égard aucune raison que le procureur se trompe, et fixer la peine -, cela n'offre pas, on le conçoit, beaucoup de marge, dans la mesure où il n'y a pas de débat. Le juge sera alors plus enclin à approuver qu'à refuser et ce taux d'homologation s'explique donc par la dynamique de la procédure mise en place et par son mécanisme.
Quand aux avocats, vous me dites qu'ils sont satisfaits. J'ai constaté, pour ma part, qu'il n'en était pas ainsi. Disant cela, je ne pense pas simplement à certains barreaux qui refusent de s'y prêter : j'ai en effet constaté que les plus mécontents d'entre eux étaient précisément ceux qui étaient le plus appelés à pratiquer cette procédure, particulièrement ceux qui sont voués aux commissions d'office dans des affaires non essentielles.
Et qui représente les avocats au premier chef, sinon le SAF, le Syndicat des avocats de France ? Et qui a contesté avec le plus de constance la légalité des circulaires du garde des sceaux ? Le SAF ! Or ce sont bien les avocats qui portent véritablement la charge de ces procédures.
Je n'insisterai pas davantage sur l'accueil fait à la procédure et sur le succès qu'elle rencontre et je suis convaincu que le débat d'aujourd'hui se situe à un autre niveau, puisqu'il ne concerne plus que la proposition de M. Béteille.
Je serai très simple, très clair et très direct.
Nous avons assisté à un épisode à ma connaissance sans précédent. Après son adoption, la loi a bien entendu été examinée par le Conseil constitutionnel, qui a rendu une décision. Or cette décision est extrêmement importante, car elle a restitué à l'audience d'homologation sa véritable nature, laquelle avait été escamotée dans l'exposé des motifs et dans la présentation qui avait été faite du texte.
Le Conseil constitutionnel a ainsi expressément déclaré que l'homologation ou le refus d'homologation par le président du tribunal de grande instance de la peine proposée par le parquet et acceptée par la personne concernée constituait une décision juridictionnelle.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Robert Badinter. Le président du TGI, dans les limites étroites qui lui sont assignées, rend donc bien une décision juridictionnelle, qui s'inscrit dans le cadre d'une procédure pénale.
Le Conseil constitutionnel souligne également que, dans la mesure où cette homologation est susceptible de conduire à une peine d'emprisonnement d'un an, l'audience doit respecter la procédure requise pour une audience. Par conséquent, elle doit être publique.
En tout état de cause, puisqu'il s'agit d'une audience correctionnelle et puisque la décision rendue par le magistrat qui statue et qui prononce la peine - laquelle, je le rappelle, est proposée par le parquet -, est juridictionnelle, il est évident - sauf pour les services de la Chancellerie, dont je ne méconnais pourtant pas l'excellence juridique - que la présence du ministère public est obligatoire en vertu l'article 32 du code de procédure pénale.
A la lecture de la circulaire d'application qui rend facultatif pour les audiences correctionnelles ce qui, au regard dudit article 32, est obligatoire, on prend pleinement conscience de ce qui allait advenir et qui est advenu : un recours a été déposé devant le Conseil d'Etat et le tribunal de Nanterre a demandé à la Cour de cassation son avis, un avis dont nous avons tous ici reconnu le mérite puisqu'il permet d'éviter des erreurs juridiques susceptibles d'aboutir à l'annulation d'un certain nombre de procédures.
Cet avis - contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure - a été aussi clair que possible : « Lorsqu'il saisit le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui d'une requête en homologation de la ou des peines qu'il a proposées dans le cadre de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, le procureur de la République est, conformément aux termes de l'article 32 du code de procédure pénale, tenu d'assister aux débats de cette audience de jugement, la décision devant être prononcée en sa présence. » La présence du procureur de la République n'est pas requise uniquement à la fin à la fin des débats : il est tenu d'assister à l'intégralité de l'audience.
Les signataires de cet avis sont des magistrats qui font autorité dans ce domaine ! Et l'on ne va tout de même pas changer la logique - et elle peut être impitoyable - de la procédure correctionnelle pour des problèmes d'effectifs au sein du parquet, problèmes que l'on imagine résoudre en mettant à mal des principes fondamentaux !
Quand le ministère public demande aux magistrats du siège - et c'est ici le cas - de prononcer une peine pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement, il ne peut pas ne pas être présent. Pourquoi, me demanderez-vous ? Mais en raison de tous les aléas et de toutes les incertitudes propres à la vie judiciaire !
Le Conseil constitutionnel est clair à cet égard : le magistrat « pourra refuser l'homologation s'il estime que la nature des faits, la personnalité de l'intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle ordinaire ». Avant de prendre sa décision d'homologation, il faut bien que le magistrat s'informe ! Et, s'agissant des intérêts de la société, le ministère public doit dire ce qu'il en est. Par ailleurs, si la victime est entendue, comme on le souhaite, au moment de l'audience d'homologation, ses déclarations peuvent constituer un élément sur lequel la partie poursuivante est susceptible de se prononcer.
On ne peut donc faire fi de la présence du ministère public ! On ne peut considérer que son rôle cesse à l'issue de la rencontre avec l' « intéressé » - c'est le terme utilisé -, après confirmation des aveux et acceptation, dans les conditions que je viens d'évoquer, de la proposition de peine ! Son rôle ne peut s'arrêter là : il est le ministère public, et le ministère public soutient l'accusation au cours d'une audience juridictionnelle.
En conséquence, vous nous proposez de tourner le dos à une exigence d'ordre général nécessaire à l'équilibre procédural de l'audience correctionnelle, alors que la peine prononcée peut aller jusqu'à un an de prison.
C'est la raison pour laquelle il est n'est pas possible de s'en tenir à une présence facultative du ministère public.
Une fois que la Cour de cassation a rendu son avis et le droit étant ce qu'il est, les services de la Chancellerie auraient dû - le conditionnel passé est le temps le plus cruel en politique - publier une nouvelle circulaire d'application précisant qu'il appartenait, au vu de cet avis, au parquet et au siège de prévoir les modalités de la présence du ministère public à l'audience d'homologation. Ils auraient dès lors trouvé un modus vivendi, et au moins le principe aurait-il été respecté.
Quoi qu'il en soit, on ne pouvait pas maintenir la situation en l'état, sauf à ignorer la position adoptée par la Cour de cassation, ce qui aurait abouti à la nullité de bon nombre de procédures.
Mais c'est le choix contraire qui a été fait, ce qui ne manque pas de me stupéfier. Pourquoi cette obstination ? Perseverare diabolicum !... Pourquoi, alors que la Cour de cassation a énoncé que, au regard des principes de notre procédure pénale, le ministère public doit toujours être présent à l'audience juridictionnelle entraînant le prononcé d'une telle décision, a-t-il fallu que soit publiée une nouvelle circulaire aux termes de laquelle il est dit qu'il ne sera pas tenu compte de cet avis en raison de son caractère consultatif ?
Franchement, il ne sert à rien de demander l'avis de la Cour de cassation pour n'en tenir aucun compte ensuite, en dépit de la qualité du magistrat qui l'a rendu ! C'est pourtant ce qui s'est passé.
C'est ce qui explique la seconde circulaire et la décision - parfaitement justifiée - du Conseil d'Etat statuant en référé. Tout cela est d'une logique implacable !
Plutôt que s'incliner, on a eu recours à une sorte de tempérament et notre collègue Laurent Béteille, sans doute saisi par l'inspiration nocturne qui peut s'emparer du juriste insomniaque,...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non ! Il est allé sur le terrain !
M. Robert Badinter. ... s'est dit que cette proposition de loi était la seule façon de s'en sortir.
Eh bien, mon cher collègue, je ne le crois pas. Vouloir inscrire dans la loi que le ministère public n'a pas à être nécessairement présent à une audience au terme de laquelle peut être prononcée une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à un an, c'est contrevenir à la bonne marche de la procédure pénale : le débat contradictoire est la règle de l'audience.
Une autre règle a, semble-t-il, été complètement perdue de vue, à savoir l'égalité des armes. Or celle-ci implique la présence des parties.
On tourne donc le dos à ces principes en rendant facultative la présence du ministère public. Nous en tirerons tout à l'heure toutes les conséquences.
Que signifie ce caractère facultatif ? Est-ce à dire que, quand il le veut, le procureur vient et que, quand il ne le veut pas, il ne vient pas ? Est-ce que, en matière d'audience pénale, le procureur sera présent en fonction des peines requises, en fonction de ses obligations ?
Je souhaiterais, monsieur le garde des sceaux, que vous nous éclairiez sur ce point, car je puis vous assurer que ce sujet préoccupe grandement les magistrats. Un amendement aurait d'ailleurs pu être déposé, visant à contraindre le représentant du ministère public d'assister à l'audience dès lors que le magistrat du siège le requiert. Après tout, il appartient au magistrat du siège de décider la manière dont doit se dérouler l'audience ! Cela n'empêche ni la présence volontaire ni la présence constante du magistrat du parquet.
Cependant, par commodité, par souci de productivité, par manque d'effectifs, parce que nous n'avons, hélas ! pas les moyens d'appliquer les lois votées, nous bouleversons l'ordre juridique, alors que nous aurions pu procéder d'une tout autre manière.
Je n'ai eu de cesse de le rappeler à tous les gardes des sceaux successifs, le corps judiciaire tout entier demande une pause et crie grâce : grâce aux nouvelles mesures législatives, grâce aux improvisations, grâce à la construction toujours plus ingénieuse de procédures toujours plus sommaires et plus rapides qui, toutes, vont dans le même sens. Nous devons nous arrêter, et prendre notre législation telle qu'elle est, la simplifier, la clarifier, je n'ose dire l'uniformiser.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est ce que nous faisons !
M. Robert Badinter. La question ne se pose plus pour l'audience, depuis que nous avons obtenu le deuxième degré de juridiction en matière criminelle. En revanche, dans le présent domaine, il y avait mieux à faire.
Confrontés à la censure du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation, vous n'admettez toujours pas que l'article 32 du code de procédure pénale vaut pour toutes les audiences juridictionnelles. Très bien ! C'est la raison pour laquelle, au moyen de ce système improvisé, vous proposez au législateur, de manière stupéfiante et pour des raisons de pure commodité ou en raison, hélas ! de l'insuffisance des effectifs - notamment dans les greffes - de contredire ces principes rappelés par la Cour de cassation.
Vous le comprendrez, nous ne vous suivrons pas sur cette voie et nous aurons l'occasion, lors de l'examen des amendements, de vous dire plus avant ce qui aurait pu être fait.
Enfin, je ne traiterai pas en cet instant les questions d'inconstitutionnalité si fortes qui se posent avec le présent texte : notre collègue Jean-Pierre Sueur évoquera quelques-uns des principes constitutionnels - fort clairement rappelés par les sages de la rue de Montpensier - auxquels ne manquera pas de contrevenir cette péripétie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Energie
Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation sur l'énergie (n° 410).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Henri Revol, rapporteur.
M. Henri Revol, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc arrivés à la fin d'un long marathon législatif consacré au projet de loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique française. J'ai l'honneur, aujourd'hui, de vous présenter les conclusions de la commission mixte paritaire qui s'est tenue mardi dernier au Sénat.
Avant d'aborder la présentation des principaux éléments de ce compromis que la commission mixte paritaire soumet à votre approbation, je veux tout d'abord rendre publiquement hommage au président Jean-Paul Emorine qui m'a épaulé tout au long de ces derniers mois, à l'occasion de la deuxième lecture, et dont j'ai pu apprécier tout le soutien au cours des discussions que nous avons eues avec nos collègues députés pour la préparation de la commission mixte paritaire.
Je souhaite également saluer l'ouverture d'esprit dont a su faire preuve mon collègue député Serge Poignant au nom de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale : notre compromis lui doit beaucoup.
La CMP avait en effet la délicate mission d'élaborer un texte commun quand les deux assemblées avaient retenu, en première comme en deuxième lecture, des versions pour le moins différentes, voire divergentes de ce projet de loi.
Je pense tout d'abord à la question de l'architecture du texte et de la place réservée à son annexe. Je vous rappelle que l'Assemblée nationale et le Sénat avaient, sur ce sujet, retenu des positions complètement opposées.
Ainsi, les députés avaient souhaité intégrer dans le corps de la loi, afin de leur donner valeur normative, les éléments que le projet de loi initial faisait figurer dans une annexe.
Au contraire, nous avions jugé que l'intégration dans la loi d'éléments n'ayant pas intrinsèquement valeur normative ne suffisait pas à lever les insuffisances relevées par nos collègues députés. En conséquence, nous avions rétabli l'annexe et conservé dans la loi les seuls éléments normatifs et emblématiques.
Alors que nous avons procédé à ce « ping-pong » législatif tout au long de la navette, la CMP a finalement adopté un dispositif qui tente de répondre aux préoccupations des deux assemblées.
D'une part, nous vous proposons d'introduire dans la loi plus d'éléments que nous n'en avions retenus en deuxième lecture. D'autre part, nous conservons une annexe qui détaille les éléments les moins normatifs, en particulier ceux qui ont trait à la diversification des sources d'approvisionnement énergétique ou à la maîtrise de la demande d'énergie.
Certes, comme tout compromis, il est loin d'être parfait. J'ose espérer que le Conseil constitutionnel, si d'aventure un recours venait à être formé à l'encontre de ce projet de loi, saura, dans sa grande sagesse, interpréter avec subtilité les intentions du législateur et comprendre la dichotomie entre les dispositions du titre Ier A et celles qui figurent dans l'annexe que nous avons retenue.
S'agissant des mesures relatives à la maîtrise de la demande d'énergie, la CMP a décidé d'en revenir, pour l'application du dispositif des certificats d'économies d'énergie, à une pénalité de deux centimes d'euro, étant entendu que ce montant ne pourrait être doublé pendant la première période d'application.
De même, la CMP a supprimé le contrôle périodique obligatoire des chauffages électriques, estimant que cette obligation, qui ne répondait pas à nos engagements européens, aurait entraîné des surcoûts importants pour les ménages.
J'en viens maintenant à la question des éoliennes, sujet dont nous avons amplement débattu - vraisemblablement trop au regard du poids de cette source d'énergie dans notre bouquet énergétique - au cours des deux lectures du texte. Je me réjouis que nous ayons pu trouver avec l'Assemblée nationale les voies d'un compromis qui m'apparaît équilibré.
La CMP a tout d'abord retenu le principe de zones de développement de l'éolien, les ZDE, arrêtées par le préfet sur proposition des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, définies sur la base des critères que nous avions adoptés au Sénat : le potentiel éolien, les possibilités de raccordement aux réseaux électriques, la protection des paysages et des monuments historiques.
Comme le Sénat l'avait souhaité, les communes ou les EPCI définiront, dans leurs propositions de ZDE, un plancher ou un plafond de puissance électrique installée, validé par le préfet.
Enfin, la commission mixte paritaire a ajouté une mention précisant que le préfet est chargé de veiller à la cohérence départementale des ZDE et au regroupement des installations, afin de protéger au mieux les paysages.
Dans le cadre de ce dispositif, la CMP a également remplacé, s'agissant de l'obligation de réaliser une enquête publique préalablement à toute implantation d'éolienne, le critère existant, celui de la puissance, qui était fixée à 2,5 mégawatts, par celui de la hauteur du mât, et imposé une enquête pour ceux de plus de cinquante mètres.
Autre élément de ce « paquet éolien », la CMP a ajouté une mention sur les tarifs d'achat de l'électricité produite à partir d'installations bénéficiant de l'obligation d'achat, précisant que ce tarif ne devait pas conduire à ce que la rémunération des capitaux investis excède une rémunération normale, même si cette formule a suscité beaucoup d'interrogations au cours de nos discussions.
M. Thierry Repentin. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Henri Revol, rapporteur. Enfin, poursuivant le travail que nous avions engagé en deuxième lecture dans notre Haute Assemblée, la CMP a souhaité que le dispositif de péréquation de la taxe professionnelle des éoliennes adopté par le Sénat puisse s'appliquer pour toutes les éoliennes, qu'elles soient ou non situées dans une zone de développement de l'éolien, et ce dès la promulgation de la loi.
Je ne peux que me féliciter de cet accord auquel nos deux assemblées sont parvenues qui, j'ai la faiblesse de le penser, devrait dépassionner un peu ce débat. Ces dispositions permettront, à n'en pas douter, d'organiser dans notre pays un développement harmonieux des éoliennes, plus respectueux des paysages.
S'agissant des dispositions diverses du projet de loi, je voudrais insister plus particulièrement sur un point, qui a également donné lieu à de longs débats dans notre assemblée et sur lequel il semblerait que nous soyons parvenus, là encore, à une position équilibrée ; je pense, bien évidemment, à la question des électro-intensifs et du plafonnement de la contribution au service public de l'électricité, la CSPE, à 0,5 % de la valeur ajoutée des sites industriels.
La commission mixte paritaire a examiné longuement cette disposition, dont l'adoption au Sénat avait fait l'objet d'un large consensus. Je tiens d'ailleurs à saluer publiquement nos collègues MM. Vial, Repentin et Deneux qui ont su convaincre les députés membres de la CMP de l'intérêt de ce dispositif.
Alors que votre prédécesseur, monsieur le ministre, s'était montré très réservé sur cette disposition, fondamentale pour le maintien de la compétitivité de plusieurs entreprises industrielles de notre pays et pour la préservation de leurs emplois, je constate avec la plus grande satisfaction que le Gouvernement a su évoluer sur ce point. Je ne peux que m'en réjouir à l'heure où le Gouvernement a décrété une mobilisation générale en faveur du développement de l'emploi. Je pense que vous avez dû, après une étude approfondie de l'impact de la mesure, vous rendre à la conclusion que ce dispositif n'occasionnerait pas un transfert de charges trop important sur les autres redevables de la CSPE.
M. Yves Coquelle. C'est la question !
M. Henri Revol, rapporteur. Mes chers collègues, pour terminer, je souhaiterais, un peu pêle-mêle tant sont nombreux les sujets abordés par ce texte, vous présenter les derniers points significatifs du texte élaboré par la CMP.
En ce qui concerne les pouvoirs de surveillance des marchés énergétiques, que nous avons confiés à la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, la commission mixte paritaire a souhaité préciser ces compétences en les orientant sur la surveillance des marchés organisés qui existent en matière électrique et qui devraient se développer en matière gazière. De la sorte, toutes les transactions qui ne sont pas réalisées de gré à gré pourront être surveillées. La CRE pourra également surveiller les échanges aux frontières.
La commission mixte paritaire a également supprimé trois dispositifs adoptés par le Sénat en deuxième lecture.
Premièrement, elle a supprimé les dispositions consacrées au financement des raccordements électriques au motif que celui-ci risquait de fragiliser le système de la participation pour voie nouvelle et réseaux ; l'encre est encore fraîche puisque ce texte a été adopté dans le cadre de la loi urbanisme et habitat du 2 juillet 2003.
Deuxièmement, la CMP a supprimé les mesures permettant au Gouvernement de mettre aux enchères une partie de la production électrique d'EDF, dispositif qui, après réflexion, a semblé inopportun compte tenu des évolutions que notre électricien va devoir accomplir dans les prochains mois.
Enfin, troisièmement, la CMP n'a pas souhaité retenir le dispositif qui permettait aux fournisseurs de faire des propositions d'évolutions tarifaires, après homologation du ministre, dispositif qui aurait pu fragiliser l'homogénéité des tarifs.
En outre, la commission mixte paritaire a procédé - c'est d'ailleurs bien souvent l'une des tâches des CMP compte tenu des délais qui sont généralement impartis pour effectuer la deuxième lecture des textes - à un certain nombre d'ajustements techniques sans incidence sur le fond des dispositifs que nous avions adoptés.
Mes chers collègues, nous voici arrivés au terme d'un processus désormais vieux de deux ans et demi, puisque nos discussions sur les orientations énergétiques de notre pays ont commencé en 2003 avec le lancement du grand débat national.
Je me félicite de ce texte, qui fixe un cap clair à notre politique énergétique : poursuite du programme électronucléaire, ce qui permettra de conforter notre indépendance énergétique, soutien au développement des énergies renouvelables, notamment des biocarburants, et affirmation des objectifs de maîtrise de la demande d'énergie.
Mes chers collègues, nous avons longtemps attendu ce projet de loi et, désormais, nous l'avons. C'est pourquoi je ne puis que vous inviter à voter le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord remercier l'ensemble des parlementaires, en particulier les membres de la commission mixte paritaire, le président et le rapporteur de la commission des affaires économiques, ainsi que leurs collaborateurs, qui ont travaillé abondamment sur ce projet de loi. Comme vient de le rappeler Henri Revol, ce travail a commencé il y a deux ans et demi. J'ai la chance, en tant que troisième ministre en charge de cette question, de pouvoir recueillir les fruits du travail réalisé au Sénat et à l'Assemblée nationale.
Ce projet a été longuement débattu au sein de votre Haute Assemblée au cours de deux lectures, le Gouvernement n'ayant pas demandé l'application de la procédure d'urgence, ce dont je me réjouis. Ainsi, le texte a pu s'enrichir d'éléments nouveaux.
Tel est bien le rôle d'une loi d'orientation et du débat parlementaire : dégager les propositions d'action qui, sur des problèmes de société aussi délicats que l'énergie, seront partagées par tous nos concitoyens. Le débat sur la politique énergétique de la France est, comme vous le savez, essentiel pour l'avenir à long terme de notre économie et la place de notre pays dans le monde.
Le niveau du prix du pétrole, comme celui du thermomètre aujourd'hui, confirme, s'il en était besoin, l'importance de cette politique énergétique et la pertinence des objectifs que nous nous sommes fixés : contribuer à l'indépendance énergétique nationale et garantir la sécurité d'approvisionnement, assurer un prix compétitif de l'énergie, préserver la santé humaine et l'environnement, en particulier en luttant contre l'aggravation de l'effet de serre, enfin garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l'accès de tous à l'énergie.
S'agissant des travaux de la commission mixte paritaire, je tiens à souligner le consensus qui a pu être dégagé sur des sujets aussi délicats que les énergies renouvelables et, en particulier, l'éolien.
Je me réjouis qu'un compromis ait été trouvé par la commission mixte paritaire : il permettra de faire à la fois plus d'éolien, avec la suppression du plafond de 12 mégawatts, qui limitait la taille des parcs et conduisait à une dispersion des mâts, et de le faire mieux grâce à la création des zones de développement de l'éolien.
Je note également que la commission mixte paritaire a enrichi le texte sur les conditions d'achat de l'électricité produite à partir des énergies renouvelables. S'agissant de l'éolien, dont les tarifs avaient été évoqués en deuxième lecture au Sénat, je rappelle qu'un arrêté du 8 juin 2001 prévoit que les tarifs baissent de 3 % par an et qu'ils diminueront de 10 % dès que 1 500 mégawatts auront fait l'objet de contrats. Cela devrait arriver rapidement - sans doute au cours de l'année prochaine - puisque nous estimons que les projets réalisables dans le domaine de l'éolien en 2005 et 2006 nous permettront d'atteindre le chiffre de 2 000 mégawatts installés.
Cet arrêté devra être réexaminé pour tenir compte des évolutions apportées par la loi, notamment la disparition du plafond. A mon sens, les tarifs doivent être suffisamment attractifs pour poursuivre les objectifs quantitatifs fixés par la loi. C'est le sens de la « prime à l'énergie renouvelable » prévue par la commission mixte paritaire.
Mais s'agissant d'achats obligatoires, donc d'une économie administrée, ces tarifs ne doivent pas offrir des rentes de situation payées par les consommateurs. Les chiffres les plus variés circulent à propos de la rémunération actuelle des projets éoliens : de 4 % à 18 %, selon les études. Nous prendrons le temps d'examiner tous ces points, dans la sérénité et avec les industriels concernés, avant de réviser l'arrêté, même s'il est bon qu'une date limite ait été fixée pour cette révision.
Seule la question du double plafonnement de la contribution pour le service public de l'électricité pose encore quelques difficultés rédactionnelles s'agissant de la mise en oeuvre, dans les meilleures conditions, du dispositif prévu par la commission mixte paritaire. Quelques précisions s'imposent en effet : c'est l'objet de l'amendement que j'ai déposé au nom du Gouvernement et qui tend à rendre opérationnel ce dispositif.
Une telle mesure représente environ 7 % de l'enveloppe de la CSPE au vu des premiers chiffrages, ce qui est cohérent avec l'ordre de grandeur donné par le rapporteur. L'impact sur la facture d'un consommateur domestique moyen est donc de l'ordre de 0,3 %, soit 1 euro par an, ce qui est tout à fait supportable.
Cette disposition viendra d'ailleurs compléter les solutions pour les électro-intensifs qui seront avancées par le groupe de travail conduit par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ; nous présenterons celles-ci aux industriels dans les prochaines semaines.
Nous sommes donc parvenus à la fin du travail d'analyse de ce texte. Une adoption rapide de la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique permettra de mettre en oeuvre les mesures qu'il contient dans les meilleurs délais. Tel est notre but. Je suis sûr que vous partagez ces préoccupations et que cette séance permettra d'aboutir au vote du Sénat sur un texte définitif. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour le groupe socialiste, les choix énergétiques constituent un enjeu à la fois technique et politique. Au-delà de la question de notre indépendance énergétique, ces choix jouent en effet un rôle majeur dans l'organisation de notre société ; ils influent non seulement sur les conditions de vie et de travail, mais également sur les risques auxquels sont soumises nos populations, tant sur le plan environnemental - effet de serre, déchets - que sur le plan sanitaire : pollution de l'air, grandes canicules, accidents.
C'est un triple défi majeur pour l'avenir de notre planète et pour les générations futures : défi sociétal, défi technologique et défi industriel.
Les enjeux exigent une prise de conscience et un réel volontarisme politique non seulement en France, mais aussi en Europe, bien évidemment, et surtout, puisque c'est notre planète qui est prise en otage, à l'échelle internationale. Or les Etats-Unis, qui sont à l'origine à eux seuls de 25 % des émissions de gaz à effet de serre, ne veulent toujours pas ratifier le protocole de Kyoto.
Quant à une véritable politique commune européenne de l'énergie, elle reste encore à construire à ce jour. En tout cas, elle ne peut pas se limiter à la réalisation d'un marché intérieur énergétique sans repenser véritablement la place des services publics.
Enfin, force est de constater que les mécanismes de transfert des technologies propres des pays riches, très gros consommateurs d'énergie, vers les pays en voie de développement, sont extrêmement insuffisants.
Mes chers collègues, la preuve est faite aujourd'hui que nos activités humaines sont bien responsables du changement climatique et qu'il y a péril en la demeure. Pourtant, en France, on constate un relâchement des politiques actives, à défaut d'avoir été audacieuses, en matière d'économie d'énergie, alors que les questions géopolitiques et de sécurité d'approvisionnement constituent un problème majeur.
Face à notre dépendance énergétique, notamment en pétrole et en gaz, on mesure aussi l'urgence de mettre en oeuvre une politique énergétique ambitieuse en termes tant de sobriété ou de tempérance énergétique que d'innovations technologiques.
Matrice, pour plusieurs décennies, de programmes et d'action, ce projet de loi d'orientation sur l'énergie, dont le principe avait été arrêté sous le gouvernement Jospin, était donc très attendu.
Très sincèrement, avant que le projet de loi vienne en première lecture devant le Parlement, je pensais que, sur un tel texte, il était tout à fait possible que nous puissions nous retrouver sur bien des priorités, tant les thèmes de la réduction des gaz à effet de serre, de la maîtrise de l'énergie, de la diversification, ou encore de l'indépendance énergétique, de la recherche et du développement pouvaient, très logiquement, faire l'objet d'un consensus.
Or force est de constater que ce projet de loi pèche par son manque de vision structurante à long terme, la feuille de route du Gouvernement étant pour ainsi dire restée floue.
Monsieur le rapporteur, vous avez tenté, de votre côté, de faire la chasse au droit « à l'état gazeux, au droit mou et flou ».
Nous vous rejoignons sur la nécessité de tenir compte de la nouvelle jurisprudence du Conseil constitutionnel et de mieux assurer la valeur normative des dispositions législatives. Pour cela, vous avez rectifié certaines dispositions en première et en deuxième lecture, et transformé le texte en projet de loi de programme.
Mais quelle sera finalement la portée d'une loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique, sans véritables moyens budgétaires et financiers à la clé ? Et que dire de la réintroduction en commission mixte paritaire, en partie tout au moins, du « droit flou » et du « droit mou » ?
Certes, je me félicite que certains de nos amendements aient été adoptés : plus grande implication des collectivités locales en matière de politique de maîtrise de l'énergie, nécessité d'intégrer, dans le corps du projet de loi, les objectifs tendant à garantir la sécurité d'approvisionnement en pétrole ou à favoriser la diminution des émissions polluantes unitaires des véhicules.
Nous avons par ailleurs, avec mon collègue Thierry Repentin en tête, mené ici une véritable bataille pour préserver l'emploi de nos petites entreprises électro-intensives. Le dispositif proposé par le Sénat de plafonner à 0,5 % de la valeur ajoutée par site de production la contribution au service public de l'électricité constitue une avancée certaine, même s'il peut encore être amélioré.
Le sort fut plus cruel pour nombre d'autres amendements que nous avions déposés, qu'il s'agisse des mesures à prendre en vue du nécessaire rééquilibrage, en matière de transport, entre le rail et la route, des dispositions relatives à un développement plus important des énergies renouvelables, ou encore des moyens consacrés à la recherche sur les énergies alternatives au pétrole, par exemple l'hydrogène.
De surcroît, a été rejeté notre amendement visant à garantir la permanence de la couverture d'énergie aux personnes en difficulté.
Enfin, pour parvenir à une baisse des prix dans le contexte de hausse du brut que l'on connaît, rétablir la TIPP flottante me paraissait une mesure de bon sens.
Je continue de penser par ailleurs que le fait d'engager la privatisation de Gaz de France, au lieu de créer un pôle public de l'énergie autour d'EDF et de Gaz de France, est une erreur. Les Français en subissent déjà les conséquences en termes de hausse de tarifs. Ainsi, les tarifs du gaz devraient augmenter de 4 % au 1er juillet et de 14,6 % d'ici au mois d'avril 2006. D'autres sources vont même jusqu'à annoncer une augmentation de 16 % au 1er juillet 2005. Peut-être allez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le ministre !
Il y a là de quoi rassurer les futurs actionnaires de Gaz de France, mais aussi de quoi inquiéter tous les consommateurs, au premier rang desquels figurent les ménages. Cela concerne 10 millions de particuliers, monsieur le ministre !
La maîtrise des tarifs ne relève-t-elle pas en priorité des missions de service public du gaz et de l'électricité ? Que doit-on en déduire ? Je ne peux que m'interroger sur les perspectives à long terme.
S'agissant de l'ouverture du capital de GDF annoncé par le Gouvernement, le groupe socialiste souhaite préciser que toutes les évaluations sérieuses démontrent pourtant que Gaz de France dégage des ressources importantes et suffisantes pour assurer son développement sans avoir à lever des fonds extérieurs. Je note que le cumul de ses capacités d'autofinancement et de ses possibilités d'endettement est en effet supérieur au montant des investissements envisagés par la direction.
Ainsi, cette première étape d'une privatisation rampante de Gaz de France annoncée sans aucune consultation des organisations syndicales n'est dictée que par des choix idéologiques, lesquels masquent mal la nécessité de combler des déficits publics que le Gouvernement a laissé filer durant trois ans.
Monsieur le ministre, faut-il rappeler les aspirations des Français à disposer de services publics de qualité, soumis au seul intérêt général, sans être sous la contrainte d'intérêts privés ?
Nous rappelons que les principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité propres aux services publics, conjugués à la spécificité du bien énergétique, nécessitent le maintien d'un capital à 100 % public.
Cela dit, et pour en revenir à ce projet de loi, je me réjouis que nous nous soyons retrouvés, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, en première et en deuxième lecture, pour contrer les fameuses dispositions « éolicides » qui avaient été votées par l'Assemblée nationale.
A deux reprises, et alors que les attaques, tout en étant différentes, poursuivaient à chaque fois le même objectif destructeur, vous avez accepté, monsieur le rapporteur, nos sous-amendements à la disposition que vous-même nous proposiez, et nous vous en remercions.
Ainsi, en deuxième lecture, nous avons donné notre accord unanime pour la création de zones de développement de l'éolien et pour supprimer toute référence à un seuil chiffré de puissance afin que, localement, les différents acteurs puissent décider de ce qui leur convient le mieux.
En clair, nous avons, à l'unanimité, proposé une certaine décentralisation des décisions pour mieux les adapter à la diversité des situations locales.
Comme cela a été justement souligné, « dans la mesure où l'insertion des éoliennes dans les paysages constitue un enjeu local, le renvoi aux pouvoirs locaux de la définition des critères de puissance est plus pertinent que la définition d'un seuil national. » Nous partageons totalement ce point de vue.
Bref, il s'agit bien de ne pas compromettre le développement de l'énergie éolienne, tout en favorisant une implantation des aérogénérateurs qui soit harmonieuse et tienne compte des paysages. On ne peut être plus clair !
Je crois pouvoir dire que, face aux attaques frontales dont l'éolien a été la cible, nous pouvons nous réjouir unanimement au Sénat d'avoir contribué à sauver cette filière.
Le nouveau texte issu de la CMP prévoit, par ailleurs, un plafonnement de la rémunération lié aux tarifs de rachat de l'électricité produite par les installations bénéficiant de l'obligation d'achat. Cette notion de rémunération normale des capitaux est des plus ambiguës. Certains de nos collègues ont d'ailleurs souligné que la portée juridique de cette notion était assez incertaine.
Toujours à propos des nouvelles dispositions élaborées en CMP, je m'interroge sur une autre mesure qui me semble fragiliser le moyen et le petit éolien ; je pense notamment aux agriculteurs et à certains particuliers. Cette nouvelle mesure, introduite en CMP - aussi étrange que cela puisse paraître - soumet à enquête publique et à étude d'impact les installations d'éoliennes dont la hauteur dépasse cinquante mètres.
Cela dit et à ces réserves près, globalement, et grâce au Sénat, nous aurons fait oeuvre utile en faveur de la filière éolienne, et c'est tant mieux.
En effet, mes chers collègues, selon le bilan énergétique 2004 de RTE, Réseau de transport d'électricité, le nucléaire et l'hydraulique assurent ensemble 90 % de la production nationale, la biomasse 1 %, tandis que les 9 % restants, soit 51 térawatts, proviennent des centrales fonctionnant par des moyens fossiles.
Or, dans un contexte de croissance de la demande, pour l'heure mal maîtrisée et dont les conséquences en matière d'émission de gaz à effet de serre sont évidentes, il faut choisir : favoriser soit le développement des énergies renouvelables, soit les sources fossiles.
Et si l'on fait, comme il se doit, le choix des énergies renouvelables, force est de constater que les marges nécessaires de progression de l'hydraulique sont très modestes, que le photovoltaïque est une vraie possibilité, mais pour l'avenir, et qu'aujourd'hui l'éolien est le seul moyen puissant de diversification.
En outre, à l'heure où nos choix doivent aussi concerner une politique active de l'emploi, et non une politique au rabais, visant simplement à s'adapter au chômage massif par la remise en cause de notre droit du travail, on ne peut que souligner la contribution que l'éolien peut apporter au développement économique local.
Dans le cadre d'une politique globale, nous devrions encourager le développement d'industries locales spécialisées dans la fabrication des aérogénérateurs.
A quand l'installation de telles unités de production dans les départements qui, comme celui de l'Aude, ont montré la voie du développement de l'éolien ?
Vous l'aurez compris, pour le groupe socialiste, le nucléaire ne constitue pas la réponse à tout, et la priorité doit être donnée à la diversification de notre bouquet énergétique.
Je rappelle, enfin, que l'option nucléaire ne pourra être véritablement acceptée que si des règles de transparence sont mises en place et si les solutions à retenir concernant la gestion des déchets sont bien tranchées lors du rendez-vous de 2006.
Pour en revenir à l'ensemble du projet de loi, je le redis, malgré quelques améliorations apportées au projet de loi initial, nous ne sommes pas satisfaits, nous attendions mieux. En outre, ce projet de loi est devenu, au fil des amendements, un véritable texte « marché énergétique II », en perdant son sens originel de texte d'orientation énergétique.
Un projet de loi d'orientation ou de programme doit être porteur d'une vision à long terme. Il doit être révélateur de choix politiques engageant l'avenir du champ qu'il balise, surtout s'il porte sur l'énergie, secteur des plus stratégiques, car il conditionne notre indépendance nationale.
Surtout, il doit indiquer comment seront atteints les objectifs sur lesquels nous nous sommes engagés, tout en dégageant une visibilité à long terme en matière d'énergies alternatives.
Or, je le maintiens, même si certaines dispositions vont dans le bon sens, telles les actions de maîtrise de l'énergie, ce projet de loi manque de souffle et d'ambition, et j'ai le sentiment qu'il manque sa cible, passant à côté des grands enjeux.
Voilà quelques-unes des raisons qui conduisent le groupe socialiste à voter contre ce texte.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà à nouveau réunis pour nous prononcer, cette fois-ci, sur les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation sur l'énergie.
Je pense que le débat de cet après-midi n'a pas pour objet de refaire l'ensemble des discussions longues et fastidieuses que nous avons eues ici et à l'Assemblée nationale en première et en deuxième lecture. Mon propos sera donc bref.
Nous avons souligné, tout au long des débats, l'importance des enjeux énergétiques en termes d'indépendance, de développement économique et de cohésion sociale. Or le texte que vous nous proposez est une succession de bonnes intentions, malheureusement dépourvues de véritables moyens pour les mettre en oeuvre.
De plus, les mesures prises dans d'autres domaines - je pense ici à la politique des transports - entrent en totale contradiction avec la politique affichée en matière d'économie d'énergie et de préservation de l'environnement.
Enfin, vous semblez oublier que l'énergie n'est pas une marchandise comme les autres. Or chaque personne devrait pouvoir être titulaire d'un droit à l'énergie. Il en va de la dignité humaine de nos concitoyens les plus démunis. Il convient donc de garder la maîtrise de ce secteur. Cela implique de conserver le modèle de l'entreprise publique dégagée de l'emprise de la finance.
Vous pouviez choisir cette voie, mais vous avez préféré une approche libérale, une approche à court terme totalement inefficace pour répondre aux enjeux en matière énergétique.
Avec l'ouverture du capital de GDF et d'EDF, vous privez la France de formidables outils qui ont permis, depuis cinquante ans, d'assurer un service public de l'énergie à tous nos concitoyens. Vous renoncez également à investir dans la recherche et les équipements nécessaires pour préparer l'avenir.
Rien ne semble pouvoir vous arrêter dans votre démarche du tout libéral. Aujourd'hui, GDF entre en bourse et Bercy annonce déjà l'introduction en bourse d'EDF à l'automne prochain. Finalement, ce projet n'est qu'une adaptation au système de concurrence.
Pourtant, contrairement, à ce que vous essayez de nous faire croire, ce système conduit à de graves dysfonctionnements.
Ainsi, en janvier 2002, Christian Pierret, ministre de l'industrie de l'époque, déclarait au sommet de Barcelone : « L'objectif de la concurrence est une baisse des prix et une amélioration de la qualité des services ».
Or le sort fait à GDF entreprise publique démontre qu'il n'en est rien. A ce sujet, les conclusions du dernier conseil d'administration sur le contrat de service public sont éloquentes, comme en témoignent quelques exemples.
En ce qui concerne les moyens mis en oeuvre pour assurer la sécurité des approvisionnements et de l'acheminement, il n'y a que des voeux pieux : aucun objectif concret en termes d'investissement dans le stockage et dans le réseau !
Pourtant, la période de froid de fin février-début mars a entraîné, pour la première fois dans l'histoire de Gaz de France, l'effacement de l'ensemble des clients « interruptibles » et a failli conduire à des coupures de fourniture sur les clients. Gaz de France était en passe de ne pas assurer l'obligation de continuité de fourniture définie par le décret de mars 2004.
L'origine du problème, encore une fois, était dans la gestion des ventes sur le marché court terme. Pourtant, nous pourrions tirer des leçons des expériences dramatiques de l'étranger. La dérégulation californienne totale de 1996 a mis quatre ans à détruire l'équilibre du marché électrique. En France, l'ouverture n'est que partielle et récente, et pourtant on frôle l'effondrement tant du réseau électrique que du réseau gazier.
En ce qui concerne les tarifs, le contrat prévoit l'alignement progressif sur les prix du marché européen, soit une augmentation d'au moins 20 %. La formule tarifaire n'est plus liée aux coûts d'approvisionnement long terme, à la hausse comme à la baisse, mais aux approvisionnements globaux, spot et long terme.
La disparition de l'indice de satisfaction de la clientèle parle d'elle-même. La réalité pour l'usager, c'est la fermeture des agences de proximité, avec les conséquences que l'on connaît : suppressions d'emplois très importantes, dégradation de la qualité de service, de la proximité et de la sécurité des installations.
Ces éléments montrent que l'ouverture et la mise en bourse du capital de GDF ne se résument pas à l'alibi d'un besoin de financement : ils sont révélateurs d'une volonté politique de gérer l'entreprise selon une autre valeur, la seule notion de profit.
A ce sujet, le document de base fourni à l'Autorité des marchés financiers annonce le doublement des dividendes pour les actionnaires entre 2005 et 2008, soit un montant proche de 900 millions d'euros, c'est-à-dire l'équivalent de la masse salariale de GDF société anonyme. Il s'agit pour vous de transférer le bénéfice de la rente du gaz de dix millions d'usagers vers une poignée d'actionnaires.
Que l'on cesse d'essayer de nous faire croire que l'augmentation du prix du gaz serait seulement due à l'indexation de celui-ci sur le prix du pétrole ! Comment pouvez-vous dire cela, alors que la progression des dividendes suit fidèlement l'augmentation du coût annuel du chauffage individuel ?
La réalité est la suivante : depuis la déréglementation et l'affirmation de la volonté d'ouvrir le capital de GDF, les tarifs domestiques ont augmenté de 46 %. Après la hausse de 14,6 % des tarifs du gaz accordée jeudi dernier à GDF par le Gouvernement, après avis favorable de la Commission de régulation de l'énergie, M. Cirelli a annoncé un peu rapidement un relèvement de 4 % au mois de juillet prochain, sans préciser que la hausse totale était en réalité fractionnée en de multiples petites hausses.
Par ailleurs, on observe un décrochage, à partir de 2001, entre l'évolution des tarifs et les coûts d'importation du gaz.
En résumé, l'ouverture du capital est une aberration économique et une opération politique au service d'un projet libéral conduit au détriment des usagers. C'est pourquoi les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen exigent l'arrêt du processus de privatisation et la reconstruction du service public de l'énergie sur la base de l'intérêt général de la société.
Quand le Gouvernement entendra-t-il enfin le message, pourtant très clair, du 29 mai dernier, par lequel le peuple français a exprimé son refus de la soumission de l'ensemble des services publics à la loi du marché ? Au contraire, ce projet de loi d'orientation sur l'énergie s'inscrit dans la continuité d'une logique ultralibérale.
Monsieur le ministre, si nous approuvons les objectifs affichés de diversification des sources d'énergie, d'indépendance énergétique, de réduction des effets de serre, nous constatons que les mesures présentées ne permettront pas de les atteindre, tant s'en faut.
Parce qu'ils refusent de livrer ce secteur à la dévastatrice emprise libérale, parce que vous avez délibérément fait le choix de casser de formidables outils, au service de notre peuple depuis cinquante ans, les sénateurs du groupe CRC s'opposent fermement à votre projet de loi d'orientation sur l'énergie.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte, en ne retenant que les amendements ayant reçu l'accord du Gouvernement.
TITRE IER A
STRATÉGIE ÉNERGÉTIQUE NATIONALE
....................................................................................................
Article 1er
La politique énergétique repose sur un service public de l'énergie qui garantit l'indépendance stratégique de la Nation et favorise sa compétitivité économique. Sa conduite nécessite le maintien et le développement d'entreprises publiques nationales et locales dans le secteur énergétique.
Cette politique vise à :
- contribuer à l'indépendance énergétique nationale et garantir la sécurité d'approvisionnement ;
- assurer un prix compétitif de l'énergie ;
- préserver la santé humaine et l'environnement, en particulier en luttant contre l'aggravation de l'effet de serre ;
- garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l'accès de tous à l'énergie.
L'Etat veille à la cohérence de son action avec celle des collectivités territoriales et de l'Union européenne selon les orientations figurant au rapport annexé.
Article 1er bis
Pour atteindre les objectifs définis à l'article 1er, l'Etat veille à :
- maîtriser la demande d'énergie ;
- diversifier les sources d'approvisionnement énergétique ;
- développer la recherche dans le domaine de l'énergie ;
- assurer des moyens de transport et de stockage de l'énergie adaptés aux besoins.
En outre, l'Etat favorise la réduction de l'impact sanitaire et environnemental de la consommation énergétique et limite, à l'occasion de la production ou de la consommation de l'énergie, les pollutions sur les milieux liées à l'extraction et à l'utilisation des combustibles ainsi que les rejets liquides ou gazeux, en particulier les émissions de gaz à effet de serre, de poussières ou d'aérosols. A cette fin, l'Etat renforce progressivement la surveillance de la qualité de l'air en milieu urbain ainsi que, parallèlement à l'évolution des technologies, les normes s'appliquant aux rejets de polluants et aux conditions de transport des combustibles fossiles. Son action vise aussi à limiter :
- le bruit, notamment dans les transports ;
- les perturbations engendrées par les ouvrages hydroélectriques sur les cours d'eau ;
- l'impact paysager des éoliennes et des lignes électriques ;
- les conséquences des rejets radioactifs et de l'accumulation des déchets radioactifs.
La lutte contre le changement climatique est une priorité de la politique énergétique qui vise à diminuer de 3 % par an en moyenne les émissions de gaz à effet de serre de la France. En conséquence, l'Etat élabore un « plan climat », actualisé tous les deux ans, présentant l'ensemble des actions nationales mises en oeuvre pour lutter contre le changement climatique.
En outre, cette lutte devant être conduite par l'ensemble des Etats, la France soutient la définition d'un objectif de division par deux des émissions mondiales de gaz à effet de serre d'ici à 2050, ce qui nécessite, compte tenu des différences de consommation entre pays, une division par quatre ou cinq de ces émissions pour les pays développés.
Afin d'assurer un prix compétitif de l'énergie, la politique énergétique s'attache à conforter l'avantage que constitue pour la France le fait de bénéficier, grâce à ses choix technologiques, notamment en faveur de l'électricité nucléaire, d'une des électricités les moins chères d'Europe. Cette politique veille à préserver la compétitivité de l'industrie et, en particulier, des entreprises dont la rentabilité dépend fortement du coût de l'électricité. Le choix du bouquet énergétique, les modalités de financement des missions de service public de l'électricité et des politiques de maîtrise de l'énergie ainsi que les mécanismes de régulation concourent à cet objectif.
Afin de garantir la cohésion sociale et territoriale, le droit d'accès à l'énergie, et en particulier à l'électricité, dans des conditions indépendantes du lieu de consommation, élément constitutif de la solidarité nationale, doit être préservé. L'énergie, en particulier l'électricité, étant un bien de première nécessité, l'Etat en garantit l'accès aux personnes les plus démunies par l'existence d'un tarif social et maintient des dispositifs de solidarité qui en assurent l'accès aux ménages en grande difficulté.
Enfin, dans le domaine énergétique, l'Etat veille à la recherche permanente, grâce à des procédures de concertation, d'un consensus le plus large possible prenant en compte la nécessaire conciliation entre le respect des intérêts locaux et les impératifs liés à l'intérêt général.
Article 1er ter
Le premier axe de la politique énergétique est de maîtriser la demande d'énergie afin de porter le rythme annuel de baisse de l'intensité énergétique finale à 2 % dès 2015 et à 2,5 % d'ici à 2030.
A cette fin, l'Etat mobilise l'ensemble des instruments des politiques publiques :
- la réglementation, française et communautaire, relative à l'efficacité énergétique évolue dans l'ensemble des secteurs concernés au plus près des capacités technologiques et prévient le gaspillage d'énergie ;
- la fiscalité sur la consommation d'énergie et sur les équipements énergétiques favorise les économies d'énergie et une meilleure protection de l'environnement ;
- la sensibilisation du public et l'éducation des Français sont encouragées par la mise en oeuvre de campagnes d'information pérennes et l'inclusion des problématiques énergétiques dans les programmes scolaires ;
- l'information des consommateurs est renforcée ;
- la réglementation relative aux déchets favorise le développement des filières de recyclage et de tri sélectif permettant leur valorisation énergétique ;
- les engagements volontaires des professions les plus concernées et le recours aux instruments de marché sont favorisés.
En outre, l'Etat, ses établissements publics et les entreprises publiques nationales mettent en oeuvre des plans d'action exemplaires aussi bien dans la gestion de leurs parcs immobiliers que dans leurs politiques d'achat de véhicules.
Les orientations figurant au rapport annexé précisent la mise en oeuvre de la politique de maîtrise de la demande d'énergie.
Article 1er quater
Le deuxième axe de la politique énergétique est de diversifier le bouquet énergétique de la France.
Cette diversification vise, en particulier, à satisfaire, à l'horizon 2010, 10 % de nos besoins énergétiques à partir de sources d'énergie renouvelables.
Elle concerne, en premier lieu, l'électricité.
L'Etat veille à conserver, dans la production électrique française, une part importante de production d'origine nucléaire qui concourt à la sécurité d'approvisionnement, à l'indépendance énergétique, à la compétitivité, à la lutte contre l'effet de serre et au rayonnement d'une filière industrielle d'excellence, même si, à l'avenir, il fait reposer, à côté du nucléaire, la production d'électricité sur une part croissante d'énergies renouvelables et, pour répondre aux pointes de consommation, sur le maintien du potentiel de production hydroélectrique et sur les centrales thermiques.
L'Etat se fixe donc trois priorités.
La première est de maintenir l'option nucléaire ouverte à l'horizon 2020 en disposant, vers 2015, d'un réacteur nucléaire de nouvelle génération opérationnel permettant d'opter pour le remplacement de l'actuelle génération.
La deuxième priorité en matière de diversification énergétique dans le secteur électrique est d'assurer le développement des énergies renouvelables.
Ce développement doit tenir compte, d'une part, de la spécificité du parc français de production d'électricité, qui fait très peu appel aux énergies fossiles, de sorte que le développement des énergies renouvelables électriques est moins prégnant dans notre pays que chez certains de nos voisins et, d'autre part, de la spécificité et de la maturité de chaque filière.
En dépit de l'actuelle intermittence de certaines filières, les énergies renouvelables électriques contribuent à la sécurité d'approvisionnement et permettent de lutter contre l'effet de serre. Il convient donc d'atteindre l'objectif indicatif d'une production intérieure d'électricité d'origine renouvelable de 21 % de la consommation intérieure d'électricité totale à l'horizon 2010. Un objectif pour 2020 sera défini d'ici à 2010 en fonction du développement de ces énergies.
La troisième priorité en matière de diversification énergétique dans le secteur électrique est de garantir la sécurité d'approvisionnement de la France dans le domaine du pétrole, du gaz et du charbon pour la production d'électricité en semi-base et en pointe.
La diversification de notre bouquet énergétique concerne, en deuxième lieu, la production directe de chaleur.
Les énergies renouvelables thermiques se substituant en très large partie aux énergies fossiles et permettant donc de réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre, leur développement constitue une priorité essentielle et doit permettre, d'ici à 2010, une augmentation de 50 % de la production de chaleur d'origine renouvelable.
La diversification de notre bouquet énergétique concerne, en troisième lieu, le secteur des transports qui doit faire l'objet d'une réorientation profonde car il constitue la principale source d'émissions de gaz à effet de serre et de pollution de l'air.
Compte tenu de leur intérêt spécifique notamment en matière de lutte contre l'effet de serre, l'Etat soutient le développement des biocarburants et encourage l'amélioration de la compétitivité de la filière. A cette fin, l'Etat crée, notamment par l'agrément de capacités de production nouvelles, les conditions permettant de porter, conformément à nos engagements européens, à 2 % au 31 décembre 2005 et à 5,75 % au 31 décembre 2010 la part des biocarburants et des autres carburants renouvelables dans la teneur énergétique de la quantité totale d'essence et de gazole mise en vente sur le marché national à des fins de transport.
Par ailleurs, l'Etat appuie l'utilisation des véhicules hybrides ou électriques et la recherche sur l'utilisation de la pile à combustible et de l'hydrogène.
La diversification énergétique doit également tenir compte de la situation spécifique des zones non interconnectées qui bénéficient de la solidarité nationale par le biais de la péréquation tarifaire, financée par le mécanisme de compensation des charges de service public.
Enfin, l'Etat veille à la sécurité d'approvisionnement dans les secteurs où le recours aux énergies fossiles est prédominant, en particulier par la promotion de la variété et de la pérennité des sources d'approvisionnement employées pour une même énergie, notamment grâce au recours aux contrats de long terme, et de la diversité des sources d'énergie alimentant les équipements des consommateurs finals.
Les orientations figurant au rapport annexé précisent la mise en oeuvre de la politique de diversification du bouquet énergétique français.
Article 1er quinquies
Le troisième axe de la politique énergétique est de développer la recherche dans le secteur de l'énergie.
En conséquence, l'Etat s'attache à intensifier l'effort de recherche public et privé français dans le domaine de l'énergie, à assurer une meilleure articulation de l'action des organismes publics de recherche et à organiser une plus grande implication du secteur privé. En outre, il soutient l'effort de recherche européen dans le domaine de l'énergie pour pouvoir au moins égaler celui mené par les Etats-Unis et le Japon.
La politique de recherche doit permettre à la France d'ici à 2015, d'une part, de conserver sa position de premier plan dans le domaine de l'énergie nucléaire et du pétrole et, d'autre part, d'en acquérir une dans de nouveaux domaines en poursuivant les objectifs suivants :
- l'insertion des efforts de recherche français dans les programmes communautaires de recherche dans le domaine de l'énergie ;
- l'accroissement de l'efficacité énergétique dans les secteurs des transports, du bâtiment et de l'industrie et l'amélioration des infrastructures de transport et de distribution d'énergie ;
- l'augmentation de la compétitivité des énergies renouvelables, notamment des carburants issus de la biomasse, du photovoltaïque, de l'éolien en mer, du solaire thermique et de la géothermie ;
- le soutien à l'industrie nucléaire nationale pour la mise au point et le perfectionnement du réacteur de troisième génération EPR et au développement des combustibles nucléaires innovants ;
- le développement des technologies des réacteurs nucléaires du futur (fission ou fusion), en particulier avec le soutien du programme ITER, et également des technologies nécessaires à une gestion durable des déchets nucléaires ;
- l'exploitation du potentiel de nouveaux vecteurs de rupture comme l'hydrogène, pour lequel doivent être mis au point ou améliorés, d'une part, des procédés de production comme l'électrolyse, le reformage d'hydrocarbures, la gazéification de la biomasse, la décomposition photo-électrochimique de l'eau ou des cycles physico-chimiques utilisant la chaleur délivrée par des nouveaux réacteurs nucléaires à haute température et, d'autre part, des technologies de stockage, de transport et d'utilisation, notamment avec les piles à combustible, les moteurs et les turbines ;
- l'approfondissement de la recherche sur le stockage de l'énergie pour limiter les inconvénients liés à l'intermittence des énergies renouvelables et optimiser le fonctionnement de la filière nucléaire.
Pour rassembler les compétences, coordonner les efforts et favoriser les recherches concernant l'hydrogène et les composés hydrogénés, il est confié au ministère chargé de l'énergie, avec le concours de l'Institut français du pétrole, du Commissariat à l'énergie atomique et du Centre national de la recherche scientifique notamment, une mission spécifique sur ce sujet, conduisant à la publication d'un rapport annuel.
L'effort de recherche global portant sur le développement des énergies renouvelables et la maîtrise de l'énergie est fortement accru au cours des trois ans qui suivent la publication de la présente loi.
Article 1er sexies
Le quatrième axe de la politique énergétique vise à assurer des moyens de transport et de stockage de l'énergie adaptés aux besoins.
S'agissant du transport et de la distribution d'énergie, il importe :
- de développer les réseaux de transport et de distribution d'électricité et de gaz naturel afin de concourir à l'aménagement équilibré du territoire et garantir la sécurité d'approvisionnement de chaque région française ;
- de renforcer les interconnexions électriques avec les pays européens limitrophes sans que celles-ci ne dispensent quelque pays européen que ce soit de se doter d'une capacité de production minimum ;
- de faciliter la réalisation des investissements nécessaires à la construction de gazoducs entre pays producteurs et pays consommateurs, en particulier en préservant le recours aux contrats de long terme ;
- de développer la filière du gaz naturel liquéfié ;
- de rendre plus sûr le transport de produits pétroliers par voie maritime en renforçant la législation européenne et internationale ;
- de maintenir une desserte équilibrée de l'ensemble du territoire par le réseau de distribution de détail des carburants.
L'Etat veille également au développement et à la bonne utilisation des stockages de gaz ainsi qu'au maintien d'un niveau de stock permettant de préserver la sécurité d'approvisionnement en cas d'évènement climatique exceptionnel.
En matière pétrolière, l'Etat veille au maintien d'un outil de raffinage performant et à l'existence de stocks équivalant à près de cent jours de consommation intérieure.
Articles 1er septies A, 1er septies BA et 1er septies B
...................................Supprimés..............................................
....................................................................................................
Article 1er septies DA
....................................Supprimé...............................................
....................................................................................................
Article 1er septies E
....................................Supprimé...............................................
Article 1er septies F
L'Etat prévoit, dans la prochaine programmation pluriannuelle des investissements prévue à l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, la construction d'un réacteur nucléaire démonstrateur de conception la plus récente.
Article 1er septies G
I. - Le ministre chargé de l'énergie et le ministre chargé de la recherche arrêtent et rendent publique une stratégie nationale de la recherche énergétique. Définie pour une période de cinq ans, cette stratégie, fondée sur les objectifs définis à l'article 1er quinquies, précise les thèmes prioritaires de la recherche dans le domaine énergétique et organise l'articulation entre les recherches publique et privée. L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques évalue cette stratégie et sa mise en oeuvre.
II. - Le Gouvernement transmet au Parlement un rapport annuel sur les avancées technologiques résultant des recherches qui portent sur le développement des énergies renouvelables et la maîtrise de l'énergie et qui favorisent leur développement industriel. Il présente les conclusions de ce rapport à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Article 1er septies H
Le ministre chargé de la coopération et le ministre chargé de l'énergie mettent en place un plan « L'énergie pour le développement » qui mobilise et coordonne les moyens nécessaires pour étendre l'accès aux services énergétiques des populations des pays en développement. Ce plan privilégie la maîtrise de l'énergie et les énergies renouvelables locales. Le Gouvernement rend compte tous les trois ans à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de l'état d'avancement du plan.
Article 1er septies I
Le ministre chargé de l'énergie et le ministre chargé du logement mettent en place un plan « Face-sud » qui assure la promotion et la diffusion des énergies renouvelables dans le bâtiment, pour y renforcer les apports thermiques et électriques naturels.
Ce plan assure la mobilisation des moyens nécessaires pour atteindre un objectif d'installation de 200 000 chauffe-eau solaires et de 50 000 toits solaires par an en 2010.
Le bilan énergétique annuel publié par le ministère chargé de l'énergie rend compte de l'état d'avancement du plan.
Article 1er septies J
Le ministre chargé de l'énergie et le ministre chargé de l'agriculture mettent en place un plan « Terre-énergie » qui mobilise les moyens nécessaires pour atteindre un objectif d'une économie d'importations d'au moins 10 millions de tonnes d'équivalent pétrole en 2010 grâce à l'apport de la biomasse pour la production de chaleur et de carburants.
A cet effet, ce plan favorise la production, la promotion et la diffusion des biocarburants dans les transports.
Le bilan énergétique annuel publié par le ministère chargé de l'énergie rend compte de l'état d'avancement de ce plan.
...............................................................................................................
Article 1er octies
.......................................Suppression maintenue...............................
TITRE IER
LA MAÎTRISE DE LA DEMANDE D'ÉNERGIE
CHAPITRE IER
Les certificats d'économies d'énergie
Article 2
I. - Les personnes morales qui vendent de l'électricité, du gaz, de la chaleur ou du froid aux consommateurs finals et dont les ventes annuelles excèdent un seuil ainsi que les personnes physiques et morales qui vendent du fioul domestique aux consommateurs finals sont soumises à des obligations d'économies d'énergie. Elles peuvent se libérer de ces obligations soit en réalisant directement ou indirectement des économies d'énergie, soit en acquérant des certificats d'économies d'énergie.
L'autorité administrative répartit le montant d'économies d'énergie à réaliser, exprimé en kilowattheures d'énergie finale économisés, entre les personnes mentionnées à l'alinéa précédent. Elle notifie à chacune d'entre elles le montant de ses obligations et la période au titre de laquelle elles lui sont imposées.
II. - A l'issue de la période considérée, les personnes mentionnées au I justifient de l'accomplissement de leurs obligations en produisant des certificats d'économies d'énergie obtenus ou acquis dans les conditions prévues à l'article 3.
Afin de se libérer de leurs obligations, les distributeurs de fioul domestique sont autorisés à se regrouper dans une structure pour mettre en place des actions collectives visant à la réalisation d'économies d'énergie ou pour acquérir des certificats d'économies d'énergie.
III. - Les personnes qui n'ont pas produit les certificats d'économies d'énergie nécessaires sont mises en demeure d'en acquérir. A cette fin, elles sont tenues de proposer d'acheter des certificats inscrits au registre national des certificats d'économies d'énergie mentionné à l'article 4 à un prix qui ne peut excéder le montant du versement prévu au IV.
IV. - Les personnes qui ne respectent pas les prescriptions de la mise en demeure dans le délai imparti sont tenues de se libérer par un versement au Trésor public. Ce versement est calculé sur la base d'une pénalité maximale de 0,02 € par kilowattheure. Son montant est doublé, sauf pendant la première période triennale d'application du dispositif, si les personnes n'apportent pas la preuve qu'elles n'ont pu acquérir les certificats manquants.
Les titres de recettes sont émis par l'autorité administrative et sont recouvrés comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. Une pénalité de 10 % du montant dû est infligée pour chaque semestre de retard.
V. - Les coûts liés à l'accomplissement des obligations s'attachant aux ventes à des clients qui bénéficient de tarifs de vente d'énergie réglementés sont pris en compte dans les évolutions tarifaires arrêtées par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie. Cette prise en compte ne peut donner lieu à subventions croisées entre les clients éligibles et les clients non éligibles.
VI. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article, en particulier le seuil des ventes annuelles visé au I, l'objectif national d'économies d'énergie et sa période de réalisation ainsi que le contenu, les conditions et les modalités de fixation des obligations d'économie d'énergie, en fonction du type d'énergie considéré, des catégories de clients et du volume de l'activité.
Article 3
Toute personne visée à l'article 2 ou toute autre personne morale dont l'action, additionnelle par rapport à son activité habituelle, permet la réalisation d'économies d'énergie d'un volume supérieur à un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de l'énergie obtient, sur sa demande, en contrepartie, des certificats d'économies d'énergie délivrés par l'Etat ou, pour son compte, par un organisme habilité à cet effet par le ministre chargé de l'énergie. Ce seuil peut être atteint par des personnes morales se regroupant et désignant l'une d'entre elles ou un tiers qui obtient, pour son compte, les certificats d'économies d'énergie correspondants.
L'installation d'équipements permettant le remplacement d'une source d'énergie non renouvelable par une source d'énergie renouvelable pour la production de chaleur dans un bâtiment donne lieu à la délivrance de certificats d'économies d'énergie selon des modalités de calcul spécifiques.
Les certificats d'économies d'énergie sont des biens meubles négociables, dont l'unité de compte est le kilowattheure d'énergie finale économisé. Ils peuvent être détenus, acquis ou cédés par toute personne visée à l'article 2 ou par toute autre personne morale. Le nombre d'unités de compte est fonction des caractéristiques des biens, équipements, processus ou procédés utilisés pour réaliser les économies d'énergie et de l'état de leurs marchés. Il peut être pondéré en fonction de la situation énergétique de la zone géographique où les économies sont réalisées.
Les économies d'énergie réalisées dans les installations classées visées à l'article L. 229-5 du code de l'environnement ou celles qui résultent exclusivement de la substitution entre combustibles fossiles ou du respect de la réglementation en vigueur ne donnent pas lieu à délivrance de certificats d'économies d'énergie.
Les premiers certificats sont délivrés dans un délai maximal d'un an à compter de la publication de la présente loi.
Un décret en Conseil d'Etat précise, outre les conditions d'application du présent article, les critères d'additionnalité des actions et la durée de validité des certificats d'économies d'énergie qui ne peut être inférieure à cinq ans.
Article 3 bis
......................................................Supprimé........................................
Article 4
Les certificats d'économies d'énergie sont exclusivement matérialisés par leur inscription au registre national des certificats d'économies d'énergie, accessible au public et destiné à tenir la comptabilité des certificats obtenus, acquis ou restitués à l'Etat. Toute personne visée à l'article 2 ou toute autre personne morale peut ouvrir un compte dans le registre national.
La tenue du registre national peut être déléguée à une personne morale désignée par l'Etat.
Afin d'assurer la transparence des transactions liées aux certificats d'économies d'énergie, l'Etat ou, le cas échéant, la personne morale visée au deuxième alinéa rend public le prix moyen auquel ces certificats ont été acquis ou vendus.
L'Etat publie tous les trois ans, à compter de la publication de la présente loi, un rapport analysant le fonctionnement du dispositif des certificats d'économies d'énergie et retraçant l'ensemble des transactions liées aux certificats.
Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article, en particulier les missions du délégataire, les conditions de sa rémunération et les modalités d'inscription des différentes opérations relatives aux certificats sur le registre national.
..............................................................................................................
CHAPITRE IER BIS
Dispositions relatives aux collectivités territoriales
Article 5 bis A
Dans la première phrase du IV de l'article 164 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans ».
...............................................................................................................
Article 5 ter
I. - L'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le sixième alinéa du I est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il peut également consentir des aides financières pour la réalisation d'opérations de maîtrise de la demande d'électricité ou de production d'électricité par des énergies renouvelables dont la maîtrise d'ouvrage est assurée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, lorsqu'elles permettent d'éviter des extensions ou des renforcements de réseaux, ainsi que, dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, pour la réalisation des installations de production de proximité mentionnées à l'article L. 2224-33. » ;
2° L'avant-dernier alinéa du II est complété par les mots : « ou d'énergies de réseau » ;
3° Le III est ainsi rédigé :
« III. - Les communes, leurs établissements publics de coopération intercommunale ou leurs syndicats mixtes qui ne disposent pas d'un réseau public de distribution de gaz naturel ou dont les travaux de desserte ne sont pas en cours de réalisation peuvent concéder la distribution publique de gaz à toute entreprise agréée à cet effet par le ministre chargé de l'énergie, dans les conditions précisées à l'article 25-1 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 précitée. Ces communes et ces établissements peuvent créer une régie agréée par le ministre chargé de l'énergie, avoir recours à un établissement de ce type existant ou participer à une société d'économie mixte existante. »
II. - L'article L. 2224-34 du même code est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Afin de répondre aux objectifs fixés au titre Ier de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée et aux objectifs fixés au titre III de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 précitée, les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale ou les syndicats mixtes compétents en matière de distribution publique d'énergies de réseau peuvent, de manière non discriminatoire, réaliser des actions tendant à maîtriser la demande d'énergies de réseau des consommateurs finals ou faire réaliser, dans le cadre des dispositions de l'article L. 2224-31, des actions tendant à maîtriser la demande d'énergies de réseau des consommateurs desservis en basse tension pour l'électricité ou en gaz, lorsque ces actions sont de nature à éviter ou à différer, dans de bonnes conditions économiques, l'extension ou le renforcement des réseaux publics de distribution d'énergies de réseau relevant de leur compétence. Ces actions peuvent également tendre à maîtriser la demande d'énergies de réseau des personnes en situation de précarité. » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « d'électricité » sont remplacés par les mots : « d'énergies de réseau » ;
3° Supprimé.............................................................................. ;
4° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les actions de maîtrise de la demande d'énergies de réseau peuvent donner lieu à délivrance de certificats d'économies d'énergie aux collectivités territoriales ou à leurs groupements concernés, dans les conditions prévues aux articles 3 et 4 de la loi n° du de programme fixant les orientations de la politique énergétique. »
III. - Dans la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 23 bis de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, avant les mots : « d'électricité ou de gaz », sont insérés les mots : « d'énergies de réseau, notamment ».
Article 5 quater A
Le 1° du II de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales est complété par les mots suivants : « et soutien aux actions de maîtrise de la demande d'énergie ».
Article 5 quater B
Après le quatrième alinéa (c) du 6° du I de l'article L. 5215-20 du même code, il est inséré un d ainsi rédigé :
« d) Soutien aux actions de maîtrise de la demande d'énergie. »
Article 5 quater C
Dans le cinquième alinéa (4°) du II de l'article L. 5216-5 du même code, après les mots : « contre les nuisances sonores, », sont insérés les mots : « soutien aux actions de maîtrise de la demande d'énergie, ».
Article 5 quater
I. - La première phrase du premier alinéa de l'article L. 2224-32 du même code est ainsi modifiée :
1° Les mots : « l'alimentation de » sont remplacés par les mots : « être vendue à des » ;
2° Les mots : « aménager et exploiter » sont remplacés par les mots : « aménager, exploiter, faire aménager et faire exploiter ».
II. - Le dernier alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Au terme du contrat d'obligation d'achat, ils peuvent vendre l'électricité produite à des clients éligibles et à des fournisseurs d'électricité. »
...............................................................................................................
Articles 5 sexies et 5 septies
.....................................Suppressions maintenues..............................
CHAPITRE II
La maîtrise de l'énergie dans les bâtiments
...............................................................................................................
Article 6
I. - Les articles L. 111-9 et L. 111-10 du code de la construction et de l'habitation sont ainsi rédigés :
« Art. L. 111-9. - Un décret en Conseil d'Etat détermine :
« - les caractéristiques thermiques et la performance énergétique des constructions nouvelles, en fonction des catégories de bâtiments considérées ;
« - les catégories de bâtiments qui font l'objet, avant leur construction, d'une étude de faisabilité technique et économique. Cette étude évalue ou envisage obligatoirement pour certaines catégories de bâtiments les diverses solutions d'approvisionnement en énergie de la nouvelle construction, dont celles qui font appel aux énergies renouvelables, aux productions combinées de chaleur et d'énergie, aux systèmes de chauffage ou de refroidissement urbain ou collectif s'ils existent, aux pompes à chaleur performantes en termes d'efficacité énergétique ou aux chaudières à condensation gaz, sans préjudice des décisions des autorités compétentes pour les services publics de distribution d'énergie ;
« - le contenu et les modalités de réalisation de cette étude.
« Art. L. 111-10. - Un décret en Conseil d'Etat détermine :
« - les caractéristiques thermiques et la performance énergétique des bâtiments ou parties de bâtiments existants qui font l'objet de travaux, en fonction des catégories de bâtiments, du type de travaux envisagés ainsi que du rapport entre le coût de ces travaux et la valeur du bâtiment au-delà de laquelle ces dispositions s'appliquent ;
« - les catégories de bâtiments ou parties de bâtiments existants qui font l'objet, avant le début des travaux, d'une étude de faisabilité technique et économique. Cette étude évalue les diverses solutions d'approvisionnement en énergie, dont celles qui font appel aux énergies renouvelables ;
« - le contenu et les modalités de réalisation de cette étude ;
« - les caractéristiques thermiques que doivent respecter les nouveaux équipements, ouvrages ou installations mis en place dans des bâtiments existants, en fonction des catégories de bâtiments considérées ;
« - les catégories d'équipements, d'ouvrages ou d'installations visés par le précédent alinéa.
« Les mesures visant à améliorer les caractéristiques thermiques et la performance énergétique des bâtiments existants ainsi que leur impact sur les loyers, les charges locatives et le coût de la construction sont évalués dans un délai de cinq ans à compter de la publication de la loi n° du de programme fixant les orientations de la politique énergétique. »
I bis. - Après l'article L. 111-10 du même code, il est inséré un article L. 111-10-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 111-10-1. - Le préfet, le maire de la commune d'implantation des bâtiments et le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de logement peuvent demander communication des études visées aux articles L. 111-9 et L. 111-10. Ces études doivent être communiquées dans le mois qui suit la demande. Leur refus de communication est passible des poursuites et sanctions prévues par les articles L. 152-1 à L. 152-10. »
I ter. - Supprimé........................................................................ ;
II. - Aux articles L. 152-1 et L. 152-4 du même code, après la référence : « L. 111-9, » sont insérées les références : « L. 111-10, L. 111-10-1, ».
III. - Le 2° du II de l'article L. 224-1 du code de l'environnement est ainsi rédigé :
« 2° Prévoir que les chaudières et les systèmes de climatisation, dont la puissance excède un seuil fixé par décret, font l'objet d'inspections régulières, dont ils fixent les conditions de mise en oeuvre. Dans le cadre de ces inspections, des conseils d'optimisation de l'installation sont, le cas échéant, dispensés aux propriétaires ou gestionnaires. »
IV. - Le II de l'article L. 224-1 du même code est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Prescrire aux entreprises qui vendent de l'énergie ou des services énergétiques l'obligation de promotion d'une utilisation rationnelle de l'énergie et d'incitation à des économies d'énergie dans le cadre de leurs messages publicitaires. »
...............................................................................................................
Article 6 ter
[Pour coordination]
........................................Suppression maintenue..............................
CHAPITRE III
L'information des consommateurs
...............................................................................................................
TITRE II
LES ÉNERGIES RENOUVELABLES
...............................................................................................................
Article 8 A
Les sources d'énergie renouvelables sont les énergies éolienne, solaire, géothermique, houlomotrice, marémotrice et hydraulique ainsi que l'énergie issue de la biomasse, du gaz de décharge, du gaz de stations d'épuration d'eaux usées et du biogaz.
La biomasse est la fraction biodégradable des produits, déchets et résidus provenant de l'agriculture, y compris les substances végétales et animales, de la sylviculture et des industries connexes ainsi que la fraction biodégradable des déchets industriels et ménagers.
CHAPITRE IER
Dispositions relatives à l'urbanisme
Article 8
Le titre II du livre Ier du code de l'urbanisme est complété par un chapitre VIII ainsi rédigé :
« CHAPITRE VIII
« Dispositions favorisant la performance énergétique et les énergies renouvelables dans l'habitat
« Art. L. 128-1. - Le dépassement du coefficient d'occupation des sols est autorisé, dans la limite de 20 % et dans le respect des autres règles du plan local d'urbanisme, pour les constructions remplissant des critères de performance énergétique ou comportant des équipements de production d'énergie renouvelable.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les critères de performance et les équipements pris en compte.
« La partie de la construction en dépassement n'est pas assujettie au versement résultant du dépassement du plafond légal de densité.
« Art. L. 128-2. - Les dispositions de l'article L. 128-1 sont rendues applicables dans la commune par décision de son conseil municipal.»
...............................................................................................................
CHAPITRE II
Les énergies renouvelables électriques
Article 9
Le gestionnaire du réseau public de transport ou les gestionnaires de réseaux publics de distribution d'électricité délivrent aux producteurs raccordés à ces réseaux qui en font la demande des garanties d'origine pour la quantité d'électricité injectée sur leurs réseaux et produite en France à partir d'énergies renouvelables ou par cogénération. Lorsqu'ils en font la demande, le gestionnaire du réseau public de transport délivre des garanties d'origine aux producteurs non raccordés au réseau et aux autoconsommateurs d'électricité issue d'énergies renouvelables ou de cogénération.
Le coût du service ainsi créé pour délivrer les garanties d'origine est à la charge de leur demandeur.
La personne achetant, en application des articles 8, 10 ou 50 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, de l'électricité produite en France à partir d'énergies renouvelables ou par cogénération est subrogée au producteur de cette électricité dans son droit à obtenir la délivrance des garanties d'origine correspondantes.
Le gestionnaire du réseau public de transport établit et tient à jour un registre des garanties d'origine. Ce registre est accessible au public.
Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions de délivrance des garanties d'origine et de tenue du registre, les tarifs d'accès à ce service ainsi que les pouvoirs et moyens d'action et de contrôle attribués aux gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité.
Article 9 bis
L'article 8 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est ainsi modifié :
1° Après les mots : « appel d'offres », la fin du premier alinéa est supprimée ;
2° L'avant-dernière phrase du quatrième alinéa est complétée par les mots : « immédiatement ou, à la demande du candidat retenu, quand les caractéristiques définitives des projets, notamment la localisation, sont arrêtées ».
...............................................................................................................
Article 10 bis A
.......................................Suppression maintenue...............................
Article 10 bis B
La première phrase du huitième alinéa de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Les contrats conclus en application du présent article par Electricité de France et les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée prévoient des conditions d'achat prenant en compte les coûts d'investissement et d'exploitation évités par ces acheteurs, auxquels peut s'ajouter une prime prenant en compte la contribution de la production livrée ou des filières à la réalisation des objectifs définis au deuxième alinéa de l'article 1er de la présente loi. Le niveau de cette prime ne peut conduire à ce que la rémunération des capitaux immobilisés dans les installations bénéficiant de ces conditions d'achat excède une rémunération normale des capitaux, compte tenu des risques inhérents à ces activités et de la garantie dont bénéficient ces installations d'écouler l'intégralité de leur production à un tarif déterminé. »
.......................................................................................................
Article 10 ter
I. - L'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du 2°, après les mots : « des énergies renouvelables », sont insérés les mots : « , à l'exception de celles utilisant l'énergie mécanique du vent implantées dans les zones interconnectées au réseau métropolitain continental, » ;
2° Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent qui sont implantées dans le périmètre d'une zone de développement de l'éolien, définie selon les modalités fixées à l'article 10-1. »
II. - Après l'article 10 de la même loi, il est inséré un article 10-1 ainsi rédigé :
« Art. 10-1. - Les zones de développement de l'éolien sont définies par le préfet du département en fonction de leur potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés. Elles sont proposées par la ou les communes dont tout ou partie du territoire est compris dans le périmètre proposé ou par un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, sous réserve de l'accord de la ou des communes membres dont tout ou partie du territoire est compris dans le périmètre proposé.
« La proposition de zones de développement de l'éolien en précise le périmètre et définit la puissance installée minimale et maximale des installations produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent pouvant bénéficier, dans ce périmètre, des dispositions de l'article 10. Elle est accompagnée d'éléments facilitant l'appréciation de l'intérêt du projet au regard du potentiel éolien, des possibilités de raccordement aux réseaux électriques et de la protection des paysages, des monuments historiques et des sites remarquables et protégés.
« La décision du préfet du département intervient sur la base de la proposition dans un délai maximal de six mois à compter de la réception de celle-ci, après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites et des communes limitrophes à celles dont tout ou partie du territoire est compris dans la zone de développement de l'éolien. Ces avis sont réputés favorables faute de réponse dans un délai de trois mois suivant la transmission de la demande par le préfet. Le préfet veille à la cohérence départementale des zones de développement de l'éolien et au regroupement des installations afin de protéger les paysages.
« Les zones de développement de l'éolien s'imposent au schéma régional éolien défini au I de l'article L. 553-4 du code de l'environnement. »
III. - Les dispositions de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 janvier 2000 précitée, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, restent applicables pendant deux ans après la publication de ladite loi, à la demande de leurs exploitants, aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent auxquelles l'autorité administrative a accordé, pendant ce délai, le bénéfice de l'obligation d'achat en application du même article dans sa rédaction antérieure à la présente loi, et pour lesquelles un dossier complet de demande de permis de construire a été déposé dans le même délai.
IV. - Au I de l'article L. 553-2 du code de l'environnement, les mots : « dont la puissance installée totale sur un même site de production, au sens du troisième alinéa (2°) de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, excède 2,5 mégawatts, », sont remplacés par les mots : « dont la hauteur du mât dépasse 50 mètres ».
Article 10 quater A
L'article L. 421-2-3 du code de l'urbanisme est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° Dans le cas d'installations de production d'électricité d'origine renouvelable situées dans les eaux intérieures ou territoriales, raccordées au réseau public de distribution et de transport d'électricité et soumises à permis de construire, celui-ci est déposé dans la commune dans laquelle est installé le point de raccordement au réseau public de distribution ou de transport d'électricité. Pour l'instruction du permis de construire, le maire de cette commune exerce les compétences du maire de la commune d'assiette. »
Article 10 quater B
Le II de l'article 1609 quinquies C du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après la première phrase du premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il peut, dans les mêmes conditions, décider de se substituer à ses communes membres pour percevoir la taxe professionnelle acquittée par les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent implantées sur le territoire de ces communes à compter de la publication de la loi n° du de programme fixant les orientations de la politique énergétique. »
2° La dernière phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « d'activités économiques » ;
3° Il est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° L'établissement public de coopération intercommunale verse à la ou aux communes, dont tout ou partie du territoire est situé à l'intérieur d'une zone de développement de l'éolien, ou, en l'absence de zone de développement de l'éolien, aux communes d'implantation des installations visées au premier alinéa du présent II et aux communes limitrophes membres de l'établissement public de coopération intercommunale, une attribution visant à compenser les nuisances environnementales liées aux installations utilisant l'énergie mécanique du vent. Cette attribution ne peut être supérieure au produit de la taxe professionnelle perçue sur ces installations. ».
Article 10 quater
L'article L. 553-3 du code de l'environnement est ainsi modifié :
1° A la fin de la seconde phrase, les mots : « dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat » sont supprimés ;
2° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :
« Pour les installations situées sur le domaine public maritime, ces garanties financières sont constituées dès le début de leur construction. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions de constitution des garanties financières. »
Article 10 quinquies
L'article L. 211-1 du code de l'environnement est ainsi modifié :
1° Le 5° du I est ainsi rédigé :
« 5° La valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource. » ;
2° Au 4° du II, après les mots : « de la production d'énergie, », sont insérés les mots : « et en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, ».
Article 10 sexies
I. - Le I de l'article 6 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est ainsi modifié :
1° Dans la première phrase du dernier alinéa, après les mots : « Pour élaborer cette programmation, », sont insérés les mots : « dont le périmètre tient compte de l'ensemble du territoire des zones non interconnectées au réseau public de transport d'électricité, » ;
2° Le même alinéa est complété par quatre phrases ainsi rédigées :
« Afin d'établir ce bilan, le gestionnaire du réseau public de transport a accès à toutes les informations utiles auprès des gestionnaires de réseaux publics de distribution, des producteurs, des fournisseurs et des consommateurs. Il préserve la confidentialité des informations ainsi recueillies. Un décret précise les éléments figurant dans ce bilan, ses modalités d'élaboration et les conditions dans lesquelles le gestionnaire du réseau public de transport saisit le ministre chargé de l'énergie des risques de déséquilibre entre les besoins nationaux et l'électricité disponible pour les satisfaire. En outre, les gestionnaires des réseaux publics de distribution des zones non interconnectées au réseau métropolitain continental élaborent un bilan prévisionnel de l'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité dans leur zone de desserte. »
II. - Le même I est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le ministre chargé de l'énergie rend publique une évaluation, par zone géographique, du potentiel de développement des filières de production d'électricité à partir de sources renouvelables, qui tient compte de la programmation pluriannuelle des investissements. »
Article 10 septies
Le code de l'environnement est ainsi modifié :
1° Le III de l'article L. 212-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le schéma prend en compte l'évaluation, par zone géographique, du potentiel hydroélectrique établi en application du I de l'article 6 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité. » ;
2° Le deuxième alinéa de l'article L. 212-5 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le schéma prend également en compte l'évaluation, par zone géographique, du potentiel hydroélectrique établi en application du I de l'article 6 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée. » ;
3° Le I de l'article L. 553-4 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le schéma prend en compte l'évaluation, par zone géographique, du potentiel éolien établi en application du I de l'article 6 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et développement du service public de l'électricité. »
...............................................................................................................
Article 10 nonies
Après l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 précitée, il est inséré un article 2-1 ainsi rédigé :
« Art. 2-1. - Les actes administratifs relatifs à la gestion de la ressource en eau, pris en application du premier alinéa de l'article 1er ou du cinquième alinéa de l'article 2 de la présente loi, du III de l'article L. 212-1 et du premier alinéa de l'article L. 212-3 du code de l'environnement, sont précédés d'un bilan énergétique en évaluant les conséquences au regard des objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz contribuant au renforcement de l'effet de serre et de développement de la production d'électricité d'origine renouvelable. »
...............................................................................................................
Article 11
[Pour coordination]
L'article 1er de la loi du 16 octobre 1919 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'exploitation de l'énergie hydraulique d'installations ou ouvrages déjà autorisés au titre des articles L. 214-1 à L. 214-11 du code de l'environnement est dispensée de la procédure de concession ou d'autorisation instituée au premier alinéa du présent article, sans préjudice de l'application des dispositions de l'article L. 214-3 du même code. »
...............................................................................................................
CHAPITRE IV
Les énergies renouvelables thermiques
...............................................................................................................
Article 11 sexies
[Pour coordination]
.............................................Suppression maintenue.........................
TITRE III
L'ÉQUILIBRE ET LA QUALITÉ DES RÉSEAUX DE TRANSPORT ET DE DISTRIBUTION DE L'ÉLECTRICITÉ
Article 12 AA
Après le deuxième alinéa de l'article 3 de loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« La Commission de régulation de l'énergie surveille, dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat, les transactions effectuées sur les marchés organisés de l'électricité ainsi que les échanges aux frontières. Ce décret est pris après avis de la commission.
« Lorsqu'il estime que les comportements portés à la connaissance de la Commission de régulation de l'énergie dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont confiés par le troisième alinéa sont susceptibles de révéler des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, son président saisit le Conseil de la concurrence selon les modalités prévues par l'article 39 de la présente loi. »
Article 12 AB
Après le deuxième alinéa de l'article 1er de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« La Commission de régulation de l'énergie surveille, dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat, les transactions effectuées sur les marchés organisés du gaz naturel ainsi que les échanges aux frontières. Ce décret est pris après avis de la commission.
« Lorsqu'il estime que les comportements portés à la connaissance de la Commission de régulation de l'énergie dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont confiés par le troisième alinéa sont susceptibles de révéler des pratiques prohibées par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce, son président saisit le Conseil de la concurrence selon les modalités prévues par l'article 39 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée. »
...............................................................................................................
Article 12 BB
La deuxième phrase du 1° du a du I de l'article 5 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est complétée par les mots : « ou, pour les distributeurs non nationalisés, par référence aux tarifs de cession mentionnés à l'article 4 à proportion de la part de l'électricité acquise à ces tarifs dans leur approvisionnement total, déduction faite des quantités acquises au titre des articles 8 et 10 précités ».
...............................................................................................................
Article 12 BD
Dans la première phrase du douzième alinéa du b du I de l'article 5 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, les mots : « deux fois par an » sont remplacés par les mots : « quatre fois par an ».
...............................................................................................................
Articles 12 D et 12
.......................................Suppressions maintenues............................
...............................................................................................................
Article 13
Le chapitre III du titre III de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est ainsi modifié :
1° Son intitulé est complété par les mots : « et qualité de l'électricité » ;
2° Il est complété par un article 21-1 ainsi rédigé :
« Art. 21-1. - I. - Le gestionnaire du réseau public de transport et, sans préjudice des dispositions du sixième alinéa du I de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité conçoivent et exploitent ces réseaux de façon à assurer une desserte en électricité d'une qualité régulière, définie et compatible avec les utilisations usuelles de l'énergie électrique.
« II. - Un décret, pris après avis du comité technique de l'électricité, de la Commission de régulation de l'énergie et du Conseil supérieur de l'énergie, fixe les niveaux de qualité et les prescriptions techniques en matière de qualité qui doivent être respectés par le gestionnaire du réseau public de transport et les gestionnaires des réseaux publics de distribution. Les niveaux de qualité requis correspondants peuvent être modulés par zone géographique.
« Dans le respect des dispositions du décret précité, le cahier des charges de concession du réseau public de transport, les cahiers des charges des concessions de distribution mentionnées à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales et les règlements de service des régies fixent les niveaux de qualité requis.
« III. - Lorsque le niveau de qualité n'est pas atteint en matière d'interruptions d'alimentation imputables aux réseaux publics de distribution, l'autorité organisatrice peut obliger le gestionnaire du réseau public de distribution concerné à remettre entre les mains d'un comptable public une somme qui sera restituée après constat du rétablissement du niveau de qualité.
« Un décret en Conseil d'Etat définit les modalités d'application du présent article, notamment les principes généraux de calcul de la somme concernée visée au présent III, qui tiennent compte de la nature et de l'importance du non-respect de la qualité constaté. »
...............................................................................................................
Article 13 quater A
Après l'article 23 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, il est inséré un article 23-1 ainsi rédigé :
« Art. 23-1. - I. - Le raccordement d'un utilisateur aux réseaux publics comprend la création d'ouvrages d'extension, d'ouvrages de branchement en basse tension et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants.
« Les ouvrages de raccordement relèvent des réseaux publics de transport et de distribution. Un décret précise la consistance des ouvrages de branchement et d'extension.
« II. - Lorsque le raccordement est destiné à desservir une installation de production, le producteur peut, sous réserve de l'accord du maître d'ouvrage mentionné à l'article 14 ou au deuxième alinéa de l'article 18, exécuter à ses frais exclusifs les travaux de raccordement par des entreprises agréées par le maître d'ouvrage selon les dispositions d'un cahier des charges établi par le maître d'ouvrage. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent II. »
Article 13 quater
Le troisième alinéa de l'article 7 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Les directeurs généraux délégués ou les membres du directoire sont nommés par le conseil d'administration ou le conseil de surveillance sur proposition du directeur général ou du président du directoire. La fonction de président du conseil d'administration ou de surveillance de cette société est incompatible avec l'exercice de toute responsabilité en lien direct avec des activités concurrentielles au sein des structures dirigeantes d'autres entreprises du secteur de l'énergie. »
...............................................................................................................
TITRE IV -
DISPOSITIONS DIVERSES
CHAPITRE Ier
[Division et intitulé supprimés]
...............................................................................................................
Article 14 bis A
Pour les consommateurs industriels d'électricité, la contribution au service public de l'électricité est plafonnée :
- à 500 000 € par site de consommation d'électricité ;
- et à 0,5 % de la valeur ajoutée de ce site.
Article 14 bis
Après l'article 1391 D du code général des impôts, il est inséré un article 1391 E ainsi rédigé :
« Art. 1391 E. - Il est accordé sur la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties afférente à des immeubles affectés à l'habitation, appartenant aux organismes d'habitations à loyer modéré visés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation ou aux sociétés d'économie mixte ayant pour objet statutaire la réalisation ou la gestion de logements, un dégrèvement égal au quart des dépenses payées, à raison des travaux d'économie d'énergie visés à l'article L. 111-10 du même code au cours de l'année précédant celle au titre de laquelle l'imposition est due. »
CHAPITRE II
[Division et intitulé supprimés]
...............................................................................................................
Article 17
L'article 45 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 45. - Le Conseil supérieur de l'énergie est consulté sur :
« 1° L'ensemble des actes de nature réglementaire émanant de l'Etat intéressant le secteur de l'électricité ou du gaz, à l'exception de ceux qui relèvent du domaine de compétence de la Caisse nationale des industries électriques et gazières ;
« 2° Les décrets et arrêtés de nature réglementaire mentionnés aux articles 2 et 3 de la loi n° du de programme fixant les orientations de la politique énergétique.
« Le Conseil supérieur de l'énergie peut émettre, à la demande du ministre chargé de l'énergie, des avis concernant la politique en matière d'électricité, de gaz et d'autres énergies fossiles, d'énergies renouvelables et d'économies d'énergie. Ces avis sont remis au Gouvernement.
« Le Conseil supérieur de l'énergie est composé :
« 1° De membres du Parlement ;
« 2° De représentants des ministères concernés ;
« 3° De représentants des collectivités territoriales ;
« 4° De représentants des consommateurs d'énergie ainsi que d'associations agréées pour la protection de l'environnement ;
« 5° De représentants des entreprises des secteurs électrique, gazier, pétrolier, des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique ;
« 6° De représentants du personnel des industries électriques et gazières.
« Les frais de fonctionnement du Conseil supérieur de l'énergie sont inscrits au budget général de l'Etat. Le président du Conseil supérieur de l'énergie propose annuellement au ministre chargé de l'énergie, lors de l'élaboration du projet de loi de finances, un état prévisionnel des dépenses du conseil.
« Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article. »
Article 17 bis AAA
Après le deuxième alinéa du I de l'article 16 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le conseil d'administration de la caisse est consulté sur les projets de dispositions législatives ou réglementaires ayant des incidences directes sur l'équilibre financier du régime ou entrant dans son domaine de compétences. Il rend un avis motivé. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent alinéa. »
Article 17 bis AA
Dans la première phrase du deuxième alinéa du II de l'article 33 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, après les mots : « de distribution », sont insérés les mots : « , de négoce ».
Article 17 bis A
Le premier alinéa du III de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Dans le cadre du décret pris en application du I du présent article, les propositions motivées de tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution sont transmises par la Commission de régulation de l'énergie aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie. La décision ministérielle est réputée acquise, sauf opposition de l'un des ministres dans un délai de deux mois suivant la réception des propositions de la commission. Les tarifs sont publiés au Journal officiel par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie.
« Les décisions sur les autres tarifs et les plafonds de prix visés au présent article sont prises par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie, sur avis de la Commission de régulation de l'énergie.
« La Commission de régulation de l'énergie formule ses propositions et ses avis, qui doivent être motivés, après avoir procédé à toute consultation qu'elle estime utile des acteurs du marché de l'énergie. »
Article 17 bis BA
...............................................Supprimé.............................................
Article 17 bis BB
L'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est complété par un III bis ainsi rédigé :
« III bis. - Les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité mettent en oeuvre des dispositifs permettant aux fournisseurs de proposer à leurs clients des prix différents suivant les périodes de l'année ou de la journée et incitant les utilisateurs des réseaux à limiter leur consommation pendant les périodes où la consommation de l'ensemble des consommateurs est la plus élevée.
« La structure et le niveau des tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution d'électricité sont fixés afin d'inciter les clients à limiter leur consommation aux périodes où la consommation de l'ensemble des consommateurs est la plus élevée dans la mesure où le produit global de ces tarifs couvre l'ensemble des coûts d'utilisation de ces réseaux.
« Les cahiers des charges des concessions et les règlements de service des régies de distribution d'électricité sont mis en conformité avec les dispositions du présent article. Un décret en Conseil d'Etat, pris sur proposition de la Commission de régulation de l'énergie, précise les modalités d'application du premier alinéa, notamment les modalités de prise en charge financière de ce dispositif. »
Article 17 bis B
Le dernier alinéa du I de l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 précitée est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Dans le respect des dispositions de l'alinéa précédent et du III du présent article, les propositions motivées de tarifs d'utilisation des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel et des installations de gaz naturel liquéfié sont transmises par la Commission de régulation de l'énergie aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie, notamment à la demande des opérateurs. La décision ministérielle est réputée acquise, sauf opposition de l'un des ministres dans un délai de deux mois suivant la réception des propositions de la commission. Les tarifs sont publiés au Journal officiel par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie.
« Les décisions sur les autres tarifs visés au présent article sont prises par les ministres chargés de l'économie et de l'énergie, sur avis de la Commission de régulation de l'énergie.
« La Commission de régulation de l'énergie formule ses propositions et ses avis, qui doivent être motivés, après avoir procédé à toute consultation qu'elle estime utile des acteurs du marché de l'énergie. »
Article 17 bis C
Le taux de rémunération du capital immobilisé dans des moyens de production d'électricité, mentionné à l'article 12 BC, est déterminé de façon à favoriser le développement du système électrique de la collectivité départementale de Mayotte.
Les dispositions de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée et de ses textes d'application sont applicables dans la collectivité départementale de Mayotte.
A compter du 1er janvier 2007 :
1° Les tarifs de vente de l'électricité applicables dans la collectivité départementale sont identiques à ceux pratiqués en métropole ;
2° La collectivité départementale peut instituer à son profit une taxe locale sur l'électricité dont l'assiette est définie à l'article L. 2333-3 du code général des collectivités territoriales et dont les modalités de recouvrement sont définies à l'article L. 2333-4 du même code. Le produit de cette taxe, dont le taux ne peut dépasser 12 %, est affecté à l'électrification rurale.
Article 17 bis
Le premier alinéa du I de l'article 38 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La demande de règlement de différend visée au présent alinéa ne peut concerner un client non éligible. »
Article 17 ter
Le dernier alinéa de l'article 39 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsqu'elle est consultée, en application du présent alinéa, par le Conseil de la concurrence sur des pratiques dont ce dernier est saisi dans le secteur de l'électricité ou du gaz, la Commission de régulation de l'énergie joint à son avis, dans le délai imparti, tous les éléments utiles à l'instruction de l'affaire qui sont en sa possession. »
Article 17 quater
Le I de l'article 38 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est ainsi modifié :
1° Au début de la troisième phrase du deuxième alinéa, après les mots : « Sa décision », sont insérés les mots : « , qui peut être assortie d'astreintes, » ;
2° Après la troisième phrase du deuxième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque cela est nécessaire pour le règlement du différend, la commission peut fixer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou les conditions de leur utilisation. » ;
3° Au début de la dernière phrase du deuxième alinéa, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « Sa décision » ;
4° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces mesures peuvent comporter la suspension des pratiques portant atteinte aux règles régissant l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation. »
Article 17 quinquies
Le IV de l'article 15 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La Commission de régulation de l'énergie approuve les méthodes de calcul des écarts et des compensations financières mentionnées au précédent alinéa. »
...............................................................................................................
Article 21 bis
La loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 précitée est ainsi modifiée :
1° Après l'article 16, il est inséré un article 16-1 ainsi rédigé :
« Art. 16-1. - Les fournisseurs de gaz naturel communiquent au gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel qu'ils utilisent leurs prévisions de livraisons à l'horizon de six mois afin de lui permettre de satisfaire aux obligations de service public prévues à l'article 16 et, en particulier, de vérifier que le dimensionnement du réseau permet l'alimentation des clients en période de pointe. » ;
2° Dans le premier alinéa du II de l'article 31, après la référence : « 16, », il est inséré la référence : « 16-1, ».
Article 21 ter
Dans la dernière phrase du premier alinéa du I de l'article 8 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 précitée, les mots : « , dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat » sont supprimés.
...............................................................................................................
Article 23
Après l'article 22 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 précitée, il est inséré un article 22-1 ainsi rédigé :
« Art. 22-1. - Les distributeurs de gaz naturel ou de tout autre gaz combustible utilisant des réseaux publics de distribution et les transporteurs de gaz naturel informent les communes sur le territoire desquelles sont situés les réseaux qu'ils exploitent ou, le cas échéant, leurs établissements publics de coopération intercommunale ou les syndicats mixtes, lorsque la compétence afférente à la distribution publique de gaz leur a été transférée, et l'autorité administrative de l'Etat territorialement compétente en matière de réglementation et de police du gaz, du tracé et des caractéristiques physiques des infrastructures qu'ils exploitent. Ils maintiennent à jour les cartes de ces réseaux. »
...............................................................................................................
Article 24 bis
.....................................................Supprimé.........................................
Article 26
Les II et III de l'article 26 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 précitée sont remplacés par un II, un III et un IV ainsi rédigés :
« II. - Tout raccordement d'un consommateur de gaz dans une commune raccordée au réseau de gaz naturel s'effectue en priorité sur le réseau public de distribution, sauf si l'importance du volume de consommation envisagé ne permet pas le raccordement sur ce réseau. Dans ce cas, le raccordement du consommateur peut, sous réserve de l'accord du gestionnaire du réseau de distribution, s'effectuer sur le réseau de transport, dans les conditions prévues au sixième alinéa du I de l'article 6. Les cahiers des charges annexés aux conventions de concession ou les règlements de service des régies gazières précisent les conditions de raccordement aux réseaux.
« III. - Le gestionnaire du réseau public de distribution de gaz peut demander une participation au demandeur pour un raccordement. Les conditions et les méthodes de calcul des participations sont fixées de façon transparente et non discriminatoire. Elles sont approuvées par le ministre chargé de l'énergie après avis de la Commission de régulation de l'énergie et consultation des organisations nationales représentatives des autorités organisatrices de la distribution publique de gaz.
« Les gestionnaires des réseaux de distribution sont tenus de publier leurs conditions et leurs tarifs de raccordement.
« IV. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application des II et III du présent article. »
Article 27
Est passible des sanctions prévues aux articles 322-1 et 322-2 du code pénal le fait de porter atteinte volontairement au bon fonctionnement des ouvrages et installations de distribution ou de transport de gaz naturel, aux installations de stockage souterrain de gaz, aux installations de gaz naturel liquéfié ou aux ouvrages et installations de distribution ou de transport d'hydrocarbures liquides et liquéfiés ou de produits chimiques.
Article 27 bis A
Le ministre chargé de l'énergie peut interdire l'exploitation ou exiger le remplacement ou le retrait de réseaux ou éléments de réseaux de transport ou de distribution du gaz, qui ne présenteraient pas de garanties suffisantes en matière de sécurité pour les personnes et les biens dans les conditions normales d'exploitation ou d'utilisation.
En cas de non-respect de ces mesures, les dispositions prévues à l'article 23 et au II de l'article 31 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 précitée sont applicables.
...............................................................................................................
Article 27 ter A
I. - L'établissement professionnel dénommé « Institut français du pétrole», créé en application du titre III de l'acte dit loi n° 43-612 du 17 novembre 1943 sur la gestion des intérêts professionnels, est transformé en un établissement public national à caractère industriel et commercial dénommé « Institut français du pétrole ». Cet établissement public peut également utiliser la dénomination « IFP ».
II. - L'objet de l'Institut français du pétrole est, dans le domaine des hydrocarbures, de leurs dérivés et de leurs substituts, y compris de l'utilisation de ces produits :
- la réalisation directe ou indirecte d'études et de recherches dans les domaines scientifique et technique et la valorisation sous toutes formes de leurs résultats ;
- la formation de personnes capables de participer au développement des connaissances, à leur diffusion et à leur application ;
- l'information des administrations, de l'industrie, des techniciens et des chercheurs sur les connaissances scientifiques et les techniques industrielles.
Il peut, pour valoriser le résultat de ses activités, prendre des participations dans des sociétés industrielles ou commerciales. Ces participations peuvent être détenues par une ou plusieurs personnes morales existantes ou créées à cet effet.
III. - L'Institut français du pétrole et ses filiales ne sont pas soumis aux dispositions de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. Le conseil d'administration de l'Institut français du pétrole comprend, dans des proportions fixées par le décret mentionné au VII, des représentants de l'Etat, des personnalités choisies en raison de leurs compétences dans le domaine d'activité de l'institut et des représentants du personnel.
IV. - Pour le financement de ses missions, l'Institut français du pétrole peut notamment percevoir des subventions publiques ou privées, des sommes perçues au titre des services et prestations rendus, des dons et legs, des produits financiers ou d'autres produits accessoires.
V. - L'Institut français du pétrole assure sa gestion et présente sa comptabilité suivant les règles en usage dans les sociétés commerciales. Il dispose de la faculté de transiger et de conclure des conventions d'arbitrage.
VI. - Cette transformation en établissement public n'emporte ni création de personne morale nouvelle, ni cessation d'activité. Les biens, droits, obligations, contrats et autorisations de toute nature de l'établissement professionnel sont transférés à l'établissement public. Cette transformation n'entraîne aucune remise en cause de ces droits, obligations, contrats et autorisations et n'a aucune incidence sur les contrats conclus avec des tiers par l'Institut français du pétrole et les sociétés qui lui sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce. Les opérations entraînées par cette transformation ne donnent pas lieu à la perception de droits, impôts ou taxes de quelque nature que ce soit.
VII. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article.
VIII. - La transformation de l'établissement professionnel en établissement public est réalisée à la date de publication du décret en Conseil d'Etat mentionné au VII qui doit intervenir au plus tard le 1er juillet 2006.
...............................................................................................................
Article 28 ter
La loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est ainsi modifiée :
1°Supprimé............................................................................... ;
2° Après le premier alinéa de l'article 33, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l'accomplissement des missions qui lui sont confiées, le ministre chargé de l'énergie peut recueillir les informations nécessaires auprès des personnes mentionnées à la première phrase du premier alinéa. » ;
3° Dans le dernier alinéa de l'article 41, les mots : « prévue à l'article » sont remplacés par les mots : « ou informations prévue aux articles 6, 33 et ».
...............................................................................................................
Article 28 sexies A
I. - Le V de l'article 18 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 précitée est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les taux : « 10 % et 20 % » sont remplacés par les taux : « 5 % et 15 % », et les taux : « 20 % et 35 % » sont remplacés par les taux : « 15 % et 30 % » ;
2° Au dernier alinéa, les taux : « 15 % et 25 % » sont remplacés par les taux : « 10 % et 20 % ».
II. - A compter du 1er janvier 2005, le taux de la contribution tarifaire sur la prestation de transport d'électricité, instituée par l'article 18 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 précitée, est fixé à 6,5 %. A compter de la publication de la présente loi, ce taux est modifié dans les conditions prévues par le premier alinéa du V de l'article 18 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 précitée.
La Caisse nationale des industries électriques et gazières et le gestionnaire du réseau public de transport procèdent aux régularisations rendues nécessaires par la fixation de ce taux.
...............................................................................................................
Article 28 septies A
A la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article 39 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, après les mots : « secteurs de l'électricité ou du gaz naturel », sont insérés les mots : « , notamment lorsqu'il estime que ces pratiques sont prohibées par les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce ».
...............................................................................................................
Article 30 bis
L'article 1-4 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nonobstant toutes dispositions contraires, l'Etat reste compétent pour instruire et délivrer les autorisations de prises d'eau, pratiquées sur le domaine public fluvial, des installations de production d'électricité ne relevant pas de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique. »
...............................................................................................................
Article 31
Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par ordonnances à la création de la partie législative du code de l'énergie et du code des mines.
Ces codes regroupent et organisent les dispositions législatives relatives, respectivement, au domaine énergétique et aux mines.
Les dispositions codifiées sont celles en vigueur à la date de la publication de l'ordonnance, sous la seule réserve des modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés et harmoniser l'état du droit.
Ces ordonnances sont prises dans les trente-six mois suivant la publication de la présente loi.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
Article 32
Les dispositions des articles 9 bis, 10, 10 bis B, 10 ter, 10 quater, 10 quinquies, 10 sexies, 10 septies, 10 octies, 10 nonies, 10 decies, 11, 11 bis A, 12 BA, 12 BB, 12 BC, 12 BD, 12 B, 12 C, 13, 13 bis, 13 ter, 13 sexies, 14 bis A, 17 bis AA, 17 bis BB, 17 bis C, 17 bis, 17 ter, 17 quater, 19, 20, 21, 28 ter, 28 sexies et 28 septies A sont applicables à Mayotte.
ANNEXE
Orientations de la politique énergétique
I. - La prise en compte du rôle des collectivités territoriales et de la dimension européenne
A. - Le rôle des collectivités territoriales et de leurs groupements
En matière de qualité du service public, les collectivités compétentes, autorités concédantes de la distribution d'électricité, de gaz et de chaleur, contribuent avec les opérateurs à l'amélioration des réseaux de distribution et peuvent imposer des actions d'économie d'énergie aux délégataires d'électricité, de gaz et de chaleur et aux concessionnaires lorsqu'elles permettent d'éviter des extensions ou des renforcements des réseaux.
En matière de promotion de la maîtrise de la demande d'énergie, outre les actions tendant à réduire la consommation d'énergie de leurs services, les collectivités compétentes définissent des politiques d'urbanisme visant, par les documents d'urbanisme ou la fiscalité locale, à une implantation relativement dense des logements et des activités à proximité des transports en commun et à éviter un étalement urbain non maîtrisé. Etant également responsables de l'organisation des transports, elles intègrent dans leur politique de déplacements, en particulier dans les plans de déplacements urbains, la nécessité de réduire les consommations d'énergie liées aux transports. Elles développent enfin, directement ou avec des agences de l'environnement, et notamment en partenariat avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, des politiques d'incitation aux économies d'énergie.
En matière de promotion des énergies renouvelables, les collectivités peuvent favoriser le recours à ces sources de production, notamment par des dispositions d'urbanisme, et en développant, en partenariat avec l'ADEME, des politiques d'incitation spécifiques, ainsi que participer à la planification de l'implantation des éoliennes.
Enfin, en matière de solidarité entre les particuliers consommateurs d'énergie, les collectivités compétentes, agissant dans le cadre de leur politique d'aide sociale, aident leurs administrés en difficulté à payer leurs factures, quelle que soit l'origine de l'énergie utilisée, notamment par l'intermédiaire des fonds de solidarité pour le logement.
B. - La dimension européenne
La France vise à faire partager les principes de sa politique énergétique par les autres Etats membres de l'Union européenne afin que la législation communautaire lui permette de mener à bien sa propre politique et garantisse un haut niveau de sécurité des réseaux interconnectés. En outre, dans la mesure où la constitution d'un marché intégré européen de l'énergie devrait, à terme, limiter les différences de prix intra-communautaires, la France favorise une meilleure coordination des politiques énergétiques des différents Etats membres de l'Union européenne afin de favoriser la compétitivité économique.
Ainsi, la France élabore tous les deux ans, à l'intention de l'Union européenne, des propositions énergétiques visant notamment à promouvoir la notion de service public, l'importance de la maîtrise de la demande l'énergie et de la diversification du panier énergétique et la nécessité d'un recours à l'énergie nucléaire afin de diminuer les émissions de gaz à effet de serre.
II. - L'adaptation de la politique de maîtrise de la demande d'énergie aux spécificités de chaque secteur
A. - Le premier secteur concerné est celui de l'habitat et des locaux à usage professionnel.
Pour les bâtiments neufs, l'Etat abaisse régulièrement les seuils minimaux de performance énergétique globale, avec un objectif d'amélioration de 40 % d'ici à 2020. En outre, il favorise la construction d'une part significative de logements dans lesquels il est produit plus d'énergie qu'il n'en est consommé.
Compte tenu d'un taux de renouvellement des bâtiments de 1 % par an, la priorité porte sur l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments anciens afin de diviser par quatre les émissions de dioxyde de carbone avant 2050. Pour ces bâtiments, le niveau d'exigence évolue conjointement à la réglementation thermique pour le neuf. Il est, initialement, en termes d'exigence globale, aussi proche que possible de la réglementation applicable au neuf en 2005.
Par ailleurs, l'Etat amplifie les actions de rénovation du parc locatif aidé, qui permettent une réduction des factures d'énergie des ménages modestes. Les propriétaires bailleurs sont incités à engager des travaux d'économie d'énergie grâce à un partage équitable des économies engendrées avec les locataires.
Enfin, en ce qui concerne le parc public, les partenariats entre le secteur public et le secteur privé sont utilisés pour promouvoir des actions d'économie d'énergie et de développement des énergies renouvelables par l'Etat et les collectivités territoriales.
B. - Le deuxième secteur concerné est celui des transports.
Le secteur des transports constituant la principale source de pollution de l'air et d'émission de gaz à effet de serre, l'Etat veille à réduire, autant que possible, toutes les émissions polluantes des véhicules et à faire prévaloir une organisation urbaine limitant les déplacements. A cette fin, il favorise :
- dans un cadre européen, et sur la base d'accords avec les industriels concernés, une réduction des émissions individuelles moyennes de dioxyde de carbone des automobiles neuves à 120 grammes de dioxyde de carbone émis par kilomètre parcouru à l'horizon 2012 ainsi que la définition d'un objectif de réduction des émissions pour les véhicules utilitaires légers, les poids lourds et les véhicules à deux roues ;
- l'adoption d'un règlement communautaire permettant de minimiser les consommations liées à l'usage de la climatisation et des autres équipements auxiliaires des véhicules ;
- la commercialisation des véhicules les moins consommateurs d'énergie et les moins polluants, notamment par une meilleure information des consommateurs et le maintien des crédits d'impôt pour l'achat des véhicules électriques ou fonctionnant au gaz de pétrole liquéfié ou au gaz naturel pour véhicules ;
- le développement des limiteurs volontaires de vitesse sur les automobiles et les véhicules utilitaires légers neufs tout en visant, pour son propre parc, à acquérir de manière la plus systématique possible des véhicules munis de ce dispositif ;
- l'amélioration des comportements de conduite des usagers ;
- la définition, par les collectivités territoriales compétentes, de politiques d'urbanisme permettant d'éviter un étalement urbain non maîtrisé et facilitant le recours aux transports en commun ;
- l'amélioration du rendement énergétique de la chaîne logistique des entreprises, notamment en matière de transport de marchandises, et l'optimisation des déplacements des salariés entre leur domicile et leur lieu de travail.
- dans un cadre international, la réduction des émissions de gaz à effet de serre des avions.
C. - Le troisième secteur concerné est celui de l'industrie.
Dans ce secteur, l'Etat appuie les efforts déjà entrepris pour améliorer l'efficacité énergétique des processus de production mais aussi pour favoriser la diffusion de procédés non émetteurs de gaz à effet de serre, notamment avec le développement d'un système d'échange de quotas d'émissions au sein de l'Union européenne.
En outre, la France propose la mise en place, dans le cadre communautaire, de seuils de consommation maximale des appareils électriques en veille, tendant vers une puissance appelée inférieure à 1 watt par appareil dans le cas général des équipements électriques de grande diffusion. L'Etat s'assure, en outre, que les consommations des appareils en veille sont prises en compte pour l'affichage de leurs performances énergétiques.
III. - La mise en oeuvre de la politique de diversification des sources d'approvisionnement énergétiques
A. - Cette diversification concerne, en premier lieu, l'électricité, pour laquelle l'Etat se fixe trois priorités.
1. - Le maintien de l'option nucléaire ouverte à l'horizon 2020
Si, pour les centrales nucléaires actuelles, une durée de vie de quarante ans semble plausible, cette durée de vie n'est pas garantie et son prolongement éventuel l'est encore moins. Les premières mises à l'arrêt définitif des centrales nucléaires actuelles pourraient donc se produire vers 2020. La durée de vie de chaque centrale sera en effet évaluée au cas par cas et le moment venu, en tenant compte de ses spécificités de conception, de construction et d'exploitation. Cette durée de vie dépendra donc de l'aptitude des centrales à respecter les exigences de sûreté déterminées, en toute indépendance par rapport aux producteurs, par la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.
Compte tenu des délais de construction d'une nouvelle centrale nucléaire, la France devra être, vers 2015, en mesure de décider si elle lance une nouvelle génération de centrales nucléaires en remplacement de l'actuelle.
A cette fin, les technologies nécessaires doivent être disponibles au moment du renouvellement du parc. En effet, les technologies de rupture, celles des réacteurs de quatrième génération, ne seront au mieux disponibles pour un déploiement industriel qu'à l'horizon 2045, soit trop tardivement pour le remplacement du parc nucléaire actuel. La construction très prochaine d'un réacteur de troisième génération EPR est donc indispensable pour optimiser techniquement et financièrement le déploiement ultérieur des nouvelles centrales et compte tenu des progrès technologiques importants de ce modèle de réacteur en matière de sûreté. En outre, à l'horizon de sa mise en service, sa production sera nécessaire à l'équilibre du réseau électrique français.
Par ailleurs, la pérennisation et le développement de la filière nucléaire supposent, d'une part, que la maîtrise publique de cette filière soit préservée et, d'autre part, que la transparence et l'information du public soient accrues. De même, il conviendra d'examiner en 2006, conformément à l'article L. 542-3 du code de l'environnement résultant de la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs, la ou les filières technologiques susceptibles d'apporter une solution durable au traitement des déchets radioactifs de haute activité et à vie longue et de poursuivre les efforts de recherche sur ces sujets.
2. - Le développement des énergies renouvelables
L'Etat soutient en priorité le développement des filières industrielles françaises matures entraînant le moins de nuisances environnementales et encourage la poursuite du développement technologique des autres filières. Il s'attache, en particulier :
- à optimiser l'utilisation du potentiel hydraulique en incitant le turbinage des débits minimaux laissés à l'aval des barrages, en améliorant la productivité des ouvrages actuels et en favorisant la création de nouvelles installations ;
- à privilégier la réalisation des projets les plus rentables par le recours aux appels d'offres institués par l'article 8 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée. Trois ans après la promulgation de la présente loi, un bilan des expériences nationale et étrangères sera dressé. Ce bilan servira à optimiser le dispositif français de soutien à ces énergies en modifiant si nécessaire les outils existants (obligations d'achat et appels d'offres) et en envisageant la création d'un marché des certificats verts ;
- à développer la géothermie haute énergie en Outre-mer et à soutenir l'expérience de géothermie en roche chaude fracturée à grande profondeur ;
- à valoriser l'expérience acquise avec la centrale solaire Themis et le four solaire d'Odeillo, en participant aux instances de coopération scientifique et technologique internationale sur le solaire thermodynamique ;
- à soutenir la filière de la production d'électricité à partir de la biomasse et, en particulier, de la fraction biodégradable des déchets industriels et ménagers.
3. - La garantie de la sécurité d'approvisionnement électrique à partir du pétrole, du gaz naturel et du charbon
Il convient que la France s'assure d'un développement suffisant des moyens de production thermique au fioul, au charbon ou au gaz afin de garantir sa sécurité d'approvisionnement électrique. La prochaine programmation pluriannuelle des investissements devra donc réaffirmer le rôle du parc de centrales thermiques et en préciser la composition.
En cas de besoin saisonnier simultané d'électricité et de chaleur (ou de froid), la cogénération est une technique à encourager quand elle présente un meilleur rendement global.
Compte tenu des émissions de ces filières de production, l'Etat favorise par une politique de soutien adaptée le développement des technologies de séquestration de dioxyde de carbone, notamment les opérations de démonstration et d'expérimentation sur sites pilotes.
B - La diversification du bouquet énergétique concerne, en deuxième lieu, la production directe de chaleur.
Les aides financières de l'ADEME dans le domaine de la diffusion des énergies renouvelables sont orientées en priorité vers celles qui sont productrices de chaleur. En outre, l'Etat soutient le développement d'une filière industrielle française dans le domaine de la production de chaleur renouvelable, notamment par une fiscalité adaptée. Il encourage aussi la substitution d'une énergie fossile, distribuée par un réseau de chaleur, par une énergie renouvelable thermique, de même que le développement des réseaux de chaleur, outils de valorisation et de distribution des ressources énergétiques locales.
L'Etat veille à établir les conditions d'une concurrence équitable entre les différentes énergies utilisées pour produire de la chaleur, en tenant compte des impacts sur l'environnement des différentes sources d'énergie.
Enfin, une politique ambitieuse est conduite dans le domaine des techniques de la géothermie basse énergie, qui permettent d'exploiter la chaleur des aquifères et l'inertie thermique du sous-sol proche afin de produire de la chaleur ou du froid. A cet effet, les études portant sur le sous-sol sont reprises et le développement des pompes à chaleur géothermiques est encouragé.
C. - La diversification du bouquet énergétique concerne, en troisième lieu, le secteur des transports conformément aux orientations définies à l'article 3-1 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs.
D. - Enfin, la diversification énergétique doit tenir compte de la situation spécifique des zones non interconnectées.
Les zones non interconnectées de notre territoire, principalement la Corse, les quatre départements d'outre-mer, la collectivité départementale de Mayotte et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, se caractérisent par leur fragilité et leur forte dépendance énergétique, des coûts de production d'électricité plus élevés que dans le territoire métropolitain continental et une demande d'électricité qui augmente nettement plus vite du fait d'une croissance économique soutenue et d'un comblement progressif du retard en équipement des ménages et en matière d'infrastructures.
L'Etat veille donc, en concertation avec les collectivités concernées, à mettre en oeuvre une politique énergétique fondée sur une régulation adaptée permettant de maîtriser les coûts de production, de garantir la diversité de leur bouquet énergétique et leur sécurité d'approvisionnement et de maîtriser les coûts économiques correspondants. En outre, il encourage, avec le renforcement des aides dans ces zones, les actions de maîtrise de l'énergie et de développement des énergies renouvelables, notamment de l'énergie solaire.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par le paragraphe suivant :
II - Le présent article entre en vigueur le 31 mars 2006.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Favorable.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I - Sans préjudice des dispositions du I de l'article 5 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, le montant total dû au titre de la contribution au service public de l'électricité par toute société industrielle consommant plus de 7 gigawattheures d'électricité par an est plafonné à 0,5 % de sa valeur ajoutée.
Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article, qui entre en vigueur au 1er janvier 2006.
II - Après l'article L. 135 M du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 135 N ainsi rédigé :
« Art. L. 135 N - Les agents de la commission de régulation de l'énergie, habilités et assermentés en application de l'article 43 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, peuvent recevoir de l'administration fiscale les renseignements nécessaires à l'établissement du plafonnement de la contribution au service public de l'électricité institué par l'article 14 bis A de la loi n° ... du ... de programme fixant les orientations de la politique énergétique. »
La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. J'ai déjà évoqué cette question dans mon intervention liminaire, mais il convient maintenant d'entrer davantage dans les détails.
Le présent amendement a pour objet de consolider les dispositions de l'article 14 bis A visant à prendre en compte la situation particulière, au regard de la CSPE, des sociétés industrielles grandes consommatrices d'électricité.
Il tend à permettre de bien identifier le plafond supplémentaire de 0,5 % de la valeur ajoutée par rapport au plafonnement existant de 500 000 euros, ainsi que ses bénéficiaires, de préciser qu'il s'agit de la valeur ajoutée de la société considérée dans son ensemble et non d'une valeur ajoutée par site qu'il n'est pas possible de calculer, de faciliter les moyens de contrôle de la Commission de régulation de l'énergie en lui permettant d'accéder aux informations sur la valeur ajoutée détenues par les services fiscaux, enfin de prévoir un décret d'application et de fixer au 1er janvier 2006 la date d'entrée en vigueur du dispositif.
Ce sont là des précisions qu'il est indispensable d'apporter pour rendre applicables les dispositions élaborées par la commission mixte paritaire, s'agissant notamment de l'instauration d'un plafonnement de la contribution à 0,5 % de la valeur ajoutée, dont nous approuvons le principe, et pour éviter, conformément aux souhaits exprimés par de nombreux membres de cette assemblée, que les factures d'électricité des entreprises électro-intensives ne soient exagérément alourdies par la CSPE.
Il convient que les services fiscaux puissent procéder aux analyses nécessaires et que la Commission de régulation de l'énergie puisse accéder aux informations
J'ai déjà indiqué tout à l'heure que l'application du dispositif entraînerait une hausse de 0,3 % du montant de la facture acquittée par un consommateur domestique moyen, la dépense supplémentaire évitée pour les entreprises concernées étant estimée à quelque 100 millions d'euros.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri Revol, rapporteur. Cet amendement vise à répondre à une préoccupation exprimée par un très grand nombre de nos collègues, qui souhaitaient voir préserver au maximum la compétitivité des entreprises grandes consommatrices d'énergie, notamment d'énergie électrique.
La commission est donc favorable à cet amendement.
M. le président. Le vote est réservé.
J'indique au Sénat que la commission mixte paritaire propose de rédiger comme suit l'intitulé du projet de loi : « Projet de loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique ».
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Michel Houel, pour explication de vote.
M. Michel Houel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous allons adopter dans quelques instants marque l'aboutissement d'une réflexion et d'une concertation longues et nourries.
Après le débat national de 2003, la parution du Livre blanc sur les énergies, les échanges de vues suscités par ce dernier, les débats parlementaires sur la déclaration du Gouvernement sur l'énergie du 27 avril 2004, le Parlement a commencé, en mai 2004, soit voilà une année, l'examen du texte qui nous est à nouveau présenté aujourd'hui, à la suite de l'accord intervenu en commission mixte paritaire.
Il va sans dire que, au cours de ces discussions, le texte initial a été très substantiellement enrichi : partis de treize articles, nous en sommes maintenant parvenus à une centaine.
Nous disposons donc de nombreuses mesures pour organiser notre politique énergétique. Les grandes orientations de cette politique sont établies, et une stratégie à long terme est mise en place, qui se décline selon quatre objectifs : sécurité de l'approvisionnement, préservation de l'environnement, mise à disposition d'une énergie à un prix compétitif, garantie pour tous de l'accès à l'énergie.
Ces quatre objectifs seront atteints grâce à la mise en oeuvre de plusieurs dispositifs permettant la maîtrise de la demande, la diversification de notre bouquet énergétique, la sécurisation de nos approvisionnements et, surtout, le développement de la recherche.
De façon complémentaire, nous avons également adopté de nombreuses dispositions tendant à garantir le bon fonctionnement du marché de l'énergie. Je ne les détaillerai pas ici, mais si l'attention s'est un temps focalisée sur l'avenir de l'énergie éolienne, je tiens à souligner que le texte que nous allons adopter est largement plus complet.
Il doit ainsi permettre de disposer d'un arsenal législatif adapté à une politique énergétique équilibrée car diversifiée, intégrée dans des marchés de plus en plus internationalisés et plus respectueuse de l'environnement.
A cet instant, je tiens à féliciter notre collègue rapporteur, Henri Revol, pour le travail très précis qu'il a accompli tout au long des débats parlementaires. Je regrette simplement que l'architecture globale du texte qu'il proposait n'ait pas été adoptée in fine, car elle me paraissait mieux traduire la cohérence générale de toutes les dispositions de ce projet de loi.
Malgré cette réserve, le groupe de l'UMP votera en faveur de l'adoption de ce texte.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Je me rallie bien évidemment à la position qu'a fort bien exposée M. Courteau, notre líder máximo sur ce texte. (Sourires.)
Cela étant précisé, je voudrais relever que le Sénat a tenu bon sur deux points qui me semblent importants, concernant l'un un secteur émergent de l'économie, à savoir l'énergie éolienne, l'autre le secteur des industries électro-intensives, séculairement présentes sur notre territoire national au travers de grandes entreprises comme Alcan ou Péchiney Electro-métallurgie.
Certes, on a beaucoup plus parlé dans la presse de l'éolien que des industries électro-intensives, qui représentent pourtant une dizaine de milliers d'emplois dans notre pays, raison pour laquelle, sans doute, la commission des affaires économiques du Sénat a tenu à les défendre, y compris en commission mixte paritaire. Je me réjouis que cette opiniâtreté ait finalement débouché, ces derniers jours sinon hier seulement, sur une avancée du Gouvernement que nous approuvons.
Comme je l'ai indiqué, on parle très peu de ce secteur de l'économie, parce que la production d'aluminium, de potasse ou de chlore est moins attrayante, pour les médias, que les nouvelles technologies de l'information ou de la communication. Il revêt pourtant une importance essentielle, car il offre, dans certaines régions de notre beau pays, des emplois à des salariés qui ne rejoindront jamais les secteurs des technologies nouvelles et qui souhaitent travailler à proximité de leur domicile.
Les entreprises concernées par le dispositif de l'article 14 bis A s'étaient initialement implantées près de sites de production d'électricité, celle-ci étant leur matière première principale. Cela leur permettait de bénéficier de contrats dérogatoires au droit commun, en quelque sorte, de tarifs de proximité ayant été mis à mal, d'une part, par l'ouverture du marché de l'électricité, qui, contrairement à ce que l'on pouvait penser, s'est traduite par un alourdissement des factures acquittées par ces entreprises, d'autre part par une loi, que nous n'avions pas votée, faisant reposer la charge de la contribution au service public de l'électricité non plus sur le producteur, mais sur le consommateur.
Dans ces conditions, il était d'autant plus important, aux yeux des parlementaires ayant défendu la mise en place d'un dispositif spécifique aux industries électro-intensives, que l'on aide au rétablissement de l'équilibre économique d'entreprises qui, dès lors, se trouveront moins menacées par des délocalisations - sujet dont on a beaucoup parlé ces dernières semaines - ...
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Thierry Repentin. ... dans des pays de l'Union européenne ayant éprouvé moins de scrupules que nous à exonérer, parfois totalement, de CSPE les entreprises électro-intensives. Je pense ici à certains pays amis, néanmoins concurrents du nôtre sur le plan économique, par exemple l'Allemagne.
Cette mesure sera très appréciée sur des sites historiques, notamment dans la Somme, en Alsace-Lorraine, à Plombière Saint-Marcel, en Savoie, ou à Loos, dans le Pas-de-Calais, cher à notre collègue Yves Coquelle. (M. Yves Coquelle opine.) Les employés de ces entreprises séculairement installées sur notre territoire y verront comme une certaine reconnaissance, non seulement des difficultés que rencontre ce secteur d'activité, mais également de son importance pour l'économie de notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voilà parvenus au terme d'un processus législatif qui aura duré plus d'un an.
Au cours de l'année écoulée, le protocole de Kyoto est entré en vigueur, posant ainsi le problème de la maîtrise de la consommation d'énergie sous un autre angle.
Dans le même temps, les cours du pétrole s'envolaient pour atteindre des niveaux inédits - le baril frise aujourd'hui les soixante dollars -, et ce sans doute durablement, comme nous le savons tous, ce qui rend encore plus impérieuse la question de nos choix énergétiques.
Pour toutes ces raisons, ce projet de loi est fondamental. Même si certaines problématiques liées à notre stratégie industrielle ont déjà été actées avant même ce vote final - je pense notamment au programme nucléaire EPR -, les enjeux énergétiques sont encore nombreux.
J'évoquerai en premier lieu les principaux points sur lesquels l'Assemblée nationale et le Sénat étaient en désaccord.
Au terme de longues semaines de négociation avec leurs homologues de l'Assemblée nationale, le président de notre commission des affaires économiques et notre rapporteur ont largement obtenu gain de cause, puisque la version résultant des travaux de la commission mixte paritaire est très proche du texte voté par le Sénat à l'issue de la deuxième lecture. Monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, je tiens à vous en féliciter.
En ce qui concerne tout d'abord la forme même du texte, les députés souhaitaient que l'ensemble du projet de loi ait valeur normative. Au contraire, notre rapporteur préférait un texte clarifié incluant une annexe à un projet de loi qui, empiétant largement sur le domaine réglementaire, faisait courir le risque d'une censure, par le Conseil constitutionnel, du quart des dispositions, ce qui aurait considérablement décrédibilisé le travail du Parlement. C'est pourquoi, le groupe UC-UDF se félicite du maintien de l'annexe.
En ce qui concerne les biocarburants, qui ont été évoqués, tout comme l'énergie éolienne, lors de la deuxième lecture à l'Assemblée nationale, il est inadmissible de revenir sur les mesures contenues dans la loi de finances pour 2005, en favorisant la filière biodiesel au détriment de l'éthanol. Le développement équilibré des deux types de biocarburants s'inscrit dans le cadre du plan national pour le développement des biocarburants lancé par le Premier ministre en septembre 2004, qui se traduit par des volumes d'agrément proches dans les deux filières.
Il serait irrationnel de condamner la filière bioéthanol alors que celle-ci comporte de nombreux atouts légitimant, au-delà de considérations économiques et sociales par ailleurs essentielles, son existence au même titre que la filière biodiesel.
Ainsi, la productivité agricole de la filière éthanol est particulièrement élevée et ses produits bénéficient au surplus d'une marge de progression substantielle en termes d'efficacité énergétique. Enfin, la multiplicité des ressources utilisables telles que les céréales, la pomme de terre, la betterave, le maïs, ou encore la biomasse, permettrait de constituer, pour ces produits dont certains connaissent souvent des périodes de surproduction, des débouchés appréciables. C'est pourquoi le groupe UC-UDF se réjouit de la suppression de l'article 1er octies acquise au Sénat.
Quant à l'énergie éolienne, les deux rapporteurs ont proposé un compromis global reflétant la préoccupation d'organiser un développement de ces installations qui soit harmonieux et respectueux des paysages. Le dispositif mis en place permet de répondre aux nombreux problèmes que doivent gérer les maires des communes concernées, tels que la question des tarifs, la définition des zones de développement de l'éolien, les conditions d'implantation de ces installations et, enfin, la répartition de la taxe professionnelle due au titre de ces installations.
Je vous félicite, monsieur le rapporteur, d'avoir su préserver l'essentiel du dispositif voté à l'unanimité par la Haute Assemblée.
En second lieu, je souhaite revenir sur les orientations majeures de la politique énergétique que ce texte fixe pour les prochaines années et même, il n'est pas trop audacieux de le penser, pour les trois prochaines décennies.
S'il est un point qui me paraît essentiel, c'est celui de la maîtrise de la consommation d'énergie et de la réduction des émissions des gaz à effet de serre. En effet, pour lutter efficacement contre l'effet de serre, une véritable rupture est nécessaire dans nos comportements.
Pourtant, s'agissant des émissions de gaz à effet de serre, la France n'est pas mal placée puisque, grâce à l'importance de son parc nucléaire, elle émet 40 % de moins de CO2 que l'Allemagne, qui utilise beaucoup le charbon, et 35 % de moins que la Grande-Bretagne, qui a plutôt recours au gaz. A cet égard, donc, et sans tomber dans un excès d'autosatisfaction, on peut dire que la France est un pays vertueux, qui jouit d'une certaine avance par rapport à ses partenaires.
L'un des mérites de ce projet de loi est de prendre en compte, et pour la première fois, les considérations liées à la santé et de lier cette problématique à la politique énergétique.
Toutefois, la seule innovation majeure apportée par ce texte en la matière réside dans la création des certificats d'économies d'énergie. Ce dispositif s'inspire d'expériences étrangères, notamment du programme anglais Energy Efficiency Commitment, lequel est cependant dépourvu d'un marché des certificats comparable à celui que prévoit ce projet de loi d'orientation.
Je m'interroge sur la forme de ces certificats, qui peuvent être assimilés à un prélèvement obligatoire affecté, et qui seront distribués, sous forme d'aides à l'investissement, par les grands offreurs d'énergie. Ce dispositif administré pourra encourager certains investissements, mais, à mon sens, il ne pourra pas aisément induire des comportements susceptibles de représenter des gisements d'économies considérables à coûts faibles, voire nuls.
De plus, ce dispositif ne concerne absolument pas le secteur d'activité le plus polluant : les transports.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean Boyer. L'industrie n'est que le troisième secteur en termes d'émission de gaz à effet de serre, les deux premiers étant les transports et les bâtiments.
Les transports sont donc exclus de ce projet de loi.
Je ne reviendrai pas sur cette lacune, ô combien dramatique ! que mon collègue Marcel Deneux a déjà dénoncée. Je me contenterai de rappeler que, pour ce secteur, le développement des biocarburants peut constituer un embryon de réponse.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est la première fois que les parlementaires étaient appelés à s'exprimer sur les orientations de la politique énergétique du pays. Avec mes collègues du groupe de l'UC - UDF, je m'en félicite, tout comme je me félicite de la qualité de nos débats.
Vous l'aurez tous compris, le groupe de l'UC-UDF votera ce texte qui, même s'il est encore incomplet, va dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l'article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 188 :
Nombre de votants | 323 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 158 |
Pour l'adoption | 195 |
Contre | 120 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'issue d'un débat majeur pour le pays et ouvert il y a maintenant deux ans et demi, je souhaite formuler un regret : certains sénateurs ont en effet préféré parler de Gaz de France, et uniquement de Gaz de France, plutôt que du contenu du projet de loi. Cela dit, je suis à leur disposition pour leur apporter toutes les précisions nécessaires sur l'ouverture du capital de Gaz de France. Nous pensons que cette opération est absolument nécessaire et qu'elle permettra à l'entreprise de faire face aux enjeux actuels du marché du gaz.
Gaz de France est une entreprise de taille moyenne dans son activité comme dans sa place à l'international, et je souhaite que l'ensemble de la représentation parlementaire se rende compte que l'ouverture du capital, loin d'être dictée par l'idéologie, est l'aboutissement d'une longue réflexion sur les enjeux à moyen et à long terme de l'approvisionnement gazier de la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
6
Audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
Suite de la discussion et adoption des conclusions du rapport d'une commission
M. le président. Nous reprenons la discussion des conclusions du rapport de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Laurent Béteille précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par MM. Badinter, Collombat, Sueur, Peyronnet, Frimat, Sutour et Dreyfus-Schmidt, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevables les conclusions de la commission des lois (n° 409, 2004-2005) sur la proposition de loi précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour la motion.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise, et dont on a quelque peine à croire qu'elle n'a pas été « inspirée », traduit et trahit une forme peu commune d'acharnement, une volonté peu commune non pas de ne pas comprendre - car, bien sûr, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues de la majorité, vous comprenez fort bien de quoi il s'agit - mais de ne pas entendre : un acharnement, donc, que je considère extrêmement préjudiciable au fonctionnement de nos institutions.
Car enfin, cette proposition de loi est d'abord contraire à la décision du Conseil constitutionnel.
En effet, s'il est un point sur lequel le Conseil constitutionnel a été particulièrement clair, c'est le suivant : « Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles VI, VIII, IX et XVI de la Déclaration de 1789 que le jugement d'une affaire pénale pouvant conduire à une privation de liberté doit, sauf circonstances particulières nécessitant le huis clos, faire l'objet d'une audience publique.
« Considérant que constitue une décision juridictionnelle l'homologation ou le refus d'homologation par le président du tribunal de grande instance de la peine prononcée par le parquet et acceptée par la personne concernée,... »
Comme l'a exposé ce matin avec beaucoup de force M. Robert Badinter, dès lors qu'il s'agit d'une décision juridictionnelle, donc d'une juridiction, il faut nécessairement que toutes les caractéristiques qui définissent le bon fonctionnement d'une juridiction se retrouvent ; il faut, par conséquent, que le ministère public soit présent.
Cette proposition de loi est donc contraire à la décision du Conseil constitutionnel.
Elle est aussi contraire à l'avis de la Cour de cassation selon laquelle : « Lorsqu'il saisit le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui d'une requête en homologation de la ou des peines qu'il a proposées dans le cadre de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, le procureur de la République est, conformément aux termes de l'article 32 du code de procédure pénale, tenu d'assister aux débats de cette audience de jugement, la décision devant être prononcée en sa présence. »
Quoi de plus clair, mes chers collègues ?
Cette proposition de loi est donc également contraire à l'avis de la Cour de cassation.
Cette proposition est aussi, subsidiairement, contraire à l'une des circulaires de M. Dominique Perben, alors garde des sceaux. Celui-ci a, en effet, pris le 19 avril 2005 une circulaire qui contredisait en quelque sorte la précédente circulaire du 2 septembre 2004, qui stipulait : « Rien n'interdit toutefois à ce magistrat » - sous-entendu, le procureur de la République - « à titre exceptionnel et s'il l'estime indispensable d'être présent pour indiquer oralement au juge du siège les raisons pour lesquelles il a recouru à cette procédure et le bien-fondé des peines proposées ».
Le 19 avril 2005, on assiste à un changement de décor. M. le garde des sceaux Dominique Perben nous dit que sa circulaire ne doit finalement ne pas être appliquée - ce qui, soit dit en passant, est assez singulier - mais du moins a-t-il entendu la voix de la Cour de cassation. D'ailleurs, il écrit : « Seule la décision d'homologation présente un caractère véritablement juridictionnel puisqu'elle est seule susceptible d'appel. Il s'ensuit qu'en cas d'homologation, à la différence de la circulaire du 2 septembre 2004 » - et dont l'auteur n'est autre, je le rappelle, que M. Dominique Perben lui-même -« l'ordonnance devra être lue à une audience publique à laquelle le ministère public doit assister en application de l'article 32 ».
Cette proposition de loi n'est donc même pas en accord avec la position de repli de M. Dominique Perben, adoptée à la suite de l'avis de la Cour de cassation.
Enfin, comme l'a très brillamment montré, ce matin, M. Robert Badinter, cette proposition de loi est contraire à la position du Conseil d'Etat.
Le Conseil d'Etat a en effet jugé que « les autres articles applicables à la procédure du "plaider coupable", ainsi que les réserves d'interprétations émises par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée et s'imposant, pour leur part, à toutes les autorités, distinguaient, certes, l'audience d'homologation des audiences correctionnelles ordinaires, mais tendaient toutefois à lui conférer dans une très large mesure le caractère d'audience préalable à la prise d'une décision juridictionnelle au sens des dispositions générales du code de procédure pénale, dès lors notamment qu'ils impliquaient l'information de la victime sur la tenue de cette audience, ainsi que l'examen par le juge du siège de la justification de la peine au regard des circonstances de l'infraction - elles-mêmes éclairées, le cas échéant, par les déclarations de la victime - et de la personnalité de l'auteur des faits.
« Or, l'article 32 du code de procédure pénal, que la loi du 9 mars 2004 a laissé inchangé, prévoit que "le ministère public" (...) assiste aux débats des juridictions de jugement » et que "toutes les décisions sont prononcées en sa présence". Dans ces conditions, le juge des référés a estimé contestable la position du garde des sceaux selon laquelle les dispositions particulières du deuxième alinéa de l'article 495-9 devaient être regardées comme dérogeant, implicitement mais nécessairement, à ces prévisions générales. »
En conséquence, le Conseil d'Etat a jugé que même la position de repli de M. Dominique Perben était contraire à la loi.
Tout cela explique notre étonnement devant le contenu de cette proposition de loi. Nous ne comprenons pas cet acharnement à n'entendre ni la Cour de cassation, ni le Conseil constitutionnel, ni le Conseil d'Etat.
Il fallait le faire, monsieur le président de la commission des lois ! Personnellement, je nourrissais l'espoir que la commission des lois du Sénat, dans sa majorité, mue par une sorte de révélation nocturne, s'élèverait pour dire : « Mais enfin, écoutons la Cour de cassation, entendons le Conseil constitutionnel, soyons attentifs à ce que dit le Conseil d'Etat ». Hélas, ce fut un rêve !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur Sueur ?
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en prie !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En défendant cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, vous avez, monsieur Sueur, évoqué une décision du Conseil constitutionnel.
Certes, l'interprétation que j'en fais est différente de la vôtre. En revanche, permettez-moi de vous rappeler que, jusqu'à preuve du contraire, la voix du législateur est bien plus forte que celle des hautes juridictions, d'autant que l'on ne pas parler en l'espèce réellement de jurisprudence : pour ce qui est de la Cour de cassation, il s'agit d'un avis, et, en ce qui concerne le Conseil d'Etat, son jugement revêt pour le moins un caractère provisoire puisqu'il s'agit d'une procédure en référé.
Il est tout à fait dans les prérogatives du législateur, considérant qu'il est nécessaire de clarifier certaines dispositions de la loi - ce que nous faisons d'ailleurs en ce moment - de ne pas tenir compte des avis émanant de hautes juridictions.
En cas de difficulté, le Parlement a le droit, je dirais même le devoir d'intervenir, quitte à préciser la rédaction d'un article qui, devenu ambigu à la suite d'une décision du Conseil constitutionnel, ne serait finalement plus parfaitement conforme à la volonté du législateur.
Je tenais à faire cette mise au point, car il faut qu'il soit bien clair pour tous que, si la commission des lois du Sénat est très attachée à ses devoirs, elle l'est aussi à ses droits.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en donne acte, monsieur le président de la commission des lois, ce que vous nous proposez est conforme à la loi.
M. Laurent Béteille. A la loi fondamentale !
M. Jean-Pierre Sueur. C'est d'ailleurs bien évident, puisque nous sommes le législateur.
Certes, le Conseil constitutionnel n'a pas suivi nos requêtes concernant bien des effets de la loi Perben II, mais, s'il est un point sur lequel sa position est claire, c'est que l'homologation est une décision juridictionnelle.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous étions d'accord !
M. Jean-Pierre Sueur. Et une décision juridictionnelle suppose une juridiction. Or une juridiction, dans notre droit,...
M. Laurent Béteille. Le procureur de la République n'en fait pas partie !
M. Jean-Pierre Sueur. ... fonctionne dans des conditions précisément définies par les textes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Lesquels ?
M. Jean-Pierre Sueur. Par ailleurs, il existe un avis de la Cour de cassation. Bien sûr, vous avez tout à fait le droit, monsieur le président de la commission des lois, de dire que, compte tenu de votre statut de législateur, vous êtes supérieur à la Cour de cassation.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous avez parfaitement le droit de le dire comme vous avez le droit de dire que, s'agissant du Conseil d'Etat, il s'agit d'un référé.
Pour ce qui nous concerne, nous pensons qu'il est très intéressant d'entendre ces hautes instances. Nous avons la faiblesse de penser qu'il faut quelquefois avoir la modestie d'entendre et d'écouter. D'ailleurs, au sein de nos commissions, nous procédons à de nombreuses auditions...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Jean-Pierre Sueur. ...et nous avons tout à fait raison de le faire.
En bref, nous pensons, pour notre part, que les avis précités ont quelque titre à être entendus.
J'en viens aux cinq raisons que je voudrais succinctement exposer et qui fondent la présente motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Premièrement, ce texte pose de réels problèmes quant aux prérogatives du juge du siège. Il est évident que ce dernier voit ses pouvoirs très limités en raison de ce qui fait l'essence même de la procédure, ainsi que l'a exposé M. Robert Badinter.
Le texte reste très en deçà des exigences constitutionnelles relatives au pouvoir de contrôle du juge, puisque, si les choses restent en l'état dans la proposition de loi, le président du tribunal de grande instance n'est pas dans la situation d'interroger le procureur sur le dossier et sur les éléments qui fondent sa proposition de peine.
Le texte s'en rapporte à la souveraine appréciation du ministère public qui peut ou non être présent à l'audience d'homologation.
Or il s'agit, pour le magistrat du siège, de prononcer une peine qui peut être une peine d'emprisonnement. Il en portera, en toute conscience, la responsabilité.
Si le magistrat estime qu'il a des précisions, des éclaircissements à demander au ministère public qui lui a communiqué la proposition de peine, après lecture du dossier et audition de l'intéressé et de son avocat, nous considérons qu'il doit pouvoir le faire pour statuer en pleine connaissance de cause.
Le ministère public doit donc être présent à l'audience, pour répondre à toute question du président, voire aux observations de l'intéressé et de son avocat.
L'audience correctionnelle aboutissant au prononcé d'une peine ne peut se concevoir hors la présence du ministère public, prêt à intervenir à tout moment.
Subsidiairement, même si l'on acceptait que la présence du ministère public soit facultative, il devrait être précisé qu'il doit assister à tout ou partie de l'audience d'homologation si le président le demande.
A défaut, l'exigence que le président prononce la peine en pleine connaissance de cause est méconnue. C'est pourquoi nous considérons qu'il s'agit là d'une disposition contraire aux principes constitutionnels.
En deuxième lieu, je veux évoquer les droits de défense.
Les droits de la défense, vous le savez, ont valeur constitutionnelle depuis la décision du Conseil constitutionnel du 21 décembre 1972.
Ces droits ne sont pas, ne peuvent pas être respectés, selon nous, si le procureur est absent de la phase d'homologation.
Alors que le prononcé de la peine - peine parfois d'emprisonnement - est le fait du juge de l'homologation, l'accusé n'aurait pas le droit, devant lui, de discuter de façon contradictoire les faits qui lui sont reprochés par le procureur ? Ce serait contraire à l'essence même de la juridiction et du contradictoire ; ce serait contraire aux principes constitutionnels.
En troisième lieu, je veux indiquer que ce texte, pour nous, pose de très réels problèmes en ce qui concerne les libertés individuelles.
Le juge du siège se voit affaibli, dans son rôle de gardien de la liberté individuelle. Ce principe fondamental, énoncé à l'article 66 de la Constitution, n'est plus garanti si le juge peut prononcer des peines privatives de liberté sans que le jugement se soit déroulé dans les conditions d'impartialité et d'indépendance nécessaires au bon fonctionnement de la justice. Or ces conditions ne sont pas réunies dans le cadre de la procédure d'homologation.
Mes chers collègues, si vous adoptiez ce régime d'exception en matière de justice pénale, vous iriez à l'encontre des prérogatives des juges en matière de défense des droits civiques et des garanties fondamentales accordées aux citoyens visés à l'article 34 de la Constitution : les magistrats sont constitutionnellement les garants de la liberté individuelle.
Le magistrat du siège est appelé à homologuer une proposition de peine qui peut aller jusqu'à un an d'emprisonnement ferme.
Il n'est pas concevable qu'un magistrat du siège prononce une peine attentatoire au premier chef à la liberté individuelle sans que le ministère public ait justifié sa proposition au regard des faits reconnus, de la personnalité de l'intéressé et de l'intérêt de la société et de la victime.
Il s'agit, là encore, d'une forme d'inconstitutionnalité, et nous ne saurions l'accepter.
Je note, en quatrième lieu, que les dispositions constitutionnelles propres au déroulement d'un procès ne sont pas garanties en ce qui concerne la procédure même d'homologation du « plaider coupable », ou de ce que l'on appelle ainsi.
Doit-on en conclure qu'il ne s'agit pas d'un véritable procès, mais d'une procédure sui generis, pour reprendre les termes de la circulaire du 2 septembre 2004 de M. Dominique Perben, circulaire déjà évoquée ?
Avec la procédure d'homologation telle qu'elle est précisée par la proposition de loi de M. Béteille, il ne s'agit non plus d'un procès, mais de l'enregistrement des décisions du parquet.
Cela nous paraît absolument contraire aux dispositions de l'article IX de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui prévoit que seule une juridiction a le pouvoir de déclarer une personne coupable.
Cinquièmement enfin, si ce texte était adopté en l'état, il serait, à l'évidence, source de graves ruptures d'égalité dans le traitement pénal des mêmes infractions.
Pour juger d'affaires identiques, dans tel tribunal, en effet, le parquet serait présent à l'audience d'homologation, dans tel autre il ne le serait pas, selon les obligations, les choix du ministère public.
Or il est un principe constant en matière constitutionnelle : l'égalité de traitement des justiciables. C'est un principe auquel on ne peut déroger et qui a valeur constitutionnelle.
Voilà, mes chers collègues, les cinq arguments que je voulais présenter devant vous.
Pourquoi cet acharnement ? Pourquoi cette proposition de loi qui, si elle est appliquée, déséquilibrera un peu plus encore le procès pénal ? Pourquoi rompre avec l'équité ? Pourquoi tenir si peu compte des déclarations du Conseil d'Etat, du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation ? Nous ne comprenons pas.
Nous avons le sentiment que le seul objectif est, en définitive, de « faire du chiffre », d'atteindre un certain rendement.
Il nous semble que l'on ne peut rendre la justice au mépris des principes fondamentaux qui fondent l'équité du procès pénal.
Monsieur le garde des sceaux, au nom de notre groupe, je vous dis cela avec une certaine gravité, en ce jour où nous apprenons que tel de vos collègues du Gouvernement a cru devoir aborder un sujet qui ressortit à votre compétence, et dans des termes qui posent véritablement problème, ...
M. Michel Houel. Ce n'est pas le problème !
M. Jean-Pierre Sueur. ... c'est le moins que l'on puisse dire, eu égard à l'indépendance de la justice en particulier.
Quant à nous, nous affirmons qu'il est nécessaire d'être attentif, vigilant.
Un procès équitable suppose que soit présents tout à la fois la personne et son avocat, car les droits de la défense doivent être respectés, mais aussi le ministère public. Quant au juge, il doit juger conformément aux prérogatives inscrites dans la constitution.
Nous n'acceptons pas ce que vous proposez : cela nous semble poser de très graves problèmes quant aux principes qui fondent notre droit.
C'est pourquoi, mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous demander, au nom du groupe socialiste, de voter la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Nous ne pouvons manquer d'être surpris que, pour les besoins de la démonstration, les auteurs de la motion n'hésitent pas à opérer une évidente confusion quant à la hiérarchie des normes.
Le Conseil d'Etat s'est certes prononcé, mais les référés portaient sur des circulaires. Le législateur est parfaitement en droit d'apporter des précisions sur un texte, quand bien même ces précisions iraient à l'encontre de décisions des juridictions se référant à des circulaires. Et même la position du Conseil d'Etat est circonstanciée, le législateur peut avoir une autre approche de la question.
Quant à la Cour de cassation, elle aura rarement été si souvent évoquée dans une enceinte législative. Que l'on évoque le Conseil constitutionnel, que l'on se réfère en permanence à ses décisions ou à celles de la Cour européenne des droits de l'homme, cela est certainement nécessaire, car elles doivent guider notre action, mais la Cour de cassation, quant à elle, et je le dis avec tout le respect que le législateur lui doit, n'a ici rendu qu'un avis.
Dans cet avis, la Cour de cassation est claire et nette, je le concède. L'avis du rapporteur de la Cour, qui a également été publié, était pourtant beaucoup moins précis. Le rapporteur, M. Lemoine, lui-même magistrat de la Cour de cassation, concluait dans un sens contraire de celui qui a été finalement retenu par la Cour. Vous en conviendrez, les choses ne sont donc pas si tranchées que vous le dites.
Au surplus, la Cour de cassation ne s'est prononcée que par rapport à la législation existante, et elle a mis en évidence les incertitudes dont elle était la source. Sans l'écrire bien sûr, la Cour appelait presque le législateur à clarifier la situation. D'ailleurs, en vertu de la hiérarchie des normes, le législateur peut décider d'une disposition que la Cour de cassation n'aurait pas elle-même imaginé.
M. Béteille, comme moi-même, pensait à ces problèmes depuis plusieurs mois : nous n'avons pas découvert cette situation il y a quinze jours ou trois semaines, comme vous semblez l'imaginer, monsieur Sueur. Je ne puis parler à la place de M. Béteille, mais ce n'est certainement pas l'inspiration d'une nuit qui l'a conduit à produire ce texte !
Nous avions des discussions à ce sujet depuis plusieurs mois, nous en avions également avec vous. Nous avions acquis la conviction d'être dans l'obligation d'apporter cette précision, si nous voulions que la CRPC perdure.
Certes, étant donné que vous refusez la CRPC, nous comprenons votre logique, monsieur Sueur.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. François Zocchetto, rapporteur. Admettez donc la nôtre également : nous affirmons que la CRPC, qui a été votée par le Parlement, est une bonne chose, qu'elle est bien entrée en application. Nous souhaitons que l'on ne s'en tienne pas là, et c'est pourquoi nous voulons apporter cette précision.
La décision du Conseil d'Etat est respectable, mais elle ne nous concerne pas. L'avis de la Cour de cassation est tout aussi respectable, mais lui non plus ne concerne pas le législateur.
Que dit le Conseil constitutionnel sur la loi du 9 mars 2004 ?
Dans une décision très détaillée, d'une cinquantaine de pages, le Conseil constitutionnel ne s'est préoccupé que du caractère public ou non public de l'audience : « doivent être déclarés contraires à la Constitution les mots "en chambre du conseil" ».
Nous n'avons pas été choqués de cette décision, à laquelle nous nous attendions. Mais il n'a jamais été question dans cette décision de la présence ou de l'absence du procureur. Vous le savez, même en chambre du conseil, un procureur peut être présent ou non : cela dépend des procédures.
Vous invoquez les droits de la défense, érigés en principe constitutionnel, et c'est très judicieux.
En quoi pourtant les droits de la défense seraient-ils amoindris par le fait que la présence du procureur à l'audience d'homologation ne serait pas obligatoire ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Au contraire !
M. François Zocchetto, rapporteur. En effet, c'est bien plutôt le contraire, et il me semble que les droits de la défense en seraient renforcés, mais il est difficile de le préjuger. En tout état de cause, les droits de la défense ne peuvent pas être limités du seul fait de l'absence du procureur.
Enfin, ce que nous proposons au Sénat ne constitue pas une nouveauté, cela existe déjà et le Conseil constitutionnel ne s'y est jamais opposé : d'une part, quand le juge des libertés et de la détention prononce une mesure de détention provisoire sur requête du procureur, dans le cadre de la procédure de comparution immédiate ; d'autre part, en application de l'ordonnance du 2 février 1945, quand le juge des enfants statue à l'encontre de mineurs. La présence du procureur n'est pas obligatoire.
Je sais, monsieur Sueur, que vous saisirez le Conseil constitutionnel. Nous prendrons connaissance de la décision du Conseil avec attention. Si elle s'avérait conforme à vos souhaits, il faudrait alors en tirer toutes les conséquences et modifier aussi d'autres textes de loi, en vigueur, eux, depuis plusieurs années.
La commission des lois émet donc un avis défavorable sur la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je répondrai brièvement à M. Jean-Pierre Sueur, qui a tenté avec éloquence, sans doute pour se convaincre lui-même, de montrer au Sénat que l'exception d'irrecevabilité était fondée.
Sans revenir sur les excellents propos du rapporteur, je voudrais rappeler ce qui me paraît essentiel.
Le Conseil constitutionnel a insisté sur une notion, une seule : la publicité de l'audience- ce sont les termes employés par le secrétaire général du Conseil constitutionnel, M. Jean-Eric Schoettl - et non sur celle d'« audience publique », monsieur Sueur. Autrement dit, le terme important est non celui d'audience ou de séance, mais bien celui de « publique ».
Le Conseil constitutionnel considère en effet qu'une affaire pénale pouvant conduire à une privation de liberté doit en principe faire l'objet d'une audience publique et non pas être jugée en catimini. Tel est, selon moi, le fond de la décision du Conseil constitutionnel ; le reste en découle.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Quant à l'avis de la Cour de cassation, il commence par ces mots : « Dans l'état actuel du droit... ». On ne peut pas être plus éloquent pour dire aux parlementaires qu'ils sont libres de faire évoluer le droit !
Voilà le point qui, à mes yeux, répond à l'objection fondamentale que vous formulez et qui a été soulevé très légitimement par le Conseil constitutionnel, avec, pour suite logique, l'avis de la Cour de cassation et la suspension de l'exécution des deux circulaires gouvernementales par le Conseil d'Etat statuant en référé.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le garde des sceaux, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, avec l'autorisation de M. le garde des sceaux.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le garde des sceaux, vous dites que l'avis de la Cour de cassation commence par : « Dans l'état actuel du droit... ». Or cet avis, que j'ai en main, commence par : « Lorsqu'il saisit le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué... ».
M. Jean-Pierre Sueur. Non, pas du tout. Je crois qu'il est important...
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Ce qui est important, c'est que le juge de cassation l'ait dit ! Peu importe que ce soit au début, au milieu ou à la fin de l'avis. Je vous donne acte du fait que ces mots ne figurent pas en tête du document.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous ne pouvons induire pour autant qu'il nous a incités à légiférer, car ce n'est pas écrit !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. « Dans l'état actuel du droit » signifie bien que l'on peut toujours changer le droit. On est au moins d'accord sur ce point.
M. Jean-Pierre Sueur. On peut toujours !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je ne dis pas que le juge de cassation incite à le faire, mais il ne peut empêcher le Parlement de modifier le droit.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. S'agissant du juge du siège, il occupe une place fondamentale dans la procédure de la CRPC. D'ailleurs, à mes yeux, vous n'avez pas assez insisté sur ce point.
Je rappelle que le juge doit remplir quatre missions.
La première est de vérifier que la culpabilité de la personne est établie et que la qualification juridique des faits est exacte.
La deuxième mission est de vérifier que l'intéressé, en présence de son avocat, a reconnu librement et sincèrement être l'auteur des faits et a accepté en connaissance de cause la peine ou les peines proposées.
La troisième mission du juge est de s'assurer que la peine ou les peines proposées sont justifiées au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.
Enfin, la quatrième mission est, pour le juge, de vérifier que la nature des faits, la personnalité de leur auteur, la situation de la victime et les intérêts de la société ne justifient pas une audience correctionnelle ordinaire.
Il n'y a donc ici aucun amoindrissement des fonctions du juge du siège, mais bien création d'une autre fonction, liée à la spécificité de la procédure de la CRPC.
Tels sont les arguments que je souhaitais vous apporter pour répondre à l'objection d'inconstitutionnalité du groupe socialiste.
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille. Je ne voudrais pas allonger le débat, mais il y a un certain nombre de points sur lesquels je pense utile de réagir.
Tout d'abord, il faut bien comprendre que la proposition de loi dont je suis l'auteur va au-delà de ce qui était demandé par le Conseil constitutionnel. La seule exigence figurant dans sa décision du 2 mars 2004 était que l'ordonnance d'homologation soit lue en audience publique. Le Conseil constitutionnel n'impose nullement que la phase de l'homologation qui consiste à entendre l'intéressé ainsi que son avocat et à vérifier la réalité des faits ait lieu en audience publique. Mieux, il est précisé que cette lecture n'a lieu qu'en cas d'homologation. A contrario, en cas de refus de l'homologation, nul besoin de lire l'ordonnance en audience publique !
La proposition de loi que j'ai déposée va beaucoup plus loin, puisqu'elle prévoit qu'ont lieu en audience publique toutes les formalités prévues, non seulement la lecture de l'ordonnance, mais aussi l'audition de la personne intéressée, l'audition de son avocat, la vérification de la culpabilité et de la qualification des faits. Alors ne nous dites pas que nous sommes en contradiction avec la décision du Conseil constitutionnel !
Un autre point m'a fait réagir dans le propos de M. Sueur, qui s'est sans doute laissé emporté par son sujet ! Il nous a dit que le procureur de la République faisait partie de la juridiction.
M. Jean-Pierre Sueur. Je me suis mal exprimé !
M. Laurent Béteille. Voilà qui serait sans aucun doute déclaré inconstitutionnel, croyez-moi, car le procureur ne fait évidemment pas partie de la juridiction.
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en donne acte !
M. Laurent Béteille. Le problème s'est posé pour la Cour de cassation, car il fut un temps où les avocats généraux participaient au délibéré. Comme l'a souligné le président de la commission des lois, c'est la Cour européenne des droits de l'homme qui a dénoncé cette pratique comme étant contraire aux droits de la défense.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
M. Laurent Béteille. Il y a des choses qu'il vaut mieux éviter de dire ! Le procureur de la République ne fait pas partie de la juridiction et, par conséquent, sa présence ne répond à aucune obligation, contrairement à ce que vous venez de soutenir.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais il doit être présent !
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Une confusion est en train de se glisser sur la portée de la décision du Conseil constitutionnel, raison pour laquelle, monsieur Béteille, je vous propose que nous reprenions le texte ensemble.
Je rappelle que le Conseil, en dehors de cas exceptionnels, ne statue dans ce domaine que sur les griefs soulevés. Le grief retenu en l'occurrence est celui « tiré de la méconnaissance du principe de publicité des débats » ; c'est le considérant 117, que je relis :
« Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles VI, VIII, IX et XVI de la Déclaration de 1789 que le jugement d'une affaire pénale pouvant conduire à une privation de liberté doit, sauf circonstances particulières nécessitant le huis clos, faire l'objet d'une audience publique ; ». Par conséquent, c'est l'audience qui doit être publique.
Je lis maintenant le considérant 118 : « Considérant que constitue une décision juridictionnelle l'homologation ou le refus d'homologation par le président du tribunal de grande instance de la peine proposée par le parquet et acceptée par la personne concernée ; que cette homologation est susceptible de conduire à une privation de liberté d'un an ; » - j'en arrive à l'essentiel - « que, par suite, le caractère non public de l'audience au cours de laquelle le président du tribunal de grande instance se prononce sur la proposition du parquet, même lorsqu'aucune circonstance particulière ne nécessite le huis clos, méconnaît les exigences constitutionnelles... ». Une audience, c'est une totalité, cela ne se résume pas à la lecture de la décision, monsieur Béteille !
La publicité visait donc l'audience entière, et non la seule lecture de la décision, ainsi que le caractère juridictionnel de la décision. Le fait qu'il s'agisse d'une audience publique commande non pas la composition du tribunal - c'est un magistrat du siège -, mais, comme l'a rappelé la Cour de cassation, et sans dire « En l'état du droit », que le ministère public assiste aux débats.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 5, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur les conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (n° 409, 2004-2005).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la motion.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je considère que l'exception d'irrecevabilité se justifiait complètement !
Mais j'en viens à cette motion tendant à opposer la question préalable.
Le champ d'application de la justice correctionnelle « classique », notamment sous sa forme collégiale, est en rétrécissement continu. Dans le cadre du plaider coupable - il faut bien l'appeler ainsi -, le remplacement de l'audience de fond par une audience d'homologation est un pas supplémentaire en ce sens.
Cette nouvelle procédure a été uniquement conçue comme une solution de gestion des flux de la justice pénale. Elle procède, tout comme l'extension de la composition pénale, d'un mouvement général tendant à réduire le débat devant le juge.
L'opinion publique, dites-vous, veut une justice rapide. Or la justice de la République a pour fondement une justice équitable. C'est d'ailleurs ce que veut aussi l'opinion publique, et c'est d'ailleurs ce qu'exige le respect des droits de la personne, des prévenus comme des victimes. Il est vrai que l'on peut être inquiet sur la justice de la République quand le ministre de l'intérieur, également président du parti de la majorité, donne des instructions par voie de presse aux magistrats.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quoi qu'il en soit, en ce qui nous concerne, il nous appartient, nous, législateur, de faire respecter cette exigence de justice, ainsi que son corollaire, celui du délai raisonnable. Si les délais sont trop longs, nous devons nous interroger sur le pourquoi de l'encombrement des tribunaux, qui en est la cause.
La première cause réside dans l'inflation législative en matière pénale à laquelle nous assistons depuis bientôt dix ans. Le nombre d'infractions augmente, ce qui entraîne une augmentation des audiences et donc un encombrement des tribunaux. Voilà des questions qui méritent réflexion : la judiciarisation de la société ou encore les moyens de la justice pour répondre à l'encombrement des tribunaux.
Vous préférez vous intéresser à une seule question : l'accélération des procédures.
Cette tendance avait débuté en 1993, avec l'introduction, dans l'article 41 du code de procédure pénale, de la médiation pénale, mais s'était ralentie en 1995, lorsque le gouvernement de l'époque avait échoué dans sa tentative d'instauration d'une procédure d'injonction pénale.
Je rappelle que l'on avait proposé de reconnaître au procureur de la République le pouvoir, sous certaines conditions tenant à la nature des faits, à l'absence d'antécédents et à l'acceptation de la personne concernée, d'enjoindre à cette dernière de verser une certaine somme au profit du Trésor public, d'effectuer un travail rémunéré ou encore de réparer le préjudice causé à la victime.
Ce dispositif a été censuré par le Conseil constitutionnel, au motif que ces mesures s'apparentaient à des peines et nécessitaient donc l'intervention du juge du siège.
Puis, en 1999, fut introduite la composition pénale, inspirée de l'ancienne injonction pénale, mais avec validation par un juge du siège. Son champ d'application a été élargi ensuite, en 2002 et en 2004, par la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité constitue le point culminant des procédures accélérées de jugement puisque, à la différence de la composition pénale, qui constitue une alternative aux poursuites et dont les mesures n'ont pas de caractère exécutoire, cette nouvelle procédure permet le prononcé de peines d'emprisonnement ferme, immédiatement exécutoires.
Là est tout le problème. Nous sommes devant une procédure de jugement tronquée qui peut néanmoins aboutir à une peine privative de liberté. Nous avons atteint le summum en termes de rapidité de traitement des affaires pénales !
En l'espace d'une dizaine d'années, notre procédure pénale a changé de nature, et cela uniquement, dit-on, pour des raisons de gestion des flux. D'inquisitoire, elle devient progressivement accusatoire.
En effet, la nature inquisitoire de la procédure pénale signifie que les poursuites auront lieu sur la base d'une enquête qui aura révélé ou non des faits constitutifs d'une infraction, faits qui motiveront ou non ces poursuites.
Avec le plaider coupable, il n'y a plus d'enquête, plus de recherche de la vérité, l'aveu du prévenu devient la seule motivation des poursuites par le procureur ; sans compter que le prévenu préférera céder devant le procureur et négocier une peine avec lui plutôt que d'attendre d'être jugé dans une audience correctionnelle à l'issue de laquelle il risque, ainsi qu'on le lui aura fait comprendre, d'être condamné à une plus lourde peine de prison.
Nous tombons donc dans le travers que je dénonçais en introduction, à savoir qu'avec le plaider coupable la rapidité de jugement nuit gravement à la qualité de la justice.
Pour nous, il s'agit d'une justice au rabais.
Justice au rabais, car ce n'est pas un magistrat du siège qui va rendre un jugement sur la base d'éléments de preuve permettant d'éclairer et de justifier celui-ci.
Justice au rabais, car le plaider coupable rend caduc le principe de présomption d'innocence. En effet, la personne reconnaît sa culpabilité et cet aveu est la seule base juridique de la procédure. La recherche de preuves devient alors inutile.
Justice au rabais, enfin, car cet aveu n'est pas à l'abri de pressions quand le prévenu est en garde à vue, éventuellement seul : s'il n'y pas d'avocat présent, le choix de la personne déférée devant le procureur ne sera pas libre ; soit, en avouant immédiatement sa culpabilité, elle bénéficiera d'une réduction de peine, soit elle prendra le risque - car, désormais, cela s'apparente à un risque - d'avoir un procès équitable devant un magistrat du siège, où, lui dira-t-on, elle risque une peine beaucoup plus lourde.
Nous le voyons, cette « négociation » - c'est bien de cela qu'il s'agit - est loin d'offrir toutes les garanties suffisantes aux justiciables qui pourraient se la voir appliquer.
Lors de l'examen du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, nous jugions cette réforme de notre procédure pénale non seulement dangereuse pour les libertés individuelles, mais également inefficace et source probable d'erreurs judiciaires, d'inégalités et de vices de forme. Ce n'est pas parce que les tribunaux l'appliquent que nous avons changé d'avis !
D'ailleurs, aussi bien le Conseil constitutionnel que la Cour de cassation et le Conseil d'Etat ont émis des avis sur cette procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Mais le législateur n'est pas du tout tenu de respecter, cela va sans dire...
C'est tout d'abord la non-publicité des débats qui a été censurée par le Conseil constitutionnel. C'est ensuite la présence du procureur lors de l'audience d'homologation qui a été exigée aussi bien par la Cour de cassation que par le Conseil d'Etat. Eh bien, tout cela, il n'est pas obligatoire de le respecter !
L'obstination dont le Gouvernement fait preuve aujourd'hui en maintenant, malgré les décisions claires et motivées de ces juridictions, sa position quant à la présence facultative du procureur à l'audience d'homologation ne peut que nous inquiéter au regard du sort des principes fondamentaux de notre procédure pénale et des droits des justiciables qui en découlent.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il convient, alors que notre justice pénale est confrontée à un tournant décisif face à la tentation anglo-saxonne, de s'interroger sur le sens que nous voulons lui donner.
Lui donner le rôle de sanction automatique pour répondre à l'inflation législative en matière pénale serait singulièrement léger !
Cette inflation législative masque un grave problème. On essaie, en ayant recours à la multiplication des infractions, de répondre aux insuffisances de la politique économique et sociale par la criminalisation de certains comportements qui n'étaient pas punissables auparavant.
En réalité, la réponse pénale est bien souvent inadaptée aux problèmes qu'elle est censée résoudre. On crée des infractions afin de justifier la répression.
Avec le plaider coupable, c'est un maximum d'infractions que l'on veut désormais voir réprimées le plus rapidement possible, quels que soient les moyens employés pour y parvenir.
On tente de la faire passer pour une procédure de traitement rapide de la petite délinquance. Mais n'oublions pas qu'elle peut aussi concerner des personnes accusées d'avoir commis des délits pour lesquels la peine encourue va jusqu'à cinq ans d'emprisonnement. A ce niveau, on ne peut plus parler de traitement limité à la petite délinquance, mais bien d'un changement profond dans la réponse apportée à un nombre croissant de délits qui faisaient jusque-là l'objet d'une procédure pénale de droit commun.
En raison des nombreux dangers de la procédure du plaider coupable pour les justiciables et parce que nous sommes attachés à la préservation d'un modèle pénal offrant toutes les garanties définies par le droit à un procès équitable, nous ne pouvons accepter qu'une telle procédure devienne, sinon la règle, du moins un modèle pour notre justice pénale à venir.
Nous ne pouvons que rejeter la proposition de loi qui nous est soumise, non seulement parce que nous sommes contre cette procédure pénale, mais aussi parce que vous prétendez l'imposer par une pirouette législative.
En effet, vous savez bien que, sur le fond, elle fait l'objet de critiques de la part des professionnels et, plus généralement, de la part de citoyens qui se soucient des droits de la défense et tout simplement des droits de la personne.
Sur la forme, c'est une proposition de loi qui émane en fait du Gouvernement. D'ailleurs, monsieur le garde des sceaux, vous êtes venu la défendre en commission des lois comme s'il s'agissait d'un projet du Gouvernement.
Nous demandons donc le rejet de cette proposition et un réexamen au fond de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. Mme Borvo a rappelé la position constante de son groupe concernant les procédures accélérées de jugement en matière pénale, notamment la CRPC. Cette motion est donc parfaitement logique.
La commission ne s'inscrit évidemment pas dans la même perspective et émet un avis défavorable sur cette motion.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On avait compris !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'intervention de Mme Borvo tend à montrer qu'il n'y a pas lieu de délibérer. Or il y a bien lieu de délibérer, ainsi que je l'ai expliqué en m'exprimant sur l'exception d'irrecevabilité.
Une procédure qui, pour être critiquée par des professionnels, n'en remporte pas moins un vif succès - en moins d'une année, plus de 10 000 justiciables l'ont choisie - et avec laquelle, pour la première fois, un justiciable admet avoir commis un délit et accepte d'emblée le principe d'une réparation relève d'une justice extraordinairement moderne ! Ne pas insister sur cet aspect relève, à mes yeux, d'un certain conservatisme.
M. Pascal Clément, ministre. Bien sûr, sur le plan procédural, il s'agit évidemment d'une nouveauté ; or, devant une nouveauté, on a tendance à se raccrocher à ce que l'on connaît. Mais il faut aussi évoluer avec la société, et cette dernière a tout de suite adhéré à cette nouvelle procédure, dont le succès en a étonné beaucoup. Je me rappelle d'ailleurs un éditorial d'un quotidien au nom cosmique paraissant l'après-midi qui était consacré à ce thème et où il était dit, en gros : on n'en revient pas, mais ça marche !
Eh bien oui, cela marche très bien !
L'initiative de cette proposition de loi revient à un sénateur, M. Béteille. Il est vrai que je l'en ai remercié. Il est non moins vrai que j'ai été auditionné par la commission des lois, mais c'était à la demande du président Hyest et l'audition portait sur l'ensemble de procédures, et non simplement sur la CRPC.
J'ajoute que le Gouvernement ne peut que se réjouir qu'il soit répondu à l'objection tout à fait fondée du Conseil constitutionnel en restant dans les limites de la loi et surtout dans celles des principes que nous devons respecter, même si nous modernisons la procédure.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 5, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. Badinter, Collombat, Sueur, Peyronnet, Frimat, Sutour et Dreyfus-Schmidt, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 2, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelle, de la législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, ses conclusions sur la proposition de loi précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (n° 409, 2004-2005).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour la motion.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, ce matin, Robert Badinter a soulevé toutes les interrogations juridiques et, à l'instant, Jean-Pierre Sueur relevait les nombreuses incertitudes constitutionnelles qui, à elles seules, suffiraient à justifier notre demande de renvoi en commission de la proposition de loi de notre collègue Laurent Béteille, laquelle mérite en effet, à nos yeux, un examen moins expéditif compte tenu de ses implications.
Les raisons d'un renvoi en commission ne sont pas seulement d'ordre juridique, au sens technique du terme. Il est d'autres raisons, d'un ordre différent, mais tout aussi fondamental, qu'il s'agisse de la méthode employée pour obtenir son « enregistrement » - c'est le terme qui me paraît convenir - par le Sénat ou des présupposés de son contenu, car, bien que très court, ce texte pose plus de questions qu'il n'est censé en résoudre.
J'évoquerai d'abord la méthode.
Une mission d'information sénatoriale sur les procédures accélérées de jugement a été constituée il y a quelques mois. Présidée par Laurent Béteille, elle a pour rapporteur François Zocchetto, respectivement auteur et rapporteur de la présente proposition.
Membre de ladite mission, j'avais cru comprendre - visiblement, je me suis trompé ! - que l'objet de celle-ci était d'examiner l'application sur le terrain d'un ensemble de procédures pour la plupart relativement nouvelles, voire atypiques, sui generis a-t-on dit à plusieurs reprises tout à l'heure, s'agissant de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, afin d'en tirer des enseignements et éventuellement des propositions législatives d'amélioration.
La mission n'a pas encore rendu ses conclusions et voilà que tombe du ciel, pour un examen séance tenante, de toute urgence, une proposition de loi de Laurent Béteille, rapportée par François Zocchetto, visant à contourner rien de moins qu'un avis de la Cour de cassation et une ordonnance du Conseil d'Etat relatifs à la plus controversée des procédures « turbo » : la CRPC.
Pourquoi donc traiter en priorité et de manière aussi cavalière une question controversée - les saisines du Syndicat des avocats de France et du tribunal de grande instance de Nanterre le montrent bien - et qui ne concerne actuellement qu'un volume restreint de procédures - quelque 8 000 depuis l'entrée en vigueur de la loi, avec, semble-t-il, une stabilisation, selon le rapport Warsmann, 10 000 selon notre rapporteur - à travers un texte sur lequel il faudra très probablement revenir à l'usage ?
En effet, la façade de satisfaction - 84 % d'homologations et plus de 90 % si l'on tient compte des refus pour absence des intéressés à l'audience, nombre restreint des appels, satisfaction manifeste des procureurs -, masque les interrogations des avocats et des juges, placés à leur corps défendant devant le dilemme du tout ou rien : valider un accord qui a pris du temps à l'institution et aux avocats, même s'ils ne sont pas complètement d'accord, ou refuser de le faire, avec retour à la case départ pour tout le monde.
Pourquoi, sur un tel sujet, ne pas se donner le temps de la réflexion ? J'avoue ma perplexité !
D'autant que, à en croire le rapport Warsmann, le principal problème auquel est confronté l'appareil judiciaire est plus l'exécution des peines que l'augmentation de leur nombre. Par exemple, le taux moyen de recouvrement des amendes correctionnelles est de 18 %, et de 7 % en Seine-Saint-Denis : cela devrait faire naître quelques interrogations ! Mais il est vrai qu'il est plus facile et moins coûteux de faire une loi que de régler ce genre de détails.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas nouveau !
M. Pierre-Yves Collombat. Constatons donc qu'une nouvelle technique de neutralisation de la représentation nationale, avec la complicité active de celle-ci, vient d'être inventée : les missions d'information sur connaissance préalable des résultats !
M. Jean-Pierre Sueur. Voilà qui est très bien dit !
M. Pierre-Yves Collombat. A la différence des missions classiques, leur but n'est pas de recueillir des informations auprès du terrain, mais de l'« informer », au sens de lui donner forme. Cette nouvelle technique de neutralisation en complète d'autres dont l'usage est devenu courant dans notre assemblée.
Ainsi, l'urgence est maintenant notre ordinaire : désormais, tout est urgent !
Par exemple, nous avons examiné en urgence un projet de loi qui devait révolutionner l'éducation nationale ; il l'a tellement révolutionnée que le successeur de François Fillon a jugé prudent de ne pas l'appliquer tout de suite !
De même, nous examinerons prochainement « en urgence » le projet de loi de sauvegarde des entreprises, texte complexe touchant un domaine pour le moins délicat. Allez savoir pourquoi, il y a urgence !
On peut aussi évoquer le « vote conforme ». Quelle belle invention ! On a pu en apprécier les effets récemment encore, lors de l'examen, dans la confusion la plus totale, de la proposition de loi relative aux droits des malades et à la fin de vie.
Pragmatiques et cohérents, Yves Détraigne et quelques collègues en ont tiré les leçons en forme de proposition de résolution tendant à actualiser le règlement du Sénat. Elle se résume à un article, que je ne peux m'empêcher de vous lire, tant j'en apprécie la saveur : « Lorsqu'il y a accord entre le président du principal groupe de la majorité du Sénat et le Gouvernement, la conférence des présidents, à la demande du président du Sénat, du président du principal groupe de la majorité ou du Gouvernement, peut décider le vote conforme et sans débat d'un projet ou d'une proposition de loi. Elle précise l'interdiction du dépôt d'amendements. » (Mme Eliane Assassi s'esclaffe.)
M. Jean-Pierre Sueur. Bravo ! Toujours plus fort !
M. Pierre-Yves Collombat. C'est là que les problèmes de forme rejoignent la question de fond.
Pourquoi, monsieur le ministre, traiter de manière aussi cavalière les assemblées parlementaires ? Pourquoi multiplier les procédures de jugement accélérées ? Pourquoi, faute d'avoir pu obtenir une homologation en chambre du conseil, rendre facultative la présence du procureur lors de l'audience publique d'homologation de la CRPC ? Parce que, pour vous, les débats des chambres, tout comme la présence des procureurs en audience publique d'homologation, sont du temps perdu, un formalisme, un rituel désuet dont n'ont que faire des gestionnaires modernes, efficaces et assoiffés d'innovation. Nous vivons, comme le disait un humoriste, une époque moderne : le progrès fait rage ! Vous nous l'avez d'ailleurs rappelé encore tout à l'heure.
J'entends déjà les réponses qui vont m'être faites : pourquoi perdre du temps, pourquoi compliquer une proposition aussi anodine que la suppression de l'obligation de la présence d'un muet dans une audience, même publique ?
Si pour vous, monsieur le ministre, si pour vous, monsieur le rapporteur, chers collègues, la justice n'a qu'une fonction de régulation sociale, au même titre et sur le même plan que le ministère dit « de la cohésion sociale » ou que le ministère de l'intérieur - vous l'avez constaté, son actuel titulaire vient de s'autoproclamer juge de l'application des peines en chef -, si pour vous les jugements ne sont qu'un moment dans un processus de re-conditionnement des délinquants - de « renforcement », dirait-on dans le langage mécanicien des behavioristes - et un moyen de réconforter la population, vous avez mille fois raison ! Concentrons-nous donc sur la gestion des flux, économisons le temps et les moyens insuffisants dont nous disposons ! Tel est d'ailleurs le thème récurrent de la plupart des débats sur les procédures accélérées de jugement, telle est la justification régulière des « innovations » passées et telle sera la justification des innovations futures.
Mais est-ce seulement cela, est-ce essentiellement cela, l'oeuvre de justice ?
Comme le souligne Kelsen, nous sommes là dans le domaine non pas du fait, mais du droit, du normatif. Le jugement ne « répond » pas, dans une relation de cause à effet, à l'acte délictueux ou criminel : il rappelle ce qui « doit être ». La conception managériale dominante de la justice veut ignorer que, fondamentalement, c'est de son déploiement dans l'ordre symbolique que le jugement tire l'essentiel de son efficace. D'où l'importance des symboles, du formalisme et des rites.
Même muet, le procureur de la République, par sa présence, rappelle au prévenu - ici, à la personne intéressée - qu'il a porté tort non pas seulement à quelqu'un, mais aussi à l'ordre juridique qui garantit le pacte social et politique.
Plus fondamentalement encore, si l'on suit Pierre Legendre, le procureur porte l'interdit qui fera barrière au phantasme et à la transgression.
L'important, ce n'est pas, contrairement à ce qu'on a pu dire à propos de la CRPC, que la personne intéressée « accepte » mieux sa peine parce qu'elle aura l'impression d'avoir fait une bonne affaire : si elle a fait une bonne affaire une fois, elle pourra en faire une deuxième fois. L'important, c'est qu'elle ait l'impression que, symboliquement, cette peine lui redonne sa place parmi les autres.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est pour cela qu'il y a audience publique !
M. Pierre-Yves Collombat. « Sans la ritualité des procédures, écrit Pierre Legendre, la fonction authentiquement symbolique du juge devient incompréhensible ; les formes sont la sauvegarde du caractère non duel des rapports entre la justice, les experts et l'accusé ; les liturgies d'un procès ont aussi vocation, comme tant d'autres montages des cultures, à désensorceler, si j'ose dire, le sujet inconscient de sa culpabilité en la socialisant. »
La procédure de CRPC, si elle ne prévoit à aucun moment la présence simultanée du juge du siège et du procureur, deviendra précisément la succession de deux situations duelles.
Cette question de la présence obligatoire ou non du procureur à une audience publique dans laquelle il n'intervient pas est donc moins anodine qu'il n'y paraît aux yeux des modernes mécaniciens sociaux de la justice. Elle mérite, à n'en pas douter, un retour en commission.
Vous êtes fiers, chers collègues, de construire un monde où tout se paie : vous ne voulez pas voir que ce sera aussi un monde où l'on n'aura plus aucune raison de vivre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je félicite notre collègue de l'éloge philosophique du procureur de la République. C'était très intéressant !
M. Pierre-Yves Collombat. Eloge du rituel, monsieur le président !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La philosophie du droit nous a toujours passionnés, vous comme moi, et vous avez cité un certain nombre d'écoles... La commission pourrait effectivement en débattre très longuement. Mais ce n'était pas le sujet !
La mission d'information, je le rappelle, a été créée en février 2005, et les avis de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat datent respectivement d'avril et de mai 2005.
Le Conseil constitutionnel ayant censuré des mots mais n'ayant pu récrire la loi, celle-ci était bancale, ce qui a entraîné des interprétations sur la présence ou l'absence du parquet qui pouvaient être divergentes, et on l'a bien senti dans les deux avis, celui de la Cour de cassation comme celui du Conseil d'Etat.
Il était donc urgent, pour que la procédure voulue par le Parlement et validée par le Conseil constitutionnel puisse être sécurisée juridiquement, de répondre aux objections qui avaient été formulées. Tel est bien l'objet de la proposition de loi.
Son auteur s'est rendu dans les juridictions : il est quelquefois utile d'aller sur le terrain, car il est très important de ne pas entendre seulement ceux qui s'autoproclament les représentants de toutes les juridictions, ceux qui, à Paris, parlent pour tout le monde. (M. le garde des sceaux marque son approbation.)
Il s'est rendu compte que, sur le terrain, la procédure fonctionnait à la satisfaction générale, mais qu'il subsistait une incertitude au sujet de la présence du parquet, laquelle, dans l'esprit du législateur, n'était pas une obligation.
Telle est la raison pour laquelle la proposition de loi de Laurent Béteille, rapportée par François Zocchetto, me paraît urgente pour clarifier parfaitement la situation et pour donner à cette procédure toute son efficacité.
Mon cher collègue, son examen vous a fourni l'occasion d'une intervention, que nous avons d'ailleurs appréciée. Cependant, comme la commission, je le crois, a bien fait son travail et vous a par ailleurs laissé le temps d'étudier la proposition de loi, au demeurant très courte, je pense que nous pouvons passer à l'examen du texte. La commission est défavorable à cette motion.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Je rappellerai quelques évidences : le Parlement vote la loi, le Conseil constitutionnel vérifie que la loi est conforme à la Constitution, la Cour de cassation et le Conseil d'Etat interprètent et appliquent la loi ; s'il apparaît que la loi n'est pas assez précise, le Parlement la remet sur le métier et remédie à ces manques de précision.
Par ailleurs, le rapport de M. Zocchetto est particulièrement complet et montre à l'évidence, monsieur le président, l'excellent travail de la commission.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 2, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
La dernière phrase du second alinéa de l'article 495-9 du code de procédure pénale est ainsi rédigée :
« La procédure prévue par le présent alinéa se déroule en audience publique ; la présence du procureur de la République à cette audience n'est pas obligatoire. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Sueur, Peyronnet, Frimat, Sutour et Dreyfus-Schmidt, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 6 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 3.
M. Jean-Pierre Sueur. M. Badinter, M. Collombat et moi-même avons précédemment eu l'occasion d'exposer l'ensemble des arguments par lesquels nous avons tenté de vous convaincre, mes chers collègues, qu'il serait préférable de ne pas voter ce texte. Nous considérons donc que l'amendement n° 3 est défendu.
Jusqu'ici, nous n'avons pas eu le sentiment que ces arguments emportaient votre adhésion. Nous espérons néanmoins que le surcroît de réflexion que rend possible la discussion d'ici au vote de cet amendement nous permettra d'arriver à un meilleur résultat. (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 6.
Mme Josiane Mathon. Il est vrai que tout l'argumentaire que nous avons développé tant de ce matin que cet après-midi va dans le sens de la suppression de l'article unique.
J'ose espérer, avec mon collègue M. Sueur, que cette suppression sera voté par le Sénat.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La section 8 du chapitre Ier du titre II du livre II du code de procédure pénale et les articles 495-7 à 495-16 du même code sont abrogés.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Cet amendement tend tout simplement à l'abrogation des dispositions instaurant le plaider coupable, auxquelles nous avions été farouchement opposés.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. Badinter, Collombat, Sueur, Peyronnet, Frimat, Sutour et Dreyfus-Schmidt, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
procureur de la République,
rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour la dernière phrase du second alinéa de l'article 495-4 du code de procédure pénale :
est obligatoire à l'audience lorsqu'une peine d'emprisonnement est proposée.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à bien préciser que cet amendement est un amendement de repli : il ne marque en aucun cas un recul de notre part sur tout ce que nous avons dit ce matin et cet après-midi. Cependant, comme le risque est grande de voir, dans quelques minutes, la proposition de M. Béteille, à quelques nuances près, adoptée par le Sénat, nous voulons faire une ultime suggestion, en espérant qu'elle sera entendue.
Il s'agirait de n'exiger la présence du ministère public à l'audience d'homologation, ou de refus d'homologation, dans le cadre de la procédure de comparution sur reconnaissance de culpabilité, que lorsqu'une peine d'emprisonnement est proposée.
Il est clair que, pour nous, le ministère public doit toujours être présent. Mais nous pensons que, pour le moins, on doit exiger cette présence dans le cas où une peine d'emprisonnement est requise.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François Zocchetto, rapporteur. La commission a émis un avis négatif sur les quatre amendements.
Les trois premiers s'apparentent à la motion d'irrecevabilité ou à la question préalable. A titre personnel, en dépit du temps dont nous avons disposé depuis le début de la discussion, je ne suis toujours pas convaincu. Je maintiens donc ma position, pour des raisons qu'il n'est plus besoin d'exposer.
L'amendement n° 4 est bien un amendement de repli par lequel vous tentez, chers collègues, de n'exiger la présence du ministère public à l'audience que lorsqu'une peine d'emprisonnement est proposée.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous aimerions l'obtenir au moins dans ce cas !
M. François Zocchetto, rapporteur. Je ne pense pas qu'il y ait lieu d'opérer une distinction selon qu'une peine d'emprisonnement est proposée ou non.
Je reviens à la décision du Conseil constitutionnel, qui est un peu le fondement de votre argumentation.
Le Conseil constitutionnel ne s'est prononcé que sur la publicité de l'audience : dès lors qu'une peine privative de liberté peut être prononcée, a-t-il estimé, l'audience doit être publique. Mais il n'en a pas déduit que le parquet devait être présent.
Je vous ai rappelé tout à l'heure des circonstances dans lesquelles une peine privative de liberté est prononcée par le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur, mais hors la présence d'un représentant du parquet, et cela n'a jamais été contesté par le Conseil constitutionnel. Si le Conseil constitutionnel avait voulu lier l'emprisonnement à la présence d'un représentant du parquet, il l'aurait dit clairement.
Par ailleurs, il est vrai que c'est pour des raisons pratiques que nous sommes attachés à ce que la présence d'un représentant du parquet ne soit pas obligatoire, y compris lorsqu'il s'agit de l'homologation d'une peine d'emprisonnement. En effet, si ce représentant est présent pour rester muet ou pour simplement se lever et indiquer qu'il s'en remet à l'appréciation du tribunal, cela ne participe pas à une bonne administration de la justice.
La commission est donc également défavorable à l'amendement n° 4.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Pascal Clément, ministre. Je ne reviendrai pas sur les trois premiers amendements puisqu'ils sont au centre du débat qui nous occupe depuis maintenant deux bonnes heures, les uns et les autres restant sur leurs positions. J'y suis évidemment défavorable.
Il me paraît plus intéressant, monsieur Sueur, de m'attarder sur votre amendement concernant la présence obligatoire d'un représentant du parquet lorsqu'une peine d'emprisonnement est proposée.
Monsieur le sénateur, quel est l'intérêt pour le condamné dans l'hypothèse que vous évoquez ? L'intérêt du condamné, c'est d'être mieux jugé. Or, dans le cas où le procureur voudrait requérir de la prison ferme, il abandonnerait la CRPC pour renvoyer le condamné devant le tribunal correctionnel dans sa formation traditionnelle.
Je me permets de recommander à ceux qui ne l'auraient jamais fait d'assister quelques heures à une audience de chambre correctionnelle. Croyez-moi, il y a de quoi être choqué quand on voit, pendant huit à dix heures de rang, des gens jugés en parfois moins de cinq minutes. Quand le prévenu risque la prison ferme, cela peut prendre un peu plus de temps, mais guère plus. Il n'y a, dès lors, aucune espèce de début de commencement d'adhésion de la part du condamné : il ressent cette justice comme une violence supplémentaire provenant de la société.
A l'inverse, avec la CRPC, la personne peut constater que l'institution commence par l'écouter, avant de lui proposer une peine, qu'elle peut accepter ou refuser.
Si le procureur est obligatoirement présent et qu'il a proposé de la prison ferme, que va-t-il faire à l'audience ? Il va requérir avec un maximum d'arguments afin que la peine soit effectivement homologuée. Si le procureur n'est pas présent, on peut très bien imaginer que le juge n'accepte pas l'homologation et considère le sursis comme suffisant.
Autrement dit, la présence obligatoire du procureur tend soit à un alourdissement de la peine pour le condamné, soit au retour au droit commun et au tribunal correctionnel, c'est-à-dire à ces après-midi épouvantables. Voilà à quoi aboutirait votre proposition, monsieur Sueur : l'alternative entre deux mauvaises solutions.
Voilà pourquoi je suis également défavorable à l'amendement n° 4, qui relève manifestement de la fausse bonne idée.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 3 et 6.
M. Robert Badinter. Je ne vais pas reprendre, en cet instant, la discussion concernant la question de la constitutionnalité de cette proposition de loi ou celle de la hiérarchie des normes. Je veux vous mettre en garde : ce que vous proposez n'est pas bon, et c'est pourquoi je soutiens ces amendements de suppression.
Il n'est pas bon de vouloir faire l'économie de l'audience pénale. Vous nous demandez, monsieur le ministre, quel est l'intérêt pour celui que vous appelez le condamné, ce qui est aller vite en besogne puisque nous sommes encore à l'audience et qu'il s'agit donc de l'intéressé, selon la terminologie en usage. Or ce n'est pas seulement sous cet angle-là que l'on se doit d'aborder le problème.
Je rappelle que l'audience, lorsqu'elle est juridictionnelle - et le Conseil Constitutionnel a pris le soin d'en rappeler la nature -, est toujours soumise à des principes, et c'est ce principe de la présence du procureur de la République qu'a rappelé la Cour de cassation.
Vous dites que la présence du ministère public n'est pas obligatoire pour les audiences pénales et que l'on peut parfaitement y déroger ; elle ne serait obligatoire que quand elle est expressément prévue. C'est là une grave erreur d'interprétation ! L'article 32 qu'a visé la Cour de cassation est d'une portée générale, contrairement à la dérogation qui, elle, devrait être expresse. Cela va de soi !
Ici, ce que vous voulez faire, c'est précisément une exception.
Autrement dit, monsieur Béteille, votre proposition de loi déroge à un principe fondamental du procès contradictoire, à ce qui est une garantie pour le juge, pour les justiciables et pour l'ensemble du système judiciaire ; elle fait exception. Eh bien, une loi qui instaure une exception aux principes fondamentaux, c'est, pardonnez-moi de le dire, une loi d'exception. Je n'ai pas de goût pour les lois d'exception.
Vous avez dit, monsieur le rapporteur, qu'il existait des exemples d'audiences pénales qui se déroulaient sans la présence du ministère public. Vous avez évoqué les placements en détention. J'ai tenu à vérifier.
M. Clément s'en souvient certainement encore : c'est en 1983 que nous avons, à l'unanimité, instauré le débat contradictoire préalable au placement en détention, et nous avions tous souligné qu'il n'était que temps de prévoir qu'un débat contradictoire ait lieu entre le ministère public, donc nécessairement présent, le magistrat instructeur - à cette époque, il n'y avait pas de juges des libertés et de la détention - et l'avocat. Et ce système a survécu avec le placement par le juge des libertés et de la détention ; c'est à l'article 145 du code de procédure pénale.
Alors, il y a le cas de la comparution immédiate où le ministère public souhaite le placement en détention, mais où il n'a pas à sa disposition le tribunal duquel il souhaite obtenir cette décision. A ce moment-là, il saisit le juge des libertés. Il n'est pas dit pour autant qu'il ne doit pas y débattre : il n'est rien dit du tout. Ce silence du législateur par rapport à cette exception faite à l'article 32 du code de procédure pénale ne saurait constituer autre chose qu'un sujet soumis à interprétation. Je n'ai rien trouvé dans la jurisprudence sur ce point.
On ne peut, en tout cas, en tirer aucun argument. J'ai vu que le conseiller-rapporteur en avait tiré un. La Cour de cassation, à cet égard, n'a pas suivi les conclusions du rapporteur dans son avis.
Là est l'équilibre.
Je vais plus loin. Pourquoi faut-il la présence d'un représentant du parquet ? Parce que cela est nécessaire à la bonne justice. Il ne s'agit pas ici d'une justice-distributeur automatique ! Nous ne sommes pas ici au niveau d'une ordonnance pénale ; nous nous trouvons dans un domaine tout à fait différent. Je rappelle que l'ordonnance pénale, comme d'ailleurs la composition pénale, s'arrête devant les peines privatives de liberté.
Ce que l'on demande ici au juge, je ne cesserai jamais de le rappeler, c'est d'homologuer une peine proposée par le ministère public. Le juge prend sur lui de rendre exécutoire la peine proposée. A cet instant, et avant de prendre cette décision qui est l'expression de sa liberté, de sa responsabilité et de sa conscience de juge, il doit pouvoir, s'il le désire, poser au ministère public toutes les questions qu'il estime souhaitables. Cela suppose bien la présence du ministère public. On ne peut pas se contenter d'envoyer un formulaire avec quatre observations écrites.
Evidemment, quand l'audience commence, nul ne sait quelles questions vont jaillir. Des interrogations peuvent naître de la dialectique, des propos de l'intéressé, de ceux de la victime, d'un fait nouveau. Comment, alors, s'il n'est pas présent, le ministère public pourra-t-il justifier sa proposition ?
La question n'est donc pas de savoir ce que le représentant du parquet fait mais bien de savoir si sa présence est nécessaire. Cette nécessité est inhérente à la complexité du débat contradictoire dès l'instant où, en fin de compte, le magistrat va prononcer une peine, s'il estime qu'elle doit être prononcée, en homologuant.
On ne peut pas échapper à ce principe du contradictoire : il est au coeur même du procès pénal. Sauf à dire que ce n'est plus un procès pénal. Or c'est un procès pénal.
Si vous admettez que c'est une audience pénale, comme le Conseil constitutionnel l'a justement rappelé, vous ne pouvez pas échapper au principe du contradictoire, et il vous faut prévoir que le ministère public est présent.
Sinon, permettez-moi de vous le dire, vous avez une justice boiteuse : un premier acte dans le bureau du procureur, un deuxième acte dans le bureau du président, et hop ! on passe des écrits, et c'est terminé. Est-ce là l'idée qu'une grande justice doit se faire des exigences du procès contradictoire ?
On nous dit que cette solution est plus commode, que l'on ne perd pas de temps, etc.
Vous avez raison, et je suis heureux de vous l'entendre dire, monsieur le garde des sceaux, il faut remédier aux difficultés actuelles rencontrées avec la comparution immédiate. Mais c'est là qu'il fallait porter le fer.
J'ajoute que, comme l'a si fortement écrit Ronald Dworkin, à mon sens le meilleur des philosophes du droit contemporains, dans son livre Taking rights seriously - en français : prendre les droits au sérieux -, la grande différence entre la procédure existante et celle, sommaire, du plaider coupable, c'est que la première découle de la volonté de la partie poursuivante alors que la seconde est au choix de celui qui est poursuivi. Quelle immense différence en termes de libertés.
Je le dis simplement, vous ne pouvez pas avoir une audience pénale aboutissant au prononcé d'une peine d'emprisonnement sans la présence du ministère public.
Je terminerai par une simple observation, ou plutôt une question concernant un problème dont j'ai déjà fait état lors de la discussion générale.
Qui va prendre la décision quant à la présence ou à l'absence du ministère public ? Le procureur de la République, chef hiérarchique ? Le substitut en charge du dossier ? Le parquet, qui décidera ainsi de lui-même s'il doit ou non assister ou participer à une audience pénale ? Cela n'est pas possible !
Il est évident que nous devons prévoir que le ministère public viendra présenter ses observations si le magistrat du siège le demande. Sur ce point, monsieur le garde des sceaux, je vous demande de prendre position. On ne peut pas concevoir un autre système, cette solution n'étant au demeurant, au regard des principes, qu'un strict minimum, car on ne sait jamais ce qui peut advenir au cours d'une audience où une peine d'emprisonnement peut être prononcée. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Je me suis attaché dans mon intervention à poser quelques questions de fond. Je voudrais maintenant me situer simplement sur le terrain qui a été celui des auteurs de cette proposition de loi.
On nous dit que c'est un texte de clarification et qu'il va apporter une amélioration notable dans la manière dont sont jugés les gens.
Les propos que vient de tenir M. Badinter à l'instant montrent que la clarification n'est pas totale. La présence du procureur est facultative, mais de qui dépend-elle ? Sur ce point, toutes les interrogations n'ont pas été levées.
Ce texte devait améliorer les conditions d'exercice de la justice. Or M. le garde des sceaux a relevé tout à l'heure le caractère indigne des conditions dans lesquelles se déroulent certaines audiences de comparution immédiate. Si la CRPC doit se transformer en séances d'abattage comme la comparution immédiate, elle risque d'entraîner les mêmes dérives. Je crois que l'on ne fait que reculer pour mieux sauter.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Zocchetto, rapporteur. Mes chers collègues, permettez-moi de répéter ce que j'ai dit ce matin, à savoir que la rédaction de la proposition de loi permet une certaine souplesse. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas estimé utile d'apporter de compléments d'information.
Soit le procureur décidera lui-même d'être présent à l'audience pour des raisons qui lui sont propres, soit le président du tribunal de grande instance demandera au parquet d'être présent. Il n'aura aucun moyen de le contraindre.
Toutefois, le juge gardera en définitive la maîtrise de la procédure puisque, si le parquet est absent, il y a fort à parier qu'il refusera d'homologuer et qu'il renverra l'affaire en audience correctionnelle classique.
J'aimerais connaître l'avis de M. le garde des sceaux sur ce point.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, je n'ai rien à ajouter à ce que vous avez dit. On ne peut pas rendre obligatoire la convocation du procureur par le juge du siège ; sinon, on retombera dans la situation antérieure et le système ne marchera pas.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 6.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 4.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le garde des sceaux, vous avez parlé tout à l'heure avec flamme et vous avez tenu des propos qui m'ont quelque peu surpris. Vous avez dit, en évoquant ces audiences correctionnelles qui durent tout l'après-midi, que c'était une nouvelle violence faite par la société aux personnes qui comparaissent. C'est une formule très forte que vous avez utilisée là. Puis, en comparaison, vous avez chanté les louanges de la CRPC, qui devait être une procédure humaine, humaniste, tranquille, tendre.
Cette opposition me paraît un peu excessive. En fait, comme l'a dit Robert Badinter, le problème est bien de modifier le déroulement de ces audiences que vous avez qualifiées de « violence nouvelle faite par la société ».
Ensuite, monsieur le garde des sceaux, vous vous êtes évertué à expliquer que, du point de vue de la défense, il n'y avait aucun intérêt à ce que le ministère public fût là.
Pour nous, c'est une question de principe : du point de vue de la défense comme du point de vue de la société, et donc dans un souci d'équité, le procès doit toujours être contradictoire.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Sueur, le grand intérêt de la CRPC est justement de rendre plus légères les audiences correctionnelles. Quand les juges auront enfin le temps de juger avec sérénité les affaires les plus importantes, les plus complexes qui seront renvoyées devant les tribunaux correctionnels, nous pourrons considérer que la CRPC aura joué tout son rôle en permettant au tribunal correctionnel de remplir sa fonction.
C'est donc un véritable progrès pour la justice que nous proposons et non pas une simple procédure de commodité. Cette procédure a d'ailleurs répondu à un besoin des justiciables puisqu'elle a concerné plus de 10 000 affaires en un peu plus d'un an.
Dès lors, je le répète, les affaires plus complexes retrouveront le chemin du tribunal correctionnel, désengorgé des toutes petites affaires qui étaient souvent jugées rapidement, ce qui pouvait paraître choquant aux non-habitués des palais de justice.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. M. le garde des sceaux parle de progrès. Pour ma part, je suis convaincu qu'il s'agit, sans que l'on s'en aperçoive, d'un changement très profond de la justice pénale à l'échelon correctionnel.
Pour toutes les affaires répétitives avec identité de faits, je pense à la conduite en état d'ivresse où il s'agit simplement de savoir quel est le taux d'alcool dans le sang, nous disposons déjà d'un éventail de solutions pénales ; nous n'avons pas besoin de la CRPC.
C'est à la procédure de comparution immédiate qu'il faut apporter des changements, en opérant une distinction entre celui qui choisit la formule du plaider coupable et celui qui conteste. Dans le premier cas, on appliquerait une procédure sommaire.
Avec la CRPC, nous allons passer, dans un domaine quantitativement très important, d'une justice de jugement à une justice administrée. En effet, pour que ce type de procédure puisse fonctionner, il faudra établir une sorte de « tarification ». Lors de la comparution devant le procureur de la République, on donnera le choix au prévenu : si vous n'acceptez pas, ce sera le tribunal qui décidera ; en revanche, si vous acceptez, la peine sera moins lourde que celle qui est communément appliquée. Dès lors, l'avocat sera réduit à la fonction de suppliant.
Il ne restera plus au magistrat du siège qu'à examiner le dossier que lui enverra le procureur. Il sera moins qu'un juge de l'exequatur. Il ne pourra plus qu'accepter ou refuser, sans pouvoir déterminer la peine, sans apprécier la personnalité de l'accusé, sinon pour exercer son droit de veto, ce qu'il ne fera qu'avec hésitation, on le conçoit.
Les procédures pénales sont l'expression même des libertés dans un Etat de droit. Je comprends bien les raisons qui vous motivent : on ne peut plus faire face au flux des affaires. Mais faute de trouver des procédures meilleures correspondant aux exigences que j'évoquais tout à l'heure, faute d'avoir les moyens d'une véritable justice, vous nous proposez une justice à la mesure de vos moyens. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'article unique de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, c'est à un double titre que je vais m'exprimer ce soir. Je vais en effet expliquer le vote que le groupe UC-UDF va émettre sur cette proposition de loi tout en vous transmettant les quelques réserves que Pierre Fauchon a déjà exprimées en commission des lois.
Le groupe UC-UDF votera ce texte parce que la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est une bonne procédure, qui permet de désengorger les tribunaux tout en préservant les droits des prévenus et des victimes. Le groupe UC-UDF a toujours soutenu la mise en place de cette nouvelle procédure et il n'est pas question aujourd'hui de la remettre en cause.
Je tiens à saluer le travail de notre collègue François Zocchetto, rapporteur de ce texte qui pose une question majeure sur le plan des principes du droit pénal.
On peut se réjouir de voir consacré par cette proposition le caractère public de l'audience d'homologation. Il y a bien des raisons à cela, la plus importante étant que la justice, a fortiori la justice pénale, ne saurait être rendue en catimini.
Toutefois, selon notre collègue Pierre Fauchon, qui m'a chargée de rappeler sa position sur ce point précis, la présence du procureur est tout simplement utile, normale et conforme aux règles générales de notre droit. On peut imaginer à la rigueur une audience d'homologation sans procureur, quoique cette hypothèse ne semble pas souhaitable, mais l'idée que la présence du procureur soit facultative ne paraît pas envisageable : nous sommes en matière pénale et la composition de l'audience ne doit surtout pas être à géométrie variable.
Malgré ces réserves, monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le groupe UC-UDF votera presque à l'unanimité cette proposition de loi.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
7
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 27 juin 2005 à quinze heures et le soir :
1. Discussion du projet de loi (n° 356, 2004-2005) autorisant la ratification de la convention des Nations unies contre la corruption.
Rapport (n° 395, 2004-2005) de M. André Rouvière, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
2. Discussion du projet de loi (n° 411, 2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.
Rapport (n° 414, 2004-2005) de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 24 juin 2005, avant dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 24 juin 2005, à seize heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, de sauvegarde des entreprises (n° 235, 2004-2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 27 juin 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 27 juin 2005, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD