PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère des affaires étrangères.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le ministre, nous en sommes conscients, la fonction que vous occupez n'est pas facile dans un monde qui bouge de plus en plus vite, instable et dangereux : des crises un peu partout, qui déstabilisent plusieurs régions dans le monde, la pauvreté et la maladie, qui continuent de faire des ravages, la baisse du dollar, le coût du pétrole, les interrogations sur le nouveau et dernier mandat de l'administration Bush...

Face à tous ces défis, nous devons continuer à travailler à plus de justice et plus de solidarité, à affirmer que le droit international doit rester notre guide, que la force doit être au service du droit, et non l'inverse, que le multilatéralisme doit présider à nos actions, particulièrement dans notre monde multipolaire.

C'est au travers de votre ministère et, plus simplement encore, du vote de votre projet de budget que peut s'exprimer l'action de la France.

L'examen de ce projet de budget est traditionnellement l'occasion de faire le point sur les questions essentielles de la politique étrangère et sur la façon dont le Gouvernement répond à ces questions.

Aussi, avant d'aborder les chiffres et les orientations de la loi de finances, je tiens à évoquer certains des sujets qui font l'actualité internationale, à commencer, bien sûr, par l'Irak.

Nos pensées vont immédiatement vers nos deux compatriotes journalistes retenus en otage depuis plus de trois mois. Je tiens ici à saluer l'élan de cohésion nationale que leur épreuve a suscité. Peut-être, monsieur le ministre, pourriez-vous faire le point sur la situation.

Nous nous sommes réjouis de voir que la diplomatie semble reprendre peu à peu ses droits. J'en veux pour preuves la réunion de Berlin et celle de Charm el-Cheikh, que vous avez d'ailleurs qualifiée « d'approche constructive ». Le fait qu'une réunion internationale ait pu avoir lieu et que les Etats-Unis aient même accepté que soit mentionné le retrait des troupes dans la déclaration finale est en lui-même positif, même si, et nous en sommes tous conscients, beaucoup de chemin reste à faire.

Concernant l'annulation de 80 % de la dette irakienne, nous pouvons comprendre qu'une dette contractée pendant une dictature ne reste pas à la charge des générations à venir, qui auront, elles, la responsabilité de la reconstruction, dans le cadre, bien sûr, d'un nouveau régime démocratique.

Mais pourquoi, monsieur le ministre, cette clémence à l'égard de l'Irak, qui, rappelons-le, possède la deuxième réserve de pétrole du monde, et non envers d'autres pays d'Afrique et d'Amérique latine bien plus pauvres ? Peut-être y a-t-il eu des contreparties qui nous ont échappé...

S'agissant toujours de la même région, mais un peu plus à l'ouest, je dois dire que la France a bien fait d'accueillir le président de l'Autorité palestinienne.

Une nouvelle page de l'histoire de cette région est à écrire. Je souhaite que le gouvernement israélien puisse conduire jusqu'au bout son désengagement de la bande de Gaza et que sa volonté d'y parvenir favorise la paix. Bien entendu, ce retrait ne peut être considéré que comme une première étape vers le retour aux frontières de 1967 pour que, enfin, ces deux peuples puissent vivre dans deux Etats séparés, sécurisés et viables.

A ce propos, pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, où nous en sommes, qu'il s'agisse du rôle du Quartet ou du retour à la feuille de route, questions que vous suivez, je le sais, de très près ?

Je voudrais souligner le formidable succès que la diplomatie européenne a rencontré en obtenant, grâce aux initiatives allemande, britannique et française, l'engagement de l'Iran à renoncer à l'armement nucléaire.

Toutefois, monsieur le ministre, sachant que ces accords peuvent rester lettre morte, je souhaiterais connaître les mesures que vous compter prendre, de concert avec nos partenaires européens et dans le cadre de l'AIEA, l'Agence internationale de l'énergie atomique, pour veiller à l'application de cet engagement et, surtout, pour arriver à convaincre les Etats-Unis que la voie diplomatique aussi peut et doit réussir.

L'actualité nous amène aussi vers l'Afrique, et bien sûr, vers la Côte d'Ivoire.

J'estime, avec d'autres, que l'armée française a accompli un travail remarquable quant à l'évacuation et à la protection des ressortissants étrangers, notamment français.

Bien sûr, il faudra établir la vérité des faits sur l'ensemble des événements. Cependant, la guerre de propagande qui est menée par le président Gbagbo ne doit pas faire oublier que la priorité est de trouver une solution politique à la crise, comme l'a rappelé le représentant spécial de l'ONU, en espérant que l'accord obtenu par le président Thabo Mbeki sera respecté.

Mon temps m'est compté, mais comment ne pas parler du Rwanda ? Le terrible génocide des Tutsis n'est pas encore effacé de nos esprits que, déjà, les risques d'un nouveau drame, les victimes devenant les bourreaux, se multiplient. La tension monte, en particulier au Congo.

Je voudrais aussi m'arrêter un instant sur la situation du Soudan et de la région du Darfour. On enregistre déjà 70 000 morts au minimum, 1,5 million de personnes déplacées. Je crains, dans ces conditions, que la résolution 1574, adoptée par le Conseil de sécurité le 20 novembre dernier et appelant à l'arrêt immédiat des exactions, ne puisse contribuer au règlement de la crise, faute de contenir une quelconque menace de sanctions.

Monsieur le ministre, ma question sera simple. Je sais quelle importance vous attachez à ce sujet, et votre visite sur place en juillet dernier en est l'expression. Mais enfin, pourquoi ne sommes-nous pas parvenus à élaborer une résolution beaucoup plus contraignante ? On sait le travail remarquable réalisé au Tchad par les soldats français de la mission Epervier qui sécurisent les camps de réfugiés soudanais. La France avait donc la crédibilité nécessaire pour « pousser » le Conseil de sécurité dans le sens d'une décision plus significative. Que manque-t-il aujourd'hui à notre action pour que nous réussissions à soulager ces populations ?

J'en viens au dernier des sujets qui me préoccupent dans ce tour d'horizon partiel de notre politique étrangère. C'est un sujet, mes chers collègues, qui n'est que rarement débattu dans le cadre de nos ordres du jour. Aussi me semble-t-il important de lui accorder aujourd'hui quelques instants.

Entre le 29 novembre et le 3 décembre dernier, la communauté internationale était réunie à Nairobi pour le cinquième anniversaire du traité d'Ottawa interdisant les mines antipersonnel. Si ce premier bilan s'est révélé dans l'ensemble plutôt encourageant, l'Observatoire des mines nous rappelle qu'il y a encore entre 15 000 et 20 000 victimes par an, dont près d'un quart sont des enfants et dont 80 % sont des civils.

Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, la France est indéniablement, et c'est tout à son honneur, à la pointe de la lutte contre ce fléau. Toutefois, monsieur le ministre, notre implication dans ce combat pourrait s'améliorer.

D'une part, le niveau de nos contributions baisse notablement depuis 2002. En 2004, avec un montant de 2,5 millions de dollars, nous sommes seulement au vingt-deuxième rang des donateurs. Quand nous donnons 3 centimes d'euros par an et par habitant, la Norvège, par exemple, apporte près de 5 euros, toujours par an et par habitant.

D'autre part, trois points importants laissés en suspens par le traité d'Ottawa doivent être résolus rapidement.

D'abord, la nomenclature des mines interdites n'inclut pas pour l'instant certaines mines antichars qui présentent pourtant les mêmes dangers que les mines antipersonnel. Je veux parler des mines à déclencheur sensible.

Ensuite, la fixation d'un plafond concernant les stocks de mines conservés à des fins de recherche et de formation n'a toujours pas été arrêtée.

Enfin, la question des opérations militaires communes entre un Etat signataire et un Etat utilisant encore des mines n'a pas davantage été tranchée, non plus d'ailleurs que la question, très préoccupante, des bombes à sous-munitions. Je le rappelle, il s'agit d'engins qui peuvent éclater après coup et qui restent souvent suspendus aux arbres par des fils rouges, verts ou bleus. Prétendument destinés à permettre de repérer les bombes, ces fils sont surtout de dramatiques appâts, et les enfants qui se laissent abuser par leurs couleurs en meurent ou restent mutilés.

Comme pour la signature du traité en 1999, il ne fait pas de doute que, si la France montre l'exemple sur ces questions, d'autres pays suivront. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous éclaircissiez la position de notre pays sur ces points.

Avant d'en venir aux chiffres, je pose une dernière question : doit-on considérer les derniers événements internationaux - les conférences de Berlin et de Charm el-Cheikh, les résolutions sur la Côte d'Ivoire, la résolution 1559 sur le Liban - comme autant de signes favorables au rapprochement des points de vue français et américains ?

J'en viens aux moyens dont le ministère des affaires étrangères sera pourvu en 2005.

Cette année, comme souvent depuis dix ans, avec 1,58 % des dépenses de l'Etat, le Quai d'Orsay demeure, au choix, le « parent pauvre » ou la « bête noire » de Bercy.

J'évoquerai brièvement un sujet déjà abordé par Michel Charasse et sur lequel Mme Monique Cerisier-ben Guiga reviendra : l'aide publique au développement.

Certes, l'APD est en augmentation, mais cette augmentation porte essentiellement sur les allégements de la dette des pays pauvres. Or la part des allégements a été multipliée par 2,5 en quatre ans et, si l'on y ajoute l'effacement de la dette de l'Irak, on peut se demander ce qui va rester de l'APD !

Un dernier point : le montant de nos cotisations dans les grandes organisations internationales de développement est tout à fait insatisfaisant.

Avec nos 16 millions d'euros de contribution au programme des Nations unies pour le développement, nous ne sommes qu'en onzième place, loin derrière le Japon, les Pays-Bas ou encore la Norvège. Nos participations à l'UNICEF et au fonds des Nations unies pour l'aide aux populations sont également limitées. Le total de nos donations pour l'action humanitaire au sein de l'ONU nous place en vingt-troisième position, loin derrière la Grande-Bretagne et même la République de Corée, tout juste devant l'Arabie Saoudite et le Kenya !

Cette situation, qui, je le sais, vous préoccupe, monsieur le ministre, puisque vous l'avez vous-même déplorée en commission, ne permettra pas, en l'état, d'atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement.

Au risque de vous étonner, je suis pourtant d'accord sur le principe des déclarations que le Président de la République a faites au Brésil et reprises à l'ONU, mais, monsieur le ministre, comment peut-on tenir un discours de générosité sans se donner dans le même temps les moyens de la solidarité ?

Sur toutes les travées, nous savons quels efforts vous faites pour défendre le budget de votre ministère, comme d'ailleurs vos prédécesseurs avant vous, et nous savons que vous n'êtes pas resté l'arme au pied, puisque des avancées ont été obtenues. Mais, 1,58 % pour la politique étrangère de la France, cela reste encore pour nous de l'ordre du symbole !

C'est pourquoi le groupe socialiste, au nom duquel je m'exprime, votera contre ce projet de budget, en espérant que ce vote vous aidera et même vous renforcera...

M. Charles Pasqua. C'est original !

M. Jean-Pierre Plancade. ...pour obtenir les crédits supplémentaires qui permettront à la France de jouer enfin dans le monde le rôle que nous aspirons tous à la voir jouer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.

M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce soir, j'attirerai plus spécialement votre attention sur trois points : la situation en Côte d'Ivoire, les retraites africaines acquises par nos compatriotes et l'évolution du fonds d'assistance du ministère des affaires étrangères.

S'agissant de la Côte d'Ivoire, ma collègue Paulette Brisepierre et moi-même avons évoqué ce dossier brûlant lors de la séance des questions d'actualité du 17 novembre dernier, Pour ma part, j'ai abordé plus spécifiquement les problèmes concrets qui se posent aux Français : sécurité physique et sécurité des biens pour ceux qui sont demeurés sur place ; reprise de l'activité pour les entreprises françaises après les pillages et les désordres.

S'agissant de la sécurité, si un calme précaire semble revenu, la reprise de l'activité économique est le sujet dominant qui préoccupe au plus haut point non seulement nos compatriotes, mais également, ce qui est paradoxal, les autorités ivoiriennes.

Quelle est la position de la France en la matière ? La réponse à cette question est déterminante pour le maintien de nos compatriotes restés sur place et le retour de ceux qui ont regagné la France; le tout étant, bien entendu, subordonné aux assurances qui leur seront données quant à leur sécurité physique et celle de leurs biens.

L'accueil de ceux qui ont préféré rentrer en France a été très bien organisé et j'ai eu l'occasion, le 17 novembre, d'en féliciter le Gouvernement, votre ministère, monsieur le ministre, ainsi que tous ceux qui y ont participé. Mais on ne peut qu'être soucieux quant à leur avenir : quelles sont leurs possibilités de se loger et de travailler ? Il est nécessaire qu'en attendant de retrouver un emploi, ils puissent bénéficier des indemnités de chômage et que les partenaires sociaux, comme ce fut le cas pour le « précédent réussi » de 1991, à l'occasion de l'évacuation des Français du Koweït, ouvrent l'accès à ces indemnités à tous les salariés français rentrés de Côte d'Ivoire.

Je ne vous cache pas, monsieur le ministre, que je nourris quelques inquiétudes sur ce point. En 1991, votre prédécesseur, M. Roland Dumas, avait pris ce dossier en main et il avait obtenu que tous les Français du Koweït perçoivent les indemnités de chômage. Votre tâche est plus lourde puisque, d'une part, le nombre de personnes concernées est plus élevé et, d'autre part, le déficit de l'UNEDIC a été évalué à 8 milliards d'euros.. Il n'en reste pas moins que c'est une question essentielle pour nos compatriotes rentrés de Côte d'Ivoire : je vous demande donc de vous en saisir.

Un point s'avère positif : les instructions données par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie pour autoriser le change des billets émis en francs CFA auprès des trésoreries générales départementales.

Le président Jacques Pelletier et moi-même avons eu l'honneur d'être reçus ce matin, dans le cadre du groupe d'amitié France-Gabon du Sénat, par le président Omar Bongo et de nous entretenir avec lui de la situation en Côte d'Ivoire. Le président Omar Bongo, qui est l'un des plus anciens chefs d'Etat de l'Afrique, est intervenu sur ce sujet brûlant en s'efforçant d'être un intermédiaire positif.

Au cours de cet échange, nous avons pu mesurer, mes chers collègues, combien ce dossier est complexe : si l'intervention du président sud-africain, que vous avez suivie, j'imagine, avec beaucoup d'intérêt, monsieur le ministre, est importante, nous ne sommes pas convaincus qu'elle soit de nature à régler l'ensemble des problèmes. Le président Pelletier vous donnera son sentiment à cet égard, mais, pour ma part, je suis assez réservé.

Le deuxième point de mon intervention ne nous éloignera pas de l'Afrique : il s'agit des retraites acquises par nos compatriotes auprès des pays d'Afrique noire francophone, mais qui ne leur sont pas payées. C'est là un sujet sensible qui donne lieu, depuis des années, à des protestations, et qui provoque, chez les intéressés, un réel sentiment d'injustice, bien légitime au demeurant.

J'ai donc apprécié, monsieur le ministre, la note que votre directeur de cabinet, M. Pierre Vimont, a adressée à ses collègues du ministère de l'économie et des finances et du ministère de la santé et de la protection sociale.

Pour ma part, le jeudi 30 septembre dernier, lors de la venue de Nicolas Sarkozy, alors ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, devant l'Assemblée des Français de l'étranger, j'ai développé cette question et demandé la création d'un groupe de travail : une première réunion a eu lieu le 24 novembre, à Bercy, en présence de M. Sarkozy.

Une lettre de votre directeur de cabinet, M Vimont, datée du même jour - nous l'avons reçue un peu tardivement -a tenté de fixer l'établissement d'un lien de conditionnalité entre le paiement des retraites de nos compatriotes et les concours financiers de la France aux pays concernés.

Il semble donc, et je m'en réjouis particulièrement, que la France soit décidée à assurer concrètement le paiement des retraites de nos compatriotes qui ont cotisé auprès des caisses africaines, dont certaines, comme celle du Congo-Brazzaville, sont totalement défaillantes.

Si l'on sait que les retraites des Africains ayant travaillé en France sont strictement et régulièrement payées par notre pays, si l'on ajoute que les retraites africaines versées aux nationaux sont, pour une grande part, financées grâce aux cotisations versées par les sociétés d'origine française travaillant sur place, monsieur le ministre, on se dit que trop, c'est trop ! La France ne peut plus accepter cette spoliation indigne de ses ressortissants.

Je vous remercie, monsieur le ministre, ainsi que votre directeur de cabinet, de vos prises de position, mais il reste à concrétiser ces déclarations d'intention : quelles mesures concrètes entendez-vous prendre pour régler ce dossier ?

Pour conclure, j'examinerai le chapitre budgétaire 46-94 consacré à l'assistance aux Français à l'étranger. Depuis quelques années déjà, il subit les effets de la rigueur et de la maîtrise des dépenses. Si le total des crédits de ce chapitre est en augmentation de 145 135 euros, s'établissant à 24,2 millions d'euros, c'est parce que la ligne budgétaire consacrée à la sécurité des Français de l'étranger bénéficie d'une hausse de près de 195 000 euros. Bien entendu, je ne peux que m'en féliciter !

J'ai évoqué, précédemment, la crise ivoirienne et les graves préjudices physiques, moraux et économiques subis par nos compatriotes. Malheureusement, ces crédits sont les seuls à connaître une hausse substantielle, tous les autres étant reconduits à l'identique par rapport au budget 2004.

Ainsi, s'agissant du fonds d'assistance de votre ministère, monsieur le ministre, lequel permet d'attribuer des allocations de solidarité aux personnes âgées et aux handicapés français vivant à l'étranger, je constate que les crédits stagnent : ils demeurent fixés à un peu plus de 17,8 millions d'euros, comme en 2004 et en 2003. Je ne critique nullement la manière dont la Direction des Français à l'étranger et des étrangers en France gère ce budget : elle le fait avec beaucoup de rigueur et beaucoup de clairvoyance. Mais je constate qu'elle gère un budget inchangé depuis deux ans.

Il me paraîtrait souhaitable, monsieur le ministre, que les Français de l'étranger ne soient pas tenus à l'écart de cet effort de solidarité nationale que l'on s'efforce d'accomplir en métropole et que M. Borloo développe, à l'instigation du Président de la République.

Les crédits diminuant, nous assistons à une application extrêmement stricte de leurs modalités de répartition. Je vois mal comment il pourrait en être autrement si M. Barry Martin-Delonchamps, directeur des Français de l'étranger et des étrangers en France, veut boucler son budget. D'ailleurs, lorsqu'il nous réunit en commission pour travailler sur l'attribution de ces crédits, nous sommes conscients qu'il ne peut répartir que les sommes dont il dispose, et cela pose problème.

Au-delà des aides consulaires, je crains que la stagnation des crédits n'entraîne à terme, monsieur le ministre, une diminution des subventions aux sociétés françaises de bienfaisance, même si vos services nous ont indiqué vouloir poursuivre l'action significative qui a été menée en 2004. Ces sociétés de bienfaisance, qui ont parfois été critiquées, jouent un rôle essentiel dans les communautés françaises de l'étranger : quand nos consulats ne peuvent plus aider tel ou tel de nos compatriotes, ils font appel à la société de bienfaisance pour apporter une aide momentanée.

Si un effort de solidarité est entrepris en France métropolitaine, s'il existe une couverture maladie universelle et un RMI, les Français de l'étranger ne disposent, quant à eux, que des aides que je viens d évoquer. Les crédits d'assistance de votre ministère n'augmentent pas suffisamment, monsieur le ministre. Il est donc indispensable que vous vous oeuvriez afin qu'ils progressent dans le prochain budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'augmentation du budget des affaires étrangères repose essentiellement sur l'accroissement de l'aide publique au développement. Cette situation crée inévitablement un déficit budgétaire entre la part allouée aux affaires étrangères, particulièrement les moyens et services du titre III, et celle qui est allouée à la coopération.

Bien évidemment, je ne saurais m'ériger contre toute mesure permettant de prendre en compte le retard pris notamment pour atteindre les objectifs du millénaire, définis à l'ONU en 2000. C'est la raison pour laquelle j'interviens depuis plusieurs années, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, pour plaider en faveur d'efforts supplémentaires.

La France doit être un pilier en matière d'aide aux pays du Sud. Le Président de la République a fait de cette problématique un cheval de bataille hautement médiatisé. Il reste à savoir comment cela se traduira dans les faits ; nous souhaitons évidemment de tout coeur que cela se réalise !

Malheureusement, à y regarder de près, mes espoirs en faveur d'une véritable politique volontariste sont déçus depuis 2002. Des montages financiers, ainsi que des gels et annulations de crédits, viennent troubler la réalité. Cette année encore, la hausse de l'aide publique au développement dépend essentiellement des allègements et annulations de dettes.

Permettez moi alors, monsieur le ministre, de critiquer la méthode employée. Je considère en effet que l'aide publique et la réduction de la dette, bien qu'étant tous deux nécessaires à l'essor des pays du Sud, doivent être deux instruments distincts.

Le secrétaire général des Nations unies, M. Koffi Annan, reconnaît lui-même cette dissociation comme fondamentale en déclarant : « les mesures d'allègement de la dette doivent s'ajouter au montant global des transferts tel qu'il s'établissait avant que ces mesures n'interviennent. »

Qui plus est, c'est une grande opacité qui entoure les allègements et annulations de dette : Bercy a, en la matière, une grande part de responsabilité. A ce titre, il faudra clarifier la mise en oeuvre et l'utilisation de la question de la dette par la France.

Qu'il s'agisse de l'initiative des pays pauvres très endettés, des annulations et réductions de dette ou encore des contrats désendettement-développement, il est grand temps que les parlementaires se saisissent plus concrètement de ce dossier. Il faudrait qu'un débat ait lieu au Parlement sur les questions plus larges de la coopération : la seule discussion du budget ne saurait suffire, d'autant que, l'année prochaine, elle sera modifiée avec l'entrée en application de la LOLF.

A ce propos, la mission budgétaire interministérielle « aide au développement » devrait couvrir un volume très inférieur à la somme totale des crédits de l'APD

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Exact !

Mme Hélène Luc. La lisibilité, semble t-il, ne sera pas encore de mise.

Il faudrait que l'action des quinze ministères concernés par ce volet soit enfin évaluée dans son ensemble. J'attends, monsieur le ministre, que vous m'éclairiez sur ce point.

Je souhaite également obtenir des éclaircissements quant à la proposition du chef de l'Etat d'instituer une taxe sur les transactions financières internationales. Comment allez-vous procéder, monsieur le ministre, pour donner suite à cette proposition, que nous approuvons d'autant plus facilement que les parlementaires communistes ont été parmi les premiers à demander l'application de la taxe Tobin ? Nous sommes satisfaits de voir que le temps donne raison aux bonnes idées, mais il faut rapidement passer aux actes.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Nous ne sommes pas seuls !

Mme Hélène Luc. Quoi qu'il en soit, il faut circonscrire le champ de l'APD. Aujourd'hui, nous sommes en droit de demander une plus grande lisibilité de notre politique en matière de coopération. Nous sommes également en droit de demander que les allégements de dettes viennent s'ajouter à l'aide publique traditionnelle, selon un pur principe d'« additionnalité », et non s'y intégrer, comme c'est le cas actuellement.

Afficher une position est une chose, la mettre en oeuvre en est une autre. Il faut désormais franchir le pas vers la construction d'un monde plus juste socialement et économiquement, égalitaire et en paix. Les pays pauvres en ont assez des déclarations de bonnes intentions. Leurs populations sont dans une souffrance extrême. Nous l'avons vu, lors de missions en Ethiopie, en Erythrée et au Soudan.

L'état du monde ne peut laisser les gouvernements des pays riches inertes ; au demeurant, ce n'est pas le cas de la France : nous sommes loin d'être les plus mauvais ! L'inaction, c'est la mort programmée de millions de personnes chaque année. Face aux fléaux que sont la faim, les épidémies, les guerres, dont les premières victimes sont les enfants et les femmes, des solutions existent : il faut les mettre ne application. Il faut une volonté, il faut des objectifs clairs, il faut débloquer des moyens financiers.

Selon la Banque mondiale, 50 milliards de dollars par an manquent pour que soient les promesses de l'ONU d'ici à 2015. Or on compte aujourd'hui cinquante-quatre pays qui sont plus pauvres qu'en 1990 ! Cela signifie que, au rythme actuel, l'Afrique devra attendre l'année 2129 pour assurer l'accès de tous à l'école primaire et l'année 2156 pour réduire des deux tiers la mortalité infantile.

Voilà quelques jours, se déroulait la journée mondiale contre le sida, triste célébration vu les chiffres et l'état des lieux. En vingt ans, le sida a tué plus de 23 millions de personnes dans le monde, et 40 millions de personnes sont infectées par le virus, dont les deux tiers en Afrique subsaharienne. Dans les pays en développement, seulement 440 000 malades sont traités.

L'ONUSIDA a rendu cette année un rapport des plus alarmistes. L'organisation constate la féminisation de l'épidémie. A titre d'exemple, en Afrique subsaharienne, 75 % des jeunes infectés sont des filles âgées de quinze à vingt-quatre ans. Qui plus est, la propagation du virus s'étend aujourd'hui dans les pays les plus peuplés de la planète, en Europe orientale et en Asie, ce qui annonce, si rien n'est fait, une catastrophe sanitaire sans précédent.

Devant un tel bilan, comment jouer la carte de l'immobilisme, alors que les programmes de prévention du sida touchent moins d'une personne sur cinq et qu'une prévention complète pourrait éviter 29 millions de nouvelles infections dans les années à venir.

La lutte contre le sida et contre toutes les pandémies doit s'intensifier et s'incarner dans une politique audacieuse de l'accès aux médicaments et aux brevets. Il faut accélérer la recherche, redéfinir des stratégies en dehors des impératifs fixés par l'OMC. L'entrée en vigueur, en 2005, des accords relatifs aux aspects des droits de propriété intellectuelle aura des conséquences directes pour des pays importateurs de médicaments génériques comme l'Inde, ce qui suscite de très grandes inquiétudes.

Je tiens à insister également sur l'urgence qu'il y a pour nous à agir si nous ne voulons pas nous rendre complices de désastres et de désordres mondiaux de grande ampleur.

Pour ce qui est de la faim dans le monde, si l'aide n'est pas substantiellement augmentée dans les deux ou trois décennies qui viennent, des tensions alimentaires extrêmes apparaîtront dans des pays fragilisés du Moyen-Orient, du Maghreb, de la vallée du Nil, de l'Afrique de l'Ouest ou de l'Afrique subsaharienne.

D'ores et déjà, nous pouvons constater l'utilisation de la famine comme arme politique et arme de guerre pour disséminer des ethnies entières.

L'eau est aussi source de multiples conflits. Le conflit entre Israël et la Palestine en est un des nombreux exemples, même si l'eau n'est, bien sûr, pas seule en cause. Kofi Annan a même déclaré que le XXIe siècle serait celui de la guerre pour l'eau. Il est certain que cette prédiction se réalisera si rien n'est fait rapidement.

Nous avons là deux exemples flagrants de la relation étroite existant entre la lutte contre les inégalités, la pauvreté et l'essor des pays pauvres, d'une part, la stabilité et la paix mondiale, d'autre part.

En définitive, monsieur le ministre, la hausse apparente des crédits n'empêche pas une diminution des projets. Les pays pauvres attendent plus de nous, et nous sommes encore loin d'avoir un budget à la hauteur des nécessités.

Je ne voudrais pas quitter cette tribune sans féliciter toutes les régions, tous les départements, toutes les communes qui se mobilisent pour participer à l'effort de coopération décentralisée.

M. Josselin de Rohan. Comme les Hauts-de-Seine !

M. Charles Pasqua. Absolument !

M. Gérard Dériot. Et l'Allier !

Mme Hélène Luc. Dans le Val-de-Marne, nous consacrons également des crédits très importants à cette action, et je sais qu'il en va de même dans de nombreuses autres collectivités.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Et c'est l'Etat qui en finance une grande partie, avec les contrats de plan !

Mme Hélène Luc. C'est une très bonne chose, mais ces efforts doivent s'additionner pour que, tous ensemble, nous fassions beaucoup plus. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.

M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2005 prévoit une nouvelle augmentation de l'aide publique au développement, afin d'atteindre l'objectif de 0,5 % du PIB en 2007. En 2005, l'APD atteindra 0,43 % du PIB, soit 7,3 milliards d'euros.

La France, et j'en suis heureux, reste l'un des leaders mondiaux de l'aide au développement puisqu'elle est le troisième bailleur mondial en montant et le septième en part du PIB.

Notre pays poursuit donc ses efforts pour atteindre les objectifs quantitatifs définis par l'Organisation des Nations unies.

La réduction de la dette des pays les plus pauvres continue de représenter un poids important, très important même, par rapport aux aides projets, et cela n'est pas sans nous inquiéter pour l'avenir.

Depuis 2001, l'APD française a augmenté de 2 869 millions d'euros. Or ce redressement de l'APD s'explique en grande partie par l'augmentation du volume des annulations de dettes. En effet, le montant des allégements de dettes comptabilisé dans l'APD a été multiplié par cinq, soit une augmentation de 1 870 millions d'euros. En 2005, les annulations de dettes représenteront ainsi 30 % de l'APD française.

Autrement dit, si l'APD globale augmente de 679 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005, l'APD hors allégements de dettes baisse, quant à elle, de 62 millions d'euros.

La question essentielle, dans une perspective de développement, est de savoir dans quelle mesure ces allégements offrent vraiment des ressources supplémentaires pour les pays en développement. J'ai l'impression que ces annulations de dettes constituent un effacement comptable de créances qui, de toute façon, n'auraient probablement jamais été payées.

En outre, ces allégements sont très peu lisibles. La part budgétaire de l'aide est, quant à elle, inscrite au budget de douze ministères différents : cet éparpillement n'est ni logique ni positif. Les données disponibles ne permettent pas d'identifier clairement l'affectation des fonds dégagés par ces allégements, non plus que le détail de la nature des créances annulées.

La France étant le premier contributeur de l'initiative « pays pauvres très endettés  », et j'en suis heureux, la part des allégements de dettes dans l'APD française est particulièrement élevée en comparaison de celle des autres pays donateurs. Je suis conscient du fait que l'annulation de la dette des pays les plus pauvres constitue une condition sine qua non de leur développement, et je crois que nous sommes tous d'accord là-dessus. Mais l'inscription intégrale de ces annulations de dettes au titre de l'APD est beaucoup plus discutable, spécialement pour les dettes COFACE, comme l'indiquait déjà très justement notre excellent rapporteur Michel Charasse l'an dernier.

En pratique, la représentation nationale n'a de réel contrôle que sur les 15 % des annulations de dettes qui sont imputés sur des chapitres budgétaires. Il faut vraiment améliorer la transparence de ces annulations de dettes. Pour cela, il serait par exemple souhaitable que des parlementaires puissent faire partie de la commission d'attribution des prêts COFACE : on y verrait dès lors un peu plus clair.

Par ailleurs, l'ONU estime que le niveau actuel de l'APD mondiale devrait au minimum doubler pour permettre d'atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement. La Grande-Bretagne, soutenue en cela par la France, a proposé que soit lancé un grand emprunt pour réaliser plus rapidement les Objectifs du millénaire. J'aimerais savoir, messieurs les ministres, ce qu'il en est de cette proposition, qui nous semblait fort intéressante.

La sincérité budgétaire des crédits de l'APD s'est, quant à elle, améliorée en 2004, malgré des retards de paiement très dommageables pour de nombreux acteurs, particulièrement certaines ONG, qui se sont trouvées, de ce fait, pendant de long mois, en grande difficulté.

Jusqu'à présent, les crédits de l'APD ont été heureusement fort peu touchés par les opérations de régulation budgétaire. Mais il convient, messieurs les ministres, de rester très vigilant sur cet impératif de sincérité budgétaire en 2005. Je rappellerai l'ampleur des régulations budgétaires qui avaient, hélas ! frappé les crédits du ministère des affaires étrangères en 2003.

Concernant ce projet de budget, j'ai relevé que l'aide bilatérale devrait augmenter de 16,1 % en 2005, au détriment de l'aide multilatérale, qui diminuerait de 1,8 %, du fait de la baisse des contributions aux banques et à certains fonds de développement.

L'Afrique subsaharienne demeure la priorité de la coopération française, et cela me paraît heureux, puisqu'elle a reçu près de 60 % des crédits en 2003, l'ensemble du continent africain étant destinataire de plus de 70 % de ces crédits.

J'ai également observé qu'un effort soutenu avait été consenti, au sein du budget du ministère des affaires étrangères, au profit des contrats de désendettement-développement, qui constituaient le volet bilatéral additionnel à l'initiative d'allégement de la dette.

Je me réjouis, par ailleurs, que la France contribue au Fonds mondial de lutte contre le sida, à hauteur de 150 millions d'euros, conformément à son engagement de tripler ses versements, ce qui en fait le second donateur.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Oui !

M. Jacques Pelletier. Cet effort est bienvenu et nécessaire, compte tenu des ravages démographiques et économiques que crée cette pandémie, particulièrement en Afrique australe et en Afrique centrale, Mme Luc l'a rappelé avec force à l'instant.

M. Jacques Pelletier. En revanche, je déplore l'insuffisance de la dotation en crédits de paiement de l'Agence française de développement pour 2005 : elle pourrait conduire à réduire la part des dons dans la zone de solidarité prioritaire.

Si nous notons une augmentation relativement importante de notre participation au FED, dont les décaissements s'accélèrent, notre souscription au PNUD reste faible, à hauteur de 16 millions d'euros, et cela depuis quatre ans. De ce fait, la France perd l'influence qu'elle possédait de longue date dans cette organisation internationale, qui, j'ai pu le constater, accomplit un excellent travail.

J'ajouterai quelques mots sur le Haut Conseil de la coopération internationale, le HCCI, qui a été renouvelé début 2003, et que j'ai l'honneur de présider.

L'année 2003 a été une année de travail intense de préparation intense en commission. A ce titre, le HCCI a contribué à de nombreuses concertations entre les acteurs publics et privés, gouvernementaux et non gouvernementaux, de la coopération internationale, dans des domaines très variés.

Désormais, il travaille à plein régime et assure une concertation régulière et apaisée entre les différents acteurs de la coopération internationale pour le développement. Il contribue en outre largement à la sensibilisation de l'opinion publique aux enjeux de la coopération ; c'est même là une de ses tâches essentielles.

Aujourd'hui même, j'ai participé à la remise des prix de la coopération internationale par le Premier ministre, à l'Hôtel Matignon. C'est une bonne initiative pour faire connaître et encourager les actions entreprises par les ONG, les collectivités territoriales.

Enfin, le HCCI formule de nombreux avis et recommandations à l'intention du Premier ministre.

Je suis sûr que, à la fin de l'année 2005, Michel Charasse estimera que le Haut Conseil de la coopération internationale accomplit du très bon travail !

M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. C'est ce qu'il nous disait à l'instant !

M. Jacques Pelletier. Du reste, il s'est montré très objectif dans son rapport de 2004, et je l'en remercie.

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. Jacques Pelletier. Je conclurai en disant que, si la reprise de l'aide amorcée en 2002 se poursuit et atteint des montants globalement satisfaisants, les crédits réservés à l'aide-projet sont, en revanche, en diminution sensible et inquiétante. Notre aide doit renforcer son efficacité et s'adapter davantage à la situation des pays partenaires, en fonction de leur capacité à construire leurs propres politiques publiques.

Quoi qu'il en soit, après avoir bien étudié ce projet de budget, je le voterai, comme la majorité des collègues de mon groupe. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.

Mme Josette Durrieu. Monsieur le ministre, votre tâche ne sera pas facile et vous aurez probablement du mal à mettre vos ambitions et vos priorités, que nous partageons pour l'essentiel, en adéquation avec vos moyens.

A vrai dire, nous sentons bien, à l'occasion de nos visites dans les différentes ambassades, que l'influence de la France est quelque peu malmenée. C'est dommage !

Quelle place pour la France en Europe et pour l'Europe dans le monde ?

Puisque le débat sur le projet de Constitution est lancé, j'ai envie de dire que, à l'évidence, il n'y aura pas d'Europe politique, pas d'Europe achevée tant que nous n'aurons pas fait une Europe de la défense et de la politique extérieure commune.

J'imagine, monsieur le ministre, que vous avez travaillé à ce projet de Constitution ; peut-être même en avez-vous rédigé l'article 10 dont le paragraphe 7 de l'article I-41, aux termes duquel l'OTAN « reste, pour les Etats membres, le fondement de leur défense collective. »

Cette option me paraît grave au moment où les Américains disent très clairement leur volonté d'imposer leur politique, où ils déclarent que les alliances traditionnelles, Alliance atlantique comprise, sont dépassées et entendent nouer des partenariats à la carte, où ils proclament sans ambiguïté qu'ils n'interviendront plus dans un quelconque conflit régional en Europe.

Face à cela, que doit faire l'Europe ? L'Europe peut-elle, aujourd'hui, émerger comme un véritable acteur ? N'est-elle pas quelque peu condamnée par sa faiblesse militaire, et aussi par ce projet de Constitutionnel, à ne jouer qu'un rôle mineur ?

Je préside la commission de suivi du Conseil de l'Europe et je peux vous dire que les Balkans occupent le plus clair de mon temps. Dans cette région, la situation n'est pas stabilisée, mais simplement gelée. Les Américains eux-mêmes disent que le conflit risque fort de ressurgir.

Lors d'un déplacement que j'ai effectué en Macédoine, la semaine dernière, j'ai constaté que la crise que nous pouvions craindre à l'occasion du référendum a été évitée, ce qui est un signe très positif et inattendu. Les partis albanais, ceux de la coalition au pouvoir comme ceux de l'opposition, ont fait le choix d'aborder la situation de façon responsable.

Cependant, la menace reste grande et la situation économique est dramatique : le taux de chômage atteint 70 % au Kosovo, 40 % en Bosnie comme en Macédoine.

L'issue de cette situation inquiétante dépendra du statut que nous donnerons au Kosovo et de la réponse que nous apporterons à ces pays sur leurs perspectives d'adhésion à l'Union européenne. Ce sera pour eux un élément de stabilité, même si l'échéance leur paraît lointaine.

Monsieur le ministre, s'agissant du Moyen-Orient, quel rôle l'Europe peut-elle jouer aujourd'hui au sein du Quartet ? La feuille de route est-elle toujours d'actualité ?

Vous savez fort bien que seul le plan Sharon est pris en considération par les Américains, les Républicains comme les Démocrates. Que Kerry eût été élu n'y eût rien changé !

Lorsque vous avez rencontré Yasser Arafat, il vous a sûrement posé cette question, à la fois forte et naïve : que fait l'Europe ? Qu'avez-vous répondu et que pouvons-nous répondre à cette interpellation, qui peut avoir une connotation dramatique, sinon que, en réalité, l'Europe n'existe pas ?

Que faut-il penser, aussi, de ce futur ministre des affaires étrangères « hors-sol », dont la mission sera extrêmement délicate tant qu'il n'y aura pas une volonté de définir une politique étrangère commune ?

Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger également sur l'Iran, où M. Solana s'est rendu récemment et où je me trouvais moi-même la semaine dernière.

Quelle sera l'issue de l'accord passé sur le programme nucléaire iranien ? Nous saluons ce bel acte diplomatique, même s'il est totalement informel, et je dis bravo à cette initiative de la France, rejointe par l'Allemagne et la Grande-Bretagne, car l'enjeu est majeur : la crise, imminente au moment des élections américaines, demeure latente. La menace est réelle, mais nous en avons à peine conscience.

L'Iran a-t-il, d'après vous, monsieur le ministre, définitivement renoncé à l'enrichissement de l'uranium ? Sachant qu'il s'agit d'une mesure strictement volontaire de sa part, de quelles garanties et de quels moyens de vérification disposons-nous ? Comment la France accompagne-t-elle ce processus ? Quelles sont les possibilités de coopération ?

Depuis la signature de l'accord, il y a eu des reculs : en particulier, l'accès aux sites n'est pas illimité ; l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'AIEA, en a pris acte. La confiance avait été difficile à établir et la méfiance est maintenant de retour.

Les Etats-Unis veulent, pour leur part, un arrêt total, immédiat et définitif du processus nucléaire. Ils évoquent déjà des programmes « cachés », « parallèles » ou « non déclarés ». Nous savons tous que leur méfiance est grande et que leur volonté reste entière de saisir seuls et directement le Conseil de sécurité de l'ONU.

Le président Bush a déclaré à Ottawa, le 30 novembre dernier : « Cette étape est positive... mais ce n'est sûrement pas la dernière pour lever les craintes des Américains. » Cela sonne un peu comme un avertissement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.

M. Robert Del Picchia. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, je veux tout d'abord, à cette tribune, avoir une pensée solidaire pour nos compatriotes de Côte d'Ivoire et rendre un hommage solennel à tous les acteurs du ministère des affaires étrangères qui, tant sur le terrain qu'à Paris, ont participé aux opérations de rapatriement et d'accueil en France de nos ressortissants. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Louis Carrère. Encore les violons ! Ils remettent ça !

M. Robert Del Picchia. Plusieurs collègues, en particulier M. Cantegrit, ont évoqué la situation de nos compatriotes rapatriés.

En France, ils pourront bénéficier crédits annoncés par le Premier ministre pour faciliter leur retour et leur réinsertion.

J'attire cependant votre attention sur le sort de nos compatriotes qui ont trouvé refuge dans d'autres pays africains, comme le Ghana, le Sénégal, ou au Liban, et qui ne peuvent retourner en Côte d'Ivoire en raison, notamment, de la fermeture des écoles.

Les conseillers locaux à l'Assemblée des Français de l'étranger, MM Chappelet et Brette, nous ont alertés sur le problème suivant : les efforts consentis sur place par l'ambassade de Dakar ne suffiront plus si la situation ivoirienne perdure.

Le service social du consulat de Dakar joue en quelque sorte le rôle de guichet unique que l'on met en place dans les préfectures en France. Il serait donc souhaitable qu'une partie des 5 millions d'euros promis par M. le Premier ministre puisse être mise à la disposition de l'ambassade à Dakar, ville où se trouvent près de 10 % des Français qui ont quitté Abidjan ; c'est un chiffre très important. Ces compatriotes ont aussi besoin de cet argent.

Monsieur le ministre, je voudrais vous dire combien nous apprécions l'action que vous menez au Quai d'Orsay : vous avez su relever le défi de la succession. Pourtant, je le reconnais, vous n'avez pas été épargné par l'actualité ; nous ne pouvons que vous féliciter, ainsi que Mme Haigneré et M. Darcos, pour vos engagements et pour vos succès diplomatiques.

Monsieur le ministre, vous souhaitez une diplomatie d'influence. Vous le savez, la Haute Assemblée développe également la diplomatie parlementaire, ...

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Quelle horrible expression !

M. Robert Del Picchia. ... et je pense que tout le monde comprend aujourd'hui que les deux sont, non pas en opposition, mais complémentaires.

L'examen du projet de budget des affaires étrangères pour 2005 me donne aussi l'occasion d'exprimer plusieurs préoccupations.

Plusieurs de mes collègues ont évoqué la politique internationale ; Serge Vinçon en a même dressé un tableau parfait.

Pour ma part, je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les préoccupations de l'Assemblée des Français de l'étranger, l'AFE.

Je poserai tout d'abord une question technique - je prie mes collègues qui ne sont pas membres de l'AFE de m'en excuser, mais il se trouve que le ministre des affaires étrangères est, de droit, président de cette assemblée - qui n'a pas encore été tranchée officiellement : elle concerne la seconde session plénière de l'AFE.

Le décret du 6 avril 1984 modifié précise, dans son article 5, que « l'assemblée plénière et le bureau se réunissent au moins une fois par an ».

Or, d'une année sur l'autre, les dossiers traînent et l'actualité n'est évidemment plus la même. Bref, les données ont changé et les élus ont oublié quels problèmes étaient restés en suspens.

Nous en avions parlé au sein de la commission de la réforme, une deuxième assemblée plénière au printemps permettrait un meilleur suivi et une plus grande efficacité des travaux des commissions permanentes.

Le coût d'une telle décision serait relativement minime dans la mesure où le bureau et deux commissions se réunissent déjà durant cette période. Votre prédécesseur en avait d'ailleurs accepté le principe. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner votre sentiment à cet égard, voire votre accord ?

Une autre question préoccupe les conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger : le statut, et donc les indemnités, des Français de l'étranger.

On nous rétorquera que nous demandons encore de l'argent. Mais, vous le savez fort bien, monsieur le ministre, les indemnités forfaitaires que perçoivent les élus de l'AFE ne couvrent pas, loin de là, les frais réels qu'ils engagent pour participer aux travaux de l'assemblée à Paris et pour se rendre aux différentes réunions locales.

Le bon exercice du mandat de conseiller ne saurait être réservé aux personnes fortunées et aux bénévoles ; c'est contraire aux principes de la République. Ces conseillers sont élus au suffrage universel direct, et il faut les traiter comme tels !

Je tiens d'ailleurs ici à rendre un hommage appuyé à leur dévouement, car ils réalisent un travail remarquable sur le terrain. Leur action et leurs mérites doivent être reconnus.

Comme tout élu de la République, ces conseillers doivent avoir les moyens d'exercer leur mandat, au même titre qu'un conseiller général ou un conseiller régional.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que l'Etat s'engagera réellement à revaloriser la fonction d'élu au sein de l'Assemblée des Français de l'étranger ? Dans un premier temps, vous pourriez peut-être diligenter une étude sur cette question.

J'aborderai maintenant, mes chers collègues, une question ayant trait à l'Europe.

S'ouvrira très bientôt dans notre pays un grand débat institutionnel sur la ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Le chef de l'Etat a choisi la ratification par référendum. Il semble que l'organisation de ce référendum soit prévue à la fin du premier semestre de l'année prochaine ou à l'automne.

M. Jean-Louis Carrère. Vous avez des informations ?

M. Robert Del Picchia. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur le « danger annoncé » d'une faible participation de nos concitoyens français établis hors de France.

En effet, nos compatriotes de l'étranger se sont déjà malheureusement éloignés des enjeux européens depuis la réforme de l'élection des représentants au Parlement européen, qui ne les a pas pris en compte dans la création des huit nouvelles circonscriptions, ce que nous avons vivement regretté.

Conscient de l'effet de spirale négative de l'abstention à une élection, j'ai déposé une proposition de loi tendant à instituer le vote électronique à distance...

M. Jean-Louis Carrère. Comme aux Etats-Unis ?

M. Robert Del Picchia. ... lors des référendums pour les Français inscrits dans les centres de vote à l'étranger, car les taux d'abstention y sont particulièrement élevés s'agissant des consultations référendaires.

Lors du référendum sur le traité de Maastricht, la participation a été de 42 %, alors que la mobilisation avait été importante ; lors du dernier référendum, le taux est tombé à 14 % ! Si l'on continue ainsi, monsieur le ministre, la participation finira par être négative ! (Sourires.)

Les causes de cette désaffection pour les urnes sont multiples : éloignement du bureau de vote - et il arrive qu'il n'yen ait pas du tout ! -, du fait de l'étendue de certains territoires, manque de culture électorale...

Il faut donc réformer les modalités de vote pour nos compatriotes de façon à rendre le vote possible et attractif.

En juin 2003, l'élection des conseillers à l'AFE pour les Etats-Unis a prouvé l'efficacité du vote électronique à distance : 60 % des personnes qui ont voté ont choisi le vote par Internet. Certes, le taux de participation n'a pas été plus fort, mais il est resté stable, alors que, dans le pays voisin, au Canada, il a baissé de 7 points, passant de 24 % à 17 %.

Le vote électronique à distance, en complément des modes traditionnels, devrait donc favoriser la participation des Français établis hors de France à ce référendum très important sur le traité constitutionnel. Je rappelle que la moitié des Français de l'étranger résident en Europe et qu'ils sont, bien entendu, directement concernés.

Cela constituerait également un galop d'essai pour l'élection à l'Assemblée des Français de l'étranger qui se déroulera en 2006.

Le Président de la République, le Premier ministre et nombre de ministres se sont prononcés en faveur du vote électronique à distance pour les Français de l'étranger ; en France, c'est un autre problème, et il est peut-être encore trop tôt pour y songer. En tout cas, je crois, pour nos concitoyens établis à l'étranger, le vote électronique leur donnerait de meilleures chances d'exercer normalement leur droit de vote.

Je vous remercie, monsieur le ministre, des réponses que vous pourrez apporter à ces questions qui sont importantes pour les conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger comme pour nos compatriotes établis hors de France, et je vous assure de mon soutien sur le projet de budget que vous présentez aujourd'hui devant la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, je le regrette, mais le projet de budget pour 2005 qui nous est présenté n'enraye pas réellement la décrue des moyens accordés à la politique internationale de la France. A périmètre constant, la hausse réelle des crédits est de 1,20 %, soit un taux inférieur à celui de l'inflation.

Heureusement, l'appréciation de l'euro permettra au ministère des affaires étrangères - et il est la seule « entreprise » française qui puisse s'en féliciter ! - de fonctionner, de remplir ses engagements internationaux et aussi de fournir une aide aux Français de l'étranger. En effet, sans cette appréciation, avec des crédits qui stagnent, le ministère ne pourrait pas continuer à leur apporter son aide.

Monsieur le ministre, on peut dire que vous êtes heureux de n'avoir perdu que cent postes budgétaires. En l'espace de dix ans, ce sont 9 % des capacités du ministère qui ont été perdues. Pourvu que cela s'arrête un jour !

Et pourtant, ce ministère élagué, ébranché, émondé, a gardé de belles ressources humaines. Dans les situations de crise, il se révèle vraiment d'une grande efficacité.

Ainsi, l'organisation du repli en catastrophe de près de 9 000 Français de Côte d'Ivoire a mis en relief ses points forts : réactivité, efficacité et dévouement. Ces qualités sont apparues de manière éclatante dans la mise en oeuvre du plan de sécurité par le consulat à Abidjan, dans l'installation immédiate de la cellule de crise à Paris et dans l'affrètement des avions. Vos fonctionnaires de tous grades ont donné le meilleur d'eux-mêmes, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ces fonctionnaires, si souvent vilipendés par le discours libéral à la mode,...

M. Josselin de Rohan. C'est grotesque !

M. Robert Bret. Il s'est reconnu !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. ... se sont montrés inventifs, capables de travailler sans compter au service de leurs compatriotes et de la nation.

La valeur du service public s'est manifestée avec éclat.

M. Josselin de Rohan. Ce n'est pas brillant !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le duc, je vous en prie !

M. Josselin de Rohan. Je l'entends comme je l'écoute !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je le répète, la valeur du service public s'est manifestée avec éclat. J'aimerais savoir quelle entreprise privée, uniquement attachée à maximiser le profit, aurait obtenu un tel dévouement de son personnel dans ces circonstances de crise !

M. Jacques Blanc. Il ne faut pas les opposer !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Que l'on cesse donc de vilipender les fonctionnaires !

M. Robert Bret. C'est très bien ! Elle a raison !

M. Josselin de Rohan. Lamentable !

M. André Trillard. Quel archaïsme !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. J'aimerais m'exprimer dans le calme, monsieur le président !

M. Josselin de Rohan. Alors ne provoquez pas !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, votre administration a des ressources, et nous souhaiterions les retrouver dans son fonctionnement quotidien.

Trois travers anciens expliquent qu'il n'en soit pas toujours ainsi.

Tout d'abord, est fort regrettable cette espèce de cascade du mépris qui rejaillit du haut vers le bas et décourage tout le monde, qu'il s'agisse des agents, des recrutés locaux, les usagers français des consulats, souvent, et les demandeurs de visa, presque toujours.

A ce propos, je vous rappelle la situation des recrutés locaux : ils assument des responsabilités grandissantes. Quelles mesures effectives prendrez-vous, monsieur le ministre, pour qu'ils bénéficient enfin de la considération, de la rémunération et des perspectives de carrière sans lesquelles leur sort restera celui d'une piétaille méprisée ?

Ensuite, le ministère des affaires étrangères continue de trop méconnaître les métiers. Dès lors qu'un fonctionnaire a passé le concours, il est censé voltiger avec élégance et efficacité du consulaire au culturel, de la gestion à la diplomatie, des ressources humaines au multilatéral. Un travail réellement productif supposerait tout de même des compétences dominantes. Au-delà de la bivalence, a fortiori de la trivalence, on sombre dans l'amateurisme !

Enfin, la mobilité des personnes est une nécessité, mais elle est probablement excessive. Le mouvement est trop rapide. A quoi bon s'investir, à quoi bon acquérir de nouvelles compétences si elles ne sont ensuite ni reconnues ni utilisées ?

Je demande donc que le ministère des affaires étrangères se donne les moyens d'être bon dans le quotidien comme il sait être excellent dans l'urgence. Voilà ce que ces agents et les Français de l'étranger qu'il administre attendent de l'impulsion que vous lui donnerez, monsieur le ministre.

J'aborderai maintenant nos interrogations quant à l'avenir de l'aide publique française au développement.

Le CICID du 20 juillet 2004 a confié à l'Agence française de développement, qui reste une banque, l'essentiel de notre aide publique au développement, sur des sujets aussi sensibles que l'éducation et la santé.

Il ne s'agit pas seulement là d'un changement technique, monsieur le ministre : c'est un changement de conception de l'aide. On voit bien quelles sont les racines de ce choix. Le contexte de l'aide publique au développement a changé du fait de la mondialisation.

Pour rester dans le mouvement mondial, pour s'inscrire dans les perspectives du Millénaire, la France aligne sa coopération bilatérale sur les pratiques des bailleurs de fonds multilatéraux, qu'il s'agisse de la Banque mondiale ou du Fonds européen de développement. La France délègue donc son APD à un opérateur-pivot, ce qui est bien, mais cet opérateur fonctionne déjà totalement selon les normes de ces bailleurs, ce qu'il est permis de juger moins bien.

En effet, sans être le moins du monde nostalgique de la coopération de substitution ni de l'aide-projet, j'estime que leurs atouts méritent d'être sauvegardés. Je m'adresse là tout particulièrement à M. le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie : le grand mérite de l'aide-projet, c'est la proximité, la visibilité et le profit qui est directement sensible pour les populations.

L'aide-programme, version Banque mondiale, nous la connaissons aussi, et ses performances ne nous impressionnent pas vraiment : logique d'efficacité essentiellement comptable, mesurée à la quantité et à la rapidité des décaissements, ce qui suppose de ne faire que de gros projets ; coût élevé de la logistique centrale ...

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est vrai ! C'est une agence de tourisme !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. ... et des experts en mission de courte durée ; disparition des relations de proximité entre les partenaires du Nord et ceux du Sud ; absence de visibilité pour les pays donateurs. C'est le cas de la France pour ce qui concerne les programmes Fast Track ou le FED.

A propos du FED, permettez-moi de faire une digression : comment le ministère des affaires étrangères va-t-il faire face au dernier appel de fonds de 2004 et aux appels de fonds de 2005 ? Le compte n'y est pas dans le budget.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Le collectif !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. La France devra-t-elle une fois de plus verser des pénalités de retard à un fonds dont elle est le principal contributeur ? J'espère que non.

Je pose maintenant la question de la pérennité du modèle français d'aide au développement et de l'avenir des fonctions de votre ministère dans le système qui va être mis en place.

Dans le nouveau cadre, que reste-t-il au ministère des affaires étrangères et au ministère délégué à la coopération et à la francophonie ? En principe, la tutelle de l'AFD, partagée avec le ministère des finances. Mais je pense, comme M. Charasse, que la tutelle d'une banque... Mais passons !

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ce n'est pas vraiment la spécialité de la maison !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il lui reste également, en principe, la responsabilité stratégique des actions de l'AFD et la conduite des coopérations régaliennes.

En réalité, l'AFD, qui n'a pas changé de statut, qui s'est dotée d'une direction stratégique et qui gérera l'essentiel des crédits de l'aide bilatérale non dispensés directement par le Trésor, mènera ses politiques sectorielles, avec un nombre très réduit de projets : une cinquantaine par an. Avec quoi apparaîtrons-nous en face de tous nos partenaires ?

Je ne vois pas très bien une DGCID privée de ses crédits et de ses hommes de terrain indiquer une ligne politique à une AFD devenue toute puissante, ou même la négocier.

Posons clairement la question : en confiant de très importantes prérogatives nouvelles à l'AFD - je ne mets pas en cause ses capacités de banque -, ne rétablit-on pas une espèce ministère de la coopération, sous la forme d'un établissement public, sans assistants techniques, donc sans contact avec les bénéficiaires directs ?

La relation entre le ministère et son opérateur aurait été plus saine si une véritable agence de développement avait été créée à côté de la banque.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Pourquoi une agence ?

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je crains que, demain, le pouvoir ne soit du côté de l'opérateur et non du côté du donneur d'ordre.

C'est pourquoi j'affirme que le Gouvernement doit régler un certain nombre de difficultés qui résultent de ce choix, opéré sans débat, ni avec les institutions représentatives, ni avec les agents du ministère, ni avec le Parlement.

L'AFD doit changer de statut. En effet, un conflit d'intérêt évident existe entre ses fonctions de banque et ses missions d'opérateur de développement. Erigée au rang d'opérateur-pivot de l'APD, elle ne peut être opérateur au sens de la LOLF.

Par ailleurs, l'AFD doit devenir capable de gérer de petits projets et de faire du qualitatif.

Actuellement, l'AFD sait faire grand, mais, au-dessous d'un décaissement moyen de 6 millions d'euros, elle juge les frais de gestion trop élevés. C'est très bien pour des routes. C'est moins bien pour l'éducation, parce qu'il ne suffit pas de signer des chèques pour construire des salles de classe : il faut former des instituteurs,...

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Exactement !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. ... améliorer leurs conditions de vie et imaginer des alternatives à la scolarisation traditionnelle.

A défaut, monsieur le ministre, on fera du chiffre d'enfants scolarisés sans que, pour autant, les trafiquants d'hommes, les seigneurs de la guerre et du trafic de drogue, ainsi que les religieux fanatiques voient se tarir leur recrutement !

L'AFD saura-t-elle, par exemple, financer un modeste programme de santé comme celui qui est destiné aux femmes de Kollo, au Niger, emblématique d'une coopération triangulaire associant la France, la Tunisie et le Niger ?

Je crains que l'évolution en cours ne signe la fin de l'assistance technique. Qui va sauver ce qui reste de la culture française du développement, une culture qui s'enracinait dans le ministère de la France d'outre-mer et que le ministère de la coopération avait enrichie ?

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cette culture est-elle condamnée à disparaître, dans la mesure où, actuellement, il y a des développeurs, des médecins, des ingénieurs, des urbanistes qui se replient sur un poste en France ou partent à la retraite ?

Le ministère des affaires étrangères doit préserver sa capacité à orienter l'aide publique au développement. La DGCID doit être renforcée et stabilisée : cinq directeurs en six ans, c'est beaucoup ; 450 agents -  par rapport aux 850 de l'AFD -, c'est peu !

Nous réclamons une clarification, la stabilisation institutionnelle et le renforcement des capacités stratégiques de votre ministère. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Louis Carrère. « La France garde mal la paix », « L'armée recule sur le front des chiffres », « Images indésirables sur Canal Plus ». C'est, bien sûr, de la situation en Côte d'Ivoire qu'il s'agit. Sujet d'actualité, certes, mais qui ne date pas d'aujourd'hui : c'est un nouveau chapitre d'une vieille histoire qui lie notre pays et notre population à ce pays et à sa population.

Aujourd'hui, messieurs les ministres, le sang a coulé. Je m'inquiète du sort des militaires français en Côte d'Ivoire. Je pense à ceux qui sont tombés et à leur famille. Ils méritent bien l'hommage que nous leur rendons.

Je pense également aux ressortissants français, victimes d'une incroyable violence, mais aussi, dans notre pays, d'un certain abandon.

Je vous donne lecture d'un article d'un quotidien que vous connaissez bien, monsieur le ministre délégué, Sud-Ouest :

« Henri Emmanuelli vient d'écrire au Premier ministre Jean-Pierre Raffarin afin d'attirer son attention sur " les conditions parfois dramatiques d'arrivée en France des réfugiés de Côte d'Ivoire ".

« Dans les Landes, sept familles sont concernées. "L'Etat ne leur a accordé qu'une aide de 150 euros à leur arrivée ; ce montant est insignifiant par rapport à leurs besoins immédiats", souligne le député.

« Le conseil général des Landes a décidé de leur attribuer une aide de 1 000 euros par personne pour novembre et décembre. »

Nous sommes bien obligés de prendre en compte le désarroi et la détresse financière dans lesquels sont plongés ces compatriotes.

Je me dois aussi de parler des civils ivoiriens morts ou blessés. Dans ces situations de guerre, de violence brute, il n' y a pas de victimes qui seraient plus victimes que les autres, il n'existe pas d'échelle qui nous permettrait de distinguer entre les bonnes et les mauvaises victimes.

Toutefois, je le crois, c'est au détenteur de la force, de la plus grande force, en chaque circonstance, de définir l'usage qui doit être fait de cette supériorité possible dans la violence.

Sans chercher la polémique, j'affirme que le maintien de l'ordre ne s'improvise pas. Dans cet hémicycle, il y a des spécialistes de la question !

Vérité en France, vérité à Abidjan ! Pour « traiter », comme on dit, une émeute, une manifestation ou pour réprimer une foule déchaînée, doit-on se contenter d'utiliser la force militaire, avec les méthodes et l'engagement que cela suppose ? Cela peut se révéler nécessaire, dans certaines circonstances, mais, pour ce genre d'action, dont les conséquences peuvent être lourdes et se mesurer en vies humaines, ne vaut-il pas mieux faire appel à des spécialistes ?

Ne nous laissons pas entraîner dans une politique qui tendrait à tout résoudre par la force militaire, sans discernement, sans nuance. Bref, ne faisons pas les mêmes erreurs tragiques que les dirigeants d'outre-Atlantique, qui donnent souvent une réponse militaire à des questions politiques, ce que nous condamnons.

Le Gouvernement semble ne pas toujours vouloir dire nettement à la nation tout ce qui s'est passé en Côte d'Ivoire. Or, messieurs les ministres, il s'agit d'un dossier complexe, douloureux et dangereux, où l'avenir de milliers de Français est en cause, où nos soldats sont engagés au péril de leur vie. Nous avons le sentiment que, selon les jours, les thèses gouvernementales varient. Ce n'est pas bon signe ! Une commission d'enquête a été demandée à l'Assemblée nationale, une mission d'information a été réclamée au Sénat. Il serait sage d'accepter ces propositions.

Notre politique africaine n'est pas assez lisible. Elle manque, me semble-t-il, de cohérence, et elle conduit parfois à des drames humains comme ceux qui ont été vécus ces jours-ci à la fois par notre armée, par la communauté française et par la population ivoirienne.

Je le dis fermement et clairement, m'adressant ici aux responsables politiques, à ceux qui ont dirigé les opérations diplomatiques et militaires ayant abouti à la situation actuelle. Je parle ici de responsabilité politique !

II ne s'agit pas, ici, de dresser le bilan de la situation ; il y aurait d'ailleurs beaucoup à dire sur l'orientation que votre prédécesseur, monsieur le ministre, a imposée lors des accords de Marcoussis. Ce temps viendra sans doute. Aujourd'hui, l'urgence est à la résolution de la crise ; celle-ci passe par une solution politique et non militaire.

La responsabilité du président Laurent Gbagbo est bien entendu centrale. Celle des forces dites « nouvelles » est aussi fortement engagée. Les solutions pour redonner un espoir, un avenir à la Côte d'Ivoire appartiennent désormais à l'Afrique elle-même, à l'Union africaine, sous l'égide des Nations unies. La feuille de route proposée aux Ivoiriens par le président sud-africain, Thabo Mbeki, constitue un motif d'espoir.

Il faut relancer le processus politique de paix. L'adoption de la révision constitutionnelle et la mise en place de réformes législatives auraient dû intervenir, vous le savez, avant le 30 septembre, et le désarmement aurait dû être engagé avant le 15 octobre.

Les principes sont clairs : respect de l'intégrité des territoires et légitimité des gouvernements ; leur application est difficile. Le Conseil de sécurité a réaffirmé, lors de la résolution 1572 du 15 novembre 2004, son ferme attachement au respect de la souveraineté, de l'indépendance, de l'intégrité territoriale et de l'unité de la Côte d'Ivoire.

Il faut que les parties s'engagent à respecter les accords, notamment pour le règlement de la question de l'éligibilité à la présidence de la République, le désarmement des groupes paramilitaires et des milices, sans oublier le démantèlement des groupes de « jeunes patriotes » émeutiers.

De nôtre côté, nous souhaitons que le contenu et la cohérence des missions assignées à la force Licorne soient précisés à la lumière des derniers événements.

En guise de conclusion, messieurs les ministres, je poserai deux questions.

Premièrement, comment la France et l'Europe pourraient-elles contribuer au désarmement indispensable pour le rétablissement de l'intégrité territoriale du pays, qui est une obligation préalable à l'organisation des élections en 2005 ?

Deuxièmement, envisagez-vous, dans le cadre du mandat de l'ONU, la recomposition de la force internationale dans le sens d'un plus grand multilatéralisme ? Est-il possible que les forces françaises soient relayées par une force européenne qui, au côté des forces africaines de la CEDEAO, constituerait l'ossature de l'ONUCI ? Est-il prématuré de l'envisager ?

On ne résout pas une crise aussi grave sans une ligne politique claire, cohérente, donc compréhensible.

Mais au fait, monsieur le ministre, le Gouvernement et le Chef de l'Etat ont-ils une politique pour la Côte d'Ivoire ? Si oui, quelle est-elle ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Et où est la caisse du cacao ?

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous allons bientôt vivre une « révolution budgétaire » puisque nous nous apprêtons à discuter, dès 2006, le budget de l'Etat au diapason de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances.

Nous allons passer d'une logique comptable à une dimension, beaucoup plus politique et performante, d'objectifs et de moyens. Cette culture nouvelle, pour réussir, doit reposer sur des bases saines, et ce projet de budget représente la dernière occasion d'orienter ce « futur » budgétaire. Alors, parlons-en !

Les Français de l'étranger espéraient beaucoup de cette approche moderne. Comme ils sont eux-mêmes spécifiques, ils espéraient bénéficier d'un programme spécifique, où leur identité serait pleinement reconnue, où leur sort budgétaire ne serait plus partagé avec d'autres préoccupations financières. Ils ont toujours demandé des crédits et des structures administratives individualisés, de façon à percevoir clairement l'action des pouvoirs publics à leur endroit.

Comment, en effet, apprécier sérieusement l'effort consenti en faveur de nos compatriotes expatriés, si durement éprouvés ces derniers temps en Côte d'Ivoire et dans d'autres régions du monde, si les crédits qui leur sont affectés sont mêlés à ceux des étrangers en France ?

Or, dans la nouvelle nomenclature, le sort budgétaire de nos compatriotes est confondu avec celui des étrangers en France, lesquels, de surcroît, semblent davantage au centre des préoccupations du Gouvernement. Cette nomenclature correspond à la structure administrative actuelle du ministère, où une même direction est chargée des Français de l'étranger et des étrangers en France.

Toutefois, ce n'est pas la structure administrative qui doit primer dans la nouvelle loi de finances. C'est à elle de s'adapter aux impératifs politiques. La loi de finances est, en effet, monsieur le ministre, un instrument politique, permettant d'élaborer et de concrétiser des politiques bien définies. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, lorsqu'on appartient à la majorité, on vote le budget même si on ne l'apprécie pas !

L'examen du projet de loi de finances devrait donner l'occasion d'aborder le sort des Français de l'étranger dans leur globalité, d'une manière dynamique et novatrice. Il serait donc politiquement judicieux de séparer, sur un plan budgétaire, les Français de l'étranger des étrangers en France, et je ne saurais trop insister pour qu'il en soit ainsi.

Nos compatriotes d'outre-frontière sont des Français comme les autres, des Français à part entière. Ils ne peuvent être confondus avec les étrangers en France. Ils attendent un signal clair en ce sens de la part des pouvoirs publics.

Monsieur le ministre, l'Assemblée des Français de l'étranger demande depuis des années que son budget propre soit individualisé au sein du budget des affaires étrangères. Pourrait-on imaginer, en France, une assemblée élue au suffrage universel direct dont les crédits seraient mêlés à ceux destinés aux étrangers en France et à d'autres organismes publics ou privés ? Pourtant, depuis des années, les crédits de l'AFE sont mêlés à ceux qui financent d'autres besoins.

Si le législateur a accepté de modifier récemment la dénomination de Conseil supérieur des Français de l'étranger en celle d'Assemblée des Français de l'étranger, c'est bien pour souligner le fait qu'il s'agit d'une assemblée bénéficiant de la seule légitimité qui l'emporte sur toute autre dans un Etat de droit : le suffrage universel ! Il ne s'agit pas d'un simple service du ministère des affaires étrangères !

C'est pourquoi, monsieur le ministre, il est indispensable -  et il est encore temps ! - que la réforme budgétaire fasse progresser la démocratie sur ce point.

Dans le document appelé « Préfiguration de la loi organique relative aux lois de finances, "action extérieure" », je me félicite que l'Assemblée des Français de l'étranger soit mentionnée. Deux lignes lui sont en effet consacrées. C'est maigre ! Mais c'est déjà un progrès !

Monsieur le ministre, je vous propose de faire chaque année un peu plus, d'ajouter ligne après ligne, en commençant par une référence explicite aux crédits et aux personnels mis à la disposition de cette assemblée. Nous aboutirons ainsi à un résultat satisfaisant pour tout le monde, y compris pour vous-même, car vous y verrez plus clair dans cette question.

Je tiens à féliciter le Gouvernement - car s'il y a quelques critiques, les félicitations constituent l'essentiel, ne l'oublions pas ! - quant au choix des autres actions figurant dans le programme consacré aux Français de l'étranger, en particulier à un service public de qualité, à l'enseignement et à la sécurité.

Le Gouvernement a affecté une somme importante, 8 millions d'euros, à nos compatriotes de Côte d'Ivoire. Mais quelles sont les actions envisagées en faveur de ceux qui ont tout perdu, en particulier des chefs d'entreprise, de leur reconversion en France ou en Afrique ? Ils avaient investi. Ils ont des dettes, que les établissements français de crédit sont en droit de leur réclamer. Nos compatriotes ne pouvaient s'assurer pour les risques politiques, que les compagnies refusaient de prendre en charge.

Le Gouvernement envisage-t-il donc, dans l'immédiat, un moratoire des dettes, des aides spécifiques et des dispositions fiscales adaptées ? Voilà une question que l'on nous pose tous les jours !

Le Gouvernement prévoit-il surtout une coordination interministérielle, qui permette à nos compatriotes d'avoir un interlocuteur unique pour toutes les difficultés qu'ils rencontrent actuellement, et qui favorisera la liaison entre les organismes existants, lesquels font remarquablement leur travail : le comité d'entraide aux Français rapatriés, qui n'a d'ailleurs pas de moyens suffisants, les associations caritatives qui ont beaucoup oeuvré et les administrations compétentes dans les départements et communes d'accueil.

Je vous félicite également, monsieur le ministre, pour l'intérêt que vous portez à la réforme des comités consulaires visant à les rendre plus proches de nos compatriotes, avec des attributions et des moyens plus substantiels. La mise en place, à titre expérimental, de ces comités consulaires généralistes est bien engagée. Nous souhaitons tous qu'elle aboutisse, au printemps prochain.

Vous le voyez, messieurs les ministres, les attentes de nos compatriotes expatriés sont nombreuses. Les Français de l'étranger et leurs élus espèrent, sur tous ces points, une évolution positive. Elle est possible, elle est souhaitable. Quels changements pouvez-vous nous annoncer ?

Avançons avec audace ! Imaginons une vraie collectivité d'outre-frontière, avec toutes ses lettres de noblesse ! Soyons novateurs ! Comme l'écrit Georges Bernanos, cet authentique Français de l'étranger, « Un grand peuple ne vit pas de son passé comme un rentier de ses rentes »... Alors, monsieur le ministre, allons tous de l'avant ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, le budget de l'aide au développement que vous nous présentez traduit la dynamique dans laquelle la France s'est engagée en faveur des pays en voie de développement.

Nos rapporteurs, M. Michel Charasse, au nom de la commission des finances, et Mme Paulette Brisepierre, au nom de la commission des affaires étrangères, ont souligné avec beaucoup de pertinence tous les éléments positifs de ce budget. Nous ne pouvons, en effet, que nous féliciter de la progression de l'aide publique française au développement, qui nous place au premier rang des pays qui consentent un effort important par rapport à leur PIB et au troisième rang des bailleurs en termes de volume de l'aide.

S'agissant des secteurs d'intervention prioritaires définis par le CICID du 20 juillet 2004, je souhaiterais, monsieur le ministre, attirer votre attention sur un sujet particulièrement important : la coopération décentralisée en matière d'eau et d'assainissement.

Lors du sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg, en septembre 2002, le Président de la République rappelait avec force que près de la moitié de l'humanité n'a pas aujourd'hui accès à l'eau potable et à l'assainissement. Il appelait, dès lors, à une très forte mobilisation.

Nous le savons, mes chers collègues, les ressources en eau douce disponibles par habitant diminuent de manière dramatique et, au rythme actuel, les deux tiers de l'humanité subiront dans quelques années une situation de pénurie. L'accès à l'eau potable et à l'assainissement est au coeur des problématiques du développement. C'est un enjeu de solidarité, un enjeu de santé publique, mais aussi un enjeu social. C'est enfin une condition essentielle au décollage économique des pays touchés par ce drame.

Lors du troisième forum mondial de l'eau, à Kyoto, en mars 2003, le Président de la République ajoutait qu'une politique de l'eau efficace nécessitait des moyens considérables, provenant, certes, de l'aide publique dans le cadre de la solidarité internationale, mais aussi et surtout de la coopération décentralisée.

En effet, si les besoins sont immenses, les moyens de l'Etat sont, à eux seuls, insuffisants. L'intervention de nos collectivités territoriales et des agences de l'eau est donc indispensable. Il faut l'encourager, non seulement au nom de la solidarité, mais aussi au nom de la diffusion du modèle français de gestion de l'eau et du savoir-faire de nos entreprises.

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. Christian Cambon. A dire vrai, cet appel, les collectivités territoriales et leurs groupements l'ont entendu : elles mènent depuis longtemps des actions de coopération internationale dans les domaines de l'eau et de l'assainissement, en leur affectant une partie du produit de leurs redevances, et apportent ainsi une contribution précieuse à la politique de coopération de l'Etat.

Au titre des exemples les plus significatifs et parmi bien d'autres, citons le syndicat des eaux d'Ile-de-France, qui prélève 0,3 centime d'euros sur chaque mètre cube d'eau distribué et participe ainsi au programme européen « solidarité eau ». Depuis 1986, ce sont 8,6 millions d'euros qui ont ainsi été consacrés à des programmes d'aide au développement de réseaux hydrauliques dans des pays d'Afrique et d'Asie francophones. A ce jour, le bilan parle de lui-même : 1,6 millions de personnes ont pu bénéficier de cette aide, à travers 147 projets dans seize pays, grâce à la coopération décentralisée mise en oeuvre par 144 communes de la région Ile-de-France.

Malheureusement, les collectivités territoriales et les agences de l'eau se trouvent aujourd'hui en situation d'insécurité juridique, car il leur manque un cadre légal définitif pour conduire leurs actions.

M. Christian Cambon. En effet, en application du code général des collectivités territoriales, les actions de coopération décentralisée des services d'eau et d'assainissement ne peuvent être financées par les ressources propres de ces services. Or les communes ayant délégué leur compétence à ces mêmes services, elles ne peuvent plus les exercer à l'étranger.

Cette situation expose les collectivités concernées à la menace régulière de contentieux, brandie par un nombre croissant d'associations de consommateurs. Les opérations conduites dans les pays qui en ont le plus besoin peuvent donc, à tout moment, être remises en cause. Cela se produit déjà !

Ainsi, l'agence Seine-Normandie, qui consacrait depuis 1997 1 % de son budget à des formations et à des micro-réalisations d'alimentation en eau potable dans des pays en voie de développement, a été contrainte d'interrompre ces opérations en 2003. Il en est de même pour la communauté urbaine de Lyon.

C'est pour combler ce vide juridique et permettre au acteurs territoriaux de participer clairement, et dans la légalité, à l'effort de solidarité dans leurs domaines de compétence, que notre ancien collègue Jacques Oudin, auquel je souhaite ici rendre un hommage appuyé, avait pris l'initiative de déposer devant notre assemblée une proposition de loi. Ce fut l'honneur du Sénat de l'inscrire à son ordre du jour réservé et de l'adopter à l'unanimité le 22 juin dernier. (M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis, acquiesce.)

Cette proposition, qui avait pour objet de permettre aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux agences de l'eau de s'engager dans la coopération internationale en modifiant le code général des collectivités territoriales, n'a toutefois pas encore été discutée à l'Assemblée nationale !

Permettez-moi, monsieur le ministre, de relayer l'attente de tous les élus qui souhaitent pouvoir agir au nom de la solidarité internationale, à l'abri de la menace des recours qui pèsent toujours sur leurs décisions. Je sais qu'il n'est pas de votre ressort d'intervenir dans le domaine réservé de l'Assemblée nationale. Pour autant, ma question sera simple : entendez-vous, d'une part, faciliter l'examen de ce texte dans les plus brefs délais et, d'autre part, cibler votre action vers la sécurisation juridique des opérations de coopération des collectivités publiques et de leurs groupements, car ils demeurent les principaux partenaires de l'Etat ?

C'est à cette seule condition que les élus locaux pourront rester mobilisés, agir efficacement à vos côtés, pour améliorer les conditions de vie et le développement des innombrables populations qui comptent sur notre solidarité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Maryse Bergé-Lavigne.

Mme Maryse Bergé-Lavigne. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, quel que soit le regard que l'on porte sur Yasser Arafat et sur son action, nul ne peut nier qu'il a incarné pendant plus de quarante ans le combat des Palestiniens pour leur reconnaissance et pour la création d'un véritable Etat.

Ainsi que le déclarait Kofi Annam, « il a eu le courage d'accepter le fait qu'il devra y avoir deux Etats et que les Palestiniens devront vivre côte à côte avec les Israéliens ».

La disparition de Yasser Arafat ouvre une période nouvelle pour le Proche-Orient, instant fragile où le temps est suspendu, instant que les deux peuples devraient mettre à profit pour reprendre les négociations en vue d'une solution pacifique, juste et durable.

Pour le moment, les premiers jours de la transition se passent bien. Les premières décisions des Palestiniens démontrent la soif de démocratie de ce peuple.

Ami Ayalon, ancien chef de la sécurité intérieure israélienne, déclarait récemment dans Le Monde : « La majorité des dirigeants palestiniens sont très pragmatiques et parlent un langage politique identique au nôtre. J'ai aussi appris que, si la société palestinienne n'est pas une démocratie à l'occidentale, c'est la société arabe la plus démocratique qui soit et que la légitimité de leur responsable vient du peuple. »

Ainsi, bien avant la mort d'Arafat, 75 % des Palestiniens en âge de voter s'étaient déjà inscrits sur les listes électorales.

L'élection du nouveau président de l'Autorité palestinienne aura lieu le 9 janvier prochain. Or, mes chers collègues, en tant qu'élus, nous savons tous que, pour qu'un scrutin soit véritablement démocratique, il faut que les conditions de l'exercice de la démocratie soient respectées.

D'abord, tous les candidats qui le souhaitent doivent pouvoir faire acte de candidature. En Palestine, cette condition est remplie puisque l'on compte une dizaine de candidatures à la présidence.

Deuxième condition : tout candidat doit pouvoir se déplacer librement sur son territoire. Or, comment faire campagne dans des zones quadrillées par plus de 700 postes de l'armée israélienne, où les villes sont encerclées par des murs et des barrières, où circuler d'une agglomération à une autre est infiniment difficile ?

M'étant rendue plusieurs fois dans les territoires occupés, j'ai pu constater que, pour les Palestiniens, aller d'une agglomération à une autre dans des délais normaux est impossible. En effet, les routes directes étant réservées aux colons israéliens, ils doivent emprunter des chemins de montagne caillouteux et patienter parfois de longues heures aux barrages, autant de contraintes qui allongent considérablement la durée des trajets et rendent les déplacements aléatoires.

Organiser des élections libres dans un territoire occupé n'a pas de sens. Il ne saurait y avoir de liberté de vote sans liberté de circuler.

Enfin, et c'est la condition majeure, il faut donner aux Palestiniens une perspective, leur ouvrir un nouvel horizon politique. En effet, quel projet, quel programme crédibles peuvent présenter les candidats à l'élection si leur malheureux peuple n'a d'autre futur que l'enfermement dans des murs sur un territoire occupé et qui, du fait de la colonisation, se réduit comme peau de chagrin ?

Pour Israël et les Etats-Unis, Arafat était « un obstacle à la paix ». Arafat disparu, le prétexte tombe. Mais ne nous y trompons pas ! On ne peut réduire la question palestinienne à une confrontation entre deux hommes et, tant que les Palestiniens, qui ont reconnu Israël, ne recouvreront pas leurs droits, la question du Moyen-Orient ne sera pas résolue.

Pour citer Amos Oz, « les deux peuples savent maintenant que l'autre existe et la plupart des gens des deux côtés savent que l'autre ne partira pas ». Il faut donc réamorcer le processus de paix et, pour ce faire, laisser entrevoir un futur, donner une espérance aux Palestiniens, qui ont besoin de faits concrets et d'objectifs précis.

Feuille de route, accords de Genève, plan de paix du prince Abdallah : les projets ne manquent pas ! Projets élaborés, médiatisés et vite oubliés !

Je m'attarderai quelques instants sur l'accord de Genève, dit « accord Beilin-Abed Rabbo », ainsi que sur le plan du prince Abdallah. A la différence de la feuille de route, cet accord et ce plan ont le mérite d'aborder des points concrets, difficiles, douloureux, pour l'un et l'autre peuple : frontières, continuité territoriale, réfugiés. Il y a donc matière à négociation ; ne manque que la volonté de s'asseoir à la table des négociations.

Israël doit tirer les conséquences de la situation nouvelle créée par la mort de Yasser Arafat, donner des signes tangibles de sa volonté de reprendre les négociations, mettre fin aux décisions unilatérales et repenser « la terre contre la paix ».

Monsieur le ministre, de nombreux obstacles empêchent ces élections de se dérouler dans des conditions optimales : l'occupation, le mur, le problème de la population de Jérusalem-Est, les 7 500 prisonniers politiques, parmi lesquels se trouvent deux députés, dont Marouane Barghouti, candidat à la présidence.

L'Union européenne a montré sa volonté de soutenir le processus électoral par une aide technique ainsi que par l'envoi d'observateurs dont la mission est de vérifier la liberté de vote effective du peuple palestinien.

Monsieur le ministre, respectant les valeurs de notre République, la France s'est révélée exemplaire en accueillant sur son sol le leader palestinien venu finir ses jours dans un dernier exil.

Les élections auront lieu le 9 janvier prochain, donc très prochainement. Je me joins à notre collègue Robert Bret pour vous dire que nous souhaitons voir le Parlement s'associer pleinement à cet engagement. Le comité pluraliste de parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat pour les initiatives de paix au Proche-Orient, qui compte quelque 250 membres, vous a écrit : les volontaires ne manquent pas !

Dès lors, j'aimerais savoir quelles initiatives vous comptez prendre en vue d'apporter l'aide de la France à un processus électoral démocratique, qui conférera une forte légitimité au nouveau président de l'Autorité palestinienne, dans la perspective d'une paix juste dans cette région. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Henneron.

Mme Françoise Henneron. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, lors de la discussion, l'an dernier, du projet de loi relatif au droit d'asile, devenu la loi du 10 décembre 2003, nous étions tous convaincus que le succès de la réforme se jugerait sur le raccourcissement des délais d'examen des demandes d'asile, alors excessivement longs, et donc sur la mise en oeuvre de moyens supplémentaires pour l'Office de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, et pour la Commission des recours des réfugiés, la CRR.

C'est au vu de l'importance de ces délais que M. le Président de la République avait appelé de ses voeux, dans son allocution télévisée du 14 juillet 2002, une réforme immédiate du droit d'asile.

Il est vrai que la longueur de ces délais entraînait le cumul de graves handicaps, source d'iniquité pour les personnes réellement persécutées ou menacées dans leur vie ou dans l'exercice de leurs droits les plus fondamentaux.

Ces délais étaient, en revanche, mis à profit de manière systématique par les étrangers dont le souhait de s'établir dans notre pays ne reposait que sur des motifs économiques.

Ils provoquaient, en outre, une saturation du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile, préjudiciable tant à la dignité des personnes concernées qu'à une gestion attentive des deniers publics. C'est en effet à une véritable dérive des coûts estimés de la prise en charge des demandeurs d'asile que nous assistons depuis quelques années.

Comme vous le savez, mes chers collègues, l'OFPRA est un établissement public placé sous la tutelle du ministre des affaires étrangères, auquel est organiquement rattaché la Commission des recours des réfugiés.

Il peut sans doute paraître étonnant que cette juridiction administrative spécialisée, qui constitue d'ailleurs, avec ses 130 formations de jugement, la première juridiction française au regard de l'importance quantitative de son contentieux - 25 000 à 30 000 décisions annuelles -, ne dispose pas d'un budget propre. En effet, les crédits dont elle dispose sont inclus dans le budget de l'OFPRA, organisme dont elle contrôle les décisions.

Depuis la réforme, le Gouvernement a tenu l'engagement qu'il avait pris de renforcer les effectifs de l'OFPRA et de la CRR, et il poursuivra ses efforts en ce sens en 2005.

Vous déclariez, monsieur le ministre, le 9 novembre dernier, devant la commission des affaires étrangères du Sénat, que le financement de la réforme du droit d'asile constituait l'une des priorités du budget pour 2005, l'objectif étant de faire en sorte que la CRR traite les dossiers en trois mois d'ici à la fin de l'année prochaine, ce qui suppose une augmentation de 18 % des crédits de l'OFPRA.

Il est vrai que, si des progrès considérables ont déjà été accomplis au sein de l'OFPRA, il n'en va pas tout à fait de même pour la CRR. Le délai d'examen devant l'OFPRA, qui s'élevait à sept mois en 2002, a été ramené à deux mois, ce qui coïncide parfaitement avec l'objectif fixé lors des travaux parlementaires.

En revanche, l'objectif de quatre mois affiché par le Gouvernement comme délai d'examen de recours par la CRR est loin d'être atteint et avoisine plutôt un an aujourd'hui. Ne conviendrait-il pas, dans ces conditions, d'intensifier les efforts afin, notamment, d'améliorer l'organisation interne de la CRR et de renforcer le greffe ?

Paradoxalement, l'effort budgétaire en faveur de l'OFPRA et de la CRR entraînera, à terme rapproché, une source d'économie substantielle pour l'Etat. Rappelons en effet que le logement en CADA - centre d'accueil pour demandeurs d'asile - mobilisera, dans le budget des affaires sociales, 175 millions d'euros en 2005, soit 0,5 million d'euros par jour, tandis que l'hébergement en hôtel atteindra 1,3 million d'euros par jour, sans pour autant que le problème soit traité dans des conditions réellement convenables.

Toute diminution des délais aboutit à libérer des places d'accueil disponibles et à multiplier les chances d'accès des demandeurs d'asile aux CADA, ce qui constitue de loin la meilleure solution.

Il n'est pas si fréquent qu'une dépense plus importante au sein d'un ministère entraîne des économies bien plus considérables dans un autre. Gardons-nous donc d'oublier l'unité de l'Etat et celle du contribuable ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Messieurs les ministres, mes amis du groupe socialiste vous ont déjà dit ce que nous pensions de votre projet de budget. A mon tour, j'aborderai brièvement un sujet qui me tient à coeur et qui, me semble-t-il, est quelque peu maltraité par la politique gouvernementale.

Il s'agit des crédits du chapitre 42-13 du budget des affaires étrangères, qui sont gérés par la mission pour la coopération non gouvernementale, mais qui ne sont pas tous consacrés à la coopération décentralisée.

Ces crédits, qui progressent de 3,5 millions d'euros, s'établissent à 37 millions d'euros pour 2005. Toutefois, cette augmentation, somme toute homéopathique, est destinée aux organisations de solidarité internationale, qui ont un grand retard à rattraper, et non pas à la coopération décentralisée.

D'ailleurs, les rapporteurs de nos commissions sénatoriales ont pu le vérifier : la diminution des crédits destinés à la coopération décentralisée est une réalité. Il y a, d'un côté, les discours et, de l'autre, une réalité financière un peu maigre. C'est ainsi que les crédits inscrits aux articles 30 et 40 du chapitre 42-13, qui s'élevaient à 7,35 millions d'euros, atteignent difficilement 6,54 millions d'euros en 2005.

Il s'agit là, selon moi, d'une évolution alarmante. Mon expérience au sein du conseil général de la Gironde m'autorise, me semble-t-il, à donner un point de vue réaliste sur l'état de la coopération décentralisée.

Par le biais de notre « mission de coopération internationale et décentralisée », nous avons souhaité développer une politique en matière d'échanges internationaux qui soit d'abord une politique de proximité, un outil destiné à affirmer la solidarité des territoires du Nord avec les régions du Sud, au service du développement local. De cette façon, nous essayons, comme beaucoup d'autres, de donner un sens à l'articulation entre la République, la diplomatie et les territoires.

Nous avons voté, en septembre 2004, la « charte de développement durable pour la coopération décentralisée ». La mission de coopération privilégie ainsi les projets à moyen et à long terme, s'assurant, dès leur conception, de leur fiabilité, de leur viabilité et du bénéfice direct qu'ils procurent aux populations locales.

Cette action s'articule aujourd'hui autour de trois territoires, et ce afin d'éviter un trop grand éparpillement de ses opérations. Il s'agit de la province du Houet, au Burkina Faso - le protocole d'accord de 1993 a été reconduit en novembre 2004 -, de la région de Poméranie occidentale, en Pologne - protocole d'accord signé en juillet 2004 -, et enfin de la wilaya d'Adrar-Timimoun, en Algérie - le protocole doit être signé en mars 2005

Fort de cette expérience, je voudrais, messieurs les ministres, vous faire part de notre inquiétude.

La diminution des crédits de l'Etat risque de mettre en péril les efforts des collectivités locales et d'entraîner une grande désillusion chez nos partenaires à l'étranger. Actuellement, les flux financiers provenant des collectivités territoriales en matière de coopération internationale ne cessent d'augmenter, alors que l'apport de l'Etat ne fait que diminuer. Il est donc à craindre que l'Etat ne se désengage de plus en plus de la coopération.

Je fais aussi remarquer que, au-delà des espèces sonnantes et trébuchantes, la contribution financière de l'Etat aux projets des collectivités représente souvent une « caution » importante aux yeux des autres cofinanceurs.

En réduisant ces crédits, l'Etat affaiblit donc doublement la coopération décentralisée.

Des efforts restent encore possibles en matière de coordination - et non pas de centralisation - des actions des collectivités françaises, lorsqu'elles agissent sur les mêmes territoires ou sur des secteurs d'activité proches. Aussi, les collectivités ont tout à gagner à travailler en « mutualisant » leurs actions, afin de mieux utiliser toutes les énergies existantes.

Si l'action des associations et des collectivités locales se fait en ordre dispersé, elle sera, malgré toute la bonne volonté déployée, très largement improductive.

Voilà pourquoi, messieurs les ministres, pleinement conscient des tâches qui restent à réaliser dans nos collectivités territoriales afin d'accroître notre efficacité, je me permets de vous adresser cet appel : faites en sorte que la coopération décentralisée puisse vivre !

Enfin, je souhaite attirer votre attention sur la réglementation en matière de visas d'entrée et de séjour des étrangers en France.

Cet aspect constitue trop souvent un obstacle sur la voie des partenariats que nos collectivités locales tissent avec des pays étrangers. En effet, et nous avons pu le vérifier dans le cadre de nos projets de coopération décentralisée, le refus d'un visa met sérieusement en danger la poursuite du projet. Nous sommes fréquemment confrontés à de telles situations. Nos partenaires sont alors tentés de s'adresser à d'autres opérateurs, dans d'autres pays, pour faire aboutir leur désir d'échange, d'ouverture et de progrès social. Ils ont parfois l'impression que la France leur ferme la porte.

Puissiez-vous, messieurs les ministres, convaincre certains de vos collègues d'oeuvrer pour que le comportement de la France soit plus conforme à sa tradition de terre d'accueil ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois.

M. Louis Duvernois. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, plus de deux millions de nos compatriotes vivent à l'étranger et près de la moitié d'entre eux, hors d'Europe. Il n'est pas inutile de souligner une nouvelle fois qu'ils ne sont pas des citoyens de seconde zone et qu'ils doivent bénéficier des mêmes droits que leurs concitoyens vivant sur le territoire national.

A l'heure où l'Etat recentre ses priorités sur la responsabilisation des élus en leur déléguant des compétences nouvelles de gestion, ne peut-on envisager un même mouvement décentralisateur au profit de notre communauté expatriée, en transférant certaines compétences économiques, sociales, éducatives et culturelles à la toute nouvelle Assemblée des Français de l'étranger, que vous présidez de droit, monsieur le ministre ?

L'Etat ne peut continuer à entretenir l'illusion qu'il existe une égalité de droits entre les Français de l'étranger et les Français de France. Il ne peut pas davantage prétendre avoir accepté la réforme du Conseil supérieur des Français de l'étranger, alors que, malgré son changement de dénomination, l'institution, composée de membres élus au suffrage universel direct, reste privée d'un budget autonome. La voix de l'AFE demeure consultative et ses élus sont toujours dépourvus de statut.

Il devient impératif de confier à l'AFE des compétences qui lui permettront d'élaborer des normes, en concertation avec les administrations concernées.

Les Français de l'étranger ne pourraient se réclamer des lois de décentralisation au motif, leur dit-on, qu'ils ne possèdent pas de collectivité de rattachement. Vous avez néanmoins reconnu, monsieur le ministre, qu'il est normal, pour la puissance protectrice de l'Etat, d'être à leurs côtés, comme cela est inscrit dans la nouvelle loi de décentralisation. C'est bien mais, vous le savez, la volonté du législateur reste inopérante si l'intendance ne suit pas et, surtout, si elle n'y est pas incitée par le pouvoir politique.

Dans le domaine de la formation professionnelle, secteur sensible pour nos compatriotes expatriés, nous rencontrons les plus grandes difficultés pour faire admettre la spécificité des Français de l'étranger. Les administrations ont du mal à concevoir l'exercice de cette démocratie de proximité hors du territoire national et l'application subséquente aux Français de l'étranger de la décentralisation, inscrite dans la nouvelle loi et voulue par le Gouvernement.

Ma première question est donc de savoir comment vos services qui gèrent et coordonnent les activités propres aux communautés expatriées appliqueront la réglementation.

Ma deuxième question concerne le souhait, maintes fois exprimé par les élus de l'AFE, d'abonder des 40 millions d'euros annuels nécessaires le budget du ministère de l'éducation nationale, afin de lui permettre de prendre en charge les bourses allouées aux jeunes Français scolarisés dans nos établissements à l'étranger, ce qui était encore le cas voilà quelques années,...

M. Jean-Louis Carrère. Sous la gauche !

M. Louis Duvernois. ...je le rappelle avec insistance, lui transférant ainsi une compétence exercée par l'AEFE, qui est placée sous votre tutelle, monsieur le ministre.

Là encore, nous ne pouvons que déplorer le manque de concertation politique entre les deux ministères. L'administration invoque régulièrement des incompatibilités pour éviter d'avoir à gérer les difficultés inhérentes à un transfert de la compétence relative aux bourses scolaires de l'AEFE au ministère de l'éducation nationale, pourtant gestionnaire des mêmes bourses pour les enfants scolarisés en France.

Vous connaissez, monsieur le ministre, les raisons du souhait d'un tel transfert. L'AEFE doit absolument élaborer une politique d'investissements immobiliers, mais elle n'en a pas les moyens. Les frais de scolarité dans nos établissements sont assumés en grande partie par les familles françaises à l'étranger. Ils augmentent d'année en année et sont de moins en moins supportables par des parents d'élèves à revenus modestes, pénalisés de surcroît par le mode de calcul dans l'attribution des bourses.

Nos établissements scolaires à l'étranger sont déjà financés à plus de 60% par ces familles. Rien ne s'oppose donc à ce que le ministère de l'éducation nationale, qui assure la scolarisation des enfants, gère à l'avenir l'enveloppe destinée aux bourses scolaires attribuées à d'autres familles françaises établies à l'étranger.

Monsieur le ministre, et ce sera ma troisième question, envisagez-vous de mener une concertation sur ce point avec le ministère de l'éducation nationale ? Le moment me semble propice pour entreprendre cette démarche, afin de répondre enfin aux attentes des élus de l'AEFE, dans la perspective de l'application progressive, dans la loi de finances, du format prévu par la LOLF.

En conclusion, je souhaite vous faire part de deux interrogations ponctuelles sur lesquelles je vous remercie de bien vouloir m'éclairer.

En premier lieu, où en est la mise en place du dispositif spécial d'aide à la réinsertion de nos compatriotes rapatriés de Côte d'Ivoire, récemment annoncée en conseil des ministres et portant sur la création d'un fonds de 5 millions d'euros, distinct de toute mesure d'indemnisation ? Ce fonds sera-t-il géré directement par les préfectures ou sera-t-il géré, en France, par le comité d'entraide aux Français rapatriés, dont j'ai pu mesurer sur place l'efficacité à Roissy, et, à l'étranger, par nos consulats, comme c'est le cas à Dakar, ville d'accueil de nombreux réfugiés, ainsi que l'a rappelé M. Del Picchia ?

En second lieu, après des mois et des mois de tergiversations, il semble que la chaîne d'information internationale, qui associe à parts égales TF1 et France Télévisions, verra le jour en 2005.

Mme Catherine Tasca. A parts égales ?

M. Louis Duvernois. « Chaîne d'influence », selon ses promoteurs, on peut déjà regretter qu'elle ne soit pas aussi destinée au marché européen, afin, semble-t-il, de « ne pas gêner le paysage audiovisuel de l'Union européenne » et de prévenir une éventuelle opposition de la Commission européenne au titre du contrôle des aides d'Etat.

TF1, société privée, n'investit pas un centime dans cette opération. Pourtant, elle refuse que cette nouvelle chaîne soit diffusée sur le territoire national. La construction européenne constituant notre avenir immédiat, la défense de nos intérêts communautaires passe également par cette stratégie audiovisuelle d'influence recherchée.

Monsieur le ministre, n'est-il pas alors paradoxal, voire choquant, que la dimension européenne, qui est vitale, ne soit pas prise en compte dans ce projet audiovisuel international d'envergure, piloté grâce à des fonds publics, à l'heure où vous souhaitez donner à votre ministère une impulsion politique par une européanisation croissante ?

Je vous remercie par avance, monsieur le ministre, des réponses concrètes que vous voudrez bien apporter aux questions précises que je vous ai posées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les occasions d'évoquer la francophonie sont rares. La mode est plutôt de disserter sur la globalisation, sans voir que la première peut être une des réponses, parmi d'autres, aux problèmes que pose la seconde.

Face à la pression de la langue anglo-américaine dans le monde et du modèle économique et juridique anglo-saxon, la France aurait bien tort de négliger son engagement passé et présent dans la communauté des cinquante-six pays francophones, sur les cinq continents.

Le développement de la francophonie institutionnelle, le rayonnement de la langue française à l'étranger, les échanges multilatéraux rendus possibles par une histoire commune et par le partage d'une langue, la défense de la diversité culturelle, ne sont pas des objectifs de second ordre. Ils ne méritent pas le sort que le Gouvernement leur réserve dans son budget.

On voit déjà que, dans le projet de budget des affaires étrangères pour 2005, les moyens consacrés à l'action culturelle à l'étranger stagnent : 1,10 milliard d'euros, comme cette année. Compte tenu de l'inflation, qui est proche de 2 %, les crédits, en euros constants, sont en baisse. Les dotations aux établissements culturels à l'étranger diminuent de 2,5 %. C'est un député UDF, François Rochebloine, qui précise, dans son rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, qu'« après avoir diminué de 6 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2004, la subvention de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui scolarise près de 157 000 élèves, devrait enregistrer, en 2005, une nouvelle baisse de 7,58 millions ». Les établissements culturels de coopération et de recherche à l'étranger voient, quant à eux, leurs crédits amputés de 11 millions d'euros, tous ministères confondus. Cette situation est d'autant plus dangereuse que la détérioration se poursuit depuis 2002.

Or la situation est malheureusement la même pour la francophonie, dont les crédits stagnent à hauteur de 801 millions d'euros, contre 800 millions en 2004, tous crédits confondus, multilatéraux et bilatéraux.

Pour le Gouvernement, c'est clair : la francophonie n'est pas ou n'est plus une priorité.

Vous commettez là une erreur grave, monsieur le ministre !

Par son caractère multilatéral, la francophonie offre à notre pays un rayonnement et une sphère d'action dans le monde entier. Le lien linguistique entre tous ces pays a naturellement suscité d'autres liens, comme la coopération économique, technique et culturelle, le partage de valeurs communes touchant à la liberté, à la démocratie et à l'état de droit.

Au sein de l'espace francophone, se sont ainsi créés de véritables réseaux de solidarité. Vous prenez le risque de les fragiliser, monsieur le ministre.

Le moment est vraiment mal choisi. Dix jours après le dixième sommet de la francophonie, qui s'est tenu à Ouagadougou, il est au contraire impératif de lancer un message clair d'engagement, et non pas de restriction, à l'égard de nos pays partenaires.

Je tiens à cette occasion à saluer l'action du président Abdou Diouf, secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie, qui porte avec ténacité sur la scène internationale des objectifs qui nous tiennent tous à coeur, s'agissant notamment des rapports Nord-Sud : paix et développement, solidarité, démocratie.

Depuis des mois, cette organisation et l'Agence de la francophonie ont su rallier de très nombreux pays à l'objectif de diversité culturelle, afin de favoriser l'élaboration, à l'UNESCO, d'une convention internationale destinée à permettre aux Etats qui le souhaitent de soutenir concrètement la diversité culturelle face au marché.

Hier, dans un quotidien du matin, M. Dan Glickmann, successeur de Jack Valenti et représentant des majors d'Hollywood, déclarait : « Il est important que la culture fasse l'objet de discussions internationales. » On peut lui en donner acte ! Il poursuivait : « Mais la position des Etats-Unis a toujours été de dire que cela ne doit pas servir d'excuse pour élever des barrières au commerce et pour empêcher les produits de circuler librement d'un pays à l'autre. »

M. Josselin de Rohan. On verra ce que fera M. Lamy !

Mme Catherine Tasca. Et, plus loin : « Il serait aberrant que l'on renonce au droit d'accéder librement aux marchés étrangers à cause de ces questions d'ordre non commercial... » Nous voilà avertis !

Il ne sera donc pas facile de faire aboutir ce projet de convention, et la France, qui le défend, je dois le dire, avec constance, a bien besoin de l'engagement collectif des pays francophones.

Au-delà de ce qui unit ces pays, cette action sert les intérêts de tous les peuples dans un monde qui doit défendre toutes ses langues et toutes ses cultures.

A ce point de la discussion, je veux vous faire part d'une autre inquiétude, monsieur le ministre. Il est de nouveau question du lancement prochain de la chaîne d'information internationale. Je ne reviens pas sur l'étrange association entre TF1 et France Télévisions.

Mais, telle qu'elle semble se dessiner, cette chaîne ne va-t-elle pas compromettre le développement de deux médias francophones auxquels nous sommes très attachés et qui remplissent admirablement leur mission, TV5 et RFI ?

Je m'associe à Mme Cerisier-ben Guiga pour saluer le magnifique travail qu'avait accompli Serge Adda à la tête de TV5.

Le risque n'existe-t-il pas de priver TV5 d'une partie de ses sources d'images de France 2 et de France 3 ? Ne doit-on pas craindre que le financement de la nouvelle chaîne - on parle d'une trentaine de millions d'euros, ce qui est notoirement insuffisant pour un tel projet - ne se fasse au détriment du développement de la chaîne multilatérale ? Nos amis francophones y verraient certainement un désengagement de la France. Comment comptez-vous les rassurer, messieurs les ministres ?

La France a, dans cet ensemble francophone, une responsabilité particulière. Cela mérite une bien plus grande considération, et donc un réel effort de la nation. Votre projet de budget esquive cet effort. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. André Ferrand.

M. André Ferrand. Monsieur le ministre des affaires étrangères, je suis certain que je ne vous étonnerai pas en vous indiquant que je souhaite consacrer le temps qui m'est imparti à l'évocation de la question de l'enseignement français à l'étranger. Il y a plusieurs raisons à cela, la moindre n'étant pas que vous étiez vous-même, voilà peu, père d'élèves français à l'étranger et que vous avez porté à ce dossier une attention particulière, vous intéressant personnellement à la mission que m'avait confiée le Premier ministre sur la diversification des moyens de financement de notre réseau d'écoles à l'étranger.

Le 3 novembre dernier, quelque deux semaines après la remise du rapport de la mission au Premier ministre, monsieur le ministre délégué à la coopération et au développement, vous avez vous-même annoncé - et il faut vous en féliciter -, dans une communication en conseil des ministres, des premières mesures et un plan d'action pour les années 2005 à 2007, l'ensemble se situant clairement dans la ligne des orientations de la mission.

Ainsi, grâce au soutien sans réserve du Premier ministre, à l'action de votre département ministériel ainsi qu'au volontarisme de la direction de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, un mouvement vertueux s'amorce en faveur de cette dernière, mouvement renforcé par un esprit nouveau et quelques facilités venues des services du ministère du budget.

Nous attendons maintenant qu'à son tour le ministère de l'éducation nationale apporte son indispensable contribution à cette dynamique, car l'enseignement français à l'étranger a besoin de lui. En effet, vous le savez, l'élan nécessaire à la mise en oeuvre de notre projet passe par des partenariats qui nécessitent l'implication active de tous les acteurs.

Je voudrais donc vous interroger, monsieur le ministre, sur l'état de vos contacts à ce sujet avec votre collègue ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de l'enseignement supérieur, ainsi que sur quelques autres points qui conditionnent les progrès qui restent à accomplir.

Des concertations sont-elles engagées au meilleur niveau afin d'organiser les conditions d'une coopération plus affirmée avec le ministère de l'éducation nationale ? Est-il envisagé, en particulier, de proposer à ce ministère de désigner un vice-président qui siégerait au côté du président de l'AEFE, aujourd'hui le directeur de la DGCID ?

A-t-on engagé une réflexion concernant la création auprès de la direction de l'AEFE d'un comité d'orientation où siégeraient des représentants de l'ensemble des partenaires actuels et potentiels de l'Agence ?

Prévoit-on la mise en place d'un « plan-école » à moyen terme dans chaque pays concerné ?

Comment envisage-t-on de mieux sensibiliser encore nos chefs de poste, ambassadeurs et consuls généraux à leur rôle essentiel et à leur responsabilité dans la modernisation et le développement de nos écoles à l'étranger ? Leur donnera-t-on la consigne précise d'explorer systématiquement les possibilités d'obtenir, sous une forme ou sous une autre, la participation des pays hôtes au financement de nos écoles ?

L'Europe et le partenariat franco-allemand représentent une piste qu'il faut privilégier. Des initiatives concrètes sont-elles envisagées ? Alors que nous avons là, enfin, l'occasion de « faire de l'Europe concrète », pourquoi ne pas avoir encore donné suite à la proposition de la Commission de créer, à ses frais, des sections spécialisées dans nos lycées, lesquels obtiendraient le statut d'« école européenne associée », dans des villes telles Lisbonne, Helsinki ou Stockholm, où sont ouvertes de nouvelles agences européennes ?

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Aux frais de la Commission ? Mais d'où lui vient l'argent ? Elle l'a peut-être gagné au loto ? C'est incroyable !

M. André Ferrand. Enfin, envisage-t-on de faire réaliser par les postes une enquête destinée à déterminer le nombre d'enfants français encore écartés du fait des ressources de leurs parents ? Sur ce point précis, on entend les réponses les plus variées !

Je vous serais très reconnaissant, messieurs les ministres, de bien vouloir répondre à toutes ces questions, même si je reconnais qu'elles peuvent paraître trop précises dans le contexte de ce débat.

Je voudrais encore me féliciter de la décision de procéder en 2005 à un audit qui aidera l'AEFE à se renforcer et à se professionnaliser davantage encore. En fonction des résultats de cette étude, il faudra dégager les ressources nécessaires, en particulier sur le plan humain.

Il nous faut aussi nous réjouir de votre déclaration, monsieur le ministre délégué, selon laquelle notre politique des bourses sera renforcée afin, précisément, de rendre possible à tous les enfants français l'accès à nos écoles de l'étranger.

Messieurs les ministres, j'aurais évidemment préféré, moi aussi, que l'Agence dispose d'un budget plus important. Cependant, je ne puis qu'être satisfait de l'annonce de la stabilisation de ses moyens jusqu'en 2007, stabilisation qui, avec les différentes autres mesures positives déjà annoncées, contribuera à lui permettre de s'engager dans une gestion plus souple et plus responsable et la mettra en mesure de se projeter à moyen terme.

Je conclurai mon propos sur l'Agence par une note un peu plus réservée en évoquant sa place dans le programme « Français à l'étranger et étrangers en France » défini dans le cadre de la LOLF : sans être grand clerc en la matière, il me semble bien que, pour arriver à un tel résultat, il a fallu tordre le bras, sinon le cou, à l'esprit et aux principes qui ont animé les concepteurs de la loi organique. Je n'ai pas ici le temps d'aller plus loin dans cette réflexion, mais je crains que le manque de cohérence d'un tel positionnement ne nous permette pas de tourner aussi simplement cette page.

Avant de quitter cette tribune, je voudrais à mon tour, messieurs les ministres, évoquer la situation de nos compatriotes rapatriés de Côte d'Ivoire.

Je le redis avec chaleur : il faut féliciter et remercier tous ceux qui se sont tant impliqués, en particulier les collaborateurs du ministère des affaires étrangères en Côte d'Ivoire et en France, mais aussi ceux des autres départements et services concernés, pour que ce retour dramatique s'effectue dans les meilleures conditions possibles, compte tenu de la situation.

Je crois qu'en cette fin de journée a eu lieu à l'Hôtel Matignon une réunion destinée à organiser la forme, le montant et le calendrier de l'aide qui doit être apportée aux différentes catégories de Français de Côte d'Ivoire. Tous doivent être soutenus, sans distinction ; cependant, je me permettrai d'évoquer le cas de ceux que j'ai personnellement eu l'occasion de mieux connaître.

Certains des enseignants recrutés localement sont rentrés en France dans un état de dénuement total : pour eux, l'urgence est particulièrement grande.

Par ailleurs, quelque cent soixante petits entrepreneurs ont tout perdu : locaux, fonds de commerce, matériel, maison, biens personnels. Organisés collectivement, ils souhaitent que nous les aidions, dans un premier temps, à éviter les difficultés qu'ils rencontreront avec les banques et autres créanciers face à des échéances qu'ils sont incapables d'honorer, et, dans un deuxième temps, à trouver les moyens de repartir, de reconstruire une nouvelle vie... sans doute hors de France !

Même si le sort de ceux qui sont rentrés en France n'est plus directement sous la responsabilité du ministère des affaires étrangères, je crois qu'il nous faut, ensemble, continuer à veiller sur tous nos compatriotes de Côte d'Ivoire, où qu'ils soient aujourd'hui, et nous assurer que la solidarité nationale s'exprimera efficacement jusqu'à la solution de leurs problèmes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Monsieur le ministre, vous avez eu la délicate mission de résoudre une équation difficile : maîtriser les dépenses budgétaires et rationaliser les actions du ministère des affaires étrangères tout en veillant, naturellement, à ce que la France continue d'assumer le rôle qui est le sien à l'échelon international.

Ces réformes ont été menées dans un contexte international difficile, à l'évolution rapide, qui a vu la multiplication des crises en Afghanistan, en Irak et en Côte d'Ivoire ; elles se sont accompagnées d'une baisse très importante des coûts de fonctionnement du ministère.

Je souhaiterais, dans le temps qui m'est imparti, formuler trois remarques.

Premièrement, la rationalisation du réseau du ministère des affaires étrangères, avec notamment la réduction du dispositif consulaire et culturel en Europe, me semble être une bonne chose et n'est pas forcément synonyme de moindre qualité ou de perte d'influence.

Elle n'entraîne pas une moindre qualité : la preuve en est que l'article 20 du traité instituant la Communauté européenne établit le concept de « citoyenneté de l'Union » et dispose que « tout citoyen de l'Union bénéficie, sur le territoire d'un pays tiers où l'Etat membre dont il est ressortissant n'est pas représenté, de la protection de la part des autorités diplomatiques et consulaires de tout Etat membre dans les mêmes conditions que les nationaux de cet Etat ».

Elle n'entraîne pas non plus de perte d'influence : n'oublions pas que le réseau administratif français à l'étranger se compose aussi des nombreuses implantations des autres ministères, par exemple des attachés d'armement et de défense du ministère de la défense, ou encore du service de coopération technique international de police du ministère de l'intérieur. Face à de nouvelles menaces, face aussi à l'émergence de nouveaux pôles économiques et politiques, nous devons être plus pragmatiques.

Deuxièmement, je voudrais saluer l'effort du ministère pour répondre aux engagements du Président de la République de porter l'aide publique au développement à 0,5 % du revenu national brut en 2007, parce que promouvoir le développement, c'est promouvoir la paix.

C'est un signe clair et fort en direction des pays qui en ont le plus besoin. Il confirme, en partie, les orientations arrêtées par le G 8 à Evian, sous présidence française, en particulier la poursuite de notre soutien au Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, le NEPAD.

Dans le même sens, la contribution de la France au Fonds mondial de lutte contre le SIDA atteindra 150 millions d'euros, soit trois fois plus qu'en 2004.

En outre, la France reste le premier contributeur au Fonds européen de développement, avec quelque 628 millions d'euros, ce qui représente 25 % de son financement. Si le rayonnement d'un pays n'est pas toujours lié à l'importance de ses contributions dans tel ou tel organisme ou institution internationale, ne nous leurrons pas, cela y contribue pour une part importante.

Troisièmement, dans un monde où il convient de respecter les diversités culturelles, n'oublions pas que la diffusion de notre langue et la promotion des échanges artistiques, universitaires et scientifiques permettront de réduire les fossés d'incompréhension entre les peuples, sources de tensions et de conflits internationaux.

La diffusion de notre langue, présente sur cinq continents et parlée par 183 millions de personnes en 2003, est, à mes yeux, essentielle. L'année dernière, 82 millions de personnes en faisaient l'apprentissage à travers le monde, notamment grâce au maillage des établissements de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE.

A la lecture des crédits attribués à l'Agence en 2005, d'aucuns vous diront qu'ils sont en baisse et d'autres vous diront que c'est un « effet d'optique ». Ce dont nous pouvons être sûrs, c'est que les effectifs scolarisés sont en légère augmentation ces dernières années et que le projet de loi de finances pour 2004 a permis une augmentation des bourses scolaires d'un montant de 1 million d'euros.

Je me félicite de l'augmentation massive des élèves dans les établissements français à l'étranger en Europe centrale et orientale, augmentation qui s'explique sans doute par l'adhésion de ces pays à l'Union européenne. A contrario, je m'interroge, monsieur le ministre, sur la perte vertigineuse de 50 % des effectifs en Afrique francophone.

Pour terminer, j'évoquerai les très bons résultats des universités françaises, qui drainent un nombre d'étudiants étrangers de plus en plus important. Depuis 1998, leur nombre progresse à un rythme annuel de plus de 12 %. La politique d'allégement des procédures de délivrance des visas pour les étudiants et leurs familles, mise en place par le Gouvernement depuis 1998, y est sans doute pour quelque chose.

Naturellement, ces étudiants deviendront les élites de demain dans leur pays, véhiculant ainsi « l'exception culturelle française », qui nous singularise si bien ! C'est pourquoi, messieurs les ministres, je voterai ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans un contexte de rigueur et de restrictions pour l'ensemble des ministères, le budget des affaires étrangères, que nous examinons aujourd'hui, est un budget sérieux et réaliste ; nous ne pouvons que l'approuver.

Toutefois, je ne cacherai pas une pointe de déception pour nous, Français de l'étranger, qui voulons une France forte et rayonnante. (M. Jean-Louis Carrère s'exclame.) Mais nous n'ignorons pas que cette ambition est aussi conditionnée par les moyens budgétaires que nous pouvons lui consacrer.

Certes, les crédits inscrits à l'action « Offre d'un service public de qualité aux Français de l'étranger » sont en légère hausse par rapport à 2004 : 1 million d'euros en plus. Mais, à l'intérieur de cette mission, le service public de l'enseignement à l'étranger voit ses crédits réduits : 324,7 millions d'euros en 2005 contre 332 millions d'euros l'année précédente.

On nous assure que cette réduction n'aura aucun impact sur le fonctionnement de nos établissements scolaires à l'étranger. Mais est-on bien sûr, monsieur le ministre, que les coûts d'écolage ne vont pas grimper malgré tout ? Cela se ferait au détriment des familles françaises, une grande majorité d'entre elles n'ayant pas accès aux bourses scolaires et éprouvant déjà beaucoup de difficultés à prendre en charge les frais d'écolage tels qu'ils existent actuellement.

Par ailleurs, nous regrettons toujours les insuffisances en matière d'investissement et l'absence d'une politique ambitieuse de recrutement et de rémunération des personnels en poste à l'étranger qui soit à la hauteur du travail à accomplir et de l'accroissement du nombre des expatriés dans beaucoup d'Etats de l'Union européenne.

Nous regrettons en particulier les suppressions de postes et les fermetures de consulats, alors que le statut bénévole des consuls honoraires des régions à forte densité de population française - je pense en particulier à la Grande-Bretagne et à ses 350 000 Français - ne correspond pas à leur charge de travail, qui est déjà considérable et qui ne cesse de s'alourdir du fait même de la politique de fermeture des consulats.

Je ne voudrais pas consacrer trop de mon court temps de parole aux répercussions économiques du conflit en Côte d'Ivoire pour nos expatriés, mes collègues en ont tous déjà beaucoup parlé. Mais, à la lumière de ces événements, il nous faut pourtant trouver des solutions afin de rassurer, en ce qui concerne les possibilités d'indemnisation en cas de retour forcé, ceux de nos compatriotes qui ont le courage de s'expatrier dans des pays difficiles.

Pendant des années, sans succès, nous avons demandé un fonds français de garantie. Heureusement - je vous en remercie, messieurs les ministres -, le Gouvernement a débloqué 8 millions d'euros pour les Français rapatriés de Côte d'Ivoire.

Il me semble que nous devons aujourd'hui nous tourner vers l'Europe pour que soit créé un fonds d'indemnisation destiné à ses ressortissants victimes de troubles politiques dans leur pays d'accueil hors Union européenne. En effet, la citoyenneté européenne ne se limite pas aux frontières de notre continent ; elle englobe nos nationaux, quel que soit leur pays de résidence.

Une assistance diplomatique et consulaire est prévue dans le chapitre consacré à la citoyenneté du traité sur l'Union européenne. La France, dont le pourcentage d'expatriés est l'un des plus faibles parmi les grands pays européens mais dont le réseau diplomatique et consulaire est l'un des plus importants au monde, offre l'essentiel de cette assistance, nous l'avons vu en Côte d'Ivoire. C'est aussi la France qui prend en charge la sécurité des ressortissants européens en cas de conflit, ce dont nous ne pouvons qu'être fiers et reconnaissants.

Toutefois, il semblerait normal que la charge d'un fonds d'assurance commun, d'un système d'assistance économique minimal pour les ressortissants les plus spoliés, puisse être assumée par l'Union européenne dans son ensemble. C'est une piste à ne pas négliger, surtout quand on sait que la Commission européenne souhaite faire vivre le concept de citoyenneté, dont la substance est considérée aujourd'hui comme relativement faible car elle a peu d'applications concrètes.

Monsieur le ministre, dans le prolongement de vos premières propositions de plan de coopération consulaire en matière de sécurité et protection des biens au Comité des représentants permanents des Etats membres auprès de l'Union européenne, le COREPER, ne pensez-vous pas qu'il serait à la fois opportun et urgent de demander aujourd'hui la création d'un fonds d'assistance ?

Puisque j'ai évoqué la citoyenneté européenne, je voudrais insister sur les droits et devoirs civiques des Français à l'étranger, sur une citoyenneté qu'ils n'ont, hélas ! que peu la possibilité d'exercer de manière pleine et entière.

Certes, ils disposent du droit de vote. Mais ce droit est obéré par de très nombreux facteurs, en particulier l'éloignement physique des centres de vote et la pratique du vote par procuration, qui a le défaut fondamental de ne pas respecter le principe du secret du droit de vote et qui présente de nombreux autres inconvénients, notamment la difficulté pour certains Français de l'étranger de trouver des mandataires en France.

Ce lien qu'institue le vote est pourtant fondamental, mais rien n'est fait pour l'encourager. Nous assistons même à une certaine régression. En effet, du fait de la régionalisation, les centres de vote à l'étranger ont été fermés pour le scrutin européen, privant ainsi les expatriés de toute possibilité de vote personnel à l'étranger sur un enjeu aussi important pour leur avenir.

Un progrès a été accompli avec l'utilisation d'Internet lors des élections des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger - devenu l'Assemblée des Français de l'étranger - dans la circonscription des Etats-Unis en 2003, suite à une proposition de plusieurs de mes collègues. Cette élection à l'AFE aura lieu au printemps 2006 pour la zone Europe Asie, et l'utilisation du vote électronique devrait se généraliser à tous les pays de la zone.

Pourtant, pas le moindre crédit n'a été inscrit dans le budget pour 2005 pour cette élection, alors qu'une préparation convenable de ce mode de scrutin a été estimée à 800 000 euros, dès cette année. Dans ces conditions, monsieur le ministre, sera-t-il possible, alors que la loi en fait obligation, d'organiser matériellement un vote électronique en 2006 ? Et pourrions-nous l'envisager - c'est ce que nous souhaitons, bien sûr - pour le prochain référendum sur le traité constitutionnel ?

Je regrette qu'aucun crédit n'ait été programmé non plus dans le budget pour 2005 pour l'information électorale spécifique des Français de l'étranger. Comme les années précédentes, cela ne manquera pas d'obérer sérieusement la participation de ces derniers. L'éparpillement géographique de nos communautés entraîne automatiquement un certain déficit d'information qu'il nous faut pourtant compenser par des campagnes d'incitation civique. Je pense en particulier au prochain référendum sur la Constitution européenne, dont nous ne saurions assez souligner l'importance.

L'absence d'information électorale à l'étranger semble également liée à l'absence, en France, d'un cadre juridique sur lequel pourrait s'appuyer le CSA pour organiser une telle campagne d'information civique. Si cela était bien le cas, il nous faudrait réfléchir à la mise en oeuvre d'une mesure législative adaptée.

Pour conclure, monsieur le ministre, connaissant votre attachement à la cause des Français de l'étranger, nous voterons votre budget pour 2005, parce qu'il permettra de poursuivre la politique définie par le Président de la République pour le renforcement de l'action extérieure de la France et pour son rayonnement dans le monde. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Guerry.

M. Michel Guerry. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, le Premier ministre a confié au sénateur André Ferrand - qui vient de vous en parler - une mission sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger et sur les moyens alternatifs de son financement.

Victime de son succès, l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger enregistre une augmentation de ses effectifs d'élèves de plus de 1 000 par an et n'a plus les moyens de ses ambitions. A quelques semaines de la présentation de la loi de programmation pour l'école, ce sujet devient donc d'une actualité accrue.

Pour ma part, tout en reconnaissant les apports essentiels de l'Agence, il me semble indispensable de dépasser ses modes de fonctionnement et de financement en cours, et de reposer fondamentalement la nature de ses objectifs.

S'agissant de l'Agence, l'idée consisterait à rendre largement plus autonomes les établissements, tout en conservant un cadre permettant les processus d'homologation, le contrôle et la qualité de l'enseignement.

En premier lieu, il faudrait redéfinir la nature juridique des établissements et leur lien avec l'Agence.

A l'étranger, l'ensemble des établissements doit progressivement prendre la nature juridique d'une véritable entité autonome. Dans ce cadre ainsi défini, les comités de gestion auront à se transformer en conseils d'administration, avec pour tâches la gestion financière, le recrutement, la politique salariale et la gestion du patrimoine. L'Agence donnera son avis et son accord sur le montage des opérations concernant un établissement donné. Elle exercera ainsi un contrôle a posteriori des actes des différents conseils d'administration.

Il faudrait ensuite rechercher un financement plus ouvert.

Beaucoup de familles dont les revenus sont moyens n'ont plus les ressources suffisantes pour envoyer leurs enfants dans nos établissements. II n'y a pas un pays où ce n'est pas le cas ! On en arrive donc à un paradoxe : nos établissements ne comptent plus que les enfants boursiers des familles « pauvres » et les enfants des familles « à l'aise » ! Quelle solution adopter ?

Les élèves étrangers représentent 57 % de notre population scolaire. Pourquoi continuer à prendre en charge leur scolarité et ne pas leur faire payer le coût réel de celle-ci ? Le budget annuel de l'Agence s'élève à plus de 300 millions d'euros pour 160 000 élèves français, soit 1 875 euros par élève et par an.

Si ma proposition est adoptée, chaque établissement scolaire recevra annuellement le montant de cette allocation, multiplié par le nombre d'élèves français inscrits. Responsable de son budget, il calculera les frais de scolarité sur la base du coût de fonctionnement annuel divisé par le nombre d'élèves scolarisés. 

Chaque élève français ou étranger paiera les mêmes frais d'écolage. Les frais de scolarité des Français seront diminués de la part prise en charge par le Gouvernement français.

De la même façon, quand un Etat participera au financement des frais de scolarité de ses nationaux, la même règle pourra être appliquée.

Dans ce nouveau contexte, le budget des bourses scolaires sera un budget à part, géré comme tel par l'Agence.

Les élèves français continueront à bénéficier de l'aide de l'Etat à travers les bourses scolaires, qui viendront en diminution des frais de scolarité par élève.

L'autre réforme à laquelle il faudra s'atteler est celle de la structure des rémunérations des enseignants dans nos établissements.

Toutes les spécificités propres à l'exercice du métier d'enseignant à l'étranger doivent être harmonisées et prises en compte, non seulement en termes de garanties sociales et financières pour les fonctionnaires de l'éducation nationale, mais aussi en termes d'ouverture de la profession, pour permettre un recrutement plus propice aux vocations privées.

Progressivement, « expatriés », « résidents », et « recrutés locaux » seront ainsi recrutés sur un pied d'égalité, dans le cadre d'une négociation salariale avec le comité de gestion, tenant compte de la situation de chaque catégorie et de la situation locale.

Compte tenu des avantages pour leurs collaborateurs que les entreprises françaises retirent de ce projet, il faut qu'elles s'y impliquent davantage. A l'instar des établissements scolaires américains, chaque établissement devrait pouvoir bénéficier d'un mode de financement répondant à une double exigence d'implication, de la part du public et du privé.

Les entreprises seront donc incitées à prendre en charge les frais de scolarité des enfants de leurs collaborateurs expatriés. Il leur sera demandé de s'impliquer d'avantage dans le système des bourses. En contrepartie, des allégements fiscaux devront être trouvés.

Toutes les dispositions qui visent à parvenir à une ouverture ne manqueront pas de demander un véritable changement des mentalités. Il est inutile d'ajouter qu'il s'agit là d'une réforme de taille.

Sauf à voir s'affaiblir considérablement notre réseau d'enseignement, et donc à renoncer à un atout avéré de rayonnement politique, une telle réforme est aujourd'hui incontournable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom de toute l'équipe du Quai d'Orsay, avec Claudie Haigneré, Xavier Darcos et Renaud Muselier, je souhaite tout d'abord féliciter Mmes et MM. les rapporteurs, ainsi que leurs collaborateurs, de la qualité de leurs analyses et de leurs contributions.

Pour avoir eu la chance de siéger parmi vous, Xavier Darcos et moi-même gardons du Sénat un souvenir précis, celui d'une assemblée qui va toujours au fond des choses. Vos interventions sur ce budget le démontrent une fois encore.

Je souhaite également souligner le large consensus qui s'exprime autour de la politique étrangère de notre pays, autour des objectifs et des moyens dont notre diplomatie a besoin. Si nous sommes capables de nous retrouver sur l'essentiel, c'est parce que nous sommes attachés à une parole et à une action de la France dans le monde qui soient fortes, crédibles, respectées et solidaires.

Avant de répondre le plus précisément possible à vos questions, auxquelles j'apporterai également certains compléments par écrit, je souhaite présenter le contexte dans lequel s'inscrit ce budget.

Notre action extérieure se développe selon trois axes : la gestion des crises, la maîtrise de la mondialisation et l'adaptation de notre outil diplomatique.

Monsieur Fournier, comme vous l'avez indiqué, les crises se multiplient et sont autant de défis majeurs pour la stabilité du monde et pour la paix : l'Iraq, la Côte d'Ivoire, le Darfour, les Grands Lacs, les Balkans, le Caucase, Haïti. Vous le voyez, il y en a encore plus que vous n'en avez cité vous-même !

Les crises se multiplient et, en outre, se diversifient : les catastrophes naturelles, les accidents de transport aérien, les épidémies, les guerres, le terrorisme, la sécheresse, les criquets, la famine... Quand ce n'est pas, d'ailleurs, un peu tout à la fois, pour certains continents ou certains pays martyrs !

Dans l'action que nous menons face à ces crises, nous restons attachés à des principes d'action : le respect de la règle de droit, la souveraineté des peuples, la volonté de dialogue et d'écoute, la primauté de la démocratie et des élections, le souci de la justice et de la solidarité. Pour nous-mêmes, le principe est celui d'une capacité permanente de mobilisation.

A cette fin, nous avons en effet besoin de moyens : des diplomates bien formés ; des contributions suffisantes au maintien de la paix ; des crédits pour l'aide au développement et l'action humanitaire d'urgence ; des moyens pour nos communautés expatriées et pour nos postes, afin de garantir leur sécurité et l'enseignement français à l'étranger, sur lequel ont insisté André Ferrand et Michel Guerry.

Il nous faut, ensuite, nous atteler à la maîtrise de la globalisation.

Les enjeux sont nombreux, à l'image de la lutte contre la pauvreté et pour le développement durable. Parce qu'il s'agit, pour moi, d'une conviction de longue date, j'ai fait du développement durable la première priorité de l'action extérieure de la France, dans la foulée de l'intervention du chef de l'Etat à Johannesburg.

Il nous faut aussi travailler sur la recherche d'un modèle économique et social équilibré, sur la construction européenne, dont nous parlerons souvent en 2005, et sur la diversité culturelle et la francophonie. N'ayez crainte, madame Tasca, nous ne considérons pas ces sujets comme des objectifs de second ordre.

Naturellement, il faut également aboutir à la maîtrise raisonnée des flux migratoires.

Tout cela exige une présence, des moyens d'action, des contributions aux organisations internationales, le soutien à la francophonie, la rénovation de notre réseau diplomatique, le traitement digne et efficace de la demande d'asile, la modernisation de notre administration consulaire.

Le troisième axe que nous devons envisager est la conséquence des deux premiers : face aux crises et aux grandes problématiques du monde, nous devons en effet parvenir à l'amélioration de nos méthodes de travail.

C'est le message que j'ai transmis à nos ambassadeurs à la fin du mois d'août : il faut développer notre influence à travers le monde, sans arrogance. Comme je l'ai dit à cette occasion : « La France n'est pas grande quand elle est arrogante. La France n'est pas forte si elle est solitaire. » Cela ne doit pas pour autant nous conduire à l'auto-dénigrement ou à l'auto-flagellation que certains pratiquent parfois.

Notre pays a de vrais atouts. Il défend des principes et des valeurs entendues partout dans le monde et qui reçoivent un écho puissant, je l'ai constaté à New York lors de l'Assemblée générale des Nations unies. En outre, en marge de cette réunion, le Président de la République, avec le Premier ministre espagnol et le président brésilien Lula, a proposé des mesures innovantes pour le financement de la lutte contre la pauvreté et pour le développement, lesquelles ont été approuvées par 110 pays.

Il nous appartient ainsi, aujourd'hui, d'être en mouvement, de promouvoir nos idées et d'agir avec conviction et lucidité, de vivre avec notre temps, qui est celui de l'Europe, mais aussi celui de la mondialisation, et qui doit néanmoins rester celui de la France.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce projet de budget pour 2005, nous nous sommes efforcés d'avancer sérieusement et concrètement dans ces directions.

Vos rapporteurs se sont particulièrement intéressés, cette année, à l'organisation et au fonctionnement de notre ministère, ainsi qu'à sa capacité d'adaptation.

Méfions-nous, en effet, des images convenues, alors même qu'il s'agit de l'un des ministères les plus sérieusement engagés dans la réforme de l'Etat. Vos rapporteurs, après le comité interministériel d'audit des programmes de la LOLF et la direction de la réforme budgétaire, ont bien voulu le relever. Je les en remercie.

Oui, la réforme est aujourd'hui au coeur de ce ministère.

Je l'évoquerai sous quatre angles : la maîtrise des dépenses publiques, la stratégie ministérielle de réforme, la LOLF et les relations avec nos opérateurs.

Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, a insisté avec raison sur la maîtrise des dépenses, car, depuis 1999, nos crédits de fonctionnement progressent effectivement moins que nos crédits d'intervention.

Cela tient avant tout aux efforts consentis en matière d'emploi et de rémunération. L'évolution des taux de change, la réforme des indemnités de résidence, qui est intervenue en 2003, et surtout, je le reconnais, la baisse de nos effectifs, qui auront diminué de près de 10 % en dix ans, expliquent cette évolution.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Michel Barnier, ministre. En 2005, la suppression de 100 emplois, que certains d'entre vous ont regrettée, et le transfert de 52 autres emplois aboutiront à une baisse de près de 2 % de la masse salariale du ministère.

Mesdames, messieurs les sénateurs, à mon sens, il y a pourtant une limite à la rigueur, et il faut en rester là. Je n'ai donc pas accepté une nouvelle révision des indemnités de résidence de nos agents à l'étranger, au moment où, beaucoup d'entre vous peuvent en témoigner, l'expatriation est de plus en plus synonyme d'incertitudes et de dangers. Comment, d'ailleurs, accepter des diminutions supplémentaires d'effectifs, alors que notre assistance technique représente le dixième de ce qu'elle était il y a quinze ans et que nos effectifs d'agents expatriés ont baissé de 18 % en dix ans ?

En citant ces chiffres, vous pouvez constater que je couvre des périodes durant lesquelles de nombreux gouvernements, de gauche comme de droite, se sont succédé. La responsabilité est partagée, et je vous invite l'assumer tous ensemble.

La maîtrise de nos coûts salariaux et, au-delà, de nos crédits de fonctionnement, est intervenue tandis que nos crédits d'intervention, notamment au titre de l'aide publique au développement, progressaient de près de 25 % en cinq ans.

Ainsi, nos coûts de structure sont « descendus » de 33 % du budget du ministère en 2000 à 25 % en 2005. Je remercie Jean-Guy Branger d'avoir salué ce qu'il qualifie de « remarquable effort de productivité » du ministère.

Le deuxième angle de la réforme concerne la stratégie ministérielle de réforme, la SMR. Adoptée en 2003 et actualisée au mois de septembre, elle fixe les lignes directrices de notre action pour l'avenir. Adrien Gouteyron y a d'ailleurs consacré une part importante de son rapport.

Deux volets de cette stratégie ont principalement retenu son attention et celle des autres rapporteurs : notre politique immobilière et la restructuration de notre réseau diplomatique, consulaire et culturel.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la politique immobilière est l'un des premiers sujets sur lequel je me suis engagé en arrivant à la tête de la diplomatie française. Nos agents et nos services à Paris sont actuellement dispersés sur onze sites différents : quelle organisation moderne peut supporter un tel système de travail ?

J'ai donc proposé aussitôt à l'ensemble de nos agents de travailler sur un projet de regroupement des services de l'administration centrale, à Paris, sur un site unique. Si ce projet est sans doute d'abord « matériel », il est également politique, collectif et mobilisateur pour tous nos agents.

Ce site unique, adapté aux besoins d'une diplomatie moderne, est indispensable. Un tel programme ne peut être adopté, j'y tiens absolument, que dans le cadre d'un dialogue social. Je souhaite que nous puissions lancer concrètement ce programme au printemps prochain, lorsque nous disposerons des études que nous avons demandées sur la valorisation de nos immeubles, sur le coût du programme lui-même et sur les différentes localisations possibles dans la capitale.

D'autres actions immobilières ont été lancées : l'installation des nouvelles archives diplomatiques à La Courneuve, dans le cadre de financements innovants grâce à un partenariat entre les secteurs public et privé ; la construction du campus diplomatique de Pékin, qui sera achevé pour les jeux Olympiques de 2008, et de celui de Tokyo, dans le cadre, également, d'un partenariat avec un opérateur privé.

De même, la relance de nos cessions immobilières a permis de doubler le rythme de nos ventes, qui ont atteint 12 millions d'euros en 2004. Il existe encore un stock de biens, d'une valeur de 50 millions d'euros, qui peuvent être vendus. Nous nous engageons à accélérer ces ventes, en nous assurant que leur produit sera intégralement reversé au budget du ministère des affaires étrangères. Il s'agit bien, comme l'a dit Adrien Gouteyron, d'entretenir notre patrimoine et de permettre à notre réseau diplomatique de respirer, d'évoluer et de se moderniser.

Le deuxième aspect de la stratégie de réforme concerne l'adaptation de notre réseau à l'étranger, qui n'est pas figé. A cet égard, je suis d'accord avec Bernard Fournier et Aymeri de Montesquiou.

Au passage, je tiens à remercier celui-ci de ses propositions audacieuses en matière de « mutualisation » - c'est un terme qui me convient parfaitement - de nos représentations au niveau européen. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison d'affirmer que « ces représentations ne doivent pas être des lieux décidés par principe ou figés par l'histoire ». Au contraire, ce réseau n'a cessé d'évoluer depuis dix ans, passant de 457 à 422 implantations, soit une diminution de 8,2 %.

Certes, le nombre de nos ambassades est passé de 148 à 156, à la suite du démantèlement de l'Union soviétique et de l'ex-Yougoslavie, mais cette hausse s'est accompagnée de fermetures d'établissements culturels. Pour l'avenir, nous allons poursuivre la rationalisation du réseau consulaire en Europe, en procédant, en même temps, à son évaluation. Tout à l'heure, quelques-uns d'entre vous ont exprimé un certain nombre de critiques ou de craintes sur ce point.

Nous voulons éviter les redondances qui peuvent encore exister entre les Alliances françaises et les centres culturels. Nous le ferons avec pragmatisme et dans la concertation.

Enfin, comme plusieurs d'entre vous l'ont souhaité, nous allons rechercher des synergies nouvelles avec nos partenaires européens, en particulier l'Allemagne et l'Espagne. Il s'agit, en effet, d'une forme de mutualisation, comme l'a évoqué M. Pozzo di Borgo.

Enfin, au-delà des services propres au ministère des affaires étrangères, c'est bien l'ensemble des services de l'Etat implantés à l'étranger qu'il faut mieux utiliser.

La réforme de l'Etat passe aussi par la préparation de la LOLF. M. le rapporteur spécial a observé que le ministère des affaires étrangères figure dans le peloton de tête des administrations de cette réforme.

Les quatre programmes et leurs actions, répartis entre deux missions - l'une ministérielle, l'autre interministérielle - sont désormais définis. Jean-Guy Branger et Michel Charasse, notamment, notent que la mission ministérielle « action extérieure de l'Etat » est encore loin de rassembler tous les crédits internationaux de l'Etat. C'est vrai, mais il nous faut dès aujourd'hui lancer cette réforme. J'espère néanmoins que nous aurons l'occasion, au fil de l'expérience, d'apporter des améliorations, afin de progresser dans le sens que vous souhaitez.

La LOLF, c'est l'occasion de rationaliser les compétences budgétaires des ministères. En 2005, les crédits du Fonds mondial contre le sida - M. Pelletier et Mme Luc y ont fait allusion - en provenance du ministère de l'économie et des finances, et ceux de l'aide alimentaire, en provenance du ministère de l'agriculture, seront transférés au budget du ministère des affaires étrangères. A l'inverse, les crédits du budget civil de la recherche qui concernent le CERN passeront à la recherche.

Une première expérimentation de la LOLF, avec des « budget-pays », a été menée en 2004 sur cinq pays. Adrien Gouteyron s'est interrogé sur la « fongibilité asymétrique » et sur la complexité que tout cela va infliger aux postes. Certes, la maîtrise de cette gestion à l'étranger sera délicate, mais, globalement, il nous semble que la logique « pays » demeure bonne.

En 2005, cette expérimentation sera élargie à dix pays et pour la totalité des crédits des futurs programmes, ce qui a nécessité la création de quatre nouveaux chapitres budgétaires en lieu et place du chapitre expérimental de 2004. Je reconnais que cette création a pu conduire à « brouiller les pistes » et à donner l'impression que certaines dotations en matière culturelle ou de coopération diminuaient.

Au total, nous vous présenterons l'année prochaine, mesdames, messieurs les sénateurs, un projet de budget en format LOLF, fruit d'une véritable expérimentation. Il sera plus lisible et plus dynamique que ceux qui étaient bâtis sur le modèle habituel de l'ordonnance de 1959.

Adrien Gouteyron et Michel Charasse ont souligné nos efforts pour définir des indicateurs pertinents dans la LOLF, malgré la difficulté à mesurer l'impact de l'action diplomatique. Sur leurs conseils et à partir de leurs idées, nous affinerons davantage certains de ces indicateurs.

Enfin, toujours à propos de la LOLF, Christian Cointat a suggéré d'instaurer un programme propre aux Français de l'étranger, distinct de celui des étrangers en France. Le programme « Français à l'étranger et étrangers en France », dans son périmètre actuel, recouvre, me semble-t-il, une véritable mission de service public, de service du public : cela recouvre des métiers spécifiques, bien identifiés au sein du ministère, notamment à la Direction des Français de l'étranger et des étrangers en France.

Ce service public s'adresse également à des « usagers » de l'administration : Français établis hors de France ou de passage à l'étranger, jeunes en âge d'être scolarisés, demandeurs de visas ou demandeurs d'asile. Chacune de ces catégories fait l'objet d'une action clairement identifiée au sein de ce programme.

Ce service public doit pouvoir bénéficier des mécanismes de fongibilité prévus par la LOLF. Monsieur Cointat, il sera toujours plus facile de faire des arbitrages dans un programme de 603 millions d'euros que dans un budget qui serait ramené à 480 millions d'euros. La priorité ira toujours à nos compatriotes expatriés, comme l'ont prouvé les événements récents en Côte d'Ivoire.

Sur cet aspect de notre action en faveur des Français de l'étranger, Paulette Brisepierre et Jean-Pierre Cantegrit ont appelé mon attention sur la situation des pensionnés français des caisses de retraite des pays de l'Afrique francophone qui rencontrent des difficultés pour faire valoir leurs droits à pension.

La France ne saurait se substituer à des Etats souverains pour garantir le versement de prestations qui sont la contrepartie de cotisations versées. Mais elle ne peut pas davantage se désintéresser du sort de ces compatriotes.

Nos interventions réitérées, et les vôtres, auprès des gouvernements concernés, n'ont pas suffi pour parvenir à un règlement global de cette question. C'est pourquoi j'ai fait saisir, le 30 juillet dernier, les autres ministères intéressés, en vue de l'établissement d'un lien entre le paiement de ces retraites et les concours financiers que la France accorde aux pays concernés. Désormais, le soutien de la France dans les négociations de ces pays avec le Fonds monétaire international et le Club de Paris devrait être conditionné à l'existence d'un mécanisme garantissant le paiement des pensions dues à nos compatriotes. (M. Robert Del Picchia. et M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis, applaudissent.)

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est bien, ça !

M. Michel Barnier, ministre. Enfin, la réforme de notre dispositif d'action extérieure, c'est aussi l'adaptation de nos opérateurs. J'en évoquerai quatre.

Mme Henneron et M. Lecerf ont évoqué la question de l'OFPRA. Celui-ci rend désormais ses décisions en deux mois, comme le Président de la République l'avait demandé.

Quant à la commission de recours des réfugiés, je suis d'accord avec Mme Henneron et M. Lecerf, que je félicite pour sa nomination en tant que représentant du Sénat au conseil d'administration de l'OFPRA : elle constitue maintenant la priorité de notre action en matière d'asile et son travail conditionne le succès de la réforme de décembre 2003.

L'augmentation de 18 % des crédits de cette commission a permis son déménagement à Montreuil, dans des locaux fonctionnels que j'ai inaugurés le 8 novembre dernier, ainsi que le recrutement de 125 contractuels pour résorber les dossiers en instance.

Cet effort sera poursuivi en 2005, avec l'inscription de 8,1 millions d'euros supplémentaires au budget qui vous est soumis.

La commission de recours des réfugiés devrait désormais travailler dans des conditions à la hauteur de l'enjeu : 100 000 recours sont en instance ! J'appelle votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait que l'accroissement de l'activité de l'OFPRA et la plus grande efficacité de la CRR entraîneront mécaniquement une très forte augmentation du nombre de déboutés.

Adrien Gouteyron a eu raison de dire qu'il y va de l'intérêt de tous de réduire sensiblement les délais et de rendre plus effectives les décisions prises. Ce sera une question majeure que nous devrons traiter ensemble, avec d'autres ministères.

S'agissant de la scolarisation des enfants des Français de l'étranger - c'est une question que je connais bien, monsieur Del Picchia, puisque j'ai été moi-même, pendant cinq années, parent d'élèves scolarisés à l'étranger -, Monique ben Guiga et Paulette Briseprierre ont insisté sur la nécessité de renforcer les capacités d'adaptation de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE.

L'AEFE gérera désormais son patrimoine immobilier, ce qui lui permettra de réagir plus vite, de fédérer des initiatives ou des crédits en provenance de plusieurs partenaires, comme l'ont suggéré Michel Guerry et André Ferrand, de réhabiliter et de sécuriser plusieurs de nos établissements scolaires. Cette agence recevra à cette fin une subvention d'investissement de plus de 9 millions d'euros. De même, les crédits pour les bourses scolaires destinées aux élèves français seront portés à 41 millions d'euros.

Sur ce point, je voudrais rassurer Michel Guerry : la concertation avec le ministère de l'éducation nationale fonctionne bien. J'en veux pour preuve la mobilisation remarquable des académies pour accueillir dans l'urgence les enfants et les enseignants rapatriés de nos écoles de Côte d'Ivoire. Cette coordination doit être renforcée, notamment pour la gestion des affectations et des retours du personnel enseignant.

Enfin, toujours sur l'AEFE, je voudrais rassurer Bernard Fournier : la baisse du nombre des élèves de l'agence en Afrique francophone s'explique par l'effet des premières crises en Côte d'Ivoire et non pas par un courant plus profond de désaffection ou de repli.

MM. Duvernois et Assouline, ainsi que Mmes Cerisier- ben Guiga et Tasca ont évoqué le projet de la chaîne d'information internationale. Le dossier progresse, comme vous l'a dit le ministre de la culture voilà quelques jours.

Ces derniers mois ont été mis à profit pour réfléchir collectivement aux conditions de création de cette chaîne d'information internationale. Plusieurs options ont été examinées, chacune comportant des points forts et des points faibles en raison de la complexité du sujet.

L'une des questions-clés, au-delà du contenu, est celle d'un financement adéquat, qui s'inscrive sérieusement dans une perspective pluriannuelle.

L'autre point-clé, vu de mon ministère, est d'avoir une formule qui s'inscrive en complémentarité, et non pas en concurrence, avec les outils existants de l'audiovisuel extérieur : TV5, RFI, CFI, l'Agence France-Presse ou EuroNews.

Le schéma qui s'esquisse - il n'est pas totalement finalisé, et c'est pourquoi je n'entrerai pas dans le détail -, à l'occasion de réunions que préside le Premier ministre, devrait permettre de financer la montée en puissance de cette chaîne sans affecter le développement des outils existants.

Cela répond à la préoccupation de M. Legendre sur l'importance de TV5 pour nos partenaires francophones ; nous l'avons encore vérifié à Ouagadougou. Cela répond également aux préoccupations de Mme Cerisier-ben Guiga, qui sont aussi les miennes, sur la nécessité, pour le ministère des affaires étrangères, de garder le pilotage de l'audiovisuel extérieur, qui est placé sous sa tutelle en tant qu'instrument fondamental de la présence de la France à l'étranger.

A propos de TV5, qui est le principal outil de l'audiovisuel extérieur, je me permets de rendre un hommage sincère à Serge Adda pour le formidable travail qu'il a réalisé à la tête de cette chaîne avec toute son équipe.

Dans cette rubrique des opérateurs, je dirai un mot sur la subvention du ministère des affaires étrangères à l'Institut du monde arabe, l'IMA, qui préoccupe à la fois le rapporteur général Philippe Marini et Serge Vinçon.

Fixée à 9,15 millions d'euros, cette subvention n'a pas évolué depuis 1988. Les mauvais résultats de l'exercice de l'année 2001 avaient cependant conduit mon ministère à lui verser une subvention exceptionnelle de 2,3 millions d'euros en 2002. Cette année, nous avons de nouveau alloué à l'IMA une aide exceptionnelle de 1 million d'euros. Il avait été souhaité que cette aide soit complétée d'ici à la fin de l'année, mais cela n'a pas été possible.

Pour sa part, l'IMA s'est engagé dans un plan de maîtrise de ses dépenses et s'efforce d'obtenir, avec notre soutien, le versement des arriérés dus par certains Etats arabes. J'ai d'ailleurs effectué un certain nombre de démarches dans ce sens au cours de mes visites, notamment dans les pays du Maghreb.

Nous sommes conscients de la situation difficile dans laquelle se trouve l'IMA. J'espère que nous parviendrons à dégager des marges suffisantes sur le chapitre des contributions obligatoires en 2005, pour pouvoir pérenniser cette aide et, idéalement, parvenir à l'augmentation de 20 % de la subvention que le président Yves Guéna a souhaitée.

Enfin, toujours dans ce développement consacré à nos opérateurs, je me dois d'évoquer la redistribution des rôles au sein de notre dispositif d'aide publique au développement ; Xavier Darcos vous en présentera les grandes lignes tout à l'heure. Pour ma part, je soulignerai la continuité de notre effort de rénovation du dispositif d'aide au développement non seulement pour atteindre l'objectif quantitatif de 0,5 % du PIB en 2007 fixé par le Président de la République, mais aussi pour améliorer la qualité et l'efficacité de notre aide.

Nous poursuivons la logique de la réforme de 1998 en distinguant désormais les fonctions d'impulsion politique et de pilotage stratégique, confiées naturellement au ministère des affaires étrangères, et celles de mise en oeuvre de notre aide.

L'Agence française de développement, l'AFD, va devenir l'opérateur pivot qu'elle n'est pas encore vraiment. Je conviens, avec Michel Charasse, que ses évaluations devront être plus transparentes et effectuées en externe : il est clair que le donneur d'ordre, en l'occurrence l'Etat, doit pouvoir faire appel à ses propres évaluations.

Il est possible d'imaginer, dans un troisième temps, de regrouper encore davantage notre aide publique au développement au sein de la mission interministérielle « APD » qui, comme le regrette Michel Charasse, n'en consolide que la moitié à l'heure actuelle.

S'agissant des crédits dits culturels, je répondrai à Mme Cerisier - Ben Guiga que si les crédits affectés à l'action culturelle extérieure sont, comme tous les crédits d'ailleurs, soumis à des contraintes, il n'est pas juste de dire que ce volet important de notre action serait traité comme une sorte de « variable d'ajustement ». Au contraire, l'action culturelle est clairement identifiée dans le programme « rayonnement » et constitue une part importante du programme « solidarité », car la culture est une dimension essentielle du développement. J'ai souvent dit, et je le répète devant vous, que mon intention est de donner à l'action extérieure de la France, à notre diplomatie, une dimension beaucoup plus citoyenne, plus humaine, en m'appuyant notamment sur sa dimension culturelle.

Le réseau culturel fait l'objet d'une adaptation qui, je crois, est nécessaire et normale. Mais je voudrais insister sur le volontarisme qu'affiche ce budget en matière de bourses, pour inciter les meilleurs étudiants étrangers à venir chez nous, et de coopération universitaire et scientifique, deux volets qui sont fondamentaux pour conforter la compétitivité française.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je voulais apporter sur l'adaptation de notre appareil diplomatique. Je veux vous faire partager la conviction que cette administration des affaires étrangères, que j'ai l'honneur d'animer, est en mouvement, qu'elle est prête aux changements pour rester influente, tout en apportant, bien sûr, à nos compatriotes qui vivent à l'étranger, aux amis de la France, aux organisations et aux associations non gouvernementales - qui sont très importantes pour moi -, aux collectivités territoriales - Christian Cambon et Philippe Madrelle ont souligné l'importance de cette coopération décentralisée, dont j'ai été moi-même l'un des militants et des acteurs lorsque je présidais un conseil général - enfin, aux entreprises, donc à tous ces partenaires, un service public de qualité pour leur action internationale.

Pour 2005, notre ambition est de concentrer les ressources disponibles autour de quelques grandes lignes ; je les citerai en style télégraphique.

L'aide publique au développement ; Xavier Darcos va vous en parler.

Une action d'information et de sensibilisation objective, républicaine, impartiale sur les questions européennes et pour le projet de Constitution ; nous y travaillons avec Claudie Haigneré.

La remise à niveau de nos contributions aux Nations unies - c'est ce que Jean-Guy Branger a souhaité - pour faire face plus rapidement à nos obligations en la matière et sans être toujours obligés, comme nous allons le faire dans quelques jours, de solliciter le budget supplémentaire ou la loi de finances rectificative.

L'accueil en France des jeunes élites étrangères ; je remercie à cet égard Bernard Fournier, qui a rappelé que le nombre d'étudiants étrangers inscrits dans nos universités augmente de 12 % par an depuis 1998.

Un effort important en faveur des Français de l'étranger, notamment dans le domaine scolaire et dans celui de la sécurité - c'est là que l'on trouve des mesures nouvelles, sur lesquelles s'est interrogé notamment Yves Pozzo di Borgo. Je reconnais, avec Jean-Pierre Cantegrit, que l'on pourrait faire davantage pour la solidarité avec les personnes âgées et les handicapés. Je rappelle toutefois que le fonds d'action sociale du ministère des affaires étrangères a bénéficié d'une revalorisation de près de 20 % en six ans et que nous soutenons près d'une centaine d'associations françaises de bienfaisance et de solidarité à l'étranger. Un effort particulier a été fait cette année en faveur des personnes handicapées : le nombre de bénéficiaires d'une allocation « handicapé » a augmenté de 3 % et les allocations versées aux enfants handicapés ainsi que les aides complémentaires ont été revalorisées de 3 %.

Enfin, une efficacité accrue dans la gestion du droit d'asile et de la circulation des étrangers ; nous en avons déjà parlé.

Vous me permettrez sur ce point de dire un mot à Jean Arthuis, qui m'a posé une question précise sur l'exécution des mesures d'éloignement et de coopération que nous recevons des autorités consulaires. Monsieur le président Arthuis, le Gouvernement veille à ce que le nombre de mesures d'éloignement d'étrangers en situation irrégulière augmente significativement. De fait, les premiers résultats pour 2004, sur lesquels le ministre de l'intérieur pourrait vous renseigner plus utilement, sont en augmentation de 30 % à 35 % par rapport à 2003.

La principale difficulté à laquelle se heurtent les services préfectoraux et de police réside dans l'absence de documents de voyage. On y pallie en demandant un laissez-passer consulaire, un LPC, à l'autorité consulaire du pays de retour de la personne reconduite à la frontière. C'est le cas dans environ 20 % des cas de reconduite à la frontière et c'est là que le ministre des affaires étrangères apporte son concours au ministre de l'intérieur.

Vous avez raison, monsieur le président Arthuis, ces LPC ne sont pas toujours faciles à obtenir. Pour être précis, nous ne les obtenons en temps voulu - car la loi limite le temps pendant lequel l'administration peut retenir les intéressés pour vérifier leur identité - que dans un tiers des cas.

Comment peut-on améliorer cette situation ? D'abord, en signant avec les Etats concernés des accords de réadmission qui facilitent ces reconduites à la frontière. La France en a passé avec trente-six Etats, dont trente extérieurs à l'Union européenne, et nous en négocions actuellement huit autres. Ensuite, en prenant avec les pays de destination des arrangements administratifs pour organiser les reconduites par des voies aériennes. Enfin, en entretenant des relations suivies avec les autorités consulaires pour les pays les plus sollicités par ces reconduites.

La confiance, la persuasion et la conviction sont les clefs de la réussite de ces démarches. Toutefois, si vous avez connaissance de cas précis de comportements anormaux et si vous voulez bien me les signaler, monsieur le président Arthuis, je vous promets de faire procéder aux enquêtes nécessaires.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je le ferai !

M. Michel Barnier, ministre. Les crédits que je sollicite, mesdames, messieurs les sénateurs, sont globalement adaptés à ces lignes directrices. Le budget que je vous soumets est un budget réaliste - « sérieux et réaliste » a même dit Mme Garriaud-Maylam, et je l'en remercie - pour conduire le changement et mettre en oeuvre ces priorités.

Nos dotations pour 2005 progressent en effet de 4,3 % par rapport à l'année précédente. Ainsi, la part du budget des affaires étrangères dans le budget de l'Etat progresse de 1,51 % à 1,58% ; certains ont dit « seulement 1,58 % », mais, objectivement, c'est tout de même une progression.

J'insisterai sur un point essentiel : pour que ce budget reste un bon budget, un budget sérieux et réaliste, un budget honnête, il faut naturellement que les crédits ouverts lui soient garantis.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Ah, ah !

M. Michel Barnier, ministre. Vos rapporteurs ont insisté sur cet aspect au regard des régulations passées. Michel Charasse a qualifié d'« éprouvants » les effets de la régulation budgétaire imposée en 2003. Vous observerez que nous avons échappé à la régulation en 2004 par la volonté de chef de l'Etat.

Par ailleurs, un quart de notre budget est soumis au risque de change. Je remercie Adrien Gouteyron de l'intérêt qu'il a bien voulu porter à cette problématique et d'avoir rappelé qu'aucune hypothèse de change n'a été fixée au cours de la négociation budgétaire. Il y a là, c'est vrai, un facteur d'incertitude. Nous voulons intégrer cette préoccupation dans le contrat d'objectifs et de moyens en cours de discussion avec le ministère des finances.

D'ailleurs, pour être honnête, d'autres incertitudes demeurent sur certains chapitres dont les dotations pourraient s'avérer insuffisantes. C'est le cas des appels à contribution du Fonds européen de développement et des opérations de maintien de la paix dans le cadre des Nations unies. J'ai obtenu l'assurance que les moyens nécessaires seraient dégagés le cas échéant en cours d'exercice et sans redéploiement. Je sais aussi que, sur ce point, je pourrai, le moment venu, compter sur votre soutien et votre vigilance.

Un mot, enfin, sur les Français de l'étranger. Je vous ai dit combien nous étions attentifs à leur sécurité. Robert Del Picchia et Louis Duvernois ont posé la question des indemnités versées aux membres de l'Assemblée des Français de l'étranger. Pour l'instant, les membres de cette Assemblée perçoivent une indemnité forfaitaire qui ne couvre pas, en effet, les charges liées réellement à leur mandat, et, comme vous, je considère que cette situation n'est pas normale.

Le Gouvernement n'est pas hostile à une évolution dans ce domaine, car les conseillers des Français de l'étranger sont les seuls élus du peuple auxquels rien n'est versé au titre des frais, importants, qu'ils peuvent engager dans leur circonscription. Cela n'est pas satisfaisant. Je vais donc réfléchir avec vous. Il faudra trouver les moyens de financer cette nouvelle dépense. Je vais également réfléchir, monsieur Del Picchia, à cette idée qui me paraît intéressante d'une deuxième session annuelle de l'Assemblée des Français de l'étranger.

Je sollicite encore quelques instants votre attention pour répondre à quelques-unes des grandes questions de politique internationale que certains d'entre vous ont évoquées, même si j'ai l'occasion par ailleurs, devant la commission des affaires étrangères ou par écrit, ou lors de questions orales, de m'exprimer sur tel ou tel de ces points, que nous allons malheureusement retrouver quelquefois dans l'actualité.

Serge Vinçon a évoqué l'OTAN et son rôle futur. Gardons à l'esprit quelques données essentielles : la France est le troisième contributeur à l'OTAN, et j'aurai peut-être l'occasion de le rappeler demain à Bruxelles, au cours de la session ministérielle de l'OTAN ; des généraux français commandent les deux plus grandes opérations actuelles de l'OTAN, au Kosovo et en Afghanistan.

Même si les relations transatlantiques doivent évidemment être évoquées - elles le seront en effet demain, et ce sera d'ailleurs la dernière réunion de l'Alliance en présence de Colin Powell - , l'OTAN doit avant tout se concentrer sur ses opérations.

Au Kosovo, où il ne faut pas baisser la garde, nous devons maintenir les effectifs de l'OTAN, car les prochains mois seront difficiles. En Afghanistan, où la stabilisation progresse ? Renaud Muselier représentait avant-hier le gouvernement français aux cérémonies d'investiture de Hamid Karzai ? mais où le fléau de la drogue demeure le problème le plus grave - je rappelle que 80 % de l'héroïne consommée en Europe provient d'Afghanistan -, il faudra également maintenir des effectifs nombreux. Dans toutes ces zones de crise, la réponse doit être globale, et pas uniquement militaire.

Josette Durrieu m'a interrogé sur l'Iran. Ce dossier, sur lequel j'ai beaucoup travaillé avec mes collaborateurs et avec mes collègues Jack Straw et Joska Fischer, nous offre un triple motif d'encouragement.

D'abord, trois Etats européens se sont engagés dans cette affaire, avec le soutien de Javier Solana. Ils ont donné l'image d'une Europe unie, d'une diplomatie européenne qui se construit, qui agit et qui convainc. Chacun des trois Etats a apporté ses atouts dans cette négociation, et je peux dire que si nous n'avions pas été ensemble tous les trois, probablement aucun de nous n'aurait pu la conduire seul.

Ensuite, l'Iran a accepté de suspendre ses activités d'enrichissement et de retraitement de l'uranium ; cette suspension est actée dans l'accord signé à Paris le 15 novembre dernier.

Enfin, l'AIEA a confirmé formellement cette suspension. La résolution présentée par les trois pays a été adoptée par consensus. Nous sommes maintenant disposés, comme nous nous y sommes engagés avec l'Iran, à entamer des négociations pour un accord de plus long terme, comportant un volet sur le nucléaire civil, un volet économique et industriel et un volet de dialogue politique et de sécurité.

Cet accord, qui empêche que ne survienne une crise probablement très grave, devrait nous apporter des garanties objectives quant à la finalité exclusivement civile du programme nucléaire iranien. Il s'agit d'un accord important, fragile, et nous devons rester vigilants.

Jean-Pierre Cantegrit, Jean-louis Carrère, Paulette Brisepierre, notamment, ont évoqué la crise en Côte d'Ivoire, qui secoue ce pays ami. Je me suis déjà exprimé ici même, quelques jours après le bombardement de Bouaké. Au nom de l'Union africaine, le président sud-africain Thabo MBeki vient, comme M. Cantegrit l'a rappelé, de se rendre sur place - il l'a d'ailleurs fait à deux reprises -, accompagné de représentants de l'Union européenne, du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.

Je veux saluer ici l'engagement personnel du président sud-africain, depuis le début puisqu'il était déjà présent à Kléber. Je souhaite également souligner l'engagement indéfectible du président Omar Bongo, qui suit ce dossier sans relâche, depuis le début, lui aussi, avec la sagesse et l'expérience que chacun lui connaît. Je rappelle d'ailleurs qu'en novembre dernier c'est lui qui avait permis de relancer un processus déjà bloqué, à l'occasion d'une réunion à Libreville avec le président Laurent Gbagbo et mon prédécesseur Dominique de Villepin.

De fait, je veux surtout saluer la complémentarité de la communauté africaine sur ce dossier difficile, qui concerne en réalité la plupart des facteurs de crise caractérisant ce continent qui nous est cher.

Les conclusions de la mission du président Thabo MBeki et des initiatives de l'ensemble des dirigeants de l'Union africaine ont confirmé sans ambiguïté la nécessité de mettre en oeuvre tous les engagements pris à Marcoussis et à Accra pour conduire des élections ouvertes à tous et pour engager réellement le désarmement dans un pays réunifié.

C'est une solution exigeante, difficile, et il n'y en a pas d'autre. Elle est appuyée de façon unanime par la communauté africaine comme par la communauté internationale, et, pour notre part, nous maintiendrons sans hésitation notre engagement dans ce sens. Permettez-moi de vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'en Afrique la vocation de la France n'est pas d'être un gendarme : elle doit être le partenaire du développement, de la paix, de la stabilité.

Je voudrais également répondre à Louis Duvernois, Jean-Pierre Cantegrit, Jean-Louis Carrère, André Ferrand et Joëlle Garriaud-Maylam, qui ont évoqué les modalités de l'aide qui sera versée à nos compatriotes qui ont tout perdu en Côte d'Ivoire.

Cette responsabilité devrait être confiée à la mission interministérielle aux rapatriés. Aujourd'hui même, en fin d'après-midi, une réunion interministérielle, présidée par le directeur du cabinet du Premier ministre, a préparé un décret étendant aux Français de Côte d'Ivoire le bénéfice de la loi du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'outre-mer, qui avait été adoptée pour les Français d'Algérie.

Vous me permettrez de m'associer aux remerciements que vous avez été nombreux à exprimer pour tous ceux, fonctionnaires, bénévoles, particuliers, collectivités locales, que ce soit à Abidjan, à Paris, au Quai d'Orsay ou à Roissy, qui ont été formidables lorsqu'ils ont accueilli tous ces Français. Outre les sénateurs représentant les Français de l'étranger, nombreux sont ceux qui sont venus à Roissy. Je tiens à leur dire ma gratitude et mon admiration.

Mme Bergé-Lavigne, MM. Bret et Plancade ont évoqué la situation en Irak et les perspectives du conflit israélo-palestinien après la disparition de Yasser Arafat.

Plus que jamais, l'instabilité au Moyen-Orient est au coeur des problèmes du monde et au coeur de nos préoccupations. J'ai souvent dit que le conflit israélo-palestinien était un conflit central. Il y a, dans cette région, un besoin de paix, de justice et de sécurité, et notre génération à le devoir d'y répondre.

Avec le décès de Yasser Arafat, c'est une situation nouvelle qui se crée. Toute notre action, avec les Européens et dans le cadre de ce que l'on appelle le Quartet - Russes, Américains, Nations unies et Européens - vise à faire en sorte que la transition politique permette la désignation des nouveaux responsables palestiniens dans les meilleures conditions possibles.

C'est pourquoi nous soutenons la tenue d'une élection présidentielle transparente, démocratique, ouverte à tous les Palestiniens ; elle se tiendra le 9 janvier prochain.

La France prendra une part importante aux opérations de contrôle et d'observation de ce scrutin par l'Union européenne. Nous avons proposé à la Commission vingt-cinq candidats - c'est le chiffre maximum pour la France, selon les quotas par Etat membre - pour faire partie de l'équipe qui sera dirigée par l'ancien Premier ministre M. Michel Rocard.

Au-delà, c'est, bien sûr, la relance du processus de paix qui est la priorité. Nous percevons, actuellement, une ambiance plus positive, une plus grande disponibilité au dialogue.

J'évoquerai également le projet de retrait de Gaza, que j'ai qualifié de « courageux » lorsque je me suis rendu à Jérusalem et à Tel Aviv. Toutefois, il ne doit pas s'agir uniquement d'un simple retrait de Gaza : il faut que ce retrait soit réussi et que ce premier territoire duquel les Israéliens se retirent soit un territoire viable, stable, où les jeunes Palestiniens trouveront un avenir.

Enfin, des idées de conférence internationale circulent, pas encore très précises, mais qui correspondent à ce que la France demande depuis longtemps, pour peu qu'il s'agisse véritablement de remettre sur les rails la feuille de route.

J'estime, comme Mme Durrieu, qu'il n'y a pas d'autre alternative à cette feuille de route, hormis la spirale de la violence, qui touche indistinctement les enfants de Palestine et les enfants d'Israël.

Il faut donc saisir une opportunité qui, espérons-le, s'ouvre réellement au Proche-Orient. La France s'y engage pleinement pour que cette chance, la première depuis bien longtemps, soit saisie.

MM. Bret et Plancade ont évoqué la question de l'Irak. A Charm el-Cheikh, le 23 novembre dernier, les pays les plus concernés par ce conflit et la totalité des pays riverains de l'Irak, y compris l'Iran ou la Syrie, qui étaient présents, se sont mis d'accord sur une approche commune pour encadrer, consolider, j'allais dire parrainer le processus de transition politique prévu par la résolution 1546.

Nous nous sommes naturellement associés à ce travail. Comment la France aurait-elle été absente d'une telle conférence, qui vise à réintroduire enfin un peu de multilatéralisme dans l'action internationale ?

Nous avons pesé de tout notre poids pour que les textes adoptés soient le plus possible conformes à nos vues, avec l'ouverture du champ politique irakien, notamment lors des élections programmées pour le 30 janvier, qui doivent être des élections équitables dans lesquelles se reconnaissent toutes les communautés, toutes les forces irakiennes présentes sur l'ensemble du territoire irakien.

Un second point nous tenait à coeur : la perspective réaffirmée du retrait des troupes étrangères d'ici au 31 décembre 2005.

Par ailleurs, nous voulons aider bilatéralement les autorités irakiennes à remettre sur pied leur pays, sans envisager, ni aujourd'hui ni demain, le moindre engagement militaire.

Nous agissons également par le biais de l'Union européenne, qui met en place un ensemble de projets pour l'assistance électorale lors du scrutin du 30 janvier et dans le domaine de l'Etat de droit.

En effet, monsieur Plancade, un effort particulier a été consenti par le Club de Paris pour alléger de façon significative le poids de la dette irakienne. Nous avons d'ailleurs demandé, à Charm el-Cheikh, après avoir accompli un effort à hauteur de 80 % en plusieurs tranches et par étapes, aux autres créanciers - plus des deux tiers de l'endettement de l'Irak ne dépendent pas du Club de Paris - de consentir le même effort que nous.

Nous voulons donc être à la fois constructifs et vigilants. Nous sommes conscients des difficultés considérables que pose la sécurité dans ce pays. Nous restons convaincus que la seule solution durable est politique. Il n'y a pas d'issue par les armes ou par des opérations militaires. Il faut rendre aux Irakiens la maîtrise de leur destin. Nous veillerons donc à ce que les principes arrêtés à Charm el-Cheikh soient effectivement mis en oeuvre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai beaucoup abusé de votre patience, mais vous avez posé de nombreuses questions. Je tiens à vous remercier de votre attention.

L'année 2003 avait été marquée par une vraie inquiétude sociale et budgétaire au ministère des affaires étrangères. La prise de conscience qui en est résultée, sous votre impulsion, sous celle du chef de l'Etat et sous celle de mon prédécesseur, M. Dominique de Villepin, a permis de stopper la décrue des crédits. Nous amorçons aujourd'hui, de manière certes encore très modeste, je le reconnais, la consolidation de nos crédits, alors que chaque jour apporte, malheureusement, de nouvelles crises et de nouveaux défis, qui placent notre diplomatie en première ligne.

J'ai été sensible aux témoignages de reconnaissance et aux remerciements que vous avez été nombreux à adresser à l'ensemble des agents de l'Etat qui sont placés sous mon autorité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à mon tour, je tiens à féliciter les rapporteurs pour leur travail de grande qualité, grâce auquel ils ont pu faire ressortir l'essentiel de ce projet de budget.

Je me conformerai strictement à la demande de M. Arthuis, c'est-à-dire que je concentrerai mon intervention sur les réponses aux questions qui m'ont été posées. J'essaierai de les ordonner pour faire ressortir les axes de notre coopération, sa signification et ses intentions.

Je tenterai également d'être le plus précis possible, d'autant que cette assemblée compte de nombreux spécialistes, qu'il s'agisse de la coopération, des finances ou du budget.

Comme l'ont souligné MM. les rapporteurs, la loi organique relative aux lois de finances clarifiera le champ de compétence de mon ministère, puisque, parmi les quatre programmes budgétaires qui regrouperont l'activité de l'ensemble du ministère, deux concerneront plus spécifiquement l'action de coopération : ils seront intitulés « Solidarité à l'égard des pays en développement » et « Rayonnement culturel et scientifique ».

Il faut bien reconnaître que la séparation entre ces deux programmes peut paraître artificielle, puisqu'elle est uniquement géographique. Cependant, je souligne que l'aide publique au développement a un double objet : d'une part, faire en sorte que les pays se développent, d'autre part, accroître l'influence française auprès des pays comme auprès des organisations multilatérales.

S'agissant de l'influence française, je dirai juste un mot, afin de faire écho aux remarques de MM. Fournier et Assouline, sur l'accueil des étudiants étrangers. Leur nombre est en forte augmentation, ce qui montre que la France est capable de coordonner ses différents services pour les visas, pour les bourses, pour la gestion des universités en faveur d'un objectif louable.

C'est, depuis quelques années, l'un des segments en plus forte croissance au sein de notre aide au développement ; c'est aussi l'un des vecteurs importants de notre influence. C'est pourquoi j'approuve tout à fait les propos qu'a tenus tout à l'heure M. Gouteyron, en tant que rapporteur spécial : il faut rester très vigilant sur la qualité des étudiants qui viennent en France. Je suis également ouvert à la proposition de M. de Montesquiou d'accueillir plus d'étudiants issus des pays en forte croissance, notamment asiatiques.

Pour autant, au-delà des deux programmes de la LOLF que je viens d'évoquer, le ministre de la coopération est concerné par bien d'autres programmes du ministère des affaires étrangères, par exemple par les dotations à l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger.

Monsieur Fournier, vous avez raison de souligner qu'il y a bien un effet d'optique dans la dotation allouée à l'AEFE : en fait, elle augmente de 3 millions d'euros si l'on prend en compte une mesure exceptionnelle qui a permis de financer la réforme des emplois.

Je tiens à vous rassurer : l'AEFE est bien dotée en euros. Certes, elle dépense l'essentiel de son budget en devises. Par conséquent, le Gouvernement a été attentif à protéger ses gains de change en 2002, en 2003 et en 2004, ce qui lui a permis d'augmenter considérablement son fonds de roulement en n'amputant pas pour autant son budget pour 2005.

Par ailleurs, je partage tout à fait la préoccupation de M. Guerry et de Mme Garriaud-Maylam de voir évoluer les modes d'intervention de l'AEFE. Bien entendu, ces évolutions doivent être progressives pour éviter de faire table rase du passé, qui a donné des résultats très satisfaisants et pour prendre en compte la situation très diversifiée de nos établissements. J'en veux pour preuve les fortes différences de coûts qui existent entre les lycées des différents pays du monde.

Comme l'a souligné M. Ferrand dans son rapport remis au Premier ministre, nous devons développer des sources de financements alternatives, en complément de ceux de l'Etat, par exemple grâce à un concours renforcé des entreprises.

Ainsi que je l'avais dit lors de ma communication en conseil des ministres sur ce sujet voilà un mois, l'enjeu immobilier est essentiel. L'AEFE devra également se doter de compétences domaniales, lorsqu'un décret en Conseil d'Etat l'aura permis.

Je remercie une nouvelle fois M. Ferrand des encouragements qu'il a adressés à Michel Barnier et à moi-même pour l'action déjà accomplie, et je l'assure de ma détermination à mobiliser également le ministère de l'éducation nationale, que je connais un peu.

M. Ferrand a posé plusieurs questions très précises. Compte tenu à la fois de leur caractère extrêmement sophistiqué et de l'heure avancée, je propose de lui répondre par écrit.

M. Plancade a évoqué le problème des mines antipersonnel. De fait, cette question concerne à la fois le ministre des affaires étrangères et le ministre délégué au développement.

La semaine dernière, je me trouvais à Nairobi pour une réunion consacrée à cette question douloureuse. C'est un fléau terrible, qui fait encore, chaque année, 15 000 à 20 000 victimes. Il faut souligner l'action des ONG dans ce domaine, en particulier celle de Handicap International. Comme vous l'avez rappelé, monsieur Plancade, l'engagement de notre pays en la matière est ancien et profond, puisque la France est le premier des cinq membres permanents du conseil de sécurité à avoir ratifié la convention d'Ottawa sur les mines antipersonnel. La France y a consacré plus de 13 millions d'euros depuis 1996 et près de quatre fois plus dans le cadre européen.

Les efforts seront poursuivis puisque, comme je l'ai annoncé à Nairobi la semaine dernière, 5 millions d'euros viendront s'y ajouter pour le seul continent africain.

Nous sommes évidemment favorables à une ratification plus large de cette convention. Nous continuerons à faire pression sur les pays puissants et très représentatifs sur la scène internationale, notamment la Chine, les Etats Unis ou l'Inde, pour les inciter à ratifier cette convention.

Mais je voudrais, mesdames, messieurs les sénateurs, concentrer mes propos sur l'aide publique au développement. Comme l'a dit tout à l'heure Michel Barnier, il s'agit bien de la première priorité du budget des affaires étrangères et son augmentation est due, en grande partie, à l'accroissement de l'aide au développement.

Vos rapporteurs Michel Charasse et Paulette Brisepierre ont relevé à quel point cette augmentation reflétait l'engagement pris par le Président de la République de consacrer à l'aide au développement 0,5 % de notre PIB en 2007 et 0,7 % en 2012.

Nous sommes dans la bonne voie puisque nous prévoyons 0,42 % du PIB en 2004 et 0,44 % en 2005.

Cet objectif 2004 sera atteint, monsieur Charasse, sans que soient mises en place des mesures correctrices, parce que certains pays ont déjà bénéficié d'allégements de dettes plus tôt que prévu, ce qui compense le retard des autres, et parce que certains segments de notre aide ont progressé suffisamment vite.

Je vous concède cependant, monsieur Charasse et monsieur Pelletier, que l'augmentation constatée résulte en grande partie d'allégements de dette, qui représentent aujourd'hui 20 % à 30 % de notre aide. Mais ne négligeons pas pour autant les autres actions. Ainsi, l'aide au développement inscrite dans le budget du ministère des affaires étrangères augmentera de 160 millions d'euros pour dépasser les 2,2 milliards d'euros. Cette évolution résulte, pour une grande part, de la décision de contribuer chaque année au Fonds mondial contre le SIDA, à hauteur de 150 millions d'euros, et de la montée en puissance des décaissements du Fonds européen de développement, dont la dotation passe de 565 millions à 628 millions d'euros.

Sur le premier de ces sujets, je voudrais souligner, pour répondre à Mme Luc, à quel point la France est engagée dans la lutte contre le SIDA. Cette seule contribution au Fonds mondial contre le SIDA fait de nous l'un des tout premiers contributeurs. Mais nous menons également de nombreuses actions bilatérales d'accompagnement dans les pays. Car il ne suffit pas de fournir les médicaments, ni d'avoir des ressources importantes : encore faut-il que les systèmes de santé fonctionnent et que les campagnes de prévention soient plus efficaces.

S'agissant du Fonds européen de développement, madame Cerisier-ben Guiga, nous avons prévu une inscription de 42 millions d'euros dans la loi de finances rectificative de 2004 pour financer notre part du FED cette année. En ce qui concerne l'année 2005, il est toujours difficile de prévoir les décaissements avec certitude. Ainsi, la Commission vient de diminuer son estimation des besoins pour 2005 de 30 millions d'euros rien que pour la France. Si l'augmentation substantielle que nous avons prévue pour cette ligne budgétaire entre 2004 et 2005 s'avérait insuffisante, nous chercherions évidemment une inscription en loi de finances rectificative.

Comme le constate Michel Charasse, le FED débourse mieux. Mais ce n'est pas entièrement le fait de contributions à des fonds multilatéraux, qui ne représentent qu'entre 5 % et 10 % des volumes totaux. D'ailleurs, je m'en félicite, car lorsque le FED décaisse, on ne se souvient pas toujours de celui qui a fourni les fonds décaissés. Je note d'ailleurs que, dans les deux cas significatifs - les pays pauvres très endettés, les PPTE, et le Fonds mondial contre le SIDA -, la contribution européenne s'est faite sur l'initiative de la France, amenant d'autres pays de l'Union à se joindre à nos priorités.

Mais Michel Charasse a raison de souligner le défi important qui nous attend dans la perspective de 2006 et 2007, car l'engagement présidentiel en matière d'aide publique au développement représente des montants très importants : cela revient à passer de 5 milliards d'euros en 2001 à 9 milliards d'euros en 2007, au moment où les allégements de dettes auront tendance à diminuer. Il s'agit donc de trouver à décaisser des sommes véritables.

Je tiens au passage à souligner qu'il est parfaitement fondé d'inclure des abandons de créances dans le calcul de l'aide publique au développement, parce que les pays dont la dette est ainsi allégée investissent les sommes économisées dans des politiques de réduction de la pauvreté. Les études de la Banque mondiale montrent que ces pays augmentent très fortement leurs dépenses de réduction de la pauvreté lorsqu'ils bénéficient de l'initiative PPTE.

Il s'agit donc non pas d'un artifice comptable, comme je l'ai entendu dire tout à l'heure, mais simplement d'un effort budgétaire français à destination des pays les plus pauvres.

M. Plancade a raison de souligner que les importantes annulations de dette que nous venons de décider sur l'Irak auront un impact sur le montant de notre aide : nous avons effectivement prévu 500 millions d'euros à ce titre en 2005. Conscient de ce fait, le Gouvernement a décidé, en juillet dernier, qu'il n'irait pas au-delà de ce chiffre et c'est en grande partie la raison pour laquelle nous avons cherché, et obtenu, un phasage des annulations du Club de Paris.

Je ne vais pas détailler la manière dont cette dette sera échelonnée jusqu'à 2008, année qui marque la fin de l'accord avec le FMI ; j'ai déjà répondu à ce sujet hier, à l'Assemblée nationale.

En matière de dotations aux organisations internationales onusiennes, pour répondre à une question que soulevait Jean-Guy Branger, nous n'avons pas à rougir de notre participation. Néanmoins, un effort complémentaire nous permettrait d'augmenter substantiellement notre influence auprès des Nations unies. C'est pourquoi nous comptons demander une dotation complémentaire de 20 millions d'euros en loi de finances rectificative de 2004.

Nous envisageons bien, comme le souhaite Michel Charasse, de concentrer cette dotation sur quelques organisations sur lesquelles nous souhaitons davantage peser. Bien évidemment, pour répondre à M. Pelletier et à M. Plancade, cela concernera le CNUD.

Au-delà de ces chiffres, Mme Cerisier-ben Guiga a souligné avec justesse l'importance de la réforme que le Gouvernement a engagée pour rendre le dispositif de coopération plus efficace. Elle a rappelé les décisions prises par le CICID, qui s'est tenu le 20 juillet dernier sous la présidence du Premier ministre.

Je vous indiquerai tout d'abord quels en sont les points principaux et je répondrai ensuite à l'objection que vous avez soulevée.

En premier lieu, le ministre chargé de la coopération est désigné comme chef de file de l'aide publique, même s'il agit sous l'autorité du ministère des affaires étrangères, de sorte que tous les acteurs publics concernés, jusqu'ici dispersés, puissent travailler ensemble. J'ai d'ailleurs réuni récemment la Conférence d'orientation stratégique et de programmation de l'aide publique au développement, où tous les ministères étaient représentés. On se demande même comment on pouvait faire lorsque ce dispositif n'existait pas.

En second lieu, le CICID a décidé que notre aide serait plus sélective et plus concentrée. Elle serait également mieux orientée vers les Objectifs du Millénaire, qui visent à réduire de moitié la pauvreté dans le monde d'ici à 2015.

En troisième lieu, nous avons décidé d'établir des documents de référence par pays et par secteur. J'en ai parlé la semaine dernière avec le commissaire européen au développement, M. Louis Michel ; ce sera la base de la coordination entre nos actions et celles de la Commission.

En quatrième lieu, les rôles de chacun dans la mise en oeuvre de l'aide sont clarifiés : au ministère des affaires étrangères, la définition des stratégies des grandes orientations ; à l'AFD, la mise en oeuvre de ces orientations sur le terrain.

Bien entendu, l'Etat conservera un appui institutionnel aux organisations non gouvernementales, tandis que l'AFD pourra travailler avec elles pour des actions concrètes de terrain. (M. Michel Charasse s'exclame.)

Monsieur Charasse, je n'ai pas été insensible aux questions que vous avez posées sur le rôle de l'AFD, qui est à la fois banque et agence de développement. Il n'est pas impossible d'imaginer, si Michel Barnier le souhaite, que nous puissions, au cours des mois à venir, lorsque d'autres CICID se tiendront, soulever à nouveau cette question de la distinction entre la fonction banque et la fonction agence. Votre analyse est tout à fait recevable pour tout esprit raisonnable qui connaît ces questions.

J'ajouterai quelques mots sur le contrat d'objectif. Ce document, qui est encore en cours de discussion, devrait comporter des orientations stratégiques pour l'agence, associées à une mesure de la qualité et de l'impact des opérations et à des prévisions d'activité.

Dans un deuxième grand volet, ce contrat devrait contenir des descriptions des procédures sur les nouvelles relations entre le ministère et l'agence, comme l'obligation, pour celle-ci, de se conformer aux orientations sectorielles et géographiques, puisqu'il s'agit d'avoir autorité sur l'agence.

Ainsi, l'AFD ne sera plus une boîte noire et nous pourrons peut-être connaître son activité prévisionnelle.

Enfin, je rappellerai la cinquième orientation du CICID ; elle est importante pour les relations entre le Parlement et le Gouvernement puisqu'un document de politique transversale sera présenté annuellement en annexe à la future mission interministérielle sur l'aide au développement prévue par la loi organique relative aux lois de finances.

Ce document sera préparé en coordination avec mon ministère et il aura pour objet de clarifier l'aide au développement à la fois dans ses orientations stratégiques et dans ses chiffres. Il se substituera à l'actuel « jaune » budgétaire sur le même sujet.

Pour terminer, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais dire un mot sur les sources innovantes de financement.

Tout à l'heure, Jacques Pelletier a dit que nous soutenions la facilité financière internationale souhaitée par les Britanniques. Soyons plus nuancés : nous ne l'excluons pas, mais, tout emprunt d'aujourd'hui étant l'impôt de demain, nous pensons qu'il faut trouver d'autres sources de financement. M. Plancade avait raison de dire que l'on ne peut pas tenir un discours de générosité et, dans le même temps, ne pas se donner les moyens de la solidarité.

Les propositions du Président de la République concernant l'instauration de taxes internationales, à la suite du rapport de M. Landau, ont reçu un accueil très favorable lors d'une réunion qui s'est tenue à l'ONU, le 20 septembre. L'année qui vient sera décisive Il est en effet techniquement possible, économiquement rationnel et moralement juste de mettre en place de nouvelles taxations internationales qui puissent financer le développement.

A Mme Luc, qui s'interroge sur le calendrier de ces taxes, je répondrai que nous nous plaçons dans la perspective du sommet de l'ONU de septembre 2005, qui dressera un bilan des Objectifs du Millénaire pour le développement. Or, comme le souligne Mme Luc, on sait d'ores et déjà que ces objectifs ne seront pas atteints, en partie par défaut de financement. On parle de chiffres astronomiques : non plus 2 015 mais 2 145. La France compte s'appuyer sur ces analyses pour soutenir la dynamique qu'elle a lancée.

Mais la grande nouveauté - et c'était vraiment inattendu pour les spécialistes de longue date du développement que j'ai pu rencontrer à l'ONU ou à la Banque mondiale - c'est que ce sujet figure désormais à l'agenda international.

S'agissant du financement de l'éducation, voilà une quinzaine de jours, lors d'une réunion à Brasilia sur le financement de l'éducation pour tous, j'ai pu constater une véritable convergence entre l'action de la France et celle de la Banque mondiale sur le Fast Track.

Le président de la Banque mondiale, que j'ai rencontré au début du mois d'octobre, m'a d'ailleurs indiqué qu'il saluait l'action de la France dans ce domaine.

Il ne faut donc pas être trop pessimiste, même si de nombreuses questions demeurent et que beaucoup de chemin reste à parcourir. Grâce à la détermination du Président de la République, à celle du ministre des affaires étrangères, à celle de la France, le sujet de l'aide au développement sera examiné lors du prochain sommet du G8. De la même façon, la Banque mondiale nous fera des propositions au mois d'avril prochain, comme les institutions de Bretton Woods en général s'y sont engagées.

Philippe Madrelle m'a interrogé sur la coopération décentralisée. Bien entendu, elle ne se limite pas au chapitre 42-13, car les collectivités bénéficient de crédits inscrits à d'autres chapitres budgétaires.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. C'est exact !

M. Xavier Darcos, ministre délégué. Très souvent, les collectivités participent aussi avec des dotations assurées par l'Etat : je pense au fonds de solidarité prioritaire ou encore au fonds pour le partenariat universitaire avec les régions, qui est doté d'un million d'euros.

Cependant, nous devons avoir une vision claire, c'est-à-dire pays par pays, de la coopération décentralisée, qui est déployée généreusement, mais de manière dispersée.

Mme Hélène Luc. Absolument !

M. Xavier Darcos, ministre délégué. Sans doute sera-t-il utile que se tiennent des états généraux de la coopération décentralisée, soit globalement, soit pays par pays.

Je répondrai maintenant à la question de Jacques Pelletier sur le Haut Conseil de la coopération internationale. Il connaît bien le sujet puisqu'il fut ministre de la coopération et du développement. Nous savons tous quelle est l'importance de ce conseil. J'en recevrai les représentants mardi prochain, afin d'examiner avec eux les perspectives de travail en commun.

Enfin, s'agissant de la francophonie, pour répondre à Catherine Tasca, à Jacques Legendre, ainsi qu'à l'ensemble des orateurs qui ont évoqué cette question, je rappellerai que notre effort en la matière est perceptible : la dotation est en progression - certes légère - puisqu'elle atteint 801 millions d'euros en 2005.

Les enjeux de la francophonie ne sont pas seulement budgétaires, nous l'avons bien vu lors du sommet de Ouagadougou. En effet, plus que d'argent, il y a surtout été question non seulement de créer un cadre stratégique décennal cohérent, où l'éducation prendra la part essentielle, mais également de peser, grâce à la cohésion des pays francophones, sur l'évolution des politiques mondiales.

Par ailleurs, au cours de ce sommet a été annoncée l'ouverture, en 2007, de la Maison de la francophonie, avenue de Saxe à Paris. Nous réfléchissons actuellement à la manière de budgétiser cette installation. Parallèlement, un festival des cultures de la francophonie est prévu à Paris en 2006.

Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, la francophonie se mobilise aussi en faveur d'une conception du monde et des relations entre les nations : diversité culturelle, protection de la biodiversité. D'une manière générale, comme notre politique étrangère, notre politique de la francophonie est attentive à l'évolution du monde et tente de peser sur elle, afin que ceux d'entre nous qui en ont le plus besoin soient les plus assistés. C'est bien le sens de l'action que je me dois de conduire sous l'autorité de Michel Barnier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'Union centriste et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

Affaires étrangères
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat C - Titres V et VI (début)

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère des affaires étrangères et figurant aux états B et C.

État B

Titre III : moins 1 109 570 €.

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Serge Vinçon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. J'interviendrai sur un sujet qui vous tient également à coeur, monsieur le président.

Monsieur le ministre, nous avons été attentifs aux propos que vous avez tenus concernant l'Institut du monde arabe. Nous vous remercions de lui permettre d'atteindre ses objectifs, qui visent au rayonnement de la France et à une meilleure connaissance du monde arabe en France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Titre IV : 104 421 477 €.

Etat B - Titres III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat C - Titres V et VI (interruption de la discussion)

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

État C

Titre V. - Autorisations de programme : 87 967 000 € ;

Crédits de paiement : 58 819 000 €.

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre VI. - Autorisations de programme : 279 110 000 € ;

Crédits de paiement : 135 635 000 €.

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère des affaires étrangères.

Etat C - Titres V et VI (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Discussion générale