Article 1er
L'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 2001-1276 du 28 décembre 2001) est ainsi modifié :
1° A la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « dont le capital est détenu en totalité par l'Etat » sont remplacés par les mots : « dont le capital initial est détenu en totalité par l'Etat » ;
2° Les cinquième, sixième et septième phrases du premier alinéa sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :
« Les relations financières avec l'Etat et les objectifs économiques et sociaux qui sont assignés à l'entreprise nationale et ses filiales en contrepartie d'une garantie d'activité sont régis jusqu'en 2008 par le contrat d'entreprise pluriannuel conclu entre l'Etat et la société DCN. » ;
2° bis La dernière phrase du deuxième alinéa est supprimée ;
3° Sont ajoutés huit alinéas ainsi rédigés :
« Une part minoritaire du capital de l'entreprise nationale peut être détenue par le secteur privé. L'entreprise nationale peut créer des filiales et prendre toute participation, notamment en procédant à un apport partiel d'actifs.
« Dans ce cas, lorsque, à la date de clôture de l'exercice précédant l'apport, le nombre de personnes affectées aux activités apportées dépasse 250 ou le chiffre d'affaires correspondant excède 375 millions d'euros :
« a) L'entreprise nationale DCN doit détenir, directement ou indirectement, la majorité du capital de la société bénéficiaire de l'apport. Les dispositions du titre II de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations s'appliquent en cas de transfert au secteur privé de toute fraction du capital de cette société ou de toute filiale de l'entreprise nationale qui la contrôle ;
« b) Le traité d'apport est soumis à l'approbation du ministre de la défense et du ministre chargé de l'économie avant la tenue de l'assemblée générale approuvant l'apport ;
« c) La société bénéficiaire de l'apport entre dans le champ de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public à compter de la réalisation de l'apport.
« Les ouvriers de l'Etat employés à une activité apportée à une société dont la majorité du capital est détenue, directement ou indirectement, par l'entreprise nationale DCN sont mis à la disposition de cette filiale dès la réalisation de l'apport. Ils bénéficient des droits reconnus aux salariés par les articles 6 à 30, 37, 40-1 et 40-2 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 précitée dès lors que celle-ci s'applique à ladite filiale en comptabilisant ce personnel dans ses effectifs et par le chapitre VI du titre III du livre II ainsi que les titres II et III du livre IV du code du travail. Ils sont à ce titre électeurs et éligibles au conseil d'administration ou au conseil de surveillance de cette filiale.
« Les militaires, les fonctionnaires et les agents sous contrat, mis à la disposition de l'entreprise nationale, et employés à une activité apportée à une société dont la majorité du capital est détenue directement ou indirectement par l'entreprise nationale DCN, sont, du seul fait de cet apport, mis à la disposition de cette filiale jusqu'au 1er juin 2005. Les fonctionnaires et les militaires détachés auprès de l'entreprise nationale et employés à l'activité apportée à une filiale sont du seul fait de cet apport détachés auprès de cette filiale.
« Les conditions d'application du présent article, et notamment les modalités financières des mises à disposition, ainsi que les conditions de réaffectation dans les services de l'Etat, sont définies par décret en Conseil d'Etat. » ;
4° Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa, le mot : « sur » est remplacé par le mot : « sous » ;
5° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le Gouvernement remet au Parlement tous les deux ans, avant le 1er octobre, un rapport sur la mise en oeuvre du présent article. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Luc, sur l'article.
Mme Hélène Luc. L'article 1er tel qu'il nous est présenté ne garantit pas suffisamment la pérennité de DCN et de ses salariés. En effet, nous ne connaissons que trop bien la logique du marché, qui consiste à ne garantir que les seuls intérêts des actionnaires.
D'ores et déjà, je veux le dire, armes et profit ne font pas bon ménage. Je sais qu'un courant libéral voudrait que tous les biens et services soient considérés comme de simples marchandises. Pour notre part, nous nous y refusons. Cependant, nous parlons ici d'un domaine très particulier, dont les enjeux stratégiques revêtent un caractère des plus sensibles sur le plan mondial.
Je suis convaincue, madame la ministre, de la force de DCN, et ses bons résultats l'attestent également. Dans ces conditions, rien ne justifie cette ouverture du capital. En effet, la concurrence n'a pas érodé, à ce jour, la bonne santé de l'entreprise. Cette dernière a essentiellement besoin que son plan de charge soit respecté et a besoin de l'appui de l'Etat.
Faire de l'industrie de l'armement une industrie concurrentielle n'est pas la bonne solution. L'Etat est parfaitement à même de favoriser des synergies européennes avec DCN. A regarder les chiffres européens de plus près, DCN, dans sa composante actuelle, se situe en très bonne position. Cela prouve tant sa capacité à faire face à la concurrence que son potentiel pour nouer des coopérations avec ses partenaires français et européens.
Au passage, je signale, madame la ministre, que vous n'avez pas répondu aux questions que je vous ai posées, en l'occurrence sur EADS et Thales. Cela vous arrive très souvent !
Qui plus est, vous nous parlez aujourd'hui d'Europe, de secteur concurrentiel fort, de poids lourds industriels et économiques. Qu'en est-il de la conception d'une Europe politique et sociale, de la conception de la défense européenne ? Encore une fois, nous voyons bien les limites de cette Europe dont la future constitution viendra davantage encore ancrer les visées libérales.
S'agissant de la possibilité de créer des filiales, prévue par le texte, le seul critère que vous retenez est celui des activités. Par conséquent, plusieurs activités pourront être créées sur un site puis filialisées. A terme, se profile donc la fermeture de certains chantiers. Il s'agirait - ce n'est pas encore fait - d'un véritable désastre pour des bassins d'emploi entiers. Les salariés sont bien décidés à l'empêcher.
De plus, aucune assurance n'est donnée sur leur devenir. S'il n'y a aucun souci à se faire pour celles qui sont les plus rentables, les autres, quant à elles, seront inévitablement fermées, victimes de la loi du profit.
Les trois amendements que nous avons déposés sur cet article vont dans ce sens.
Le premier vise à supprimer l'article 1er. Cette suppression est justifiée par les propos que mon amie Marie-France Beaufils et moi-même avons tenus depuis le début de nos débats.
Le deuxième amendement prévoit le retour au statut public de DCN. Cela s'inscrit dans la logique que nous poursuivons avec mon groupe, logique que nous avions exposée lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2001.
Enfin, le troisième et dernier amendement vise à interdire l'introduction de capitaux étrangers dans DCN. En effet, un tel risque est grand si le texte reste en l'état. Je préciserai à ce propos qu'il s'agit non pas d'aller à l'encontre des pays européens, mais bien de nous prémunir contre toute dérive préjudiciable à notre indépendance nationale et à la souveraineté nationale.
Parce que nous nous opposons tant sur la forme que sur le fond au statut que le Gouvernement veut accorder à DCN, parce que vous préparez le terrain d'une privatisation future, les sénateurs communistes voteront contre cet article.
Mme la présidente. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par MM. Masseret, Godefroy et Plancade, Mmes Voynet et Y. Boyer, MM. C. Gautier, Collombat, Marc, Le Pensec et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 3 est présenté par Mmes Luc, Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Jean-Pierre Plancade. Nous allons considérer que l'amendement a été défendu puisque les arguments ont été largement développés précédemment. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Vous n'aurez peut-être pas l'occasion de m'applaudir lors des explications de vote. Alors, profitez-en, comme moi j'en profite un peu maintenant.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l'amendement n° 3.
M. Bernard Vera. Rassurez-vous, je serai bref !
L'article 1er du projet de loi en constitue le socle. Il organise la privatisation, certes partielle, de DCN.
Je ne reviendrai pas sur l'ensemble de l'argumentation qui a été précédemment développée par mes collègues. Cependant, je voudrais une nouvelle fois m'inscrire en faux contre l'alibi, le prétexte avancé par les auteurs de ce projet de loi.
Ils affirment la nécessité d'ouvrir le capital pour le développement industriel de l'entreprise. Ils oublient que l'Etat contribue à hauteur de 80 % aux commandes passées auprès de DCN. Ils oublient que ce secteur d'activité et celui de la défense nationale devraient être préservés de la loi du marché. Ils oublient également que même là où l'industrie de l'armement a été privatisée - on pense notamment à l'Espagne -, les secteurs concourrant à la défense nationale sont restés dans le domaine public.
Il est indéniable que l'opération à laquelle nous assistons relève du plus pur dogmatisme libéral.
Les conditions précipitées d'examen de ce projet de loi confirment la crainte du jugement de l'opinion publique et l'inquiétude face à la très forte mobilisation des salariés de l'entreprise.
Cet article 1er est un beau cadeau de Noël aux marchés financiers. Il constitue, à nos yeux, un acte d'abandon grave en matière de souveraineté nationale.
C'est pourquoi nous ne pouvons que le désapprouver et proposons, par cet amendement, de le supprimer.
Mme la présidente. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mmes Luc, Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001 (n° 2001-1276 du 28 décembre 2001) est abrogé.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Mon argumentaire sera très bref. Nous vous proposons de supprimer la possibilité de garder le statut de société anonyme. Lorsque cette décision de modification est intervenue, nous avions réagi et avions voté contre. Nous avions souligné le risque que représentait cette transformation en société anonyme. Le ministre avait alors pris l'engagement que le changement de statut ne permettrait pas de modifier la composition du capital de DCN. Or la démonstration est faite aujourd'hui que le statut prévu par le texte ne le garantit plus. C'est ce qui motive notre volonté de faire en sorte que cette possibilité ne soit pas ouverte, par cohérence avec l'ensemble de notre argumentaire.
C'est pourquoi nous vous proposons de supprimer ce statut de société anonyme.
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par Mmes Luc, Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le quatrième alinéa (b) du texte proposé par le 3° de cet article pour compléter l'article 78 de la loi de finances rectificative pour 2001, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Aucun apport en capital ne peut provenir d'une personne morale ou physique de nationalité étrangère.
La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Cet amendement vise à interdire l'acquisition du capital de DCN par des personnes morales ou physiques étrangères.
Une telle disposition pourrait paraître évidente car elle vise à faire respecter l'idée même d'indépendance nationale, l'idée même de souveraineté nationale.
Rassurez-vous, il ne s'agit pas, de notre part, d'un repli sectaire, d'un repli souverainiste.
Je considère simplement, avec mon groupe, qu'une conception moderne et progressiste de la souveraineté est à défendre et à promouvoir.
La souveraineté, c'est permettre au peuple de peser sur son destin.
A cet égard, certains secteurs sont tout particulièrement sensibles, notamment la défense et la politique étrangère.
L'article 1er ouvre la voie à cette intrusion du capitalisme, européen ou non, dans notre industrie de défense.
Les limites envisagées, qui démontrent que le problème existe, ne sont pas suffisantes.
Vous évoquez un hypothétique contrôle gouvernemental sur la nature des apports en capitaux. Qui peut nous dire, madame la ministre, que demain, un gouvernement - peut-être le vôtre, d'ailleurs - ne cédera pas aux sirènes étrangères ?
Quand vous affirmez, avec le rapporteur, que l'ouverture du capital permettra des participations croisées avec d'autres groupes européens, oubliez-vous que les capitaux américains ont déjà investi certaines industries d'armement européennes, comme en Allemagne ?
Que répondez-vous à cette remarque ? Vous n'en dites rien. Madame la ministre, vos engagements de jeunesse sont bien loin...
M. Jacques Blanc. Elle est encore très jeune !
Mme Hélène Luc. ...et le général de Gaulle, dont vous vous réclamez encore avec vos amis, jugerait certainement bien sévèrement ce jour. D'ailleurs un certain nombre de voix manquent dans cet hémicycle. Des sénateurs qui ont quitté le Sénat rappelaient ces choses importantes. En ce jour qui sera à rappeler, vous vous apprêtez à brader l'industrie de défense nationale aux marchés financiers.
Faudra-t-il demain obtenir l'accord des fonds de pension américains pour engager la construction d'un sous-marin ou d'un porte-avions ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est caricatural !
Mme Hélène Luc. Je vous demande donc, mes chers collègues, de vous reprendre et, pour préserver, demain, les intérêts vitaux de notre peuple, d'adopter cet amendement, par scrutin public. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Vous protestez alors que quelques minutes suffiront pour ce faire. Cela en vaut la peine. En dépit des conditions qui nous sont imposées pour mener ce débat, nous sommes prêts à passer toute la nuit pour défendre le statut de DCN. Vous n'êtes ce soir qu'une poignée : la discussion n'est pas digne de ce projet de loi. (Exclamations sur les mêmes travées, où l'on fait observer que les travées du groupe socialiste et du groupe CRC sont, elles aussi, très clairsemées.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les quatre amendements ?
M. Yves Fréville, rapporteur. Les amendements de suppression proposés par MM. Plancade et Vera vont à l'encontre de ce projet de loi, qu'ils videraient de sa substance. Ils contrecarreraient ainsi le renforcement de notre industrie navale. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
L'amendement présenté par Mme Beaufils est assez extraordinaire...
Mme Hélène Luc. Il est parfaitement cohérent !
M. Yves Fréville, rapporteur. ...puisqu'il vise à supprimer la société DCN créée par la précédente majorité...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avions voté contre !
M. Yves Fréville, rapporteur. ...et à revenir au service à compétence nationale dont nous avons vu l'inefficacité.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement présenté par Mme Luc interdirait tout apport en capital provenant d'une personne morale ou physique de nationalité étrangère. Il va à l'encontre de l'idée d'une industrie européenne de défense. Par ailleurs, le risque évoqué est nul puisqu'un tel apport serait soumis à une autorisation précise du Gouvernement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'expérience nous a appris ce que valaient de tels engagements !
M. Yves Fréville, rapporteur. Le Gouvernement a l'entière possibilité d'interdire toute ouverture de capital au profit d'une filiale étrangère qui ne respecterait pas nos objectifs d'indépendance nationale.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. M. le rapporteur a excellemment répondu aux différents arguments avancés. Le Gouvernement émet, lui aussi, un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 3.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 71 :
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 309 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 155 |
Pour l'adoption | 117 |
Contre | 192 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 4 rectifié.
M. Jean-Pierre Godefroy. Le groupe socialiste votera contre cet amendement. A titre personnel, je m'abstiendrai, en cohérence avec la position que j'avais prise sur ce sujet il y a trois ans.
Il est en effet difficile de faire faire du yo-yo à une entreprise comme DCN. D'aucuns peuvent regretter le vote intervenu en 2001, mais la remise en cause perpétuelle des statuts de cette entreprise risque de la mettre en difficulté. Je comprends néanmoins l'objectif visé par nos collègues du groupe CRC.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote sur l'amendement n° 5.
M. Jean-Pierre Plancade. Le groupe socialiste votera également contre cet amendement car le critère de nationalité étrangère est difficilement acceptable dans le cadre de la construction européenne. (M. Jacques Blanc et M. le président de la commission des finances applaudissent.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 72 :
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l'adoption | 22 |
Contre | 294 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Les dispositions des chapitres Ier et IV du titre IV du livre IV du code du travail sont applicables au personnel de l'Etat mis à la disposition de DCN ou de ses filiales.
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par Mmes Luc, Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Par cet amendement, nous ne voulons pas nous opposer aux salariés de DCN, mais nous refusons la logique globale de ce projet de loi.
L'intéressement des personnels, mesure que vous qualifiez de sociale, ne présume en rien d'un texte qui s'attache réellement au sort des salariés, bien au contraire.
Vous offrez de petits avantages pour calmer la colère des salariés. Mais ces derniers ne sont pas dupes ! Nous étions à leurs côtés devant l'Assemblée nationale, la semaine dernière, et leur colère ne faiblit pas !
Quelles perspectives d'avenir leur sont-elles en effet offertes ?
Les réductions d'effectifs sont d'ores et déjà de mise depuis de nombreuses années. DCN, se réduit petit à petit : je le rappelle, moins de 10 000 salariés en dix ans !
Il n'y a plus de recrutement d'ouvriers d'Etat. Les salariés précaires - en contrat à durée déterminée, intérimaires et même contractuels - ont du souci à se faire.
Et dans l'avenir ? Tout devrait bien se passer si DCN et ses filiales continuent à bien se porter. Mais il en sera autrement si leurs activités connaissent des baisses de régime. Nous ne connaissons que trop les mesures radicales employées en de telles circonstances : licenciements économiques, plans de restructuration.
Nous condamnons l'absence de véritables mesures sociales dans ce projet de loi et nous vous demandons, mes chers collègues, en adoptant notre amendement, de refuser de cautionner un texte qui, tout entier, est néfaste pour DCN.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yves Fréville, rapporteur. L'avis de la commission est défavorable. Il s'agit non pas d'accorder un petit avantage à certains personnels, mais d'assurer l'égalité entre tous les personnels qui concourent au redressement de DCN, qu'ils soient ouvriers d'Etat ou sous convention collective.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
Les dispositions de l'article 11 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations sont applicables au personnel de l'Etat mis à la disposition de DCN ou de ses filiales en cas d'opération portant sur une cession de moins de la moitié des titres de l'entreprise.
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par Mmes Luc, Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Yves Fréville, rapporteur. L'avis de la commission est défavorable, pour les raisons qui ont été exprimées sur l'amendement précédent.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Il ne s'agit pas du tout pour nous, comme je l'entends dire sur certaines travées, de nous opposer à un quelconque progrès social dont bénéficieraient les travailleurs de DCN. Nous sommes opposés au progrès social imposé sans négociation, surtout dans le cadre d'une mesure qui semble destinée beaucoup plus à calmer le mécontentement du moment qu'à régler les problèmes à long terme du personnel.
Cette disposition aurait dû faire l'objet d'un débat, ce qui n'a pas été le cas puisque celle-ci a été présentée à l'Assemblée nationale sans avoir été annoncée. Ce n'est pas une façon de procéder !
Comme je l'ai dit tout à l'heure, cette mesure constitue également un moyen de renégocier les conditions et le rythme de travail, ainsi que les rémunérations au sein de l'entreprise. Or les salariés n'en ont pas été informés !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est méprisant !
M. Jean-Pierre Godefroy. Comme l'a dit Jean-Pierre Masseret, on ne peut pas mettre en ordre de marche une entreprise comme DCN, qui a connu de nombreuses difficultés pendant trois ans et a fait de gros efforts, en créant un choc social dans l'entreprise.
Il ne faut pas sous-estimer le mouvement actuel des travailleurs des arsenaux. Bien évidemment, ceux-ci ne se font guère d'illusions sur leurs chances de vous faire revenir sur vos positions, mes chers collègues. Ils vont continuer à se battre mais ils sont obligés de constater que, pour l'instant, le Parlement ne leur est pas très favorable.
Ce dossier doit être traité à long terme. Ce n'est pas avec des effets d'annonce ou de petites mesures visant à calmer les personnels que l'on peut mener une véritable politique sociale. Un débat général sur la question était nécessaire car, je le répète, cet article, qui apparaît comme un moyen de défendre les intérêts des travailleurs, permet surtout de renégocier l'ensemble de leurs conditions de travail et de rémunération.
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Plancade. Madame la ministre, je vous ai écoutée longuement et j'ai également lu vos propos sur la question. Bien sûr, le monde bouge ! Bien sûr, DCN doit changer, en ce qui concerne tant le rôle de l'Etat que les méthodes de gestion. Certes, la France doit s'adapter à la concurrence internationale, notamment avec le Brésil, l'Inde et la Chine. A cet égard, nous sommes tout à fait d'accord avec vous. Mais pas n'importe comment, et surtout pas ainsi, un soir « à la sauvette », quelques minutes à la fin de l'année et avant la suspension de nos travaux en séance plénière.
M. Josselin de Rohan. On est là depuis trois heures !
M. Jean-Pierre Plancade. En outre, madame la ministre, vous n'aviez pas besoin de vous approprier ce pays. La France appartient à tous, quels que soient les travées sur lesquels nous siégeons.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Plancade. Nous l'avons, tour à tour, défendue et promue, et je ne peux pas vous laisser l'accaparer. La France, nous l'aimons, pas plus que vous, madame, certes, mais autant que vous. Et nous voulons la défendre, pas plus que vous, certes, mais autant que vous, et avec une totale conviction.
La société nationale DCN a été créée par un article de la loi de finances rectificative pour 2001, un article dans lequel la volonté du législateur était expressément affirmée : le capital de la société était intégralement détenu par l'Etat. Cet aspect majeur du projet proposé avait été exprimé par le ministre de la défense, M. Alain Richard.
Depuis, nous avons pu constater la réussite de la transformation de la DCN. Ces progrès ont d'ailleurs été unanimement soulignés.
Pour sa première année d'activité industrielle et commerciale en tant que société, DCN présente des résultats encourageants. Elle a accru son chiffre d'affaires en le portant à 1,659 milliard d'euros, répartis entre ses deux pôles opérationnels - navires et systèmes, services et équipements -, soit une progression de 14 % par rapport à 2002.
Elle a réalisé des gains sur achats significatifs et sa productivité s'est améliorée. Cela a permis à DCN de réaliser en 2003 un résultat d'exploitation supérieur à 6 % du chiffre d'affaires et un résultat net positif de 41 millions d'euros. Les résultats consolidés sont également encourageants, puisque le résultat net s'élève à 47,7 millions d'euros.
Cette entreprise, devenue performante grâce à une réforme opportune, risque aujourd'hui de sortir fragilisée et d'être demain affaiblie par un projet de loi mal conçu, mal présenté et traité en moins de trois heures.
Est-ce parce que cette société fonctionne bien qu'il faut maintenant la livrer aux convoitises du marché ? Qui pourra empêcher des fonds de pension ou des spéculateurs financiers de mettre la main sur une partie - pour l'instant ! - du capital de DCN ou sur ses filiales ? On s'apprête à ouvrir le capital de DCN sans même savoir à qui cette ouverture profitera !
L'ouverture du capital de DCN, comme mes collègues l'ont déjà expliqué, n'est pas la bonne réponse aux besoins actuels de l'industrie navale et militaire. Certes, la construction navale européenne nécessite une réforme profonde de ses structures, mais la voie est mal choisie et ne nous semble pas adaptée.
Que le trop grand morcellement du secteur nuise à ses capacités industrielles, c'est un fait. Toutefois, la forme actuelle de DCN lui permet complètement de commencer à apporter des réponses.
Or, la volonté du Gouvernement s'est limitée à une seule option, l'ouverture de capital. Est-ce la panacée ? Est-ce la seule possibilité ? N'existe-t-il pas d'autres alternatives ? Malheureusement, nous n'aurons pas l'occasion d'en débattre franchement et longuement sur le fond.
En programmant l'examen de ce projet de loi dans les conditions que nous savons, le travail serein et en profondeur nécessaire au débat nous a été tout simplement interdit !
Pour favoriser l'essor d'une industrie navale européenne capable de faire face au double défi américain et asiatique, il faudrait un peu plus de concertation entre Européens, d'abord. Sur un dossier aussi essentiel pour l'avenir de notre défense et de notre marine, notre pays devrait proposer un travail en commun.
Nous sommes, bien sûr, convaincus que nous devons construire l'Europe, l'Europe de la défense et de l'armement. Sur ce chemin européen, nous devrions pouvoir mutualiser nos efforts, évaluer en commun nos besoins et nos potentialités, avancer ensemble vers des budgets communs et une recherche technologique partagée. Je crois que nous sommes tous, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, d'accord sur ce point.
Mais, une fois de plus, pour relever ces défis, on ne voit pas ce qu'apporte cette « ouverture du capital » proposée par le Gouvernement. Mme la ministre nous dit qu'il est nécessaire d'ouvrir le capital de DCN afin de pouvoir conclure des partenariats ou des alliances à l'échelon européen.
Mais en quoi le fait que DCN soit une entreprise dont le capital est détenu à 100 % par l'Etat l'empêche-t-elle de nouer des alliances ? De la même façon, en quoi la création de filiales dans lesquelles l'Etat sera minoritaire est-elle la condition pour la création d'une Europe de l'armement navale ? Sur ces questions, vos réponses ne nous ont pas convaincus.
Ce projet peut s'avérer dangereux pour les emplois et les droits sociaux des travailleurs de DCN. Les mesures prévues dans le texte et destinées à garantir les acquis sociaux ne nous semblent pas suffisantes. Mon collègue Jean-Pierre Godefroy l'a justement expliqué.
Cette entreprise a beaucoup évolué, comme en témoigne l'effort qui a été demandé aux personnels. Près de 40 % des effectifs ont été supprimés. Une question mérite donc d'être posée : sommes-nous à la veille d'une nouvelle et douloureuse réduction des effectifs ? Notre attention doit être tournée vers les sites qui ont déjà connu des restructurations diverses.
Certes, il faut permettre à DCN de développer un projet d'entreprise compatible avec l'évolution européenne et la compétition internationale, un projet répondant aux demandes et aux besoins des clients. Ainsi, la palette de services que l'opérateur industriel sera en mesure de proposer doit s'étendre à l'entretien et à la formation.
Mais est-ce à dire qu'il faut accepter votre méthode sans commencer par explorer d'autres pistes ? De plus, ne conviendrait-il pas d'impliquer les salariés dans cette recherche ? Je vous rappelle notre souci, qui est de savoir comment préserver l'unité et le niveau de compétence de DCN.
Madame la ministre, parce que vos arguments en faveur de l'ouverture du capital de DCN ne sont pas convaincants, parce que les emplois de DCN sortiront fragilisés de ce projet de loi, parce que nous estimons que cette ouverture de capital dessert les intérêts de l'Etat et parce que les conditions du débat n'ont pas été à la hauteur des enjeux, le groupe socialiste votera contre ce projet de loi.
Enfin, compte tenu de ce qui a été dit ou promis au cours de la discussion, soyez assurée que le groupe socialiste restera vigilant sur l'avenir de DCN et de ses personnels. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Au terme de cette discussion, trop brève pour un projet qui touche à notre indépendance nationale, un certain nombre de nos questions demeurent sans réponse.
Madame la ministre, vous avez affirmé qu'il existait un projet industriel pour DCN. Or, M. le rapporteur a dit, dans son exposé liminaire, que l'élaboration d'un tel projet n'était pas le sujet et qu'elle interviendra plus tard. Il conviendrait, à cet égard, d'éclaircir les propos de l'un et de l'autre. Il est vrai que la précipitation ne vous a peut-être pas permis d'accorder complètement vos déclarations.
Vous n'avez pas répondu sur les partenariats que vous voulez réaliser. Avec qui les envisagez-vous ? Dans quelles conditions ? Nous n'avons eu aucune réponse aux questions soulevées dans nos interventions au sujet de Thales.
Vous n'avez pas davantage répondu sur le risque de voir entrer des capitaux américains, objet de notre amendement n° 5 à l'article 1er. Or des capitaux américains ont fait leur entrée dans un certain nombre de groupes européens avec lesquels un partenariat était envisageable. De quels moyens disposez-vous pour préserver notre indépendance nationale ? Vous nous dites pouvoir le faire, mais sans préciser comment.
A toutes nos interrogations, vous avez répondu par des affirmations. Nous ne saurions nous en contenter, car nous avons besoin de réponses beaucoup plus précises.
Selon vous, le plan de charge de DCN sera confirmé au premier trimestre 2005, donc avec un peu de retard aux dires des représentants des salariés.
Quoi qu'il en soit, si les résultats de DCN sont bons, si l'Etat lui permet d'avoir un bon plan de charge, je ne vois pas pourquoi il ne reviendrait pas à ce dernier de recueillir le fruit de ses investissements. Cela me semblerait logique. Pour quelles raisons abandonner ces fruits à des actionnaires privés ?
M. Josselin de Rohan. S'ils ont mis de l'argent, c'est normal !
Mme Marie-France Beaufils. Oui, mais moi je suis sensible aux intérêts des investissements de l'Etat. J'estime qu'il est de notre responsabilité de représentants de la nation de nous y intéresser.
Mme Hélène Luc. Exactement !
Mme Marie-France Beaufils. M. le rapporteur nous a expliqué, en commission des finances que, selon les prévisions, l'Etat apporterait aujourd'hui un tiers des fonds propres.
M. Yves Fréville, rapporteur. Un quart !
Mme Marie-France Beaufils. Une autre partie devrait être versée en 2005, et le reste en 2007.
Compte tenu de ce que j'ai entendu ce soir, je m'interroge : l'ouverture du capital envisagée ne serait-elle pas une occasion de revenir, dans les années qui viennent, sur les engagements pris ? La question mérite d'être posée.
Un amendement de dernière minute a été présenté à l'Assemblée nationale. Bien que réputé répondre aux attentes des salariés, il les laisse sur leur faim, si j'en crois les échanges que nous avons eus avec eux.
Ce que les salariés demandent, en effet, c'est un véritable projet industriel leur permettant de déchiffrer l'avenir qui leur est proposé. On ne peut pas se contenter d'annoncer l'ouverture du capital à des actionnaires étrangers et rester silencieux sur l'avenir que les salariés vont avoir à construire.
Cet élément est d'autant plus important que, je l'ai dit tout à l'heure, la moyenne d'âge de ces salariés est proche de 49 ans.
M. Yves Fréville, rapporteur. Absolument !
Mme Marie-France Beaufils. Puisque le texte voté en 2001 les autorise à prendre leur retraite à 55 ans, cela veut dire que tous ces ouvriers d'Etat vont disparaître dans les cinq ans !
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Josselin de Rohan. Et alors ? On n'a pas besoin d'ouvriers d'Etat !
Mme Marie-France Beaufils. Dans ces conditions, quelle sécurité aurons-nous par rapport aux orientations prises aujourd'hui ?
Il y a vraiment des questions de fond auxquelles aucune réponse n'a été apportée.
Je rejoins tout ce qui a été dit ce soir : si vous faites passer ce texte aussi rapidement, c'est précisément pour éviter que ces questions ne puissent être approfondies et qu'au fil des réponses n'apparaisse le projet que vous avez réellement en tête, mais que vous ne voulez pas présenter devant la représentation nationale.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Au terme de cette discussion, bien longue à notre goût...
Mme Marie-France Beaufils. Les salariés apprécieront !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah, vraiment ? Vous aurez des retours sur ce que vous avez dit !
M. Robert Del Picchia. Chacun peut penser ce qu'il veut. Pour ma part, je trouve que ce débat a été suffisamment long.
Je m'exprimerai au nom de M. Serge Vinçon, qui ne peut être ce soir parmi nous.
On semble nous reprocher d'aller à la va-vite pour voter cette loi.
Mme Hélène Luc. Effectivement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous auriez dû faire une loi générale privatisant tout ce qui est possible ! Cela aurait été encore plus rapide !
M. Robert Del Picchia. Au sein de la commission des affaires étrangères et de la défense, on parle de ce sujet depuis 2001, moment où est intervenue cette réforme du statut de la DCN en tant qu'entreprise. A la demande du Gouvernement Jospin, nous ne l'avons pas rejetée.
Notre commission avait fait adopter en séance publique un amendement permettant l'ouverture du capital. Or cet amendement a été rejeté par l'Assemblée nationale. Si vous l'aviez laissé passer, convenez que nous ne serions pas là aujourd'hui et qu'il ne serait pas question de précipitation. En l'occurrence, c'est vous qui avez bloqué le processus.
Mme Marie-France Beaufils. Elle est forte celle-là !
M. Robert Del Picchia. La commission des affaires étrangères et de la défense s'était donc déjà prononcée.
Aujourd'hui, madame la ministre, ce projet de loi nous semblant tout à fait conforme à ce que nous voulions en 2001, il est logique de le soutenir.
Puisqu'il s'agissait d'une loi financière, notre commission des affaires étrangères et de la défense n'a pas été saisie. Mais n'importe qui pouvait lire le rapport de M. Fréville. Ses explications ont achevé de nous convaincre, si besoin était.
Madame la ministre, nous soutenons votre projet parce qu'il est utile et va permettre des alliances. Certes, le groupe CRC ne veut pas d'apport de capitaux étrangers, mais à adopter son amendement, il nous aurait fallu écarter des alliés venus d'Allemagne, d'Italie ou d'Espagne. Voilà pourquoi il ne fallait pas le voter, et je remercie certains de s'en être expliqués.
Quant à Thales, bien sûr, pourquoi pas ? Et pourquoi pas, d'ailleurs, d'autres Européens pour une défense européenne ? Nous sommes tout à fait d'accord.
Je viens d'entendre que les ouvriers d'Etat allaient peut-être disparaître. La France continuera à fonctionner, quand bien même ils n'existeraient plus. D'ailleurs, ils pourront, s'ils le souhaitent, changer de statut.
Avec l'ouverture du capital, le mode de fonctionnement sera un peu différent, et sans doute nettement meilleur. Dès lors, peut-être certains voudront-ils troquer leur statut contre un autre, meilleur, dans la nouvelle société. Cela, ni vous ni moi ne pouvons le savoir. Il faudra attendre qu'elle fonctionne.
Il est vrai, madame la ministre, que DCN est sur la bonne voie et que des progrès sont enregistrés, mais peut-être les choses iront-elles encore beaucoup mieux après l'ouverture du capital. Pourquoi se satisfaire de la situation présente, et surtout pourquoi ne pas donner à DCN les moyens d'éviter que ne survienne demain une catastrophe que chacun déplorerait alors ? Pour notre part, nous voterons avec enthousiasme ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais souligner que notre discussion de ce soir ne fait honneur ni au Gouvernement ni au Parlement. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Surtout après ce que l'on vient d'entendre !
M. Josselin de Rohan. Vous avez tort, madame Luc !
Mme Hélène Luc. Je le dis à regret, monsieur de Rohan.
Ce débat reflète la remise en cause toujours plus évidente du rôle du Parlement, dont M. Jean-Louis Debré lui-même s'inquiète, bien qu'il ait cependant lui aussi accepté, malheureusement, que l'examen de ce projet de loi ait lieu dans de telles conditions.
Déjà, lors de la discussion du projet de budget de la défense pour 2005, organisée sous forme de questions et de réponses, nous avions été contraints d'user de subterfuges pour exposer de façon cohérente nos conceptions. Madame la ministre, votre rôle, dans cet hémicycle, est non seulement de répondre à des questions, mais aussi de nous informer et de recueillir nos avis. Comme vous le voyez, je suis très déçue par le manque de considération que vous manifestez à l'égard du Parlement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Mais non !
Mme Hélène Luc. Au cours de cette même discussion budgétaire, la commission des affaires étrangères et de la défense n'a pas été informée officiellement du dépôt du projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui. Vous n'avez pas répondu alors à mes questions insistantes sur ce que vous comptiez faire après que le Conseil d'Etat eut exprimé son opposition à une réforme de DCN par voie d'amendement au projet de loi de finances rectificative. Tout juste avez-vous daigné indiquer au président de la commission des finances du Sénat qu'elle ferait l'objet d'un texte spécifique, ce qui nous a immédiatement amenés à signifier que nous ne voulions pas d'une discussion « à la sauvette ».
Il est clair, madame la ministre, que nous n'avons pas la même ambition. Nous refusons, pour notre part, l'ouverture du capital que vous entendez imposer, avec le soutien de la majorité du Sénat et de l'Assemblée nationale. Au côté des salariés de DCN et de tous les syndicats qui les représentent, nous relevons un défi difficile.
En effet, le président de DCN a déclaré que l'adoption de ce projet de loi, modifié en conseil des ministres voilà une semaine, donnera une plus grande liberté d'action et permettra de développer les capacités d'adaptation de l'entreprise.
Un sénateur de l'UMP. Heureusement !
Mme Hélène Luc. Cela signifie qu'il aura les mains totalement libres pour inventer tous les montages possibles. C'est ainsi que DCN s'engage dans une course effrénée aux suppressions d'emplois, à l'externalisation d'activités, aux délocalisations, la réalisation d'études relatives au projet FREMM ayant déjà été confiée à des pays comme l'Inde et la Roumanie.
De toute évidence, l'ouverture du capital de DCN n'est que le prélude à de plus vastes opérations, comme vous l'aviez laissé entendre, madame la ministre, en répondant à ma question sur GIAT Industries et DCN lors de l'examen du projet de budget de la défense pour 2005. Ce 22 décembre 2004 restera une date marquante, alors que nous sommes encore dans l'année de la célébration du soixantième anniversaire de la création du Conseil national de la Résistance.
M. Josselin de Rohan. Oh là là !
Mme Hélène Luc. Madame la ministre, il ne suffit pas d'affirmer que l'unanimité prévaut s'agissant de la défense nationale. Vos paroles sont démenties par vos actes. Pour notre part, nous continuerons, soyez-en certaine, à faire valoir notre conception de la défense nationale, aux côtés des salariés de DCN. Ils peuvent compter sur nous. Nous irons leur rendre compte de notre prise de position. L'examen de ce projet de loi ne clôt pas le débat. Mme Beaufils, M. Vera et moi-même, nous poursuivrons la discussion.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je voudrais répondre brièvement à notre collègue Robert Del Picchia, qui a affirmé tout à l'heure que l'ouverture du capital de DCN avait été approuvée en 2001 par un vote de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat et que si le gouvernement de l'époque ne s'était pas opposé à l'adoption d'une telle mesure, la question serait aujourd'hui réglée. (Oui ! sur les travées de l'UMP.)
Je ferai tout d'abord observer très respectueusement à nos collègues de l'UMP que nous ne sommes pas sous le régime du parti unique, fort heureusement !
En outre, ce n'est pas parce qu'une commission a statué voilà trois ans sur la question qui nous occupe que les sénateurs élus en septembre dernier n'ont pas droit aujourd'hui à l'information et au débat, sauf à admettre qu'il faille compter neuf ans de mandat avant d'être autorisé à s'exprimer au sein des commissions et dans l'hémicycle ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
C'est vous qui me poussez à cette conclusion, chers collègues ! Reconnaissez tout de même que, en l'occurrence, vos arguments ne tiennent pas vraiment la route ! J'apprécie beaucoup le travail que nous accomplissons dans cette maison, mais cet échange nous ramène au débat sur la nécessaire rénovation du Sénat. Ce n'est pas parce qu'une discussion a eu lieu voilà trois ans en commission que ses conclusions demeurent valables aujourd'hui ! Les sénateurs nouvellement élus ont eux aussi droit à l'information et à la parole ! (Exclamations sur les mêmes travées.) Or c'est précisément ce droit que vous leur déniez en ne réunissant pas la commission des affaires étrangères et de la défense, au motif que le débat aurait été tranché trois ans plus tôt !
M. Josselin de Rohan. Il faudra vous habituer à cette maison, monsieur !
Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est pas une question d'habitude, c'est une question de démocratie !
M. Jean-Pierre Godefroy. Mes propos vous dérangent et vous irritent, mais c'est comme ça ! Je constate que vous n'avez pas d'argument de fond à m'opposer sur ce point.
Par ailleurs, madame la ministre, il est très inquiétant, à mes yeux, que les sénateurs de l'UMP veuillent aller plus loin et plus vite que vous. Ils sont en train de vous jouer un mauvais tour ! En effet, certains d'entre eux nous avaient déjà déclaré, dans le passé, qu'ils voulaient la privatisation de DCN ; ce soir, j'ai entendu M. Del Picchia affirmer qu'il ne serait pas grave qu'il n'y ait plus d'ouvriers de l'Etat !
M. Robert Del Picchia. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. Jean-Pierre Godefroy. Comptez sur nous pour rapporter ces paroles aux travailleurs de DCN !
Je ne suis pas certain, madame la ministre, que l'on vous rende service en tenant de tels propos, ni que ce soit la bonne méthode pour nourrir la discussion. Alors que vous nous avez longuement expliqué que l'ouverture du capital de DCN ne changerait rien pour les ouvriers de l'Etat, que ceux-ci seraient préservés, nous venons d'entendre l'un de vos amis déclarer que leur éventuelle disparition n'aurait aucune importance !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On leur transmettra !
M. Jean-Pierre Godefroy. Les intéressés apprécieront, je puis vous l'assurer !
En conclusion, je voudrais relever que M. le rapporteur a tenté, comme cela a été fait auparavant à l'Assemblée nationale, d'enfoncer un coin dans les rangs du groupe socialiste en rappelant les propos de notre collègue député Boucheron. Je lui rétorquerai que, au sein du groupe socialiste, nous avons l'habitude de débattre...
M. Jacques Blanc. Il fallait le faire avant !
M. Jean-Pierre Godefroy. ... et que nous sommes parfois autorisés à adopter des positions différentes. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) Ce n'est pas un mal, car c'est cela, le débat démocratique, et vous ne pouvez nous accuser, dans ces conditions, d'adopter un comportement monolithique.
D'ailleurs, ne riez pas trop vite, chers collègues de la majorité, car si nous pratiquons depuis longtemps le débat interne, vous êtes en train d'en découvrir les délices : il ne se passe pas un jour sans que la presse ne fasse état de divergences entre le chef de l'Etat et le président de l'UMP !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Mes chers collègues, nous débattons depuis maintenant près de trois heures et demie. Nous avons donc eu amplement le temps d'échanger nos arguments. Il est d'ailleurs intéressant d'entendre exprimer le point de vue des représentants du groupe socialiste et celui de nos collègues du groupe CRC.
Cela étant, je voudrais souligner que la commission des finances du Sénat s'est saisie de ce projet de loi sur le fond, comme l'a fait son homologue de l'Assemblée nationale et comme cela avait déjà été le cas en 2001 pour le collectif budgétaire, quand il s'agissait de supprimer un compte de commerce et de créer une société anonyme, ce qui n'était tout de même pas une mince affaire. Une telle opération aurait probablement pu justifier le dépôt d'un projet de loi spécifique. Quoi qu'il en soit, c'était là une initiative courageuse du ministre de la défense de l'époque, M. Alain Richard, que nous avions, me semble-t-il, saluée comme telle.
Il s'agit maintenant d'aller jusqu'au bout de la démarche, et je voudrais faire observer à notre collègue Jean-Pierre Plancade que l'appréciation qu'il a portée sur le travail accompli par la commission des finances pourrait apparaître blessante.
Sans doute fallait-il faire vite, et nous avons eu un moment d'hésitation quand il nous a été demandé de nous saisir du texte, car nous étions en pleine discussion du projet de loi de finances pour 2005, engagés dans un marathon budgétaire, un projet de loi organique devant de surcroît être examiné. Cependant, nous avons accepté, parce que nous avons pu nous assurer que nous pourrions conjuguer célérité et travail de fond.
Il ne s'est donc nullement agi d'un examen « à la sauvette ». A cet instant, je tiens au contraire à attester la qualité du travail accompli par M. Yves Fréville, qui était en outre rapporteur spécial du projet de budget de la défense pour l'exposé d'ensemble et les dépenses en capital. Yves Fréville s'est totalement investi dans l'accomplissement de sa tâche, comme en témoigne le rapport qu'il vous a soumis, où figurent les noms de dix-neuf personnes, en particulier des représentants des salariés de DCN, ayant été entendues par la commission des finances.
Mme Hélène Luc. Mais elles n'ont pu être entendues par la commission de la défense, comme elles le demandaient !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il ne s'agissait donc pas, je le répète, d'un travail « à la sauvette ». Le travail a été effectué rapidement, certes, mais avec rigueur. Je voudrais donc que l'on rende hommage à M. Yves Fréville, rapporteur du texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade. La compétence de M. le rapporteur n'est pas en cause !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Par ailleurs, notre collègue Jean-Pierre Plancade a donné à entendre que, finalement, DCN SA se portait remarquablement bien et que tout pouvait donc continuer comme par le passé.
Or nous avons eu le temps, dans les délais très brefs qui nous étaient impartis, d'examiner les comptes sociaux de DCN SA au 31 décembre 2003. Permettez-moi de vous dire, mon cher collègue, que s'ils font apparaître des ressources de trésorerie et des placements, qui constituent probablement le résultat bénéficiaire de l'année 2003 - j'ignore ce qu'il en sera en 2004 -, c'est parce que l'Etat a apporté sa contribution, peut-être pas sous la forme d'une souscription immédiate au capital, mais sans doute par le biais d'abondements de crédits provenant du budget de la défense, ce qui n'a pas dû vous simplifier la vie, madame la ministre !
Cependant, je ne suis pas sûr que cet effort exceptionnel visant à apporter des solutions qui jusque-là avaient fait défaut pourra être maintenu durablement. Par conséquent, les comptes sociaux arrêtés au 31 décembre 2003 ne doivent pas vous abuser, monsieur Plancade. Leur état met au contraire en exergue la nécessité et l'urgence de prendre des dispositions tendant à rendre possible l'établissement de partenariats de nature à élargir le champ d'activité de DCN SA,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'est pas nécessaire de privatiser pour établir des partenariats !
M. Jean Arthuis, président de la commission. ... à contribuer à la défense nationale et à gager la pérennité des emplois de femmes et d'hommes dont nous voulons saluer le grand professionnalisme. Si vous examinez de près les comptes, monsieur Plancade, vous y découvrirez donc des motifs de ne pas ajourner les décisions que nous allons prendre maintenant au travers du vote de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. Jacques Blanc. Très bien !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 73 :
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 158 |
Pour l'adoption | 193 |
Contre | 121 |
Le Sénat a adopté.
Mme Hélène Luc. On a gagné des voix !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier le président de la commission des finances, M. Arthuis, son rapporteur, M. Fréville, et l'ensemble des intervenants. Ce débat a en effet été dense et, même s'il y a eu un certain nombre de dérives, il a permis de poser beaucoup de questions et, par conséquent, d'apporter de nombreuses réponses. Ce fut un bel exemple de ce qu'est un débat devant la Haute Assemblée. Je voudrais également adresser mes très sincères remerciements à vous-même, madame la présidente, et à l'ensemble du personnel du Sénat car nous terminons cette dernière séance de l'année à une heure avancée. En cette fin d'année, permettez-moi de vous souhaiter à tous de très joyeuses fêtes. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Permettez-moi, à mon tour, madame la ministre, de vous souhaiter à vous-même et à toute votre équipe de belles fêtes de fin d'année, ainsi qu'à vous-mêmes, mes chers collègues, et à l'ensemble du personnel du Sénat.
Madame la ministre, vous terminez cette année avec une grande énergie ; j'espère qu'elle vous accompagnera tout au long de l'année 2005.