Article 1er
Le titre VIII du livre VII du code du travail est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« CHAPITRE V
« Sportifs professionnels
« Art. L. 785-1. - N'est pas considérée comme salaire la part de la rémunération versée à un sportif professionnel par une société relevant des catégories mentionnées à l'article 11 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, et qui correspond à la commercialisation par ladite société de l'image collective de l'équipe à laquelle le sportif appartient.
« Pour l'application du présent article, sont seules considérées comme des sportifs professionnels les personnes ayant conclu, avec une société mentionnée à l'alinéa précédent, un contrat de travail dont l'objet principal est la participation à des épreuves sportives.
« Des conventions collectives conclues, pour chaque discipline sportive, entre les organisations représentatives des sportifs professionnels et les organisations représentatives des sociétés employant des sportifs professionnels déterminent les modalités de fixation de la part de rémunération définie au premier alinéa, en fonction du niveau des recettes commerciales générées par l'exploitation de l'image collective de l'équipe sportive et notamment des recettes de parrainage, de publicité et de marchandisage ainsi que de celles provenant de la cession des droits de retransmission audiovisuelle des compétitions.
« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas à la part de rémunération inférieure à un seuil fixé par les conventions collectives et qui ne peut être inférieur à deux fois le plafond fixé par décret pris en application de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale.
« La part de rémunération définie au premier alinéa est fixée par convention collective dans chaque discipline. Elle ne peut toutefois pas excéder 30 % de la rémunération brute totale versée par la société au sportif professionnel.
« En l'absence d'une convention collective pour une discipline sportive, un décret peut déterminer les modalités de cette part de rémunération dans ladite discipline, dans le respect des conditions édictées par les alinéas précédents. »
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par MM. Todeschini, Lagauche, Mélenchon, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 5 rectifié est présenté par M. Collin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Serge Lagauche, pour présenter l'amendement n° 10.
M. Serge Lagauche. Cet article allège la pression fiscale sur les joueurs professionnels de sport d'équipe en les autorisant à ne pas déclarer une part de la rémunération perçue au titre du droit à l'image collective, part qui ne pourra excéder 30% de cette rémunération spécifique.
Cette disposition qui permettra d'améliorer la situation fiscale principalement des joueurs professionnels de football et de rugby les dissuadera sans doute de partir vers d'autres pays où la pression fiscale est moins forte.
Néanmoins, cette disposition nous paraît profondément injuste, pour deux raisons.
La première a été longuement exposée par mon collègue et ami Jean-Luc Mélenchon, lors de la défense de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité : nous sommes ici face à une rupture de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, pratique condamnée à maintes reprises par le juge constitutionnel. Je répète qu'il n'est pas correct, de la part du Gouvernement, d'avoir laissé passer sciemment, dans une proposition de loi, une disposition qui avait fait préalablement l'objet d'une censure du Conseil d'Etat saisi sur un avant-projet de loi comportant un article similaire.
La seconde raison qui, à nos yeux, rend le dispositif de cet article profondément injuste est qu'il ne concernera que les clubs constitués sous forme de sociétés. Les associations ont été purement et simplement oubliées. Ainsi, cet article ne s'appliquera pas aux disciplines comme le handball ou le volley-ball dont les clubs sont, pour la plupart, constitués sous forme associative.
Le recours à cette forme juridique leur est nécessaire puisque seul le statut associatif autorise ces clubs à recevoir des subventions de la part des collectivités territoriales, subventions dont n'ont absolument pas besoin les clubs de football dont les recettes sont constituées à plus de 50 % par les droits de retransmission télévisée, contre environ 1 % pour les clubs de handball. Le dispositif de l'article 1er va donc renforcer les avantages exorbitants des clubs de football par rapport aux clubs des autres sports collectifs.
Les deux motifs de disparité de traitement que je viens d'exposer nous conduisent donc à demander la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l'amendement n° 5 rectifié.
M. Yvon Collin. La proposition de loi que nous sommes conduits à examiner a été adoptée à l'Assemblée nationale dans des conditions anormales de très grande urgence, compte tenu de son histoire.
Je passerai sur plusieurs épisodes pour dire qu'après un rapport de M. Jean-Pierre Denis, vous avez installé un groupe de travail réunissant les milieux professionnels et les administrations concernées pour étudier les moyens d'améliorer la compétitivité du sport professionnel français.
Logiquement, les travaux de ce groupe auraient dû être suivis de l'élaboration d'un projet de loi, comme vous l'aviez annoncé. Mais la logique n'a pas prévalu et, sans qu'on sache précisément ce qu'il est advenu dans le groupe de travail que j'ai mentionné, celui-ci s'est autodétruit. Une proposition de loi est apparue fort opportunément.
Cela a permis d'éviter de mettre en évidence les différentes oppositions suscitées par l'article 1er. Les propositions de loi ont l'avantage considérable, mais aussi l'insigne faiblesse, de ne pas passer au crible de l'examen du Conseil d'Etat.
« Il fallait aller vite », estime un des auteurs de la proposition de loi et on comprend les motifs de cette précipitation. Mais j'ai été stupéfait de lire dans le même entretien que tout cela avait été fait dans l'harmonie entre votre ministère, le ministère des finances et le Conseil d'Etat.
Je m'interroge d'autant plus qu'il y a quelques années un « article Drut », de même nature, avait, dit-on, suscité la réserve du Conseil d'Etat, qui l'avait alors jugé contraire à l'égalité devant la loi et les charges publiques.
Je voudrais dire ici les raisons de fond pour lesquelles je m'oppose à cet article qui représente le coeur politique de cette proposition de loi.
A l'heure où le Gouvernement demande à chaque Français d'augmenter sa contribution au financement de l'assurance maladie et alors que le régime des intermittents du spectacle subit une réforme draconienne, le Gouvernement signe un chèque de plusieurs dizaines de millions d'euros, tiré sur les contribuables, au bénéfice des dirigeants de clubs sportifs à objet commercial.
Je m'empresse de dire que cet article d'initiative parlementaire me semble passible de l'article 40 de notre Constitution puisqu'il crée une charge publique.
Votre présentation est un leurre. Le panorama du football est caractérisé par une forte segmentation des pays et des clubs au regard des moyens financiers disponibles. Pour les pays, l'Angleterre est en tête avec 1,7 milliard d'euros de chiffre d'affaires, la France fermant la marche avec environ 650 millions d'euros. S'agissant des clubs, les vingt premiers clubs professionnels européens, sur un total de 250 clubs pour les cinq grands pays de football, accaparent la moitié du chiffre d'affaires du football en Europe. Le premier club français est dix-neuvième au classement.
La mesure que vous soutenez est une goutte d'eau dans cet océan, une goutte d'eau amère, mais une goutte d'eau.
Dans mon intervention lors de la discussion générale, j'ai indiqué les problèmes prioritaires qu'il convient de résoudre. Il faut s'attacher à assainir les finances du football européen parce que les pertes sont insoutenables, tout en préservant l'intérêt sportif des compétitions. Il faut réduire les inégalités, comme c'est fait aux Etats-Unis ; je l'ai dit, mais vous n'êtes pas d'accord. C'est beaucoup plus important que de courir vers le moins-disant fiscal en Europe.
En choisissant cette dernière option, la proposition de loi passe à côté de l'essentiel, met en oeuvre une mesure injuste et inefficace, et traduit un renoncement à emprunter la voie d'une harmonisation fiscale maîtrisée.
Je considère que la question des prélèvements obligatoires supportés par le football est une question légitime. Mais il est intolérable de la traiter comme vous le faites.
Il est justifié de s'intéresser au problème de la singularité française en matière de prélèvements obligatoires. Ce problème est celui de la compétitivité fiscale de « l'espace économique France », mais aussi celui des phénomènes de concurrence fiscale et de l'harmonisation des prélèvements obligatoires en Europe.
La forte mobilité de la main-d'oeuvre et les niveaux exceptionnels de rémunération atteints dans ce secteur sont des particularités dont il faut tenir compte.
Le « coin fiscalo-social » est particulièrement élevé en France. Par rapport à la moyenne des concurrents, les prélèvements obligatoires que suppose le versement d'un revenu de 1,8 million d'euros sont, en France, plus de deux fois plus lourds. Ce sont les charges sociales qui expliquent l'essentiel de cet écart. Elles sont douze fois plus élevées en France. Pour un salaire net de 1,8 million d'euros, l'écart de taux de cotisations employeurs entre la France et la moyenne européenne s'élève à plus de 30,1 points. Comme je l'ai dit dans mon rapport, ces données militent a priori pour une réduction des prélèvements.
Cependant, tout n'est pas aussi simple.
Je passe sur le fait que, dans les comparaisons internationales, les prélèvements obligatoires sont considérés comme une charge pure, sans contrepartie, alors qu'ils sont créateurs de droits pour les salariés et, à ce titre, doivent donc être considérés, au moins pour partie, comme un élément de rémunération du salarié.
L'essentiel est que s'aligner sur le bas de la fourchette des prélèvements en Europe, c'est implicitement adopter des systèmes étrangers, qui sont profondément inéquitables. Le taux effectif de cotisation est de 31,5 % pour un salarié en Espagne, mais il n'est que de 0,3 % pour un salarié touchant 1,8 million d'euros. On peut faire la même remarque s'agissant du Royaume-Uni.
Le système français, même s'il comporte des prélèvements sans doute excessifs, est, au regard de l'équité verticale, plus satisfaisant que les systèmes étrangers.
Plutôt que de militer pour un alignement de la France sur ces pays, il faut lancer un débat sur l'harmonisation en sensibilisant les opinions publiques étrangères sur les transferts de charges que supposent les systèmes « anti-redistributifs » appliqués dans leurs pays. D'ailleurs, le rapport de la Délégation préconise ce processus d'harmonisation. La proposition de loi qui est en discussion illustre, ô combien ! les problèmes que l'on rencontre lorsqu'on lui tourne le dos. Le texte tend en effet à réduire la charge « fiscalo-sociale » sur des salaires extrêmement élevés et à reporter celle-ci sur le contribuable ordinaire. Ce chemin n'est pas le bon.
De plus, la mesure envisagée sera inefficace. Sur la base de projections, le gain brut, pour les clubs français de ligue 1, peut être estimé à un montant de l'ordre de 40 millions d'euros. Ce transfert des administrations publiques vers les clubs représentera une charge importante pour les finances publiques. Le supplément de ressources variera, pour chaque club, en fonction du niveau relatif des salaires versés. On estime qu'il oscillera entre 1 million d'euros et 5 millions d'euros. Ces données doivent être mises en regard des 151 millions d'euros de pertes des clubs de ligue 1, du coût d'un transfert moyen - qui est de l'ordre de 6 millions d'euros - et du budget des plus gros clubs. Les clubs, qui perdent de l'argent, souhaitent utiliser ces sommes pour augmenter leurs dépenses : c'est rigoureusement inconcevable ! Le Gouvernement souhaite-t-il dilapider l'argent des contribuables ?
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par MM. Vallet, Merceron et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
I - Après les mots :
un sportif professionnel
rédiger ainsi la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 7851 du code du travail :
par une fédération visée à l'article 16 de la loi n° 84610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, une association affiliée à la fédération ou par une société relevant des catégories mentionnées à l'article 11 de la même loi, et qui correspond à la commercialisation par lesdits groupements de l'image collective de l'équipe à laquelle le sportif appartient.
II - En conséquence :
a) Dans le second alinéa du même texte, remplacer les mots :
une société mentionnée
par les mots :
un groupement sportif mentionné
b) Après les mots :
versée par
rédiger comme suit la fin de la seconde phrase de l'avant dernier alinéa du même texte :
la fédération, l'association ou la société au sportif professionnel
La parole est à M. André Vallet.
M. André Vallet. L'article 1er permet à un sportif d'être en partie rémunéré à travers la commercialisation de l'image de son équipe. Or, le champ de cet article est limité aux sportifs liés aux clubs constitués en société.
Nous, les membres du groupe de l'Union centriste, souhaitons une adaptation de la législation sur l'organisation du sport professionnel pour que toutes ses composantes puissent bénéficier de ces dispositions.
Cette limitation aux sociétés nous semble, en effet, injustifiée et peu adaptée aux réalités. En effet, si les clubs de football sont, pour la plupart, des sociétés à objet sportif, il n'en est pas de même dans d'autres disciplines comme le handball et le volley-ball.
Très souvent, si les clubs ne se sont pas encore constitués sous forme de société, c'est uniquement parce qu'ils n'atteignent pas les seuils fixés par décret. Penser qu'ils se transformeront en société afin de pouvoir bénéficier de ce dispositif serait faire fi des contraintes juridiques pesant sur eux.
Par ailleurs, il convient de souligner que les sociétés sportives n'ont pas le monopole des contrats d'image. Les associations emploient également leur image collective comme principal vecteur de développement.
Si cette disposition est maintenue en l'état, il y aurait une inégalité de traitement entre les joueurs d'une même discipline. Or, il nous semble que l'objectif poursuivi est d'améliorer la compétitivité du sport professionnel français dans son ensemble.
En outre, tout comme les sociétés et les associations, les fédérations sportives peuvent être amenées à valoriser l'image collective de leur équipe de France. La valorisation de cette image peut donner lieu à la rémunération des sportifs. C'est pourquoi nous vous proposons d'élargir également le dispositif aux fédérations.
Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. Humbert, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 785-1 du code du travail, remplacer les mots :
sont seules considérées comme des sportifs professionnels les personnes
par les mots :
sont seuls considérés comme des sportifs professionnels les sportifs
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Cet amendement d'appel vise à lever une ambiguïté rédactionnelle, afin d'éclaircir la situation des entraîneurs professionnels des équipes sportives vis-à-vis de ce dispositif du droit à l'image collective.
Monsieur le ministre, au cours des auditions, les représentants des entraîneurs, toutes disciplines confondues, m'ont fait part de leur volonté de revendiquer auprès de leurs clubs le bénéfice de ce dispositif une fois qu'il serait adopté. Or, à la lecture d'un certain nombre de comptes rendus des groupes de travail à l'origine de ce texte, il nous a semblé qu'il n'était pas dans l'intention des auteurs d'inclure les entraîneurs dans ce dispositif.
Aussi, afin de lever cette ambiguïté rédactionnelle, le présent amendement tend à restreindre l'application du dispositif aux seuls joueurs employés par les clubs, dans l'attente de votre explication, monsieur le ministre.
Mme la présidente. L'amendement n° 15, présenté par M. Vallet et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le début du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 785-1 du code du travail :
« Un accord conclu entre les organisations représentatives des sportifs professionnels et les fédérations ou les organisations représentatives des associations et des sociétés employant des sportifs professionnels détermine les modalités ...
L'amendement n° 16, présenté par M. Vallet et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l'avant dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 785-1 du code du travail :
« La part de rémunération définie au premier alinéa est fixée par l'accord prévu ci-dessus. Elle ne peut toutefois pas excéder 30 % de la rémunération brute totale versée par la fédération, l'association ou la société au sportif professionnel.
L'amendement n° 17, présenté par M. Vallet et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 7851 du code du travail :
« En l'absence d'accord, un décret peut déterminer les modalités de cette part de rémunération dans le respect des conditions édictées par les alinéas précédents. »
La parole est à M. André Vallet, pour présenter ces trois amendements.
M. André Vallet. L'amendement n° 15 a pour objet de tirer toutes les conséquences de la reconnaissance du droit à l'image et de traiter l'ensemble des sportifs et des disciplines de manière identique, quel que soit la discipline sportive ou le montant des revenus des sportifs professionnels. Il s'agit d'offrir au sportif professionnel un droit à l'image identique quel que soit sa discipline ou le montant de ses revenus. Cet amendement a donc pour objet d'assurer une plus grande équité entre les sportifs et les disciplines.
Quant aux amendements nos 16 et 17, il s'agit de deux amendements de conséquence.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Humbert, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 10, la commission émet un avis défavorable. Je ne reprends pas les arguments que j'ai développés lors de l'examen de la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Les motivations de l'amendement n° 5 rectifié me semblent infondées à trois égards, monsieur Collin.
D'abord, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de l'examen de la motion préjudicielle déposée par le même auteur, les 280 joueurs français dans des clubs étrangers représentent aujourd'hui, pour notre pays, une perte de 16 millions d'euros au titre de l'impôt sur le revenu et de 35 millions d'euros de charges sociales. Il s'agit d'une perte considérable pour le contribuable, et c'est précisément ce contre quoi nous luttons par le dispositif de cet article.
Ensuite, quand vous évoquez les pertes très élevées des clubs sportifs français, vous visez, bien entendu, les clubs de football. Vous semblez par conséquent ignorer que, sous l'impulsion de la ligue professionnelle, les clubs de football français se sont engagés dans un vaste mouvement d'apurement de leurs comptes, avec des résultats exemplaires. Pour vous donner un chiffre représentatif, le déficit d'exploitation de l'ensemble des clubs de football de ligue 1 a été ramené en août dernier à un montant compris entre 10 millions d'euros et 20 millions d'euros. C'est beaucoup, me direz-vous, mais ce montant doit être mis en regard du déficit du FC Barcelone : 160 millions d'euros, soit huit fois plus pour un seul club que pour nos vingt clubs de ligue 1.
Enfin, vous parlez d'un régime dérogatoire. Je rappelle que le dispositif du droit à l'image collective ne crée pas de niche fiscale (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste), mais aligne la situation des sportifs professionnels sur celle des artistes interprètes. Entendriez-vous remettre en cause le régime des artistes français ?
Pour conclure, permettez-moi de m'étonner de la fronde de l'auteur de l'amendement. Comme il a lui-même tenu à le rappeler tout à l'heure, il est l'auteur d'un remarquable rapport sur le sport professionnel en France dans lequel on trouve, sous le titre : « Les prélèvements sociaux et fiscaux, quels effets sur la compétitivité des clubs ? », le constat suivant : « Par rapport à la moyenne des concurrents européens, les prélèvements obligatoires que suppose le versement d'un même revenu à un sportif sont en France plus de deux fois plus lourds ; ce sont les charges sociales qui expliquent l'essentiel de cet écart ; elles sont plus de douze fois plus élevées en France. »
Alors que le dispositif du droit à l'image collective, tout en bénéficiant aux sportifs, a également pour objectif d'alléger les charges des clubs, je m'étonne que l'auteur de ces lignes que je viens de rappeler propose aujourd'hui de supprimer le dispositif.
Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Concernant l'amendement n°2, il n'y a pas d'interdiction absolue, pour les associations, d'adopter le statut de société, quand bien même elles n'auraient pas atteint les seuils que nous avons mentionnés et répétés. Elles ont donc la possibilité, si elles le souhaitent, de bénéficier du nouveau dispositif. Monsieur Vallet, ces précisions, qui complètent celles qui vous ont été fournies en commission, pourraient vous conduire à retirer votre amendement. A défaut, la commission émettra un avis défavorable.
L'amendement n° 15 propose que les modalités de fixation de la part de rémunération représentative du droit à l'image collective soit négociées de manière uniforme pour toutes les disciplines entre les organisations représentatives des sportifs professionnels et les fédérations, alors que le dispositif prévoit une négociation discipline par discipline.
En réalité, l'exposition médiatique des équipes en fonction de laquelle est déterminé le taux de la redevance étant très variable d'une discipline sportive à l'autre, le calcul du droit à l'image ne peut pas être normalisé.
C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur les amendements de conséquence nos 16 et 17.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-François Lamour, ministre. Concernant l'amendement n° 10, je rappelle que le projet de loi Drut n'est pas retranscrit in extenso dans la proposition de loi qui est actuellement en débat. Il s'agit d'un nouveau texte, qui permet de tenir compte des observations du Conseil constitutionnel.
Monsieur Lagauche, vous évoquiez les subventions publiques attribuées aux clubs professionnels. Je précise simplement que c'est la loi de 1999 sur le sport professionnel, présentée devant votre assemblée par Mme Marie-George Buffet, qui a permis le versement de ces subventions publiques aux clubs professionnels. Je vois que vous y êtes maintenant opposé ; c'est malheureusement assez surprenant !
Mme Annie David. Vous aviez voté contre en 1999 !
M. Jean-François Lamour, ministre. Je ne parle pas de ce que j'ai fait, madame David, je dis simplement que M. Lagauche est maintenant opposé aux subventions publiques !
Enfin, concernant les estimations sur ce que ce dispositif peut coûter à l'Etat et sur ce qu'il peut rapporter aux clubs, il existe une importante différence d'appréciation entre vous : M. Mélenchon évoquait un coût pour la sécurité sociale de l'ordre de 120 millions d'euros ; vous, vous parlez de gains de 40 millions d'euros. Je vous demande simplement de vous mettre d'accord sur les recettes et les pertes, car il y a là une sacrée différence.
Je rejoins M. Humbert sur les grands efforts accomplis par les différentes directions nationales du contrôle de gestion, les DNCG, qui ont véritablement assaini les finances des clubs professionnels de rugby ou de football. C'est effectivement ce qu'il faudra demander à l'échelon européen car, pour l'instant, la licence européenne ne résout pas véritablement le problème de l'opacité des comptes d'un certain nombre de clubs professionnels en Europe.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 10 et 5 rectifié.
S'agissant de l'amendement n° 2, monsieur Vallet, vous avez posé une bonne question sur les sportifs sélectionnés en équipe de France. La proposition de loi évoque la continuité du contrat de travail conclu par les joueurs dans les clubs avec l'équipe de France. Un problème complexe d'interprétation se pose pour l'application du dispositif de droit à l'image collective pour ces joueurs.
Quant aux rémunérations versées aux sportifs par les associations, un seul club de handball serait capable de verser à ses joueurs une rémunération égale à deux fois le plafond. Ce club tient, semble-t-il, à conserver son statut d'association pour continuer à percevoir d'importantes subventions publiques. Il conviendrait peut-être qu'il évolue vers un statut professionnel.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 1 vise la disposition de l'article 1er aux termes de laquelle d'autres catégories de personnes ayant signé un contrat de travail avec une société civile pourraient bénéficier du droit à l'image collective. C'est un point qui a été évoqué par M. Bernard Murat.
Le deuxième alinéa de cet article précise bien qu'il s'agit de la participation à des épreuves sportives. Cette disposition concerne exclusivement les joueurs ; ce sont eux qui participent à l'activité footballistique sur le terrain et qui peuvent bénéficier d'une part du droit à l'image collective.
Bien évidemment, les entraîneurs, comme d'autres catégories de personnes évoluant autour d'une équipe de football, peuvent bénéficier du droit à l'image individuelle. D'ailleurs, cela existe !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Exactement !
M. Jean-François Lamour, ministre. Chacun sait qu'un certain nombre d'entraîneurs bénéficient de ces dispositions, qui conviennent bien à leur statut.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Quant à l'amendement n° 15, il me paraît bon de donner la possibilité, en fonction des recettes de parrainage, de publicité et de marchandisage, qui varient selon les disciplines, de moduler le niveau de rémunération des sportifs, et donc la part afférente au droit à l'image.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur les amendements nos 16 et 17.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 et 5 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Monsieur Vallet, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
M. André Vallet. Je vais donner satisfaction à M le rapporteur et retirer mes amendements.
Auparavant, je souhaite avoir quelques précisions. Au sein du groupe de l'Union centriste, nous approuvons la philosophie du présent texte, mais nous avons l'impression, peut-être fausse, que celui-ci favorise quelques sports, et ne s'applique donc pas à l'ensemble du mouvement sportif. M. le rapporteur ou M. le ministre pourraient-ils nous dire quelques mots sur les consultations qu'ils ont pu avoir avec les autres fédérations sportives et l'opinion de ces dernières ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-François Lamour, ministre. Monsieur le sénateur, la proposition de loi présentée par MM. Landrin et Geveaux a été largement nourrie des conclusions du groupe de travail qui a été mis en place sur mon initiative, regroupant les présidents de fédérations, les présidents de ligues et les représentants des joueurs.
Tous ces intervenants ont travaillé sur un certain nombre de propositions. Ces dernières ont été reprises en grande partie dans la proposition de loi, avec l'assentiment de tous les partenaires du groupe de travail, qui ont validé les principes retenus.
Je rappelle les chiffres concernant le nombre de joueurs professionnels qui pourraient bénéficier de la présente proposition de loi : près de cinq cents joueurs professionnels de football, six cents joueurs professionnels de rugby, deux cents joueurs professionnels de basket-ball. Ils sont beaucoup moins nombreux pour le handball car peu de clubs ont le statut de société anonyme de sport professionnel, SASP, beaucoup de clubs préférant, pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure, rester dans un cadre purement associatif.
M. André Vallet. Dans ces conditions, je retire l'amendement n° 2, ainsi que les amendements nos 15, 16 et 17.
Mme la présidente. Les amendements nos 2, 15, 16 et 17 sont retirés.
M. Thierry Repentin. Madame la présidente, je reprends l'amendement n° 2
Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Repentin.
Mon cher collègue, vous avez la parole, pour défendre cet amendement.
M. Thierry Repentin. Nous venons de demander vainement la suppression de l'article 1er de la proposition de loi Thiriez au motif qu'il institue une disparité de traitement face aux charges publiques, notamment au sein même du sport d'équipe professionnel.
L'amendement n° 2 de nos collègues MM. Vallet et Merceron, que nous aurions pu déposer comme amendement de repli, présente le mérite d'améliorer quelque peu la situation, puisqu'il autorisera, s'il est adopté, l'ensemble des sportifs professionnels à se prévaloir du droit à déduire jusqu'à 30 % de la rémunération perçue au titre du droit à l'image collective de leur traitement soumis à déclaration de revenus.
Ainsi, alors que la proposition de loi réserve cette possibilité aux sportifs dont les clubs sont constitués en société, et à ces seuls clubs, l'amendement tend à l'étendre aux associations. Ce sont certainement les joueurs de ces structures qui ont le plus besoin de bénéficier d'un tel avantage.
Je rappelle qu'au sein des disciplines de sports d'équipe, la quasi-totalité des clubs, en dehors de ceux du football et du rugby, ne sont pas constitués sous forme de société. Et il y a une bonne raison à cela : en vertu de l'article 19-1 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, les sociétés telles que définies à l'article 11 de cette même loi ne peuvent bénéficier de subventions des collectivités territoriales.
En conséquence, les clubs qui, à l'instar de ceux du football, voient leur budget abondé de 52 % par les droits de retransmission télévisée n'ont pas besoin de rechercher des financements complémentaires auprès des collectivités territoriales. Ils peuvent donc se constituer sous forme de société.
En revanche, les disciplines, comme le handball, le hockey et d'autres sports moins médiatiques que le football, dont les ressources tirées des droits de retransmission télévisée ne représentent qu'une marge infime de leur financement, ne peuvent survivre sans l'aide des collectivités territoriales.
Pour en bénéficier, une seule solution s'ouvre à leurs clubs : opter pour un statut d'association, largement représenté dans nos collectivités territoriales.
Il me semble donc profondément injuste que seuls les joueurs de football dont les clubs ont pris la forme de société bénéficient du droit de déduire de leur déclaration de revenus une part non négligeable de leurs rémunérations, alors que les joueurs professionnels d'autres disciplines - le handball, le basket, le volley - en seront privés dans leur grande majorité, peu de clubs de ces disciplines - et M. le ministre ne peut pas le contester - étant constitués sous forme de société ; ils sont seulement au nombre de trois en France dans le domaine du handball.
Cette disparité de traitement est d'autant plus injuste que les salaires dans ces disciplines moins médiatiques n'ont rien de commun avec les rémunérations faramineuses versées par certains clubs de football.
En France, dans le secteur du handball, le salaire moyen mensuel d'un joueur professionnel de première division s'élève à 3 000 euros, certains joueurs ne percevant que le SMIC, tandis que seuls vingt-sept joueurs touchent plus de 5 000 euros.
On l'a bien compris, que vous soyez en société ou en club, vous serez traité différemment avec l'adoption de la proposition de loi Thiriez.
Le sport professionnel est différent parce que l'intérêt des médias, et donc des sponsors, des partenaires privés, est très variable.
Or, en dehors du football, nous avons en France des sports collectifs dans lesquels les joueurs pratiquement professionnels appartiennent à des clubs ayant un statut associatif.
Nier cette réalité, c'est nier la réalité de la diversité qui existe entre les sports. La France peut pourtant être fière de ces sportifs qui font souvent résonner la Marseillaise dans les joutes européennes, mondiales, olympiques, et qui drainent, par émulation, des milliers de jeunes pratiquants sur nos stades et dans nos gymnases.
Je pense bien évidemment à nos joueurs de rugby, mais aussi à nos handballeurs qui ont été deux fois champions du monde et une fois champions olympiques - aucun autre sport collectif en France n'a affiché un tel palmarès - et à nos basketteurs.
Je m'en tiendrai à ces trois exemples, qu'a bien voulu prendre M. le rapporteur, où les moissons ont été belles en titres masculins et féminins, mais où les sponsors privés ne sont malheureusement pas toujours au rendez-vous.
En effet, bien que riches de résultats, de personnalités et de licenciés, les clubs vivent essentiellement de subventions publiques et chacun sait, dans cet hémicycle, que les associations dans nos villes comptent des sportifs professionnels.
Si l'article 1er de la présente proposition de loi était adopté en l'état, nous aurions à l'égard des collectivités locales, des sportifs concernés, et donc des règles au sein d'un championnat, des accompagnements différents d'un territoire à l'autre, qui pourraient bouleverser la hiérarchie sportive, laquelle a été construite, souvent pendant de longues années, par les dirigeants des clubs, soutenus par les maires et les présidents de conseil général.
Cet amendement, judicieusement présenté par M. Vallet, permet d'éviter une iniquité territoriale, sans rien enlever d'ailleurs à la proposition de loi telle qu'elle est présentée - je rassure les amoureux du football -, c'est-à-dire sans supprimer les avantages que la proposition de loi Thiriez tente d'apporter au football professionnel, car aucun club de football de ligue 1 n'a une forme associative.
Il nous a été dit que si ces clubs voulaient bénéficier du présent texte, ils n'avaient qu'à se transformer en société anonyme. Or, nous savons, vous et moi, pourquoi ils ne le font pas : n'étant malheureusement pas suffisamment médiatiques, ils ne peuvent pas vivre sans les subventions municipales et départementales, auxquelles ils n'auraient plus droit s'ils adoptaient ce statut.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Murat, pour explication de vote.
M. Bernard Murat. Nous discutons de cette proposition de loi depuis vingt-deux heures et tous les orateurs ont pu faire valoir leur point de vue. On peut effectivement se poser des questions sur le spectre des sportifs, des associations et des clubs qui sont particulièrement concernés par le dispositif proposé. Mais il y a une chose que nous ne pouvons pas accepter en tant que sénateurs. Dans cet hémicycle, nous votons sur une proposition de loi qui est présentée par M. le ministre.
M. Jean-Marc Todeschini. Pas par le ministre !
M. Bernard Murat. Elle ne saurait porter le nom d'une personnalité sportive, quels que soient ses qualités et ses titres, qu'il s'agisse d'un président d'une association ou d'un président d'une fédération sportive française. Cela me paraît inadmissible ! (Marques d'approbation sur plusieurs travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Nous nous abstiendrons sur l'amendement n° 2 rectifié, non pas que M. le ministre ou M. le rapporteur nous aient convaincus, mais parce que nous avons voté en faveur de l'amendement de suppression de l'article 1er.
Comme nous sommes contre l'article 1er, nous ne souhaitons pas étendre le champ des dispositions prévues à d'autres sportifs. Toutefois, cet amendement de repli permettrait de maintenir une certaine égalité de traitement entre les sportifs, car l'article 1er va creuser un fossé entre les disciplines, voire entre certains sportifs d'une même discipline.
Je le répète, nous nous abstiendrons sur cet amendement de repli, mais ce n'est pas parce que nous avons été convaincus par vos arguments, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 47 :
Nombre de votants | 321 |
Nombre de suffrages exprimés | 266 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 134 |
Pour l'adoption | 103 |
Contre | 163 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Humbert, rapporteur. Monsieur le ministre, l'amendement n° 1 était, comme je l'avais précisé, un amendement d'appel. J'attendais votre réponse avec intérêt. Compte tenu de vos explications, je le retire.
Mme la présidente. L'amendement n° 1 est retiré.
M. Jean-Marc Todeschini. M. le rapporteur peut-il retirer un amendement sans avoir consulté la commission ? Vous voulez un vote conforme !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Mon cher collègue, rappelez-vous la réunion de la commission. Nous avons eu notamment une discussion particulièrement intéressante sur cet amendement. Ce que M. le rapporteur vient de faire est strictement conforme à la décision de la commission.