Article 2
Le 6° de l'article 222-3, le 6° de l'article 222-8, le 6° de l'article 222-10, le 6° de l'article 222-12 et le 6° de l'article 222-13 du code pénal sont complétés par les mots suivants : « ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ». - (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 222-16 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - La privation des pièces d'identité ou relatives au titre de séjour ou de résidence d'un étranger, par son conjoint, concubin, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ex-conjoint, ex-concubin, ou ex-partenaire, est punie de 1 an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. ».
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, je sollicite votre patience et votre compréhension. Toute jeune sénatrice, je comprends mal comment on travaille dans cet hémicycle.
Une fois que le Sénat se sera prononcé sur ce texte, l'Assemblée nationale l'examinera et, compte tenu de la navette, nous en serons saisis à nouveau en deuxième lecture. J'avoue donc ne pas très bien comprendre ce qui aurait empêché qu'un sujet source de discussions sur toutes les travées de notre assemblée soit pris en compte, quitte à y revenir ultérieurement.
Vous me répondrez sans doute que ce n'est pas ainsi que travaille le Sénat. Pour ma part, je constate qu'une occasion peut-être unique d'ouvrir un débat au-delà des rôles convenus des uns et des autres a été perdue, et je le regrette.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Dominique Voynet. Les cinq amendements visant à insérer un article additionnel après l'article 2 tendent à compléter l'arsenal dont nous disposons pour protéger des femmes menacées, car placées dans une situation particulière.
L'amendement n° 16 porte sur la privation des pièces d'identité, ou des pièces relatives au titre de séjour ou de résidence en France d'un étranger. Nous n'avons pas précisé le sexe de la personne, même si, nous le savons, ce sont des femmes qui, dans 99 % des cas, sont privées par leur conjoint de leurs pièces d'identité.
Il s'agit d'éviter que des femmes de nationalité étrangère ne se trouvent dans une situation administrative irrégulière à la suite d'une séparation de leur mari, concubin ou partenaire, du fait de la rétention par ce dernier de leurs papiers d'identité.
Dans la pratique, les femmes ont rarement la possibilité d'émigrer directement. Elles se définissent en général par leur statut familial - elles sont « épouses de... », « soeur de... » ou « fille de... » - et se trouvent en situation de dépendance, notamment par rapport à leur mari et au droit de séjour de ce dernier.
Dans de nombreux cas, les maris auteurs de violences détiennent volontairement les pièces d'identité ou cartes de séjour de leurs épouses ; ils exercent sur elles un chantage, les empêchant ainsi de prendre la fuite.
Un tel comportement doit être sanctionné. Il peut être considéré comme une violence économique ou psychologique qui, à mes yeux, est tout aussi condamnable que la violence physique.
M. le président. Madame Voynet, permettez-moi d'apporter quelques précisions quant au déroulement de nos travaux.
Le débat qui s'est instauré fut animé et même passionné. Chacun a pu exprimer ses convictions, ce qui est tout à fait légitime.
Vient le moment où le président de séance doit faire procéder au vote sous la forme qui convient, soit à main levée, soit par scrutin public. Il est alors amené à prendre acte du résultat du scrutin.
Néanmoins, le sujet est loin d'être clos : la navette va permettre au débat de se poursuivre, comme cela est souhaitable, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 16 ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Madame Voynet, sur tous les papiers administratifs, en particulier les documents fiscaux, l'homme est désigné par son nom et par la mention « époux » suivie du nom de sa femme. Je ne crois pas qu'il ait pour autant le sentiment d'être dans une situation de dépendance. Le fait d'être « épouse » ou « époux » traduit plutôt un sentiment profond, un lien entre conjoints.
L'amendement n° 16 soulève un vrai problème. Il concerne la privation par un conjoint, un concubin ou un partenaire lié par un pacte civil de solidarité, des papiers d'identité de l'autre membre du couple. On pourrait considérer qu'il s'agit d'un vol ; mais le vol n'est pas répréhensible entre conjoints. En revanche, si ce vol aboutit à une forme de séquestration, à une entrave à la sortie du territoire national, on pourrait admettre qu'il y a violence. Mais a-t-on l'assurance qu'un homme qui vole les papiers d'identité de son épouse pour l'empêcher de quitter le territoire, donc qui exerce un ascendant sur elle, sera tenu pour responsable d'une violence susceptible d'être sanctionnée ?
C'est l'objet du débat, et c'est pourquoi la commission souhaite entendre le Gouvernement avant de se prononcer.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre. Le Gouvernement considère que la situation qui est visée ne peut être isolée du contexte de violence au sein du couple. Or les violences sont toujours punissables.
C'est pourquoi il a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 16.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, je maîtrise sans doute mal la langue française : je n'ai en effet jamais considéré qu'être présenté comme « l'époux de... » constituait un problème. J'ai simplement souligné le fait que beaucoup de femmes étrangères n'ont pas de statut personnel en dehors de leur statut matrimonial. C'est souvent en qualité de conjointe d'un homme disposant d'un titre de séjour qu'elle réside en France.
La difficulté ne tient pas au fait que la privation de leurs papiers d'identité empêche ces femmes de quitter le territoire ; la difficulté, c'est au contraire qu'elles risquent de ne pas pouvoir y rester. L'homme la menace en lui disant : « si tu me quittes, tu seras expulsée puisque je ne te rendrai pas les papiers qui te permettraient de justifier de ton droit au séjour. » C'est la menace d'être placée dans une situation de précarité au regard du droit au séjour que je veux conjurer. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement vise la privation des pièces d'identité relatives au titre de séjour. La commission est consciente du fait qu'une femme qui obtient un titre de séjour au nom du rapprochement familial dépend de son conjoint. On a toutefois l'impression, à la lecture de cet amendement, que la privation du titre de séjour vise le titulaire du document.
Il n'en demeure pas moins que cet amendement soulève un vrai problème. Je conçois très bien qu'il peut y avoir un risque d'expulsion et que cela constitue une violence. Cela peut-il être réprimé au titre de la violence ? Mme la ministre nous a répondu par l'affirmative. Je prends acte de sa réponse.
Mme Nicole Bricq. Le problème est réel !
M. le président. Un article additionnel ainsi rédigé est donc inséré après l'article 2.
L'amendement n° 18 rectifié, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 222-33-1 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Le fait de harceler autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves, dans le but de l'obliger à donner son consentement à un mariage est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende. ».
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Au début de la discussion des articles, le Sénat, à l'unanimité, a adopté un amendement prévoyant l'harmonisation de l'âge minimum du mariage fixé pour les deux sexes à dix-huit ans. Cette mesure, nous a-t-on dit, est notamment destinée à éviter les mariages forcés.
J'ai alors indiqué que je défendrai plusieurs amendements visant à compléter ce dispositif, en particulier pour protéger de jeunes majeures soumises à des pressions de leur famille ou de leur entourage en vue de les convaincre de donner leur consentement, superficiel certes, à un mariage.
L'amendement n° 18 rectifié tend à créer un nouveau délit : le fait de harceler autrui en donnant des ordres, en proférant des menaces, en imposant des contraintes ou en exerçant des pressions graves, dans le but de l'obliger à donner son consentement à un mariage, serait puni d'une peine de prison et d'une amende.
Nombre de ces pressions concernent des femmes majeures qui cèdent aux menaces familiales. Le contexte est bien connu. Il ne concerne d'ailleurs pas une communauté spécifique, et les garçons peuvent eux aussi être victimes de ces comportements.
L'amendement n° 18 rectifié vise à sanctionner cette pratique, à qualifier d'infraction le harcèlement au mariage, qui est une violation des droits humains. L'article 16 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 est en effet ainsi rédigé : « Le mariage ne peut être conclu qu'avec le libre et plein consentement des futurs époux. » La mesure présentée dans cet amendement, largement médiatisée, serait à mon avis de nature à réduire le nombre des mariages forcés.
Il semblerait qu'en France, depuis quelques années, des jeunes filles soient mariées à des hommes par leur famille pour un prix qui avoisinerait 1 500 euros en moyenne. Chaque week-end, ces derniers viennent dans leur belle-famille retrouver leur « épouse » pour lui imposer des rapports sexuels, avec la complicité de tous.
Il s'agit de mariages traditionnels qui concernent souvent de très jeunes filles. On a eu connaissance de cas de suicide, de cas très graves de perturbations psychologiques. Leurs enfants, si elles en ont, sont eux aussi en danger.
Il me semble que la France doit mettre sa législation en conformité avec les conventions internationales qu'elle a signées et condamner purement et simplement ce genre de pratiques dans son droit interne.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement a pour objet de créer une infraction spécifique de harcèlement au mariage.
Il est vrai que, actuellement, les mariages forcés ne sont pas réprimés en tant que tels. Toutefois, la responsabilité pénale des individus usant de la contrainte pour parvenir à une union doit être recherchée sous l'incrimination de menaces sous condition, d'extorsion de signature, de violences volontaires, voire de viol, et les tribunaux ont à plusieurs reprises condamné des parents de jeunes filles mineures pour complicité de viol à partir du moment où ils avaient été complices de ce mariage forcé.
Il n'est pas certain, pour la commission, que la nouvelle infraction que cet amendement tend à créer apporterait véritablement un changement. Il serait plus utile d'encourager les femmes qui sont victimes de ces violences à porter plainte contre leur entourage, malgré les pressions dont elles ont été l'objet.
L'avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre. Je partage totalement le souci de Mme Voynet de voir mieux prévenus les mariages forcés, qui font par ailleurs l'objet - je tiens à le souligner -d'un groupe de travail que Dominique Perben, Dominique de Villepin et moi-même avons mis en place sur le thème : « femmes et immigration ».
Outre que la rédaction de cet amendement n'est pas satisfaisante, car elle tendrait à laisser confondre la notion de harcèlement avec celle de contrainte ou de menace, je précise que nous reviendrons sur ces questions à l'issue des réflexions du groupe de travail, car je compte proposer une série de mesures législatives qui couvriront non seulement la contrainte au mariage, mais également les mutilations sexuelles.
Je propose par conséquent à Mme Voynet que nous nous retrouvions dans quelque temps sur ce sujet, dont l'importance ne m'a pas échappé.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 222-33-1 du code pénal, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. .... - Les jeunes filles mineures qui ont été victimes de pressions et de menaces de la part des membres de leur famille ou de leur futur époux pour les obliger à consentir au mariage, doivent bénéficier de l'aide sociale à l'enfance ».
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Les amendements nos 19, 20 et 21 concernent le même sujet. Aussi, pour assurer la cohérence de ma démonstration, je les défendrai ensemble.
L'amendement n° 19 traite du cas de jeunes filles mineures qui ont été victimes de pressions et de menaces de la part des membres de leur famille et qui doivent être protégées.
Certes, elles bénéficient déjà de l'aide sociale à l'enfance. Cependant, il est important de préciser que ce bénéfice doit être non pas seulement une possibilité pour le mineur, mais d'abord une obligation de l'Etat de veiller à ce que la mineure qui a été victime de violences soit protégée de façon efficace.
L'amendement tend donc à permettre la prise en charge automatique de jeunes filles mineures qui ne peuvent plus continuer à vivre normalement au sein de leur famille.
L'amendement n° 20 vise à étendre l'obligation qui est faite aux parents d'enfants majeurs poursuivant leurs études aux parents de jeunes filles qui ont été victimes de menaces et de pressions de leur part, en précisant que l'obligation d'entretien qui pèse sur les parents n'est pas levée du simple fait que leur enfant a été obligé de quitter le domicile familial et de demander la protection de la collectivité.
Cet amendement a donc pour objet d'inciter les juges, au-delà même de l'article 371-2 du code civil, qui prévoit une obligation d'entretien et d'éducation à la charge des parents, à octroyer une pension alimentaire aux enfants majeurs poursuivant leurs études même si ceux-ci ont coupé tout contact avec leur famille du fait des violences exercées à leur encontre. En effet, la jurisprudence ne fait pas toujours une application systématique de cette obligation, et bien des jeunes filles qui ont été amenées à se réfugier dans des foyers ou à demander le soutien d'une association renoncent de fait à poursuivre leurs études et se trouvent placées en situation de grande fragilité.
Enfin, l'amendement n° 21 a pour objet de prévoir que, si les parents ne sont pas en situation d'assumer leurs responsabilités, la solidarité nationale peut s'y substituer. Il serait en effet tout à fait choquant que nous puissions mettre à l'abri des pressions exercées par leur famille de jeunes femmes adultes qui poursuivent des études, mais que ces jeunes femmes soient néanmoins forcées d'interrompre celles-ci du fait de l'absence de dispositif de solidarité spécifique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 19 ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Cet amendement tend à insérer dans le code pénal l'obligation de faire bénéficier les mineures victimes de harcèlement au mariage de l'aide sociale à l'enfance.
L'insertion de cette disposition dans le code pénal nous paraît un peu étonnante. Surtout, nous tenons à souligner qu'une procédure d'assistance éducative peut être engagée lorsque la victime est mineure et que la contrainte émane du milieu familial, que le signalement ait été fait au procureur ou au juge des enfants.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre. Je partage exactement l'analyse que vient d'exposer M. le rapporteur.
Les mineures victimes de violences sont des mineures en danger et bénéficient à ce titre des dispositions relatives à l'enfance en danger. L'autorité judiciaire doit en effet être saisie de toute situation de violence à l'égard d'un mineur par quiconque en a connaissance.
Je précise à cet égard que M. Jean-Louis Borloo, en liaison avec un certain nombre d'associations et de bailleurs de logements sociaux, est en train de mettre en place un dispositif d'urgence destiné à ces jeunes femmes victimes de menaces de mariage forcé.
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 371-2 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette obligation s'applique aux parents d'enfants majeurs qui poursuivent leurs études ou suivent une formation et qui ont été victimes de menaces et de pressions de leur part pour les obliger à consentir au mariage. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. L'obligation d'entretien et d'éducation des enfants par les parents ne prend pas fin à la majorité.
Si la commission des lois est sensible aux difficultés rencontrées par les jeunes gens qui se trouvent dans la situation décrite dans l'amendement, l'automaticité à laquelle tend celui-ci ne lui paraît pas opportune. Il convient en effet de conserver au juge une marge d'appréciation afin qu'il puisse prendre sa décision en fonction des éléments et des pièces qui lui sont soumis.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre. L'obligation des parents de contribuer à l'entretien et à l'éducation des enfants ne cesse pas à la majorité de ceux-ci. Elle continue, en particulier, lorsque ces enfants poursuivent leurs études, et le fait que ces derniers aient été victimes du comportement de leurs parents n'a aucune incidence sur ce point.
Toutefois, en cas de carence ou d'insolvabilité des parents, les jeunes majeurs âgés de moins de vingt et un ans, s'ils sont confrontés à « des difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisants », peuvent bénéficier d'une aide financière ou d'une prise en charge du service de l'aide sociale à l'enfance, conformément aux dispositions des articles L. 222-2 et L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles.
La difficulté, là aussi, réside essentiellement dans la mise en application la plus rapide possible des dispositifs en vigueur, dont l'existence rend cet amendement sans objet.
Cette observation vaut également pour l'amendement n° 21.
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article 371-2 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de carence des parents, la solidarité nationale peut s'y substituer. »
II. - Les conséquences financières résultant pour l'Etat de l'application du I ci-dessus sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission des lois ne pense pas qu'il appartienne à la solidarité nationale de se substituer systématiquement à la carence des parents. Il faut au contraire obliger ceux-ci à payer et à faire face à leurs obligations.
Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Le Gouvernement a déjà exprimé son avis défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 21.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3
Avant le dernier alinéa de l'article 221-4 du code pénal, il est inséré un dixième alinéa ainsi rédigé :
« 9° Par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. » - (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontes, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger et Voynet, MM. Angels et Auban, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Blandin, MM. Bockel, Boulaud et Caffet, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Charasse, Collomb, Collombat, Courrière, Dauge, Demerliat, Desessard, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Frimat, Frécon, C. Gautier, Gillot, Godefroy et Haut, Mmes Herviaux et Hurel, M. Journet, Mme Khiari, MM. Krattinger, Labarrère, Labeyrie, S. Larcher, Lejeune, Le Pensec, Lise, Madec, Madrelle, Mahéas, Marc, Masseret, Massion, Mélenchon, Mermaz, Michel, Miquel, Moreigne, Pastor, Percheron, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Ries, Roujas et Rouvière, Mme San Vicente, MM. Saunier, Sergent, Siffre, Signé, Sueur et Sutour, Mme Tasca, MM. Teston, Todeschini, Trémel, Vantomme, Vidal, Vézinhet et Yung, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans l'article 9-2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, après la référence : « 222-10 » sont insérées les références : « 222-12, 222-13 ».
II. - Les conséquences financières entraînées par l'application du I sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. L'article 65 de la loi dite « Perben I » du 9 septembre 2002 a créé au sein de la loi n° 91-647 du 11 juillet 1991 relative à l'aide juridique un article 9-2 qui dispose que la condition de ressources pour l'accès à l'aide juridictionnelle n'est pas exigée des victimes de crimes, d'atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne, de violences aggravées, de violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente aggravée, de violences habituelles sur les mineurs ou sur les personnes vulnérables ayant entraîné la mort, une mutilation ou une infirmité, de viol ou de viol aggravé, ainsi que des atteintes commises par acte terroriste.
Par cet amendement, nous proposons d'étendre ce dispositif aux violences aggravées ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, visées à l'article 222-12 du code pénal, ainsi qu'aux violences, également aggravées, ayant entraîné une ITT de moins de huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail. Ainsi, toutes les victimes de violences au sein des couples pourront bénéficier de l'aide juridictionnelle sans condition de ressources.
En effet, ces personnes sont souvent également victimes de violences économiques et dépendent financièrement de leur conjoint, ce qui, pour elles, constitue un frein.
Porter plainte implique en effet de prendre un avocat. De deux choses l'une : ou bien ces victimes, compte tenu des ressources du ménage, ne peuvent bénéficier de l'aide juridictionnelle, ou bien elles peuvent en bénéficier. Dans les deux cas, elles devront soit produire à l'appui de leur demande des pièces justificatives dont elles ne disposent peut-être pas, soit établir des chèques qui n'échapperont pas à la vigilance de certains conjoints.
Il faut bien avoir présent à l'esprit que ces victimes sont le plus souvent dans un état psychique grave et qu'elles sont rongées par la peur : peur des représailles sur elles-mêmes ou sur leurs enfants, dont la presse se fait l'écho bien trop souvent.
Il me semble qu'étendre cette aide juridictionnelle à toutes les violences irait dans le sens à la fois du dispositif mis en place par M. le garde des sceaux dans la loi du 9 septembre 2001 pour les victimes en général et du plan de lutte contre les violences exercées à l'encontre des femmes présenté par Mme Ameline.
Nous proposons que les conséquences financières entraînées par la mise en application de cette mesure soient compensées par une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 avait déjà ouvert le bénéfice automatique de l'aide juridictionnelle sans condition de ressources aux victimes des infractions les plus graves : atteintes volontaires à la vie ou à l'intégrité de la personne, viols.
J'attire votre attention sur le fait que l'enveloppe de l'aide juridictionnelle est passée de 187 millions d'euros en 1998 à 300 millions en 2003.
Faut-il, comme cela nous est demandé par les auteurs de l'amendement, aller plus loin et étendre l'aide juridictionnelle sans condition de ressources à de nouvelles infractions, alors que la loi du 10 juillet 1991 avait institué cette aide afin de favoriser l'accès au droit des plus démunis ?
En tout état de cause, nous considérons que l'impact financier d'un élargissement du champ de l'aide juridictionnelle mériterait une évaluation de son impact financier.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre. Les victimes mineures de violences physiques ou sexuelles ont la possibilité d'accéder à l'aide juridictionnelle prévue par la loi du 10 juillet 1991 sans condition de ressources dans plusieurs cas de figure, notamment si elles sont en conflit d'intérêts avec leurs parents.
L'ensemble des victimes mineures ou majeures peuvent aussi accéder à ce droit si leur situation apparaît particulièrement digne d'intérêt : elle est alors examinée par la commission d'aide juridictionnelle.
De plus, pour les infractions les plus graves, ce bénéfice a été ouvert par la loi du 9 septembre 2002.
Parallèlement, le ministère de la justice favorise l'application rapide des mesures d'aide juridictionnelle - c'est l'objet de la circulaire du 19 août 2003 -, notamment grâce à l'organisation par les barreaux de permanences pour les victimes organisées. Un guide retraçant les actions mises en place par le réseau associatif accompagnant les victimes ou les auteurs de violences sera d'ailleurs prochainement diffusé par le ministère de la justice.
Au regard de l'ensemble des ces améliorations substantielles, il n'apparaît pas souhaitable d'aller plus loin en ce qui concerne la généralisation de l'aide juridictionnelle.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Outre les obstacles de droit, il existe des obstacles de fait qui sont bien plus importants encore.
Par conséquent, lorsque l'on est dans une situation inextricable, le fait de savoir que l'on pourra être aidé financièrement, que l'on aura les moyens de faire appel à la justice, est psychologiquement fondamental, d'autant que cela ne suppose vraisemblablement pas des dépenses extraordinaires.
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Courteau et Bel, Mmes M. André et Alquier, MM. Assouline et Bodin, Mmes Boumediene-Thiery, Y. Boyer, Bricq, Cerisier-ben Guiga et Demontes, MM. Guérini et Lagauche, Mme Le Texier, M. Mauroy, Mmes Printz, Schillinger et Voynet, MM. Angels et Auban, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Blandin, MM. Bockel, Boulaud et Caffet, Mme Campion, MM. Carrère, Cazeau, Charasse, Collomb, Collombat, Courrière, Dauge, Demerliat, Desessard, Domeizel et Dreyfus-Schmidt, Mme Durrieu, MM. Dussaut, Frimat, Frécon, C. Gautier, Gillot, Godefroy et Haut, Mmes Herviaux et Hurel, M. Journet, Mme Khiari, MM. Krattinger, Labarrère, Labeyrie, S. Larcher, Lejeune, Le Pensec, Lise, Madec, Madrelle, Mahéas, Marc, Masseret, Massion, Mélenchon, Mermaz, Michel, Miquel, Moreigne, Pastor, Percheron, Peyronnet, Picheral, Piras, Plancade, Raoul, Raoult, Reiner, Repentin, Ries, Roujas et Rouvière, Mme San Vicente, MM. Saunier, Sergent, Siffre, Signé, Sueur et Sutour, Mme Tasca, MM. Teston, Todeschini, Trémel, Vantomme, Vidal, Vézinhet et Yung, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Il est créé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, au sein de chaque tribunal de grande instance, une « antenne de psychiatrie et de psychologie légales ».
II - Les conséquences financières entraînées par l'application de cette disposition, sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Certes, nous l'avons vu précédemment, le nouveau code pénal reconnaît la gravité des violences, et la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui va encore améliorer cette répression.
Toutefois, certaines victimes disent encore avoir été convaincues par les services de police de transformer leur plainte en simple main courante. Et, comme elles n'en ont souvent pas gardé les références, elles ne peuvent en obtenir copie.
Sauf lorsque l'incapacité totale de travail était importante ou les blessures graves, les violences conjugales ont longtemps été banalisées par les services de police et de justice comme relevant de la sphère privée, au sein de laquelle il apparaissait normal de ne pas s'immiscer. Cela relevait non du domaine répressif, mais plutôt du champ social ; de ce fait, aucune politique pénale n'était déclinée.
Par ailleurs, si la plainte est déposée, le traitement juridique variera considérablement en fonction des tribunaux.
De nombreux parquets ont désormais une politique pénale en la matière, mais ces directives sont très disparates d'un tribunal de grande instance à l'autre, voire au sein d'un même tribunal. Cette absence de cohérence est fort dommageable.
Tous les conjoints violents ne sont pas des malades : ils ont des profils allant du « normal » au « franchement pathologique », en passant par toute la gamme des profils névrotiques. Ces personnes doivent être amenées à comprendre leur violence et doivent apprendre à la contrôler. Cela suppose une aide à la maîtrise, à la maturation : les deux ressorts de la violence sont, en effet, l'immaturité et l'égocentrisme.
Pour les psychiatres, la prise en charge repose sur deux leviers : l'obligation de suivi et les techniques de groupe. En effet, lorsque l'on est immature, on répugne à aller de soi-même vers une prise en charge. Les personnes violentes ne viennent consulter que sur la pression de la famille ou du juge. Seul, à froid, l'auteur de violences aura tendance à ne pas reconnaître ce qui s'est passé et à se réfugier dans l'autojustification, la dénégation, la minimisation des faits, allant même jusqu'à en faire porter la responsabilité sur la victime.
Les techniques de groupe permettent aux auteurs de violences de prendre plus facilement conscience de gravité de leurs actes. Cette technique a été éprouvée pendant une dizaine d'années à La Garenne-Colombes : le parquet de Paris, en partenariat avec la Ligue française pour la santé mentale, a ouvert une antenne de psychiatrie et de psychologie légales.
Envoyées par le procureur de la République, les personnes violentes sont examinées afin de distinguer de simples disputes de faits plus graves impliquant des personnes particulièrement violentes qu'il convient d'éloigner.
Pour ceux qui ne font pas partie de cette dernière catégorie, le parquet propose un classement sous condition : on ne vous poursuit pas pour l'instant, mais vous vous soumettez à un suivi.
Les parquets de Nîmes et de Douai proposent également des solutions de « classement sous condition ».
Toutefois, le traitement judiciaire des violences conjugales devrait s'inscrire dans les politiques publiques mises en place par le Gouvernement. D'où la nécessité de généraliser ces antennes de psychiatrie et de psychologie légales dans tous les tribunaux de grande instance.
C'est l'objet de notre amendement ; nous invitons le Gouvernement à créer ces antennes dans des conditions qui seront fixées par décret en Conseil d'Etat.
Conscients de la charge que constitue la création de ces antennes, nous proposons de la compenser par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je salue les expériences de Nîmes et de Paris, qui répondent à un besoin et qui méritent d'être encouragées. Toutefois, le fait même qu'elles existent prouve qu'elles peuvent être créées sans qu'une loi soit nécessaire.
Mme Michèle André. C'est une exception !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Ces antennes ont été créées dans des départements où cela était nécessaire !
En revanche, une obligation législative se heurterait sans doute à des problèmes de moyens financiers et humains, compte tenu, en particulier, du nombre insuffisant de psychiatres.
En outre, une systématisation de ces expériences ne serait peut-être pas nécessairement adaptée aux situations locales. Si une prise en charge médicale est évidemment souhaitable, il convient de laisser aux juridictions le soin des méthodes et des moyens.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roland Courteau. C'est un peu bref !
M. Roland Courteau. C'est vraiment dommage !