M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire.
Près de 220 000 morts en quelques heures : c'est le bilan du tsunami qui nous a rappelé que, malgré les progrès technologiques, les hommes sont vulnérables devant les catastrophes naturelles, lesquelles ne sont pas l'apanage des contrées lointaines.
En témoigne le fait que la Réunion a également été touchée : ma collègue Anne-Marie Payet m'a indiqué que nombre de bateaux ont été détruits sur la côte ouest.
En témoigne aussi l'adoption de la loi relative à la prévention des risques technologiques et naturels, texte dont le rapporteur au Sénat fut Yves Détraigne.
Certains risques nécessitent cependant plus que des plans mis en place par la loi : des investissements lourds sont nécessaires, mais ne sont toujours pas effectués.
Ma question porte sur deux risques bien identifiés pour lesquels de tels investissements doivent être réalisés.
Premièrement, un phénomène tel que celui qui s'est manifesté en Asie du Sud-Est pourrait un jour s'abattre sur nous. La rencontre entre les plaques africaines et eurasiennes en Méditerranée fait de cette mer une zone à fort risque sismique.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la France dispose-t-elle d'un système d'alerte et de prévention pour faire face à un tsunami méditerranéen qui submergerait ses côtes et celles des pays voisins ?
Deuxièmement, tous les spécialistes s'accordent à dire que Paris n'échappera pas à une crue centennale, telle que celle de 1910.
Il faut savoir que, du fait des changements climatiques en cours, lors de la crue qu'a connue Prague en 2002 - crue qui a présenté de nombreuses similitudes avec la crue de la Seine -, les niveaux atteints précédemment dans cette ville lors des plus grandes crues historiques ont été dépassés de façon significative.
Cela signifie que la crue centennale que nous redoutons sera beaucoup plus importante que les crues précédentes ; compte tenu de l'urbanisation et de la multiplication des infrastructures depuis 1910, 322 communes franciliennes - et pas uniquement Paris - seront directement touchées et plus de 650 000 personnes seront concernées. J'ai là un livre, à la disposition des ministres, sur l'inondation de 1910 qui donne une idée des effets de cette dernière. La Fédération française des assurances estime à 20 milliards d'euros les conséquences financières des dégâts qu'aurait une telle crue aujourd'hui !
M. le président. Posez votre question, monsieur Pozzo di Borgo !
M. Yves Pozzo di Borgo. Les services de l'Etat ont mis en place des plans spécifiques, mais ce sont uniquement des plans de protection une fois que la catastrophe sera arrivée. Or, il est possible d'empêcher cette dernière en installant, en amont de la Seine, des réservoirs de dérivation, sachant que ceux qui existent ne peuvent retenir - quand ils ne sont pas utilisés de façon inconsciente comme base de loisirs - qu'un quart de l'eau d'une grande crue comme celle de 1910.
Dans ces conditions, l'Etat a-t-il l'intention de réaliser les investissements nécessaires en impliquant, bien sûr, les collectivités concernées pour leur donner les moyens de faire face à une crue centennale de la Seine ? (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur de Paris, je dois tout d'abord vous demander d'excuser Serge Lepeltier, qui mène la délégation française à la Conférence des Nations unies sur les risques naturels qui se tient à Kobé.
Vous posez en fait deux questions. La première concerne la prévention des tsunamis.
Jusqu'à présent, les tsunamis importants ont été rares en Méditerranée : il y en a eu quelques-uns dans la partie orientale, dont les historiens ont retrouvé la trace. Néanmoins, vous avez raison, il faut se prémunir, et il est donc nécessaire d'informer les populations, en particulier les populations qui habitent dans le sud de notre pays. (M. Roland Courteau acquiesce.)
Je porte à votre connaissance le fait qu'il existe déjà un centre sismologique euroméditerranéen. Il est implanté en France, mais il assure la coordination de l'alerte sismique pour l'ensemble de la Méditerranée.
Il est par ailleurs difficile de développer un système d'alerte en Méditerranée analogue à celui qui existe dans le Pacifique, tout simplement parce que la Méditerranée est une petite mer et parce que la propagation est rapide. Dans la partie de l'océan Indien touchée le 26 décembre dernier, la vitesse de propagation a été de 800 kilomètres par heure. Autrement dit, il nous incombe surtout d'informer les populations, non seulement sur ces phénomènes mais aussi sur les signes précurseurs, et de les préparer.
Je voudrais porter à votre connaissance un autre élément : lors du conseil des ministres du 8 décembre dernier, Serge Lepeltier a annoncé la présentation à la fin du mois de février d'un programme national de prévention du risque sismique.
Votre seconde question porte sur le risque d'une crue centennale. A cet égard, nous travaillons dans trois domaines.
Premier domaine : la poursuite, depuis des dizaines d'années, des aménagements des cours d'eau. Il y a trois types de mesures : d'abord, la rétention de l'eau en amont ; ensuite, le recalibrage de l'ensemble des cours d'eau ; enfin, la mise en oeuvre de digues anticrues. Ces mesures sont de nature à répondre aux crues dites moyennes, mais évidemment pas aux types de risques que vous exposez.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat. Deuxième domaine : la maîtrise de l'urbanisation en zone inondable, dans le cadre des plans de prévention du risque d'inondation. (M. Alain Gournac s'exclame.)
Enfin, troisième domaine : la gestion de la crise avec des dispositifs d'alerte en temps réel. Une mission de coordination de la gestion d'une telle crise, en relation avec les collectivités territoriales, les institutions et entreprises concernées, a été confiée à la préfecture de la région d'Ile-de-France.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est long...
M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat. Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement, en étroite collaboration avec les collectivités locales, est tout entier mobilisé pour la prévention de ces risques naturels. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
conflits sociaux dans la fonction publique
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Ma question s'adresse à M. le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Notre pays vit une semaine de mobilisation sociale importante...
M. Henri de Raincourt. Relative !
M. Ladislas Poniatowski. Un succès mitigé...
Mme Michelle Demessine. ... pour le pouvoir d'achat et pour la défense du service public.
Cette mobilisation inquiète le Gouvernement et vous inquiète, monsieur le ministre, en raison, d'une part, de sa diversité et de son impact, d'autre part, du soutien net de l'opinion publique. En effet, 65 % de nos compatriotes soutiennent les grévistes. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Eh oui !
Mme Michelle Demessine. Ce soutien est d'ailleurs si massif qu'une nouvelle fois on parle de grève par procuration.
Les Français sont fortement attachés aux services publics et ils savent bien que l'engagement de la puissance publique dans ces services publics est une garantie de la préservation de l'intérêt général et du respect des principes républicains d'égalité et de solidarité.
Les usagers et les salariés, qu'ils soient du privé ou du public ressentent ensemble les menaces contre le service public, contre la fonction publique, comme une menace contre le service rendu à la population, comme une lourde menace contre l'égalité des chances à l'école, devant la maladie, devant le droit au transport, par exemple. Ensemble, cette grande majorité de nos compatriotes rejettent la soumission des services publics au sacro-saint principe libéral de concurrence, que le MEDEF appelle de ses voeux et que, personnellement, j'ai combattu, hier comme aujourd'hui.
Comment ne pas souligner, du reste, que ce principe est inscrit dans le marbre de la Constitution européenne ? Nous le savons, la question du service public sera au coeur de la campagne du référendum sur la Constitution.
M. Robert Hue. Absolument !
Mme Michelle Demessine. Cette inquiétude, monsieur le ministre, vous a conduit, cette semaine, à prononcer des propos graves que je juge méprisants pour les fonctionnaires. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Alain Gournac. C'est un comble !
M. Didier Boulaud. Il en est un lui-même !
Mme Michelle Demessine. Pouvez-vous, aujourd'hui, expliquer à la représentation nationale pourquoi vous avez cru bon de souligner que la journée de grève d'aujourd'hui ne serait pas payée aux agents concernés ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Maintenant, il faudrait payer les jours de grève...
Mme Michelle Demessine. Pouvez-vous préciser, par honnêteté, que c'était déjà le cas auparavant ?
M. Didier Boulaud. Il ne sait pas ce que c'est qu'une grève !
Mme Michelle Demessine Vous avez laissé entendre qu'habituellement les fonctionnaires sont payés lorsqu'ils font grève : il s'agit d'une contrevérité, d'une manipulation !
M. le président. Posez votre question, ma chère collègue !
Mme Michelle Demessine. Faire grève est une décision grave, coûteuse pour des hommes et des femmes qui, souvent, disposent de revenus particulièrement modestes. (M. Michel Dreyfus-Schmidt approuve.)
Il apparaît regrettable, monsieur le ministre, que, plutôt que de reprendre les négociations demandées par les fonctionnaires, vous utilisiez la provocation...
M. Josselin de Rohan. Ce n'est pas une question !
Mme Michelle Demessine. ... et tentiez, une nouvelle fois, évoquant même « une guerre entre deux France », de diviser les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Robert Hue. Bravo !
M. Roland Muzeau. Pourquoi mentir ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, le Gouvernement, comme vous le savez, porte aux fonctionnaires toute la considération qui leur est due (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste), et les vrais défenseurs du service public ne sont pas ceux qui, par démagogie ou par immobilisme, refusent toute évolution.
M. Serge Vinçon. Voilà !
M. Renaud Dutreil, ministre. Ce sont ceux qui accompagnent la modernisation de la fonction publique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore une division !
Mme Hélène Luc. Vous opposez les Français entre eux !
M. Renaud Dutreil, ministre. Je peux d'ailleurs annoncer, ici, devant le Sénat, qu'un texte de modernisation de la fonction publique territoriale sera soumis aux sénateurs avant l'été. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Mais qu'a donc fait Plagnol pendant deux ans ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Je peux vous donner quelques informations, madame la sénatrice, sur la mobilisation d'aujourd'hui : à l'heure actuelle, et selon les données dont je dispose, le pourcentage de grévistes est de 20,25 % hors éducation nationale. Il est de 41,77 % à l'éducation nationale, soit une moyenne de 32,14 %.
Mme Hélène Luc. C'est très important !
M. Renaud Dutreil, ministre. Vous noterez que plus des deux tiers des fonctionnaires et des agents sont aujourd'hui au travail. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Il faut cependant être à l'écoute des fonctionnaires, et nous le sommes ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
En revanche, nous ne sommes pas disposés à écouter les leçons de ceux qui, en 2002, ont laissé les factures que les contribuables et les fonctionnaires sont aujourd'hui en train de payer (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste) : la dette financière et la dette salariale.
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On vous a posé une question !
M. Renaud Dutreil, ministre. Madame la sénatrice, les organisations syndicales considèrent que le contentieux salarial remonte au 1er janvier de l'année 2000,...
M. Didier Boulaud. Il faudrait revoir vos arguments !
M. Renaud Dutreil, ministre. ...année où était au pouvoir un gouvernement que vous avez soutenu, comme ce fut également le cas en 2001 et 2002.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La réponse ?...
M. Renaud Dutreil, ministre. Avant de donner des leçons, payez les factures ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE - Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Hélène Luc. Vous n'avez pas répondu, monsieur le ministre !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il ne répond pas à la question : quelle honte ! C'est scandaleux !
M. Alain Gournac. Il n'y a pas de question !
M. Didier Boulaud. On va voir, en 2007, les factures que vous allez laisser...
catastrophes naturelles et canicule de l'été 2003
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque.
M. Dominique Mortemousque. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
La sécheresse de l'été 2003 a causé des dommages importants à de nombreuses habitations dans des milliers de communes et créé, dans certains cas, des situations dramatiques.
M. Didier Boulaud. Encore l'héritage...
M. Dominique Mortemousque. Ne plaisantez pas, le sujet intéresse également certains de vos électeurs !
Le premier arrêté de catastrophe naturelle, pris le 25 août dernier, a permis de régler le problème pour un certain nombre de communes. En effet, sans cet arrêté, seules les constructions couvertes par la garantie décennale pourraient prétendre à un dédommagement de la part des sociétés d'assurances.
Cependant, un grand nombre de communes, pourtant réellement sinistrées, n'ont pas été inscrites, ce qui a fait naître un véritable sentiment d'injustice dans les populations,...
M. Gérard Roujas. Exactement !
M. Dominique Mortemousque. ... les critères de classement en état de catastrophe naturelle, aussi objectifs soient-ils, étant rarement compréhensibles pour les propriétaires sinistrés et les élus locaux.
M. Raymond Courrière. Absolument !
M. Dominique Mortemousque. Vous avez annoncé, monsieur le ministre, que vous comptiez faire un effort significatif pour élargir les critères et permettre à plus de communes d'être concernées par un nouvel arrêté : j'aimerais en connaître précisément la portée.
MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Didier Boulaud. Très bien !
M. Raymond Courrière. Bonne question !
M. Dominique Mortemousque. Par ailleurs, pour des raisons techniques, des communes objectivement sinistrées risquent de demeurer hors des critères.
M. Didier Boulaud. Notamment celles qui ne sont pas à droite...
M. Dominique Mortemousque. J'aimerais savoir si vous envisagez de procéder à un réexamen particulier et individualisé de ces communes spécifiques. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons tous en mémoire cette terrible sécheresse de l'année 2003 avec son cortège de drames : drames familiaux, drames matériels, drames financiers.
Face à cela, il faut bien sûr réagir, et nous avons donc voulu élargir les critères. La prise en compte de la situation de tous ceux qui sont touchés par ces drames constitue en effet un impératif de justice que nous avons à coeur,...
M. Bernard Piras. Hélas ! ce n'est pas vrai !
M. Dominique de Villepin, ministre. ... sachant que nous sommes néanmoins confrontés à une contrainte financière, celle du régime des catastrophes naturelles.
Nous avons pris un premier arrêté qui concerne 1 400 communes, puis un deuxième arrêté qui concernera 870 communes, de sorte que, au total et en élargissant les périmètres régionaux, 3 000 communes seront désormais indemnisées.
Cela n'est pas suffisant au vu de l'ampleur des dégâts matériels. Au-delà des zones, il faut évidemment s'attacher aux situations personnelles. A ma demande, M. le Premier ministre a accepté de prendre en compte ces dernières. Nous allons donc, d'ici au 15 février, définir les nouveaux critères. Nous en établirons naturellement pour la Dordogne, avec le souci de prendre en compte la situation de chacun : comme vous le voyez, la détermination du Gouvernement à répondre au souci des Français est immense. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
interruption volontaire de grossesse
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, aujourd'hui encore, dans le monde, toutes les sept minutes, une femme meurt des suites d'un avortement illégal. En France, il y a juste trente ans, grâce au combat d'associations féministes, de médecins militants et au courage de Simone Veil, les femmes sont sorties du Moyen-Âge.
M. Gérard Roujas. Très bien !
Mme Raymonde Le Texier. Rappelons que, dans les années soixante, l'une d'entre nous décédait chaque jour des suites d'un avortement.
Cependant, samedi dernier, à l'occasion de cet anniversaire si important pour elles, les femmes étaient dans la rue pour dire que ce combat était toujours d'actualité.
Oui, l'accès à l'avortement reste fragile et la loi n'est pas toujours respectée. Les raisons sont les suivantes : insuffisante prise en charge à l'hôpital public, refus de certains médecins de pratiquer les IVG, temps d'attente trop longs, fermeture de services durant l'été, attitude des personnels souvent remarquable, mais quelquefois, hélas ! inacceptable...
Compte tenu de tout cela, trente ans après le vote de la loi, ce sont chaque année environ 3 500 femmes qui doivent partir avorter à l'étranger, faute d'avoir pu trouver, ici, une réponse adaptée, dans les délais impartis par la loi.
Trouver une solution à l'étranger demande un minimum d'organisation, de moyens financiers, une solution pour la garde des enfants puisque 40 % des femmes faisant pratiquer un avortement sont des mères de famille. On peut donc supposer que les plus fragiles d'entre nous recourent encore à des pratiques qui mettent leur vie en danger.
Ma question, madame la ministre, portera sur trois points : quelles dispositions concrètes comptez-vous prendre pour que la loi soit appliquée comme elle doit l'être, afin qu'aucune femme ne soit contrainte à d'autres choix, faute d'avoir trouvé à temps une réponse à sa demande ?
Vous avez, certes, signé le décret d'application sur l'IVG médicamenteuse que nous attendions depuis trois ans, et on peut supposer que c'est là un début de réponse. Mais cette question va devenir d'autant plus aiguë que le départ en retraite de médecins militants et de ceux qui ont connu la situation avant la loi Veil s'accélère, tandis que nombre de praticiens plus jeunes sont réticents à pratiquer ces interventions.
Par ailleurs, quelles mesures le ministère de la santé, en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale, compte-t-il prendre pour qu'une information sur la contraception soit largement diffusée, et ce de façon continue, auprès des jeunes en âge de la recevoir, de tous les jeunes, c'est-à-dire en milieu scolaire ?
Enfin, comment expliquez-vous que, à la rubrique « renseignements pratiques » concernant l'avortement, le site officiel du ministère de la santé ait été investi par les associations anti-IVG, dont on connaît la violence des actes et des propos ? Quels engagements pouvez-vous prendre pour que cela ne se reproduise plus à l'avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Mme Muguette Dini applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Je vous remercie, madame la sénatrice, du ton de votre intervention, et je vous demande de ne pas douter une seule seconde de l'attachement du Gouvernement à ce droit fondamental, à cette liberté dont nous avons été à l'origine...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est grâce à la gauche qu'elle a été obtenue, pas grâce à vous !
Mme Nicole Ameline, ministre. ... puisqu'elle a été défendue, comme vous l'avez souligné, par Simone Veil et qu'elle figure dans la loi du 17 janvier 1975, si importante pour les femmes.
Depuis, nous n'avons naturellement pas cessé de parfaire l'application de ce texte puisque, très récemment - et je me limiterai à cet exemple -, M. Philippe Douste-Blazy a permis que l'IGV médicamenteuse, c'est-à-dire pratiquée hors établissement, puisse intervenir dans de très bonnes conditions.
Je soulignerai aussi que le décret de juillet 2004, qui porte sur ce point, ainsi que l'arrêté qui a permis d'adapter les forfaits afférents à cette pratique permettent sa mise en oeuvre dans des conditions de sécurité tout à fait adaptées.
Ce même arrêté a, par ailleurs, revalorisé de près de 30 % les tarifs des établissements de santé relatifs à ces forfaits, lesquels n'avaient pas été réévalués depuis 1991.
Nous sommes aujourd'hui convaincus que, sur cette base, les cliniques privées se réengageront dans la mise en oeuvre de cette pratique, diminuant par là même le délai que vous avez signalé et qui est une réalité pour un certain nombre de femmes.
Enfin, la circulaire du 26 novembre dernier a permis d'établir les règles de remboursement liées à ce progrès.
Dois-je rappeler que, comme vous l'avez également très bien dit, la prévention est aussi extrêmement importante ? C'est dire tout l'effort que nous devons mener ensemble sur la contraception. Un certain nombre d'informations concernant tous les nouveaux moyens de contraception figurent sur le site du ministère de la santé. Si les associations auxquelles vous avez fait référence n'apparaissaient pas dans l'annuaire sous la rubrique « avortement », elles étaient cependant bien citées sous la rubrique « contraception ». C'est un point tout à fait important, car nous avons besoin de ce relais d'information.
J'ajoute que l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé sera précisément chargé, en 2005, d'une campagne relative à cette éducation et à cette sensibilisation en direction des jeunes, comme de toutes les femmes.
Enfin, madame la sénatrice, nous devons faire de plus en plus de la contraception une priorité. L'IVG est un droit, mais ce n'est pas un acte banal.
Mme Janine Rozier. Ah !
Mme Raymonde Le Texier. Qui a dit le contraire ?
Mme Nicole Ameline, ministre. Et nous devons faire en sorte que la liberté des femmes, la maîtrise de leur vie, de leur corps, de leur destin passe particulièrement par la maîtrise de leur choix.
Mme Hélène Luc. On est loin du compte !
Mme Nicole Ameline, ministre. C'est une forme d'exercice d'une responsabilité première.
C'est d'ailleurs le message que je livrerai dans le cadre de la conférence de Pékin qui s'adresse à toutes les femmes dans le monde. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.- Mmes Michèle André et Claire-Lise Campion applaudissent également.)
force d'intervention rapide européenne
M. le président. La parole est à M. Yannick Texier.
M. Yannick Texier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Nous le savons tous, l'Asie du Sud a été frappée le 26 décembre dernier par un violent raz-de-marée qui a causé la mort de plus de 220 000 personnes.
L'immense émotion provoquée par ce cataclysme, qui n'a eu que peu de précédents, a engendré une solidarité entre les peuples, jamais observée jusqu'à ce jour.
Exemplaire, notre nation a également pris très largement sa part en dépêchant des moyens de secours notamment au Sri Lanka, où notre sécurité civile a été la plus présente, ainsi qu'en Indonésie, où elle est intervenue de manière significative.
M. André Rouvière. On est les meilleurs !
M. Yannick Texier. L'intervention française a permis d'améliorer la coordination des secours, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Néanmoins, l'intervention globale des moyens européens a donné aux observateurs le sentiment d'une certaine dispersion, voire parfois, ne nous le cachons pas, d'une désorganisation manifeste.
C'est la raison pour laquelle le Président de la République a fait part de son souhait que l'Union européenne se dote d'une force d'intervention pour répondre notamment aux situations de crise liées à ces catastrophes.
Monsieur le ministre, ma question sera double : Quelle forme organisationnelle pourrait prendre la force d'intervention rapide européenne que nous appelons de tous nos voeux ? Quelles initiatives le Gouvernement compte-t-il prendre pour promouvoir cette noble idée auprès de nos partenaires européens ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le sénateur, face à cette catastrophe du tsunami de l'Océan indien, notre réaction a été en effet très rapide.
Dans les jours qui ont suivi, notre sécurité civile a dépêché cent cinquante sapeurs-pompiers civils et militaires qui sont intervenus à la fois au Sri Lanka et en Indonésie. A Meulabo, un hôpital de campagne est actuellement en place et a déjà pratiqué plus de 1 100 interventions.
C'est dire à quel point nous nous sommes mobilisés pour répondre à la souffrance des populations.
Mais nous sommes aussi très conscients de la nécessité de prendre la pleine mesure d'une telle catastrophe, ce qui suppose que nous agissions à l'échelon européen. C'est la raison pour laquelle la France propose la constitution d'une force européenne d'intervention rapide.
Pour être efficaces, il nous faut agir selon trois axes.
Nous devons d'abord nous doter d'une capacité de planification, d'un noyau capable de réfléchir à la meilleure façon d'organiser les actions communes, d'un coordinateur européen capable de prévoir les choses. C'est un aspect tout à fait essentiel.
Le deuxième axe implique la nécessité de mutualiser l'ensemble des moyens européens, de faire en sorte qu'ils puissent converger vers le même but, ce qui suppose d'introduire une interopérabilité beaucoup plus grande entre eux.
Nous avons pris l'initiative d'avancer dans ce sens dans le domaine des feux de forêts : un exercice a eu lieu l'année dernière dans les Bouches-du-Rhône ; un nouvel exercice sera effectué dans la Drôme pour se préparer contre le risque technologique.
Le troisième axe répond à l'exigence de mener une réflexion, peut-être à plus long terme, sur la constitution d'un noyau dur de capacités communes, que ce soit en matière de transports ou dans le domaine médical, avec, par exemple, la construction d'un hôpital de campagne. Nous devons être prêts à agir dans la durée, ensemble, avec des moyens communs.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, il s'agit là d'un axe fort de la France et de sa diplomatie, et je soumettrai cette proposition à nos partenaires dès la semaine prochaine, à Luxembourg, lors du Conseil Justice et affaires intérieures. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)