compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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Loi de finances pour 2005
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (nos73, 74).
Travail, santé et cohésion sociale
II.- santé, famille, personnes handicapées et cohésion sociale
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le travail, la santé et la cohésion sociale : II. - Santé, famille, personnes handicapées et cohésion sociale (et les articles 77 à 79).
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, les ministres répondront immédiatement et successivement au rapporteur spécial, puis aux deux rapporteurs pour avis et, enfin, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur ; ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord faire remarquer que, de façon récurrente, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, les réponses aux questions budgétaires nous sont adressées, pour certaines, très tardivement. A la date limite prévue par la loi organique relative aux lois de finances, seuls 47,3 % des réponses m'étaient parvenus. Les parlementaires regrettent, vous le savez, la légèreté avec laquelle sont traitées les questions qu'ils posent.
Les crédits du budget de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la cohésion sociale s'établiront à près de 11,18 milliards d'euros en 2005, soit une augmentation, à périmètre constant, de près de 1,8 %. Encore faut-il préciser que cette augmentation aurait été plus forte si le produit de la cotisation sur les alcools de plus de 25 degrés n'était pas attribué au fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie par l'article 77 du présent projet de loi.
Cette section budgétaire est particulièrement complexe puisqu'elle présente la particularité d'être placée sous la responsabilité de plusieurs ministres, ce qui nous vaut le plaisir de compter quatre d'entre eux, pas moins, au banc du Gouvernement.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. S'agissant des exécutions passées ou en cours, on relèvera que ce budget connaît globalement un très fort taux d'exécution, qui s'élevait à 97,3 % en 2003. L'exercice 2003 aura été particulièrement difficile en raison de la régulation budgétaire qui a été menée. Il semble toutefois que les opérations de régulation budgétaire opérées en 2004 aient posé moins de difficultés du fait d'une meilleure préparation et de la mise en place d'un plan d'action adapté.
Globalement, le problème de ce budget paraît résider non pas tant dans la consommation des crédits que dans les insuffisances de certaines dotations, qui entraînent la formation de dettes, notamment à l'égard des organismes de sécurité sociale.
Un apurement des dettes de l'Etat aux organismes de sécurité sociale a été engagé en 2003, en particulier grâce à la loi de finances rectificative du 30 décembre 2003, ce qu'il faut saluer. Toutefois, ces dettes se maintiennent à un niveau élevé : le montant total des dettes de l'Etat au titre des dépenses imputées sur la section santé, famille, personnes handicapées et cohésion sociale s'élevait ainsi à 425,3 millions d'euros au 31 décembre 2003.
Sous réserve d'ajustements en loi de finances rectificative, certaines de ces dettes pourraient au demeurant croître, dans la mesure où les crédits votés en loi de finances initiale pour 2004 se révèlent parfois insuffisants pour couvrir les dépenses constatées. Or, nous observons que cette situation est récurrente.
Ce budget repose essentiellement sur des crédits d'intervention. Les dépenses du titre IV représentent en effet près de 80 % des crédits de cette section budgétaire. On doit relever une forte inertie de certaines dépenses, dont le montant est très élevé et sur l'évolution desquelles les ministères concernés ont une prise assez réduite.
L'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, représente près de 4,85 milliards d'euros en 2005, soit 43,3 % du budget total, et accuse une hausse de plus de 185 millions d'euros. Le financement des centres d'aide par le travail, les CAT, représente, quant à lui, près de 1,14 milliard d'euros.
Le remboursement de l'allocation de parent isolé connaît également une hausse de 93 millions d'euros pour atteindre 862 millions d'euros en 2005.
A contrario, la contribution de l'Etat au fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie est en baisse sensible, moins 286 millions d'euros, grâce au transfert du produit de la cotisation sur les alcools de plus de 25 degrés à ce fonds, alors qu'elle était précédemment affectée à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS.
Ces quatre dépenses représentent, à elles seules, plus de 67 % des crédits du fascicule.
On relèvera que ce budget se recentre progressivement : la décentralisation, en 2004, du revenu minimum d'insertion et, en 2005, d'une partie des crédits consacrés à la formation des professions paramédicales et sociales, réduit le périmètre de ce budget de manière significative. Il est ainsi passé de 14,8 milliards d'euros en 2002 à 11,18 milliards d'euros en 2005.
On peut se demander si l'évolution ainsi amorcée va se poursuivre. Une clarification des interventions dans le domaine des actions en faveur des personnes handicapées pourrait ainsi être envisagée, alors qu'une Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, a récemment été créée. On notera en effet que, d'après les dispositions de l'article 76 du présent projet de loi de finances rattaché pour son examen aux crédits du travail, les 3 000 nouvelles places de CAT prévues en 2005 seront financées par cette caisse, et non par l'Etat, qui conserve toutefois des dépenses à ce titre.
Dès lors, monsieur le ministre, je voudrais connaître les intentions du Gouvernement en la matière. Quel rôle précis entendez-vous faire jouer à la CNSA ?
Quelle sera l'articulation entre cette caisse et les crédits de l'Etat, d'une part, et de la sécurité sociale, d'autre part ?
En dépit des observations précédentes sur l'inertie de certaines dépenses, le projet de budget pour 2005 de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la cohésion sociale traduit plusieurs priorités.
Premièrement, les crédits consacrés à la santé publique et à la sécurité sanitaire connaissent une augmentation sensible. En particulier, un effort est réalisé en matière de lutte contre le cancer, puisque 22 millions d'euros de mesures nouvelles sont consacrés à cette politique. De même, la mise en oeuvre du plan « Santé-environnement » témoignera d'un effort du ministère des solidarités, de la santé et des familles.
Deuxièmement, la rationalisation du paysage des agences de sécurité sanitaire et de santé est engagée : si le budget pour 2005 est marqué par l'apparition de la Haute Autorité de santé et de l'Agence de la biomédecine, qui font l'objet de mesures nouvelles, je voudrais saluer l'effort de rationalisation qui a été mené, dans la mesure où ces structures viennent non pas s'ajouter aux structures existantes, mais se substituer à certaines d'entre elles.
Le paysage des agences de sécurité sanitaire reste cependant touffu. Je souhaite donc savoir si des rapprochements entre certaines agences sont envisagés à l'avenir.
Troisièmement, la lutte contre les discriminations fait l'objet d'un effort particulier, avec la mise en place d'une nouvelle structure ad hoc, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
Quatrièmement, la maîtrise des dépenses de personnel est poursuivie : le budget pour 2005 se caractérise par une nouvelle réduction du nombre de postes budgétaires, soit 122 emplois, après une réduction de 94 emplois en 2004.
Cinquièmement, enfin, un effort de rebasage de certaines dotations est réalisé. Il en va ainsi, notamment, des dotations consacrées au remboursement de l'allocation de parent isolé, au fonds spécial d'invalidité ou au fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations. Il n'est toutefois pas certain que ce rebasage soit dans tous les cas suffisant, notamment s'agissant de l'allocation de parent isolé.
Si ce budget traduit certaines orientations bienvenues, je me dois toutefois de souligner que certaines dépenses ne paraissent pas maîtrisées et que certaines dotations allouées en 2005 ne paraissent pas en mesure de faire face aux besoins.
Trois dépenses peuvent à cet égard, comme l'an passé, être mises en évidence.
Tout d'abord, les dotations de l'aide médicale de l'Etat restent stables à 233,5 millions d'euros, alors que la dépense constatée laisse présager une tendance de 500 millions d'euros. La dotation fixée paraît d'autant moins adaptée que le Gouvernement n'a pas mis en oeuvre toutes les réformes tendant à la modération de la dépense votées par le Parlement, en particulier l'instauration d'un ticket modérateur.
Ensuite, les frais de justice ne sont pas des dépenses maîtrisées même si ces crédits, régis par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, sont des crédits évaluatifs.
Enfin, les dépenses liées au dispositif d'accueil d'urgence des demandeurs d'asile, en dépit d'un accroissement de la dotation allouée à cette action en 2005, continuent à croître de manière très importante, comme en témoigne l'ouverture par décret d'avances de 185 millions d'euros en 2004. La croissance de 28,6 millions d'euros des crédits correspondants inscrits sur le chapitre 46 - 81 ne paraît pas à cet égard être en mesure de couvrir l'intégralité des besoins pour l'année 2005.
Ce constat est d'autant plus regrettable qu'il est récurrent et qu'il risque, de surcroît, de se traduire par une augmentation des dettes de l'Etat.
La commission des finances a longuement débattu de ces sujets et il nous importe d'obtenir certaines précisions du Gouvernement, en particulier s'agissant de l'aide médicale de l'Etat. Il nous paraît en effet anormal que des dispositions votées par le Parlement ne soient pas mises en oeuvre. Je voudrais donc savoir à quelle échéance le Gouvernement entend mettre en place l'ensemble de ces mesures d'économie et où en est l'élaboration du décret instaurant un ticket modérateur.
Par ailleurs, la Cour des comptes, dans son récent rapport relatif à l'accueil des immigrants et à l'intégration des populations issues de l'immigration, relève la difficulté d'apprécier l'ampleur réelle des crédits affectés à cette action.
Elle observe que la situation des dépenses qui en résultent est loin de répondre à l'exigence, renforcée par la loi organique relative aux lois de finances, de recherche d'un meilleur rapport entre coût et efficacité.
Elle met en évidence la multiplication des financements croisés qui complique la lisibilité des crédits consacrés à l'accueil et à l'intégration des immigrants. Quelle suite le Gouvernement entend-il donner aux observations de la Cour des comptes ?
Je voudrais enfin faire le point sur la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances.
Je me contenterai de rappeler que les crédits actuellement inscrits dans la section « Santé, famille, personnes handicapées et cohésion sociale » seront, à l'avenir, répartis en trois missions. Le découpage global proposé est plutôt satisfaisant, la distinction opérée entre les trois missions et entre les différents programmes apparaissant relativement pertinente.
Toutefois, on peut regretter que la maquette définitive n'ait pas tenu compte des remarques formulées par votre commission des finances sur les programmes support et, en particulier, que l'action support du programme « Veille et sécurité sanitaires » ne figure pas au sein de la même mission que ce programme.
Si ce découpage résulte de la structure actuelle des services du ministère de la santé et de la protection sociale et, en particulier, de celle de la direction générale de la santé, qui pilote ce programme, on peut penser que cette répartition pourrait évoluer à l'avenir. Quelle est l'intention du Gouvernement en la matière ?
Quant aux objectifs et aux indicateurs, mon rapport en donne une analyse détaillée et les nouvelles dispositions résultant de la loi organique relative aux lois de finances sont indiquées.
Je relèverai simplement qu'un effort important de réflexion a été fait par vos ministères et qu'il doit être encore dans certains cas poursuivi.
En effet, certains objectifs et indicateurs ne permettent pas d'apprécier réellement la performance. Trop larges ou trop vagues, ils excèdent manifestement la capacité d'action du ministère. D'autres s'apparentent à des indicateurs de moyens ou d'activité qui ne permettent pas de porter un jugement sur la qualité de la dépense.
Je voulais vous dire, au nom de la commission des finances, que nous serons à vos côtés pour vous accompagner dans ce travail de réflexion.
Sous réserve de ces observations et de l'amendement qu'elle vous proposera tout à l'heure, la commission des finances propose d'adopter les crédits de la santé, de la famille, des personnes handicapées et de la cohésion sociale pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille. Monsieur le président, je veux d'abord remercier M. Jégou de ses arguments et de la grande compétence avec laquelle, comme à son habitude, il a analysé ce budget.
Mmes Nelly Olin, Catherine Vautrin, Marie-Anne Montchamp et moi-même sommes ici pour répondre à vos questions.
Je vous remercie, monsieur Jégou, d'avoir, dans votre première question, abordé l'évolution du paysage de la sécurité sanitaire, qui est un sujet majeur.
Le paysage de la sécurité sanitaire a été profondément remodelé par la loi du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicament, la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme et la loi du 9 mai 2001 créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale. Ce pays est marqué au fer rouge par l'affaire du sang contaminé. L'opinion publique s'est rendu compte de l'existence de profondes failles dans notre système médical et administratif.
Des agences d'expertise sanitaire indépendantes permettent aujourd'hui, comme vous l'avez dit, d'alerter les pouvoirs publics en cas de danger pour la santé humaine. Elles fournissent également un fondement scientifique indispensable au Gouvernement pour qu'il prenne des mesures ciblées et efficaces.
La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, tirant les leçons de l'épisode dramatique de la canicule de l'été 2003, a renforcé ce dispositif en élargissant et clarifiant les missions de l'Institut national de veille sanitaire.
La préparation du plan national « Santé - environnement » dont vous avez parlé, ainsi que le bilan de l'application des lois de sécurité sanitaire établi par les inspections des différents ministères concernés ont montré qu'il convenait de renforcer encore notre capacité d'expertise dans deux domaines essentiels : les risques liés aux substances chimiques et la santé au travail. Ces deux sujets sont, du reste, intimement liés.
La préparation de ce renforcement a été engagée. Elle se nourrira du travail d'évaluation des lois de sécurité sanitaire mené par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, ainsi que des travaux de préparation du plan « Santé au travail » mené par le ministre délégué aux relations du travail
Une première étape dans l'amélioration de l'organisation de la sécurité sanitaire a été franchie avec la création de l'Agence de biomédecine à partir de l'Etablissement français des greffes. Je suis persuadé que d'autres améliorations sont possibles pour faciliter les échanges entre experts scientifiques, éviter les cloisonnements et mettre en commun les moyens de fonctionnement.
Monsieur le rapporteur spécial, vous vous demandez si les organismes travailleront de manière cohérente en se rencontrant régulièrement. Bien sûr, c'est évident. Je citerai la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, qui comporte une partie sur la procréation médicalement assistée et une sur les greffes. Ces deux domaines relèvent de l'Agence de biomédecine.
Vous avez raison de dire que nous devons nous orienter vers la diminution du nombre d'organismes et améliorer la cohérence du dispositif. Ainsi, la Haute Autorité de Santé va reprendre les activités de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé ainsi que d'autres organismes tels que le Comité économique des produits de santé.
Nous ne devons jamais relâcher nos efforts pour améliorer le dispositif de sécurité sanitaire des Français.
Concernant l'aide médicale d'Etat, c'est un sujet majeur. Plus de 150.000 personnes en bénéficient. A analyser les chiffres bruts de l'aide médicale d'Etat, on peut se demander si notre pays ne donne pas des signes d'appel à l'immigration via la santé.
La question doit être posée sous l'angle non pas de la santé, mais de l'immigration. Voulons-nous une politique d'immigration très stricte, très rigoureuse ? Pour le moment, il faut débattre de cette question.
Est-il normal, comme le président d'une agglomération de 750 0000 habitants l'a souligné, que des demandeurs d'asile attendent deux ans pour savoir si la réponse sera positive ou négative alors qu'ils habitent en France, qu'ils y scolarisent leurs enfants ? Et si la réponse est négative, que fait-on ? Le mieux, serait de réduire cette période d'attente à deux mois.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Tout le monde le dit, mais un problème d'organisation et d'efficacité demeure. Donc, posons le problème de l'immigration une bonne fois pour toutes !
Personne en France ne saurait accepter qu'une personne malade ne soit pas soignée, qu'une personne, même sans papiers, atteinte de tuberculose miliaire pulmonaire bilatérale, ne puisse recevoir des soins dans un hôpital français.
C'est la raison pour laquelle nous avons mis au point un système de prise en charge pour les soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou de l'enfant à naître. Il était important que cette circulaire, précisant les modalités de la prise en charge, soit publiée.
En vue de permettre une prise en charge médicale simplifiée et adaptée, l'aide médicale d'Etat réformée ouvre à l'ensemble des bénéficiaires l'accès à la médecine de ville, ce qui n'était pas le cas. Cela a été fait pour diminuer l'afflux de personnes qui se rendent dans les services d'urgence des hôpitaux.
Monsieur le rapporteur spécial, vous posez aussi la question du programme « Fonctions support ». La réforme de l'État, dans son volet budgétaire, est également mise en oeuvre dans le budget pour 2005. De nouvelles expérimentations sont programmées pour permettre la généralisation, au 1er janvier 2006, de l'application de la loi organique sur les lois de finances.
Concrètement, nous expérimenterons quatre programmes en 2005, notamment le programme « Santé publique et prévention » et le programme « Veille et sécurité sanitaires ».
Nous expérimenterons également le programme « Conception et gestion des politiques de santé » dans la région Haute-Normandie en 2005. Ce programme sur lequel vous m'interrogez, monsieur le rapporteur, réunit l'ensemble des fonctions support du ministère.
Ce choix peut sembler contradictoire avec l'un des objectifs que vous connaissez bien de la LOLF et qui consiste à imputer l'ensemble des dépenses relatives à une politique publique au sein du même programme, y compris les coûts de rémunérations et de fonctionnement.
Cependant, ce choix répond à une nécessité pratique. En effet, la définition d'enveloppes de rémunérations et de crédits de fonctionnement par programme serait ingérable au niveau des services déconcentrés. Il en va de même pour l'administration centrale dont les effectifs sont inférieurs à 3000 personnes.
A titre d'exemple, la direction générale de l'action sociale, la DGAS, pilote trois programmes. Ses dépenses de rémunérations et de fonctionnement devraient être scindées sur ces trois programmes si on suivait la logique d'imputation des crédits de fonctions support sur les programmes de politiques publiques.
Dans ces conditions, une modification des modalités de gestion des crédits de fonctions support et leur imputation par programme telle que vous la souhaitez pourraient supposer une remise à plat de la structure administrative. Si cette solution est envisageable, elle doit être non pas un préalable à la réforme de l'administration, mais une conséquence potentielle.
Je suis prêt à travailler avec vous sur cette méthode. Dans ce ministère, nous devons simplifier, plus qu'ailleurs encore, l'administration.
Je tiens à ce que la réforme de l'administration sanitaire et sociale porte, en premier lieu, sur l'amélioration de la réactivité de ce ministère, ce qui suppose une plus grande efficacité des services, et le développement du management par objectif, qui doit se traduire par une adaptation des process.
Avec le déclenchement du plan canicule en Rhône-Alpes cet été, nous avons démontré que nous pouvons atteindre cet objectif de réactivité.
Cette réorganisation du ministère sera engagée grâce à la création d'un département des urgences et des situations exceptionnelles, la mise en place d'une plate-forme téléphonique d'information du public sur les situations exceptionnelles, à laquelle nous consacrerons 2 millions d'euros en 2005, et un meilleur développement des relations du ministère avec les agences de sécurité sanitaire. Cette réorganisation est au coeur de notre stratégie ministérielle de réforme.
Pour la mettre concrètement en oeuvre, pour moderniser, un secrétaire général sera nommé le 1er janvier prochain. Nous nous sommes mis d'accord avec Jean-Louis Borloo pour avoir un secrétaire général commun. Son action visera, en particulier, ces deux objectifs que représentent une organisation à la fois plus dynamique et un meilleur service rendu à nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord saluer le travail remarquable fait par les rapporteurs.
Le budget consacré à la lutte contre l'exclusion l'intégration et les rapatriés, que j'ai l'honneur de présenter au Parlement, traduit la volonté du Gouvernement de faire de la cohésion sociale une priorité absolue afin de remédier aux inégalités qui figent et sclérosent notre société.
En effet, la cohésion sociale est non seulement une priorité sociale, mais également une des conditions de la croissance économique.
C'est dans ce cadre global qu'un effort financier majeur par rapport à la loi de finances de 2004, plus 10 %, a été prévu, résultant principalement de l'inscription de 107 millions d'euros de mesures nouvelles au titre des trois programmes du plan de cohésion sociale.
Ces trois programmes visent à renforcer l'accueil et l'hébergement d'urgence, comme vous l'avez souligné monsieur le rapporteur spécial, à restaurer le lien social et à rénover l'accueil et l'intégration des populations immigrées.
En ce qui concerne l'urgence sociale et l'insertion, le projet de loi de finances pour 2005 prévoit un effort important en faveur de l'ensemble des dispositifs d'hébergement, avec un total de mesures nouvelles de 77 millions d'euros, dont 48,5 millions d'euros au profit du dispositif d'accueil et des centres d'adaptation et de réadaptation sociale, les CHRS. Le plan répond ainsi à une urgence.
Au-delà des aspects quantitatifs, une véritable politique publique a été mise en place pour adapter le dispositif d'accueil et d'hébergement, en ce qui concerne tant l'évolution des publics que les modalités d'accueil.
Ainsi, les mesures nouvelles contenues dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale et le projet de loi de finances pour 2005 permettront la pérennisation de 2 400 places initialement ouvertes au titre du plan hiver 2002-2003 et le financement de 6 000 places supplémentaires pour la période hivernale, la poursuite du programme de création de places en maisons relais - 1 000 places nouvelles seront créées - ainsi que la création de 800 places de CHRS, dont 500 par la transformation de places d'urgence en places de CHRS.
En outre, et conformément aux engagements du programme 18 du plan de cohésion sociale, « Renforcer le lien social », des guichets uniques d'accueil afin d'orienter les personnes en difficulté seront soutenus financièrement et des lieux d'écoute pour les jeunes seront développés. Des appels à projets sont prévus pour la réalisation de ces deux actions.
En matière d'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés, le Gouvernement, conscient que le nombre des demandeurs d'asile hypothèque une gestion normale des flux migratoires en France et pèse sur les budgets sociaux destinés aux plus exclus de nos concitoyens, a fait sienne les conclusions des rapports des inspections sur l'asile rendus en 2001 et 2002.
Il s'est fixé pour objectif de réduire de façon drastique les délais d'instruction des demandes d'asile afin d'être en mesure de proposer systématiquement aux demandeurs d'asile un hébergement accompagné plutôt qu'une prestation financière.
Ainsi, la loi relative à l'asile est entrée en application au 1er janvier 2004 et des moyens importants ont été dégagés tant pour l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, que pour la Commission des recours des réfugiés, la CRR.
D'ores et déjà le délai d'instruction des demandes d'asile à l'OFPRA a été ramené de 18 mois à deux mois et demi, voire trois mois. S'agissant de la CRR, dont les délais de traitement des recours étaient encore de 16 mois au 1er juillet 2004, 120 personnes ont été recrutées de manière que les délais d'instruction soient équivalents à ceux de l'OFPRA. Cela permettra de ne pas pérenniser des situations délicates à gérer lorsque les enfants sont scolarisés après des mois passés sur notre territoire.
Pour ce qui concerne l'hébergement, le nombre de places en centres d'accueil pour les demandeurs d'asile, les CADA, a été porté à 12 654 au 1er janvier 2004. Il convient d'y ajouter les 3 000 places qui seront créées à la fin de cette année et pérennisées en 2005 avec 25 millions d'euros, en application du plan de cohésion sociale.
Ainsi, sont mises en place les conditions d'un traitement de la demande d'asile efficace, respectueux des droits et de la dignité de la personne et conforme aux engagements internationaux de la France.
En ce qui concerne l'intégration, sous l'impulsion de la volonté exprimée par le Président de la République dans son discours du 14 octobre 2002 à Troyes, le Gouvernement a refondé la politique d'intégration dans notre pays, qui est un facteur de cohésion sociale.
Cette politique s'appuie sur un nouvel établissement, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM - qui résulte de la fusion du service social d'aide aux émigrants, le SSAE, et de l'Office des migrations internationales, l'OMI - et sur un nouvel outil, le contrat d'accueil et d'intégration, le CAI.
L'ANAEM est constituée par fusion des missions et des moyens de l'Office des migrations internationales et du service social d'aide aux émigrants. Le rapprochement de ces deux réseaux permettra au 1er janvier 2006 de couvrir l'intégralité du territoire français et de créer ainsi un véritable service public de l'accueil des nouveaux immigrés dans notre pays.
La création de ce nouvel établissement public est sans effet sur le budget de l'Etat.
Le contrat d'accueil et d'intégration, qui a été expérimenté au deuxième semestre de 2003, est aujourd'hui en cours de généralisation. Ce contrat prévoit notamment une formation civique obligatoire et une formation linguistique si nécessaire. Ainsi, en 2004, 45 000 personnes en auront bénéficié et, au 1er janvier 2006, la totalité des nouveaux immigrés se verra proposer le CAI. Dans cette situation, le contrat d'accueil et d'intégration sera, à compter du 1er janvier 2006, pris en compte pour la délivrance de la carte de résident. En application du plan de cohésion sociale et du projet de loi de finances pour 2005, 20 millions d'euros supplémentaires seront affectés au CAI.
Ces dispositions constituent les premières réponses au rapport de la Cour des comptes auxquelles s'ajoute la création d'un observatoire permettant d'homogénéiser les concepts et de mettre en cohérence les données statistiques. Plus généralement, la tutelle ministérielle sur les différentes instances sera ainsi renforcée.
Quant à la lutte contre les discriminations, le Président de la République s'est également engagé, en octobre 2002, à créer dans un délai rapide une autorité indépendante compétente pour lutter contre toutes les discriminations.
Après la laïcité, c'est l'égalité que le Gouvernement veut faire partager par tous.
Le projet de budget pour 2005, pour cette première année de fonctionnement de la Haute Autorité pour la lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, prévoit une première tranche significative de moyens pour permettre de répondre, dès que possible, aux nombreuses sollicitations que l'autorité recevra. Il porte sur 10,7 millions d'euros et prévoit, dès 2005, un effectif d'environ 56 personnes au niveau central.
Il est destiné à assurer l'installation et le fonctionnement du siège central, ainsi que des cinq premières délégations territoriales.
Une partie de ce budget est financée par le redéploiement des crédits actuellement affectés au GIP-GELD, le groupement d'intérêt public-groupe d'étude et de lutte contre les discriminations - à hauteur de 1,6 million d'euros - qui sera supprimé concomitamment à la création de la HALDE, et en provenance des sections d'autres ministères tels que l'économie, les finances et l'industrie, l'intérieur et la justice.
Ces propositions correspondent au schéma établi par le rapport présenté par Bernard Stasi sur la création d'une Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et qui prévoit trois pôles : un important pôle à dominante juridique, un pôle préparant les études, avis et recommandations et, enfin, un pôle destiné à la promotion de l'égalité.
A titre de comparaison, pour une mission portant sur les seules discriminations raciales, l'autorité britannique dispose d'un budget de 30 millions d'euros pour deux cents salariés.
Enfin, le projet de loi de finances pour 2005 prévoit un doublement des crédits alloués aux rapatriés, soit 22 millions d'euros, compte tenu des mesures nouvelles prévues par le projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés et de l'accélération du dispositif de désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée.
Grâce aux choix pris sous l'autorité du Premier ministre, la France est aujourd'hui plus forte et plus solidaire.
De nombreuses réformes ont déjà été engagées, d'autres restent à initier.
Elles ne sont possibles que si elles sont conçues avec sérieux.
Elles ne sont acceptées que si elles sont menées dans un esprit de concertation.
Elles ne sont visibles que si elles prennent en compte les exigences du long terme.
Elles ne mobilisent nos concitoyens que si elles sont porteuses de nouvelles espérances.
C'est tout le sens de notre action pour briser le cercle vicieux de l'exclusion et des discriminations. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, rapporteur pour avis.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la solidarité. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, en 2005, les crédits consacrés à la solidarité s'élèveront à 8,7 milliards d'euros. Il convient d'y ajouter les financements apportés par la nouvelle Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, soit 500 millions d'euros au moins. Cet effort financier important témoigne de la permanence de deux priorités pour le Gouvernement que sont la cohésion sociale et l'intégration des personnes handicapées.
En écho au plan de cohésion sociale, le projet de budget pour 2005 donne un nouveau souffle à la politique de lutte contre les exclusions.
Dans le domaine de l'hébergement d'urgence et de l'insertion, vous l'avez souligné, madame la ministre, le Gouvernement favorise la création de nouvelles places d'accueil tout en consolidant le dispositif existant. Il poursuit également le développement de l'action sociale en faveur des migrants, grâce à l'augmentation des capacités d'hébergement des demandeurs d'asile et à l'attribution de moyens de fonctionnement importants à la future agence chargée de l'accueil des étrangers et des migrations.
Pour autant, sur les 7,2 milliards d'euros consacrés aux politiques de lutte contre les exclusions, 5,9 milliards d'euros restent mobilisés en faveur des minima sociaux que sont l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, l'allocation de parent isolé, l'API et l'aide médicale de l'Etat, l'AME.
Les crédits consacrés à l'AAH et à l'API augmentent massivement et c'est un bon point, car les taux de progression estimés me paraissent plus réalistes que ceux qui avaient été retenus l'an dernier. Une incertitude demeure au niveau de l'AAH, sur la prise en compte de l'impact du projet de loi « handicap », que vous pourrez peut-être dissiper, madame la ministre, mais je souhaite saluer le souci de sincérité budgétaire qui a guidé vos choix.
Cependant, il me semble que vous n'êtes pas allée jusqu'au bout de cette logique, au moins sur deux points.
En effet, en 2005 l'Etat restera redevable de plus de 177 millions d'euros à la branche famille au titre de l'AAH et de l'API. Quant à l'AME, elle est, une fois de plus, sous-dotée puisqu'elle ne se voit allouer que 233 millions d'euros pour une dépense réelle prévisible aux alentours de 490 millions d'euros.
Nous ne pouvons pas, année après année, continuer de nous endetter ainsi auprès de la sécurité sociale, car elle n'a plus les moyens - mais les a-t-elle eus un jour ? - d'assurer la trésorerie de l'État.
Cela m'amène à vous poser une première série de questions. Comment l'Etat compte-t-il régler ses dettes à la branche famille et à l'assurance maladie ? Quelles actions va-t-il mettre en oeuvre pour tenir ses prévisions de dépenses ? Est-il enfin prévu de mettre en oeuvre les réformes de l'AME adoptées par le Parlement en 2002 et en 2003 ? Vous nous avez répondu en partie, monsieur le ministre.
S'agissant des personnes handicapées, la priorité qui leur est accordée est confirmée, même si les futures responsabilités respectives de l'Etat, de l'assurance maladie et de la nouvelle caisse dépendent du contenu de la loi « handicap » à venir. Je crois savoir, madame la secrétaire d'Etat, que le projet de loi sera examiné en deuxième lecture à l'Assemblée nationale avant la fin de l'année, ce dont je me réjouis tout en espérant que la commission mixte paritaire se réunira dans la deuxième quinzaine du mois de janvier, de façon que vous puissiez prendre, dans la foulée, les décrets d'application qui sont très attendus.
Les mesures nouvelles, qu'il s'agisse des créations de places en établissements ou du soutien à la vie autonome à domicile, seront financées par la nouvelle caisse. Elle devrait y consacrer 500 millions d'euros.
Ma deuxième question est donc celle-ci : pouvez-vous déjà, madame la secrétaire d'Etat, nous détailler très précisément les dépenses auxquelles cette caisse contribuera en 2005 ? Ne faut-il pas désormais, prévoir que le Parlement se prononce chaque année sur son budget ?
Vous avez justifié, madame la secrétaire d'Etat, l'intervention massive de la caisse en 2005 par le souci, défendable, d'améliorer dès maintenant la situation concrète des personnes les plus lourdement handicapées, sans attendre l'entrée en vigueur de la prestation de compensation au 1er janvier 2006.
Je comprends vos intentions mais j'avoue m'interroger sur l'ampleur de ce transfert de charges. Il me paraît indispensable d'engager une réflexion sur les futures modalités d'intervention de cette caisse et de faire des choix cohérents.
Cela m'amène à vous poser une troisième question : souhaitez-vous, à terme qu'elle finance l'ensemble des établissements ? Si tel était le cas, ne faudrait-il pas lui transférer les ressources correspondantes ?
Si, à l'inverse, elle n'est qu'un appoint aux efforts des autres financeurs, n'y a-t-il pas un risque que le mécanisme amorcé cette année conduise à ponctionner toutes ses ressources, au détriment du financement de la future prestation de compensation ?
La dernière partie de mon analyse se rapporte à l'évolution des dépenses d'action sociale décentralisées.
L'aspect le plus inquiétant de la croissance soutenue des dépenses d'action sociale départementales est l'inflation constatée du coût des prestations en établissements et services sociaux et médico-sociaux, ce qui donne une acuité particulière à la question de la maîtrise de leurs dépenses de personnel.
L'année 2004 correspond notamment à la fin des aides Aubry I et Aubry II à la réduction du temps de travail, ce qui alourdit de plus de 500 millions d'euros les charges des établissements.
Cela m'amène à ma dernière question : le dispositif actuel d'agrément des conventions collectives du secteur médico-social n'incite pas suffisamment à la maîtrise de la masse salariale. N'est-il pas nécessaire de parvenir à un système où les partenaires sociaux de la branche soient réellement responsabilisés ?
Plus largement, une réflexion ne doit-elle pas être engagée sur les relations entre financeurs et établissements médico-sociaux ? Ne pourrait-on pas envisager de faire reposer le financement des établissements sur un conventionnement pluriannuel, avec un appel à projet comme base ?
Au total, il me semble que ce projet de budget ne peut pas faire l'objet d'une lecture unique : dans le domaine du handicap, il constitue un budget de transition, dans l'attente de la future architecture découlant de la caisse de solidarité pour l'autonomie. Cette parenthèse n'empêchera pas les personnes handicapées de profiter, dès 2005, des progrès apportés par la prochaine loi sur le handicap. Par ailleurs, ce budget permet, dans un contexte de dépenses contrôlées, de financer les priorités nouvelles du plan de cohésion sociale.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la solidarité pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour la santé. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours de l'année écoulée, de nombreuses réformes sont intervenues dans le domaine de santé : je pense aux lois relatives à la bioéthique, à la politique de santé publique, à la réforme de l'assurance maladie et au volet « santé » de la loi relative aux libertés et responsabilités locales.
Il faut aussi mentionner les différents plans de mobilisation nationale qui traduisent la politique volontariste menée actuellement par le Gouvernement, en priorité pour lutter contre le cancer, mais également pour promouvoir la santé-environnement, limiter l'impact de la violence sur la santé, lutter contre la drogue et la toxicomanie, sans oublier naturellement ceux qui ont été annoncés plus récemment, comme le plan national « Maladies rares » ou le programme national de lutte contre les infections nosocomiales.
L'ensemble de ces mesures trouve, pour partie du moins, sa traduction budgétaire dans le budget de la santé, qui s'élève à 8,63 milliards d'euros et comprend trois axes principaux : la politique de santé publique, la sécurité sanitaire, l'offre de soins et l'accès aux soins.
Les crédits affectés à la politique de santé publique progressent de 10 %, pour atteindre 209 millions d'euros.
Trois priorités peuvent être identifiées cette année : la mise en oeuvre de la politique de santé publique, la poursuite du plan de mobilisation nationale contre le cancer et la mise en place d'un nouveau plan de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
La loi relative à la politique de santé publique demande que l'action des pouvoirs publics soit cohérente avec les objectifs définis pour les cinq ans à venir. Cette exigence de cohérence est d'ailleurs à la base de la nouvelle présentation budgétaire requise à partir de 2006.
La politique de prévention s'organise ainsi autour de six déterminants de santé : l'alcool, le tabac, les accidents et la violence, y compris routière, les autres pratiques à risque comme la toxicomanie, la nutrition et l'activité physique, l'environnement et le travail.
Elle a aussi pour objet de diminuer la forte mortalité due à certaines pathologies : sida, hépatites, cancers, maladies cardiovasculaires, maladies rares, sans oublier la santé mentale, notamment le suicide chez les adolescents.
Elle a enfin pour objet de prévenir et de mieux prendre en charge certaines pathologies de l'âge adulte, comme le diabète ou les affections spécifiques du vieillissement, notamment la maladie d'Alzheimer.
Toutefois, les moyens dévolus à ces objectifs ne sont pas toujours aussi précis, qu'il s'agisse des crédits afférents ou du rôle respectif des divers acteurs : l'assurance maladie, les établissements sanitaires, les divers organismes du secteur de la santé, les associations, les collectivités territoriales, etc.
Ma première question est relative à la présentation des actions du programme intitulé « Conception et gestion des politiques de santé ».
Ce programme me semble symptomatique des difficultés rencontrées par la représentation nationale, comme l'a souligné M. Jégou, pour appréhender globalement les crédits consacrés à la politique de santé publique.
Les dépenses de prévention constituent, en effet, un exemple parfait de cette situation puisque les grands réseaux de prévention - médecine scolaire, médecine du travail, protection maternelle et infantile - ne relèvent pas du ministère de la santé et que des organismes comme la CNAMTS engagent également des dépenses à visée préventive.
En conséquence, nous aurions besoin d'un document retraçant l'ensemble des dépenses consacrées à la prévention. Vous voudrez bien nous dire, monsieur le ministre, quelles sont vos intentions en la matière.
La deuxième priorité de santé publique porte sur la lutte contre le cancer et la troisième sur le combat à mener contre la drogue et la toxicomanie.
Un nouveau plan quinquennal adopté pour la période 2004-2008 accorde une place centrale à la prévention, notamment en direction des jeunes et des adolescents, afin d'empêcher l'expérimentation des drogues ou, au moins, de retarder l'âge où elle survient.
J'en viens maintenant à la sécurité sanitaire.
Comme l'année dernière, la veille et la sécurité sanitaires restent des objectifs majeurs et supposent la poursuite de la réforme du dispositif d'alerte et de sécurité sanitaire, l'amélioration des systèmes d'information, dont vous nous avez déjà entretenus, monsieur le ministre, il y a quelques instants.
Ainsi, 116 millions d'euros sont destinés à ce programme, dont 93 millions pour les six agences nationales compétentes : AFSSAPS, Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, AFSSA, Agence française de sécurité sanitaire des aliments, AFSSE, Agence française de sécurité sanitaire environnementale, EFG, établissement français des greffes, INVS, Institut national de veille sanitaire, et ANAES, Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, auxquels se joindront en 2005 la Haute Autorité de santé et l'Agence de la biomédecine.
Le mouvement de clarification entamé en 2004 va dans le bon sens, mais doit être amplifié pour dénouer des enchevêtrements de compétences et éradiquer les défauts qui subsistent dans le dispositif général d'alerte et de veille sanitaire.
Enfin, la lutte contre le bioterrorisme et les situations exceptionnelles bénéficient de 3 millions d'euros de mesures nouvelles, destinées notamment à financer le fonds d'urgence créé par la loi relative à la politique de santé publique, les frais de fonctionnement des campagnes de vaccination en cas de crise et la surveillance continue des réseaux de distribution d'eau potable.
Ma deuxième question portera donc sur la sécurité sanitaire.
Les agences sanitaires, les instituts de recherche et les services du ministère ont pris des mesures préventives afin d'être en mesure de réagir rapidement en cas d'apparition d'une épidémie de grippe aviaire. On se souvient de l'alerte lancée à Nancy, voilà quelques jours. Nous aimerions connaître, monsieur le ministre, l'état de ces réflexions et les principaux éléments du plan arrêté sous votre autorité.
Le dernier axe du budget de la santé vise l'offre de soins et l'accès aux soins.
En cette matière, l'Etat doit s'assurer que le dispositif de soins répond aux besoins de santé de la population et veiller à la bonne répartition territoriale de l'offre, tant en structures hospitalières qu'en soins de ville.
Si les financements sont assurés par l'Etat et par l'assurance maladie, l'Etat doit conserver son rôle de stratège : il détermine la rationalisation de l'offre hospitalière dans le cadre du plan « Hôpital 2007 » et assure le financement des agences régionales de santé.
L'Etat est également en charge de l'organisation et de la régulation des professions de santé. Cette politique s'organise autour de trois axes principaux : d'abord, l'augmentation régulière du numerus clausus des différentes professions de santé ; ensuite, la volonté confirmée de favoriser la mise en réseau de la médecine de ville et de la médecine hospitalière ; enfin, le développement des expérimentations de coopération entre les médecins et les professions de santé, que nous avons eu l'occasion d'évoquer lors de l'examen de la loi relative à la politique de santé publique.
A ce stade, monsieur le ministre, je vous poserai une question d'actualité. Notre débat s'ouvre le jour de l'exil de certains médecins spécialistes à Barcelone.
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Ce geste, suivant celui des chirurgiens qui ont failli partir en Grande-Bretagne, met en exergue le malaise des praticiens libéraux. Le Gouvernement envisage-t-il de prendre des mesures spécifiques...
M. Roland Muzeau. Et les 20 euros en pleine campagne électorale !
M. Guy Fischer. Le père Noël va passer ! Vous allez les lâcher les 500 millions ! (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. ...ou laissera-t-il les partenaires conventionnels rechercher une solution au risque de provoquer un échec des négociations conventionnelles, indispensables à la maîtrise médicalisée des dépenses ?
Ces différentes remarques n'ont pas fait obstacle à ce que la commission des affaires sociales donne un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la santé pour 2005, ainsi qu'aux trois articles qui y sont rattachés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur Paul Blanc, je tiens à vous remercier des différentes appréciations que vous avez portées sur ce budget et de la qualité de votre rapport.
Je laisserai le soin à Mme Montchamp de vous répondre sur les questions nombreuses que vous avez posées sur la politique du handicap.
Vous mentionnez la dette de l'Etat vis-à-vis de la sécurité sociale et plus précisément les 177 millions d'euros dont l'Etat resterait redevable à la branche famille au titre de l'AAH et de l'API.
Je tiens tout d'abord à préciser que le projet de loi de finances rectificative pour 2004, qui sera prochainement débattu, prévoit le financement par l'Etat de 101 millions d'euros au titre du déficit prévisionnel 2004 de la dépense résultant de cette allocation.
Par ailleurs, je précise que, pour les caisses de sécurité sociale, qu'il s'agisse de la branche famille ou de l'assurance maladie que vous avez mentionnées, la comptabilité est tenue en droit constaté.
Ainsi, si les crédits correspondant au déficit prévisionnel de l'API ne sont pas inscrits en loi de finances cette année, le déficit constaté n'aura pas d'incidence sur les comptes mais bien sur la seule trésorerie de la CNAF. Je veillerai à ce qu'en fin d'exercice 2005 les crédits afférents à la dette de l'Etat au titre de l'API puissent être versés à la CNAF.
Monsieur Barbier, je tiens aussi à vous remercier de vos appréciations.
Je voudrais en premier lieu répondre à votre question sur la répartition des crédits dévolus aux politiques publiques que je conduis, aussi bien dans le champ de la santé, de la sécurité sanitaire, de la solidarité et de l'intégration.
Dans la perspective de la mise en oeuvre de la LOLF en 2006, j'ai d'ores et déjà engagé des expérimentations, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler.
Le Gouvernement a également produit des documents à destination du Parlement qui sont les avant-projets annuels de performances des programmes.
J'ai pu constater, à cette occasion, les efforts importants que nous devions fournir pour améliorer l'information à destination de la représentation nationale, et j'ai entendu ce que M. Jégou a dit tout à l'heure en commençant son propos.
Vous le savez, pour les politiques que je conduis, les modes de financement se complètent : financement budgétaire de l'Etat, des collectivités locales et des caisses de sécurité sociale.
Ce que vous me demandez finalement est d'améliorer la présentation des différents canaux de financement de ces politiques publiques. Je ne peux que souscrire à cette demande, monsieur le rapporteur pour avis.
Ce principe a d'ailleurs été le mien dans le cadre de l'élaboration de l'avant-projet annuel de performance du programme « Handicap et dépendance », dans lequel vous trouverez, par action, la part de l'intervention de l'Etat dans les six actions de ce programme au regard de la dépense publique globale sur ces politiques.
Dès lors, je m'engage à ce que les prochains documents budgétaires précisent de la même manière la part portée par l'Etat dans le financement public des politiques que je mène.
Vous m'avez également interrogé sur la grippe aviaire.
Parmi les menaces infectieuses auxquelles nous nous préparons, celle d'une pandémie grippale est redoutée. La grippe est une infection virale saisonnière, le plus souvent bénigne, réputée banale bien qu'elle entraîne chaque année plusieurs milliers de décès.
Le XXe siècle a connu trois pandémies grippales. La plus récente est la grippe de Hong-Kong, apparue en 1968, qui provoqua en France plus de 30 000 décès.
La grippe, pour vous, pour moi, n'est pas un sujet d'inquiétude. Pour une personne âgée, malade, affaiblie ou pour un malade grave, c'est tout le contraire.
La plus meurtrière des pandémies fut, en 1918, celle de la grippe espagnole, qui fit plus de vingt millions de morts dans le monde et qui toucha de 20% à 40 % de la population.
Bien qu'il ne soit pas possible de savoir quand se produira la prochaine pandémie, la situation actuelle apparaît préoccupante. Pourquoi ?
Depuis janvier 2004, est apparue, dans plusieurs pays d'Asie, une épizootie de grippe aviaire H5N1, très étendue et incontrôlée. Douze personnes sont mortes en Thaïlande, vingt au Vietnam, après avoir été contaminées directement par des volatiles malades. Il faut savoir que le virus se contracte non par leur ingestion mais à leur contact.
Bien que, à ce jour, aucun cas de transmission interhumaine n'ait été déclaré par l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, la question qui se pose est bien de savoir si une contamination interhumaine est possible.
Aujourd'hui, un seul cas d'une telle contamination est avéré, entre une mère et sa fille. Cependant, il a été estimé qu'il ne s'agissait pas, d'un point de vue épidémiologique, d'une contamination interhumaine efficace. En effet, une contamination interhumaine est dite efficace lorsqu'une personne infectée en contamine au moins 5, 10 ou 15 autres.
Le risque d'adaptation du virus aviaire à l'homme par réassortiment génétique est réel bien qu'impossible à évaluer. Cela dit, arrêtons de faire peur à la population, même si la situation, à un moment donné, en cas de réadaptation génétique du virus, pourrait être dramatique.
A ce titre, je tiens à préciser que le diagnostic de grippe aviaire évoqué chez une personne hospitalisée au centre hospitalier universitaire de Nancy à la suite d'un séjour au Vietnam et au Cambodge est écarté. Les résultats en provenance du centre national de référence, l'Institut Pasteur de Paris, sont négatifs.
Nous sommes mieux armés qu'avant pour faire face à cette menace.
Comme plusieurs autres pays, et en coordination avec l'OMS, la France a entièrement réactualisé, en début d'année, son plan de prévention et de lutte contre la pandémie grippale.
Le plan actuel est en application depuis le début de l'année et le niveau d'alerte a été majoré le 13 août lors de la réapparition de cas humains au Vietnam. Je l'ai présenté en conseil des ministres le 13 octobre dernier.
Un système de veille très efficace nous permet d'identifier immédiatement toute nouvelle souche virale chez l'animal ou chez l'homme, de surveiller ses variations génétiques et d'identifier un risque de nouvelle épidémie de grippe dès les premiers cas humains. L'OMS assure la coordination de cette surveillance et la mobilisation de l'expertise internationale, ce qui lui permet de fixer les niveaux d'alerte.
En France, la surveillance de la grippe repose sur deux centres nationaux de référence, l'Institut Pasteur de Paris et celui de Lyon, et sur deux réseaux de surveillance clinique, le réseau des groupes régionaux d'observation de la grippe, les GROG, et le réseau Sentinelles de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM. Evidemment, l'Institut national de veille sanitaire, l'INVS, y est associé.
Le vaccin constitue l'arme la plus efficace. Cependant, il ne pourra pas être disponible au début de la pandémie ; il ne le sera qu'au bout de quatre à six mois. Des discussions sont en cours avec les principaux producteurs de vaccins pour en déterminer les conditions de développement et de production.
L'autre arme, ce sont les antiviraux. Ils sont efficaces contre le virus de la grippe et contre la plupart des souches virales grippales Ces antiviraux doivent être disponibles en début de pandémie. Leur production mondiale étant limitée, il est donc nécessaire d'en avoir constitué des stocks.
Je fais partie de ceux qui ont demandé tout de suite aux producteurs de médicaments antiviraux que la France soit le premier pays à être prêt. Nous avons en constitué un stock très important, puisque nous avons acquis aujourd'hui près de quatre millions de traitements, dont huit cent mille sont immédiatement utilisables. Trois millions le seront dès avril 2005. Dix autres millions seront la propriété de l'Etat d'ici à la fin de l'année 2005. Nous disposerons à cette date des treize millions de traitements correspondant à l'évaluation de nos besoins.
A titre de comparaison, les Etats-Unis annoncent avoir acheté, fin août, un million de traitements alors qu'ils évaluent leurs besoins à cent fois cette quantité. Aucun autre pays que le nôtre n'a fait un tel effort.
En outre, les personnes voyageant dans les zones à risques sont informées. Une nouvelle série d'affiches, élaborées avec l'Institut national de la promotion et de l'éducation pour la santé, l'INPES, et l'INVS, seront disponibles le 1er janvier 2005 pour les voyageurs se rendant en Asie ou en revenant.
Enfin, les médecins et les infirmières sont également informés de la conduite à tenir. Ils doivent orienter les patients suspects vers les centres 15, qui ont été équipés pour les prendre en charge, en évitant la propagation du virus grâce, notamment, à la mise en place de procédures spécifiques sécurisées et à la mise à disposition de masques.
Monsieur Barbier, vous avez également évoqué les médecins spécialistes, dont les honoraires sont bloqués depuis dix ans. Vous avez aussi parlé des chirurgiens. Il est vrai que leur lettre KCC n'avait pas augmenté depuis quinze ans. Nous nous en sommes occupés en août dernier et nous continuons à le faire.
L'effet de la réforme de l'assurance maladie se fait déjà sentir. En effet, désormais, le directeur de la CNAM et le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM, peuvent négocier avec les syndicats. Nous sommes en présence d'un exécutif fort. Nous croyons, pour notre part, au dialogue social. Les différents syndicats représentatifs des médecins spécialistes et généralistes sont en pourparlers avec l'UNCAM et je suis persuadé que, dans l'intérêt général, ils aboutiront très vite à un accord pour le bien de toute la population française. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Guy Fischer. Et avec les médecins libéraux ?
M. François Autain. Ce sont quand même vos électeurs !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur Paul Blanc, vous demandez que soient précisées les dépenses de la Caisse nationale de solidarité autonomie, la CNSA, en 2005.
Les personnes handicapées, vous l'avez dit, ont fondé beaucoup d'espoirs dans le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Je souhaite qu'elles voient se concrétiser dès le début de l'année 2005, sans plus attendre, le droit à compensation.
Je partage votre souci d'une égalité de traitement sur l'ensemble du territoire. C'est pourquoi j'ai choisi, dans l'attente, d'une part, de la mise en place des maisons départementales et de leurs instances, d'autre part, de l'élaboration des différents référentiels, que la prestation de compensation soit mise en place dès le 1er janvier 2005, sous une forme anticipée. En premier lieu, l'allocation compensatrice pour tierce personne, l'ACTP, sera déplafonnée pour les personnes très lourdement handicapées ; en second lieu, le fonds d'intervention des sites pour la vie autonome sera abondé. Une somme de 280 millions d'euros a été réservée à cet effet.
Sont également prévues, en complément de l'anticipation de la prestation de compensation que je viens d'évoquer, des contributions aux créations de places : 48 millions d'euros pour les centres d'aide par le travail, les CAT, 110 millions d'euros pour les établissements et services du champ relevant de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, et 34 millions d'euros pour accélérer la mise en oeuvre du plan autisme, récemment présenté par le ministre de la santé et qui était très attendu.
La CNSA aidera également à l'installation des maisons départementales - car il faut les mettre en place - et à l'adaptation des outils informatiques Opales et Olympe, à concurrence de 50 millions d'euros.
Enfin, la CNSA commencera à fonctionner et mettra en place le système d'information et les outils de gestion et de pilotage de la prestation de compensation et de l'ONDAM. Vingt millions d'euros seront consacrés à ces actions. Pour les années 2006 et suivantes, les dépenses de la CNSA seront définies plus précisément, en application de l'article 26 nonies du projet de loi.
Cet article réserve les deux tiers des recettes de la CNSA à la prestation de compensation et à l'aide au fonctionnement des maisons départementales. Sachant que l'Etat apportera au groupement d'intérêt public les moyens de fonctionnement qu'il consacre aujourd'hui aux commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel, les COTOREP, aux commissions départementales d'éducation spéciale, les CDES et aux sites pour la vie autonome, l'essentiel de cette sous-enveloppe de la CNSA sera donc réservé à la prestation de compensation.
Le tiers restant des recettes de la CNSA, soit 300 millions d'euros en 2007, viendra appuyer le programme de créations de places.
Vous posez à juste titre la question du caractère subsidiaire de cette contribution. En effet, l'ONDAM médico-social continuera de progresser pour contribuer à financer ce programme de création de places.
Enfin, pour répondre à votre question relative à un éventuel transfert des ressources vers la CNSA, je souhaiterais vous dire que, grâce à cette caisse, le Gouvernement pourra, dans un premier temps, mettre en place une unité de gestion de tous ces crédits. Ainsi ne contrevient-on pas au principe de l'unicité des dépenses de l'assurance maladie.
Les crédits relatifs aux établissements et services médico-sociaux seront votés dans le cadre de l'ONDAM « personnes handicapées » fixé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais ils seront ensuite transférés vers la CNSA pour qu'elle les gère. Le contrôle du Parlement sur ces dépenses sera renforcé.
Je pense, comme vous, que la multiplicité des sources de financement a toujours été une gêne dans l'analyse des crédits consacrés à la politique du handicap, car la seule présentation des crédits budgétaires de l'Etat d'un côté, de ceux de l'ONDAM de l'autre, ne permet pas d'offrir une vision complète de l'effort de la nation en faveur des personnes handicapées.
Trois mesures vont améliorer la situation.
D'abord, la lisibilité d'ensemble et la mesure de la performance de l'effort public seront facilitées dès 2005 par l'approche de la loi organique relative aux lois de finances, démarche dont vous avez souligné les avancées dans votre rapport. J'ai obtenu que, dans l'avant-projet annuel de performance du programme « handicap et dépendance », soient présentés non seulement les crédits de l'Etat, mais aussi l'ensemble de la dépense publique dans ce domaine. Je vous invite à vous reporter à la page soixante-deux de ce document.
Je me félicite que, sur ce point, le programme « handicap et dépendance » soit pilote et inaugure de nouvelles pratiques de transparence. Aussi, je vous remercie d'avoir contribué à notre réflexion, en proposant d'améliorer certains indicateurs de résultats.
Ensuite, la réflexion que le Gouvernement conduit sur la réforme de la loi organique relative au projet de loi de financement de la sécurité sociale intègre précisément cette nécessité de retracer de façon précise les dépenses de la CNSA.
Enfin, et c'est inédit, la participation de certains de ses membres au conseil de la CNSA permettra au Parlement de surveiller directement l'utilisation de ces crédits.
Vous m'avez également interrogé, monsieur le rapporteur pour avis, sur le financement des établissements et vous avez formulé des propositions visant à parvenir à une meilleure maîtrise des dépenses de personnels des établissements.
Vous exposez à juste titre, dans votre rapport, les conséquences « déresponsabilisantes » de l'agrément par l'Etat des accords collectifs, et l'effet néfaste - il faut en avoir conscience - de la mise en oeuvre des trente-cinq heures dans le secteur médico-social, et ce au détriment du service que l'on doit aux personnes prises en charge dans les établissements.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Eh oui !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. L'état des lieux dressé ces derniers mois fait apparaître que ces deux facteurs ont été la cause d'une situation financière particulièrement difficile dans certains établissements.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. C'est vrai !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. Pour résoudre ce problème, j'ai fait réserver, dans l'ONDAM 2005, des enveloppes destinées à remédier aux situations les plus critiques. J'ai expressément demandé aux DDASS de s'y atteler dès le début de l'année 2005.
La situation des établissements en difficulté sera examinée au cas par cas, celle-ci étant différente de l'un à l'autre. De plus, il est important de définir une méthodologie sur ces questions.
Par ailleurs, cet examen doit s'accompagner d'une évolution structurelle, tendant, dans un premier temps, à une plus grande responsabilisation des gestionnaires. Les partenaires sociaux seront ainsi conduits à tenir davantage compte des enveloppes réellement disponibles.
Cela suppose une meilleure visibilité sur ces financements à moyen terme, de façon à assurer vis-à-vis des partenaires sociaux une totale transparence des efforts de financement consentis par les pouvoirs publics. Les préfets de région vont devoir élaborer, avec l'appui méthodologique et le cadrage financier de la CNSA, des programmes interdépartementaux pluriannuels. Les enveloppes financières à moyen terme seront ainsi connues de tous, ce qui doit guider les promoteurs de projet et les gestionnaires.
De plus, tous les établissements et structures gestionnaires qui bénéficieront d'un soutien financier exceptionnel se verront proposer une convention objectifs-moyens pluriannuelle. Et s'agissant des projets nouveaux, la procédure de l'appel à projets que vous préconisez devra être étudiée, car elle me paraît aller dans le même sens.
Les financeurs pourront choisir le projet qui assure le meilleur rapport qualité-prix et conclure avec le promoteur choisi un contrat à moyen terme avec une clause d'indexation prédéfinie. Le gestionnaire sera ensuite pleinement responsable de sa gestion.
Grâce à la responsabilisation des gestionnaires, à la simplification du dispositif institutionnel, à la construction d'un pilotage autour de la CNSA, à la visibilité à moyen terme de l'effort public et à la mesure de sa performance, sans oublier toutes les avancées apportées par la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées , je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, que l'année 2005 sera une année de transition, qui porte tous nos espoirs en une politique nouvelle en faveur des personnes handicapées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. Nous passons aux questions des orateurs des groupes.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion.
Le projet de loi de finances pour 2005 poursuit l'effort engagé avec le plan national de renforcement de la lutte contre la précarité et l'exclusion de 2003, et traduit financièrement l'accroissement de cet effort à travers le plan de cohésion sociale.
Le Gouvernement apporte ainsi une réponse claire aux fortes attentes, en termes de capacité et de prise en charge, de l'ensemble du dispositif d'accueil auxquelles nous sommes confrontés depuis quelques années.
Les raisons en sont multiples : explosion de la demande d'accueil des demandeurs d'asile, difficulté d'accès au logement social pour les personnes séjournant en CHRS alors qu'elles sont réinsérées dans la société, augmentation du nombre de jeunes en rupture familiale, de familles avec enfants et de femmes victimes de violences qui ont besoin d'une prise en charge adaptée.
Nous nous félicitons donc que le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la cohésion sociale, et adopté en première lecture par le Sénat, prévoie la création ou la transformation de 9 800 places d'accueil et d'hébergement d'urgence de 2005 à 2007.
Il s'agit tout d'abord des maisons-relais, qui constituent un outil de plus en plus important au sein des modes de prise en charge des personnes en situation de grande exclusion. A partir de 2005, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit une montée en charge du dispositif, permettant d'obtenir 6 000 places en 2007, ainsi qu'une majoration de l'aide accordée par l'Etat pour chaque place.
Quant aux centres d'accueil pour demandeurs d'asile, les CADA, qui assurent un hébergement et un accompagnement social et administratif aux demandeurs d'asile en cours de procédure devant l'OFPRA ou la CRR, le développement de leurs capacités d'hébergement se poursuit afin de répondre aux fortes demandes. L'objectif retenu, c'est-à-dire l'extension à 20 000 places en CADA en 2007, est réaliste.
La capacité des CADA est renforcée, en région parisienne, par le dispositif AUDA d'accueil d'urgence des demandeurs d'asile, par des dispositifs d'hébergement temporaire pour la période d'hiver, ainsi que par deux centres de transit de 80 et 86 places. La capacité d'hébergement a été multipliée par 2,5 depuis 2002, ce qui démontre bien la détermination du Gouvernement à agir concrètement sur ces dossiers.
Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale sont particulièrement visés dans le plan de cohésion sociale. Ces établissements publics ou privés prennent en charge des personnes ou des familles en grande difficulté économique, familiale, de logement ou d'insertion, afin de les aider à recouvrer leur autonomie. Leur rôle est de premier plan. Les services intervenants considèrent, en effet, que la prise en charge est bien meilleure lorsque les personnes aidées sont hébergées dans les CHRS, plutôt que dans des chambres d'hôtel, car il s'avère très difficile dans ce dernier cas d'effectuer un véritable accompagnement.
En 2005, la dotation antérieure de 437,3 millions d'euros est maintenue et abondée par de nouveaux crédits dans le cadre du plan de cohésion sociale.
La création de 300 places nouvelles de CHRS sera financée par des crédits d'un montant de 4 millions d'euros, et la transformation de 500 places d'hébergement d'urgence en places de CHRS par des crédits s'élevant à 2,3 millions d'euros.
De façon générale, le besoin d'hébergement en CHRS augmentera, car le nombre de publics éligibles devrait progresser, notamment à la suite de l'accueil des personnes ayant échappé à la prostitution et de celles qui sortent de détention. Cependant, les informations dont nous disposons demeurent peu précises.
Par ailleurs, les femmes victimes de violences doivent aussi pouvoir être hébergées provisoirement en CHRS, si cela s'avère nécessaire.
En revanche, ainsi que vous l'avez exprimé à plusieurs reprises, madame le ministre, les CHRS ne doivent plus héberger les publics relevant du logement social, et vous avez su faire adopter des mesures allant dans ce sens dans le projet de loi de cohésion sociale.
Le budget consacré à l'hébergement des personnes en situation de grande exclusion est très satisfaisant. Toutefois, je regrette que nous manquions de données statistiques récentes concernant la population accueillie dans ces différents lieux d'hébergement, car elles permettraient d'anticiper les besoins futurs et de cibler les directions vers lesquelles nous devrions concentrer nos efforts.
Je souhaite donc connaître, madame le ministre, les initiatives que vous comptez prendre pour améliorer la connaissance statistique des publics présents et futurs visés par ces dispositifs.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Madame le sénateur, vous évoquez le manque de données statistiques récentes concernant la population accueillie dans les différents lieux d'hébergement.
Je conviens qu'il existe un besoin d'actualisation des données recueillies sur ces populations. En effet, cette connaissance des publics est fondamentale pour mener une politique adaptée à leurs besoins. Je souligne néanmoins que le ministère suit de manière détaillée depuis 1994, par le biais de tableaux de bord, le profil sociologique des publics accueillis en CHRS. Les dernières données disponibles, relatives aux années 2000 et 2001, feront donc l'objet d'une actualisation.
Par ailleurs, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, réalise une enquête relative à l'année 2004 sur les services et établissements accueillant les personnes en difficulté.
Les derniers résultats statistiques connus font apparaître que la population des 16-25 ans représente 29 % de la population accueillie, les 25-44 ans, 31 %, et les 45-59 ans, 40 %. Par ailleurs, 60 % de ces personnes étaient inactives ou au chômage, les autres ayant un contrat de travail partiel.
La durée moyenne de séjour dans les CHRS est de 92 jours pour une personne isolée, mais de 107 jours pour une famille. Enfin, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances et de l'expérimentation dès 2005 du programme « Politiques en faveur de l'inclusion sociale », cet effort de suivi statistique devra être renforcé.
De nouvelles procédures sont actuellement mises en oeuvre afin de suivre des objectifs et de créer des indicateurs de moyens, d'activité et de performance. Ainsi, un suivi spécifique lié à la progression des places d'hébergement et au taux de sortie des personnes accueillies, des hébergements vers le logement social, sera mis en place.
S'agissant des demandeurs d'asile, la question ne se pose pas dans les mêmes termes puisque, par nature - sauf pour la période limitée nécessaire à la sortie de ces personnes dès lors qu'elles sont déboutées de leur demande -, les CADA n'accueillent qu'une catégorie de public. Un suivi statistique est par ailleurs effectué par l'Office des migrations internationales, qui assure depuis 2004 la coordination du dispositif national d'accueil, fonction exercée précédemment par l'association France Terre d'asile.
Telles sont les réponses que je souhaitais vous apporter.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Très bien !
Mme Isabelle Debré. Je vous remercie, madame le ministre.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mesdames les secrétaires d'Etat, mes chers collègues, depuis le passage aux 35 heures, les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux à but non lucratif ont créé 9 000 emplois. (Murmures sur les travées du groupe CRC.)
C'était le départ d'une nouvelle période. Je ne critique pas les 35 heures, ne vous excitez pas ! Laissez-moi parler !
M. Roland Muzeau. Nous n'avons rien dit !
M. Guy Fischer. Ne commencez pas !
M. Philippe Nogrix. J'ai entendu un borborygme ! (Sourires.)
Ces emplois ont été financés, d'une part, par des allégements de charges sociales et, d'autre part, par un gel des salaires.
Aujourd'hui, en raison de l'évanouissement programmé des deux ressources ayant permis leur financement, les 9 000 emplois créés risquent de disparaître ou de plonger les finances des départements dans le rouge, ce qui ne manquera pas de vous inquiéter, monsieur Cazeau.
Les lois Aubry prévoyaient que, cinq ans après la mise en place des 35 heures dans ces établissements, les baisses de charges disparaîtraient.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Eh oui !
M. Philippe Nogrix. Or, ce délai arrivera à échéance en 2005 pour la plupart des établissements. Certes, la loi Fillon prendra le relais, mais pour des montants bien moindres.
Le problème est plus grave dans le privé qu'à l'hôpital : à tâches égales, en effet, les hôpitaux supportent des charges sociales d'un montant bien moins élevé que celles des établissements privés.
Par ailleurs, les salariés des établissements de santé à but non lucratif demandent une revalorisation de leur salaire. Ils s'appuient sur le fait que, dans le secteur hospitalier, les 35 heures ont été mises en place sans baisse de salaire. A l'hôpital, l'Etat a entièrement compensé la création des nouveaux emplois, sans effort des salariés.
La situation des établissements sanitaires et médico-sociaux privés à but non lucratif est encore aggravée par le passage à la tarification à l'activité. En effet, ce mode de financement aboutira à attribuer des fonds en fonction de l'activité des établissements, sans prendre en compte les différences de charges pouvant exister entre eux.
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ma collègue Valérie Létard avait interrogé M. le ministre de la santé sur ce grave problème. Il lui avait été répondu que ces établissements bénéficieraient de l'enveloppe d'aide de 300 millions d'euros récemment débloqués. Une telle réponse n'est à l'évidence pas satisfaisante.
En effet, d'une part, ces 300 millions d'euros sont destinés aux établissements publics et, d'autre part, même pour les seuls hôpitaux, ces crédits sont largement insuffisants.
La Fédération hospitalière de France estime les besoins, pour le seul hôpital public, à 650 millions d'euros. Dans ces conditions, la facture pour les départements risque d'être très salée, de l'ordre de 200 millions d'euros.
Madame le secrétaire d'Etat, je vous le demande de nouveau au nom du groupe de l'Union centriste : comment envisagez-vous de sortir de cette crise ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. Vous avez raison, monsieur le sénateur, de souligner l'effet calamiteux de la loi sur les 35 heures, qui a été appliquée sans discernement aux établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. Nous mesurons aujourd'hui toute la difficulté de réaliser les gains de productivité imposés dans des établissements où la nature du service aux usagers impose une permanence de l'assistance, requise par la situation même des personnes accueillies.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. Je rappelle que les établissements qui avaient anticipé, dès la loi du 13 juin 1998, la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail ont pu bénéficier d'incitations financières sous la forme d'une aide forfaitaire dégressive sur cinq ans, leur permettant de s'organiser en conséquence.
Quant aux établissements qui appliquaient un accord collectif et qui s'engageaient à créer ou à préserver des emplois, ils ont bénéficié d'un allégement permanent de charges sociales dégressif dont le montant se situe entre le SMIC et 1,8 SMIC.
La loi du 17 janvier 2003 a fixé une période transitoire, qui doit durer jusqu'au 30 juin 2005, et un régime unique entrera en vigueur à compter du 1er juillet 2005.
Or, comme le souligne M. Paul Blanc dans son excellent rapport, 80 % des établissements médico-sociaux ont signé un accord de réduction du temps de travail relevant de la loi Aubry I : ils sont donc plus particulièrement touchés par la disparition de l'aide forfaitaire au poste prévue par cette loi.
Conscient que, dans le secteur médico-social à but non lucratif, les marges de manoeuvre permettant de dégager des gains de productivité sont restreintes, j'ai demandé à mes services d'entreprendre, entre juin et septembre 2004, une consultation des fédérations d'employeurs du secteur, afin de dresser un état des lieux des besoins de financement et de s'assurer de la pérennisation des emplois.
Cet état des lieux montre que les 35 heures ne sont pas la seule cause des difficultés des établissements. La situation est donc relativement complexe.
L'année 2003 a marqué la fin de la période de modération salariale forcée qui avait accompagné la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans les établissements sociaux et médico-sociaux. C'est ainsi que le coût de l'application, en 2003, des accords collectifs a presque été multiplié par trois, tandis que la masse salariale en 2004 est grevée par le poids des accords collectifs agréés les années précédentes
C'est pourquoi j'ai fait réserver dans l'ONDAM 2005 des enveloppes pour remédier aux situations les plus critiques. Les DDASS, comme je l'ai déjà dit en répondant à M. Paul Blanc, s'y attelleront dès le début de l'année 2005.
Je veux que l'examen au cas par cas de la situation des établissements en difficulté s'accompagne d'une double évolution.
Il faut, d'abord, une plus grande responsabilisation des gestionnaires. Ainsi, les partenaires sociaux seront conduits à tenir davantage compte des enveloppes réellement disponibles.
Cela suppose, ensuite, une meilleure visibilité à moyen terme, de façon à assurer vis-à-vis des partenaires sociaux une totale transparence des efforts de financement consentis par les pouvoirs publics. Tous les établissements et structures gestionnaires qui bénéficieront d'un soutien financier exceptionnel se verront donc proposer une convention objectifs-moyens pluriannuelle.
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
Je pense que nous sommes tous préoccupés par le maillage territorial, tant il est souvent fait référence à la disparition des services publics, à la fermeture, ici et là, de bureaux de poste, d'agences postales. Il serait terrible que ce mouvement vienne à toucher le secteur de la santé.
M. Guy Fischer. Cela a déjà commencé !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Mais non !
M. Philippe Nogrix. Si cela a commencé, à qui la faute?
M. Guy Fischer. Vous avez accéléré la décentralisation !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Si vous aviez ouvert le numerus clausus, on n'en serait pas là !
M. Philippe Nogrix. Allez-vous encore prendre un peu plus dans la poche des Français, monsieur Fischer ?
Ce qui est intéressant, c'est d'essayer de trouver le moyen de continuer à renforcer le maillage, ce qui implique tout autant les deux secteurs, le privé et le public, cliniques et hôpitaux, chaque élément ayant son importance.
Les mesures que vous avez prises, madame le secrétaire d'Etat, permettront, je l'espère, le maintien de ce maillage, sauf à condamner les Français à payer, une fois encore, une conséquence des 35 heures.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, avec cette loi de finances pour 2005, le Gouvernement prétend concentrer ses efforts sur les crédits consacrés à la solidarité, et ce, selon ses dires, malgré les « énormes contraintes budgétaires ».
Face à de telles déclarations, il serait opportun de nous éclairer sur la nature de ces fameux « efforts ». Prenons le cas des personnes âgées, notamment des personnes âgées dépendantes : qu'est devenu le plan vieillissement et solidarité, ce prétendu grand projet voulu par le Premier ministre et destiné à prendre en charge correctement les personnes âgées dans ce pays ?
Ce plan vieillissement et solidarité, mis en place quelques mois après la canicule d'août 2003, qui fit, rappelons-le, environ 15000 morts, principalement des personnes âgées, prévoyait notamment une journée de travail supplémentaire non payée, dite « journée de solidarité », pour financer la dépendance des personnes âgées et handicapées, ainsi que des créations d'emplois pour encadrer les personnes âgées. C'est dans ce contexte qu'a été instaurée la CNSA.
Or, nous sommes très loin des annonces du Premier ministre, qui promettait 9 milliards d'euros sur cinq ans pour les activités sanitaires et sociales au service des personnes âgées et des personnes handicapées, dont la moitié pour les premières.
En effet, l'ONDAM prévu pour les personnes âgées en 2004 est en augmentation de 100 millions d'euros, soit un montant total de seulement 420 millions d'euros de crédits d'assurance maladie.
Parallèlement, le ministre de la santé, M. Douste-Blazy, a décidé d'un plan Alzheimer. Destiné à améliorer la prise en charge des personnes atteintes par cette maladie, il est doté d'un montant de 88 millions d'euros, sans que, selon nous, des ressources supplémentaires aient été dégagées. Cela signifie donc que cette somme est à prélever sur l'enveloppe globale de l'assurance maladie et qu'il reste, en fait, seulement 12 millions d'euros de crédits supplémentaires pour les personnes âgées en 2005. Si nous ne nous trompons pas dans notre analyse, cela signifie que les Français travailleront non pas une journée, ni même une demi-journée de plus pour leurs aînés, mais seulement une heure, dirais-je si je voulais caricaturer...
Il faut ajouter à cela la disparition d'environ 5000 emplois jeunes que le Gouvernement a refusé de prolonger et dont le coût s'élevait à 170 millions d'euros. On se retrouve donc, en 2005, avec un personnel moins nombreux qu'en 2003, année de la canicule. A titre d'exemple, rappelons qu'en France on compte quatre professionnels pour dix personnes âgées, contre huit en Allemagne et beaucoup plus en Suisse, aux Pays-Bas ou en Suède.
Par ailleurs, avant la canicule, l'Etat mettait « au pot commun » environ 300 millions d'euros de crédits supplémentaires par an. Or, en 2005, le revenu tiré de la caisse « jour férié » est venu en partie se substituer à l'effort que faisait le Gouvernement. En somme, ce que le Gouvernement donne d'un côté, il le reprendrait de l'autre.
Aujourd'hui, un million de personnes ont plus de 85 ans ; dans cinq ans, ils seront 450 000 de plus. Après avoir, à notre sens, discrètement sabordé le plan « vieillissement et solidarité », comment comptez-vous financer la prise en charge de nos concitoyens les plus âgés ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, puisque vous voulez une mise au point, permettez-moi de vous rappeler que le plan « vieillissement et solidarité » a effectivement été annoncé, en novembre 2003, par M. le Premier ministre.
Ce que je vous propose, dans un premier temps, c'est de revenir sur l'exercice 2004.
Alors qu'il était prévu 2 500 créations de places, 3 600 ont été créées : 1 125 l'ont été, comme prévu, en termes d'accueil de jour et 2 125, comme prévu également, en hébergement temporaire. Pour les services de soins infirmiers à domicile, 4 250 places ont été créées. Cela signifie que le plan « vieillissement et solidarité » a été tenu sur l'exercice 2004.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Eh oui !
Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat. Je vous l'accorde, il subsiste un point de difficulté, celui de la signature des conventions tripartites, dont l'origine n'est pas budgétaire. En effet, les crédits de l'Etat sont là.
Nous avons, en revanche, des problèmes...
M. Guy Fischer. Avec l'assurance maladie !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Les départements socialistes !
Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat. Nous nous heurtons également à un effet de seuil avec les établissements de moins de quarante lits.
C'est la raison pour laquelle je réunirai mercredi les vingt-cinq DDASS les plus en difficulté pour identifier les problèmes en vue de réaménager les solutions. Je suis consciente, comme vous, que les besoins sont importants. Pour autant, je le répète, les moyens sont là.
Sur le budget 2005, l'ONDAM médico-social est en augmentation de 11 %. Nous reporterons en même temps les crédits non consommés qui étaient issus des conventions tripartites. Ce n'est pas de gaîté de coeur, mais autant pouvoir les reporter et profiter de moyens supplémentaires. Sachez que Philippe Douste-Blazy et moi-même sommes déterminés à ce que ces conventions soient signées, car elles sont un élément tout à fait important.
Enfin, je confirme ce qu'a dit Philippe Douste-Blazy, lors de son audition devant la commission des affaires sociales : nous souhaitons qu'une partie des crédits de la CNSA qui n'auraient pas été utilisés au titre des exercices 2004 et 2005 puissent être consacrés en priorité à la modernisation des maisons de retraite. En effet, nous en sommes en retard sur les contrats de plan, dont le taux d'exécution n'est que de 35%.
Vous le voyez, l'Etat a la volonté de faire un effort tout particulier. En termes d'emplois, vous connaissez la volonté de M. le Premier ministre de travailler sur le plan des services à la personne. Ce sera l'occasion, certes, de créer de nouveaux emplois, mais surtout de mettre en place de vrais emplois au service des personnes âgées, porteurs de véritables perspectives de carrière, ce qui n'a pas toujours été le cas. (M. le rapporteur pour avis applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Si je reprends la parole, c'est parce que, au-delà du tableau qui mérite, bien sûr, d'être vérifié...
M. Guy Fischer. ..., je tiens à attirer l'attention de Mmes les secrétaires d'Etat sur un point particulier, la maladie d'Alzheimer
Aujourd'hui, M. le ministre nous a annoncé un plan.
A l'heure actuelle, la charge - terrible ! - est supportée essentiellement par les familles. La situation est dramatique dans la mesure où, nous le savons tous, à un certain stade de la maladie, elles ne peuvent absolument plus faire face, à leur domicile, aux problèmes qui se posent.
On constate un décalage véritable, pour ne pas dire une absence. A l'heure actuelle, les malades sont accueillis dans des cantous ; le nombre de places ne peut qu'y être insuffisant au regard des besoins, qui sont très nombreux.
En outre, je voudrais insister sur le fait qu'il est absolument nécessaire de se pencher sur la localisation des places à créer, notamment dans les zones urbaines les plus récentes. On y recense, en effet, des déficits par rapport aux besoins recensés qu'il est d'autant plus impératif de combler que l'attente s'est prolongée très, très longtemps ! En effet, on sait qu'aujourd'hui il faut, non pas une ou deux années, mais cinq ans, voire, plus, pour construire un EPAD, établissement public d'aménagement et de développement.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la permanence des soins.
Pour tenir compte des propositions formulées par le groupe de travail animé par le sénateur Charles Descours, la permanence des soins en médecine ambulatoire a été réorganisée par les décrets du 15 septembre 2003 complétés par l'arrêté et la circulaire du 12 décembre 2003.
Ces textes constituent un point d'équilibre permettant de concilier l'obligation déontologique qui s'attache à l'exercice médical en matière de permanence des soins et une mise en oeuvre souple, fondée sur le volontariat.
Ils organisent un découpage en secteurs de chaque département, définissent les plages horaires couvertes par la permanence des soins et posent le principe de la régulation préalable des appels via le centre 15, qui apprécie le degré d'urgence de l'intervention.
Un premier état des lieux, réalisé dans le cadre de la commission « urgences » durant l'été 2004, montre une situation contrastée entre les départements.
Globalement, on peut dire que la majorité d'entre eux sont sectorisés ; dans un bon nombre, le cahier des charges est soit arrêté ou finalisé, soit en cours d'élaboration. En revanche, près de 600 secteurs sur une quarantaine de départements ne sont pas couverts par un médecin de permanence ou ne le sont plus au-delà de minuit. Ils fonctionnent selon des horaires variables d'un département à l'autre.
Malgré des avancées certaines, on ne peut pas dire que la permanence des soins est aujourd'hui assurée sur tout le territoire.
Les causes en sont évidemment multiples. D'abord, le profil sociologique des médecins a évolué. Ils aspirent, comme le reste de la société, à davantage de temps disponible, ce qui n'est pas sans incidence sur leur participation active aux gardes.
Ensuite, la rémunération des astreintes, fixée à 50 euros pour douze heures, n'est pas très attractive.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Et on le doit à qui ? A M. Ralite !
M. Gilbert Barbier. Enfin, il est vrai que le nombre des médecins libéraux ne correspond plus aux besoins de la population, en raison d'un numerus clausus universitaire qui est longtemps resté trop restrictif.
Afin de rendre plus efficiente l'organisation de la permanence des soins, les partenaires conventionnels ont engagé une réflexion qui a abouti à la signature, en août, de l'avenant n°14 à la convention nationale des médecins généralistes.
Celui-ci instituait notamment une revalorisation de l'astreinte, différenciée selon la période et modulée en fonction du nombre d'actes effectués, des actes eux-mêmes sensiblement majorés. Certains syndicats non signataires de l'accord ont fait valoir que si la rémunération se justifie par la disponibilité des médecins qu'elle suppose, cette disponibilité ne saurait avoir un prix variable.
De plus, l'accord signé au mois d'août dernier par les chirurgiens a institué une rémunération fixe de l'astreinte à hauteur de 150 euros, ce qui a aussitôt amené les médecins généralistes libéraux à dénoncer une logique du deux poids, deux mesures.
Vous avez pris la décision, monsieur le ministre, de ne pas approuver en l'état l'avenant n° 14. Au-delà des motifs juridiques que vous avez invoqués, je crois que vous avez eu raison d'adopter cette attitude, car outre qu'il convient de revoir la rémunération des astreintes, de nombreuses autres questions doivent maintenant trouver une réponse adéquate, notamment celle de la participation à la permanence des soins des spécialistes autres que les chirurgiens...
M. Bernard Cazeau. Ils sont à Barcelone !
M. Gilbert Barbier. ... et des médecins exerçant au sein d'associations d'urgentistes ou de maisons médicales de garde, ainsi que celle des plages horaires couvertes par la permanence des soins. A cet égard, tous les acteurs soulignent que, passé minuit, mieux vaudrait confier cette permanence à un seul intervenant, compte tenu du très faible nombre d'actes à effectuer.
Au nombre de ces problèmes à résoudre figure aussi et surtout celui de la faible attractivité des zones rurales, qui s'explique pour partie par des conditions d'isolement et d'éloignement des centres hospitaliers rendant très contraignante la permanence des soins. Vous avez chargé la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins de faire des propositions en vue d'aménager les dispositions réglementaires concernant la garde, en particulier afin de prendre en compte les conséquences de la réforme de l'assurance maladie, qui donne compétence, dans ce domaine, aux toutes nouvelles missions régionales de santé, constituées des agences régionales de l'hospitalisation et des URCAM, les unions régionales de caisses d'assurance maladie. La direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins a rendu ses conclusions récemment, et des négociations conventionnelles devraient s'engager à la fin de la semaine. Je souhaiterais que vous nous exposiez la situation sur ce plan, monsieur le ministre.
Enfin, je soulèverai une question annexe relative aux travaux de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, qui rouvrent inévitablement le débat sur le recours à des mesures autoritaires. A cet égard, les médecins s'inquiètent d'une possible remise en cause de la liberté d'installation. Pouvez-vous leur assurer que vous ne reviendrez pas sur ce principe ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur Barbier, je servais déjà, voilà dix ans, au ministère de la santé, au côté de Mme Veil. Je puis vous dire que si un sujet de préoccupation nouveau est apparu depuis cette époque, c'est bien celui de la démographie médicale. Les conseillers généraux représentant le monde rural, les députés, les sénateurs, les maires interrogent de plus en plus souvent le ministère de la santé sur ce point. Est-il normal, demandent-ils, que, dans un système dont le financement est collectivisé par le biais de l'assurance maladie et où la médecine privée n'est donc pas vraiment libérale, certaines zones du territoire soient dépourvues de médecins ?
Cela nous ramène à la problématique des maisons médicales, de l'intervention de l'assurance maladie, de l'aide apportée par l'Etat et par les collectivités territoriales, des dispositions du projet de loi « Gaymard » relatif au développement des territoires ruraux. M. Jean-François Mattei avait lui aussi travaillé sur ce dossier. C'est là un sujet d'une importance majeure, parce que l'opinion publique finira par se rendre compte que nous n'avons pas, jusqu'à présent, apporté de réponse aux difficultés.
En ce qui concerne la pénurie de médecins en certains points du territoire, une solution a priori simple pourrait consister à revenir sur la liberté d'installation. Ce n'est pas un sujet tabou ! A la limite, pourquoi ne pas dire aux actuels lycéens de terminale ou étudiants en médecine de première année que, à l'avenir, les médecins ne seront plus libres de s'installer où ils le voudront ? Cependant, la situation est complexe, car si une telle décision était prise, on verrait subitement se multiplier le nombre des cabinets médicaux à Menton, à Cannes, à Nice, à Toulouse... Devrions-nous alors sélectionner les candidats à l'installation en fonction du compte en banque de leur grand-mère ? On me suggère, à cet égard, de m'inspirer des règles qui régissent l'implantation des pharmacies, mais le prix d'une pharmacie n'est pas tout à fait le même dans le nord et dans le sud de la France.
Le sujet est donc très délicat. Aujourd'hui, il me semble souhaitable de maintenir la liberté d'installation des médecins, à la condition qu'un véritable dispositif soit mis en place et que Bercy cesse de modifier en permanence le décret. Quoi qu'il en soit, il existe effectivement des zones désertifiées sur le plan médical, et il conviendra d'aider les médecins à s'y installer,...
M. Guy Fischer. Oui !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. ... dans le secteur libéral comme dans le secteur hospitalier.
Cela me donne d'ailleurs l'occasion de souligner qu'une coopération entre le public et le privé est nécessaire et que la guerre entre l'hôpital public, d'un côté, et la médecine libérale, de l'autre, doit cesser. (Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit.) On ne peut plus se permettre une telle opposition, y compris au regard de la démographie médicale. Il faut, à l'évidence, instituer une complémentarité.
Dans cette perspective, j'ai demandé au directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins de définir un cahier des charges en concertation avec tous les partenaires travaillant avec les préfets au sein des CODAMUPS, les comités départementaux de l'aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires. Les travaux avancent et devraient faire l'objet d'un décret en Conseil d'Etat au début de 2005. Sur la base de ces modifications, les modalités de la rémunération de la permanence des soins et de la régulation des appels pourront être fixées dans le cadre conventionnel.
En ce qui concerne là encore la liberté d'installation des médecins, je voudrais évoquer, au titre des mesures prises afin d'inciter les médecins à s'implanter dans les zones déficitaires, l'aide conventionnelle versée par l'assurance maladie et prévue par la loi relative à l'assurance maladie, votée au cours de l'été dernier, l'aide modulable versée par l'Etat dans le cadre d'un contrat d'installation ou de regroupement, qui peut aller jusqu'à 10 000 euros par an pendant cinq ans, et enfin l'aide des collectivités territoriales prévue dans le présent texte, qui offre un cadre juridique d'action aux collectivités souhaitant s'associer aux aides de l'assurance maladie et de l'Etat.
En ce qui concerne le numerus clausus, nous avons fait l'erreur, pendant des années, de laisser le leadership, en cette matière, au ministère chargé de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur.
M. Bernard Cazeau. Le MICA !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. La question n'est pas là, monsieur Cazeau, elle est de savoir combien de places seront ouvertes en première année de médecine en vue du passage en deuxième année. Cela n'a rien à voir avec le mécanisme d'incitation à la cessation anticipée d'activité. Le numerus clausus pour les études de médecine était de 5 000, j'ai demandé à ce qu'il soit porté à 7 000, parce qu'un problème majeur de démographie médicale va se poser. Il en va de même pour le recrutement d'élèves infirmiers, que M. Bernard Kouchner avait d'ailleurs commencé à accroître, l'objectif étant de passer à 30 000 places.
La recherche d'une meilleure répartition territoriale des médecins se traduit également par un assouplissement des conditions d'exercice. Le conseil national de l'Ordre des médecins vient ainsi de proposer une nouvelle rédaction de l'article 85 du code de déontologie, visant à favoriser la création de cabinets multisites, en vue d'améliorer ou de maintenir l'accès aux soins.
Enfin, je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il faut mettre un terme à la politique de fermeture des hôpitaux locaux.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Pendant vingt-cinq ans, nous avons certes été obligés de procéder à une restructuration, et il faut aujourd'hui accepter que seuls quelques hôpitaux disposent de plateaux techniques de très haut niveau. En revanche, nous devons permettre aux gens de vivre chez eux, et par conséquent maintenir des hôpitaux locaux et des maisons de retraite médicalisées. Sinon, une personne âgée de quatre-vingt-cinq ans et atteinte d'une phlébite devra être hospitalisée à cinquante ou à cent kilomètres de chez elle. Elle se trouvera alors coupée de sa famille et de ses amis et perdra l'envie de vivre. Soyons donc humanistes à ce niveau aussi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Le problème soulevé est évidemment très délicat, mais je voudrais souligner que les dispositifs contraignants qui ont été imposés dans des pays voisins du nôtre, par exemple en Allemagne, ont amené des échecs complets.
Il convient plutôt de rechercher des solutions de type libéral : mise en place d'un statut du médecin collaborateur, regroupement de plusieurs praticiens sur un site unique avec exercice alterné, pour permettre la permanence des soins, autorisation d'exercice dans des lieux multiples. Ce sont là des formules qui devraient pouvoir constituer une première réponse, me semble-t-il, avant que le relèvement du numerus clausus ne permette de satisfaire les besoins sur l'ensemble du territoire.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits consacrés à la santé, aux personnes âgées et aux handicapés devraient être de 8,63 milliards d'euros en 2005, c'est-à-dire qu'ils connaîtront, à périmètre constant, une baisse de 0,39 % par rapport à 2004.
Le budget qu'il est prévu d'allouer pour 2005 au programme « santé publique et prévention » marque certes une progression, mais si l'on y regarde d'un peu plus près, on constate que les crédits, essentiellement destinés aux pathologies à forte mortalité, seront en réalité presque exclusivement consacrés à la mise en oeuvre du plan cancer, avec notamment 21 millions d'euros supplémentaires. Cela est déjà important, me dira-t-on. On peut s'en féliciter, c'est vrai, mais il ne faut pas pour autant négliger les autres pathologies.
Aujourd'hui, je souhaite intervenir sur deux thèmes qui me tiennent particulièrement à coeur : le sida et la toxicomanie.
Comme vous le savez, le sida est tristement d'actualité, car jamais les chiffres n'avaient été aussi alarmants : 6 000 diagnostics de séropositivité ont été portés en un an, les femmes, originaires d'Afrique subsaharienne pour la moitié d'entre elles, représentant 43 % de ces nouveaux cas.
Le 1er décembre dernier a eu lieu la journée mondiale du sida. M. le Premier ministre a promu la lutte contre le sida grande cause nationale, mais quelles nouvelles actions prévoyez-vous de mettre en place, monsieur le ministre, outre la rediffusion des spots de la campagne contre le sida de l'été de 2004 ? Quels financements supplémentaires envisagez-vous de mobiliser ?
Sur le plan international, la France se désengage. Le Président Jacques Chirac avait fait une promesse lors de la réunion du G8 à Gênes, en 2001, selon laquelle « le Fonds mondial devrait bientôt atteindre 10 milliards de dollars par an ». Or, lors d'une conférence de presse de l'ONUSIDA, Mme Mireille Guigaz, ambassadrice de la France au Fonds mondial de lutte contre le sida, a admis publiquement que la promesse de Jacques Chirac ne sera pas tenue. Pendant ce temps, 10 000 personnes meurent chaque jour du sida dans le monde.
A l'échelon européen, les crédits prévus pour la lutte contre le sida sont en baisse, alors même que le nombre de personnes vivant avec cette maladie ne cesse d'augmenter en Europe occidentale. Elles étaient environ 108 000 au 30 juin 2003.
En France, on se félicite de la décision du Gouvernement de proclamer la lutte contre le sida grande cause nationale pour 2005. C'est là la moindre des mesures que pouvait concéder le Gouvernement au vu des statistiques préoccupantes disponibles, à l'échelon tant du monde - 40 millions de personnes seraient touchées d'après le récent rapport d'ONUSIDA - que de notre pays, où les derniers chiffres rendus publics par l'Institut national de veille sanitaire montrent une nette recrudescence des contaminations.
En France, aujourd'hui, il faut le dire, on ne contrôle pas l'épidémie, car elle reste active, avec quelque 6 000 nouveaux diagnostics de séropositivité en 2003, dont 2 000 infections remontant à moins de six mois.
De plus, les crédits destinés à la lutte contre le sida, qui atteindraient 64 millions d'euros, stagnent depuis 1999. Pour 2005, ils sont tout simplement reconduits, alors que la lutte contre le sida a été déclarée grande cause nationale. Si le Gouvernement a réellement décidé de mettre en oeuvre une politique volontariste de lutte contre le sida en 2005, il est essentiel que de nouvelles mesures soient prises pour combattre ce fléau.
Comme je le disais précédemment, le fait que les crédits destinés à financer la lutte contre le sida soient regroupés sous l'intitulé « pathologies mortelles », qui vise aussi d'autres pathologies, telles que le cancer, ne favorise pas la transparence dans l'affectation des moyens.
A cet égard, je m'associe aux propos de notre rapporteur pour avis, M. Gilbert Barbier, selon lesquels « il faut être particulièrement vigilant pour qu'au cours des prochains mois la politique de prévention soit mieux définie, ses différents partenaires clairement identifiés et ses crédits précisément déterminés ».
Quant à la lutte contre la toxicomanie, qui concerne l'alcoolisme et le tabagisme, les budgets de la MILDT, la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, ont souffert, en 2004 comme en 2003, de gels et d'annulations de crédits. Une réduction des crédits à hauteur de 38 000 euros est prévue pour 2005.
Comment, dès lors, appliquer une politique efficace si, chaque année, les crédits sont gelés, annulés ou voués à stagner ? Comment comptez-vous mettre en oeuvre le plan gouvernemental pour la période 2004-2008 ? Qui peut nous assurer que les crédits votés aujourd'hui seront bien disponibles demain ? Il est par ailleurs regrettable que la révision de la loi de 1970, pourtant annoncée, ait été reportée à une date inconnue.
Je voudrais en outre vous interroger, monsieur le ministre, sur la politique de veille et de sécurité sanitaires du Gouvernement, afin de m'assurer qu'elle constitue bien une priorité.
Récemment, l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, a déclaré que la mutation de la grippe aviaire en une pandémie de grippe humaine pourrait faire des millions de morts, en touchant plus d'un quart de l'humanité. Quelles sont les mesures de prévention envisagées contre cet éventuel fléau ? Sommes-nous prêts ?
Par la loi relative à la politique de santé publique, vous avez, à la suite de la canicule, renforcé le rôle de l'Institut national de veille sanitaire, or il n'est prévu de lui accorder aucun moyen nouveau dans ce projet de budget. Qui pis est, les crédits affectés à cet organisme accusent même une baisse, avec 32 millions d'euros contre 37,657 millions d'euros en 2004.
Enfin, lors de l'examen du projet de loi relatif à la politique de santé publique, nous avions mis en relief la nécessité de développer une politique de prévention ambitieuse, et dénoncé ce qui nous semblait n'être qu'une politique d'affichage. Aujourd'hui, nous ne pouvons que réitérer la question que nous avions alors formulée : où est le financement de cette grande loi de santé publique ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Madame la sénatrice, je voudrais d'abord vous répondre sur les crédits affectés à la veille et à la sécurité sanitaires.
Il est en fait prévu, dans le projet de budget pour 2005, de consacrer 116 millions d'euros au futur programme de veille et de sécurité sanitaires, soit une augmentation de plus de 7 millions d'euros des crédits affectés à cette fin, ce qui permettra de renforcer notre politique dans ce domaine. Les crises sanitaires récentes en ont démontré la nécessité.
En réalité, la question est d'être réactif, à la fois face à une difficulté éventuelle, mais aussi face à l'opinion publique : les journalistes font leur travail, ce qui est normal, mais une montée de peur collective peut s'ensuivre immédiatement. Si l'on ne se tient pas prêt, avec un dispositif téléphonique qui apportera à chacun des réponses appropriées, un problème peut se poser. C'est pourquoi nous avons essayé d'améliorer notre réactivité.
Par ailleurs, un sommet du G8 se réunira jeudi, ayant pour thème le bioterrorisme. Le fonds de concours pour la lutte contre le bioterrorisme et les situations de crise bénéficie de 217 millions d'euros en 2004 et 2005. Ils serviront en particulier à financer l'achat d'antiviraux contre la grippe aviaire.
Quant aux crédits budgétaires consacrés à la politique de lutte contre le VIH, grande cause nationale, le budget pour 2005 prévoit 65 millions d'euros. Il est donc stable par rapport à 2004. Notons cependant que le SIDA représente un coût de 1 milliard d'euros pour l'assurance maladie.
En l'absence de vaccin et de traitement éradiquant l'infection, la politique de lutte contre le VIH vise à contenir et à réduire la transmission de l'infection en France ainsi qu'à optimiser la prise en charge des personnes atteintes. Elle s'appuie sur un dispositif préventif, qui s'articule autour d'une large accessibilité aux moyens de dépistage et aux préservatifs et d'une action continue d'information, de communication et d'éducation à la santé en direction de la population générale.
Nous pourrions sans doute faire davantage en termes de prévention : nous avions commencé avec le préservatif à un franc. Cette politique doit se poursuivre. Il ne peut y avoir de sujet tabou : il faut parler du préservatif masculin, du préservatif féminin. Nous avons récemment mis en place à Toulouse une grande campagne d'éducation pour la santé portant sur ce sujet.
Le dépistage joue toujours un rôle majeur dans l'amélioration du résultat des traitements, grâce à un diagnostic et un suivi précoces et par sa contribution à la gestion de la prévention par les individus.
L'incitation au dépistage du VIH et des autres maladies sexuellement transmissibles sera un axe majeur de l'action de l'Etat auprès des populations à risques. Les infections sexuellement transmissibles entraînent une plus forte recrudescence du SIDA ; cette question est donc de première importance.
L'emploi des crédits doit permettre de répondre à l'objectif inscrit dans la loi relative à la politique de santé publique, à savoir la réduction de 20 % de l'incidence des cas d'infection par le VIH et de sida d'ici à 2008.
En ce qui concerne la prise en charge hospitalière, près de deux cent cinquante établissements hospitaliers publics ou privés participant au service public hospitalier assurent le suivi des patients séropositifs ou malades. Ainsi, 70 000 patients sont régulièrement suivis à l'hôpital et la plupart - 80 % - bénéficient d'un traitement antirétroviral.
Le coût total de la prise en charge hospitalière de l'infection par le VIH était estimé à 461 millions d'euros en 2002. Il était en baisse de 11 % par rapport à 1997.
Le coût des antirétroviraux est évalué à près de 500 millions d'euros. Il est en forte progression d'année en année, la prise en charge financière de ces médicaments étant bien sûr assurée à 100 % par l'assurance maladie.
Enfin, s'agissant de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie, la MILDT, les crédits inscrits dans le projet de loi de finances se montent à 38 millions d'euros en 2005, soit un montant semblable à celui de 2004.
Ces crédits serviront notamment à réaliser un appel d'offres recherche sur les axes du plan quinquennal validé par le Premier ministre le 26 juillet dernier et un appel à projet auprès du réseau associatif. Ils serviront également à financer le fonctionnement des trois groupements d'intérêt public, les GIP, et des actions de communication, ainsi que la mise en oeuvre de plans territoriaux sur les différents volets du plan de lutte contre la drogue et la toxicomanie : prévention, prise en charge, rappel de la loi et lutte contre le trafic.
Pour terminer, madame le sénateur, je dirai que nous enregistrons des signes inquiétants et des signes positifs.
Le seul signe positif que je verrai aujourd'hui est que nous avons enrayé la transmission du VIH chez les héroïnomanes, grâce à la politique de réduction des risques, avec la méthadone, le subutex et les échanges de seringues ; cette population n'est plus cause que dans 2 % ou 3 % des cas de transmission du virus. Les résultats obtenus sont bons ; pourvu que cela dure !
Nous observons cependant des signes très inquiétants. Ainsi, 22 % des nouveaux diagnostics concernent la communauté homosexuelle. Les comportements à risques réapparaissent, le message n'est pas passé. Nous avons récemment réalisé des spots télévisés touchant la communauté homosexuelle et je crois que c'est important.
En outre, on constate des inégalités territoriales. Ainsi, 50 % des nouveaux diagnostics sont réalisés à Paris et dans la région Ile-de-France, mais également, pour 8 %, en Guyane et aux Antilles. Il reste beaucoup à faire et nous y travaillons dans de très bonnes conditions avec la mairie de Paris et la région Ile-de-France.
Enfin - il faut en parler tout en étant très prudent - 50 % des femmes qui contractent le VIH par voie hétérosexuelle sont originaires d'Afrique subsaharienne. Il existe un problème de suivi de ces populations. Cela pose à nouveau la question de l'aide médicale de l'Etat, l'AME. Les femmes sont relativement bien suivies en raison des grossesses, mais le VIH est mal dépisté chez les hommes. Nous avons là un travail extrêmement important à accomplir.
Mme Patricia Schillinger. Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes questions porteront principalement sur la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, la CFE, dont je préside le conseil d'administration.
Lorsque, en juillet dernier, monsieur le ministre, vous avez présenté au Sénat votre important texte portant réforme de l'assurance maladie, j'ai développé l'idée - cela me permettra d'être bref aujourd'hui - que la CFE est une caisse d'assurance volontaire, et que, pour diverses raisons mais principalement du fait de sa gestion rigoureuse, ses comptes sont en équilibre depuis l'origine, ce qui est satisfaisant pour son président et son ministre de tutelle. .
Venons-en à l'actualité. La CFE s'est mobilisée lors du retour des Français de Côte d'Ivoire. Elle assurait dans ce pays la couverture de près de 6 000 personnes, soit plus d'un tiers des 15 000 résidents français. Elle a participé, en liaison avec la CPAM de Bobigny, à l'accueil mis en place dans les aéroports. Elle a également assuré un accueil téléphonique et internet spécifique pour ses assurés.
Nous avons donc fait face aux événements, comme par le passé, en prenant en compte l'impossibilité pour certains de régler leurs cotisations, en suspendant les mécanismes de sanction en cas de non-paiement, mais aussi en maintenant les droits des adhérents de Côte d'Ivoire pendant trois mois, et ce sans contrepartie de cotisations.
Pour le présent, il faut savoir que le prochain conseil d'administration de la CFE, qui se tiendra dans quelques jours, va être conduit à demander la création de trois postes nouveaux pour le personnel de la caisse, ce qui correspond à une augmentation constante du nombre des cotisants.
Nous demanderons également une augmentation de notre budget de communication. En effet, nous sommes soumis à la concurrence d'assureurs privés, de mutuelles et vous devez, monsieur le ministre, nous donner les moyens d'y faire face. Je souhaite que vos représentants à notre conseil ne s'opposent pas à ces demandes raisonnables.
Lors de la discussion du texte sur l'assurance maladie en juillet dernier, vous aviez bien voulu accepter les amendements que j'avais déposés afin de tenir compte de la spécificité de la CFE et de ses adhérents ; je vous en remercie.
Toutefois, puisque la caisse applique les mêmes règles que le régime général en matière de remboursement, la création de la participation forfaitaire de un euro a un impact sur ses assurés.
C'est pourquoi, compte tenu du contexte concurrentiel dans lequel se trouve la caisse, mais aussi du fait que de nombreux actes médicaux sont effectués à l'étranger, et que certains de ses adhérents se trouvent, de ce fait, dans une situation délicate, nous vous proposerons une mesure d'accompagnement pour cette participation forfaitaire. Là encore, je demande que les représentants de votre ministère qui siègent au conseil d'administration de la CFE examinent avec bienveillance les solutions proposées.
Je mentionnerai enfin deux points qui intéressent la retraite que peuvent se constituer les Français lorsqu'ils résident à l'étranger.
Le premier concerne la situation incohérente que subissent actuellement les salariés français expatriés. En effet, s'ils peuvent racheter les trimestres de cotisation correspondant à leur ancienne période de salariat à l'étranger, il leur est en revanche interdit d'adhérer à l'assurance vieillesse gérée par la CFE si cela fait plus de deux ans qu'ils sont à l'étranger.
Il faut, monsieur le ministre, que vous mettiez rapidement fin à cette situation, en signant et en faisant paraître les décrets que nous attendons depuis bientôt deux ans.
Le second point concerne les personnes qui cessent de relever de l'assurance vieillesse du régime général et partent à l'étranger sans reprendre d'activité. Il serait bon qu'elles puissent, si elles le veulent, adhérer à l'assurance volontaire vieillesse gérée par la CFE, sans avoir obligatoirement à passer par les caisses primaires dont elles dépendaient auparavant. Il s'agit non pas de créer une nouvelle règle en matière de retraite, mais de donner une compétence de gestion à la CFE pour les personnes qui s'expatrient.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, m'apporter des réponses qui permettront à la CFE de poursuivre sereinement son activité au service de nos compatriotes expatriés ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur Cantegrit, je tiens d'abord à vous remercier et à vous féliciter pour l'action de la CFE et sa mobilisation lors du retour des Français de Côte d'Ivoire. J'ai eu l'occasion de rencontrer un certain nombre d'entre eux il y a peu, lorsque j'étais au Sénégal : ils ont porté témoignage de votre action personnelle.
La CFE joue un rôle central dans la couverture sociale des Français à l'étranger. Les demandes de moyens supplémentaires sont très cohérentes avec l'augmentation du nombre de cotisants.
Dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie, l'application de certains dispositifs peut être difficile, voire impossible, pour des soins dispensés par des praticiens établis à l'étranger. Le Gouvernement a donc accepté vos amendements tendant à prévoir des dérogations, notamment au sujet du dossier médical.
Le Gouvernement veillera à ce que les décisions prises sur la base des textes de la réforme soient adaptées si leur application venait à rendre le régime de la CFE beaucoup moins efficace, et donc moins attrayant.
Quant à la retraite, votre proposition de confier une compétence de gestion à la CFE pour les personnes qui souhaitent adhérer volontairement à l'assurance vieillesse doit être étudiée, en concertation avec les CPAM. Je demanderai à mes services d'expertiser la question le plus vite possible, pour permettre à la CFE de bénéficier de cette compétence. Sur ce point, je suis donc d'accord.
Enfin, en ce qui concerne le délai d'adhésion à l'assurance vieillesse gérée par la CFE, qui est de deux ans, je tiens à signaler que le délai pour bénéficier de l'assurance volontaire en France est de six mois. Une éventuelle suppression du délai de forclusion de deux ans doit donc faire l'objet d'une expertise avant toute décision.
Nous proposerons, par ailleurs, une mesure d'accompagnement pour la participation forfaitaire.
Je suis globalement d'accord avec vous et il me semble donc, monsieur le sénateur, que le mieux serait que nous nous rencontrions, avec les services du ministère et mon cabinet, pour être sûrs que les délais soient respectés.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je suis satisfait de votre réponse, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la santé est devenu un véritable maelström.
Entre les crédits qui existaient déjà et l'application de nouvelles dispositions, comme la réforme de l'assurance maladie, la loi relative à la politique de santé publique, le plan cancer, le plan Hôpital 2007, le plan de lutte contre la toxicomanie, le plan national santé environnement, la Haute autorité de santé, les lois d'habilitation pour légiférer par ordonnances, l'acte II de la décentralisation, le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, nous nous trouvons face à un foisonnement de lois et de plans annoncés à grand renfort médiatique et qui ne font que rendre de plus en plus opaque ce budget.
Plus grave encore, ce budget porte atteinte à la qualité même de la politique de santé publique. En somme, toutes ces déclarations de bonnes intentions sont plus un effet d'affichage qu'une réelle politique de santé publique.
Prenons l'exemple de la politique de prévention contre le VIH.
Aujourd'hui, les réformes de l'assurance maladie et de la prise en charge du handicap ont de graves conséquences sur les victimes du virus : sous prétexte de lutte contre les déficits, ces malades n'auront plus la liberté de choisir leurs médecins ; la définition des biens et des services remboursables sera de plus en plus déterminée par des assureurs privés, champions de la discrimination ; la prise en charge à 100 % des séropositifs et des malades du sida sera remise en question. En outre, il faudra payer 1 euro pour chaque consultation ou acte médical. Or il s'agit là d'un véritable impôt sur la maladie pour ces victimes qui doivent régulièrement consulter des médecins.
Bref, là où nous avons besoin d'une meilleure coordination de la prévention et des soins ainsi que d'un travail en réseau des professionnels de santé, le Gouvernement impose un dispositif coercitif infantilisant le malade et remet en question la gratuité des soins.
« La santé n'a pas de prix, mais elle a un coût », tel est le leitmotiv du Gouvernement. C'est cette logique qui guide les attaques qui ont été portées contre l'aide médicale d'Etat depuis deux ans.
Je vous le rappelle, dans le monde, 39,4 millions de personnes sont infectées, dont 25,4 millions en Afrique. En France, cette année, 6 000 personnes ont été contaminées ; parmi elles, 43 % sont des femmes, dont plus de la moitié sont originaires d'Afrique subsaharienne.
En les soumettant à un délai de trois mois minimum de présence sur le sol français, vous empêchez ces personnes de recevoir des soins en temps voulu.
Dans le même temps, je vous rappelle que certaines préfectures ordonnent toujours l'expulsion de malades sans papiers vers des pays où ils ne pourront pas être pris en charge, ...
M. Roland Muzeau. ... ce qui signe leur arrêt de mort et est totalement illégal.
Le ministre de la santé a annoncé un nouveau programme national de lutte contre le VIH/sida 2005-2008. Mais que prévoit-il pour les étrangers et les sans-papiers, qui figurent parmi les principales victimes de cette pandémie ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur Muzeau, je ne vais pas reprendre la réponse que j'ai faite tout à l'heure à propos du VIH.
Vous abordez deux sujets spécifiques.
Premièrement, vous estimez que notre réforme de l'assurance maladie ne permettra plus de soigner les malades. C'est exactement le contraire ! Si nous engageons cette réforme, c'est justement parce que nous voulons sauver l'assurance maladie et soigner les malades.
Si nous laissions les déficits s'accumuler, ce qui entraînerait une faillite de l'assurance maladie, nous savons très bien que seuls les plus riches pourraient être soignés. Ce n'est pas notre vision des choses, et je sais que ce n'est pas non plus la vôtre.
Il n'y a pas, d'un côté, des gentils qui voudraient soigner tout le monde et, de l'autre, des méchants qui ne voudraient pas les soigner. Nous n'avons donc aucune leçon à recevoir de ce côté-là.
Deuxièmement, vous rappelez que 39,4 millions de personnes sur la planète sont atteintes du VIH. Vous avez raison de souligner qu'elles se situent essentiellement au Sud. Mais vous ajoutez : il faut donc les soigner en France. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Je n'ai pas dit ça !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Vous avez dit : monsieur Douste-Blazy, vous renvoyez des gens dans leur pays alors qu'ils sont malades, et vous les condamnez à mort. Sachez que je suis médecin. Cela me fait donc mal lorsque l'on me traite d'assassin. Je ne suis pas un assassin !
La question est beaucoup plus grave : comment peut-on accepter l'idée que nous ayons des médicaments et peu de malades - 6 000 séropositifs de plus par an, c'est beaucoup, mais ça n'a quand même rien à voir avec ce qui se passe ailleurs - et que le Sud ait des malades et pas de médicaments ?
Cette situation est de la folie ! C'est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité que nous soyons le deuxième contributeur au Fonds mondial de lutte contre le sida, le premier étant les Américains. Pour leur part, les Américains donnent 200 millions de dollars. Quant à nous, nous donnons 150 millions d'euros, mais vu la parité entre le dollar et l'euro, c'est pratiquement kif-kif. En outre, je signale que nous sommes soixante-deux millions et que les Américains sont beaucoup plus nombreux.
Nous sommes le premier pays européen à transcrire dans notre droit national l'accord de l'OMC à Doha du 31 août 2003, qui prévoit de donner- je dis bien « donner » - à un pays pauvre qui se situe dans une zone endémique les médicaments génériques et les licences obligatoires, ce qui permettra de sauver des millions de personnes.
La seule solution pour sauver les personnes du sida, c'est de construire des usines de médicaments génériques chez elles, ...
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. C'est vrai !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. ... mais certainement pas de les soigner ici.
Il faut aussi arriver à distribuer les médicaments. Il convient cependant d'être sûr que ces médicaments ne reviendront pas par cargo dans les pays occidentaux pour créer un marché parallèle. C'est pourquoi il faut des couleurs de gélule différentes, des marquages et une traçabilité des médicaments. Alors là, oui, on fera une grand oeuvre humanitaire planétaire ! D'ailleurs, ce serait idiot de ne pas le faire.
Pour ceux qui, de façon horrible, penseraient qu'il ne faut pas les soigner, je dirais simplement à ces égoïstes que plus il y aura de malades au Sud, plus il y aura de malades au Nord. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, en ne reconnaissant pas les graves obstacles qui pèsent sur les plus démunis - et je pense bien évidemment aux personnes étrangères résidant sur notre territoire, dont un certain nombre sont sans papiers - votre gouvernement crée, que vous le vouliez ou non, les conditions d'un accroissement des pathologies dont toutes les associations témoignent qu'elles prennent une ampleur préoccupante.
La réalité est que, en 2004, une accumulation de mesures a contribué à restreindre l'accès aux soins des plus précaires. Le rapport annuel de Médecins du monde apporte un témoignage inquiétant sur les effets de cette politique. Faiblesse des ressources et absence de logement sont également des phénomènes constitutifs de la difficulté d'accès aux soins.
Il ne faut pas l'oublier, 84 % des étrangers ne disposent pas de la couverture maladie universelle au moment de leur première visite, alors même que leur statut leur permet d'y prétendre. Les étrangers sans titre de séjour, qui relèvent théoriquement de l'AME, ne sont que 11 % à avoir des droits ouverts à la couverture maladie universelle.
Il convient également de compléter ces difficultés par le constat fait de la persistance de refus de soins de la part d'une minorité de professionnels à l'égard des bénéficiaires de l'AME et de la CMU. La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques chiffre à 15 % le nombre de bénéficiaires ayant témoigné de ces pratiques.
Les réformes successives ont supprimé l'accès immédiat à l'AME, en instaurant l'obligation de présenter des preuves de la résidence continue en France sur les trois derniers mois. Sur ce point, je vous renvoie à la loi de finances rectificative de décembre 2003. Vous aviez pourtant pris l'engagement, en juin 2004, de rétablir l'admission immédiate. Il ne s'est toujours rien passé !
Lors de la journée mondiale contre le sida, vous avez déclaré que l'attitude internationale face au sida était une honte planétaire. Par un communiqué, l'association Act up-Paris a répondu que, face à l'incurie gouvernementale, la honte était pour la France.
Act up-Paris fait la démonstration des écarts dramatiques qui existent entre les propos du ministre de la santé et ceux du Président de la République, d'une part, et la réalité du budget national ou du Fonds mondial de lutte contre le sida, d'autre part.
Vous venez de citer des chiffres. Je n'ai pas les mêmes. Dans son communiqué, Act up-Paris indique que, en septembre 2004, le président des Etats-Unis avait déclaré que son pays y consacrerait 2,2 milliards d'euros en 2005, ...
M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Vous êtes devenu pro-américain ?
M. Roland Muzeau. ... la Grande-Bretagne 700 millions d'euros, selon Hilary Benn, le 17 novembre 2004, alors que le Gouvernement français, lui, n'a budgété que 180 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2005.
Bien évidemment, 180 millions d'euros, ce n'est pas une somme négligeable. Mais je tenais quand même à donner les deux chiffres précédents, sans pour autant considérer que la contribution de ces deux pays au Fonds mondial de lutte contre le sida corresponde à la valeur de leurs engagements en matière de santé publique. Il n'en est malheureusement rien.
Le 1er décembre, journée mondiale de lutte contre le sida, a été un moment fort de dénonciation des politiques menées en France et dans le monde. Nombre d'associations y ont participé. L'examen de notre budget constitue une nouvelle démonstration, tout au moins une occasion d'essayer de travailler à la réduction du fossé qui nous sépare d'une vraie politique de prévention et d'accès aux soins. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur Muzeau, lisez bien les déclarations d'Act up-Paris sur la politique du sida menée entre 1997 et 2002, époque où il y avait des ministres communistes au Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo. Oh ! Quelle réponse !
M. le président. La parole est à M. André Boyer.
M. André Boyer. Monsieur le ministre, depuis plusieurs années, différents rapports ont alerté les responsables politiques sur la pénurie de médecins qui s'annonce. On a déjà évoqué ce sujet, mais j'y reviens, car c'est important.
Votre prédécesseur avait mis en place, en juin 2003, un Observatoire national de la démographie des professions de santé. Les résultats de ses premiers travaux, rendus publics le 18 novembre dernier, montrent clairement que le vieillissement du corps médical - 20,4 % des médecins ont plus de cinquante-cinq ans -, conjugué aux effets d'une diminution continue du numerus clausus dans les années quatre-vingt-dix, posera un « problème aigu de renouvellement ».
Ainsi, selon les projections établies par l'Observatoire, fondées « sur l'hypothèse d'un numerus clausus à 7 000 à partir de 2006 », le nombre de médecins en activité devrait passer de 205 200 en 2002 à 186 000 en 2025. Compte tenu de l'accroissement de la population, la densité médicale reculerait d'environ 15 %, passant de 335 médecins pour 100 000 habitants à 283 médecins pour 100 000 habitants, « niveau proche de celui du milieu des années quatre-vingt ».
Une autre tendance lourde, qui est liée à une augmentation continue de la réussite des étudiantes au concours de première année, réside dans le fait que les femmes deviendront, peu après 2020, plus nombreuses que les hommes dans le corps médical. Pour l'Observatoire, cette féminisation pourrait modifier « fortement la répartition du mode d'exercice » dans la mesure où, à l'heure actuelle, les femmes privilégient l'exercice salarié plutôt que libéral.
Cette évolution a son importance, car la dégradation des effectifs annoncée devrait concerner presque exclusivement la médecine de ville - 18 500 médecins de moins d'ici à 2025 -, et davantage les spécialistes - moins 23 % - que les généralistes - moins 9 %.
Dans les conditions de fonctionnement actuel des filières - internat qualifiant, choix des spécialités -, l'ophtalmologie, avec une baisse de 43 %, la psychiatrie, avec une diminution de 36 %, et 1'ORL, avec un recul de 31 %, seront les disciplines les plus touchées. Mais d'autres accuseront aussi une baisse globale de 20 % à 30 %, comme la rééducation et la réadaptation fonctionnelle, la médecine interne ou la radiologie. C'est d'ailleurs plus particulièrement sur cette dernière spécialité que je concentrerai mon propos.
La radiologie est en effet devenue un secteur incontournable de la pratique médicale quotidienne, dont les progrès font avancer considérablement l'établissement du diagnostic et les décisions thérapeutiques. Le radiologue est le premier correspondant du médecin généraliste, tant dans les quartiers urbains qu'en milieu rural.
Signe de cette affirmation, l'activité radiologique, pour répondre à la demande des prescripteurs, augmente de 10 % par an dans notre pays. Or on manque déjà d'effectifs dans cette spécialité !
Dans les hôpitaux, par exemple, de nombreux postes de praticiens hospitaliers en radiologie sont vacants. En 2002, hors CHU, 19 % des postes à temps plein et 33,2 % des postes à temps partiel étaient vacants. En 2003, en CHU, 17,3 % des postes étaient vacants.
Par ailleurs, on est loin, à ce jour, de la « séniorisation » des gardes et astreintes. Ce principe, s'il permet des avancées en termes de sécurité et de qualité de prise en charge des patients, va désorganiser les services d'imagerie du fait des repos de sécurité et de l'intégration des gardes dans le temps de travail.
Il existe, en France, 616 sites d'urgence - SAHU, UPATOU, POSU -, alors que le nombre total de praticiens hospitaliers incluant les temps partiels est de 1 728. Il y a donc une inadéquation entre le nombre de sites où sont réalisés des actes de radiologie en urgence et le nombre de praticiens hospitaliers de radiologie, ce qui ne permet pas le respect des bonnes pratiques.
Quelles sont les perspectives à court et à moyen terme ?
Pour commencer, l'année 2006 sera une année blanche en termes d'achèvement du cursus de formation d'internes DES en radiologie. L'internat de radiologie passant de quatre à cinq ans, il n'y aura pas de nouveaux diplômés accédant à la profession cette année-là, le terme de la formation d'une promotion d'effectif normal étant ponctuellement repoussé d'un an.
Par ailleurs, la pyramide des âges - en 2001, l'âge moyen des radiologues était de 44,2 ans - et le taux de féminisation, déjà relativement élevé, devraient inscrire cette spécialité dans les tendances décrites par l'Observatoire national de la démographie des professions de santé, l'ONDPS. On doit s'attendre à une chute globale du nombre de médecins radiologues de 26 % d'ici à 2025.
Dans le secteur libéral, on peut penser que ces perspectives démographiques retentiront prioritairement sur les petits cabinets de quartier ou sur ceux qui sont situés en zones rurales, tenus par des radiologues isolés ou par de petits groupes, ce qui sera particulièrement dommageable, car ils constituent des circuits très courts, garants d'une radiologie de proximité moins onéreuse, et évitent l'« embolisation » des centres radiologiques hospitaliers ou des cliniques.
Le problème, en radiologie, ce n'est pas le matériel, ce sont les hommes : aurons-nous les moyens démographiques de faire face ? Quelles mesures envisagez-vous de prendre dans l'immédiat, monsieur le ministre, pour augmenter le recrutement de spécialistes de cette discipline afin d'éviter une régression, alors que les progrès de l'imagerie médicale s'affirment chaque jour ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Cette spécialité a connu une transformation en profondeur liée aux progrès technologiques et informatiques. Je me souviens du temps où j'étais interne : le scanner, qui a révolutionné totalement la pathologie vasculaire cérébrale, notamment, n'existait pas, non plus, bien entendu, que l'IRM !
L'apparition de l'échographie, puis du scanner, et, enfin, de l'IRM, sont autant d'exemples qui attestent de la vitalité de cette spécialité ; et je ne parle même pas de la radiologie interventionnelle.
L'imagerie médicale joue un rôle central dans la démarche diagnostique, dans la robotique chirurgicale et dans le suivi thérapeutique.
Le dernier appareil en date, le PET scan - Positron Emission Tomography, ou, pour parler français, tomographie d'émission de positons - représente un progrès important pour la prise en charge des malades atteints de cancer.
D'après le rapport Berland, président de l'ONDPS, cette spécialité ne pose pas de difficultés majeures en termes de démographie. En effet, plus de 7 600 radiologues exercent sur notre territoire. Ce sont les spécialistes les plus nombreux, après les anesthésistes-réanimateurs, avant les ophtalmologistes et les gynécologues- obstétriciens.
Cependant, l'une des préoccupations de la spécialité est le nombre important des postes vacants de radiologie en milieu hospitalier. On constate, en outre, une forte concentration de radiologues dans le sud de la France, mais une sous-densité dans les régions Centre et Pays de la Loire. Il semble que le regroupement de plusieurs spécialités avec la médecine nucléaire, autour de plateaux techniques, par exemple autour du PET scan, soit un élément d'attractivité pour les jeunes.
Au cours de deux voyages récents, l'un à Saint-Étienne, l'autre à Poitiers, j'ai constaté que, dans les deux cas, les CHU travaillaient avec de grandes cliniques privées sur les PET scan.
Le rôle des manipulateurs en radiologie est important, puisqu'ils sont les collaborateurs naturels des radiologues. Les effectifs de cette profession ont augmenté de 15 % en cinq ans : 24 000 manipulateurs, soit un peu plus de trois manipulateurs par radiologue, exercent en France. J'ai, très récemment, veillé à ce que leurs quotas pour 2005 soient augmentés. La perte d'attractivité de cette carrière professionnelle est aujourd'hui corrigée grâce à l'effort des professionnels, puisque le taux de remplissage des écoles avoisine, en 2004, les 100 %.
II est aussi très important que la profession dans son ensemble réfléchisse aux transferts de tâches, dans le souci d'une prise en charge globale du patient.
Monsieur le sénateur, il me semble important, en effet, de soulever le problème des manipulateurs en radiologie. Sur ce sujet comme sur d'autres, d'ailleurs, le rapport Berland évoque la possibilité de transferts de compétences entre médecins et non-médecins, à condition qu'ils s'effectuent sous la responsabilité des premiers et avec leur accord.
M. le président. La parole est à M. André Boyer.
M. André Boyer. Selon vous, monsieur le ministre, une augmentation du nombre de manipulateurs en radiologie pourrait répondre à certains besoins et, en tout cas, pallier le déficit en médecins radiologues.
Je ne crois pas que vous ayez là une vue très juste du problème. L'acte médical reste conditionné par des études spécifiques. L'abord du patient est, même en radiologie, non seulement technique, mais aussi clinique, et la conjonction de ces deux aspects est indispensable pour l'établissement d'un diagnostic. Il serait illusoire d'imaginer que l'on va pouvoir faire réaliser des actes de ce type uniquement par la formation de manipulateurs, lesquels jouent, néanmoins, un rôle tout à fait essentiel dans les services de radiologie.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur le sénateur, vous ne m'avez pas compris : je suis favorable à l'existence de radiologues et à une augmentation de leur nombre, mais il existe des quotas, et les statistiques montrent qu'il y a, en France, par rapport au nombre d'habitants, beaucoup plus de radiologues que de gynécologues- obstétriciens ou d'anesthésistes, et qu'ils sont même plus nombreux que leurs homologues des autres pays européens.
Le problème n'est pas d'ordre démographique ; il tient au déséquilibre entre le Nord et le Sud et à l'absence de radiologues dans les hôpitaux. C'est une constatation, ce n'est pas une appréciation personnelle.
Je suis, par ailleurs, favorable à ce que les radiologues exercent la médecine ; je n'ai pas dit que les manipulateurs en radiologie devaient faire de même. Je souhaite simplement que, comme leurs collègues d'autres spécialités, les radiologues soient aidés. Un radiologue seul ne peut pas faire fonctionner son cabinet : des manipulateurs en radiologie doivent donc être à ses côtés, tout en restant, bien évidemment, à leur place.
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits destinés à la politique de la famille représenteront, en 2005, pratiquement 1062 millions d'euros.
Comme l'an dernier, les principales mesures prises en faveur de la famille figurent dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, que nous avons examiné voilà peu, projet de loi bien décevant pour les familles, ainsi que j'ai eu l'occasion de le souligner, surtout pour les familles en difficulté ou en situation de précarité, et pour les adolescents, qui ne verront pas se concrétiser les objectifs, pourtant bien ambitieux, annoncés par les conférences de la famille de 2002 et de 2004.
Ainsi, il est prévu, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, un entretien de santé personnalisé en classe de cinquième. C'est une mesure que j'ai proposé en vain de rendre obligatoire, pour qu'elle trouve sa pleine efficacité.
Il est également prévu, dans ce texte, le doublement de la prime d'adoption. Nous ne bouderons pas cette mesure, même si - nous le savons - le montant de cette aide est insuffisant face au coût d'une adoption à l'étranger.
Demeurent donc à la charge de l'Etat essentiellement des dépenses de transferts, c'est-à-dire principalement l'allocation de parent isolé, l'API.
Elle a pour objet d'aider les personnes, essentiellement des femmes, qui assument seules la charge d'un ou de plusieurs enfants. Elle profite à presque 5 % des bénéficiaires de minima sociaux et concerne principalement des jeunes femmes ayant à charge un seul enfant de moins de trois ans. Cette allocation était versée, en décembre 2003, à environ 188 000 personnes, soit une évolution de 4,4 %.
En 2004, la réforme de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, a failli remettre en cause gravement l'API. En effet, l'instauration, à compter du 1er janvier 2004, de la PAJE, lésait les mères isolées les plus pauvres touchant l'API. Ces mères, avec un enfant né après le 1er janvier 2004, auraient pu toucher jusqu'à 1 300 euros de moins que celles qui, se trouvant dans la même situation, avaient un enfant né avant cette date. Ce sont 400 000 jeunes mères qui auraient été lourdement pénalisées.
Sous couvert de réformer l'accueil du jeune enfant, le Gouvernement n'aurait-il pas voulu faire des économies au détriment des mères isolées ?
En ce qui concerne les interventions en faveur de l'enfance à l'échelon central, nous examinerons les crédits destinés au défenseur des enfants, autorité administrative indépendante chargée de défendre et de promouvoir les droits de l'enfant et qui reçoit des réclamations individuelles d'enfants mineurs ou de leurs représentants légaux estimant qu'une personne privée ou publique n'a pas respecté leurs droits.
Le défenseur des enfants a été institué par le législateur le 6 mars 2000. Son rôle est, aujourd'hui, totalement incontestable et pleinement reconnu. Le présent projet de loi prévoit de reconduire en 2005 la dotation de 2004, soit un peu plus de 1,907 million d'euros.
Les actions en faveur de la famille et de l'enfance à l'échelon déconcentré, qui comprennent, entre autres, la médiation familiale, le soutien à la parentalité et les actions en faveur de la jeunesse, représenteront 18,19 millions d'euros et diminueront donc de 8,8 %.
J'aimerais profiter du temps de parole qui m'est imparti aujourd'hui pour évoquer le trentième anniversaire de l'adoption de la loi Veil, qui représenta une réelle avancée historique.
En trente ans, de 1974 à 2004, le droit à l'IVG a incontestablement amorcé un virage idéologique.
Le 29 novembre 1974, au coeur de la nuit, Simone Veil, dont je tiens à saluer le courage politique, défendait avec force et conviction un projet de loi historique dépénalisant l'IVG et le faisait adopter, au terme de débats houleux et d'une rare violence, par une assemblée qui comptait alors neuf femmes sur 490 députés.
L'adoption de la loi Veil venait légaliser une pratique répandue et déjà acceptée par une partie de la société française. Elle mettait fin à des pratiques clandestines estimées à 300 000 par an, pratiques dont l'issue se révélait souvent dramatique pour les femmes.
Il a, cependant, fallu attendre 1982 pour qu'une nouvelle étape cruciale permette à toutes les catégories sociales d'avoir un accès libre et égal à l'IVG : ce fut la loi Roudy, qui instaurait le remboursement de l'IVG par la sécurité sociale.
La loi Aubry de 2001 apporta une pierre de plus à l'édifice, mais son application reste, aujourd'hui encore, difficile : les délais d'attente sont trop longs, les refus de pratiquer l'IVG au-delà de dix semaines de grossesse obligent encore trop de femmes se trouvant hors délais à partir à l'étranger, les réticences pour accueillir les mineures sans autorisation parentale sont trop nombreuses, sans compter de trop grandes disparités régionales.
Il aura fallu batailler et dénoncer la non-publication des textes réglementaires nécessaires à son application, notamment celui qui permet la mise en oeuvre de l'IVG médicamenteuse. Les femmes auront dû attendre trois ans de plus pour pouvoir y recourir hors des structures hospitalières, l'arrêté d'application n'ayant été signé que l'été dernier.
L'IVG par voie médicamenteuse, moins traumatisante et beaucoup plus facile à réaliser, n'est pas pour autant un acte gratuit, même s'il est acquis depuis peu qu'elle est remboursée à 70 % par la sécurité sociale. Son coût pourrait dissuader les adolescentes et les femmes en situation difficile ou qui ne disposent pas de mutuelle. En effet, elles doivent passer cinq consultations médicales.
A quand, monsieur le ministre, une prise en charge totale par l'assurance maladie ?
M. le président. Veuillez conclure rapidement, madame le sénateur ! Je vous rappelle qu'il s'agit d'une séance de questions ! Là, vous vous éloignez du genre !
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le ministre, je souhaite connaître les intentions du Gouvernement sur ce qui a été préconisé par les experts du groupe national d'appui, mis en place à la demande des parlementaires, pour mesurer l'évaluation de la mise en oeuvre de la loi Aubry ; sur la nécessité de posséder des statistiques en ce qui concerne les IVG, notamment sur les délais d'attente entre la première demande de rendez-vous et la première consultation ; sur les difficultés rencontrées pour faire pratiquer des IVG durant les dernières semaines autorisées ; sur les difficultés qu'éprouvent les mineures à y accéder sans autorisation parentale ; sur les disparités régionales ; sur la possibilité, pour les sages-femmes, face à l'état préoccupant de la démographie médicale, déjà évoqué ce matin, d'avoir un rôle accru pour prendre en charge l'IVG médicamenteuse, notamment ; sur l'urgence d'améliorer la diffusion de l'information et d'atteindre les jeunes, qui sont largement sous-informés au sujet de l'IVG ; enfin, sur la nécessité d'intensifier les campagnes de formation sur la contraception, sans oublier celle de revoir les conditions de remboursement des moyens contraceptifs, en particulier des pilules dites de troisième génération, notamment pour les plus jeunes.
Sur tous ces points, je souhaiterais connaître les intentions du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le ministre, auquel je demande de respecter le temps de parole qui lui est imparti.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Vous me connaissez, monsieur le président !
Vous m'avez interrogé, madame le sénateur, sur le manque de statistiques précises, les délais d'attente, les difficultés pour obtenir une IVG au-delà du nombre de semaines autorisé, l'embarras dans lequel se trouvent les mineures qui sont dépourvues d'autorisation parentale, les disparités régionales, les campagnes d'information sur l'IVG et la contraception.
Comme vous le savez, il restait des textes réglementaires à prendre, lors de mon arrivée avenue de Ségur, au mois d'avril dernier, afin que la loi de 2001 relative à l'IVG puisse être mise en application. Ceux qui visent à permettre la pratique des IVG médicamenteuses en ville, en particulier, étaient en souffrance, notamment parce que plusieurs dispositions du décret de 2002 sur la posologie médicamenteuse étaient contestées par certaines associations de défense des droits des femmes.
L'ensemble de ces textes réglementaires est désormais paru, y compris la circulaire organisant les conditions de réalisation et de remboursement des interruptions volontaires de grossesse en ville et en établissements de santé. Je l'ai signée le jour de l'anniversaire du premier vote de loi Veil par l'Assemblée Nationale, le 26 novembre dernier ; je m'associe à ce que vous avez dit sur Mme Veil et je vous en remercie.
En ce qui concerne le suivi statistique, le dernier point a été publié par la direction de la recherche des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, le 24 octobre dernier. On a enregistré 206 000 IVG en France, en 2002, soit une légère progression - plus 1,7 % - due, sans doute en partie, à l'allongement des délais légaux pour y recourir. Les IVG pratiquées au-delà de la dixième semaine de grossesse ont représenté 1,8 % de l'ensemble des IVG réalisées en 2002.
Le suivi statistique des IVG repose sur trois sources d'information : une collecte de données de cadrage dans la statistique annuelle des établissements, la SAE, un codage spécifique du programme de médicalisation des systèmes d'information, le PMSI, pour les IVG réalisées dans les établissements, ainsi que les bulletins statistiques d'IVG. Afin de suivre et d'évaluer la mise en oeuvre de la loi de 2001, et en application des préconisations du rapport de l'inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, de décembre 2002, le système d'information a été adapté par des compléments de l'information collectée dans la statistique annuelle des établissements, la SAE, et la simplification des bulletins d'IVG, indispensable à l'élargissement de ce dispositif à la médecine de ville.
Pour avoir une information structurelle sur l'ensemble de ce nouveau dispositif, j'ai demandé qu'une enquête pluriannuelle auprès d'un échantillon de femmes soit réalisée sous l'égide commune de la DREES, de l'Institut national d'études démographiques, l'INED, et de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM ; elle est actuellement en cours de préparation pour l'année 2006. C'est un élément indispensable pour compléter le dispositif, en particulier pour préciser les caractéristiques socio- démographiques et médicales des femmes concernées, les parcours de soins, les conditions de réalisation de l'IVG et ses suites.
Comme vous le voyez, madame Campion, le suivi statistique de l'IVG devait surtout être adapté en fonction de l'évolution de la loi et des règlements, notamment pour nous permettre d'avoir des informations sur les délais d'attente ou encore - comme vous l'avez dit - sur la distinction entre les interruptions volontaires et médicales de grossesses que permet aussi la loi.
Les disparités régionales restent, comme vous le soulignez, madame Campion, tout à fait significatives. En 2002, comme par le passé, les recours à l'IVG restent plus nombreux dans le sud de la France, en Ile-de-France et dans les départements d'outre-mer.
L'analyse statistique de la DREES nous montre que ces disparités ne proviennent ni d'une différence de la structure par âge des populations concernées ni d'un déplacement des femmes vers des régions où l'accessibilité des structures d'accueil serait plus grande. Ainsi, le taux de recours à l'IVG des jeunes femmes de 20 à 24 ans va de 18 pour les pays de la Loire à 45,3 pour la Corse. Il s'agit vraisemblablement de différences liées aux structures familiales ou aux catégories socioprofessionnelles entre les régions de France. L'enquête que mèneront la DREES, l'INED et l'INSERM nous donnera davantage d'éclaircissements propres à guider notre action.
Enfin, concernant les mineures, il existe un dispositif spécifique qui leur permet d'accéder à cette pratique sans autorisation parentale, bien que celle-ci soit vivement recommandée - je le dis à titre personnel, mais je sais que vous êtes d'accord sur ce point - et ce, en leur garantissant un parfait anonymat.
Ce dispositif a été reconduit pour la pratique des IVG en ville. Sur les 11 000 jeunes filles mineures qui ont recouru à cette pratique en 2002, nous ne disposons pas encore des informations nous permettant de savoir combien d'entre elles l'ont fait sans le consentement parental. L'enquête que je viens d'évoquer nous donnera également des éléments sur ce sujet.
Enfin, madame Campion, j'ai bien sûr souhaité qu'un dispositif d'information sur la contraception et l'IVG accompagne la mise en oeuvre de ces nouvelles procédures. Un point d'information sur l'IVG et la contraception est en ligne sur le site du ministère de la santé depuis le mois d'octobre dernier. Il reprend tous les changements réglementaires de ces derniers mois, mais aussi toutes les techniques de contraception, y compris les plus récentes par patch ou implant. J'ai également souhaité que l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, l'INPES, engage une campagne d'information sur ce thème en 2005.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le ministre, deux de mes collègues vous ont interpellé sur la question relative au SIDA, que je voulais vous poser. En conséquence, je vous interrogerai sur la politique que vous entendez conduire en matière de périnatalité, d'autant que cette politique est, me semble-t-il, liée aux trois missions qui vous sont désormais confiées : les solidarités, la famille et la santé.
Mme Veil avait, en 1994, élaboré un plan en matière de périnatalité ; dix ans après, à cette même place, vous avez décidé, monsieur le ministre, d'en lancer un.
Pouvez-vous nous en décliner les mesures ? Pouvez-vous nous indiquer si, après le rapport Bréart et celui qui vous a été remis par Françoise Molena, vous entendez vous orienter vers ce que j'appellerais une politique de périnatalité sociale, avec un amont mieux pris en charge par l'intermédiaire des PMI et un suivi à domicile plus important ?
Il s'agirait, par exemple, d'étendre l'expérience conduite à Lariboisière, qui se pratique ailleurs, notamment aux Pays-Bas où toute femme qui sort d'une maternité bénéficie d'un suivi à domicile pendant une quinzaine de jours, pour un coût relativement réduit. A Lariboisière, le coût est de 150 000 euros par an pour 2 500 femmes.
Enfin, n'oublions pas que, à leur naissance, certains enfants souffrent de pathologies particulièrement difficiles, dites maladies orphelines. Au lendemain du Téléthon et de l'installation du l'Institut du cerveau à laquelle vous avez largement participé, monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelle politique vous entendez conduire en matière de maladies orphelines ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Comme vous l'avez dit, en 1994, nous avions estimé, Mme Veil et moi, qu'il était scandaleux que nous soyons au treizième rang des indicateurs de mortalité infantile. Nous avons fait des progrès considérables depuis le plan périnatalité que nous avions alors lancé. Les chiffres le montrent et sont assez intéressants : nous sommes passés de 35 à 6,5 décès pour 1000 naissances et de 25 à 9 décès pour 100 000 naissances concernant la mortalité maternelle. On n'en parle jamais, mais elle existe et elle est terrible : il y a des femmes qui meurent en mettant des enfants au monde !
Aujourd'hui, la position de la France en Europe reste toujours moyenne par rapport aux indicateurs de périnatalité. Le dernier rapport du comité national d'experts sur la mortalité maternelle souligne que plus d'un tiers des décès maternels analysés sont évitables. C'est effrayant ! Le fonctionnement des maternités et leur organisation en réseau, prévus par le plan de 1994, ont donc encore beaucoup de progrès à faire.
Je vous le dis très franchement : les décrets d'application du plan périnatalité que Simone Veil et moi avions mis au point en 1994 n'ont commencé à paraître qu'en 1999 ; certains n'ont même pas paru. Si la représentation nationale et les ministères élaborent des plans qui ne sont pas suivis par l'administration, les décrets n'étant pas pris, c'est une honte pour la République française ! Je trouve inadmissible que les plans périnatalité aient été traités de la sorte et je vais veiller personnellement à ce que celui-là soit rapidement suivi d'effet.
M. Roland Muzeau. Ce Gouvernement n'a aucune autorité !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Cela se passe ainsi sous les gouvernements de gauche comme de droite. Elaborer un plan ne sert à rien sans effort de démocratie !
L'augmentation du nombre de césariennes - elles sont passées de 14% à 18 % en 2001 - correspond à une certaine forme de progrès. Elle témoigne également d'une surmédicalisation de la grossesse et de la naissance en oubliant de restituer à cette période de la vie son état naturel. Une diversification de l'offre de soins pourrait répondre à ce souhait souvent exprimé par des associations d'usagers et les professions de santé.
C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de mettre en oeuvre un plan d'action sur la période 2005-2007 visant à moderniser l'environnement de la grossesse et de la naissance et à atteindre, en 2008, les objectifs fixés par la loi relative à la politique de santé publique, à savoir réduire la mortalité périnatale à 5,5 p. 1 000 et la mortalité maternelle à 5 p. 100 000.
Concernant les problèmes sociaux après la naissance, je suis de votre avis. Vous connaissez le sujet mieux que moi et je suis prêt à vous voir pour parler, quand vous le souhaitez, des maladies orphelines.
L'idée est très simple : plutôt que de voir des enfants atteints de maladies rares ou orphelines - je rappelle qu'elles n'intéressent que moins de 30 000 personnes, parfois moins de 100, parfois même moins de 10 - faire le tour et errer de professeur de médecine en professeur de médecine ou de médecin en médecin, je préfère créer des centres de référence où seront installés les enfants pour que les médecins puissent venir les voir : les enfants ne vont pas aller chercher les médecins, ce sont les médecins qui iront voir les enfants. Nous gagnerons ainsi beaucoup de temps, beaucoup de diagnostics précoces et donc de traitements plus efficaces.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la secrétaire d'Etat, l'examen des crédits consacrés aux personnes handicapées dans le cadre de cette discussion budgétaire intervient alors que le projet de loi relatif au handicap, réformant la loi de 1975, est toujours en cours d'examen par le Parlement. C'est sans nul doute un budget de transition, ce qui doit nous conduire à considérer certaines données avec prudence.
L'effort public consacré aux personnes handicapées dans notre pays s'élève à 30 milliards d'euros, soit 6,2 % de nos dépenses sociales et 1,8 % de notre PIB. Pourtant, la situation des personnes handicapées est toujours aussi précaire et la hausse affichée de 3,7 % des crédits inscrits pour 2005 n'est pas la traduction de la priorité présidentielle.
L'exemple le plus parlant à ce sujet est celui de l'AAH, qui représente 40 % de la dépense budgétaire consacrée aux personnes handicapées ; c'est l'allocation qui focalise toutes les revendications. La hausse de 4 % des crédits consacrés à l'AAH tient seulement à la croissance continue de son nombre d'allocataires : entre plus 2% et plus 4 % en moyenne chaque année, soit 780 000 bénéficiaires en 2005.
Alors qu'elle représentait 78 % du SMIC en 1982, l'AAH atteint à peine 58 % aujourd'hui, hors exonération ; c'est un débat récurrent et je pense que nous y reviendrons.
L'annonce que vous avez faite, madame la secrétaire d'Etat, d'une enveloppe supplémentaire de 150 millions d'euros correspond à une revalorisation d'à peine 1,5 %.
Vous le savez, les associations représentant les personnes handicapées demandent que l'AAH soit identique au SMIC pour les personnes incapables de travailler du fait de leur handicap. Jusqu'à présent, vous aviez fait la sourde oreille ; j'aime à croire que notre insistance au cours des deux lectures du projet de loi relatif au handicap au Sénat est pour quelque chose dans le pas que vous faites aujourd'hui. Mais ce ne peut être qu'un premier pas vers la mise en place d'un véritable dispositif de rattrapage.
En ce qui concerne le plan de création de places en établissements, soyons là aussi prudents, voire méfiants. Le plan se poursuit, en effet, mais d'ores et déjà, dans certaines régions comme la mienne, le nombre de places prévues est insuffisant.
Plus inquiétant est le fait que ce plan sera financé en quasi- totalité par la CNSA. Même notre rapporteur s'interroge sur l'opportunité et l'ampleur de ce report de charges de 690 millions d'euros. C'est plus que les capacités financières de la CNSA ! Associé à la sous- exécution chronique des contrats de plan Etat-région, c'est un signe supplémentaire du désengagement de l'Etat du champ social et médico-social.
Vous le savez, madame la secrétaire d'Etat, nombre d'associations s'inquiètent de l'évolution des concours de l'Etat au financement de ces établissements ; vous y avez déjà fait allusion.
La réforme n'entrera en vigueur que le 1er janvier 2006 au plus tôt. En attendant, les instances actuelles doivent continuer de fonctionner. Les moyens des sites pour la vie autonome, les SVA, devraient être renforcés, la CNSA abondant à hauteur de 110 millions d'euros les fonds départementaux de compensation attachés à chaque site.
Il n'en est pas de même pour les COTOREP : en 2000, le ministère de l'emploi et de la solidarité avait mobilisé des moyens supplémentaires pour leur fonctionnement dans le cadre d'un plan triennal. Ce plan a été respecté en 2001 et 2002 mais pas en 2003, aucun crédit nouveau n'étant inscrit au budget ; il en a été de même en 2004 et il en sera ainsi en 2005. Il eût pourtant été intéressant de s'appuyer sur l'expérience de ces instances pour la mise en place des futures commissions des droits et de l'autonomie.
J'aurais bien d'autres questions à vous poser, madame la secrétaire d'Etat, mais cinq minutes me sont imparties et je ne voudrais pas dépasser mon temps de parole.
Finalement, ce budget a le même défaut que le projet de loi relatif au handicap : il est en complet décalage avec les annonces.
Il reste à espérer que la régulation budgétaire ne viendra pas aggraver les choses ; en 2003, 32 % des crédits d'équipement social à destination des personnes âgées ou handicapées ont été annulés.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. J'ai déjà répondu, monsieur le sénateur, concernant la situation des établissements. Toutefois, vous considérez que le budget 2005, tout comme le projet de loi - vous mettez tout cela « dans le même sac » - est en décalage avec les promesses présidentielles.
Je suppose, monsieur le sénateur, que vous ne vous étonnerez pas si je conteste votre jugement et si je vous donne des preuves.
Le Président de la République nous a demandé d'engager une réforme visant à la fois une approche individualisée et une politique volontariste d'insertion professionnelle des personnes handicapées.
Le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées répond, monsieur le sénateur, à ces deux objectifs.
D'abord, l'approche individualisée permet de prendre en compte le projet de vie de la personne handicapée. Il est précisément au coeur du projet de loi et la maison départementale du handicap en est en quelque sorte la cheville ouvrière. L'Etat ne se désengage pas, ni en 2005 ni au-delà.
En effet, en 2005, les moyens de fonctionnement des instances locales - les COTOREP, les CDES et les sites pour la vie autonome, les SVA - sont maintenus. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure à M. Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la solidarité, en 2005, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie participera à l'installation des maisons départementales du handicap à hauteur de 50 millions d'euros et anticipera la création de la prestation de compensation à hauteur de 280 millions d'euros.
Ensuite, la politique volontariste d'insertion professionnelle des personnes handicapées est mise en oeuvre. S'agissant de la volonté d'assurer une vie digne et autonome aux personnes handicapées, je ne sais qui fait « la sourde oreille », monsieur le sénateur ! Mais le projet de loi prévoit de nombreuses mesures qui sont précisément tournées vers l'emploi et l'insertion professionnelle des personnes handicapées, en milieu protégé comme en milieu ordinaire.
En permettant un meilleur cumul entre le revenu d'activité et l'AAH jusqu'à 1,3 SMIC et en instaurant la prestation de compensation, qui prend en charge les dépenses aujourd'hui assumées par la personne handicapée elle-même grâce à l'AAH, c'est-à-dire son revenu d'existence, le Gouvernement améliore de manière tout à fait considérable le pouvoir d'achat des personnes handicapées.
Consciente que toutes les personnes handicapées ne pourront bénéficier d'une intégration professionnelle, en raison de leur handicap, j'ai décidé de mettre à l'étude une garantie de ressources pour les personnes handicapées ne pouvant travailler et qui se cumulera avec l'AAH.
J'en viens à votre méfiance, voire à votre défiance, à l'égard du programme de créations de places en CAT ou en établissements, monsieur le sénateur. Là encore, je ne peux que vous rappeler que nous avons doublé le rythme de création de places depuis 2003. Actuellement, soixante places en CAT et cent places en établissements sont créées en moyenne chaque semaine. Cet effort sans précédent vise à rattraper le retard qu'a pris notre pays au cours des vingt dernières années.
Quant à l'évaluation et à la planification de l'offre au regard des besoins, j'ai déjà eu l'occasion de décrire le rôle déterminant que jouera la CNSA et la mission qui sera confiée aux préfets de région dans l'élaboration des programmes interdépartementaux pluriannuels, qui sont indispensables à une bonne équité de l'offre à l'échelon territorial.
Le Gouvernement affiche aujourd'hui un plan de financement à moyen terme qui garantit le maintien de l'effort de l'Etat. Ainsi, en 2007, les 690 millions d'euros nécessaires seront apportés à la fois par l'Etat et par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, à hauteur de 300 millions d'euros.
Pour toutes ces raisons, monsieur le sénateur, permettez-moi d'affirmer que les promesses présidentielles sont bien tenues. Elles le sont dans l'esprit comme dans les faits !
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous vérifierons ces points lors de l'examen du projet de loi en commission mixte paritaire.
Je prends acte de votre objectivité sur le nombre de places. Le problème se pose bien depuis vingt ans. En ce sens, il dépasse largement les clivages politiques, me semble-t-il.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Par ailleurs, concernant les ressources des personnes éligibles à l'AAH, nous attendons d'en savoir plus sur le dispositif en cours d'études que vous avez mentionné.
Cela étant, aujourd'hui, il nous est en permanence répondu que les exonérations dont bénéficient les personnes handicapées font approcher leur revenu disponible du SMIC. L'examen du projet de loi sera l'occasion, même si je n'en crois rien, de faire en sorte que cela soit le cas.
J'ai appris que, à l'issue des négociations avec les médecins, une enveloppe de 500 millions d'euros était prévue. Or la franchise de un euro par consultation rapportera 600 millions d'euros, ce qui entraînera sans doute un financement un peu dévoyé par rapport à ce qui était initialement prévu.
Pour que les ressources des personnes handicapées se rapprochent du niveau du SMIC, et puisque le projet de loi n'est pas encore adopté, sans doute est-il encore temps d'exonérer les personnes handicapées de cette franchise de un euro par consultation. Pour ma part, j'estime qu'il est préférable d'assurer aux personnes handicapées un revenu, quitte à ce que, comme tout citoyen, elles s'acquittent de toutes leurs charges. C'est cela l'égalité et la citoyenneté ! Mais si le Gouvernement opère le choix inverse, il faudrait à tout le moins, pour rétablir l'équilibre, que cette exonération soit introduite dans le projet de loi en deuxième lecture à l'Assemblée nationale ou en commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Madame la secrétaire d'Etat, je souhaite vous interroger sur les actions en faveur des personnes handicapées. Nous sommes là, en effet, au coeur même de l'action politique, qui doit consister, avant toute chose, à protéger le plus faible et à aider celui qui en a le plus besoin.
A l'inverse de mon collègue Jean-Pierre Godefroy, je tiens à saluer l'action continue du Président de la République qui, depuis son élection, a fait beaucoup pour la cause des personnes handicapées. Je tiens à saluer également, madame la secrétaire d'Etat, le travail que vous avez accompli depuis votre nomination, le 30 avril dernier : vous n'avez eu de cesse d'engager le dialogue avec tous les partenaires, des associations de personnes handicapées jusqu'au MEDEF, pour agir en faveur de ceux qui souffrent de handicaps.
Cette année, le budget de la ligne « personnes handicapées » passe de 6,171 milliards d'euros à 6,395 milliards d'euros, soit une progression de 3,6 %. Toutefois, l'effort de l'Etat ne se résume pas à ces seuls chiffres : les budgets du ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, et du ministère des anciens combattants y contribuent respectivement à hauteur de 1,32 milliard d'euros et de 2,76 milliards d'euros. Il faut encore ajouter les dépenses fiscales, qui sont estimées à 850 millions d'euros.
Outre ces dépenses de l'Etat, il convient de prendre en compte celles des départements et des régimes de sécurité sociale. Au total, ce sont donc près de 29 milliards d'euros qui seront chaque année dépensés par la nation en faveur des personnes handicapées. Dans le contexte budgétaire difficile qui est le nôtre, le Gouvernement, on peut le dire, fait preuve d'une détermination sans faille dans ce domaine.
Je tiens à entrer, même brièvement, dans le détail de ce budget.
Les crédits destinés au financement des centres d'aide par le travail augmentent de 1,2 %. Néanmoins, l'effort le plus remarquable vient du fait que le nombre de places prévues en 2003 a doublé, passant de 1 500 à 3 000, et que 3 000 places nouvelles ont été crées en 2004.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis. Oui !
M. Christian Demuynck. Dans le cadre du plan pluriannuel 2005-2007 annoncé le 28 janvier dernier, la création de 3 000 nouvelles places est prévue en 2005, grâce au concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Le fonds interministériel d'accessibilité des immeubles administratifs aux handicapés sera, quant à lui, doté de 1,22 million d'euros en crédits de paiement et autorisations de programme.
Ces quelques exemples suffisent à montrer que, au-delà de la logique purement comptable, le projet de budget que vous nous présentez permet de résoudre des problèmes très concrets. Nous passons, en effet, d'une logique de moyens à une logique de résultats.
Madame la secrétaire d'Etat, en ce qui concerne les maisons départementales du handicap, qui auront l'immense avantage de simplifier l'accès aux différentes prestations, pouvez-vous estimer quand seront publiés les décrets d'application permettant leur mise en place ? Quand verront-elles effectivement le jour ? Dans l'intervalle, quel rôle joueront les COTOREP ?
En outre, puisque certains, sans doute mal informés, en doutent, pouvez-vous nous confirmer que l'augmentation du nombre de places dans les établissements médico-sociaux n'est pas la conséquence d'un quelconque redéploiement, mais qu'il s'agit bien de places nouvelles ?
Enfin, madame la secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous dévoiler les objectifs que vous vous êtes fixés d'ici à la fin de l'année 2005 et nous préciser sur quels critères vous comptez évaluer les conséquences positives de ce budget ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, si vous le permettez, je répondrai d'abord à votre dernière question, ce qui me donnera l'occasion de dresser un tableau d'ensemble des objectifs de la politique que je conduis au nom du Gouvernement.
Ces objectifs sont largement portés par le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, que votre assemblée a examiné en deuxième lecture voilà quelques semaines. Comme son intitulé l'indique, ce texte s'inscrit clairement dans le champ de l'égalité de traitement entre personnes valides et personnes handicapées : égal accès à l'éducation, à l'emploi, à la culture, à la citoyenneté.
La volonté du Gouvernement est de garantir l'effectivité des droits de la personne handicapée. Aussi les droits nouveaux créés par le projet de loi bénéficient-ils des financements nécessaires à leur mise en oeuvre, ce point mérite d'être souligné. Cela se traduit par la création de la prestation de compensation, l'ouverture de nouvelles places en établissements et la mise en oeuvre du principe généralisé d'accessibilité.
Le projet de loi donnera enfin un contenu au droit à la compensation. La prestation de compensation, vous le savez, monsieur le sénateur, prendra en charge les aides humaines mais aussi les aides techniques et l'ensemble des autres aides indispensables à la vie quotidienne. Sa concrétisation nécessite tout d'abord un financement - la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie dégagera à cette fin 550 millions d'euros -, ensuite la mise en place de structures d'accueil et d'évaluation des personnes et d'attribution des droits.
Ainsi, et je réponds à vos questions, monsieur le sénateur, refondant l'ancienne CDES et COTOREP que nous connaissons aujourd'hui et conçue comme un véritable guichet unique, la maison départementale du handicap comprendra la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées au sein de laquelle une équipe pluridisciplinaire sera capable de réaliser l'évaluation des besoins de la personne handicapée. L'accompagnement global de cette dernière dans la réalisation de son projet de vie pourra donc faire l'objet d'une évaluation en termes de besoins.
Les textes réglementaires sont déjà en préparation, monsieur le sénateur. J'ai tenu à ce que cela soit fait en même temps que l'élaboration du projet de loi. L'installation des maisons départementales du handicap est attendue pour le premier semestre de l'année 2005 et tout devra être en ordre de marche au 1er janvier 2006.
Par ailleurs, l'intégration de droit commun ne doit pas être exclusive des solutions spécifiques aux besoins de certaines personnes handicapées. Le programme de création de places en établissements et services se réalise selon le calendrier annoncé. Je l'ai précisé il y a un instant à Jean-Pierre Godefroy : la capacité d'accueil des enfants est doublée, celle des adultes est triplée et le nombre de places en CAT augmente de 75 % sur cette période ; au total, 40 000 places supplémentaires sont créées pour les personnes handicapées. Chaque semaine sont ouvertes soixante places en CAT et cent places en établissements.
Enfin, sur la question des ressources des personnes handicapées, vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, le Gouvernement conduit avec les associations une réflexion approfondie. Cela se traduira, pour les personnes qui peuvent travailler, par un meilleur cumul de l'AAH et du revenu d'activité ; pour les autres, par une compensation dans l'ordre des ressources.
Il s'agit de ne pas établir de corrélation dans ce projet de loi entre handicap et minimum social. Dans notre pays, nous devons plus aux personnes handicapées en termes de compensation. Je tiens à rappeler que le principe de la revalorisation régulière de l'AAH a été entériné par le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, puisqu'il sera bientôt inscrit dans la loi.
Je ne reviens pas sur la question de l'accessibilité généralisée en milieu scolaire, en milieu ordinaire, dans l'ensemble des infrastructures de vie, comme dans le monde du travail.
Je terminerai en revanche, monsieur le sénateur, sur la logique de résultats que renforcera la loi organique relative aux lois de finances : elle permettra de mettre en synergie les 29 milliards d'euros que vous avez cités et qui seront présentés autour du programme « handicap et dépendance ». Nous serons alors à même de mesurer de manière extrêmement précise les résultats en termes de réalisation des objectifs.
Il s'agit d'abord de l'accroissement du taux de placement et d'orientation. Aujourd'hui, une décision de placement sur deux n'est pas suivie d'effet. Cela est tout à fait anormal et ne doit plus être.
Il s'agit ensuite de la baisse du taux de chômage des personnes handicapées dans notre pays sur laquelle je me suis engagée.
Il s'agit enfin de la réduction des disparités territoriales dans l'offre médico-sociale au regard des besoins des personnes handicapées.
J'espère, monsieur le sénateur, avoir répondu à l'ensemble de vos questions.
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de vos réponses, qui répondent tout à fait à mes attentes.
Je veux cependant attirer votre attention sur un point particulier. Les associations s'occupant de handicapés s'émeuvent de l'adoption d'un amendement, voté d'ailleurs au Sénat, accordant une exonération d'impôt de 75 % des dons aux associations alimentaires telles que les Restos du Coeur alors qu'elles-mêmes ne bénéficient d'une déduction qu'à hauteur de 60 %. J'aimerais que cette question soit réglée.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Depuis quelques mois, le Gouvernement a largement théorisé son virage social. Il en a fait son objectif politique en annonçant d'importants moyens pour l'amélioration de ce qu'il appelle la « cohésion sociale ». Soucieux d'une information transparente de nos concitoyens, j'ai été amené à me poser une simple question : le projet de budget qui nous est présenté dégage-t-il des moyens significatifs pour améliorer l'emploi et pour diminuer la précarité ?
Ma première surprise a été de constater que les budgets sociaux, celui du « social institutionnel » de M. Philippe Douste-Blazy et celui du « social communicationnel » de M. Jean-Louis Borloo, c'est-à-dire les crédits cumulés des deux ministères que vous représentez, monsieur, mesdames les ministre, ne progressent quasiment pas. Le tournant social de l'action gouvernementale se caractérise ainsi, à périmètre constant, par 0,4 % de moyens nouveaux, avec légèrement plus de 50 milliards d'euros de crédits, soit un rythme de progression nettement inférieur à celui de l'inflation. Nous sommes donc loin du compte, d'une manière générale, puisque les dépenses de solidarité au sens large ne connaissent aucune hausse significative.
Les crédits affectés à la politique de l'emploi connaissent un sort presque comparable puisqu'ils ne progressent que de l, 8 %, hausse comparable à celle des prix. L'essentiel de cette augmentation renvoie non pas à des dépenses actives et volontaristes, mais à l'extension du champ des exonérations de cotisations sociales dans les zones franches ou dans le secteur de la restauration.
Pour ce qui concerne l'emploi, dans son rapport pour avis notre collègue Louis Souvet insiste à juste titre sur la baisse de 11,5 % des crédits destinés aux emplois aidés, qui passeraient de 4,01 milliards d'euros en 2004 à 3,54 milliards d'euros en 2005. Cette baisse correspond à la fonte des moyens de trois grandes catégories de contrats aidés : le revenu minimum d'activité, le RMA, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il n'est pas couronné de succès, le contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS, quasiment rayé de la carte après deux ans d'existence, et les emplois-jeunes dont la dotation est réduite de près de 600 millions d'euros marquant ainsi l'avancée progressive vers l'extinction complète du dispositif. Dès lors, il y aura moins d'argent pour les emplois aidés en 2005.
Dans la logique de simplification du plan Borloo, les CES, CEC, CIVIS, SIFE et SAE sont appelés à disparaître au profit de deux contrats nouveaux, à savoir le contrat d'accompagnement dans l'emploi et le contrat d'avenir. Dans le même temps, les contrats initiative-emploi et le RMA marchand seront relancés, complétés et rénovés.
Un double mystère demeure : comment faire autant de contrats aidés en 2004 et en 2005 avec moins de moyens ? Comment faire baisser le chômage en 2005, comme s'y est engagé encore cette année M. le Premier ministre, sans moyens plus importants ? Derrière les fusions de contrats et le dispositif peu lisible des enveloppes uniques régionales se cachent en réalité d'évidents renoncements.
Les maisons de l'emploi, pour lesquelles sont prévus 120 millions d'euros de crédits en 2005, méritent d'être définies rapidement. On parle de recrutements par le biais de contrats nouveaux et d'aides aux investissements : qui signera ces contrats et qui supportera ces investissements ?
Pour ce qui concerne le logement social, j'ai lu dans un dossier de presse fort bien fourni que 500 000 logements sociaux seraient bâtis d'ici à 2009. Après deux années consécutives de baisse des moyens du logement social, la tendance va devoir être radicalement inversée. Il en va de même pour les allocations logement, qui mériteraient d'être revalorisées, comme c'est désormais le cas pour l'impôt sur la fortune, afin de tenir compte de l'évolution du coût de la vie.
Ma crainte concerne aussi la progression des dépenses d'insertion des conseils généraux. Effectivement, en 2005 le montant des dépenses d'insertion sera plus élevé, pour la simple et bonne raison que les bénéficiaires du RMI sont plus nombreux et que les dépenses du fonds départemental d'insertion sont indexées sur les dépenses engagées au titre du RMI l'année précédente. Les 11 millions d'euros supplémentaires annoncés pour les fonds départementaux d'insertion viseront-ils à pallier ce fossé budgétaire produit par la décentralisation ?
Ma question sera simple. Sur les 12,8 milliards d'euros annoncés sur cinq ans, 1,12 milliard d'euros, soit 9 % du total, étaient prévus pour 2005 : est-il possible d'en avoir le détail ? En effet, hormis quelques crédits nouveaux consacrés à l'aide sociale d'urgence et de nouvelles exonérations de charges, la répartition des crédits du plan est marquée par un flou inquiétant.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, sur les 1,15 milliard d'euros que vous avez évoqués, 827 millions d'euros seront consacrés aux politiques de l'emploi et lorsque M. Larcher viendra présenter son budget, je ne doute pas qu'il vous apportera des précisions. Par ailleurs, 150 millions d'euros seront affectés aux politiques du logement, somme que M. Daubresse évoquera lorsqu'il viendra également vous présenter son budget.
Pour ce qui relève de ma compétence, 77 millions d'euros seront destinés à consolider l'offre d'hébergement et d'insertion. Sont prévues 800 places en centres d'hébergement et de réinsertion sociale, 2 000 places en centres d'accueil pour demandeurs d'asile et 1 000 places en maisons relais.
Par ailleurs, 62 millions d'euros seront consacrés à l'instauration des dispositifs de réussite éducative en faveur des adolescents et des enfants en difficulté ; 10 millions d'euros permettront de financer le programme « restaurer le lien social » qui vise à assurer la mise en place de vingt à trente guichets uniques sociaux et d'une centaine de points d'accueil et d'écoute pour les jeunes et à permettre de mettre en place les chartes territoriales.
Enfin, 20 millions d'euros seront destinés au programme des populations immigrées pour financer les formations linguistiques et civiques liées au contrat d'accueil et d'intégration.
Monsieur le sénateur, je vous précise qu'il s'agit bien de moyens supplémentaires qui s'ajoutent aux crédits consolidés en base sur la durée du plan de cohésion sociale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Madame la ministre, je prends note de votre réponse. Nous serons attentifs aux interventions de vos collègues qui viendront nous présenter leur budget.
Cependant, vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question concernant les contrats aidés. Les moyens qui leur sont affectés sont-ils nouveaux ou avez-vous dispatché des crédits anciens ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Etienne.
M. Jean-Claude Etienne. Je souhaite aborder trois points.
Tout d'abord, monsieur le ministre, je vous félicite d'avoir, pour la première fois, adossé la prise en charge des pathologies liées au vieillissement au domaine de la prévention. Cela donne de la clarté, ce qui est très important.
Ensuite, dans le domaine de la veille sanitaire, la semaine dernière, l'Office parlementaire des choix scientifiques et techniques, de même que l'Institut Pasteur, a constaté que l'opinion publique devait être rassurée ou pour le moins informée objectivement au sujet des épidémies, notamment de grippe aviaire. Chaque année, 30 000 décès résultent de maladies infectieuses dont 10 000 sont dues au pneumocoque, à cause de la bronchiolite, par exemple. Une vaccination serait possible. Qu'en est-il, monsieur le ministre ?
Enfin, la mnémographie médicale, même si elle constitue un progrès, n'est qu'une mesure d'appoint. Monsieur le ministre, vous avez appréhendé positivement la télémédecine, puisqu'elle est maintenant inscrite dans la loi. Comment sera-t-elle financée ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur le sénateur, pour ce qui concerne la grippe aviaire, le Gouvernement souhaite qu'un vaccin soit trouvé. Mais, pour cela, encore faut-il avoir détecté le virus responsable de la contamination interhumaine. Espérons qu'un tel virus n'existe pas, sinon, cela signifierait qu'il y a modification et adaptation génétique. Dans ce cas, la recherche demanderait quatre à six mois. Pour l'instant, nous disposons de 12 ou 13 millions de doses de Tamiflu pour pouvoir faire face.
Par ailleurs, en France, 850 000 personnes sont aujourd'hui atteintes de la maladie d'Alzheimer.
Le plan Alzheimer est articulé autour de dix objectifs dont les principaux sont les suivants : identifier les premiers symptômes, orienter vers un système de soins, structurer l'accès à un diagnostic de qualité, préserver la dignité des personnes, soutenir et informer la personne malade et sa famille. Le dernier volet du programme d'action concerne les études et la recherche clinique.
Un budget total de 104,5 millions d'euros sera affecté à ce plan sur trois ans. Sur cette somme, 15 millions d'euros seront consacrés au renforcement et au développement des consultations « mémoire » et 88 millions d'euros seront affectés aux structures médicosociales pour le financement des hébergements temporaires et de l'accueil de jour. La somme restante, qui s'élève à 1,5 million d'euros, servira à diffuser deux guides de bonnes pratiques en EPHAD, à répondre et soutenir les patients et leurs familles - la téléphonie sociale -, à développer des formations pour les professionnels, à prévenir la iatrogénie en matière de médicament, enfin, à tenir un colloque sur les problèmes éthiques.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.)