compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à onze heures quarante-cinq.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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Etat C - Titres V et VI (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Deuxième partie

Loi de finances pour 2005

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Outre-mer (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (nos 73, 74).

Outre-mer

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Outre-mer (interruption de la discussion)

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'outre-mer.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chaque année, l'examen des crédits de l'outre-mer est, pour nous, l'occasion de dresser un tableau relativement vaste de l'ensemble des questions spécifiques aux départements et territoires français ultramarins.

Mme la ministre de l'outre-mer a, devant la commission des finances, le 27 octobre dernier, présenté les grandes lignes de son projet de budget. Les éléments très intéressants qu'elle a nous a livrés montrent bien l'ambition qui anime son ministère, sa vision et la place de l'outre-mer dans la République.

Pour ma part, et à titre liminaire, je ne puis que souscrire au programme à la fois ambitieux et réaliste du Gouvernement, et indiquer mon très fort attachement, ainsi que celui de la commission des finances, à une politique résolument tournée vers le développement économique de nos départements et collectivités d'outre-mer, qui - faut-il le rappeler ? - font partie intégrante de la République.

Cependant, avant d'entamer mon analyse strictement budgétaire, j'évoquerai un point qui n'est pas que de détail : il s'agit des réponses aux questionnaires budgétaires.

Pour être clair, les réponses nous sont parvenues avec retard et sont, pour beaucoup d'entre elles, incomplètes. Mon collègue M. Roland du Luart avait, d'ailleurs, fait cette même remarque l'année dernière. Je sais, madame la ministre, que, sensible au fait que nous allons maintenant entrer dans l'ère de la loi organique, vous estimerez, comme nous, que le Parlement doit être parfaitement informé des crédits votés et de leur utilisation.

Mon propos portera sur quatre points : l'évolution du budget du ministère de l'outre-mer, qui est très controversée, les crédits destinés à l'emploi et au logement, la mise en oeuvre de la LOLF du 1er août 2001 et les particularités de l'outre-mer.

Premier point : l'évolution exacte des crédits de l'outre-mer.

Les débats à l'Assemblée nationale ont donné lieu à un jeu assez curieux, puisque, selon les orateurs, l'évolution du budget passait d'une augmentation de 52 % à une diminution de 10 %. Chacun admettra que la différence n'est pas mince. En fait, comme Mme la ministre nous le confirmera, le budget de l'outre-mer a connu de profonds changements de périmètre qui n'en facilitent pas la compréhension, mais constituent des anticipations de la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001.

Je crois pouvoir affirmer, car c'est au Sénat que nous avons les meilleurs techniciens budgétaires, que le vrai chiffre traduit une baisse de 2,5 % environ, à périmètre strictement constant. Les défenseurs de l'orthodoxie budgétaire que nous sommes ne peuvent prendre cela en mauvaise part, parce que l'Etat a besoin de faire des économies.

Les différences d'interprétation proviennent de deux points particuliers : la baisse des crédits de la couverture maladie universelle, la CMU, qui apparaît dans le budget correspond, en fait, à une prise en charge par l'assurance maladie et n'entraîne donc aucune conséquence pour ses bénéficiaires ; les crédits du logement, quant à eux, bénéficieront d'une somme que l'on estime à 12 millions d'euros à la faveur de la réforme du prêt à taux zéro.

J'en viens à mon deuxième point : les crédits de l'emploi et du logement.

Les crédits de l'emploi, tout d'abord, représentent un montant total de 1,06 milliard d'euros en 2005. Il convient de relever que 678 millions d'euros proviennent, en fait, du ministère du travail, qui a transféré cette somme au titre des compensations des exonérations de cotisations sociales. Il faut remarquer que ce transfert est chiffré, dans le « bleu », à 719 millions d'euros : il manque donc 41 millions d'euros, qui ont été imputés sur les crédits du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer, le FEDOM.

Les crédits du FEDOM connaissent une forte baisse, d'environ 130 millions d'euros : il y aura donc 320 millions d'euros disponibles en 2005, contre 450 millions d'euros en 2004. Le ministère estime qu'une meilleure efficacité de sa politique, notamment par l'expérimentation de la globalisation des crédits en Martinique, devrait conduire à limiter les effets de cette baisse.

Cette expérimentation, qui sera étendue aux trois autres préfectures en 2006, permettra que les crédits soient gérés de manière déconcentrée par les préfets. Il est trop tôt pour en tirer les enseignements, même si les premiers éléments portés à notre connaissance en montrent les effets positifs.

Quant aux crédits du logement, il est extrêmement difficile d'en connaître l'évolution. Au plan budgétaire, on constate une stabilité des crédits de paiement, à 173 millions d'euros, et une faible baisse des autorisations de programme, à 270 millions d'euros en 2005 contre 287,5 millions d'euros en 2004, baisse partiellement compensée par la réforme du prêt à taux zéro.

En effet, alors que ce prêt était, jusqu'à présent, financé par une dotation spécifique, imputée sur la ligne budgétaire unique, la LBU, il fait dorénavant l'objet d'un crédit d'impôt. Or, les sommes correspondantes, soit 12 millions d'euros, n'ont pas été supprimées de la ligne budgétaire unique et viendront donc l'abonder. Ce crédit a été reporté sur l'enveloppe globale des crédits destinés au logement.

Le vrai problème n'est cependant pas là : il provient des gels et annulations de crédits, en nombre extrêmement important, comme le montrent ces quelques chiffres : 26 millions d'euros ont été gelés cette année et 50 millions d'euros les années précédentes.

En commission des finances, notre éminent collègue M. Lise nous a indiqué que, pour la seule Martinique, la perte était de 15 millions d'euros. Toutes ces pertes sont beaucoup trop élevées.

Si aucune mesure n'a été prise dans le collectif budgétaire, 16 millions d'euros ont, cependant, été dégelés pour 2004 et le ministère n'a subi aucune annulation de crédits cette année : sur les 26 millions d'euros gelés, 16 millions sont donc disponibles et 10 millions sont reportés sur l'année suivante.

J'ai eu connaissance de chantiers arrêtés faute de crédits, ce qui met les entrepreneurs locaux en difficulté.

Si nous pouvons comprendre la nécessité de procéder, sur un plan global, à des régulations budgétaires, elle paraît pour le moins surprenante, s'agissant d'une mission prioritaire de l'Etat dans un domaine où les besoins sont immenses.

Le ministère de l'outre-mer a, en quelques années, réalisé des progrès tout à fait remarquables afin d'améliorer la gestion et la consommation de ces crédits, grâce à des procédures et des offices plus efficaces et à un meilleur règlement des problèmes fonciers. Nous regrettons donc que cette baisse des crédits ait entraîné des retards qui n'auraient pas dû se produire.

Ces deux points seront, je le suppose, évoqués par les différents orateurs au cours de cette discussion. Je souhaiterais, pour ma part, que Mme la ministre nous apporte des précisions quant à la manière dont elle entend gérer ces différents mouvements de crédits.

Troisième point : la mise en oeuvre de la LOLF.

Je ne m'étendrai pas sur ce sujet outre mesure. Mes observations à ce propos figurent dans le rapport spécial et j'en ai fait part au ministère de l'outre-mer.

Les indicateurs gagneraient à être affinés, notamment sur les questions de logement, puisqu'ils ne permettent absolument pas de juger de la pertinence de l'utilisation de ces crédits. Sur ce point également, je souhaiterais que Mme la ministre nous informe des mesures qu'elle compte prendre afin d'affiner encore un peu la présentation future de son projet de budget.

Quatrième et dernier point : les particularités de l'outre-mer.

En cette affaire, il faut bien admettre que la situation spécifique de l'outre-mer appelle des réponses spécifiques, qui sortent du cadre dans lequel nous avons l'habitude d'évoluer. Une fois cela dit, je tiens à souligner qu'il convient de lutter contre les systèmes qui ne sont pas contrôlés, les effets d'aubaine et, en général, les abus de toutes sortes, qui sont préjudiciables, non seulement d'un point de vue budgétaire, certes, mais également pour l'image de l'outre-mer.

En tant que rapporteur spécial, je m'engage à étudier très sérieusement la question durant les trois prochaines années.

Je vais illustrer mon propos par trois exemples, qui ont, malheureusement, déjà été évoqués l'an dernier. Mais, la situation n'ayant pas évolué, je vais les citer de nouveau, d'autant que Mme la ministre nous avait fait quelques ouvertures.

Premier exemple : la TVA « non perçue remboursée ». Je vous rappelle que le débat qui avait eu lieu en commission avait été agité. Or, il était dans l'intention de la commission des finances, non pas de nier la nécessité d'aider de manière spécifique l'outre-mer, ni de « faire des économies sur son dos », mais de « moraliser » un système qui défie un peu le bon sens.

Sur certains produits, une TVA qui n'a pas été acquittée est remboursée, avec pour seule base légale une lettre de 1953, qui a été rédigée par un ministre des finances oublié et dont, de surcroît, on nous annonce qu'elle a été perdue !

Lors de son audition, Mme la ministre a proposé une ouverture. Sa proposition, consistant à supprimer le système et à redéployer les sommes correspondantes par une dotation d'un montant équivalent sur son ministère, n'a pas pu être mise en oeuvre cette année. Car inscrire 80 millions d'euros ou 90 millions d'euros de dépenses budgétaires de plus en contrepartie d'un allégement, dans le cadre du magma des exonérations, n'était pas une contrepartie convenable pour le budget.

Par conséquent, il faut réfléchir au sujet en ayant aussi à l'esprit - j'en ai pris bonne note, mes chers collègues - que, sur le plan économique, cette exonération a des effets sur l'équilibre des entreprises. Il convient donc être prudent.

Mme la ministre a indiqué que, si des compensations budgétaires étaient accordées à son ministère, cette formule pourrait être envisagée. Elle nous a rappelé que, l'année dernière, le budget avait été doté de 31 millions d'euros pour que la continuité territoriale soit préservée.

Certains de mes collègues estimaient que, par rapport aux 170 millions d'euros affectés à un département non pas ultramarin, mais insulaire, cela posait quelques problèmes, mais le Gouvernement a proposé une ouverture appréciable, en voulant que la continuité territoriale s'étende aux départements et territoires d'outre-mer.

Certes, il faudra être prudent et veiller à ce que cela ne se révèle pas être un gouffre sans fin.

Je tiens à saluer certaines initiatives prises par le ministère, notamment le versement d'une aide aux jeunes venant se former en France.

Nous étudierons tous ensemble ce problème avec beaucoup de conscience et d'attention, car il est d'une complexité telle que nous ne devons pas, aujourd'hui, nous arrêter à des solutions toutes trouvées.

Deuxième exemple : les compléments de rémunérations, question « structurelle et de longue haleine ». Dans le rapport spécial, vous constaterez que l'effort demandé l'année dernière au titre de l'article 135 de la loi de finances n'a pas été inutile. Nous disposons maintenant de résultats - partiels, certes, mais c'est un début - pour commencer à appréhender la question. Il faut d'ailleurs remercier Mme la ministre et ses services de la grande qualité de ce travail - ce qui n'a pas dû être facile - qui constitue pour le Parlement une source d'information précieuse.

La structure des salaires en outre-mer présente des particularités. Dans la fonction publique, les revenus des fonctionnaires sont supérieurs de 15 % à 20 % à ce qu'ils sont en France. En revanche, dans le secteur privé, les salaires sont globalement inférieurs, c'est un problème qu'il ne faut pas se cacher Il faut donc réfléchir ici et dégager des solutions à long terme dont je sais parfaitement qu'elles ne sont pas faciles.

Troisième exemple : l'indemnité temporaire versée aux fonctionnaires de l'Etat qui choisissent de prendre leur retraite dans les collectivités d'outre-mer et dans le département de la Réunion.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est une vraie question !

M. Henri Torre, rapporteur spécial. Là également, vous avez présent à l'esprit les débats de l'année dernière, qui ont débouché sur l'article 125 de la loi de finances, c'est-à-dire un rapport remis avec un certain retard et incomplet sur le sujet.

Lors de la discussion générale du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce point a été évoqué par notre excellent collègue Dominique Leclerc, qui a rendu hommage à la démarche entreprise l'année dernière par le président et le rapporteur général de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Judicieusement !

M. Henri Torre, rapporteur spécial. Le secrétaire d'Etat, M. Xavier Bertrand, a promis qu'un débat pourrait avoir lieu le moment venu. Nous en prenons bonne note et nous constatons qu'un consensus commence à se dégager au sein de notre assemblée sur ce sujet. Soyez, là aussi, assuré que nous le suivrons avec attention.

Les surretraites, et je m'adresse à mes collègues d'outre-mer et à Mme la ministre, ont un double effet néfaste. D'une part, et cela nous choque, elles accroissent les inégalités sociales et, d'autre part, les études les plus récentes le prouvent, ...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La Cour des comptes !

M. Henri Torre, rapporteur spécial. ...elles créent une tendance inflationniste qui joue sur les prix de la grande consommation et touche nos concitoyens les plus défavorisés. Notre attention particulière doit aller plutôt, à mon sens, vers ces populations les plus nombreuses et qui méritent le plus notre attention que vers certains privilégiés qui touchent un complément de retraite dont nous devons discuter très sérieusement ici.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et ils paient moins d'impôts !

M. Henri Torre, rapporteur spécial. Ils paient moins d'impôts. Mais, monsieur le président de la commission, je vous en laisse la responsabilité.

Nous voulons aider ceux qui sont les plus nombreux et les moins favorisés contre lesquels la tendance inflationniste joue. Nous devons donc réagir avec beaucoup de fermeté.

Pour conclure, mes chers collègues, je qualifierai ce budget de courageux et de réaliste, dans le contexte budgétaire difficile que nous connaissons tous. Il devrait permettre au ministère de mener les politiques en faveur de l'outre-mer dont il est le garant. Ce ne sont pas les petites mesures que j'ai évoquées qui pourront régler les grands problèmes de l'outre-mer. Il faut trouver des solutions pour le sortir de ses difficultés.

Je terminerai en souhaitant que soit encore plus affirmée la nécessité d'une grande politique pour l'outre-mer, qui prenne en compte ses particularités ainsi que ses atouts et lui donne toute la place qu'il mérite dans la République. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Claude Lise, rapporteur pour avis.

M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous me permettrez, tout d'abord, d'exprimer, au nom de la commission des affaires économiques, toute notre solidarité à l'égard des habitants de la Guadeloupe touchés récemment par un important séisme.

La présentation de l'avis de notre commission étant traditionnellement l'occasion d'évoquer le contexte économique de l'outre-mer, je commencerai par indiquer que l'année 2003, dernière année pour laquelle nous disposons de résultats statistiques complets, a été marquée par une relative amélioration de la situation économique dans les départements et les collectivités d'outre-mer, en dépit d'importantes disparités selon les secteurs concernés.

Ainsi, le secteur du bâtiment et travaux publics, le BTP, semble avoir enregistré un rebond, notamment grâce à la reprise de la commande publique ; l'activité commerciale et le secteur industriel sont partout assez dynamiques.

A la Réunion, le renforcement des liaisons aériennes a permis, malgré la disparition d'Air Lib en début d'année 2003, une progression de l'activité touristique, qui semble malheureusement de nouveau compromise par le tout récent dépôt de bilan de la compagnie Air Bourbon.

En Guadeloupe et en Martinique, le tourisme a continué, par ailleurs, à s'enfoncer dans la morosité, en raison de la concurrence des autres destinations des Caraïbes.

La Guyane a, quant à elle, souffert du ralentissement de l'activité du centre spatial de Kourou alors que la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie ont bénéficié, en 2003, d'une conjoncture internationale favorable et, en particulier pour la seconde, de la très bonne tenue des cours du nickel.

Au-delà de ce bilan plus satisfaisant qu'en 2002, mais qui semble quelque peu s'assombrir en 2004, notre commission met cette année l'accent sur la crise préoccupante qui affecte la production bananière aux Antilles.

Première production agricole de la Martinique et de la Guadeloupe, cette culture souffre aujourd'hui d'un manque de compétitivité par rapport aux « bananes dollars » d'Amérique latine.

En raison de la concurrence et de l'atonie de la demande, les prix de cette production n'ont cessé de baisser depuis dix ans, au détriment des exploitations antillaises dont la situation financière s'est, malgré les aides publiques, considérablement dégradée.

La filière est, par ailleurs, très inquiète face à la perspective de la suppression, au 1er janvier 2006, du dispositif de contingentement à l'importation de bananes des pays tiers et son remplacement par le système dit de « tariff only », système intégralement fondé sur des droits de douane, qui risque d'être moins protecteur pour la production d'origine communautaire.

S'agissant, maintenant, du budget de l'outre-mer, la progression de près de 52 % de ses crédits est, nous l'avons bien noté, essentiellement imputable au transfert sur le budget de l'outre-mer des crédits destinés à compenser les exonérations de charges en faveur de l'emploi dans les DOM et de la dotation de continuité territoriale auparavant financée par le ministère de l'équipement sur le fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA.

Si ces transferts améliorent indéniablement la lisibilité des crédits destinés à l'outre-mer, ils ne sauraient masquer une baisse des crédits de ce ministère à périmètre constant.

Il est, à cet égard, préoccupant de constater que les crédits destinés au fonds d'investissement pour l'emploi des DOM, le FEDOM, diminuent de 28,4 % par rapport à l'année dernière, alors que le niveau du chômage affectant les ultramarins reste très élevé - 22,6 % en moyenne de la population active en 2003 - et que devront probablement être financées de nouvelles mesures en application du projet de loi de cohésion sociale.

Si la baisse de 6,5 % des crédits du logement social en autorisations de programme et leur simple reconduction, à 173 millions d'euros en crédits de paiement peuvent s'expliquer, selon le Gouvernement, par l'économie budgétaire que permettra le remplacement du dispositif actuel du prêt à taux zéro par un crédit d'impôt, il importe de rappeler que les besoins demeurent, en la matière, tout à fait considérables : c'est plus de 15 000 logements neufs par an pour les quatre DOM et Mayotte qu'il faut considérer comme tout à fait indispensables à réaliser.

Il convient, par ailleurs, d'insister sur les difficultés qu'engendrent, sur le terrain, mais mon collègue rapporteur spécial l'a déjà souligné, les gels des crédits et les annulations imposés sur les crédits du logement, notamment en 2004, le dernier décret d'annulation datant du 27 novembre.

Faute de paiement, certains chantiers sont ou seront suspendus, c'est déjà le cas en Martinique, fragilisant la situation financière des entreprises artisanales qui y sont impliquées et réduisant encore l'offre de logements sociaux déjà tellement insuffisante, sans compter les conséquences sur les entreprises, qui jouent pourtant un rôle très important dans le domaine de l'emploi.

En revanche, notre commission a pris acte de la préservation du volet relatif à l'investissement et à l'équipement destinés à promouvoir le développement économique.

Les crédits qui le concernent et qui servent, notamment, à abonder le fonds d'investissement des DOM, le FIDOM, et le fonds d'investissement pour le développement économique et social, le FIDES, sont quasiment stables. Cependant, pour ces deux fonds, il n'y a stabilité qu'en autorisations de programme. Le FIDOM accuse, en effet, une baisse de 8,4 millions d'euros en crédits de paiement. Le FIDES enregistre également une baisse, mais légère, moins 3 %.

On relève par ailleurs, cette année, un effort particulier en faveur des crédits d'équipement destinés à Mayotte ainsi qu'en faveur des dotations aux collectivités territoriales, parmi lesquelles figure la dotation de continuité territoriale.

Pour conclure sur l'appréciation de ce projet de budget, je vous indique que si le rapporteur pour avis n'a pas manqué d'exprimer ses réserves, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis.

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les aspects sociaux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 2005, le budget pour l'outre mer s'élèvera à 1,7 milliard d'euros. Nous sommes tous d'accord pour convenir du caractère artificiel de cette progression de 52 % due aux transferts de crédits provenant du ministère de l'emploi et correspondant aux compensations d'exonérations de cotisations sociales.

Nous approuvons votre volonté, madame la ministre, de regrouper ces crédits au sein de votre budget, pour le rendre plus lisible et plus autonome. Par conséquent, si, à périmètre constant, le budget du ministère baisse de 2,5 % par rapport à 2004, il évoluera dans un contexte plus favorable que d'habitude, grâce à l'expérimentation de certains programmes prévus par la LOLF et grâce à la montée en puissance de la loi de programme.

Mon propos se rapportera au volet social de ce budget, et donc aux crédits consacrés à l'emploi et au logement, qui sont, cette année encore, la priorité du budget de l'outre mer.

Les crédits de l'emploi connaîtront une réduction de 24 % en 2005 - et notre commission a regretté ce choix - alors que la loi de programme n'a pas encore atteint sa vitesse de croisière et que la situation de l'emploi n'est pas encore stabilisée. Certes, l'amélioration sensible de la situation sociale doit incontestablement être mise à votre crédit. En témoignent la progression des effectifs salariés et des créations d'entreprise, le ralentissement de la hausse du nombre de RMIstes et, surtout, la baisse de 7,5 % du taux de chômage.

Mais ces évolutions favorables ne doivent pas faire illusion sur la réalité sociale encore difficile de l'outre-mer : le chômage y reste trois fois supérieur à celui de la métropole ; les contraintes géographiques pèsent sur la fluidité des marchés et sur la continuité territoriale avec la métropole ; le coût du travail dans les DOM y est plus élevé que chez leurs voisins, avec toutes les conséquences que l'on connaît en termes de travail clandestin.

Je crois que votre Gouvernement, madame la ministre, a conscience de cette réalité : c'est la raison pour laquelle j'ai noté, avec satisfaction, qu'il a accepté, dans le cadre des débats sur la cohésion sociale, de reporter d'un an la suppression des contrats emploi solidarité, les CES, et des contrats emplois consolidés, les CEC, qui inquiétaient gravement les ultramarins ces derniers temps, même si la suppression des stages d'insertion et de formation à l'emploi, les SIFE, et des stages d'accès à l'emploi, les SAE, reste un motif d'inquiétude, dans la mesure où elle risque de réduire, de manière importante, l'offre de formation.

En matière de formation professionnelle, notre commission se félicite, en revanche, de la reconduction des crédits consacrés aux structures telles que l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, et l'agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer ; mais d'autres financements nous inquiètent, comme celui destiné au service militaire adapté, qui ne progresse guère. C'est d'ailleurs un singulier paradoxe s'agissant du dispositif qui fonctionne le mieux outre-mer. L'année dernière, notre commission avait déjà alerté le Gouvernement sur ce point et j'ai moi-même déposé un amendement en ce sens lors de l'examen du projet de loi de cohésion sociale.

Hormis le service militaire adapté, tous les autres dispositifs utiles à la mobilité professionnelle en métropole des actifs ultramarins ont fait l'objet d'une attention particulière de la part du Gouvernement. Je pense à la reconduction des crédits consacrés au passeport mobilité et au projet initiative-jeunes, le PIJ, dont le succès ne se dément pas, ou au passeport logement, qui fera l'objet d'une expérimentation en 2005.

Les crédits destinés au logement, deuxième poste de votre projet de budget, madame la ministre, viendront accompagner la mise en oeuvre de la loi de programme pour l'outre-mer. Les récents décrets d'application permettront de diversifier l'offre locative, de relancer l'accession sociale, d'améliorer l'aménagement foncier et surtout d'accroître la défiscalisation et de simplifier les procédures, encore trop complexes, pour le financement des opérations de construction.

Sur le plan budgétaire, les crédits destinés au logement sont reconduits à hauteur de 173 millions d'euros en 2005 et devraient, selon vous, madame la ministre, permettre la réalisation de 1 000 logements sociaux supplémentaires. Nous savons bien que la concrétisation des projets prend du temps : les opérations de construction et de réhabilitation des logements sont pluriannuelles et, pour répondre aux besoins répertoriés par le Conseil économique et social, il faudrait 60 000 constructions par an. Cet objectif aura d'autant plus de chances d'être atteint, selon moi, que les crédits programmés seront bien gérés. Je le précise, car, si les crédits de paiement du logement sont reconduits pour l'an prochain, les autorisations de programme baissent légèrement.

Madame la ministre, la commission des affaires sociales comprend votre souci de mieux gérer les dotations et de ne pas ouvrir des enveloppes dont on sait d'avance qu'elles ne seront pas consommées, notamment en raison des retards enregistrés dans le lancement de nombreuses opérations immobilières.

D'ailleurs, tous les professionnels du logement l'affirment, la solution pour résoudre la crise du logement en outre-mer n'est pas seulement budgétaire. Il faut aussi faire sauter un certain nombre de verrous.

Il s'agit, d'abord, par exemple à la Réunion, de ne pas lier l'octroi de la participation à l'aménagement des quartiers, la PAQ, pour une opération d'aménagement, à une participation du fonds régional d'aménagement foncier et urbain, le FRAFU. Faute de modification de l'instruction de votre ministère du 19 juillet 2004, madame la ministre, la PAQ ne pourra pas être mise en oeuvre à la Réunion, qui est pourtant à l'origine de la demande.

Il s'agit de permettre le lancement d'opérations d'aménagement, seul moyen pour produire du foncier équipé à un coût compatible avec le logement social.

Il s'agit d'intégrer la remise à niveau du forfait charges DOM pour rétablir une équité de traitement avec la métropole sur la question des aides à la personne.

Enfin, madame la ministre, la commission des affaires sociales souhaite porter à votre connaissance trois points qui ne figurent pas dans ce projet de loi de finances, mais qui revêtent pourtant une grande importance en outre-mer.

Il s'agit, tout d'abord, de l'offre de soins. Quelques données peuvent en témoigner : par rapport à la métropole, on dénombre, en outre-mer, deux fois plus de cirrhoses et six à sept fois plus de morts par psychose alcoolique, même si la consommation d'alcool a baissé de 22 % en vingt ans à la Réunion par exemple et qu'elle reste inférieure à la consommation métropolitaine. Le développement de l'obésité et du diabète appelle une réponse avant qu'il ne soit trop tard. Or, toujours à la Réunion, le coût des médicaments est de 30 % plus élevé que les tarifs appliqués en métropole et celui des consultations l'est de 15 %. Nous souhaiterions, à cet égard, que le Gouvernement réfléchisse à l'opportunité de lier le relèvement du plafond de la couverture maladie universelle, la CMU, à la hausse des minima sociaux, afin d'éviter les effets de seuil. Dans mon département par exemple, 20 000 personnes âgées ou handicapées restent exclues du dispositif de la CMU.

Ensuite, je souhaite vous sensibiliser, madame la ministre, sur la situation de la restauration scolaire à Mayotte. Mayotte compte actuellement trois services de demi-pension implantés dans trois établissements. Paradoxalement, il y a peu d'inscrits dans ces trois services, alors que la demande est très forte. Ce paradoxe s'explique par l'insuffisance des prestations et le niveau de la participation financière, même très modeste, demandée aux familles pour les repas. Il en résulte que, faute de prestations publiques ou de structures indépendantes de restauration aux abords des établissements, le temps scolaire tend fortement à être concentré sur la matinée, qui devient dès lors très longue et perd en efficacité pédagogique.

A la lumière de ces éléments, nous constatons que la question de la restauration des élèves de Mayotte ne saurait concerner le seul service public de l'éducation. Elle relève également, comme en métropole d'ailleurs, du domaine de la santé publique et du domaine social. Je souhaite donc, madame la ministre, connaître vos projets concernant la restauration scolaire à Mayotte.

Enfin, j'attire votre attention sur l'immigration en Guyane, à Mayotte et à la Réunion. Dans mon département par exemple, la situation est devenue particulièrement préoccupante en raison de la croissance des flux d'immigrés venus des Comores. Collectivité départementale voisine, Mayotte est une victime encore plus grande de l'immigration clandestine puisque, sur 160 000 Mahorais, on compte au moins 50 000 Comoriens. Il est urgent, madame la ministre, de renforcer, par des moyens de police adéquats, la surveillance des côtes mahoraises avec le soutien du ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Par ailleurs, n'est-il pas grand temps de donner un contenu concret à la départementalisation de Mayotte prévue pour 2007 ? Cela suppose notamment d'aligner le droit applicable en matière de prestations familiales. Car, contrairement à ce qui se passe ailleurs en France, les prestations familiales y sont plafonnées à trois enfants par allocataire, quelle que soit la composition réelle de la famille. Ce déplafonnement serait justifié sur le plan à la fois constitutionnel et social puisque Mayotte a vocation à devenir un département. Au demeurant, le Président de la République lui-même avait soulevé ce problème lors de sa visite sur place voilà deux ans.

J'insiste d'autant plus sur ce point que l'abrogation, justifiée, de la polygamie à Mayotte, sur l'initiative de notre collègue député Mansour Kamardine, a amené de nombreux maris à prendre prétexte de cette nouvelle disposition, avant même son entrée en vigueur, pour répudier certaines de leurs épouses « au nom de la loi ». Ainsi, de nombreuses femmes se sont retrouvées isolées, souvent avec plus de trois enfants à charge, sans aucune ressource. Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a déposé un amendement tendant à déplafonner les allocations familiales à Mayotte.

En conclusion, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, même si elle souhaite être rassurée sur la politique de l'emploi, la commission des affaires sociales a jugé ce projet de budget raisonnable et vous propose de voter les crédits sociaux affectés à l'outre-mer pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. José Balarello, rapporteur pour avis.

M. José Balarello, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les départements et régions d'outre-mer. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour prendre acte du changement constitutionnel intervenu à l'égard des collectivités territoriales à statut particulier qui sont désormais rattachées à la catégorie des collectivités d'outre-mer de la République, visée à l'article 74 de la Constitution, le présent avis de la commission des lois ne contient plus de développements consacrés à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

L'évolution du périmètre de cet avis n'est cependant pas terminée. Sur le plan institutionnel, la consultation des populations de Guadeloupe et de Martinique, ainsi que celles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, intervenue le 7 décembre 2003, a constitué un événement majeur.

En effet, à la suite de la « déclaration de Basse-Terre » du 1er décembre 1999 et de la réunion des élus en Congrès tant à la Martinique qu'à la Guadeloupe le 7 décembre 2003, sur décision du Président de la République après proposition du Premier ministre, et après la tenue d'un débat parlementaire le 7 novembre 2003, les populations de la Martinique, de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy ont été consultées sur l'évolution institutionnelle et statutaire de leur collectivité respective. De telles consultations n'ont pas eu lieu à la Réunion et en Guyane, la Réunion ayant refusé, par un vote sans appel, toute évolution institutionnelle et les élus de Guyane n'étant pas parvenus à un projet commun de réforme pour leur collectivité.

Ces consultations sont intervenues dans le cadre de la mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles relatives à l'organisation décentralisée de la République, issues de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, particulièrement des articles 72, 73 et 74.

Contrairement aux résultats intervenus le même jour dans les îles du nord de la Guadeloupe - Saint-Martin et Saint-Barthélemy -, la consultation s'est soldée par le refus des populations concernées de voir les départements et régions de la Guadeloupe et de la Martinique transformés en collectivités uniques.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004, j'avais estimé, dans mon rapport écrit, « qu'un vote favorable des électeurs lors de ces consultations n'était pas nécessairement acquis, certains électeurs pouvant avoir tendance à concevoir une telle évolution comme un "lâchage" de la métropole ».

Contrastant avec les consultations tenues en Guadeloupe et en Martinique, le conseil municipal de Saint-Martin a adopté, les 20 février et 31 juillet 2003, un projet d'évolution statutaire tendant à substituer à la commune de Saint-Martin une collectivité d'outre-mer, au sens de l'article 74 de la Constitution.

Le conseil municipal de Saint-Barthélemy en a fait de même les 30 avril et 8 août 2003.

Dans les deux communes, une très large majorité des électeurs s'est prononcée en faveur de cette évolution statutaire en vue de la création d'une collectivité d'outre-mer sortant du cadre départemental et régional, dans le cadre de l'article 74 de la Constitution.

Devant ce vote positif des électeurs de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, madame la ministre, vous avez déclaré, lors de votre audition par la commission des lois, que les avant-projets de lois organique et ordinaire portant statut de ces collectivités étaient en cours d'élaboration.

Je vous renvoie à la lecture de mon rapport écrit pour les détails concernant le partage des compétences entre les assemblées locales et la République, sur lesquels je n'insiste pas.

Mais, en réponse à une question de notre commission, Mme la ministre a indiqué que le nouveau statut ne pourra conduire à la création d'un « paradis fiscal », dans la mesure où l'Etat conservera la maîtrise des droits bancaire, commercial et pénal, ainsi que des règles concernant la recherche et la constatation des infractions.

Les deux collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin devraient donc disposer rapidement d'une organisation territoriale adaptée à leurs spécificités. Une mission de la commission des lois du Sénat, conduite par son président, Jean-Jacques Hyest, se rendra du 9 au 15 décembre 2004 dans ces deux îles, afin d'évaluer, sur place, la pertinence de l'évolution statutaire envisagée au regard des particularités économiques, géographiques et historiques respectives de ces collectivités.

Je souhaite, monsieur le président de la commission des lois, que, à Saint-Martin, vous soyez attentif au problème posé par les multiples casinos - une quinzaine - situés en zone hollandaise - quand je me suis rendu sur place voilà quelques années, il n'y en avait que sept -, qui risquent de faire tache d'huile, avec toutes les conséquences que cela entraîne pour nos concitoyens. Madame la ministre, pouvez-vous nous apporter quelques apaisements sur ce point ?

Dans le rapport écrit de la commission des lois sont également examinées les améliorations apportées à l'exercice des missions régaliennes de l'Etat dans les départements et régions d'outre-mer.

D'abord, dans la lutte contre la délinquance et l'immigration clandestine, des résultats sensibles ont été obtenus avec une diminution globale de la criminalité de 2,23 % et une augmentation de 53,50 % du nombre des reconduites à la frontière ou expulsions, notamment en Guadeloupe, par rapport à 2002. Plusieurs membres de la commission des lois se sont rendus en Guadeloupe et ont pu constater l'importance de l'immigration clandestine.

Ensuite, malgré l'amélioration de la situation des juridictions, la situation dans les prisons outre-mer, où le taux d'occupation moyen dans les établissements pénitentiaires des quatre départements d'outre-mer s'élève à 143,2 % contre 136,1 % l'année précédente - c'est une augmentation notable - reste alarmante. C'est la raison pour laquelle nous vous avons demandé, madame la ministre, de lancer la construction de nouveaux établissements pénitentiaires, notamment la maison d'arrêt de Doemenjod à la Réunion.

En revanche, nous nous réjouissons que le présent projet de budget encourage la construction de logements sociaux et la résorption de l'habitat insalubre, 10 % des crédits du budget du ministère y sont consacrés, Mme Payet l'a souligné il y a un instant, de même que sont augmentés les crédits destinés à assurer la continuité territoriale dans les DOM.

Le dispositif du passeport mobilité est une réussite : il a bénéficié, en 2003, à 8 170 personnes, pour un coût de 5,4 millions d'euros. Quant à la dotation de continuité territoriale, elle a représenté 21,04 millions d'euros. Le présent projet de loi de finances maintient pour l'ensemble de l'outre-mer 11 millions d'euros de dotation pour le passeport mobilité et 30,98 millions d'euros au titre de la dotation de continuité territoriale, qui s'accroît ainsi de 3,3 % par rapport à l'année précédente.

La commission des lois souligne également dans son rapport l'effort du projet de budget en faveur des collectivités territoriales, les actions en faveur des personnes les plus démunies, ainsi que les mesures de défiscalisation. Elle dresse un tableau des avantages consentis au profit des fonctionnaires dans les départements et régions d'outre-mer, dont a parlé notre collègue Henri Torre. Elle estime qu'une réflexion doit être engagée sur ces différents dispositifs conçus, pour l'essentiel, dans les années cinquante.

Enfin, nous avons également examiné les départements et régions d'outre-mer dans leur environnement régional et communautaire avec l'examen des dispositifs communautaires de l'Union européenne confirmant le régime de l'octroi de mer jusqu'en 2014, comme le Conseil de l'Union européenne l'a décidé le 10 février 2004 à la demande de la France, - je vous rends hommage, madame la ministre, car vous avez effectué un excellent travail auprès de l'Union européenne - étant précisé que l'Europe se dirige vers une nouvelle stratégie communautaire en faveur des régions ultrapériphériques qui, fort heureusement, maintient ce régime spécifique.

Signalons, pour terminer, que le 26 mai 2004 la Commission européenne a présenté une communication intitulée « un partenariat renforcé pour les régions ultrapériphériques », ce document apportant un début de réponse aux observations formulées par les gouvernements français, espagnol et portugais dans leur mémorandum commun remis le 2 juin 2003 à la Commission européenne.

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux départements et régions d'outre-mer dans le budget du ministère de l'outre-mer pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.).

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, rapporteur pour avis.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour les collectivités d'outre-mer à statut particulier et la Nouvelle-Calédonie. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les collectivités d'outre-mer, comme les départements d'outre-mer, sont autant de prolongements du territoire français tout autour de notre planète et nous pouvons être fiers de la place qu'elles occupent comme du rôle qu'elles jouent dans leur environnement. Elles méritent largement la solidarité nationale et peut-être encore plus que les autres terres de France en raison de leur éloignement et des difficultés qu'elles rencontrent.

Ces collectivités regroupent la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et les Terres australes et antarctiques françaises, en attendant d'accueillir Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Le budget global de l'Etat qui leur est destiné pour 2005 s'élève à un peu moins de 2,5 milliards d'euros alors qu'il se situait à un peu moins de 2,4 milliards d'euros en 2004, ce qui représente pour ces seules collectivités un accroissement de l'ordre de 3,6 % de l'effort global de l'Etat.

Il convient d'ajouter que la part de ce projet de budget qui incombe au ministère de l'outre-mer est relativement réduite puisqu'elle ne s'élève qu'à 14,3 % de l'ensemble avec, de surcroît, un périmètre budgétaire fluctuant d'une année sur l'autre, comme l'ont évoqué les orateurs précédents, ce qui rend difficile les comparaisons.

La première recommandation de la commission des lois est de fixer une bonne fois pour toutes le domaine d'intervention budgétaire du ministère de l'outre-mer afin d'accroître la lisibilité de son budget.

La seconde recommandation découle de cette attente de meilleure lisibilité, que la nouvelle loi organique relative aux lois de finances ne devrait en aucune manière remettre en cause. En effet, l'approche nouvelle fondée sur des actions transversales qui est prévue à l'avenir risque de se traduire par plus d'opacité dans la répartition des crédits entre les territoires. Il est donc essentiel de veiller à assurer la plus grande transparence et à développer une analyse, à la fois globale et détaillée, des moyens mis à la disposition de chaque collectivité. Madame la ministre, nous comptons sur l'action de votre ministère en ce sens.

Le projet de budget pour 2005 se caractérise essentiellement par un effort soutenu en faveur de l'emploi, un effort en matière de formation professionnelle. Sur ce point, la commission des lois ne saurait trop insister sur l'outil remarquable que constitue le service militaire adapté, qui mérite plus de moyens, comme l'a fort justement souligné tout à l'heure Mme Payet et dont on pourrait encore très certainement développer les potentialités, y compris en métropole.

Ce projet de budget se caractérise aussi par un encouragement à la construction de logements et aux investissements d'équipement, un effort en faveur de la continuité territoriale, une consolidation de l'accès aux soins des plus démunis et, bien entendu, un soutien aux collectivités locales.

Ces actions s'inscrivent parfaitement dans le cadre des orientations fixées par la loi de programme pour l'outre-mer.

Je vais maintenant procéder à un rapide survol de ces différentes collectivités. Mais, monsieur le président, soyez rassuré : je dispose de moyens de survol rapides ! (Sourires.)

La Nouvelle-Calédonie, où le statut semble donner pleine satisfaction, est le troisième producteur mondial de nickel. Sur les trois projets de développement, l'un est terminé, à savoir l'augmentation de la production de la Société Le Nickel qui passe de 60.000 tonnes à 75.000 tonnes. Le deuxième projet entre dans la phase concrète de réalisation, à savoir l'usine hydro-métallurgique du sud à Goro avec le groupe INCO. Reste le troisième projet, celui du nord, avec le Falconbridge, qui est toujours dans la phase des études. Or, ce projet est essentiel pour le rééquilibrage de la province nord et de l'économie calédonienne. Vous le savez fort bien, madame la ministre. Aussi la commission des lois ne saurait trop insister pour que le Gouvernement ne ménage pas ses efforts en vue de la mise en oeuvre aussi rapide que possible de ce projet vital pour la Nouvelle-Calédonie et pour son équilibre provincial.

La Polynésie française, après avoir connu des difficultés dans les domaines de la perle noire et de la pêche, voit se profiler un nouvel essor du tourisme et connaît, grâce aux transferts de l'Etat, un fort niveau d'investissements. Son économie reste, toutefois, fragile et il ne faudrait pas que les événements politiques et statutaires actuels viennent remettre en cause des perspectives positives. Nous ne pouvons donc qu'émettre le voeu que le bon sens triomphe.

Wallis-et-Futuna est la France du bout du monde, où société moderne et respect de la coutume se mélangent harmonieusement : on y dénombre trois royaumes pour une préfecture dans la République. Développement économique et désenclavement, tout particulièrement pour Futuna, dont la piste d'aviation est des plus rudimentaires, doivent être les maîtres mots de notre politique budgétaire.

Mayotte, depuis son statut du 11 juillet 2001, se fond progressivement dans le moule de la République. Je sais que les élus de cette île souhaitent que les choses aillent encore plus vite, et je salue notre collègue Adrien Giraud, qui nous l'a rappelé hier.

D'importants efforts ont déjà été faits pour que le « statut personnel » des ressortissants de cette collectivité départementale devienne pleinement compatible avec les lois fondamentales de notre pays : fin de la polygamie, de la répudiation, de la discrimination entre les enfants de sexe différent. Mais ce n'est pas encore suffisant et la commission des lois se permet d'insister pour que toutes dispositions locales qui restent en contradiction avec nos valeurs républicaines soient rapidement corrigées.

Le développement économique de l'île est bien engagé, notamment par un contrat de plan, mais un effort plus soutenu afin d'éradiquer le paludisme est indispensable pour encourager le tourisme dans cette perle de l'océan. Enfin, la lutte contre l'immigration clandestine doit rester une préoccupation constante, car, comme l'ont précisé les orateurs précédents, elle est préoccupante.

Saint-Pierre-et-Miquelon est confronté à l'importante diminution des quotas de pêche notamment en raison de la raréfaction de la morue, qui risque de devenir une espèce protégée dans cette zone. L'aide de l'Etat est donc indispensable pour permettre une reconversion et une diversification économique, aussi bien dans le domaine agricole, touristique ou pétrolier que dans celui des équipements. Une amélioration de la desserte maritime est prévue mais l'éloignement de Saint-Pierre-et-Miquelon des grands axes de communication reste un problème crucial pour la desserte de l'île.

Les Terres australes et antarctiques françaises, collectivité sans habitants permanents, particularité qui mérite d'être soulignée, regroupant les îles Crozet, Kerguelen, Saint-Paul, Amsterdam et la Terre Adélie, restent des hauts lieux de la recherche scientifique et de la protection des ressources halieutiques dans une zone économique exclusive de 1.750.000 kilomètres carrés. Les efforts financiers de la France sont ainsi utiles à l'ensemble du monde et à l'environnement. Les îles Kerguelen abritent également un pavillon maritime français sous lequel une centaine de navires sont immatriculés.

Compte tenu du temps qui m'est imparti, il est difficile de développer d'autres aspects de ce projet de budget. Cependant, je veux formuler une dernière remarque sur les prisons en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Mayotte qui ne sont pas dignes de la République. Elles sont surpeuplées. Certains bâtiments sont vétustes et ne sont pas adaptés au monde moderne. Madame la ministre, il convient donc de rénover et d'agrandir rapidement ces centres pénitentiaires.

En conclusion, tout en rappelant la place privilégiée que ces collectivités tiennent dans notre coeur et qui sont, de surcroît, pour les Français expatriés qui résident à proximité, et que j'ai l'honneur de représenter au sein de la Haute Assemblée, des portes de France et autant de ballons d'oxygène, comme peut l'être la métropole pour les Français habitant dans les pays de l'Union européenne, la commission des lois, sous le bénéfice de ces différentes observations, a émis un avis favorable à ce projet de budget. Mes chers collègues, elle vous invite à l'adopter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 30 minutes ;

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 18 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 15 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes.

Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant tout, Mme Michaux-Chevry m'a prié de vous transmettre ses excuses. Elle souhaitait être parmi nous aujourd'hui, mais elle attend la mission qui sera demain en Guadeloupe. J'en profite pour faire part de la solidarité de la Réunion à l'égard de la Guadeloupe qui a dû faire face à un événement dramatique lors des secousses sismiques affectant les Caraïbes.

L'examen du budget de l'outre-mer est un moment important de la vie démocratique de ces régions, collectivités et départements.

Je vais articuler mon propos autour de trois axes. Le premier concerne le bilan à mi-parcours du mandat du Gouvernement. Le deuxième vise les défis que nous devons relever pour atteindre l'égalité économique avec les régions développées de l'Europe. Le troisième a trait aux chantiers à mettre en oeuvre.

Nous sommes à mi-parcours du mandat du Gouvernement et du Président de la République. Il est bon de rappeler les missions qui ont été confiées au Gouvernement à la suite de l'élection présidentielle. Il s'agissait d'abord de trancher le débat institutionnel qui agite l'outre-mer depuis des décennies et qui fait perdre confiance dans ces départements. Il s'agissait aussi de mettre en oeuvre un plan européen qui précise les actions devant être conduites pour intégrer les régions ultrapériphériques de façon équitable et dynamique à la grande famille de l'Europe des vingt-cinq. Il s'agissait également de stimuler par une loi de programme les investissements productifs et le logement. Il s'agissait enfin, point important, d'inscrire dans la future constitution européenne la place de l'outre-mer français.

Force est de constater, et nous le faisons avec grand plaisir, qu'avec courage et avec le soutien de sa majorité le Gouvernement a mis en oeuvre ces chantiers.

Si l'on mesure le chemin parcouru, on constate que le débat institutionnel est tranché par le peuple en Martinique et en Guadeloupe, par les assemblées locales en Guyane et à la Réunion qui ont souhaité conserver le statu quo.

Une fois le débat tranché et la stabilité institutionnelle retrouvée, condition nécessaire mais non suffisante, les investisseurs pourront reprendre confiance dans nos régions éloignées.

Tous les rapporteurs l'ont reconnu, la loi de programme a « boosté » l'investissement outre-mer. Les grues fleurissent dans tous les quartiers. Le logement est reparti. Comme l'a dit notre collègue Claude Lise, l'économie touristique connaît un nouvel essor à la Réunion. Madame la ministre, j'espère que l'événement douloureux d'Air Bourbon ne contrariera pas ce développement.

Certaines banques ont vu leur volume d'emprunt augmenter de près de 50 % à 60 %. La moyenne de cette hausse se situe à 10 %. C'est vous dire le dynamisme des engagements financiers locaux.

Sur le front de l'emploi, à la Réunion, des jeunes sont sans cesse formés aux métiers du bâtiment et des travaux publics. Ils sont « aspirés » par l'appareil de production. Il en est de même dans le domaine des services.

Tous les rapporteurs l'ont indiqué, mais je tiens à le rappeler, car nous avons mis en oeuvre ensemble ce dispositif : le passeport mobilité est devenu une véritable institution outre-mer. Grâce à cette mesure, tout jeune ou moins jeune qui doit passer un concours en métropole, venir y suivre une formation professionnelle ou qui y a trouvé un travail par le biais de l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer, l'ANT, ou du Conservatoire national des arts et métiers, le CNAM, peut prendre l'avion.

Madame la ministre, c'est une première étape heureuse vers la continuité territoriale. Il faudra la prolonger. Nous verrons ultérieurement de quelle façon.

Sur le plan européen, la victoire du Gouvernement, de sa majorité et de toute cette assemblée est l'aboutissement de l'octroi de mer. La réforme entreprise n'était pas acquise. Madame la ministre, le délai d'un an que vous avez obtenu nous a permis de travailler à vos côtés pour que l'octroi de mer reste un outil de protection de l'économie locale qui est fragile, se situe dans un environnement agressif et dont les conditions de productivité en raison de la distance, de l'insularité, des cyclones, de l'étroitesse du marché sont pénalisantes.

Sur le plan des outils législatifs et réglementaires que l'Europe doit mettre en oeuvre pour appliquer les orientations définies au sommet de Séville, nous souhaiterions, madame la ministre, vous interroger sur la suite qui a été donnée au rapport que vous m'aviez demandé de faire et qui a été repris par les régions ultrapériphériques. Nous voudrions également savoir si la Commission a commencé à prescrire les directives du Conseil sur les adaptations qu'il faudra mettre en oeuvre pour tenir compte de l'éloignement, de l'isolement, de l'insularité, des intempéries et de l'étroitesse du marché et pour atteindre l'égalité économique qui permettra d'avoir un travail dans la dignité.

Tout le temps que les Réunionnais me donneront la parole pour parler en leur nom dans une assemblée parlementaire, je ne sortirai pas de l'axe de développement de l'outre-mer vers l'égalité économique, à savoir éduquer la jeunesse, promouvoir le travail et assurer la dignité. (M. le président de la commission des finances applaudit.) Sinon une politique à court terme, une politique démagogique fera rêver les gens un temps et les poussera à la révolte après.

Je voudrais aussi saluer le travail important qui a été fait pour rétablir les finances des communes de l'outre-mer. Sous votre impulsion, nous avons pu faire adopter par le Parlement un amendement permettant aux communes de récupérer à juste titre la part d'octroi de mer qui n'était pas utilisée par les régions. La réforme des fonds régionaux pour le développement et l'emploi, les FRDE, madame le ministre, nous donnera la possibilité de rééquilibrer nos budgets et de relancer l'investissement.

De même, la majoration de 33 %, au lieu de 10 %, du pourcentage de la population des communes d'outre-mer prise en compte dans le calcul de la quote-part de la dotation globale de fonctionnement qui revient aux communes d'outre-mer constitue non pas un acte de favoritisme, je le dis pour la Haute Assemblée, mais un acte de justice. Il faut savoir, monsieur le rapporteur spécial, que l'outre-mer perçoit 220 euros par habitant au titre des dotations de l'Etat, contre 250 euros par habitant en métropole. Il faudra rattraper prochainement cette différence de 30 euros, en abondant la dotation d'ultra-périphéricité que le Sénat a bien voulu créer dans le présent projet de loi de finances.

Je remercie également le Gouvernement de n'avoir pas remis en cause cette année la TVA non perçue récupérable. Nous attendons le rapport que le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire doit nous présenter. Lorsque nous connaîtrons les tenants et les aboutissants ainsi que les effets de cette mesure, nous prendrons les décisions qui s'imposent.

Toutefois, quelques petites ombres subsistent au tableau.

Tout d'abord, il existe un décalage entre les autorisations de programme votées et les crédits de paiement mis en oeuvre. Cet écart pose problème s'agissant de la mise en oeuvre des crédits européens, comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur spécial.

Ensuite, je le dis en toute franchise à la représentation nationale et au Gouvernement, j'ai l'intime conviction que la bonne loi de défiscalisation que nous avons votée a entraîné une spéculation sur le coût du foncier et du logement. Rien ne justifie en effet, comme l'a dit ma collègue Anne-Marie Payet, l'augmentation du coût de la construction. Au cours des cinq derniers mois, il aura augmenté de 18 %. Je sais que les prix du fer, de l'acier et du cuivre ont augmenté, mais les charges sociales ont, elles, diminué, madame la ministre, puisque vous en avez exonéré les entreprises du bâtiment.

Je réclame, non pas une commission d'enquête qui ne servirait à rien, mais une expertise. L'argent des contribuables ne doit pas servir à favoriser la spéculation ni sur le foncier ni sur le prix du mètre carré construit et revendu.

Nous sommes là pour rendre un service public à ceux qui en ont besoin. Nous voulons bien promouvoir le logement à la Réunion et dans les quatre départements d'outre-mer, mais nous n'avons pas à faire la fortune des spéculateurs.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Bien !

M. Jean-Paul Virapoullé. Voilà rapidement dressé le bilan des actions entreprises.

J'en viens aux chantiers à mettre en oeuvre et aux défis qu'il nous reste à relever.

Pour atteindre l'égalité économique, objectif que le Président de la République lui-même avait fixé, il faut avoir déjà atteint l'égalité sociale faite de l'égalité des droits, mais aussi de l'égalité des devoirs.

Aujourd'hui, nous, élus et populations de l'outre-mer, nous devons nous poser la question de savoir si nous utilisons bien cette égalité des droits et des devoirs pour mettre en oeuvre une nouvelle phase du développement économique, lorsque les dockers bloquent l'économie de la Guadeloupe pendant six semaines, lorsque telles ou telles catégories professionnelles refusent de discuter des moyens d'accroître l'efficacité de leurs services.

Pour relever le défi de l'égalité économique, de la réduction de la fracture numérique, de la valorisation de l'atout qu'est la jeunesse, de la mise en oeuvre d'une politique de développement dans le domaine des nouvelles technologies de la communication et de l'information, de l'ouverture de la Réunion et des autres départements d'outre-mer sur leurs zones géographiques, il nous faut, nous, élus et populations de l'outre-mer, prendre conscience que nous devons procéder à une révolution culturelle.

Lorsque j'ai été élu député en 1986, les DOM-TOM étaient les miséreux de la terre par rapport à la métropole, qui n'avait ni les SDF, ni les banlieues sinistrées, ni les ghettos qu'elle a aujourd'hui. C'est vrai que nous sommes encore plus pauvres que vous, mais la France de 2004 n'est plus la France de 1980. Les défis que nous avons à relever sont également les vôtres en métropole.

Le développement des DOM vers l'égalité économique passera, d'abord, par la volonté des populations d'outre-mer de bien utiliser la solidarité nationale, non pour faire semblant, mais pour faire vraiment.

Je souhaite à ce propos qu'un audit soit réalisé dans toutes les universités de l'outre-mer. En effet, deux tiers des étudiants échouent en première année. Pourquoi gaspiller autant d'argent alors que les cursus locaux aboutissent à des formations sans issue, alors que de si nombreux jeunes sont mis en situation d'échec ? Pourquoi ne pas ouvrir les portes de la connaissance à notre jeunesse, grâce à l'Europe et au monde ? Pourquoi ne pas valoriser la jeunesse pour construire, sur le socle de l'égalité sociale, l'égalité économique qui permettra aux Domiens de vivre de leur travail dans la dignité ?

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais faire précisément le point sur le déroulement de nos travaux.

Si nous n'avons pu reprendre nos travaux ce matin qu'à onze heures quarante-cinq, c'est parce que la séance a été levée cette nuit à deux heures quarante-cinq.

Nous avons commencé l'examen des crédits de l'outre-mer. Nous examinerons cet après-midi les crédits des affaires étrangères. L'ordre du jour prévoit également l'examen des crédits du tourisme.

Or, compte tenu du déroulement de nos travaux, il est vraisemblable que la séance ne s'achèvera aujourd'hui que vers 2h30 ou 3h00 du matin.

Nous avons posé une règle : ne pas commencer une discussion budgétaire après minuit. Si nos contraintes devaient nous empêcher d'entamer l'examen des crédits du tourisme avant minuit, je propose que nous appliquions cette règle et que nous reportions l'examen de ces crédits à demain matin.

Il ne s'agit nullement de ma part d'un encouragement à la concision. Il ne s'agit pas de brider le débat. Je me permets d'apporter cette précision afin que ceux d'entre nous qui sont intéressés par la discussion des crédits du tourisme puissent prendre leurs dispositions.

J'ajoute que nous n'avons pas prévu de siéger samedi, pas plus que dimanche, mais que, en cas de décalage excessif, nous serions naturellement obligés de siéger au moins samedi.

Telles sont les précisions que je souhaitais apporter, monsieur le président.

M. le président. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le président de la commission des finances. Pouvons-nous donc considérer que l'ordre du jour de nos travaux est modifié ? Il semble en effet impossible d'entamer l'examen des crédits du tourisme avant minuit.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est ma conviction. Nous devons, me semble-t-il, prendre des dispositions pour modifier l'ordre du jour.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)