Article 1er
L'établissement public Aéroports de Paris est transformé en société anonyme. Cette transformation n'emporte ni création d'une personne morale nouvelle ni conséquence sur le régime juridique auquel sont soumis les personnels.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, sur l'article.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est évident qu'un immense fossé sépare l'ordonnance du 24 octobre 1945, que j'évoquais ce matin, et le projet de loi que vous soumettez aujourd'hui à notre examen.
Cette ordonnance déterminait les éléments qui faisaient partie de l'ensemble constitué par l'aéroport et qui comprenaient : les aérodromes ouverts à la navigation aérienne civile, les voies d'accès aux aérodromes destinées au trafic des lignes aériennes mondiales, continentales et nationales, les routes aériennes réservées aux transports commerciaux, les dispositifs de protection de ces routes, les installations et dépendances rattachées à l'aéroport en vue de permettre son exploitation complète.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, tout était prévu et c'est pour cette raison que cela a fonctionné. Pourquoi changer ce qui marche ? Cela ne signifie pas pour autant qu'il ne faille pas apporter d'améliorations.
L'aéroport d'Orly, inauguré dans les années soixante, a été le monument le plus visité par les Parisiens, les Français en général et les touristes.
Roissy est devenu l'un des plus grands aéroports du monde.
Et je n'oublie pas Air France, notre compagnie nationale, que le monde entier nous envie pour son savoir-faire et son personnel si qualifié, et que, malheureusement, vous avez privatisée.
Dans un premier temps, lors du colloque « Transport avenir », il avait été envisagé de ne pas toucher au statut de Roissy, d'Orly et du Bourget. Mais le vent du libéralisme ? encore lui ! ? a soufflé si fort que vous avez cédé à cette tentation, comme votre Gouvernement cède à la pression du MEDEF.
Et voilà qu'aujourd'hui le président d'Aéroports de Paris énonce clairement son objectif : « Ma stratégie est claire : transformer ADP en véritable entreprise de services ».
Monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'est devenue la volonté du législateur de 1945, représentant le peuple qui avait libéré la France, et qui voulait sa prospérité grâce à cet outil formidable du service public à la française, comme l'a rappelé tout à l'heure mon amie Nicole Borvo lors de la commémoration de la séance inaugurale de l'Assemblée consultative provisoire du 9 novembre 1944 ?
Que sont devenues les voies d'accès aux aérodromes ? Je citerai en particulier celles d'Orly, déjà saturées : aucune ligne de métro ne dessert l'aéroport, alors que les conseils généraux du Val-de-Marne et de l'Essonne le demandent depuis longtemps.
Croyez-vous que les habitants du Val-de-Marne attendent la création d'un centre commercial à Orly, par exemple, alors que le département de l'Essonne regorge déjà de tels centres ? Belle-Epine, Créteil, etc, ? entraînant la disparition des petits commerces qui rendent tant de services ? Il n'est pas utile de transformer le statut d'ADP pour ajouter encore des commerces ou autres projets !
Qui peut dire, si votre loi était appliquée ? malheureusement, je crains qu'elle ne soit votée ?, ce qu'il adviendrait d'Air France dans la guerre de concurrence entre les aéroports qui ne manquera pas de se produire ? Qu'on le veuille ou non, la sécurité des passagers et des riverains passerait au second plan.
Qu'adviendrait-il de la protection de l'environnement ? Le bruit et la pollution pourraient-ils être maîtrisés si, par exemple, les émirats arabes investissaient en force le ciel européen avec tous les avions gros porteurs qu'ils viennent d'acheter ? Se préoccuperaient-ils des riverains ? Il y a de quoi s'inquiéter, car on sait très bien qu'ils ne rendront de compte à personne.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, à Orly ou à Roissy, ce n'est pas un centre commercial qui résorbera le chômage !
Avec les conseils généraux du Val-de-Marne et de l'Essonne, nous avons des propositions à formuler pour créer des emplois autour du pôle Orly - Rungis. Or, monsieur le ministre, la table ronde que les présidents de ces deux conseils généraux vous réclament depuis deux ans n'a toujours pas eu lieu au ministère. Nous vous demandons de l'organiser instamment.
Il faut préserver l'environnement, voire l'améliorer, en réduisant le nombre de camions en circulation. Or, à Valenton, vous laissez fermer le centre national de containers, après que 100 millions de francs eurent été investis pour le ferroutage.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, un débat au Parlement est nécessaire non seulement sur le transport aérien mais aussi sur toute la politique du transport.
Les Franciliens, les Marseillais, les Lillois et bien d'autres Français subissent des agressions dues à la pollution et au bruit, qu'il faudra bien faire diminuer. J'en parle en connaissance de cause puisque c'est le cas dans ma ville de Choisy-le-Roi. Et pourtant, vous avez supprimé la zone de protection pour l'environnement.
Disant tout cela, je ne m'éloigne pas du sujet, bien au contraire : je fais le lien entre toutes les mesures proposées par le Gouvernement et avalisées par la majorité parlementaire au Sénat et à l'Assemblée nationale.
Il s'agit de la suite logique de la modification de la Constitution qui a transformé la République Française une et indivisible en République décentralisée. Celle-ci est source d'inégalité entre les régions françaises, fait appel à la privatisation des services et aboutit pour le transport aérien à la privatisation annoncée d'Air France.
M. le président. Vous avez largement dépassé votre temps de parole, madame Luc !
Mme Hélène Luc. Je conclus, monsieur le président !
Nous allons nous battre d'arrache-pied, monsieur le ministre, bien qu'à armes inégales puisque ce projet arrive trop vite en discussion et que l'on ne permet pas au Parlement de mener la bataille qu'il souhaiterait conduire au côté des acteurs concernés !
Avec les salariés, nous allons alerter les usagers, les riverains et tous les Français concernés et, dès aujourd'hui, présenter nos amendements et les défendre.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 34 est présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout, pour défendre l'amendement n° 12.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés que, pour témoigner de notre totale opposition à ce projet de loi, nous ayons déposé des amendements de suppression sur chacun de ses seize articles.
Pour ne pas abuser du temps de notre assemblée, je défendrai plus particulièrement les amendements portant sur les principaux articles. S'agissant de l'article 1er, fondamental dans ce projet de loi, je m'en tiendrai à la problématique du statut des personnels.
Cet article tend à transformer l'établissement public ADP en société anonyme soumise au droit privé, tout en prétendant laisser inchangé le régime juridique actuel de ses personnels.
Je prétends, pour ma part, que faire croire au personnel que l'abandon du statut d'établissement public n'aura pas de conséquence à moyen terme sur leur statut constitue un véritable leurre.
Nous avons de bonnes raisons de croire a priori que la soumission d'ADP aux règles de droit privé et au droit commun de la concurrence se traduira par une dégradation des conditions de travail et par des pressions visant à tirer vers le bas l'ensemble des normes sociales issues de conventions collectives ou d'autres accords de la profession. L'entrée de capitaux privés soumettra de facto, avec la force de la loi, la gestion de l'entreprise aux critères du privé et aux normes de rentabilité financière immédiate fixées sur les marchés financiers.
Pour quelle raison les acquis sociaux et le statut réglementaire des salariés d'ADP, fortement inspiré de celui de la fonction publique, seraient-ils préservés, alors même que ce Gouvernement multiplie les attaques contre le code du travail et qu'il suffit d'un simple vote du conseil d'administration, entériné par le ministre, pour modifier le statut du personnel ?
Mais il y a plus grave encore : je crains que le niveau de l'emploi, variable d'ajustement privilégiée actuellement, ne soit fortement touché à terme par l'accélération du mouvement d'externalisation, de filialisation et de privatisation rapide d'activités encore intégrées à ADP. Plus de 8 000 emplois sont directement concernés.
Plus globalement, le poids économique et social d'ADP est considérable pour la région d'Ile de France et au-delà. Les nombreux emplois générés par les activités aéroportuaires participent à la cohésion sociale de notre pays, à l'heure où de nombreuses entreprises ferment ou délocalisent leur production.
Que se passerait-il si un vaste mouvement de précarisation se généralisait dans ce secteur ? Nous sommes loin d'être à l'abri d'un tel mouvement et les salariés ont raison d'être inquiets.
Comme le souligne notre rapporteur, Jean-François Legrand, les plates-formes aéroportuaires représentent 110 000 emplois directs, 100 000 emplois indirects et environ 100 000 emplois induits.
Autrement dit, ce sont de nombreux départements et villes qui bénéficient du rayonnement économique et des effets d'entraînement des pôles aéroportuaires. Ainsi, le pôle de Roissy représente un bassin exceptionnel d'emplois dont la zone d'influence touche deux régions, l'Ile-de-France et la Picardie.
L'ensemble des activités aéroportuaires générées par le secteur aérien en Ile-de-France représentent, à elles seules, 9 % du produit intérieur brut.
L'affaiblissement d'un tel pôle économique par le biais d'une précarisation accrue du travail, de la réduction d'emplois qualifiés et du développement de la sous-traitance sera lourd de conséquences en termes économique et social !
Ne faisons pas subir à nos activités de services ce que nous venons de faire subir à notre industrie. Dans le cadre de l'OMC et de l'AGCS, l'accord général sur le commerce des services, ce sont maintenant les services, notamment les services publics, qui sont visés par la libéralisation et la déréglementation tous azimuts.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous bénéficions aujourd'hui de l'expérience des différentes entreprises et établissements publics qui ont suivi le même processus, avec les mêmes étapes menant tout droit à la privatisation, la transformation en société anonyme étant un point de passage obligé. Or je ne peux m'empêcher de penser que ce projet de loi ne représente rien d'autre que la privatisation programmée d'ADP. C'est la raison pour laquelle je propose au Sénat de supprimer l'article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 34.
M. Daniel Reiner. L'article 1er est le coeur de ce projet de loi.
Rien ne justifie, je le redis, la transformation d'ADP en société anonyme. Le président de l'établissement public, que nous avons entendu en commission, n'était pas véritablement demandeur. C'est le Gouvernement qui lui a demandé de préparer cette privatisation. Il avait simplement souhaité, semble-t-il, une recapitalisation d'ADP pour faire face à de nouveaux investissements.
En outre, M. le rapporteur pour avis de la commission des finances avait indiqué très clairement que cette question n'avait rien à voir avec le droit communautaire. Pour une fois, la construction européenne n'est donc pas instrumentalisée pour justifier une privatisation.
Son rapport indique néanmoins, et c'est là une formulation assez surprenante, qu'ADP « ne peut rester durablement à l'écart de l'émergence d'un nouveau modèle européen d'aéroport ». Quel est donc ce modèle ? Existe-t-il un modèle ? A notre connaissance, il n'y en a pas. Tous les modes de gestion et de propriété coexistent. On peut même relever que, hormis en Grande-Bretagne, les grands aéroports demeurent propriétés publiques.
On nous dit ensuite qu'ADP manque de fonds propres pour financer son programme d'investissements aéroportuaires et qu'il faut donc faire appel à des capitaux privés. On écarte ainsi d'emblée le soutien financier normal de l'Etat, qui n'aurait pas les moyens de procéder aux dotations en capital nécessaires... Certes, les finances publiques ne sont pas au mieux de leur forme, mais à qui la faute ? Comment concevoir que l'Etat puisse se désengager de la sorte d'un secteur aussi stratégique pour le pays, au motif qu'il ne pourrait soutenir le financement des investissements ? Accepterait-on que l'on développe le même raisonnement s'agissant des forces armées, de la justice ou de la police ? Comment l'Etat peut-il accepter de se défaire de la propriété d'infrastructures de communication aussi essentielles à l'indépendance du pays ?
On nous rétorquera, car c'est une constante depuis le début de ce débat, que l'Etat sera l'actionnaire majoritaire et que nos craintes sont infondées. Pourtant, le retour d'expérience nous montre que, lorsqu'un établissement public chargé d'un service public est transformé en société anonyme, la privatisation de l'entreprise intervient quelques années plus tard. L'exemple de France Télécom est éclairant à cet égard, avec la transformation en société anonyme en 1996, puis la privatisation en 2003. Entre-temps, les consommateurs et les salariés ont payé la facture : hausse du coût des abonnements pour les premiers, dégradation des conditions de travail et départs à la retraite anticipés pour les seconds...Votre appétit de privatisation des entreprises stratégiques n'a pas de limite, chers collègues de la majorité.
Pour notre part, nous ne voyons que des inconvénients à la transformation d'ADP en société anonyme.
On nous dit que le principe de spécialité ne permet pas à ADP « de répondre de manière suffisamment performante aux attentes des compagnies aériennes, des passagers et des entreprises travaillant sur les plates-formes aéroportuaires ». Nous aimerions que cette affirmation soit un peu mieux étayée.
En tout état de cause, ce dont nous sommes certains, c'est du mécontentement des transporteurs aériens, au premier chef d'Air France, devant ce changement de statut. Les compagnies aériennes craignent toutes une hausse des redevances. Air France, qui est aujourd'hui une des rares compagnies aériennes à tirer son épingle du jeu, grâce à l'Etat, qui a joué son rôle d'actionnaire en versant plus de 3 milliards d'euros et en mettant en place le hub de Roissy, s'inquiète du fait que l'Etat ne sera plus propriétaire des terrains. Il ne faudrait pas compromettre le redressement d'Air France pour assurer les dividendes des nouveaux actionnaires d'Aéroports de Paris.
N'aurait-on pu élargir un peu l'objet social de l'établissement public pour lui permettre de diversifier ses activités sans pour autant mettre en péril son activité première, celle de gestionnaire d'aéroports ?
Vous savez fort bien que le principe de spécialité n'est pas intangible : il avait été assoupli pour EDF en 2001, et si le gouvernement de l'époque n'était pas allé aussi loin qu'il l'aurait pu, c'était pour éviter de déstabiliser le marché des petites entreprises d'électricité. Par un avis de juillet 1994, dont je tiens un extrait à votre disposition, le Conseil d'Etat reconnaît aux établissements publics une certaine marge légale de diversification dès lors que les activités annexes sont, techniquement et commercialement, le complément normal de la mission principale et que ces activités sont d'intérêt général et directement utiles à l'établissement.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas avoir réfléchi à d'autres modes de gestion que celui de la société commerciale ? N'aurait-on pu se contenter d'assouplir le statut d'établissement public d'Aéroports de Paris, d'élargir quelque peu son objet social ?
En allant chercher à l'extérieur les moyens nécessaires au développement d'ADP, vous risquez de susciter des conflits d'intérêts, entre l'intérêt des actionnaires privés - leur présence est prévue - qui est, stricto sensu, la rentabilité du capital, et l'intérêt général. La qualité du service rendu en pâtira et les salariés d'ADP en feront les frais.
La garantie apportée aux personnels quant à leur statut n'est qu'une garantie de façade. Pour assurer la rentabilité des capitaux investis, il faudra réaliser des gains de productivité. On nous l'annonce ! Ces gains seront obtenus par le biais d'une baisse des coûts salariaux, et il sera facile de modifier le statut ou de dénoncer les conventions. Sur ce point, monsieur le ministre, vous engagez-vous à ne pas donner votre aval à toute modification statutaire décidée par le conseil d'administration qui réduirait les droits des salariés ?
Avec ce projet de loi, c'est la banalisation du transport aérien qui se poursuit Ce dernier n'est pas considéré comme étant d'une importance stratégique par le Gouvernement. Le Premier ministre l'avait d'ailleurs clairement annoncé dans sa première déclaration de politique générale, pour justifier la privatisation à terme d'Air France.
En ce qui nous concerne, nous n'avons pas changé d'avis : nous avons refusé la privatisation du transporteur national Air France ; nous refusons le premier pas vers la privatisation de la première plate-forme aéroportuaire française, et c'est pourquoi nous demandons au Sénat d'adopter notre amendement de suppression de l'article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Dans l'article L. 2511 du code de l'aviation civile, après les mots : « L'aéroport de Paris » sont insérés les mots : «, service public national, ».
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Il s'agit d'un amendement de repli par rapport au précédent. Comme je pense que le Sénat va adopter ce dernier, il ne sera pas utile. (Sourires.)
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Vous pouvez le retirer, alors !
M. Daniel Reiner. Dans le doute, je vais tout de même le présenter ! (Nouveaux sourires.)
Il s'agit d'affirmer le caractère de service public national d'Aéroports de Paris. Par cet amendement, il est donc proposé d'inscrire dans la loi qu'ADP est un service public national, afin de se prémunir contre toute privatisation.
En effet, comme le relève M. Le Grand dans son rapport, « la privatisation d'ADP se heurterait à des obstacles juridiques de nature constitutionnelle et européenne ». Le neuvième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose ainsi que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait - tel est bien le cas en l'occurrence -, doit devenir la propriété de la collectivité ».
Notre collègue et estimé rapporteur ajoute que « le caractère de service public national d'ADP n'est guère contestable ». Aéroports de Paris est en effet un élément fondamental de l'infrastructure nationale de transport et un outil structurant pour l'aménagement du territoire national : c'est notamment l'instrument de la continuité territoriale avec l'outre-mer. C'est aussi un outil essentiel pour les échanges avec le monde. C'est, enfin, un établissement qui jouit d'un monopole de fait, aucun aéroport, tant en région parisienne qu'en province, ne pouvant jouer un rôle comparable.
En inscrivant dans la loi qu'Aéroports de Paris est un service public national, le législateur donnerait un signal fort à celles et à ceux qui, dans un avenir plus ou moins proche, voudraient privatiser cet établissement. Ce serait aussi un signal très fort adressé au juge constitutionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. S'agissant des amendements identiques nos 12 et 34, je dirai que leurs auteurs, s'ils veulent vraiment protéger les salariés, doivent retirer leurs amendements et voter en faveur de l'adoption de l'article 1er, car celui-ci constitue la meilleure des garanties possible.
Mme Hélène Luc. Sûrement pas !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je suis donc persuadé que vous voterez l'article 1er, mes chers collègues !
En ce qui concerne l'amendement n° 35, je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit en réponse à la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. A cette occasion, en effet, je me suis déjà longuement exprimé à la fois sur le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 et sur la notion de service public national, à propos de laquelle nous sommes tout à fait d'accord. Puisque, in fine, l'Etat restera majoritaire dans le capital d'ADP, vous avez satisfaction, monsieur Reiner.
En conclusion, la commission émet un avis défavorable sur les trois amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Je conseillerai d'abord à M. Billout de relire l'article 1er. Certes, celui-ci prévoit la transformation d'ADP en société anonyme, mais il protège les salariés. Par conséquent, vouloir supprimer cet article, c'est ne pas vouloir protéger les salariés ! Cela irait à l'encontre des bonnes intentions que vous avez affichées, messieurs.
Je rappelle que cet article a une portée majeure et tend à donner de la visibilité à Aéroports de Paris. Il en assurera l'évolution dans la continuité à la fois de la personne morale qu'est l'établissement et du statut des agents. L'article 1er se trouve donc au coeur du dispositif dont nous débattons aujourd'hui.
Par ailleurs, monsieur Reiner, je ne trouve pas bien que vous prêtiez au président d'ADP des opinions dont je sais, pour avoir souvent l'occasion de le rencontrer, qu'elles ne sont pas les siennes. En outre, vous avez affirmé que la direction d'Air France serait hostile à ce texte. Or je me trouvais tout à l'heure avec M. Spinetta, pour ne pas le nommer : ne lui faites pas dire le contraire des propos qu'il a tenus dans mon bureau ! Restons-en donc à la discussion du texte, sans faire parler les absents.
Evidemment, vous êtes contre la privatisation. Vous en avez le droit, mais il se trouve que ce projet de loi ne prévoit aucune privatisation. Par conséquent, vous allez pouvoir voter en faveur de son adoption.
En conclusion, le Gouvernement est défavorable aux trois amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos12 et 34.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
A l'exception de ceux qui sont nécessaires à l'exercice par l'Etat ou ses établissements publics de leurs missions de service public concourant à l'activité aéroportuaire et dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'Etat, les biens du domaine public de l'établissement public Aéroports de Paris et ceux du domaine public de l'Etat qui lui ont été remis en dotation ou qu'il est autorisé à occuper sont déclassés à la date de sa transformation en société. Ils sont attribués à cette même date en pleine propriété à la société Aéroports de Paris. Une convention passée avec l'Etat détermine les sommes restant dues à Aéroports de Paris en conséquence des investissements engagés par l'établissement public sur les biens repris par l'Etat et fixe les modalités de leur remboursement.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 36 est présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Hélène Luc, pour présenter l'amendement n° 13.
Mme Hélène Luc. L'article 2 vise à organiser le déclassement et le transfert à la nouvelle société anonyme ADP de l'ensemble des biens du domaine public aéroportuaire, à savoir ceux qui sont déjà la propriété de l'établissement public ADP, et qui constituent environ les deux tiers du domaine public actuel, et ceux qui appartiennent à l'Etat.
On comprend aisément, eu égard à la valeur du patrimoine foncier et immobilier que l'ensemble de ces terrains, infrastructures et emprises aéroportuaires, représentent, l'énormité des enjeux liés à un tel transfert de droits de propriété !
Nous insistons sur les risques que ce transfert induit pour des compagnies aériennes nationales comme Air France. Nous éprouvons de réelles inquiétudes à cet égard.
Selon certaines estimations, la valeur de l'ensemble de ce patrimoine immobilier serait de 8 milliards d'euros, mais je pense qu'elles sont loin du compte. En réalité, nous ne disposons pas d'une connaissance précise de la totalité des biens et terrains concernés. Nous aimerions, monsieur le ministre, obtenir des précisions sur ce point d'ici à la lecture du texte à l'Assemblée nationale, tant les enjeux sont importants.
Par ailleurs, selon MM. les rapporteurs, le régime de la domanialité publique ne serait pas compatible avec la gestion d'une entreprise publique. Ces propos ne nous paraissent pas convaincants.
M. Yvon Collin, rapporteur pour avis de la commission des finances, affirme que les exemples étrangers ne sont pas plus éclairants. Je le cite : « La notion de domaine public n'emporte pas les mêmes conséquences dans tous les pays ». C'est curieux !
Pour ma part, j'observe qu'en procédant de cette manière, on crée pratiquement une première en faisant de la France une exception. Si, comme le dit M. le rapporteur pour avis, il n'existe aucun modèle particulier pour les aéroports, nous sommes bien obligés d'admettre qu'il existe des raisons objectives à ce que la quasi-totalité des pays ait choisi le régime de la domanialité publique.
Le régime de la domanialité publique permettrait un contrôle public de la gestion des terrains, de leur caractère inconstructible ou inhabitable.
Qu'en sera-t-il si, demain, ces actifs sont cédés ? De quelle manière ces terrains seront-ils valorisés ? A qui seront-ils vendus ? Les collectivités locales riveraines des aéroports auront-elles un droit de regard sur leur exploitation ? C'est également sur ce point que l'article 3, qui vient compléter cet article, nous interpelle.
L'article 2 précise par ailleurs que les biens du domaine public nécessaires à l'exercice des missions de service public aéroportuaire par l'Etat ou ses établissements publics ne sont pas concernés par ce transfert. Ces dispositions soulèvent de nombreuses questions.
En premier lieu, on ne peut que regretter que soit renvoyée à un décret la liste des dites missions de service public.
En deuxième lieu, pour l'accomplissement de ces mêmes missions, il est fait référence à des établissements publics. Pourrions-nous avoir des informations sur ceux-ci ? S'agit-il des communautés aéroportuaires récemment créées sur l'initiative de M. le rapporteur Jean-François Legrand ?
En troisième lieu, en matière de contrôle aérien, nous avons de bonnes raisons d'être inquiets, comme le personnel, face à la volonté européenne d'ouvrir l'espace aérien à la concurrence, alors que la directive « ciel unique » est en discussion.
Dans ces conditions, quelles seront les conséquences du changement de statut d'ADP sur les activités de contrôle de la navigation aérienne, qui sont actuellement du ressort de la DGAC ? Le transfert de ces activités ne se traduira-t-il pas rapidement par leur privatisation, par anticipation de l'application de la directive « ciel unique » ?
Monsieur le ministre, 800 agents de la DGAC sont directement concernés. Selon les personnels, ce transfert devrait avoir lieu au 1er janvier 2005. Aura-t-il bien lieu à cette date ? Ce sont autant de questions qu'il faut éclaircir.
Vous l'aurez compris, je demeure, avec le groupe communiste républicain et citoyen, très inquiète des dispositions de cet article. Je crains que, à terme, elles ne se traduisent par une dégradation des missions de service public aéroportuaire et par une détérioration du niveau de sécurité pour l'ensemble des salariés travaillant sur les plates-formes aéroportuaires ainsi que pour les populations riveraines.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 36.
M. Jean Desessard. Par cet amendement, il est proposé de s'opposer au déclassement des biens relevant aujourd'hui du domaine public et à leur transfert à ADP transformé en société anonyme.
Le préambule de la Constitution dispose que « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».
M. le rapporteur reconnaît que « le caractère de service public national d'ADP n'est guère contestable ». L'Etat doit donc garder la pleine propriété des biens nécessaires à l'activité aéroportuaire, et pas seulement, comme le prévoit le projet de loi dans une rédaction bien peu précise, ceux qui sont nécessaires à l'exercice des missions de service public de l'Etat, d'autant que les mécanismes de contrôle de cessions d'actifs prévus à l'article 6 ne sont pas sans faille, comme le note M. le rapporteur pour avis, puisqu'ils dépendent essentiellement du contenu d'un cahier des charges.
Par ailleurs, alors que, selon l'article 7, les grands aérodromes de province demeureront la propriété de l'Etat, il serait incompréhensible que les deux premiers aéroports français deviennent la propriété d'une société de droit privé dont une fraction du capital serait détenue par des actionnaires privés.
Enfin, il est à noter que, à l'étranger, les grands aéroports sont, le plus souvent, restés la propriété des collectivités publiques.
La question de la domanialité publique est donc centrale. Maintenir cette domanialité est la condition sine qua non pour assurer la continuité du service public. Si l'Etat n'en a plus le contrôle, que se passera-t-il le jour où ADP ne pourra plus assurer ses missions de service public, à la suite de difficultés financières et si les actionnaires privés refusent de l'aider ? L'Etat rachètera-t-il les biens qui auront été apportés lors du changement de statut ? Procédera-t-il à des nationalisations ?
Même dans une situation moins grave que celle que je viens de décrire, comment l'Etat fera-t-il respecter le cahier des charges s'il ne dispose d'aucune arme - ni possibilité de remise en cause de la concession ni possibilité de reprise des terrains - pour la faire respecter ? Comment pourra-t-il durcir le contenu du cahier des charges ?
Par ailleurs, on nous dit que le cahier des charges devra délimiter avec précision les biens qui ne sauraient être dévolus à une activité annexe à l'activité aéroportuaire, tels les centres commerciaux ou les parkings. On nous dit également que, si un bien est nécessaire à la bonne exécution des missions de service public, l'Etat pourra s'opposer à sa cession.
Que se passera-t-il si le cahier des charges « oublie » de mentionner certains biens qui pourraient être utiles à l'activité aéroportuaire ? Que se passera-t-il si les représentants de l'Etat dans les conseils d'administration ne s'opposent pas à la cession d'un bien ? Que se passera-t-il si l'évolution des activités nécessite, dans quelques années, le recours à des biens jugés non utiles aujourd'hui ?
Le transfert de la domanialité publique prive l'Etat des moyens de faire respecter sa mission de service public. Sur ce point, monsieur le ministre, vous ne pourrez pas répondre qu'il n'y a pas transfert de biens fonciers à ADP, comme vous venez de le dire à M. Reiner. De même, vous ne pourrez pas objecter qu'Air France est favorable à ce transfert, puisque j'ai moi-même participé avec M. Reiner à une audition des dirigeants de la compagnie aérienne.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'ensemble des biens et terrains relevant du domaine public de l'établissement public aéroport de Paris sont, à la date de transformation d'Aéroports de Paris en société anonyme, transférés au domaine public de l'Etat.
L'ensemble de ces biens et terrains ainsi que ceux du domaine public de l'Etat font l'objet d'une convention de concession conclue entre la société Aéroports de Paris et l'Etat, en vue de leur affectation à un service public, à une opération d'intérêt général ou à toute autre activité.
La durée minimale de la concession est de 40 ans.
En cas de manquement aux obligations de service public, la convention de concession peut être suspendue par décision ministérielle.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Il s'agit d'un amendement de repli, au cas où les amendements de suppression de l'article 2 ne seraient pas adoptés par la Haute Assemblée. Il concerne le problème du passage du régime de la domanialité publique à la domanialité privée.
Il existe une importante contradiction entre l'article 2 et l'article 7 du projet de loi.
L'article 7 dispose que les grands aéroports régionaux continueront de relever, pour la gestion et l'exploitation, du régime de la domanialité publique par le biais de contrats de concession. Dès lors, pourquoi ne pas procéder de la même manière pour ADP ?
Cette question majeure aurait nécessité un très large débat au-delà même de notre hémicycle, puisqu'elle concerne également les collectivités territoriales, les usagers et, bien entendu, les salariés de l'entreprise.
En commission des affaires économiques, à l'occasion de l'audition de l'actuel président d'ADP, un débat avait presque été amorcé sur cette question. M. Graff nous avait indiqué que les options étaient soit une licence sans limitation de durée, ce qui n'était pas compatible avec la domanialité publique, soit une concession à durée limitée sur le domaine public.
Il pensait que la solution intermédiaire, consistant en une licence sans limitation de durée sur le domaine public, constituerait une situation sans précédent sur le plan juridique qui imposerait de redéfinir l'ensemble du droit français de la domanialité, ce qui ne paraissait pas envisageable.
Enfin, il nous avait fait valoir que la préoccupation légitime des personnels d'ADP, quant à la pérennité de leur entreprise, interdisait absolument le choix d'un système de concession à durée limitée.
L'amendement n° 14, qui est un amendement d'appel, vise à mettre en place un système de concession préservant la domanialité publique.
Ainsi, l'ensemble des biens et terrains relevant du domaine public de l'établissement public Aéroports de Paris demeurerait, à la date de transformation d'ADP en société anonyme, sous le régime de la domanialité publique. L'ensemble de ces biens et terrains ainsi que ceux qui relevaient du domaine public de l'Etat feraient l'objet d'une convention de concession entre la société ADP et l'Etat, en vue de leur affectation à un service public, à une opération d'intérêt général ou à toute autre activité.
Afin de prévoir des investissements à long terme ainsi que leur rentabilisation, cet amendement propose de fixer la durée minimale de la concession à quarante ans.
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Font partie du domaine public de l'Etat et sont mis gratuitement à disposition de la société Aéroports de Paris l'ensemble des emprises et des ouvrages des aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle, de Paris-Orly et de Paris-Le Bourget qui font actuellement partie du domaine public de l'Etat ou de celui de l'établissement public Aéroports de Paris. S'il est mis fin aux missions de service public confiées à la société dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile, la mise à disposition de ces emprises et ouvrages cesse de plein droit.
Les autres biens du domaine public de l'établissement public Aéroports de Paris et du domaine public de l'Etat qui lui ont été remis en dotation ou qu'il est autorisé à occuper, à l'exception de ceux qui sont nécessaires à l'exercice par l'Etat ou ses établissements publics de leurs missions de service public concourant à l'activité aéroportuaire et dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'Etat, sont déclassés à la date de sa transformation en société. Ils sont attribués à cette même date en pleine propriété à la société Aéroports de Paris. Une convention passée avec l'Etat détermine les sommes restant dues à Aéroports de Paris en conséquence des investissements engagés par l'établissement public sur les biens repris par l'Etat et fixe les modalités de leur remboursement.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Il s'agit également d'un amendement de repli.
Il vise à ce que demeure propriété de l'Etat et reste soumis à un régime de domanialité publique l'ensemble des emprises et des ouvrages des aéroports de Roissy - Charles-de-Gaulle, de Paris - Orly et de Paris - Le Bourget.
Plusieurs raisons justifient l'adoption d'une telle solution.
Premièrement - c'est le paradoxe que j'évoquais dans la discussion générale - les aérodromes de province demeureront propriété publique.
Deuxièmement, à l'étranger les grands aéroports sont le plus souvent restés la propriété des collectivités publiques. On a cité plusieurs exemples au cours du débat.
Troisièmement, il est parfaitement possible de confier à une société privée l'aménagement et l'exploitation de grands ouvrages d'importance nationale, tout en conservant à ceux-ci leur statut de propriété publique. J'ai évoqué la situation des autoroutes, les routes demeurant publiques.
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ne peuvent ni être déclassés, ni apportés en pleine propriété à la société Aéroport de Paris, les biens suivants ainsi que leurs terrains d'assiettes : les tours de contrôle et les bâtiments techniques associés; les radars ; les pistes, les voies de circulation et les aires de stationnement des aéronefs; les installations de stockage de carburant ; les réseaux d'eau, d'électricité, de télécommunications et de carburant pour aéronefs.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Cet amendement apporte une précision utile.
Le projet de loi renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les biens qui ne pourront pas être déclassés ou apportés en pleine propriété à la société Aéroports de Paris. Nous souhaitons préciser de manière claire quels seront ces biens.
Outre les tours de contrôle, les bâtiments techniques associés et les radars - dont MM. les rapporteurs indiquent qu'ils devraient être mentionnés dans le décret, alors que les pistes pourraient ne pas y figurer, ce qui paraît assez paradoxal pour un aéroport - nous proposons d'ajouter d'autres équipements : les voies de circulation, les aires de stationnement des aéronefs, les installations de stockage de carburant, les réseaux d'eau, d'électricité, de télécommunication et de carburant pour aéronefs.
Il s'agit simplement d'encadrer la rédaction du décret afin que certains biens ne soient pas oubliés.
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les ouvrages appartenant à la société Aéroports de Paris et affectés au service public aéroportuaire ou à l'usage du public sont des ouvrages publics ; en cas de défaut d'entretien normal de ces ouvrages, leurs usagers peuvent rechercher la responsabilité de la société Aéroports de Paris devant le juge administratif.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet de préciser que les ouvrages aéroportuaires qui appartiennent à la société ADP conserveront leur qualification juridique d'ouvrages publics.
A l'heure actuelle, les installations aéroportuaires d'Aéroports de Paris, qu'il s'agisse des pistes ou des aérogares, constituent des ouvrages publics. En cas de défaut d'entretien normal de ces ouvrages, la responsabilité de l'établissement peut donc être engagée à l'égard des tiers devant le juge administratif. L'exemple récent de l'effondrement de la jetée du terminal 2 E de Roissy - Charles-de-Gaulle ou les risques d'accidents causés par un éventuel défaut d'entretien des pistes montrent l'importance pratique et économique de ce sujet.
Mais l'article 2 du projet de loi prévoit, d'une part, que les biens du domaine public de l'établissement public Aéroports de Paris et ceux du domaine public de l'Etat qui lui ont été remis en dotation ou qu'il est autorisé à occuper sont déclassés à la date de sa transformation en société et, d'autre part, que ces biens sont attribués en pleine propriété à la société Aéroports de Paris.
Or le Conseil d'Etat, s'agissant des ouvrages immobiliers appartenant à la société France Télécom, personne morale de droit privé, a jugé que, quelles que soient les dates auxquelles ces ouvrages ont été entrepris et achevés, ils n'ont plus le caractère d'ouvrages publics.
Il est donc vraisemblable que les biens qui, selon le projet de loi, seront la propriété de la société ADP ne conserveront pas leur qualité d'ouvrages publics, même s'ils demeurent affectés à un service public ou à l'usage du public.
Afin de lever toute incertitude, il est souhaitable que le projet de loi apporte une réponse à cette question. Il doit préciser que les ouvrages appartenant à la société ADP et affectés au service publics aéroportuaire ou à l'usage du public sont des ouvrages publics et que, en cas de défaut d'entretien normal de ces ouvrages, leurs usagers peuvent rechercher la responsabilité d'ADP devant le tribunal administratif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. S'agissant des amendements nos13 et 36, dont l'objet est de supprimer cet article, la commission a émis un avis défavorable.
En ce qui concerne les amendements nos14 et 37, je répondrai d'abord sur la question de l'affectation des biens et terrains d'ADP au domaine public de l'Etat.
Ce serait un curieux processus que celui qui consisterait à spolier ADP de son bien, pour le transférer dans le domaine de l'Etat, alors que ce bien a été acquis grâce au travail d'ADP et de ses personnels. C'est ADP, en effet, qui a gagné ces biens, et vous voudriez les retirer à cet établissement pour les donner à l'Etat. La commission a préféré moderniser dans la continuité, plutôt que d'en revenir à une telle conception. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
J'en viens à la proposition de concession contenue dans l'amendement n° 14. Enfin, mes chers, collègues, une concession a, par définition, une durée limitée ! En adoptant une telle solution, on risquerait d'exposer ADP à se trouver en concurrence avec un autre opérateur.
Mme Hélène Luc. C'est pour cela que les aéroports doivent demeurer dans le domaine public !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Est-ce ainsi que vous pensez garantir la situation des personnels ? Ce n'est pas notre cas.
L'avis de la commission est donc défavorable.
A propos de l'amendement no38, qui vise à interdire le déclassement des terrains sur lesquels le projet de loi prévoit un droit de veto de l'Etat en cas de cession, vous pourrez sans doute préciser, monsieur le ministre, les conditions dans lesquelles s'exerceront d'éventuelles cessions, ainsi que les types de terrains sur lesquels s'appliquera le droit de veto. La commission, qui a connaissance de ces éléments, a émis un avis défavorable à l'amendement.
M. Daniel Reiner. Oui, mais nous, nous ne les connaissons pas !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Enfin, l'amendement n° 39 vise à modifier les voies de recours juridiques. S'il était adopté, serait ainsi créée une dérogation exorbitante du droit commun. Nous ne saurions vous suivre sur ce terrain.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Je rappelle tout d'abord que les deux tiers des terrains appartenant à ADP à l'heure actuelle ont été achetés par ADP. C'est le cas de Roissy tout entier. Je suppose que vous ne voudriez pas spolier ADP ! Vous prétendez défendre cet établissement : laissez-lui au moins le patrimoine qu'il a su acquérir et qui est nécessaire à son exploitation !
Par ailleurs, le changement de domanialité est bien encadré : l'Etat est là pour contrôler les cessions.
Vous voudriez que ces biens restent propriété de l'Etat. Permettez-moi de vous citer un exemple.
Une entreprise a récemment manifesté de l'intérêt pour le site de Roissy et a souhaité venir s'y implanter. Il lui a été répondu qu'elle ne pouvait avoir qu'une autorisation temporaire d'occupation du site. L'entreprise a déclaré que cela ne l'intéressait pas, qu'elle aurait souhaité avoir la certitude d'une présence à long terme sur le terrain, garantie par un bail emphytéotique ou par l'acquisition du terrain.
Elle ne s'est donc pas implantée. Nous avons manqué ainsi une occasion de création d'emplois, d'activités et de richesses.
Le gouvernement, lui, défend le développement de Roissy et donc l'emploi. Cet exemple démontre que la domanialité transférée à la société anonyme entraînera, à coup sûr, un surcroît d'activité autour d'ADP régénéré.
Enfin, la concession, comme l'a fait remarquer M. Le Grand, a une durée limitée. Le statut actuel d'ADP, établissement public, ne comporte aucune limitation, et l'on se dirige vers un statut de société anonyme sans limitation.
Si l'on suivait votre raisonnement, il me semble que les salariés, les premiers, seraient mécontents de la précarité que cela entraînerait.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Ils auraient raison !
M. Gilles de Robien, ministre. Nous ne voulons pas de cette précarité.
Vous demandez, monsieur Reiner, la liste des terrains et ouvrages qui resteront possessions de l'Etat. Cela est vraiment du domaine du décret et ne peut figurer dans une loi. Vous trouverez ces informations dans les textes règlementaires.
Monsieur le président, l'avis du gouvernement est donc défavorable sur ces trois amendements.
M. Daniel Reiner. Donnez-nous des informations !
Mme Hélène Luc. J'aurais aimé que vous répondiez au sujet du personnel de la direction générale de l'aviation civile !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 36.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)