M. le président. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 644, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Michel Billout. Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les conséquences de la fermeture de centrales thermiques à flamme en Ile-de-France.
En effet, sur les trois arrêts d'exploitation de centrales actuellement programmés - il faudrait dire pratiquement achevés -, deux concernent les sites de production situés dans le département de la Seine-et-Marne, à Montereau et à Vaires-sur-Marne.
Ce choix de la direction d'EDF risque de mettre gravement en cause la sûreté de l'alimentation et les conditions d'approvisionnement énergétique de la région capitale, en la privant des ressources énergétiques suffisantes pour garantir la continuité du service.
La disparition programmée des moyens de production en Ile-de-France laisse la région totalement dépendante des moyens de production externe. Cette dépendance n'est pas durablement soutenable, compte tenu de l'importance économique et politique de la région, si une rupture significative intervenait sur les alimentations extérieures. Le réseau des transports, vulnérable par nature, deviendrait alors le talon d'Achille de l'alimentation de la région parisienne. Cette région devrait donc avoir les moyens d'assurer sa sécurité minimale.
De plus, tout au long de l'année, la consommation d'électricité subit de grandes variations, saisonnières, journalières, voire horaires. Ainsi, pendant quelques centaines d'heures par an, on observe sur l'ensemble du territoire une demande très importante de puissance électrique, qui est appelée « puissance de pointe ». Il paraît donc nécessaire de mettre en place de nouveaux moyens de production pour répondre à la demande durant ces périodes.
Afin d'assurer la fourniture d'une électricité de qualité à moindre coût, il est indispensable d'installer ces moyens de production dans les régions où les déséquilibres entre production et consommation sont les plus importants.
Concrètement, la région d'Ile-de-France possède un fort potentiel de développement, ce qui laisse supposer que ses besoins énergétiques - notamment dans le département de la Seine-et-Marne - ne vont cesser de croître dans les prochaines années. Actuellement, la région consomme déjà pour ses propres besoins 17 % de la production nationale, alors qu'elle ne dispose que de 6 % de la puissance installée. Dans cette région, la réponse aux besoins énergétiques devrait être prioritaire.
Par de telles décisions, EDF tourne le dos à un développement industriel de recherche et d'innovation technologique ambitieux permettant de répondre pour les années à venir aux besoins en matière d'emplois et de service public à destination des populations et de l'économie franciliennes.
Il faut réfléchir dès à présent à la mise en place d'unités de production en Ile-de-France, qui soient respectueuses de l'environnement, conçues dans le cadre du développement durable, et qui répondent aux besoins en matière d'énergie. Parallèlement, il convient de lancer très vite les études nécessaires.
Il faut aussi oeuvrer à la diversification des modes de production d'énergie et ne pas tout miser sur le nucléaire, qui comporte des coûts lourds de traitement des déchets et ne peut répondre à l'ensemble des demandes.
Or, à Vaires-sur-Marne, par exemple, où l'activité de production va très prochainement cesser, aucun plan de remplacement n'est actuellement prévu : seule est envisagée la possibilité de conserver une turbine à gaz, dans l'hypothèse d'une réouverture du site à l'horizon 2008, voire 2012. Un projet identique avait déjà été proposé par la direction d'EDF en 1992, mais n'avait pas abouti. Il est donc aujourd'hui plus qu'urgent de lancer les études nécessaires pour qu'un tel plan parvienne enfin à voir le jour.
Le terrain de Vaires-sur-Marne est stratégique : il est bien intégré dans l'environnement urbain et dispose de dessertes ferroviaires et fluviales.
Lors de sa très récente audition par la commission des affaires économiques et du Plan et par le groupe d'études de l'énergie, le président d'EDF, M. Gadonneix, a indiqué que son entreprise envisageait à la fois la fermeture totale de certains sites et le redémarrage d'autres afin d'augmenter la production de 2 000 mégawatts.
Cette orientation pourrait être intéressante, mais le président d'EDF n'a pu indiquer ni les échéances ni les sites retenus, ce qui fait craindre une prise de décision trop tardive.
De plus, il ne revient pas à EDF de définir la politique énergétique de la France : cette responsabilité incombe à l'Etat. L'énergie est un domaine fondamental, qui conditionne l'emploi, les transports, la vie, et nécessite donc une maîtrise publique.
C'est la raison pour laquelle je vous prie, madame la ministre, de nous préciser les projets du Gouvernement pour le maintien d'une production d'énergie suffisante en Ile-de-France. Les citoyens ont réellement besoin d'éclaircissements sur les choix en ce domaine, a fortiori lorsque la mise en concurrence de ce secteur fait craindre que l'offre énergétique soit déterminée non plus en fonction des besoins, mais prioritairement, voire exclusivement, selon des critères de rentabilité financière.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, l'énergie thermique à flamme représente actuellement 3 % à 4 % de la production d'EDF en France. Il s'agit d'une énergie d'appoint, utilisée essentiellement en période de pointe, en complément du nucléaire et de l'hydraulique.
Cette production est assurée par dix-sept centrales thermiques à flamme. Certaines de ces installations, qui ont une quarantaine d'années, atteignent leur fin de vie et toutes posent le problème du respect des normes environnementales. En effet, l'évolution des normes européennes rendra obligatoires, sur certains sites, des investissements extrêmement importants, absolument incompatibles avec la rentabilité de ces centrales.
C'est ce qui a amené EDF à annoncer l'arrêt de la production de certaines de ces centrales d'ici à deux ans, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur.
Concernant plus spécifiquement les sites de Champagne-sur-Oise, Vaires-sur-Marne et Montereau, l'arrêt s'échelonne entre 2003 et 2005. Le cas de chaque agent sera étudié individuellement afin que celui qui travaille dans l'un de ces sites puisse continuer sa carrière au sein de l'entreprise. Les discussions à ce sujet ont été engagées par EDF avec les partenaires sociaux depuis plusieurs mois.
Chaque salarié bénéficiera d'une solution adaptée et des mesures d'aides à la mobilité prévues par EDF. Il existe en effet un besoin de compétences au sein de l'entreprise, et des possibilités d'intégration sont d'ores et déjà identifiées au sein même du thermique à flamme, dans le nucléaire, l'hydraulique et la distribution.
En ce qui concerne les conséquences engendrées par la fermeture de ces trois sites sur la production énergétique, la question de l'équilibre entre l'offre et la demande doit se traiter à l'échelon national, étant donnée l'étendue du réseau de transport d'électricité.
Il ressort de l'examen du dernier bilan prévisionnel du réseau de transport d'électricité, le RTE, que la question de l'équilibre entre l'offre et la demande ne devrait pas se poser avant 2010. Afin d'anticiper les besoins à cet horizon, EDF a déjà engagé des études de faisabilité concernant une tranche « cycle combiné gaz » et une tranche « charbon propre ». L'entreprise sera ainsi prête, si le besoin s'en faisait sentir, à mettre en place de nouveaux moyens de production qui fassent appel aux meilleures technologies disponibles et soient respectueux de l'environnement.
Le gestionnaire du réseau de transport d'électricité actualise le bilan prévisionnel, qui sera remis au Gouvernement au cours du premier semestre de l'année 2005. Les services travaillent également au prochain rapport sur la programmation pluriannuelle des investissements de production électrique, qui sera présenté au Parlement dans le courant de l'année. La question que vous soulevez, monsieur le sénateur, fera l'objet d'un examen très attentif dans ce cadre.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Madame la ministre, je vous remercie des précisions que vous venez d'apporter. Néanmoins, je dois l'avouer, elles ne me rassurent pas totalement ! Je n'ai en effet pas le sentiment que cette réflexion prenne réellement en compte la spécificité de la région d'Ile-de-France.
Mais vous avez raison : nous aurons l'occasion de revenir sur cette question lors d'un prochain débat.
répartition des coûts de traitement des déchets
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la question n° 630, adressée à M. le ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Thierry Foucaud. Madame la ministre, le financement de la collecte et du traitement des déchets ménagers pèse aujourd'hui lourdement sur les ménages. La contribution de nos concitoyens à ce titre n'a cessé d'augmenter, à tel point que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères est aujourd'hui le quatrième impôt local.
Il y a fort à craindre que cette hausse ne se poursuive, si un nouveau mode de financement n'est pas mis en place très rapidement. D'ailleurs, un grand nombre d'installations, vous le savez, sont arrivées aujourd'hui à saturation et de nouvelles normes sont applicables concernant les déchets d'équipements électroniques et électriques.
L'augmentation de la contribution des ménages est, de l'avis des élus comme de la population, injuste et inefficace. Les protestations sont d'ailleurs nombreuses : la population ne comprend pas que ses efforts en matière de tri sélectif n'entraînent aucune baisse de leur contribution. On peut redouter que ces protestations ne perdurent si, demain, la population doit réduire la quantité de déchets, alors qu'elle paye toujours.
Pour être efficaces, ces politiques - tri sélectif, valorisation et réduction des déchets - doivent faire prendre toutes leurs responsabilités aux industriels et les inciter à produire autrement.
Le projet de décret fixant le barème de prise en charge par les industriels pour la gestion des déchets d'équipements électriques et électroniques, s'il pose certaines obligations dans ce sens, reste largement insuffisant. En effet, il ne prévoit aucun financement pour la mise en place de points de collecte par les collectivités locales. Or ces points de collecte sont indispensables.
Par ailleurs, le nouveau barème de calcul du soutien financier versé par les sociétés Eco-Emballages et Adelphe aux collectivités locales conduit à réduire l'aide aux collectivités les plus performantes.
A ce sujet, lors du 86e congrès de l'Association des maires de France, une résolution a rappelé que les maires souhaitent « que les soutiens financiers versés par les organismes agréés [...] couvrent, à terme, l'intégralité des dépenses de collecte et de traitement des emballages ménagers supportées par les communes. Les maires ont demandé que ces soutiens représentent, à partir du 1er janvier 2005, une moyenne de 12 euros par habitant trieur ».
Certes, une compensation est prévue jusqu'en 2008. Mais qu'en sera-t-il après cette date ?
Je vous demande donc, madame la ministre, quelles mesures le ministre de l'écologie et du développement durable entend prendre pour que la participation des industriels permette de respecter le principe de prévention.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention du Gouvernement sur la participation des sociétés produisant ou important certains biens à l'élimination des déchets issus de ces biens.
Vous soulignez à juste titre l'intérêt de la participation des industriels à l'élimination des déchets issus des biens qu'ils mettent sur le marché. Une telle participation les incite à prendre davantage en compte, dès la conception du produit, une meilleure « fin de vie » de celui-ci. Elle a donc un impact favorable en termes de prévention de la production de déchets.
En revanche, le Gouvernement ne partage pas votre point de vue sur les déchets d'équipement électriques et électroniques et les emballages. Il n'y a pas de recul de l'engagement des industriels pour le financement du traitement de certains flux de déchets, bien au contraire.
Ainsi, s'agissant des emballages, les sociétés agréées ont fait état, dans leur demande d'agrément, d'une augmentation des soutiens aux collectivités, qui passeraient de 300 millions d'euros en 2003 à 500 millions d'euros en 2008.
Il est vrai que, pour certaines collectivités, les simulations montrent que, sans mesure compensatoire, le passage au nouveau barème se traduirait par une diminution des soutiens versés. Le Gouvernement a donc demandé une augmentation de cette compensation, qui sera ainsi égale à 100 % de la différence entre l'ancien et le nouveau barème jusqu'en 2008, hors soutiens expérimentaux.
Par ailleurs, le ministre de l'écologie a souhaité que, au cours du premier semestre de l'année 2008, un bilan des montants effectivement versés soit réalisé afin de le comparer aux prévisions.
Enfin, il faut ajouter que les soutiens à l'optimisation qui ont été introduits dans les agréments répondent justement au souci de ne pas faire subir à nos concitoyens, qu'ils soient contribuables ou consommateurs, des coûts qui ne sont pas justifiés du point de vue écologique.
C'est sur cette base, monsieur le sénateur, que les arrêtés portant agrément des deux sociétés Eco-emballages et Adelphe ont été signés à la fin de 2004.
S'agissant des déchets d'équipements électriques et électroniques, ce dispositif présente un double intérêt.
D'une part, la mise en place de collectes sélectives permettra de traiter ces déchets dans des conditions plus adaptées.
D'autre part, pour répondre à votre légitime préoccupation, monsieur le sénateur, la prise en charge, par les industriels, du traitement des déchets issus de leurs produits les incitera à prendre en compte, en amont, les difficultés que peut poser ledit traitement.
Le projet de décret que vous avez cité prévoit une forte implication des industriels dans le traitement de ces déchets.
Les producteurs seront, en effet, responsables de l'enlèvement des déchets d'équipements électriques et électroniques collectés sélectivement et de leur traitement. C'est l'essentiel du coût de gestion de ces déchets. Par ailleurs, et contrairement à ce que vous indiquiez, ils participeront financièrement aux collectes sélectives réalisées par les communes.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Dans votre réponse, madame la ministre, j'ai senti un certain embarras, mais aussi le signe de la volonté du Gouvernement de faire évoluer la situation.
Je tiens à formuler quelques remarques.
La vocation première d'Eco-emballages est de soutenir les collectivités pour la mise en place du tri sélectif, mais il ne faut pas oublier que cette entreprise verse aujourd'hui des aides à d'autres partenaires et s'investit dans d'autres missions. Cette tendance se trouve renforcée, d'ailleurs, par l'arrêté portant agrément du 1er janvier 2005.
Je ne conteste pas les chiffres que vous avez cités, car ils sont justes ; le montant global de la contribution versée aux collectivités augmente effectivement, puisque, de 300 millions d'euros en 2003, il passera à 500 millions d'euros en 2008. Je tiens toutefois à souligner que le nombre de bénéficiaires augmente lui aussi, d'où un nouveau barème « en escalier ».
L'ancien barème pour l'aide aux collectivités, le barème C, permettait aux collectivités d'accroître leur soutien au financement des tonnages triés. Avec le nouveau barème, la progression se fera par paliers, et, une fois atteint un certain tonnage, l'aide retombera au premier niveau, sans que, dans le même temps, il y ait de quoi récompenser les collectivités locales les plus performantes.
Cela rejoint la remarque que je faisais s'agissant cette fois de nos concitoyens, qui ne comprennent pas qu'on leur demande de trier, et, parallèlement, que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères augmente.
Quant au barème « amont », qui concerne la contribution industrielle, il est sans rapport avec les dépenses des collectivités, mais il est fonction des besoins de financement d'Eco-emballages.
C'est pourquoi, lors de leur 86e congrès, les maires de France ont rédigé une résolution, dont j'ai extrait une longue citation tout à l'heure.
Madame la ministre, il s'agit là d'une question à suivre, d'une question d'ores et déjà d'actualité, à la fois pour les collectivités locales, qui paient très cher, et pour la population, qui pense payer trop cher. Nous pouvons admettre que nos concitoyens supportent une partie des coûts de traitement des déchets, qui doivent être éliminés, mais non qu'aujourd'hui, alors qu'ils ont acquis une culture du tri sélectif, ils payent de plus en plus cher. C'est ce point qu'il faut revoir.
traçabilité des aides apportées aux pays victimes de graves catastrophes naturelles et aux pays en voie de développement
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, auteur de la question n° 648, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.
Mme Marie-Thérèse Hermange. La récente catastrophe qui a touché les pays d'Asie du Sud-Est a suscité un vaste mouvement de solidarité tant en France qu'en Europe et dans le reste du monde, élan auquel a largement contribué le ministère des affaires étrangères.
Les particuliers ont fait des dons importants aux diverses organisations non gouvernementales et aux associations. Quant aux Etats, dont la France, ils ont dispensé à la fois des aides de première urgence et des aides programmées sur le long terme.
Nombre de nos concitoyens, maintenant que l'effet médiatique s'est un peu estompé, souhaiteraient une plus grande traçabilité des aides apportées aux pays victimes de ces catastrophes naturelles, qu'il s'agisse de ceux de l'Asie du Sud-Est, de l'Iran, victime, l'année dernière, d'un tremblement de terre, ou bien encore des pays en voie de développement.
En conséquence, nous voudrions savoir s'il est envisagé de leur transmettre les données relatives aux aides dispensées par eux-mêmes ainsi que par l'Etat français, à savoir le montant global des aides immédiates et ultérieures apportées aux pays d'Asie du Sud-Est, les projets précis associés à ces aides, et les responsables de ces projets, la part des aides engagées en faveur de l'Iran, et, d'un point de vue plus général, le pourcentage du budget de la France consacré à l'aide au développement des pays étrangers, hors départements et territoires d'outre-mer.
Par ailleurs, sera-t-il mis à leur disposition des supports d'information et de suivi de ce type d'action, notamment un site Internet ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Madame la sénatrice, je suis bien conscient de la nécessité de veiller au suivi et à la transparence de l'aide. Comme vous l'avez souligné, le rythme du coeur et de la solidarité n'est pas toujours à l'unisson du rythme de la reconstruction.
Or, depuis deux ans et demi chargé de l'aide humanitaire d'urgence au sein du Gouvernement, je peux témoigner de ce que les drames se sont succédés.
La dernière catastrophe en date, le tsunami, a suscité la mobilisation très importante des Français, des collectivités locales, des institutions et, bien sûr, de l'Etat. Il est donc important de veiller à une transparence absolue.
Je rappelle que l'aide financière apportée par les pouvoirs publics français s'élève à une cinquantaine de millions d'euros, auxquels s'ajoutent les 300 millions d'euros de facilités de paiement accordées par le ministère des finances et de nombreux dons privés, d'organisations ou de personnes.
Afin de faciliter le suivi et la parfaite transparence de cette aide donnée par le Gouvernement français aux pays touchés par le tsunami, le ministère des affaires étrangères a réuni, sur son site internet, toutes les informations relatives au montant de cette aide et à son affectation, informations qui sont ainsi accessibles à tous.
Ce site ne peut, toutefois, pas encore donner tous les détails de la reconstruction, car les projets sont, à l'heure actuelle, en cours d'élaboration sur la base des besoins que nous avons identifiés sur place.
Par ailleurs, le Premier ministre a nommé un délégué interministériel qui est chargé de coordonner l'action des différents services de l'Etat et d'assurer la liaison avec les organisations non gouvernementales ainsi qu'avec les grandes organisations internationales, au premier chef desquelles les Nations unies et l'Union européenne.
Pour ce qui est de l'aide apportée par les ONG et les collectivités locales, il ne revient pas au ministère des affaires étrangères de rendre publiques les informations qui la concernent : cela relève de leur libre initiative. Cependant, un tableau retraçant les renseignements dont nous disposons sur l'engagement des collectivités locales est disponible sur le site internet du ministère des affaires étrangères, en accord avec ces dernières, ce afin de mieux coordonner toutes les actions.
Nous avons réuni les présidents des assemblées locales, maires, présidents de conseils généraux et de conseils régionaux, et nous avons validé avec eux un système qui permettrait de désigner un pays, une région, un site, un projet clairement défini, un interlocuteur sur place, de façon à obtenir la transparence la plus totale ; nous nous sommes également mis d'accord sur une durée, de trois ans à cinq ans, dans la mesure du possible, pour garantir la pérennité de l'action.
Cet après-midi, au ministère, est organisé un conseil d'orientation d'action humanitaire, de façon que, justement, en toute liberté, et conformément à cet élan de générosité, soient assurées la transparence et la coordination entre les différents acteurs, que ce soit l'Etat, les entreprises, les collectivités territoriales ou les ONG.
J'en viens à l'Iran. A la suite du séisme qui a frappé la ville de Bam, le 26 décembre 2003, le Gouvernement a immédiatement envoyé sur place une équipe de la sécurité civile, un hôpital de campagne et des médicaments. Parallèlement, plusieurs entreprises françaises ont annoncé des dons.
A ce jour, 2,8 millions d'euros ont été recueillis auprès des entreprises françaises, auxquels s'ajoutent 500 000 euros du ministère des affaires étrangères et 160 000 euros du ministère de la culture.
Pour gérer tout cela avec efficacité, un comité franco-iranien de pilotage de l'aide française à Bam a été créé, coprésidé par l'ambassadeur d'Iran à Paris et le ministère des affaires étrangères.
Ce comité a validé les projets et l'argent recueilli a été utilisé pour l'hôpital de Bam, qui compte quatre-vingt-seize lits et que les Iraniens ont d'ailleurs décidé d'appeler dorénavant « hôpital Pasteur ». L'argent a été consacré à l'achat d'équipements médicaux et à la construction de bâtiments pour le personnel de l'hôpital.
L'hôpital sera inauguré vraisemblablement dans le courant du mois par M. Darcos, qui doit se rendre sur place. Un jumelage entre cet établissement et un hôpital marseillais est à l'étude. Je tiens, à ce propos, à saluer l'action du sénateur-maire de Marseille et du conseil municipal pour leur soutien, et je le fais avec d'autant plus de plaisir qu'ils sont aujourd'hui présents dans nos tribunes.
Ces fonds ont également été employés à la numérisation des cartes de la ville et de la citadelle, afin que soit planifiée la reconstruction, à la fourniture de vingt stations portables pour le réseau de détection et de prévention des risques sismiques et, enfin, à un appui en matière d'urbanisme et de restauration du patrimoine. Grâce à notre aide, la ville de Bam a été classée patrimoine en danger de l'humanité par l'Unesco en juin 2004.
Quant à l'aide au développement - Dieu sait si le débat est passionné ! - la France y a consacré, en 2003, 6,4 milliards d'euros, soit 0,41 % de sa richesse nationale, DOM-TOM inclus, et 0,40 %, c'est-à-dire 6,22 milliards d'euros du RNB, hors DOM-TOM.
Je sais à quel point, madame la sénatrice, vous êtes impliquée en ce domaine de l'aide et de l'action d'urgence. Je tiens à vous remercier pour votre soutien.
Dans un souci de traçabilité et de lisibilité totales, le ministère des affaires étrangères a rédigé un rapport d'activité et l'a mis en ligne sur son site internet, ce qui permet ainsi de répondre à de nombreuses questions que se posent nos concitoyens. Ce site devrait comprendre, entre autres, un encadré sur l'aide française à Bam dans sa version 2004.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le secrétaire d'Etat, s'il ne revient pas au ministère des affaires étrangères de communiquer le montant de l'aide apportée par les collectivités locales, vous venez vous-même d'apporter la preuve que, en termes de lisibilité, un projet français peut se révéler porteur lorsqu'il y a un lien entre toutes les institutions : l'hôpital de Bam, en Iran, ne sera-t-il pas désormais dénommé « hôpital Pasteur » ?
Lorsque, voilà trois ans, j'ai élaboré pour l'ONU, à la demande du Président de la République, un rapport à la suite du sommet mondial de l'enfance, pour faire le bilan de notre politique, j'ai constaté à quel point les actions de la France en matière d'aide au développement étaient importantes, mais aussi, en même temps, à quel point elles étaient illisibles, parce qu'elles étaient dispersées et qu'elles traduisaient mal la volonté d'agir, qui, elle, existait bel et bien.
Par ailleurs, vous avez dit que la France consacrait à l'aide au développement 0,41 % de sa richesse nationale. Or, vous savez qu'aux termes des engagements qu'il a souscrits, notre pays se doit d'affecter 0,7 % de son budget à la lutte contre le sous-développement.
Il me paraît d'autant plus important de rappeler ces chiffres qu'une étude comparative réalisée voilà quelques années par un organisme de recherche dépendant de l'UNICEF, le Centre Innocenti, qui est basé à Florence, montre combien les pays du nord de l'Europe aident au développement d'un certain nombre d'autres pays, contribuant ainsi à résoudre des problèmes que rencontre notamment la jeunesse, et, par comparaison, combien nous sommes en retard en la matière.
Je vous incite, monsieur le secrétaire d'Etat, à faire lire cette étude comparative par vos services.
M. le président. Je vous remercie, ma chère collègue, et vous aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, de vos propos, qui auront été appréciés à la fois dans l'hémicycle et dans les tribunes. (Sourires.)
création d'un centre de la mémoire
M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet, auteur de la question n° 653, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Daniel Goulet. Monsieur le secrétaire d'Etat, le jour même de la célébration du 60e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, le 27 janvier 2005, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe était invitée à créer un « centre européen en mémoire des déplacements forcés de populations et du nettoyage ethnique », proposé par sa commission des migrations, des réfugiés et de la population, sur le rapport de M. Mats Einarsson, un Suédois.
Il est très vite apparu à la délégation française, qui a unanimement rejeté cette proposition, que la création de ce centre pouvait donner lieu à une ambiguïté fort déplorable, voire à une confusion inadmissible, et, enfin, qu'elle pouvait avoir des effets déstabilisateurs pour la réconciliation européenne, encore fragile.
Il faut se souvenir que ce projet tire son origine de la proposition, formulées par des personnes de souche allemande, chassées des territoires anciennement germaniques ou soumis par le IIIe Reich, de la création d'un « centre contre les expulsions ».
Il est à noter également que la création d'un tel centre avait été rejetée par le Bundestag et clairement repoussée par le chancelier Gerhard Schröder, inquiet de l'émotion qu'elle soulevait en Pologne, notamment au Parlement, ainsi qu'en République tchèque.
Après en avoir délibéré avec beaucoup de difficultés, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe n'a pas adopté ce texte, qui n'a pas recueilli les deux tiers des voix. Il est désormais convenu que ce texte ne pourra être ni de nouveau présenté ni de nouveau débattu.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, il semble que les signataires de cette proposition aient décidé de la représenter et de la faire adopter par les chefs d'Etat lors du troisième sommet du Conseil de l'Europe, qui aura lieu à Varsovie, au mois de mai prochain.
De l'avis de nombreux autres représentants, en dehors de la délégation française, qui avait pris l'initiative du rejet, une telle proposition, si elle apparaissait déjà inopportune à l'heure où l'on célébrait, dans la dignité et la ferveur, le 60e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz, est désormais plus que contestable. La réflexion s'est installée parmi les autres délégations européennes. Il ne peut s'agir en la circonstance que d'un amalgame fâcheux et inadmissible.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite savoir quelle sera la position du gouvernement français sur cette importante question lorsqu'il représentera la France, les 17 et 18 mai prochain, lors du troisième sommet du Conseil de l'Europe, à Varsovie.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Monsieur le sénateur, l'année passée et celle qui s'ouvre ont été l'occasion de rappeler à notre mémoire les crimes odieux commis au cours de la Seconde Guerre mondiale. De par l'histoire de ma famille, vous le savez, je suis particulièrement sensible à ces événements.
M. Mats Einarsson, parlementaire suédois membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, a suggéré la création d'un centre européen en mémoire des victimes des déplacements forcés de populations et du nettoyage ethnique. Cette proposition, qu'il avance dans son rapport présenté devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, serait destinée à faciliter la réconciliation et la création d'une mémoire européenne commune, à faciliter la prévention des conflits ethniques et à combattre le racisme et la xénophobie.
Le mandat de ce centre porterait sur tous les déplacements de populations passés, présents et futurs. Ce centre mènerait des recherches historiques, élaborerait des matériels pédagogiques, organiserait des conférences et financerait des organisations non gouvernementales.
Ce projet aurait été proposé, toujours selon M. Mats Einarsson, afin d'étendre à l'échelon européen le projet de créer en Allemagne un « centre contre les expulsions ». Il visait à éviter les focalisations sur des situations bilatérales.
Comme vous l'indiquez, monsieur le sénateur, la délégation parlementaire française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, APCE, s'est prononcée contre ce projet.
M. Daniel Goulet. A l'unanimité !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. En effet.
Ce projet n'a pas recueilli la majorité des voix de l'APCE.
Vous sollicitez, monsieur le sénateur, la position du Gouvernement sur ce point.
La création d'un tel centre, peut, à première vue, sembler constituer un « outil pédagogique » pour situer les événements tragiques qui ont caractérisé l'Europe du XXe siècle.
A l'inverse, la même création peut très clairement contribuer à créer des confusions entre des événements ou des tragédies de nature très différente. Nous ne pouvons risquer d'uniformiser tous ces événements tragiques en oubliant la spécificité de la Shoah.
En particulier, l'année 2005 est marquée par une succession de commémorations à l'occasion du 60e anniversaire de la libération des camps d'extermination. Le document proposé ne distinguait pas assez nettement ces victimes des personnes soumises par ailleurs à des déplacements forcés.
Pour ces raisons, qu'il soit clair, net et précis que nous ne pouvons pas apporter notre soutien à ce projet, tel qu'il est actuellement conçu.
Par ailleurs, je rappelle que, en avril 2004, j'ai représenté la France lors de la conférence de Berlin de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, sur la lutte contre l'antisémitisme. La France a, en outre, accueilli la conférence spéciale de l'OSCE dédiée à la lutte contre les crimes racistes et antisémites sur Internet en mai 2004. A chaque fois, au nom de la France, j'ai défendu la spécificité du génocide des juifs. Notre détermination ne faiblira pas sur ce point.
Je tiens à vous remercier, monsieur le sénateur, de cette question, qui me permet de clarifier une fois de plus, s'il en était besoin, la position du gouvernement français.
M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet.
M. Daniel Goulet. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse est claire, nette et sans ambiguïté. Je n'en attendais pas moins de vous et du gouvernement que vous représentez ici. Je vous en remercie, et pas seulement en mon nom.
Que l'on ne se méprenne pas sur la motivation qui animait la délégation française lorsqu'elle a été conduite à s'opposer à l'initiative de la création de ce centre. La délégation ne nie pas la réalité des déplacements de populations, importants et insupportables, qui ont eu lieu pendant la Seconde Guerre mondiale, dans une partie du monde qui a beaucoup souffert et dont les habitants n'aspiraient qu'à vivre tranquillement. Il ne faut pas méconnaître ces souffrances. Mais, de grâce, ne faisons pas d'amalgame, ne faisons pas de confusion. Nos contemporains ne l'accepteraient pas.
Une différence doit donc absolument être maintenue en faveur des martyrs de la solution finale, dont nous avons honoré la mémoire il y a quelques jours à peine, ainsi que des résistants qui ont payé de leur vie la libération de leur pays respectif.