sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
2. Désignation d'un sénateur en mission
adaptation des réseaux d'eau à la défense incendie
Question de M. Bernard Murat. - Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur ; M. Bernard Murat.
reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle
Question de M. Claude Biwer. - Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur ; M. Claude Biwer.
droit d'expression des élus locaux dans les bulletins d'information communaux
Question de M. Yves Détraigne. - Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur ; M. Yves Détraigne.
conditions de versement de l'Apl
Question de M. André Rouvière. - MM. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes ; André Rouvière.
sécurité dans les établissements pénitentiaires
Question de M. Roger Karoutchi. - Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes ; M. Roger Karoutchi.
meilleure couverture de tous les territoires en téléphonie mobile
Question de M. Jean Boyer. - Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes ; M. Claude Biwer, en remplacement de M. Jean Boyer.
gaz de france et sécurité des ouvrages gaz
Question de Mme Michelle Demessine. - Mmes Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes ; Michelle Demessine.
Question de M. Ambroise Dupont. - MM. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable ; Ambroise Dupont.
mesures de prévention et d'alerte au tsunami en méditerranée
Question de M. Roland Courteau. - MM. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable ; Roland Courteau.
Question de M. Christian Cambon. - MM. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Christian Cambon.
port du voile par les hôtesses de l'air françaises à destination de l'iran
Question de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
desserte aérienne de l'outre-mer
Question de M. Serge Lagauche. - MM. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Serge Lagauche.
multiplication des sociétés de soutien scolaire
Question de M. Daniel Goulet. - MM. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Daniel Goulet.
délocalisation du centre national de documentation pédagogique
Question de Mme Bariza Khiari. - M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Mme Bariza Khiari.
Question de M. Gérard Delfau. - Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Gérard Delfau.
situation des chirurgiens dans le secteur public hospitalier
Question de M. Louis Souvet. - Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Louis Souvet.
elaboration des textes relatifs à la reconnaissance du statut d'ostéopathe
Question de M. Jean-Pierre Godefroy. - Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Jean-Pierre Godefroy.
Suspension et reprise de la séance
MM. le président, Alain Vasselle.
MM. Gérard Delfau, le président.
6. Régulation des activités postales. - Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président.
Demande de réserve des amendements nos 96, 152 et 154. - MM. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie.
La réserve est ordonnée.
MM. le ministre délégué, le rapporteur, Bruno Retailleau, Alain Fouché, Daniel Soulage, Michel Billout, Georges Mouly, Pierre-Yvon Trémel, Claude Biwer, Gérard Delfau, Pierre-Yves Collombat, Jean-Pierre Sueur, Mme Josette Durrieu, MM. Michel Teston, Bernard Piras.
M. le ministre délégué.
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
Motion no 50 de M. Michel Billout. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet par scrutin public.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 95 de M. Thierry Repentin. - MM. Thierry Repentin, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet par scrutin public.
Articles additionnels avant l'article 1er
Amendement no 54 de M. Michel Billout. - MM. Robert Bret, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 55 de M. Michel Billout. - MM. Michel Billout, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 56 de M. Michel Billout. - Mme Evelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 57 de M. Michel Billout. - MM. Gérard Le Cam, le rapporteur, le ministre délégué, Gérard Delfau. - Rejet.
MM. Jean Desessard, Gérard Delfau, Pierre-Yvon Trémel, Paul Blanc.
Amendements nos 58 de M. Michel Billout et 97 de M. Pierre-Yvon Trémel. - MM. Michel Billout, Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.
Amendements nos 59 de M. Michel Billout, 98 et 99 de M. Pierre-Yvon Trémel. - MM. Robert Bret, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, le rapporteur, le ministre délégué. - Retrait de l'amendement no 99 ; rejet des amendements nos 59 et 98.
Amendement no 100 de M. Pierre-Yvon Trémel. - MM. Pierre-Yvon Trémel, le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Pierre Sueur. - Rejet.
Amendement no 61 de M. Michel Billout ; amendements identiques nos 60 de M. Michel Billout et 101 de M. Pierre-Yvon Trémel ; amendements nos 63 de M. Michel Billout, 1 de la commission, 102 à 106 de M. Pierre-Yvon Trémel, 46 rectifié de M. Jean Desessard ; amendements identiques nos 64 de M. Michel Billout et 107 de M. Pierre-Yvon Trémel ; amendement no 108 rectifié de M. Pierre-Yvon Trémel. - M. Michel Billout, Mme Evelyne Didier, MM. Thierry Repentin, Gérard Le Cam, le rapporteur, Pierre-Yvon Trémel, Pierre-Yves Collombat, Michel Teston, Mme Hélène Luc, MM. le ministre délégué, Jean-Pierre Sueur. - Retrait de l'amendement no 46 rectifié ; rejet des amendements nos 61, 60, 101, 63, 102 à 106, 64 et 107 ; adoption des amendements nos 1 et 108 rectifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
7. Dépôt de propositions de loi
8. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
11. Dépôt d'un rapport d'information
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
désignation d'un sénateur en mission
M. le président. M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 7 mars 2005 par laquelle il a fait part au Sénat de sa décision de placer en mission temporaire auprès de M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du Gouvernement, M. Alain Lambert, sénateur de l'Orne.
Acte est donné de cette communication.
3
Questions orales
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
adaptation des réseaux d'eau à la défense incendie
M. le président. La parole est à M. Bernard Murat, auteur de la question n° 663, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. Bernard Murat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce matin, je vais ouvrir le feu des questions, si je puis m'exprimer ainsi, en évoquant un sujet brûlant.
Il faut savoir que, depuis la circulaire de 1951, les maires, en particulier les maires ruraux, et ce dans tous les départements, sont de plus en plus préoccupés par la défense incendie, notamment par son organisation, en particulier dans les communes rurales.
En effet, depuis ce fameux texte, les moyens consacrés à la défense incendie se sont développés et l'état des routes s'est amélioré, si bien que les services d'incendie se trouvent désormais plus proches du lieu de l'incendie. Cependant, l'Etat souhaite, à juste titre, qu'il y ait la même qualité de défense incendie sur l'ensemble du territoire national, qu'il s'agisse de zones rurales ou de zones non rurales.
Il n'en reste pas moins vrai qu'aujourd'hui les maires sont confrontés de plus en plus au problème de la défense incendie, en particulier lorsque des entreprises veulent venir s'installer sur le territoire de leur commune - vous savez, madame la ministre, combien c'est important pour le développement et la revitalisation du tissu rural - car les chefs d'entreprise doivent alors assumer des coûts très importants en ce qui concerne la défense incendie.
Bien évidemment, ils se retournent vers les maires, qui, eux, n'ont pas les moyens financiers de répondre à leurs demandes. Ainsi, le cas où, malheureusement, des entreprises ne veulent pas, ou ne peuvent pas, s'installer dans ces zones-là parce qu'elles n'ont pas les moyens financiers de faire face à cette réglementation, se rencontre de plus en plus fréquemment.
Madame la ministre, aujourd'hui, vous allez répondre à des milliers de maires inquiets, qui ne savent pas comment faire. Certes, chacun est de bonne foi dans cette affaire, mais il va falloir que nous nous réunissions afin que cesse cette partie de ping-pong. Les maires sont désabusés par les réponses des SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours, qui, composés de techniciens, remplissent leur mission en voulant la meilleure défense incendie possible sur l'ensemble du territoire.
Comment sortir de cette impasse ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le sénateur, la question que vous posez est importante, parce qu'elle met en jeu deux principes essentiels de l'action du Gouvernement.
En premier lieu, je citerai la sécurité. Les exigences en matière de réseaux d'eau trouvent leur origine dans la nécessité, pour nos sapeurs-pompiers, de disposer, partout en France, notamment en zones rurales, de quantités d'eau suffisantes pour lutter contre les incendies dans les bâtiments d'habitation.
C'est donc, comme vous l'indiquez, la sécurité de nos concitoyens qui est aujourd'hui en jeu.
En second lieu, le Gouvernement doit veiller à ne pas freiner le développement des territoires ruraux par des règles mal adaptées à la situation vécue localement par les élus qui cherchent à faire vivre leurs communes et, plus largement, leur territoire. C'est tout l'enjeu de la circulaire de 1951, qui fixe les obligations en matière de réseaux d'eau et qui, parfois, entrave la construction en zone rurale.
Le Gouvernement en est conscient. C'est pourquoi je puis vous annoncer, ce matin, que le texte va être revu. Il s'agit, non pas de faire baisser notre niveau d'exigence en matière de sécurité, mais d'atteindre ce même niveau avec des moyens plus diversifiés et plus adaptés aux contraintes du monde rural.
Un groupe de travail technique a commencé à travailler sous la conduite du directeur de la défense et de la sécurité civiles. Il associe les professionnels du secours et les sapeurs-pompiers. Je souhaite que cette démarche technique indispensable soit placée sous le regard des élus, notamment des élus ruraux. Aussi M. Dominique de Villepin va-t-il créer un comité de pilotage pour qu'à chaque étape de la réflexion les maires et les conseillers généraux, mais aussi les parlementaires, soient associés à ce travail. Ce comité de pilotage sera installé et devra examiner les premiers résultats de cette démarche avant l'été.
Il va de soi, monsieur le sénateur, que le Gouvernement n'engagera pas une réforme aussi importante pour le monde rural sans donner aux élus l'occasion de faire valoir leur point de vue. Il est indispensable que nous arrivions ensemble à concilier la sécurité, que chacun souhaite voir assurée, et le développement rural, voulu également par tous. Soyez assuré que nous y veillerons.
M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.
M. Bernard Murat. Madame la ministre, vous avez apporté la réponse que tous les maires attendaient. Le remaniement du texte de la circulaire de 1951 sera déjà une première étape positive. Pendant trop longtemps, en effet, il nous a été objecté que ce texte était intangible.
Par ailleurs, la mise en place de ce comité de pilotage est la bienvenue. Ainsi, les élus pourront apporter leur expérience. Quant à moi, je pose dès à présent ma candidature, si cela est possible, pour faire partie de ce comité de pilotage.
reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 628, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, chacun, ici, se souvient que la canicule de l'été 2003 a eu des conséquences très graves, non seulement sur le taux de mortalité des personnes âgées, mais également pour un très grand nombre de bâtiments d'habitation situés sur l'ensemble du territoire national.
C'est ainsi que plusieurs dizaines de milliers de nos compatriotes ont eu à subir des désordres liés à la sécheresse et ont, fort logiquement, saisi les maires de leurs préoccupations, lesquels ont aussitôt adressé en préfecture des dossiers visant à reconnaître l'état de catastrophe naturelle pour leurs communes.
Après de longues tergiversations, le Gouvernement a finalement décidé, par un arrêté du 26 août 2004, soit un an après les faits, de déclarer sinistrées 1 365 communes sur un total de 6 973 demandes, soit moins de 20 % des communes concernées. Dans mon département, la Meuse, deux tiers des communes touchées par la sécheresse n'ont pas été concernées par cet arrêté et, dans d'autres départements, il est arrivé qu'aucune commune ne soit déclarée sinistrée.
La conséquence pratique de cet arrêté a minima consiste à laisser à la charge de plusieurs dizaines de milliers de propriétaires les frais de remise en état de leur habitation.
Dans la mesure où nous avons eu le sentiment que le nouveau dispositif sur lequel s'est appuyé le Gouvernement avait, en réalité, pour objet de réduire, autant que faire se peut, le nombre de communes éligibles, j'ai, avec plusieurs de mes collègues, déposé une proposition de loi visant à faire en sorte que, désormais, les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols constituent bien des effets d'une catastrophe naturelle et ce quelle qu'en soit l'intensité.
Cette initiative a suscité un très grand écho : dans de nombreux départements, des maires nous ont fait part de leur intérêt et de leur appui.
Le groupement des entreprises mutuelles d'assurances vient également de réclamer une loi contenant les définitions précises des incidents susceptibles d'être indemnisés, s'inquiétant « des décisions parfois arbitraires prises en la matière par le Gouvernement ».
Devant l'avalanche de protestations suscitée par l'arrêté du 24 août 2004, un second arrêté a été signé, le 1er février dernier, permettant à 873 nouvelles communes de se voir reconnaître l'état de catastrophe naturelle. Je regrette qu'aucune commune meusienne ne soit concernée par cet arrêté, alors que dix-huit d'entre elles attendent toujours ce classement.
Madame la ministre, il reste encore, au plan national, 4 735 communes dont les habitants ne seront toujours pas indemnisés.
Or, je rappelle que les désordres dont les biens sont atteints sont parfaitement visibles et vérifiables et que les propriétaires bénéficient d'une garantie d'assurance au titre des catastrophes naturelles pour laquelle ils payent une surprime : ils se demandent, quelquefois, à quoi peut bien servir cette garantie si elle ne peut être mise en jeu.
Cette affaire est d'autant plus incompréhensible que, par le passé, la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle n'a pratiquement jamais posé de problème.
Je souhaiterais donc, madame la ministre, que soit édictée une procédure simple, claire et précise afin que toutes les personnes dont les biens ont subi des dommages puissent enfin être indemnisées.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le sénateur, je veux d'abord saluer l'intérêt que vous portez depuis le début à ce dossier et votre investissement personnel au service des habitants des communes de votre département touchées par la sécheresse de l'été 2003.
Cette situation mobilise non seulement un grand nombre de parlementaires et d'élus locaux, mais également, sachez-le, le Gouvernement. Je suis, comme vous, très sensible à la situation de nombreuses personnes dont les habitations ont été endommagées, parfois très sérieusement, par la sécheresse de l'été 2003.
En juin 2004, vous aviez déjà interrogé mon prédécesseur, qui, en application des orientations fixées par Dominique de Villepin, vous avait annoncé l'assouplissement des critères établis en 2000. Sans cet assouplissement, monsieur le sénateur, aucune reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle n'aurait été possible. Je voudrais aujourd'hui compléter cette réponse.
Les nouveaux critères annoncés à l'époque ont permis la reconnaissance de 2 248 communes, par les arrêtés interministériels que vous avez évoqués du 26 août 2004 et du 1er février 2005, ce qui porte le taux de reconnaissance à 31,5 %. L'instruction des dossiers en cours devrait permettre de porter le nombre des communes reconnues à près de 3 000 et le taux de reconnaissance à plus de 40 %.
Mais, comme Dominique de Villepin et moi-même avons déjà eu l'occasion de le dire ici même, cela est à nos yeux encore insuffisant.
La logique des critères retenus jusqu'à présent n'a pas permis de reconnaissance dans certaines parties du territoire, pourtant parfois sévèrement affectées par la sécheresse de l'été 2003. Dans le département de la Meuse, par exemple, une seule commune a pu être reconnue alors que trente-quatre ont présenté une demande.
C'est pourquoi, avec l'accord du Premier ministre, le ministre de l'intérieur a retenu une nouvelle démarche. II souhaite que tous les dossiers puissent être réexaminés sur le fondement d'un examen individualisé de chaque situation.
Pour cela, un nouveau chantier a été engagé : le Premier ministre a confié à quatre grands corps d'inspection de l'Etat la mission d'expertiser les conclusions des travaux rendus par l'un d'entre eux, le 15 février dernier, au ministre de l'intérieur. Nous analysons actuellement ces conclusions, qui nous permettront de définir une méthode totalement nouvelle de mesure de la gravité des dommages subis par les habitations et de leurs liens précis avec la sécheresse de l'été 2003.
Ce travail est aujourd'hui près d'aboutir.
Dès que nous aurons arrêté cette nouvelle méthode, nous adresserons aux préfets des instructions qui leur permettront de lancer sans délai la procédure de réexamen. Nous serons alors, monsieur le sénateur, en mesure d'apporter une réponse définitive à tous ceux qui ont été les victimes de cette sécheresse exceptionnelle de l'été 2003.
Le Gouvernement a pris connaissance avec beaucoup d'attention de la proposition de loi que vous avez déposée le 12 août 2004, monsieur le sénateur, avec plusieurs de vos collègues. Cette proposition tend à reconnaître l'ensemble des phénomènes de sécheresse, quelle que soit leur intensité.
Nul ne peut méconnaître le caractère généreux de votre démarche, fondée sur le souci de venir en aide, à l'avenir, aux victimes de phénomènes semblables à celui de l'été 2003.
Toutefois, l'adoption de ce texte remettrait en cause toute l'architecture de notre système d'indemnisation des catastrophes naturelles.
Tout d'abord, en effet, en permettant la reconnaissance systématique de tout phénomène de sécheresse, votre proposition de loi risquerait de favoriser les effets d'aubaine et de permettre l'indemnisation de dommages qui n'ont pas de rapport direct avec le phénomène naturel en cause.
Ensuite, ce texte constituerait une inflexion importante de l'esprit de la loi du 13 juillet 1982. Le régime qu'elle prévoit repose en effet sur le caractère anormal d'un agent naturel et exclut par conséquent toute reconnaissance systématique. Une telle évolution pourrait se traduire par un relâchement de l'effort que chacun doit accomplir en matière de prévention pour faire face aux catastrophes naturelles.
L'approche proposée par Dominique de Villepin permettra donc bien d'apporter une réponse adaptée aux situations douloureuses vécues par certains de nos concitoyens, et ce sans dénaturer l'esprit de ce régime qui, depuis 1982, a permis de faire face aux catastrophes naturelles ayant touché notre pays.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Madame la ministre, je constate que nous faisons cause commune. Vous m'avez habilement laissé entendre que j'étais allé un peu loin dans ma proposition de loi. En vous écoutant, j'avais déjà l'impression d'en débattre et d'accepter un amendement. Cela viendra peut-être !
Du fait de la présence de mines, notre région, peut-être plus que d'autres, est sensibilisée au problème des bâtiments d'habitation qui se lézardent ou qui s'effondrent.
Lorsqu'un deuxième phénomène survient, comme la sécheresse, les conséquences sont d'autant plus fortes et les préoccupations des habitants d'autant plus intensives.
Je me réjouis qu'il soit possible de définir une nouvelle méthode d'indemnisation qui ne provoque pas, comme vous le disiez à l'instant, d'effets d'aubaine. Tel n'est pas, en effet, l'objectif. J'espère, madame la ministre, que vous trouverez la solution appropriée.
droit d'expression des élus locaux dans les bulletins d'information communaux
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, auteur de la question n° 657, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
M. Yves Détraigne. Madame la ministre, je souhaite rappeler que l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales, introduit par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, précise : « Dans les communes de 3 500 habitants et plus, lorsque la commune diffuse, sous quelque forme que ce soit, un bulletin d'information générale sur les réalisations et la gestion du conseil municipal, un espace est réservé à l'expression des conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale. »
Dans son interprétation littérale, cette disposition signifie que seuls les conseillers minoritaires ont la possibilité de s'exprimer dans les bulletins d'information générale, ce qui ne semble pas correspondre à l'esprit qui animait le législateur quand il a voté cette disposition.
En effet, il ressort des débats qui ont eu lieu tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat lors de l'examen de cette loi - je l'ai vérifié récemment - que le Parlement souhaitait au contraire que toutes les composantes de l'assemblée municipale puissent s'exprimer.
Dans la mesure où, en s'appuyant sur le texte de l'article L. 2121-27-1, des élus de l'opposition de certaines communes- je l'ai constaté dans deux ou trois communes de mon département -, contestent aux élus de la majorité le droit à un espace de libre expression dans les bulletins municipaux, je souhaiterais que vous me précisiez, madame la ministre, si seuls les conseillers minoritaires ont droit à un espace réservé à leur expression ou si toutes les tendances du conseil municipal peuvent en bénéficier.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur l'interprétation à donner de l'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales, qui accorde en effet aux conseillers municipaux n'appartenant pas à la majorité municipale le droit de disposer d'un espace d'expression dans les bulletins d'information générale diffusés par les communes de 3 500 habitants et plus.
Ce droit, qui résulte de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, vient s'ajouter à ceux qui ont déjà été reconnus aux élus minoritaires par la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République pour faciliter l'exercice de leur mandat électif, comme leur représentation dans les différentes commissions municipales et la mise à disposition d'un local administratif.
S'agissant du droit d'expression des élus minoritaires dans les bulletins municipaux, il a été reconnu et généralisé pour l'ensemble des communes de 3 500 habitants et plus, alors que, avant 2002, il dépendait du maire et de sa majorité.
Pour autant, cette mesure, qui garantit le caractère pluraliste des opinions émises dans ces supports d'information, n'a ni pour objet ni pour effet de priver les élus majoritaires de leur droit d'expression sur les affaires communales dont le bulletin se fait l'écho.
En tout état de cause, les bulletins municipaux rendent compte des événements de la vie communale et des actions menées dans la commune, sous l'égide du maire, par sa majorité. Ils ont donc, par définition, vocation à permettre à la majorité municipale d'exercer son droit d'expression.
Cependant, si le législateur n'a pas jugé nécessaire de consacrer ce droit d'expression pour tous les conseillers municipaux, rien, monsieur le sénateur, ne s'oppose à ce que les bulletins diffusés par les communes comportent un espace pour les élus de la majorité. Ainsi, le tribunal administratif de Dijon a considéré, dans un jugement du 27 juin 2003, que les dispositions législatives, si elles prévoient un espace réservé aux conseillers n'appartenant pas à la majorité, ne font pas obstacle à ce que les pages des publications municipales créées à cet effet soient également ouvertes aux conseillers de la majorité municipale.
L'opposition d'une commune de plus de 3 500 habitants n'est donc pas donc pas fondée à contester ce droit à la majorité.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Je vous remercie, madame la ministre, de la clarté de votre réponse.
Curieusement, cet article, qui avait effectivement vocation à permettre l'expression pluraliste dans les bulletins municipaux, était interprété, dans certaines communes, heureusement pas dans la majorité d'entre elles, d'une manière tout à fait restrictive.
Votre précision, madame la ministre, lèvera, je le pense, toutes les ambiguïtés.
conditions de versement de l'apl
M. le président. La parole est à M. André Rouvière, auteur de la question n° 655, adressée à M. le ministre délégué au logement et à la ville.
M. André Rouvière. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'appelle une nouvelle fois votre attention, comme je l'ai déjà fait dans une question écrite au mois de novembre l'année dernière, sur les conséquences particulièrement injustes de l'arrêté du 30 avril 2004 fixant à 24 euros par mois le seuil en dessous duquel l'aide personnalisée au logement, l'APL, n'est plus versée.
De nombreux ménages figurant parmi les plus modestes sont ainsi frappés par cette mesure qui, sur douze mois, les prive d'une ressource non négligeable au regard de leur situation matérielle et financière.
Le Gouvernement pourrait pourtant facilement décider, par exemple par arrêté, que les versements mensuels inférieurs à 24 euros soient réglés par trimestre ou par semestre.
Cet arrêté du 30 avril 2004 soulève, à mon sens, au moins deux interrogations.
Tout d'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, cet arrêté est-il légal ? Un arrêté peut-il limiter la portée d'une loi ? C'est en effet bien de cela qu'il s'agit : cet arrêté prive les plus démunis d'une partie de l'aide prévue par la loi.
Ensuite, ma deuxième interrogation est d'ordre moral. Il est en effet choquant, voire révoltant, que le Gouvernement réduise les impôts des moins démunis et, dans le même temps, supprime l'APL des plus défavorisés. Monsieur le secrétaire d'Etat, comment pouvez-vous accepter une telle injustice ?
J'ai sous les yeux une lettre du Médiateur de la République, qui, sans que je l'aie sollicité, m'a spontanément fait connaître son opinion après avoir lu la question écrite que j'avais déposée. Vous connaissez le contenu de cette lettre, car vous l'avez reçue, monsieur le secrétaire d'Etat, mais j'en lirai seulement deux paragraphes.
Le Médiateur de la République écrivait : « Cette réglementation, qui paraît poursuivre un objectif louable de bonne gestion administrative, est vécue par les personnes concernées comme un déni de droit. Elle entraîne, en effet, à leur encontre, des conséquences inéquitables en privant des personnes ou des familles, qui disposent de revenus modestes, d'une prestation d'un montant non négligeable, puisqu'il peut atteindre 288 euros par an. »
Il poursuivait : « Afin de rétablir l'équité, le Médiateur de la République demande que soit étudiée la possibilité de mettre fin à la règle de non-octroi des allocations de logement inférieures à un certain niveau. »
Monsieur le secrétaire d'Etat, je me permets de vous renouveler cette question en espérant que votre réponse sera différente de la réponse écrite que vous m'avez déjà adressée.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser M. Marc-Philippe Daubresse, qui est absent pour raison de santé.
Je tiens tout d'abord à vous rappeler la volonté du Gouvernement de manière générale de réévaluer en fonction de l'inflation l'ensemble des aides publiques ainsi que les barèmes d'impôt. Cela implique que soient revalorisés non seulement les montants mais aussi les seuils de non-paiement, tant pour les impôts que pour les allocations. C'est ce qui a été fait pour l'APL.
La difficulté, que Marc-Philippe Daubresse mesure bien et que le Médiateur de la République décrit dans son courrier, que le Gouvernement a également reçu, est que la revalorisation portait sur les années 1988 à 2004 et qu'il a fallu rattraper plus de quinze ans sans actualisation. Je pense que vous le savez. En cela, l'arrêté est conforme au principe législatif. Cela ne signifie pas pour autant que cette question ne doive pas être étudiée d'un point de vue législatif.
C'est la raison pour laquelle M. Marc-Philippe Daubresse a mis en place, en lien avec la caisse d'allocations familiales, très concernée par ces questions d'aide à la personne en matière de logement, un groupe de travail qui, avant l'été, doit examiner la question de la réorganisation et de la revalorisation de l'APL.
Dans son esprit, il va de soi que cette question du seuil de non-paiement même si, éventuellement, l'on décide de modifier le cadre législatif du principe d'un tel seuil, puisse être examinée.
Je veux maintenant vous apporter deux précisions d'ordre général.
Tout d'abord, ce sont bien les aides les plus faibles qui ne sont pas versées. Or, généralement, plus le ménage perçoit des revenus modestes, plus le montant de l'aide est élevé. Par conséquent, ce ne sont pas les ménages les plus modestes qui sont pénalisés par ce mécanisme. Je livre cette réflexion mathématique à votre sagacité, que je ne mésestime pas.
Ensuite, il n'y a aucun recul des moyens engagés par l'Etat. A peu près 6 100 000 ménages bénéficient de l'APL depuis l'arrêté du 30 avril 2004, pour un montant de 5 milliards d'euros.
Mais ces remarques ne retirent rien à la justesse de votre propos sur l'éventualité d'un réajustement. M. Marc-Philippe Daubresse consulte d'ailleurs actuellement la CAF et l'ensemble des partenaires sur ce sujet.
Une réponse sera donc apportée d'ici à l'été de manière générale sur la revalorisation de l'APL.
M. le président. La parole est à M. André Rouvière.
M. André Rouvière. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne veux pas polémiquer. Vous dites que les bénéficiaires de l'APL ne sont pas forcément les plus défavorisés. C'est peut-être exact, mais je ne pense pas qu'ils soient les plus favorisés, sinon ils ne percevraient pas l'APL.
Votre réponse marque néanmoins un léger progrès par rapport à la première que vous m'aviez apportée.
Qui que nous soyons, nous nous grandissons en reconnaissant nos erreurs. Je souhaite que le Gouvernement répare la sienne qui plus qu'une erreur est une grave injustice.
Alors que la loi accorde une aide à des personnes qui, si elles ne sont pas les plus défavorisées, figurent parmi les plus défavorisées, je suis choqué sur le plan moral qu'un arrêté puisse limiter cette aide.
Je m'interroge aussi d'un point de vue légal. Un arrêté peut-il limiter la portée d'une loi ? Je ne suis pas convaincu que vous ayez raison.
Je souhaite que ce petit pas ne soit que le premier parmi d'autres et que, dans quelque temps, je puisse spontanément vous remercier d'avoir revu votre position.
sécurité dans les établissements pénitentiaires
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, auteur de la question n° 661, transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Roger Karoutchi. Madame la secrétaire d'Etat, la découverte récente d'explosifs au sein de la maison d'arrêt de La Santé lors de fouilles relance l'idée que la sécurité dans les prisons est incertaine, difficile à assurer. Les détenus utilisent tous les moyens pour faire entrer en prison des explosifs, des lames de scies, des armes. On a trouvé de nombreux objets lors des contrôles, qui sont devenus assez réguliers depuis quelques mois.
Le contrôle est devenu de ce fait beaucoup plus difficile pour le personnel assurant la sécurité de ces établissements.
Les lacunes résultent tout aussi bien du manque relatif du personnel de surveillance que de la difficulté de mise en oeuvre des moyens techniques existants.
En effet, si les prisons sont équipées de portiques de détection d'objets métalliques, rien ne permet, en revanche, d'identifier la présence d'explosifs.
Cette situation est à la fois dangereuse pour la population vivant à proximité de ces établissements pénitentiaires, qui n'est pas à l'abri d'une évasion des détenus ou d'incidents, et pour les surveillants de prison.
Le rapport remis le 20 juillet 2001 par le directeur régional des services pénitentiaires de Paris, à la suite des graves événements qui étaient survenus à la prison de Fresnes, préconisait des réponses efficaces et réalistes s'appuyant sur deux axes, la sécurité active et la sécurité passive.
L'ensemble des réflexions issues du groupe de travail prenait également appui sur un certain nombre d'observations résultant de voyages d'études effectués dans divers pays européens, tels l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni.
Madame la secrétaire d'Etat, après ce rapport, un certain nombre de mesures avaient été prises.
Pouvez-vous d'ores et déjà préciser à la Haute Assemblée ce qu'il est advenu de ce rapport et si ces préconisations ont été suivies d'effet ? Et, si oui, comment se fait-il que, quelques années plus tard, nous soyons de nouveau confrontés au même problème ? Pouvez-vous apporter des réponses à la fois pour le personnel de surveillance des établissements pénitentiaires et pour tous les Français qui résident à proximité de tels établissements ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Monsieur le sénateur, Dominique Perben, retenu par des obligations, m'a chargée de vous présenter ses excuses et de vous apporter les éléments de réponse suivants.
Dès sa nomination en qualité de garde des sceaux, il a souhaité donner à l'administration pénitentiaire les moyens de remplir sa mission de sécurité publique dans les meilleures conditions.
La mission première de l'administration pénitentiaire consiste en effet à protéger nos concitoyens et à maintenir la sécurité publique dans le respect des règles d'un Etat de droit.
La mise en oeuvre d'une politique ambitieuse dans le domaine de la sécurité pénitentiaire passe non seulement par l'obtention de moyens supplémentaires, prévus dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, mais aussi par une politique volontariste.
En premier lieu, dans le cadre de la loi précitée, d'importants moyens nouveaux ont été mis en oeuvre pour renforcer la sécurité dans les prisons.
La sécurité périmétrique a été valorisée par l'amélioration des infrastructures.
Ainsi, la politique de mise aux normes des miradors est poursuivie. Un effort considérable est en cours de réalisation en faveur des maisons centrales et des maisons d'arrêt les plus importantes. Des glacis sont progressivement mis en place à l'extérieur des établissements afin de sécuriser les abords.
Par ailleurs, la sécurité électronique s'est développée au cours de l'année écoulée.
Ainsi, les établissements sont progressivement équipés d'appareils de radiocommunication couplés avec un système d'alarme.
Des tunnels d'inspections à rayons X sont installés chaque année avec l'objectif de doter tous les sites en 2007 et neuf établissements ont été équipés en 2004.
Le brouillage des téléphones portables constitue une priorité. Les quartiers disciplinaires et d'isolement des structures les plus sensibles ont été équipés depuis 2003. Au total, trente sites ont ainsi été dotés.
Progressivement, tous les établissements seront pourvus d'un système de contrôle biométrique des détenus à l'occasion des parloirs, afin de lutter contre les évasions par substitution. A titre d'exemple, les grands établissements de la région parisienne sont d'ores et déjà tous équipés.
D'autres orientations de la loi d'orientation et de programmation pour la justice concourent au renforcement de la sécurité. Il s'agit de programmes de construction, de créations d'emploi de personnels à l'administration pénitentiaire et du recours à la visioconférence.
En second lieu, la sécurité des établissements a été renforcée grâce à une politique volontariste sur le terrain et par de nouveaux outils.
Il s'agit, tout d'abord, de la pérennisation des opérations de fouille générale, dont le ministre de la justice a annoncé le principe au mois de mars 2003.
Dorénavant, tous les établissements sont concernés selon un plan annuel comprenant une quarantaine de sites. A ce jour, quatre-vingts fouilles ont été organisées dans les établissements pénitentiaires.
Il s'agit, ensuite, des équipes régionales d'intervention et de sécurité, les ERIS, créées par circulaire du 27 février 2003. Elles interviennent pour prévenir des mouvements collectifs ou individuels et pour sécuriser certains transferts de détenus dangereux.
Les ERIS ont réalisé près de six cents opérations d'envergure, essentielles pour le maintien de la sécurité des personnes et de l'ordre.
Il s'agit également de la création d'une sous-direction de l'état-major de sécurité visant à regrouper tous les services de l'administration centrale ayant à connaître des questions de sécurité pénitentiaire. Sa mise en place vise à augmenter la capacité de réaction et d'anticipation de la Direction de l'administration pénitentiaire.
Placée sous l'autorité directe du directeur de l'administration pénitentiaire, elle est organisée en trois bureaux à vocation très opérationnelle, le bureau de la gestion de la détention, le bureau de la sécurité pénitentiaire et le bureau du renseignement pénitentiaire
Il s'agit, enfin, de la réalisation, au sein de l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire, d'un bâtiment exclusivement consacré à la formation aux gestes professionnels, afin de mieux former les personnels à l'exercice quotidien de leurs missions.
Cette politique ambitieuse, que Dominique Perben mène depuis plus de deux ans et demi, a d'ores et déjà porté ses fruits. Le nombre d'évasions sous garde pénitentiaire, par bris de prison, violence, ruse ou lors d'une consultation médicale, a diminué ces dernières années. Il s'élevait à 31 en 2001, à 18 en 2003 et à 17 en 2004. Cet effort sera poursuivi.
Certaines mesures correspondent à la mise en oeuvre de celles qui sont préconisées dans le rapport auquel vous faites allusion, monsieur le sénateur, mais les actions entreprises par le ministère de la justice vont bien au-delà.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Madame la secrétaire d'Etat, toutes ces dispositions vont dans le bon sens. J'ai été confronté à des difficultés semblables dans la ville où je suis élu. Le fait de construire une maison d'arrêt, une maison centrale, pose beaucoup de problèmes à la population.
Si nous voulons construire plus facilement des établissements pénitentiaires sans réaction de la population, il faut à la fois poursuivre l'humanisation à l'intérieur des prisons et développer la sécurité tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Ces deux éléments sont indispensables.
Madame la secrétaire d'Etat, vous avez cependant bien fait de nous rappeler les principaux éléments de la politique du Gouvernement en la matière.
meilleure couverture de tous les territoires en téléphonie mobile
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, en remplacement de M. Jean Boyer, auteur de la question n° 665, adressée à M. le ministre délégué à l'industrie.
M. Claude Biwer. Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de notre collègue Jean Boyer, qui m'a demandé de le représenter ce matin. Je le fais d'autant plus volontiers que j'aurais pu moi-même poser cette question orale, tant les difficultés que connaît son département, la Haute-Loire, ressemblent à celles auxquelles je suis confronté dans mon département, la Meuse. En matière de téléphonie mobile et d'Internet à haut débit, ce sont souvent les départements ruraux qui sont les moins adaptés à ce jour. Tel est bien le cas de ceux que nous représentons l'un et l'autre.
S'agissant de la téléphonie mobile, des avancées significatives, en partenariat avec les collectivités territoriales et les différents opérateurs, ont été engagées d'une manière exceptionnelle, multipliant ainsi les projets destinés à la mise en place de relais de transmission dans les zones dites « blanches ».
Sans l'initiative gouvernementale, que je tiens à saluer, sans la définition d'un accord entre les trois opérateurs présents sur le marché mais également avec le concours, souvent décisif, des collectivités territoriales - des départements en particulier mais aussi, très souvent, des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale -, le désenclavement autour de la téléphonie mobile n'aurait pu voir le jour.
Cependant, madame la secrétaire d'Etat, l'inquiétude va grandissant concernant les zones dites « grises », c'est-à-dire les zones où, pour l'instant, un seul opérateur téléphonique intervient, car, ces zones n'étant de ce fait plus considérées comme prioritaires, elles pourraient devenir demain de véritables zones d'ombre sur la carte de France, ce qui limiterait considérablement leur accessibilité.
Or, à l'image du haut débit, la téléphonie mobile avec ses innovations technologiques sans cesse renouvelées participe non seulement au développement économique mais également à l'attractivité des territoires, quels qu'ils soient. Inutile de préciser que, si ces technologies sont absentes ou défaillantes, les entreprises qui ne peuvent en bénéficier auront tôt fait de s'implanter ailleurs, sous des cieux plus cléments !
Sans une bonne couverture par tous les opérateurs, des pans entiers de nos espaces les plus fragiles, en particulier les zones de montagne, auxquelles j'ajouterai certaines zones de plaine très éloignées des centres urbains, seront pénalisés et risquent une nouvelle fois de subir les conséquences cumulatives de nombreux handicaps.
Pour toutes ces raisons, je vous serais reconnaissant, madame la secrétaire d'Etat, de bien vouloir préciser quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour que les zones dites « grises » puissent bénéficier de la couverture de tous les opérateurs présents sur le marché à partir d'un seul pylône, évitant ainsi une démultiplication des équipements et favorisant l'accessibilité de tous les usagers à cette nouvelle technologie.
Par ailleurs, pourriez-vous nous indiquer quelles sont les mesures rationnelles et efficaces que le Gouvernement compte adopter afin qu'il n'y ait pas une démultiplication d'initiatives isolées ?
Madame la secrétaire d'Etat, dans ce domaine de la téléphonie mobile mais aussi de l'Internet à haut débit, il ne faudrait pas que les zones « grises » d'aujourd'hui deviennent demain des zones totalement « blanches ».
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser M. Devedjian, qui est retenu par des obligations.
Comme vous l'avez très bien rappelé, un plan de couverture des zones « blanches », c'est-à-dire des zones dans lesquelles il n'y a aucun opérateur, a été engagé sur l'initiative du Gouvernement.
Une convention nationale pour la couverture en téléphonie mobile des zones « blanches » a ainsi été signée le 15 juillet 2003 entre l'Autorité de régulation des télécommunications, l'Assemblée des départements de France et l'Association des maires de France, les trois opérateurs et le Gouvernement.
Cette convention nationale prévoit l'équipement, en deux phases, d'environ 2 000 sites permettant de couvrir 3 000 communes.
Ce plan commence à porter ses fruits. Au 1er février 2005, 673 sites de la phase I avaient fait l'objet d'un accord entre opérateurs et collectivités territoriales sur leur lieu d'implantation ; 53 protocoles départementaux étaient signés, 50 infrastructures étaient mises à disposition d'opérateurs par les collectivités et 32 sites étaient ouverts commercialement.
Le problème des zones « grises » se pose de façon très différente de celui des zones « blanches », puisque, par définition, les zones « grises » sont déjà couvertes par un opérateur qui a pris le risque d'y investir.
Le plan de couverture des zones « blanches » constitue une première incitation pour les opérateurs à investir dans les zones « grises » afin d'assurer la continuité de leur service sur le territoire.
En outre, les nouvelles obligations de couverture retenues par le Gouvernement dans le cadre du renouvellement des licences de Orange et de SFR obligeront les opérateurs à assurer une couverture de 99 % de la population métropolitaine en 2006, contre 90 % actuellement, ainsi que la couverture des axes routiers principaux de chaque département. La mise en oeuvre de ces obligations diminuera donc de fait l'ensemble des zones « grises » sur le territoire.
Enfin, l'utilisation par plusieurs opérateurs des mêmes pylônes est tout à fait envisageable pour les zones « grises ». Il s'agit d'ailleurs d'une pratique largement développée chez les opérateurs afin d'éviter la démultiplication des équipements.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie des précisions que vous avez apportées.
J'ai relevé que vous annonciez une couverture de 99 % de la population. On parle souvent d'une couverture de 80 %, 85 % ou 90 % - peu importe le chiffre - du territoire, en oubliant le terme de « population ». Or, population ou territoire, ce n'est pas pareil.
Nous plaidons aujourd'hui la cause du territoire. Il est bien évident que toutes les villes sont équipées - même si, pour y circuler, nous savons que, même à Paris, il y a parfois des ruptures de réseau -, alors que les territoires ruraux sont souvent laissés de côté.
Je me réjouis que l'accompagnement gouvernemental se poursuive. C'est une incitation à relancer le débat afin que l'on puisse bientôt communiquer de manière plus moderne sur l'ensemble du territoire !
Gaz de France et sécurité des ouvrages gaz
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, auteur de la question n° 658, adressée à M. le ministre délégué à l'industrie.
Mme Michelle Demessine. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite interroger le Gouvernement au sujet de la sécurité des ouvrages gaz, sécurité qui est sous la responsabilité de notre entreprise nationale Gaz de France.
Gaz de France a su faire face par le passé à des défis technologiques et financiers importants, mais il faut bien constater que cette entreprise nationale fonde depuis plusieurs années sa gestion sur le seul critère de rentabilité, cela afin de se présenter comme une entreprise attractive pour les capitaux privés, mais aux dépens de ses missions de service public.
Et, de fait, l'explosion qui, le 26 décembre dernier, a fait dix-sept morts à Mulhouse résulte selon toute vraisemblance de la cassure d'une canalisation en fonte. Cet accident, après ceux de Dijon, en décembre 1999, de Toulouse, en novembre 2002, et de Beaurain, en décembre 2003, sans compter un nombre important de cassures et d'explosions, met en exergue l'urgente nécessité d'éliminer les fontes cassantes du réseau de Gaz de France.
Dès 1970, ce type de canalisation n'était plus autorisé, et les techniciens de GDF mettaient en évidence la nécessité d'éliminer les anciennes fontes cassantes, en commençant par les plus dangereuses pour les personnes et pour les biens.
Ce problème bien connu de la direction, à la suite des interpellations des représentants du personnel au début des années quatre-vingt-dix, a fait l'objet d'un engagement par le conseil d'administration de GDF d'éliminer totalement ces fontes à l'horizon 2000. Ainsi, 1 600 kilomètres ont été renouvelés en 1992 et 1 700 kilomètres en 1993.
Puis, sur décision interne, la longueur renouvelée a chuté. Pis, le conseil d'administration décide en 1996 de ne renouveler que sur risque calculé ! Les longueurs renouvelées passent de 900 kilomètres en 1997 à 650 kilomètres seulement en 1999. Malheureusement, nous connaissons le résultat : on compte aujourd'hui les morts.
Cette attitude, qui fait fi de la sécurité des citoyens, conduit GDF à consacrer 2 milliards d'euros au financement d'activités internationales en 2002, mais à n'affecter la même année que 136 millions d'euros au renouvellement des fontes alors que 600 millions d'euros suffisaient pour éliminer les 6 200 kilomètres subsistant en 1999.
La situation est d'autant plus grave que, lors du conseil d'administration du 26 janvier dernier, les représentants de la direction GDF et la représentante du ministère de l'industrie ont refusé toute accélération du programme de renouvellement, en rejetant la responsabilité sur les villes au prétexte qu'elles n'acceptent pas l'ouverture des chantiers.
Bien que le Gouvernement ait abandonné aux lois du marché un bien de la nation en le convertissant en société anonyme, l'Etat reste l'actionnaire unique de Gaz de France, madame la secrétaire d'Etat.
Par ailleurs, nous vous rappelons que l'Etat est le garant de la sécurité publique.
En conséquence, nous demandons au Gouvernement d'intervenir auprès de GDF afin d'éliminer le plus vite possible de ses réseaux la totalité des fontes cassantes, ainsi que toutes les canalisations dangereuses.
Le second problème, et ce n'est pas le moindre, tient à ce qu'une très grande partie des accidents dus au gaz relèvent des installations dans les logements.
Le contrôle de ces installations dépend depuis 1992 d'un organisme de droit privé. Il en résulte que le contrôle n'est obligatoire que pour les seules installations neuves, que ce contrôle est payant pour l'usager et les installations anciennes, et que les changements d'occupants se faisant en « libre service » y échappent.
Or il est devenu indispensable de rendre ce contrôle obligatoire et systématique tous les dix ans. Son intégration dans le contrat de GDF garantirait la périodicité des contrôles et la sécurité des biens et des personnes sur le territoire national. Ce ne sont pas les élus de cette assemblée qui me contrediront, en particulier ceux qui ont la responsabilité d'une collectivité territoriale.
Ces situations particulièrement préoccupantes nous conduisent à nous interroger sur le niveau de qualité de la maintenance pratiquée sur l'ensemble des ouvrages de ce service public, maintenance prévue, je le rappelle, dans le cahier des charges de distribution publique auprès des autorités concédantes que sont les collectivités locales.
A cet égard, différentes informations sont également inquiétantes.
Ainsi, on constate un important accroissement des agressions subies par les ouvrages enterrés, du fait de la suppression des surveillants de chantiers et d'une cartographie de plus en plus défaillante.
On assiste également à une diminution des effectifs à travers de multiples réformes de structures qui éloignent de plus en plus les techniciens des ouvrages concernés.
Les formations techniques sont de moins en moins fréquentes : alors que seules les écoles de métiers de GDF dispensaient les connaissances nécessaires, elles ont été supprimées.
Le suivi des ouvrages impose des visites périodiques, mais celles-ci sont de plus en plus espacées. Or cet espacement ne permet plus une connaissance réelle de l'évolution des ouvrages.
Enfin, l'accroissement de la sous-traitance conduit à une diminution de la qualité des réalisations, à l'augmentation des coûts et, simultanément, à une perte de compétence au sein de l'entreprise.
Cette dégradation progressive de l'ensemble de la politique de maintenance des ouvrages de la distribution du gaz résulte d'une adaptation systématique de la politique aux moyens que l'on décide d'accorder et non d'une définition des besoins en partant des missions de service public.
C'est la conception même de la sécurité qui doit être remise en cause. L'entreprise Gaz de France avait d'ailleurs été critiquée par la commission d'enquête sur la sûreté des installations industrielles et des centres de recherche et sur la protection des personnes et de l'environnement en cas d'accident industriel majeur, qui, dans son rapport paru en 2002, « considère que l'un des premiers objectifs à atteindre, pour évoluer vers des situations de risques socialement acceptables, est de faire reculer la culture du secret si fortement implantée dans l'entreprise, vis-à-vis tant des salariés que des populations extérieures ».
Il ne semble pas que GDF ait tenu compte des observations des parlementaires, bien au contraire, et le cas des fontes cassantes n'est malheureusement que la partie apparente de l'iceberg.
En conséquence, madame la secrétaire d'Etat, je vous demande de bien vouloir m'éclairer sur les dispositions que compte prendre votre gouvernement pour que Gaz de France respecte intégralement ses missions de maintenance, afin de préserver le devenir des ouvrages et de tout mettre en oeuvre pour garantir la sécurité de notre réseau et pour que les accidents que nous avons connus ne puissent plus se reproduire.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Madame la sénatrice, je vous demande de nouveau de bien vouloir excuser M. Devedjian, qui est retenu par un impératif.
Vous interrogez le ministre délégué à l'industrie sur le respect par Gaz de France de ses missions de maintenance et de surveillance de son réseau de distribution du gaz par canalisations en fonte cassante.
M. Devedjian me charge de vous dire à quel point il est comme vous extrêmement soucieux de toutes les questions de sécurité que vous évoquez.
A la suite du tragique accident de Mulhouse du 26 décembre dernier, Gaz de France s'est engagé à prendre d'urgence un certain nombre de mesures, en fixant pour objectif une résorption totale des fontes grises - soit 2 040 kilomètres répertoriés à la fin 2004 - pour la fin de l'année 2006 lorsqu'elles sont situées en zone sensible et pour la fin de l'année 2007 pour les autres.
Ces mesures seront inscrites dans le prochain contrat de service public entre l'Etat et Gaz de France.
Les autres distributeurs de gaz devront également accélérer leur programme de résorption.
Sur le terrain, les DRIRE, les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, suivront, en relation avec les responsables régionaux de Gaz de France, l'évolution de la résorption de ces canalisations.
Gaz de France s'est également engagé à faire surveiller ces canalisations trois fois par an au lieu d'une fois par an jusqu'à présent.
J'insiste sur le fait qu'il n'est pas possible de tout résorber en même temps sur la seule initiative de Gaz de France du fait de contraintes de voiries et de disponibilité des entreprises de BTP. Il revient donc aussi aux communes de faire des choix.
En ce qui concerne la sécurité des installations intérieures de gaz, les installations neuves, modifiées ou complétées doivent faire l'objet d'un contrôle par un organisme agréé par les pouvoirs publics.
Pour ce qui est des installations anciennes de gaz, un diagnostic portant sur leur sécurité sera bientôt imposé lors d'un changement de propriétaire. Cette disposition sera reprise par le ministre délégué au logement dans le cadre plus général de l'obligation d'établir un diagnostic immobilier ; les projets d'ordonnance et de décret sont en cours.
En outre, diverses actions sont actuellement menées par Gaz de France pour améliorer la sécurité des installations intérieures, notamment la réalisation de diagnostics portant sur leur sécurité, dans un cadre contractuel.
Enfin, plusieurs accidents récents ont été causés par le fonctionnement défectueux d'appareils à gaz, en particulier des appareils de cuisson. Nous avons proposé à la Commission européenne que la directive européenne applicable soit révisée à cet effet, notamment pour rendre obligatoire des systèmes automatiques de coupure en cas d'extinction de flamme.
prévention des innondations
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont, auteur de la question n° 649, adressée à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Ambroise Dupont. Ma question porte sur la coexistence de deux types de zones classées au titre de la prévention du risque d'inondation et sur les conséquences de ces deux classements sur la responsabilité des élus.
II existe deux types de classification des zones inondables. Le premier est intitulé « plan de prévention des risques d'inondation », mieux connu sous le nom de PPRI. Aux termes de la loi du 2 février 1995, ces PPRI doivent être mis en place à l'issue d'une concertation - trop souvent symbolique - entre les services de la direction départementale de l'équipement, la DDE, et les collectivités locales.
Cette classification interdit clairement aux maires et aux services d'urbanisme d'accorder un permis de construire ou tout autre certificat d'urbanisme au sein de ces zones, sauf à les assortir des conditions particulières prévues à l'article R. 421-38-14 du code de l'urbanisme.
La délivrance d'un permis de construire en méconnaissance des PPRI est de nature à entraîner la responsabilité pénale des élus, notamment sur le fondement de l'article 121-3, alinéa 3, et de l'article 223-1 du code pénal, qui sanctionnent les manquements à une obligation de sécurité mettant en danger la sécurité d'autrui.
Tout cela est clair, mais peu de ces PPRI sont aujourd'hui en place.
Le second type de zones soumises à un risque d'inondation est classifié au sein des atlas des zones inondables.
Ces atlas des zones inondables sont établis par les directions régionales de l'environnement, les DIREN, dans le cadre des obligations de l'Etat en matière de prévention des risques naturels majeurs prévues par le décret du 11 octobre 1990.
Ces documents portent à la connaissance des collectivités locales et du public les informations disponibles sur les risques d'inondation sous forme de textes et de cartes. Ils sont établis à partir des relevés des évènements historiques connus et d'études de modélisation. Ne faisant l'objet d'aucune concertation avec les élus locaux, ils font parfois l'objet de modifications importantes sans qu'aucun événement nouveau ne soit intervenu pour justifier l'extension des périmètres concernés et l'aggravation de l'aléa du risque envisagé. Ainsi, dans le Calvados, l'atlas des zones inondables, mis à jour en 2003, vient de connaître une nouvelle mise à jour en novembre 2004, qui étend les zones inondables bien au-delà du périmètre des plus hautes eaux et remplace, pour de nombreux secteurs, le classement zone alluviale à risque mal identifié par un classement zone inondable.
Les atlas des zones inondables recouvrent donc des zones très larges dans lesquelles les risques d'inondation ne sont souvent pas avérés, voire sont tout à fait improbables. Il est dès lors très difficile pour les maires d'en tenir compte, notamment pour refuser un permis de construire, sans entraîner un fort mécontentement général.
De plus, cette double classification crée une instabilité dans les informations portées à la connaissance des élus locaux et du public qui risque de décrédibiliser la politique générale en matière de prévention des risques majeurs.
Surtout, il semble qu'aux termes du décret du 11 octobre 1990 les seules obligations des maires découlant de ces atlas des zones inondables consistent en une information du public sur les risques encourus ; il n'incombe nullement aux maires de les prendre en compte lors de la délivrance des documents d'urbanisme.
Monsieur le ministre, je vous remercie de m'indiquer si les élus locaux et les maires qui ne tiennent pas compte des atlas des zones inondables, notamment lors de l'élaboration des documents d'urbanisme et de la délivrance des permis de construire, engagent leur responsabilité administrative, civile et surtout pénale de la même manière qu'en cas de méconnaissance des PPRI.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur les responsabilités des autorités locales compétentes en matière d'urbanisme qui ne tiendraient pas compte, lors de l'élaboration des documents d'urbanisme ou de la délivrance de permis de construire, des informations sur les risques d'inondation contenues dans les atlas des zones inondables.
Vous faites, à bon droit, la distinction entre deux types de documents qui n'ont ni la même valeur juridique ni, par conséquent, les mêmes implications en termes de responsabilités : d'une part, les plans de prévention des risques naturels prévisibles, servitudes d'utilité publique annexées aux plans locaux d'urbanisme et directement opposables aux tiers et, d'autre part, les atlas des zones inondables, documents purement informatifs qui comportent notamment une cartographie des phénomènes historiques recensés.
Cependant, comme le rappelle la circulaire ministérielle du 4 novembre 2003 relative à la politique de l'Etat en matière d'établissement d'atlas des zones inondables, ces derniers constituent des documents de référence pour la connaissance des phénomènes d'inondation. Il est d'ailleurs de la responsabilité de l'Etat de les porter à la connaissance des autorités locales pour que celles-ci les prennent en compte, en tant que de besoin, dans leurs décisions en matière d'urbanisme.
Par conséquent, bien que dépourvus de valeur réglementaire et ayant vocation à être actualisés ou enrichis avec le temps, ces atlas représentent, au moment de leur transmission, un certain état des connaissances sur les risques d'inondation. Ils doivent, à ce titre, contribuer à orienter la réflexion des collectivités territoriales sur le développement et l'aménagement de leur territoire au travers des documents d'urbanisme. Ils doivent également inciter ces mêmes collectivités à apprécier les conditions de délivrance des autorisations en droit des sols au regard des impératifs de sécurité publique, en application notamment de l'article R. 111- 2 du code de l'urbanisme.
Les responsabilités encourues par les autorités compétentes en matière d'urbanisme sont largement reconnues sur le plan administratif dans le cas où un permis de construire a été délivré sans tenir compte des risques connus.
En matière pénale, ne pas tirer de conclusion directe, dans le domaine de l'urbanisme, d'un atlas des zones inondables n'est pas en soi constitutif d'un manquement à une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement au sens de l'article 223-1 ou de l'article 121-3 du code pénal, comme le serait en revanche la violation d'une règle édictée par un plan de prévention des risques, un PPR.
En revanche, et j'insiste sur ce point, en application du même article 121-3 du code pénal, le juge pénal pourrait qualifier de faute caractérisée ayant exposé la vie d'autrui à un risque d'une particulière gravité qui ne pouvait être ignorée la délivrance d'un permis de construire dans une zone identifiée comme soumise à un risque d'inondation important.
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous avez apportées sur la classification et la hiérarchie des documents. Toutefois, il ne m'apparaît pas clairement que la vie des maires en sera simplifiée.
Aujourd'hui, les services de l'Etat, notamment la DDE, service instructeur en matière de documents d'urbanisme et de permis de construire, émettent purement et simplement un avis défavorable à toute construction qui se trouve ressortir de l'atlas des zones inondables.
On nous dit, année après année, que la carte évolue en fonction des travaux destinés à rendre constructibles des terrains aujourd'hui situés en zone dite inondable. Vous reportez ainsi un risque, puisque les travaux qui aboutissent à des remblaiements, dont on ne mesure pas toujours les effets, conduisent à créer de nouvelles zones inondables, lesquelles n'auront pas été signalées dans le précédent atlas ayant permis la délivrance du permis de construire.
Nous allons au devant de grandes difficultés et, s'il n'y a pas une lecture commune des services de l'Etat des divers documents établis dans ce domaine, les maires ne pourront pas facilement assumer la responsabilité qui leur est confiée.
Monsieur le ministre, les zones inondables figurent en rouge dans les PPRI. Il ne faudrait pas que ces atlas des zones inondables « rougissent » à la vitesse grand V, sous peine de bloquer tout développement.
mesures de prévention et d'alerte au tsunami en méditerranée
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 656, adressée à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Roland Courteau. Depuis le 26 décembre 2004 et le raz-de-marée qui a dévasté les rives de l'Asie du Sud, les populations qui résident à proximité des côtes s'interrogent sur l'existence d'un risque et sur le degré de protection dont elles sont susceptibles de bénéficier. Le problème se pose peut-être plus particulièrement pour la Méditerranée puisque la tectonique des plaques fait de cette mer une zone à forts risques sismiques. Par le passé, des séismes particulièrement meurtriers, suivis de tsunamis, ont bien eu lieu sur cette mer.
Certes, chacun sait que le risque est moins important que dans l'océan Indien ou dans l'Océan Pacifique et qu'il est relativement éloigné dans le temps. Il n'empêche que ce risque existe et qu'en raison de la sensibilisation toute particulière à ce problème depuis le 26 décembre dernier les populations éprouvent une certaine angoisse, qu'il ne faut toutefois pas exagérer. Le fait que nous ne disposions d'aucun système d'alerte en Méditerranée n'y est pas étranger.
Je ne sous-estime pas, monsieur le ministre, la complexité de la question. Tout d'abord, la mise en place d'un tel système ne concerne pas, j'imagine, un seul pays. Elle exige donc une concertation et une collaboration de l'ensemble des pays du pourtour de la Méditerranée, notamment de la Méditerranée occidentale.
Ensuite, l'étroitesse de cette mer peut constituer un facteur aggravant, puisqu'un raz-de-marée consécutif, par exemple, à un séisme au large du Maghreb atteindrait nos côtes très rapidement : j'ai entendu parler de soixante minutes environ, ce qui implique un dispositif d'alerte très réactif.
Je ne voudrais pas que mes propos soient considérés comme alarmistes, mais nous ne devons rien négliger, car de tels phénomènes sont imprévisibles.
Face à de tels risques majeurs, il est normal que les populations souhaitent être informées sur le degré de protection existant, notamment en Languedoc-Roussillon - mais cela concerne également la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, monsieur le président - où les côtes sont par endroit tellement basses qu'elles subiraient, y compris dans le cas d'un raz-de-marée de faible amplitude, des dégâts considérables.
S'il est vrai, monsieur le ministre, que les séismes sont imprévisibles, les raz-de-marée qui les suivent sont, eux, prévisibles. Or il existe en France un centre sismologique qui assure l'alerte sismique pour l'ensemble de la Méditerranée.
Les scientifiques considèrent aujourd'hui que nous disposons du savoir nécessaire et que les compétences sont réunies pour mettre en place un système d'alerte au tsunami, fonctionnant, dans des délais très brefs, par liaison de stations sismiques à des centres de collecte de données transmises par satellite. Il reste à savoir qui coordonnerait l'ensemble et, surtout, à s'assurer que les financements seront bien au rendez-vous.
Il reste également à savoir comment préparer, sensibiliser les populations, et les rendre aptes à recevoir les informations pour organiser leur autoprotection. Il convient, en outre, d'évaluer la capacité des institutions à réagir dans des temps très brefs sans que les populations soient, pour autant, maintenues dans un état de « suralerte » qui serait, à bien des égards, préjudiciable.
J'admets que la question est compliquée. Si je me devais, monsieur le ministre, de cibler ce dossier sur la Méditerranée occidentale, la question se pose également pour la façade atlantique et pour l'outre-mer. En ce qui concerne l'ensemble de ces zones, le président du groupe socialiste, M. Jean-Pierre Bel, a d'ailleurs fait part au bureau du Sénat de l'opportunité de saisir l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, lequel pourrait utilement nous éclairer. J'aimerais, monsieur le ministre, connaître votre sentiment sur ce point.
Pour conclure, je souhaite simplement que vous puissiez faire le point aujourd'hui sur l'état d'avancement du dossier relatif à la Méditerranée.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Vous m'interrogez, monsieur le sénateur, sur les mesures que j'entends prendre en matière de prévention et d'alerte au tsunami en Méditerranée. C'est là une question qui a fait l'objet d'un colloque auquel j'ai participé, il y a quelques jours, et qui s'est déroulé à Nice, sous la présidence de M. Christian Estrosi, président du conseil général.
En termes de probabilité, d'occurrence et d'importance des dégâts, le risque direct lié aux séismes est bien plus important que celui qui résulte d'un tsunami.
Aussi, j'ai présenté, le 8 décembre dernier, les grandes orientations d'un programme national de prévention du risque sismique. Le détail opérationnel de ce plan sera rendu public dans les prochaines semaines. Ce programme comprendra des mesures en matière de prévention et d'alerte au tsunami en Méditerranée, qui seront engagées dès 2005.
La première de ces mesures vise à pouvoir alerter les autorités et la population. Il s'agit de mettre en place et de coordonner, sous l'égide de l'UNESCO, un système d'alerte en Méditerranée. Il devra être adapté aux spécificités locales, notamment à la faible étendue de cette mer. Je rappelle qu'un système, également placé sous l'égide de l'UNESCO, existe déjà dans le Pacifique.
La deuxième mesure consiste à évaluer et à cartographier les risques Il s'agira de définir, sur le pourtour méditerranéen, les zones présentant un risque maximum vis-à-vis des effets d'un tsunami, à partir de la connaissance des tsunamis historiques, du contexte tectonique et sismique. Il semble bien qu'il y ait, selon les situations géographiques en Méditerranée, des différences de risques qui demandent naturellement à être évaluées.
La troisième mesure tend à renforcer l'éducation. Le comportement des enfants ayant souvent une influence importante sur celui des parents, il est en particulier essentiel de les sensibiliser aux risques naturels et notamment au risque de tsunami : un comportement adapté du citoyen peut éviter des pertes humaines importantes. A cet égard, j'ai eu l'occasion de constater que, dans le système scolaire français, des initiatives avaient déjà été prises, en particulier autour de la Méditerranée, et j'en félicite leurs auteurs. Il conviendra de systématiser cette sensibilisation.
La quatrième mesure a pour objet de sensibiliser les populations exposées. La culture du risque est en effet souvent faible et, plus le temps passe, plus le risque est oublié.
C'est la raison pour laquelle des campagnes de sensibilisation seront conduites auprès des différentes catégories de populations exposées telles que les habitants, les touristes et les professionnels du tourisme.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Je remercie M. le ministre de sa réponse, mais il n'a pas évoqué la question du financement.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, auteur de la question n° 667, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.
M. Christian Cambon. Depuis 2002, et à la demande du Président de la République, le Gouvernement a placé la lutte contre l'insécurité routière au centre de ses priorités. Des résultats encourageants ont déjà été obtenus : les accidents de la route ont baissé de 20 % entre 2002 et 2003 et le nombre de victimes a diminué de 9 % en 2004. Ce sont là les meilleurs chiffres enregistrés depuis vingt ans puisque, durant cette période, les baisses avaient rarement dépassé les 6 %.
Allumage des feux de jour, radars automatiques, limitation de vitesse, permis probatoires : autant de mesures dont les résultats sont indiscutables.
Hélas, derrière ces pourcentages, certains chiffres font encore frémir. Ainsi, le 24 janvier dernier, le comité interministériel de sécurité routière dressait le bilan de l'année 2004 : 84 331 accidents, 5 217 tués et 107 219 blessés.
Chaque victime est une victime de trop ! Des progrès doivent donc encore être réalisés et les efforts doivent se poursuivre. Tel est le cas en Val-de-Marne, département traversé par trois des plus importantes routes nationales de notre pays : la RN 6, la RN 7 et la RN 19.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'Etat, d'appeler votre attention sur le point noir du Val-de-Marne, en termes de sécurité routière : la RN 19, dans sa section située entre la RN 406, c'est-à-dire Boissy-Saint-Léger, et la limite du département.
Cette voie, classée route à grande circulation, est l'une des radiales les plus importantes de la région parisienne : sur le plan départemental, elle dessert le plateau briard ; sur le plan régional, elle permet des liaisons entre l'autoroute A 86 et la francilienne, à l'entrée de Brie-Comte-Robert ; sur le plan national, elle relie Paris à Troyes et à la Suisse.
En moyenne, 28 000 véhicules empruntent quotidiennement cette route nationale, dont près de 10 % de poids lourds.
Entre 1997 et 2004, sur seulement huit kilomètres, 368 accidents ont été enregistrés, avec un taux de gravité particulièrement élevé : 542 victimes dont 17 tués. Mais, encore une fois, derrière les chiffres et les pourcentages, il y a, nous le savons tous, des vies brisées, des familles endeuillées. Permettez-moi, sans m'appesantir sur l'aspect macabre de la question, de citer quelques exemples de la triste actualité de cette voie au cours des derniers mois.
Le 7 mars 2004, un piéton est renversé rue du Général Leclerc : grièvement blessé, il est dans le coma et restera handicapé à vie.
En août 2004, un autre piéton, circulant sur un trottoir, est heurté par une camionnette : âgé de 38 ans, et père de deux enfants, il meurt sur le coup.
Le 19 octobre, deux véhicules entrent en collision frontale. Deux des victimes les plus grièvement touchées sont évacuées dans le coma : elles n'en sont toujours pas sorties. La violence de cet accident a paralysé la totalité du sud du département pendant plus de six heures.
En janvier dernier, une personne âgée est écrasée ; elle décédera des suites de l'accident.
Le 4 février, à la hauteur de Santeny, deux véhicules se heurtent, encore une fois, de plein fouet à grande vitesse. Il aura fallu plus d'une heure aux sapeurs-pompiers pour extraire de la carcasse de sa voiture l'une des victimes, âgées de 25 ans. Elle se trouve encore aujourd'hui dans le coma, entre la vie et la mort.
Et comme si l'inscription de cette question demandait encore à être illustrée par l'actualité, au cours de ce week-end, au petit matin, à la hauteur de Marolles-en-Brie, la collision de deux véhicules a fait six blessés, dont cinq jeunes gens âgés d'une vingtaine d'années.
Je pense que cette description suffit en elle-même à vous indiquer le sens de ma question, monsieur le secrétaire d'Etat. C'est en effet dans cette section de la RN 19 située en zone périurbaine, c'est-à-dire au moment où l'on quitte les communes pour entrer sur le plateau briard, quand les automobilistes se croient délivrés des contraintes de prudence à observer dans les milieux urbanisés, là où la route n'est bordée d'aucun habitat, que les enjeux de sécurité routière sont les plus sérieux.
Face à ce bilan terrible, face à ces dix morts survenues en cinq ans, entre Marolles-en-Brie et Santeny, sur moins de six kilomètres, l'Etat a naturellement réagi. Ainsi, la direction départementale de l'équipement a proposé plus de dix projets de travaux de mise en sécurité. Hélas ! le très faible niveau des crédits du plan régional d'aménagement de sécurité, le PRAS, n'a pas permis, jusqu'à présent, de dégager les financements nécessaires. Aujourd'hui, en attendant une décision, la série noire continue. Combien de morts faudra-t-il encore déplorer ?
Sachant que les contrôles radars ne suffisent malheureusement pas à remédier à cette situation, ne serait-il pas possible, monsieur le secrétaire d'Etat, de prendre, dès cette année, les mesures qui s'imposent ?
En juillet dernier, lors d'une réunion des élus des communes concernées, le préfet du Val-de-Marne et la DDE ont trouvé une solution permettant de réduire la circulation à deux fois une voie, avec une glissière de sécurité, tout en protégeant les arbres. Cette dernière variante est estimée à 1 300 000 euros, coût sensiblement inférieur à celui des projets précédents.
Aussi, au nom de tous les élus et des populations concernées, je vous demande instamment, monsieur le secrétaire d'Etat, de prendre enfin la décision de lancer ces financements de mise en sécurité pour que cesse cette hécatombe et que cette route sorte, enfin, de la rubrique quasi quotidienne des faits divers.
Le Président de la République a courageusement choisi de faire de la sécurité routière l'une des priorités de son mandat. Faites en sorte, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette priorité se concrétise aussi sur le terrain.
M. Daniel Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, cette accumulation de drames ne saurait laisser personne indifférent. Vous avez raison de dire qu'il nous faut agir sur un plan général et je ne peux que souscrire à vos propos concernant la sécurité routière : elle reste une priorité absolue. Nous devons donc encore accomplir des progrès, notamment sur cette section particulièrement dangereuse de la RN 19.
Des travaux s'imposent effectivement, qui répondent à des projets anciens : ils concernent la déviation de Boissy-Saint-Léger et la mise en sécurité de la RN 19. Il s'agit de travaux très coûteux puisque le seul montant de la déviation est estimé à 230 millions d'euros et que celui d'une première tranche entre la RN 406 et l'échangeur dit du « RER », inscrite au contrat de plan, est chiffré à 114 millions d'euros.
L'Etat apporte, comme il est d'usage en région d'Ile-de-France, 30 % du financement et, grâce à la relance des crédits, décidée par le Premier ministre le 5 novembre 2004, nous allons pouvoir entamer des travaux cette année. En effet, une dotation de 20,5 millions d'euros, dont 6,2 millions d'euros à la charge de l'Etat, est inscrite à la programmation 2005 pour la déviation de Boissy-Saint-Léger. Cette enveloppe permettra de financer les deux ouvrages situés sous la ligne du RER, marquant une étape significative dans la réalisation de cette opération.
Dans les toutes prochaines semaines, la construction du passage supérieur n °5 sera lancée.
Ce sont des investissements qui ont un impact certain en termes de sécurité routière. Je puis vous donner l'assurance que le ministre Gilles de Robien veillera à traiter en priorité cette opération en 2006, afin de la mener à un rythme aussi soutenu que possible.
Il faudra prévoir des financements complémentaires, d'un montant à peu près équivalent, dans le prochain contrat de plan.
Toutefois, cette opération lourde d'amélioration de l'équipement routier n'est pas en elle-même suffisante. C'est particulièrement vrai s'agissant de la section de la RN 19 située entre Grosbois et la Francilienne, dont la configuration rectiligne favorise des vitesses élevées. Certes, les contrôles radars ne sont pas la panacée, mais ils sont dissuasifs. Nous allons donc demander qu'ils soient renforcés.
Parallèlement, vous avez mentionné un certain nombre de diagnostics de sécurité, conduits aujourd'hui par la DDE. Nous sommes en train d'en étudier les résultats, afin de prendre des mesures susceptibles de réduire les vitesses excessives et de préserver les vies humaines ; un trop grand nombre de morts a été enregistré sur ce tronçon routier spécialement dangereux. Nous sommes, comme vous-même, monsieur le sénateur, particulièrement sensibles à ces drames de la route et à la recherche de solutions qui permettront de les éviter.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez très clairement dissocié les problèmes, ce qui est réconfortant.
La déviation en cours de Boissy-Saint-Léger, qui représente une enveloppe considérable, constitue certainement l'un des plus grands programmes de travaux entrepris par l'Etat dans le Val-de-Marne. S'agissant de l'aménagement de la section qui s'étend de Boissy-Saint-Léger jusqu'à la Francilienne, point sensible de ma question, je vous remercie des ouvertures que vous avez faites.
L'initiative conjointe du préfet et du directeur départemental de l'équipement me paraît aller dans le bon sens. Il importe que la volonté politique suive et que les travaux puissent débuter dès 2005, sachant que les études préalables sont maintenant achevées.
Je me félicite des engagements que vous avez pris, monsieur le secrétaire d'Etat. J'en ferai part personnellement aux élus, qui sont exaspérés, et à la population, qui est particulièrement en colère.
port du voile par les hôtesses de l'air françaises à destination de l'iran
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 639, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le calendrier est bien fait : je suis heureuse de poser cette question ce 8 mars, Journée internationale des femmes. C'est une journée non pas de commémoration, mais de lutte des femmes partout dans le monde, y compris en France.
La compagnie Air France impose aux hôtesses de l'air en mission en Iran le port du foulard et d'un vêtement ample à la sortie de l'avion.
La direction de la compagnie justifie cette contrainte et les sanctions pour non-respect de la règle de la manière suivante : « La tolérance et le respect des cultures et des coutumes de ces pays sont pour nous, depuis tous temps, des valeurs fondamentales et nous nous attachons à ce que la pratique du métier de personnel navigant s'inscrive dans ce cadre contextuel et contractuel. Comme tous les visiteurs étrangers, nos équipages sont tenus de respecter les lois du pays où ils se trouvent. »
Je ne conteste pas la nécessité de respecter les lois des autres pays. Je sais aussi que l'obligation de dissimuler leurs cheveux et leur corps est, hélas ! imposée à toutes les femmes en République islamique d'Iran et que celles qui luttent contre cette réalité de l'obscurantisme le font au péril de leur vie.
De quoi s'agit-il ? De la charia et de ses terribles régressions pour les femmes iraniennes ! Comment qualifier ces contraintes de « coutumes » ? Comment évoquer la « tolérance » ou les « valeurs fondamentales » ?
Les règles de la charia, c'est précisément l'intolérance, un recul dangereux des valeurs fondamentales que les peuples du monde se sont données.
En ce 8 mars, il serait juste et opportun de soutenir les citoyennes françaises qui refusent de porter le symbole de la soumission, de soutenir les hôtesses de l'air qui défendent ainsi leur dignité et, au-delà, celle de toutes les femmes.
J'ajoute que, cette année, notre pays célèbre le centenaire de la laïcité et réaffirme celle-ci comme l'une des valeurs de la République. La compagnie Air France s'honorerait de porter ces valeurs partout dans le monde.
A l'évidence, un autre aspect est très préoccupant : les hôtesses de l'air sont non pas des touristes, mais des salariées. Et la compagnie n'offre aux hôtesses refusant de porter le voile qu'une seule alternative : subir une retenue sur salaire ou être affectées sur des moyens courriers. Comment exiger un tel sacrifice de femmes, souvent jeunes et - ce que vous ne savez peut-être pas - mal rémunérées ? Comment leur demander de mettre ainsi en cause leur carrière ?
Il faut sortir de cette alternative ! C'est possible en mettant en oeuvre le principe du volontariat sur les lignes France-Iran. Ce principe a déjà été appliqué, par exemple lors de la guerre du Golfe. De même, sur les vols vers La Mecque, le personnel navigant est exclusivement masculin.
Une telle solution, proposée par le syndicat des cadres et techniciens de la confédération générale du travail, préserverait les intérêts de la compagnie et respecterait la dignité des hôtesses.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Madame la sénatrice, vous posez une question qui ne peut manquer de nous toucher tous, car il s'agit de réalités qui sont particulièrement difficiles à vivre pour les femmes concernées.
Je trouve, comme vous, que le texte d'Air France que vous avez cité est pour le moins maladroit, et j'ai bien l'intention de le faire observer au président de cette compagnie. Cela étant, il n'est pas exact de dire qu'Air France impose un certain nombre de règles à ses collaboratrices. Afin de tenir compte des réalités locales, Air France demande à son personnel féminin, lorsqu'il effectue un transit entre l'aéroport et l'hôtel, de se couvrir les cheveux avec un foulard et de porter des vêtements « amples » pour circuler en ville.
L'Etat iranien est un Etat souverain : il adopte les lois qu'il veut ! Celles-ci ne seraient évidemment pas de mise dans une démocratie comme la nôtre, mais elles sont une réalité en Iran. La législation iranienne ne fait aucune différence entre les ressortissantes iraniennes et les étrangères ; elle ne fait pas de différence non plus selon que l'on se trouve dans un cadre professionnel ou dans un cadre touristique.
La desserte de Téhéran par Air France, qui est souhaitable à d'autres points de vue, ne peut avoir lieu qu'à ce prix. Les autres compagnies européennes, qui desservent l'Iran depuis plus longtemps que nous, car elles n'ont pas interrompu leur liaison avec ce pays - Air France n'a repris ses vols vers Téhéran que depuis quelques mois -, respectent ces obligations locales, que je me garde bien de confondre avec des coutumes.
La direction d'Air France informe ses collaborateurs qu'ils sont soumis à des contraintes particulières quand ils sont affectés sur les vols desservant l'Iran. Et l'entreprise offre aux agents qui n'accepteraient pas ces règles locales - c'est leur droit le plus strict - des possibilités d'affectation non pas sur des moyens courriers, comme vous l'avez dit, madame la sénatrice, mais sur d'autres zones géographiques.
Le dispositif adopté par Air France me paraît convenable et protecteur des droits des salariés. Mais, je le répète, j'ai été, comme vous, madame la sénatrice, défavorablement impressionné, pour ne pas dire plus, par la rédaction adoptée par la compagnie.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie d'avoir dit que la justification avancée par la compagnie Air France n'était pas des plus habiles. Cela étant, il me paraît nécessaire de poser sérieusement la question du volontariat. En effet, à l'heure actuelle, les collaboratrices d'Air France qui refusent ces contraintes sont sanctionnées financièrement.
J'ajoute, afin de compléter votre information, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'obligation et la sanction qui touchent les personnels que nous évoquons sont contraires à l'esprit du décret de 11 juillet 1991 : « Tout membre d'équipage doit s'abstenir d'exercer ses fonctions dès lors qu'il ressent une déficience quelconque de nature à lui faire croire qu'il ne remplira pas les conditions d'aptitude nécessaires à l'exercice de ses fonctions ».
Je veux également vous rappeler les mesures figurant dans le code du travail : toute disposition qui n'est pas intégrée dans le règlement intérieur doit faire l'objet d'une procédure de négociation préalable pour être éventuellement imposée. En l'occurrence, cette disposition relative aux salariés doit s'appliquer, puisqu'il ne s'agit pas de touristes qui sont libres de se rendre en Iran et de porter ou non le voile.
La moindre des choses serait que les salariées d'Air France aient une possibilité de choix. Il importe, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous évoquiez avec la compagnie le cas de celles qui n'acceptent pas les contraintes que nous évoquons, afin qu'elles soient affectées sur d'autres lignes et qu'elles ne subissent aucune sanction, financière ou autres.
desserte aérienne de l'outre-mer
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, auteur de la question n° 666, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.
M. Serge Lagauche. Ma question concerne les conditions de transport aérien desservant l'outre-mer.
Entre 1998 et 2003, le prix du billet a augmenté de 28 % pour les Antilles et de 25% pour la Réunion, comme l'atteste le rapport d'information de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale sur la desserte aérienne de l'outre-mer.
La crise du tourisme a conduit les tours-opérateurs à proposer des « packages » hôtel et vol à des prix très bas comparativement aux prix des vols secs, suscitant ainsi le mécontentement légitime des Domiens. D'autant que les transporteurs aériens s'appuient, en période de vacances scolaires, sur cette clientèle dite « captive » pour compenser la baisse du trafic touristique en basse saison. Le billet peut être trois fois plus cher en haute saison.
En outre, le transport aérien desservant l'outre-mer subit, de façon répétée, de graves incidents dus à l'âge et à la vétusté des appareils. La grande majorité des compagnies aériennes serait touchée par ce phénomène préoccupant.
Il faut dire qu'une grande partie des appareils utilisés sur ces lignes a plus de vingt ans, alors que l'âge moyen de la flotte hors outre-mer d'une compagnie comme Air France est de sept ans.
La compagnie Corsair est particulièrement concernée : en décembre 2004, pas moins de sept incidents y ont été répertoriés, dont deux le même jour, dus, pour l'essentiel, à des pannes moteur.
Quant à la compagnie Air Austral chargée des liaisons Paris-Saint-Denis, elle a eu à déplorer, elle aussi, des pannes de moteur sur deux de ses Boeing 777-200, à une semaine d'intervalle.
La compagnie Air France n'est pas pour autant dédouanée, mais il est particulièrement difficile d'obtenir des informations à son sujet.
Ces incidents graves et répétés laissent à penser aux usagers que leur sécurité est directement compromise par l'âge et la surexploitation des avions.
Or un remplacement par des appareils d'occasion plus ou moins âgés dans les années à venir n'est pas une solution satisfaisante pour sortir de cette situation particulièrement préoccupante.
Ces conditions de desserte de l'outre-mer constituant une atteinte au principe de continuité territoriale et à la libre circulation des Domiens, ma question sera très simple, monsieur le secrétaire d'Etat : quelles sont les mesures mises en oeuvre ou à venir pour remédier à cette situation dans les meilleurs délais ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, le Gouvernement est, comme vous-même, très attentif aux conditions, notamment tarifaires, de la desserte aérienne des départements d'outre-mer. Cette déserte est vitale pour l'ensemble de nos compatriotes résidant dans ces départements et pour le développement économique de l'outre-mer.
Il est vrai que les tarifs ont récemment augmenté, mais cette augmentation résulte essentiellement de l'accroissement du prix du carburant, qui renchérit les coûts d'exploitation. Le Gouvernement ne demeure toutefois pas inactif face à cette situation, dont il ne peut se satisfaire.
Tout d'abord, grâce à la dotation de continuité territoriale de l'Etat, instituée par la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003, les collectivités d'outre-mer ont mis progressivement en place, sous leur responsabilité, des aides au passage aérien des résidents. La dotation prévue à cet effet s'élève, en 2005, pour l'ensemble de l'outre-mer, à 31 millions d'euros - dont 21 millions d'euros pour les départements d'outre-mer -, contre 30 millions d'euros en 2004.
Les régions ont décidé d'utiliser cette dotation pour faire bénéficier leurs résidents aux revenus modestes d'une réduction tarifaire significative : elle représente environ 30% du prix du billet.
Ces dispositifs de continuité territoriale porteront pleinement leurs fruits dans les prochains mois. Ils font d'ailleurs l'objet d'une réflexion constante visant à les améliorer de façon à répondre à la demande spécifique de certaines catégories de la population : je pense aux jeunes, mais aussi à ceux de nos compatriotes qui doivent envisager un retour dans leur département d'origine lorsqu'ils sont frappés par des drames familiaux.
S'agissant des Antilles et de la Réunion - ce n'est malheureusement pas le cas de la Guyane -, la concurrence entre trois opérateurs exerce une pression sur les prix, certes insuffisante, mais réelle. Le nombre de sièges offerts sur ces destinations a augmenté, ce qui est une bonne chose, en particulier pour l'économie locale.
Vous avez relevé, monsieur Lagauche, des incidents techniques. Tout d'abord, ces incidents ont affecté tant des avions récents que des avions plus anciens. Ce n'est donc pas l'âge des appareils qui est en cause. Ensuite, je tiens à vous le dire solennellement, à aucun moment la sécurité des passagers n'a été mise en danger.
Tous les avions exploités en transport public aérien dans notre pays sont soumis à des règlements très exigeants pour garantir la sécurité. Ainsi, tous les incidents évoqués ont fait l'objet d'analyses par les compagnies aériennes concernées. La Direction générale de l'aviation civile s'est assurée que, conformément aux procédures en vigueur, des mesures correctrices ont été prises.
Deux des compagnies desservant nos départements d'outre-mer ont prévu, à brève échéance, de rajeunir leur flotte en achetant des avions non pas d'occasion, mais neufs. On peut donc prévoir une amélioration dans les tout prochains mois. Vous le savez, la France est un pays qui ne transige jamais avec la sécurité aérienne.
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat. J'espère que les Domiens apprécieront les efforts consentis en la matière.
multiplication des sociétés de soutien scolaire
M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet, auteur de la question n° 668, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Daniel Goulet. A l'heure où s'engage la réforme de l'éducation nationale et alors qu'un grand journal du soir a publié de multiples articles et titré l'un d'eux L'échec scolaire, le défi de l'éducation, je tiens à vous dire ma perplexité devant le foisonnement des entreprises privées qui dispensent des cours de soutien ou de rattrapage.
Je parle ici non pas des établissements qui, traditionnellement, préparent aux concours d'entrée des grandes écoles, mais d'entreprises qui s'adressent aux élèves du primaire et du secondaire.
La société Acadomia compte 65 agences et 78 000 élèves, les cours Legendre 18 000, et je pourrais également citer les entreprises KeepSchool ou Top Profs. Le réseau compte plus de 22 000 professeurs.
Le coût d'inscription est de 70 euros environ, alors que l'heure de cours est facturée entre 22 euros et 42 euros.
Si je n'ai pas de remarques à faire sur le développement des entreprises privées, l'ancien directeur d'école que je suis s'interroge surtout sur le bien-fondé des mesures d'accompagnement fiscales qui encouragent les parents à utiliser les services de ces entreprises.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Daniel Goulet. En effet, les parents peuvent déduire de leurs impôts sur le revenu 50 % des sommes engagées, soit 6 000 euros, auxquels s'ajoutent 750 euros par enfant à charge, dans la limite de 7 500 euros.
De telles dispositions ne sont-elles pas de nature à encourager les parents à user des services parascolaires et à marquer une certaine défiance à l'égard du ministère chargé de l'éducation nationale et de ses enseignants ?
Par ailleurs, alors que l'école constitue le creuset de l'égalité républicaine et de l'intégration - le récent débat sur la laïcité a été l'occasion de le rappeler avec force -, ne pensez-vous pas que de telles dispositions sont de nature à rompre les valeurs de gratuité auxquelles nous tenons et d'égalité d'enseignement entre les élèves ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, tout d'abord, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de François Fillon, qui est retenu. Il m'a demandé de vous communiquer les éléments de sa réponse.
Les prestations marchandes de soutien scolaire bénéficient du principe de la liberté du commerce, fondé sur les lois, fort anciennes, des 2 et 17 mars 1791.
Lorsqu'elles sont effectuées à domicile, ces prestations bénéficient effectivement, sans discrimination aucune, comme toute activité de service aux personnes exercée au domicile des particuliers, du chèque-emploi service. C'est la loi ! Il est à noter que ce dispositif, qui relève du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, n'est pas nouveau : il existe depuis 1991 s'agissant des services émanant d'un particulier ou d'une association, et depuis 1996 pour ce qui est des services émanant d'une société.
Loin de se défausser sur les entreprises privées, l'institution scolaire n'est pas restée inactive en matière de soutien scolaire. Plusieurs dispositifs ont été mis en place au sein de l'école, afin d'aider tous les élèves qui rencontrent des difficultés et de les préparer à poursuivre leur scolarité dans les meilleures conditions possibles.
Ces mesures seront renforcées grâce à l'instauration d'un programme personnalisé de réussite scolaire ; c'est l'un des chapitres essentiels du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école que le Sénat s'apprête à examiner. Le dispositif proposé permettra aux élèves des écoles et des collèges ayant des difficultés à maîtriser ce que l'on appelle le socle des connaissances indispensables d'obtenir un accompagnement de trois heures de soutien par semaine.
Monsieur le sénateur, que l'initiative privée propose une offre de soutien ou de rattrapage aux élèves en difficulté, c'est un fait et c'est une liberté. Mais parce qu'il revient à l'Etat républicain d'affirmer haut et fort le principe d'égalité des chances, l'école a le devoir de garantir à ces mêmes élèves les mesures d'accompagnement adéquates. C'est aujourd'hui une réalité, mais ce sera encore plus le cas demain !
M. Dominique Mortemousque. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse ne saurait me satisfaire. Comme je l'ai précisé, je ne suis pas contre les textes de loi qui autorisent certaines entreprises à concevoir des formules d'enseignement de rattrapage ou de soutien. Ma question visait à attirer l'attention du Gouvernement sur le fait que ces sociétés bénéficient de mesures fiscales, car je ne peux pas comprendre cet état de fait.
Comme vous pouvez l'imaginer, monsieur le secrétaire d'Etat, je donnerai une suite à cette question.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Daniel Goulet. En outre, si le Gouvernement doit maintenir sa volonté de consentir des déductions fiscales, je compléterai mon intervention en vous indiquant ce qu'ont imaginé nos amis canadiens en la matière : ils ont octroyé des déductions fiscales pour encourager les séjours linguistiques. C'est une voie qui mérite d'être explorée.
délocalisation du centre national de documentation pédagogique
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, auteur de la question n° 654, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Bariza Khiari. Ma question concerne les conséquences de la délocalisation du Centre national de documentation pédagogique, le CNDP, à Chasseneuil-du-Poitou.
Manifestement, le choix du nouveau site ne s'inscrit pas dans une réflexion cohérente d'aménagement du territoire. Cette décision non concertée a entraîné une perte d'emplois importante en Ile-de-France et a abouti à un démantèlement des missions de service public confiées au réseau du CNDP.
Depuis deux ans, les élus parisiens et les représentants syndicaux n'ont cessé d'alerter le ministre de l'éducation nationale sur les dysfonctionnements dus à la première vague de délocalisations : les services sont écartelés entre des sites distants de 350 kilomètres, les équipes sont dispersées et, plus grave, les services aux usagers sont interrompus. Par ailleurs, des agents devant être reclassés en raison du transfert de leur poste n'ont pas eu droit à un traitement digne et équitable.
Alors que le nouveau projet d'établissement pour le CNDP et les centres régionaux est encore en cours d'élaboration et qu'aucune localisation future des actuels services parisiens n'est décidée, un nombre croissant de postes est transféré à Chasseneuil-du-Poitou, émiettant ces services et perturbant ainsi gravement le fonctionnement de l'établissement.
La crise était telle qu'au printemps dernier le ministre a chargé M. Pierre Dasté d'une mission de médiation afin de trouver une issue au blocage.
Le Médiateur a, dans un premier temps, pu apaiser le climat social en obtenant que soit différé d'un an le transfert, prévu le 1er septembre 2004, d'une cinquantaine de postes occupés notamment par des personnels contractuels et des enseignants mis à disposition. Mais, depuis plusieurs mois, les facteurs de tension se multiplient de nouveau à l'extrême.
De plus, à défaut de voir ses préconisations suivies par la direction du CNDP, le Médiateur a abandonné sa mission.
Récemment, les représentants du personnel du CNDP regroupés en intersyndicale ont proposé un projet alternatif au projet de la direction actuelle du CNDP.
Je sais que M. le ministre de l'éducation nationale est très occupé aujourd'hui, mais je souhaite qu'il précise les dispositions qu'il entend prendre, d'une part, pour apaiser le climat social qui règne au sein du CNDP, et, d'autre part, pour intégrer les propositions du projet alternatif présenté par le personnel, projet visant à sauvegarder les emplois des contractuels franciliens et, surtout, à permettre au réseau du CNDP de mener sa mission essentielle auprès des communautés éducatives. Car les enseignants ont plus que jamais besoin de disposer d'outils fiables et accessibles pour mener une mission réellement émancipatrice, qui va au-delà de l'instruction.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Madame la sénatrice, je vous remercie d'avoir bien voulu excuser par avance l'absence de François Fillon. Je vous communique sa réponse.
La décision de transférer le CNDP à Chasseneuil-du-Poitou, choix retenu par le Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire du 13 décembre 2002, s'inscrit dans la continuité des politiques de délocalisation des établissements publics menées depuis plus de dix ans, tous gouvernements confondus.
La présence sur le site du Futuroscope de l'Ecole supérieure de l'éducation nationale et du Centre national d'enseignement à distance constitue un atout pour une action concertée entre ces trois établissements.
L'arrêté de transfert a été pris le 26 juin 2003. Le transfert progressif des services est en cours depuis le mois de septembre 2003.
Contrairement à ce que vous avez dit, madame la sénatrice, ce transfert n'a pas été décidé froidement dans je ne sais quel bureau parisien. Il s'est accompagné d'une concertation permanente non seulement au sein des instances réglementaires, telles que le comité technique paritaire ou le conseil d'administration de l'établissement, ce qui est tout à fait normal, mais également avec les organisations syndicales, qui ont été régulièrement invitées à s'exprimer.
En outre, la mission du Médiateur a été renouvelée et recentrée sur l'accompagnement et le reclassement des personnels concernés.
Un travail approfondi est mené par le Médiateur, en liaison avec la direction et les services administratifs du CNDP, afin que les personnels qui souhaitent rejoindre la Vienne puissent y être accueillis dans les meilleures conditions possibles. Des mesures concrètes sont prises à cet effet. De même, s'agissant des agents qui ne souhaitent pas suivre le CNDP, le Médiateur est chargé de chercher le meilleur reclassement possible en tenant compte de l'expérience et des compétences acquises.
Enfin, le dialogue est maintenu avec les organisations représentatives du personnel. Celles-ci ont été invitées à faire part de leurs remarques et de leurs propositions sur le document de travail qui doit servir de base au projet de l'établissement, afin que ce dernier continue - c'est notre souhait à tous ! - d'assurer ses différentes et importantes missions tout en tenant compte de sa nouvelle implantation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, mais vos propos ne sont pas satisfaisants dans la mesure où le CNDP est en ébullition. Je me suis rendue sur place et j'ai pu constater, en discutant avec le personnel et avec l'intersyndicale, que les choses ne vont pas aussi bien que vous le dites.
Si la mission du Médiateur a été recentrée, c'est à la suite de sa démission, je tenais à le préciser.
En l'état actuel des choses, je me permets de vous suggérer quelques éléments de sorties de crise, puisque crise il y a au CNDP, que vous pourrez utilement transmettre à M. le ministre de l'éducation.
Tout d'abord, le dossier doit être repris par le ministère de tutelle, celui de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ensuite, la restauration de l'autorité du Médiateur doit être effective. Par ailleurs, il convient que le projet concernant le personnel du CNDP soit pris en compte, puisqu'un projet alternatif a été déposé par l'intersyndicale. Enfin, en attendant un audit social, culturel et financier, rien d'irréversible ne doit être décidé ni exécuté.
M. le président. Monsieur le secrétaire d'Etat, pour les délocalisations, Marseille peut concourir avec Chasseneuil-du-Poitou. (Sourires.)
nombre de places bleues
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, auteur de la question n° 664, adressée à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.
M. Gérard Delfau. Ma question concerne l'élargissement de l'usage des places bleues de stationnement réservées aux personnes handicapées. En effet, ces places sont largement sous-utilisées, alors que de très nombreuses personnes handicapées ou à mobilité réduite ne peuvent y accéder.
Ce constat conduit quelques associations à demander un élargissement du droit d'accès au-dessous du taux d'invalidité de 80 %. D'autres associations font valoir le risque de banalisation de ces places que comporterait une telle mesure. Elles s'inquiètent, en outre, des manquements répétés à cette signalisation par des personnes valides. Elles s'étonnent, par ailleurs, que les infractions soient trop souvent non sanctionnées. Elles estiment, enfin, que la situation de grand handicap n'est pas suffisamment reconnue et traitée par des mesures spécifiques dans notre société. C'est d'ailleurs l'objet de la loi qui vient d'être votée par le Parlement.
Il m'a semblé utile, madame la secrétaire d'Etat, de soumettre à votre réflexion ces deux positions et de vous demander si vous n'envisagez pas de revoir, maintenant que la loi est votée, la réglementation concernant le stationnement sur ces places dites « bleues ». Cette question suscite, en effet, de nombreuses interrogations. En tout cas, il est nécessaire que la position des pouvoirs publics soit réaffirmée.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur Delfau, en l'état actuel de la réglementation, la carte européenne de stationnement, qui a remplacé, depuis le 1er janvier 2000, le macaron GIC, grand invalide civil, peut être attribuée par le préfet, sur leur demande, aux personnes qui sont titulaires de la carte d'invalidité et dont le taux d'invalidité est au moins égal à 80 %, après examen de leur situation. Les personnes titulaires de la carte « station debout pénible » ne peuvent donc y prétendre.
Aux termes de la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, en ce qui concerne le droit de stationnement réservé aux personnes handicapées, les maires avaient reçu la possibilité d'accorder aux personnes titulaires de la carte « station debout pénible » une autorisation de stationner, dans leur commune, sur les emplacements réservés aux personnes handicapées.
Il est apparu, dans le cadre de la réflexion conduite sur la simplification des démarches administratives, que ces nouvelles dispositions pouvaient se révéler d'application complexe pour les maires, les services chargés de les mettre en oeuvre et les usagers, dans la mesure où l'autorisation de stationnement n'était valable que pour une seule et même commune.
Le Gouvernement a donc proposé au Parlement, dans le cadre de la discussion du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, d'adopter un nouveau système permettant d'autoriser la délivrance d'une carte de stationnement à une personne handicapée, de manière générale, lorsque son état de santé le nécessite.
C'est ainsi que la loi n° 2005-102 du 11 février 2005, que le Parlement vient d'adopter, modifie, en son article 65, un article du code de l'action sociale et des familles : « Toute personne [...] atteinte d'un handicap qui réduit de manière importante et durable sa capacité et son autonomie de déplacement à pied ou qui impose qu'elle soit accompagnée par une tierce personne dans ses déplacements, peut recevoir une carte de stationnement pour personnes handicapées. Cette carte est délivrée par le préfet conformément à l'avis du médecin chargé de l'instruction de la demande. »
Le même article prévoit également que les organismes utilisant un véhicule destiné au transport collectif des personnes handicapées peuvent recevoir une telle carte.
Monsieur le sénateur, les conditions d'application de ces dispositions, qui répondent, me semble-t-il, non seulement à vos attentes de simplification et de clarification, mais également à votre souhait de faire valoir le droit des usagers et de le voir respecter, seront très prochainement fixées par un décret en Conseil d'Etat. Ainsi, nous entrerons, si je puis dire, dans une nouvelle ère d'application de ce type de réglementation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaitais, d'abord, que vous rappeliez très précisément ces dispositions, ensuite, que vous preniez l'engagement - ce que vous venez de faire, m'a-t-il semblé - que le décret soit pris prochainement. Il nous faudra tester ensemble cette nouvelle étape, car l'application des mesures qui ont été adoptées ne sera pas simple.
Il ne faudrait pas que les personnes en situation de grand handicap soient, en fin de compte, victimes de la nécessaire expérimentation de l'élargissement de ce droit.
situation des chirurgiens dans le secteur public hospitalier
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, auteur de la question n° 652, adressée à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille.
M. Louis Souvet. Même s'il est coutume d'évoquer - on vient de l'entendre à de nombreuses reprises, lors de cette séance des questions orales - des problèmes locaux d'infrastructures en tout genre, je n'abuserai pas de cette tribune pour polémiquer sur le site médian du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard ; cela n'aurait pas un très grand intérêt pour mes collègues ici présents. Sachez toutefois que les parlementaires du pays de Montbéliard feront preuve d'une extrême vigilance.
De vigilance, il doit en être question pour le dossier que j'aborderai aujourd'hui : la situation des chirurgiens dans les hôpitaux publics. Pourquoi, pourriez-vous m'objecter, opposer deux composantes d'un système de santé ? Je n'ai pas l'habitude d'aborder ainsi les problèmes, mais les contraintes auxquelles sont confrontés les chirurgiens des centres hospitaliers, la spécificité de leur situation, méritent amplement que je fasse une exception à cette règle de conduite.
Un tel état de fait non seulement affecte les conditions de travail au sein des blocs opératoires, mais réduit également le nombre d'opérations. Ce fonctionnement au ralenti engendre des délais d'attente pour les patients. S'ajoutent des distorsions relatives à la répartition territoriale des chirurgiens, donc à l'offre de soins au niveau national.
Reconnaître les astreintes du métier de chirurgien des hôpitaux, c'est se donner les moyens de traiter, à la base, ce dossier. Cette reconnaissance doit s'insérer dans une large palette de mesures : elles vont de la réorganisation de la formation chirurgicale de troisième cycle, en passant par les conditions de participation à la permanence chirurgicale. La mise en place de la réduction du temps de travail a en effet pesé particulièrement sur les services chirurgicaux compte tenu des spécificités temporelles et techniques.
Il suffit de reprendre les statistiques pour constater objectivement que l'activité chirurgicale d'urgence est, en très grande majorité, assurée dans les centres hospitaliers, avec les contraintes en matière de garde que cela suppose en termes à la fois de présence et de responsabilités.
Tout d'abord, les responsabilités sont multiples du fait non seulement de la non-délégation des actes chirurgicaux, mais également du suivi quotidien des suites chirurgicales et des opérations ultérieures qui se révéleraient nécessaires.
Ensuite, les responsabilités, au sein de l'équipe chirurgicale, se concentrent, compte tenu de la nécessaire personnalisation de l'acte, sur le chirurgien.
Enfin, les responsabilités sont accrues du fait de la pénurie, car pénurie il y a dans les blocs opératoires, les effectifs n'étant pratiquement jamais complets en raison de l'application de la réduction du temps de travail.
Les hôpitaux doivent gérer une pénurie chronique d'infirmiers de bloc opératoire diplômés d'Etat. Je citerai juste un chiffre pour illustrer l'ampleur du phénomène : à un concours d'entrée en école d'IBODE, le nombre de candidats s'élevait à 74 unités pour 105 places.
On peut dès lors comprendre les conditions de travail particulièrement pénibles des infirmières ou infirmiers et des chirurgiens confrontés à ces sous-effectifs. A l'exigence propre de leur spécialité s'ajoutent des contraintes supplémentaires. Le résultat est logique. Les chiffres le prouvent : 40 % des chirurgiens ayant débuté à l'hôpital n'y exercent plus au bout de dix ans. Dans un métier où l'expérience constitue un facteur déterminant, ce turn-over n'est pas à prendre à la légère. Il se conjugue malheureusement avec le non-remplacement des chirurgiens partant à la retraite.
Ces multiples problèmes affectant la chirurgie dans le secteur public hospitalier, il convient de les envisager et de les traiter le plus en amont possible, c'est-à-dire au niveau du recrutement, en rendant son attractivité à une filière valorisée et valorisante au sein du cursus médical.
Devra être augmenté, de façon significative, le nombre des internes en chirurgie, avec la capacité, en dernière année, de participer à la permanence des soins chirurgicaux ; il est nécessaire de reconstituer des équipes opératoires complètes.
Dans un excellent article intitulé Lettre à un de mes anciens élèves, le professeur Bernard Debré le rappelle : les chirurgiens ne recherchent ni des remerciements ni même la gloire, si mince soit-elle ! Pour autant, nous nous devons de leur permettre d'exercer leurs responsabilités dans les conditions les plus satisfaisantes possibles. Ils doivent également pouvoir se concentrer sur leur pratique, qui nécessite une formation et une remise à niveau permanentes. Je me mets à la place d'un étudiant en médecine : à l'heure actuelle, compte tenu de toutes les contingences matérielles que je viens d'évoquer, il ne s'interrogera même pas sur la durée de sa carrière de chirurgien au sein d'un centre hospitalier. Il ne choisira tout simplement pas cette voie !
Je n'attends pas de solutions miracles : je suis réaliste ! Mais je souhaite savoir si une réforme prenant en compte la globalité d'une telle problématique permettra de mettre fin à ce qui s'apparente à une crise de la vocation s'agissant de la chirurgie.
Je pourrais poursuivre cette énumération, mais je ne me situe pas dans une quelconque logique de défense d'un pré carré corporatiste : je dresse seulement le constat d'une situation alarmante tant pour les praticiens que pour les patients actuels et à venir.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, le ministre des solidarités, de la santé et de la famille a déjà rappelé, à plusieurs reprises, son attachement à soutenir et à accompagner la chirurgie hospitalière française. Cette volonté s'est traduite, en janvier dernier, par un accord avec les représentants du collectif Chirurgie hôpital France, dont je rappellerai les cinq mesures majeures.
La première mesure concerne la démographie des chirurgiens. Une « commission opérationnelle », demandée par les chirurgiens et créée au sein du ministère des solidarités, de la santé et de la famille, est chargée, d'ici à la fin de l'année et en liaison avec le ministère chargé de l'enseignement supérieur, de formuler des propositions sur la formation des internes et sur les modalités d'évaluation de cette dernière. Par ailleurs, le nombre de postes d'internes en chirurgie progressera de manière significative dès la rentrée 2005 : l'objectif est fixé à 550 postes, contre 450 à la rentrée 2004.
La deuxième mesure porte sur la réorganisation des plateaux techniques. Une cellule « haute technologie », placée sous l'égide du ministre des solidarités, de la santé et de la famille, a également été créée. Associant la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, la DHOS, la mission d'appui à l'investissement national hospitalier, la MAINH, et le Conseil national de la chirurgie, elle proposera au ministre un véritable plan de modernisation des blocs opératoires, pour en favoriser l'équipement en matière de haute technologie et en optimiser l'organisation territoriale.
La troisième mesure a trait au statut des praticiens hospitaliers. Les négociations avec les quatre organisations syndicales représentatives des praticiens hospitaliers se poursuivent sur la base de trois objectifs : la revalorisation des astreintes, l'instauration d'une part variable de rémunération dépendant, notamment, de la pénibilité des exercices, et l'adaptation du statut. Le protocole d'accord, qui est en cours de négociation, mettra prioritairement l'accent sur la chirurgie et la psychiatrie, et ce dès cette année.
La quatrième mesure concerne les équipes opératoires. Pour mieux prendre en compte les conditions de travail dans les blocs opératoires - organisation, coordination des activités et exercice des différents métiers -, la DHOS réunira, d'ici à la fin du mois, deux groupes de travail : l'un associera des représentants des équipes chirurgicales, c'est-à-dire les chirurgiens, les infirmières de bloc opératoire et les internes, et l'autre les équipes d'anesthésie, à savoir les anesthésistes réanimateurs, les infirmières anesthésistes et les internes. Après intégration des travaux en cours du Conseil national de la chirurgie, ces groupes auront pour mission de soumettre au ministre des propositions d'amélioration du fonctionnement des blocs opératoires d'ici à la fin du mois de mai prochain.
La cinquième et dernière mesure porte sur les dispositifs médicaux. Dans le cadre de la mise en oeuvre de la tarification à l'activité, le ministre chargé de la santé a décidé de financer en dehors des tarifs d'hospitalisation certains dispositifs médicaux, notamment les prothèses orthopédiques. Cet acquis important pour les hôpitaux doit soutenir l'activité de chirurgie à l'hôpital public et dans les hôpitaux participant au service public hospitalier. Une évaluation sera réalisée cette année avec les professionnels concernés.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, les pouvoirs publics ont pris la mesure des difficultés de la chirurgie, et ils s'attachent, par des mesures concrètes, datées et donc mesurables, à mettre en oeuvre les décisions qui s'imposent.
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.
M. Louis Souvet. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse. J'espère que les cinq mesures majeures que vous venez de décrire largement produiront leurs effets. Actuellement, notre pays souffre d'une pénurie de chirurgiens, préjudiciable à la fois à l'organisation du travail au sein de l'hôpital, à ceux qui y travaillent et, bien sûr, aux malades eux-mêmes.
Élaboration des textes relatifs à la reconnaissance du statut d'ostéopathe
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question n° 662, adressée à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je souhaite attirer l'attention du ministre des solidarités, de la santé et de la famille sur la reconnaissance du statut d'ostéopathe prévue par l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
Cet article avait suscité de très longs débats dans cet hémicycle et les décrets d'application sont attendus avec impatience. Afin d'en préparer la rédaction, un groupe de réflexion sur les conditions d'exercice et de formation de cette profession, comprenant les organisations représentatives d'ostéopathes, s'est réuni à plusieurs reprises entre septembre 2003 et février 2004.
La concertation s'est interrompue et, depuis, aucune information officielle sur les orientations du ministère chargé de la santé n'est parue. Il semble que cette suspension soit liée à des désaccords entre les principales directions concernées par le sujet de l'ostéopathie. En effet, si la DHOS est consciente de la nécessité de maintenir l'accès direct des usagers aux ostéopathes, la direction générale de la santé y serait, pour sa part, opposée.
Cette divergence de vue place les patients des ostéopathes dans une situation de plus en plus délicate, à un moment où l'article 75 a entraîné une explosion du nombre d'installations de praticiens dont la formation et le type d'exercice ne sont pas toujours identifiables. Par ailleurs, l'inflation du nombre de centres de formation en ostéopathie ne présentant pas de garanties qualitatives est considérable et place de nombreux étudiants dans une situation potentiellement précaire.
Les organisations représentatives d'ostéopathes se sont fortement impliquées dans un processus de réglementation de leur profession, nécessaire au regard des droits des malades et de la qualité du système de santé. Elles se sont, de ce point de vue, montrées légitimistes et détentrices du savoir-faire dans le domaine de l'ostéopathie. Elles ne comprendraient pas de ne pas être entendues sur le modèle réglementaire qu'elles préconisent.
C'est pourquoi je souhaite connaître la position du Gouvernement sur l'accès direct des patients à l'ostéopathie, sur le modèle de formation qui sera mis en place et, surtout, sur l'état d'avancement des textes d'application d'une loi qui, je le rappelle, a fêté son troisième anniversaire vendredi dernier.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur les décrets d'application de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002, qui a reconnu le titre d'ostéopathe et a prévu de définir les conditions de formation de ces professionnels et leurs conditions d'exercice.
Il s'agit, pour l'Etat, de garantir aux personnes qui ont recours aux ostéopathes une sécurité et une qualité des pratiques, en s'assurant que ces professionnels ont reçu une formation adéquate.
La loi du 4 mars 2002 a été promulguée voilà plus de trois ans et il n'est pas bon, en effet, que ses principaux textes d'application n'aient pas été publiés. La reconnaissance du titre d'ostéopathe, sans les décrets qui doivent en préciser le contenu en termes de formation, laisse un vide juridique propice à un usage abusif de ce titre et à la création d'écoles sans contenu pédagogique validé.
Tant la durée souhaitable de la formation des ostéopathes - aujourd'hui, elle est souvent de six ans - que l'articulation de cette formation avec celle des masseurs-kinésithérapeutes, notamment, continuent à faire débat. Le ministère a entrepris, depuis maintenant deux mois, des consultations avec l'ensemble des organisations des professionnels concernés, afin de dégager sur ces sujets des options claires, qui garantiront la qualité de la prise en charge.
Cette phase de consultations se termine. Le Gouvernement entend, en tout état de cause, prendre les décrets d'application permettant de mettre en oeuvre cet article 75 dans un délai de six mois. C'est la date que je peux, à ce jour, officiellement vous communiquer, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je vous remercie, madame la secrétaire d'Etat, de ces précisions. Ce terme de six mois semble un délai maximum, car, au bout de trois ans, il est nécessaire que soient publiés les décrets d'application de la loi.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à seize heures.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Conférence des présidents
M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l'ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
MERCREDI 9 MARS 2005
A 15 heures et le soir
JEUDI 10 MARS 2005
A 9 heures 30, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour prioritaire
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la régulation des activités postales (n° 149, 2004-2005).
MARDI 15 MARS 2005
A 10 heures 30 :
Ordre du jour complémentaire
1°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission des affaires économiques sur :
- la proposition de résolution présentée par M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, en application de l'article 73 bis du règlement sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (n° E 2520) (n° 177, 2004-2005) ;
- la proposition de résolution présentée par M. Jean Bizet en application de l'article 73 bis du règlement sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (n° E 2520) (n° 182, 2004 2005) ;
- la proposition de résolution présentée par M. Robert Bret et plusieurs de ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen en application de l'article 73 bis du règlement relative à la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (n° E-2520) (n° 209, 2004 2005) ;
(La conférence des présidents :
- a fixé au lundi 14 mars 2005, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 14 mars 2005) ;
A 16 heures et le soir :
Ordre du jour prioritaire
2°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'avenir de l'école (n° 221, 2004-2005) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 14 mars 2005, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à cinq heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 14 mars 2005).
MERCREDI 16 MARS 2005
Ordre du jour prioritaire
A 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école.
JEUDI 17 MARS 2005
A 9 heures 30 :
Ordre du jour prioritaire
1°) Suite du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école ;
A 15 heures et le soir :
2°) Questions d'actualité au Gouvernement ;
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;
Ordre du jour prioritaire
3°) Suite de l'ordre du jour du matin.
EVENTUELLEMENT, VENDREDI 18 MARS 2005
Ordre du jour prioritaire
A 9 heures 30, 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école.
MARDI 22 MARS 2005
A 10 heures :
1°) Dix-huit questions orales :
L'ordre d'appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 617 de M. Daniel Reiner à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (Financement d'équipements communautaires) ;
- n° 631 de M. Jean-Marie Bockel à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche (Difficultés de fonctionnement des universités françaises) ;
- n° 660 de M. Jean-Pierre Godefroy à M. le ministre des affaires étrangères (Situation des droits de l'homme en Tchétchénie) ;
- n° 669 de M. Dominique Mortemousque à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité (Mise en application des droits à paiement unique) ;
- n° 670 de Mme Françoise Henneron à M. le ministre de la culture et de la communication (Conditions de versement des subventions du Fonds national pour l'archéologie préventive) ;
- n° 672 de M. Robert Hue à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ;
(Effectifs de police dans le Val d'Oise) ;
- n° 673 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille (Situation de l'hôpital Saint Vincent de Paul) ;
- n° 674 de Mme Christiane Kammermann à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation (Difficulté des Français établis hors de France, créateurs d'entreprises à l'étranger) ;
- n° 676 de M. Georges Mouly à M. le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale (Aides aux entreprises d'insertion) ;
- n° 677 de M. Denis Detcheverry à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité (Avenir de la pêche à Saint-Pierre-et-Miquelon) ;
- n° 678 de M. Jean-Pierre Michel à M. le ministre délégué à l'industrie (Situation de l'entreprise textile Kohtexler) ;
- n° 679 de Mme Nicole Bricq à M. le ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative (Fermeture du CREPS de Montry en Seine-et-Marne) ;
- n° 680 de M. Yves Détraigne à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales (Situation des mineurs étrangers pris en charge par l'aide sociale à l'enfance) ;
- n° 681 de M. Michel Thiollière à M. le ministre délégué à l'industrie (Avenir des pôles de compétitivité) ;
- n° 682 de M. Jean-Pierre Sueur à M. le ministre des solidarités, de la santé et de la famille (Mesures en faveur des femmes exposées au distilbène) ;
- n° 686 de Mme Catherine Procaccia à M. le ministre délégué au logement et à la ville (Conditions d'obtention des aides au logement) ;
- n° 687 de Mme Marie-Christine Blandin à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer (Répartition des crédits routiers et ferroviaires dans les contrats de plan Etat-Régions) ;
- n° 692 de Mme Anne-Marie Payet à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées (Prise en charge des personnes handicapées à la Réunion) ;
Ordre du jour prioritaire
A 16 heures :
2°) Question orale européenne avec débat (n° QE-1) de M. Hubert Haenel à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les mesures européennes de lutte contre le terrorisme ;
(La discussion de cette question orale européenne s'effectuera selon les modalités prévues à l'article 83 ter du règlement) ;
3°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'annexe V au protocole au traité sur l'Antarctique, relatif à la protection de l'environnement, protection et gestion des zones (n° 429, 2003-2004) ;
4°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole sur l'eau et la santé à la convention de 1992 sur la protection et l'utilisation des cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux (n° 12, 2004-2005) ;
5°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 430, 2003-2004) ;
6°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Macédoine relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 21 rectifié, 2004-2005) ;
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune) ;
7°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Bosnie-Herzégovine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 443, 2003-2004) ;
8°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (n° 123, 2004-2005) ;
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune) ;
9°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement à l'accord portant création de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, signé à Paris le 29 mai 1990, en vue d'admettre la Mongolie comme pays d'opérations, adopté à Londres le 30 janvier 2004 (n° 444, 2003-2004) ;
10°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord de coopération mutuelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique pour l'échange d'informations relatives à des opérations financières effectuées par l'entremise d'institutions financières pour prévenir et combattre les opérations provenant d'activités illicites ou de blanchiment d'argent (n° 35, 2004-2005) ;
11°) Projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d'Andorre dans le domaine de l'enseignement (n° 80, 2004-2005) ;
12°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole à la convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne conformément à l'article 34 du traité sur l'Union européenne (n° 82, 2004-2005) ;
13°) Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention établie par le Conseil conformément à l'article 34 du traité sur l'Union européenne relative à l'entraide judiciaire en matière pénale entre les Etats membres de l'Union européenne (n° 83, 2004-2005) ;
(La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune) ;
14°) Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles d'un Etat dans l'autres (n° 88, 2004-2005).
MERCREDI 23 MARS 2005
Ordre du jour prioritaire
A 16 heures et le soir :
- Projet de loi portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique (n° 172, 2004-2005) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 22 mars 2005, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 22 mars 2005).
JEUDI 24 MARS 2005
Ordre du jour prioritaire
A 9 heures 30 et à 15 heures :
1°) Projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale (n° 208, 2004-2005) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mercredi 23 mars 2005, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 23 mars 2005) ;
A 21 heures 30 ;
2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école ;
3°) Eventuellement, suite de l'ordre du jour de l'après-midi.
MARDI 29 MARS 2005
Ordre du jour réservé
A 10 heures :
1°) Débat sur le rapport d'information (n° 25, 2004-2005) établi par MM. Joël Bourdin et Marc Massion au nom de la commission des finances sur la Société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires (SOPEXA) ;
(La conférence des présidents :
- a attribué un temps de parole spécifique de dix minutes à chacun des deux rapporteurs de la commission des finances ;
- a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le vendredi 25 mars 2005) ;
A 16 heures et, éventuellement, le soir :
2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission des lois sur :
- la proposition de loi tendant à lutter contre les violences à l'égard des femmes et notamment au sein des couples par un dispositif global de prévention, d'aide aux victimes et de répression, présentée par M. Roland Courteau et plusieurs de ses collègues (n° 62, 2004-2005) ;
- et la proposition de loi relative à la lutte contre les violences au sein des couples, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues (n° 95, 2004 2005) ;
(La conférence des présidents :
- a fixé au jeudi 24 mars 2005, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- a attribué un temps de parole spécifique de quinze minutes au représentant de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entres les hommes et les femmes ;
- a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le vendredi 25 mars 2005).
MERCREDI 30 MARS 2005
Ordre du jour prioritaire
A 15 heures et le soir :
- Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux assistants maternels et aux assistants familiaux (n° 183, 2004-2005) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 29 mars 2005, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 29 mars 2005).
JEUDI 31 MARS 2005
Ordre du jour prioritaire
A 9 heures 30 et à 15 heures :
- Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif aux aéroports (A.N., n° 1914) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au mardi 29 mars 2005, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 30 mars 2005).
MARDI 5 AVRIL 2005
Ordre du jour prioritaire
A 16 heures et le soir :
- Sous réserve de son dépôt sur le bureau du Sénat, projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques ;
(La conférence des présidents a fixé :
- au lundi 4 avril 2005, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements à ce texte ;
- à quatre heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des divers groupes ou ne figurant sur la liste d'aucun groupe ;
L'ordre des interventions sera déterminé en fonction du tirage au sort et les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 4 avril 2005).
MERCREDI 6 AVRIL 2005
Ordre du jour prioritaire
A 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques.
JEUDI 7 AVRIL 2005
A 9 heures 30 :
Ordre du jour prioritaire
1°) Suite du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques ;
A 15 heures et, éventuellement, le soir :
2°) Questions d'actualité au Gouvernement ;
(L'inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;
Ordre du jour prioritaire
3°) Suite de l'ordre du jour du matin.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?
M. Alain Vasselle. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle. Monsieur le président, je voudrais simplement faire observer que, jusqu'au mois d'avril, semble-t-il, de nombreuses séances de nuit sont prévues.
Cela m'inquiète d'autant plus que j'ai encore dans l'oreille le discours prononcé par M. le président du Sénat à l'ouverture de la session et les voeux qu'il avait exprimés après sa réélection à la présidence de la Haute Assemblée. J'avais cru comprendre alors qu'il allégerait quelque peu l'ordre du jour, de telle manière que nous n'ayons plus à siéger autant le soir.
Rappelez-vous, mes chers collègues, nous nous sommes déplacés à Versailles pour voter l'instauration de la session unique ; mais je crois que plus d'un sénateur s'en mord aujourd'hui les doigts ! Je souhaiterais, pour ma part, que nous disposions d'un peu plus de temps, non seulement pour examiner les textes, mais également pour exercer notre mission de contrôle.
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. le président. Monsieur Alain Vasselle, vous savez bien que, quand on dit « jamais », cela signifie « pas pour l'instant » ! (Sourires.)
Y a-t-il d'autres observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
Par ailleurs, M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement, a communiqué à la conférence des présidents le programme prévisionnel de l'ordre du jour prioritaire du Sénat jusqu'à la fin du mois de juin 2005.
M. le président du Sénat adressera personnellement ce programme prévisionnel à chaque sénateur.
5
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour un rappel au règlement.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention a deux objets.
Le premier est effectivement un rappel au règlement relatif à l'organisation de nos travaux et se fonde sur l'article 29 de notre règlement.
Dans l'ordre du jour que je viens d'entendre, je ne vois aucune possibilité pour le parlementaire que je suis d'évoquer la situation d'un secteur en crise, celui de la viticulture, à la veille d'une mobilisation importante. Or, si nous ne faisons pas écho, ici même, par la façon dont nous abordons les problèmes qui se posent, à la désespérance des viticulteurs, il n'y aura pas d'autre issue que des manifestations dans la rue, lesquelles peuvent toujours donner lieu à des incidents, ce que nous serions les premiers à regretter.
Voilà pourquoi, monsieur le président, je souhaite que ce sujet soit inscrit à l'ordre du jour dans les meilleurs délais.
Par ailleurs, et c'est le second objet de mon intervention, je sollicite une suspension de séance.
En effet, au moment où je parle et à l'occasion de l'examen en deuxième lecture par notre assemblée du projet de loi relatif à la régulation des activités postales, M. le président du Sénat reçoit une délégation de l'Association des maires ruraux de France, qui vient déposer 6 200 délibérations de communes rurales prises en faveur du maintien du service public, notamment du service public postal.
Il serait, me semble-t-il, à la fois courtois de notre part et utile pour la qualité de nos débats que le Sénat suspende ses travaux et reçoive cette délégation, afin d'écouter le message qu'elle souhaite nous délivrer de la part, je le rappelle, de l'ensemble des collectivités territoriales, que nous représentons ici.
M. le président. Monsieur Delfau, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Connaissant la courtoisie de M. le président du Sénat, je ne doute pas un instant qu'il acceptera que vous vous joigniez à la délégation qu'il reçoit, d'autant que vous n'êtes pas inscrit au début de la discussion générale. Et les licteurs postés devant l'entrée du Sénat ne vous barreront certainement pas le chemin ! (Sourires.) Par conséquent, si vous souhaitez vous joindre à cette délégation, vous pouvez le faire.
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. le président. Quant à nous, en revanche, compte tenu des observations formulées par M. Vasselle à l'instant, nous allons poursuivre, car je m'en voudrais de retarder le début de nos travaux plus longtemps. (Nouveaux sourires.)
6
Régulation des activités postales
Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la régulation des activités postales (nos 149, 219).
Motion d'ordre
M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. le ministre délégué à l'industrie, je voudrais soumettre au Sénat une motion concernant les modalités de discussion des articles 1er et 2 du projet de loi.
Ces articles font chacun l'objet de deux amendements de suppression qui, déposés respectivement par le groupe CRC et le groupe socialiste, ont pour effet mécanique de mettre en discussion commune trente-cinq amendements à l'article 1er et trente-trois à l'article 2.
Pour la clarté de notre débat, je vous propose, avec l'accord de M. le président de la commission des affaires économiques, d'examiner séparément les amendements de suppression de ces deux articles.
Notre débat y gagnera en lisibilité.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Demande de réserve
M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, en plein accord avec le président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Emorine, je souscris entièrement, en tant que rapporteur, à votre proposition.
Toujours pour la clarté des débats, j'ajoute que la commission des affaires économiques souhaite la réserve, jusqu'à l'article 8, de l'amendements no 96 de M. Pierre-Yvon Trémel et des membres du groupe socialiste, et de l'amendement n° 152 de M. Gérard Delfau, ainsi que la réserve de l'amendement n° 154 de M. Bruno Retailleau, jusqu'à l'article 7.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, à Lisbonne, en 2000, les quinze pays de l'Union européenne se sont fixé comme objectif de faire de l'Union européenne la première économie de la connaissance d'ici à 2010.
Conscients que le développement des échanges est un puissant moteur de l'économie, les Quinze ont voulu poursuivre la libéralisation des échanges, tant immatériels que matériels : c'est ainsi qu'a été adopté le fameux « paquet télécom », qui assoit la concurrence dans l'ensemble du secteur des technologies de l'information et de la communication, et que nous avons transposé l'année dernière grâce à la loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.
Les Quinze ont également décidé de poursuivre la libéralisation des échanges matériels, en appelant à la poursuite de l'ouverture des marchés dans le secteur des transports et dans le celui des services postaux.
Les services postaux sont, en effet, un instrument essentiel de communication et d'échanges.
Dès 1992, dans son Livre vert sur le développement du marché unique des services postaux, la Commission européenne avait ouvert le débat sur une politique communautaire en identifiant les étapes de réalisation de l'Europe postale.
Ce processus engagé avec nos partenaires européens a permis d'aboutir à l'adoption de la directive du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité, dite plus simplement « directive postale ».
L'intitulé même de cette directive met en évidence le lien indissociable qui doit unir les mesures qui visent une ouverture progressive et contrôlée des marchés et l'amélioration de la qualité de service pour les utilisateurs.
Ainsi, la France a toujours défendu dans la négociation européenne la nécessité de prendre en compte les objectifs de service public et d'aménagement du territoire et a préconisé une harmonisation à un haut niveau de qualité dans le cadre d'un large périmètre de services réservés.
Cette directive postale de 1997, rappelons-le, aurait dû être transposée avant le 31 décembre 2000.
Par la suite, et après la décision des ministres européens des postes du 15 octobre 2001, cette directive a été modifiée par la directive du 10 juin 2002 afin de poursuivre l'ouverture à la concurrence des services postaux.
Cette seconde directive aurait dû être transposée avant le 31 décembre 2002.
La France est ainsi aujourd'hui en retard dans ses obligations de transposition. Et logiquement, deux procédures sont, hélas ! en cours devant la Cour de justice des Communautés européennes, concernant tant la mise en place d'un régulateur indépendant des activités postales que la délimitation du monopole de La Poste, appelé « secteur réservé ».
Le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi relatif à la régulation des activités postales en janvier 2004. Plus d'un an s'est écoulé avant la deuxième lecture que nous abordons aujourd'hui. Mais c'était certainement le temps nécessaire à la réflexion et au débat. Il nous faut aujourd'hui, au travers de ce projet de loi, non seulement transposer les directives européennes postales de 1997 et de 2002, mais aussi doter La Poste et ses concurrents des outils indispensables pour devenir des acteurs majeurs du marché mondial des services postaux.
Je souhaite aborder maintenant ces deux questions en revenant sur les avancées consacrées dans ce texte lors de la première lecture par les deux assemblées. C'est aussi l'occasion pour moi de souligner la qualité des travaux que le Sénat a d'ores et déjà menés sur ce texte et la contribution éminente de la commission des affaires économiques, en la personne de son président, M. Jean-Paul Emorine, et de son rapporteur, M. Pierre Hérisson.
Les directives postales que ce projet de loi vise d'abord à transposer sont les garantes de la qualité des services postaux.
Les Etats membres de l'Union européenne ont l'obligation d'assurer la disponibilité d'une offre comprenant toute la gamme du « service universel ». Cette gamme doit être accessible tous les jours ouvrables, sur tout leur territoire, et ouverte à tous les utilisateurs, à un prix abordable. En France, c'est La Poste qui est chargée de cette mission dont les détails sont inscrits dans son cahier des charges.
Les Etats membres de l'Union européenne peuvent octroyer au prestataire du service universel postal un certain monopole, dans la limite des seuils définis par la directive, afin de garantir le financement de cette mission.
Le projet de loi confirme le monopole de La Poste en l'ajustant aux seuils prévus par la directive européenne. Depuis le 1er janvier 2003, le secteur réservé couvre les envois de correspondances d'un poids inférieur à 100 grammes. Au 1er janvier 2006, cette limite tombera à 50 grammes.
L'Assemblé nationale a souhaité, comme le permet la directive, soustraire du domaine réservé de La Poste les envois recommandés utilisés dans le cadre des procédures administratives ou juridictionnelles. Les caractéristiques de ces recommandés seront définis par décret en Conseil d'Etat et ouverts à tous les prestataires de service postaux capables d'offrir ce service avec un haut niveau de qualité.
Par ailleurs, les Etats membres doivent garantir qu'une autorité indépendante des opérateurs postaux est chargée de veiller au respect des règles de concurrence dans le secteur postal et à la bonne fourniture du service universel postal
Le projet de loi prévoit ainsi d'étendre les pouvoirs de l'ART à la régulation du secteur postal. Avec un nouveau service et deux nouveaux membres du collège compétents dans le secteur postal, cette autorité serait alors dénommée, ainsi que vous l'avez proposé, « autorité de régulation des communications électroniques et des postes », ou ARCEP.
A cet effet, l'Assemblée nationale a souhaité porter le nombre de membres du collège de cinq à sept. C'était la proposition initiale de la commission des affaires économiques du Sénat. Je pense donc que, sur ce point, nous pourrons arriver à un accord, puisque c'est l'Assemblée nationale qui vous a rejoints.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Quels sont les grands principes de la régulation des activités postales ?
Tout d'abord, l'exercice par des concurrents de La Poste d'une activité de distribution de correspondances sera soumis à un régime d'autorisations délivrées par le régulateur.
L'ARCEP sera ensuite amenée à jouer un rôle majeur en matière de règlement des différends dans le secteur postal et, surtout, de régulation tarifaire. L'Assemblé nationale a souhaité retirer entièrement du contrat de plan le contrôle des tarifs de La Poste. Les tarifs des services réservés seront désormais homologués par le régulateur, qui pourra également mettre en place un encadrement pluriannuel des tarifs du service universel.
L'ARCEP veillera aussi à ce que le financement de la mission de service universel postal soit assuré dans le respect des règles de concurrence, à travers la possibilité qui lui sera donnée notamment de faire vérifier les règles d'affectation des coûts de La Poste.
Si l'ARCEP venait à constater un déséquilibre dans le financement du service universel postal, c'est-à-dire si le monopole accordé aujourd'hui à La Poste ne couvrait pas le surcoût économique que représente la fourniture du service universel sur tout le territoire, le projet de loi lui fait alors obligation de proposer au ministre des mesures pour y remédier.
Ensuite, le projet de loi prévoit que le Gouvernement fasse un rapport au Parlement sur le financement du service universel, en étudiant notamment l'opportunité de la création d'un fonds de compensation, option explicitement prévue par les directives communautaires. Ce fonds de compensation du service universel postal, abondé par les concurrents de La Poste, serait alors destiné à financer la mission de service universel dévolue à La Poste si le champ du monopole ne suffisait plus à financer cette mission.
Enfin, l'ARCEP sera dotée d'un large pouvoir de sanctions.
Voilà, en quelques mots, les règles du marché européen des activités postales que nous transposons dans ce projet de loi relatif à la régulation des activités postales. Je suis convaincu que le dispositif envisagé nous permettra de concilier la libéralisation du secteur avec la fourniture du service public postal de qualité. C'est l'un des enjeux essentiels du texte qui vous est proposé.
Ce projet de loi permet également de doter La Poste et ses concurrents des outils indispensables pour assurer leur croissance sur le marché national des services postaux et permettre leur expansion à l'international.
Mme Hélène Luc. La croissance, c'est à voir !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Dans cette perspective, un apport majeur de ce texte est la création d'un établissement de crédit postal.
L'évolution des services financiers de La Poste est une affaire ancienne : la gamme s'est étoffée progressivement autour du livret A ; elle comprend aujourd'hui à peu près tous les produits d'épargne et s'étend au crédit immobilier avec épargne préalable.
La possibilité de créer un établissement financier obéissant aux règles bancaires parachève cette évolution
Elle permettra à La Poste de conforter sa clientèle, qui aujourd'hui la quitte lorsqu'elle a besoin d'emprunter. Elle permettra également de développer l'activité du réseau des bureaux de poste. Elle devra naturellement s'exercer dans le respect des règles professionnelles et prudentielles applicables à toutes les entreprises de cette branche. La Poste y travaille d'ores et déjà avec les autorités de marché.
L'établissement de crédit recourra, pour son activité commerciale et de production, aux moyens en personnel de La Poste dans le cadre de conventions de services qui devront exclure toute distorsion de concurrence, en particulier en assurant une juste rémunération de La Poste et de son réseau par l'établissement.
Mme Hélène Luc. Au détriment des autres activités !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Les députés ont souhaité que l'établissement de crédit postal soit créé au 1er janvier 2006. Ils ont également adopté un amendement qui prévoit, dans un souci de transparence, que la Cour des comptes procède, dans les deux ans qui suivront la création de cet établissement, à une évaluation de son fonctionnement et de ses relations avec les autres entités du groupe La Poste. Ce rapport devra être transmis au Parlement.
La mission de La Poste liée à l'aménagement du territoire a été précisée et clarifiée à l'occasion de la première lecture de ce projet de loi.
L'Assemblé nationale a notamment défini un critère d'accessibilité au réseau de proximité de La Poste, reprenant en cela une proposition faite par M. Gérard Larcher lorsqu'il était sénateur : pas plus de 10 % de la population de chaque département ne devra se trouver éloignée de plus de cinq kilomètres d'un point de présence de La Poste.
De plus, l'évolution du réseau des bureaux de poste et les enjeux d'aménagement du territoire trouveront des réponses dans la négociation sur le terrain et non pas à partir de solutions dictées d'en haut.
Nous vous proposons de compléter ce mécanisme en prévoyant la création d'un fonds postal national de péréquation territoriale qui permettra de financer une présence postale là où cela apparaît prioritaire, en concertation avec les élus. Les ressources de ce fonds proviennent notamment de l'allégement de fiscalité locale dont La Poste bénéficie en application de la loi du 2 juillet 1990.
Sur le plan départemental, par exemple, ce fonds pourra être géré en s'appuyant bien évidemment sur les compétences des commissions départementales de présence postale territoriale.
Le contrat de plan en a posé le principe. La Poste et un groupe d'élus placé sous l'autorité de M. Pierre Hérisson, rapporteur de ce projet de loi et président de la Commission supérieure du service public des postes et communications électroniques, la CSSPPCE, travaillent actuellement à en définir le détail. Ils viennent d'ailleurs de rendre leurs premières conclusions et propositions, dont je salue la qualité avec beaucoup de plaisir. Elles sont de nature à pérenniser, sur l'ensemble du territoire, le réseau de proximité de La Poste, auxquels nous sommes tous tant attachés.
L'Assemblée nationale a également souhaité apporter une solution au problème d'accès aux boîtes aux lettres.
Le prestataire du service universel et les titulaires d'autorisations doivent avoir accès, dans des conditions définies par décret, aux boîtes aux lettres des destinataires d'envois postaux, et ce afin notamment que le système de contrôle d'accès, dit « Vigik », mis en place dans un grand nombre de copropriétés et auquel La Poste a un accès natif, ne constitue pas une distorsion de concurrence.
J'ai confié au Conseil général des technologies de l'information une mission pour étudier les conditions de mise en oeuvre de cette disposition, en tenant compte bien entendu des questions relatives au respect de la propriété privée.
Les premières conclusions qui m'ont été rendues confirment la nécessité et la faisabilité d'un encadrement législatif et réglementaire de l'accès aux boîtes aux lettres. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de l'examen des articles.
Enfin, une mesure très attendue par l'ensemble des clients de La Poste concerne le régime de responsabilité des envois postaux.
En effet, des dispositions très anciennes du code des postes et des communications électroniques édictaient au profit de La Poste une irresponsabilité de droit.
Aujourd'hui, à juste raison, les tribunaux écartent l'application de ce texte, qui n'est plus conforme aux principes généraux du droit. Nous aurons l'occasion d'en débattre, mais il nous faut certainement réfléchir dès à présent à un dispositif répondant mieux aux attentes des utilisateurs et applicable à l'ensemble du secteur postal.
Comme l'a montré la consultation menée cet été par mes services, les dispositions votées à l'Assemblée nationale méritent encore d'être améliorées. Sans doute faut-il appliquer aux envois postaux un principe de responsabilité beaucoup plus large : c'est la garantie pour les utilisateurs d'une meilleure prise en compte de leurs intérêts légitimes ; c'est également pour La Poste une incitation claire à améliorer encore la qualité de ses services.
Aujourd'hui, la concurrence dans les services postaux existe déjà, en France, par exemple dans le secteur du colis ou dans celui du publipostage non adressé. Les gains de productivité que cette concurrence entraîne chez les opérateurs du secteur nourrissent et soutiennent la croissance de notre économie.
La Grande-Bretagne vient d'annoncer qu'elle libéralisera complètement son marché intérieur à partir de 2006 ; les Pays-Bas et l'Allemagne pourraient faire de même dès 2007. Nous devons donc nous préparer : nous, le marché, mais aussi La Poste, à l'éventualité désormais très probable de l'ouverture totale du marché européen à la concurrence, prévue à l'horizon de 2009.
Mme Hélène Luc. Eh bien oui ! C'est ça, la Constitution européenne !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il vaut mieux s'y préparer plutôt que d'attendre que cela nous tombe sur la tête !
Dans ce processus, une nouvelle étape doit aujourd'hui être franchie. Le projet de loi relatif à la régulation des activités postales qu'il vous est proposé d'adopter, mesdames, messieurs les sénateurs, préparera La Poste et l'ensemble des acteurs du secteur postal à conquérir de nouveaux marchés, dans un contexte de plus en plus concurrentiel, tout en garantissant sur l'ensemble du territoire un service public de qualité. La Poste est tout à fait capable de cette évolution. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous revient d'examiner aujourd'hui en deuxième lecture le projet de loi relatif à la régulation des activités postales.
Je ne m'étendrai pas sur l'importance manifeste de ce projet de loi pour La Poste. Vous me permettrez, en revanche, d'insister sur son importance pour notre économie en général, puisqu'une poste performante est indispensable à la compétitivité de l'économie nationale. Ce texte est également décisif pour la cohésion nationale, car une des ambitions qu'il traduit est le maillage de notre territoire par un service public de proximité.
Le premier examen du projet de loi a eu lieu au Sénat, en janvier 2004. J'en rappellerai à grands traits les orientations majeures.
Son premier objet est d'instaurer un cadre pour le marché postal qui va s'ouvrir progressivement à la concurrence. En effet, mes chers collègues, nous ne devons pas oublier que ce projet de loi vise d'abord à la transposition, bien que tardive, de deux directives communautaires - l'une est de décembre 1997, l'autre de juin 2002 - qui organisent l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté. Or cette ouverture devrait se solder, d'ici à 2009, par la disparition totale du monopole de La Poste.
M. Pierre-Yvon Trémel. Ce n'est pas sûr !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Le deuxième objet du projet de loi est de fixer les principes de la régulation qui encadrera cette ouverture à la concurrence des marchés postaux. A cette fin, les compétences de l'Autorité de régulation des télécommunications seront étendues au champ postal. En choisissant ainsi la formule du régulateur dédié aux postes et télécommunications, la France rejoindrait l'Allemagne, mais aussi l'Autriche, la Belgique, les Pays-Bas et la Suède, qui ont déjà adopté cette solution.
Le troisième apport du texte, que, d'ailleurs, on doit au Sénat, consiste en la création d'une filiale de La Poste ayant le statut d'établissement de crédit. La Poste pourra ainsi étendre la gamme de ses services financiers et, notamment, proposer des crédits immobiliers sans épargne préalable, dans le respect du droit commun bancaire.
Pour finir, un mérite reconnu du projet de loi est de donner enfin au réseau de La Poste les moyens juridiques et financiers qui lui permettront d'évoluer pour continuer d'être un outil essentiel de l'aménagement de notre territoire national.
L'Assemblée nationale a procédé à l'examen en première lecture de ce texte à la fin du mois de janvier dernier seulement. L'année qui s'est écoulée entre les premières lectures dans chacune des chambres du Parlement n'aura pas été perdue : sur tous ces sujets importants, les positions des uns et des autres ont mûri, voire se sont rapprochées, et certains points de consensus me paraissent pouvoir être dégagés.
Certes, la lecture à l'Assemblée nationale n'a pas été un long fleuve tranquille, mais elle aura été fructueuse, puisqu'elle aura permis d'entériner certaines options décisives, introduites par le Sénat, que nous pouvons désormais considérer comme acquises.
Ainsi, le choix a été fait d'une autorité de régulation unique, mais enrichie par l'entrée dans son collège de deux membres supplémentaires, nommés par les présidents de chacune des assemblées.
Les députés nous ont également rejoints sur la création d'un établissement de crédit postal. L'Assemblée nationale n'a apporté à ce projet d'envergure que de simples aménagements à la marge. Elle a également reporté au 1er janvier 2006 la date limite de sa création, ce qui semble aujourd'hui plus réaliste.
Le dernier acquis fondamental de la navette parlementaire peut être ainsi formulé : la présence postale territoriale doit être adaptée, assurée et, surtout, financée. Pour adapter cette présence, les députés ont consacré dans la loi l'existence des commissions départementales de présence postale territoriale. Afin d'assurer une présence postale minimale, ils ont souscrit à la proposition du Sénat de fixer des règles d'accessibilité à l'échelon départemental. Ils ont, en outre, proposé un critère minimal d'accessibilité au réseau de La Poste : ainsi, dans chaque département, 90 % de la population devra se trouver à moins de cinq kilomètres des points de contact de La Poste les plus proches.
M. Thierry Repentin. C'est du vent !
M. Bernard Piras. C'est du pipeau !
Mme Hélène Luc. Qu'est-ce que cela veut dire ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Enfin, le financement reposera sur le fonds postal national de présence territoriale. La commission des affaires sociales préconisait la création d'un tel fonds dans le rapport d'information de 2003 que son ancien président, Gérard Larcher, avait présenté ici même et le Sénat y renvoyait ensuite dans la rédaction qu'il avait adoptée en première lecture ; au demeurant, elle est prévue dans le contrat de plan, monsieur le ministre.
S'appuyant sur ces trois acquis fondamentaux, la commission des affaires économiques vous proposera encore quelques améliorations, mes chers collègues, afin de conforter les orientations fondamentales de ce texte.
Tout d'abord, si la commission est soucieuse de permettre à la concurrence d'émerger, elle tient aussi à donner à La Poste les moyens d'assumer ses obligations de service universel. C'est pourquoi elle vous proposera de mieux préciser le contour des éléments auxquels les opérateurs postaux concurrents devront impérativement avoir accès pour pouvoir exercer leur activité postale. Dans cet esprit, elle affirme notamment la nécessité d'un accès aux boîtes aux lettres particulières dans des conditions justes et identiques, pour La Poste et pour les opérateurs autorisés.
Afin de rendre transparentes les conditions de la concurrence, la commission suggérera également de faire réaliser un audit de la comptabilité analytique de La Poste par un organisme indépendant, comme cela se pratique pour les opérateurs chargés du service universel dans les secteurs des communications électroniques et de l'électricité.
Enfin, la commission souhaite donner au régulateur pleine compétence pour fixer les caractéristiques d'encadrement pluriannuel des tarifs. Cela permettra de parachever la démarche engagée par l'Assemblée nationale et de confirmer que le contrôle tarifaire ne peut être partagé entre le ministre et l'autorité de régulation.
En contrepartie de cette régulation mieux assise, et afin de tirer sans tarder les conséquences pour La Poste d'une montée en puissance progressive de la concurrence sur le marché postal, la commission vous proposera encore de prévoir d'emblée la création d'un fonds de compensation du service universel. Ce fonds serait activé, sur décision du ministre, dès que les recettes tirées des services réservés ne compenseraient plus pour La Poste la charge que représentent ses obligations de service universel.
Pour ce qui est de l'établissement de crédit postal, la commission propose de ne modifier le texte que sur un point, qu'elle juge important, car il s'agit de rassurer les agents des services financiers sur leur future situation juridique. Elle vous invitera donc à encadrer dans certaines limites la possibilité de mettre des fonctionnaires de La Poste à la disposition de l'établissement de crédit. Monsieur le ministre, nous vous entendrons avec intérêt sur ce sujet.
En matière sociale, la commission vous présentera trois amendements. Le premier vise à supprimer les conditions restrictives à l'emploi d'un contractuel, afin de permettre à La Poste, à l'heure de sa mise en concurrence, de mener une libre politique de recrutement. Le deuxième tend à élargir le champ de négociation, dans le domaine social, entre la direction de La Poste et les syndicats. Le troisième et dernier a pour objet de demander à La Poste de prendre l'initiative de réunir la commission paritaire qui sera chargée d'élaborer une convention collective pour le secteur postal : cette convention me paraît indispensable pour éviter que la concurrence ne s'accompagne d'un dumping social.
Pour ce qui concerne le réseau de l'établissement, la commission souhaite que soit enfin assignée à La Poste une mission d'intérêt général relative à l'aménagement du territoire qui soit claire. Cette mission vient en complément des obligations de service universel de La Poste et inclura l'ensemble de ses activités, alors que ses obligations de service universel ne concernent aujourd'hui que le courrier.
En outre, la commission juge nécessaire de consacrer au sein des comptes de La Poste la constitution du fonds de péréquation, sur lequel j'ai pu réfléchir, avec les élus locaux et La Poste, au sein du groupe de travail dont j'ai l'honneur d'assurer la présidence. La commission souhaite aussi préciser que ce fonds a pour mission de financer spécifiquement le complément de présence postale territoriale correspondant à la mission d'aménagement du territoire assignée à La Poste.
Enfin, à travers les amendements que je vous soumettrai en son nom, la commission des affaires économiques a entrepris de traiter quelques sujets nouveaux mais importants.
J'évoquerai d'abord la responsabilité des opérateurs postaux.
Amélioré par la navette, le projet de loi, que le Sénat a été le premier à examiner en première lecture, maintient encore un principe d'irresponsabilité partielle de La Poste et des opérateurs postaux. Cette solution n'est pas à la hauteur des attentes des consommateurs, mais elle n'est pas non plus satisfaisante pour les opérateurs postaux puisque, dans un contexte de concurrence accrue, elle représente pour eux un handicap. C'est pourquoi la commission propose de soumettre clairement La Poste et les opérateurs postaux au droit commun de la responsabilité pour les pertes et avaries subies par les colis et courriers ; s'agissant des retards, le prestataire ne sera responsable que s'il a pris un engagement sur la date de distribution.
Un autre dossier ouvert par les députés est celui du transport de fonds. Sur ce point, la commission des affaires économiques vous suggère de faire échapper au monopole des transports de fonds non seulement les bijoux de faible valeur, mais également les fonds d'un montant inférieur à 8 500 euros. Cela permettra à La Poste et aux établissements de crédit d'apporter librement quelques espèces aux personnes isolées, mais aussi d'alimenter leurs implantations en zone rurale, implantations dont le maintien serait encore plus difficile si le recours aux transporteurs de fonds s'imposait dès le premier euro.
D'autres initiatives de nos collègues tendent également à enrichir le texte. Notamment, il m'apparaît particulièrement opportun de prévoir sur les timbres-poste une mention explicite du nom de notre pays, afin que soit clairement identifiée sa signature. Cette mention pourrait être « France », ou « République Française », en toutes lettres, plus lisibles que des signes abrégés.
M. Pierre-Yvon Trémel. République française !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous avions déjà abordé cette problématique à l'occasion de l'examen d'un autre texte et au sujet de la Marseillaise, notre hymne national. Nous reviendrons sur ce sujet, important aux yeux de nos concitoyens, dans la discussion des articles, monsieur le ministre.
Enfin, la commission proposera de « toiletter » le code des postes et des communications électroniques : après les nombreux bouleversements législatifs qu'il aura subis en 2004 et en 2005, il sera sans doute nécessaire d'en rendre l'organisation rationnelle.
La commission des affaires économiques vous proposera donc, mes chers collègues, d'adopter le projet de loi tel qu'il aura été modifié par les amendements qu'elle a retenus. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 104 minutes ;
Groupe socialiste, 67 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 26 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 14 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, qui transpose deux directives européennes, celle de 1997 et celle de 2002, a pour objet « de garantir la mission de service universel postal dans un contexte d'ouverture à la concurrence ».
Cette deuxième lecture, tardive sans doute par rapport à la première, rencontre, par un heureux hasard, une double actualité au coeur des préoccupations des Français : la question européenne et la question du maintien et de la présence des services publics sur l'ensemble du territoire.
Pour la question européenne, le rapport est évident, puisque la première raison d'être de ce texte, c'est le respect du droit européen. Faut-il le rappeler, sans cette initiative législative, la France se serait vue condamnée par la Cour de justice des Communautés européennes pour défaut de transposition.
La directive postale de 1997 enjoint la mise en place d'une autorité de régulation indépendante ; la directive de 2002 restreint progressivement le champ du secteur réservé de La Poste avec pour objectif de faire disparaître le monopole dans quatre ans, c'est-à-dire en 2009 !
Nous retrouvons, une fois de plus, la problématique, il est vrai, récurrente du maintien des services publics et de l'ouverture à la concurrence. Mais, en l'occurrence, il faut profiter de l'espace juridique que nous laisse encore le droit communautaire pour que nous puissions adapter La Poste à un environnement qui va devenir, certes, de plus en plus concurrentiel, et c'est toute l'inspiration du texte.
Au passage, il y a une autre question intéressante à évoquer, car elle coïncide elle aussi avec l'actualité : jusqu'où l'Union peut-elle intervenir dans l'organisation de nos services publics ? C'est un domaine qui, à mon sens, exprime le caractère propre de chaque démocratie nationale.
Pour l'instant, la porte d'entrée du droit européen a toujours été le droit à la concurrence.
Je voudrais juste faire remarquer, à de simples fins pédagogiques, que, demain, avec l'article III-122 du projet de Constitution européenne, « les principes et les conditions de fonctionnement » des services économiques d'intérêt général dépendront à la fois de Bruxelles et de la majorité qualifiée. C'est un rappel qu'il est important de faire aujourd'hui.
La seconde grande question d'actualité, c'est la présence et l'avenir des services publics sur le territoire.
Le Président de la République, lors du conseil des ministres du 23 février dernier, a demandé solennellement au Gouvernement de se montrer vigilant « pour défendre les services publics en milieu rural ». Si le Président de la République lui-même s'en préoccupe, ce n'est donc pas une question mineure !
Je crois qu'il est important de clarifier ce point, parce qu'il semble capital, mais aussi ambigu. Capital, et c'est un bon point que la commission des affaires économiques du Sénat ait été la première à proposer d'assigner à La Poste une mission d'intérêt général relative à l'aménagement du territoire. Ambigu, parce que l'on entend trop souvent dire que parler de l'aménagement du territoire, ce serait le prétexte à tous les immobilismes et au refus de la modernité.
Autant il me semble nécessaire de soumettre La Poste à l'impératif de performance, c'est pour elle la condition de son développement et même de sa survie, autant il me paraît essentiel de maintenir un haut niveau de couverture et de qualité de ce qui est pour beaucoup de Français le symbole du service public. Et à ceux qui prétendent que cette idée va à l'encontre de la modernité, je voudrais opposer trois objections.
Premièrement, un réseau postal dense en France est une condition indispensable pour la compétitivité et l'attractivité de nos territoires, mais aussi celle de nos PME-PMI. J'invite ceux qui en douteraient à venir interroger des chefs d'entreprise en milieu rural, ils ne seraient pas déçus !
Deuxièmement, penser aujourd'hui l'espace rural comme un espace vide, c'est une vision du passé. Comme l'a très bien montré l'étude de la DATAR il y a un an, l'espace rural s'est profondément transformé depuis vingt ans.
Dans une France où les ruraux sont deux fois plus nombreux que chez nos partenaires européens - comparaison n'est pas raison en la matière - la ruralité n'est plus à la remorque de la modernité. Bien au contraire, elle est désormais à la mode, puisque de plus en plus de citadins sont attirés par nos campagnes. Aujourd'hui, si l'on peut parler d'exode en France, ce n'est certainement pas d'exode rural, mais c'est précisément d'exode urbain. De sorte qu'il faut se méfier : adapter le réseau postal ? oui, mais pas sur des schémas anciens et dépassé et, au contraire, sur les nouvelles réalités du XXIe siècle.
Troisièmement, enfin, à l'heure de la mondialisation, les territoires qui tireront demain leur épingle du jeu sont ceux qui jouissent tout à la fois d'une forte identité et d'une forte cohésion sociale. Or la raréfaction des services publics est souvent vécue, notamment par les élus locaux, comme l'effacement des symboles de l'Etat et de la communauté nationale. Elle nourrit un sentiment d'abandon et de découragement.
C'est la raison pour laquelle les deux formes de l'expression du service public postal que sont, d'un côté, le service universel et, de l'autre, la présence postale continue, doivent être non seulement consacrées - elles le sont par ce texte, mais pas suffisamment - mais aussi sanctuarisées. C'est, à mes yeux, fondamental.
Au reste, si ces deux concepts sont différents, ils sont en même temps indissociables. Différents, parce que le droit européen impose de bien clarifier ce qui est du relève du financement du service universel et de l'effort propre à l'aménagement du territoire, mais en même temps indissociables dans la réalité, parce que ce lien repose sur deux principes très forts de la République : le principe d'égalité des citoyens et le principe de l'unité de la République.
Dans le cadre du service universel, tous les Français peuvent, où qu'ils résident, correspondre et donc communiquer. Dans le cadre de la présence postale, ils peuvent accéder à des points de contact dans des conditions à peu près équivalentes où qu'ils se trouvent en France.
La Poste doit-elle être performante à l'heure où son environnement va devenir de plus et plus concurrentiel ? La réponse est sans hésitation oui.
Doit-elle pour autant s'abandonner à la seule logique du marché en délaissant tout autre exigence, notamment d'intérêt général ? La réponse est clairement non.
Or, mes chers collègues, il est possible de concilier ces deux logiques à la condition expresse de donner au service public universel et à la présence postale de véritables moyens.
S'agissant du service universel, notamment en zone non rentable, les moyens de sa consolidation et de sa pérennité sont de deux ordres.
Il s'agit d'abord de donner à La Poste des perspectives de développement de ses activités et d'une gestion modernisée de ses ressources humaine ; le projet de loi y pourvoit tout à fait.
L'autre voie qui permettra de consolider le service universel est de définir précisément, dans la durée, son mode de financement. Le projet de loi est, sur ce point, trop timide, puisque l'on y repousse l'examen de cette question de plusieurs années. Ce point est pourtant trop important pour qu'il soit remis à plus tard. Compte tenu de l'augmentation prévisible de la pression concurrentielle, La Poste ne sera pas en mesure de supporter seule le coût de 250 millions d'euros que représente le service universel.
C'est pourquoi je propose d'instituer un fonds de compensation des charges du service universel, notamment pour garantir l'exercice de ce service en zone non rentable.
Ce fonds, qui serait abondé par une contribution versée par chaque opérateur alternatif est parfaitement compatible avec la directive communautaire du 10 juin 2002. Nous qui souvent déplorons que le droit européen entrave notre liberté, nous ne pouvons pas, lorsqu'il nous donne cette liberté, nous priver de saisir cette occasion.
Enfin, l'autre mission de La Poste qu'il faut confirmer, c'est son rôle d'aménageur du territoire.
Là encore, dans sa décision jurisprudentielle FFSA, la Cour de justice des Communautés européennes reconnaît expressément la notion de « présence postale, notamment en zone rurale », ainsi que son financement par des aides d'Etat. Il faut, là aussi, s'en saisir.
Si l'on veut faire avancer ce dossier, on doit le faire dans trois directions.
Premièrement, il faut définir juridiquement la mission de service public et son rôle, et l'article 1er n'est sans doute pas suffisamment précis quant à la notion de « présence postale ».
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Absolument !
M. Bruno Retailleau. Il faudra vraisemblablement la clarifier, notamment en vue de conforter les territoires les plus fragiles, en précisant des normes impératives en termes d'accessibilité.
Deuxièmement, il faut sanctuariser l'effort de financement de la présence postale prévu dans ce projet de loi. La création du fonds national de péréquation est une avancée importante, mais elle n'est pas suffisante, car, vous le savez très bien, ces fonds sont représentatifs d'allégements fiscaux qui, au fil des réformes successives de la fiscalité locale, vont s'amenuisant.
M. Pierre-Yvon Trémel. Très bien !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. C'est un début !
M. Bruno Retailleau. C'est un bon début, mais il est capital de le consolider en essayant de prendre une période de référence assortie d'une sorte d'effet de cliquet pour éviter que sa dotation ne descende en deçà des 150 millions d'euros d'abattement de 2004, par exemple.
Troisièmement, ce texte consacre la commission départementale de présence postale territoriale comme le lieu privilégié du dialogue entre La Poste, l'Etat et les élus locaux. C'est une bonne chose et il me semblerait judicieux de renforcer le pouvoir d'anticipation de cette commission départementale en lui confiant le soin d'élaborer une carte de présence postale départementale qui pourrait être un instrument de pilotage pertinent pour aider La Poste à jouer son rôle d'aménageur territorial.
Voilà, mes chers collègues, en quelques mots le sens des amendements que je défendrai pour enrichir ou tenter d'enrichir un texte décisif aussi bien pour La Poste que pour l'ensemble de nos territoires. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les maires ruraux ont exprimé, il y a quelque temps, leurs vives inquiétudes face à la disparition de certains services publics dans les zones rurales.
Il s'agit d'un thème majeur auquel les Français sont tous sensibles et qui nous préoccupe particulièrement.
Ce dossier est loin d'être récent. On n'a pas attendu le gouvernement Raffarin pour l'ouvrir, puisque l'on en parlait déjà sous le précédent gouvernement. Pour ma part, j'ai connu, dans mon département mais aussi au-delà, des cas de fermeture non seulement de bureaux de poste, mais aussi de trésoreries, des gendarmeries déjà à l'époque. Ce n'est donc pas un problème qui s'est posé au seul gouvernement Raffarin. Il ne faut pas avoir la mémoire courte dans ce domaine !
M. Henri de Raincourt. C'était la gauche !
M. Alain Fouché. Je voudrais faire un bref rappel de l'action engagée par le Gouvernement en faveur du maintien des services publics en milieu rural, puisque c'est le point crucial du texte que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture.
Le 13 avril 2002, à Ussel, le Président de la République fixait les objectifs d'une nouvelle politique en faveur de la France rurale. A la suite de cet appel, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin se mobilisait pour le développement économique et la revitalisation des territoires ruraux.
Le Parlement fut donc saisi d'un projet de loi spécifiquement consacré au développement rural. Il n'y avait eu aucun débat sur un tel sujet depuis longtemps.
Cette loi relative au développement des territoires ruraux fut votée par le Sénat le 10 février dernier. Elle pose clairement le principe de solidarité en faveur des territoires ruraux et de montagne, en reconnaissant leur spécificité, et elle garantit à nos concitoyens une égalité d'accès aux services, essentielle à l'attractivité économique des territoires ruraux et à la qualité du cadre de vie des populations rurales.
Parallèlement, et c'est un événement important, le Premier ministre vient de mettre en place une conférence nationale des services publics en milieu rural, comme il l'avait d'ailleurs annoncé lors du dernier congrès des maires de France.
Cette conférence permettra aux services de l'Etat et aux entreprises publiques de dialoguer avec des élus locaux pour bâtir des solutions au terme d'une concertation approfondie. Ses travaux, qui doivent se prolonger jusqu'à l'automne prochain, permettront de définir une nouvelle politique rurale à compter du 1er janvier 2006.
Les propositions de la conférence seront rendues publiques lors du prochain congrès des maires de France, à l'automne. Elles devront tenir compte des expérimentations lancées dans quatre départements, et récemment étendues à dix autres, et du développement de la polyvalence, c'est-à-dire un bureau de poste couplé à un commerce, un bar-tabac, par exemple. Il me paraît sensé que, dans une commune où un bureau de poste fonctionne deux fois deux heures par semaine, à des horaires où la population travaille, on puisse installer un bureau de poste chez un commerçant, qui est ouvert, lui, de huit heures à vingt heures, par exemple.
Aujourd'hui encore, avec le projet de loi relatif à la régulation des activités postales, le Gouvernement nous soumet un texte qui vise à répondre aux craintes des maires et des populations des territoires ruraux. Mais tout cela est très médiatisé, très exagéré, parfois.
M. Henri de Raincourt. C'est de la manipulation !
M. Gérard Le Cam. Vous méprisez le peuple !
M. Thierry Repentin. C'est le croire bien faible que de dire cela du peuple !
M. Alain Fouché. Je n'ai pas peur de le dire, tout cela est très exagéré et le mot « manipulation » convient tout à fait, mes chers collègues.
Ce texte est d'importance, parce qu'il transpose les deux directives européennes qui mettent un terme au monopole de La Poste pour les plis de plus de 100 grammes et, à partir de 2006, pour les plis de plus de 50 grammes.
Comme vous le savez, l'absence de transposition de cette directive par la France a valu à notre pays d'être attaqué par la Commission européenne devant la Cour de justice des Communautés européennes.
Ce texte définit également les principes généraux du service universel postal. Il conforte La Poste comme seul prestataire de ce service universel, les caractéristiques de l'offre de service universel qu'elle est tenue d'assurer devant être définies par un décret en Conseil d'Etat pris dans les six mois suivant la promulgation de la loi. Ce dernier précisera les modalités de détermination, au niveau départemental, des règles d'accessibilité au réseau de La Poste.
Le projet de loi relatif à la régulation des activités postales vient, en outre, préciser les obligations de représentation territoriale de La Poste, qui s'est engagée très clairement à maintenir ses 17 000 points de contact soit sous forme d'agences communales postales, soit sous forme de points Poste. Leur maillage devra naturellement être revu, en concertation avec les élus locaux, afin de constituer un réseau de proximité actif, avec le souci du multiservice et de l'élargissement de l'offre postale.
La Poste s'est engagée à jouer le jeu de la proximité, en cherchant à mieux rendre service aux Français comme aux collectivités locales. A cet égard, son réseau constitue un atout, et le Gouvernement n'a nullement l'intention de le remettre en cause, contrairement à ce que certains voudraient parfois faire croire.
Je l'ai moi-même constaté il y a quelques jours encore quand j'ai réuni les élus de mon département, l'adoption, à l'Assemblée nationale, d'un amendement de la commission soutenu par le Gouvernement ne peut que satisfaire les élus locaux.
M. Thierry Repentin. Ceux de l'UMP, plus exactement !
M. Gérard Le Cam. Oui, les maires UMP !
M. Alain Fouché. Cet amendement vise, en effet, à garantir à chaque citoyen l'accès à un point Poste, en prévoyant l'interdiction que « plus de 10 % de la population d'un département se trouve éloignée de plus de 5 kilomètres des plus proches accès au réseau de La Poste ».
M. Gérard Le Cam. A vol d'oiseau ?
M. Alain Fouché. Il s'agit donc d'une bonne disposition.
Avec mes collègues de l'UMP, nous adhérons totalement à cette idée d'obligation de présence postale territoriale.
M. Henri de Raincourt. C'est vrai !
M. Alain Fouché. Comme l'a affirmé le Gouvernement, il y a un choix politique à faire et à financer ; c'est à La Poste de l'assumer. Le financement se fera avec la mise en oeuvre du fonds national de péréquation prévu par le texte.
Si certaines zones rurales connaissent un phénomène de regain démographique, il faut aussi considérer avec intérêt les nouvelles habitudes de travail et de loisirs des Français, habitudes qui changent profondément. Le réseau de La Poste doit donc aujourd'hui s'adapter.
La France jouit de la plus grande présence postale d'Europe, et le nombre de points de contacts n'a guère varié depuis plus de cinquante ans. L'ouverture à la concurrence du marché postal nous oblige à donner une plus grande souplesse à La Poste, en l'autorisant à transférer la gestion de certains bureaux à des mairies ou à des commerces, dans le cadre d'un partenariat, de maisons de services publics ou de « services publics privés ». (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Gérard Le Cam. C'est quoi, un « service public privé » ?
M. Alain Fouché. Les 400 points Poste qui sont déjà gérés par des commerçants fonctionnent très bien et donnent entière satisfaction, eu égard notamment aux horaires, qui sont mieux adaptés pour les usagers. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
C'est la vérité, mes chers collègues ! Venez sur le terrain et vous le constaterez vous-mêmes !
Il faut également rappeler que les missions d'intérêt général se traduisent par des contraintes fortes, particulièrement avec l'application des 35 heures, qui pèse lourdement sur les plages horaires d'ouverture des bureaux, notamment en milieu rural.
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Alain Fouché. Il faut garder à l'esprit que, même si elle est en mouvement et en progrès, La Poste reste fragile, avec une rentabilité faible. Elle doit faire face à la perspective de l'ouverture du marché européen à la pleine concurrence. Malgré les efforts de ses dirigeants, La Poste souffre encore de nombreux handicaps et a pris du retard sur ses concurrents, notamment allemand et hollandais, comme la Cour des comptes l'a d'ailleurs souligné récemment.
Une concertation permanente avec les élus locaux est par conséquent requise. Si des structures de concertation existent depuis des années, elles n'ont jamais fonctionné, car La Poste ne les réunissait pas et prenait des décisions sans tenir compte de l'avis des élus locaux.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Exactement !
M. Alain Fouché. A présent, la situation est différente.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. C'est du passé !
M. Alain Fouché. C'est la raison pour laquelle La Poste a proposé une charte territoriale pour le dialogue, des dispositifs de bonne pratique et des protocoles locaux. Les discussions ont démarré dans de très nombreux départements, avec le concours, notamment, des commissions départementales de présence postale territoriale, qui fonctionnent bien. Composées d'élus de différents horizons, elles sont en permanence à l'écoute des élus qui rencontrent des difficultés.
Il faut souligner un autre point important : le projet de loi prévoit la création d'un fonds de péréquation pour garantir la présence de La Poste dans les territoires fragiles, ce qui permettra de financer une présence postale là où elle sera perçue comme prioritaire. Les modalités de fonctionnement de ce fonds seront déterminées par l'Etat, La Poste et les représentants des associations d'élus locaux. Des fonds importants seront ainsi mis à disposition dans la plus grande transparence.
Le texte prévoit également la création d'un établissement de crédit postal, qui sera une filiale de La Poste. Il s'agit d'une avancée considérable : en effet, si La Poste se voit confier des missions de service public, il faut lui donner les moyens financiers pour les accomplir.
Or c'est bien ce qui est prévu, puisque La Poste pourra réaliser certaines opérations financières. Un tel établissement de crédit postal reprendra les activités actuelles de La Poste et pourra, en plus, accorder des prêts immobiliers sans épargne préalable et, à l'avenir, des prêts à la consommation. Dans ce domaine, outre le Gouvernement, la commission des affaires économiques du Sénat, notamment M. Pierre Hérisson, a accompli un travail important.
M. Henri de Raincourt. Bravo !
M. Alain Fouché. C'est un service de plus qui est ainsi offert aux populations des territoires ruraux. La banque postale restera une banque de détail ouverte à tous.
A cet égard, il faut tout de même se rappeler que c'est La Poste qui proposa les premiers comptes courants en 1918. Les services financiers, qui représentent 60 % de son chiffre d'affaires, constituent une activité vitale, mais qui est menacée de sclérose si elle n'est pas étendue au crédit. La Poste doit pouvoir lutter à armes égales avec ses concurrents - même si cela ne leur plaît pas ! -, en étant reconnue comme une banque classique et en ayant la faculté de nouer des partenariats en capital.
Pourquoi, dans ces conditions, ne pas envisager que La Poste puisse s'adosser, peut-être de façon amiable, à des établissements de crédit de moyenne importance ?
A un moment donné, une démarche avait été faite dans ce sens avec le Crédit immobilier de France qui, dans l'avenir, pourrait avoir des problèmes pour exercer son métier. Ces deux établissements peuvent se renforcer l'un l'autre de leurs compétences spécifiques, notamment pour le prêt immobilier en milieu rural. Mais ce n'est qu'un exemple.
Enfin, le texte prévoit une extension au domaine postal des pouvoirs de régulation de l'actuelle Autorité de régulation des télécommunications, rebaptisée « autorité de régulation des communications électroniques et des postes ».
Sa composition a été élargie, puisqu'elle compte désormais sept membres, afin de permettre l'extension des compétences de cette autorité au secteur postal. C'est d'ailleurs le chiffre qui avait été initialement avancé par la commission des affaires économiques, lors de nos travaux de première lecture. En conséquence, nous ne pouvons qu'approuver cette mesure.
Il est essentiel que la future agence de régulation ne confonde pas services postaux et télécommunications : les enjeux et les caractéristiques du marché postal sont spécifiques, et il serait inadapté de lui appliquer les schémas des télécommunications.
Le Gouvernement s'est très nettement engagé à régler le problème de la présence postale en milieu rural. La Poste ne conduit pas une politique de repli, comme certains veulent le faire croire, mais bien une politique d'adaptation et de développement des services aux usagers.
Assurance est donnée que chaque département conservera au moins autant de points de présence qu'aujourd'hui. Toute évolution se fera dans la concertation, dans le cadre d'une approche intercommunale, et sera, dans chaque territoire, concrétisée par un protocole que les élus locaux seront libres de signer ou non.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le président, monsieur le ministre, le Groupe UMP apportera son entier soutien à ce texte, qui dissipe les incertitudes et les craintes, et qui apporte des réponses claires aux élus locaux et aux populations des zones rurales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Henri de Raincourt. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne peux que m'associer à notre rapporteur et à un certain nombre de mes collègues qui ont regretté qu'un délai d'un an sépare les deux lectures de ce texte.
La France faisant l'objet de deux recours pour défaut de transposition et la date du 1er juillet 2005 étant prévue dans le contrat de plan pour la création d'un établissement de crédit postal, ce projet de loi aurait certainement mérité d'être examiné prioritairement à l'Assemblée nationale.
La révolte des maires ruraux face à la fermeture des services publics dans leurs communes ne peut pas nous laisser indifférents. La Poste, entreprise que nous chérissons tous, est face à un nouveau défi. Service de proximité par excellence, les postiers exercent une mission sociale qui est primordiale au niveau aussi bien de l'activité postale que de l'activité bancaire.
Notre attachement aux valeurs de cet établissement n'est pas remis en cause par ce projet de loi. Si nous voulons maintenir la spécificité et la richesse de notre réseau postal, il nous faut adapter l'entreprise aux contraintes qu'elle supporte, afin de lui donner les moyens nécessaires pour affronter des concurrents européens déjà aguerris.
Notre devoir est de trouver une solution pérenne pour maintenir notre maillage territorial. A cet égard, le projet de loi qui nous est soumis, déjà enrichi par nos contributions et celles des députés, me semble permettre à La Poste de se moderniser tout en précisant clairement sa mission d'aménagement du territoire.
En matière d'aménagement du territoire, il nous faut favoriser, tout d'abord, le maintien de points de contact de La Poste en milieu rural, car c'est fondamental socialement et économiquement pour nos communes. Je voudrais tout de même souligner que le nombre de bureaux de poste s'est maintenu et a même augmenté entre 1954 et 2004 (M. Pierre-Yvon Trémel s'exclame), puisqu'il est passé de 13 639 à 13 744.
Il n'y a donc pas de fatalité en la matière et la présence postale ne diminue pas inexorablement.
L'Assemblée nationale a introduit dans le projet de loi un article 1er bis qui précise les critères d'accessibilité au réseau postal. Je vous le rappelle, 90 % de la population devra se trouver à moins de 5 kilomètres du point de contact postal le plus proche. De plus, nos collègues députés ont consacré dans le projet de loi les commissions départementales de présence postale territoriale.
A nous, élus de terrain, de vérifier que l'entreprise respecte les règles prévues par ce projet de loi.
De plus, je l'avais déjà souligné en première lecture et je le dis de nouveau aujourd'hui, je ne suis pas favorable à ce que la réflexion que nous menons sur la présence postale territoriale soit uniquement guidée par une logique « immobilière ».
Ce qui compte, c'est la qualité du service rendu aux usagers, et il ne semble pas que la qualité soit moindre dans un point Poste ou une agence postale communale que dans un bureau de poste qui, faute de fréquentation, est condamné à ouvrir seulement quelques heures par semaine.
M. Pierre-Yvon Trémel. Ce n'est pas possible d'entendre cela !
M. Daniel Soulage. Ces trois formules de points de contact sont complémentaires et doivent être utilisées comme telles par La Poste, en concertation avec les élus locaux. J'ai d'ailleurs pu le vérifier dans mon département. Le président Jean-Paul Bailly est venu en effet dans le Lot-et-Garonne présenter à tous les maires réunis en séance plénière les perspectives de l'évolution de la présence postale.
Fort des trois possibilités qui s'offrent à nous et compte tenu de la réalité démographique et économique du territoire, nous avons pu constater que le nombre de points de contacts n'avait pas diminué et que les projets de La Poste rejoignaient finalement les attentes des élus. (M. Pierre-Yvon Trémel proteste.)
Mon cher collègue, je ne rapporte ici que ce que j'ai constaté moi-même : à l'ouverture de l'assemblée générale plénière des maires de mon département, ce n'était que rumeurs, banderoles et calicots ; après que le président Jean-Paul Bailly a expliqué la situation statistiques à l'appui, tout s'est très bien fini ! En effet, chacun a pu constater la véracité de ses propos. Il nous faut donc vérifier sur le terrain ce qu'il en est.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Les rumeurs étaient inexactes, comme d'habitude !
M. Daniel Soulage. Quoi qu'il en soit, La Poste doit, me semble-t-il, réussir à mettre en oeuvre une répartition plus équilibrée de son implantation, entre milieux rural et urbain. Des zones urbaines, nouvelles et très peuplées, ne disposent pas de points de contact suffisamment nombreux pour satisfaire les besoins des usagers. Si le critère d'accessibilité défini par le projet de loi est pertinent en milieu rural, il ne correspond à rien dans les zones de très forte densité où les files d'attentes s'allongent !
M. Christian Gaudin. Très bien !
M. Daniel Soulage. A cet égard, il est primordial que La Poste s'adapte aux nouveaux modes de vie des Français. En effet, beaucoup de personnes ne peuvent se rendre, faute de temps, dans un bureau de poste aux horaires habituels. A l'inverse, la pause du déjeuner est, pour nombre d'entre elles, l'occasion de régler leurs affaires personnelles. Le choix de lieux d'implantation en adéquation avec les habitudes et les emplois du temps de nos concitoyens - je pense en particulier aux centres commerciaux - peut permettre à La Poste d'améliorer la qualité de ses services.
Je souhaite maintenant aborder un point fondamental de ce projet de loi, à savoir la création d'un fonds postal national de péréquation territoriale. Les sénateurs du groupe UC-UDF sont tout à fait favorables à la création d'un tel fonds.
En effet, il est important que soit inscrite dans la loi la mission de La Poste en matière d'aménagement du territoire et qu'un fonds postal national de péréquation territoriale soit prévu. Ce fonds est nécessaire pour permettre à La Poste d'assurer une telle mission, même si cette dernière suscite des coûts supplémentaires qu'une entreprise, dans un contexte concurrentiel, ne pourrait pas supporter.
Sur ce point, l'apport de nos collègues députés a été important, puisque l'article 1er bis définit clairement la contribution de La Poste en matière d'aménagement du territoire, les règles d'accessibilité à son réseau ainsi que le fonctionnement du fonds postal national de péréquation territoriale.
Au demeurant, les directives européennes sont claires : il ne faut pas mélanger les charges de financement nécessaires pour assurer le service universel et celles qui relèvent de la mission d'aménagement du territoire. La cohabitation de deux fonds distincts nous met donc en règle avec le droit communautaire.
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale offre toutes les garanties à cet égard. En outre, il a le mérite d'associer les représentants des collectivités au fonctionnement de ce fonds. Il me semble primordial que nous conservions, dans le projet de loi, la notion de « contrat pluriannuel » entre la Poste, l'Etat et les collectivités locales, notion qui sous-entend une négociation préalable permettant de définir les différents critères ainsi que les engagements de chaque partie. Un tel contrat sera renégocié régulièrement et ses objectifs seront redéfinis par tous les participants.
Le groupe UC-UDF vous proposera donc de conserver la rédaction de l'Assemblée nationale pour ce qui concerne ce fonds, afin d'en assurer l'efficacité sur le terrain. Nous devons veiller, d'une part, à ce que les élus soient étroitement associés à sa gestion - d'autant plus que ce fonds est financé par un allégement de la fiscalité locale - et, d'autre part, qu'un financement pérenne soit prévu.
Or les 150 millions d'euros dégagés par cet allégement sont insuffisants au regard de la charge que représente cette présence territoriale complémentaire.
M. Gérard Delfau. Evidemment !
M. Daniel Soulage. Une réflexion doit être menée rapidement autour du financement de ce fonds, car il ne saurait être question que l'entreprise La Poste, pour créer ou maintenir un point de contacts, exerce une pression sur les élus locaux.
Pour toutes ces raisons, il me semble fondamental que ce fonds soit géré non pas seulement par La Poste, mais aussi par les élus, dont la participation doit être clairement précisée.
Le projet de loi prévoit, pour les points de contact situés en zones de revitalisation rurale et en zones urbaines sensibles, une majoration de ressources pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale qui ont élaboré une convention territoriale postale. Cela va dans le sens d'une plus grande coopération, à laquelle nous souscrivons totalement, entre les élus et La Poste, aussi bien à la campagne qu'en ville.
Bien sûr, d'autres pistes sont envisageables et cette deuxième lecture pourra nous fournir l'occasion de les aborder.
Le projet de loi conforte le rôle de La Poste en tant que seul prestataire du service universel. Cette mission sera financée par les activités de La Poste dans le domaine réservé. En outre, un fonds de compensation du service universel est prévu, afin de compenser la charge financière que représente le service universel assuré par La Poste, mais pas par ses concurrents.
En effet, d'ici à 2009, La Poste n'aura plus de service réservé. Elle doit donc, d'ores et déjà, se préparer à cette échéance. Face à ses concurrents, elle devra être compétitive, notamment pour ses plus gros clients, dont les envois représentent 95 % de son activité postale.
Cependant, il est également nécessaire que ses concurrents puissent exercer correctement leurs activités, sans avoir à souffrir de distorsions de concurrence. La disposition prévoyant que tous les opérateurs postaux auront accès aux boîtes aux lettres des particuliers est, à cet égard, primordiale. M. Hérisson a proposé de préciser les moyens identifiés comme indispensables à l'exercice de l'activité postale, ce qui nous semble tout à fait juste. Il a également suggéré de demander au Gouvernement une évaluation plus rapide, dans les dix-huit mois, des modalités de financement du service universel.
Dans le domaine social, des améliorations sont également prévues et nous souscrivons pleinement aux propositions de M. le rapporteur en la matière. Celles-ci vont dans le sens, d'une part, d'une adaptation de La Poste à son nouvel environnement économique et, d'autre part, d'une amélioration de la protection sociale et du dialogue entre la direction de l'entreprise et les syndicats. A cet égard, l'élaboration d'une convention collective pour le secteur postal nous semble indispensable.
Enfin, ce projet de loi prévoit la création d'un établissement de crédit postal qui sera une filiale de La Poste. Voilà un an, le Sénat avait introduit cette disposition et les députés l'ont conservée. Au demeurant, il est plus que temps que nous menions à bien ce projet pour lequel, dans le contrat de plan, figurait la date du 1er juillet 2005. Avec la création de cette filiale, La Poste pourra offrir une gamme complète de services financiers, notamment des crédits immobiliers sans épargne préalable. Pour le groupe UC-UDF, il ne fait pas de doute que cet élargissement des compétences financières de La Poste est nécessaire.
La Poste joue un rôle indiscutable de « guichet social » et il faut que, par le biais du livret A, elle conserve cette mission. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : La Poste gère 21 millions de livret A, dont 12 millions, soit plus de la moitié, ont un solde inférieur à 150 euros. Disposant de peu de moyens financiers, de nombreuses personnes sont marginalisées, mais elles doivent pouvoir continuer d'accéder à un établissement financier.
Pour autant, La Poste a besoin de conserver une clientèle plus aisée pour mener à bien sa mission, ce qui ne sera possible qu'en étendant la gamme des produits financiers qu'elle peut offrir.
Cependant, la création de cet établissement de crédit postal doit se faire dans une totale transparence. Si le réseau et l'organisation de La Poste sur tout le territoire, le contact quotidien avec les usagers et le personnel dont elle dispose sont des avantages certains pour développer cette activité, nous devons être particulièrement vigilants sur les modalités de fonctionnement de l'établissement de crédit postal.
Le projet de loi renvoie les modalités de mise en oeuvre de cet établissement à un ensemble de conventions. Afin que les règles de concurrence soient préservées et que la transparence soit respectée, nous souhaitons que ces conventions soient publiées.
Il convient également de protéger le consommateur en matière de services financiers, ce qui fera l'objet d'un amendement de notre groupe. A cet égard, La Poste doit offrir toutes les garanties aux clients en matière d'information et de conseil. Cette exigence doit se traduire en pratique par une responsabilité conjointe des établissements bancaires ou financiers dont elle propose les produits ou services.
Enfin, en matière de transfert de fonds, et compte tenu de la spécificité des activités de La Poste, notamment en milieu rural, il est indispensable de déterminer un seuil en deçà duquel les employés postaux ou bancaires seraient autorisés à transporter, dans l'exercice de leur mission, de faibles sommes ou moyens de paiement. Au demeurant, M. le rapporteur s'est exprimé sur ce point tout à l'heure et je partage entièrement son point de vue.
En conclusion, c'est un texte enrichi qui nous est proposé aujourd'hui, et non plus la simple transposition de directives. Ce projet de loi devrait donner à La Poste les moyens d'exercer ses missions de service universel et d'aménagement du territoire, tout en lui permettant de devenir une entreprise postale compétitive, ce qui, admettons-le, est considérable dans le cadre européen actuel !
Le groupe UC-UDF, qui est globalement favorable à ce texte, le votera, en vous demandant cependant, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, de bien vouloir donner un avis favorable sur ses propositions, notamment à celle qui garantit aux élus une participation claire à la gestion du fonds postal national de péréquation territoriale.
Je tiens à remercier M. le ministre de nous présenter un texte de qualité. Je remercie également tous les membres de la commission des affaires économiques, en particulier son président et son rapporteur, qui s'est beaucoup investi à l'occasion de l'examen de ce projet de loi, avec le dynamisme qu'on lui connaît. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je débuterai mon intervention en citant M. André Poupard, maire de Lizières, petite commune de la Creuse : « Dans la Creuse, les bureaux de poste deviennent des agences postales. Dans ma commune, elle est tenue par la secrétaire de mairie. Quand elle peut, et elle ne fait rien de financier, elle essaie simplement de vendre quelques timbres. Le centre de tri est à Limoges : quand j'envoie une lettre dans une commune voisine, elle fait 120 kilomètres aller-retour ! Le courrier n'arrive plus jamais le lendemain. Parfois, il faut cinq ou six jours. »
Ce témoignage pourrait être celui des milliers d'élus qui ont fait entendre à de nombreuses reprises leur mécontentement, notamment au dernier congrès de l'Association des maires de France, ou, plus récemment, samedi dernier, à Guéret.
Il est vrai que, pour se préparer à la mise en place progressive de la concurrence dans le domaine postal, La Poste a engagé différentes restructurations, notamment en séparant l'activité « colis », puis l'activité « courrier » de l'activité « grand public », en réorganisant le tri autour de grandes plateformes automatisées, en fermant de nombreux bureaux de poste et en les transformant en agences postales communales ou en points Poste, le tout s'accompagnant de la création de nombreuses filiales. On en compte près de 150 à ce jour.
L'emploi, particulièrement l'emploi statutaire, souvent remplacé par des contrats précaires sous-payés, y a beaucoup perdu, et la qualité du service s'est dégradée de manière significative, essentiellement dans les secteurs ruraux de notre pays.
S'agirait-il donc, aujourd'hui, de réagir face à ce début de déclin du service public postal dans notre pays, déclin fortement marqué ?
Hélas, non ! En transposant, avec un zèle tout particulier, deux directives communautaires de 1997 et de 2002, ce projet de loi relatif à la régulation des activités postales a pour seul objectif l'instauration d'un cadre pour le marché postal dont l'ensemble des activités s'ouvrent à la concurrence, à l'exception d'un petit secteur réservé à l'opérateur historique. Si La Poste a pu conserver ce secteur, c'est parce qu'il n'aurait pas été rentable pour des opérateurs privés recherchant principalement le maximum de profit dans le développement de leurs activités.
Ce projet de loi est en cohérence avec le démantèlement des services publics mis en oeuvre dans d'autres secteurs, notamment les transports aériens et ferroviaires, les télécommunications et l'énergie.
Ce texte s'inspire largement des orientations ultralibérales de la Commission européenne et de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, orientations qui sont l'essence même de l'Accord général sur le commerce des services et de la directive « Bolkestein ».
Ce sont ces principes que l'on nous propose d'adopter définitivement avec le projet de constitution européenne, qui fait de la concurrence libre et non faussée le « fabuleux objectif » à atteindre pour le XXIe siècle.
Ce projet de loi illustre parfaitement cette vision libérale qui sanctifie le marché, la rentabilité et le profit, en niant les fondements mêmes du contrat social, qui place la solidarité et l'égalité au coeur de l'action politique.
Vous comprendrez dès lors que les sénateurs communistes républicains et citoyens ne puissent adhérer à un tel projet. A la libre concurrence, ils opposent l'exigence de coopérations, plus susceptibles de satisfaire les besoins fondamentaux des peuples européens.
La volonté conjointe du Gouvernement, de la Commission européenne et de l'OMC vise, je l'ai dit, à soumettre l'ensemble des activités humaines à la libre concurrence.
Pourtant, nous commençons à observer en Europe les conséquences néfastes, pour les peuples, de ces politiques visant à la remise en cause de l'ensemble des services publics.
Pour les usagers, quelles améliorations notables peut-on constater, dans les différents secteurs touchés par la libéralisation ?
Les tarifs augmentent et le service fourni ne correspond pas aux besoins qui sont exprimés, sans parler des personnels qui sont les premières victimes de ces restructurations.
A ce propos, notons que, pour justifier cette évolution des activités de service public, on ne manque jamais de montrer du doigt la situation monopolistique de La Poste. Il est alors étonnant de constater que, souvent, l'ouverture à la concurrence a permis la mise en place de monopoles privés.
Avec ce texte, ce sont des pans entiers du service postal qui seront ouverts à la concurrence. En contrepartie, les opérateurs privés ne seront soumis à aucune obligation de service public, que ce soit pour la desserte de l'ensemble du territoire ou l'égal accès aux services.
Le secteur réservé, c'est-à-dire le secteur restant sous la seule responsabilité de l'opérateur historique, se réduit comme peau de chagrin : en 2006, seuls l'envoi et la distribution des lettres de moins de 50 grammes seront réservés à La Poste. En 2009, toute l'activité courrier sera libéralisée.
Vous semblez oublier un peu vite que les services publics tels qu'on les connaît en France depuis la Libération, non seulement sont le fruit d'exigences modernes de solidarité humaine et territoriale, d'égalité des chances pour tous, mais ont aussi fait la démonstration de leur caractère performant sur les plans économique et social en menant notre pays sur la voie du progrès partagé.
Le fait qu'ils relèvent de la puissance publique n'implique ni coût ni effort pour la société. C'est le corollaire des principes fondateurs du service public : péréquation tarifaire, continuité territoriale, égalité de traitement et accès de tous. Ces principes font l'objet d'une reconnaissance constitutionnelle, à travers la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ou le préambule de la Constitution de 1946. Pourtant, dans ce texte, vous les ignorez.
Vous prétendez ne pas vouloir revenir sur les missions remplies par la Poste en tant que service public, mais vous mettez en place les outils de sa future privatisation. En première lecture, un simple amendement de la majorité du Sénat a ainsi prévu la création de l'établissement de crédit postal, présenté comme devant rester public, mais autorisé à mettre en bourse une partie de son capital. Ce qui permet à M. Daniel Bouton, président de la Société Générale et président de la Fédération bancaire française, de déclarer sur LCI que la seule vocation de la future banque postale, « c'est d'être privatisée dans les deux ans » !
L'entrée des intérêts privés dans les activités financières de La Poste ouvre une phase inédite, où les exigences du service public se confronteront aux exigences de rentabilité des capitaux privés. Plus que jamais, les intérêts financiers des actionnaires pèseront lourdement dans le sens de la compression des salaires, de la dégradation des conditions de travail, de l'explosion de la précarité et, en fin de compte, du déclin du service public.
En effet, il n'est pas d'exemple où l'ouverture du capital ne se soit soldée par l'élargissement de la part acquise par le privé, la soumission de l'entreprise aux impératifs de rentabilité financière et, à terme, la privatisation.
On comprend bien que cette activité de La Poste intéresse le capital. En 2002, les activités financières représentaient 23 % du chiffre d'affaires de La Poste et les encours se montaient à 200 milliards d'euros. La Poste, je le rappelle, gère 48 millions de comptes pour 28 millions de clients.
Suivant cette logique de filialisation, notre collègue M. Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances, avait raison de déclarer : « Les fermetures de petits bureaux de poste seront surtout de la responsabilité de la future banque postale. »
La gestion du réseau postal sera donc de la responsabilité de la filiale et non de celle ce l'entreprise publique. Les critères de rentabilité économique seront alors les plus importants. Ainsi, à partir du constat selon lequel moins de 10 % des points de contact de La Poste réalisent plus de la moitié de la collecte des services financiers, il sera facile de justifier la fermeture de nombreux bureaux.
Pour les sénateurs communistes républicains et citoyens, le service public est amené à jouer un rôle social important et il doit être un acteur économique disposant d'un pôle public de financement. Aussi cette activité de La Poste doit-elle être non filialisée, mais intégrée aux autres activités.
Le développement des activités financières de La Poste doit se faire en cohérence avec les autres activités postales, de façon que soit assurée la péréquation entre des activités plus ou moins rentables.
Nous avons besoin non d'une nouvelle banque de détail, mais d'un service public bancaire qui permette de lutter contre l'envolée des tarifs bancaires et de donner accès à tous au service de base.
La Poste devrait aussi pouvoir répondre aux demandes de prêts des jeunes qui s'installent ou achètent leur première voiture, répondre aux besoins de crédit des artisans, bref, offrir des prestations bancaires diversifiées pour satisfaire l'ensemble des besoins.
Pourtant le contrat de plan 2003-2007 n'est pas allé dans ce sens, autorisant uniquement le crédit immobilier sans épargne préalable jusqu'en 2008.
Mais revenons sur un aspect plus fondamental du rôle de la banque postale : répondre favorablement à toute demande de création de compte sur livret, comme le prévoit l'article L. 221-10 du code monétaire et financier. Il s'agit d'une contrainte de service public pour lutter contre l'exclusion bancaire.
Or votre projet de la loi crée seulement pour La Poste l'obligation légale d'offrir des services « au plus grand nombre », ce qui est très restrictif par rapport à l'article que je viens d'évoquer. Vous nous proposez donc que La Poste, en étant filialisée, n'assume plus ses obligations de service public.
Autre point abordé par ce projet de loi : la présence postale.
Jacques Chirac, dans son discours du 13 avril 2002, déclarait : « La présence de l'Etat dans nos campagnes est un gage d'équilibre du territoire et une obligation pour que chaque Français puisse bénéficier d'un égal accès aux services publics.» Il reconnaissait ainsi aux services publics, et par conséquent à La Poste, des missions d'aménagement du territoire et un rôle fondamental de cohésion sociale. On ne peut vraiment pas dire que ce projet de loi s'en inspire !
En effet, partant du fait que 17 % des bureaux de poste desservent 50 % de la population et que 60 % des bureaux desservent 18 % de la population, le texte et le contrat de plan prévoient l'évolution du réseau postal. Par évolution du réseau postal, il faut ici comprendre fermeture de bureaux ou transformation en agences postales communales et en points Poste d'au moins 4 000 des 17 000 bureaux qui ne seraient pas jugés assez rentables.
Avec cette évolution du réseau, on entend mettre en oeuvre les nouveaux critères de gestion axés sur la performance. Mais de quelle performance parle-t-on ? Il ne s'agit évidemment pas de la performance sociale !
Il ne faut pas se leurrer, la fermeture prévisible de bureaux de poste dans les campagnes n'entraînera pas la création de bureaux dans les villes ou dans les zones périurbaines, où ils seraient pourtant utiles pour lutter contre l'exclusion et permettre une revitalisation des quartiers.
Ainsi, en Seine-et-Marne, trois points Poste ont été créés depuis le début de l'année, un en remplacement d'un bureau de poste dans une commune de 800 habitants et deux en milieu urbain à forte progression démographique, en complément de bureaux de poste saturés. Il est donc clair que les points Poste ne sont pas uniquement destinés à assurer la présence postale en milieu rural, mais qu'ils constituent une alternative pour l'ensemble du territoire. Autrement dit, c'est une profonde dégradation de la qualité du service qui est engagée.
Pour nos campagnes, ce projet de loi signifie également le désengagement de l'Etat, qui ne joue plus son rôle de garant de l'égalité territoriale.
A cet égard, l'Assemblée nationale a adopté, sur proposition de sa commission des affaires économiques, un amendement aux termes duquel « sauf circonstances exceptionnelles », pas « plus de 10 % de la population d'un département » ne peut se trouver « éloignée de plus de 5 kilomètres des plus proches accès au réseau de La Poste ».
Cette formulation est très en retrait par rapport à la pratique actuelle : selon le service de la communication de La Poste, 96 % de la population se trouve aujourd'hui à moins de 5 kilomètres d'un point de contact. Si cette disposition est adoptée en l'état, elle permettra à La Poste de fermer 3 000 de ces points de contact !
Déjà, beaucoup de communes doivent faire face au départ de leurs services publics : école, hôpital, perception... La fermeture d'un bureau de poste ne pourrait qu'aggraver encore la perte d'actifs de ces communes ; ce serait encore la disparition d'un lien social de proximité.
Le Gouvernement ne peut pas condamner des territoires déjà en crise pour de simples raisons comptables !
Si la répartition doit en effet s'adapter à l'évolution démographique, on ne peut imaginer d'avenir pour les territoires ruraux sans maillage fin du territoire par les services publics. Or La Poste incarne l'intérêt général territorialisé.
Toutes ces raisons expliquent que les maires soient attachés au service public de proximité, comme ils viennent de le rappeler samedi à Guéret ou encore en déposant aujourd'hui au Sénat, sur l'initiative de l'Association des maires ruraux, les délibérations prises en ce sens par 6 200 communes.
Leur colère est d'autant plus grande que les collectivités vont subir une nouvelle fois de plein fouet le désengagement de l'Etat. Ce sont elles qui vont indirectement abonder le fonds national de péréquation prévu par le contrat de plan. Ce fonds sera en effet alimenté principalement par l'exonération de taxe professionnelle et de foncier bâti dont bénéficie aujourd'hui La Poste. Cette exonération est estimée à 150 millions d'euros alors que La Poste évalue à plus de 500 millions d'euros le déficit lié au maintien de sa présence en milieu rural.
Non seulement les recettes prévues sont injustes, mais elles risquent de plus d'être insuffisantes. N'aurait-on pu imaginer un autre mode de financement, par exemple par une taxe additionnelle sur les produits financiers ? Nous y reviendrons au cours du débat.
La proposition faite aux élus locaux de financer des agences postales communales s'ils souhaitent le maintien de cette activité dans leur commune relève tout simplement du chantage, particulièrement au moment où les collectivités territoriales sont déjà lourdement mises à contribution par les lois de décentralisation.
Dans le projet de loi, il est question de « zones de vie », de bureaux de proximité, d'agences postales et de points de contact. Qu'est-ce que cela signifie en termes de qualité de service ?
En ce qui concerne les points de contact, quelles que soient les qualités du commerçant, celui-ci ne pourra rendre les mêmes services que les postiers.
Quant aux points Poste, ils n'offrent, dans un cadre très limité, que des services réduits, notamment en ce qui concerne les prestations bancaires, dont la plupart seront exclues de leur compétence.
Comment maintenir l'égalité entre les usagers, que leur commune abrite un point Poste, une agence postale communale ou un bureau de poste de plein exercice ?
De plus, qu'en sera-t-il du respect des dispositions de l'article L. 3-2 du code des postes et des communications électroniques qui prévoient que toutes les offres de services postaux sont soumises à certaines règles devant assurer notamment la sécurité des usagers, des personnels et des installations, la confidentialité des envois par correspondance et l'intégrité de leur contenu ?
Il sera difficile de garantir la confidentialité si ce ne sont pas des professionnels qui assurent le service postal. Comment fera-t-on pour justifier un besoin de découvert ? Quelle confidentialité pourra être garantie quand un usager recevra une lettre d'un tribunal, d'un huissier ? Comment le tenancier d'un point Poste devra-t-il gérer la situation en cas de non-remise d'un recommandé, document qui, soit dit en passant, ne fera plus partie du domaine réservé dans le cadre des procédures administratives ? Quid de la force juridique du recommandé selon l'opérateur choisi ? Quel sera le statut des 17 000 points de contact ? Qui les financera? Autant de questions en suspens auxquelles le texte devrait répondre.
Vous prétendez maintenir les 17 000 points de contact alors que la loi n'en imposera plus réellement que 14 000 et que la réduction drastique du nombre des bureaux de plein exercice, c'est-à-dire ceux où les usagers peuvent effectuer l'ensemble des opérations, ne peut que se traduire par une baisse de la qualité des prestations et une rupture du principe d'égalité de traitement des usagers.
Les citoyens ont les mêmes devoirs, mais aussi les mêmes droits, notamment en termes d'accès aux services publics.
De surcroît, la banalisation des tarifs spéciaux permettra aux grands clients de La Poste de négocier des prix à la baisse, alors que les particuliers, les artisans et les petites entreprises n'auront pas cette possibilité. La péréquation se fera alors sur la base d'un rapport de force entre particuliers et grandes entreprises.
La libéralisation entraînera à terme la fin de la « péréquation tarifaire » et la multiplication de services chers, comme Chronopost. Notons à ce sujet que le processus en cours de fermeture des centres de tri internationaux aboutit à la suppression du courrier international à des tarifs accessibles.
Avec l'ouverture à la concurrence, ce sont 43 % des recettes liées au courrier qui pourraient être perdues dès 2006, notamment en raison de la considérable dérogation au monopole accordé à La Poste concernant les entreprises dont l'activité de courrier est importante. Il peut s'agir des entreprises de vente par correspondance, par exemple, si elles assurent elles-mêmes cette activité ou créent une filiale.
Dans ces conditions, comment financer le service universel ? Par une augmentation sensible du prix du timbre ? C'est déjà fait : le prix du timbre a été augmenté le 1er mars pour passer de 50 à 53 centimes d'euros, soit une augmentation de plus de 15 % en deux ans, essentiellement supportée par les familles. De toute façon, l'augmentation du prix du timbre ne suffira sans doute pas...
A ce sujet, quelle assurance a-t-on aujourd'hui que le prix du timbre restera identique sur l'ensemble du territoire ?
En effet, les obligations de service universel supposent que soit garantie, dans chaque Etat membre, l'existence d'un service postal offrant un ensemble de services de qualité tant en termes de prestations que de présence territoriale à un prix abordable. Cette définition du service universel ne garantit donc pas un prix unique, mais un prix qui est fonction des coûts. Le principe d'égalité de tarification sur tout le territoire risque donc d'être abandonné.
La mutualisation par un prix du timbre identique en tous points du territoire était pourtant un exemple pertinent de péréquation nationale !
Cela m'amène à la question du financement du service universel.
Dès lors que les activités les plus rentables de La Poste feront partie du domaine concurrentiel, en particulier le courrier industriel et les colis, ce service ne pourra plus bénéficier des excédents qu'il dégageait.
Selon les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, il faut financer le service public par la péréquation nationale, de manière à assurer le développement des activités de La Poste et à conserver l'infrastructure sous monopole public.
Cependant, sur ces questions, le Gouvernement reste très flou, prévoyant éventuellement, après la remise d'un rapport au Parlement dans deux ans, la création d'un fonds de compensation pour le financement du service universel s'il s'avère que La Poste ne peut pas y subvenir.
Ce n'est pas dans deux ans ou dans dix ans, c'est aujourd'hui qu'il faut se doter d'un fonds de compensation, évaluer les besoins, en prévoir le financement, notamment pour ce qui est de la part de l'Etat et de la contribution des opérateurs privés.
Vous refusez de réaliser une véritable évaluation des conséquences des politiques de libéralisation avant de poursuivre aveuglément dans cette voie, mais vous estimez nécessaire de réaliser un audit avant de décider la création d'un fonds de compensation pour le financement du service public. C'est étrange : selon les circonstances, votre méthodologie est toute différente !
Il faut créer dès maintenant un fonds de compensation, car, vous le savez très bien, si l'on ouvre à la concurrence les secteurs rentables de l'activité postale, si l'on filialise les activités de La Poste, celle-ci aura les plus grandes difficultés à financer l'ensemble de ses obligations de service public.
A côté du service universel, La Poste remplit d'autres missions d'intérêt général, comme l'aménagement du territoire et la distribution de la presse. Ces missions justifient d'autant plus la création d'un fonds de compensation.
De fait, si La Poste reste soumise à de lourdes contraintes d'intérêt général - tarifs préférentiels à la presse, maillage du territoire en milieu rural, charge de gestion des petits livrets A -, elle ne dispose actuellement d'aucune aide publique. Elle a, bien au contraire, par le passé, contribué à alimenter les recettes du budget de l'Etat.
Selon le Conseil de la concurrence, 211 millions d'euros restent à la charge de La Poste pour l'aménagement du territoire.
Quant à l'acheminement de la presse, il représente pour La Poste une charge de 290 millions d'euros sur un coût global de 1,2 milliard d'euros par an, et cela dans un contexte de constante augmentation des coûts.
Pourtant, n'est-il pas du rôle de l'Etat de garantir la liberté et la diversité de la presse ?
Finalement, la libéralisation du secteur postal fait peser de lourdes inquiétudes sur l'avenir de La Poste et des services qu'elle rend.
En effet, les concurrents de La Poste vont se précipiter sur les secteurs les plus rentables de l'activité « courrier ». Ils vont pouvoir y offrir des prix plus bas, n'ayant pas à assumer de prestations de service public.
En l'état de la réforme, La Poste sera dans l'incapacité de résister à cette concurrence absolument déloyale. Elle ne pourra plus compenser par des activités plus rentables les charges liées à ses obligations de service public.
Pour rester compétitive, elle sera amenée à réduire ses prestations de service public et à baisser les prix offerts à ses principaux clients. Pour limiter les coûts d'exploitation, une solution consiste tout simplement à fermer des bureaux de poste et à y substituer des agences postales communales ou des points Poste.
Cette loi aura donc de lourdes conséquences sur les personnels. Actuellement, près de 50 % des postiers perçoivent un salaire égal ou légèrement supérieur à 1 000 euros par mois. Les conditions d'activité se sont tellement dégradées que la médecine du travail parle de véritable souffrance au travail.
La logique libérale s'oppose à une logique d'expansion économique et de développement de l'emploi. Selon les syndicats, de 20 % à 30 % des emplois actuels sont menacés. Sur 140 000 départs prévus d'ici à 2012, La Poste ne prévoit d'en remplacer qu'un sur deux.
Depuis 1994, un tiers des emplois statutaires ont déjà été remplacés par des emplois sous contrat privé. La précarisation explose. La Poste utilise 6 % de sa force de travail sous forme de contrats à durée déterminée.
L'ouverture du capital est censée créer de nouveaux emplois par l'émergence d'une offre privée, d'après les termes de la directive de 2002. Or c'est faux, comme le démontre la réalité en Europe : ainsi, en Suède, 15 000 emplois ont été supprimés dans le secteur public, et les opérateurs privés n'ont créé que 1 500 emplois, ce qui signifie que 10 % des emplois ont été perdus ; en Allemagne, depuis treize ans, les effectifs sont passés de 390 000 à 230 000 salariés.
Au contraire, La Poste devrait permettre, grâce à sa politique de gestion du personnel, l'amélioration des conditions de travail ne contribuant pas à la précarisation de l'emploi.
Pour résumer notre vision des choses, il est du rôle de l'Etat de financer ses obligations en matière de solidarités territoriales, de lien social et de service public. Il faut inscrire dans la loi les principes d'égalité d'accès des usagers, de continuité du service postal et d'aménagement du territoire afin de les garantir ; il faut aussi prévoir les moyens de leur financement.
Parallèlement, il est urgent de moderniser le service public pour permettre la définition d'une réponse adaptée aux défis de notre temps en matière de communication.
Les services publics doivent être le pilier de la construction de l'Europe, pour le développement partagé économique, scientifique et social des peuples.
L'Union européenne doit être non pas une remise en cause du service public, mais un moyen de faire partager, à l'échelon communautaire, une garantie commune de solidarité.
C'est pour cette raison que nous voulons un traité différent de l'actuel projet de Constitution, qui définisse d'autres objectifs que les orientations libérales de la politique actuellement menée par l'Union.
Tel est le sens de l'ensemble des amendements que nous vous proposerons afin de modifier comme il se doit ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Relisant récemment quelques passages des débats que nous avions eus lors de l'examen du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, j'ai pu constater qu'à ceux qui évoquaient notamment le risque de la fin du prix unique du timbre sur tout le territoire et la disparition progressive du secteur réservé, on avait répondu en renvoyant au groupe de travail sur la péréquation postale. Par ailleurs, le Gouvernement s'était engagé à garantir l'unicité du prix du timbre et à proposer un nouveau cadre conventionnel avec les communes.
Il est vrai que nos sommes tous peu ou prou partagés entre notre attachement aux missions de service public et la nécessité de l'ouverture à la compétition : ces missions de service public resteront-elles confiées à La Poste lorsque celle-ci se trouvera complètement dans le champ concurrentiel ?
Nous sommes aujourd'hui dans le vif du sujet : le contrat de performance et de convergence de La Poste.
L'opportunité d'un texte comme celui que nous abordons a été défendue il y a déjà bien longtemps, et cette problématique ne date pas d'aujourd'hui.
En effet, un ministre d'un gouvernement appartenant à une autre majorité déclarait, à propos des PTT : « Le statu quo n'est pas possible dans la mesure où il se traduirait par un déclin inéluctable et par l'abandon du service public. »
Et M. Christian Pierret, alors ministre, rappelait, pour sa part que « l'exemple français a permis de faire progresser en Europe la notion de service public et de proclamer la nécessité d'une libéralisation organisée. »
Il s'agit donc bien aujourd'hui de transcrire des directives européennes, avalisées par un précédent gouvernement puis enrichies, comme l'a dit précédemment l'un de nos collègues. Ce texte consacre la poursuite de la libéralisation des échanges voulue par les Quinze, en l'occurrence la libéralisation des services postaux.
Ce texte est aussi l'affirmation d'une ambition : l'ouverture progressive et contrôlée des marchés et le maintien, voire l'amélioration de la qualité, c'est-à-dire le maintien d'un service public, en l'espèce le service universel postal, dans le souci de l'aménagement du territoire.
Sont ainsi définies les normes d'accessibilité au réseau postal avec la prise en compte des zones de revitalisation rurale ou des zones urbaines sensibles.
Il faut citer également la création du fonds postal national de péréquation territoriale. Un contrat pluriannuel de la présence postale territoriale fixe les conditions d'utilisation de ce fonds consacré, entre autres, au financement des agences postales communales et intercommunales ainsi que des points Poste.
A propos de ce fonds national de péréquation, le président du Sénat disait la semaine dernière à Limoges qu'il devait faire l'objet d'un financement pérenne qui ne soit pas limité à l'abattement de la taxe professionnelle dont bénéficie La Poste.
Je n'irai pas plus loin dans l'analyse du texte, car je souscris à tout ce que vous en avez dit, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur.
Cela étant, comment ne pas évoquer la crainte, souvent formulée, de la privatisation de La Poste ? Mais comment aussi ne pas affirmer fortement que le texte ne l'autorise pas ? J'en veux pour preuve le fait que La Poste reste bien majoritaire dans le capital de la filiale bancaire créée.
L'attachement des Français à La Poste est d'ordre quasi sentimental. En tout cas, aux yeux des élus des zones rurales - on l'a dit et redit -, La Poste est le service public par excellence. Selon un sondage réalisé dans mon département, qui est un département d'expérimentation en milieu rural, 90 % des personnes interrogées placent La Poste en tête des services publics.
Et ce n'est pas par hasard si, alors que les commissions départementales d'amélioration des services publics sont en place de longue date, ont été créées postérieurement et spécifiquement les agences postales départementales, le préfet étant chargé aujourd'hui de la cohérence entre les deux instances.
Il y a peu, a été mise en place par le Premier ministre la conférence nationale des services publics en milieu rural. Le Gouvernement doit fixer avant le 30 décembre 2005, et après consultation des associations d'élus, les objectifs assignés aux gestionnaires des services publics en termes d'aménagement du territoire et d'égal accès des usagers.
A cette occasion, j'ai pu constater que, parmi les présidents et autres responsables desdits services publics, c'est au président de La Poste, et à lui seul, qu'il a été demandé d'apporter toutes les informations possibles sur la situation actuelle et les perspectives d'évolution. Il y a là plus qu'un symbole !
La Poste évolue parce que les territoires évoluent. Le schéma de présence postale qui met en oeuvre les critères d'accessibilité doit évidemment prendre en compte les nouvelles structures spatiales.
De ce point de vue, pour avoir suivi de très près ce problème dans sa dimension communale et noué des contacts - comme certains de mes collègues - avec le président Bailly, je dois dire que j'éprouve une certaine satisfaction en découvrant la nouvelle convention entre La Poste et la commune, dans le cadre de l'agence postale communale.
Ce n'est, certes, pas une solution idéale, mais la convention offre une plus grande sécurité juridique, assure un niveau moyen de rémunération plus élevé et prévoit un mode de calcul de l'indemnité compensatrice accordée à la commune plus simple, plus souple, plus équitable et pérenne, ainsi que la mise à disposition de matériels, d'informations et d'équipements informatiques.
Je dois dire que cette formule est très appréciée des maires, de droite comme de gauche, comme j'ai pu le constater la semaine dernière dans mon département. Et je n'ai pas pour habitude de travestir la réalité !
J'exprimerai toutefois à nouveau la crainte que la mise en place d'agences postales communales ne soit freinée par l'application aveugle de réglementations incompréhensibles. Je prendrai l'exemple de cette personne en retraite anticipée qui se trouve dans l'impossibilité de cumuler sa préretraite avec la rémunération, quasi symbolique, qui lui est versée pour l'emploi qu'elle tient dans l'agence postale communale.
M. Georges Mouly. Et, plus fort encore, au lieu de se solder par une retenue sur la pension versée mensuellement ou trimestriellement, l'affaire se conclut par un rappel du trop-perçu ! Inutile de vous dire que tout cela est fort désagréable et difficilement supporté.
En conclusion, cette évolution de la présence postale ainsi que les enjeux d'aménagement du territoire qui s'y attachent doivent trouver une réponse dans les négociations sur le terrain. C'est une démarche importante à laquelle nous n'avons pas le droit de nous soustraire.
L'ambition du Gouvernement est de préparer La Poste et l'ensemble des acteurs du service postal - vous l'avez dit, monsieur le ministre - à conquérir de nouveaux marchés dans un contexte concurrentiel, tout en garantissant un service public de qualité. Je veux croire au succès de cette entreprise ambitieuse, et je lui apporte mon soutien. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un peu plus d'un an, le Sénat examinait, en première lecture, un projet de loi qui avait pour objectif d'achever la transposition de deux directives européennes datant respectivement de 1997 et 2002.
Or, à l'occasion du débat au sein de notre assemblée, la majorité sénatoriale et le Gouvernement ont présenté des amendements portant sur la présence postale territoriale et sur la création d'un établissement de crédit postal. En conférant un nouveau cadre aux activités de La Poste, ces amendements ont donné au projet de loi initial une tout autre dimension.
En première lecture, les sénateurs socialistes se sont opposés à l'adoption d'un texte trop marqué, à leurs yeux, par le souci premier de favoriser l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché postal et la mise en oeuvre de mécanismes qui peuvent conduire sur des voies dangereuses : un recul dans l'exercice des missions de service public, le déménagement du territoire, le démantèlement de La Poste.
Il a fallu le long délai d'une année - cela suscite d'ailleurs de nombreuses interrogations - pour que le projet de loi soit inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, en janvier dernier. Au silence législatif d'une année a correspondu une série d'événements qui ne manquent pas de peser sur nos débats.
Objectivement, la présence postale s'est dégradée dans les territoires les plus fragiles. Les horaires d'ouverture au public ont été réduits, et la qualité de service a baissé : 597 points de contact ont été transformés entre février et juin 2004 ; de 11 155 bureaux de poste de plein exercice en 2002, nous sommes passés à 9 774 en 2005, soit 1 300 de moins en trois ans.
La volonté affichée de réorganiser le réseau, l'absence d'une concertation réelle, des déclarations répétées sur les vertus des nouveaux points de contact, dans lesquels pourtant le service rendu est un service au rabais, un rapport produit par des experts de votre ministère, des informations divulguées dans la presse sur l'organisation future envisagée pour le réseau, tout cela a abouti à une mobilisation des élus de toutes sensibilités et de la population.
Sur l'ensemble du territoire, ces derniers mois auront vu se lever l'expression bruyante d'un réel attachement à La Poste et à ses missions de service public.
Cette expression a connu trois temps forts : la campagne des élections sénatoriales de l'an passé, le congrès de l'Association des maires de France de novembre, et le cri de la Creuse, dont l'écho s'est largement propagé dans tout l'Hexagone. Un travail de déminage a été entrepris, tant à La Poste, avec la proposition d'une charte du dialogue territorial, qu'au Gouvernement avec la proposition de création d'une conférence sur les services publics en milieu rural.
Le projet de création d'un établissement de crédit postal continue à faire l'objet d'une vive opposition de la part du monde bancaire, au point de susciter déclarations publiques répétées et démarches de déstabilisation.
Pendant ce temps, les « vérités » auxquelles l'établissement public La Poste est confronté sont plus que jamais présentes. Je veux en relever trois.
Tout d'abord, en application de la directive de juin 2002, l'ouverture à la concurrence des services postaux se poursuit. Après l'étape du 1er janvier 2003, s'annonce celle, désormais toute proche, du 1er janvier 2006. A cette date, et jusqu'au 31 décembre 2008, le niveau de monopole pour le courrier passe à cinquante grammes et deux fois et demie le tarif de base.
C'est également en 2006 que la Commission doit remettre au Parlement et au Conseil européen un rapport faisant l'évaluation des incidences que pourrait avoir « l'achèvement » du marché intérieur des services postaux à l'horizon de 2009. C'est sur la base de cette étude que la Commission sera amenée à présenter de nouvelles propositions : nouvelle étape ou bien ouverture totale du marché ?
L'année 2006 est, à plusieurs titres, une année décisive pour La Poste et l'importance de cette échéance est insuffisamment perçue dans notre pays.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Pierre-Yvon Trémel. Ensuite, La Poste, deuxième groupe postal d'Europe, opérant sur trois métiers, avec 60 % de ses activités dans le secteur concurrentiel, est une industrie de main-d'oeuvre qui emploie 315 000 agents, dont environ 200 000 fonctionnaires.
Le règlement du dossier des pensions de retraite des fonctionnaires de La Poste est un enjeu majeur, car l'exploitant public ne peut affronter la concurrence avec des charges de retraite pesant sur ses seules épaules. Le montant des engagements de La Poste pour les retraites de ses fonctionnaires atteignait 57 milliards d'euros en 2002. A un moment où La Poste se trouve face à des enjeux difficiles, il est nécessaire de dégager rapidement les modalités de règlement de ce problème de financement des retraites, véritable épée de Damoclès pour La Poste, appelée à gérer - et à digérer ! - 140 000 départs à la retraite d'ici à 2012.
Monsieur le ministre, ce débat doit être l'occasion d'apporter au Parlement des informations sur l'état de la réflexion du Gouvernement et de La Poste sur ce dossier important des retraites.
Enfin, La Poste remplit, pour le compte de l'Etat, des missions d'intérêt général : aménagement du territoire, transport de la presse, fonction sociale des services financiers.
A ce titre, année après année et quels que soient les gouvernements, La Poste supporte des charges indues, car le financement de ces missions n'est pas à la hauteur des coûts, ce qui, d'ailleurs, rend toute comparaison avec d'autre postes européennes, non soumises à de telles charges indues, sans valeur.
M. Jean-Pierre Sueur. Effectivement !
M. Pierre-Yvon Trémel. Le poids de ces charges - en ce qui concerne l'aménagement du territoire, les chiffres divergent, mais La Poste elle-même avance souvent celui de 500 millions d'euros, tandis que le transport de la presse représente entre 450 millions et 500 millions d'euros et la fonction sociale des services financiers, 55 millions d'euros, soit, au total, plus d'un milliard d'euros par an - conduit à affirmer que La Poste traîne aux pieds un véritable boulet, source de handicap majeur pour réussir l'adaptation qui lui est demandée.
Face ce contexte et à ces vérités, il est intéressant d'observer ce qui ressort des débats de l'Assemblée nationale en première lecture. Trois conclusions apparaissent clairement.
En premier lieu, la régulation proposée se présente encore plus fortement comme une dérégulation destinée à favoriser l'arrivée de concurrents pour La Poste.
En deuxième lieu, pour ce qui est de la présence postale, l'article 1er bis nouveau du projet de loi peut conduire vers une poste à plusieurs vitesses pour les usagers.
En troisième lieu, la création de l'établissement de crédit postal dans les conditions où elle est proposée porte en elle de graves dangers : les prémices du démantèlement de La Poste.
Avec mes collègues du groupe socialiste, je souhaite, dès lors, à la fois dénoncer les risques très dangereux pour La Poste et présenter des propositions permettant de lui donner des chances, de faire d'elle un établissement public modernisé, performant, garant du maintien du lien social et d'un aménagement équilibré du territoire.
Mes propos porteront sur cinq points essentiels abordés dans le projet de loi : le service universel postal, la régulation, la présence postale territoriale, l'établissement de crédit postal et le dialogue social.
Le premier point que j'aborderai concerne le service universel postal.
L'article 1er du projet de loi introduit dans le code des postes et des communications électroniques des définitions arrêtées par la directive de 1997 : services postaux, envoi postal, envoi de correspondance. L'article L. 2-1 de ce code a défini le champ du service universel postal. L'article L. 2 désigne La Poste comme étant le prestataire du service universel postal.
Force est de constater que l'Assemblée nationale et sa majorité ont considérablement réduit le périmètre des services dits « réservés », c'est-à-dire les services qui demeurent l'exclusivité de La Poste et qui permettent de financer le service universel.
Ainsi, les envois recommandés requis au cours de procédures judiciaires ou administratives - vous avez évoqué ce point, monsieur le ministre - ne sont plus le monopole de La Poste.
Le publipostage n'est toujours pas explicitement mentionné comme étant un service réservé à La Poste. Peut-être aurons-nous des assurances à cet égard ?
Sous le prétexte de sortir du champ des services réservés ce que la directive appelle « les échanges de documents » et « l'autoprestation », qui ne peuvent être maintenus sous monopole, le texte, en l'état de sa rédaction, permet une large ouverture du secteur postal à la concurrence.
La banalisation des tarifs spéciaux pour les envois en nombre peut avoir des effets très forts sur la sélectivité des clientèles.
L'instauration d'un droit d'accès, en faveur des titulaires d'autorisation, aux moyens techniques de La Poste est mise en place de manière à rendre la concurrence toujours plus effective.
Surtout, le projet de loi autorise l'écrémage en ne retenant pas dans les « exigences essentielles » décrites par la directive, pour les opérateurs entrants, une obligation de desserte territoriale. Dès lors, les concurrents de La Poste s'installeront sur les niches les plus rentables.
II est évident qu'avec cette réduction des services réservés, avec cet encadrement a minima de la libéralisation du secteur postal, tout est fait pour ne pas mettre en place, dans de bonnes conditions, le fonds de compensation du service universel, prévu par la directive et dont il faudra bien parler d'une autre manière, monsieur le rapporteur, que par la seule commande d'un rapport, même demandé plus tôt.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous verrons tout à l'heure !
M. Pierre-Yvon Trémel. Comment La Poste peut-elle résoudre cette équation devant laquelle vous la placez : mise en place d'instruments conduisant à diminuer ses recettes, maintien de charges qui devraient être financées par des ressources externes, mauvaises conditions de préparation de la création d'un fonds de compensation dans lequel La Poste sera certainement appelée à être le premier contributeur ?
Nous ne pouvons suivre la logique de dispositions construites sur une volonté de développement de la concurrence. Nous voyons que cette logique a produit, dans d'autres pays européens, des effets dévastateurs pour la poste et ses usagers. Nous persistons à affirmer que les directives peuvent être transposées de manières différentes, en permettant une ouverture maîtrisée à la concurrence et un bon accomplissement des missions de service public.
Le deuxième point que je souhaite aborder concerne la régulation.
C'est l'objet de l'article 2 du projet de loi, qui, dans sa rédaction actuelle, suit une ligne directrice que nous n'approuvons pas non plus. En effet, celle-ci consiste à dépouiller le ministre chargé de La Poste de quasiment toutes ses compétences...
M. Jean-Pierre Sueur. Il se laisse dépouiller !
M. Pierre-Yvon Trémel. ...et à « donner les pleins pouvoirs » à l'ARCEP, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui devient omnipotente dans les domaines des télécommunications et de La Poste, avant de le devenir, au train où vont les choses, dans le domaine de l'audiovisuel.
Si ce texte est adopté, monsieur le ministre, il vous restera trois compétences.
M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui !
M. Pierre-Yvon Trémel. Il s'agit, d'abord, de la mise en oeuvre de la régulation applicable aux services postaux : ce sont les décrets sur les caractéristiques de l'offre de service universel, sur les recommandés et sur les autorisations. Il s'agit, ensuite, de l'homologation des tarifs de transport et distribution de la presse, après, au demeurant, avis de l'ARCEP. Il s'agit, enfin, de la possibilité de demander à l'ARCEP de sanctionner La Poste ou les titulaires d'autorisations en cas de non-respect de la législation ou de leurs obligations.
Vous acceptez de perdre le pouvoir d'approbation des tarifs sous monopole, alors qu'il s'agit du coeur du service public. Vous acceptez de perdre tout contrôle sur les modalités de développement du secteur postal, puisque ce n'est pas vous qui délivrerez les autorisations.
Avec le vote de nos collègues députés, vous acceptez aussi de perdre le pouvoir de définir les objectifs tarifaires du service universel dans le cadre du contrat de plan entre l'Etat et La Poste, puisque, aux termes du projet de loi amendé, sont confiées à l'ARCEP les modalités d'encadrement de ces tarifs : à l'ARCEP, le pouvoir de délivrer les autorisations ; à l'ARCEP, le rôle de surveillance du respect par les opérateurs des obligations qui leur sont imposées ; à l'ARCEP, la mission de contrôle des objectifs de qualité ; à l'ARCEP de décider, sur proposition de La Poste ou, à défaut d'accord, d'office, des modalités de l'encadrement pluriannuel des tarifs des prestations du service universel, l'ARCEP devenant ainsi le pivot de la régulation des tarifs du service universel, de l'amont à l'aval ; à l'ARCEP, d'émettre un avis public sur les aspects dits « économiques » des tarifs des services de transport de presse, le texte donnant ainsi à une autorité dont l'unique objet est le respect du droit de la concurrence un droit de regard sur un droit fondamental : la liberté d'opinion et le pluralisme de la presse.
M. André Vézinhet. Très bien !
M. Pierre-Yvon Trémel. A l'ARCEP, encore, sont dévolues des compétences pour contrôler le financement du service universel et son équilibre. A l'ARCEP, enfin, sont donnés de larges pouvoirs de sanction et d'arbitrage.
Les collègues de mon groupe et moi-même ne pouvons, là non plus, suivre une ligne directrice qui aboutit à déséquilibrer complètement les relations entre autorité politique et autorité de régulation. Nous serons donc amenés, par voie d'amendements, à présenter une autre logique : la création d'une autorité de régulation spécifique à La Poste, l'autorité politique devant rester le garant de l'intérêt général et conserver des compétences qui ne peuvent être confiées à une autorité chargée du respect du droit à la concurrence.
Le troisième point que j'aborderai concerne la présence postale territoriale. C''est incontestablement la question qui retient le plus l'attention des élus locaux, des personnels et des usagers de La Poste.
Un amendement présenté, en première lecture, par Pierre Hérisson a ouvert un débat qui aurait mérité d'être abordé dans une loi d'orientation postale, souhaitée en d'autres temps.
Les dispositions arrêtées par la majorité sénatoriale ont été revues à l'Assemblée nationale, pour donner naissance à un article 1er bis nouveau, sur lequel nous allons beaucoup débattre.
Plusieurs collègues de mon groupe devant intervenir sur cet important problème de l'organisation du réseau de La Poste, je me bornerai à la présentation de principes et d'orientations auxquels nous tenons.
Tout d'abord, la question de la présence postale territoriale appelle une approche à la fois quantitative et qualitative. L'existence de 17 000 points de contact mérite surtout d'être analysée sous l'éclairage de la qualité du service rendu. C'est ce qui nous conduit à ne pas sacraliser le chiffre de 17 000 et à considérer que les points Poste placés chez les commerçants ne peuvent être retenus comme concourant à l'aménagement du territoire, dès lors que l'usager ne peut y trouver qu'une infime partie des services offerts par La Poste dans ses bureaux de plein exercice.
M. André Vézinhet. Très juste !
M. Pierre-Yvon Trémel. Ensuite, il revient à la loi, et donc au Parlement, de définir un cadre général visant à assurer, sur l'ensemble du territoire, un égal accès de la population aux prestations du service universel postal et d'un service bancaire universel.
Les services offerts par La Poste doivent être rendus conformément aux principes généraux du service public dans notre pays : égalité, continuité, adaptabilité et caractère abordable des prix.
A partir de ce cadre général, une très large place doit être laissée à la négociation, en privilégiant deux niveaux : le niveau départemental et le niveau des intercommunalités.
La commission départementale de présence postale territoriale, la CDPPT, légitimée par sa reconnaissance législative,...
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Quand même !
M. Pierre-Yvon Trémel. ...doit être le lieu de la négociation. Aux élus de refuser que cette commission soit une simple chambre d'enregistrement ou une commission-caution, comme elle l'a trop souvent été jusqu'à présent.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Evidemment !
M. Pierre-Yvon Trémel. Cette méthodologie permet d'affirmer une ligne de conduite : non au statu quo, non à l'immobilisme, mais aussi non au déménagement du territoire et à la dégradation du service rendu, oui à un service public alliant qualité et proximité.
Le financement de sa mission d'aménagement du territoire doit être assuré à La Poste, à partir d'une évaluation incontestable de son coût, par une solidarité nationale réelle et pérenne. La Poste ne doit pas porter seule le poids de cette solidarité. Le Fonds national de péréquation, tel qu'il est aujourd'hui conçu, alimenté - nous aurons l'occasion de revenir sur ce point - ne répond pas à ces exigences.
J'ajouterai, en réponse à ce qui se dit très souvent sur le mythe de l'immobilier, qu'il serait bon que La Poste redonne toute sa place au facteur, figure emblématique dont le rôle est aujourd'hui remis en question par la séparation des métiers chez l'opérateur public.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Non !
M. Pierre-Yvon Trémel. Le quatrième point que je souhaite évoquer concerne l'établissement de crédit postal.
L'article 8 du projet de loi crée la banque postale.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Ah !
M. Pierre-Yvon Trémel. La réécriture de l'objet social de La Poste formalise la création de la banque postale, qui était prévue par le contrat de plan : l'ensemble des activités financières de l'établissement public sont transférées à une filiale de droit bancaire dont le capital est majoritairement détenu par La Poste.
Les dispositions de l'article 8 du projet de loi appellent plusieurs réactions.
Une participation de La Poste, seulement majoritaire dans le capital de l'établissement de crédit postal, n'est pas admissible à nos yeux. Elle présente en effet un risque grave pour l'unité de La Poste.
Les relations entre La Poste, maison mère et sa filiale, l'établissement de crédit postal, méritent un examen très attentif, ce qui n'est pas tout à fait possible aujourd'hui puisque nous ne connaissons pas le contenu des futures conventions de services. La maison mère sera-t-elle prestataire ou simple sous-traitant de sa filiale bancaire ? Il est à craindre que la filiale, en quête de rentabilité, ne dicte ses conditions au réseau. Au lieu de conforter les bureaux de poste, ce que doit permettre l'extension de la gamme des services financiers, « l'adaptation » demandée par l'établissement de crédit pourrait être une menace de fermeture pour des bureaux considérés comme étant non rentables, au regard de nouveaux critères de gestion.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Mais non !
M. Pierre-Yvon Trémel. Nous savons que tant La Poste que la Fédération bancaire française sont très vigilantes sur le respect des règles du droit bancaire.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. C'est normal !
M. Pierre-Yvon Trémel. En effet.
Si l'établissement de crédit postal doit être une banque comme les autres, pourquoi ne pas lui donner la possibilité de se préparer, dès sa création, à offrir des prêts à la consommation,...
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Pierre-Yvon Trémel. ...sachant que, après un accord de partenariat, un délai incompressible de deux années lui sera nécessaire avant d'être opérationnel ?
M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui !
M. Pierre-Yvon Trémel. Pourquoi ne pas donner votre feu vert, dès aujourd'hui, monsieur le ministre, à l'octroi, par cet établissement, de prêts à la consommation ?
M. Jean-Pierre Sueur. Voilà !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Demandez au Crédit agricole !
M. Pierre-Yvon Trémel. La Poste sera attaquée sur son activité de base, le courrier, dès 2006. Donnons-lui les moyens de fidéliser sa clientèle jeune qui, paradoxalement, la quitte, alors que La Poste lui a toujours donné satisfaction.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. André Vézinhet. Très juste !
M. Pierre-Yvon Trémel. Le projet de loi ne reconnaît pas pleinement le rôle social, incomparable et indispensable, de « banque pour tous » que joue La Poste. On ne peut pas se contenter d'affirmer que La Poste est la « banque du plus grand nombre », il faut aussi mettre en oeuvre le principe de « banque pour tous ». Nous souhaitons donc que La Poste soit aussi une banque à laquelle est confirmée une mission de service public.
J'en viens au cinquième et dernier point de mon intervention : le dialogue social.
Un article 2 bis C nouveau a été introduit dans le projet de loi. Il aboutit à une remise à plat, par voie réglementaire, du système de représentation des salariés de La Poste.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, comme vous, je crains de voir s'instaurer un véritable dumping social, au moment où les dispositions législatives viennent favoriser le développement de la concurrence. Nous sommes dès lors intéressés par la proposition de négociation entre partenaires sociaux d'une convention collective commune, à condition qu'elle soit bien centrée sur la recherche d'un progrès social.
En revanche, votre amendement visant à assouplir les possibilités offertes à La Poste d'employer des contractuels pose vraiment question. En effet, un tel assouplissement renforcerait la précarisation au sein de La Poste, ce qui ne va pas dans le sens du progrès social.
Au final, le projet de loi, tel qu'il nous est soumis en deuxième lecture, ne donne pas à La Poste les chances que nous souhaiterions qu'elle ait. Le texte n'organise pas une concurrence loyale dans le secteur postal. Il instaure une régulation qui pousse l'opérateur historique vers une situation intenable : moins de recettes, autant, sinon plus, de charges, la diminution du personnel et l'inégalité des territoires devant le service public constituant les variables d'ajustement.
Le projet de loi porte également en germe la fin de l'unité de La Poste, avec un risque de privatisation par appartements.
Oui, on peut l'affirmer, ce projet de loi n'est, hélas, pas un Jour de fête pour La Poste !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Oh !
M. Pierre-Yvon Trémel. Et parce que nous aimons La Poste,...
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Nous aussi !
M. Pierre-Yvon Trémel. ...parce que nous voulons qu'elle conserve toutes ses missions et toute sa place, si appréciées des Français, nous ne pouvons accepter que le véhicule législatif aujourd'hui utilisé transporte trop de lettres et de colis piégés pour La Poste. Tout au long du débat qui s'ouvre, nous nous efforcerons de présenter un véhicule...
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Electrique ! (Sourires.)
M. Pierre-Yvon Trémel. ...ayant d'autres qualités et d'autres couleurs. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plus d'une année s'est écoulée depuis l'examen en première lecture par le Sénat du présent projet de loi, que nous avons soutenu...
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Ah !
M. Claude Biwer. ...et qui nous préoccupe encore aujourd'hui. Cette année aura été riche en rebondissements s'agissant, notamment, de la présence postale sur notre territoire.
Ce point avait constitué le sujet principal de mon intervention ici même. Me faisant alors l'interprète de nombre de mes collègues maires, je m'étais notamment inquiété du devenir de plusieurs milliers de bureaux de poste, ce qui m'avait conduit à déposer, avec plusieurs de mes collègues, une proposition de loi visant à instaurer un moratoire des fermetures de services publics en milieu rural, dans l'attente du résultat d'un véritable dialogue sur le sujet, devenu de ce fait obligatoire.
Malgré les signes d'apaisement qui nous avaient été donnés, le refus de ce moratoire et ce qui s'est passé au cours de l'été 2004 n'ont fait que confirmer nos craintes. En effet, la direction de La Poste a laissé entendre que plus de 6 000 bureaux de poste seraient fermés au cours des prochaines années.
Cette annonce a fait l'effet d'une bombe. Faite en pleine saison estivale, elle a suscité une vague de protestations sans précédent dans les départements ruraux, qui ont vite compris qu'ils seraient les premières victimes, obligeant le Gouvernement à reprendre en main ce dossier.
Le Premier ministre vient donc d'installer une Conférence nationale sur l'avenir des services publics en milieu rural et a demandé aux services de l'Etat et aux entreprises publiques de soumettre aux collectivités locales toute nouvelle décision qui aurait pour effet de diminuer la présence du service public en milieu rural pendant la durée des travaux de cette conférence, qui dureront jusqu'à l'automne.
De son côté, le président de La Poste a annoncé, sans évoquer bien sûr de répartition territoriale, le maintien de 17 000 points de contact postaux sous des formes diverses ou nouvelles et mieux adaptées : bureaux de poste classiques et ouverture de points Poste chez des commerçants.
Pour ma part, je ne me suis jamais déclaré hostile à l'ouverture de ces points Poste, à condition de trouver encore des commerçants dans les communes rurales pour les accueillir ! Très souvent en effet, ceux-ci ont déjà quitté les lieux.
J'ai également observé dans mon département, malgré les engagements pris, des velléités de fermetures de bureaux de poste, les élus des communes concernées s'en plaignant souvent aussi auprès de moi.
Nous constatons que, au nom d'une meilleure efficacité, les responsabilités administratives sont regroupées et centralisées dans les bourgs-centres, ce qui entraîne une diminution du nombre d'heures de travail dans les bureaux de poste annexes et permet bien sûr de mieux justifier le regroupement général.
Dans ma propre commune, un facteur n'ayant pas été remplacé par le bourg-centre, mes concitoyens ont été privés de distribution du courrier pendant trois jours, alors qu'il existait sans doute une solution. Il me paraît important que le meilleur service soit de règle dans le dispositif existant.
L'Assemblée nationale a récemment adopté, en deuxième lecture, un dispositif qui devrait théoriquement permettre le maintien d'un maillage territorial suffisamment serré en bureaux de poste. Nous soutenons cette orientation. Mais, dans la pratique, comment se traduira-t-elle ? Les élus des communes rurales ne seront-ils pas les victimes d'un marché de dupes ?
Voilà quelques mois, on évoquait dans les discours la « présence territoriale ». Actuellement, me semble-t-il, on parle plus souvent de cette présence « au service des populations du territoire », ce qui est tout de même quelque peu différent.
En effet, le projet de Charte du dialogue territorial que la présidence de La Poste a diffusé à tous les présidents d'associations des maires m'inquiète. Le groupe de l'UC-UDF préférerait un contrat, qui lui paraît plus logique. Il a d'ailleurs déposé un amendement en ce sens. Il est certes beaucoup question de concertation dans ce projet de Charte.
Ce texte précise également que le Fonds postal national de péréquation territoriale prendra en charge le surcoût qu'induit pour La Poste le maintien de bureaux de poste en milieu rural. Monsieur le ministre, quel sera le montant de la dotation de ce Fonds ? Cette dotation sera-t-elle suffisante pour financer la totalité de ce surcoût ?
Dès lors, comment se dérouleront les négociations des protocoles d'accord territoriaux entre La Poste et les élus ? Les collectivités ne seront-elles pas incitées à mettre la main à la poche ? Ainsi, le dialogue et la concertation risquent très vite de se transformer en chantage à la fermeture, ce qui, monsieur le ministre, ne serait pas tolérable. Nous ne saurions l'accepter.
Puisque le second volet important et controversé du présent projet de loi est la création d'une banque postale, je rappelle que les dirigeants de La Poste avaient justifié leur demande d'extension des services financiers par leur souhait de pouvoir « assurer la pérennité de la présence postale sur l'ensemble du territoire ».
Monsieur le ministre, si le Gouvernement et le Parlement accèdent à cette demande, ils sont - nous sommes -en droit d'attendre des responsables de cette entreprise qu'ils tiennent également leurs engagements. D'autant que le présent texte confirme le rôle d'opérateur du service universel postal de La Poste en insistant sur le fait que ce service doit être de qualité, ce que nous ne pouvons que souhaiter.
Pour que ce service soit de qualité, il faut maintenir un réseau très dense de bureaux de poste, y compris en milieu rural, et faire en sorte que nos compatriotes soient satisfaits des délais d'acheminement du courrier, ce qui, reconnaissons-le, n'est pas toujours le cas aujourd'hui.
Telles sont les observations que je souhaitais formuler sur ce projet de loi, dont les finalités sont tout à fait respectables et méritent d'être approuvées. Toutefois, tout devra être mis en oeuvre afin que ce texte ne se traduise pas par de cruelles désillusions sur le terrain.
Comme l'ensemble de mes collègues du groupe de l'UC-UDF, je soutiendrai ces propositions.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Ah ! Très bien !
M. Claude Biwer. Cela vous rassure, monsieur le rapporteur !
Nous souhaitons qu'une véritable concertation permette d'apaiser nos craintes, voire de les faire disparaître. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. - M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons aujourd'hui, en deuxième lecture, du projet de loi transposant dans notre droit la directive postale, sous le titre « régulation des activités postales ». J'ai eu l'occasion de dire, en première lecture, mon insatisfaction devant le manque d'ambition de ce texte et de regretter son imprécision sur le financement de la présence postale et de ses missions de service public. Je ne reviendrai donc pas sur ces débats de fond.
Aujourd'hui, mon propos a un objectif plus limité : améliorer sensiblement les garanties d'exercice du service public en la matière et répondre ainsi aux inquiétudes qu'expriment élus locaux, postiers, usagers, lors de manifestations répétées et importantes.
Mes interventions seront donc ciblées et techniques. Je serai constructif mais exigeant, comme il convient à propos d'une entreprise publique trop longtemps mal aimée des gouvernements.
Où en sommes-nous exactement avec le texte voté à l'Assemblée nationale ?
Le débat se concentre désormais autour de trois questions : quelles missions de service public pour La Poste ? Quelle couverture du territoire et quel avenir pour la fonction de service public de proximité qu'assume La Poste ? Quelle autonomie pour l'établissement de crédit que la loi va instituer ?
Il faudrait, bien sûr, traiter d'autres questions, par exemple celle qui concerne le calendrier imposé par l'Europe pour une ouverture progressive du service réservé du courrier à la concurrence. Et, de ce point de vue, le rôle futur de l'Autorité de régulation sera crucial. Faute de temps, je n'en parlerai pas maintenant.
Au fond, je me bornerai à envisager le projet de loi sous un angle double : quels financements retenir pour que les missions de service public soient viables et quelle place exacte accorder à l'établissement de crédit dans le dispositif de La Poste ?
Autrement dit, quelle confiance les élus locaux et les postiers peuvent-ils accorder à des dispositions législatives qui prétendent conjuguer la fin du monopole du courrier et la déclinaison des missions d'aménagement du territoire et de cohésion sociale confiées à La Poste par la loi du 2 juillet 1990 ?
La Poste est une entreprise publique mixte, ai-je l'habitude de dire. Le restera-t-elle ou va-t-elle glisser inexorablement vers une privatisation à peine déguisée, comme France Télécom, ou complètement assumée, comme les postes allemande et hollandaise ? Une douzaine d'amendements me permettront de tester la volonté du Gouvernement et l'engagement du Sénat.
Je continue à croire, comme lors de la présentation de mon rapport sur la présence postale en milieu rural en 1990, qu'il y a une voie possible pour une poste française engagée plus avant dans la concurrence dans chacun de ses trois métiers et, en même temps, fidèle à sa mission historique de service public. J'affirme même que c'est la condition du succès de l'étape qui s'ouvre avec la transposition de la directive postale. La Poste sera, selon moi, d'autant plus capable de résister à des opérateurs privés puissants qu'elle sera enracinée dans le territoire national et considérée par les citoyens et les élus locaux comme un service public irremplaçable.
Telle est ma conviction et celle d'une majorité de postiers, dont je veux, à cet instant, saluer la compétence, la générosité et le dévouement. Ces postiers de base et cet encadrement de chefs d'établissement, notamment, ont eu l'immense mérite d'absorber le choc des mutations récentes et, il faut le dire, l'incohérence d'un certain nombre de décisions d'organisation prises par une hiérarchie trop souvent mal inspirée depuis 1990. Si La Poste est encore La Poste, c'est à eux, ces fonctionnaires, au vrai et beau sens du terme, ces personnes anonymes, que nous le devons.
Nous le devons aussi aux élus locaux, maires et conseillers généraux tout particulièrement. Obstinément, ils nous rappellent que les bureaux de poste sont, par excellence, un lieu de services au public, un espace d'échanges entre des catégories sociales qui ne se rencontreraient pas ailleurs, une démonstration concrète que la notion d'aménagement du territoire garde tout son sens aujourd'hui.
Cette alliance des élus locaux et des postiers a permis à La Poste de surmonter jusqu'ici toutes les vicissitudes. Cette mobilisation se renforce sous nos yeux, s'ouvre aux usagers, comme à Guéret samedi dernier. Et c'est une chance. C'est aussi un signal donné au Sénat.
Reprenons les différentes questions.
Evoquons d'abord les missions de service public. Le transport de la presse est explicitement inscrit à ce titre dans la loi de 1990, mais son financement n'a été assuré, jusqu'à présent, qu'au prix d'une répartition laborieuse de son coût dans le cadre d'accords tripartites conclus entre l'Etat, la presse et La Poste. Il était implicitement admis que le monopole du courrier permettait de financer en partie le surcoût lié à cette prestation pour l'opérateur public. Avec la disparition progressive du service réservé et des ressources qu'il génère, il est nécessaire d'assurer à La Poste une compensation intégrale, je dis bien « intégrale », de cette mission. Autrement dit, il convient qu'elle soit répartie entre la presse et le budget général de la nation. J'ai déposé un amendement à ce sujet.
Il est créé par la loi - et c'est une avancée - un fonds de péréquation destiné à financer la présence postale territoriale sur l'ensemble du territoire, y compris dans les zones sensibles - rurales ou urbaines. Mais le financement en est inexistant. Il s'agit d'une enveloppe vide...
M. Pierre-Yvon Trémel. Eh oui !
M. Gérard Delfau. ... dont on dit seulement qu'elle sera abondée par le produit de l'exonération de taxe professionnelle, qui serait pérennisé. J'avoue, mais sans doute suis-je mal informé, que je ne comprends pas. La Poste ne cesse de dire qu'elle ne peut plus assurer le coût d'une présence territoriale large et, dans le même temps, on prétend lui imposer une charge de 150 millions d'euros.
M. Pierre-Yvon Trémel. Très bien !
M. Gérard Delfau. C'est un tour de passe-passe, un tour de bonneteau, qui ne risque guère de tromper les élus locaux, trop au fait de la dure réalité d'un budget. Je serai conduit à préconiser d'autres sources de financement.
S'agissant de l'établissement financier, que je m'obstine à ne pas appeler « banque postale », sa création est une avancée que j'ai approuvée en première lecture.
En revanche, beaucoup de questions restent en suspens. Celles que je vais énumérer sont primordiales. Quelle sera l'autonomie de cet établissement par rapport à la maison mère ? Quel sera son poids dans l'évolution du réseau ? Cet établissement procédera-t-il à une sélection de la clientèle en fonction des revenus ?
Deux conceptions s'affrontent au sommet de l'entreprise et il faut que le Sénat en soit clairement informé. L'une, celle du président, donne des garanties pour le maintien d'un équilibre entre filialisation et mission de service public. L'autre, abondamment relayée par la presse économique, fait de la naissance de cet établissement une première étape vers une indépendance future sous forme d'une banque privatisée.
Dans ce second cas, que deviendrait la mission assumée par La Poste, à savoir fournir sur tout le territoire, à tous les citoyens, quels que soient leur lieu de résidence et leur niveau de revenus, l'accès aux services financiers de base que le secteur bancaire désormais leur refuse un peu partout ?
Il faut dire ici, à la tribune du Sénat, que le maintien et même le développement de cette mission essentielle pour les Français est un point dur, non négociable, du face à face, parfois de l'affrontement, entre l'entreprise publique et les élus locaux.
Je veux encore formuler une remarque. Comment prétendre renforcer le dialogue entre La Poste et les élus locaux alors que, simultanément, l'entreprise a été morcelée en filiales trop souvent concurrentes, en directions stratégiques engluées dans des conflits internes ou en découpages territoriaux sans cesse remis en question au fil des diverses présidences ?
Le résultat est désastreux et si nous gérions nos communes comme l'entreprise a été gérée de ce point de vue, nous aurions, et ce serait normal, un retour négatif de la part de nos concitoyens.
Mais j'en reviens à l'immédiat. Le maire n'a plus désormais devant lui un interlocuteur unique au niveau départemental, doté de l'autorité nécessaire et ayant pouvoir de décision. Ainsi, tout partenariat équilibré est rendu impossible puisque, au moment même où l'on demande aux élus locaux de participer au coût de financement du réseau, ils n'ont devant eux que des directeurs départementaux dépourvus, en réalité, de toute autorité par rapport à leurs collègues et aux responsables des autres structures appartenant au groupe La Poste.
Je le dis nettement : sans le retour à l'interlocuteur unique ayant capacité de représenter à lui seul toute l'entreprise publique, il ne peut y avoir de retour à la confiance et donc il ne devrait pas y avoir de financement public de la part des collectivités locales. Il faut que cela soit bien clair dans le débat que nous avons. Il faudra que chacun en tire les conséquences une fois que la loi sera votée.
En résumé, ce projet de loi n'apporte qu'une partie des réponses attendues. Il est trop timide pour ce qui concerne l'élargissement des activités financières puisque l'urgence de délivrance des crédits à la consommation n'est pas encore reconnue. Il sollicite les élus locaux et le budget des collectivités locales alors que la place qui leur est faite est trop imprécise, liée à la bonne volonté des représentants de La Poste et aux fluctuations des politiques.
Mais ce projet de loi existe. Notre devoir, au Sénat tout particulièrement, est de l'améliorer sur la base suivante : compenser intégralement le coût des missions du service public de La Poste, dès lors que l'ouverture du marché du courrier à la concurrence est en train de tarir des ressources jusqu'ici affectées à ces missions.
Pour cela, nous disposons d'un constat des surcoûts indiscutable. Il nous est fourni par le rapport de notre ancien collègue Gérard Larcher, alors président de notre commission des affaires économiques, aujourd'hui ministre. Ce texte est devenu une référence en raison du travail considérable effectué par son auteur.
De surcroît, il est à noter une prise de position récente du président du Sénat qu'il vient de confirmer devant la délégation des maires ruraux qu'il recevait. Le fonds de péréquation existe, c'est une avancée, a-t-il dit en substance. Il faut maintenant envisager comment l'alimenter d'une meilleure façon. Je partage complètement ce souhait et je suis sûr que la majorité des membres du Sénat, que dis-je ? la totalité de nos collègues, ira dans ce sens lors de la discussion de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Bonne conclusion !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président monsieur le ministre, mes chers collègues, je mettrai en exergue de mon propos ce constat de notre éminent collègue, aujourd'hui ministre, Gérard Larcher : «Pour résumer, on pourrait dire qu'au cours des dernières années, l'Etat n'a pas tenu les engagements favorables qu'il avait pris envers La Poste mais qu'il a, en revanche, appliqué scrupuleusement les dispositions qui étaient défavorables à l'opérateur. »
Prenons-le pour une invitation à délaisser les stériles recherches en paternité des errements passés, pour nous consacrer à l'essentiel, à savoir : fixer le cadre garantissant la viabilité de La Poste, entreprise chargée de missions de service public et de service universel dans un contexte concurrentiel ; répondre, enfin ! aux attentes des élus locaux, particulièrement à celles des maires ruraux mobilisés pour le maintien du service postal de qualité dont dépend la vie de leurs communes.
Je rappelle que 6 234 conseils municipaux - ce n'est pas rien ! - ont, sur l'initiative de l'Association des maires ruraux de France, délibéré pour demander, par-delà les habituelles déclarations de principe sur le maintien du service postal, qui ne « mangent pas de pain », comme l'on dit en Provence, des dispositions précises permettant d'y parvenir. Ils suggéraient ainsi la création, par la loi, d'un fonds postal national de péréquation territoriale, la fixation, toujours par la loi, du montant de ce fonds et de ses modalités de financement, et la gestion paritaire et déconcentrée de ce fonds. Ces délibérations ont été remises il y a quelques instants au président du Sénat. Cela faisait une belle pile !
Pour répondre de manière satisfaisante à ces deux objectifs essentiels, il faut au préalable clarifier les missions de La Poste et leur financement.
Actuellement, La Poste remplit trois types de missions : offrir des services commerciaux dans un cadre concurrentiel, assurer le service universel européen dans le cadre d'un monopole partiellement conservé et assurer des missions de service public dont les autres opérateurs sont dispensés telles que l'aide à la diffusion de la presse, la cohésion sociale par l'offre de services financiers non discriminants, l'aménagement et le développement du territoire par une présence postale suffisante sur l'ensemble du pays.
A ces trois types de missions devraient logiquement correspondre des financements identifiés et spécifiques. Or ce n'est pas le cas.
S'il est normal de demander à La Poste de financer par le seul produit de son activité ce qui relève du secteur concurrentiel, on ne peut lui demander de supporter seule le coût du service universel, et encore moins celui du service public. Jusqu'à présent, on a fait comme si, mais la politique de l'autruche à des limites, que l'on atteint aujourd'hui.
La viabilité de La Poste suppose un financement spécifique du service universel, qu'il s'agisse du courrier ou du service universel bancaire, si ce dernier venait à être créé, comme nous le proposerons. Dès lors que les recettes de ce qui reste du monopole n'y suffiraient pas, il faudra bien que l'ensemble des prestataires de services postaux y contribuent, à travers un fonds de compensation aux ressources clairement identifiées.
L'aide à la diffusion de la presse, prérogative d'Etat s'il en est, ne peut être financée que par lui-même. Qui, honnêtement, pourrait dire le contraire ?
Quant à la présence postale territoriale, le fonds national de péréquation devrait y pourvoir. Le texte qui nous revient en deuxième lecture le prévoit, mais, comme d'habitude, en évitant de préciser comment ce fonds sera alimenté et à quelle hauteur. Tant que nous ne l'aurons pas précisé, nous resterons dans le domaine de la gesticulation.
La Poste qui, jusque-là, se disait dans l'incapacité d'alimenter ce fonds, accepterait, aux dernières nouvelles, de contribuer à hauteur de l'exonération de fiscalité locale dont elle bénéficie, soit 150 millions d'euros.
Je comprends le message destiné à laver La Poste de tout soupçon aux yeux des cerbères de la concurrence. Mais comment pourra-t-on, sans un euro de plus, financer le surcoût de la présence postale territoriale, estimé généralement à 500 millions d'euros, sauf à l'euthanasier ou à la sous-traiter aux collectivités locales ? Nous y reviendrons.
Nous proposerons, comme source de financement supplémentaire, d'instaurer une taxe sur les courriers non adressés - ces prétendus courriers qui encombrent les boîtes à lettres avant de joncher le sol et d'être ramassés par des employés communaux - et de prévoir une dotation de l'Etat.
En ces temps où, pour être politiquement correct, « il faut désintoxiquer les français de la dépense publique », en tout cas de celle qui profite au plus grand nombre, je mesure l'incongruité, que dis-je ? la grossièreté, de mon propos en ces lieux.
Je ferai simplement observer que si le présent projet de loi aboutit, l'Etat verra ses recettes de TVA augmenter, du fait de la facturation de services de La Poste aux autres prestataires de services postaux - article 1er, alinéa 6° du projet de loi - ou à sa filiale bancaire. Le dispositif prévu créant mécaniquement des ressources nouvelles pour l'Etat, il n'y aurait rien de choquant à ce que ce dernier en profite pour assumer enfin ses obligations en matière de service public.
Mais si l'équilibre financier et la pérennité de La Poste passent par la compensation financière de ses missions de service public et de service universel ainsi que par des gains de productivité, ils passent également par le développement de ses services financiers.
Il s'agit, comme mon prédécesseur l'a dit, de rajeunir et de fidéliser une clientèle qui quitte La Poste faute d'y trouver les crédits ou les assurances dont elle a besoin. Il s'agit de conforter globalement l'activité du réseau, et particulièrement dans ses parties les plus menacées.
Les services financiers assurent, en effet, quelque 60 % du chiffre d'affaires des bureaux de poste, et jusqu'à 80 % pour les plus petits. « Sans services financiers, le réseau de La Poste ne serait que l'ombre de ce qu'il est », indiquait encore Gérard Larcher dans son rapport de 2003.
Pour développer ses services financiers, La Poste doit avoir la possibilité d'offrir des produits nouveaux, notamment du crédit à la consommation. Son propriétaire - l'Etat -lui a toujours refusé cette possibilité ; il doit enfin se décider à autoriser de telles offres.
Faut-il pour autant créer un établissement de crédit postal indépendant ? Sous certaines conditions, je le pense, mais je laisserai à mes collègues le soin de développer ce point pour consacrer le temps qui me reste au second enjeu essentiel de ce projet de loi : répondre enfin et complètement aux attentes des élus locaux en général, des ruraux et des habitants des zones urbaines sensibles en particulier.
L'attente est forte, et je n'insisterai donc pas sur ce point. Est-elle légitime ? Evidemment non, répondent nos modernes éradicateurs, pour des raisons de saine gestion. Et de comparer le nombre de points de contacts à la population desservie, les minutes d'activité de tel ou tel bureau de poste, les « points 539 ». Ces arguments sont imparables, mais seulement en apparence, car le calcul en termes de points de contacts n'a pas plus de sens que de compter des véhicules en ajoutant des poids lourds et des vélos.
Ce qui compte, ce n'est pas le nombre de points de contacts, c'est ce qu'ils coûtent à La Poste. Et là les surprises commencent.
Un rapport de la mission du conseil général des technologies de l'information, daté d'avril 2004 et demandé par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, estime à seulement 2 500 postes équivalents temps plein le gain qui résulterait de la transformation de 5 000 bureaux de poste en agences postales ou points Poste.
Le rapport en conclut que le gain sera mince pour La Poste, encore plus mince après déduction du coût des structures de remplacement : « Ce sont donc les bureaux importants de plein exercice qui devront supporter l'essentiel de l'effort de gain de productivité. C'est pourquoi la mission est convaincue que l'enjeu majeur se situe dans les grands établissements, où existe le principal risque social... ».
En clair, sur un strict plan financier, le démantèlement du réseau postal rural n'a qu'un intérêt marginal. Les gains de productivité dont dépend la survie de l'entreprise doivent être recherchés ailleurs.
Je cite encore le rapport : « Il y a un paradoxe supplémentaire dans le dossier du réseau des bureaux de poste : alors que l'attention s'est toujours focalisée sur la présence de La Poste en milieu rural considérée comme source de non-compétitivité, le principal gisement de productivité se trouve apparemment dans les grands bureaux, qui relèvent de la seule organisation interne de La Poste. »
Sauf à penser qu'il s'agit d'une variante de l'histoire du fou qui cherche sa clef sous le réverbère, parce qu'il y a de la lumière, plutôt qu'aux endroits où il a une réelle chance de la trouver, pourquoi vouloir imposer un projet de réorganisation dont La Poste ne tirera que des avantages financiers marginaux, au prix de dégâts irréparables sur des pans entiers de notre territoire ? Tout simplement pour des raisons idéologiques. Je cite encore : « Même si la contribution à l'amélioration de la compétitivité de La Poste reste modeste, l'évolution de la présence postale à travers des partenariats présente des aspects qui pour n'être pas strictement économiques n'en sont pas moins stratégiques. Les évolutions culturelles sous-tendues par la réussite de la transformation du réseau sont en effet de première importance. La généralisation de partenariats pour assurer le maintien du service postal en tant que politique de l'entreprise La Poste, non plus seulement au titre d'expérimentations locales, conduit de fait à l'éclatement de la vision traditionnelle du bureau intégré, symbole de la présence postale en France, que partagent aussi bien les personnels que les élus locaux ou le public. » Et il ne s'agit pas ici de littérature de la IIIe Internationale. On ne saurait être plus clair : le démembrement du réseau postal rural n'est pas imposé pour des raisons de bonne gestion mais résulte de choix idéologiques, ou, comme on dit en termes politiquement corrects, de choix culturels.
Il est donc parfaitement possible de donner à La Poste un cadre stable pour ses activités, en respectant aussi bien les contraintes européennes que celles qu'impose la saine gestion, à laquelle tous les maires sont attachés.
Il est parfaitement possible, pour un coût marginal et politiquement justifié, d'irriguer l'ensemble de notre territoire par un service postal de proximité de qualité. Encore faut-il le vouloir ! Nous saurons bientôt si telle est la volonté du Gouvernement et s'il se trouve une majorité de sénateurs pour le vouloir aussi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, La Poste, c'est une part importante de la République française, de l'esprit républicain. La Poste, nous l'avons dans le coeur, comme toutes les Françaises et tous les Français. Nous sommes inquiets aujourd'hui car, monsieur le ministre, dans le contexte nouveau que nous connaissons, vous ne prenez pas les décisions permettant à La Poste de continuer à exercer ses missions, qui sont inséparables de l'idée que nous nous faisons de la République française et du principe d'égalité.
Tout à l'heure, M. Trémel a exposé le calendrier du processus de concurrence et d'ouverture : 2003, 2006, 2008, 2009. Pour qu'au moment voulu - 2006, c'est demain, 2008, 2009 - La Poste soit dotée des moyens d'assumer toutes ses missions, et particulièrement ses missions de service public, dans les meilleures conditions, cela suppose que l'on ne reste pas inactif : il y a une véritable « bataille du temps » à gagner, une guerre contre la montre.
Il s'agit, en premier lieu, de prendre en charge - que la collectivité nationale prenne en charge - certaines dépenses aujourd'hui supportées par La Poste : on a notamment parlé du coût de la distribution de la presse. Des mesures doivent être prises, qui dépendent de nous, de la France, et par rapport auxquelles nous n'avons aujourd'hui aucune information. Il faut également, dans ce nouveau contexte, prendre en charge ce qui relève clairement du service public.
Il faut, par ailleurs, respecter la spécificité de La Poste. A cet égard, nous n'approuvons pas la configuration de cette Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'ARCEP, où quelques strapontins - un ou deux, disons-le - sont réservés pour les postiers dans un ensemble où la logique prioritaire ne sera pas celle de La Poste ; c'est pourquoi nous proposons autre chose.
Pour ce qui concerne la constitution de l'établissement de crédit, il faut, là encore, prendre en compte la spécificité de La Poste. Nous ne comprenons pas pourquoi cet établissement de crédit n'est pas une filiale à 100 % de La Poste. J'observe qu'aucune réponse n'a été apportée sur ce sujet. Je pose la question et j'aimerais bien entendre les arguments de ceux qui veulent aller dans ce sens.
Nous tenons en tout cas à ce que soit respectée la spécificité de La Poste et à ce qu'on ne s'engage pas dans un dispositif flou où, très vite, on ne saurait plus qui est filiale de qui : c'est un sérieux risque !
Mais aussi et surtout, monsieur le ministre, la création de cet établissement nous ramène à cette bataille du temps.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Eh oui ! Il fallait y penser au moment de la première directive !
M. Jean-Pierre Sueur. Il y a l'urgence qui est là, et j'observe que le Gouvernement semble méconnaître cette réalité, car nous avons déjà discuté ici même, il y a plus d'un an ; Mme Nicole Fontaine était alors à votre place, et je me souviens de ce qu'elle a dit sur l'urgence du problème, sur la nécessité de le régler dans les meilleurs délais.
Monsieur Devedjian, nous vous connaissons bien et nous savons que vous aimez agir, mais, depuis un an, nous ne voyons rien : c'est le calme plat ! (M. André Lejeune opine).
M. Jean-Pierre Sueur. Pourtant, le Gouvernement est maître de l'ordre du jour du Parlement. Vous ne nous ferez donc pas croire que c'est par inadvertance ou en raison de l'encombrement du calendrier que nous avons passé un an à attendre !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Non : à discuter !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous savons que cette attente n'a rien d'anodin, car nous n'ignorons ni les lobbys qui se manifestent ni les pressions qui s'exercent contre cet établissement bancaire.
M. Jean-Pierre Sueur. Pour nous, monsieur le ministre, le vrai danger ne réside pas dans les risques que courraient certains établissements bancaires : nous savons que le vrai danger concerne La Poste, parce que nous connaissons le calendrier.
Vous savez très bien que si La Poste peut créer, grâce au présent projet de loi, cet établissement bancaire au 1er janvier 2006, il faudra, nécessairement, un certain temps pour le mettre en place ; il faudra, assurément, un certain temps pour mettre en place non seulement les prêts immobiliers sans épargne préalable, dont nous avons déjà beaucoup parlé, mais aussi les crédits à la consommation.
Je suis, depuis longtemps, régulièrement en contact avec les personnels du centre de chèques postaux et des services financiers de La Poste à Orléans, et tous connaissent cette réalité : dès que les jeunes doivent, pour une raison ou pour une autre, faire un emprunt, leur compte ne reste pas à La Poste ou, s'il y reste, il n'est plus alimenté. Voilà la réalité !
Si nous voulons que La Poste ait les moyens de faire face dans le nouveau contexte concurrentiel et de répondre aux besoins d'aménagement du territoire dont vient de parler M. Collombat, nous devons les lui donner !
Nous devons mettre en place un établissement financier spécifique, qui ait les moyens de proposer rapidement ces prêts immobiliers sans épargne préalable et ces crédits à la consommation.
Je terminerai d'ailleurs, monsieur le ministre, en vous posant une simple question : pourquoi ce silence sur les prêts à la consommation ?
Pouvez-vous nous donner ici l'assurance que, à partir du 1er janvier 2006, le futur établissement postal pourra mettre en place ces prêts à la consommation ou, tout au moins, préparer leur mise en place ?
Nous n'avons reçu aucune réponse à ce sujet. Or c'est absolument déterminant, car, si la réponse n'intervient pas en 2006, mais seulement en 2007 ou en 2008, nous aurons, puisqu'il faudra deux ans pour mettre en place le dispositif, dépassé la date à laquelle sera remis devant la Commission européenne le rapport pour prévoir l'ouverture, avec des étapes supplémentaires, à la concurrence. Nous aurons perdu la bataille du temps.
Nous allons donc proposer des amendements pour nous permettre de gagner cette bataille du temps, car tous ceux qui se liguent pour que nous la perdions sont les adversaires de La Poste et d'une certaine idée du service public à laquelle nous sommes très attachés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Monsieur le ministre, nous sommes tous ici des élus locaux, dont beaucoup sont d'ailleurs des élus ruraux, et je pense que nous sommes tous attachés aux services publics, et donc, plus particulièrement, à La Poste, d'où la dimension affective que revêt aussi ce débat.
Il est ici question de service universel. C'est une notion anglo-saxonne. D'ailleurs, le concept de service minimum à un prix accessible mériterait d'être précisé.
Rien ne dit, et cela rejoint les questions que posait Jean-Pierre Sueur à l'instant, que ce service doit être fourni par le service public, mais rien ne l'interdit non plus. En fait, monopole et service public universel sont compatibles, et on introduit en plus les notions de régularisation des prestations et de concurrence.
Quoi qu'il en soit, le présent projet de loi a pour objectif de transposer la directive et d'entreprendre l'adaptation et la modernisation du réseau postal.
Vous avez pris, monsieur le ministre, la précaution de rappeler les trois principes fondamentaux du service public : égalité, continuité, adaptabilité, afin d'assurer, ce qui mérite d'être rappelé, la levée et la distribution postale régulière et quotidienne sur tout le territoire national à un tarif égal et abordable.
Cependant, monsieur le ministre, le projet de loi détermine les conditions dans lesquelles La Poste peut déroger en partie aux conditions générales de l'offre de service universel en passant des conventions avec des partenaires, voire avec des clients.
Dans ces conditions, la modernisation du réseau postal suppose des statuts juridiques plus précis et des modalités financières différentes.
Cela ne supporte pas la confusion. Or confusion il y a, dans les termes, voire dans les discours.
Cela ne saurait être un désengagement, à peine camouflé, de La Poste des territoires non rentables que sont, notamment, les territoires ruraux et, à plus forte raison, les territoires ruraux de montagne.
Le maillage territorial fait apparaître de nouveaux réseaux, de nouvelles zones de vie, et, dans ce contexte, on sait ce que représente un bureau de poste ou une agence postale !
Après plusieurs de mes collègues, je suis d'ailleurs tentée de vous demander, monsieur le ministre, combien il y a de bureaux de poste aujourd'hui et combien il en restera exactement, puisque l'on dit qu'à peu près 5 000 bureaux de poste seraient déficitaires et que l'on s'apprêterait à en supprimer de 3 000 à 4 000. Combien d'emplois seront simultanément supprimés ?
En ce qui concerne les points Poste, c'est la jungle !
Avec les agences postales, communales ou intercommunales, dont je reparlerai tout à l'heure, les guichets annexes, les points Poste, plus ou moins commerciaux - épiceries, bureaux de tabac, etc. -, et les points de contact, la définition du « réseau postal de proximité » devient tout de même assez complexe !
Mais, sur le réseau « excédent », c'est-à-dire fragile et donc, vraisemblablement, rural, qu'est-ce que cela signifiera ? Monsieur le ministre, vous prétendez continuer à assurer un service universel de qualité dans le cadre de la mission d'aménagement du territoire de La Poste.
Je ne suis pas sûre que cela puisse être possible et je vais prendre l'exemple que je connais le mieux, à savoir celui de mon département, et je vais parler sous le contrôle du président du conseil général, puisqu'il est ici présent.
Dans les Hautes-Pyrénées, il y a quatre-vingt-dix-neuf points de présence postale ; le directeur de La Poste - et il est dans son rôle, même si l'on peut se demander s'il est obligé d'aller aussi loin - s'engage à maintenir une présence postale de proximité équivalante à celle qui existe aujourd'hui.
Ce n'est pas vrai, car, quand on transforme un bureau de poste en agence postale communale sous convention de trois ans - sujet sur lequel je reviendrai aussi -, on ne peut pas s'engager à assurer le même service dans des conditions identiques et, surtout, sur la durée. Et, quoi qu'en dise le directeur de La Poste dans mon département, cette réorganisation du réseau postal remet en cause la mission fondamentale de service public.
Je ne suis pas sûre que l'on soit obligé de tenir de tels propos. Y est-on même autorisé ?... En effet, beaucoup de choses dans ces propos sont fausses, raison pour laquelle je veux revenir sur les agences postales, communales ou intercommunales.
Ainsi, dans les Hautes-Pyrénées, sur quarante-six bureaux de poste, quatorze vont être supprimés, soit un tiers. Il en restera donc trente-deux et, à la place des bureaux supprimés, nous devrions avoir des agences postales communales.
Une agence postale communale, c'est un marché entre La Poste, c'est-à-dire l'Etat, et la commune, petite en général, ou la communauté de communes. Monsieur le ministre, je ne souhaite pas être brutale, mais je ne peux que constater qu'il s'agit d'un marché de dupes, et c'est bien ce que disait tout à l'heure M. Gérard Delfau.
Des conventions vont être passées entre l'Etat - La Poste - et les communes. Ces conventions portent sur trois ans. Elles seront, peut-être, renouvelées, ce qui portera leur durée à six ans ou, exceptionnellement, à neuf ans, selon le partenaire que ces communes auront en face d'elles. En tout état de cause, il s'agit de conventions à durée limitée.
L'Etat - La Poste - s'engage à verser des dotations, elles aussi limitées : 700 euros au début, 900 euros maintenant. Le tarif augmente, mais après ?
D'abord, puisque ces conventions ne sont pas pérennes, les dotations s'arrêteront au bout de trois ans, de six ans ou de neuf ans. Ensuite, à l'évidence, elles ne seront pas suffisantes pour couvrir le coût des locaux, de l'entretien, des assurances, etc. A propos des assurances, un orateur a d'ailleurs, à juste raison, évoqué les problèmes de responsabilité : le Gouvernement devra sans doute réexaminer la question.
Ces dotations ne seront pas suffisantes dans l'immédiat, mais, surtout, elles ont un terme : trois ans, six ans ou neuf ans. A mon avis, ce sera trois ans seulement.
Qui est l'employeur ? C'est la collectivité, ce qui me conduit à vous demander, monsieur le ministre, ce qu'il adviendra au terme du contrat de trois ans, terme qui signifiera peut-être la fin d'une agence postale.
Je vais prendre un exemple comparable, exemple qui vous sera sans doute familier, monsieur le ministre, puisque vous êtes un élu local.
A une certaine époque, les communes ont eu recours à des contrats ASSEM, ou contrats de soutien scolaire pour les enfants malades, dans les écoles primaires et, souvent, par obligation - c'était un luxe -, dans les écoles maternelles ainsi que dans les cantines, système qui coûtait très cher. Or une des plus grosses communes de mon canton a - pour des raisons très particulières mais peu importe lesquelles, car la réalité est celle-là - vu fermer la première école primaire, puis la seconde école primaire, puis la maternelle, puis la cantine. Qu'a fait le maire de l'« emploi ASSEM » ? Il a dû le garder, cet emploi, dédié à l'école, ne pouvant être transféré sur aucune autre fonction et la personne l'assumant ayant refusé, jusqu'à sa retraite, de faire autre chose !
Je voudrais donc savoir ce qu'il adviendra lorsque la dotation ne sera plus versée parce que la convention sera arrivée à son terme. Quel sera le statut du postier ? J'estime que nous entrons là dans un domaine de précarité et de confusion.
Monsieur le ministre, on n'a pas le droit d'affirmer certaines choses quand la réalité est différente !
Enfin, qu'advient-il de la disposition d'accessibilité au réseau, notamment pour un département rural en zone de montagne, avec la règle des 10 % de la population du département et du rayon de cinq kilomètres ?
J'ai transposé cette règle au département des Hautes-Pyrénées, qui peut, hélas ! servir de référence : 10 % de 225 000, cela fait 22 500 habitants, et sachez donc, monsieur le ministre, que 86 % du territoire ne serait pas couvert, ce qui représenterait 59 % de la population. Je ne sais pas si vous connaissez les Hautes-Pyrénées...
Mme Josette Durrieu. Eh bien, à partir de Cauterets, il faudrait parcourir environ 40 kilomètres dans la vallée jusqu'à Lourdes pour trouver le premier bureau de poste !
Monsieur le ministre, je ne pense que ceux qui ont « pondu » cette disposition aient fait preuve de cruauté mentale ; pis, ils ont fait preuve d'une méconnaissance absolue du territoire !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. C'est du mépris !
Mme Josette Durrieu. C'est l'un ou l'autre, monsieur le rapporteur, et je crains que ce ne soit la marque d'une parfaite méconnaissance du territoire, qu'il faut très vite corriger !
En conclusion, La Poste ne peut pas simuler une contribution effective au service public et aux contraintes qu'il impose, non plus que vous, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées à Guéret, samedi dernier, pour manifester contre la disparition programmée des services publics, nous débattons de nouveau du projet de loi relatif à la régulation des activités postales.
Certes, nous sommes obligés de transposer les directives européennes pour assurer la mise en place du service universel et l'ouverture à la concurrence. Mais le groupe socialiste n'accepte pas que cette ouverture à la concurrence se traduise, au final, par un démantèlement de La Poste et une remise en cause de sa présence territoriale.
En tant que représentant d'un département à dominante rurale, je ne peux que vivement m'inquiéter du contenu de ce projet de loi.
Comme l'ont déjà expliqué mes collègues Pierre-Yvon Trémel, Pierre-Yves Collombat, Jean-Pierre Sueur et Josette Durrieu, et comme l'expliquera Bernard Piras, nous avons une vision des choses bien différente de celle qui nous est proposée : pour nous, le service public de La Poste comprend plusieurs composantes essentielles auxquelles nous ne saurions renoncer.
Le maillage territorial est la première d'entre elles. Il ne suffit pas d'affirmer que 17 000 points de contact seront maintenus pour rassurer nos concitoyens, encore faut-il dire lesquels. Nous plaidons pour le maintien d'un nombre suffisant de bureaux de plein exercice, c'est-à-dire totalement financés et gérés par La Poste, et, à titre accessoire, pour des agences postales communales et intercommunales pérennes, ce qui suppose, de la part de La Poste, un engagement clair dans la durée et un financement important.
L'élaboration d'un schéma de présence postale départemental représente la deuxième composante à laquelle nous refusons de renoncer. Ce schéma devra être élaboré à partir d'une réelle concertation au sein des commissions de présence postale territoriale ou intégré à des schémas de services publics.
La participation à la politique d'aménagement du territoire par un fonds de péréquation allant bien au-delà de ce que propose ce texte constitue la troisième composante.
La quatrième est un service bancaire universel qui permette à chacune et à chacun de bénéficier des prestations bancaires pour un coût raisonnable.
Si l'on confronte ces exigences au texte sur lequel nous avons à nous prononcer, le constat est clair, monsieur le ministre : le compte n'y est pas !
A l'exigence d'un service de qualité qui corresponde aux besoins des populations, non seulement dans les zones rurales, mais aussi dans les zones urbaines sensibles, ce projet de loi oppose une vision seulement quantitative des choses.
Comme je l'ai déjà souligné, même si la concurrence est désormais une réalité incontournable, est-ce une raison pour mettre en oeuvre des dispositifs donnant aux nouveaux opérateurs plus de marge de manoeuvre et moins d'obligations que La Poste ? D'autant plus que ces opérateurs concentreront leurs activités sur des zones lucratives, laissant à La Poste le soin d'assurer le service dans les zones les moins rentables.
C'est donc la forme de présence territoriale organisée par ce texte qui pose principalement problème.
L'application des critères des 10 % de la population et des cinq kilomètres aurait effectivement des conséquences difficilement acceptables en zones rurales. Ainsi, à titre d'exemple, La Poste pourrait s'appuyer sur ce double critère pour supprimer tous les points de contact actuellement en activité sur neuf des trente-trois cantons de l'Ardèche.
Les variations sensibles de la densité démographique entre plateaux et vallées, zones urbaines et zones rurales, seraient ainsi amplifiées par un déséquilibre total de la présence territoriale de La Poste.
Les agences postales communales peuvent être une solution pour certaines communes, mais, dans ce domaine comme dans bien d'autres, il est à craindre que ce ne soient les collectivités qui, à plus ou moins long terme, aient à supporter des charges supplémentaires, alors que leurs marges de manoeuvre financières sont toujours plus réduites. Pour éviter absolument ce risque, le conventionnement des agences postales communales et leur financement doivent être garantis dans la durée par La Poste.
Enfin, et ce n'est pas la moindre des interrogations, qu'en est-il du statut des personnels de ces structures ?
Le maillage territorial est donc bien un enjeu fondamental de ce texte. On ne peut pas envisager de service public au rabais dans certaines zones ; l'égalité d'accès au service public doit être réaffirmée. C'est pourquoi il me semble impératif de conserver une densité suffisante de bureaux gérés directement par La Poste avant de s'en remettre aux collectivités, ces dernières n'ayant pas vocation à devenir des sous-traitantes de La Poste.
Le maillage territorial est aussi indissociable du financement des activités de service public de La Poste. Dans le texte, le Gouvernement propose un « fonds postal national de péréquation territoriale », mais les conditions de financement, de gestion et de fonctionnement de celui-ci sont particulièrement floues...
L'article 1er bis nouveau du projet de loi dispose que : « Les ressources du fonds proviennent notamment de l'allègement de fiscalité locale dont La Poste bénéficie... ». A la lecture de cet article, il n'y a qu'un seul financeur avéré : La Poste elle-même. En outre, le financement issu d'un allègement fiscal ne me semble pas être, à proprement parler, un financement pérenne. Enfin, garantir le financement d'un fonds de péréquation par des taxes locales, principalement la taxe professionnelle, dont on sait qu'elle pourrait être largement réformée, n'est pas une option sérieuse.
M. Thierry Repentin. Absolument !
M. Michel Teston. Peut-être d'autres sources sont-elles envisagées, mais le texte est discret sur ce sujet...
Sur la gestion et la manière dont les ressources disponibles seront distribuées, le texte est non pas discret, mais muet. Tout au plus apprend-on qu'un décret précisera les modalités d'application.
Il ressort donc de la rédaction actuelle du texte qu'un fonds sera constitué, financé par La Poste et, éventuellement, par d'autres sources, dont la gestion sera précisée ultérieurement. Une telle disposition n'est pas de nature à rassurer sur la présence postale. Dans ce domaine, il convient que l'Etat assure son rôle de garant de la solidarité nationale et sa mission d'aménagement du territoire en alimentant ce fonds par des subventions.
Par ailleurs, selon la lettre actuelle du projet, le fonds vise à « financer les agences postales communales ou intercommunales ou les points Poste ». J'en déduis que, pour le Gouvernement, le maintien de bureaux de poste de plein exercice ne fait pas partie des outils nécessaires au maillage territorial défini dans le texte. Je serais tenté d'ajouter : « Instructif, non ? »
En conclusion, il apparaît clairement que nos visions s'opposent sur ce que devraient être le réseau et les missions de service public de La Poste. Ce texte va au-delà de la simple transposition : il organise le démantèlement d'un service public majeur, démantèlement que nous n'acceptons pas. L'annonce du maintien de 17 000 points de contact est un écran, qui cache mal la volonté d'encourager le développement des points Poste, qui ne peuvent, en aucun cas, permettre à La Poste d'assurer ses missions de service public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quand je rencontre les maires de mon département, le maintien des services publics en général, et du service postal en particulier, est systématiquement abordé. L'inquiétude des élus locaux, justifiée par des faits avérés et non par de simples suppositions, porte tant sur la qualité du service, en raison des réductions des heures d'ouverture ou de la diminution du service rendu, par exemple, que sur la remise en cause même de la présence postale sur le territoire.
Mes chers collègues, nous devons être bien conscients que le débat auquel nous participons aujourd'hui, dans cet hémicycle, est très attendu, et qu'il sera interprété, selon sa nature, soit comme une prise en compte des attentes et des souffrances du monde rural, soit comme un nouvel abandon. Le retrait progressif de la plupart des services publics est vécu, à juste titre, comme un échec, source d'une profonde démoralisation, réduisant à néant tous les efforts entrepris pour faire vivre et se développer ces territoires.
En menant ce juste combat, ces honorables élus sont, non pas animés d'une volonté de se raccrocher désespérément au passé, mais guidés par une logique : le retrait progressif de tous les services publics ne peut conduire qu'à la désertification de ces territoires, qui ont, au contraire, besoin de la solidarité nationale.
Ce qui s'est passé samedi dernier dans la Creuse n'est qu'une illustration du mécontentement de la population et des élus des territoires ruraux, qui se généralise. Ce combat est non pas archaïque, mais, au contraire, visionnaire.
Pour une commune, la disparition de l'opérateur a de multiples répercutions qu'il ne faut pas négliger.
Sur le plan économique, elle a des répercussions liées aux dépenses directes réalisées par l'opérateur et ses agents sur le territoire, à l'attractivité pour l'implantation d'autres activités, à la facilitation de l'accès à internet. Sur le plan socio-économique, elle a des répercussions tant sur la densité de la vie locale qu'en termes d'aide aux démarches administratives réalisées par les postiers locaux et de proximité du service bancaire. Sur le plan plus politique, elle a, par exemple, des répercussions sur l'image que donne un territoire.
Pour une meilleure compréhension, il convient de rappeler certains principes. L'activité de La Poste s'inscrit dans trois cadres juridiques très différents, dont chacun nécessite des modes de financement spécifiques : une activité commerciale, la prestation du service universel et l'exécution de missions de service public. Or, pour ces dernières, les financements actuels sont déjà insuffisants, ce qui permet de justifier les suppressions, mais j'y reviendrai par la suite.
Je tiens également, monsieur le ministre, à lever immédiatement une ambiguïté : il ne faut pas laisser croire que l'orientation libérale, prise de manière délibérée dans le projet de loi que nous examinons aujourd'hui et qui vient transposer les directives européennes de 1997 et 2002, était la seule envisageable. Contrairement au parti pris par votre texte, il aurait été tout à fait possible de préserver le service public postal, et d'ouvrir de manière progressive et maîtrisée ce secteur à la concurrence.
Au lieu de cela, la régulation qui est proposée est, en réalité, une dérégulation généralisée : le régime d'autorisation est réduit à sa portion congrue ; l'accès au marché postal est quasiment libre, le périmètre des services réservés, qui sont de la compétence exclusive de La Poste, a été réduit ; une libéralisation complète du courrier et la fin du prix unique sur tout le territoire sont désormais techniquement possibles, et constituent sans doute la prochaine étape.
La question qui se pose à présent est la suivante : quelle sera la répercussion de l'ouverture du marché que vous préconisez sur l'évolution de la présence postale, aussi bien sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif, laquelle subit déjà, depuis plusieurs années, une profonde mutation ?
Sur ce point, l'approche de la mutation engagée laisse déjà perplexes de nombreux élus, qui formulent à son encontre de nombreuses critiques. Ils dénoncent une insuffisance de la rémunération des communes par La Poste pour le maintien de son enseigne, la non-garantie de la pérennité du partenariat avec l'opérateur, une limitation des prestations proposées aux clients en matière de services financiers, une imprécision quant aux modalités de la continuité du service en cas d'empêchement de l'agent communal ou du commerçant, et un manque d'équipement.
Rappelons que la présence sur notre territoire de La Poste répond à une double mission confiée à cette entreprise : d'une part, permettre le bon accomplissement du service universel postal, lequel correspond à la levée, le tri, le transport et la distribution des lettres jusqu'à deux kilogrammes et des colis jusqu'à vingt kilogrammes, les envois recommandés et les envois à valeur déclarée ; d'autre part, garantir un aménagement du territoire équilibré, cette présence devant favoriser la cohésion sociale et territoriale du pays.
Or, le respect de ces deux missions d'intérêt public a un coût, qui est évalué à 750 millions d'euros. Il semble que le maintien de certains services réservés suffise, selon le Gouvernement, pour compenser la mission portant sur le service universel postal, à savoir 250 millions d'euros, ce qui ne semble pourtant pas évident. Pour la présence postale, la compensation accordée à La Poste n'étant que de 150 millions d'euros, cela laisse à la charge de cette dernière un solde de 350 millions d'euros.
Outre cet aspect financier, pour bien comprendre la problématique de la présence postale, il faut distinguer plusieurs aspects de cette dernière : le nombre de points de contact, la nature de ces derniers, ainsi que leur répartition sur notre territoire.
Le nombre de points de contact est à ce jour d'environ 17 000.
Quant à leur nature, il faut distinguer les bureaux de poste de plein exercice, les agences postales gérées en partenariat avec des collectivités et les points Poste gérés en partenariat avec des commerçants.
Si le nombre de points de contact semble rester stable, celui des bureaux de plein exercice diminue, notamment dans les zones rurales, tandis que les partenariats augmentent et risquent de se développer sensiblement.
Enfin, s'agissant de la répartition, La Poste argue du fait que 62 % du réseau touchent 18 % du marché, tandis que 17 % du réseau desservent 54 % du marché potentiel.
Cela conduit à la situation suivante : dans un souci d'économies, l'opérateur cherche à rationaliser ses implantations sur le territoire et, à ce titre, remet en cause son maillage, estimant que cette attitude lui est plus que jamais imposée par le défi lié à l'ouverture du marché postal.
Ayant pris conscience de l'impopularité grandissante d'une telle politique auprès des élus locaux - le Premier ministre en a d'ailleurs eu un aperçu lors du dernier congrès des maires, la déception des élus ayant été amplifiée par le non-respect des engagements qui avaient été pris de ne pas procéder à de nouvelles suppressions de services publics -, La Poste affirme aujourd'hui vouloir maintenir les 17 000 points de contact.
Or, il ne faut pas être dupe : en admettant que cet engagement soit respecté à l'avenir, ce qui est loin d'être évident à la simple lecture du texte qui nous est soumis, cette présence postale risque d'évoluer inéluctablement vers un partenariat accentué par l'externalisation de cette présence, tant auprès des points Poste commerçants, que des agences postales communales et des maisons de service.
Je doute que l'annonce - qui reste à vérifier - du remplacement de l'ère des fermetures par celle des mutations rassure pleinement les élus et la population.
Il est notoire que ces évolutions conduisent la plupart du temps à une dégradation du service rendu et/ou à faire payer deux fois le bénéficiaire du service.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Mais non !
M. Bernard Piras. Je tiens tout de même à dire ici que, contrairement aux affirmations du Gouvernement, la logique qui sous-tend le raisonnement que je viens de vous présenter brièvement n'a rien d'inéluctable, l'orientation prise pour la transposition de ces directives servant d'alibi à l'évolution du maillage qui nous attend.
La procédure suivie jusqu'à présent pour faire évoluer ce réseau est donc très mal ressentie par les élus locaux, qui la perçoivent comme étant non pas concertée, mais imposée dans le cadre d'un rapport de force bien inégal.
Face à cet état des lieux peu réjouissant, qu'apportent les articles 1er bis nouveau et 1er ter nouveau du présent projet de loi ? En fait, rien de bon !
Ils calibrent le réseau postal à 13 000 ou 14 000 points de contact, contre 17 000 aujourd'hui. Ils instituent la sous-traitance par La Poste de sa présence territoriale au titre de l'aménagement du territoire auprès des collectivités locales et des commerçants, entérinant et justifiant le mouvement commencé. Ils organisent le déménagement des bureaux de plein exercice hors des zones d'aménagement du territoire. Le financement du fonds postal national de péréquation territoriale n'est toujours pas fixé par la loi. Les modalités de constitution du fonds sont renvoyées à un contrat pluriannuel de la présence postale territoriale signé entre l'Etat, La Poste et les associations d'élus locaux. Pour l'abondement de ce fonds, aucune recette nouvelle n'est prévue, laissant le surcoût de la présence postale à la charge de La Poste. Les attributions et les règles de fonctionnement de la commission départementale de présence postale sont, là encore, renvoyées à un décret.
Le débat, sans doute nécessaire, sur l'évolution de la présence postale territoriale est pollué par plusieurs faits regrettables : l'orientation prise par ce projet de loi en faveur d'une dérégulation généralisée ne peut conduire qu'à favoriser les concurrents de La Poste et à inciter cette dernière à réduire sa présence postale dans les zones les moins rentables ; la confusion entretenue entre l'activité commerciale de La Poste et ses missions de service public et la compensation insuffisante des missions d'intérêt public assurées par La Poste ; les conditions dans lesquelles est menée, depuis plusieurs années, la modification de la structure du réseau, perçue comme étant non pas concertée, mais imposée.
Par ailleurs, je pense que ce dossier met une nouvelle fois en lumière le fait que le Gouvernement n'a pas pris conscience de son obligation de favoriser un aménagement équilibré du territoire.
Le présent texte se situe malheureusement dans la droite ligne de ceux qui sont consacrés à la décentralisation ou au développement des territoires ruraux.
Une nouvelle fois, il sera demandé aux collectivités les moins favorisées soit de se résigner, soit de payer les services que les plus aisés ont gratuitement, et ce au mépris de l'égalité républicaine entre les citoyens, les habitants des territoires les moins rentables payant deux fois le service obtenu.
Cette approche, fondée sur la rentabilité, fait fi de la notion de service public.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Non !
M. Bernard Piras. La présence postale en constitue pourtant bien un.
Plus grave, ce nouvel abandon va à l'encontre de la réalité du terrain. En effet, de nombreuses et récentes études soulignent que les populations des territoires ruraux vieillissent et que les nouveaux résidents ruraux disposent, en général, de faibles revenus, ce qui accroît d'autant leur besoin d'un service public de qualité et de proximité.
Après cette intervention, vous comprendrez aisément, monsieur le ministre, que je ne puisse soutenir votre projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d'abord à remercier M. Hérisson pour la qualité de son rapport, qui permet, comme en première lecture, d'améliorer le texte. Nous examinerons donc, au cours de la discussion des articles, un certain nombre de propositions qu'il contient et qui, la plupart du temps, sont assez bien vues.
J'adresse également mes remerciements à tous les orateurs de la majorité, et en particulier aux élus ruraux, qui ont bien dit ce qu'il fallait penser de la prétendue réduction de la présence postale. (M. Gérard Delfau s'exclame.) Je remercie notamment MM. Bruno Retailleau et Alain Fouché qui se sont clairement exprimés en faveur des territoires ruraux afin qu'ils ne soient pas délaissés, tout en soulignant que tel n'était pas le cas.
M. Soulage a posé, à juste raison, le problème de la concertation pour l'utilisation du fonds de péréquation. Je lui indique que la mission d'aménagement du territoire de La Poste sera clarifiée et son financement sera garanti par le fonds postal national de péréquation territoriale, qui sera géré en concertation avec les élus locaux. Quelle forme prendra cette concertation ? Nous aurons l'occasion d'en débattre.
M. Pierre-Yvon Trémel. Ben voyons !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. La commission Hérisson - je préfère l'appeler ainsi : c'est plus simple et ce n'est pas déshonorant, monsieur Hérisson -...
M. Henri de Raincourt. Au contraire !
M. Henri de Raincourt. Absolument !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cette commission propose d'ores et déjà des premières pistes en prévoyant des montants à verser par point Poste ou par agence postale communale.
M. Billout a fait une grande déclaration contre le libéralisme et la concurrence. Je lui rappelle que la directive du 15 décembre 1997 a bien été acceptée par le gouvernement qu'il soutenait, et que la concurrence et le libéralisme qu'il stigmatise aujourd'hui sont la conséquence de cette directive. (Mme Nicole Bricq s'exclame.).
M. Michel Billout. Nous n'étions pas d'accord !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il fallait le dire à M. Jospin ! C'était votre désaccord, mais vos amis sont restés au gouvernement, et vous avez continué à le soutenir et à voter pour lui !
M. Henri de Raincourt. La place était bonne !
Mme Nicole Bricq. Vous avez la mémoire sélective !
M. Bernard Piras. C'est du révisionnisme !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Défendre encore une politique économique à caractère soviétique alors que le système s'est effondré n'a pas beaucoup de sens ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. C'est un discours « Occident » !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est vouloir marcher comme le canard à la tête coupée !
Dans votre envolée, vous avez affirmé que la qualité du service rendu se dégraderait. Or, nous constatons très exactement le contraire. Ainsi, 80 % du courrier arrive à J+1, contre 65 % auparavant. L'amélioration est considérable. Nous envisageons de progresser encore, l'objectif étant d'atteindre 85 % en 2007. On ne peut donc pas parler de dégradation de la qualité.
Vous avez ajouté que nous préparions la privatisation des services financiers. D'autres intervenants ont également soulevé le problème et M. Sueur s'est demandé pourquoi nous voulions une participation de 51 % seulement, et non pas de 100 %, dans le capital de l'établissement de crédit postal.
Je formulerai deux observations sur ce point.
Tout d'abord, si vous craignez qu'une privatisation ne survienne un jour, quel que soit le pourcentage, cela ne change rien : ce que la loi a fait, une autre loi peut le défaire.
M. Henri de Raincourt. Ce sera la gauche !
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas un argument contre le pourcentage de 100 % !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Permettez que je vous réponde, monsieur le sénateur.
Le fait de prévoir 100 % ou 51 % de participation dans le capital n'offre pas plus de garanties dans un cas que dans l'autre...
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cela ne change rien !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ...à l'encontre du passage à une éventuelle privatisation, si un autre gouvernement le veut et si une majorité décide de changer la loi. Par conséquent, de mon point de vue, c'est un faux débat.
Ensuite, et je réponds directement à votre question, il y a tout de même un intérêt à détenir 51 % du capital. En effet, l'un des objectifs de La Poste est de conquérir des parts de marché en Europe et, pour ce faire, elle a besoin de nouer des alliances capitalistiques avec d'autres partenaires, diverses entreprises. Si elle détient une partie du capital de l'établissement de crédit postal, elle peut le faire plus facilement et créer de la croissance et des emplois. C'est donc utile.
M. Henri de Raincourt. C'est convaincant !
M. Bernard Piras. Avec le taux de chômage, ce n'est pas très convaincant !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Vous m'avez demandé une réponse, je vous la donne, mais je conçois que vous la contestiez.
Les points Poste n'assureraient pas la confidentialité nécessaire, avez-vous dit, monsieur Billoux. A cet égard, je vous renvoie au contrat type qui est passé sur les points Poste et qui mentionne très précisément, en son article 13, que la confidentialité doit être strictement préservée.
Par ailleurs, vous nous objectez que nous précarisons l'emploi. C'est exactement le contraire ! C'est sous le gouvernement de gauche que La Poste a cumulé les emplois précaires. C'est avec nous que M. Bailly, que nous avons nommé, a prévu de convertir 10 000 emplois précaires en contrats à durée indéterminée d'ici à la fin de 2006.
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Absolument !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. De même, a été négociée avec les partenaires sociaux la fin du dispositif du temps partiel, qui était imposé et souvent de manière scandaleuse. Certes, cela a été dénoncé parfois à gauche, mais il a tout de même été permis et organisé sous le gouvernement de gauche ! Avec nous, d'ici à la fin de 2006, tout cela sera résorbé.
M. Jean-François Humbert. Effectivement !
M. Henri de Raincourt. Cela, ça fait mal !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Tout en apportant son soutien au présent projet de loi, M. Mouly a estimé indispensable d'y introduire une disposition prévoyant un tarif unique sur tout le territoire. Cette demande me paraît satisfaite puisque la loi relative au développement des territoires ruraux garantit un tarif unique sur l'ensemble du territoire national des services postaux du secteur réservé. En outre, le Gouvernement, qui y tient beaucoup, avait déjà inscrit cette disposition dans le cahier des charges de La Poste.
M. Trémel a fait un exposé très circonstancié et pondéré.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais très ferme !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il a en effet défendu fermement ses positions, mais elles avaient le mérite d'être plus argumentées que celles d'autres orateurs, mais il n'est pas dans mon intention de le leur reprocher (Sourires.) Elles appellent aussi la réflexion.
Selon M. Trémel, le point Poste représente une dégradation du service.
M. Bernard Piras. C'est vrai !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Or, sur les 17 000 points de contact de La Poste, 6 500 sont des bureaux de poste travaillant moins de quatre heures par jour et, parmi ces derniers, 3 700 travaillent moins de deux heures par jour. Cela prouve que la création d'un point Poste est appréciée par les utilisateurs.
M. Collombat a souligné que le profit pour La Poste de ces fermetures en milieu rural était souvent marginal en termes de productivité et que cela ne valait pas la peine.
M. Pierre-Yves Collombat. C'est votre ministère qui le dit !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Or la question n'est pas là. Ce qui compte, c'est le service rendu aux usagers.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Exactement !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Avec une ouverture de deux heures par jour, le service est déplorable, même si vous avez la satisfaction de disposer d'un bureau de poste. Il paraît préférable d'avoir un point Poste, avec un commerçant dont l'activité rurale sera consolidée par l'activité postale et qui ouvrira ses portes huit ou dix heures, voire douze heures par jour.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Il a raison !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !
M. Bernard Piras. Pour quoi faire ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est ce qui m'importe !
Monsieur Trémel, je suis d'accord avec vous, les retraites des fonctionnaires de La Poste s'élevaient en 2002 à 57 milliards d'euros et, vous avez raison de le souligner, La Poste ne peut pas tout supporter. Mais, face à ce constat, qu'a fait le gouvernement que vous souteniez de 1997 à 2002 ?
M. Henri de Raincourt. Pas grand-chose !
M. Pierre-Yvon Trémel. Il a versé une contribution !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il a simplement prévu que l'augmentation de la charge était assumée par l'Etat au titre du contrat de plan.
M. Henri de Raincourt. C'était insuffisant !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'était là tout simplement une fuite en avant. Vous n'avez rien fait pour trouver une solution pérenne ! Après avoir exercé le pouvoir pendant cinq ans, vous nous donnez de grandes leçons, mais vous nous laissez résoudre le problème !
M. Pierre-Yves Collombat. Vous allez le régler !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Oui, nous allons le résoudre, comme nous avons résolu le problème des retraites pour France Télécom et comme nous le faisons actuellement pour EDF et GDF !
M. Pierre-Yves Collombat. C'est parfait !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous opterons sans doute pour le principe d'une cotisation libératoire. Une discussion est actuellement en cours à ce sujet. Je me permets de vous répondre, car vous nous tancez, alors que vous avez vos propres carences !
Notre objectif est de replacer La Poste dans une situation d'équité concurrentielle avec ses principaux compétiteurs.
Monsieur Trémel, vous avez également dit que l'ARCEP a trop de pouvoirs. Or, la Cour de justice des Communautés européennes nous reproche justement - c'est l'une des deux procédures dont la France fait l'objet - de ne pas avoir créé une autorité de marché indépendante. Naturellement, nous vous le devons.
M. Pierre-Yvon Trémel. Ce n'est pas vrai !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous tenons compte de la réalité : nous sommes poursuivis, donc nous nous mettons en règle.
Je vous ai répondu sur la procédure, je vous réponds maintenant sur le fond : une autorité indépendante, c'est positif.
Dans le secteur des télécoms, par exemple, avec l'Autorité de régulation des télécommunications, nous avons vraiment permis le décollage du haut débit. Vous ne l'aviez pas fait. Certes, je veux bien l'admettre, les circonstances ne s'y prêtaient peut-être pas autant qu'aujourd'hui, mais nous comptons actuellement 6 millions d'abonnés et, en 2007, il y en aura 10 millions, voire plus. Cela est dû en grande partie à l'existence d'une autorité indépendante.
Pour autant, concernant le contrôle des tarifs, nous ne nous dépouillons pas, comme l'un d'entre vous l'a dit. Nous voulons dépolitiser les débats. L'autorité indépendante est la bonne solution ; l'Etat conserve une grande partie de ses pouvoirs.
S'agissant du transport de la presse, arrêtons de dire des choses inexactes.
Concernant précisément les tarifs, le Gouvernement conserve son pouvoir d'homologation. Il est faux de dire qu'il se prive de ses prérogatives. Si nous abandonnions cette responsabilité, ce serait la liberté même de la presse qui serait menacée, alors même que la plupart des journaux d'opinion - pas tous heureusement ! - sont aujourd'hui financés par de grands groupes capitalistes que le contribuable lui-même va ainsi financer.
M. Thierry Repentin. Pas Le Canard enchaîné !
M. Henri de Raincourt. Lagardère à L'Humanité, ça va faire mal ! (Sourires.)
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Libération est financé par le groupe Rothschild, L'Humanité par le groupe Lagardère ; nous allons donc leur apporter de l'argent.
Mme Nicole Bricq. Ce n'est pas un bon argument !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cela ne semble pas beaucoup vous déranger ! Si nous avions fait cela, que n'aurions-nous pas entendu !
Je veux également vous dire, monsieur Trémel, que l'établissement de crédit postal doit être amené à respecter le droit commun bancaire.
M. Bernard Piras. C'est normal !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Cela lui permettra, dès le 1er janvier 2006, d'offrir des prêts immobiliers sans épargne préalable, et tous les acteurs seront rassurés, monsieur Sueur. Il est vrai que, pendant un an, nous avons fait l'objet d'un important lobbying.
Mme Nicole Bricq. Et ce n'est pas fini !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. La vocation d'un gouvernement est d'écouter, y compris les groupes de pression, mais il convient surtout de leur résister lorsque leur demande n'est pas jugée légitime. Nous ne regrettons pas cette année qui a été empreinte, croyez-moi, d'intenses concertations, mais, n'en déplaise aux jeteurs de sort, cela nous a permis de faire en sorte que des prêts immobiliers sans épargne préalable soient accordés au 1er janvier 2006.
Dans le temps qui viendra,...
M. Jean-Pierre Sueur. Qu'est-ce que cela signifie ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ...ceux qui ont exprimé des inquiétudes pourront juger sur pièces. Vous le savez, un établissement bancaire a besoin de confiance.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas très clair !
M. Jean-Pierre Sueur. Qu'entendez-vous par « le temps qui viendra » ?
M. Jean-Pierre Sueur. Concrètement, qu'en est-il pour les prêts à la consommation ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Sueur, que faisons-nous aujourd'hui au Sénat ? Nous élaborons...
M. Jean-Pierre Sueur. La loi !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En effet ! Et la loi vous donne satisfaction, puisqu'elle permet à l'établissement de crédit postal d'octroyer des crédits à la consommation. Or je serai honnête avec vous, sans réserve intellectuelle : le contrat de plan ne le permet pas.
M. Bernard Piras. Exactement !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. C'est un point que nous n'examinons pas ici. Ce que nous faisons aujourd'hui, c'est la loi ; or elle vous donne cette satisfaction, elle permet l'octroi de tels crédits.
M. Jean-Pierre Sueur. On n'a jamais mis cela en cause !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Quant à savoir si c'est opportun, le Gouvernement en décidera !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous ne pouvez pas parler au nom du Gouvernement sur ce point ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Biwer, vous le savez, le point Poste est un moyen d'augmenter l'activité des petits commerces. Je veux vous remercier de votre soutien.
Monsieur Delfau, vous vous demandez comment seront financées les missions de service public de La Poste. Le texte dont nous allons débattre apporte une réponse en ce qui concerne tant la mission de service universel postal par le monopole et le fonds de compensation que la mission d'aménagement du territoire par le biais du fonds postal national de péréquation territoriale.
Quant au lien entre l'établissement de crédit postal et la maison mère, il s'agira d'une filiale. De surcroît, une convention sera passée entre La Poste et l'établissement de crédit postal, ce qui permettra de rémunérer La Poste au coût réel pour les services fournis à l'établissement de crédit postal.
Monsieur Collombat, comme je l'ai déjà dit, le projet de loi identifie bien les missions de La Poste et clarifie leur financement. Vous proposez une taxe sur les courriers non adressés pour financer la présence postale, mais les choses sont assez floues car on ne connaît ni la recette de cette taxe ni la dépense. De plus, vous le savez, les taxes affectées ne sont pas à la mode dans le cadre de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances.
Par ailleurs, vous demandez ce que coûte à La Poste le maintien de la présence postale. La question n'est pas là, monsieur Collombat. Comme je l'ai dit tout à l'heure, lorsqu'un bureau de poste est ouvert deux heures par jour, ce qui importe, c'est non pas le coût, mais le service rendu. Or, dans ce cas très précis, même s'il s'agit d'un bureau de poste, le service est mal rendu.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Le client est roi !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Sueur, je pense avoir répondu à vos questions, sans vous donner pour autant satisfaction.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous n'avez pas du tout répondu !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Si, mais je comprends que mes réponses ne vous aient pas plu !
M. Jean-Pierre Sueur. Il y a un point sur lequel vous n'avez pas répondu !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je veux rappeler à Mme Durrieu qui a eu des mots très sévères pour les agences postales communales que celles-ci ont été autorisées par la loi Voynet en 1999. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Bricq. C'est quelque chose qui pré-existait !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce n'est pas nous qui les avons créées ! C'est le gouvernement que vous avez soutenu et voulu ! Or, aujourd'hui, vous les condamnez ; je vous appelle donc à faire preuve de cohérence. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Entre 1997 et 2001, plus de 1 700 points de contact de La Poste ont été transformés alors qu'un gouvernement de gauche était aux responsabilités. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. Oh là là !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Les leçons que vous nous donnez aujourd'hui, vous auriez mieux fait de vous les servir lorsque vous étiez au pouvoir ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
En tout état de cause, si nous avons des divergences de vues, dispensez-vous au moins de dire que nous sommes de mauvaise foi ! Compte tenu de ce que vous avez fait ou de ce que vous n'avez pas fait lorsque vous gouverniez le pays, je pourrais vous retourner le compliment !
Monsieur Teston, le projet de loi prévoit en effet des critères quantitatifs clairs, mais c'est pour garantir un résultat qualitatif. L'article 1er bis nous offre une chance majeure en la matière. Ainsi, pour la première fois, est inscrit dans la loi un critère d'accessibilité ambitieux.
Je connais bien les Hautes-Pyrénées et la dispersion de l'habitat dans cette région. Je dirai à Mme Durrieu...
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Elle est partie !
M. Thierry Repentin. On lui transmettra votre réponse !
Mme Nicole Bricq. Nous vous écoutons !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je lui dirai que le projet de loi prévoit lui-même que les règles seront appliquées « sauf circonstances exceptionnelles ». Les hautes vallées de montagne sont donc concernées par cette disposition qui mérite d'être appréciée.
Monsieur Piras, avec votre verve, vous avez résumé tous les propos qui ont été tenus par l'opposition. Je tiens à vous dire que c'est bien, à l'époque, votre majorité qui a accepté la directive du Conseil européen du 15 décembre 1997 et ne l'a pas transposée. C'était facile de procéder ainsi ! Et c'est également elle qui a négocié et approuvé la directive postale de 2002.
M. Henri de Raincourt. Il est bon de le rappeler !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Nous ne faisons donc que gérer les conséquences de vos actes, aussi difficiles soient-elles, avec autant de rationalité et de bonne foi que nous le pouvons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Je précise simplement que la commission des affaires économiques se réunit immédiatement après la suspension de séance dans la salle 263 pour examiner les amendements extérieurs.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la régulation des activités postales.
Je rappelle que la discussion générale a été close.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 50, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la régulation des activités postales (149, 2004-2005).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Gérard Le Cam, auteur de la motion.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après France Télécom, EDF, GDF, Air France, c'est aujourd'hui La Poste qui est dans la ligne de mire du Gouvernement.
Votre volonté à l'égard du secteur public est particulièrement déterminée : il s'agit de refondre notre société au regard de votre vision libérale, une vision tournée vers la suppression de tous les freins qui pourraient empêcher la course au profit, à la rentabilité financière. Les services publics, dans cette conception, sont destinés à disparaître, alors que leur objectif premier est non pas d'être rentables mais de remplir une mission d'intérêt général structurante pour la vie de la cité.
Dans la droite ligne des orientations de l'OMC et de l'AGCS, l'accord général sur le commerce des services, vous soutenez que toutes les activités humaines doivent être soumises à la concurrence, quelle que soit leur utilité sociale.
La construction européenne suit cette même conception : tout doit être régi selon les lois du marché, celles de la rentabilité, des ratios financiers, et ce au prix de la disparition de nos services publics, au profit des services dits « universels ». Mais ces derniers ne visent, en fait, qu'à réduire les droits des salariés, à faire supporter par les collectivités publiques ce qui ne serait pas rentable et à diminuer les droits des usagers. La directive Bolkestein est un exemple frappant de la logique que vous voulez mettre en oeuvre.
Vous savez pourtant que notre pays est très attaché à son secteur public, qu'il s'agisse des entreprises ou des services. Vous savez combien notre peuple est sensible à leur qualité, au dévouement de leurs personnels. Vous savez combien les élus locaux y sont attentifs tant ils constituent des éléments essentiels de la vie locale. Vous savez aussi qu'ils ont contribué et contribuent encore à l'aménagement et au développement des territoires de notre pays, à la vie économique.
Malgré cela, vous répondez par l'obligation de rentabilité de La Poste, par la mise en oeuvre dans la gestion de cette entreprise publique des impératifs de performance, de compétitivité, par l'évolution du réseau...
Pour les idéologues du libéralisme, il convient de casser l'idée, inconcevable et dangereuse pour le système lui-même, selon laquelle le secteur public pourrait être un acteur fiable et pertinent du développement économique et pourrait proposer de bonnes réponses aux besoins de notre société et des populations, cela sans générer de plus-value au sens capitaliste du terme. Il faut détruire ces croyances qui seraient d'un autre âge et asséner l'idée que seules les relations marchandes seraient porteuses d'avenir, n'est-ce pas ?
Les services publics gênent car ils sont porteurs d'une certaine idée de la société - respect des droits de chacun, respect d'un statut pour les salariés, respect du bien commun - et contribuent à plus de lien social et plus de solidarité. Ils gênent également car ils symbolisent l'action de l'Etat pour l'intérêt général, l'action politique devant être jugée à l'aune de son utilité sociale, économique en faveur des femmes et des hommes de notre pays.
Monsieur le ministre, au-delà de ces considérations, vous êtes résolu à franchir une étape ; vous y êtes poussé par les entreprises financières et leurs actionnaires qui sont à la recherche de nouvelles zones de profit. Vous abandonnez toute responsabilité du politique dans l'économie en refusant de reconnaître que certains secteurs ne peuvent être livrés au marché parce qu'il s'agit de répondre à des besoins fondamentaux.
En cédant au dogme de la stricte limitation de la dépense publique, vous visez plusieurs objectifs qui vont de la satisfaction des plus nantis - ils paient moins d'impôts - à la vente de richesses constituées par la Nation au fil de son histoire. Pour respecter le seuil de 3% de déficit public, vous cédez aux investisseurs privés des parts de notre patrimoine public. A ce propos, j'indique que, selon l'OCDE, les privatisations réalisées, de 1984 à 2000, dans l'Europe des quinze ont porté sur 563 milliards d'euros.
Vous prétendez, à l'unisson de la Commission européenne, que la mise en concurrence du service postal créerait des emplois supplémentaires !
Vous ne voulez surtout pas entendre ni regarder ce qui s'est passé dans les pays qui nous ont précédés dans cette même voie, que ce soit l'Allemagne ou la Suède. Leur expérience montre que le marché ne peut pas prendre en charge la satisfaction de l'intérêt général parce qu'il ne peut penser dans le temps.
La Suède fut l'un des premiers Etats à mettre fin, en 1993, à son monopole postal : dix ans plus tard, le prix du timbre-poste a doublé ; le nombre de bureaux de poste a été divisé par cinq ; près de trois mille points Poste sont désormais installés dans des supérettes, des bureaux de tabac ou des stations-service ; tout le monde n'a pas la garantie d'un accès simple au service postal ; enfin, alors qu'elle était normalement rentable, la poste suédoise est caractérisée par un déficit chronique qui lui a déjà fait frôler le dépôt de bilan... Est-ce cela que vous voulez pour la poste française ?
Le même constat peut être fait en Allemagne, où, en treize ans, les effectifs sont passés de 390 000 à 230 000 postiers.
Les effets néfastes de la libéralisation peuvent aussi être constatés dans d'autres secteurs d'activités comme l'énergie, les télécommunications, les transports...
Pourquoi refusez-vous de faire l'évaluation que nous vous demandons sur les résultats réels des libéralisations intervenues depuis quelques années ?
La concurrence, nous a-t-on dit, devrait entraîner la baisse des prix. En terme d'évolution des tarifs à l'égard des usagers, EDF peut servir d'exemple !
Telle est la libéralisation que vous voulez imposer : afin de permettre de dégager des bénéfices aux entrants sur le marché, vous choisissez la dégradation des conditions de travail des personnels et l'augmentation des tarifs.
La constante de votre démarche est le désengagement de l'Etat, le refus de toute responsabilité politique pour garantir une économie solidaire. Cela se vérifie avec la réduction des dépenses publiques ! Vous savez pourtant que la réduction du nombre de services publics pénalise les plus modestes : ceux qui ne paient ni l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune, ni l'impôt sur le revenu, et vous savez que, parallèlement, l'impôt est un élément de justice sociale, de citoyenneté. Mais il est vrai que vous voulez transformer les citoyens en clients, n'est-ce pas ?
Avec ce texte relatif à la régulation des activités postales, vous allez même plus loin que la transposition de la directive ne l'impose. Il faut, en effet, distinguer, d'un côté, l'ouverture qui est l'européanisation des réseaux sous maîtrise publique et, de l'autre, la libéralisation qui serait l'abandon pur et simple au marché. La directive européenne tend à l'ouverture du réseau mais n'impose ni sa privatisation ni le changement du statut de l'entreprise ou des agents.
La directive de 1997 permettait la soumission des opérateurs privés à des obligations de desserte de l'ensemble du territoire ; le Gouvernement n'a pas estimé utile de transposer cette possibilité.
La directive permettait ensuite la création d'un fonds de compensation du service universel postal, dans l'hypothèse, plus que vraisemblable, où le secteur réservé de La Poste ne suffirait pas à financer le service universel. Dans le projet de loi, il est prévu qu'un rapport sur cette question soit remis au Parlement dans deux ans. Vous préférez ainsi ne pas créer ce fonds immédiatement, remettant à plus tard la question centrale du financement du service universel alors qu'elle se pose dès aujourd'hui.
Par ailleurs, si l'objectif de présence postale est largement évoqué dans le projet de loi, on renvoie à un décret en Conseil d'Etat pour préciser « les modalités selon lesquelles sont déterminées, au niveau départemental, les règles d'accessibilité au réseau de La Poste » et la loi renvoie également à un décret pour définir les missions de service public.
Ce sont donc les juges qui délimitent le service public et ses missions. Et pourtant, selon notre Constitution, il s'agit d'une compétence appartenant à la représentation nationale. En effet, nous sommes en présence d'un transfert de propriété d'entreprise du secteur public au secteur privé. Les principes constitutionnels sont donc déniés pour toutes les grandes entreprises publiques privatisées ces dernières années.
Vous prétendez que cette loi est la stricte transposition des directives européennes, ce qui implique que la France n'aurait pas d'autres choix ? Mais c'est faux ! Ce projet de loi reflète un choix de société qui se traduit par l'abandon de la conception même de nos services publics postaux. C'est bien d'un renoncement du politique à maîtriser l'évolution du secteur postal qu'il faut parler ! C'est bien un retrait du politique au profit des seules forces privées du marché que vous nous préparez !
En ce sens, la création d'une autorité de régulation dite « indépendante » apparaît bien comme l'instrument de la privatisation à terme de l'ensemble des services postaux avec, à la marge, une part minime réservée aux services dits « universels » destinés aux populations les plus fragilisées par la libéralisation actuelle.
La Commission européenne conteste le fait que le ministre chargé des postes puisse être à la fois l'autorité réglementaire nationale et l'autorité chargée de la tutelle de La Poste. Elle considère que le ministre de tutelle est amené à exercer des « fonctions et responsabilités dans l'entreprise publique liées à l'exercice du droit de propriété et à la performance économique et financière de La Poste ». Elle poursuit en affirmant que « la seule façon d'assurer un effet utile à la notion de séparation fonctionnelle est alors d'assurer qu'il existe une séparation adéquate entre la fonction régulatrice et les fonctions liées à la propriété de l'opérateur public et à son contrôle ».
Indirectement, c'est bien le caractère public de la propriété de l'entreprise qui est contesté. Or, qu'a-t-on trouvé de mieux pour mettre en oeuvre une politique de redistribution et de correction des inégalités sociales que les services publics ?
Devons-nous rappeler que le Conseil européen de Nice de décembre 2000 reconnut le rôle unique et indispensable joué par les services d'intérêt général en réaffirmant que « les Etats membres sont libres de définir les missions ainsi que les modalités de gestion et de financement des services d'intérêt économique général » ?
Nous savons depuis 1957, date de conclusion du traité de Rome, que rien n'interdit la propriété publique du capital dans la mesure où l'ouverture du marché à la concurrence est assurée. Au contraire, le rôle des services publics est clairement évoqué dans l'article 16 du traité, qui souligne le rôle joué par les services d'intérêt général dans « la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union ». Le traité invite également la Communauté et les Etats membres à veiller « à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions ».
Il s'agit donc bien d'un choix politique du Gouvernement que de libéraliser et de privatiser le secteur public postal.
Confirmant le désengagement de la puissance publique, le Gouvernement propose également la mise en place d'une autorité de régulation, en intégrant le secteur postal dans les prérogatives de l'autorité de régulation des télécommunications, transformée en autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'ARCEP.
Cette autorité ne dispose pourtant pas de la légitimité démocratique, puisque ses membres seront nommés. L'Assemblée nationale a même prévu que trois de ses membres, et non plus deux, soient nommés par décret.
Une régulation, pour quoi faire ? Pour se substituer à l'Etat et distribuer les licences aux nouveaux opérateurs ? L'expérience que nous avons de l'ART ne joue nullement en faveur de l'ARCEP !
Quelle alerte a donné l'ART lorsque France Télécom a opéré des investissements inconsidérés à l'étranger ? En quoi l'ARCEP serait-elle plus efficace que les organismes équivalents existant dans d'autres pays ?
Les dysfonctionnements considérables liés aux manques d'investissement - car c'est la rentabilité immédiate qui prime ! - n'ont pas été pris en compte par les autorités de régulation : elles n'ont pas signalé les risques encourus par ces sociétés, leurs personnels, leurs usagers, les territoires d'activités ! Elles ne conduiront donc qu'à une libéralisation toujours plus forte, dont seront victimes l'opérateur historique, ses salariés et les usagers.
Je ne peux m'empêcher de penser, au regard des pouvoirs exorbitants confiés à l'ARCEP et qui sont le fruit de l'abandon des prérogatives du ministre de tutelle, que celle-ci aura toute liberté pour permettre la totale privatisation de La Poste.
Ainsi, l'ARCEP est chargée de délivrer les autorisations aux prestataires de services postaux concurrents de La Poste sur les envois de correspondance intérieure.
Elle précise le champ territorial de l'autorisation, qui peut alors ne pas s'étendre à l'ensemble du territoire.
Elle veille au respect des obligations de service public par La Poste et par les prestataires disposant d'une autorisation. Or, à ma connaissance, seule La Poste est soumise à des obligations de service public.
Elle décide, sur proposition de La Poste ou d'office, à défaut d'accord, de la politique tarifaire du service universel et approuve les tarifs du secteur réservé. En d'autres termes, elle maîtrise la politique tarifaire de l'opérateur historique.
Elle peut proposer au ministre des mesures utiles pour garantir, si nécessaire, le financement du service universel.
Elle dispose également d'un pouvoir de sanction important à l'égard de l'opérateur historique et de tout prestataire de services postaux pour manquement à ses obligations.
Nous savons par ailleurs que La Poste a engagé un véritable processus de rationalisation des coûts et qu'elle a pour objectif d'aligner ses tarifs sur les grands opérateurs européens. Certaines dispositions du présent texte lui permettront d'accorder des rabais aux entreprises clientes et de déroger ainsi aux obligations tarifaires auxquelles est astreint le domaine réservé. Naturellement, ces pratiques se feront sous l'oeil vigilant de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
Ce désengagement de l'Etat, qui signifie la perte de contrôle au profit d'une autorité de régulation et le transfert de charges sur les collectivités locales, justifie le dépôt de cette motion tendant à opposer la question préalable.
Ce qui est à l'ordre du jour, c'est bien une réduction drastique du nombre de bureaux de poste et des suppressions de services, alors que le réseau de proximité, s'ajoutant à de nouveaux services, est un véritable atout !
Ce qui est à l'ordre du jour, c'est la réduction continue du service postal, sur fond de concurrence totale à compter de 2009 ! En première lecture d'ailleurs, l'avis rendu par la commission des finances du Sénat précisait : « La Poste n'a pas vocation à détenir à moyen terme la totalité du capital de sa filiale banque postale » !
Vous proposez donc, monsieur le ministre, de créer une banque postale, filiale de La Poste et détentrice de l'intégralité de ses activités financières.
Vous décidez que l'ouverture de son capital se fera par décision du gouvernement, mais sans que vous puissiez indiquer à la représentation nationale les modalités de cette amorce de privatisation.
Nous savons ce que signifie ce blanc-seing donné à un gouvernement de disposer du droit exorbitant de vendre au privé notre patrimoine public. Certes, ces attaques contre ce qui a été et continue d'être une originalité et une richesse de notre pays ne datent pas d'aujourd'hui ! Nous connaissons les conséquences de la mise en concurrence systématique des entreprises publiques par des groupes privés.
L'objectif n'est plus l'accès de tous aux services, mais la course à la rentabilité : de fait, les entreprises publiques s'alignent sur les critères de gestion des entreprises privées.
Cette évolution, qui prépare les privatisations et la création de monopoles privés et livre le patrimoine public aux intérêts financiers, est en conformité avec l'article I-3 du projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe, qui indique, dans son 2°, que « l'Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée ».
Nous avons une autre conception du secteur public. Pour nous, les services publics peuvent être les piliers d'une construction progressiste de l'Europe et ne doivent pas seulement s'occuper de ce que les groupes privés délaissent, parce que ce n'est pas assez rentable.
Au contraire, les services publics sont des acteurs à part entière du développement économique, scientifique, industriel : ils en ont fait la preuve ! De fait, ils constituent une alternative réelle au libéralisme. C'est bien pour cette raison que les libéraux souhaitent leur disparition.
Nous sommes fondamentalement favorables à ce que l'Europe fasse, dans sa Constitution, le choix de garantir à tous les citoyens qui la composent la satisfaction des besoins fondamentaux de notre temps : éducation, santé, eau, énergie, communication, transports, logement, culture, recherche... Ces domaines doivent être soustraits aux règles de la concurrence et doivent faire l'objet de services publics assurant notamment l'égalité d'accès de tous et l'adaptation de ces services aux évolutions des besoins.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, d'approuver cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. M. Billout et les membres du groupe CRC dénoncent le démantèlement des services publics que viserait ce projet de loi relatif à la régulation des activités postales.
Nul n'ignore ici quelle est la majorité politique qui a négocié les deux directives communautaires de décembre 1997 et de juin 2002. Il est donc bien tard pour s'insurger contre le démantèlement du service public qui résulterait de la transposition de ces directives !
M. Paul Blanc. Eh oui !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Au demeurant, à mes collègues fervents défenseurs du service public, je rappellerai que l'un des principes auquel doit être soumis le service public est l'adaptabilité. Il me semble que l'objet du présent texte est précisément d'adapter le service public postal au nouveau contexte européen dans lequel il s'inscrit naturellement. Ne pas organiser l'évolution de La Poste reviendrait à signer son arrêt de mort !
Ce projet de loi nous propose donc, au lieu de nous arc-bouter sur une administration postale dépassée, de nous tourner vers l'avenir, de prendre en main l'évolution inéluctable du service postal. Il nous donnera les moyens non seulement d'assurer le développement de cette entreprise dans un contexte concurrentiel croissant, mais aussi de conforter le service public de proximité qu'elle offre sur l'ensemble du territoire.
Nous y sommes attachés autant que vous. C'est la raison pour laquelle le Sénat, en première lecture, a pris l'initiative, à l'invitation de la commission des affaires économiques, de faire figurer dans ce texte les outils qui permettront de conforter la présence de La Poste sur tout le territoire national.
Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement partage totalement l'avis de la commission.
J'ajouterai simplement que les membres du groupe CRC devraient s'inspirer de l'exemple de la poste allemande, laquelle s'est adaptée au marché, a su s'ouvrir à la concurrence et dégage aujourd'hui des profits considérables. Demain, si nous n'y prenons garde et si nous n'adaptons pas notre outil postal, elle prendra des parts de marché dans notre pays !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 50, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 106 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 120 |
Contre | 209 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. Repentin, Trémel et Collombat, Mmes Bricq, Durrieu et Khiari, MM. Piras, Sueur et Teston, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste et apparentés, d'une motion n° 95, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5 du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires économiques et du Plan, le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la régulation des activités postales (n° 149, 2004-2005).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Thierry Repentin, auteur de la motion.
M. Thierry Repentin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de neuf heures quinze à onze heures, le mercredi 2 mars dernier : c'est le temps qu'aura consacré la commission des affaires économiques et du Plan, saisie au fond, à ce projet de loi relatif à la régulation des activités postales.
M. Thierry Repentin. Certes, son objet est bien circonscrit, mais ce texte est ô combien symbolique du sort réservé à ce qui était jusqu'à présent un service public auquel sont attachés à juste titre nos concitoyens et leurs élus territoriaux. Ce projet de loi est également fondamental au regard de l'idée que nous nous faisons d'un aménagement du territoire où nulle collectivité ne se sente délaissée.
Une heure quarante-cinq a donc suffi pour « analyser » - les guillemets s'imposent ! - les modalités et conséquences : de l'ouverture de l'activité postale à la concurrence ; du développement de nouvelles formes d'organisation des points de contact de La Poste ; de la juxtaposition de différents types de personnels chargés d'oeuvrer à des tâches concurrentes, complémentaires ou similaires sur un même territoire - fonctionnaires de la fonction publique territoriale, agents des postes, voire commerçants ; de la création d'une nouvelle banque dans notre pays ; de l'émergence de mécanismes de solidarité territoriale avec un fonds national de péréquation et un fonds de compensation du service universel - nous attendons avec grand intérêt de connaître les règles de fonctionnement que vous avez prévues pour ces deux outils et d'avoir l'assurance de leur pérennité à l'aune des modifications attendues pour la taxe professionnelle et, sur ces points précis, les échanges auxquels a donné lieu la discussion générale sont loin de nous rassurer. Il s'agissait enfin, toujours dans ce même laps de temps, de s'assurer que l'accès à ce service, dont la finalité est de relier les hommes, soit assuré en tous points de notre pays sans discriminations territoriales et sociales, même s'il est possible d'admettre que les conditions d'accès ne soient pas totalement identiques pour chacun.
Le tout en une petite vingtaine d'articles !
Traditionnellement et légitimement reconnu comme une instance d'analyse plus poussée que d'autres, le Sénat saura-t-il, sur ce sujet, faire honneur à sa réputation ?
Certes, il s'agit d'une seconde lecture ; ...
M. Paul Blanc. Voilà !
M. Thierry Repentin. ...certes, des amendements ont tenté de consolider un édifice assez fragile. Il n'en demeure pas moins que notre commission n'a auditionné aucun dirigeant de La Poste, aucun membre du Gouvernement, aucun leader des organisations représentant le personnel de La Poste, aucun grand dirigeant des banques présentes aujourd'hui dans le paysage financier - dont il aurait peut-être été intéressant de connaître l'avis sur l'émergence d'un nouveau « collègue » -, aucun représentant des usagers concernés, aucune association des élus, qui sont pourtant souvent en première ligne sur ce terrain et qui se sont exprimés régulièrement sur ce sujet, quoique rarement dans une tonalité porteuse pour le contenu de ce projet de loi.
Souvenons-nous de l'accueil que les maires de France ont réservé au Premier ministre voilà quelques mois, lors de leur congrès annuel. N'oublions pas ces quelque 6 000 délibérations adoptées par les conseils municipaux, auxquels se sont joints depuis des voeux transmis par des conseils généraux solidaires. Le fait que ces délibérations aient été prises dans des communes où il n'y a pas aujourd'hui de point Poste est tout à fait normal pour ceux qui connaissent effectivement notre territoire, car un point Poste actuel couvre plusieurs communes, lesquelles se sont senties solidaires de la commune qui aujourd'hui dispose de ce service.
A l'heure où l'on se lamente sur les responsabilités croissantes que doivent assumer, sans moyens financiers, sans formation...
M. Thierry Repentin. ...en rapport avec leur investissement personnel, sans gratification mensuelle à la hauteur de leurs charges, les maires des petites communes, on les invite à s'investir dans un nouveau champ d'action qui n'est balisé ni par le statut de la fonction publique territoriale, ni par le droit de la concurrence, ni par des règles en matière de responsabilité pénale.
Gageons qu'après les quelques mois de satisfaction qui suivront l'ouverture d'une agence postale dans les locaux d'une mairie, l'on viendra s'en prendre au premier magistrat, au motif que le service n'est pas à la hauteur des attentes, qu'il est inadmissible que la mairie ferme pour accorder des congés à ses employés, interdisant du même coup la délivrance du service postal. Un opérateur privé sur le même territoire trouvera anormal que La Poste ait pu bénéficier d'un service contractuel sans mise en concurrence préalable...
Bref, tout le monde aura vite oublié la motivation initiale du maire : offrir un service à ses concitoyens. Une fois de plus, on lui aura chargé la barque, au risque de le faire couler, les conditions de la présence postale devenant alors immanquablement un enjeu électoral.
Peut-on se satisfaire de cette heure quarante-cinq minutes consacrée à cet important dossier par la commission des affaires économiques ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Je vais vous répondre !
M. Thierry Repentin. Ce n'est certainement pas le cas de ceux d'entre nous qui, en conscience, admettent la complexité d'une réforme qu'ils ne rejettent pas par dogme, mais dont ils voudraient être sûrs qu'elle ne sacrifie ni une entreprise qui a contribué à construire un territoire, ni ceux qui la font vivre au quotidien, ni même tel ou tel territoire défavorisé, au nom d'une exigence européenne compréhensible dont on n'aurait néanmoins pas utilisé toutes les souplesses d'application pour garantir notamment l'équité territoriale et humaine dans la mise en oeuvre d'un service au public de première nécessité.
S'il y avait eu un délai convenable entre l'adoption de ce texte en seconde lecture par l'Assemblée nationale et son examen par notre assemblée, si l'organisation de notre travail en commission avait été plus conséquente, nous aurions pu débattre ce soir en toute connaissance de cause des questions qui restent en suspens et que la discussion en séance ne permettra pas de traiter sérieusement, car elles demandent des analyses fouillées.
Sur la présence territoriale, quelles seront les conséquences de l'application de l'article 1er bis ? Les membres de mon groupe, comme ceux qui ont regardé les choses de près - je pense tout particulièrement à l'Association des maires ruraux de France, l'AMRF, ou à l'Association nationale des élus de la montagne, l'ANEM -, ne peuvent se satisfaire de la proposition selon laquelle 10 % de la population d'un département se trouverait éloignée de plus de cinq kilomètres des points de contact de La Poste les plus proches.
Compte tenu de la concentration de la population au fond des vallées ou autour des bourgs les plus importants, cette règle - les sénateurs des départements ruraux et de montagne le savent bien - entraînera un « désert postal » sur plusieurs dizaines de kilomètres, avec des temps d'accès malheureusement rédhibitoires pour peut-être 40 % ou 50 % de la superficie du département.
Selon le ministère de l'industrie lui-même, se fondant sur le rapport de son Conseil général des technologies de l'information paru en avril 2004, La Poste pourrait remplir l'exigence de présence territoriale imposée dans l'article 1er bis avec seulement 56 % du nombre des bureaux qu'elle possède à ce jour, soit 9 500 implantations, contre près de 17 000 aujourd'hui.
Mes chers collègues, à qui le tour ? Selon la définition proposée, un point de contact peut, demain, n'être qu'un point Poste dans un commerce ? Les exemples cités par M. Teston et Mme Durrieu sont éloquents à ce sujet.
Cela m'amène à m'interroger sur la cohérence entre la loi relative au développement des territoires ruraux que nous avons votée il n'y a pas si longtemps et le texte que nous examinons aujourd'hui, qui, lui, vise à favoriser le départ de l'un de nos services publics.
D'ailleurs est-il fondé que la charge de l'acheminement de la presse écrite, parce que l'Etat, en un temps, a décidé une exonération partielle de l'affranchissement, soit supportée par La Poste à concurrence de 480 millions d'euros annuels ? Est-ce à La Poste de continuer à assumer ce coût alors que, à travers des partenariats locaux plus ou moins efficaces, chacun s'échine à maintenir une présence postale en mettant des investissements immobiliers à la charge des communes ou en concluant des baux aux loyers symboliques au bénéfice de l'établissement public ?
Nous n'entendons pas « momifier » le réseau dans sa configuration actuelle. Mais on estime à 530 millions d'euros le coût pour La Poste de son rôle en matière d'aménagement du territoire. Avec les 150 millions d'euros d'allégements fiscaux dont elle bénéficie et le paiement par l'Etat du coût réel de l'acheminement de la presse, soit 480 millions d'euros, on est déjà au-delà du point d'équilibre. Et pourtant, nul débat n'a porté sur cette question centrale.
Il n'y en a pas eu non plus sur les questions du statut et donc de la responsabilité des agents communaux qui seront amenés à exercer des activités postales. Qu'arrivera-t-il en cas de conflits, de vols, voire pire, ce que l'on ne peut exclure ? Visiblement, nul ne s'en inquiète. Nul ne s'inquiète non plus des formules de substitution à prévoir en cas d'éventuelles carences de l'opérateur privé ou, plus simplement, pour les périodes de congés.
S'agissant de la création de l'établissement bancaire postal, là encore beaucoup d'interrogations demeurent.
Le service universel bancaire, la banque pour tous, sera-t-il maintenu ? Nous ne souhaitons pas confiner La Poste dans le rôle de banque pour pauvres, il n'en reste pas moins que la détention du livret A demeure fréquemment le seul compte en banque des plus modestes de nos concitoyens, qu'ils résident en zones de revitalisation rurale ou - c'est sans doute encore plus souvent le cas - en zones urbaines sensibles.
Aujourd'hui, 60 % des encours du livret A sont inférieurs à 150 euros. On ne peut balayer d'un revers de la main cette mission, comme on ne peut manquer de s'interroger sur le devenir des agents actuels de La Poste.
La lecture du rapport Larcher de 2003, notamment le passage consacré à l'évolution de carrière des agents de l'ancienne entreprise publique France Télécom, est édifiante s'agissant des difficultés générées par les mutations telles qu'on les prévoit cette fois-ci pour La Poste.
Aujourd'hui, près de 5 000 salariés de France Télécom ne savent pas quel est réellement leur statut. Quel sera ce statut pour le personnel des services financiers actuels de La Poste transformée en établissement bancaire et quelles garanties a-t-on que La Poste fournira bien des prestations bancaires dans toutes ses implantations et pas uniquement dans les bassins de population dense ?
Lors de la discussion générale, bien d'autres objections ont été soulevées par les orateurs qui se sont succédé à cette tribune. Sans doute l'auraient-ils fait en d'autres termes si nous avions disposé d'un temps de travail en rapport avec l'importance de ce texte législatif.
Aucune conclusion officielle n'a été présentée à l'issue des réflexions du groupe de travail sur La Poste : est-ce dû à un embarras du rapporteur,...
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Jamais !
M. Thierry Repentin. ...du Gouvernement ou est-ce simplement la preuve qu'il reste encore matière à approfondir ?
Ce n'est pas après un échange fugace d'une heure quarante-cinq que l'on peut transformer l'histoire d'une entreprise forte de plusieurs dizaines de milliers de salariés, que l'on peut bâtir une stratégie économique pour une future banque appelée à jouer un rôle de premier plan, puisqu'elle bénéficie d'une présence territoriale sans commune mesure, que l'on peut assurer à chacun de nos territoires, à chacun de nos concitoyens, à chacune de nos communes et de leurs édiles, l'assurance d'une accessibilité, sans discrimination sociale ou territoriale, à un service aussi symbolique que celui qui unit les hommes par les correspondances échangées.
Vous souscrirez, je l'espère, mes chers collègues, à nos arguments pour renvoyer en commission ce projet de loi, en vue de parvenir au consensus que mériterait un tel enjeu d'aménagement du territoire national. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Monsieur Repentin, je ne peux vous laisser ainsi caricaturer le travail de la commission.
Permettez-moi de vous rappeler que nous sommes un certain nombre à avoir travaillé, avant votre arrivée au Sénat, sur l'avenir de La Poste et sur l'évolution des télécommunications, sous l'autorité de M. Gérard Larcher jusqu'à sa nomination au Gouvernement, puis de M. Jean-Paul Emorine.
Pendant huit années, toutes sensibilités politiques confondues, nous n'avons cessé de travailler, au sein de la commission des affaires économiques, sur le sujet dont nous traitons ce soir. Je vous laisse le soin de convertir en heures ce que représentent ces huit années de travail et l'élaboration des différents rapports sur ce thème ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Bernard Piras. Vous avez examiné les amendements entre vingt heures et vingt-deux heures !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Par conséquent, vous comprendrez que je ne puisse vous laisser dire que nous n'avons consacré à ce sujet qu'une heure quarante-cinq de travail, ne serait-ce que par respect pour le travail accompli dans ce domaine par des sénateurs de toutes tendances, des fonctionnaires du Sénat et des membres des cabinets ministériels successifs - car il y a eu alternance, je vous le rappelle, au cours de ces huit années.
Tout le monde a travaillé dans le sens de l'évolution de La Poste, administration jusqu'en 1990, entreprise publique depuis lors. Avec ce texte, nous essayons maintenant de lui donner les moyens d'être concurrentielle, car - comment l'oublier ? - deux tiers de ses activités sont aujourd'hui sur le marché de la concurrence !
S'agissant d'une disposition qui touche les montagnards, particulièrement les Savoyards que nous sommes, à savoir que 90 % de la population d'un département doit être située à moins de cinq kilomètres des plus proches accès au réseau de La Poste, si vous étiez venu tout à l'heure en commission des affaires économiques pour examiner les amendements, comme cela vous avait été proposé, vous auriez pris connaissance de l'avis favorable qui a été donné à l'amendement de M. Retailleau visant à tenir compte non seulement de la distance, mais du temps de déplacement nécessaire pour accéder à ce réseau.
M. Bernard Piras. On progresse !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Au demeurant, à cette heure quarante-cinq de travail de la commission dont vous avez parlé et au cours de laquelle n'a été examinée qu'une partie des amendements « extérieurs », il faut ajouter les cinq heures que nous consacrerons, dès dix heures demain matin, à l'examen de la suite des amendements. Comparez ce laps de temps à celui qui a été consacré à l'examen des amendements d'autres textes !
Si quarante-trois des amendements proposés par le rapporteur et acceptés par la commission ont pu être examinés aussi rapidement, c'est tout simplement parce que beaucoup d'entre nous ont l'avantage d'avoir acquis, depuis un certain nombre d'années, une compétence sur le sujet postal. Ces connaissances, nous sommes prêts à les partager avec vous, monsieur Repentin, car, après avoir écouté l'intervention que vous venez de faire en tant qu'auteur de la motion de renvoi à la commission, j'ai le sentiment désagréable que vous n'avez pas lu mon rapport ! (Rires sur de nombreuses travées.)
Dans le prolongement de ces travaux, en vue de la première lecture du texte au Sénat, la commission des affaires économiques a auditionné le ministre en charge de l'industrie ainsi que le président de La Poste. Comme il est de tradition, ces auditions n'ont pas été renouvelées avant la deuxième lecture.
En revanche, afin de permettre un nouveau débat sur les dispositions adoptées en première lecture à l'Assemblée nationale, de nombreux membres de la commission et du groupe d'études « Postes et télécommunications » ont pu participer à une rencontre avec les principaux dirigeants de La Poste, le 1er février 2005, à l'invitation de son président.
Le renvoi en commission de ce projet de loi ne me paraît donc pas fondé et, plutôt que de dénoncer les conséquences d'amendements majeurs adoptés au Sénat en première lecture, M. Repentin et les membres du groupe socialiste devraient reconnaître l'avancée décisive que constituent ces amendements, preuve, s'il en était, de la qualité du travail préparatoire effectué en commission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement n'a pas d'observations à formuler sur l'organisation des travaux du Sénat, qui est souverain dans ce domaine.
Il souhaite simplement que le retard que notre pays a pris dans la transposition des directives, en particulier de celle de 1997, ne s'accroisse pas.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 95, tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
M. Jean-Marc Todeschini. Ils ne sont même pas assez nombreux !
M. Pierre-Yvon Trémel. Ils ne s'intéressent pas à ce projet de loi.
M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 107 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 128 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. Je vous indique, mes chers collègues, qu'à la demande de la commission, avec l'accord du Gouvernement, les amendements nos 96 et 152 rectifié sont réservés jusqu'après l'article 8.
L'amendement n° 54, présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé
La France, par l'intermédiaire du ministre chargé de l'industrie, demande la renégociation des directives européennes impliquant l'ouverture à la concurrence du secteur postal.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Monsieur le ministre, mes chers collègues, mesurons bien les enjeux : le projet de loi qui nous est soumis vise à faire franchir à la France un pas important dans la déréglementation du secteur postal.
Le dogme libéral est formel : la concurrence est la mère de la prospérité, de la baisse des prix et de la liberté. Les commissaires européens se chargent de la diffusion de ces principes et le gouvernement français, par ce projet de loi, les applique.
Comme l'a rappelé mon collègue et ami Gérard Le Cam, comment ne pas prendre en considération la situation du secteur postal en Suède ? Ce pays fut, nous le savons, un des premiers à privatiser sa poste, en 1993. Aussi disposons-nous aujourd'hui du recul nécessaire pour évaluer les bénéfices de cette déréglementation.
Cet exemple est d'autant plus éclairant que la Suède est, comme la France, un pays dans lequel la densité de la population est assez faible et où des régions très urbanisées côtoient des zones rurales beaucoup plus isolées.
Un article de presse paru en décembre dernier dans un journal que vous connaissez bien, Le Figaro Economie, a dressé un bilan catastrophique de cette déréglementation.
Sa conclusion était sans appel et nous y souscrivons : « Les politiciens ont commis la première erreur en libéralisant le monopole, en 1993, mais surtout, par la suite, l'Etat propriétaire n'a pas su justifier, défendre le service public ».
La concurrence est censée faire baisser les prix. En Suède, ils ont doublé, probablement parce que cette industrie de réseau constitue un monopole naturel.
La concurrence est censée inciter les opérateurs à améliorer leurs prestations de service. En Suède, elles se sont dégradées. Le service public n'y est plus qu'un lointain souvenir.
La concurrence n'est pas censée améliorer les conditions de travail des employés ou l'emploi dans les entreprises. C'est bien la seule promesse que la libéralisation de la poste en Suède a effectivement permis de respecter.
Je pourrais aussi évoquer l'exemple de l'Allemagne, auquel vous avez fait référence, monsieur le ministre, pays dans lequel un tiers des emplois ont été supprimés dans la poste. Nous ne nous en réjouissons pas et c'est pourquoi nous combattons ce type de déréglementation.
Nous sommes convaincus, nous tenons à le souligner, que des objectifs doivent être partagés sur le plan européen, par exemple la garantie d'une collecte et d'une distribution sur l'ensemble des territoires, une circulation du courrier rapide et sécurisée entre les pays. Constituer un réseau commun aux vingt-cinq États membres permettrait de faire de la présence postale un facteur de cohésion sociale sur l'ensemble des territoires. Il convient en d'autres termes d'élaborer une politique commune des services postaux reposant non pas sur l'idée de concurrence, mais sur celle de coopération.
Un tel objectif aurait toute sa place dans un projet de constitution européenne progressiste. C'est pourquoi, par cet amendement, nous proposons que soient renégociées les directives européennes sur la libéralisation du secteur postal.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Monsieur Bret, permettez-moi d'insister une nouvelle fois sur l'appartenance politique des gouvernements qui, en 1997 et 2002, ont négocié à Bruxelles les directives communautaires organisant l'ouverture à la concurrence du secteur postal. Ces gouvernements émanaient, je le rappelle, de la gauche plurielle !
Je considère qu'il est paradoxal que ceux qui ont participé à des gouvernements ayant accepté ces directives en demandent aujourd'hui la renégociation.
M. Robert Bret. Nous étions contre, relisez les comptes rendus de nos travaux !
M. Pierre Hérisson, rapporteur. La commission ne peut donc qu'être défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. J'apporterai deux nuances à l'expérience de la poste suédoise, qui s'est conclue par un échec.
Tout d'abord, les Suédois ont commis la grossière erreur de vendre les activités de banque postale.
Mme Hélène Luc. D'abord parce qu'ils les ont privatisées.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Absolument !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ensuite, les Suédois ont vendu l'activité colis qu'ils exerçaient non seulement en Suède, mais aussi dans les pays baltes, activité que La Poste française a achetée. (Sourires sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Nous avons donc fait exactement le contraire des Suédois. C'est la raison pour laquelle La Poste va gagner des parts de marché. Faisons-lui confiance !
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas qu'un problème de marché.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Par ailleurs, il est un peu lassant de vous rappeler sans cesse, mesdames, messieurs de l'opposition, que ce sont les gouvernements que vous souteniez qui ont signé les directives, mais que, pendant cinq années, soit de 1997 de 2002, ils n'ont eu le courage ni de les transposer ni de les renégocier.
M. Robert Bret. Vous l'avez déjà dit
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Certes, mais je me répète en écho à vos propos. De toute façon, vous ne viendrez pas à bout de ma patience : je recommencerai chaque fois que nécessaire. Je vous propose donc un modus vivendi : cessez d'en parler et je vous ficherai la paix. ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.- Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. L'amendement n° 55, présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le gouvernement soumet à ses partenaires européens le projet d'insérer systématiquement une clause de réversibilité dans les directives européennes existantes et futures.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. L'idée de réseaux postal, énergétique et ferroviaire à l'échelle européenne est ambitieuse. Garantir durablement les prestations de service public doit, en effet, constituer un objectif prioritaire dans la construction européenne.
Cependant, l'Union européenne et ses chefs d'État nous proposent comme unique solution la libéralisation de l'ensemble des activités humaines, renonçant de fait à l'intervention de la puissance publique pour la mise en oeuvre de politiques dans l'intérêt des peuples.
Les chemins de fer, le transport aérien, les télécommunications, le réseau électrique, tout y passe ! Non sans ratés ! Le scandale des pannes d'électricité, les accidents, parfois catastrophiques, des chemins de fer britanniques faute d'un entretien suffisant, les augmentations de prix incessantes dans tous les secteurs concernés, tout cela n'est guère réjouissant, ni pour les usagers ni pour les salariés.
Manifestement, votre ambition de construire un projet économique et social autour d'un grand marché est inadaptée. Il nous semble qu'il serait de bonne politique, pour construire une Europe qui aille dans le sens du maintien de la cohésion sociale et de l'amélioration concrète des services publics, de permettre de renégocier ce qui ne marche pas.
L'idée de la réversibilité de toute loi, et plus largement de tout texte juridique, est une évidence pour tout acteur politique : quand un élu, quel qu'il soit, décide de mettre en oeuvre un projet et qu'il réalise, quelque temps après, que les objectifs visés par ce projet n'ont pas été atteints ou qu'ils ont suscité des effets pervers inattendus, il doit pouvoir faire marche arrière.
Malheureusement, cette évidence n'en est pas une pour les représentants de la Commission européenne.
Jamais en effet nous n'avons vu la Commission européenne faire marche arrière sur les politiques qu'elle a pu mener ; jamais nous ne l'avons vu admettre qu'elle s'était trompée. Or, au vu de la situation économique et sociale qui prévaut en Europe, au vu de la croissance économique atone du vieux continent depuis l'adoption du traité de Maastricht, il y aurait beaucoup à dire sur le contenu de ces politiques européennes.
Nous sommes d'autant plus inquiets que le projet de constitution européenne, en débat depuis quelques mois dans notre pays, ne vise à rien d'autre qu'à institutionnaliser les principes de politique économique qui mènent l'Europe à la faillite. Loin d'accepter de porter un quelconque regard critique sur leur action et donc d'être en mesure de concevoir l'idée qu'un acte politique est réversible, les responsables communautaires ont choisi la fuite en avant.
Ainsi, l'achèvement du marché intérieur devient une fin en soi, quelles que soient ses conséquences économiques et sociales.
L'exemple de La Poste est, à ce titre, symptomatique du dogmatisme idéologique des responsables communautaires : les préceptes libéraux vous délivrent un message que vous cherchez à appliquer coûte que coûte.
Les faits sont pourtant parlants. Vous ne pouvez que constater la dégradation de la qualité des prestations de nos services publics, notamment en milieu rural, et avec elle celle des conditions de vie des peuples européens.
Cet amendement ne vise pas à vous obliger à reconnaître la nécessité de défendre les services publics à la française. Il est encore moins dicté par notre volonté de voir socialisés les moyens de production. Cet amendement n'est inspiré que par un état d'esprit que vous prétendez souvent partager : le pragmatisme.
Être pragmatique, c'est accepter de reconnaître ses erreurs, c'est ouvrir les yeux face à la réalité des faits, en d'autres termes, c'est accepter d'envisager la réversibilité des directives européennes.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Je rappellerai à M. Billout et à ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen que le traité constitutionnel européen prévoit la possibilité pour les Etats membres de se retirer de l'Union, et donc de renoncer de facto à l'acquis communautaire. Peut-on estimer que cette disposition satisfait la demande exprimée par le groupe communiste ? A défaut, les engagements souscrits par notre pays dans le cadre des traités européens ne permettent guère l'introduction de telles dispositions dans notre droit.
De fait, la réversibilité des préconisations des directives dépend non pas d'un Etat membre isolé, qui ne peut, par un artifice juridique, se soustraire seul à ses obligations européennes, mais d'un accord majoritaire de nature politique entre l'ensemble des Etats membres.
L'avis de la commission est bien sûr défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. La proposition est amusante ! Cela dit, si nous réussissions à introduire une telle clause dans les directives, elle s'appliquerait selon le principe du parallélisme des formes : pour qu'elle soit retirée, il faudrait que soient réunies les mêmes conditions, par exemple de majorité, qui ont présidé à son adoption. C'est déjà le cas !
Votre proposition, monsieur le sénateur, est donc tout à fait inutile.
Mme Hélène Luc. Non, on ne peut pas dire cela !
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le service public postal contribue à garantir la cohésion sociale, en assurant un égal accès de tous les citoyens aux services offerts par La Poste, en participant à la lutte contre les exclusions et au développement équilibré du territoire. »
La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Cet amendement vise essentiellement à rappeler les principes fondateurs qui, de notre point de vue, doivent guider l'action publique pour la mise en oeuvre de nos services publics.
En effet, du fait du changement de statut vers la privatisation, du fait de l'alourdissement des contraintes financières liées à l'ouverture du secteur à la concurrence, l'objet social de ces services publics diminue progressivement.
Nous avons des services publics ; mais le Gouvernement les vide de leur contenu ; il démantèle les monopoles qui permettaient de les assurer dans des conditions satisfaisantes.
Ces monopoles étaient justifiés par l'objet même de leur activité : permettre la concrétisation des valeurs fondamentales de la République.
Pour la mise en oeuvre des services publics, un certain nombre de principes constitutionnels doivent être respectés : l'égalité de traitement, qui suppose la péréquation tarifaire ; l'accès de tous aux services, qui implique la continuité territoriale.
Une évolution des services publics doit effectivement être envisagée, mais plutôt pour permettre d'impliquer citoyens et élus locaux dans leur gestion afin de démocratiser les choix économiques pour des secteurs vitaux comme l'énergie, la poste, le transport, le crédit, l'eau, les déchets. Il s'agit en fait de permettre une évolution des services afin de mieux prendre en compte les besoins des citoyens.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Je relève que la rédaction proposée par M. Billout et ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen pour définir les missions que doit assumer le service public postal s'inspire largement de celle de l'article L. 1 du code des postes et des communications électroniques, dans lequel est défini le service postal universel. Cependant, la rédaction de l'article L. 1 s'ajuste plus étroitement que celle que proposent nos collègues aux choix terminologiques des textes européens.
C'est pourquoi, à choisir, il apparaît préférable de retenir la rédaction actuelle de l'article L. 1 et d'écarter celle que présente l'auteur de l'amendement n° 56.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 57, présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle, Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Avant le 1er octobre 2005, le gouvernement adresse au Parlement un rapport sur le bilan de la déréglementation dans le secteur postal.
« Ce rapport examine l'impact en termes d'emplois et d'aménagement du territoire de la transposition des directives européennes postales. Il comporte une étude prospective à l'horizon 2009 sur ces différents aspects. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. En Europe et dans le monde, le bilan de la libéralisation des services publics s'est révélé bien négatif, tant pour les usagers que pour les salariés. Les traits les plus marquants en sont les suppressions massives d'emploi chez les opérateurs historiques, peu compensées par les opérateurs privés ou remplacées par des emplois le plus souvent précaires, l'augmentation des prix pour les usagers, aussi bien dans le secteur des télécommunications ou de l'électricité que dans le secteur postal, la liquidation des dispositifs de péréquation, mais aussi la situation de faillite de certaines entreprises privatisées.
Face à certaines situations catastrophiques, l'Etat a dû venir à la rescousse d'opérateurs privés. Faut-il rappeler que la société Railtrack, chargée du réseau ferroviaire britannique et privatisée en 1996, a dû être reprise en main et recapitalisée par l'Etat en raison de son incapacité à financer les dispositifs de sécurité dont la carence avait entraîné la perte de dizaines de vies humaines ? (M. Gérard Delfau marque son approbation.)
Si de telles insuffisances ne risquent pas de prendre un tour aussi tragique dans le secteur postal, les conséquences en termes de cohésion sociale, d'égalité de traitement entre les usagers et d'aménagement du territoire seront inévitablement négatives, en raison de l'étranglement de l'opérateur historique provoqué par la libéralisation du secteur et l'absence d'obligation de service public pour les opérateurs privés. Les exemples suédois, allemand ou néerlandais donnent une idée du scénario qui nous attend.
L'effondrement des marchés, illustré notamment par les mésaventures de Vivendi ou d'Alcatel, est une raison supplémentaire pour s'opposer à la prise en main des services publics par des opérateurs privés. Le capital des entreprises chargées d'assurer le service postal aux usagers et aux entreprises sera entre les mains d'actionnaires dont l'objectif est une rentabilité assurée.
Le Gouvernement invite donc les nouveaux entrants à capter les segments les plus rentables du marché postal, par exemple les envois intra-urbains, ceux dont le coût unitaire est le plus faible, laissant à l'opérateur historique la charge de remplir l'ensemble des missions de service public.
La lutte de l'opérateur historique pour sa survie dans cet environnement concurrentiel l'amène déjà à se positionner sur les segments les plus rentables de ses activités et à faire de la hausse de la productivité et des suppressions d'emploi une de ses priorités.
Une fois de plus, donc, le Gouvernement impose une logique capitaliste : ouverture à la concurrence et privatisation des profits, socialisation des pertes.
Ce qu'il institue, à l'instar de ce qui a été mis en oeuvre dans le secteur des télécommunications, c'est donc un service public résiduel que l'opérateur historique sera contraint d'assurer a minima, s'alignant cependant sur la gestion des opérateurs privés pour soutenir la concurrence.
Cet étranglement organisé de l'opérateur historique ne sera cependant pas sans conséquences sur le réseau postal, qui structure l'ensemble du territoire national.
Pour toutes ces raisons, nous demandons un rapport détaillé sur les coûts de la libéralisation du secteur postal : coûts humains, coûts sociaux, coûts environnementaux et coûts pour la collectivité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Le suivi des conséquences de la transposition de la directive postale en termes d'emploi et d'aménagement du territoire est déjà assuré par la Commission européenne.
Celle-ci a publié deux rapports sur ce sujet en juillet 2004 ; j'imagine que vous en avez pris connaissance. L'un d'entre eux dresse notamment un premier bilan de l'ouverture à la concurrence du marché postal européen. Il estime d'ailleurs que le nombre total de personnes employées par les prestataires du service universel postal de l'Union européenne a augmenté, entre 2000 et 2002, de près de 5 %, essentiellement grâce aux acquisitions opérées par les cinq plus grands prestataires du service universel.
Nous ne pouvons donc accepter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. M. Hérisson a excellemment dit ce qu'il fallait dire : la Commission européenne publie régulièrement des études sur l'impact des directives. Deux d'entre elles sont particulièrement intéressantes : l'une porte sur les données fondamentales de l'économie postale, l'autre sur les pratiques des Etats membres en termes de régulation sectorielle.
Cet amendement est donc redondant ; le Gouvernement y est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.
M. Gérard Delfau. Je suis très étonné que M. le rapporteur et le représentant du Gouvernement nous expliquent que, désormais, c'est par des rapports de la Commission européenne qu'est évalué ce qui se passe en France.
M. Robert Bret. Il faut voter « non » au référendum !
M. Gérard Delfau. Cet argument est absolument déconcertant et me semble tout à fait hors de propos. Mais, puisqu'il est utilisé, mes chers collègues, allez donc voir ce que sont ces rapports, si vous ne l'avez déjà fait : ils dépeignent ce qui s'est passé dans nombre de pays européens de façon totalement idyllique et tout aussi faussée, si du moins on adopte le point de vue de la qualité du service rendu à la population et non pas celui des bénéfices réalisés par un certain nombre d'opérateurs privés.
Voilà pourquoi je dis vraiment à M. le ministre et à M. le rapporteur que je trouve, cette fois, leur position complètement idéologique, et je ne pense pas que ce soit l'intérêt de La Poste que nous nous engagions dans ce débat-là, sous cette forme-là.
M. Jean Desessard. Voilà qui est envoyé !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° Il est intitulé : « Le service universel postal et les obligations du service postal » et comprend les articles L. 1 à L. 3-2 ;
2° Au début de l'article L. 1, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Pour l'application du présent code, les services postaux sont la levée, le tri, l'acheminement et la distribution des envois postaux.
« Constitue un envoi postal tout objet destiné à être remis à l'adresse indiquée par l'expéditeur sur l'objet lui-même ou sur son conditionnement et présenté dans la forme définitive dans laquelle il doit être acheminé. Sont notamment considérés comme des envois postaux les livres, les catalogues, les journaux, les périodiques et les colis postaux contenant des marchandises avec ou sans valeur commerciale.
« L'envoi de correspondance est un envoi postal ne dépassant pas deux kilogrammes et comportant une communication écrite sur un support matériel, à l'exclusion des livres, catalogues, journaux ou périodiques. Le publipostage fait partie des envois de correspondance. » ;
3° Les trois derniers alinéas de l'article L. 2 sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Un décret en Conseil d'Etat, pris après consultation du prestataire du service universel, et après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, précise les caractéristiques de l'offre de service universel que La Poste est tenue d'assurer.
« Les services postaux relatifs aux envois de correspondance intérieure ou en provenance de l'étranger, y compris ceux assurés par courrier accéléré, sont réservés à La Poste lorsque leur poids ne dépasse pas 100 grammes et que leur prix est inférieur à trois fois le tarif de base. Constituent le secteur réservé, à compter du 1er janvier 2006, les services portant sur les envois de correspondance d'un poids ne dépassant pas 50 grammes et d'un prix inférieur à deux fois et demie le tarif de base. Les envois de livres, catalogues, journaux et périodiques sont exclus du secteur réservé à La Poste.
« Le tarif de base mentionné ci-dessus est le tarif applicable à un envoi de correspondance du premier échelon de poids de la catégorie normalisée la plus rapide. Tant qu'il sert de référence pour la délimitation des services réservés, sa valeur ne peut excéder 1 €.
« Par dérogation au troisième alinéa, la personne qui est à l'origine des envois de correspondance ou une personne agissant exclusivement en son nom peut assurer le service de ses propres envois.
« Un décret en Conseil d'Etat, pris dans les six mois suivant la publication de la loi n° du relative à la régulation des activités postales, détermine les conditions administratives et techniques dans lesquelles les envois recommandés utilisés dans le cadre de procédures administratives ou juridictionnelles sont susceptibles d'être confiés à des prestataires de services postaux. » ;
3° bis Supprimé ;
4° Après l'article L. 2, il est inséré un article L. 2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2-1. - Le prestataire du service universel peut conclure avec les expéditeurs d'envois de correspondance en nombre, les intermédiaires groupant les envois de correspondance de plusieurs clients ou les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3, des contrats dérogeant aux conditions générales de l'offre du service universel et incluant des tarifs spéciaux pour des services aux entreprises. Les tarifs tiennent compte des coûts évités par rapport aux conditions des services comprenant la totalité des prestations proposées.
« Le prestataire détermine les tarifs et les conditions de ces prestations selon des règles objectives et non discriminatoires.
« Ces contrats sont communiqués à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes à sa demande. » ;
5° L'article L. 3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3. - Les prestataires de services postaux non réservés relatifs aux envois de correspondance, y compris transfrontalière, doivent être titulaires d'une autorisation délivrée dans les conditions prévues à l'article L. 5-1, sauf si leur activité se limite à la correspondance intérieure et n'inclut pas la distribution. » ;
6° Après l'article L. 3, sont insérés deux articles L. 3-1 et L. 3-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 3-1. - Les prestataires de services postaux mentionnés à l'article L. 3 ont accès, dans des conditions transparentes et non discriminatoires, selon des modalités techniques et tarifaires prévues dans le cadre de conventions signées à cette fin, aux moyens techniques détenus par le prestataire du service universel qui sont indispensables à l'exercice de leurs activités postales.
« Ces moyens techniques comprennent le répertoire des codes postaux, les informations collectées par La Poste sur les changements d'adresse, un service de réexpédition en cas de changement d'adresse du destinataire, un service de distribution dans les boîtes postales installées dans les bureaux de poste.
« Art. L. 3-2. - Toute offre de services postaux est soumise aux règles suivantes :
« a) Garantir la sécurité des usagers, des personnels et des installations du prestataire de service ;
« b) Garantir la confidentialité des envois de correspondance et l'intégrité de leur contenu ;
« c) Assurer la protection des données à caractère personnel dont peuvent être dépositaires le prestataire du service universel ou les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3, ainsi que la protection de la vie privée des usagers de ces services ;
« d) Exercer ses activités dans des conditions techniques respectant l'objectif de préservation de l'environnement. »
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.
M. Jean Desessard. Je soulignerai en préalable que les élus Verts et moi-même souscrivons totalement aux propos tenus par les membres du groupe socialiste qui sont intervenus cet après-midi, lors de la discussion générale. S'il a pu arriver, à propos de certains textes, que des divergences apparaissent sur les travées de ce côté-ci de l'hémicycle, ce n'est absolument pas le cas aujourd'hui. Et pourtant, nous n'avons pas mis huit ans pour travailler ensemble sur cette question ! (Sourires.)
Au moment d'examiner l'article 1er du projet de loi relatif à la régulation postale, je souhaite vous faire part, monsieur le ministre, de quelques remarques concernant votre façon de transposer les directives européennes.
Si, pour la majorité des Européens, le service universel est une notion claire, en France, nous appelons cela « service public ». De mon point de vue, il aurait été utile de reprendre ce terme et d'affirmer clairement dans la loi que La Poste exerce des missions de service public.
Pour nous, les Verts, il est des domaines où l'accès à un certain nombre de biens et de services doit être garanti pour tous. C'est là le caractère universel du service public : des prestations minimums garanties, avec exigence de qualité.
Poste, éducation, santé, énergie, transports ferroviaires, eau... : dans ces secteurs d'activité, les lois du marché, nous le savons bien, ne peuvent garantir à elles seules la solidarité entre les territoires et entre les citoyens.
Les directives postales de 1997 et de 2002, bien qu'elles soient orientées vers une approche libérale des services d'intérêt général, laissaient pourtant une certaine marge de manoeuvre aux gouvernements pour les transposer.
M. Jean Desessard. Aussi suis-je interloqué de constater que le Gouvernement a délibérément fait le choix de ne pas utiliser les garde-fous autorisés par la directive et de déréglementer au maximum l'ouverture du marché à la concurrence.
Je suis d'autant plus étonné de ce choix que nous nous trouvons aujourd'hui dans un contexte social fragile, notamment sur la question des services publics. Sur ce point, les crispations sont importantes de la part aussi bien des usagers que des élus, qui ne cessent de nous alerter à ce sujet.
Mme Hélène Luc. Le Gouvernement est sourd !
M. Jean Desessard. Je m'interroge en outre sur la logique de cette déréglementation excessive : pourquoi faire un usage restrictif du recours à l'autorisation ?
Dans le cas des envois en recommandé, par exemple, une entreprise pourra concurrencer La Poste sans que l'autorité de régulation ait son mot à dire. Cela signifie notamment que l'assermentation ne sera pas exigée. Dans ces conditions, pourquoi ne pas garder les envois recommandés sous monopole, puisque l'article 8 de la directive de 1997 ne l'interdit en aucune façon ?
Pourquoi ne pas proposer également une transposition claire sur la question du prix du timbre ? Nous devons garantir aux Françaises et aux Français un prix du timbre unique et le plus bas possible. La mention dans la loi d'un timbre à 1 euro maximum laisse entendre que son prix pourrait doubler très rapidement ! Ne trouvez-vous pas que nos concitoyens ont suffisamment de raisons de s'inquiéter pour ne pas en rajouter ?
Concernant la mise en place d'un fonds de compensation du service universel, il est inquiétant de constater que toutes les entreprises concurrentes de La Poste qui ne seront pas soumises au régime d'autorisation délivré par l'ART ne seront sans doute pas obligées d'abonder ce fonds. Ce serait tout de même un comble : les entreprises qui feraient du publipostage, par exemple - activité à forte rentabilité pour La Poste -, non seulement prendraient des parts de marché importantes à La Poste mais ne participeraient pas au fonds de compensation ! C'est là une illustration de l'idée que se fait le Gouvernement de la solidarité territoriale...
On peut d'ailleurs penser, aujourd'hui, que ce fonds de péréquation ne sera pas abondé par grand monde !
Ainsi, monsieur le ministre, vous facilitez la concurrence au lieu de préserver l'avenir de La Poste. D'un côté, vous souhaitez faire bonne figure en réclamant la suspension provisoire de la directive Bolkestein ; de l'autre, vous transposez la régulation postale de façon très libérale, de façon « idéologique », pour reprendre les termes de l'intervenant précédent, en faisant peser la faute exclusivement sur l'Europe.
Monsieur le ministre, ce n'est pas ainsi que vous donnerez envie aux Françaises et aux Français de ratifier le traité constitutionnel européen !
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, sur l'article.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à formuler deux observations.
Ma première observation sera pour m'étonner que cette transposition soit unilatérale et si favorable aux entreprises privées. Je pense qu'elle posera à très court terme des problèmes majeurs d'équilibre financier des activités de La Poste.
Il est ainsi tout à fait étonnant que, s'agissant des envois de courrier recommandé, selon le texte qui nous est proposé, les entreprises privées n'auraient à fournir aucune garantie aux clients. Il y a vraiment deux poids deux mesures ; j'y vois les effets d'un « tropisme libéral », pour employer l'expression à la mode.
Ma deuxième observation portera sur la présence postale et l'évolution du réseau, sujets traités dans cet article 1er.
J'ai depuis très longtemps indiqué ma position en la matière. Une adaptation du réseau est nécessaire en fonction de l'évolution des besoins et de la démographie, à condition que cela se fasse dans le sens d'un approfondissement des missions de service public ou d'intérêt général. Or, dans la mutation rapide que je vois s'opérer sous mes yeux, il me semble déceler certains risques que je voudrais simplement énumérer pour prendre date.
D'abord, cette espèce de forcing qui est fait pour transformer des agences postales en agences postales communales m'amène à dire à mes collègues maires chaque fois que j'en ai l'occasion que, malgré la convention qu'ils signent, ils prennent des responsabilités, notamment en matière financière, qui risquent de les placer dans une situation délicate.
Evidemment, je suis réaliste et je conviens qu'il vaut mieux une agence postale communale plutôt que pas de service postal du tout, mais je voulais tout de même signaler cette difficulté.
Par ailleurs, je suis partisan des points Poste quand il n'y a pas de présence postale. Mais, s'il s'agit de transformer un point de contact, quelle que soit sa nature, en point Poste, je redoute les difficultés liées à la confidentialité. N'oublions pas la complexité de certaines opérations postales : quand on est boucher ou épicier, on n'est pas forcément prédisposé au métier de postier ! Il convient également d'évoquer à nouveau les problèmes de responsabilité.
Dès lors, pour ma part, je n'entrevois que deux possibilités : ou bien ces points Poste ou ces agences postales communales ne proposeront à la clientèle que très peu de services financiers et, dans ce cas, ils seront insuffisants, ou bien le service sera plus large et, très légitimement, les concurrents du secteur bancaire introduiront des recours.
Je ne dis pas qu'il ne faut pas aller dans ce sens, je souhaite simplement montrer les limites du système, parce que certains dirigeants de La Poste donnent l'impression d'avoir trouvé le moyen idéal de transférer, à un moindre coût, toute la charge du réseau.
En ce qui me concerne, je plaiderai pour une formule mixte qui n'a jamais été expérimentée jusqu'ici : des maisons de services au public, et non pas de service public, animées par un postier pourraient offrir des services se rattachant à d'autres entreprises publiques comme EDF ou la SNCF, tout en servant d'antennes de services de proximité, de soins à domicile par exemple, de syndicat d'initiative, etc. Ces structures liées plus ou moins formellement à la commune permettraient d'assurer une palette de services et de satisfaire des besoins qui ne sont pas satisfaits aujourd'hui et qui n'entrent pas, à mon avis, dans le strict domaine de la gestion communale.
Voici les idées que je verse au débat pour cette deuxième lecture. Il me semble que ces sujets reviendront en discussions, mais je voulais les évoquer dès aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel sur l'article.
M. Pierre-Yvon Trémel. Nous avons déposé un amendement n° 96 qui nous semble essentiel dans la mesure où il définit ce que nous voulons pour La Poste et les moyens que nous voulons lui donner pour réaliser les missions qui doivent lui être confiées. C'est pourquoi nous souhaitions que cet amendement soit examiné avant les différents articles du projet de loi.
La commission des affaires économiques a demandé la réserve de cet amendement jusqu'après l'article 8. Je le regrette - même si je suis obligé de m'incliner - d'autant que nous n'avions pas fait référence à la loi de 1990 pour qu'il ne soit pas appelé en discussion commune avec l'article 8, qui modifie l'article 2 de la loi de 1990 définissant les missions de La Poste.
Cela dit, je souhaiterais expliquer notre position sur l'article 1er car il est nécessaire que nous ayons un débat de fond sur ces questions ; nous ne pouvons nous contenter de nous renvoyer à nos responsabilités respectives.
Il est important qu'un texte unique identifie clairement les missions de La Poste ainsi que leurs modalités de financement. Aujourd'hui, de trop nombreuses dispositions sont dispersées dans des textes différents : dans le texte qui nous est soumis, il est fait référence entre autres à des articles de la loi de 1990, à des articles du code des postes et télécommunications. Il est nécessaire de donner un peu plus de lisibilité et de cohérence à la mission de La Poste.
La Poste n'est pas une entreprise comme une autre : elle occupe une place particulière dans la société française et participe pleinement au pacte républicain.
Elle est la première sur de nombreux plans : c'est le premier employeur de France, employant 300 000 agents ; avec ses 17 000 points de contact, elle constitue un réseau de proximité sans équivalent en Europe. Enfin, avec ses 100 000 facteurs, elle incarne un service public de proximité très apprécié des Français.
Dans les communes rurales, La Poste est bien souvent le dernier service public présent après la fermeture de tous les autres. Pour nombre de personnes défavorisées ou à faibles revenus, elle représente le seul accès possible aux services bancaires et financiers.
Dès lors, nous voulons traduire sur le plan législatif cette place à part que La Poste occupe dans notre société.
Nous proposons donc de consacrer ses missions de service public et même de les enrichir. Nous en identifions trois : le service public des envois postaux constitué du service universel postal et de l'aide à la presse, comme c'est le cas aujourd'hui ; la participation à l'aménagement du territoire, ce qui justifie que l'Etat ne se désengage pas de ce secteur ; enfin, nouvelle mission que nous voulons confier à La Poste, le service bancaire universel.
Jusqu'à maintenant, le législateur - sous quelque législature que ce soit - n'a jamais souhaité créer une telle mission de service public. Les produits bancaires sont considérés comme de simples produits de consommation. Pourtant, l'accès aux services bancaires conditionne toute une série d'actes de la vie quotidienne.
La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions qui a été adoptée sur l'initiative du gouvernement précédent a permis pour la première fois d'établir un droit au compte. Nous en avons reparlé à l'occasion du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale présenté par M. Borloo. Mais cela ne suffit pas : il faut tout à la fois combattre l'exclusion bancaire, qui ne cesse de progresser, et offrir un service universel bancaire, à l'image du service universel postal, c'est-à-dire un service qui offre à tous les usagers l'accès aux prestations bancaires à un coût abordable.
Or, ces derniers temps, nous avons constaté que les services bancaires de base devenaient payants et que les banques tentaient de remettre en cause certains services gratuits. Les associations de consommateurs se mobilisent et nous interpellent pour dénoncer cette offensive des banques. Les tarifications n'ont plus rien à voir avec le coût réel des services.
Nous proposons donc de créer un service bancaire universel afin que chacun puisse avoir accès aux prestations bancaires à un coût abordable et, dans certains cas, gratuitement, et ce sans discrimination de quelque nature que ce soit.
Ce service, qui n'est pas exhaustif, devra prévoir la signature d'une convention de compte, le retrait gratuit d'argent dans les distributeurs de billets, la délivrance de chéquiers gratuits et un accès gratuit à des moyens de consultation du compte à distance. Par cette proposition, non seulement nous confortons La Poste dans sa mission de cohésion sociale, mais aussi nous affirmons - ce à quoi nous sommes très attachés - que La Poste n'est pas une banque comme les autres.
Nous proposons ainsi qu'elle devienne un partenaire privilégié des collectivités locales en l'autorisant à offrir à ces dernières des outils spécifiques de financement.
Par ailleurs, il faut aussi que la puissance publique prenne en charge des missions d'intérêt général dont le surcoût n'est pas, aujourd'hui, totalement compensé à La Poste, ce qui la handicape très fortement. La règle devrait être simple : à chaque mission de service public correspondra un financement.
Nous considérons qu'il n'est pas sérieux de faire financer la présence postale par la taxe telle qu'elle est aujourd'hui prévue, nous y reviendrons.
Enfin, nous souhaitons que ces missions de service public soient assurées essentiellement dans les bureaux de La Poste, gérés directement par elle, et non dans des points Poste situés chez les commerçants, où seulement certains services seront rendus.
Bref, nous voulons une Poste au service de nos concitoyens, de tous les usagers. Nous voulons redonner du sens à la notion de service public : les postiers et tous les personnels de La Poste sont prêts à nous suivre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, sur l'article.
M. Paul Blanc. J'ai entendu avec intérêt la suggestion de M. Gérard Delfau sur les maisons de services au public.
Il importe en effet d'offrir à nos populations, en particulier dans les zones de montagne, un ensemble de services, et je crois que ces maisons nous aideraient à y parvenir.
Cependant, je ne pense pas que La Poste ait vocation à être chef de file en la matière.
M. Bernard Piras. Vous préférez que ce soit le charcutier ou au boucher ?
M. Paul Blanc. C'est aux maires que l'on demande tous ces services. Ceux-ci doivent prendre leurs responsabilités, ce qu'ils ont l'habitude de faire, d'ailleurs.
Monsieur le ministre, j'espère vivement que vous pourrez être notre interprète auprès des dirigeants de La Poste, car le statut du personnel communal qui sera chargé de la gestion des agences postales communales nous pose problème.
A cet égard, je souhaite que, dans le cadre de la convention qui sera signée entre les communes et La Poste, la responsabilité des maires ne soit en aucun cas engagée pour des actions relatives à l'activité de ces agences. Il faudra être extrêmement vigilant sur ce point.
Avant tout, la mission des maires est d'assurer à nos concitoyens, sur l'ensemble du territoire national, les services qu'ils attendent.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 58 est présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 97 est présenté par MM. Trémel et Collombat, Mmes Bricq, Durrieu et Khiari, MM. Piras, Repentin, Sueur et Teston, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l'amendement n° 58.
M. Michel Billout. Si, en cet instant, nous discutons plus particulièrement de l'activité postale, je tiens d'abord à faire remarquer que nous sommes parvenus aujourd'hui à une étape décisive concernant l'avenir de l'ensemble de nos services publics.
De ce point de vue, il me semble nécessaire de rappeler un certain nombre d'éléments avant d'entamer plus précisément la discussion sur chacun des articles de ce projet de loi, dont les conséquences pour notre service public postal et pour l'établissement public La Poste seront lourdes.
Aucun des grands services publics - qu'il s'agisse de la santé, de l'eau ou des services publics en réseau tels que les transports, l'énergie ou les télécommunications - n'est épargné par la vague de libéralisation engagée à l'échelle internationale et européenne
En vertu de l'Accord général sur le commerce des services, conclu en 1995, les pays membres de l'OMC sont contraints d'ouvrir à la concurrence les secteurs des services, autrement dit de soumettre au marché et à ses règles concurrentielles des pans entiers de l'économie qui, en France, depuis la Seconde guerre mondiale, avaient été exclus d'une gestion strictement marchande.
Ce processus d'ouverture à la concurrence est relayé au niveau européen par des directives visant à la déréglementation de nos services publics. Nous en avons un exemple concret, aujourd'hui, avec les transpositions des directives de 1997 et de 2002 pour le domaine des activités postales, directives que nous avons combattues à l'époque, monsieur le ministre, et que nous combattons encore aujourd'hui.
A l'échelle nationale, ce processus se traduit par un désengagement, un renoncement de l'Etat face à l'emprise progressive du marché.
Nos services publics ont joué un rôle fondamental en matière d'intégration et de correction des inégalités sociales et territoriales. Ils ont permis l'accès à des droits fondamentaux tel le droit à l'énergie. Devons-nous, aujourd'hui, nous priver de ces biens dits « collectifs », accessibles à tous, exclus du domaine marchand et garantissant des droits fondamentaux ?
Finalement, ces directives ont pour conséquence la dégradation de la qualité du service public postal. Les nouveaux impératifs de rentabilité et de concurrence vont légitimer la fermeture des bureaux de poste jugés peu ou pas assez rentables, ainsi que la hausse du prix du timbre.
Voilà à quoi nous condamne ce véritable désengagement de l'Etat, eu égard aux responsabilités qu'il assumait en matière d'aménagement du territoire et d'intégration sociale !
Devons-nous encore ajouter, comme cela ressort parfaitement dans ce texte de loi, qu'un tel désengagement se traduit aussi par un retrait de l'Etat du champ politique, notamment en ce qui concerne la définition d'une politique à visée véritablement industrielle ?
Que nous vaut cette remise en cause de nos services publics et de la conception particulière qui les fondait ? Quel type de société sommes-nous en train de construire pour les générations futures ?
Ce sont autant de questions qui justifient notre amendement de suppression et auxquelles, nous l'espérons, le Gouvernement apportera des réponses précises.
M. Jean Desessard. Il n'en apportera sûrement aucune !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l'amendement n° 97.
M. Pierre-Yves Collombat. Si la transposition des directives européennes est une nécessité, voire un devoir, tout le monde s'accorde à dire qu'elle doit être compatible avec nos particularités, qui ne sont ni celles de l'Allemagne ni celles de la Pologne.
Or ces particularités me semblent être peu prises en compte dans la présente transposition. Je crains donc que, à tout moment, Colbert ou Turgot ne descendent de leur socle pour nous le rappeler...
M. Bernard Piras. Ils nous regardent !
M. Pierre-Yves Collombat. Certes, monsieur le ministre, mais ils appartiennent à la même tradition française - comme vous le voyez, je remonte tout de même plus loin que Lionel Jospin ! -, laquelle défend, par rapport à nos voisins, une conception spécifique du service public, qu'il ne faut pas confondre avec le service universel.
Or nous constatons que le Gouvernement va au-delà de ce qui est exigé dans les directives européennes, en profitant au maximum de la possibilité qui lui est donnée de prendre des mesures encore plus libérales.
Une telle attitude est regrettable et nourrit l'euroscepticisme qui se développe dans notre pays.
M. Pierre-Yves Collombat. Finalement, bien qu'il prétende le contraire, le Gouvernement ne tient pas compte des particularités nationales dans ses décisions. Or le présent projet de loi aurait pu être l'occasion, pour lui, de les prendre en considération.
Mes collègues l'ont déjà dit, l'article 1er contient des dispositions de transposition de la directive européenne, mais dans un sens beaucoup plus libéral que ce qui était nécessaire.
Ainsi, il aurait été tout à fait possible de conserver les recommandés et le publipostage à l'intérieur du périmètre des services réservés, ce qui n'est apparemment pas prévu.
S'agissant du régime d'autorisation, il a été conçu, en principe, pour sauvegarder le service universel et les exigences essentielles. Or, monsieur le ministre, vous en faites un usage très restreint, qu'il s'agisse de la définition des opérations postales ou du type de courriers ou de colis envoyés.
Les nouveaux entrants vont donc pouvoir s'emparer des marchés les plus lucratifs, ce qui rendra pratiquement impossible le financement du service universel.
Par ailleurs, les modalités d'accès aux installations et aux informations de La Poste constituent pour nous un autre motif d'inquiétude. En effet, ces informations sont libéralement consenties, au détriment, en particulier, de la confidentialité. Je doute qu'il soit tout à fait raisonnable de permettre, par un tel biais, un commerce des listes d'adresses. Je ne suis pas persuadé que les citoyens approuvent le fait que leurs adresses soient transmises à d'autres et fassent l'objet d'un commerce.
Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer cet article.
M. Pierre-Yvon Trémel. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. La réponse est simple : ces amendements révèlent une certaine confusion entre la notion de service public et la notion de monopole.
L'ouverture à la concurrence du secteur postal n'entraîne pas mécaniquement la disparition du service public, bien au contraire. Ce texte a précisément pour objet d'organiser cette ouverture, tout en garantissant la continuité du service universel postal.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 58 et 97.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 59, présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le 2° de cet article insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 1, après les mots : « prix abordables », sont insérés les mots : « , identiques sur l'ensemble du territoire et »
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Historiquement, un modèle de service public en réseau s'est progressivement imposé en France. Son principe fondateur est l'égalité de traitement et d'accessibilité pour l'ensemble des citoyens. Le maillage postal de l'ensemble du territoire puis sa desserte ferroviaire l'ont incarné. Ce modèle appliquait une péréquation financière au sein de chaque réseau afin qu'il puisse être présent sur chaque partie du territoire. Ce maillage traitait à égalité les régions dont l'isolement ou l'enclavement géographique coûtaient cher.
Cette péréquation financière a pris une forme essentiellement tarifaire. Il s'agissait de garantir le même prix pour le même service en tout point du territoire, quels que soient les coûts de production. La péréquation tarifaire des services en réseau est un corollaire de la notion d'égalité devant le service public : il existe donc un lien très fort non seulement entre les notions de péréquation et d'aménagement du territoire, mais aussi avec celle de citoyenneté. Ce modèle est à l'origine du prix unique du timbre en France.
A l'opposé, la libéralisation entraînera, à terme, la fin de la péréquation tarifaire. En effet, les obligations de service universel sont de garantir l'existence, dans chaque Etat membre, d'un service postal offrant un ensemble de services de qualité du point de vue tant de la prestation fournie que de la présence territoriale, le tout à un prix abordable, mais sans la garantie d'un prix unique.
Il est donc important que la loi réaffirme le principe de péréquation tarifaire sur l'ensemble du territoire national. Tel est le sens de notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 98, présenté par MM. Trémel et Collombat, Mmes Bricq, Durrieu et Khiari, MM. Piras, Repentin, Sueur et Teston, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après le 2° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
... - Dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 1, après les mots : « prix abordables » sont insérés les mots : « et au même tarif sur l'ensemble du territoire national, »
... - Le dernier alinéa de l'article L. 1 est supprimé.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. L'instauration d'un prix unique du timbre sur l'ensemble du territoire pour les services relevant du service universel postal est permis par l'article 12 de la directive de 1997, lequel dispose que « les Etats membres peuvent décider qu'un tarif unique est appliqué sur l'ensemble de leur territoire national ».
Il s'agit là de garantir l'égalité de traitement des citoyens devant le service public.
Plusieurs amendements ont été déposés à cet effet par l'opposition à l'Assemblée nationale. Ils ont été rejetés pour le motif suivant, que je reprends quasi intégralement : « Les tarifs ne peuvent être identiques (...) que pour les prestations de base égrenées, c'est-à-dire hors envoi en nombre, et que si le monopole est maintenu. »
Il est donc clair que le Gouvernement n'a pas l'intention de se battre au niveau européen pour maintenir sous monopole le courrier « de tous les jours ». Il a d'ailleurs affirmé sa position, considérant que 2009 sera l'année de la disparition du monopole. Il est tout aussi clair que, à ses yeux, le service public est un service au rabais pour les particuliers : aux grosses entreprises des tarifs compétitifs ; aux particuliers et aux petites entreprises le maintien d'un prix du timbre, certes homogène pour l'heure sur tout le territoire, mais qui ne cessera d'augmenter en raison du manque de ressources pour financer le service universel postal.
Monsieur le ministre, puisque vous avez fait référence tout à l'heure au gouvernement précédent, auquel je suis resté très attaché, je vous rappelle simplement que, sous le gouvernement Jospin, le prix du timbre n'a pas augmenté, ce qui a permis de préserver ainsi le pouvoir d'achat des ménages.
M. Michel Teston. Le gouvernement Raffarin aura, quant à lui, procédé à deux augmentations, faisant passer le prix du timbre de 0,46 euro en 2002, à 0,53 euro au 1er mars 2005.
Nous souhaitons donc ouvrir de nouveau le débat. Nous proposons la suppression de l'article 104 de la loi relative au développement des territoires ruraux, qui a instauré le prix unique du timbre pour les seuls courriers égrenés et sous monopole, soit, au 1er janvier 2006, les courriers de moins de 50 grammes et inférieurs à 1,25 euro.
Nous suggérons donc d'instituer le prix unique du timbre pour les prestations de service universel postal, qui doit être fourni dans le respect des principes du service public, parmi lesquels figurent les principes d'égalité et d'universalité. La péréquation tarifaire et le prix unique du timbre sont des moyens permettant de mettre en oeuvre ces principes.
Pour assurer l'égal accès de l'ensemble de nos concitoyens au service universel postal, quel que soit leur lieu de résidence, il est indispensable que le prix du timbre soit identique sur l'ensemble du territoire national pour les prestations relevant du service universel postal.
Puisque nous faisions référence au passé, intéressons-nous à un passé plus récent : un amendement similaire avait été déposé à l'Assemblée nationale et adopté, me semble-t-il, à l'unanimité.
Il est également vrai, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, que le Sénat l'avait supprimé, suivant en cela l'avis de la commission. J'ai donc envie de poser la question suivante : où est la sagesse sénatoriale ? (M. .Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 99, présenté par MM. Trémel et Collombat, Mmes Bricq, Durrieu et Khiari, MM. Piras, Repentin, Sueur et Teston, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après le 2° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
... ° - Dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 1, après les mots : « prix abordables » sont insérés les mots : « et au même tarif sur l'ensemble du territoire national et de l'Union européenne, »
... ° - Le dernier alinéa de l'article L.1 est supprimé.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Cet amendement a été déposé après la découverte d'une disposition nouvelle. En effet, jusqu'au 1er mars 2005, qu'il s'agisse d'un envoi à destination de la France ou de l'Union européenne, le tarif du timbre était identique.
Le Gouvernement vient de mettre fin à cette règle, en fixant le prix du timbre à 53 centimes d'euro pour la France et à 55 centimes d'euro pour l'Union européenne.
Or rien ne justifie une telle différence de prix, qui nous paraît même contraire à l'idée de construction européenne à laquelle nous sommes attachés.
Cet amendement vise donc à poser le principe suivant : le prix du timbre doit être proposé « au même tarif sur l'ensemble du territoire national et de l'Union européenne. »
A l'occasion de l'examen de cet amendement, je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez le choix de cette tarification, qui n'est pas « lisible » pour nous. Nous ne sommes d'ailleurs pas certains que cette décision soit conforme au droit européen. Par ailleurs, nous pensons qu'une telle disposition risque de handicaper La Poste.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Sur les amendements nos 59 et 98, la commission a émis un avis défavorable, tout simplement parce qu'ils sont satisfaits par l'article 104 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, qui apporte la précision suivante : « Hormis les envois de correspondance en nombre, les services postaux constituant le secteur réservé sont proposés au même tarif de base sur l'ensemble du territoire national. »
S'agissant de l'amendement n° 99, la commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 99.
La question porte sur la distinction entre le tarif national et le tarif européen. Il est un fait que La Poste perd de l'argent sur le prix du timbre pour les envois à destination de l'Europe.
Tout d'abord, le courrier vers l'Europe ou vers l'international est ouvert à la concurrence. Les tarifs pratiqués relèvent donc de la responsabilité de La Poste et ne sont pas soumis à l'homologation du Gouvernement. Si j'approuve la décision prise par La Poste, elle n'est pas, je le répète, de ma responsabilité.
Ensuite, le tarif européen de La Poste est l'un des plus bas par rapport à celui qui est pratiqué par l'ensemble des opérateurs européens. En effet, la moyenne se situe à 0,70 euro. Parallèlement, les coûts de distribution en France, à productivité égale, sont les plus élevés d'Europe du fait des caractéristiques du territoire français, à savoir la superficie, la densité de la population et le relief.
Par ailleurs, l'application de tarifs nationaux et européens identiques étaient l'exception. En effet, seuls quelques opérateurs, dont les tarifs sont généralement élevés, appliquent encore ce principe : il s'agit de l'opérateur finlandais, avec un tarif fixé à 0,65 euro, et de l'opérateur allemand, avec un tarif fixé à 0,55 euro.
Dans ce domaine, la règle, fixée par les accords de Reims, est la suivante : le pays émetteur reçoit le tarif international payé par son client, à savoir le prix du timbre, et paie 75 % du tarif local du pays de destination. Il assume en outre les coûts de commercialisation, de traitement sur son territoire et de transport jusqu'à la plateforme de l'opérateur postal du pays de destination.
Par exemple, pour une lettre de 20 grammes de la France vers la Suisse, La Poste perçoit 0,55 euro, qui est le tarif du timbre. Elle paie à Swiss Post 0,44 euro puisque le tarif domestique en Suisse est de 0,68 euro. Par ailleurs, pour La Poste, le coût de commercialisation, qui comprend la collecte, le tri, le transport et le traitement, est de 0,30 euro. Donc, La Poste, pour envoyer une lettre de 20 grammes en Suisse, perd 0,19 euro.
En suivant le même raisonnement, on constate que La Poste perd 0,17 euro pour envoyer une lettre vers l'Italie et 0,16 euro pour envoyer une lettre vers l'Allemagne.
Il n'y a pas écrit La Poste ! (M. le ministre touche son front.)
M. Jean Desessard. Comment pouvez-vous compter ainsi ?
M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission sur l'amendement n° 99 ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Après ces explications, le bon sens et la réalité économique l'emportent : avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 99 est-il maintenu, monsieur Trémel ?
M. Pierre-Yvon Trémel. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 99 est retiré.
L'amendement n° 100, présenté par MM. Trémel et Collombat, Mmes Bricq, Durrieu et Khiari, MM. Piras, Repentin, Sueur et Teston, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après le 2° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
... ° - Dans l'avant-dernier alinéa de l'article L. 1, après les mots : « et de distribution » sont insérés les mots : « au domicile de chaque personne physique ou morale ou dans des installations appropriées à la demande du destinataire »
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Selon la directive européenne du 17 mars 1997, les Etats membres « prennent des mesures pour que le ou les prestataires du service universel garantissent tous les jours ouvrables et pas moins de cinq jours par semaine » - on fait mieux en France ! - « sauf circonstances ou conditions géographiques jugées exceptionnelles par les autorités réglementaires nationales, au minimum :
« - une levée,
« - une distribution au domicile de chaque personne physique ou morale ou, par dérogation, dans des conditions déterminées par l'autorité réglementaire nationale, dans des installations appropriées. »
Cet amendement vise à préciser que la distribution du courrier est bien effectuée au domicile des usagers, conformément à la directive que je viens de citer. En effet, il n'est pas souhaitable de s'appuyer sur la dérogation énoncée, qui serait source, pour l'usager, de grands risques.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement pourrait faire l'objet d'un avis favorable de la commission, sous réserve d'une rectification.
Il s'agit, en effet, d'apporter cette précision dans le dernier alinéa, et non pas dans l'avant-dernier alinéa, de l'article L. 1 du code des postes et des communications électroniques.
En effet, pour être conforme au point 3 de l'article 3 de la directive du 15 décembre 1997 qui définit la distribution postale, il conviendrait de prévoir que la distribution dans les installations appropriées constitue une dérogation dont l'autorité de régulation détermine les conditions.
Sous réserve de cette rectification, la commission émettra un avis favorable.
M. le président. Monsieur Trémel, acceptez-vous de rectifier l'amendement dans le sens suggéré par M. le rapporteur ?
M. Pierre-Yvon Trémel. Outre le fait que nous avons déjà discuté de cette question en commission, je viens de relire la directive que vous venez d'évoquer, monsieur le rapporteur, et je maintiens en l'état la rédaction de cet amendement.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Sans cette rectification, l'avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, car la notion de distribution, qui existe depuis longtemps dans notre droit postal, ne souffre d'aucune ambiguïté.
En effet, cette notion est largement définie comme la remise des envois au destinataire, dans le cadre aussi bien de l'UPU, l'Union postale universelle, que de la directive postale du 15 décembre 1997 elle-même.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes très attachés à cet amendement, car, si la distribution semble banale et évidente, le refus opposé à la précision demandée par M. Pierre-Yvon Trémel, qui est totalement compatible avec la directive, peut ouvrir la voie à des pratiques, que l'on voit déjà se développer ici ou là, invitant fortement nos concitoyens à accepter que le courrier soit porté non plus à leur domicile, mais à proximité.
Or la rédaction proposée par cet amendement précise bien que de tels dispositifs dérogatoires ne peuvent exister que si les intéressés en sont d'accord, la règle étant que l'on continue de recevoir, chaque jour, la visite du facteur.
Cela peut paraître évident et banal. Pour ma part, je ne souhaite pas que l'on s'engage dans un système qui remette subrepticement en cause cette réalité, à laquelle les Français sont extraordinairement attachés. La distribution du courrier au domicile de chaque personne constitue un élément essentiel du service public.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. J'irai dans le même sens que M. Sueur.
Demain, au nom d'une hypothétique rentabilité, on peut s'attendre à ce que La Poste, ou d'autres opérateurs, exigent des regroupements de boîtes aux lettres, « au bout du chemin », quelquefois à 200, 300 ou 400 mètres des hameaux, ou bien exercent des pressions terribles dans ce sens, car, dans notre pays, le mitage est très important. Or nous n'acceptons pas une telle évolution.
A cet égard, je souhaite que le Gouvernement nous donne l'assurance que cela ne se produira pas et qu'il prendra des dispositions en ce sens. A défaut, nous connaîtrons, demain, une dégradation encore plus importante du service postal, liée à une inégalité de traitement, certaines personnes ne pouvant se déplacer que difficilement pour récupérer leur courrier.
M. Jean-Pierre Sueur. Quel dommage !
M. le président. Je suis saisi de quatorze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 61, présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le 3° de cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. La directive européenne du 15 décembre 1997 comprend, dans son chapitre 2, des consignes relatives au service universel en matière d'activités postales. Les articles 3 à 6 de cette directive énumèrent, pour les Etats, une série d'obligations qui incombent, de fait, à l'opérateur historique.
Les ambitions affichées dans les textes de loi sont cependant relativement minimalistes, si l'on considère l'ensemble des missions que peuvent remplir les entreprises publiques.
Cohésion sociale, aménagement du territoire, égalité de traitement entre les usagers, respect de l'environnement, développement de la recherche sont autant de domaines qui déterminent en grande partie le bien-être de notre société et que les opérateurs publics ont eu pour habitude de promouvoir.
La course à la rentabilité, dans laquelle la décision des ministres et des chefs d'Etat européens « plonge » les opérateurs historiques, menace toutefois gravement ces missions.
En effet, le service universel est défini comme devant garantir l'existence, dans chaque Etat membre, d'un service postal offrant un ensemble de services de qualité, en termes tant de prestation que de présence territoriale, à un prix abordable.
Cette définition, nous l'avons dit, ne garantit pas un prix unique et remet de fait en cause la péréquation tarifaire. En outre, il s'agit d'une vision minimaliste des missions que peuvent remplir les services publics telles que l'aménagement du territoire ou la distribution de la presse.
Ainsi, l'ouverture à la concurrence du monopole rime naturellement avec une augmentation des tarifs : le timbre de base était à 46 centimes d'euro en 2003, il est à 53 centimes d'euro aujourd'hui, ce qui représente une « belle » inflation de 15 % en deux ans. Ce fut également le cas lors de la mise en concurrence dans le secteur de l'énergie, comme en témoigne la hausse du prix de l'électricité.
La Poste augmente donc les tarifs du secteur réservé pour baisser ceux des segments du marché qui seront ouverts à la concurrence et pour lesquels il n'y a aucune obligation de service public. C'est bien la preuve que les particuliers vont faire les frais de l'ouverture à la concurrence : ce sont eux qui vont payer ! Est-ce là votre vision de l'égalité devant le service public et donc de l'égalité des tarifs pour tous ?
Ainsi, le projet de loi prévoit la possibilité d'augmenter le tarif de base jusqu'à un euro, soit une augmentation possible de plus de 88 % !
Telles sont les raisons qui justifient le dépôt de cet amendement.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 60 est présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 101 est présenté par MM. Trémel et Collombat, Mmes Bricq, Durrieu et Khiari, MM. Piras, Repentin, Sueur et Teston, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le premier alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour remplacer les trois derniers alinéas de l'article L. 2 du code des postes et des communications électroniques.
La parole est à Mme Evelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 60.
Mme Evelyne Didier. L'alinéa visé par cet amendement de suppression prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat, pris après consultation du prestataire universel, et après avis de l'Autorité de régulation, « précise les caractéristiques de l'offre de service universel ».
Une telle disposition prive la représentation nationale de ses responsabilités, et nous ne pouvons l'accepter. Il revient en effet au Parlement de déterminer le domaine du service public, a fortiori lorsqu'il s'agit d'un secteur d'activité aussi important pour l'aménagement du territoire et la cohésion nationale.
Nous proposons que la loi fixe les principes devant s'appliquer à la mise en oeuvre du service public dans le but de le garantir. Ce sont ceux de l'égal accès, de l'égalité de traitement, de la continuité territoriale et de la péréquation tarifaire.
La définition du service universel est un point fondamental de ce projet de loi. De cette définition dépend la qualité du service postal sur le territoire national. Il nous semble donc impossible de renvoyer la définition des caractéristiques du service universel à un décret en Conseil d'Etat, et cela sans même que soient précisés les délais.
Comme nous l'avons indiqué en défendant nos amendements précédents, nous tenons à ce que les services publics soient maintenus sur l'ensemble du territoire. C'est la raison pour laquelle nous nous opposons à ce que les caractéristiques de l'offre de service universel soient fixées par décret.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour présenter l'amendement n° 101.
M. Thierry Repentin. Nous considérons qu'il convient d'alléger une procédure beaucoup trop lourde et qui ne permettra pas de modifier facilement les caractéristiques du service universel pour les adapter aux besoins des usagers.
Au demeurant, ce décret n'est pas nécessaire puisque les caractéristiques du service universel sont aujourd'hui précisées par ailleurs dans deux documents : le cahier des charges de La Poste et le contrat de plan.
Enfin, la définition même du contenu du service universel doit, selon nous, rester de la seule compétence du politique : c'est à lui qu'il revient d'arrêter la définition la plus cohérente au regard des attentes de nos concitoyens et de l'assumer. L'Autorité de régulation ne doit pas avoir à donner son avis dans cette affaire.
M. le président. L'amendement n° 63, présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Remplacer le premier alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour remplacer les trois derniers alinéas de l'article L. 2 du code des postes et des communications électroniques par sept alinéas ainsi rédigés :
« La Poste est tenue d'assurer une offre de service public qui prenne en compte notamment :
« - le principe de péréquation tarifaire.
« - le principe de continuité du service public
« - le principe d'égalité devant le service public.
« - la sauvegarde et la promotion d'emplois de qualité.
« - la protection de l'environnement.
« - la sécurité et la rapidité de l'acheminement du courrier.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Par cet amendement, nous entendons inscrire en exergue du présent texte un certain nombre de principes tels que l'universalité, l'égalité, la neutralité, la confidentialité, la continuité et l'adaptabilité, qui sont autant d'éléments indissociables et complémentaires du service public.
Je me permets de signaler au Sénat que cette disposition correspond à un paragraphe d'une résolution adoptée ici même en 1996 sur la proposition de directive n° E-474, relative au développement des services postaux communautaires et à l'amélioration de la qualité du service. D'ailleurs, le rapporteur de cette résolution était déjà notre collègue Pierre Hérisson.
En 1996, la majorité sénatoriale souhaitait donc que le gouvernement d'alors - M. Fillon était le ministre compétent - soit porteur de ces exigences auprès du Conseil des ministres de l'Union. Cette attitude sera-t-elle confirmée aujourd'hui par l'adoption de notre amendement ? Je l'espère, mais j'en doute fort, car comment ne pas constater que ce projet de loi de dérégulation postale tourne le dos aux objectifs affichés hier ici même ?
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour remplacer les trois derniers alinéas de l'article L. 2 du code des postes et des communications électroniques, après les mots :
envois de correspondance
insérer les mots :
intérieure ou en provenance de l'étranger, y compris ceux assurés par courrier accéléré,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement vise à lever l'imprécision des termes du projet de loi pour ce qui est du champ du domaine réservé après 2006.
En réalité, il n'est nullement question de réintroduire le courrier sortant dans le champ du monopole à compter de 2006. Le changement de périmètre du domaine réservé en 2006 se fera en fonction du poids et du prix des envois de correspondance, mais la nature des envois réservés restera la même qu'avant 2006, c'est-à-dire qu'il s'agira exclusivement de correspondance intérieure ou en provenance de l'étranger.
M. le président. Les trois amendements suivants sont présentés par MM. Trémel et Collombat, Mmes Bricq, Durrieu et Khiari, MM. Piras, Repentin, Sueur et Teston, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste et apparentés,
L'amendement n° 103, est ainsi libellé :
Après la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour remplacer les trois derniers alinéas de l'article L. 2 du code des postes et des communications électroniques, insérer une phrase ainsi rédigée :
Le publipostage et les envois recommandés dont l'utilisation est prescrite par un texte légal ou réglementaire sont réservés à La Poste.
L'amendement n° 102 est ainsi libellé :
Après la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour remplacer les trois derniers alinéas de l'article L. 2 du code des postes et des communications électroniques, insérer une phrase ainsi rédigée :
Le publipostage est réservé à La Poste.
L'amendement n° 104 est ainsi libellé :
Après la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour remplacer les trois derniers alinéas de l'article L. 2 du code des postes et des communications électroniques, insérer une phrase ainsi rédigée :
Les envois recommandés utilisés dans le cadre de procédures administratives et juridictionnelles sont réservés à La Poste.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel, pour défendre ces trois amendements.
M. Pierre-Yvon Trémel. L'amendement n° 103 a un double objet : prévoir de manière explicite que le publipostage fait partie des services réservés et maintenir les recommandés prescrits par les textes légaux et réglementaires sous le monopole de La Poste.
La législation européenne autorise le maintien sous monopole du publipostage afin d'assurer dans de bonnes conditions le financement du service universel. Or la rédaction retenue pour définir le périmètre des services réservés ne vise le publipostage que de manière implicite, par la référence à la notion d' « envois de correspondance ». La loi devant être claire et facilement compréhensible pour tous, il paraît souhaitable d'y inscrire expressément que le publipostage est un service réservé.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a mis fin au monopole de La Poste pour les envois de recommandés requis dans le cadre de procédures administratives et juridictionnelles. Par cet amendement, il est proposé de rétablir la législation actuelle, beaucoup plus protectrice des droits des citoyens, et donc de réserver à La Poste l'exclusivité des recommandés régis par un texte légal ou réglementaire.
L'amendement n° 102, qui est un amendement de repli, vise le maintien du publipostage dans les services réservés.
Quant à l'amendement n° 104, il concerne spécifiquement les plis recommandés, dont l'acheminement constitue un service d'intérêt général qui doit être maintenu sous monopole. Il y va de la sécurité juridique de nombre de relations entre les personnes.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous dire comment, avec le dispositif qui a été adopté à l'Assemblée nationale, le pouvoir réglementaire entend encadrer l'envoi de recommandés. Que se passera-t-il en cas de défaillance d'un opérateur ?
Mme Hélène Luc. Bonne question !
M. Pierre-Yvon Trémel. Qui sera responsable ? Quelles conséquences cela aura-t-il sur les procédures en cours ? Ces questions ont donné lieu à un long débat à l'Assemblée nationale. J'aimerais qu'il en aille de même ici, car il est très important qu'il y soit apporté des réponses parfaitement claires.
M. le président. L'amendement n° 105, présenté par MM. Trémel et Collombat, Mmes Bricq, Durrieu et Khiari, MM. Piras, Repentin, Sueur et Teston, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Supprimer la seconde phrase du troisième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour remplacer les trois derniers alinéas de l'article L. 2 du code des postes et des communications électroniques.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement est justifié par la perplexité dans laquelle nous plonge la rédaction de cet alinéa :
« Le tarif de base mentionné ci-dessus est le tarif applicable à un envoi de correspondance du premier échelon de poids de la catégorie normalisée la plus rapide. Tant qu'il sert de référence pour la délimitation des services réservés, sa valeur ne peut excéder 1 euro. »
Pourquoi 1 euro ?
M. le président. L'amendement n° 46 rectifié, présenté par M. Desessard, Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, est ainsi libellé :
A la fin du troisième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour remplacer les trois derniers alinéas de l'article L. 2 du code de la construction et de l'habitation par cinq alinéas, remplacer les mots :
excéder 1 euro
par les mots :
augmenter plus rapidement que 1 centime d'euro par an
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 46 rectifié est retiré.
L'amendement n° 106, présenté par MM. Trémel et Collombat, Mmes Bricq, Durrieu et Khiari, MM. Piras, Repentin, Sueur et Teston, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Supprimer le quatrième alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour remplacer les trois derniers alinéas de l'article L. 2 du code des postes et des communications électroniques.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Le projet de loi organise une dérogation au régime général des services réservés pour les cas où une « personne qui est à l'origine des envois de correspondance ou une personne agissant exclusivement en son nom peut assurer le service de ses propres envois ».
L'exposé des motifs ne justifie pas cette dérogation, qui aurait pour objet d'autoriser la délivrance d'une lettre à l'occasion d'un portage à domicile d'un journal ou de permettre au sein des entreprises l'échange de documents, par systèmes de courriers internes et de casiers.
Les motivations du Gouvernement mériteraient d'être précisées d'autant que la rédaction retenue est peu claire : il n'est pas exclu qu'une entreprise puisse contourner le monopole postal dès lors qu'elle assure elle-même le service de ses envois ou qu'elle le confie à une autre « personne », une de ses filiales par exemple.
En outre, nous aimerions avoir connaissance des cas pratiques que recouvre cette dérogation.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 64 est présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 107 est présenté par MM. Trémel et Collombat, Mmes Bricq, Durrieu et Khiari, MM. Piras, Repentin, Sueur et Teston, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer le dernier alinéa du 3° de cet article.
La parole est à Mme Hélène Luc, pour défendre l'amendement n° 64.
Mme Hélène Luc. Les envois recommandés utilisés dans les procédures juridictionnelles et administratives doivent demeurer dans le secteur réservé de La Poste.
En effet, il existe un lien indissoluble entre poste et prérogatives de souveraineté.
De plus, l'envoi de recommandés est prescrit par de nombreux textes légaux. Cette nouvelle disposition fait peser de gros risques, selon le prestataire choisi, sur la force juridique des actes concernés.
Les intérêts économiques ne sauraient justifier la remise en cause des moyens d'exercice de la justice.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel, pour défendre l'amendement n° 107.
M. Pierre-Yvon Trémel. Par cet amendement, nous manifestons notre refus de la banalisation des envois de recommandés.
M. le président. L'amendement n° 108, présenté par MM. Trémel et Collombat, Mmes Bricq, Durrieu et Khiari, MM. Piras, Repentin, Sueur et Teston, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour remplacer les trois derniers alinéas de l'article L. 2 du code des postes et des communications électroniques par deux phrases ainsi rédigées :
Ceux-ci doivent être titulaires de l'autorisation mentionnée à l'article L. 3, respecter les exigences mentionnées à l'article L. 3-2. A ce titre, leurs personnels doivent être assermentés.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel. Si le Gouvernement maintient sa volonté de banaliser le recommandé, il faut à tout le moins que les prestataires désignés soient titulaires d'une autorisation, respectent les exigences du service public en termes de confidentialité, de protection des données à caractère personnel et de la vie privée. Nous proposons en outre de prévoir que les personnels des entreprises prestataires soient assermentés.
Lorsque cet amendement a été évoqué en commission, une rectification a été suggérée. Je serais prêt à y procéder, mais je souhaiterais auparavant que M. le ministre veuille bien m'éclairer sur la manière dont on pourra vérifier que les règles de confidentialité sont respectées. Nous avions envisagé la solution de l'assermentation parce qu'elle aurait évidemment le mérite de soumettre les concurrents de La Poste aux mêmes exigences que celles auxquelles celle-ci doit se plier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 61. La notion de service universel recouvre la notion de service public et s'accompagne de garanties analogues pour la délivrance de prestations de qualité à nos concitoyens. Il ne s'agit donc, pour l'essentiel, que d'une substitution d'ordre terminologique qui s'impose à nous dans la mesure où elle résulte de nos engagements communautaires.
La commission est défavorable aux amendements identiques n°s 60 et 101. La loi n'a pas vocation à fixer dans le détail les caractéristiques de l'offre de service universel que La Poste est tenu d'assurer. Je ferai remarquer aux auteurs de cet amendement que, en tout état de cause, ces caractéristiques sont aujourd'hui déjà fixées dans le décret n° 90-1214 du 29 décembre 1990, relatif au cahier des charges de La Poste.
Elle est défavorable à l'amendement n° 63, qui vise non pas à préciser les caractéristiques de l'offre de service universel, mais plutôt à fixer les principes de ce service, qui relèvent effectivement de la loi.
Je ferai simplement observer aux auteurs de l'amendement que ces principes sont déjà fixés dans le code des postes et des communications électroniques, notamment en son article L. 1. Celui-ci prévoit, en effet, que le service universel postal est « assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité ».
La commission est défavorable à l'amendement n° 103. Il résulte du 2° de l'article 1er du projet de loi que le publipostage fait partie des envois de correspondance. A ce titre, il sera donc inclus dans les services réservés, dans la limite des plafonds de poids et de tarif qui sont précisés au 3° de cet article 1er. Il est donc impossible d'inclure tout le publipostage, par principe, dans le secteur réservé.
Quant aux envois recommandés prescrits par les textes légaux et réglementaires, l'article 8 de la directive 97/67/CE laisse aux Etats membres la liberté d'organiser, à leur gré, le service de ces envois recommandés. Or il paraît utile d'introduire en ce domaine une concurrence afin d'améliorer la qualité du service
M. Jean-Pierre Sueur. Sa qualité est-elle en cause ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Sur l'amendement n° 102, la commission émet un avis défavorable, pour les raisons indiquées précédemment.
Elle est également défavorable aux amendements nos 104 et 105.
M. Jean-Pierre Sueur. Pour quelles raisons ?
M. Pierre Hérisson, rapporteur. M. le ministre vous donnera tout à l'heure des explications.
La commission est défavorable à l'amendement n° 106. La directive de 1997 prévoit la possibilité d'exclure du domaine réservé le cas de prestation de services postaux par la personne qui est à l'origine des envois ou le cas de la collecte et de l'acheminement de ces envois par un tiers agissant uniquement au nom de leur expéditeur.
Cette exception permet, par exemple, de ne pas faire jouer le monopole de La Poste pour la délivrance d'une lettre de l'éditeur d'un journal - offre d'abonnement, facturation - à l'occasion du « portage » à domicile de ce journal. C'est donc une exception de simplification.
La commission est défavorable aux amendements identiques n°s 64 et 107, pour les raisons qu'elle a indiquées à propos des amendements nos 103 et 104.
Quant à l'amendement n° 108, la commission y est favorable, sous réserve que M. Trémel accepte de le rectifier. Il est effectivement utile de prévoir que les prestataires de services postaux, auxquels sont susceptibles d'être confiés ces envois recommandés, soient titulaires de l'autorisation mentionnée à l'article L. 3 du code des postes et des communications électroniques.
En revanche, il est superflu de prévoir que ces prestataires respectent les règles mentionnées à l'article L. 3-2, puisque toute offre de services postaux y est soumise. A ce titre, toute offre de services postaux doit notamment garantir la confidentialité des envois et l'intégrité de leur contenu et assurer la protection des données à caractère personnel et celle de la vie privée des usagers.
C'est pourquoi la commission ne serait favorable à cet amendement que s'il tendait à préciser que les prestataires sont titulaires de l'autorisation, le reste en découlant logiquement.
M. le président. Monsieur Trémel, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans ce sens ?
M. Pierre-Yvon Trémel. Je suis prêt à accepter cette suggestion, mais je souhaiterais d'abord entendre M. le ministre sur un certain nombre de questions que j'ai posées.
Peut-il nous dire comment le pouvoir réglementaire compte s'y prendre pour que les règles de confidentialité soient effectivement respectées ? Nous estimions, pour notre part, que l'assermentation des personnels plaçait tous les concurrents sur un pied d'égalité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je commencerai pas donner l'avis du Gouvernement, amendement par amendement, sans argumenter. Je fournirai ensuite des explications plus détaillées sur les points délicats.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 61, pour les raisons invoquées par la commission, qui sont excellentes.
Il en est de même pour les amendements identiques nos 60 et 101, ainsi que pour l'amendement n° 63.
Le Gouvernement est, en revanche, favorable à l'amendement n° 1.
Sur les amendements nos 103 et 102, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Les amendements n° 104 et 105 ont également reçu un avis défavorable. J'y reviendrai pour apporter quelques explications.
Mme Hélène Luc. Vous ne donnez pas beaucoup d'arguments !
Mme Hélène Luc. Pour chacun des amendements ?
Mme Hélène Luc. Et les autres ?
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Les arguments qui ont été invoqués par la commission sont excellents. Pour ma part, je vais exposer le point de vue du Gouvernement en donnant des explications sur deux sujets qui me paraissaient plus délicats.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 106, ainsi qu'aux amendements identiques nos 64 et 107.
Quant à l'amendement n° 108, le Gouvernement y est favorable, sous réserve que M. Trémel accepte la rectification que M. le rapporteur a suggérée.
M. le président. Monsieur Trémel, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par la commission et par le Gouvernement ?
M. Pierre-Yvon Trémel. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 108 rectifié, présenté par MM. Trémel et Collombat, Mmes Bricq, Durrieu et Khiari, MM. Piras, Repentin, Sueur et Teston, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste et apparentés, et ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour remplacer les trois derniers alinéas de l'article L. 2 du code des postes et des communications électroniques par une phrase ainsi rédigée :
Ceux-ci doivent être titulaires de l'autorisation mentionnée à l'article L. 3.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Sur l'amendement n° 104, je voudrais vous dire, monsieur Trémel, que les envois recommandés dépassent les plafonds de poids et de tarif pour être inclus dans le monopole. Ils relèvent donc d'ores et déjà du domaine concurrentiel.
Le droit en vigueur n'a pas défini une catégorie particulière de courriers recommandés à l'usage de la justice. Les services judiciaires utilisent le service des recommandés classique. Je crois qu'il faut sortir de cette situation si les utilisateurs le souhaitent, non pas en créant un monopole particulier pour ces futurs services, mais en consultant les utilisateurs et en répondant à leurs besoins.
Pour avoir exercé la profession d'avocat, j'ai très souvent constaté que les procédures s'éternisaient avant de s'effondrer, uniquement parce que la lettre recommandée n'avait pas été régulièrement délivrée et que ne figurait pas au dossier, pour des raisons inconnues, le talon comportant la signature du destinataire.
L'amendement qui a été adopté par l'Assemblée nationale a donc été inspiré par la Chancellerie. Pour des raisons de consolidation des procédures, il nous faudra veiller à ce que ceux qui offrent de tels services répondent bien aux exigences fixées par décret en Conseil d'Etat. Ce sera le rôle de l'Autorité de régulation. Il faut prévoir un encadrement très rigoureux et très exigeant du fonctionnement de la lettre recommandée : il y va de la validité d'un certain nombre de procédures et du fonctionnement même de l'institution judiciaire.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 104.
En ce qui concerne l'amendement n° 105, la fixation de la valeur du tarif de base à un euro s'explique pour des raisons juridiques. En effet, la directive prévoit que le plafond du tarif du secteur réservé ne pourra excéder deux fois et demie le tarif de base. Il suffirait donc d'augmenter indéfiniment le tarif de base pour pouvoir augmenter, par voie de conséquence, le tarif des services réservés. La limitation n'aurait alors aucune signification.
Pour éviter tout laxisme - c'est précisément l'intention du Gouvernement -, il faut bien poser une limite, quelle qu'elle soit - celle-ci est théorique - et nous l'avons fixée à un euro. Même s'il y a de la marge, cette limite permet, pour des raisons constitutionnelles, le fonctionnement du plafonnement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 60 et 101.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 104.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous n'avons pas été convaincus par les explications qui ont été apportées au sujet des envois recommandés.
M. Jean-Pierre Sueur. M. le rapporteur a dit qu'il était nécessaire de développer la concurrence pour assurer une meilleure qualité du service. Or, ce postulat ne va pas du tout de soi. Nous sommes attachés à une certaine conception du service public, dans laquelle La Poste est garante du traitement particulier qui est réservé aux courriers recommandés.
M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à dire que les salariés de La Poste accomplissent ce travail avec un soin tout particulier. Nous n'acceptons pas, pour notre part, ...
M. Jean-Pierre Sueur. Je le sais bien !
Nous n'acceptons pas, disais-je, que l'on mette en cause le monopole de La Poste concernant ces courriers recommandés, notamment pour les procédures administratives et juridictionnelles, car il est consubstantiel de l'idée que nous avons du service public.
Nous observons par ailleurs que la directive n'impose pas la banalisation du recommandé ! C'est pourquoi nous sommes très attachés à cet amendement n° 104.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 105.
M. Jean-Pierre Sueur. Je voulais simplement dire à M. le ministre que, là encore, nous n'avons malheureusement pas été convaincus. Si nous comprenons bien, la question se pose jusqu'au 1er janvier 2006. Est-il sérieux d'envisager que le prix du timbre passe de 0,53 euro à un euro d'ici à cette date ?
M. Jean-Pierre Sueur. Si tel n'est pas le cas, nous craignons que cette disposition, qu'il n'est pas nécessaire de prendre - la directive ne l'impose pas - , n'annonce, d'une manière ou d'une autre, la remise en cause des services réservés, autrement dit une ouverture totale à la concurrence pour le courrier.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 106.
M. Jean-Pierre Sueur. Le texte en question, à savoir le quatrième alinéa du texte proposé pour le 3° de l'article 1er, est très difficile à comprendre. Je félicite ceux qui, à l'instar de M. le ministre, en saisissent le sens !
Je le relis : « Par dérogation au troisième alinéa, la personne qui est à l'origine des envois de correspondance ou une personne agissant exclusivement en son nom peut assurer le service de ses propres envois. »
La formulation « la personne qui est à l'origine des envois de correspondance (...) peut assurer le service de ses propres envois » me semble étrange. Si chacun envoie lui-même ses lettres ou ses paquets, il n'y aura plus de service public !
Compte tenu de la rédaction de ce texte - « la personne qui est à l'origine des envois de correspondance ou une personne agissant exclusivement en son nom » - on ne sait pas qui est la première personne, celle qui a bénéficié de l'article défini, au nom de laquelle agit la seconde, qui a bénéficié, elle, de l'article indéfini...
Tout cela est extrêmement confus.
M. Jean-Pierre Sueur. Peut-être, monsieur le ministre, considérez-vous, vous, que ce n'est pas confus. C'est une opinion que vous avez le droit d'avoir.
M. Jean Desessard. Cela va faire travailler les avocats !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous craignons, nous, comme M. Desessard, que cette formulation quelque peu amphigourique ne suscite de nombreux contentieux et ne conduise à conforter toute une série de services privés qui enverront des correspondances et chargeront des personnes, définies simplement comme étant « une personne », d'envoyer en leur nom d'autres correspondances.
Autrement dit, nous demandons de la rigueur.
Mes chers collègues, il conviendrait qu'avant d'adopter cette disposition nous fassions preuve de prudence, en nous interrogeant sur la bonne lisibilité et la clarté que doit revêtir la loi, afin que nous n'ouvrions pas des brèches que nous regretterions par la suite.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Sueur, si cet alinéa ne me semble pas confus, c'est parce qu'on m'en a expliqué le sens. A mon tour, je puis donc vous le rendre limpide.
Ce sont essentiellement les journaux régionaux qui seront concernés par cette disposition.
M. Jean-Pierre Sueur. Dites-le !
M. Jean-Pierre Sueur. Ecrivez-le dans la loi !
M. Jean Desessard. C'est la simplification administrative !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ils demanderont à leurs réseaux de portage à domicile d'acheminer les relances d'abonnement ou les factures correspondantes.
La liberté de la presse étant un sujet qui vous passionne,...
M. Pierre Hérisson, rapporteur. Très bien !
M. Patrick Devedjian, ministre délégué. ... vous n'allez certainement pas voter cet amendement liberticide ! C'est pour vous éviter de commettre cette erreur que j'ai cru devoir vous donner cette explication.
M. Jean-Pierre Sueur. S'il s'agit de la presse, il est facile de l'indiquer dans la loi !
M. Jean-Pierre Sueur. Oui, mais ce n'est pas écrit dans le projet de loi !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64 et 107.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président. J'ai reçu de Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Eliane Assassi, Josiane Mathon, Marie-France Beaufils, Annie David, Michelle Demessine, Evelyne Didier, Gélita Hoarau, Hélène Luc, MM. François Autain, Pierre Biarnès, Michel Billout, Robert Bret, Yves Coquelle, Guy Fischer, Thierry Foucaud, Robert Hue, Gérard Le Cam, Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Vera et Jean-François Voguet une proposition de loi tendant à appliquer la loi sur la parité à l'ensemble des élections municipales ainsi qu'au sein des exécutifs municipaux.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 226, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Paulette Brisepierre, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Christian Cointat, Robert Del Picchia, Louis Duvernois, André Ferrand, Michel Guerry et Mme Christiane Kammermann une proposition de loi relative à l'harmonisation de l'âge minimal du mariage pour l'homme et pour la femme.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 222, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
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TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil fixant des règles relatives au petit trafic frontalier aux frontières terrestres extérieures des Etats membres et modifiant la Convention de Schengen et les Instructions consulaires communes.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2838 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision-cadre du Conseil relative à la lutte contre la criminalité organisée.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2839 et distribué.
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Renvoi pour avis
M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation pour l'avenir de l'école, (n° 221, 2004-2005) dont la commission des affaires culturelles est saisie au fond est renvoyé pour avis à sa demande, à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
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DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président. J'ai reçu de M. Henri de Richemont un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :
- sur la proposition de loi de MM. Roland Courteau, Jean-Pierre Bel, Mmes Michèle André, Gisèle Printz, M. Serge Lagauche, Mmes Yolande Boyer, Monique Cerisier-ben Guiga, Claire-Lise Campion, Jacqueline Alquier, MM. Claude Lise, Yannick Bodin, Mme Josette Durrieu, MM. David Assouline, Bernard Angels, Bertrand Auban, Mme Maryse Bergé-Lavigne, M. Jean Besson, Mme Marie Christine Blandin, MM. Jean-Marie Bockel, Didier Boulaud, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Nicole Bricq, MM. Jean-Pierre Caffet, Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Michel Charasse, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Raymond Courrière, Yves Dauge, Jean-Pierre Demerliat, Mme Christiane Demontes, MM. Jean Desessard, Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Bernard Dussaut, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Jacques Gillot, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Odette Herviaux, Mme Sandrine Hurel, MM. Alain Journet, Mme Bariza Khiari, MM. Yves Krattinger, André Labarrère, Philippe Labeyrie, Serge Larcher, André Lejeune, Louis Le Pensec, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Roland Ries, Gérard Roujas, André Rouvière, Mme Michèle San Vicente, M. Claude Saunier, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Sergent, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Pierre-Yvon Trémel, André Vantomme, André Vézinhet, Marcel Vidal, Mme Dominique Voynet et M. Richard Yung, tendant à lutter contre les violences à l'égard des femmes et notamment au sein des couples par un dispositif global de prévention, d'aide aux victimes et de répression (n° 62, 2004-2005) ;
- et sur la proposition de loi de Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Hélène Luc, Annie David, Eliane Assassi, M. François Autain, Mme Marie-France Beaufils, MM. Pierre Biarnès, Michel Billout, Robert Bret, Yves Coquelle, Mmes Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Robert Hue, Gérard Le Cam, Mme Josiane Mathon, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Vera et Jean-François Voguet relative à la lutte contre les violences au sein des couples (n° 95, 2004-2005).
Le rapport sera imprimé sous le n° 228 et distribué.
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DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Pierre Masseret un rapport d'information fait au nom des délégués élus par le Sénat à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur les travaux de la délégation française à cette Assemblée, au cours de la première partie de la session ordinaire de 2005, adressé à M. le président du Sénat en application de l'article 108 du règlement.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 225 et distribué.
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ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 9 mars 2005, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif à la régulation des activités postales (n° 149, 2004-2005) ;
Rapport (n° 219, 2004-2005) fait par M. Pierre Hérisson, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission des affaires économiques sur :
- la proposition de résolution présentée par M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, en application de l'article 73 bis du règlement sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (n° E 2520) (n° 177, 2004-2005) ;
- la proposition de résolution présentée par M. Jean Bizet en application de l'article 73 bis du règlement sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (n° E 2520) (n° 182, 2004 2005) ;
- la proposition de résolution présentée par M. Robert Bret et plusieurs de ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen en application de l'article 73 bis du règlement relative à la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (n° E-2520) (n° 209, 2004 2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 14 mars 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 14 mars 2005, à seize heures.
Projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 221, 2004-2005) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 14 mars 2005, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 14 mars 2005, à seize heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 9 mars 2005, à zéro heure trente-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD