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NOMINATION DES MEMBRES D'ORGANISMES EXTRAPARLEMENTAIRES

M. le président. Je rappelle que la commission des finances a proposé des candidatures pour seize organismes extraparlementaires.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :

- M. Yves Fréville, membre du comité des prix de revient des fabrications d'armement ;

- MM. Maurice Blin et Jean-Claude Frécon, membres de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications ;

- M. Adrien Gouteyron, membre du conseil de surveillance de l'Agence française de développement ;

- M. Yvon Collin, membre du comité de gestion du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA : dessertes aériennes ;

- M. Yvon Collin, membre du comité de gestion du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA : plates-formes aéroportuaires ;

- M. Roland du Luart, membre du conseil d'administration de l'Etablissement public de financement et de restructuration ;

- M. Jean-Jacques Jegou, membre du Conseil d'orientation des retraites ;

- M. Henri de Raincourt, membre de l'Observatoire de l'emploi public ;

- M. Eric Doligé, membre de l'Observatoire national du service public de l'électricité et du gaz ;

- M. Jean-Jacques Jegou, membre du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ;

- MM. Thierry Foucaud, membre titulaire, et Paul Girod, membre suppléant du Conseil national du tourisme ;

- M. Maurice Blin, membre suppléant du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

- Mme Nicole Bricq, membre de l'Observatoire de la sécurité des cartes de paiement ;

- M. Alain Lambert, membre du conseil d'administration de l'établissement public Autoroutes de France ;

- MM. Yves Fréville et Eric Doligé, membres du Haut conseil du secteur public ;

- M. Alain Lambert, membre du conseil d'administration du fonds pour le développement et l'intermodalité dans les transports.

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Division et art additionnels avant le chapitre Ier du titre III (avant l'art. 54) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Art. additionnel avant l'art. 54 ou après l'art. 54

Cohésion sociale

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen des amendements visant à insérer des articles additionnels avant l'article 54 ou après l'article 54.

chapitre ier

Accompagnement des élèves en difficulté

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Art. 54

Article additionnel avant l'article 54 ou après l'article 54

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 105 rectifié, présenté par Mme Létard, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les dispositifs de réussite éducative mènent des actions d'accompagnement au profit des élèves du premier et du second degré et de leurs familles, dans les domaines éducatif, scolaire, périscolaire, culturel, social ou sanitaire.

Ils sont mis en oeuvre par un établissement public local d'enseignement, selon des modalités précisées par décret, par la caisse des écoles, par un groupement d'intérêt public créé à cet effet, ou par toute autre structure juridique adaptée.

La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur.

Mme Valérie Létard, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement définit les dispositifs de réussite éducative qui sont au coeur du volet éducation du plan de cohésion sociale.

Il vise à préciser, de la manière la plus souple et la plus ouverte possible, leur rôle, le public visé et les structures supports juridiques envisageables pour atteindre les objectifs de ces dispositifs de réussite éducative que vous avez tous parfaitement compris et qui vont dans le sens d'une prévention précoce. C'est certainement l'un des axes majeurs à suivre si l'on veut atteindre l'objectif visé par la loi de cohésion sociale : anticiper, travailler et prévenir le plus en amont possible les difficultés, les risques d'exclusion de toute une partie de la population.

M. le président. Le sous-amendement n° 203, présenté par Mmes Printz et  Boumediene-Thiery, MM. Desessard,  Godefroy et  Lagauche, Mme Le Texier, MM. Mélenchon,  Raoul et  Repentin, Mme San Vicente, M. Vezinhet, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachée, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 105 par les mots :

, sans qu'il  en résulte des charges supplémentaires pour les collectivités territoriales et leurs groupements.

La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Conformément à l'amendement n° 105 rectifié, les équipes et dispositifs de réussite éducative seront financés par la caisse des écoles aux compétences étendues ou par un groupement d'intérêt public, un GIP, ou même, selon le voeu de Mme le rapporteur, par « toute autre structure juridique adaptée » pour permettre plus de souplesse financière et juridique.

Il est vrai que la caisse des écoles ne constitue pas un outil très souple : établissement public local, la jurisprudence du Conseil d'Etat considère cette caisse comme un simple « accessoire du service public » et, conséquence du principe de libre administration des collectivités territoriales, estime que le législateur n'a pas à fixer son statut.

Le GIP bénéficiera, pour sa part, d'un financement autonome, tout comme - on peut le supposer - les « autres structures juridiques adaptées ».

Les finances des collectivités territoriales risquent fort d'être une nouvelle fois ponctionnées sans que l'on puisse, à l'heure actuelle, savoir à quelle hauteur elles le seront.

Lors de la présentation du plan de cohésion sociale, le Gouvernement s'est borné à rappeler que le coût annuel d'une équipe de réussite éducative est estimé à environ 1 million d'euros, cofinancé par l'Etat et ses partenaires, sans qu'aucune précision n'ait été apportée sur la part de chacun.

Les finances des collectivités territoriales ne sont pas extensibles à outrance. Elles seront déjà lourdement ponctionnées par l'application des nombreuses dispositions de la loi relative aux libertés et responsabilités locales. II est aisé, pour le Gouvernement, de se défausser des missions régaliennes de l'Etat sur les collectivités territoriales, de se donner bonne conscience en instaurant des dispositifs d'aide aux enfants en difficulté et de les faire ensuite financer par les collectivités territoriales !

M. le président. Le sous-amendement n° 204, présenté par Mmes Printz et  Boumediene-Thiery, MM. Desessard,  Godefroy et  Lagauche, Mme Le Texier, MM. Mélenchon,  Raoul et  Repentin, Mme San Vicente, M. Vezinhet, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachée, est ainsi libellé :

Compléter in fine le texte proposé par l'amendement 105 par un alinéa ainsi rédigé :

Les dispositifs de réussite éducative sont mis en oeuvre prioritairement dans les zones d'éducation prioritaire.

La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Les zones d'éducation prioritaire, acquis essentiel dû à Alain Savary, permettent, depuis plus de vingt ans, d'appliquer à l'éducation nationale le principe de discrimination positive : « donner plus là où il y a moins », selon la formule désormais célèbre.

Relancées en 1997 par Ségolène Royal après quelques années de mise en veilleuse par les gouvernements Balladur et Juppé, elles ont été également renforcées par l'adjonction de réseaux d'éducation prioritaire, les REP.

Le nombre de zones d'éducation prioritaire et de réseaux d'éducation prioritaire, sur l'ensemble de la France, s'élève, aujourd'hui, à 900.

Quand on sait que le Gouvernement ne s'est engagé à créer que 750 équipes de réussite pédagogique sur l'ensemble du territoire - ces données figurent dans l'exposé des motifs du projet de loi -, que ce dispositif aura une durée déterminée dans le temps - limitée à cinq ans - et que seuls 225 000 enfants seront concernés, on se rend compte que ce dispositif représente une goutte d'eau au regard des quelque 6 529 000 élèves de l'école primaire et 3 346 000 collégiens !

Il nous semble donc logique que les nouveaux dispositifs de réussite pédagogique soient prioritairement destinés aux endroits où il y en a le plus besoin, c'est-à-dire en ZEP - qui ne pourront même pas être couvertes dans leur intégralité par les nouvelles « équipes » - afin de poursuivre les objectifs voulus par les différents gouvernements socialistes en matière de réduction des inégalités dans le secteur éducatif.

Peu de précisions législatives encadrent ces dispositifs. Il nous paraît donc utile et pertinent de préciser, aux termes de la loi, leur articulation - nécessaire - avec les ZEP.

M. le président. L'amendement n° 188 rectifié bis, présenté par Mme Hermange et M. Vasselle, est ainsi libellé :

Avant l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Des actions à caractère éducatif, culturel, social, sanitaire en faveur des enfants et adolescents relevant de l'enseignement du premier et du second degré et de leur famille peuvent être conduites dans le cadre de dispositifs de réussite éducative. Elles doivent être mises en place dés la maternelle.

Elles peuvent rassembler autour de l'enseignant l'ensemble des acteurs compétents qui seront désignés par décret.

Les dispositifs de réussite éducative peuvent être mis en oeuvre soit au sein de structures existantes, soit au sein d'un établissement public local de coopération éducative, d'un établissement public local d'enseignement, selon des modalités précisées par décret, soit par la caisse des écoles, soit par un groupement d'intérêt public créé à cet effet ou tout autre structure adaptée dotée d'une comptabilité publique.

La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Ces dispositifs de réussite éducative, dans leur philosophie, sont très importants, puisqu'ils vont nous permettre, demain, de substituer à une thérapie de l'échec une politique de prévention précoce.

C'est la raison pour laquelle M. Alain Vasselle et moi-même avons présenté un amendement quelque peu similaire à celui que propose le Gouvernement.

Il apporte, dans son premier alinéa, une première précision par rapport à l'amendement du Gouvernement, en indiquant que ces dispositifs de réussite à caractère éducatif, culturel, social et sanitaire - et non pas scolaire contrairement à l'amendement de la commission - peuvent être mis en place dès la maternelle. En effet, certaines difficultés qui deviendront majeures dans le primaire peuvent être décelées très tôt.

La deuxième précision, qui vise à compléter l'amendement du Gouvernement, est la suivante : ces dispositifs de réussite éducative peuvent être mis en oeuvre soit au sein d'un établissement public local de coopération éducative ou d'un établissement public local d'enseignement, soit au sein d'une structure adaptée dotée d'une comptabilité publique, soit au sein d'une structure existante. En effet, il existe aujourd'hui un certain nombre de structures qui pourraient conduire des actions à caractère éducatif, culturel et social.

Enfin - c'est la troisième précision - les actions peuvent rassembler l'ensemble des acteurs compétents. Selon que le dispositif est mis en place au sein de l'école ou ailleurs, le coordonnateur sera l'enseignant ou un autre acteur.

M. le président. L'amendement n° 570, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Avant l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Des actions à caractère éducatif, culturel, social, sanitaire et périscolaire en faveur des enfants et adolescents relevant de l'enseignement du premier et du second degré et de leur famille peuvent être conduites dans le cadre de dispositifs de réussite éducative.

Ces dispositifs sont mis en oeuvre soit au sein d'un établissement public local de coopération éducative, soit au sein d'un établissement public local d'enseignement, selon des modalités précisées par décret, soit par la caisse des écoles, soit par un groupement d'intérêt public créé à cet effet.

Dans les communes qui disposent d'un groupement d'intérêt public mentionné à l'article 21 de la loi n° 82610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France, les dispositifs de réussite éducative sont mis en oeuvre par ce groupement d'intérêt public.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Je retire cet amendement. Je m'exprimerai sur l'amendement présenté par Mme le rapporteur.

M. le président. L'amendement n° 570 est retiré.

L'amendement n° 571, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Avant l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales est complété par un titre IV ainsi rédigé :

« Titre IV

« Etablissements publics

locaux de coopération éducative

« Chapitre unique

« Art. L. 1441-1 - Une commune ou un établissement public de coopération intercommunale peut constituer avec l'Etat un établissement public local de coopération éducative chargé de mobiliser et de coordonner l'ensemble des acteurs afin de contribuer, notamment par la création de dispositifs de réussite éducative, au développement et au soutien éducatif, culturel, social et sanitaire des enfants.

« Les établissements publics locaux de coopération éducative sont des établissements publics à caractère administratif.

« Art. L. 1441-2 - Les établissements publics locaux de coopération éducative sont créés par arrêté du représentant de l'Etat, sur proposition de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale intéressé.

« Les statuts de l'établissement public, approuvés par l'ensemble des personnes publiques participant à sa constitution, sont annexés à cet arrêté.

« Art. L. 1441-3 - L'établissement public local de coopération éducative est administré par un conseil d'administration et son président. Il est dirigé par un directeur.

« Art. L. 1441-4 - I. - Le conseil d'administration de l'établissement public local de coopération éducative est composé de représentants de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale intéressé, de représentants du conseil général, de représentants de l'Etat, d'un ou plusieurs représentants de la caisse d'allocations familiales, d'un ou plusieurs représentants des parents d'élèves et d'un ou plusieurs représentants d'associations oeuvrant dans les domaines éducatif, social, culturel ou sportif.

« Le maire de la commune ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est membre de droit du conseil d'administration.

« Le président du conseil d'administration est élu en son sein.

« II. - Le conseil d'administration détermine la politique de l'établissement, approuve son budget et en contrôle l'exécution.

« Il approuve les créations, modifications et suppressions d'emplois.

« Art. L. 1441-5 - Le directeur de l'établissement public local de coopération éducative est nommé par le conseil d'administration parmi une liste de candidats établie d'un commun accord, après appel à candidatures, par les personnes publiques représentées au sein de ce conseil.

« Art. L. 1441-6 - I. - Les personnels des établissements publics locaux de coopération éducative sont soumis aux dispositions de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

«  II. - Les fonctionnaires de l'Etat peuvent être détachés ou mis à disposition auprès d'établissements publics locaux de coopération éducative.

« Art. L. 1441-7 - Sous réserve des dispositions des décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 1441-9, sont applicables aux établissements publics locaux de coopération éducative :

«  - les dispositions du titre III du livre I de la troisième partie relatives au contrôle de légalité et au caractère exécutoire des actes des autorités départementales ;

«  - les dispositions des chapitres II et VII du titre unique du livre VI de la première partie relatives au contrôle budgétaire et aux comptables publics.

« Art. L. 1441-8 - Les ressources des établissements publics de coopération éducative peuvent comprendre :

« 1. Les subventions et autres concours financiers de l'Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements par dérogation, le cas échéant, aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 2224-2 et du premier alinéa de l'article L. 3241-5, et de toute personne publique ;

« 2. Les revenus de biens meubles ou immeubles ;

« 3. La rémunération des services rendus ;

« 4. Les produits de l'organisation de manifestations ;

« 5. Les produits des aliénations ou immobilisations ;

« 6. Les libéralités, dons, legs et leurs revenus ;

« 7. Toutes autres recettes autorisées par les lois et règlements en vigueur.

« Art. L. 1441-9 - Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent chapitre. »

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Je retire également cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 571 est retiré.

Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 203 et 204, ainsi que sur l'amendement n° 188 rectifié bis ?

Mme Valérie Létard, rapporteur. S'agissant du sous-amendement n° 203, je dirai que la compensation des charges nouvelles des collectivités territoriales est un principe constitutionnel qui n'a pas à être précisé dans cet article. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

Sur le sous-amendement n° 204, l'objectif du Gouvernement est d'installer des dispositifs de réussite éducative principalement dans les zones d'éducation prioritaire.

Toutefois, il convient de préserver une grande souplesse sur ce point. On ne doit pas exclure d'emblée que, comme risque d'y conduire cet amendement, des dispositifs de réussite éducative soient mis en place rapidement hors des zones prioritaires, ne serait-ce que parce que le découpage de ces zones est parfois un peu ancien. On le constate sur le terrain, la zone d'éducation prioritaire déborde parfois le périmètre du contrat de ville et en occulte une autre partie. En se limitant à ces périmètres de ZEP, on suscite l'inquiétude des professionnels de terrain. S'ils reconnaissent que des périmètres leur sont attribués et que tout est géré par périmètre de référence, ils déplorent leur incohérence.

Certes, les ZEP doivent être concernées, mais ne nous imposons pas des limites et faisons en sorte que le bon sens prime : cela suppose d'adapter des outils qui vont s'appliquer à tr des publics identiques, et cela sur des périmètres cohérents !

L'amendement n° 188 rectifié bis propose une définition des dispositifs de réussite éducative légèrement différente de celle de la commission. Il est, lui aussi, satisfait par notre amendement.

J'ajoute que, dans leur amendement, Mme Hermange et de M. Vasselle font mention d'un « établissement public local de coopération éducative ». Or cette notion a été rejetée en commission. L'adoption de cet amendement soulèverait donc un problème de cohérence du texte.

Par ailleurs, l'amendement précise que les actions en question doivent être mises en place dès la maternelle. Or le premier degré comprend la maternelle.

Dès lors, vos préoccupations, madame Hermange, me paraissent prises en compte par la rédaction de la commission. C'est pourquoi je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Monsieur le président, vous me permettrez de souligner en préambule que les mesures contenues dans ce chapitre du projet de loi font partie des dispositions majeures du plan de cohésion sociale.

En effet, il s'agit de traiter les problèmes dès la petite enfance et, en préservant la plus grande souplesse, de focaliser l'action autour des équipes éducatives. Nous savons bien que celles-ci sont irremplaçables mais que, seules, elles ne peuvent pas faire face aux difficultés auxquelles elles sont confrontées, en particulier dans les zones très sensibles.

Vous me permettrez de dire, au nom de ma collègue Nelly Olin, qui est en charge de l'égalité des chances, ainsi qu'en mon nom personnel, combien nous avons apprécié l'action menée par Catherine Vautrin, désormais secrétaire d'Etat chargée des personnes âgées, et les équipes qui ont travaillé à ses côtés pour élaborer ce dispositif tout à fait novateur.

Cela étant dit, si j'ai retiré les amendements n°s 570 et 571, c'est tout simplement parce que votre commission des affaires sociales a fait un travail de synthèse tout à fait fructueux. En définitive, ce qui est proposé me semble répondre à toutes les préoccupations.

Par conséquent, le Gouvernement se rallie bien volontiers à l'amendement de la commission, sous réserve de deux rectifications.

D'une part, il faudrait placer cet article additionnel avant l'article 54 et non après, car il s'agit bien de définir ce que sont les dispositifs de réussite éducative.

D'autre part, nous souhaiterions que les mots « créé à cet effet », placés après les mots « groupement d'intérêt public », soient supprimés. En effet, nous voulons permettre à des groupements d'intérêt public déjà existants, comme les groupements d'intérêt public de développement social urbain, les GIP-DSU, prévus à l'article 55, de participer à ces dispositifs.

Sur le sous-amendement n° 203, le Gouvernement émet un avis défavorable.

En effet, les dispositifs de réussite éducative disposent de crédits spécifiques, mais rien n'interdit aux collectivités locales qui le souhaitent d'abonder les fonds prévus pour ceux-ci. Pour autant, la compensation des charges est prévue, désormais, dans la Constitution.

Sur le sous-amendement n° 204, le Gouvernement émet également un avis défavorable, car les dispositifs de réussite éducative sont pris en en compte, au sein du projet de loi de finances pour 2005, dans le chapitre consacré aux crédits de la politique de la ville. Ceux-ci ont pour vocation d'intervenir précisément dans les zones urbaines sensibles, les ZUS, et les ZEP. Or certaines de ces ZUS n'ont pas de ZEP. Dès lors, en mettant en place un zonage prioritaire pour les ZEP, on prive de fait certaines ZUS de la possibilité de bénéficier du dispositif.

Certes, il ne s'agit bien évidemment pas d'empêcher la mise en place de ce dispositif dans les ZEP ; au contraire, toute une série d'actions y seront possibles, et il faudra d'ailleurs en faire bénéficier aussi certains secteurs ruraux très pauvres. Mais il faut que nous puissions également intervenir dans les ZUS.

Enfin, la rédaction de l'amendement n° 188 rectifié bis nous pose un problème. Il y est en effet écrit que les actions visées peuvent rassembler « autour de l'enseignant » l'ensemble des acteurs compétents. Bien sûr, l'enseignant est un acteur essentiel dans ce dispositif, de même que les équipes sociales qui vont être amenées à se mobiliser à ses côtés. Mais c'est autour de l'enfant que tout ce joue : c'est lui qui doit être au centre du dispositif !

Par ailleurs, l'équivoque concernant la maternelle a été levée : le premier degré comprend bien la maternelle.

J'invite donc Mme Hermange et M. Vasselle à se rallier, eux aussi, à l'amendement de la commission, sous réserve des deux rectifications que j'ai demandées.

M. le président. Madame le rapporteur, acceptez-vous de procéder à ces rectifications ?

Mme Valérie Létard, rapporteur. Bien sûr, monsieur le président.

D'une part, il paraît effectivement logique que cet article de définition soit placé avant l'article 54.

D'autre part, j'approuve la suppression des termes « créé à cet effet », afin de permettre également aux GIP existants de participer au dispositif.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 105 rectifié bis, qui est ainsi libellé :

Avant l'article 54, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les dispositifs de réussite éducative mènent des actions d'accompagnement au profit des élèves du premier et du second degrés et de leurs familles, dans les domaines éducatif, scolaire, périscolaire, culturel, social ou sanitaire.

Ils sont mis en oeuvre par un établissement public local d'enseignement, selon des modalités précisées par décret, par la caisse des écoles, par un groupement d'intérêt public ou par toute autre structure juridique adaptée.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 203.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 204.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l'amendement n° 105 rectifié bis.

M. Alain Vasselle. J'interviens sur cet amendement, car je crains que son adoption ne fasse tomber l'amendement n° 188 rectifié bis.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission de la commission des lois. Bien vu ! (Sourires.)

M. Alain Vasselle. Ainsi, Mme Hermange et moi n'aurons même pas à le retirer !

J'avais cru comprendre - mais sans doute n'ai-je pas été suffisamment attentif - que, dans un premier temps, le Gouvernement retirait ses amendements au profit du nôtre. (Sourires.) Puis, dans un second temps, ce fut au profit de celui de Mme le rapporteur.

Or, ainsi que Mme Hermange l'a souligné, notre propre proposition est, à quelques nuances près, identique à celle que le Gouvernement souhaitait initialement nous soumettre.

Voilà qui m'amène à formuler deux observations.

Monsieur le ministre, vous confirmez que l'enseignement du premier degré comprend les écoles maternelles. Je veux bien vous entendre, mais il faudra vous accorder avec M. le ministre de l'éducation nationale !

En fait, il semble que, quand cela vous arrange, vous dites que la maternelle fait partie du premier degré et, quand cela n'arrange pas le ministère, elle n'en fait plus partie ! J'en ai fait l'expérience en qualité de président de l'association des maires de mon département. Je vous en donne deux illustrations.

D'abord, lorsqu'il s'agit de comptabiliser les effectifs pour les créations ou les fermetures de classes, on ne prend pas en compte ceux des enfants du préscolaire. On ne tient compte que des enfants scolarisés à partir de l'âge de cinq ans ! Avant cet âge, les effectifs ne sont pas pris en considération !

Ensuite, lorsqu'il s'agit d'appliquer l'article 23 de la loi de juillet 1983, sur la contribution des frais de scolarité des communes de résidents vis-à-vis des communes d'accueil, on fait la même interprétation que pour les ouvertures ou fermetures de classes !

Dès lors, monsieur le ministre délégué, je veux bien vous suivre, mais il faudrait une décision interministérielle qui vous mette d'accord sur l'interprétation des textes !

Pour ma part, je prends un engagement : quand il va s'agir de négocier avec le ministère de l'éducation nationale les fermetures ou les ouvertures de classes dans nos communes rurales, je ne manquerai pas de rappeler à l'inspection d'académie et au recteur que ce n'est pas comme cela qu'il faut calculer les effectifs et que les enfants des écoles maternelles doivent bien être pris en compte !

J'aimerais donc que, sur ce premier point, vous puissiez confirmer solennellement ce que vous avez dit il y a quelques instants ; cela me faciliterait la tâche !

Pour le reste, je ne vois pas en quoi notre amendement crée des difficultés. D'ailleurs, vous avez jugé nécessaire de demander à Mme le rapporteur de modifier son amendement, pour que sa rédaction rejoigne celle que vous aviez initialement proposée, et qui est aussi celle que Mme Hermange et moi-même avons retenue !

L'amendement n° 188 rectifié bis est beaucoup plus complet que celui de Mme le rapporteur, il va beaucoup plus loin et il ne fait pas référence à la scolarité, laquelle relève de la responsabilité des enseignants, non de ceux qui les accompagnent pour tout ce qui concerne le culturel, le sanitaire ou le social !

D'ailleurs, dans votre propre amendement, monsieur le ministre, vous n'aviez pas fait référence au scolaire. Maintenant, vous l'acceptez ! Vous comprendrez donc ma perplexité ! Je m'interroge même sur la position à adopter quant à l'amendement de Mme le rapporteur !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur.

Mme Valérie Létard, rapporteur. Tout d'abord, sur la notion de premier degré, il est vrai que les interprétations peuvent varier. Toutefois, M. le président de la commission des lois me rappelait à l'instant en aparté que, chaque fois que ce problème surgit, c'est bien l'interprétation selon laquelle le premier degré comprend à la fois la maternelle et le primaire qui prévaut.

M. Alain Vasselle. Alors, il faudra donner des instructions précises en ce sens aux recteurs et aux inspections académiques, car ce n'est pas toujours cette interprétation-là qu'ils retiennent !

Mme Valérie Létard. Pour le reste, monsieur Vasselle, il est vrai que nos deux amendements ont des traits communs ; c'est précisément pour cela que je vous ai dit que le retrait du vôtre ne posait aucun problème !

Cela étant, je vous répète que notre commission a rejeté les « établissements publics locaux de coopération éducative ». Par souci de cohérence, il vaut donc mieux adopter l'amendement n° 105 rectifié bis, qui semble plus conforme aux souhaits de chacun.

Je termine en précisant que, si nous avons opté pour une définition un peu plus succincte, c'est pour laisser le plus possible de souplesse au dispositif de réussite éducative, tout en en fixant bien les contours.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Monsieur Vasselle, il faut bien comprendre la révolution culturelle que nous voulons faire ici, par rapport à notre objectif de cohésion sociale.

Vous n'avez pas face à vous la grande maison de l'éducation nationale, pour laquelle nous avons tous deux le plus grand respect, avec ses caractéristiques, sa culture, son histoire et ses comportements. (Sourires.)

Voilà un dispositif axé sur la volonté de concentrer l'action dans des secteurs prioritaires, avec l'apport d'environ un milliard et demi d'euros sur cinq ans. Il s'agit de faire ce que l'on n'a jamais réussi à faire dans notre pays, à cause de structures verticales, féodales, qui ne se parlent pas,...

M. Alain Vasselle. Les ministres ne se parlent pas beaucoup non plus ! Cela étant, je suis d'accord avec vous.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. ... et d'une multiplicité de dispositifs, avec des tuyaux partant dans tous les sens ! C'est pour cela que, définitive, on ne réussissait pas à mettre de la cohérence au plus près de l'enfant au moment où c'est nécessaire !

Voilà la révolution culturelle que nous appelons de nos voeux ! Je pense que Mme Hermange, vous-même, monsieur Vasselle, et moi partageons cet objectif : nous rencontrons ces problèmes chaque jour en tant qu'élus locaux !

M. Alain Vasselle. Sur ce point, il n'y a pas de problème : nous sommes d'accord !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Pour tout vous dire rien ne me gêne dans votre amendement, sinon que c'est autour de l'enfant et non « autour de l'enseignant » qu'il faut rassembler les acteurs compétents.

Les établissements publics locaux de coopération éducative ne me posent aucun problème ! Il en faudra peut-être selon la nature du terrain, ainsi qu'une caisse des écoles renforcée ! Faisons confiance aux acteurs de terrain, qui savent bien à qui ils s'adressent, qui savent sur quoi il faut mettre l'accent et quelles sont les structures les plus adaptées ! Ne rigidifions pas ! Ne mettons pas tout le monde dans le même moule ; on a bien vu ce que cela donnait à propos d'autres dispositifs législatifs !

Enfin, je vous confirme que le premier degré, c'est bien la maternelle et le primaire ! Pas besoin d'une décision interministérielle pour cela !

Il y a peut-être des circulaires de l'éducation nationale qui ne vont pas tout à fait dans ce sens, mais, aujourd'hui, votre interlocuteur, c'est le ministère de la cohésion sociale !

M. Alain Vasselle. Il faudrait quand même que les ministres se mettent d'accord ! Mais nous sommes d'accord sur l'essentiel !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Puisque la philosophie du Gouvernement consiste, comme je l'ai dit tout à l'heure, à substituer à une thérapie de l'échec une politique de prévention précoce, il n'était pas inutile de préciser que ces actions devaient être conduites au plus tôt ! Non seulement dès la maternelle, mais même dès la crèche, voire dès la maternité !

Ce n'est pas un hasard si dans notre langue « bien-être » et « bien naître » s'entendent de la même façon ! Un certain nombre de médecins affirment d'ailleurs qu'une politique de périnatalité doit être conduite au plus tôt pour préserver un bon lien parental, gage d'une bonne sécurité affective et, partant, d'une plus grande sécurité éducative.

C'est la raison pour laquelle, conformément à l'esprit du projet de loi, j'ai tenu à insister - car cela n'est pas naturel - sur la nécessité de faire en sorte que cette politique soit conduite le plus tôt possible.

Mme le rapporteur nous a indiqué que la commission n'approuvait pas l'établissement public local de coopération éducative. Or notre amendement est d'une grande souplesse : le mot « soit » y est employé trois fois ! Nous avons même prévu que les dispositifs de réussite éducative pourraient être mise en oeuvre au sein de structures existantes. En effet, il existe actuellement des structures qui mènent une politique de réussite éducative dans une optique de prévention précoce. Il serait donc stupide qu'elles ne soient pas prises en compte.

Cela dit, je retire mon amendement, d'autant que celui de la commission va manifestement être adopté.

M. le président. L'amendement n° 188 rectifié bis est retiré.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Valérie Létard, rapporteur. J'avais défendu devant la commission un amendement qui faisait mention des établissements de coopération éducative, mais, je le répète, la commission l'a rejeté. Peut-être la présentation très rapide des amendements a-t-elle donné lieu à de mauvaises interprétations, mais il était évident que les établissements de coopération éducative constituaient un outil supplémentaire pour la mise en oeuvre des dispositifs de réussite éducative.

Par ailleurs, madame Hermange, s'agissant de la prévention précoce, chacun ici partage votre souci de la voir mise en place dès la maternelle, voire avant. Comme on l'a vu au cours des auditions, cela peut intervenir au travers des structures de petite enfance, ou même des structures destinées à accompagner la femme dès la grossesse, pour anticiper éventuellement les troubles liés à des difficulté rencontrées au cours de la période préscolaire. Mais n'oublions pas que les contrats « petite enfance » viennent accompagner les outils qui sont ici mentionnés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

Art. additionnel avant l'art. 54 ou après l'art. 54
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Art. 55

Article 54

Le deuxième alinéa de l'article L. 212-10 du code de l'éducation est remplacé par les dispositions suivantes :

« Les compétences de la caisse des écoles peuvent être étendues à des actions à caractère éducatif, culturel, social et sanitaire en faveur des enfants relevant de l'enseignement du premier et du second degrés. À cette fin, la caisse des écoles peut constituer des équipes de réussite éducative. »

La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. Les articles qui concernent l'accompagnement des élèves en difficulté soulèvent de multiples problèmes tant l'objectif affiché, promouvoir l'égalité des chances, est titanesque par rapport aux mesures proposées, qui se signalent, elles, par leur petitesse et leur ambiguïté.

Madame, messieurs les ministres, pensez-vous sérieusement que la mise en oeuvre de dispositifs de réussite éducative permettra, à elle seule, d'atteindre l'objectif fixé, même s'ils sont accompagnés de plateformes de réussite éducative ? Pensez-vous que la mise en place d'internats disciplinaires soit la réponse miraculeuse aux problèmes de l'échec scolaire ?

L'école de la réussite pour tous doit s'inscrire dans un projet global de société ; elle ne peut se construire au travers des mesures « incrémentielles » que vous proposez.

A ce propos, M. Fillon doit nous présenter très prochainement un projet de loi visant le même objectif, texte qui, j'ose l'espérer, comportera plus de trois articles ! Dès lors, pourquoi ne pas avoir attendu la discussion de ce texte pour ouvrir franchement et clairement ce grand débat de société, en concertation avec les partenaires de l'éducation nationale, concertation dont vous vous êtes d'ailleurs dispensés ! Mais avez-vous seulement consulté votre collègue François Fillon ?

En tout état de cause, le ministère de l'éducation nationale doit conserver la maîtrise des questions relatives au service public de l'éducation, sous peine, comme nous le constatons aujourd'hui, de perdre toute cohérence.

Ainsi, en anticipant sur la réforme, vous réduisez à néant une année de discussions qui devaient servir de socle à la future loi d'orientation !

Pour en revenir au présent texte, la rapidité avec laquelle vous traitez de l'école se retrouve dans la terminologie utilisée. Les termes « égalité des chances», si chers à Rousseau, ont été galvaudés jusqu'à être réduits à un simple effet d'annonce d'orientation libérale.

En effet, dans votre conception l'« égalité des chances » ne correspond ni à l'égalité des résultats ni à l'égalité des conditions d'accès. Il s'agit d'une simple égalité d'inscription à l'école dès le plus jeune âge, qui, au demeurant, ne tient aucun compte des aléas de parcours induits par la disparité des conditions économiques, culturelles et sociales des individus et des catégories vulnérables de personnes. Aussi son usage systématique produit-il un effet insidieux, l'« égalité des chances » initiale permettant, aux yeux de certains, de justifier l'inégalité des résultats.

Ce leitmotiv de la pensée libérale est très réducteur. Selon nous, le socle d'une éducation démocratique n'est autre que l'égalité en dignité et en droits pour tous, c'est-à-dire l'égalité d'accès à l'enseignement, l'égalité des acquis de la culture commune, que nous voulons de haut niveau, ainsi que l'égalité de traitement dans la relation éducative, le dispositif pédagogique, l'évaluation et les lieux d'enseignement. Ces objectifs ne relèvent pas de l'utopie : ils peuvent être atteints si l'Etat joue son rôle démocratique de régulateur des injustices naturelles, sociales et économiques.

Or, au regard tant des propositions de la commission Thélot que des annonces faites par M. Fillon - que notre commission des affaires culturelles a auditionné hier -, ce n'est pas dans cette voie que les réformes paraissent s'engager, au contraire ! Il s'agira de développer une école, y compris aux niveaux supérieurs, au service de l'économie, une école utilitaire chargée de former de futurs employés et non plus des citoyens, avec, pour les uns, un cursus complet et, pour les autres, le minimum préparant aux emplois ne requérant qu'une qualification « fondée sur le savoir-être et la relation à autrui ». Il s'agira aussi d'un vaste plan d'harmonisation européen, dont les grands axes ont été décidés aux sommets de Lisbonne, en 2000, et de Barcelone, en 2004.

Il est loin le temps où Condorcet et les encyclopédistes rêvaient d'un peuple éclairé pour lui-même, d'hommes libres, conscients de leurs choix, capables de dire non à ceux qui veulent les asservir et sachant pourquoi ils disent non !

Les parlementaires communistes, pour leur part, feront des propositions, comme ils l'ont toujours fait, en réplique au dogme libéral, pour construire l'école de la réussite pour tous.

En fait, cette partie du texte apparaît comme bâclée, comme un ajout de dernière minute, sans consistance ni véritable réflexion.

En cela, madame, messieurs les ministres, votre texte, malgré les ambitions qu'il affiche, n'est en aucun cas un projet de société pour l'école de la réussite pour tous les élèves !

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. «Tant l'analyse du plan de cohésion sociale que celle de l'avant-projet de loi ne répondent pas à l'exigence et à l'ampleur des enjeux évoqués dans l'exposé des motifs relatif au titre III de l'avant-projet de loi. Ce décalage manifeste entre les intentions et les propositions fait ressortir les lacunes et les imperfections des documents et génère des incompréhensions et des inquiétudes quant aux décisions finales qui seront adoptées. Ce sentiment se trouve renforcé par les difficultés rencontrées par les associations concernées, notamment du fait de l'insuffisance, voire du blocage, des subventions qui leur sont attribuées ».

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, ces quelques lignes sont extraites de l'avis du Conseil économique et social sur l'avant-projet de loi pour la cohésion sociale. Elles valent tout particulièrement pour le chapitre relatif à l'accompagnement des élèves en difficulté.

Ajoutons au passage que point n'est besoin de rendre un « grand hommage aux associations » en présentant ce projet de loi à la Haute Assemblée, car ce dont les associations ont le plus besoin, c'est des subventions qui leur sont indispensables pour continuer à exister. Il n'est que temps que le Gouvernement en prenne conscience !

Je tiens à dire mon étonnement devant le silence de la commission des affaires culturelles sur ce chapitre consacré à l'accompagnement des élèves en difficulté. Je suis tenté d'y voir une confirmation de la pauvreté et du manque d'ambition dudit chapitre.

Parmi ses lacunes, je mentionnerai : l'absence de lutte contre les ghettos scolaires ; l'absence de dimension parentale dans l'accompagnement des élèves en difficulté ; l'absence de disposition sur la continuité pédagogique et éducative entre l'école et le collège, sur l'accompagnement au travail, sur le suivi individualisé, sur le tutorat, sur la différentiation pédagogique ; aucun article sur les ZEP et les REP, les réseaux d'éducation prioritaire, alors même que la rénovation de l'éducation prioritaire figurait dans le programme 16 du plan de cohésion sociale, et c'est vraiment dommage, car le moratoire sur les suppressions de postes en ZEP était une bonne idée, surtout au regard du projet de budget pour 2005 et des suppressions de postes qui y sont prévues ; rien sur l'accès à la culture et aux vacances comme facteur d'égalité des chances ; aucune place faite aux mouvements pédagogiques et d'éducation populaires, pourtant porteurs sur le terrain de projets innovants de lutte contre l'exclusion.

Lors de la discussion générale, M. Borloo nous a dit qu'il faisait confiance au terrain. Or les expériences menées et les dispositifs déjà en place sont totalement ignorés. Il en est ainsi des contrats éducatifs locaux, les CEL, nés du partenariat des collectivités locales, du système scolaire et des associations, et qui sont pourtant au nombre de 2 171, répartis entre 6 556 communes, y compris les DOM-TOM. Ces CEL concernent 20 % des établissements scolaires français, soit 1 800 000 élèves.

Pour la majorité des CEL, les actions mises en place, qu'elles soient sportives, scientifiques, artistiques ou culturelles, le sont en lien direct avec le projet d'école ou d'établissement. Les deux objectifs majeurs qui leur sont assignés consistent, d'abord, à développer l'accès aux activités pour le plus grand nombre, en particulier les plus démunis et, ensuite, à améliorer la réussite scolaire.

Dès lors, qu'en est-il de l'articulation entre vos dispositifs de réussite éducative et les contrats éducatifs locaux qui relèvent à la fois du champ de l'égalité des chances et de l'accompagnement des élèves en difficulté ?

J'aurais également pu évoquer l'articulation avec les établissements régionaux d'enseignement adapté, les EREA, qui accueillent des élèves en rupture sociale, ou avec les écoles de la seconde chance, qui contribuent à sauver nos jeunes déscolarisés depuis trop longtemps et qui me paraissent bien plus pertinents qu'un internat de réussite scolaire s'adressant exclusivement aux élèves en décrochage, hors de toute mixité sociale.

Quid encore de l'articulation avec les réseaux d'aides spécialisées aux enfants en difficulté, les RASED, avec les plans régionaux de lutte contre l'illettrisme ou encore avec les missions locales d'insertion et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation, les PAIO ?

M. Borloo nous a indiqué que ce plan avait été imaginé assez rapidement. Sans doute trop rapidement, au vu de l'illisibilité des dispositifs de réussite scolaire et de l'ignorance dans laquelle se trouvent les acteurs concernés quant à leur pilotage, leurs objectifs et leur évaluation. J'en veux pour preuve l'amendement de la commission des affaires sociales dont l'objet est de définir les objectifs mêmes de ces dispositifs.

N'aurait-il pas mieux valu s'appuyer sur les dispositifs existants pour les renforcer, les optimiser, afin de rendre effective la politique de réussite scolaire, avant que de créer une nébuleuse, d'ajouter une strate supplémentaire, sans souci de cohérence avec l'existant, comme si, avant le plan Borloo, il n'y avait eu que le néant ?

Pour ma part, je crains que le soufflé ne retombe très vite et que la déception de nos concitoyens qui attendaient beaucoup de ce plan de cohésion sociale pour leur vie quotidienne n'en soit que plus grande. Nous-mêmes aurions aimé croire aux annonces de M. Borloo, mais nous ne connaissons que trop la politique du gouvernement de M. Raffarin et savons bien ce que masquent les effets d'annonce.

M. le président. L'amendement n° 104, présenté par Mme Létard, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

A la fin de la seconde phrase du texte proposé par cet article pour le deuxième alinéa de l'article L. 212-10 du code de l'éducation, remplacer les mots :

équipes de réussite éducative

par les mots :

dispositifs de réussite éducative

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Valérie Létard, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel. En effet, l'expression « dispositifs de réussite éducative » est plus large en ce qu'elle regroupe les équipes de réussite éducative, les plateformes et les internats, ce qui rend cette partie du texte plus homogène.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 455 rectifié, présenté par Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

I - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...- L'article L. 4218 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour compléter ce dispositif et dans le cadre de la promotion de l'égalité des chances à l'école, il peut être constitué, dans chaque établissement public local d'enseignement, des équipes de réussite éducative composées de personnels de l'éducation nationale dont les effectifs devront être renforcés à cet effet. Ces équipes devront apporter un soutien éducatif, culturel, social et sanitaire aux enfants relevant de l'enseignement du premier et du second degré. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement vise à modifier le code de l'éducation dans l'attente du projet de loi d'orientation sur l'école.

Comme je l'ai déjà souligné, je reste convaincue que pour une meilleure lisibilité, une meilleure efficacité et une meilleure cohérence, nous devons traiter de l'école dans le cadre du futur projet de loi d'orientation.

Dans cette attente, la création d'équipes de réussite éducative peut permettre de lutter contre l'échec scolaire et garantir un droit d'accès égal à tous les élèves, à condition toutefois que ces équipes soient composées et gérées par des personnels de l'éducation nationale.

En effet, le rôle de la caisse des écoles n'est pas de répondre à ce besoin. Le soutien scolaire ne doit en aucun cas faire partie de ses missions.

Cet article 54 m'amène à formuler une seconde remarque, en forme d'interrogation. Pourquoi afficher une certaine volonté de développer des dispositifs de lutte contre les inégalités scolaires et, dans le même temps, saccager tous les dispositifs existants ? Je fais référence particulièrement aux réseaux d'aides spécialisés aux enfants en difficulté, les RASED, dont les moyens ont été drastiquement réduits. L'Etat ne forment plus les maîtres E et G et les départs à la retraite ne sont pas tous remplacés alors que les RASED sont le pendant de ce dispositif !

De la même manière, les mesures en faveur des ZEP apparaissent totalement contradictoires avec les suppressions de postes d'enseignant, de surveillant, d'aide éducateur, suppressions qui aggravent tout particulièrement les difficultés des établissements situés dans ces zones.

Finalement, l'article 54 vise à priver l'école ce qui lui incombe, à savoir le soutien à l'enseignement, et à le faire prendre en charge par les collectivités locales. En effet, les caisses des écoles sont gérées par les associations de parents d'élèves et par les communes. Le Gouvernement souhaite, par ce biais, se décharger en responsabilité et en moyens de sa mission : assurer la réussite de tous les élèves ! Il remet ainsi profondément en cause le principe d'égalité sur le territoire et, en conséquence, le caractère national de l'éducation nationale.

Or c'est dans le cadre d'un service public prioritaire de l'éducation nationale que la lutte contre l'échec scolaire doit être menée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Valérie Létard, rapporteur. Madame David, l'objectif visé en instituant le dispositif de réussite éducative -qu'il s'agisse des équipes ou des plateformes - est bien de mettre en relation l'école et son environnement afin d'éviter l'échec scolaire. Il faut anticiper le plus possible une véritable politique partenariale de prévention précoce de manière à compléter les actions menées dans le cadre des RASED et des ZEP.

Les RASED et les ZEP donnent des moyens aux enseignants...

Mme Annie David. De moins en moins !

Mme Valérie Létard, rapporteur. ...pour venir accompagner les enfants en difficulté scolaire.

Le dispositif de réussite éducative est complémentaire. Non seulement il accroît les moyens disponibles, mais il associer les personnels de l'éducation nationale, qui sont bien évidemment au centre du système puisqu'ils sont là pour apporter la matière centrale.

Ce qui est difficile aujourd'hui, c'est de faire comprendre à tout le monde la nécessité d'établir un lien, un partenariat systématique entre les acteurs. Il nous faut donc des outils, des supports, des moyens financiers, afin de renforcer les actions déjà efficaces menées par les personnels de l'éducation nationale. En effet, nous le savons, on n'est jamais trop nombreux pour anticiper les difficultés que rencontrent certains enfants et leur famille et pour leur permettre d'accéder à la réussite scolaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. L'amendement n° 455 rectifié me donne l'occasion de répondre à la fois au groupe CRC et au groupe socialiste.

Je dirai, afin d'éviter tout malentendu, qu'il ne s'agit pas de raisonner dans des systèmes idéologiques : libéralisme, capitalisme ou je ne sais quoi encore. Ce n'est pas avec des mots en « isme » qu'il faut raisonner sur ces questions, c'est avec des mots en « té » : solidarité, fraternité, responsabilité.

Pour lutter contre les problèmes qui se posent à nous aujourd'hui, il ne faut pas mettre en question l'éducation nationale : l'école de la République a effectivement vocation à assurer l'égalité sur le territoire et à diffuser les valeurs républicaines.

Il ne faut pas davantage mettre en question les dispositifs existants de l'éducation nationale, qui doivent garder toute leur place, autour des enseignants et avec eux.

Madame David, permettez-moi de vous faire part d'une expérience personnelle.

En septembre 2003, deux meurtres ont été perpétrés dans ma commune par de jeunes mineurs. Je me suis alors posé la question que se posent tous les maires confrontés à cette situation : est-ce que j'aurais pu faire quelque chose pour éviter cela ?

J'ai rencontré les parents de ces enfants, la directrice de l'école qu'ils fréquentaient, dans laquelle fonctionnaient des classes d'intégration scolaire, des CLIS, pour accueillir les personnes handicapées. L'école bénéficiait également de l'appui d'un RASED. On avait fait des choses fantastiques en matière d'informatique, de nouvelles technologies. L'école disposait de nombreux équipements.

Lorsque je me suis entretenu avec la directrice, elle m'a dit : « Vous voyez, monsieur le maire, il aurait fallu que l'on puisse faire quelque chose autour de l'école, en plus de ce que nous faisons nous, personnels de l'éducation nationale. »

Quant aux parents de ces mineurs, âgés d'une douzaine d'années, ils m'ont confié qu'ils avaient « décroché » depuis déjà cinq ou six ans.

C'est par rapport à ce type de situation qu'a travaillé Catherine Vautrin et c'est à ce type de situation que le plan de Jean-Louis Borloo tend à répondre. Il ne s'agit pas, comme je l'ai entendu, d'un « petit plan » de 1,5 milliard d'euros sur cinq ans. C'est un plan qui focalise, qui « laserise » l'action là où se pose les grandes difficultés. Si nous appuyons sur tous les leviers en même temps - le logement, l'égalité des chances, l'emploi et les équipes de réussite éducative -, si nous apportons un surplus d'énergie, nous pouvons peut-être espérer jouer le rôle de prévention qui revient à la société plutôt que de subir, demain, les conséquences de ces problèmes.

Catherine Vautrin et Jean-Louis Borloo ont, bien sûr, travaillé en étroite liaison avec le ministre de l'éducation nationale. Ils ont été entendus par le Conseil supérieur de l'éducation nationale, qui n'a pas émis un seul vote négatif sur cette question.

Lorsqu'on s'exprime dans des termes comme ceux que j'utilise en cet instant, tout acteur de terrain responsable se dit que la grande maison de l'éducation nationale doit continuer à jouer son rôle.

Pour résister à l'adversité, pour être capable de répondre aux défis qui sont devant nous, il faut mettre en place des équipes de réussite éducative. C'est l'objet de l'article 54 et c'est la raison pour laquelle je suis défavorable à l'amendement n° 455 rectifié.

Mme Valérie Létard, rapporteur. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 455 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 54, modifié.

(L'article 54 est adopté.)

Art. 54
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Art. 56

Article 55

L'article 21 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France est ainsi modifié :

I. - Il est inséré après le premier alinéa un alinéa ainsi rédigé :

« Des groupements d'intérêt public peuvent également être créés pour apporter, en particulier par la création d'équipes de réussite éducative, un soutien éducatif, culturel, social et sanitaire aux enfants relevant de l'enseignement du premier et du second degrés, dès lors que ce soutien n'est pas pris en charge par la caisse des écoles suivant les modalités prévues par le deuxième alinéa de l'article L. 212-10 du code de l'éducation. »

II. - Au dernier alinéa, les mots : « premier et troisième alinéas » sont remplacés par les mots : « premier et quatrième alinéas ».

III. - L'article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du deuxième alinéa sont applicables à Mayotte et dans les îles Wallis-et-Futuna. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 456 est présenté par Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 572 est présenté par le Gouvernement.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 456.

Mme Annie David. C'est un amendement de conséquence de l'amendement n°455 rectifié.

En effet, dans la mesure où il n'existe pas de caisse des écoles dans les collèges, l'article 55 vise à mettre en place, dans les établissements du second degré, des groupements d'intérêt public afin de pourvoir créer des équipes de réussite éducative.

Or, selon nous, cet article devient caduc dès lors que ces équipes éducatives seraient créées dans le cadre de la loi de 1989, comme je le proposais avec l'amendement n° 455 rectifié.

Par ailleurs, je vous ai déjà fait part de notre opposition au fait de confier la gestion des équipes de réussite éducative à des organismes extérieurs au cadre de l'éducation nationale, qu'il s'agisse des GIP ou des caisses des écoles.

Mettre en place de nouvelles structures d'accompagnement des élèves en difficulté sans effectuer au préalable un état des lieux concret et sérieux des besoins matériels et humains, en concertation avec le ministère concerné, les représentants des personnels nationaux et locaux, des parents d'élèves et l'ensemble de la communauté éducative n'est pas un comportement responsable de la part du Gouvernement.

Finalement, on en revient toujours au même point. Il est plus cohérent et plus efficace, pour prendre en compte les difficultés de certains élèves dès la rentrée prochaine, de réviser la loi de 1989 puisqu'elle sera modifiée par le projet de loi d'orientation sur l'école que nous présentera M. Fillon. Avec cet article, on crée des structures lourdes qui ne retrouveront peut-être pas leur place dans la future loi sur l'école de la réussite de tous les élèves.

En effet, nous n'avons aucune garantie que ces structures seront maintenues dans le texte que nous soumettra M. Fillon.

Encore une fois, la lutte contre l'échec scolaire nécessite un diagnostic global de l'école et de la société.

D'ailleurs, dans le débat qui a parcouru notre pays l'année dernière, à l'occasion des travaux de la commission Thélot, auxquels j'ai participé, les problèmes liés au soutien scolaire ont évidemment été évoqués. M. Fillon nous soumettra sans doute des propositions allant dans le sens du soutien scolaire aux élèves en difficulté, avec des partenariats, et associant les parents d'élèves.

L'article 55 ne correspond en rien à la grande réflexion qui est aujourd'hui nécessaire pour notre système éducatif et pour la réussite de tous les élèves de notre pays.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour présenter l'amendement n° 572.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Je le retire, par cohérence avec les votes qui sont intervenus précédemment.

M. le président. L'amendement n° 572 est retiré.

L'amendement n° 106, présenté par Mme Létard, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le I de cet article pour insérer un alinéa à l'article 21 de la loi n° 82-610 du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique de la France, remplacer les mots :

équipes de réussite éducative

par les mots :

dispositifs de réussite éducative

La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur.

Mme Valérie Létard, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel qui vise, comme le faisait un précédent amendement de la commission, à remplacer les mots « équipes de réussite éducative » par les mots « dispositifs de réussite éducative ».

J'ai expliqué tout à l'heure les raisons qui ont conduit la commission à procéder à cette modification. Cet amendement participe de la même logique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 456 et favorable à l'amendement n° 106.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 456.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 106.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 55, modifié.

(L'article 55 est adopté.)

Art. 55
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Art. 57

Article 56

Les crédits consacrés par l'État à la mise en place de dispositifs de réussite éducative, ouverts par les lois de finances entre 2005 et 2009, sont fixés à 1 469 millions d'euros, selon le calendrier suivant :

Année

2005

2006

2007

2008

2009

Crédits

(en millions d'euros valeur 2004)

62

174

411

411

411

M. le président. L'amendement n° 457, présenté par Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

de dispositifs de réussite éducative

par les mots :

d'équipes de réussite éducative

Madame David, on peut considérer que, compte tenu du vote qui vient d'intervenir, cet amendement n'a plus d'objet.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'article 56 ?

Mme Annie David. Les mots doivent être concrets quand il s'agit de l'être humain. Or le terme « dispositifs » est selon moi trop ambigu, équivoque et couvre de trop nombreuses possibilités pour figurer dans une loi. Mais peut être est-ce précisément là le but de cette habile manoeuvre sémantique : rester vague afin d'avoir toute la liberté de mettre en place vos fameux internats et vos plateformes de réussite éducative.

Pour ma part, les internats de réussite éducative me m'apparaissent comme une solution rétrograde. Ils mobiliseraient des moyens précieux pour des résultats aléatoires. Ce dont ont avant tout besoin les jeunes en rupture scolaire, c'est de mixité sociale, ce n'est pas d'être « ghettoïsés » davantage !

Par ailleurs, je vous rappelle que l'avis du Conseil économique et social met en garde contre le risque de confusion entre les missions de l'éducation nationale et celles de la protection judiciaire de la jeunesse. Il ne faudrait pas confondre ces internats avec des lieux accueillant des enfants en extrême difficulté ou en situation de pré-délinquance.

En ce qui concerne l'orientation en alternance, dès quatorze ans, pour les enfants hébergés dans ces internats, le Conseil économique et social rappelle que, si le contact précoce avec le monde professionnel était limité à ces seuls élèves en difficulté, cette mesure irait à l'encontre de la revalorisation de l'enseignement professionnel dans sa globalité.

Ce point mérite, lui aussi, d'être clairement posé et de faire l'objet d'une longue discussion lors de l'examen du futur projet de loi d'orientation sur l'école. Il ne s'agit pas de bâcler un débat aussi important.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur.

Mme Valérie Létard, rapporteur. Madame David, l'expression de « dispositifs de réussite éducative » est proposée, non dans le but de rester vague, mais parce qu'il s'agit de la dénomination du tableau financier permettant de répartir les crédits sur l'ensemble des actions à mener.

En revanche, l'expression d'« équipes de réussite éducative » limiterait l'action au premier degré, sans possibilité de mettre en place des plateformes.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Il me paraît nécessaire de mettre les points sur les i.

L'intérêt de cette loi de programmation financière est que le Gouvernement écrit ligne par ligne et année par année ce qu'il s'engage à faire et quels moyens il consacre à la réalisation des objectifs.

Dans l'article 56, comme vient de le dire Mme le rapporteur, le terme « dispositifs » recouvre les équipes du premier degré, les plateformes éducatives du second degré et les internats, lesquels ne visent pas, madame David, à « ghettoïser », mais au contraire à « déghettoïser ». Nous proposons en effet aux élèves qui veulent sortir de la zone d'éducation prioritaire ou de la zone urbaine sensible où ils sont scolarisés, d'aller dans des internats d'excellence, où, justement, ils pourront vivre la mixité sociale dont ils ont besoin.

Contrairement donc à ce que vous dites, madame David, il faut laisser le mot « dispositifs ».

M. le président. Je mets aux voix l'article 56.

(L'article 56 est adopté.)

CHAPITRE II

Promotion de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

Art. 56
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Art. 58

Article 57

I. - Il est inséré dans la section 5 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code du travail, après l'article L. 122-26-3, un article L. 122-26-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 122-26-4. - La femme salariée qui reprend son activité à l'issue d'un congé de maternité a droit à un entretien avec son employeur en vue de son orientation professionnelle. »

II. - L'article L. 122-8-7 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le salarié qui reprend son activité à l'issue du congé prévu à l'article L. 122-8-1 a droit à un entretien avec son employeur en vue de son orientation professionnelle. »

M. le président. L'amendement n° 107 rectifié, présenté par Mme Létard, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

I. Dans le premier alinéa du II de cet article, remplacer la référence :

L. 122-8-7

par la référence :

L. 122-28-7

II. Dans le deuxième alinéa du II de cet article, remplacer la référence :

L. 122-8-1

par la référence :

L. 122-28-1

La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur.

Mme Valérie Létard, rapporteur. Cet amendement vise simplement à corriger une erreur matérielle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 107 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote sur l'article.

M. Serge Lagauche. Mon explication de vote portera sur les articles 57 et 58.

Ces deux articles sont la transposition législative de deux dispositions de l'accord national interprofessionnel adopté à l'unanimité des partenaires sociaux le 1er mars 2004.

Ils constituent une avancée intéressante, en ce qui concerne tant l'entretien spécifique avant et après les congés de maternité et les congés parentaux que l'insertion des périodes de congé parental d'éducation à temps plein dans le calcul de l'ancienneté.

On espère que l'entretien aura effectivement lieu, notamment dans les petites entreprises. A cet égard, le fait que cette obligation soit inscrite dans la loi est un élément positif, qui ne pourra qu'inciter les salariés à se saisir de leurs droits.

En ce qui concerne l'insertion des périodes de congé parental dans le calcul d'ancienneté ouvrant l'accès au droit individuel à la formation, elle résulte de la combinaison de deux accords successifs, acquis à l'unanimité des partenaires sociaux : celui qui est relatif à la formation tout au long de la vie et celui qui est relatif à l'égalité professionnelle.

Le fait est suffisamment rare pour que nous puissions nous en réjouir, surtout dans le contexte actuel.

Nous tenons à souligner que le mérite de ces dispositions, qui peuvent avoir un impact très favorable sur les conditions de vie et le déroulement de carrière des salariés, revient pour l'essentiel aux partenaires sociaux, qui ont su trouver un intérêt commun.

M. le président. Je mets aux voix l'article 57, modifié.

(L'article 57 est adopté.)

Art. 57
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Art. additionnel après l'art. 58

Article 58

L'article L. 122-28-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Des accords de branche peuvent prévoir les conditions dans lesquelles la période d'absence des salariés dont le contrat de travail est suspendu pendant un congé parental d'éducation à plein temps est intégralement prise en compte. » - (Adopté.)

Art. 58
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Art. additionnels avant l'art. 59

Article additionnel après l'article 58

M. le président. L'amendement n° 374, présenté par Mmes G. Gautier,  Payet et  Dini, M. Vallet et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :

Après l'article 58, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 331-7 du code de l'éducation est ainsi modifié :

I. Le premier alinéa de cet article est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce projet vise notamment à aboutir à une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans l'ensemble des filières. »

II. Le quatrième alinéa de cet article est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elle a également pour objectif de favoriser la mixité des activités professionnelles et des recrutements. »

M. Philippe Arnaud. Nous retirons cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 107 rectifié est retiré.

CHAPITRE III

Soutien aux villes en grande difficulté

Art. additionnel après l'art. 58
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Art. 59 (début)

Articles additionnels avant l'article 59

M. le président. L'amendement n° 459, présenté par MM. Foucaud,  Muzeau,  Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 59, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les cinq premiers alinéas de l'article L. 2334- 17 du code général des collectivités territoriales sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :

« L'indice synthétique de ressources et de charges mentionné à l'article L. 2334-16 pour les communes de 10 000 habitants et plus est constitué :

« 1° Du rapport entre le potentiel fiscal par habitant des communes de 10 000 habitants et plus et le potentiel fiscal par habitant de la commune, tel que défini à l'article L. 2334-4 ;

« 2° Du rapport entre la proportion de logements sociaux dans le total des logements de la commune et la proportion de logements sociaux dans le total des logements des communes de 10 000 habitants et plus ;

« 3° Du rapport entre la proportion de logements définis au sens des dispositions du chapitre 1 du titre III du Livre III du code de la santé publique et le nombre global de logements de la commune ;

« 4° Du rapport entre la proportion du total des bénéficiaires au logement, y compris leur conjoint et les personnes à charge vivant habituellement dans leur foyer, dans le nombre total de logements de la commune et cette même proportion constatée dans l'ensemble des communes de 10 000 habitants et plus ;

« 5° Du rapport entre le revenu moyen par habitant des communes de 10 000 habitants et plus et le revenu par habitant de la commune, calculé en prenant en compte la population définie au premier alinéa de l'article L. 2334-2 et, pour 2000 et 2001, aux troisième et quatrième alinéas du même article. »

L'amendement n° 458, présenté par MM. Foucaud,  Muzeau,  Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 59, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les huitième et neuvième alinéas de l'article L. 2334-17 du code général des collectivités territoriales sont ainsi rédigés :

« Le revenu pris en considération pour l'application du 5° est le dernier revenu imposable connu.

« L'indice synthétique de ressources et de charges est obtenu par addition des rapports visés aux 1°, 2°, 3°, 4° et 5° en pondérant le premier par 30p.100, le deuxième par 15p.100, le troisième par 5p.100, le quatrième par 25p.100 et le cinquième par 25p.100. Toutefois, chacun des pourcentages de pondération peut être majoré ou minoré pour l'ensemble des communes bénéficiaires d'au plus cinq points dans des conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat ».

L'amendement n° 460, présenté par MM. Foucaud,  Muzeau,  Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 59, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 3 de l'article 42 de la loi n°95-115 du 4 février 1995 d'orientation et d'aménagement du territoire est ainsi rédigé :

« 3. - Les zones urbaines sensibles sont caractérisées par la présence de grands ensembles ou de quartiers d'habitat dégradé et par un déséquilibre accentué entre l'habitat et l'emploi. Elles comprennent les zones de redynamisation urbaines et les zones franches urbaines. Dans les départements d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte, ces sont zones sont délimitées en tenant compte des caractéristiques particulières de l'habitat local. La liste des zones urbaines sensibles est fixée par décret, et actualisé sous les trois ans.

« A. - Les zones de redynamisation urbaine correspondent à celles des zones urbaines sensibles définies au premier alinéa ci-dessus qui sont confrontées à des difficultés particulières, appréciées en fonction de leur situation dans l'agglomération, de leurs caractéristiques économiques et commerciales et d'un indice synthétique. Celui-ci est rétabli, dans des conditions fixées par décret, en tentant compte du nombre d'habitants du quartier, du taux de chômage, de la proportion de jeunes de moins de vingt-cinq ans, de la proportion des personnes sorties du système scolaire sans diplôme, du revenu fiscal des ménages et du potentiel fiscal des communes intéressées. La liste de ces zones est fixée par décret.

« Les zones de redynamisation urbaine des communes des départements d'outre-mer et de la collectivité territoriale de Mayotte correspondent à celles des zones urbaines sensibles définies au premier alinéa du présent 3 qui sont confrontées à des difficultés particulières, appréciées en fonction du taux de chômage, du pourcentage de jeunes de moins de vingt-cinq ans, de la proportion de personnes sorties du système scolaire sans diplôme et du revenu fiscal des ménages. La liste de ces zones est fixée par décret. »

La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter ces trois amendements.

M. Roland Muzeau. Le moins que l'on puisse dire est que le présent texte de loi a, au moins pour ce qui concerne une de ses dispositions, éveillé l'attention.

L'article 59 du projet de loi vise en effet, par le biais d'une forme de discrimination positive, à modifier l'économie générale de la répartition de la dotation de solidarité urbaine, la DSU.

Cette mesure devra, lors de la discussion portant sur cet article, être exactement analysée et que les objectifs qu'elle recouvre soient explicités.

Pour autant, cet article 59 met au jour une série de problèmes sur lesquels nous ne pouvons que revenir.

Le premier d'entre eux a trait à la situation sociale de nombreux quartiers, de nombreuses villes de notre pays qui, c'est un fait, nécessite des dispositions spécifiques. .

Il faut doter certaines collectivités locales, souvent dépourvues de moyens financiers et humains à la hauteur de leurs besoins, des outils leur permettant de faire face aux défis qu'elles ont à relever.

La DSU comme la DSR, la dotation de solidarité rurale, sont précisément des instruments pour atteindre cet objectif.

Aujourd'hui, toutefois, comme chacun le sait, la DSU ne représente que l'un des éléments, et non le plus important, du financement de l'action menée dans les quartiers sensibles de nos villes, et singulièrement de nos villes de banlieue.

On peut même considérer qu'elle ne peut être utilisée, comme cela semble être le cas, comme l'instrument d'une péréquation qui consisterait, pour l'essentiel, à demander aux moins pauvres de se sacrifier quelque peu pour les plus pauvres.

Au-delà même de la DSU, c'est l'ensemble de l'architecture des concours de l'Etat aux collectivités locales qui est en effet remis en cause par les dispositions dont nous débattons.

La dotation de solidarité urbaine, à notre sens, doit être un outil financier permettant aux collectivités locales, en l'occurrence les communes, confrontées à des situations sociales difficiles d'y faire face. Avant toute autre considération, elle est un correctif des excédents de charges dont souffrent certaines villes, ce qui est bien.

En ce sens, les amendements n° s458 et 459 visent à modifier les éléments de constitution de l'indice synthétique de la dotation, aujourd'hui largement marqué par la prise en compte du potentiel fiscal et, hélas, bien moins par les autres éléments, singulièrement ceux qui participent de la prise en compte de la situation sociale réelle des habitants.

Cette notion est d'autant plus importante que la dotation globale de fonctionnement dans son ensemble est également modifiée par la loi de finances, et que la notion de potentiel fiscal s'efface derrière celle de potentiel financier.

Il est vrai que depuis la réforme de la DGF de 1993, le développement de l'intercommunalité a conduit au transfert de l'essentiel de la taxe professionnelle des communes vers les groupements, modifiant les données du problème de manière significative quand il s'agit de mesurer le potentiel fiscal.

Nous proposons donc que la composante « potentiel fiscal » de l'indice soit réduite au profit, si l'on peut dire, des autres, notamment de la prise en compte de la situation du parc locatif ou de celle du revenu des ménages.

S'agissant de ces éléments, je ferai plusieurs observations.

Le nombre de logements sociaux dans le parc total de logements de la commune doit bien entendu être pris en compte, de même que celui des allocataires des aides personnelles au logement, qui permet de prendre en compte la situation des locataires du parc privé « conventionné » et celle des accédants à la propriété d'origine modeste.

Toutefois, se pose clairement le problème des familles d'origine modeste logées dans des conditions indignes, occupant un parc locatif privé dégradé, source de difficultés sociales réelles.

On notera d'ailleurs que cet habitat est présent dans un certain nombre de zones urbaines sensibles telles qu'elles sont définies par le pacte de relance pour la ville, notamment dans certains centres villes anciens ou des communes proches de Paris.

Comment le prendre en compte, ces logements étant naturellement exclus du champ d'application des aides personnelles au logement ? Nous proposons donc que ce critère soit retenu à hauteur de 5% dans l'indice synthétique de la DSU.

J'en viens à l'amendement n° 460.

Les zones urbaines sensibles sont définies à partir d'un certain nombre de critères, qui ne sont d'ailleurs pas tout à fait comparables avec ceux de la dotation de solidarité urbaine, ce qui ne peut manquer de susciter des interrogations au moment même où l'article 59 du présent projet de loi tend à faire bénéficier des communes comprenant de tels quartiers d'une meilleure progression de leur dotation de solidarité urbaine.

On notera également que la DSU est, de par son indice synthétique - dont l'économie, comme nous venons de le souligner, mérite d'être revue - fixée par des règles claires, résultant de la stricte application de la loi.

S'agissant des zones urbaines sensibles, si tant est que la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire et le pacte de relance pour la ville ont constitué les étapes de leur définition, la liste des quartiers éligibles demeure aujourd'hui fixée par décret et n'a d'ailleurs pas connu d'évolution sensible depuis 1996.

Nous sommes donc en présence d'une situation où les zones urbaines sensibles sont définies sur la base du recensement de la population de 1990, et sans qu'il soit fait d'analyse concrète de la portée de l'existence de ces zones en termes de développement social, de créations d'emploi ou encore de réduction des difficultés d'insertion des jeunes ; tous sujets dont nous discutons souvent avec le préfet, qui a en charge la politique de la ville dans nos départements.

Dans le même temps, dans certaines villes ne comptant aucune zone urbaine sensible classée, les situations sociales sont parfois au moins aussi complexes, sinon plus difficiles, que celles des communes en comptant au moins une ou plusieurs.

Je dispose de quelques exemples, illustrant l'analyse des éléments qui nous ont été transmis dans le cadre du rapport pour avis.

Dans mon département, quatre communes d'importance équivalente - il s'agit de villes de banlieue de 10 000 à 30 000 habitants - se trouvent classées de manière relativement différente au sein de l'indice synthétique. Deux de ces communes n'ont pas de zone urbaine sensible et sont les mieux classées - si l'on peut dire - dans l'indice DSU. Les deux autres ont des zones urbaines sensibles. Or, parce que la question d'une analyse objective de la situation n'est pas encore résolue, ce sont ces deux communes qui vont bénéficier, en application des dispositions de l'article 59, de la plus sensible progression de la dotation de solidarité urbaine.

Il importe donc que l'on prenne deux mesures essentielles.

Premièrement, il faut améliorer l'indice de définition des zones urbaines sensibles. Il doit se rapprocher plus étroitement de celui de la DSU, et l'on ne peut comprendre, par exemple, que la composante « revenu des ménages » soit exclue de l'indice.

Deuxièmement, le décret fixant le périmètre des zones urbaines sensibles, comme des zones de redynamisation, doit être actualisé, en tenant compte des paramètres que nous venons de mentionner et en examinant les conséquences de la mise en oeuvre des politiques urbaines censées aux besoins des populations.

S'il faut classer certains quartiers, aujourd'hui hors de la liste, en zone urbaine sensible, que cela soit fait ! Un tel principe doit donc être inscrit dans la loi, et c'est aussi le sens de l'amendement que nous présentons.

Parce que nous ne pouvons que nous placer dans une démarche dynamique en termes de politique de la ville, parce qu'il convient de traiter équitablement toutes les communes concernées, et donc d'accorder à la situation de leurs habitants toute l'attention requise, nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement modifiant l'article 42 de la loi d'orientation et d'aménagement du territoire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Valérie Létard, rapporteur. L'article 59 n'a pas pour vocation de modifier les critères d'éligibilité à la DSU.

En outre, la proportion d'établissements sociaux ou médico-sociaux ne constitue pas forcément un critère pertinent.

Voilà les raisons pour lesquelles la commission émet un avis défavorable sur les amendements n° s459 et 458.

L'article 59 n'a pas non plus pour vocation de modifier les critères de classement en zone de redynamisation urbaine, ou ZRU, d'autant que la prise en compte du revenu fiscal des ménages paraît être une précision inutile au regard des critères actuels, qui comprennent déjà le potentiel fiscal de la commune. Il est, en effet, légitime de penser qu'une commune dont le potentiel fiscal est élevé n'a pas vocation à recevoir la DSU.

C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 460.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Ne nous trompons pas de réforme ! L'objectif d'une action politique doit être de faire les réformes nécessaires sans provoquer les révolutions qui empêchent de mener ces réformes à bien.

Il n'a pas été possible de toucher à l'indice synthétique de la DSU parce que - et je ne doute pas que plusieurs membres de cette Haute Assemblée le rappelleront - le comité des finances locales, qui a là un rôle éminent à jouer, n'est pas parvenu à un consensus sur ce sujet.

Notre objectif n'est donc pas de nous substituer au comité des finances locales et d'ouvrir la boîte de Pandore, car cela aboutirait à ne pas réaliser la réforme, pourtant nécessaire, que nous vous présentons.

En ne touchant pas à l'indice synthétique de la DSU, nous conservons à des communes fiscalement pauvres la possibilité de continuer à percevoir cette dotation, pour laquelle nous avons également prévu un certain nombre de clauses de sauvegarde et de clauses de revalorisation. Nous gardons donc le moteur principal, mais nous y adjoignons un moteur auxiliaire qui permet de répondre à l'objectif du plan de cohésion sociale : concentrer l'action sur des secteurs prioritaires, je le disais à l'instant, en l'occurrence sur les secteurs situés en zone urbaine sensible ou en zone franche urbaine, où nous savons que, comme à Grigny, comme à Montfermeil, s'accumulent des problèmes qui entraînent pour les communes des charges excessivement lourdes auxquelles elles n'ont pas les moyens de faire face.

Nous avons donc voulu, tout en maintenant les grands équilibres des dotations forfaitaires et des dotations de péréquation, élaborer un dispositif supplémentaire pour répondre à l'objectif que je viens de rappeler et dégager des moyens ciblés pour ces communes-là.

En conséquence, monsieur Muzeau, chaque fois que l'on me demandera de toucher à l'indice synthétique, je répondrai que ce n'est pas notre rôle ici en cet instant et qu'il faut attendre que le comité des finances locales nous dise ce qu'il en pense.

En revanche, celui-ci a souligné qu'il fallait porter une attention particulière à cette catégorie de communes que je viens d'évoquer, et tel est bien l'objet de l'article 59.

Quant à la cartographie des zones urbaines sensibles, tant Jean-Louis Borloo que Catherine Vautrin, Nelly Olin ou moi-même pensons qu'il faudra la revoir : elle n'est pas immuable, elle n'est pas établie pour des années et des années. Mais, là encore, il faut agir de manière posée et sans forcément adopter la périodicité que vous préconisez, monsieur le sénateur.

M. Borloo a créé l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, qui va nous permettre de constater les écarts qui se seront produits, au fil des ans, en fonction des politiques de la ville qui ont été menées et de la nouvelle politique que nous vous présentons. Le moment venu, il faudra revoir cette cartographie ; mais je ne pense pas que ce moment soit venu.

Aujourd'hui, nous sommes dans l'urgence. Maintenant que nous avons élaboré un plan de cohésion sociale, il faut concentrer notre action sur les secteurs prioritaires que j'ai évoqués.

Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur les amendements nos 459, 458 et 460.

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote sur l'amendement n° 459.

M. Gérard Delfau. Je ne vais pas entrer dans le détail technique de ces trois amendements, mais je voudrais en souligner l'importance et dire à quel point il est difficile, madame, messieurs les ministres, de parler de solidarité sans faire porter l'effort prioritaire sur les collectivités qui jouissent de rentes de situation. Je reviendrai tout au long de l'examen de l'article 59 sur ce problème majeur.

Je conçois bien, monsieur le ministre, que vous n'ayez pas voulu ouvrir ce que j'appellerai, non pas une boîte de Pandore, mais un chantier. Ce qui est grave, c'est que les autres membres du Gouvernement ne veulent pas non plus l'ouvrir dans la loi de finances et que le mot « péréquation » n'est plus qu'une incantation, alors que les maires vivent une dégradation rapide et gravissime de la situation de leurs communes, notamment quand elles sont situées, justement, à mi-parcours entre la petite commune rurale et la grande ville, qui reçoit de larges dotations.

Par principe, je voterai ces trois amendements ; mais je le fais surtout pour indiquer au Gouvernement que l'on ne peut pas parler d'autonomie financière des collectivités territoriales, qu'on ne peut pas se contenter d'invoquer de temps en temps la péréquation sans prendre à bras-le-corps, avec courage et détermination, le problème de l'inégalité flagrante des ressources des communes.

Un dernier mot, monsieur le ministre : j'ai organisé il y a une semaine, au Sénat, un débat sur la péréquation. Les meilleurs spécialistes étaient là. M. Gilbert, que tout le monde respecte pour son expertise, nous a montré que l'inégalité entre les communes pouvait aller de 1 à 8 500 ! Vous comprenez bien que c'est, d'une certaine façon, un scandale et que ce sera pour nous, en tout cas, un motif de découragement si le Gouvernement ne prend pas ce problème en charge.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. J'ai bien entendu votre réponse, monsieur le ministre, et j'ai été très attentif au fait que vous ne niez à aucun moment que les éléments d'appréciation et de proposition contenus dans nos amendements soient fondés. Il y a des faits constatés, avérés, et M. Delfau vient d'ajouter quelques exemples, dont ce rapport de 1 à 8 500, qui est tout de même extraordinaire.

Vous aurez noté qu'aucune volonté de démagogie ne sous-tend nos trois amendements. Ils sont motivés par le seul souci de tendre vers une plus grande égalité, vers une meilleure prise en compte dans la politique de la ville de ce qu'est la situation matérielle des habitants, de ce que subit la population, de ce qu'elle vit, de ce qu'elle est véritablement.

C'est en ce sens que votre réponse m'intéresse, monsieur le ministre, même si votre conclusion est beaucoup moins positive puisque vous dites que ce n'est pas le moment, qu'il faudra en rediscuter avec le comité des finances locales, etc. Mais, si nous n'abordons pas le sujet ici, je ne vois pas où on peut l'aborder ! J'éprouve le plus grand respect pour le comité des finances locales et pour les débats qu'il mène avec ses interlocuteurs, dont vous faites partie, monsieur le ministre. Cependant, nous examinons un plan de cohésion sociale dont une mesure phare - c'est en tout cas ainsi que je l'apprécie - a pour objet d'aider davantage ceux qui en ont le plus besoin, comment mettre en place cette fameuse « discrimination positive » que je soutiens totalement.

Nos trois amendements visaient à ne laisser personne à l'écart et à procéder à des corrections sur la base de la richesse réelle et constatée des habitants. Car les dispositifs sont appliqués à certaines communes qui ne sont pas nécessairement défavorisées et pas à d'autres qui pourraient pourtant prétendre à se les voir appliquer. Il convient donc de corriger ce qui ne va pas !

Je regrette évidemment que ces amendements ne soient pas acceptés. Ils étaient pourtant raisonnables, et je vous assure que nous avions énormément travaillé pour affiner, sans les dégrader, les indices synthétiques afin de mieux tenir compte des résultats du recensement et, surtout, de la réelle situation financière des populations, c'est-à-dire, pour parler clair, de leur état de pauvreté.

Par souci de pédagogie, monsieur le président, je maintiens ces trois amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 459.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 458.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 460.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels avant l'art. 59
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Art. 59 (interruption de la discussion)

Article 59

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

I. - L'article L. 2334-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour chacune des années 2005 à 2009, les sommes résultant de la progression de la dotation générale de fonctionnement sont affectées en priorité, à concurrence de 120 millions d'euros, à la dotation de solidarité urbaine prévue à l'article L. 2334-15. »

II. - L'article L. 2334-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les années 2005 à 2009, les taux fixés par le comité des finances locales s'appliquent au taux de progression de l'ensemble des ressources de la dotation globale de fonctionnement diminuées du prélèvement institué à l'article L. 2334-1. »

III. - Au début du deuxième alinéa de l'article L. 2334-13 sont insérés les mots : « Sous réserve du prélèvement institué à l'article L. 2334-1, ».

IV. - L'article L. 2334-18-2 est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 2334-18-1.- La dotation revenant à chaque commune éligible est égale au produit de sa population par la valeur de l'indice qui lui est attribué. Ce produit est pondéré par l'effort fiscal dans la limite de 1,3 et par un coefficient variant uniformément de 2 à 0,5 dans l'ordre croissant du rang de classement des communes éligibles.

« Pour la détermination de la dotation revenant aux communes éligibles de moins de deux cent mille habitants, s'appliquent au produit défini au premier alinéa deux coefficients multiplicateurs supplémentaires, l'un égal au rapport entre le double de la population des zones urbaines sensibles et la population totale de la commune et l'autre égal au rapport entre la population des zones franches urbaines et la population des zones urbaines sensibles de la commune.

« Le montant de la dotation calculée en application du présent article ne peut être inférieur à celui de la dotation perçue en 2004 par une commune entrant dans les prévisions de l'article L. 2334-16. »

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l'article.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous arrivons à un moment assez singulier du débat parlementaire puisque, au travers de l'article 59 du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, nous allons examiner la réforme en profondeur de la dotation de solidarité urbaine.

Cette réforme, me semble-t-il, trouverait mieux sa place dans le projet de loi de finances dont nous débattrons prochainement, après l'Assemblée nationale, puisque l'article 29 du projet de loi de finances réforme en profondeur la dotation de solidarité rurale. Il est vrai qu'il se borne à remplacer par la référence au potentiel financier la notion de potentiel fiscal, ce qui m'étonne quelque peu.

En procédant ainsi, le Gouvernement a pris un risque, que j'espère calculé, d'inconstitutionnalité. Faut-il voir là une affaire de prééminence entre les ministres du gouvernement Raffarin ?

Quoi qu'il en soit, c'est surtout au fond que je veux m'intéresser.

Il s'agit, au travers de cette réforme, de remettre dans la course à l'égalité des chances des territoires qui nécessitent, et tous les collègues qui se sont exprimés avant moi l'ont souligné, un effort particulier de solidarité nationale.

Là encore, je m'étonne, car je ne pense pas que la meilleure manière de redistribuer une part de l'impôt soit d'en exempter la fraction la plus riche, comme le Gouvernement s'apprête à le faire pour la troisième année consécutive. Mais mes collègues du groupe socialiste membres de la commission des finances y reviendront sans doute au moment de l'examen du projet de loi de finances.

Ce qui nous est présenté comme un effort sans précédent en faveur des communes en difficulté repose sur un prélèvement sur la dotation globale de fonctionnement, mécanisme qui touche toutes les communes. Mais le groupe socialiste est attentif à tout ce qui recoud les territoires et retisse du lien social ; aussi ne ferons-nous pas la fine bouche devant ce prélèvement, dès lors, et nous en discuterons, qu'il n'ampute pas la part forfaitaire dévolue à toutes les communes.

Je veux rappeler que la nouvelle étape que nous abordons s'intègre dans un processus commencé en 1991 avec la loi d'orientation pour la ville, et que le gouvernement de Lionel Jospin avait, lui aussi, contribué à un abondement exceptionnel, dispositif qui s'est réduit comme peau de chagrin avec le gouvernement Raffarin : 145 millions d'euros en 2002, puis 68 millions en 2003 et 36 millions en 2004.

Mais je veux être juste et saluer un progrès dans le mécanisme qui nous est proposé aujourd'hui : si j'ai bien compris, il ne pourra plus être soumis à régulation.

Cependant, qu'en est-il de l'annonce elle-même ?

Vous nous annoncez donc, monsieur le ministre, une augmentation de la DSU de 120 millions d'euros par an jusqu'en 2009, grâce à un prélèvement sur la DGF des communes et des EPCI, sans que le calcul de la part forfaitaire en soit affecté.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il s'agit de la progression de la DGF, pas de la DGF elle-même !

Mme Nicole Bricq. Tout serait-il idyllique dans le dispositif que vous nous proposez ?

Certainement pas, et l'article 59 nous donne l'occasion d'une discussion en profondeur, qui permettra au groupe socialiste d'exprimer quelques inquiétudes.

Notre première inquiétude porte sur le choix des critères de la base de la modification de la DSU, puisque a été retenu le critère des ZUS et des zones franches urbaines.

On peut rester dubitatif devant le choix de la zone franche urbaine, quand on sait comment certains périmètres ont été établis ! Mais il est vrai - et ce n'est pas l'élue de l'Ile-de-France que je suis qui dira le contraire : comme d'autres, j'ai fait mes calculs - que le choix qui nous est proposé d'intégrer dans la réforme la zone franche urbaine a un effet multiplicateur, notamment, en Ile-de-France, pour des communes qui sont particulièrement touchées par la grande pauvreté. Je pense à Clichy ou à Sarcelles, mais je pourrais en citer bien d'autres.

Notre deuxième inquiétude tient au fait que l'impact sur la dotation forfaitaire n'est pas neutre pour les communes qui n'entrent pas dans le dispositif de la DSU, à cause de l'effet de seuil : c'est un classique de l'exercice ! Or ces communes, sans aide particulière, font des efforts immenses.

M. le président. Madame, vous avez épuisé votre temps de parole et plusieurs de nos collègues veulent également intervenir sur cet article.

Mme Nicole Bricq. J'ai bientôt fini, monsieur le président.

Le Gouvernement a accepté une progression de 1 % de la dotation forfaitaire. La réévaluation de l'hypothèse de croissance à 2,5 % lui a donné une marge de manoeuvre budgétaire supplémentaire, mais il a refusé la proposition formulée à l'Assemblée nationale par le groupe socialiste d'une augmentation de 1,5 %, qui aurait satisfait les communes modestes.

Notre troisième inquiétude naît de l'exclusion des grandes villes du dispositif. Cela dit, on perçoit bien la raison de cette exclusion : leur entrée aurait fait perdre l'effet multiplicateur recherché.

Notre collègue Jean-Marie Bockel, président de l'Association des maires de grandes villes de France, avait exprimé son point de vue. Il semble que le Gouvernement l'ait entendu. Nous en aurons la confirmation formelle en séance puisque nous avons déposé un amendement en ce sens.

M. le président. Madame Bricq, je vous prie de conclure !

Mme Nicole Bricq. Je termine, monsieur le président.

Quatrième inquiétude : nous ne nous laissons pas prendre aux artifices de communication du Gouvernement sur l'annonce d'un doublement de la DSU. Il nous faudra attendre 2009 pour le constater, et il n'est en aucun cas garanti si la croissance n'est pas au rendez-vous.

M. le président. Madame Bricq, maintenant, je vous demande instamment de conclure !

Mme Nicole Bricq. C'est d'ailleurs cette crainte qui nous aiguillonne et qui n'a pas échappé à la commission des finances puisque M. Paul Girod proposera une clause de garantie ; le groupe socialiste a également déposé un amendement en ce sens.

M. le président. Vous avez parlé six minutes et demie, alors que le règlement, en l'occurrence, n'en accorde que cinq, je me permets de le rappeler.

La parole est à M. Philippe Arnaud.

M. Philippe Arnaud. L'article 59 est un point clé du dispositif qui nous est proposé. Il a pour objet d'augmenter le montant de la DSU et, comme l'indique l'excellent rapport de l'Association des maires de France, il tend à réduire les inégalités sociales dans les communes urbaines qui sont confrontées à une insuffisance de leurs ressources et qui supportent dans le même temps des charges sociales exceptionnellement élevées.

J'approuve cet objectif et je soutiens également les modalités d'attribution de la DSU.

Le problème qui se pose est celui du financement de cette DSU. En effet, il s'agit d'un dispositif de cohésion sociale qui devrait faire appel à la solidarité nationale. Par conséquent, il conviendrait que l'Etat, sur ses finances, vienne abonder un fonds. Cela étant, je comprends tout à fait que la situation actuelle des finances publiques ne le permettent pas.

Le Gouvernement nous propose donc un autre dispositif, prévoyant un prélèvement sur la masse existante. On ne touche pas aux dotations forfaitaires et ce prélèvement sera indifférencié puisque opéré sur la progression de la DGF que reçoivent les communes, y compris les communes pauvres, qu'elles soient rurales ou urbaines.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Philippe Arnaud. Ce prélèvement indifférencié me gêne parce que nous ne pouvons pas ignorer -  et il faudra bien un jour sortir de cette hypocrisie - qu'il y a des communes riches et des communes pauvres.

M. Gérard Delfau. Bien sûr !

M. Philippe Arnaud. Et l'on dispose des indicateurs permettant de déterminer quelles communes sont riches et quelles communes sont pauvres !

Nous proposons donc que le financement de la DSU soit prélevé sur les communes riches. Ce serait une péréquation solidaire. Ce serait en quelque sorte - permettez-moi cette comparaison - un « impôt sur la fortune des communes ».

En effet, celles qui sont pauvres aujourd'hui et qui ne rentrent pas dans les dispositifs DSU ou DSR ne verront pas leur DGF progresser.

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, tel est le point sur lequel je souhaitais attirer votre attention. Tant que nous ne sortirons pas de cette hypocrisie qui consiste à dire qu'il faut de la péréquation mais sans toucher aux acquis des communes riches, nous n'avancerons pas ! (M. Gérard Delfau applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Que le Gouvernement me comprenne bien : j'approuve l'intention qui sous-tend cet article et il est vrai que, dans un programme de cohésion sociale, augmenter la DSU pour les communes qui sont en grande difficulté - nous avons tous de nombreux exemples en tête - constitue un choix judicieux.

Encore faut-il que les modalités du prélèvement confirment qu'il s'agit bien d'une volonté de solidarité, et en disant cela je souscris complètement à l'intervention faite à l'instant par notre collègue Philippe Arnaud.

La masse financière concernée par cet article 59 est significative : 120 millions d'euros. La seule question que l'on peut se poser est la suivante : pourquoi la faire figurer dans ce projet de loi de programmation pour la cohésion sociale alors que, très prochainement, nous discuterons le projet de loi de finances, qui entend réorganiser l'affectation de la DGF en la rationalisant et, selon le Gouvernement, accentuer son effet de péréquation ?

Mais enfin, monsieur le ministre de la cohésion sociale, vous avez voulu cette mesure phare et, de ce point de vue, nous vous suivons, parce que c'est un signal fort que vous donnez.

Cela dit, je m'interroge sur les critères retenus. Quand on examine de près l'impact du critère « zone franche urbaine », quand on lit avec attention le rapport fourni par le secrétariat d'Etat à l'intégration et qui est annexé au rapport pour avis de M. Paul Girod, on s'aperçoit du caractère aléatoire et parfois même aberrant du résultat que donnent les critères retenus.

Vous nous direz que le choix de critères est un exercice difficile, nous vous l'accordons, mais encore faut-il essayer de serrer au plus près la réalité du terrain.

Mais je veux surtout dire en cet instant que prélever ces 120 millions d'euros sur la progression de la DGF des communes et des intercommunalités, c'est décider de ne pas faire le choix de la vraie solidarité et c'est élaborer un mécanisme aveugle puisqu'il est complètement indifférencié.

Le résultat, c'est qu'un certain nombre de communes, depuis quelques années -  cela n'a pas commencé avec l'actuel gouvernement -, voient leur situation financière se dégrader. La création des intercommunalités leur a ôté la progression de la taxe professionnelle ou de ce qu'il en restait.

Si l'on prélève sur les ressources de ces communes à tous les bouts et si, en même temps, les besoins de la population croissent, un certain nombre de communes risquent fort, effectivement, de se trouver en grande difficulté.

Au fond, le seul choix raisonnable - et je présenterai, moi aussi, un amendement en ce sens - consiste à prélever cette dotation de solidarité sur les 10 % des communes les plus riches : elles sont connues de vos services.

Si nous faisions cela, il y aurait une justice. Je reconnais que ce serait une petite révolution, mais je pense que cette idée commence à germer sur l'ensemble des travées de notre assemblée.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Solidarité, mais pour quoi faire ?

Le 17 octobre, ici même, dans un touchant consensus, alors que le Sénat s'était associé à ATD Quart Monde à l'occasion de la Journée contre la misère, tout le monde s'est plu à louer les associations qui font un travail absolument extraordinaire et irremplaçable pour combattre sur le terrain au jour le jour, la misère, la pauvreté, les difficultés de la vie des jeunes et des moins jeunes.

Or, le 9 octobre, pour parler de ma ville, Paris, plus de cent représentants du collectif des associations en danger, associations des quartiers « politique de la ville », s'étaient réunis pour dénoncer avec force le désengagement de l'Etat, qui met en danger la vie même de nombre d'associations, remettant en cause des années des années de travail patient, acharné quelquefois, pour la cohésion sociale des quartiers et la politique de la ville elle-même.

Le Conseil de Paris a d'ailleurs, dans sa majorité, exprimé son soutien aux actions qui ont été décidées par les associations.

L'exceptionnelle gravité de la situation des associations et les conséquences sur les quartiers bénéficiant jusqu'alors d'une aide doivent être mesurées de façon sérieuse. Par exemple, pour 2004, outre la baisse des crédits du fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD, la baisse des crédits d'Etat pour les associations parisiennes est de près de 900 000 euros, passant de 2 millions d'euros en 2003 à 1,1 million d'euros en 2004. C'est donc une baisse très importante par rapport à 2003 et aux années antérieures.

Les crédits des équipes emploi-insertion sont en réduction, puisque quatre des cinq équipes parisiennes entrent dans une phase dégressive pour l'Etat, passant de 45 000 euros à 30 000 euros, puis à 15 000 euros par équipe. Pour 2005, derrière les affichages que vous aimez beaucoup, monsieur le ministre, la réalité est plus dure encore. La ligne qui finance les contrats de ville baisse d'environ 20 %. C'est le fonds interministériel de la ville qui permet de financer les opérations contractualisées du contrat de ville : équipes de développement local, associations, opérations fléchées comme les équipes emploi-insertion, les cellules de veille éducative, les ateliers santé-ville, qui figurent également parmi les grands perdants du redéploiement opéré en faveur de la rénovation urbaine, dont vous aimez à vanter les mérites.

Au-delà de ces baisses de crédits, il y a un abandon pur et simple de la politique de la ville traditionnelle, monsieur le ministre, que vous voulez, semble-t-il, échanger contre ce que vous appelez la « rénovation urbaine », c'est-à-dire une politique de coups, comme les équipes de réussite éducative, qui viennent non pas en plus mais à la place d'autres actions.

Le problème, c'est que nous ne connaissons pas pour l'instant le montant des crédits de rénovation urbaine.

Monsieur le ministre, en matière de cohésion sociale, la solidarité de l'Etat est absolument nécessaire. De surcroît, le travail est souvent très long, difficile, peu médiatique, et il faut absolument aider ceux qui le font sur le terrain.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je suis un militant de la DSU depuis sa création, en 1991. Je sais combien le combat pour la DSU a été difficile, combien il reste nécessaire. De ce point de vue, le fait que la DSU augmente de 120 millions d'euros par an sur plusieurs années est incontestablement un fait positif, je tiens à le dire.

Mais permettez-moi d'ajouter quelques considérations.

Premièrement, ce fait s'inscrit dans une histoire qui a eu ses hauts et ses bas. J'ai sous les yeux le graphique qui figure à la page 92 du rapport pour avis de M. Paul Girod, fait au nom de la commissions des finances. On voit bien en effet que, par exemple, de 1998 à 2001, la DSU a augmenté de manière non négligeable, passant de 2 milliards à 3 milliards de francs. En revanche, en 2002, 2003 et 2004, les chiffres montrent qu'elle a plutôt régressé en pourcentage à l'intérieur de la DGF.

Aujourd'hui, nous assistons à un nouveau bond en avant, ce dont je me réjouis, mais - je vous le dis clairement, monsieur Borloo -, tout effet publicitaire est inutile car ce bond s'inscrit , comme je le disais, dans une histoire qui comporte des hauts et des bas.

Deuxièmement, comme l'ont rappelé MM. Delfau, Adnot et Muzeau à l'instant, il est très important de mettre en oeuvre plus de justice entre nos collectivités. Il est vrai que le financement de la DSU est, en quelque sorte, déconnecté de la péréquation.

Je sais bien que la solution de facilité consiste à dire que le problème n'est pas la péréquation et que c'est à l'Etat d'agir.

Bien sûr, il est important que l'Etat apporte sa contribution pour permettre une plus grande solidarité, mais vous savez bien, monsieur Borloo, que des doutes persistent à ce sujet, particulièrement sur la part que l'Etat entend prendre dans le financement de la politique de rénovation urbaine.

Il n'en reste pas moins que la péréquation est une impérieuse nécessité. Nous ne pouvons plus continuer à avoir des dotations qui sont trop statiques, alors qu'il existe des disparités considérables, tous les experts - quelqu'un a évoqué M. Gilbert tout à l'heure - le reconnaissent.

Il faudra bien un jour faire preuve de ce courage politique consistant à introduire plus de justice entre les collectivités, en tenant compte de leurs ressources et de leurs charges respectives. Il faudra bien trouver une assise financière plus juste pour la DSU.

Enfin, je voudrais revenir sur ce qu'a dit Mme Nicole Bricq s'agissant des critères.

La question des zonages est complexe. Moi, je prétends que le zonage est excessif dans notre pays. Nous sommes les champions d'Europe, et même du monde, en la matière ! Il y en a trop. En outre, les zonages ont des effets stigmatisants. Personnellement, je préfère les indices liés au potentiel fiscal, aux revenus, à la pauvreté, etc.

Enfin, bien que l'association Ville et Banlieue ait montré que cela avait des effets positifs pour un certain nombre de communes en difficulté, ...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah oui !

M. Jean-Pierre Sueur. ... je ne suis pas sûr qu'il soit pertinent de prendre en compte les zones franches urbaines, trop de facteurs politiques ayant présidé à leur délimitation, contrairement à celle des zones urbaines sensibles et des zones de redynamisation urbaine, pour lesquelles des critères ont été définis. Nous avons déjà eu l'année dernière des débats sur ce sujet. Il subsiste beaucoup de disparités. Certains endroits ne sont pas déclarés zones franches urbaines alors qu'ils auraient pu l'être et inversement ! C'est là une limite de la prise en compte de ce critère.

M. le président. La parole est à M. Pierre André.

M. Pierre André. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, l'article 59 marque, enfin, la fin des discours et le début de l'action !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très juste !

M. Pierre André. Nous avons eu, voilà un an, un débat qui a abouti au vote d'une loi, la loi Borloo, très appréciée par tout le monde, au point que plus personne n'en parle ! Mais il manquait un volet à cette loi, celui du financement des villes en grande difficulté.

Je vous en prie, mes chers collègues, arrêtons les discours sur les virgules, sur les mots, leur sens, ...

M. Alain Gournac, rapporteur. De l'action !

M. Pierre André. ... alors que des millions de personnes sont en grande difficulté !

Pensez-vous vraiment que l'on a encore le temps de faire de grands discours sur la péréquation quand on est maire d'une ville dont le potentiel fiscal est inférieur de 30 % à la moyenne nationale,...

M. Gérard Delfau. C'est mon cas !

M. Pierre André. ... dont le niveau moyen de revenus est inférieur de 15 000 francs à la moyenne nationale, dont le pourcentage de chômeurs est de 15 % ...

M. Gérard Delfau. Il est de 17 % chez moi !

M. Pierre André. ... et dans laquelle vous vous heurtez à des difficultés continuelles parce que des entreprises ferment, laissant nombre de gens dans la douleur ? C'est particulièrement vrai dans nos régions du Nord de la France, où il faut assurer la reconversion de jeunes, et même de moins jeunes, qui sont au chômage, et cela sur deux, voire trois générations !

Vous sautez tous comme des cabris en disant : la péréquation, la péréquation ! J'entends continuellement ce mot ! Mais savez-vous ce qu'il signifie ?

M. Jean-Pierre Sueur. La solidarité !

M. Pierre André. Sur ce sujet, ayez au moins la franchise de dire que vous n'osez pas vous attaquer à ce problème et aller chercher l'argent pour les villes en grande difficulté ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo. Comment ?

M. Pierre André. Avec Nelly Olin, qui était à l'époque une de nos collègues, et Jean-Claude Gaudin, j'ai déposé l'an dernier un amendement visant à améliorer la péréquation pour les villes les plus en difficulté. A ma grande déception, il a été repoussé, beaucoup d'entre nous, sur pratiquement toutes les travées de notre assemblée, ayant refusé cette péréquation.

Aujourd'hui, l'effort qui est demandé est de 120 millions de francs, et cela va bénéficier à 134 communes qui connaissent d'immenses difficultés.

Certains prennent la parole sans connaître la réalité du terrain. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Gérard Delfau. Et réciproquement !

M. Pierre André. Mes chers collègues, je vous invite à venir avec moi dans des zones franches urbaines : au Val-Fourré, à Garges-lès-Gonesse, à Saint-Quentin !

Mme Nicole Borvo. Assez de leçons !

M. Pierre André. De quelle commune en difficulté êtes-vous maire, madame ?

MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, Alain Gournac, rapporteur, et Dominique Braye. Elle est de Paris !

M. Pierre André. Ville en grande difficulté !

Mme Nicole Borvo. A Paris, il n'y a pas que le VIe arrondissement !

M. Pierre André. Je vous invite à venir dans les villes difficiles et à parler avec la population en grande difficulté ! Peut-être arrêterez-vous vos discours sur la péréquation, peut-être donnerez-vous, en suivant le Gouvernement, aux villes les plus en difficulté le moyen de s'en sortir et à des millions de nos concitoyens la possibilité de reprendre espoir ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Avant de parler sur l'article 59, permettez-moi de réagir à l'intervention de notre collègue Pierre André.

Très franchement, il n'est ni très correct ni très sensé de prétendre donner des leçons de réalité aux collègues des autres groupes, car beaucoup d'entre nous - et j'en fais partie - savent bien ce que c'est que les populations en difficulté, très pauvres, au chômage... Vous dites que le pourcentage de chômeurs dans votre ville est de 15 %. Il est de 20 % dans la mienne ! Ma ville détient aussi le record départemental du nombre de RMIstes ! Et pourtant, je ne vous jette pas ces données à la tête, car je considère que nous connaissons tous, quelle que soit notre couleur politique, des populations malheureusement frappées par de telles difficultés.

Je souhaite que nous nous attachions plutôt aux questions de fond, d'autant que personne ici, pas même dans l'opposition, n'a dénoncé, dans l'article 59, la moindre iniquité. Nous nous efforçons, au contraire, d'améliorer le dispositif en faisant des propositions, et rien d'autre. Si nous devons nous opposer plus fermement, nous le ferons, mais certainement pas à ce moment de nos débats.

Quand on parle de péréquation, c'est toujours pour répartir les recettes fiscales des communes, mais jamais les populations pauvres. On pourrait reparler de l'article 55 de la loi SRU, mais nous en avons déjà longuement débattu ! Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet, car on veut toujours l'argent des recettes fiscales, mais on ne veut jamais des pauvres !

J'en reviens à l'article 59.

La lecture des amendements qui ont été déposés sur cet article confirme que le sujet est pour le moins « porteur »...

C'est l'économie générale de la dotation globale de fonctionnement qui est en question avec de telles dispositions.

Pour que nul ne l'ignore, je précise que la DSU est un élément de la dotation d'aménagement, dont le montant est, avant toute chose, prélevé sur la dotation globale de fonctionnement.

Or, depuis 1993, le « pouvoir d'achat » de la part principale de cette dotation globale de fonctionnement, la dotation forfaitaire, s'est réduit d'au moins un point, voire deux, par an, ce qui, cumulé, pose d'évidentes questions pour tous les élus.

Toutes les communes de France, « riches » ou « pauvres », tous les départements, qu'ils soient en plein développement ou en difficulté, ont subi cette déperdition du pouvoir d'achat de la dotation forfaitaire.

Une telle question méritera d'être étudiée à nouveau lorsque nous examinerons les dispositions relatives aux collectivités locales dans le projet de loi de finances.

L'un des facteurs essentiels de ce blocage est évidemment lié à la progression globale de la DGF au sein de l'enveloppe des concours de l'Etat aux collectivités locales.

Nous avons donc une dotation dont la majoration est bridée par essence et a aussi parfois des effets sur d'autres dotations.

A plusieurs reprises, ces dernières années, il a fallu procéder à des majorations exceptionnelles de la DGF pour permettre à la DSU de remplir sa mission.

Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, c'est une fois encore par ponction sur la dotation globale, par priorité, qu'est réalisé l'abondement de la DSU.

Il en résulte que, au terme de la loi de programmation, le montant global de la DSU aura doublé, mais sa distribution aux communes aura été plus discriminante.

Nous devons améliorer ce dispositif, mais, dans le même temps, nous ne pouvons pas faire l'économie d'une réforme plus globale de la dotation globale de fonctionnement.

Geler ou rétrécir la progression de la DGF forfaitaire, c'est peser également sur la situation des communes éligibles à la DSU, car tout est lié dans cette affaire. L'article 59 n'est qu'une illustration, une de plus - et cela ne concerne pas seulement ce gouvernement -, du fait qu'aucune solution partielle ne fait le compte. Les élus locaux des communes le plus directement concernées par son application en sont parfaitement conscients.

Ils apprécient de voir leur situation prise en compte de manière plus efficace, mais ils relèvent également la nécessité d'un abondement plus important de la solidarité urbaine et de la DGF dans son ensemble.

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.

M. Dominique Braye. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour ma part, je tiens à saluer la réforme de la dotation de solidarité urbaine qui nous est proposée, car elle est à la fois ambitieuse et équilibrée.

Surtout, comme l'a rappelé mon collègue Pierre André, c'est la première fois qu'un gouvernement passe à l'action (Protestations sur les travées du groupe socialiste) en nous proposant un dispositif aussi important et permettant aux communes les plus en difficulté d'envisager l'avenir avec un peu d'optimisme.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est faux et vous le savez ! Lisez le rapport !

M. Dominique Braye. Cette réforme est ambitieuse puisqu'elle double le montant de la DSU sur cinq ans et cible mieux l'effort de l'Etat consacré à la péréquation sur les collectivités territoriales les plus défavorisées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

La réforme doit permettre à ces collectivités de sortir enfin de la spirale d'exclusion économique et sociale dans laquelle elles se trouvent depuis trop longtemps.

Nous constatons tous, en effet, que la crise urbaine et sociale qui caractérise un certain nombre de villes n'a pas été résolue jusqu'à ce jour. Plus de 750 territoires classés en zone urbaine sensible restent toujours en marge du développement du territoire national. Nous pouvons parler tous ensemble, tous les jours, de fracture sociale, si nous n'agissons pas ! Et, comme nous avons peu agi jusqu'à maintenant, nous en resterons toujours au même point !

La DSU, telle qu'elle existe aujourd'hui, vous l'avez tous dit, ne joue pas assez, par rapport à ces communes, le rôle de péréquation qu'elle a vocation à remplir. Ainsi, les deux tiers des communes bénéficiaires de cette dotation reçoivent moins que la dotation moyenne de 25 euros par habitant, et seulement 39 reçoivent plus de 60 euros par habitant. La dotation, vous l'avez compris, n'est pas assez concentrée sur les communes les plus en difficulté.

La réforme opérée par l'article 59 permet donc de répondre à ce constat, en ciblant mieux cette dotation.

Si elle est ambitieuse, cette réforme n'en est pas moins équilibrée, parce qu'elle profite à toutes les communes éligibles à la DSU, grâce à l'amendement qui a été déposé par le Gouvernement et qui garantit une progression minimale de 5 %. Ce ne sont donc pas moins de 830 communes qui verront leur dotation augmenter.

Cette réforme est également équilibrée en ce que la solidarité avec les communes urbaines ne se fait pas au détriment de la solidarité avec les communes rurales : ainsi, pour 2005, la progression de la DGF devrait s'élever à 674 millions d'euros, ce qui rend possible une augmentation de 20 % de la dotation de solidarité rurale.

Pour les années à venir, l'équilibre est assuré grâce à la clause de sauvegarde prévue par le Gouvernement, laquelle garantit que le prélèvement opéré sur la DGF au profit de la DSU sera diminué si jamais la progression de la DGF est moins forte.

C'est pourquoi, personnellement, je soutiens avec enthousiasme et ardeur le dispositif du Gouvernement, qui vise à aider les communes confrontées à une insuffisance de ressources et à contribuer à résorber la fracture sociale et territoriale dont il est si souvent question.

Monsieur le ministre, je formulerai néanmoins un souhait. Pour la quasi-totalité des communes qui en bénéficieront, au nom de l'équité, la réforme de la DSU est justifiée. Pour seulement quelquesunes, même si elles sont confrontées à de réels problèmes socio-urbains, elle l'est beaucoup moins, ces communes disposant indiscutablement des capacités financières qui leur permettent d'y faire face.

Il serait donc souhaitable que l'arbre de ces quelques villes ne cache pas la forêt des communes véritablement étranglées par les difficultés. Il faudrait revoir la situation, monsieur le ministre, pour éviter que votre proposition, qui est exemplaire, ne soit pas entachée par ces quelques exceptions.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à souligner la qualité de ce débat et à vous en remercier.

En réalité, l'objectif de cette réforme de la DSU peut se résumer en quatre mots : solidarité, péréquation, pérennité - je n'ai d'ailleurs pas beaucoup entendu ce terme -...

Mme Nicole Bricq. Nous en avons parlé !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. ... et équilibre.

M. André a mis en relief la solidarité induite par cette réforme. Au demeurant, comment un Gouvernement, en présentant un texte sur la cohésion sociale, ne se préoccuperait-il pas d'apporter une réponse à la vraie question que posent les villes en grande difficulté, comme SaintQuentin ou Gennevilliers ? En effet, les villes qui sont soumises à des charges et à des problèmes considérables ne doiventelles pas bénéficier d'un peu plus de solidarité ?

Cela suppose un effet multiplicateur. Certes, nous pouvons discuter sur les modalités de calcul, sur l'opportunité, par exemple, de prévoir un indice prenant en compte les ZFU ou les ZUS. Quoi qu'il en soit, la question de fond est de savoir si, oui ou non, grâce au dispositif du moteur auxiliaire que j'évoquais tout à l'heure, nous répondons à toutes les attentes des villes dont certains quartiers sont en grande difficulté. Or, toutes les simulations le montrent, le mode de calcul retenu entraîne un effet multiplicateur.

La question de la péréquation a été soulevée par plusieurs orateurs, notamment par M. Delfau, M. Sueur, Mme Bricq et M. Arnaud. Finalement, en tant qu'élus locaux, nous agissons tous de la même manière : nous raisonnons sur les grands principes, nous nous forgeons une opinion avant de connaître les résultats de la simulation, et ensuite nous nous penchons sur l'effet qu'aura le dispositif sur notre propre commune.

Or ce n'est pas ainsi qu'il faut aborder le problème. Il faut plutôt se demander si l'augmentation de 120 millions d'euros par an de la DSU pendant cinq ans se fera au détriment d'autres dotations.

MM. Braye, André et Arnaud l'ont souligné, le grand intérêt de cette réforme réside dans le fait que, avec la progression prévue de 635 millions d'euros, nous garantissons une progression de la dotation forfaitaire de 1 % et une progression de la DSU totale de 20 %. En outre, monsieur Arnaud, puisque vous avez soulevé le problème, je vous indique que nous garantissons également une progression de la dotation de solidarité rurale de 20 %. En effet, comme M. Girod l'a longuement expliqué dans son rapport, il faut regrouper les dispositions prévues dans le présent projet de loi et celles qui sont prévues dans le projet de loi de finances pour 2005 pour avoir une vision globale du système.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. En outre, nous avons trouvé le moyen d'obtenir un effet multiplicateur tout en assurant la pérennité du dispositif, puisque nous garantissons, pour les cinq années à venir, une visibilité financière à nos communes : celles-ci pourront, enfin, connaître le montant de DSU et de DSR sur lequel elles pourront compter.

A SaintQuentin, à Gennevilliers, dans les villes les plus dures du Valenciennois, où la population est souvent en grande difficulté, à quoi pensent les responsables locaux confrontés au financement des équipements publics ? Certes, ils peuvent désormais compter sur le soutien de l'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Malgré tout, ils s'interrogent sur leurs capacités financières et sur la pérennité des dotations qu'ils reçoivent. Ils craignent en fait que les gouvernements successifs, de droite ou de gauche, ne remettent un jour en cause le montant de leur dotation de solidarité urbaine.

M. Sueur a évoqué les chiffres. Quel que soit le gouvernement en place, la progression de la DSU a été assez erratique. Sous le gouvernement Jospin, il y a eu, c'est vrai, des périodes de forte progression. En 2001, c'est vrai aussi, la progression n'a été que de 0,08 %. Avec le gouvernement suivant, l'augmentation a été comprise entre 3 % et 3,5 %.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Les montants n'étaient donc pas pérennes, alors que nous avons besoin de stabilité pour savoir comment mener à bien nos actions.

Or tout l'intérêt de notre réforme et de la proposition de la commission des lois sur la clause garantissant une augmentation de 5 % est d'offrir une vision claire.

Il ne s'agit pas de diminuer le rôle du comité des finances locales, mais ce qu'il décide peut s'apparenter à un « fusil à un coup ». Au contraire, notre système permet de garantir les montants sur une période de cinq ans.

Par ailleurs, M. Girod et la commission des finances ont prévu une autre clause importante. Aujourd'hui, la situation est plutôt bonne. Parce que la croissance est, sembletil, au rendezvous, nous pouvons atteindre tous les objectifs : progression de la dotation forfaitaire, de la dotation de solidarité urbaine à hauteur de 20 %, de la dotation de solidarité rurale, effet multiplicateur.

Cependant, des problèmes pourraient apparaître si la croissance redevient extrêmement faible, comme cela a été le cas certaines années. Voilà quelque temps, la commission des finances du Sénat et les collaborateurs de Catherine Vautrin ont procédé à des simulations et ont émis l'idée d'une clause de sauvegarde, avec des seuils de déclenchement sur lesquels nous pourrons discuter. En tout cas, il y a là une idée majeure pour apporter une garantie financière au dispositif.

On peut toujours discuter sur des problèmes de virgule, pour reprendre l'image utilisée par M. André, mais l'objectif prioritaire est bel et bien respecté. Nous pouvons, ville par ville, calculer les effets multiplicateurs. Vous verrez que tout est respecté.

Madame Borvo, affirmer qu'il y a un désengagement de l'Etat en matière de politique de la ville est une contre-vérité. Dans ce domaine, le budget pour 2005 est en augmentation de 22 % !

M. Jean-Pierre Sueur. L'année dernière, le budget a baissé de 8 % !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Il y a eu, chaque année, des gels de crédits. Jean-Louis Borloo a posé comme préalable au plan de cohésion sociale l'absence de gels de crédits pour la politique de la ville. Il n'y en a pas eu depuis juin 2004, notamment dans le budget du logement. Cela est peut-être arrivé dans le passé, mais je vous mets au défi de trouver le moindre gel de crédits depuis juin 2004 !

Au final, nous souhaitons garantir la solidarité et la pérennité par un système équilibré de péréquation. C'est d'ailleurs sur cet équilibre que je souhaite terminer mon propos.

Notre réforme s'inscrit dans le prolongement de la loi d'orientation pour la ville, élaborée par M. Delebarre. A l'époque, j'étais jeune député,...

Mme Nicole Bricq. Vous êtes toujours jeune !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. ... j'avais voté cette loi, contre l'avis de certains de mes amis, parce que je considérais qu'il s'agissait d'une étape importante.

La réforme que nous proposons constitue une seconde étape importante. Nous avons cherché, non pas la perfection, mais l'équilibre. Finalement, c'est une perfection que de trouver le chemin de l'équilibre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 537, présenté par M. Adnot, Mme Desmarescaux et M. Masson, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. J'ai déposé cet amendement pour une question de principe et pour signifier ma mauvaise humeur.

M. Philippe Adnot. Je suis membre du comité des finances locales et j'ai fait partie du groupe travail qui s'est penché sur la réforme de la DGF. Or j'ai l'impression que les modalités de la réforme de la DGF sont aujourd'hui quelque peu perdues de vue, alors qu'elles ont permis de dégager un certain nombre de crédits.

Certaines dotations - relatives à la taxe professionnelle, à l'ancienne DGF, etc. - ont été consolidées. Cette masse consolidée n'a pas été uniquement destinée à faire évoluer la dotation des communes puisqu' une part a été réservée pour dégager de la péréquation. Or il s'agit de l'argent des collectivités locales.

Alors que le comité des finances locales a travaillé pendant des semaines pour proposer une réforme, il n'est pas convenable que, avant même qu'on commence à la mettre en oeuvre, on change les règles, sans tenir compte des différents paramètres que nous avions imaginés pour faire de la péréquation. A ce titre, nous avions notamment retenu comme base de calcul le potentiel financier et non plus le potentiel fiscal.

Aujourd'hui, la nouvelle réforme proposée prévoit une autre répartition et un prélèvement avant même que la péréquation puisse être mise en oeuvre.

En l'espèce, le montant de 120 millions d'euros attribué à la DSU est retiré de l'enveloppe prévue pour la péréquation. Cela entraîne une remise en cause des principes que nous avions établis.

Monsieur le ministre, je n'ai rien, bien sûr, contre votre texte. Bien entendu, au bout du compte, je serai sûrement assez raisonnable pour retirer cet amendement. Malgré tout, je voudrais vraiment que le Gouvernement comprenne qu'il faut arrêter de changer les règles avant même la première application d'une réforme envisagée. Il faudrait au moins essayer de tenir compte des paramètres que nous avons souhaité mettre en place pour faire de la péréquation, notamment le potentiel financier.

Personnellement, je n'ai pas examiné la manière de répartir la DSU. Je m'en suis tenu aux principes. Il reviendra à d'excellents spécialistes de « décortiquer » le dispositif. Vous vous rendrez alors compte qu'il aurait été préférable de plus tenir compte du travail du comité des finances locales.

M. Yves Fréville. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 149, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 2334-1 du code général des collectivités territoriales :

« Pour chacune des années 2005 à 2009, un cinquième de la progression de la dotation globale de fonctionnement des communes et de leurs groupements est affecté à la dotation de solidarité urbaine prévue à l'article L. 2334-15, dans la limite de 120 millions d'euros. »

La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Finalement, il semble que, pour certains, la mariée soit presque trop belle ! Seulement, comme ils n'osent pas le dire, forcément, ils sont gênés aux entournures. Et il est bien vrai que la réforme qui nous est proposée constitue un progrès tout à fait considérable.

Le prélèvement de 120 millions d'euros opéré chaque année entre 2005 et 2009 au bénéfice de la DSU sur la progression de la DGF - cela n'avait peut être pas été compris ainsi au début - contribue indéniablement à un renforcement de la péréquation, conformément à l'objectif posé par l'article 72-2 de la Constitution, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Toutefois, dans la mesure où elle est réalisée à enveloppe constante, la réforme proposée risque de freiner sensiblement la progression des autres composantes de la DGF des communes et de leurs groupements, dans l'hypothèse, toujours possible, d'une faible augmentation du montant global de cette dernière.

Aussi est-il proposé d'instituer une « clause de sauvegarde ».

M. Gérard Delfau. C'est une contre-péréquation !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Delfau, il faut penser à toutes les communes, notamment aux communes rurales pauvres concernées par la dotation de solidarité rurale.

Cette clause serait instituée au bénéfice de ces autres composantes. Dans ce but, il est prévu d'affecter à la DSU un cinquième de l'augmentation annuelle du montant de la DGF, dans la limite d'un plafond de 120 millions d'euros.

L'amendement tend par ailleurs à préciser la rédaction des dispositions proposées, en faisant référence à la dotation « globale » et non à la dotation « générale » de fonctionnement.

M. le président. Le sous-amendement n° 391 rectifié, présenté par MM. Sueur et  Repentin, Mmes Bricq,  San Vicente et  Voynet, MM. Raoul,  Ries,  Yung,  Massion,  Masseret,  Angels,  Auban,  Charasse,  Demerliat,  Frécon,  Haut,  Marc,  Miquel,  Moreigne,  Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

A la fin du texte proposé par l'amendement n° 149, supprimer les mots :

dans la limite de 120 millions d'euros

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président de la commission des lois, vous nous avez dit que, en l'espèce, la mariée était belle. Certes, nous sommes un certain nombre à avoir souligné l'importance de l'augmentation de la DSU, même si nous avons exprimé des considérations diverses, notamment sur la péréquation.

Puisque vous vous réjouissez de la beauté de la mariée, contentez-vous-en vous-même ! (Sourires.) Avec votre amendement...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est un amendement de la commission des lois !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est devenu un amendement de la commission des lois, mais nous sommes plusieurs à avoir exprimé, en commission, notre désaccord sur cet amendement.

En effet, si l'on prévoit d'abonder la DSU, non plus de 120 millions d'euros, mais d'un cinquième de la progression de la DGF, cela signifie bien que le montant de cet abondement pourra être inférieur à 120 millions d'euros, ce qui, vous en conviendrez, placera les communes éligibles à la DSU dans une situation sensiblement moins favorable.

C'est pourquoi nous nous opposons à l'amendement n° 149.

Il est évident, dans ces conditions, que le sous-amendement n° 391 rectifié correspond à une position de repli, pour le cas où le Sénat suivrait la proposition malheureuse de la majorité de la commission des lois ; il faudrait alors, pour le moins, supprimer les mots : « dans la limite de 120 millions d'euros ».

Imaginez, monsieur le président de la commission des lois, que la croissance soit magnifique, ce que nous souhaitons tous, bien sûr : le cinquième de la progression de la DGF représenterait alors plus de 120 millions d'euros. Pourquoi, dès lors, voudriez-vous priver les communes qui touchent la DSU de l'avantage qu'elles seraient susceptibles d'obtenir, y compris dans votre système ?

Si le système que vous proposez, auquel nous nous opposons, je le répète, devait être mis en oeuvre, il ne faudrait pas plafonner cette affectation à la DSU, car un tel système doit tout de même respecter une logique.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 108 rectifié est présenté par Mme Létard, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° 165 rectifié est présenté par M. Girod, au nom de la commission des finances.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 22341 du code général des collectivités territoriales, remplacer les mots :

les sommes résultant de la progression de la dotation générale de fonctionnement sont affectées

par les mots :

la progression de la dotation globale de fonctionnement des communes et de leurs groupements est affectée

La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 108 rectifié.

Mme Valérie Létard, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 165 rectifié.

M. Paul Girod, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Comme je n'ai pas encore pris la parole sur cet article et que le rapport que j'ai déposé a été abondamment cité, je formulerai quelques réflexions.

C'est la première fois que l'on « met le paquet » sur les villes les plus en difficulté. Jusqu'ici, la DSU s'apparentait à du « saupoudrage », il faut avoir l'honnêteté de le dire.

M. Dominique Braye. Eh oui, c'est vrai !

M. Paul Girod, rapporteur pour avis. L'effort envisagé aujourd'hui, 120 millions d'euros par an pendant cinq ans, soit 600 millions d'euros, correspond au double des crédits affectés pour la politique de la ville. Il faut tout de même bien mesurer que, cette fois-ci, on cible vraiment un nombre limité de communes et l'on essaie de les « sortir du trou ».

MM. Dominique Braye et Pierre André. Absolument !

M. Paul Girod, rapporteur pour avis. D'un côté, c'est vrai, monsieur Adnot, la procédure n'est pas exactement celle qui aurait dû être suivie : il aurait effectivement fallu saisir le comité des finances locales avant l'examen de ce texte par le Parlement ; la commission des finances aurait aussi dû être saisie au fond. Et il est non moins vrai que le projet de loi de finances aurait offert un meilleur support législatif à ces dispositions ainsi qu'à la réforme de la DGF.

D'un autre côté, nous parlons de cohésion sociale et du rassemblement de notre pays. Si nous ne sommes pas capables de faire une petite entorse à la forme pour aboutir à une affirmation de fond, je crois que nous ne jouons pas notre rôle de parlementaire.

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Paul Girod, rapporteur pour avis. C'est la raison pour laquelle la commission des finances a « glissé » sur les aspects un peu formels ou un peu anecdotiques de la procédure qui a été suivie.

Cela étant, nous ne pouvons pas nous engager à l'aveugle sur n'importe quoi. La commission des finances a donc déposé un certain nombre d'amendements à caractère prudentiel, qui sont très proches de la proposition de la commission des lois puisque cette dernière a rassemblé en un seul texte trois ou quatre amendements rédactionnels que j'aurai l'honneur de défendre dans un instant.

Mes chers collègues, nous sommes devant un choix important. Dans notre pays, un certain nombre de communes, malgré tous les systèmes qui ont été mis en place, voient leur situation se dégrader d'année en année. Or c'est la première fois que l'on donne un grand coup de frein à cette détérioration et que l'on essaie de « remonter » ces communes. Alors ne marchandons pas notre adhésion à cette politique ! Sans doute certains regrettent-ils de ne pas y avoir pensé avant. Tant pis pour eux ! Ce n'est pas un drame ! Peut-être qu'un jour, quand ils seront au gouvernement, ils auront une autre idée, que nous serons éventuellement amenés à soutenir.

M. Dominique Braye. Ce n'est pas une question d'imagination, c'est une question de courage !

Mme Nicole Bricq. Vous ne l'avez pas fait pendant trois ans !

M. Jean-Pierre Sueur. Avez-vous lu votre rapport ?

M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Bien sûr ! Je l'ai même rédigé pour une bonne part.

Quoi qu'il en soit, nous sommes devant un choix important, que nous devons faire tous ensemble, sans hésitation ni remord. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. L'amendement n° 533, présenté par MM. Arnaud et  Zocchetto, Mme Gourault et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 2334-1 du code général des collectivités territoriales, après les mots :

dotation générale de fonctionnement

insérer les mots :

des communes dont le potentiel fiscal est au dessus d'un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat

La parole est à M. Philippe Arnaud.

M. Philippe Arnaud. Le projet de loi prévoit un système de prélèvement indifférencié pour financer le nouveau dispositif de la DSU. Nous vous proposons un système beaucoup plus équitable de péréquation solidaire, qui permet de financer la DSU en prenant la part de la progression de la DGF destinée aux communes qui n'ont pas de difficultés financières.

J'ai approuvé très clairement, je tiens à le rappeler, monsieur André, l'objectif et les modalités du dispositif qui est proposé. J'ai applaudi à ces dispositions, en indiquant que je les soutiendrai parce qu'elles apportent enfin des moyens financiers à des communes qui sont en grande difficulté et auxquelles il est légitime et urgent d'apporter une aide.

Cependant, à mes yeux, il eût été plus pertinent de saisir l'occasion pour introduire une péréquation, qui soit un véritable acte de solidarité intercommunale. C'est une affaire de principe.

Encore une fois, ce n'est pas moi qui, dans la situation actuelle des finances publiques, allais demander à l'Etat de consentir un effort supplémentaire. J'admets donc que cette contribution provienne de l'ensemble des communes, mais d'une façon qui ne soit pas indifférenciée.

Sur ce point, cher collègue Pierre André, je ne vous suis pas dans la mesure où vous avez d'entrée de jeu remis en cause la péréquation. Pour tout dire, vos propos me troublent. En effet, vous avez semblé dire que nous n'obtiendrions jamais de péréquation. Pour moi, il s'agit d'une inquiétude ; pour vous, si je me fie au ton que vous avez employé, il s'agit d'une conviction quasi définitive.

Avec nombre de mes collègues, lorsque nous examinons les dossiers et comparons les indices, nous constatons qu'il existe en effet des distorsions considérables entre les ressources et les charges des différentes communes, entre leurs potentialités financières. Les uns et les autres, nous affirmons qu'il faudra mettre un terme à cette situation. Mais, lorsque le dossier est ouvert, lorsque l'occasion se présente, la porte se ferme immédiatement ! Le président de la commission des lois m'a dit très justement que le problème était réel. Oui, mais il faudrait un courage politique fort pour sortir de cette hypocrisie et pour que la solidarité joue entre les collectivités.

Tel est le sens, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, de l'amendement n° 553. Il est parfaitement clair qu'il vise non pas les modalités, les objectifs ou les moyens mis en oeuvre pour la réforme de la DSU, mais les modalités de son financement.

M. le président. L'amendement n° 482, présenté par M. Delfau, est ainsi libellé :

I - Dans le texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 23341 du code général des collectivités territoriales, remplacer la somme :

120 millions d'euros

par la somme :

140 millions d'euros

II - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de la fixation à 140 millions d'euros de la somme affectée à la dotation de solidarité urbaine en application de l'article L. 23341 du code général des collectivités territoriales sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.

La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 482 est retiré.

L'amendement n° 168, présenté par M. Girod, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 2334-1 du code général des collectivités territoriales par une phrase ainsi rédigée :

Toutefois, si l'augmentation annuelle de la dotation globale de fonctionnement des communes et de leurs groupements est inférieure à 600 millions d'euros, cette somme est égale au cinquième de cette augmentation.

La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.

M. Paul Girod, rapporteur pour avis. L'esprit de cet amendement est identique, je l'ai dit tout à l'heure, à celui qui a été déposé par la commission des lois. Il s'agit, là encore, d'un amendement prudentiel.

M. le président. Le sous-amendement n° 392 rectifié, présenté par M. Repentin, Mmes Bricq,  San Vicente et  Voynet, MM. Raoul,  Ries,  Sueur,  Yung,  Massion,  Masseret,  Angels,  Auban,  Charasse,  Demerliat,  Frécon,  Haut,  Marc,  Miquel,  Moreigne,  Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par l'amendement n° 168, remplacer les mots :

au cinquième

par les mots :

au maximum à 50 %

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. M. Girod est conséquent avec la déclaration qu'il a faite tout à l'heure puisqu'il propose de mettre en place un filet de sécurité en cas de progression limitée de la DGF.

Nous ne sommes pas d'accord avec cette proposition. En effet, au-dessous de 600 millions d'euros de progression annuelle, la somme affectée à la DSU serait égale non plus à 120 millions d'euros mais au cinquième de la progression totale.

Ainsi, l'amendement n° 168 tend à limiter fortement la portée du dispositif de majoration de la DSU jusqu'en 2009.

En effet, il est fort probable que, dès l'année prochaine, la progression annuelle de la DGF soit inférieure à 600 millions d'euros, comme le souligne d'ailleurs M. Girod dans son rapport.

L'objet du présent sous-amendement est de mettre en place un filet de sécurité raisonnable en cas de faible augmentation de la DGF des communes et de leurs groupements. Ainsi, le montant de la majoration de la DSU prélevée sur la progression de la DGF entre 2005 et 2009 ne serait amputé que dans le cas où la progression annuelle de la DGF serait inférieure à 240 millions d'euros, ce qui correspond à une progression annuelle très limitée, d'environ 1 %.

M. le président. L'amendement n° 187, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour compléter l'article L. 23341 du code général des collectivités territoriales par une phrase ainsi rédigée :

Si, pour chacune des années 2005 à 2009, le montant de l'accroissement de la dotation globale de fonctionnement des communes et de certains de leurs groupements est inférieur à 500 millions d'euros, le prélèvement prévu à l'alinéa précédent est limité à 24% de l'accroissement constaté.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Cet amendement est important puisqu'il vise à faire la synthèse des objectifs et des préoccupations que j'ai évoqués tout à l'heure, ainsi que des remarques tout à fait sagaces et pertinentes non seulement de la commission des lois et de la commission des finances, lesquelles ont été aussi inspirées par la commission des affaires sociales, qui avait en effet posé toutes les vraies questions.

Quand toutes les commissions s'y mettent, reconnaissons que nous finissons par trouver des solutions intéressantes ! C'est tout l'intérêt du débat parlementaire.

L'amendement n° 187 tend notamment à synthétiser les problématiques « prudentielles », pour reprendre le terme de M. Girod.

Le Gouvernement souhaite vivement que M. le rapporteur de la commission des lois, qui a déposé l'amendement n° 149, et M. le rapporteur de la commission des finances, qui a déposé l'amendement n° 168, puissent se rallier à l'amendement n° 187.

L'effort de solidarité financière, qui se traduit par un doublement de la dotation de solidarité urbaine en cinq ans et un ciblage au profit des communes les plus en difficulté, n'est possible qu'à condition que l'accroissement de la dotation générale de fonctionnement atteigne un niveau suffisant pour permettre une répartition équilibrée entre la progression de la dotation forfaitaire, celle de la DSU et celle de la DSR, avec un effet multiplicateur. L'équilibre financier du système doit en effet être garanti au-delà de la seule année 2005.

Le seuil de déclenchement d'une clause de sauvegarde est fixé, dans le présent amendement, à 500 millions d'euros.

Nous avons effectué des simulations sur la base des dix dernières années, durant lesquelles la croissance a été inégale. Nous pouvons évidemment nous attendre à des taux de croissance également variés dans les dix prochaines années.

Pour atteindre notre objectif volontariste et obtenir un véritable effet multiplicateur, qui a été souligné par MM. André et Braye, il fallait que le seuil de déclenchement soit fixé à 500 millions d'euros, ce qui n'est pas très éloigné de la proposition de M. Girod, puisque celui-ci l'a fixé à 600 millions d'euros.

Au-dessous de ce plancher, le prélèvement au profit de la dotation de solidarité urbaine serait limité à 24 % de l'accroissement de la dotation globale de fonctionnement des communes et des EPCI.

La progression moyenne de la DGF depuis 1996, année de mise en oeuvre de l'indice d'actualisation aujourd'hui utilisé, est de 2,3 %, ce qui représente environ 500 millions d'euros. Il suffit de rappeler que 120 millions d'euros représentent 24 % de 500 millions d'euros pour mesurer l'impact de la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde.

La logique de cet amendement est donc exactement la même que celle qu'a suivie la commission des finances, bien que le seuil de déclenchement proposé soit différent.

Art. 59 (début)
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Discussion générale