sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

1. Procès-verbal

2. Rappels au règlement

MM. Guy Fischer, François Autain, Mmes Eliane Assassi, Hélène Luc, MM. Jean-Pierre Godefroy, le président, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.

3. Cohésion sociale. - Discussion d'un projet de loi

M. le président.

Discussion générale : MM. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale ; Jean Bastide, rapporteur général pour ce texte du Conseil économique et social ; Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme Valérie Létard, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.

Suspension et reprise de la séance

présidence de M. Roland du Luart

MM. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, en remplacement de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis ; Dominique Braye, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Paul Girod, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Jean-Marie Vanlerenberghe, Roland Muzeau, Gérard Delfau, Jean-Pierre Bel, André Lardeux, Mme Michelle Demessine, M. Bernard Seillier.

M. le président de la commission.

4. Rappel au règlement

MM. Jean-Pierre Godefroy, le président.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

5. Cohésion sociale. - Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale (suite) : Mme Gisèle Printz, MM. Jean-Paul Alduy, Claude Biwer, Thierry Repentin, Serge Dassault, Mme Michèle San Vicente, M. Jean-Paul Virapoullé, Mme Dominique Voynet, MM. Philippe Goujon, Jean-Luc Mélenchon, Alain Fouché.

6. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi

7. Cohésion sociale. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale (suite) : M. Jacques Blanc.

Clôture de la discussion générale.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

Renvoi de la suite de la discussion.

8. Dépôt d'une question orale avec débat

9. Dépôt de projets de loi

10. Dépôt d'une proposition de loi

11. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

12. Retrait d'un texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

13. Dépôt de rapports

14. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

RAPPELS AU REGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, vous concluiez votre discours du 12 octobre dernier, tenu ici même au lendemain du renouvellement sénatorial et de votre réélection, par ces mots forts : « Il nous faut travailler autrement sans être submergés par le flot législatif. ».

Vous précisiez auparavant : « Loin d'avoir lissé l'activité législative, la session unique a exacerbé le zèle législatif des ministères, multiplié le recours aux sessions extraordinaires. »

M. le président. La session unique a été votée par tout le monde !

M. Guy Fischer. Vous appuyiez votre propos par cette formule très forte: « Qui peut le contester ? Personne ! »

Monsieur le président, qui peut contester que, dès le lendemain de votre discours, il fut ravalé au rang des voeux pieux par le Gouvernement ?

En effet, la méthode choisie par MM. Raffarin, Borloo et Larcher, pour lui faire adopter des dispositions iniques (Protestations sur les travées de l'UMP.)...

M. François Trucy. Il n'a pas peur des mots !

M. Dominique Braye. Cela commence bien !

M. Guy Fischer. ... contestables et méritant de toute façon réflexion et étude sur le droit du licenciement, prend totalement à contre-pied vos propos datant seulement de quinze jours.

La confusion résultant du forcing opéré hier matin par le MEDEF pour imposer ses amendements à notre assemblée confirme cette impression de mise en scène, où Gouvernement et majorité parlementaire se répartissent les rôles, alors que les salariés demeurent des spectateurs.

Monsieur le président, j'estime, avec mon groupe, que le Sénat et vous-même devez mettre en oeuvre tous les moyens constitutionnels dont vous disposez pour scinder la discussion entre le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale - que nous contestons, mais dont nous avons pu nous saisir dans des délais raisonnables - et le projet Larcher d'assouplissement du droit de licenciement.

Devant le refus persistant du Gouvernement et de la majorité de droite du Sénat, nous avons proposé le report de la discussion sur l'ensemble du texte. Nous n'avons pas été entendus.

Monsieur le président, qui peut contester que nous pouvions prendre une semaine, voire quinze jours de plus pour bien préparer ce débat ? Personne !

Ne me dites pas que les entreprises attendent ou que l'urgence du chômage nécessite la précipitation. Ce texte ne combat pas les licenciements : il les accompagne ; il les facilite.

Dès lors, nous pensons que le Gouvernement - excusez-moi du terme - manipule l'institution parlementaire. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. Ce n'est pas un rappel au règlement !

M. Guy Fischer. Il l'utilise comme chambre d'enregistrement ; il ne la respecte pas comme lieu de débat.

Je regrette, monsieur le président, que, malgré tous les beaux discours, la majorité du Sénat, vous-même, vous adoptiez une attitude conciliante, pour ne pas dire complice, à l'égard d'un pouvoir exécutif qui joue avec la démocratie au risque de la tuer dans l'oeuf ! (Vives Protestations sur les mêmes travées.)

M. Guy Fischer. Mes chers collègues, depuis le début de cette session parlementaire, nous travaillons jour et nuit. Le président de la commission nous prive de repas pour étudier les amendements. (Nouvelles protestations sur les travées de l'UMP.) Il en est constamment ainsi, et je ne plaisante pas ! De toute évidence, les conditions de travail sont inadmissibles.

J'ai déjà attiré votre attention sur ce point hier, monsieur le président, lors de la conférence des présidents, mais mon groupe et moi-même, nous tenions à le rappeler aujourd'hui en séance publique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Monsieur Fischer, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

La parole est à M. François Autain, pour un rappel au règlement.

M. François Autain. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je veux à mon tour dénoncer les conditions dans lesquelles s'organisent nos débats ; elles témoignent, c'est le moins que l'on puisse dire, du peu de considération dont fait preuve le Gouvernement à l'égard de la représentation nationale : des changements d'ordre du jour inopinés nous empêchent de préparer les débats en commission ; des auditions tronquées, faute de temps, interdisent aux personnalités interrogées de répondre autrement que par écrit aux questions posées ; des textes se chevauchent, nous obligeant à être au four et au moulin.

Depuis l'ouverture de la session, la commission des affaires sociales a été particulièrement sollicitée : elle a dû examiner le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, le texte pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Il nous aurait fallu être présents à la fois en commission, lors des auditions, et en séance publique. J'avoue que je n'en ai pas été capable et je ne sais pas qui pourrait l'être ! Il n'est pas possible, dans ces conditions, d'exercer convenablement notre rôle de législateur.

Par conséquent, force est de constater que le Gouvernement ne permet pas au Parlement de débattre sereinement des textes qui lui sont proposés, notamment de celui qui vient en discussion cet après-midi.

Sous la présente législature, le Gouvernement agit avec la plus grande légèreté à l'égard du Parlement. Les exemples abondent, que ce soit l'utilisation de l'article 49-3 de la Constitution sur le texte relatif à la décentralisation, ou le recours à la procédure des ordonnances sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

Ainsi, le volet « emploi » du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale n'échappe pas à la nouvelle méthode de travail imposée par le Gouvernement. Les sénateurs, et tout particulièrement les membres de la commission des affaires sociales, n'ont pu prendre connaissance que tardivement des huit articles additionnels intégrés à ce texte.

L'audition, mardi 26 octobre, du ministre délégué aux relations du travail par la commission des affaires sociales n'a naturellement pas permis de lever les légitimes inquiétudes exprimées par le monde du travail.

Au même titre que le logement ou la santé, le droit au travail est un élément majeur du contrat social qui lie les Français. C'est un droit fondamental reconnu par la Constitution. Or, aujourd'hui, ce droit est remis en cause sous l'effet conjugué de la mondialisation et des délocalisations.

Le texte qui nous est proposé permettra-t-il de répondre à ces défis ? Il est permis d'en douter tant ce gouvernement semble naviguer à vue et ne pas savoir très bien où il va.

Quel crédit accorder à ce texte, alors même que le ministre des finances est destinataire de propositions formulées par l'ancien président du Fonds monétaire international, qui visent une totale remise en cause de notre droit au travail, en supprimant notamment le contrat à durée déterminée ?

Ce sont là autant de questions que la discussion qui s'engage permettra d'éclaircir, mais qui jettent un doute sur les véritables intentions du Gouvernement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur Autain, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

La parole est à Mme Eliane Assassi, pour un rappel au règlement.

Mme Eliane Assassi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, par le présent rappel au règlement, je tiens à exprimer mon profond mécontentement s'agissant de l'organisation des travaux du Sénat.

Il est en effet fort déplorable que la commission des lois n'ait procédé à aucune audition en ce qui concerne notamment le contrat d'accueil et d'intégration figurant à l'article 61 du projet de loi dit de « cohésion sociale ».

Ce texte - il convient de le rappeler - a été déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat.

Il aurait donc été à tout le moins utile pour les parlementaires que nous sommes d'avoir un échange avec les associations et organisations compétentes en la matière et qui sont en relation directe avec les personnes visées par le contrat d'accueil et d'intégration.

Je pense, notamment, au groupe d'information et de soutien des immigrés, le GISTI, à la Cimade, au MRAP, à la Ligue des droits de l'homme, aux associations de travailleurs étrangers en France, et à d'autres encore.

Je pense aussi aux personnels du fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD, qui s'inquiètent de leur devenir et de celui du service public de l'intégration et de la lutte contre les discriminations.

Pour ma part, j'ai organisé, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, une rencontre avec plusieurs associations pour avoir un échange approfondi sur le présent texte et recueillir leurs avis.

Mais je reste persuadée que des auditions officielles par les membres de la commission des lois aurait été indispensables et matériellement réalisables, quitte à repousser l'examen de ce texte en séance publique, le cas échéant.

La commission des lois organise bien des auditions en ce moment même - ce matin même et demain après-midi - sur le projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Pourquoi ne l'a-t- elle pas fait sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, même si nous estimons que les personnes auditionnées le sont généralement sur des critères peu objectifs, voire orientés. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Cela aurait été d'autant plus judicieux que le contrat d'accueil et d'intégration fait déjà l'objet, depuis juillet 2003, d'une expérimentation dans douze départements pilotes et qu'un bilan a été réalisé après six mois de mise en oeuvre.

Certes, ce bilan - émanant de votre ministère, monsieur le ministre, et peu diffusé au demeurant - fait état de critiques qui rejoignent les constats et les réserves des associations qui s'occupent au quotidien des publics étrangers. C'est sûrement la raison pour laquelle vous avez fait le choix de ne pas les écouter.

Nous aurons, pour notre part, l'occasion de revenir sur ces critiques lors de l'examen des articles. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Madame Assassi, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

La parole est à Mme Hélène Luc, pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. Obstruction !

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon rappel au règlement concerne l'objet même de notre débat.

Devant la réaction très vive des syndicats et des salariés, le Premier ministre a retiré le projet de loi qui permettait aux patrons de procéder beaucoup plus rapidement aux licenciements.

Monsieur le ministre, ce matin, sur RTL, Jean-Michel Apathie vous a posé une question très nette : « M. Raffarin a renoncé à déposer ce projet de loi ; pour vous, est-ce que c'est non aussi ? » Vous avez répondu : « Pour moi, c'est non ! »

Mais lorsqu'il vous a dit : « Alors, les sénateurs feront des amendements », j'ai malheureusement remarqué que vous êtes resté muet ! Vous auriez dû répondre, et c'est ce que j'attendais : « Je les refuserai ! ». Mais vous ne l'avez pas fait, monsieur le ministre. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. Par avance ! Comme cela !

Mme Hélène Luc. En réalité, vous présentez-vous à cette discussion en vous apitoyant sur la situation des familles les plus en difficulté ? Vous avez dit : il y a 1,2 million de RMIstes et ce n'est pas digne de notre démocratie. C'est vrai, c'est terrible ! D'ailleurs, je suis arrivée avec quelques minutes de retard parce que je suis allée les rencontrer : ils sont devant les portes du Sénat !

Il ne faut donc pas accepter d'accroître la précarité en cédant au MEDEF, qui propose d'assouplir les procédures de licenciement économique.

Je pose la même question à nos collègues de la majorité sénatoriale. Le Premier ministre, qui appartient à votre majorité, a retiré le projet de loi relatif au licenciement économique, et vous vous apprêtez, par vos amendements, mes chers collègues, à remplacer ce texte qui aggrave encore la situation actuelle. Vous le faites à la sauvette, avec un passage en force, en sachant que tous les syndicats et les salariés sont contre.

Nous ne pouvons accepter la duplicité, monsieur le ministre. Dans cet hémicycle, vous représentez le Gouvernement. Vous ne pouvez pas accepter ces amendements ou laisser faire, en faisant appel à la sagesse du Sénat, ce qui reviendrait au même !

Quant à nous, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, nous sommes élus pour défendre les intérêts des salariés, la justice sociale, le plein-emploi.

En ce moment même, avec mon ami Jean-François Voguet, ainsi qu'avec d'autres élus, y compris de droite, notamment le maire de Villeneuve-le-Roi, je participe de toutes mes forces à la lutte des salariés de la FACOM. La direction veut en effet délocaliser à Taiwan cette entreprise d'outillage français, dont la renommée n'est pas à faire puisqu'elle est connue de tous les garagistes et des spécialistes.

Alors que le tribunal de grande instance de l'Essonne a débouté la direction pour ouvrir le livre III, c'est-à-dire la discussion`sur le licenciement de 247 salariés, le tribunal de grande instance de Paris vient de l'autoriser en appel.

Alors même qu'une table ronde vient d'avoir lieu avec le préfet du Val-de-Marne, le représentant de M. Sarkozy, la direction de la FACOM, les salariés, le conseil régional et le conseil général du Val-de-Marne et moi-même, alors même que les salariés et les élus font des propositions, y compris financières, comme le droit d'alerte les y autorise, vous allez précipiter la discussion sur le plan social.

Ainsi, 247 familles sont frappées par le chômage, avec tout ce que cela représente de souffrances. Nous ne laisserons pas faire !

J'ajoute que 88 % des Français ont comme première préoccupation les délocalisations et un Français sur trois se sent menacé, et pour longtemps.

Monsieur le ministre, si vous acceptez les amendements, vous allez accélérer ce processus.

Je vous demande donc solennellement, avant que le débat commence, de dire à la représentation nationale si vous êtes d'accord avec le Premier ministre pour renoncer à ces amendements.

M. Dominique Braye. Ce n'est pas un rappel au règlement !

Mme Hélène Luc. Il faut commencer la discussion dans la clarté. Aussi, j'attends votre réponse, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, madame Luc.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je m'associe pleinement aux remarques que viennent de formuler mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen. Nos conditions de travail sont, en effet, désastreuses ! Je ronge mon frein : j'attendrai l'examen de la motion tendant au renvoi à la commission, que j'aurai l'honneur de vous présenter tout à l'heure, mes chers collègues, pour exposer tous mes arguments, mais je vous démontrerai, je l'espère, que ce renvoi à la commission est tout à fait indispensable.

Nous ne pouvons légiférer en urgence, dans de telles conditions, monsieur le ministre ! Nous n'avons pas eu le loisir d'écouter les différents protagonistes ; nous n'avons pas pu entendre les objections ou les propositions des uns ou des autres. C'est tout à fait inacceptable !

La commission des affaires sociales, qui a terminé ses travaux au début du mois d'août et qui les reprend dans les mêmes conditions, travaille énormément Certes, c'est également vrai pour les rapporteurs et pour les administrateurs, mais nous ne pouvons pas être à la fois au four et au moulin si nous voulons légiférer valablement !

Monsieur le ministre, je suis très déçu de la façon dont les choses se passent. Nous vous avons auditionné l'été dernier. Nos échanges ont été, souvenez-vous en, fort courtois (M. le ministre fait un signe d'approbation.) ; ...

M. Guy Fischer. Intéressants !

M. Jean-Pierre Godefroy. ... nous étions dans un vrai schéma de discussion.

Le 12 octobre dernier, lorsque vous êtes venu devant la commission, monsieur le ministre, vous m'avez dit que, pour ce qui concerne le programme 8, nous nous reverrions plus tard. Je crois à la parole donnée !

M. Guy Fischer. Vous l'avez dit, monsieur le ministre ! Nous aussi, nous l'avons entendu !

M. Jean-Pierre Godefroy. Dès lors, pourquoi ces dispositions viennent-elles si rapidement en discussion ? Pourquoi n'avons-nous pas eu de suite au rappel au règlement que nous avons fait le 19 octobre dernier ?

Tout à coup, malgré les dénégations, patatras ! cela nous tombe dessus ! Ce n'est pas une façon de légiférer ! Ce n'est pas une manière de se comporter avec le Parlement ! J'y reviendrai tout à l'heure, lors de la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission. J'espère que nous serons aussi nombreux à ce moment-là.

Voilà quinze jours, monsieur le ministre, lors de l'examen du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit et à procéder par ordonnances, votre collègue M. Eric Woerth a cru devoir m'opposer la culture de confiance à la culture de méfiance.

Pour ma part, je ne pratique jamais la culture de méfiance a priori. Mais comment ne pas adopter une attitude de méfiance face aux conditions dans lesquelles nous travaillons ? Le Parlement doit pouvoir légiférer valablement !

Le fleuve qui coule vers la mer a deux rives ; elles sont obligatoirement différentes, elles peuvent être antagonistes, mais elles sont indispensables pour arriver à la mer. Ne pas respecter l'opposition, comme c'est aujourd'hui le cas, parce que nous n'avons pas le temps de travailler correctement nos dossiers, est tout à fait indigne de notre assemblée ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Godefroy.

Je note qu'aucune des dispositions de notre règlement n'a vraiment été mise en cause par les intervenants.

M. Dominique Braye. Détournement de procédure !

M. le président. Il est vrai que la commission des affaires sociales n'a pas chômé. M. About, qui a demandé à intervenir, pourra nous le confirmer dans un instant.

Mais nous sommes en présence d'un projet de loi qui est inscrit à l'ordre du jour prioritaire. Nous en avons débattu lors de la conférence des présidents : chacun a pu s'exprimer et la conférence des présidents s'est prononcée. Il n'y a donc pas de raison pour que le débat n'ait pas lieu dans un climat de courtoisie, comme cela vient d'être recommandé, recommandation à laquelle je souscris.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, à la suite de tous ces rappels au règlement, qui ont surtout, comme vous l'avez fait remarquer, mis en cause le fonctionnement de la commission des affaires sociales et non pas le règlement du Sénat (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), je veux indiquer que notre commission a travaillé dans des conditions certes difficiles, mais qu'elle en a l'habitude depuis très longtemps.

Nous avons la chance d'avoir un gouvernement qui n'a pas utilisé les techniques anciennes de vos prédécesseurs, monsieur le ministre.

M. François Autain. Quelle chance !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Car face à l'échec d'une négociation avec les partenaires sociaux, le ministre a complété le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale par une lettre rectificative. Cela présente de nombreux avantages.

D'abord, le Conseil d'Etat en est saisi. Ensuite, le conseil des ministres en discute. Enfin, la commission rend son avis dans un rapport et nous pouvons donc valablement en discuter.

Cela n'a pas été le cas lorsque la gauche était au pouvoir ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.) En effet, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui n'est rien d'autre qu'un texte qui fait suite au projet de loi de modernisation sociale. Or ce dernier a été déposé sur le bureau du Sénat avec 106 articles ; en deuxième lecture, il comportait 158 articles et presque tous les articles additionnels ont été introduits par le Gouvernement, à la sauvette, pour essayer de nous prendre de vitesse et nous empêcher de travailler valablement sur le texte qui nous était transmis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Alain Gournac. C'est exact !

M. Dominique Braye. Voilà la vérité !!

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous avons effectivement eu beaucoup de travail, mais nous avons oeuvré dans le respect du Parlement !

Tout à l'heure, madame Luc, vous avez eu tort - et  heureusement ! - de tenir de tels propos : le ministre n'a pas encore le droit de censurer le Parlement avant même qu'il ne soit saisi.

Vous avez regretté le fait que le ministre n'ait pas indiqué ce matin qu'il s'opposerait à tous les amendements. Mais pensez-vous que cela aurait été une attitude très républicaine ? (Rires sur les travées de l'UMP.) Bien sûr que non !

Mme Hélène Luc. Je veux savoir si M. Borloo est d'accord avec M. Raffarin !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est au Sénat que s'engage la discussion avec le ministre. Il n'aurait donc pas été normal que le ministre annonce ce matin le sort qu'il allait réserver à nos amendements.

Mme Hélène Luc. M. Borloo aurait dû dire s'il était d'accord avec M. Raffarin !

M. Dominique Braye. A Moscou, cela se passe comme ça !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Enfin, je précise que la commission a rempli sa mission dans des conditions nettement meilleures que celles qui étaient les siennes voilà encore quelques années. De plus, nous avons réussi à organiser des auditions avec tous les partenaires sociaux, ...

M. Alain Gournac. C'est vrai !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... auditions auxquelles l'ensemble des sénateurs était invité, et je dois reconnaître que seul M. Muzeau y a répondu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Jean-Pierre Godefroy. C'est faux, monsieur le président !

Mme Hélène Luc. Monsieur Borloo, êtes-vous d'accord avec M. Raffarin ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour un rappel au règlement. Je vous donne la parole par complaisance, monsieur Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je vous en remercie, monsieur le président.

Je dirai très courtoisement à M. About que je ne peux pas laisser passer les propos qu'il vient de tenir.

S'agissant des auditions de la commission sur le présent texte, certes, M. Muzeau était présent, mais j'ai assisté aux auditions auxquelles M. Souvet a procédé. Et ma collègue Michèle San Vicente a également assisté aux auditions que Mme Létard a organisées.

Je ne pouvais donc pas ne pas réagir, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je donne acte à nos collègues que les autres rapporteurs ont effectivement organisé des auditions qui étaient également ouvertes à l'ensemble des sénateurs et qu'ils y ont assisté.

En outre, afin de donner à tous le maximum de temps pour travailler sur ce texte, j'ai demandé le report du délai limite pour le dépôt des amendements portant sur les articles 37-1 à 37-8 et, dans le même esprit, je demanderai, dès le début de la discussion des articles, la réserve desdits articles jusqu'à la fin de l'examen du texte.

3

 
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Discussion générale (suite)

Cohésion sociale

Discussion d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi complété par une lettre rectificative de programmation pour la cohésion sociale (n°445 rectifié, (2003-2004), n°s 32, 39, 33, 34 et 37).

Avant d'ouvrir la discussion, je dois vous rappeler que le Conseil économique et social a demandé que, conformément aux dispositions de l'article 69 de la Constitution, M. Jean Bastide, rapporteur général pour ce texte, puisse exposer l'avis du Conseil économique et social devant le Sénat.

Conformément à l'article 69 de la Constitution et à l'article 42 de notre règlement, huissiers, veuillez faire entrer M. Jean Bastide. (M. le rapporteur général du Conseil économique et social est introduit selon le cérémonial d'usage.)

Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 4 du règlement, le représentant du Conseil économique et social expose devant le Sénat l'avis du Conseil avant la présentation du rapport de la commission saisie au fond.

Par ailleurs, le représentant du Conseil économique et social a accès dans l'hémicycle pendant toute la durée de la discussion en séance publique. A la demande du président de la commission saisie au fond, la parole lui est accordée pour donner le point de vue du Conseil sur tel ou tel amendement ou sur tel ou tel point particulier de la discussion.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail, et de la cohésion sociale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux de présenter, au nom du Gouvernement, ce projet de loi de programmation devant la Haute Assemblée, qui en a été saisie en premier, conformément au choix qui avait été clairement exprimé par l'ensemble des six ministres composant le pôle de cohésion sociale au sein du Gouvernement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte, qui est la transcription législative d'un plan de cohésion sociale présenté le 30 juin dernier, a pour objet de mettre en place les moyens humains, financiers et opérationnels pour répondre à trois crises majeures, qui entament notre pacte républicain et notre avenir.

Bien plus qu'un débat gouvernemental à court terme, il s'agit de réparer des blessures sociales d'une extrême gravité - et je dis bien les « réparer », mesdames, messieurs les sénateurs - et,en même temps, de préparer l'avenir.

Ces trois crises majeures que nous connaissons et auxquelles, au fond, nous nous étions habitués, au fil de la parution des statistiques mensuelles, cette triple crise d'identité, c'est celle de l'emploi, du logement et de l'égalité des chances.

Je ne détaillerai pas devant vous les composantes de cette triple crise, mais je voudrais en dire deux mots. Cette crise est grave en elle-même, nos chiffres du chômage en témoignent, et je ne parle pas des chiffres du niveau 1 : la France a le taux de chômage des jeunes le plus élevé d'Europe. Notre revenu minimum d'insertion fut, quand il a été lancé, une avancée sociale indiscutable, mais, quinze ans plus tard, quand on a vu tripler le nombre des allocataires, il est malheureusement devenu la démonstration que nous étions en présence d'une situation dramatiquement durable, et cela ne peut laisser insensible personne dans cet hémicycle.

C'est également la démonstration de notre échec structurel, car le taux de chômage des jeunes ou le taux d'inactivité est stable à 26 % depuis dix ans ! A côté de cela, il faut compter avec un choc démographique que nous n'avons pas prévu et un besoin d'activité et de force humaine dans ce pays de 1 700 000 personnes supplémentaires pour la période allant de 2007 à 2010.

Dans ces conditions, notre première obligation est de nous donner tous les moyens pour permettre aux forces vives de la nation de s'insérer dans le tissu économique. C'est un enjeu social, mais c'est évidemment aussi un enjeu économique.

La deuxième crise majeure, vous le savez bien, les uns et les autres, c'est le logement. Le premier dessin que fait un enfant à l'école, c'est une maison, avec une cheminée. Or, qu'il s'agisse de l'accession, du logement des couches intermédiaires, du logement social ou du logement d'urgence, ce logement est complètement en crise aujourd'hui ; il se trouve dans le même état qu'en 1954. Ce programme prévoit environ le doublement des capacités en acquisition, notamment en acquisition populaire, en logement conventionné et en logement d'urgence.

Enfin, troisième crise : l'égalité des chances. Notre pays, qui a peut-être trop bien réussi dans sa recherche de l'égalité au XIXe siècle et au début du XXe siècle, n'a pas vu, aveuglé qu'il était par l'arrogance de sa réussite républicaine, que son modèle social qui était fait, en gros, pour des gens plutôt en forme, pour une population plutôt homogène sur le plan ethnique et plutôt répartie entre France rurale et France urbaine, n'était plus en phase avec la réalité d'aujourd'hui, celle d'une France multiculturelle, une France multiethnique, multireligieuse aussi, avec des zones qui ne ressemblent en aucune manière aux autres parties du territoire. Alors, l'égalité des chances...Pouvez-vous comparer la situation de Grigny, de Montfermeil, de Clichy-sous-Bois avec celle des grandes villes que compte notre pays, même si ces dernières ont parfois sur leur territoire des quartiers en difficulté ?

Egalité des chances devant les services publics, égalité des chances à l'école, égalité des chances devant l'emploi privé ou public. La ségrégation, notamment la ségrégation à l'emploi, est un scandale absolument inacceptable ?

Ce projet de loi a un défaut, un énorme défaut : il fait confiance au terrain ! On peut qualifier ce texte de « flou », car nous n'imposons pas ce que doit être la maison de l'emploi, pas plus que nous n'imposons ce que doit être l'équipe de réussite éducative dans nos zones en difficulté. Non, nous disons : « Voilà les moyens ; nous vous les donnons ; mettez en place, en fonction des réalités locales, la maison de l'emploi qu'il vous faut, les contrats aidés qu'il vous faut, les équipes de réussite éducative qu'il vous faut ».

Oui, ce plan est massif dans ses moyens, mais très humble dans les orientations pratiques données par l'Etat aux acteurs du terrain. C'est, de ce point de vue, un programme de confiance.

Ce plan a été conçu assez rapidement, mais il faisait suite à quelque trois cents réunions organisées avec les différents partenaires, à Paris et sur le terrain, dans les maisons de l'emploi, car il en existe déjà, tant il est vrai qu'une bonne idée n'est jamais née toute seule, isolée, d'un seul coup, à un endroit du territoire, mais correspond forcément à un cheminement progressif général.

Ce coup de rein massif a été présenté de manière volontaire à tous les organismes représentatifs de ce pays, chacun ayant d'ailleurs son regard propre, qu'il s'agisse du monde de l'éducation, du Conseil national de l'habitat, du Conseil national des villes ou bien encore du Conseil économique et social, des caisses de sécurité sociale, des associations, bref tout ce qui fait les forces vives de ce pays.

Et le pire, c'est que nous avons tenu compte des différents avis (Sourires), ceux du Conseil économique et social sur le grand débat entre activité et emploi, notamment. Nous avons tenu compte de l'avis du monde de l'éducation et des autres partenaires sur les caisses des écoles, par exemple, que nous allons faire évoluer vers les établissements publics locaux éducatifs.

Il ne s'agit pas ici d'une grande loi-cadre qui poserait des principes opérationnels ; ce sont des moyens mis à la disposition des acteurs locaux.

Mais je reprends les trois grands volets de ce plan, non sans avoir au préalable rendu hommage aux associations, celles qui ont inventé de nouveaux métiers et de nouveaux modes opératoires, et qui continuent en ce sens, celles qu'il faudra continuer à aider en étant imaginatifs, par exemple s'agissant des récupérations d'ordinateurs, celles qui ont inventé une forme d'intérim social dont on peut discuter sur le plan technique ou politique, mais qui correspond à autant de nouveaux métiers inventés.

Nous avons tenté, avec Mme Nelly Olin, ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion, ainsi que Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, de répondre le mieux possible aux attentes de ce monde associatif dont l'action est tout à fait décisive.

Les trois grands volets de ce texte sont simples : le premier concerne l'emploi et peut se résumer à trois grands dispositifs.

M. Jean-Pierre Michel. Et les licenciements ?

M. François Autain. Et les délocalisations ?

M. le président. Poursuivez, monsieur le ministre ! Ne vous laissez pas interrompre !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je vais continuer mon propos, monsieur le président, mais je pensais que les solutions à trouver pour réduire ce terrible fléau qu'est le chômage méritaient que l'on puisse s'écouter les uns et les autres. Pour moi, quand l'un parle, l'autre écoute !

Je reviens donc à l'emploi pour traiter des trois axes principaux de ce premier volet.

Tout d'abord, que constatons-nous ? Des systèmes autonomes qui ne se parlent pas ; peu de moyens humains mis dans la relation entre le demandeur d'emploi et l'entreprise. Nous étions jusqu'à présent le pays d'Europe occidentale qui consacrait le moins de moyens pour définir les besoins, coordonner la formation, apporter une aide psychologique et technique.

Créer cette relation entre l'entreprise et le demandeur d'emploi, créer la curiosité des différents métiers, bref, créer un lieu de coordination de l'effort de tous, sur le modèle de ce qui existe déjà sur quelques parties du territoire national, et à chaque fois avec succès : ce seront les maisons de l'emploi. Ces dernières prendront les formes qu'il appartiendra aux acteurs locaux de définir, mais sachez d'ores et déjà que, plus elles seront intégrées, plus elles seront soutenues par l'Etat : c'est un contrat de confiance.

Deuxième axe, toujours sur l'emploi : la jeunesse et sa situation au regard de l'emploi, qui constitue un véritable scandale dans notre pays. C'est tout l'objet du programme piloté par M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes, à la fois sur l'alternance et l'apprentissage. Il s'agit de moyens exceptionnels de formation et d'accompagnement pour les jeunes : des tuteurs, des référents, plus d'interstices, des universités des métiers, la reconnaissance de l'apprentissage comme partie intégrante du monde de l'éducation, des cartes de logement, en somme tout ce que nous savons devoir faire à la lecture des multiples livres blancs qui ont été produits dans l'histoire tant par le Sénat que par l'Assemblée nationale et par le Conseil économique et social.

C'est un énorme plan pour la jeunesse. D'ailleurs, j'ai eu le plaisir, mon cher Laurent Hénart, d'entendre ce matin à la radio les premières publicités pour les contrats de professionnalisation, et j'en ai été tout à fait ravi.

Ce programme permettra enfin de mettre en place une filière d'excellence massive à destination de nos jeunes avec un dispositif fiscal complémentaire, les 1 600 euros d'exonération annuelle pour ceux qui recrutent des apprentis. Mais nous aurons l'occasion d'en débattre plus avant.

Troisième axe, les contrats d'avenir. Notre volonté est de nous rapprocher du principe établi par la Constitution de 1946 : chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi.

M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. N'oublions pas le devoir !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Nous avons essayé de tirer les leçons du passé : le RMI ne donnait pas un revenu suffisant, ne permettait pas de travailler en équipe et n'était pas l'occasion d'une formation. Nous proposerons donc à tous les RMIstes et à tous les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, dans un premier temps, un contrat d'avenir où seront articulés formation et travail d'intérêt général. En tirant ainsi les leçons du passé, nous entendons corriger ce qui ne fonctionnait pas.

Ce programme est lourd, il engage, mais c'est une main tendue à nos compatriotes. Je pense que, sur ce terrain-là, nous pourrons tous nous retrouver.

Le deuxième grand volet de ce texte est consacré au logement, qui est à tous égards un drame dans ce pays et en même temps un frein à la mobilité et à l'emploi.

Notre plan est assez simple : nous donnons les moyens de rattraper les retards pris dans le logement conventionné, d'abord, à titre provisoire, en triplant le nombre de logements financés par rapport à 2000, puis en le doublant.

Je suis navré de devoir le dire, mais, en ce domaine, nous avons connu une période noire dans notre histoire républicaine : pendant une demi-décennie, la production de logements conventionnés en France a été réduite de près de moitié.

Il faut bien rattraper ce retard, de la même manière qu'il faut rattraper le retard accumulé en matière de logement d'urgence, en matière d'acquisition populaire et familiale, sans parler des conditions du logement durable, qu'il faut améliorer en travaillant sur la qualité des matériaux et sur l'isolation, notamment. Mais nous entrerons dans le détail tout à l'heure.

Il faut également lutter contre l'augmentation du nombre de logements vacants dans notre pays. Nous prévoyons, en collaboration avec l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, des dispositions radicales visant à mettre fin à cette crise du logement.

Je peux d'ailleurs informer le Sénat que, d'ores et déjà, le premier volet relatif à la production de logements conventionnés avec le soutien de l'Union d'économie sociale pour le logement, l'UESL, et grâce au 1 %, a été signé avec les partenaires sociaux, ce matin, à onze heures quarante-cinq, dans mon bureau, au ministère, en présence de M. Marc-Philippe Daubresse. Cela va se traduire par le déblocage de 210 millions d'euros supplémentaires par an pendant cinq ans pour augmenter la production de logements.

Le programme est donc lancé, et il se met même en place un peu plus vite que prévu.

En ce qui concerne l'égalité des chances, Mme Nelly Olin aura l'occasion d'expliquer quelles sont les mesures devant être prises d'urgence.

Nous pourrions discuter des heures et des heures au sujet de ces villes quasiment orphelines, de ces villes abandonnées - il n'y a pas d'autre terme - qui sont d'ailleurs de toutes couleurs politiques.

Nous faisons un effort majeur avec le doublement de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et un fléchage précis pour que ces villes qui supportent de lourdes charges socio-urbaines, ces villes où vivent beaucoup de familles très nombreuses, parfois en perte de repères, reçoivent plus de moyens que les autres, plus vite, pendant cinq ans.

Ainsi, Montfermeil ou Grigny, par exemple, toucheront 10 millions ou 15 millions d'euros supplémentaires par an en moyens de fonctionnement.

Cette main tendue républicaine est, pour elles, indispensable : ce n'est pas seulement d'argent qu'elles ont besoin ; c'est aussi, et surtout, d'attention, de soutien, de services publics de proximité, d'équipements.

Tel était l'objectif premier auquel devait répondre la politique de la ville, le Conseil national des villes, le CNV, et, plus généralement, tous ceux qui se passionnent pour cette cause.

Dans notre programme, nous avions annoncé la création de chartes de diversité, fondées sur le volontariat, visant à éviter les discriminations à l'embauche dans les organismes et sociétés privés. Trente-six ou trente-sept ont été signées la semaine dernière, me semble-t-il. Je tiens à féliciter et à remercier l'Institut Montaigne et les grandes organisations pour leur implication.

Je note qu'il y a là un virage républicain majeur. L'Etat et les trois fonctions publiques feront leur part de travail. Ainsi, le ministre de la fonction publique proposera, dans quelques semaines, des parcours d'intégration par l'alternance : pendant cinq ans, un tiers des postes sera réservé aux jeunes des quartiers concernés par la politique de la ville. C'est une façon de leur tendre la main, car la situation s'était considérablement dégradée.

Enfin, les six ministres qui ont contribué à l'élaboration de ce texte sont très attachés au dispositif visant à assurer l'égalité des chances à l'école : comment faire en sorte que les enfants dont le comportement et le suivi pédagogique alarment les enseignants dès les premiers mois de leur scolarité, voire dès les premières semaines, ne soient pas rattrapés, au sein de l'école, par tous les problèmes que connaissent leur quartier, leur ville ? Dès moyens massifs doivent être mis en oeuvre à cet effet.

Pour conduire ce grand programme de réussite éducative, nous faisons confiance aux parents d'élèves, aux enseignants, aux directeurs d'établissement, aux villes, aux conseils généraux... L'argent sera confié à ces grandes institutions, qui pourront l'utiliser librement : s'il faut d'urgence déplacer une famille qui vit dans des conditions de logement inacceptables ou qui vit un drame de voisinage, libre à elles d'en disposer !

Le soutien aux enfants en difficulté passe par une diversité de moyens, qui vont du recours à des pédopsychiatres...

Mme Hélène Luc. Encore faudrait-il que les psychologues soient en nombre suffisant !

M. Jean-Louis Borloo, ministre...à tout autre moyen qui sera estimé utile : cet argent est transféré en confiance, le tout est qu'il serve à aider ces enfants.

Un effort majeur est accompli dans ce domaine.

Je suis très étonné que la France soit l'un des rares pays au monde à n'avoir pas mis en place ce type de programme, dont nous connaissons aujourd'hui les résultats.

Mme Hélène Luc. C'est le gouvernement auquel vous appartenez qui les a supprimés ! C'est incroyable !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Des analyses sont faites depuis 1962.

Enfin, en matière de mutations économiques, nous souhaitons tout d'abord permettre aux salariés des entreprises de moins de mille personnes, soit 80 % des salariés de notre pays, de ne plus être dans la situation de ceux de Stal Industrie, qui, en septembre, en rentrant de vacances, ont appris, par une simple lettre, que leur entreprise allait fermer et qu'ils avaient deux mois de préavis.

M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument ! C'est vrai !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Les maîtres mots de ce texte, porté par M. Gérard Larcher, et dont je suis fier, sont : informer, anticiper, prévoir. (Exclamations sur les travées du CRC.)

Pour chacun des salariés sont prévus des congés de reclassement de huit mois pour permettre cette évolution et cette mutation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Il était injuste qu'une partie des salariés français ne dispose d'aucune solution de reclassement.

Pour les territoires, nous avons décidé la mise en place d'une mission interministérielle, qui, composée d'un préfet, d'un président de commission du Conseil économique et social et d'un chef d'entreprise promoteur de la charte de la diversité, étudiera, sur le terrain, les contrats sociaux de territoire, et, s'appuyant sur tous les moyens de l'Etat, dont la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, proposera à nos partenaires régionaux la création de bassins de conversion d'un nouveau type. Des expérimentations permettront de prévoir les différentes évolutions et mutations de nos territoires, car, selon les sites, les mutations ont évidemment plus ou moins d'impact.

Une autre mission, présidée par Mme Olin, étudiera, en concertation avec les associations, la façon de faire en sorte que, dans des cas d'exclusion, une heure travaillée puisse être une heure payée, même si cette mesure n'entre pas tout à fait dans les cadres traditionnels. Cette mission élargie rendra son rapport d'ici à Noël.

Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, rapidement brossé, le projet de loi qui est soumis à votre examen.

Comme le Conseil économique et social, qui a travaillé dans des conditions extrêmement difficiles, au mois d'août, avant un changement de sa composition, vous avez, vous aussi, oeuvré sous la pression, et je vous en remercie : il fallait aller vite, pour éviter que ne passe une nouvelle année budgétaire, pour éviter que le statu quo ne dure un an de plus. En effet - et je le crois très sincèrement - notre pays a besoin de ce plan de cohésion sociale, il a besoin de cohésion nationale, il a besoin de cette réparation sociale, il en a besoin pour préparer son avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général du Conseil économique et social.

M. Jean Bastide, rapporteur général pour ce texte du Conseil économique et social. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un honneur, pour le représentant du Conseil économique et social, de présenter devant la Haute Assemblée l'avis du Conseil sur le plan et l'avant-projet de loi de programmation pour la cohésion sociale lors de sa séance plénière du 31 août dernier.

Vous ne l'ignorez pas : le Conseil économique et social a toujours porté une très grande attention à la dimension humaine des difficultés de notre société, qui mettent en jeu l'avenir même de la nation.

Aborder dans un même mouvement les questions intrinsèquement liées de l'emploi, du logement, de l'égalité des chances ne pouvait que recueillir son approbation, car ses travaux, qu'ils soient récents ou plus anciens, ont toujours été guidés par une approche globale.

C'est pourquoi l'avis que je vous présente situe ce plan et ce projet de loi au coeur du chantier ouvert par les mesures annoncées lors du comité interministériel de lutte contre l'exclusion par l'installation de la nouvelle agence nationale de rénovation urbaine, chantier qui se poursuivra, notamment, par la loi « habitat pour tous » et la loi d'orientation de l'école.

Le bon sens voulait qu'il y ait une cohérence entre ces divers projets, cohérence qui conditionne à la fois l'efficacité et la portée des textes qui sont aujourd'hui soumis à l'examen de votre Haute Assemblée.

Avec le plan de cohésion sociale, on dispose d'un texte politiquement fort, qui donne de la cohérence et du sens à l'action publique et à celle des différents acteurs, alors qu'on évolue, dans le cadre de la loi, vers des modalités de mise en oeuvre complexe rendant parfois difficile leur lisibilité.

Ce faisant, le Conseil économique et social a approuvé l'approche de la cohésion sociale par le biais d'une loi de programmation : la cohésion de notre société ne pouvant résulter du seul laisser-faire économique, elle nécessite l'intervention de la puissance publique.

II a cependant regretté que ne soient pas suffisamment explicités les liens entre compétitivité économique et cohésion sociale : pour se développer durablement, les entreprises françaises ont, certes, un besoin impératif de compétitivité, mais elles ont également besoin, pour assurer ce développement durable, de cohésion sociale.

C'est la mise en synergie de ces deux vérités en tension qui fonde la légitimité de l'intervention publique.

Telle est la raison pour laquelle le Conseil a, dans son avis, mis l'accent sur la nécessité de conduire une politique industrielle forte à l'échelle non seulement de notre pays, mais aussi de l'Europe, pour créer une dynamique et des perspectives à moyen et long terme.

Certaines réserves exprimées sur différents aspects du premier pilier relatif à l'emploi trouvent là leur justification, notamment lorsque la solidarité envers les chômeurs est ravalée au rang d'assistance, que le développement des services aux personnes est associé à l'emploi de personnes peu qualifiées, que l'avant-projet préconise le renforcement de l'obligation de recherche active d'emploi, qui reporte sur le travailleur la charge de la preuve.

Un débat nourri a porté sur un point, qui a d'ailleurs reçu une réponse claire de votre part, monsieur le ministre, et que nous retrouvons dans le projet de loi : c'est le « contrat d'activité », désormais appelé « contrat d'avenir ».

Nous voulons croire qu'il s'agit là non pas uniquement d'une question de sémantique, mais bien d'une ambiguïté qu'il s'agissait de lever. Le premier terme, en effet, laissait entendre que l'on s'orientait, pour le secteur non marchand, dans une voie favorisant « l'occupation » à défaut d'emploi, lequel ne constituerait plus une véritable ambition et l'objectif à atteindre.

Sur ce point précis, nous avons apprécié votre réponse, monsieur le ministre, dans le courrier que vous avez adressé au président du Conseil économique et social au début du mois de septembre.

Vous avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce débat ne masque pas pour autant, pour notre assemblée, la réalité vécue par ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi. Les membres du Conseil économique et social sont bien conscients que, pour ceux-là, une activité modeste, voire une occupation pour un nombre d'heures limité, peut constituer la première marche qui leur permettra ultérieurement d'accéder progressivement à l'emploi.

Il n'en demeure pas moins, toutefois, que l'ambition pour tous devrait se situer non pas au niveau de « l'occupation », mais bien à celui de l'emploi.

Au regard de l'enjeu de la modernisation du service public de l'emploi, le Conseil économique et social estime que celui-ci doit dépendre non pas d'une logique d'appareil, mais de la mise en synergie des institutions y participant. Ces mesures ne doivent en aucun cas conduire à une mise sous tutelle des organismes paritaires qui interviennent dans ce champ.

Ainsi, les maisons de l'emploi présentent le double intérêt de s'adresser à tous les publics et de regrouper potentiellement l'ensemble des acteurs de la construction des parcours d'insertion et du retour à l'emploi. Il est, à cet égard, essentiel que les partenaires sociaux et les associations soient pleinement associés à leur mise en oeuvre et à leur fonctionnement, étant entendu que les moyens humains et financiers octroyés aux maisons de l'emploi ne doivent pas l'être au détriment de ceux de l'ANPE.

Par ailleurs, il faudra veiller à ce que le système issu de l'ouverture du marché de placement à des opérateurs privés ne soit pas défini à l'aune de seuls critères de rentabilité, et que ces opérateurs, nécessairement agréés par l'administration, fassent l'objet d'un contrôle lié à la mesure de l'efficacité de leur activité de placement.

Face au renforcement de l'obligation de recherche active d'emploi, le Conseil économique et social préfère, à la sanction, l'accompagnement. S'il prend acte des lacunes du système actuel, il estime qu'aucune sanction ne doit pouvoir être prise sans que l'intéressé ait pu faire valoir son point de vue dans le cadre d'une procédure contradictoire prévoyant un accompagnement possible par une personne de son choix.

Quant à la réforme en profondeur de l'apprentissage, elle est une nécessité qui doit être menée en tenant compte de l'avis des partenaires sociaux. Les éléments présentés dans l'avant-projet de loi - modifiés substantiellement dans le projet de loi qui vous est soumis - vont globalement dans le bon sens, mais ils mériteraient de faire l'objet d'une mise à plat d'ensemble, plutôt que d'un traitement morcelé au sein de différents départements ministériels.

S'agissant enfin des emplois aidés, on peut se féliciter de ce que l'on s'oriente vers une simplification. N'aurait-on pas pu aller plus loin, notamment en créant un contrat unique pour toutes les populations en difficulté d'accès à l'emploi ? En effet, la visibilité est l'une des conditions essentielles pour toucher les individus et un encouragement à se mobiliser pour les employeurs potentiels.

Je vais maintenant faire état de la position du groupe des entreprises privées, seul groupe à avoir émis un vote négatif sur l'avis. Sa position s'appuie essentiellement sur le volet « emploi » du projet de loi.

Le groupe des entreprises privées aurait en effet souhaité que l'avis procède à un examen approfondi et critique du fonctionnement et de l'efficacité de notre système de protection sociale. Il aurait également souhaité que l'accent soit mis sur le renforcement et le développement d'un appareil productif capable de générer de nouvelles ressources. Il aurait préféré qu'à une logique de redistribution se substitue une logique de production et que l'accroissement des échanges internationaux soit considéré comme une opportunité et non comme une contrainte.

Telles sont la principale justification du vote négatif de ce groupe, dont la conviction est « que le seul choix possible est d'améliorer la performance globale de la nation et la compétitivité de ses entreprises ».

Tous les autres groupes, à l'exception de deux conseillers, ont approuvé l'avis.

Le logement est l'autre grand pilier de ce projet de loi.

Pour le Conseil économique et social, le fait d'avoir rattaché le logement - enjeu économique et social, mais aussi enjeu de dignité et de maintien de la famille - à un grand ministère de la cohésion sociale permet de réaffirmer la dimension sociale de l'habitat.

Concernant le rattrapage du logement locatif social, le plan témoigne d'une réelle prise de conscience de la situation, en prévoyant la construction de 500 000 logements sociaux sur cinq ans, bien qu'à ce chiffre devraient s'ajouter ceux qui sont prévus dans le plan de rénovation urbaine pour parvenir aux 120 000 logements construits annuellement, évaluation faite par le Conseil économique et social dans un avis de janvier 2004.

S'il approuve le choix d'une loi de programmation qui permet de limiter - si ce n'est d'éviter - les contraintes budgétaires, le Conseil économique et social tient à tempérer l'optimisme affiché dans ce programme qui laisse à penser que l'augmentation budgétaire, si importante soit-elle, garantira, à elle seule, la production d'un nombre de logements sociaux dans les délais envisagés, d'autant que le projet financier est construit sur des hypothèses optimistes.

Quant aux orientations pérennes en matière de politique foncière, leur importance est incontestable à condition qu'elles s'appuient sur des politiques locales volontaristes et qu'elles soient accompagnées par une évaluation des établissements publics fonciers et des mesures incitatives de fiscalité foncière. Le Conseil économique et social souhaite que, dans les lois à venir, le rôle de chacun soit précisé dans le cadre d'un service public de l'habitat qu'il appelle de ses voeux.

S'agissant de l'amélioration du parc locatif social, notre assemblée approuve la démarche partenariale envisagée, mais exprime un certain nombre de réserves.

La première porte sur l'absence de crédits de rénovation : cette charge risque donc d'être transférée sur les fonds propres des organismes d'HLM.

La seconde a trait à la répartition des différents types de prêts destinés à encourager la construction de ces logements.

Le Conseil économique et social souhaite notamment que les prêts locatifs aidés d'intégration, les PLAI, soient d'avantage utilisés, d'une part dans des programmes mixtes afin d'éviter tout marquage social, d'autre part dans les communes visées par l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, pour mieux respecter l'objectif de mixité sociale.

Quant aux prêts locatifs à usage social, les PLUS, il conviendrait de les consacrer aux fins de logement de personnes défavorisées, à condition de les assortir d'une obligation de diversité sociale conforme à l'objectif de mixité et d'accès pour tous au logement de droit commun auquel nous sommes particulièrement attachés.

En revanche, l'augmentation des moyens de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, est toute relative dans la mesure où elle ne fait que rattraper le montant de ses dotations enregistrées en 1998, alors que ses missions n'ont fait que se multiplier.

Par ailleurs, notre assemblée accueille favorablement les deux mesures fiscales incitant à une remise sur le marché de logements vacants - l'exonération de la contribution sur les revenus locatifs et l'augmentation de la déduction forfaitaire - à condition qu'elles soient strictement encadrées et évaluées lorsqu'elles auront produit un effet.

Pour la sécurisation des bailleurs privés, le dispositif de créance privilégiée des impayés devrait aussi être complété, non seulement par un système de solvabilisation des ménages, mais aussi par une garantie des risques locatifs.

Sur le renforcement de l'accueil et de l'hébergement d'urgence, le chiffre annoncé de 100 000 places d'ici à cinq ans est-il suffisant ou bien compense-t-il simplement les retards accumulés ces dernières années ? Le Conseil économique et social tient à redire qu'il ne faut pas que, à la faveur des lois de décentralisation, la charge des programmes soit supportée par les collectivités locales au-delà de 2007, car la cohésion sociale relève avant tout de la responsabilité de l'Etat.

L'attribution de logements sociaux aux personnes hébergées en centre d'hébergement et de réinsertion sociale, le CHRS, n'est quant à elle possible qu'à condition de lever les handicaps dus à l'absence de fluidité du parc, c'est-à-dire l'insuffisante construction de logements sociaux, la faible mobilité des locataires ou les difficultés d'accès au parc privé.

Enfin, puisqu'il s'agit de garantir la cohésion sociale par la mise en oeuvre d'une politique du logement équilibrée et ambitieuse, notre assemblée se doit de rappeler la question du droit au logement opposable au regard des modalités de gestion et d'attribution du contingent préfectoral prévues par la loi relative aux libertés et responsabilités locales. Pour le Conseil économique et social, ce contingent devrait rester à la disposition du préfet ou, facultativement, des présidents des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI.

Enfin, si les dispositions contribuant à lutter contre l'habitat indigne emportent son adhésion, le Conseil économique et social regrette que le projet de loi ne soit pas à la hauteur de l'ambition du plan et conduise d'avantage à un rattrapage des retards qu'à la mise en oeuvre d'une nouvelle politique.

Le volet sur l'égalité des chances représente la partie la plus succincte tant du plan que de l'avant-projet de loi et n'aborde que trois des nombreux sujets que le Conseil économique et social a eu à traiter dans ses avis concernant, directement ou indirectement, la lutte contre l'exclusion et la pauvreté.

C'est pourquoi notre assemblée suggère, dans son avis, que le plan de cohésion sociale intègre toutes les décisions du comité interministériel de lutte contre l'exclusion, le CILE, - vous avez d'ailleurs répondu à ce sujet, monsieur le ministre - et que, dans le projet de loi, soient incluses toutes celles qui impliquent une amélioration de la loi.

C'est bien parce que nous partageons les constats du Gouvernement et ses conclusions lorsqu'il indique que l'égalité des chances doit cesser d'être un concept abstrait que nous considérons que, en l'état, le plan et l'avant-projet de loi ne répondent pas complètement à l'exigence et à l'ampleur des enjeux évoqués et qu'il convient de les compléter.

Concernant les enfants et les adolescents, le Conseil économique et social approuve globalement les orientations du plan et les mesures envisagées, à condition que le concept de réussite éducative soit interprété comme un refus de la fatalité de l'échec et non comme une adhésion sans réserve à une sorte d'idéologie des normes de compétitivité.

S'il a globalement approuvé la création d'internats de réussite éducative à condition qu'il n'y ait pas de confusion entre les missions de l'Education nationale et celles de la protection judiciaire de la jeunesse, s'il a globalement approuvé la volonté de mettre précocement en relation tous les jeunes avec le monde professionnel, et pas seulement les jeunes en difficulté, s'il a approuvé la rénovation de l'éducation prioritaire à condition qu'elle soit intégrée à la future loi d'orientation sur l'école, s'il a approuvé les mesures favorisant l'égalité des chances entre les territoires et la conclusion de chartes territoriales de cohésion sociale afin de décliner le pilotage des différents axes du plan, le Conseil économique et social demande au Gouvernement que soit mise en place une évaluation régulière de ces orientations et de ces dispositions.

Le Conseil économique et social a également approuvé le principe qui consiste à lier la signature et le respect du contrat d'accueil et d'intégration, le CAI, à l'obtention de la carte de résident, mais il a tenu à exprimer de nombreuses et fortes interrogations. En effet, l'idée de « contrat » a une signification particulière, qui engage les parties signataires dans une interaction entre les droits et devoirs de chacune d'elle. Or, au vu des résultats de l'expérimentation du CAI conduite en 2003, des ajustements sont manifestement encore nécessaires pour que l'on puisse considérer que l'Etat a, de son côté, rempli l'ensemble de ses obligations.

De plus, la sanction de l'attribution ou non de la carte de résident ne pourra être prise sans que soit vérifiée l'objectivité de l'évaluation de la personne et la mise en place de moyens de contrôle de l'équité de la décision.

Enfin, le Conseil économique et social a tenu à faire part de son interrogation sur les moyens qui seront consacrés à l'ensemble des dispositifs - l'agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAM, le CAI, le programme régional pour l'insertion des populations immigrées le PRIPI -car il considère que le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD, garde une responsabilité en matière d'accompagnement de l'intégration et de soutien aux associations oeuvrant dans ce domaine.

La cohésion sociale est un enjeu majeur de société qui nous interpelle à la fois collectivement et individuellement. Ce projet de loi est né d'une indignation que nous partageons ; il va faire naître un espoir chez des millions de nos compatriotes. Cet espoir ne doit pas être déçu. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, rapporteur.

M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des affaires sociales du Sénat, saisie au fond, m'a fait l'honneur de me confier le volet « emploi » du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire à mes collègues de la commission, à la lecture de ce texte, mon premier sentiment fut qu'il était différent des autres.

D'abord, ce projet de loi est la traduction d'une « priorité absolue », selon les termes du Président de la République, celle de répondre à l'inquiétude de nos concitoyens. En effet, notre pays n'est plus très sûr de son modèle d'intégration républicaine, et chacun peut se sentir menacé par la régression sociale et la stagnation économique.

Ensuite, ce projet de loi est le fruit d'une mobilisation inédite, celle du « Gouvernement tout entier », pour reprendre encore une fois l'expression du Président de la République. L'architecture du pôle « emploi » le démontre, avec la création d'un grand ministère sous la conduite de Jean-Louis Borloo.

L'élaboration et le contenu de ce texte attestent de ces spécificités puisque toutes les instances représentatives du pays ont été consultées, notamment le Conseil économique et social, dont nous venons d'entendre le rapporteur.

La méthode retenue est celle d'un plan d'action pluriannuel, pour la période 2005-2009, qui couvre trois domaines : l'emploi, le logement et l'égalité des chances. Un effort budgétaire sans précédent de 12,8 milliards d'euros de crédits - vous avez eu la pudeur de ne pas le rappeler, monsieur le ministre - lui sera consacré sur la période.

Ce texte est né d'une indignation, celle qui est causée principalement par le chômage de masse, qui atteint les 10 % de la population active, voire les dépasse largement s'agissant des jeunes et dans les zones urbaines sensibles.

Le chômage de longue durée alimente le sentiment d'insécurité, d'autant que, dans notre pays, il est deux fois plus difficile de sortir du chômage qu'en Allemagne et six fois plus difficile qu'aux Etats-Unis. Le chômage est donc, chez nous, une épreuve dramatique, contrairement à ce qui se passe en d'autres pays où il peut être vécu comme une période transitoire.

Ces résultats médiocres sont d'autant moins acceptables que la politique de l'emploi mobilise 10 % du budget de l'Etat et plus de 4 % du produit intérieur brut, soit 70 milliards d'euros chaque année.

Face à ce constat, une réforme des outils de notre politique de l'emploi s'impose et le projet de loi y pourvoit par trois séries de mesures essentielles : la réforme du service public de l'emploi ; les mesures en faveur de l'emploi lui-même, qu'il s'agisse de celui des jeunes ou de celui des adultes chômeurs de longue durée ; enfin, les dispositions en faveur de la création d'entreprises.

De nombreux rapports officiels, parmi lesquels, tout récemment, le rapport Marimbert, ont dénoncé « l'éclatement » du service public de l'emploi à la française, qui distingue l'indemnisation du placement des demandeurs d'emploi.

L'indemnisation est assurée, pour l'essentiel, par l'UNEDIC, et par les ASSEDIC, même si l'Etat verse, lui aussi, des allocations de solidarité, comme l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS.

Le placement, c'est-à-dire le rapprochement des offres et des demandes d'emploi, est assumé principalement par l'Agence nationale pour l'emploi, l'ANPE, mais celle-ci coexiste avec d'autres organismes comme l'Association pour l'emploi des cadres, ingénieurs et techniciens, l'APEC, les missions locales, et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation, les PAIO, qui, comme leur nom l'indique, accueillent les jeunes.

Cette situation est source de complexité et facteur d'inefficacité.

Prenons l'exemple d'un cadre qui perd son emploi : il doit d'abord se rendre auprès des ASSEDIC pour se faire inscrire sur la liste des demandeurs d'emploi et percevoir son indemnité, puis à l'ANPE pour subir un entretien obligatoire d'élaboration de son projet d'action personnalisé, enfin à l'APEC, qui a passé convention avec l'ANPE pour effectuer le placement des cadres au chômage. Il s'écoulera en moyenne cinquante-cinq jours entre l'inscription d'un cadre aux ASSEDIC et son premier rendez-vous à 1'APEC. Or c'est seulement à ce stade que sa recherche d'emploi va véritablement pouvoir débuter. Il a donc perdu cinquante-cinq jours.

Paradoxalement, les statistiques de l'ANPE font état de 250 000 emplois non pourvus en France, ce qui montre non seulement l'inadéquation entre les formations et les besoins de l'économie, mais aussi la lenteur avec laquelle le service public de l'emploi met en relation offres et demandes d'emploi.

Le projet de loi comporte deux outils pour en améliorer le fonctionnement.

Le premier, à l'échelon national, est la conclusion d'une convention pluriannuelle, associant l'UNEDIC, l'ANPE et l'Etat, pour définir des objectifs communs à partir d'un diagnostic partagé et pour organiser la coopération de ces différentes instances.

La commission des affaires sociales a souhaité prendre en compte la formation, en proposant d'associer l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, à la conclusion de ces conventions pluriannuelles.

L'AFPA est un acteur majeur de la formation continue. Elle entretient des liens étroits avec l'Etat, son principal financeur. Elle assure des formations à visées professionnelles dans deux cents sites répartis sur l'ensemble du territoire national et joue un rôle essentiel en matière de validation des acquis et d'expérience.

La commission a aussi voulu mieux distinguer les institutions d'Etat de celles qui sont gérées paritairement pour préserver l'autonomie des partenaires sociaux. Elle vous présentera par conséquent un amendement allant dans ce sens.

Le second outil contenu dans le projet de loi, qui vise cette fois l'échelon local, est la création de trois cents maisons de l'emploi sur l'ensemble du territoire, soit environ une pour trois agences de l'ANPE.

D'ici à 2009, 1,7 milliard d'euros seront consacrés à leur mise en place et seront notamment affectés à l'embauche de 7 500 agents supplémentaires.

Les maisons de l'emploi ont vocation à fédérer les acteurs du service public de l'emploi, à offrir un « guichet unique » d'information et d'orientation et à participer aux actions de reclassement menées par les entreprises dans le cadre d'un plan de licenciements économiques.

Comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre, volontairement, le projet de loi ne précise pas la forme que doit prendre une maison de l'emploi pour laisser aux acteurs locaux la liberté de choisir la forme juridique de cette dernière et la composition de son « tour de table ».

Le projet de loi prévoit d'ouvrir l'exercice de l'activité de placement, théoriquement réservé à l'ANPE, bien qu'en pratique d'autres structures de placement existent et fonctionnent depuis longtemps, telles que les cabinets de conseil en recrutement ou les « chasseurs de tête ».

Le projet de loi tend donc à supprimer les dispositions obsolètes et inappliquées du code du travail et à légaliser l'exercice de l'activité de placement par des organismes privés préalablement déclarés. Je souligne que les prestations de ces instances ne seront bien évidemment jamais facturées aux chômeurs : elles incomberont aux seules entreprises.

Symétriquement, afin que l'ANPE s'adapte à cette nouvelle donne, son statut sera modifié pour qu'elle puisse constituer des filiales susceptibles de vendre des services payants aux entreprises. Toutefois, la commission des affaires sociales vous proposera, d'une part, de préciser clairement les activités de service public de l'ANPE, qui devront demeurer gratuites, et, d'autre part, d'apporter des garanties pour éviter les distorsions de concurrence entre l'ANPE et les prestataires privés.

La réforme du service public de l'emploi est complétée par un aménagement des obligations des chômeurs en matière de recherche d'emploi, que je qualifierai de « raisonnable ».

Ainsi, un demandeur d'emploi ne pourra plus refuser un emploi correspondant à une formation ou à une qualification que le service public de l'emploi lui a permis d'acquérir.

Par ailleurs, la contrainte de mobilité sera appréciée en tenant compte des aides au déménagement ou au transport dont le chômeur pourra bénéficier de la part de l'UNEDIC.

Enfin, en cas d'infraction aux règles d'indemnisation du chômage, les ASSEDIC et les directions départementales du travail pourront désormais réduire le revenu de remplacement, et non plus seulement le supprimer, ce qu'ils hésitaient à faire pour ne pas priver les chômeurs de leur unique source de revenu.

La commission des affaires sociales a souhaité compléter ces propositions, pleines de bon sens, d'abord en précisant que la recherche d'emploi doit se manifester par des actes répétés, ensuite, en accordant aux chômeurs qui cherchent à créer ou à reprendre une entreprise le maintien de leur revenu de remplacement, enfin, en imposant un délai à la décision du directeur départemental sanctionnant un demandeur d'emploi.

Autre grand thème de mon propos : l'insertion professionnelle des jeunes.

Le Président de la République observait qu'« il y a beaucoup trop de jeunes sans emploi et beaucoup trop d'emplois sans jeunes ». Effectivement, est-il normal que le chômage des jeunes soit deux fois plus élevé que la moyenne nationale globale ? Est-il acceptable que chaque année, dans notre pays, 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme et 60 000 sans qualification ? N'est-ce pas un signe des insuffisances de l'éducation nationale et de l'échec de notre société tout entière ?

Prenons l'exemple de l'apprentissage. C'est l'une des voies de la formation initiale qui mobilise 3 milliards d'euros. Elle a fait ses preuves mais elle reste boudée et méconnue. Livres blancs et rapports successifs ont établi le même diagnostic : l'apprentissage reste entaché d'une image négative. N'est-il pas temps d'en finir avec « l'apprentissage-ghetto » ?

La tâche sera rude car le système d'apprentissage est complexe. J'en citerai rapidement les points de blocage.

On pensait qu'en confiant l'apprentissage aux régions, la répartition des compétences deviendrait lisible. Ce ne fut pas le cas.

Le système de collecte de la taxe d'apprentissage, avec ses six cents collecteurs et un rapport supérieur à 1 milliard d'euros, est si opaque qu'il permet certaines pratiques très contestables de courtage et qu'il s'oppose au principe de libre affectation des entreprises auquel les partenaires sociaux demeurent fondamentalement attachés.

Pis, les fonds issus de la taxe d'apprentissage ne bénéficient pas en priorité à l'apprentissage, loin s'en faut !

Toutes les réformes partielles de ce dispositif n'ont fait qu'accroître la confusion.

Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale veut porter à 500 000 les effectifs des apprentis d'ici à 2009, ce qui suppose d'attirer de nouveaux publics, comme les étudiants qui se sont fourvoyés à l'université ou les jeunes chômeurs qui veulent apprendre un métier.

Il vise donc à assouplir le contrat d'apprentissage, notamment sa durée. Cette dernière est aujourd'hui d'un an minimum. Or cette exigence se solde par un taux de rupture prématuré des contrats de 25 %, voire de 50 % dans certains secteurs.

Le projet de loi permet également aux entrepreneurs de plus de 25 ans d'entrer en apprentissage.

Ensuite, il tend à renforcer l'attractivité du système en créant un crédit annuel d'impôt d'un montant de 1 600 euros à 2 200 euros en faveur des entreprises qui accueillent des apprentis et à interdire formellement les pratiques de courtage.

Enfin, le Gouvernement veut faire de l'apprentissage une filière reconnue d'éducation et s'en donne les moyens financiers grâce à un fonds de développement et de modernisation de l'apprentissage, doté de 215 millions d'euros. Ce fonds devait être initialement créé au sein du projet de loi de finances, mais il sera finalement introduit par voie d'amendement dans le présent projet de loi.

La commission des affaires sociales est bien sûr favorable à ce dispositif. Cependant, elle déplore le fait que le problème de l'apprentissage n'ait jamais été abordé globalement. Nous avons adopté certaines dispositions dans la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, d'autres dans la loi relative aux libertés et responsabilités locales. Demain, le projet de loi traitant de l'école ne manquera pas d'aborder ce sujet.

Or nous devons faire attention aux incohérences. Nos entreprises ont besoin, elles aussi, de stabilité et de visibilité. On ne peut pas utiliser l'apprentissage pour corriger les erreurs de l'éducation nationale. L'objectif de porter le nombre des apprentis à 500 000 en cinq ans est louable, mais à condition que ces apprentis trouvent des débouchés dans un métier et que le choix ne se fasse pas au détriment des lycées professionnels.

Prenons garde également à ce que le crédit d'impôt, très attractif, ne suscite pas des comportements opportunistes car il concerne aussi les entreprises qui ne paient pas la taxe d'apprentissage.

Enfin, la péréquation financière ne doit pas conduire à donner aux centres de formation d'apprentis, les CFA, les mêmes dotations financières : tous les métiers n'ont évidemment pas les mêmes besoins.

Pour sa part, la commission des affaires sociales souhaite que l'apprentissage soit une voie de formation choisie et non subie. Elle doit devenir une voie de formation initiale, égale aux autres. Pour que l'apprentissage devienne une filière de réussite reconnue de tous, il faut y sensibiliser non seulement les jeunes, mais surtout leurs parents en développant des campagnes d'information et d'orientation vers les métiers offrant de véritables débouchés. Pour répondre à ce souci, la commission vous proposera plusieurs amendements afin de valoriser la situation de l'apprenti.

Outre la réforme de l'apprentissage, le projet de loi entend traiter le problème de l'insertion professionnelle des jeunes en leur reconnaissant un véritable droit à l'accompagnement personnalisé qui sera réalisé par le réseau des missions locales pour l'emploi et des permanences d'accueil, d'information et d'orientation.

Il pourra être mis en oeuvre, mais ce n'est pas obligatoire, grâce à un outil : le contrat d'insertion dans la vie sociale, le CIVIS. Celui-ci prévoit un suivi des jeunes en vue de leur insertion dans l'emploi accompagné du versement d'une allocation pendant les périodes durant lesquelles ils ne sont ni en stage, ni détenteur d'un emploi, afin de lisser leur revenu.

Monsieur le ministre, la commission des affaires sociales entend vous faire part de ses inquiétudes quant à l'utilisation qui pourrait être faite du CIVIS.

En effet, ce contrat est aujourd'hui un outil à la disposition des régions qui peuvent en déléguer l'usage aux missions locales, mais elles ne sont pas tenues de le faire. Il existe donc un risque d'inégalité dans la qualité de l'accompagnement des jeunes, selon que les missions locales disposeront ou non du CIVIS, d'autant que la plupart des régions souhaitent développer leurs propres instruments d'insertion professionnelle des jeunes, notamment sous la forme des « emplois-tremplins », plutôt que d'utiliser cet outil conçu par le Gouvernement.

Pour éviter que le CIVIS, qui me semble être un outil prometteur, ne reste lettre morte, la commission vous proposera d'en confier la gestion à l'État. Les régions conserveront leurs compétences en matière d'accompagnement personnalisé des jeunes. Elles les exerceront, comme c'est déjà le cas aujourd'hui, en partenariat avec l'État.

M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Louis Souvet, rapporteur. J'en viens maintenant à la réforme des contrats aidés, qui concernent les adultes âgés de plus de 26 ans.

Rien n'est plus complexe que les multiples dispositifs existants. Les contrats emploi-solidarité, CES, les contrats emplois consolidés, CEC, les contrats d'accès à l'emploi, CAE, les stages d'insertion et de formation à l'emploi, SIFE, les stages d'accès à l'emploi, SAE, et autres contrats initiative-emploi, CIE, se sont accumulés au cours des décennies. Il en existe dans les secteurs privé, public, mixte. Leurs objectifs sont différents alors qu'ils visent les mêmes publics. Et je ne parle pas des stages variés dont l'efficacité, en termes d'insertion professionnelle, n'est pas toujours avérée. Il faut en finir avec toute cette confusion.

C'est précisément ce que propose le Gouvernement avec deux mots d'ordre : simplifier et rationaliser.

Pour simplifier, il faudra supprimer : ce sont les stages d'accès à l'emploi et les stages d'insertion et de formation à l'emploi qui vont disparaître car ils ne donnent qu'une occupation temporaire aux chômeurs. Or le Gouvernement veut permettre à ces derniers non d'avoir une activité mais de s'insérer durablement dans l'emploi.

La nouvelle architecture des contrats aidés s'organisera autour de quatre types de contrats, selon qu'ils s'adressent ou non aux allocataires de minima sociaux et qu'ils sont destinés à l'insertion dans le secteur marchand ou non marchand.

La commission des affaires sociales approuve la simplification du système et la liberté laissée au service public de l'emploi pour cibler les publics et les formations qui doivent être réalisées. Elle soutient la détermination gouvernementale à développer l'accompagnement des chômeurs.

Toutefois, en lisant pour la première fois le présent projet de loi, je n'ai pu m'empêcher d'observer l'accent particulier mis sur l'emploi non marchand, surtout à un moment où l'on nous annonce le retour de la croissance.

Quoi qu'il en soit, nous devons être réalistes : cette orientation est inévitable puisque ce texte vise des publics très éloignés de l'emploi. Il faut l'appréhender comme un passage obligé, comme un sas, en attendant que soit véritablement concerné le secteur productif et durable.

Par ailleurs, la commission regrette que le souci de simplification n'ait pas été mené à son terme. Je vous rejoins sur ce point, monsieur Bastide. Notre collègue Bernard Seillier ne me contredira par sur ce point, lui qui avait demandé la création d'un contrat unique. Il est à craindre que ces contrats, dont les caractéristiques sont très proches, ne se fassent concurrence entre eux. La commission est attentive à ce point.

Surtout, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous demande d'entendre les inquiétudes des communes et des départements de France. Le contrat d'avenir n'a pas, selon elle, à être géré par les maires, mais par les départements, dont la compétence en matière d'insertion ne fait pas de doute. Nous débattrons, je l'imagine, sur cette question.

J'en viens à l'aide aux chômeurs créateurs d'entreprises. En plus d'une exonération de cotisations sociales de trois ans au profit des créateurs ou repreneurs de micro-entreprises, le Gouvernement propose une réduction d'impôt de mille euros en faveur des professionnels expérimentés qui assisteront dans leurs démarches les chômeurs créant une entreprise. La commission des affaires sociales a souhaité élargir le bénéfice de ce dispositif tout en renforçant les garanties de sérieux de l'aide apportée. Pour ce faire, elle propose de confier à la maison de l'emploi la mission de contrôler la réalité de cette aide et d'accorder le bénéfice de la réduction d'impôt au contribuable qui aide, lui aussi, un membre de sa famille.

J'évoquerai enfin la disposition du projet de loi qui autorise la conclusion de contrats d'intérim en vue de faciliter l'embauche de personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale et professionnelle ou d'assurer un complément de formation au salarié. Je souhaite que le Gouvernement nous précise quelles mesures il compte prendre pour éviter une utilisation abusive de cette disposition, ce qui serait source de précarité. Des garanties analogues à celles qui sont prévues pour les contrats à durée déterminée me paraissent donc nécessaires.

En conclusion, monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'observe que le projet de loi n'inclut pas tous les programmes déclinés dans le plan de cohésion sociale, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur général du conseil économique et social. Certains d'entre vous attendaient peut-être leur exécution immédiate, mais toutes les dispositions de ce plan n'ont pas vocation à être traduites de façon législative. C'est le cas notamment des dispositions relatives au développement de l'économie solidaire ou des services d'aide à la personne. D'autres programmes requièrent au préalable la consultation des partenaires sociaux ; je pense entre autres aux dispositions relatives au recrutement des jeunes dans la fonction publique, à l'emploi des seniors, à la sécurité au travail, à la modernisation du paritarisme, au développement des emplois des services.

Manifestement, ce texte se démarque d'un projet de loi sur l'assistanat. Il nous a semblé volontaire, ambitieux, sans doute quelquefois complexe, mais la cohésion sociale est un problème compliqué. Il ne saurait être traité par quelques mesures simplistes. La démarche adoptée est globale parce que la cohésion sociale est à la fois territoriale, nationale et politique.

Nous souhaitons ardemment, mesdames, messieurs les ministres, que ce texte soit porté par la croissance économique qui s'annonce et que nos concitoyens puissent bénéficier de ce contexte particulièrement favorable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur.

Mme Valérie Létard, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'évoquerai les volets « logement » et « égalité des chances » de ce texte très attendu, que le Président de la République a présenté comme « une impulsion nouvelle pour une réorientation nouvelle qui rompt avec les logiques du passé ».

Je ne reviendrai ni sur le diagnostic, quelquefois douloureux, sur la situation sociale de notre pays ni sur les effets du chômage. Je rappellerai toutefois que la situation est également critique en termes de logement.

S'agissant tout d'abord de l'hébergement d'urgence, et malgré les efforts entrepris depuis la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions de 1998, les établissements sont aujourd'hui submergés par la demande, qui dépasse le public traditionnel des sans-abri ou des personnes en recherche d'un accompagnement social adapté.

Le surpeuplement des structures d'urgence et l'augmentation du montant des loyers dans le parc privé ont accru la demande dans le parc social. Le nombre de dossiers est passé d'environ 850 000 en 1996 à plus de 1 million en 2002. A peine la moitié des demandes peut être satisfaite dans l'année. En effet, les mises en chantier de logements locatifs sociaux sont trop limitées. Entre 1996 et 2003, le parc social ne s'est accru que de 44 000 logements par an en moyenne en France métropolitaine ; il en aurait fallu au moins le double pour répondre aux besoins.

L'accueil de ménages très défavorisés dans le parc social confronte les bailleurs à des difficultés de maintien dans les logements. En effet, une fois payés le loyer et les charges, le « reste à vivre » est d'autant plus limité que le niveau de vie est faible. Une rupture familiale ou professionnelle suffit à mettre en cause cet équilibre précaire.

Les dispositifs destinés à sécuriser les locataires en situation fragile, comme le fonds de solidarité pour le logement, sont de plus en plus sollicités. Malgré cette aide et les mesures de prévention introduites par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, le nombre des expulsions augmente depuis 1999.

Le parc privé, pour sa part, n'est pas épargné par cette crise. Le coût d'accès au logement augmente pour les ménages les plus pauvres, malgré l'impact des aides. On constate également un nombre croissant de copropriétés dégradées, dont les propriétaires ne peuvent plus payer les frais d'entretien et une tendance au surpeuplement de certains logements. La faiblesse des revenus de ces ménages les empêche d'accéder à d'autres types de logements, la pénurie s'accroît dans le parc locatif social et le parc privé peine à dégager des capacités supplémentaires, malgré les subventions de l'ANAH pour la réhabilitation des locaux vétustes et les incitations fiscales des dispositifs Besson et Robien en faveur de la construction de logements privés intermédiaires.

Parallèlement, on déplore un nombre important de logements vacants : ils sont environ 3 millions, dont 200 000 à 300 000 pourraient, semble-t-il, être remis sur le marché assez facilement.

L'égalité des chances constitue le troisième volet du texte. Elle passe d'abord par l'égalité entre les territoires, qui devrait permettre d'offrir les mêmes espoirs et les mêmes services à l'ensemble de la population. Or la réalité est bien différente. En effet, certaines communes cumulent un potentiel fiscal faible et des charges socio-urbaines très lourdes en raison des besoins de leur population, souvent jeune et défavorisée, en matière d'équipements collectifs, d'aide sociale et de services publics.

Il apparaît que la dotation de solidarité urbaine, la DSU, n'est pas suffisamment redistributive. Son mode de répartition ne prend pas en considération l'appartenance des communes aux zones prioritaires définies par la politique de la ville, c'est-à-dire leur éventuelle classification en zone urbaine sensible.

Face à ce constat, le projet de loi qui nous est présenté se veut ambitieux. Il s'agit de sortir de la crise du logement et d'offrir à chacun l'opportunité d'une évolution sociale.

En ce qui concerne le logement, des mesures sont prévues en faveur de l'hébergement d'urgence, du parc social et des bailleurs privés. En vue d'améliorer et de diversifier l'offre d'hébergements d'urgence et de logements temporaires, le texte prévoit ainsi de porter à 100 000, d'ici à 2009, le nombre total de places disponibles, soit la création de 9 800 places supplémentaires.

Par ailleurs, le projet de loi vise, de façon déterminée, à permettre aux occupants des établissements de logement temporaire d'accéder plus facilement au parc locatif social. Sur ce point, la commission des affaires sociales considère qu'il est effectivement essentiel de favoriser l'insertion de ces personnes dans le parc social, dès que leur situation le permet. Mais elle estime insuffisant de se limiter à compléter, à leur intention, la liste des personnes prioritaires pour l'attribution d'un logement locatif social. Au fil des textes, cette liste s'est en effet considérablement allongée, ce qui conduit souvent les commissions d'attribution à arbitrer entre des publics potentiellement tous prioritaires.

La commission des affaires sociales considère donc qu'il est plus judicieux, d'une part, de préciser que les commissions d'attribution conduisent leurs missions dans le respect de l'objectif de mixité sociale et en tenant compte des situations les plus urgentes et, d'autre part, de prévoir qu'elles accueillent en leur sein, avec voix consultative, un représentant des associations d'insertion et de logement des personnes défavorisées.

Un an après la création de l'Agence nationale de rénovation urbaine, le présent projet de loi constitue la deuxième étape d'un « plan Marshall » en faveur du logement social. Il s'agit de réaliser 500 000 nouveaux logements d'ici à 2009. C'est deux fois le rythme actuel. Pour faciliter la mise en oeuvre de ce programme, le projet de loi a prévu d'associer deux instruments : une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pendant vingt-cinq ans pour les logements sociaux construits entre 2005 et 2009 et la création d'établissements publics fonciers consacrés aux opérations foncières.

A cet égard, la commission des affaires sociales souhaite qu'une partie de ces crédits soit consacrée à la construction de logements sociaux de petite taille destinés à accueillir les plus jeunes, qui se retrouvent trop souvent marginalisés dans des dispositifs d'urgence. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, vos intentions en la matière ?

Par ailleurs, un nouveau dispositif est proposé pour éviter les expulsions du parc social des locataires de bonne foi présentant un impayé de loyers et de charges. Le bailleur et l'occupant pourront signer un protocole d'accord précisant les modalités de remboursement de la dette locative, par le biais d'un plan d'apurement. En contrepartie, le maintien dans le logement sera assuré et les aides aux logements rétablies auprès du ménage, afin de lui permettre de faire face aux échéances du plan d'apurement. A l'issue des deux ans d'application du protocole, l'occupant qui l'aura respecté bénéficiera à nouveau d'un bail. A défaut, la procédure d'expulsion pourra être poursuivie.

La lutte contre la pénurie de logements et l'habitat insalubre passe aussi par des actions en faveur du parc privé. Ainsi, le projet de loi prévoit, pour développer la construction de logements neufs loués à des ménages modestes, une modification du dispositif Robien et, pour lutter contre la vacance des logements privés, la dotation de l'ANAH en moyens supplémentaires pour remettre sur le marché 100 000 logements en cinq ans.

Les propriétaires qui s'engagent à louer un logement dans des conditions favorables aux ménages modestes bénéficieront d'une exonération de la contribution sur les revenus locatifs, la CRL, pendant trois ans.

Enfin, pour faire disparaître les logements insalubres, le projet de loi prévoit d'habiliter le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnances, conformément à l'article 38 de la Constitution, les mesures nécessaires à la réalisation de travaux dans les copropriétés dégradées, le cas échéant en garantissant à la collectivité publique qui effectue la réhabilitation d'office la récupération de sa créance sur les propriétaires indélicats.

La commission des affaires sociales est très favorable à ces différentes mesures, qu'elle a jugé utile de compléter de la manière suivante.

Elle a choisi de rendre le dispositif d'exonération totale de taxe foncière sur les propriétés bâties plus incitatif pour certains logements réhabilités grâce à l'ANAH et loués par une association, en prolongeant jusqu'en 2009 l'abattement de 30 % accordé aux organismes d'HLM et aux sociétés d'économie mixte, les SEM, pour les logements sociaux en zones urbaines sensibles afin d'aider les bailleurs à entretenir leur parc vieillissant.

Concernant les nouveaux établissements publics fonciers, la commission des affaires sociales demande qu'une partie de leur activité soit consacrée à la mise en oeuvre du programme de construction de 500 000 logements sociaux et que les organismes d'HLM et leurs locataires soient exonérés du paiement de la taxe spéciale d'équipement.

Pour accroître les chances de succès du protocole de prévention des expulsions dans le parc social, la commission souhaite que le fonds de solidarité pour le logement, le FSL, contribue à l'apurement de la dette locative, que la durée du protocole soit portée à cinq ans lorsque l'apurement des dettes est retardé et que le versement rétroactif des aides au logement après sa signature soit imprescriptible.

Enfin, mes chers collègues, la commission des affaires sociales vous proposera une réforme des règles applicables à la prise en compte des dettes locatives dans le cadre des procédures de surendettement. En effet, on constate, en raison d'un développement parfois anarchique des crédits à la consommation, une augmentation inquiétante des situations de surendettement, ce qui conduit dans la quasi-totalité des cas à une dette locative. Or, dans le cadre des procédures de surendettement, ces dettes ne sont pas prioritaires, notamment sur celles des établissements bancaires.

La commission des affaires sociales estime que cette situation est contraire à l'objectif du Gouvernement, qui est, d'une part, de favoriser l'accueil des personnes défavorisées dans le parc d'HLM, d'autre part, d'encourager les bailleurs privés à louer leurs biens à des ménages à faibles revenus. Elle souhaite donc corriger deux aspects de la réglementation applicable aux situations de surendettement.

En premier lieu, elle propose de prévoir que le calcul du « reste à vivre » par la commission de surendettement, après paiement des dettes, tienne compte du coût du loyer et des charges. L'objectif est d'éviter que, lorsque la situation de surendettement n'a pas encore eu d'effet sur le paiement du loyer, ce soit l'insuffisance du « reste à vivre » qui en ait.

En second lieu, elle souhaite rendre les dettes locatives prioritaires sur les dettes bancaires lors des remboursements effectués dans le cadre d'une procédure de rétablissement personnel.

J'en viens au volet « égalité des chances »

Il est prévu tout d'abord de venir en aide aux villes qui ne peuvent plus faire face à leurs charges et deviennent ainsi incapables de sortir de la spirale de la pauvreté et de l'exclusion.

C'est pourquoi il est proposé de modifier les règles de répartition de la DSU au profit des communes de moins de 200 000 habitants comptant sur leur territoire une zone urbaine sensible et/ou une zone franche urbaine. La commission des affaires sociales approuve cette réforme, d'autant qu'une clause de sauvegarde permet à toutes les villes de recevoir au moins une dotation équivalente à celles dont elles ont bénéficié en 2004.

Par ailleurs, la totalité des communes éligibles à la DSU bénéficieront, pendant la période 2005-2009, d'une mesure temporaire de rattrapage du niveau de la dotation : un versement supplémentaire de 120 millions d'euros par an, pris sur la dotation globale de fonctionnement des communes et de leurs groupements, sera opéré au profit de la DSU afin de porter, en 2009, son enveloppe à 1,2 milliard d'euros.

Le texte comporte également un volet éducatif, avec pour objectif de contrer l'échec scolaire et de venir en aide, le plus tôt possible, aux élèves confrontés à des difficultés dans leur environnement social ou familial.

Dans ce but, des dispositifs de réussite éducative doivent rassembler l'ensemble des professionnels, enseignants, éducateurs, médecins scolaires, psychologues, travailleurs sociaux, et tous les autres.

Ces dispositifs seront dotés, pour la période 2005-2009, de près de 1,5 milliard d'euros.

La commission vous proposera, mes chers collègues, d'introduire une définition de ces dispositifs de réussite éducative afin de préciser le public ciblé, leur mission et les structures juridiques.

Pour ce qui est de leur mise en oeuvre, la commission souhaiterait obtenir de votre part, madame la ministre déléguée, des précisions quant à leur articulation avec les dispositifs existants, qu'il s'agisse, par exemple, des réseaux d'éducation prioritaire, les REP, des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, des contrats petite enfance ou encore des contrats éducatifs locaux, les CEL.

Concernant l'égalité entre les hommes et les femmes, il est d'abord prévu d'accorder à tous les salariés qui reviennent d'un congé maternel ou parental un entretien d'orientation professionnelle, notamment pour envisager le suivi d'une formation de remise à niveau.

Il s'agit, en outre, d'encourager les partenaires sociaux à conclure des accords pour prendre en compte en totalité, et non plus à 50 %, le temps d'absence lié au congé parental dans l'ancienneté des salariés.

Enfin, parce que la cohésion sociale est aussi la cohésion nationale, vous proposez, monsieur le ministre, une refonte de la politique de l'intégration, dont les moyens sont éclatés entre les services centraux et déconcentrés de l'Etat, les établissements publics et les associations. Il en résulte une déperdition de moyens et une pluralité d'objectifs concurrents.

L'enjeu est de taille. Chaque année, près de 100 000 étrangers, qu'il faut accueillir puis intégrer, s'installent dans notre pays. L'objectif est donc de prévenir et de sanctionner les discriminations, particulièrement dans l'accès à l'emploi ou au logement.

Mais choisir de vivre en France, c'est avoir la volonté de s'intégrer à la société française et accepter de respecter les valeurs fondamentales de la République. Le Gouvernement a donc mis en place en juillet 2003 un contrat d'accueil et d'intégration.

Ce contrat est une véritable charte des valeurs républicaines destinée aux étrangers qui souhaitent s'installer dans notre pays. Il doit constituer le premier acte d'engagement réciproque entre l'État et les primo-arrivants.

Au cours du premier semestre 2004, près de 12 500 contrats ont été signés, soit une progression de 50 % par rapport à l'année précédente. Ce succès a encouragé le Gouvernement à donner une base légale au contrat d'accueil et d'intégration et à faire de sa signature l'un des éléments d'appréciation de la délivrance d'un titre de séjour.

Par ailleurs, sur la base des recommandations du Haut conseil à l'intégration, le comité interministériel à l'intégration du 10 avril 2003 a décidé la création d'un opérateur public national. Le présent projet de loi concrétise cette demande en proposant la fusion de l'Office des migrations internationales et de l'Association du service social d'aide aux migrants en une structure unique, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations.

Parce que l'une des conditions de l'intégration est de pouvoir s'exprimer, le projet de loi propose également de tenir compte, parmi d'autres critères, d'une connaissance suffisante de la langue française ou de l'engagement à l'acquérir ultérieurement lors de l'examen des demandes de permis de travail.

Mes chers collègues, la commission des affaires sociales a porté la plus grande attention à ces dispositions fondamentales.

Nous n'avons pas jugé utile de rendre obligatoire le contrat d'intégration afin de lui conserver sa valeur d'engagement, mais nous souhaitons que le contrat d'intégration soit individualisé, et non pas collectif comme c'est parfois le cas aujourd'hui, et qu'il soit solennellement indiqué dans la loi que la signature de ce contrat suppose le respect des lois démocratiques et des valeurs fondamentales de la République.

Nous avons également considéré qu'il était utile d'affirmer la mission d'action sociale spécialisée qu'aura à assumer la nouvelle agence d'accueil des immigrés.

Enfin, s'agissant des programmes régionaux d'intégration dont le Gouvernement propose la création, la commission souhaite améliorer leurs conditions d'élaboration en créant des passerelles entre ces programmes et les autres structures compétentes en matière d'accueil et d'intégration. Dans ce domaine également, la commission sera intéressée d'entendre, madame la ministre déléguée, comment vous envisagez l'articulation entre les différents dispositifs.

Par ailleurs, la politique d'intégration étant du ressort de l'État, la participation des collectivités territoriales doit rester facultative.

La réussite des dispositions ambitieuses de ce projet de loi dépendra bien évidemment de la mobilisation de tous les acteurs, collectivités territoriales, associations, entreprises ou services déconcentrés de l'État. C'est pourquoi nous croyons en leur engagement en faveur de la cohésion sociale.

Telles sont, monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, les principales observations et propositions de la commission des affaires sociales sur ces volets du texte. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je demande une brève suspension de séance.

M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Alain Gournac, rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des affaires sociales m'a fait l'honneur de me confier l'examen des huit articles relatifs aux restructurations d'entreprise et au reclassement des salariés, introduits, par voie de lettre rectificative, dans le projet de loi de cohésion sociale.

Ces dispositions comportent des avancées réelles des droits des salariés, notamment de ceux qui travaillent dans les petites et moyennes entreprises, et trouvent donc naturellement leur place dans le volet « emploi » de ce texte.

Les partenaires sociaux ont négocié pendant plusieurs mois, sans parvenir à un accord, pour définir de nouvelles règles relatives au licenciement économique.

Pour donner à la négociation toutes ses chances d'aboutir, j'avais déposé une proposition de loi, adoptée au mois de juin dernier, pour prolonger de six mois la période de suspension des dispositions les plus contestables de la loi de modernisation sociale et laisser plus de temps aux partenaires sociaux.

Constatant l'échec des négociations, le Gouvernement prend aujourd'hui ses responsabilités et saisit le Sénat de ce projet de réforme, qui, je crois utile de le signaler, est le fruit d'une longue concertation avec les organisations syndicales et patronales.

Ce texte abroge, tout d'abord, les dispositions jusqu'ici suspendues de la loi de modernisation sociale. Elles avaient fait l'objet de vives critiques de la part de la commission au moment de leur adoption, au début de l'année 2002, en raison des contraintes excessives qu'elles faisaient peser sur nos entreprises. Nous avons donc, bien évidemment, approuvé le principe de leur abrogation.

Il ouvre, ensuite, de nouveaux champs à la négociation collective, dans le but de prévenir et de mieux gérer les procédures de licenciement. Il autorise la conclusion « d'accords de méthode » définissant la procédure applicable en cas de licenciements économiques et les modalités de négociation du plan de sauvegarde de l'emploi.

Il crée également une obligation de négocier, tous les trois ans, dans les entreprises de plus de trois cents salariés : selon la rédaction actuelle du texte, cette négociation porte sur la stratégie globale de l'entreprise et ses effets prévisibles sur l'emploi, sur la mise en place d'un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ainsi que sur le maintien dans l'emploi des salariés âgés.

La commission a adopté sur cet article un amendement destiné à corriger une erreur manifeste survenue dans la rédaction du texte : cette dernière fait actuellement référence à une obligation de « négocier sur la stratégie de l'entreprise », alors que les travaux préparatoires employaient les termes de « négociation sur les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise » sur la stratégie de l'entreprise.

Une autre innovation importante du texte réside dans la création d'un droit à convention de reclassement personnalisé au profit des salariés des entreprises de moins de 1.000 salariés.

Vous le savez, dans le droit actuel, les personnes licenciées par une entreprise de plus de 1.000 salariés ont accès, de droit, à un congé de reclassement, ce qui n'est pas le cas pour les salariés des entreprises de taille inférieure, alors même qu'ils constituent 80 % des licenciements pour motif économique.

Le présent texte corrige cette inégalité. Ces salariés se verront dorénavant proposer une convention de reclassement leur permettant de bénéficier d'actions d'orientation, d'évaluation des compétences et de formation, destinées à favoriser leur retour rapide vers l'emploi. Les salariés licenciés pourront également activer le reliquat de leur droit individuel à la formation.

Le financement de ce nouveau dispositif sera partagé entre l'employeur, le régime d'assurance-chômage, les organismes participant au service public de l'emploi et l'État, le cas échéant.

La commission s'est déclarée favorable à cette disposition. Elle a toutefois souhaité mieux définir la durée des conventions de reclassement, dont il n'est fait aucune mention dans le projet de loi alors que c'est un élément capital du dispositif. Elle a également voulu tenir compte des inquiétudes des PME, en allégeant autant que possible leurs charges financières, sans bouleverser l'équilibre du texte négocié par les partenaires sociaux.

Autre point fondamental : vous savez combien une vague de licenciements économiques effectuée par une grande entreprise peut avoir de conséquences désastreuses pour un bassin d'emploi. Pour mieux faire face à ce type de situation, le projet de loi crée un nouveau dispositif de revitalisation des bassins d'emplois affectés par un grand plan de licenciements économiques.

Les grandes entreprises ont l'obligation de contribuer à la création d'activités et d'emplois nouveaux. Les entreprises de taille plus réduite ont une obligation atténuée : l'État est chef de file pour mener à bien les actions de revitalisation nécessaires dans le bassin d'emploi et il définit, par voie de convention, la contribution que peut apporter l'entreprise. Pour améliorer le dispositif proposé par le Gouvernement, la commission vous propose quelques modifications, notamment pour prévoir une mobilisation plus forte de l'État, un suivi, une évaluation plus efficace de la mise en oeuvre des mesures de revitalisation.

Les autres mesures prévues par le texte sont de nature plus technique, sans pour autant être négligeables.

Par exemple, il revient sur une jurisprudence inadéquate qui dissuade les entreprises de s'adapter en proposant à leurs salariés des modifications de leur contrat de travail.

Il réduit des délais de recours excessivement longs, afin de sécuriser les procédures de licenciement sur le plan juridique. Les actions en référé portant sur la procédure de consultation du comité d'entreprise devront être introduites dans un délai de quinze jours ; les recours portant sur la régularité de la procédure de licenciement devront intervenir au plus tard douze mois après qu'elle se sera achevée. La commission considère que ces délais réalisent un bon équilibre entre le besoin de sécurité juridique des entreprises et la nécessité de préserver la capacité des salariés d'ester en justice.

D'autres dispositions concernent le fonctionnement du comité d'entreprise. Il est précisé en particulier que les chefs d'entreprise ne sont pas tenus d'informer le comité d'entreprise avant le lancement d'une OPA offre publique d'achat ou d'une OPE offre publique d'échange.

Cette question, vous vous en souvenez certainement, avait déjà été débattue dans le cadre de l'examen de la loi de modernisation sociale, qui avait posé la règle inverse : le comité d'entreprise devait obligatoirement être informé par avance du lancement d'une offre. Cette formule présentait de gros risques au regard du droit boursier en ce qu'elle multipliait les occasions de délit d'initié. La nouvelle formule qui nous est proposée vise à éviter ce risque...

M. Guy Fischer. C'est ce qu'on dit !

M. Roland Muzeau. C'est de la blague !

M. Alain Gournac, rapporteur... tout en préservant les droits du comité d'entreprise, qui devra être informé dans un délai très bref après que l'offre aura été rendue publique.

Au total, ce texte présente un ensemble de mesures équilibrées...

Mme Hélène Luc. Pas du tout !

M. Alain Gournac, rapporteur. ...qui met fin aux défauts les plus criants de la loi de modernisation sociale tout en offrant des garanties équitables aux salariés.

Mme Nicole Bricq. Tu parles !

M. Alain Gournac, rapporteur. Pour cette raison, la commission s'est déclarée favorable à son adoption, sous réserve du vote des amendements que je vous présenterai. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Hyest, en remplacement de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, chers collègues, je vous prie d'excuser notre excellent collègue Jean-Patrick Courtois, qui n'a pu malheureusement être présent aujourd'hui et que je vais essayer de suppléer.

Dix articles du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale ressortissant au champ de compétences de la commission des lois ont justifié sa saisine pour avis : les articles 31, 53 et 59, qui ont respectivement trait aux délégations de compétences entre collectivités territoriales, aux dispositifs de lutte contre l'habitat indigne et à la péréquation, et les articles 60 à 66, relatifs à l'accueil et à l'intégration des personnes issues de l'immigration. A cet égard, je tiens à signaler à nos collègues que, contrairement à ce qui a pu être dit, le rapporteur a procédé à des auditions sur ces matières.

L'article 31 prévoit que les conseils généraux et régionaux doivent se prononcer, dans un délai de six mois et par une délibération motivée, sur les demandes de délégation de compétence qui leur sont adressées par les communes.

Vous vous rappelez sans doute que la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ne leur a imposé une telle obligation que pour les demandes émanant des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Il paraissait donc normal que la même règle s'applique aux communes.

S'il est présenté comme une mesure de simple coordination, l'article 31 introduit, selon nous, une innovation importante à laquelle la commission des lois souscrit dans la mesure où elle permettra de donner une véritable portée au principe de subsidiarité inscrit à l'article 72 de la Constitution par la révision du 28 mars 2003.

Il est légitime que les communes puissent obtenir une réponse à leurs demandes de délégation et le risque d'encombrement de l'ordre du jour et de paralysie des conseils généraux et régionaux paraît extrêmement ténu.

L'article 53 a pour objet d'habiliter le Gouvernement à réformer par voie d'ordonnances les dispositifs de lutte contre l'habitat indigne.

Cette nouvelle demande d'habilitation, après celles que nous avons examinées la semaine dernière, est conforme aux dispositions de l'article 38 de la Constitution : l'objet et la finalité des mesures susceptibles d'être prises par voie d'ordonnances sont précisément définis.

La commission des lois y souscrit car les procédures sont trop lourdes pour être efficaces, les responsabilités respectives de l'Etat et des collectivités territoriales mal définies et les droits des occupants insuffisamment garantis. Tous les maires qui ont eu à connaître de ces problèmes savent parfaitement qu'il est impossible de faire aboutir les procédures.

L'article 59 a pour objet de réformer la dotation de solidarité urbaine afin de renforcer la péréquation, qui constitue, depuis la révision du 28 mars 2003, un objectif de valeur constitutionnelle.

La réforme proposée consiste, d'une part, à prévoir une majoration du montant de la dotation de solidarité urbaine de 120 millions d'euros par an pendant cinq ans, de 2005 à 2009, financée par un prélèvement sur le montant de la progression de la dotation globale de fonctionnement des communes et des établissements publics de coopération intercommunale, d'autre part, à concentrer l'augmentation des crédits de cette dotation sur les communes ayant des zones urbaines sensibles et des zones franches urbaines, tout en garantissant aux communes éligibles que leur dotation individuelle ne sera pas inférieure à celle qu'elles ont reçue en 2004.

M. Gérard César. Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Tout cela doit être rappelé, après certaines déclarations qui ne correspondaient pas à la réalité.

M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur pour avis. Parallèlement, le projet de loi de finances pour 2005, s'inspirant des conclusions établies en juillet 2004 par un groupe de travail du Comité des finances locales, comporte des dispositions destinées à modifier les critères de répartition de la dotation globale de fonctionnement afin de mesurer objectivement les écarts de richesse et de mieux cibler l'effort de l'Etat consacré à la péréquation sur les collectivités les plus défavorisées.

Tout en souscrivant pleinement à l'esprit des mesures proposées, la commission des lois a adopté deux amendements ayant respectivement pour objet : d'affecter à la dotation de solidarité urbaine un cinquième de l'augmentation annuelle du montant de la dotation globale de fonctionnement, dans la limite d'un plafond de 120 millions d'euros, entre 2005 et 2009, afin de ne pas pénaliser la progression des autres composantes de cette dotation ; de substituer un coefficient unique aux deux coefficients de majoration prévus au bénéfice des communes ayant des zones urbaines sensibles et des zones franches urbaines, afin d'en réduire la portée et d'accroître ainsi le nombre des communes bénéficiaires des augmentations de la dotation de solidarité urbaine.

En effet, il existe de nombreuses communes qui, sans disposer de zones franches urbaines ou de zones urbaines sensibles, n'en éprouvent pas moins de grandes difficultés.

S'agissant par ailleurs de l'accueil et de l'intégration des personnes issues de l'immigration, le projet de loi tend à mettre un terme à la faiblesse, voire à l'inexistence de l'action de l'Etat en ce domaine. Il a ainsi pour objet de donner une base législative au contrat d'accueil et d'intégration, qui devrait se généraliser après avoir été expérimenté depuis le 1er juillet 2003.

La situation de l'immigration en France nécessitait la mise en place d'une vraie politique d'accueil des étrangers. L'immigration permanente a augmenté de 10 %  en 2002, soit au même rythme que celui que l'on a pu observer annuellement depuis 1999 : 156 000 nouveaux entrants pour la France entière en 2002, contre 141 000 en 2001 et 127 000 en 2000.

Face à ces flux, notre pays n'a pas su réagir et mettre en place une politique volontaire coordonnant l'accueil et l'intégration. Les contacts entre l'Etat et les primo-arrivants se limitent souvent aux formalités administratives effectuées en préfecture, et on ne peut pas dire que l'accueil soit toujours chaleureux.

Conformément aux grandes orientations définies par le comité interministériel à l'intégration du 10 avril 2003, le présent projet de loi réorganise le dispositif d'accueil des étrangers afin de mettre en place de véritables « parcours d'intégration » en faveur des primo-arrivants. Les premiers contacts avec la société d'accueil sont en effet décisifs pour la suite du processus d'intégration.

Pour y parvenir, le projet de loi prévoit la création d'un opérateur unique chargé d'assurer un accueil personnalisé à l'ensemble du public concerné. A cette fin, l'article 60 tend à instituer l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, chargée de ce service public de l'accueil des étrangers en France. Cette agence reprendrait, pour l'essentiel, les missions actuellement dévolues à l'Office des migrations internationales, l'OMI, et à l'association Service social d'aide aux émigrants, SSAE.

En regroupant les moyens de ces deux opérateurs majeurs, le nouvel ensemble disposerait d'un budget de plus de 70 millions d'euros et d'un effectif d'environ 900 personnes couvrant tout le territoire. Sa taille en ferait le coordonnateur et l'organisateur naturel de ce service public, qui s'articule autour de plates-formes d'accueil regroupant l'ensemble des intervenants, notamment les associations et les collectivités territoriales. Cette logique de guichet unique devrait solenniser l'accueil de l'étranger sur le territoire français.

Ce service public de l'accueil serait organisé autour d'un instrument principal, le contrat d'accueil et d'intégration, le CAI, proposé à tout étranger admis pour la première fois au séjour en France en vue d'une installation durable.

L'article 61 du projet de loi tend à définir le contenu, le régime et les effets attachés au contrat d'accueil et d'intégration. Ce contrat, expérimenté depuis juillet 2003, se verrait ainsi conférer une base légale. Les conditions dans lesquelles l'étranger signataire bénéficierait d'actions destinées à favoriser son intégration ainsi que les engagements qu'il prendrait seraient précisés par un décret en Conseil d'Etat. Celui-ci devrait s'inspirer de l'expérimentation en cours et des premières évaluations.

L'accent serait mis sur l'acquisition d'une maîtrise satisfaisante de la langue française, vecteur essentiel de l'intégration. A cet égard, le présent projet de loi programme 20 millions d'euros supplémentaires en 2005 et 32 millions d'euros supplémentaires par an entre 2006 et 2009 au profit du fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, afin que ce dernier finance des formations linguistiques dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration.

Simplement proposé - et non imposé - le contrat d'accueil et d'intégration serait un des éléments pris en compte pour apprécier la condition d'« intégration républicaine dans la société française» prévue au quatrième alinéa de l'article 14 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

En effet, la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, a subordonné, dans la majorité des cas, la délivrance d'une première carte de résident valable dix ans à l'« intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de sa connaissance suffisante de la langue française et des principes qui régissent la République française ». Les travaux parlementaires sur ce texte avaient déjà évoqué la prise en compte à terme du contrat d'accueil et d'intégration pour apprécier la condition d'intégration.

L'article 62 du projet de loi a pour objet de subordonner la délivrance à un étranger d'une autorisation à exercer une profession salariée, en cas d'installation durable en France, à l'attestation d'une connaissance suffisante de la langue française ou à l'engagement d'acquérir cette connaissance après son installation en France. Cette nouvelle obligation ne toucherait en réalité que les travailleurs permanents titulaires d'une autorisation de travail d'au moins un an, soit environ 7 500 personnes chaque année. L'objectif est de mieux intégrer cette catégorie de la population étrangère, qui a le plus souvent vocation à rester en France et à demander, après quelques années, le bénéfice du regroupement familial.

Sur l'ensemble de ces dispositions relatives à l'accueil et à l'intégration des primo-arrivants, la commission des lois vous soumet quelques amendements, pour la plupart techniques ou rédactionnels, le dispositif proposé apparaissant en l'état équilibré.

Toutefois, la commission souhaite attirer votre attention, mes chers collègues, sur les conditions de l'intégration de l'association Service social d'aide aux émigrants, dont la quasi-totalité des missions est transférée à la future Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations par ce projet de loi.

A cet effet, la commission des lois a déposé un amendement qui tend à mieux reconnaître l'apport du SSAE aux missions de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations en dotant cet organisme d'une vraie compétence en matière d'action sociale spécialisée.

Par ailleurs, la commission des lois entend interroger le Gouvernement, lors de l'examen de l'article 64 du présent projet de loi, sur les conditions sociales et économiques du transfert des personnels du SSAE à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, et notamment sur les garanties et les compensations que prévoira le décret portant intégration de ces personnels.

Vos explications, monsieur le ministre, seront, je l'espère, susceptibles de rassurer ces personnels et donc de créer les conditions d'une intégration sereine.

Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve de la prise en compte des amendements qu'elle a déposés, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des dispositions du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale dont elle s'est saisie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, rapporteur pour avis.

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des affaires économiques a souhaité se saisir pour avis de l'ensemble des articles du titre II du projet de loi soumis à notre examen, articles relatifs au logement et à l'urbanisme, domaines qui sont pleinement de la compétence de la commission.

Même si ces dispositions ne forment que l'un des nombreux volets du plan de cohésion sociale, elles n'en ont pas moins une importance capitale, car le logement, ferment de l'intégration sociale, constitue le ciment de la cohésion de notre société. Placé au coeur de la vie quotidienne des Français, il représente l'un des principaux postes de dépenses des ménages, qu'ils soient locataires ou propriétaires.

Or le secteur de l'habitat connaît aujourd'hui une crise qui n'a d'égale dans notre histoire, comme le rappelait M. le ministre, que celle qui a frappé notre pays à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Même s'il est évident - toutes les études sur le sujet le démontrent - que les conditions de logement de nos concitoyens sont sans commune mesure avec celles qui prévalaient il y a cinquante ans, il n'en reste pas moins que l'on assiste à une grave pénurie de l'offre, privée et sociale, conjuguée à une très forte augmentation de la demande.

Cette inadéquation croissante entre l'offre et la demande pénalise gravement en premier lieu les ménages les plus modestes, qui éprouvent d'immenses difficultés à obtenir un logement social ou ne trouvent pas à se loger pour un coût raisonnable.

Pour résumer, on pourrait brosser le tableau suivant.

D'abord, les candidats à la location dans le parc social sont confrontés à un allongement considérable des files d'attente ; j'illustrerai ce constat par deux chiffres : le nombre de demandeurs de logements sociaux s'élevait en 2002 à plus de 1,3 million, dont 100 000 pour la seule ville de Paris.

Ensuite, les candidats à la location dans le parc privé se heurtent à une envolée vertigineuse des loyers qui concerne bien évidemment la capitale et sa banlieue, mais aussi toutes les grandes agglomérations de province.

Enfin, les candidats à l'accession à la propriété sont confrontés à une explosion des prix du foncier et de l'immobilier depuis 1998 que les dispositifs de soutien mis en place par les pouvoirs publics, et notamment le prêt à taux zéro, ne parviennent pas à atténuer.

Cette crise de l'ensemble des maillons de la chaîne du logement, qui empêche tout parcours résidentiel ascendant pour nos concitoyens les plus démunis, impose la définition et la mise en oeuvre d'une politique extrêmement volontariste. Il n'est en effet pas digne, mes chers collègues, qu'un pays développé comme le nôtre soit incapable de proposer un toit à tous ses citoyens, alors que l'accès au logement constitue la première étape indispensable pour l'intégration des personnes dans la société, l'absence ou la perte d'un logement conduisant, quant à elle, presque toujours à la marginalisation.

A ce titre je me réjouis, monsieur le ministre, de la présentation rapide devant le Parlement de ce projet de loi, qui tend à apporter une première réponse urgente à cette grave crise.

Sans revenir de manière exhaustive sur les mesures proposées dans le texte, je souhaiterais indiquer que la commission des affaires économiques soutient pleinement l'exercice de programmation qui est proposé.

Il s'agit, en premier lieu, de mesures financières visant à porter les capacités du secteur de l'hébergement et du logement temporaire à un niveau de 100 000 places en 2007. Ce dispositif est fondamental car il garantit un toit, fût-il provisoire, aux personnes les plus désocialisées.

La commission se félicite, en second lieu, du plan en faveur du développement du parc locatif social. Afin d'enrayer la chute du nombre de constructions dans le logement locatif social - chute constatée depuis le milieu des années quatre-vingt-dix et qui a atteint son paroxysme en 1999, avec moins de 38 000 logements sociaux construits - l'article 41 du projet de loi prévoit la réalisation de 500 000 logements sociaux entre les années 2005 et 2009, dont 90 000 logements réalisés dès la première année.

M. Roland Muzeau. Personne n'y croit !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un effort très important - on n'avait pas observé un tel rythme de construction depuis 1994 - qui vient s'ajouter à l'exécution du programme national de rénovation urbaine, lequel prévoit déjà la démolition, puis la reconstruction de 200 000 logements sociaux, et ce sur la même période 2004-2008.

M. Roland Muzeau. Cela ne se fera jamais ! On sait bien comment les maires de droite agiront ! On verra à Neuilly !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Eh oui, monsieur Muzeau, vous, vous estimiez qu'il n'y avait rien à faire, puisque moins de 38 000 logements sociaux ont été construits en 1999, quand vous étiez au pouvoir ! C'est ce que nous ne voulons plus !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Si la crise du logement prend ses racines dans une crise du financement public, elle est aussi due à la pénurie de terrains constructibles. Qu'il s'agisse des grandes agglomérations, soumises à des phénomènes de spéculation foncière, ou des régions en déclin, touchées, à l'inverse, par la multiplication d'espaces dégradés, la pénurie de terrains disponibles nécessite une intervention publique volontariste ; il ne suffit pas de dire, comme je viens de l'entendre : « On ne peut rien faire ! ».

M. Roland Muzeau. C'est vous qui le dites !

M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques se félicite, à cet égard, du renforcement du rôle des établissements publics fonciers prévu par le projet de loi. Ces derniers ont fait la preuve de leur efficacité et sont précieux pour les collectivités territoriales, à condition qu'ils gardent une certaine souplesse de fonctionnement. N'oublions pas qu'ils doivent être des instruments mis à la disposition des élus locaux.

En dernier lieu, le titre II du projet de loi comporte des mesures en faveur du développement du parc locatif privé.

La principale d'entre elles, portée par l'article 50, prévoit l'affectation de 70 millions d'euros en 2005, puis de 140 millions d'euros de 2006 à 2009 au bénéfice de l'ANAH, sommes qui viendront s'ajouter à celles qui sont nécessaires à cet organisme pour l'exercice de ses activités régulières. Ces moyens supplémentaires devraient lui permettre de remettre sur le marché locatif des logements privés vacants et de produire une offre nouvelle de 200 000 logements locatifs à loyers maîtrisés.

La commission des affaires économiques souscrit pleinement à cette politique de renforcement des capacités d'intervention de l'Agence. Elle a eu l'occasion à de nombreuses reprises - sous votre autorité, monsieur Larcher, lorsque vous étiez président de la commission des affaires économiques - de souligner le rôle exemplaire joué par l'ANAH en matière de lutte contre l'habitat dégradé et d'action en faveur de l'aménagement du territoire.

Tout en souscrivant à la philosophie générale des propositions faites par le Gouvernement, la commission des affaires économiques a souhaité proposer plusieurs modifications à ce texte, concernant tout d'abord la place des collectivités territoriales dans les politiques de l'habitat. Ces dernières occupent d'ores et déjà une place éminente dans la conduite de ces politiques, comme le démontre notamment leur participation financière non négligeable, à hauteur de 500 millions d'euros environ en 2002. Leur rôle est d'ailleurs appelé à s'accroître avec la loi sur les libertés et responsabilités locales, qui leur donne la faculté de devenir délégataires de la gestion et de l'attribution des aides à la pierre.

Il est, selon moi, évident que toute politique nationale du logement, si elle veut réussir, doit désormais tenir compte des collectivités locales et doit faire des élus locaux de véritables partenaires de l'Etat pour répondre à la crise de l'offre.

Ainsi, pour ce qui concerne ce projet de loi, la commission des affaires économiques a principalement souhaité prévoir explicitement que les établissements publics de coopération intercommunale et les départements délégataires de la politique de l'habitat seront associés à la définition et à la mise en oeuvre locales des programmes de rattrapage de construction sociale et de développement du parc privé conventionné.

Elle a également souhaité aménager les règles relatives à la délégation du contingent préfectoral de logements locatifs sociaux en prévoyant, sans modifier l'économie générale du dispositif adopté par la loi du 13 août 2004, le transfert aux EPCI délégataires de tout ou partie du contingent préfectoral.

Ce souci d'une étroite association des collectivités territoriales a également conduit la commission à préciser que les politiques menées par les établissements publics fonciers devront tenir compte des priorités définies dans les programmes locaux de l'habitat et à prévoir la consultation des établissements publics de coopération intercommunale lors de la création de ces établissements.

En outre, afin de compléter les dispositions du projet de loi relatives à la lutte contre la vacance des logements, la commission a souhaité donner la possibilité aux organismes d'HLM de prendre en gérance des logements privés vacants et de les gérer en tant que syndics et administrateurs de biens.

Enfin, la commission des affaires économiques proposera deux amendements, dont l'adoption apparaît assez urgente, relatifs aux opérations de mixité sociale et à la location-accession.

D'une part, elle a souhaité que les organismes d'HLM puissent acquérir des parts de sociétés civiles immobilières d'accession à la propriété afin de participer à la réalisation d'opérations de mixité sociale.

D'autre part, elle soumettra un amendement tendant à mettre en cohérence la loi du 12 juillet 1984 définissant la location-accession avec le nouveau prêt social de location-accession, créé l'année dernière à l'occasion de la loi de finances pour 2004.

Tout en jugeant très positives les mesures prévues par le présent projet de loi, je tiens à souligner que d'autres réformes importantes sont attendues dans le domaine du logement et de l'urbanisme ; elles devraient être présentées dans le projet de loi « habitat pour tous », annoncé pour l'année prochaine.

J'appelle de mes voeux une présentation rapide de ce texte, car, en raison des enjeux liés à l'actuelle pénurie de logements, il est urgent de stimuler l'ensemble des maillons de la chaîne du logement, qu'il s'agisse aussi bien du secteur locatif privé ou social que de l'accession à la propriété. En effet, sans une politique globale volontariste, les acteurs publics ne pourront répondre à une aspiration légitime de tous nos concitoyens en matière de logement : avoir la possibilité d'effectuer un parcours résidentiel ascendant.

En conclusion, sous réserve de l'adoption d'une vingtaine d'amendements, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable enthousiaste à l'adoption de ce projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Je remercie d'ailleurs tous les membres de la commission puisque les amendements proposés par son rapporteur ont été adoptés à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Paul Girod, rapporteur pour avis.

M. Paul Girod, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, il n'est évidemment pas utile, en cet instant, d'insister sur l'importance du projet de loi qui nous est soumis. Celui-ci s'inspire de la constatation faite par M. le ministre au moment de la présentation du plan de cohésion sociale, le 30 juin 2004 : le chômage et les inégalités sociales sont maintenant largement en tête des préoccupations des Français.

La commission des finances a voulu se saisir, d'une part, de l'équilibre de ce texte, de la charge totale que représentait cette ambition, ainsi que de la programmation et de son adéquation à la réalité, d'autre part, d'un certain nombre d'articles, dont celui qui est relatif à la DSU.

Je souhaiterais formuler trois séries d'observations.

Première observation : le plan de cohésion sociale est ambitieux. Se voulant à rebours d'une « approche cloisonnée », il comporte trois piliers : l'emploi, le logement et l'égalité des chances, qui constituent en quelque sorte le résumé des difficultés faces auxquelles se débattent un certain nombre de nos concitoyens. M. le ministre a eu le mérite d'avoir regroupé l'ensemble de ces questions.

Le premier pilier est la mobilisation pour l'emploi. Je ne reprendrai pas dans le détail ce qu'ont excellemment expliqué M. le ministre et MM. les rapporteurs. Je souhaiterais néanmoins souligner un point particulier sur lequel s'est penchée la commission des finances, après avoir noté avec intérêt l'assouplissement que représente la mise en place des maisons de l'emploi.

L'amélioration du service public de l'emploi passe par la fin du « monopole de placement » de l'ANPE. Sans doute est-il nécessaire de rafraîchir l'institution.

Pour la commission des finances, le vrai problème est la relance de l'apprentissage, qui entraîne un certain nombre de dépenses : 472 millions d'euros sous forme d'un crédit d'impôt utile et nécessaire sous réserve que ceux qui en bénéficieront éventuellement trouvent des apprentis.

Mesdames, messieurs les ministres, il conviendrait de prendre contact avec l'éducation nationale afin que cette voie d'entrée dans la vie active ne soit pas aussi dévalorisée qu'elle l'est actuellement par un trop grand nombre d'enseignants. Il faudrait par conséquent que votre ambition de voir 500 000 apprentis ne dépende pas uniquement d'un crédit d'impôt mais qu'elle résulte aussi d'un changement de mentalité.

Je profite de cette occasion pour vous féliciter d'avoir envisagé de clarifier le système de la taxe d'apprentissage, qui ne satisfaisait plus personne. Cette simplification nous permettra peut-être d'y voir plus clair. Le fonctionnement des entreprises devrait en être facilité, même si le passage au régime du crédit d'impôt ne s'opérera pas « au franc le franc » pour chacun.

Le présent projet de loi prévoit la refonte des outils mobilisables pour le retour à l'emploi. La commission des finances attendait cette simplification depuis longtemps, mais l'on peut se demander si vous avez eu raison de garder quatre contrats au lieu de n'en retenir qu'un seul. Les commissions spécialisées donneront leur avis sur ce point précis.

Sont également prévues des mesures favorisant les créations d'entreprises par les chômeurs. Permettez-moi, mesdames, messieurs les ministres, d'émettre une petite réserve à ce sujet, car je ne suis pas tout à fait persuadé que ces entreprises seront plus solides que d'autres. Elles le seront peut-être pendant un an, mais qu'en sera-t-il cinq ans après ?

C'est la raison pour laquelle le tutorat que vous avez instauré mérite d'être soutenu. Accompagnée d'une disposition fiscale différente du crédit d'impôt, ce dispositif permettra de restreindre les bénéficiaires et de moraliser l'opération, sous réserve qu'il n'y ait pas de tutorat de complaisance. Peut-être faut-il l'encadrer. La commission des finances proposera un amendement en ce sens.

J'en viens au second pilier : le logement.

L'objectif est d'atteindre 100 000 places d'hébergement d'urgence, 500 000 logements sociaux, et 200 000 logements réhabilités remis sur le marché. Tout cela est parfait.

Les dispositions financières sont intéressantes, y compris celles qui consistent à allonger la durée d'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties ; elles seront compensées puisqu'elles constituent seulement l'allongement d'un système existant et non pas la création d'une nouvelle exonération. Il n'est pas utile de le préciser dans le présent projet de loi ; je vous en donne acte bien volontiers, monsieur le ministre. En tout cas, je pense que cela permettra de lever un certain nombre de réticences.

Le projet de loi apporte un ajustement au mécanisme fiscal Robien et prévoit une exonération de la contribution sur les revenus locatifs. Toutes ces mesures vont dans le bon sens.

La commission des finances, revenant à la charge à la suite de deux votes du Sénat, proposera un amendement visant à ce que ne soit pas découragée l'activité des unions économiques et sociales dans le domaine du logement des personnes en difficulté. Un dialogue fructueux et plein de promesses a eu lieu lors de l'examen du projet de loi de finances initiale, mais il n'a pas été suivi d'effet. D'ailleurs, le rapprochement entre le texte actuel et la loi de finances initiale n'est pas toujours simple, j'y reviendrai dans un instant.

Le troisième pilier est l'égalité des chances.

Vouloir intervenir massivement en faveur des communes qui sont le plus en difficulté est une excellente intention. Mais cette réforme, pour justifiée qu'elle soit en son principe, aboutit tout de même, mes chers collègues, à abonder de 600 millions d'euros l'ensemble de la politique de soutien aux villes en difficulté. Je rappelle à cet égard que le budget de la ville est de l'ordre de 300 millions d'euros.

Par conséquent, cette intervention massive devrait respecter un certain équilibre vis-à-vis des autres collectivités. Il convient sans doute de se poser des questions sur la limitation à 200 000 habitants et sur la manière, pour les autres communes susceptibles de recevoir la DSU, de ne pas être exagérément ponctionnées dans cette opération.

Monsieur le ministre, l'opération est relativement facile à monter cette année. La progression de la DGF n'est peut-être pas historique, mais elle est importante. Ainsi, il est possible d'envisager la réforme de la DGF, de ne pas la rendre exagérément contraignante pour les communes qui sont soumises à la dotation forfaitaire - ce sont nos collègues députés qui sont intervenus dans cette direction à travers une modification de la loi de finances ; je pense que le Sénat les suivra -, de financer l'augmentation de la DSU à hauteur des 200 premiers millions et celle de la DSR à hauteur de 80 millions, ce qui représente un équilibre entre les deux dotations.

Mais il n'est pas certain que les facilités existant cette année se retrouveront tous les ans.

Par conséquent, il est nécessaire d'observer un peu de prudence et d'envisager un éventuel retour de fortune des communes bénéficiaires et un certain lissage pour les communes qui sont amenées, d'une certaine manière, à alimenter financièrement cette réforme.

La commission des finances présentera un certain nombre d'amendements sur ce sujet. Au fur et à mesure de l'examen des articles, nous évoquerons les principaux instruments fiscaux qui ont été mis en place par le projet de loi, pour en souligner l'intérêt ou la difficulté d'application.

Deuxième observation : la programmation reste à expliciter.

Je comprends le sens de la démarche. Il s'agit d'une certaine manière d'un guide. Mais quelles dépenses ont été programmées ?  En matière d'emploi, les maisons de l'emploi et les contrats d'avenir ; en ce qui concerne le logement, les crédits en faveur de l'hébergement d'urgence et du logement locatif social, ainsi que ceux qui sont destinés à l'ANAH ; enfin, s'agissant de l'égalité des chances, seuls les dispositifs de réussite éducative sont concernés.

Au regard de la programmation des dépenses, les trois piliers du projet de loi nécessitent un examen approfondi. La volonté de transparence et d'engagement politique dans l'échelonnement des dépenses est louable, mais l'art est difficile.

Ainsi, concernant l'emploi, les montants programmés se situent en retrait par rapport au plan de cohésion sociale, ce qui ne signifie pas, naturellement, qu'ils ne se retrouvent pas, pour 2005, retracés en lois de finances.

En ce qui concerne le logement, la présentation des moyens nouveaux mobilisés est quelque peu hétérogène.

S'il faut approuver les ambitions du présent projet de loi et attendre le projet de loi consacré à « l'habitat pour tous » annoncé pour l'année prochaine, qui devrait compléter les mesures prévues, il n'en est pas moins vrai que la programmation est un peu floue et d'autant plus difficile à apprécier qu'une expérimentation sur les crédits relatifs au logement est prévue dans le projet de loi de finances pour 2005, ce qui complique un peu les choses.

Pour les dispositifs de réussite éducative, l'importance de la part des financements extérieurs paraît comporter un aléa important quant à la réalisation des objectifs, ceux-ci risquant même d'être parfois purement et simplement impossibles à atteindre du seul fait que les caisses des écoles qui ont disparu ne peuvent pas ressurgir. Nous examinerons des amendements sur ce sujet.

Sur un plan formel, l'absence de regroupement des différentes dispositions ayant trait à la programmation n'en simplifie pas la lecture. Il est vrai que ces dispositions étant présentées parfois en variation, parfois en valeur absolue, un tel regroupement se serait avéré, en l'état, peu lisible.

Au demeurant, les masses en jeu sont extrêmement importantes. De 2005 à 2009, les moyens affichés par le plan de cohésion sociale atteignent, en cumul, 12,8 milliards d'euros, dont 1,15 milliard d'euros dès 2005. Or l'exposé des motifs précise que « les moyens alloués au plan de cohésion sociale sont programmés par le projet de loi ».

Pourtant, les moyens « programmés » par le présent projet se situent en deçà des moyens alloués au plan. En effet, d'après les calculs que j'ai pu effectuer, les mesures nouvelles programmées dans le présent projet s'élèvent à 636 millions d'euros pour 2005 et à moins de 8 milliards d'euros sur la durée du plan. Pourquoi ?

Il y a deux raisons essentielles : d'une part, les dépenses fiscales ne peuvent faire l'objet d'une programmation de dépenses ; d'autre part, toutes les dépenses planifiées par le plan de cohésion sociale n'ont pas été programmées dans le projet de loi.

En revanche, la traduction budgétaire de certaines des mesures du présent projet, dont la définition a évolué depuis juin 2004, a pour effet de modifier le coût du plan de cohésion sociale.

M. Paul Girod, rapporteur pour avis. D'après les calculs de la commission des finances, il semble que le coût net du plan en 2005 serait de 1,57 milliard d'euros, contre 1,15 milliard d'euros annoncés et que, sur la durée du plan, l'effort serait de 13,8 milliards d'euros et non pas des 12,8 milliards prévus.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Exact !

M. Guy Fischer. Mais ce n'est pas financé !

M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Un certain nombre d'actualisations n'ont peut-être pas été réalisées par vos services, monsieur le ministre, mais j'ai le plaisir de vous les communiquer, au nom de la commission des finances.

Par ailleurs, le lien entre la programmation des dépenses et la réalisation de certains objectifs comporte quelques incertitudes...

M. Guy Fischer. On parle de milliards !

M. Paul Girod, rapporteur pour avis. ...car la programmation peut éventuellement supposer la participation d'intervenants extérieurs à l'Etat. Ainsi, des conventions sont en cours de signature en matière de logement. Au demeurant, force est de constater que l'élaboration d'un tableau présentant à la fois l'effort de l'Etat et celui qui est espéré, supposé, attendu des collectivités territoriales n'a pas été possible du fait que la loi ne comporte pas de dispositifs contraignants pour les collectivités locales, ce dont nous vous donnons acte, monsieur le ministre.

Certains voient dans cette manière de faire une habileté, dans la mesure où elle ne donne pas lieu à compensation, d'autres y trouvent une valeur pédagogique dans la mesure où elle constitue une incitation. A chacun de faire son choix !

Troisième observations : la programmation doit être jugée à l'aune des résultats.

Monsieur le ministre, très honnêtement, je suis un peu mal à l'aise ! En effet, nous nous situons entre deux systèmes de présentation du budget : le système actuel, qui vous amène à élaborer une programmation qui n'est qu'indicative en définitive, car les échéanciers peuvent être reportés - nous savons bien ce qu'est une loi de programmation ; et le système de présentation par missions, programmes et actions, qui serait probablement beaucoup plus adapté à un projet de loi comme le vôtre, car il permettrait de mettre en place à la fois les directions, les fongibilités internes des différents programmes, les indicateurs de performance, le Parlement pouvant ensuite juger.

Je suis de ceux qui critiquent sur un point bien précis la loi organique relative aux lois de finances qui va s'appliquer : elle n'accorde pas suffisamment de temps au Parlement pour travailler sur la loi de règlement. Un délai plus important permettrait au Parlement de savoir si le Gouvernement a vraiment transmis ses messages aux administrations, aux différents intervenants. Je souhaite qu'il puisse en être ainsi le plus vite possible !

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations, dont certaines relèvent du fond, et sous réserve de l'adoption d'un certain nombre d'amendements qu'elle vous présentera, la commission des finances a émis un avis favorable sur ce texte. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 104 minutes ;

Groupe socialiste, 67 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 26 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 14 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M.  Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Mesdames, messieurs les ministres, notre fonction de maire, celle qui fut la vôtre avant que vous ne soyez ministres, celle de nombre de nos collègues, nous amène à côtoyer, écouter, soulager, chaque semaine, la détresse humaine. Nos permanences sont consacrées essentiellement à des demandes d'emploi, de logement, d'aide financière.

Personnellement, j'ai reçu des milliers de personnes, vous aussi certainement, et j'ai essayé le mieux possible de traiter les cruelles inégalités que vous avez évoquées tout à l'heure, utilisant les dispositifs compliqués mis en place par les gouvernements successifs.

Avouons-le, les connaître tous, les comprendre, les utiliser n'est pas simple pour nous. Alors pour de simples citoyens, je vous laisse imaginer !

Monsieur Borloo, fidèle en cela aux engagements que vous avez pris dans votre livre L'Homme en colère, vous avez décidé d'attaquer les trois fléaux que sont la perte d'emploi, la perte de logement et le surendettement, non pas isolément mais ensemble. En effet, une approche globale est nécessaire pour rompre le cercle vicieux de l'exclusion, nous en sommes convaincus !

C'est justement ce type d'approche que vous avez choisi d'adopter dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Elle met l'homme, le citoyen au coeur de la réforme, mais avec un objectif d'efficacité.

Il s'agit donc d'un texte pertinent, ambitieux, même s'il est parfois un peu flou, humble, avez-vous dit ! Mais vous l'avez souhaité ainsi. Vous avez voulu y laisser de la souplesse.

Nous craignons néanmoins que ne se développent de grands décalages entre la lettre et les modalités de son application sur le terrain. Espérons simplement que les rédacteurs des décrets et des circulaires n'interpréteront pas celle-ci de façon restrictive. Pour tout dire, mesdames, messieurs les ministres, je serais rassuré si vous écriviez vous-même les décrets et les circulaires !

Vous l'aurez compris, nous souscrivons pleinement aux objectifs de clarification et de simplification de votre réforme. Nous souhaitons ainsi que vous ayez les moyens financiers de votre ambition, comme vient de le rappeler notre collègue Paul Girod.

J'en viens aux dispositions de ce plan de cohésion sociale.

Il ne me revient pas évidemment d'en détailler le contenu - les divers rapporteurs l'ont fait excellemment - mais d'en saisir quelques points au nom du groupe de l'Union centriste.

Commençons par le volet relatif à l'emploi.

Bien que perfectible à certains égards, ce volet relatif à l'emploi nous semble aller dans le bon sens. Mon collègue Claude Biwer développera cette question. Sans vouloir déflorer son intervention, j'aimerais tout de même saluer la création des maisons de l'emploi, la simplification des contrats d'insertion et la réaffirmation de la valeur de l'apprentissage.

Vous avez souhaité que les acteurs locaux de l'emploi s'approprient totalement vos projets, et vous leur laissez le choix d'adapter les dispositifs aux besoins locaux. En tant qu'élu local, comment ne pas saluer cette évolution qui était nécessaire pour plus d'efficacité !

Toutefois, êtes-vous sûr que l'administration déconcentrée de votre ministère, les ANPE, les ASSEDIC, les organismes paritaires vous suivront ? Etes-vous sûr qu'ils partagent votre vision ? Telle est ma première question.

Pour réussir, les maisons de l'emploi doivent réunir tous les acteurs de l'emploi autour des organismes que nous venons de citer et des élus locaux. Elles doivent fixer des orientations claires qui donnent lieu à des engagements de la part de chacun des partenaires. Comme au sein des conseils locaux de sécurité que nous sommes tous amenés à manager, il faudra que les partenaires apprennent, une bonne fois pour toute, à travailler ensemble, à se faire confiance... C'est la clé du succès !

Je m'interroge également sur les contrats d'insertion.

Tout d'abord, les contrats d'accompagnement seront-ils ouverts aux jeunes de moins de vingt-cinq ans, qui ne bénéficient d'aucune aide ?

Les contrats d'avenir sont, vous le savez bien, l'objet de revendications sur le pilotage. Faut-il que ce soient les départements qui les gèrent, les communes, leurs EPCI ? Pourquoi pas tous ensembles, répondez-vous ! Comment alors éviter les querelles de boutiques sur le nombre de contrats alloués ?

Ma dernière question porte sur l'apprentissage. Vous souhaitez lui donner ses lettres de noblesse ; j'approuve totalement cette vision. Mais que comptez-vous faire pour les jeunes apprentis en difficulté qui n'ont pas choisi cette voie, à qui on l'a souvent imposé parce qu'ils ne savaient ni lire ni compter ?

Il manque peut-être aussi, dans ce chapitre, quelques articles sur les emplois de proximité et sur le rôle du tutorat et du parrainage, non pas, comme vous l'avez prévu, dans la création d'entreprise mais dans l'insertion et la recherche d'emploi.

Le deuxième pilier de votre programme de cohésion sociale est consacré au logement social. En trois axes, vous proposez d'améliorer l'hébergement d'urgence, mesure à laquelle nous souscrivons pleinement, de relancer la construction de logements locatifs sociaux et enfin de mobiliser le parc privé.

Nous nous trouvons aujourd'hui face à un double constat : si se loger est une préoccupation majeure des citoyens, le logement social traverse une crise particulièrement inquiétante.

Le droit au logement n'est pas encore considéré comme un principe absolu mais les responsables publics ont pris conscience de l'urgence dans laquelle nous nous trouvons. Le logement, on peut le dire aujourd'hui, est au coeur des problématiques politiques tant de l'Etat que des collectivités locales et de leurs partenaires. Sans une réelle action d'envergure, la France ne sortira pas de la crise actuelle !

Si la croissance du nombre de demandes de logements sociaux a été considérable, elle n'a pas été pour autant suivie d'un mouvement similaire de l'offre.

Je rappelle quelques chiffres que nous avons déjà entendus : en 2003, un million de ménages environ ont déposé ou renouvelé une demande de logement HLM contre 750 000 dans les années quatre-vingt. Parallèlement, le rythme de la construction sociale s'est continuellement ralenti depuis 1990. En 1994, près de 80 000 logements sociaux financés étaient comptabilisés, alors que ce chiffre se situait à 38 000 en 2000.

Plusieurs raisons expliquent cette progression des demandes.

Tout d'abord, la hausse considérable des loyers, qui fait fuir les locataires vers le logement social. Une étude montre que le montant du loyer rapporté au revenu global est passé de 31,7% en 1988 à 50,8 % en 2002. C'est la raison pour laquelle le groupe de l'Union centriste soutiendra l'amendement de notre collègue Valérie Létard qui inclut dans le calcul du « reste à vivre » les dépenses de logement.

La crise que connaît le logement s'explique également par l'évolution des modes de vie, par les caractéristiques démographiques et notamment par l'augmentation du nombre de retraités et de familles monoparentales. Il va donc falloir s'adapter aux modes de vie et non pas l'inverse. Le logement de l'avenir, c'est le logement adapté ou adaptable. Il est à inventer !

La crise du logement s'explique aussi par le manque de réserves foncières ou par leur coût, ainsi que par celui de la construction, qui croît trop rapidement.

Face à cet état d'urgence, vous avez entrepris, monsieur le ministre, d'engager la France dans une politique volontariste de relance de la construction de logements locatifs sociaux. Nous ne pouvons qu'approuver cette très bonne initiative.

Les différents dispositifs proposés dans le projet de loi complètent utilement les mesures prises il y a deux ans dans le cadre de la rénovation urbaine. Les objectifs affichés sont ambitieux pour certains, en deçà des espérances pour d'autres. Il n'y a là rien que de très normal après tout.

Je ferai seulement quelques remarques sur le financement, la cohérence entre les différentes lois et la mise en oeuvre du programme.

Concernant le financement, le projet de loi prévoit sur cinq ans un programme de construction dont le financement serait, d'une part, programmé dans les lois de finances de 2005 à 2009 et, d'autre part, assuré par une contribution du 1%.

Je tiens à saluer les efforts réalisés, notamment, sur les crédits de paiement, qui incluent un rattrapage indispensable sur les années antérieures.

Toutefois, monsieur le ministre, la réussite de la mise en oeuvre de ce projet de loi dépendra pour une large part du respect des engagements budgétaires, sous peine de rendre vaine la relance du parc social locatif.

En outre, je m'inquiète de l'absence totale d'évaluation du coût supporté par les collectivités locales et par les organismes d'HLM. En effet, si les acteurs locaux soutiennent la relance du logement social, une incertitude demeure quant aux charges qu'ils devront assumer.

Par ailleurs, il me paraît utile d'engager un travail de réflexion sur un mode de financement croisé de la construction de logements sociaux faisant appel aux fonds privés.

Quelques réalisations prévoyant, en particulier, le démembrement de propriété, l'association d'un bailleur social et d'investisseurs privés sont prometteuses et pourraient être largement développées avec votre appui, monsieur le ministre, notamment dans le projet de loi « Habitat pour tous ».

Une autre voie à explorer consiste à favoriser l'accession à la propriété des foyers les plus modestes qui le souhaitent afin de libérer des logements sociaux : s'il faut, certes, que l'ascenseur fonctionne dans les HLM, il convient que l'ascenseur social fonctionne, lui aussi ! (Sourires.)

Il est un autre sujet d'inquiétude : le risque d'incohérence entre les différentes lois.

Nous craignons ainsi que les différents dispositifs, qu'il s'agisse de celui qui figure dans la loi de rénovation urbaine, de celui qui est prévu dans le projet de la loi relatif aux libertés et responsabilités locales ou de celui qui nous est proposé aujourd'hui, ne puissent être mis en oeuvre faute de cohérence. En effet, certains textes répondent à une logique décentralisatrice, alors que d'autres privilégient le niveau central.

Par ailleurs, je crains que les acteurs locaux ne soient contraints de faire un choix entre une politique de rénovation urbaine et une relance du parc locatif social, préférant un programme plutôt qu'un autre en fonction de critères financiers plutôt que de besoins réels.

Je regrette qu'une fois de plus nous ne sachions proposer aux Français un projet d'ensemble global et lisible concernant le logement. J'insiste sur ce point, monsieur le ministre, d'autant que le projet de loi « Habitat pour tous » devrait être examiné par le Parlement dans les prochains mois.

La réussite des objectifs annoncés dépend pour une large part de l'engagement de l'ensemble des acteurs locaux. A ce titre, je me réjouis de la déclaration commune de l'ensemble des associations représentant les élus ainsi que le mouvement HLM appelant à une politique de l'habitat dans la décentralisation. Il s'agit là d'un signal fort et encourageant.

Cette annonce est d'autant plus importante qu'il est encore très fréquent d'entendre des opinions hostiles tant chez les citoyens que chez les élus face à l'implantation de logements sociaux. Comme moi, vous êtes sûrement nombreux, mes chers collègues, à rencontrer d'immenses difficultés pour faire accepter la présence de logements sociaux sur le territoire de votre commune ou dans votre communauté de communes, et à faire comprendre que logement social ne rime pas avec délinquance.

Il nous faudra encore fournir un gros travail pour changer les mentalités, et l'Etat a, selon moi, un rôle majeur à jouer pour encourager et aider les élus à remplir cette importante mission.

Abordant enfin le troisième pilier, je tiens à saluer la réforme de la dotation de solidarité urbaine. Il s'agit là d'une réforme attendue depuis fort longtemps qui doit apporter plus de moyens aux communes qui en ont besoin. Certes, la rédaction n'est pas parfaite, mais la discussion que nous engagerons permettra sans aucun doute d'améliorer le dispositif proposé, afin, notamment, de ne pas créer un déséquilibre avec les communes dont le potentiel fiscal est faible mais qui ne répondent pas pour autant aux critères de la DSU.

Concernant toujours le titre consacré à l'égalité des chances, je voudrais saluer le programme d'aides financières de l'Etat en faveur des équipes de réussite éducative.

Si l'ensemble du dispositif renforce le rôle de ces équipes, souvent associatives ou municipales, qui apportent un soutien non seulement éducatif mais également culturel, social, sanitaire et sportif aux élèves issus de milieux très défavorisés, il faut surtout souligner l'importance symbolique de l'effort budgétaire de l'Etat dans la mesure où il contribue à encourager les collectivités territoriales qui mettent en place ce type de structures permettant de lutter efficacement contre toutes les formes d'exclusion sociale des enfants.

Enfin, je voudrais dire mon regret qu'aucune disposition relative au traitement du surendettement ne figure dans ce projet de loi pour la cohésion sociale. En effet, si des progrès ont d'ores et déjà été réalisés grâce à la loi de rénovation urbaine, il me semble que des améliorations peuvent encore être apportées. C'est ce que nous proposerons à travers divers amendements.

En guise de conclusion, nous ne pouvons, monsieur le ministre, qu'approuver votre projet de loi. Le groupe de l'Union centriste ne remet en cause ni vos intentions ni vos orientations ; il soutient l'espoir qu'elles font naître.

Toutefois, vous le savez, seul le terrain est juge. L'efficacité de votre plan sera ainsi jugée sur le taux de sortie des emplois d'insertion et l'abaissement durable du nombre de chômeurs ; il sera jugé sur le nombre de logements aidés qui seront réellement construits ; il sera jugé, enfin, sur la réduction du nombre d'illettrés à la sortie de l'école. Ces objectifs sont très ambitieux monsieur le ministre. Alors, si vous voulez les atteindre, n'oubliez pas le service après-vente ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, s'il est un thème central du débat public aujourd'hui, c'est bien celui de l'affaiblissement des mécanismes d'intégration sociale, de la désagrégation du tissu social, de l'exclusion.

Le constat est largement partagé : chômage de masse avec 4 millions de personnes, sous-emploi galopant, crise du logement, cellule familiale fragilisée, désertification industrielle de certains territoires, ghettoïsation des banlieues.

Pourtant, le décalage demeure patent entre la dureté des réalités sociales, l'aggravation des inégalités et les réponses libérales apportées ou les contre-réformes initiées. Par conséquent, s'il peut y avoir unanimité sur le constat, notre désaccord sur les causes, lui, est total, votre politique, celle de la droite, étant, selon nous, à la source des maux dont souffre notre société.

Hier, le président-candidat Chirac, en campagne, disait vouloir réduire la fracture sociale. Au lendemain de la défaite cuisante de la droite aux élections régionales et européennes, le Premier Ministre, contraint, a de nouveau érigé la cohésion sociale en priorité et annoncé un plan décliné en partie dans le projet de loi que nous examinons et sur lequel mon amie Michelle Demessine interviendra à propos du volet logement.

Voilà quelques jours, devant la commission des affaires sociales, vous évoquiez, monsieur le ministre, la « nouvelle donne », « une démarche inédite en rupture avec le passé » !

Aujourd'hui, la question des inégalités et de la pauvreté moderne, censée être au coeur de nos discussions, ne pourra être que succinctement évoquée dans la mesure où, d'une part, ce Gouvernement et sa majorité de droite refusent obstinément de réfléchir sur le partage des richesses et où, d'autre part, vous n'agissez, monsieur le ministre, ni sur les causes de la dégradation de l'emploi ni sur les incidences des destructions d'emplois.

Si l'on s'en tient aux statistiques officielles, la pauvreté monétaire aurait diminué pendant la période 1998-2001, alors qu'elle semble augmenter depuis le retour de la droite au Gouvernement.

Vous savez toutefois, monsieur le ministre, que ces statistiques ne rendent compte que très partiellement de l'ampleur de l'évolution de la pauvreté. Les « faux pauvres », les étudiants, soit plus de 10% des ménages, sont ainsi négligés alors que les « vrais riches », ceux qui reçoivent des revenus du patrimoine, sont ignorés, pour reprendre l'analyse de Pierre Concialdi, cosignataire d'un point de vue publié dans le journal Le Monde du 2 juillet 2004.

Ceux qui se battent au quotidien savent que la situation est malheureusement plus aiguë, plus complexe.

Tous sont témoins de la persistance, voire de l'aggravation, des difficultés d'accès d'un nombre toujours croissant d'hommes, de femmes et d'enfants, non seulement aux ressources, mais aussi aux droits fondamentaux permettant de vivre dignement dans une société globalement riche.

Ils n'ont pas été surpris du rapport du conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale faisant état d'un million d'enfants de moins de dix-huit ans pauvres en France. Nous ne sommes pas plus étonnés en prenant connaissance d'indices récents qui relatent la forte progression, de 10,5%, du nombre d'allocataires du RMI entre juin 2003 et juin 2004, ou témoignent du fait que les titulaires d'un emploi, même stable, ne sont pas épargnés par la pauvreté.

Si, aujourd'hui, la moitié des travailleurs pauvres sont des actifs, si trois SDF sur dix ont un travail, mais ne peuvent pas financer leur logement, si 10% de la population est au chômage, si moins d'un chômeur sur quatre est indemnisé, si l'insertion dans l'emploi des jeunes mères de famille s'est autant dégradée, si un contrat d'intérim sur quatre est conclu pour une seule journée - je pourrais continuer à égrener la litanie - cette réalité est pour une large part la conséquence des choix économiques, fiscaux et sociaux des gouvernements Raffarin I, II et III, qui n'ont eu de cesse d'agir avec une redoutable cohérence au service d'intérêts particuliers.

Ainsi, l'heure est non plus à la promotion des solidarités envers les plus fragiles, mais au désengagement de l'État social, à l'abolition des freins subsistant encore contre les inégalités, à la casse de la protection sociale en général.

La politique menée par la droite n'a pas permis d'asseoir une croissance durable et créatrice d'emplois. Au contraire, l'épargne, la spéculation, les « plus » en tout genre ont profité aux détenteurs de capitaux, au grand patronat, aux couches les plus aisées de la population.

Les orientations des politiques de l'emploi uniquement centrées sur l'abaissement du coût du travail, via les exonérations de cotisations sociales, ont largement contribué à l'extension continue du chômage, au développement du sous- emploi.

C'est ainsi que l'emploi non qualifié a retrouvé son niveau d'il y a vingt ans. Loin d'être un marchepied vers l'emploi qualifié, il s'accompagne de très bas salaires.

Inefficace en termes de qualité de l'emploi, votre politique, monsieur le ministre, est désormais ouvertement discutée s'agissant du volume d'emplois. Des économistes ont évalué, en septembre dernier, à 150 000 le nombre maximal d'emplois créés ou sauvegardés grâce aux allégements de charges sur cinq ans.

Je ne commenterai pas le coût excessif de ces mesures, les allégements consentis s'élevant tout de même à 16 milliards d'euros, ni leur incidence sur les comptes sociaux. Tout cela devrait vous amener à réfléchir, à changer votre fusil d'épaule. Mais non ! Ces résultats négatifs vous poussent à persévérer sur la voie du plein emploi..., mais du plein emploi précaire !

Que dire encore du projet de loi de finances pour 2005, budget de l'emploi compris, si ce n'est qu'il traduit, lui aussi, des choix qui s'accommodent mal avec l'affichage social du présent texte.

Je citerai deux exemples.

En premier lieu, tout le monde s'accorde à dire que l'on ne pourra faire plus longtemps l'économie de la prise en compte de la présence d'enfants dans les politiques visant à faciliter le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux, comme d'ailleurs de l'ensemble des personnes. Pourtant, dans le budget pour l'an prochain, pas plus que dans votre politique familiale, monsieur le ministre, rien n'est décidé concernant notamment l'API, l'aide au parent isolé, ou les coûts liés au mode de garde.

Ou plutôt si, excusez-moi, j'allais oublier l'avantage fiscal consenti à 30 000 personnes pour l'emploi à domicile d'un employé de maison, mesure bien évidemment plébiscitée à Neuilly et à Marnes-la-Coquette !

Le début de réforme de l'ISF, avec un nouvel allégement de 200 millions d'euros, témoigne également de la propension de ce Gouvernement à s'occuper des « vrais problèmes »...

Par ailleurs, mes chers collègues, comment oublier les mesures passées prises par ce Gouvernement, qui produisent encore leurs effets, et qui sont en totale contradiction avec les objectifs d'égalité des chances, d'accès aux droits ?

Dois-je vous rappeler les restrictions apportées au régime de l'aide médicale d'Etat, la réduction des allocations logement et des aides aux impayés de loyer, la remise en cause du contingent préfectoral d'attribution de logements sociaux, la suppression des assistants d'éducation, la réforme des retraites et de la sécurité sociale, celle de l'ASS ou la nouvelle convention chômage, etc. !

Si ambitieux soit-il dans les mots - nous verrons qu'il ne l'est pas dans les faits -, le projet de loi pour la cohésion sociale apparaît en fait comme ce qu'il est : un bel alibi social, un rideau de fumée, ainsi que l'a qualifié un article paru dans le numéro de septembre de la revue Territoires.

Comme l'ensemble du monde associatif et syndical, j'ai été particulièrement attentif, vous le savez, à l'annonce du plan de cohésion sociale, et le fait qu'il se traduise ensuite par une loi de programmation, traitant conjointement des problèmes intrinsèquement liés de l'emploi, du logement et de l'égalité des chances ne m'était pas indifférent.

Le problème, monsieur le ministre, c'est que, au-delà du titre et de la démarche, ce bond qualitatif, attendu par tous, reste virtuel. Faute d'avoir choisi d'aller plus loin que le constat en vous attaquant aux causes de la dégradation de l'emploi et du durcissement des situations d'exclusion, vous passez à coté de l'essentiel. L'avis du Conseil économique et social confirme d'ailleurs notre appréciation.

Les crédits programmés non sanctuarisés pourront à l'avenir faire l'objet d'arbitrages différents, comme l'a rappelé tout à l'heure l'un des rapporteurs.

On ne trouve dans ce projet de loi aucune interrogation sur les effets de la mondialisation capitalistique, ni sur les implications de votre politique en matière de justice sociale. Rien ! Pas un mot non plus pour tenter de changer le regard porté par nos concitoyens sur les « sans » : les sans-emploi, les sans-logement, les sans-droits.

Au contraire, comme votre prédécesseur - mais moins ouvertement -, vous contribuez à répandre l'idée que les titulaires du RMI, les chômeurs seraient pour une part responsables de leur situation.

Ces derniers devront désormais avoir une activité en contrepartie d'un revenu de remplacement qui ne sera plus un droit, cette notion disparaissant du code du travail. La différence avec le retour à l'emploi n'a échappé à personne. Dans le même esprit, les nouvelles mesures de coercition à l'encontre des chômeurs qui ne satisfont pas à leur obligation de recherche d'emploi ne sont pas innocentes non plus.

Votre manière de traiter le thème récurrent du retour à l'emploi de tous les bénéficiaires de l'aide sociale, en conditionnant les prestations servies selon les pratiques du workfare ou en sanctionnant les chômeurs, est d'autant moins acceptable qu'il manque trois millions d'emplois et que le travail ne permet pas toujours de vivre.

Vous êtes d'autant moins crédible, monsieur le ministre, que votre projet de loi obère par ailleurs complètement la question, pourtant centrale, de l'assurance chômage.

Qu'attendez-vous pour réformer en profondeur ce système ignorant les nouvelles formes d'emploi et de précarité, rejetant dans l'assistance, voire dans le vide lorsque les filets n'existent plus, un nombre croissant d'hommes et de femmes ?

L'ambition sociale du présent projet de loi n'est pas plus réelle que celle des précédents textes portés par M. Fillon, qu'il s'agisse de la création du contrat « jeune en entreprise », de la décentralisation du RMI, de la création du RMA ou de la relance de la négociation collective.

Une fois encore, le Gouvernement inscrit sa démarche dans une perspective d'accentuation de la flexibilité des règles, de développement de l'emploi précaire, au risque d'alimenter encore le processus d'exclusion.

Le contrat d'avenir, le contrat d'accompagnement vers l'emploi, le CIE dit « nouveau », pâle copie des contrats aidés existants, ne sont pas plus exigeants en termes de sortie dans l'emploi stable, qualifié et correctement rémunéré ; ils ne pourront pas davantage s'adapter aux besoins d'insertion, d'accompagnement, de formation propres à chaque salarié. Par ailleurs, les employeurs demeurent étrangement exonérés de toute responsabilité, de toute exigence.

S'il est indigent qualitativement dans son contenu, le volet emploi de votre texte, monsieur le ministre, n'en demeure pas moins extrêmement structurant. De l'avis d'un collectif d'associations et de syndicats regroupés autour d'AC, de l'Association pour l'emploi, l'information et la solidarité, l'APEIS, et de la CGT-chômeurs, « il représente un pas important de plus dans le sens du renforcement de la gestion libérale et coercitive de notre société ».

Nous partageons leurs craintes aussi s'agissant du service public de l'emploi démantelé, ouvert aux opérateurs privés. Comme eux et comme l'ensemble des personnes auditionnées - syndicats, réseau Alerte - nous refusons ce glissement supplémentaire vers les services d'intérêt général, les SIG, conformément aux règles européennes. En conséquence, nous apprécions avec beaucoup de réserve le nouvel outil proposé, en l'occurrence les maisons de l'emploi.

Comme les textes qui l'ont précédé, le présent projet de loi comprend désormais un volet supplémentaire ayant trait au licenciement, ce qui tente d'accréditer l'idée, le postulat devrais-je dire, de l'inefficacité du code du travail poussant à la conflictualité.

Des rapports de Pierre Cahuc, d'Olivier Blanchard et de Jean Tirole, préconisant de substituer une taxation des licenciements économiques aux règles actuelles du code du travail, au rapport de M. de Virville et, plus récemment, à celui de M. Camdessus, prônant des transformations radicales s'agissant du contrat de travail ou de l'évolution modérée du SMIC en vue de lever les freins à la croissance - le tout au nom de la modernisation de notre législation sociale -, ou encore aux fameuses « quarante-quatre propositions » du MEDEF visant à individualiser la relation de travail, à soumettre le droit du travail au droit boursier, il n'y a qu'un pas.

De l'avis d'un éditorialiste de la Semaine sociale, « même s'il ne couvre pas à l'identique les mêmes thématiques, l'avant-projet de loi relatif à la gestion prévisionnelle des emplois témoigne d'une très nette filiation avec la philosophie du rapport Virville ». Le maître mot est, à n'en pas douter, la sécurisation pour le patronat des procédures de licenciement, l'altération des garanties collectives, la neutralisation des pouvoirs des représentants des salariés susceptibles de discuter les choix du chef d'entreprise.

Comment parler de garantir la cohésion sociale dans ces conditions, dans le contexte que nous connaissons de mise à l'index permanente du code du travail, de pressions sur les 35 heures, sur les salariés, de chantage à l'emploi auquel se livrent les grands groupes tels que Bosch et Nestlé ?

Je tiens à redire avec force combien est inadmissible la manoeuvre du Gouvernement qui consiste à passer en force sur un sujet ayant donné lieu à de longues discussions entre les partenaires sociaux.

Une fois encore, monsieur le ministre, prétextant de l'urgence, vous imposez une réforme déséquilibrée, reprenant largement les desiderata du MEDEF.

Nous sommes, une fois de plus, conduits non pas à débattre après avoir pris le recul nécessaire, mais à enregistrer.

Les propositions que nous avions faites lors de la conférence des présidents pour disposer d'un peu plus de temps pour débattre ont évidemment été repoussées. Je le regrette vivement.

Sur le fond, nous sommes prêts à combattre pied à pied la version du texte déposée au Sénat et que le MEDEF, auditionné par le rapporteur, a ouvertement demandé d'amender.

Même expurgé de deux de ses dispositions, celles qui ont trait à la défense du licenciement économique d'une part et à la réintégration des salariés d'autre part, le volet additionnel, trompeur dans son intitulé, reste comme l'a indiqué la CGT « un copier-coller des revendications du MEDEF ».

Les cris d'orfraie du MEDEF ne nous trompent pas. Votre projet, monsieur le ministre, est bien un projet de déstabilisation sociale.

Présenter le retrait de la notion de sauvegarde de la compétitivité comme un recul confortant les syndicats aux dépens du MEDEF procède de l'escroquerie intellectuelle.

Depuis l'arrêt Videocolor d'avril 1995, dans la jurisprudence en matière de licenciement économique, cette notion constitue bien un motif autonome de licenciement. J'ajoute que désormais cette notion figure aussi dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

L'introduction ou non de cette notion dans le code du travail présente donc un intérêt relatif, en dehors de l'effet d'annonce permettant au MEDEF - encore lui - de jouer les incompris et au Gouvernement de se montrer plus attentif, en apparence bien évidemment, aux préoccupations des salariés.

En outre, prétendre qu'il n'y aura pas de recul par rapport au droit actuel s'agissant de l'obligation pour l'entreprise de présenter un plan de sauvegarde de l'emploi avec des mesures de reclassement et, surtout, de la nullité du licenciement ouvrant droit à réintégration relève également du mensonge. Je me permets en effet de rappeler que l'article L. 321-4-1 du code du travail a disparu de la liste des articles auxquels les accords de méthode, que vous généralisez par ailleurs, peuvent déroger.

M. Guy Fischer. C'est scandaleux !

Mme Hélène Luc. Absolument !

M. Roland Muzeau. Monsieur le ministre, vous intervenez de deux façons : soit vous abrogez les dispositions de la loi de modernisation sociale qui sont les plus contestées dans vos rangs ; soit, lorsque les réactions pourraient être trop fortes, vous dévitalisez des articles du code du travail jusqu'à les rendre inopérants. Le résultat est identique.

Et voilà comment vous évacuez une jurisprudence constante depuis 1996, en évitant que les procédures ne soient individualisées!

D'autres reculs et remises en cause de la jurisprudence nous sont insupportables, qu'il s'agisse des délais en référé ou au fond pour contester une procédure, un plan social, ou de l'inscription automatique à l'ordre du jour par l'employeur de certains sujets.

Mes chers collègues, les mesures envisagées en vue du reclassement des salariés d'une entreprise de moins de mille salariés ne pèsent pas lourd dans la balance. Le Gouvernement renvoie aux partenaires sociaux le soin de fixer les modalités d'application de la convention personnalisée de reclassement. Un amendement du Gouvernement, présenté par notre rapporteur, viendra même en grignoter la durée. Autant dire que les patrons pourront continuer à licencier sans entraves ! Quant aux salariés, le peu de garanties qui leur seront offertes ne les empêchera pas de rester sur le carreau !

Sur ce volet du projet de loi, comme sur l'ensemble du texte d'ailleurs, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ont fait le choix de mener une attaque frontale, via des amendements de suppression.

Nous nous inscrivons dans ce débat de manière positive et résolue, en proposant, à travers une panoplie d'amendements, une autre façon d'appréhender la cohésion sociale, en sécurisant les parcours d'emploi, les itinéraires de formation, les projets de vie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est un curieux texte qui est soumis au Sénat en première lecture.

Présenté par M. Borloo, ministre atypique de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, il s'intitule : « Projet de loi de programmation sur la cohésion sociale ». Or ce sujet ne paraissait guère, jusqu'ici, intéresser le gouvernement de M. Raffarin ni le médiatique M. Sarkozy.

M. Bernard Frimat. C'est toujours le cas !

M. Gérard Delfau. Inattendu, ce texte l'est aussi par sa volonté d'embrasser toutes les dimensions de l'intégration sociale des jeunes et des citoyens en difficulté. Il repose sur le triptyque formation-emploi-logement, auquel s'ajoutent quelques menues mesures en matière d'éducation. Cette ambition a été justement approuvée par le Conseil économique et social.

Ce projet de loi décline des séries d'articles qui remanient profondément le service public de l'emploi, renforcent la place de l'apprentissage dans l'accès au premier poste de travail, taillent dans la liste des contrats aidés pour en clarifier l'ordonnance et la philosophie.

S'agissant du droit au logement, les objectifs et les sommes annoncées étonnent : non seulement votre démarche se veut l'opposée de celle qui a été suivie jusqu'à présent par le gouvernement de M. Raffarin, encore présente dans le projet de loi de finances pour 2005 - je pense au mauvais coup porté au prêt à taux zéro - mais encore vous assignez à la nation des objectifs qui répondent à la demande insistante de l'abbé Pierre et des organismes d'HLM, sans oublier celle des élus locaux. On se prend à espérer, presque à rêver...

La réalisation de ces objectifs dépend pourtant d'une condition de taille : que la programmation budgétaire d'ici à 2009 soit respectée lors de chaque loi de finances et maintenue à l'abri des mesures de gel. Et c'est là que s'insinue le doute.

A l'instant, M. le rapporteur pour avis de la commission des finances, notre éminent collègue M. Paul Girod, a lui aussi exprimé son incertitude quant à l'accompagnement budgétaire des dispositifs présentés, d'autant que la pratique actuelle de votre ministère n'est pas pour nous rassurer.

Prenons l'exemple des contrats aidés mis à disposition des collectivités, des associations et des administrations. Outre les emplois-jeunes, qui sont en voie d'extinction, en 2000, on comptait dans le département de l'Hérault environ 12 000 postes de contrats emploi-solidarité, CES, et de contrats emploi consolidé, CEC, financés par l'Etat. Il en restait quelque 8 000 en 2003. Il en subsiste à peine 5 000 cette année.

En effet, le gel massif des crédits de votre ministère - 650 millions d'euros - effectué par Bercy au printemps dernier a tari le financement de cette ligne budgétaire et souvent empêché la signature de nouveaux contrats à la rentrée. On dénombre plusieurs centaines de postes non pourvus dans les communes - cinq dans la mienne - dans les crèches associatives, les collèges, les lycées, etc.

La mobilisation qui en est résultée a conduit le Gouvernement à débloquer 800 contrats pour trois mois là où il en aurait fallu 2 000 pour satisfaire des besoins déjà estimés au plus juste. On est donc loin du compte.

Aussi, mesdames, messieurs les ministres, qu'en sera-t-il demain ? Et demain, c'est le mois de janvier. De nombreux maires se demandent comment se fera la jonction avec le contrat d'avenir, selon quel calendrier ? Sur quelle base les nouveaux postes seront-ils alloués, notamment aux départements qui connaissent un taux de chômage élevé, un nombre important de bénéficiaires du RMI et une forte croissance démographique, comme c'est le cas dans le Languedoc-Roussillon.

Je pourrais faire la même démonstration s'agissant du logement : nous vivons dans une période de pénurie des crédits, de raréfaction des programmes, et vous nous promettez le père Noël pour les années 2005 à 2007 ! Comment vous croire ?

M. Gérard Delfau. Ou plutôt comment accorder crédit - le mot s'impose - au Gouvernement auquel vous appartenez ?

C'est d'ailleurs toute la question que pose ce texte : riche de promesses, il contraste avec le vécu des élus et des militants associatifs, infiniment plus gris, quand il n'est pas noir ! Le débat, mais surtout les six prochains mois seront décisifs pour la crédibilité de votre démarche.

Votre projet de loi comporte par ailleurs quelques dispositions qui m'inquiètent : l'ajout de dernière minute supprimant tout un pan de la loi de modernisation sociale - loi déjà suspendue en 2003 - ou encore la place faite au secteur privé dans le reclassement des chômeurs ; on pourrait craindre que l'ANPE ne soit progressivement réduite à ne s'occuper que des exclus quasi définitifs du marché du travail.

Le projet de loi comporte aussi des mesures positives. Je note par exemple la simplification des contrats aidés dans le secteur non marchand et la volonté d'assurer le retour de leurs bénéficiaires à un emploi pérenne. Pour y parvenir, il faudrait cependant rendre financièrement plus attrayante la titularisation de ces futurs contrats d'avenir et des PACTE, dont je ne vois pas bien, au demeurant, l'articulation avec le plan qui nous est proposé.

Intéressantes sont également les mesures d'accompagnement des chômeurs créateurs d'entreprise. Mon expérience à la tête d'une maison des entreprises me montre depuis près de vingt ans à quel point l'appui est déterminant - et pas seulement l'appui financier - pour la réussite à moyen terme de ce qu'il faut bien appeler une véritable aventure.

En revanche, je suis en désaccord profond avec certaines mesures, qui risquent de déséquilibrer encore plus le rapport de force entre le capital et le travail. Je crains que le débat au Sénat n'accentue cette dégradation du sort des salariés, sans pour autant porter remède à celui des chômeurs.

Reste, lancinant - on en revient toujours là ! -, le doute sur le financement des objectifs annoncés. A moins que, une fois encore, la charge n'en soit transférée aux collectivités territoriales, qui n'en peuvent plus !

Mme Hélène Luc. Comme c'est parti, c'est certain !

M. Gérard Delfau. Car telle est peut-être la logique sous-jacente du projet de loi, comme le suggère d'ailleurs un aspect qui jusqu'ici n'a pas été souligné : le désengagement de l'Etat, sensible en matière de dotation de solidarité urbaine. On retrouverait alors la logique qui est bien celle du gouvernement Raffarin, pour lequel décentralisation est avant tout synonyme de recours accru à la fiscalité locale.

Tel est, mesdames, messieurs les ministres, le sentiment que m'inspire le projet de loi. C'est un sentiment partagé, car si j'apprécie son architecture ainsi que la réelle volonté qu'il traduit de faire bouger les choses, dans le même temps, je suis en désaccord avec lui sur certains points et je suis en tous les cas sceptique sur son application. Aussi, monsieur le ministre, j'attends de vous la démonstration que votre capacité à mobiliser les budgets est à la hauteur de votre ambition. C'est bien là-dessus que nous vous jugerons. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur Jean-Louis Borloo, on vous dit mécontent : mécontent non pas de l'attitude de l'opposition, dans cette assemblée ou dans d'autres, non ; on vous dit mécontent parce que, d'une certaine manière, on aurait brouillé votre message en éclairant le projet de loi, celui que nous examinons aujourd'hui, d'une lumière un peu cruelle pour vous. (M. le ministre prête l'oreille aux propos d'un rapporteur.)

M. Jean-Pierre Bel. Je souhaiterais que M. le ministre m'entende !

M. Bernard Frimat. J'espère que nous ne vous dérangeons pas trop, monsieur le ministre !

M. Jean-Pierre Bel. Nous avons quelquefois des difficultés à nous faire entendre en commission,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. De quelle commission parlez-vous ?

M. Jean-Pierre Bel. ...qu'au moins dans l'hémicycle ce que les socialistes et l'opposition sénatoriale ont à dire puisse être entendu - je fais cette remarque en toute cordialité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Gérard Delfau. Il a raison !

M. Paul Blanc. Ne donnez pas de leçons aux autres s'il vous plaît !

M. Jean-Pierre Bel. Vous aviez, monsieur le ministre, caressé l'espoir de redresser, grâce à ce projet de loi, l'image du Gouvernement et de sa majorité, une image dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle s'est très rapidement dégradée ces derniers temps.

Après la déconvenue des élections cantonales, régionales, européennes, et même sénatoriales (Exclamations sur les travées de l'UMP.), vous étiez donc chargé, avec le talent qui vous caractérise, d'illustrer le « virage » social du Gouvernement.

Je ne sais quelle définition exacte donner de ce terme, mais je note que, si « virage » il y a, c'est que la ligne droite empruntée jusque-là, celle d'une politique libérale sans complexe et à visage découvert, celle d'une politique où la lutte contre le chômage et l'exclusion n'est plus prioritaire, cette ligne droite là, donc, a débouché sur une impasse, pour ne pas dire contre un mur.

Votre rôle était de donner corps au discours sur la fracture sociale, discours - il commence à dater ! - tenu haut et fort par un candidat à l'élection présidentielle de 1995. Votre objectif affiché, noble objectif que nous partageons sur le principe, était d'enrayer l'écart grandissant entre les nantis et ceux qui subissent, ceux qui vivent durement leurs conditions d'existence.

Nous nous apprêtions donc à dénoncer ce qui nous apparaissait non pas comme un virage, mais bien plutôt comme un mirage, comme une illusion d'autant plus cruelle que tout cela s'adressait à des millions d'exclus qui, vous l'avez vous-même souligné, vivent dans leur existence et dans leur chair les conséquences de cette politique. Mais est-ce bien nécessaire encore, tant il est clair aujourd'hui, après l'ajout d'un volet sur les licenciements, après la mise en cause du code du travail, que le projet de loi cache en réalité une nouvelle offensive du libéralisme économique dont ce gouvernement est de plus en plus imprégné ?

Mes amis, dans un instant, s'exprimeront sur le fond ; pour ma part, je souhaite faire une mise au point solennelle.

Les conditions de l'examen du projet de loi ne sont pas acceptables. Je rappelle au président du Sénat que, le 12 octobre, il dénonçait la « frénésie législative », vantait la « sérénité » censée présider à nos travaux et souhaitait que nous travaillions « autrement sans être submergés par le flot législatif ». Ces belles paroles sont à mettre en perspective avec la méthode utilisée par le Gouvernement : légiférer « autrement », est-ce légiférer dans la précipitation et dans la confusion ?

En réalité, nous discutons aujourd'hui de deux textes : l'un est censé renforcer la cohésion sociale, l'autre l'affaiblit profondément en amoindrissant la législation protectrice sur les licenciements.

Mercredi dernier, nous apprenions ce que j'appellerai le « raccrochage par effraction » d'un texte relatif aux restructurations et aux licenciements.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Par cohérence !

M. Jean-Pierre Bel. Curieuse conception de la cohésion sociale que celle qui veut que l'on se préoccupe d'abord du démantèlement social, en procurant les moyens de mieux licencier dans les périodes de restructuration et en imaginant des dispositions inférieures au seuil de protection offert par le code du travail !

Monsieur le ministre, tout cela vous a peut-être été imposé ; il n'en reste pas moins que les conditions du travail parlementaire ne sont pas dignes de notre assemblée.

M'exprimant ainsi, mes chers collègues, je souhaite dépasser les frontières partisanes (Rires sur les travées de l'UMP.) : je demande seulement au Gouvernement de respecter le Sénat, car cela n'a pas été le cas jusqu'à présent. (M. le président de la commission des affaires sociales s'exclame.)

Comment M. le président de la commission des affaires sociales, que j'entends réagir, peut-il se satisfaire de l'audition des représentants syndicaux à la va-vite, un lundi matin,...

M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est pas vrai ! Cela n'a pas été fait à la va-vite !

M. Jean-Pierre Bel. ... bref, à la hussarde ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est n'importe quoi ! C'est de la provocation !

M. Jean-Pierre Bel. Les conditions de travail sont telles que le rapporteur du projet de loi initial, notre collègue Louis Souvet, que je salue, a semble-t-il renoncé, et c'est un second rapporteur qui s'est dévoué pour rédiger un rapport supplémentaire.

M. Louis Souvet, rapporteur. Vous lisez dans mes pensées !

M. Jean-Pierre Bel. Quant à la commission des lois, on a oublié de la saisir pour avis, alors qu'elle l'a été sur le reste du texte.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elle n'a pas à être saisie : elle se saisit !

M. Jean-Pierre Bel. Il est vrai que le texte ne procède qu'à la modification d'une douzaine d'articles du code du travail... !

Hier, lors de la conférence des présidents, nous avons demandé le report de cette discussion afin de rendre possible un débat serein et, surtout, d'avoir le temps d'étudier des dispositions qui sont loin d'être anodines.

Une telle précipitation est la négation du débat parlementaire ; le Conseil constitutionnel appréciera cet abus caractérisé du droit d'amendement. Après la démocratie sociale, c'est au tour de la démocratie parlementaire d'être bafouée !

Les belles paroles sur l'« écoute », sur la « concertation » avec les partenaires sociaux se sont en effet envolées.

Dans sa déclaration de politique générale du 3 juillet 2002,...

M. Nicolas About, président de la commission de la commission des affaires sociales. C'était il y a longtemps !

M. Jean-Pierre Bel. ...le Premier ministre annonçait que le dialogue social serait « au coeur de l'action du Gouvernement » et que les partenaires sociaux seraient « consultés avant toute initiative majeure de l'Etat ». Ce même Premier ministre promettait « une autonomie pour définir par voie d'accord, et dans le respect des principes fondamentaux de notre droit, les règles qui déterminent les relations du travail ». On constate le résultat : cédant aux injonctions et aux sarcasmes de M. Seillière, on fait passer en force un texte qui constitue un recul du droit du travail.

Les semaines dernières, c'est une belle comédie qui s'est jouée - mais sans tromper personne -, et le Gouvernement s'est bien moqué des organisations syndicales !

Vendredi 15 octobre, alors que les négociations duraient depuis de nombreux mois, le Gouvernement présente un texte si directement inspiré par le MEDEF que même la CGC a claqué la porte avec la CGT. Dans une très belle mise en scène, le jeu de rôle peut alors commencer : le patron des patrons dénonce le retrait des dispositions autorisant le licenciement pour la sauvegarde de la compétitivité ; grâce à ces pseudo-rodomontades ultra-libérales, le Gouvernement espère faire croire qu'il a « résisté » au MEDEF et, ainsi, mieux faire accepter par l'opinion et par les partenaires sociaux ce qui suit, et qui n'est guère mieux.

Bien entendu, on trouvera toujours les meilleurs prétextes pour justifier la précipitation, et même l'improvisation.

Monsieur le ministre, vous avez fait le choix politique de suspendre les dispositions protectrices de la loi de modernisation sociale voulues par la gauche. Assumez votre politique, et ne vous dédouanez pas en vous retranchant derrière l'urgence ! Car il n'y a pas d'urgence à précariser la situation de centaines de milliers de salariés de notre pays.

J'ai dit « improvisation », j'aurais pu dire « confusion ».

Ainsi, l'incohérence de la réforme de la dotation de solidarité urbaine qui est intégrée dans ce projet de loi conduira à priver le Sénat d'une vision d'ensemble de la réforme des critères d'attribution de la DGF. Pourquoi la dissocier de la réforme générale de la DGF prévue dans le projet de loi de finances ? Cette absence de lisibilité d'une réforme des finances locales est sans précédent ; c'est un comble pour une assemblée qui se veut la représentante des collectivités locales !

M. Dominique Braye. C'est un conservateur ! Il voudrait que rien ne change !

M. Jean-Pierre Bel. Après l'humiliation que représente pour le Sénat une telle désinvolture, nous avons droit au mirage de la publicité mensongère.

Après tout, les sénateurs socialistes n'étaient pas forcément défavorables à un plan dont l'objet affiché était de contribuer à la cohésion sociale. Mais, si l'on veut éviter le risque que le projet ne se réduise à un effet d'annonce, la question des moyens se pose très vite. Malheureusement, ce risque s'est avéré : plus de 12 milliards d'euros sont annoncés pour les cinq prochaines années, mais, dès la première année, dès 2005, le milliard d'euros dégagé fleure le tour de passe-passe comptable. Le Conseil économique et social en tout cas, dans son avis du 31 août 2004, émet des doutes sérieux et fondés sur le financement et sur sa sincérité.

M. Louis Souvet, rapporteur. Ils sont infondés !

M. Jean-Pierre Bel. Pour 2005, plus de la moitié des crédits affectés au plan sont issus du redéploiement de crédits existants et proviennent principalement du programme emplois-jeunes. On peut donc douter du caractère contraignant de l'engagement financier de l'Etat pour les années suivantes !

Dans le même temps, la pression, que je qualifierai de libérale, exercée par la majorité a contraint le Gouvernement à modifier l'impôt de solidarité sur la fortune. Or ce nouveau cadeau fiscal aux plus riches de nos compatriotes représente un manque à gagner pour les recettes fiscales, alors que cette somme aurait été bien nécessaire au financement de ce plan de cohésion sociale !

Je crains, monsieur le ministre, que votre plan ne procède à un nouveau délestage de l'Etat au détriment des collectivités locales ; car ce sont elles, désormais, le financeur des réformes sociales du Gouvernement ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Dominique Braye. Nous ne vous faisons pas le coup de l'APA, nous !

M. Jean-Pierre Bel. Ce n'est pas : « Demain on rase gratis », c'est : « L'Etat décide, les collectivités locales payent. »

M. Dominique Braye. Trop, c'est trop !

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur Braye, je vous ai écouté avec attention et à aucun moment je ne vous ai interrompu. Pourtant, j'en ai eu grande envie, je peux vous le dire !

M. Eric Doligé. Il n'a pas dit de bêtises, lui ! (Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, et à lui seul !

M. Jean-Pierre Bel. Si vous souhaitez m'interrompre, monsieur Doligé, je vous laisse la parole tout de suite ! Car j'ai entendu votre jugement sur le fond, et j'y ai été très sensible.

M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, mon cher collègue. Veuillez poursuivre !

M. Jean-Pierre Bel. Les charges affectées à l'insertion professionnelle sont transférées aux collectivités locales sans aucun financement pérenne. Voilà un bel exemple de ce dont pourrait très vite se saisir l'Observatoire de la décentralisation que le président du Sénat propose de créer pour « veiller au respect des garanties et garde-fous financiers » ! Il me semble qu'il aura du travail sur la planche.

Je note en particulier l'incohérence financière qui menace par ailleurs la réussite du redressement de l'assurance maladie. En effet, les exonérations de charges sociales qui financeront le plan Borloo risquent de contribuer à l'échec, ou à tout le moins à la mise en difficulté du plan Douste-Blazy !

Autre incohérence : le Gouvernement finance l'augmentation de la DSU au profit des communes urbaines défavorisées par une ponction sur la DGF de l'ensemble des communes.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Sur l'accroissement de la DGF !

M. Jean-Pierre Bel. Nombre d'élus apprécieront ce petit détail, surtout quand on sait - et ces deux aspects sont à mettre en parallèle - que la réforme des droits de succession coûtera 600 millions d'euros, soit le montant total des crédits supplémentaires nécessaires à la DSU pour les cinq prochaines années. D'une certaine façon, ils sont subtilisés aux communes !

Incohérence, donc, lorsque la priorité accordée à la diminution de certains impôts et à l'attribution d'avantages fiscaux limite les ressources de l'Etat au détriment de dépenses socialement utiles, tel le logement - Thierry Repentin y reviendra -, ou indispensables pour l'avenir, comme la recherche.

Le projet de loi repose également sur une conception particulièrement restrictive de l'emploi.

Monsieur le ministre, la philosophie de votre notion de « retour à l'activité », louable dans ses objectifs est aussi porteuse de dangers, car elle ouvre la porte à des sous-emplois dérégulés et appauvris, ce qui revient à créer, selon l'expression du Conseil économique et social, des « travailleurs pauvres ». Je dis peut-être des bêtises, mais le Conseil économique et social a probablement pesé les termes qu'il a utilisés.

Derrière tout cela, il y a une fois encore le spectre des processus d'exclusion.

Avouez que si les craintes évoquées par le Conseil économique et social étaient confirmées, ce serait un lourd échec non seulement pour vous, mais aussi pour les espérances soulevées !

Nous ne sommes pas rassurés, monsieur le ministre, quand nous regardons dans le rétroviseur et faisons le bilan de votre politique : 200 000 chômeurs supplémentaires, 250 000 RMIstes supplémentaires, la suppression des 350 000 emplois-jeunes, la diminution drastique des contrats aidés et des fonds alloués à l'insertion, l'asphyxie des associations intermédiaires et des entreprises d'insertion par la réduction des subventions publiques et, de l'autre côté de la balance, quelque 1 000 RMA et 300 CIVIS seulement !

Nous pourrions ironiser, mais le sujet est trop grave : il touche à la désespérance humaine et à la crise sociale que traverse notre République.

Décidément, ce texte n'est pas à la hauteur de la situation, il n'est pas en phase avec ses ambitions.

Il ne pourra certainement pas résoudre la crise du logement, contrairement à votre déclaration, monsieur le ministre, et apporter une solution concrète aux 3 millions de Français mal logés ou aux locataires qui subissent de plein fouet la hausse vertigineuse des loyers.

Mais, vous l'avez compris, l'introduction d'un texte sur les restructurations qui remet en cause le code du travail constitue pour nous une véritable provocation, alors que, dans ses voeux aux forces vives le 6 janvier 2004, le Chef de l'Etat considérait qu'il était temps « d'instituer pour tous les salariés de nouvelles garanties en matière de reclassement ».

On est bien loin de ces belles intentions.

Le projet Borloo-Larcher reconnaît ainsi la modification du contrat de travail comme motif de licenciement, légalisant les chantages à l'emploi et pourquoi pas les baisses de salaires ou l'augmentation de la durée du travail.

Il limite l'application du plan de sauvegarde de l'emploi aux licenciements décidés et non plus seulement envisagés, réduisant les cas de mise en oeuvre obligatoire du plan.

Il autorise la négociation directe dans l'entreprise de la procédure et du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, écartant par là même les règles protectrices du code du travail et contournant le comité d'entreprise.

Ce n'est plus le mirage, c'est le danger que fait courir votre projet de loi ainsi transformé que nous dénonçons avec force.

Une dernière interrogation sur un projet décidément flou concerne les élus locaux : quel sera leur rôle exact ? Ce projet de loi est placé sous le signe d'une extrême confusion.

Vous le savez, les atteintes portées aux services publics notamment en milieu rural, désespèrent les élus locaux. Ils ont été 270 à démissionner la semaine dernière dans la Creuse. C'est un événement d'importance.

Je conclus, mes chers collègues. Ce texte, véritable exercice de mystification, ne fera que contribuer au désordre social et vous courez le risque, monsieur le ministre, de voir votre nom assimilé à une politique de régression sociale.

Les Français savent, comme ils l'ont montré à toutes les élections de 2004, que ce gouvernement ne répond pas à la crise sociale qu'il a lui-même provoquée.

Oui, mesdames, messieurs de la majorité, après cette occasion manquée, après ce numéro de passe-passe, les Français n'ont guère de raison d'attendre grand-chose de vous.

Face à leurs préoccupations de plus en plus fortes, face à leur angoisse, il faut une volonté à la hauteur de la situation. Le moment viendra de répondre à leurs demandes.

Aujourd'hui, notre devoir est de refuser la spirale de la fatalité que vous souhaitez leur imposer. Notre devoir est d'amener ceux qui attendent tant de nous à garder espoir dans l'avenir, dans notre République, une République protectrice, garante des avancées sociales, garante d'une vraie cohésion.

Pour cela, mes chers collègues, nous devons faire oeuvre de pédagogie, aider à y voir plus clair et donc dénoncer l'illusion, la mystification, refuser la précarisation, les atteintes aux droits des salariés, le poids du balancier toujours plus lourd pour les plus faibles.

Pour toutes ces raisons, et vraiment sans état d'âme, conforté par votre manière de faire sur le fond mais aussi sur la forme, le groupe socialiste votera contre le projet de loi Borloo-Larcher. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Dominique Braye. Tout ce qui est excessif est dérisoire.

M. Jean-Pierre Bel. Vous êtes bien placé pour le dire !

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. On a le droit de tout dire dans cette enceinte, et c'est très bien, mais il y a un minimum de courtoisie à respecter, monsieur le président du groupe socialiste, et je ne peux accepter que vous déclariez - ce qui est faux - que j'ai fait des auditions « à la va-vite ».

Chaque invité a répondu à mon invitation et chaque syndicat a pu s'exprimer.

Certaines auditions ont en effet eu lieu le lundi parce que cela arrangeait les syndicats et les organisations patronales, qui sont tous venus. En revanche, je n'ai pas vu un seul membre du groupe socialiste lors de ces auditions. (M. Jean-Pierre Bel proteste).

Il est facile d'accuser, il est facile de prétendre que le travail a été mal fait. J'affirme pour ma part que, lors de ces auditions, toutes les règles ont été respectées. Chacun a pu s'exprimer ; le seul membre de l'opposition qui était présent a pu prendre la parole quand il le souhaitait et a pu poser les questions qu'il désirait poser.

M. Roland Muzeau. Cela m'a permis de voir les amendements du MEDEF !

M. Alain Gournac, rapporteur. J'ai voulu procéder à cette mise au point, car les propos de M. Bel étaient inacceptables. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. André Lardeux.

M. André Lardeux. Que les ministres issus de l'Assemblée national ne m'en veuillent pas de saluer tout particulièrement Mme Nelly Olin et M. Gérard Larcher, qui illustraient il y a peu de temps encore notre Haute Assemblée.

Monsieur le ministre, il ne va pas manquer de conseilleurs, qui ne seront pas les payeurs, pour dire que votre plan n'est pas à la hauteur des problèmes ni de vos ambitions.

Aborder ainsi ce projet de loi est peut-être habile, mais fort peu courageux, et ce n'est qu'une manière de botter en touche et de refuser de prendre ses responsabilités. Ce n'est évidemment pas la démarche que je suivrai.

En ce qui concerne les principes énoncés, votre plan, monsieur le ministre, doit être salué à plus d'un titre. Il introduit, et c'est méritoire, l'idée que l'exclusion n'est pas, pour beaucoup de ceux qui en sont les victimes, un choix. Il innove avec la volonté de traiter ensemble des difficultés jusqu'ici prises séparément. Enfin, il montre que rien ne se fera sans associer les collectivités territoriales, ni les autres partenaires locaux.

Cependant, il n'y a pas de solution miracle pour faire face aux défis que vous tentez de relever, sinon il y a longtemps qu'elle aurait été mise en oeuvre.

En effet, l'effort de la nation pour la redistribution sociale est colossal, puisqu'elle représente 30% du revenu national brut ; la solution est donc non pas dans l'augmentation indéfinie de cette masse, mais dans l'exploration de pistes permettant de la rendre plus efficace, au besoin par un redéploiement de crédits.

La question majeure est celle de l'accès à l'emploi.

Nous sommes confrontés à un chômage structurel qui est, pour une grande part, le produit de notre modèle social, que nous nous ingénions à laisser en l'état depuis de nombreuses années ; en effet, un secteur public pléthorique et ultra protégé constitue un frein considérable par les prélèvements de plus en plus lourds qu'il exerce sur la richesse nationale. A cela s'est ajoutée l'erreur des 35 heures, contresens social s'il en est, car c'est en fait empêcher ceux qui le souhaitent de s'arracher à leur destinée par l'effort, comme c'est leur droit le plus élémentaire On a fait le malheur de beaucoup en croyant faire leur bonheur.

Mme Nicole Bricq. Ridicule !

M. André Lardeux. Il nous faudra bien un jour sortir de cette situation ubuesque, car ce n'est pas en limitant la création de richesses qu'on aidera efficacement les laissés-pour- compte de notre société. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mes chers collègues, j'ai écouté patiemment les autres orateurs, je vous demande de faire preuve de la même patience, même si vous ne partagez pas mon point de vue.

Pour la mise en oeuvre de l'accès à l'emploi, les pistes que vous explorez, monsieur le ministre, suivent la bonne direction, particulièrement la modernisation et le développement de l'apprentissage, l'alternance étant essentielle dans la formation professionnelle.

Il en est de même pour la réorganisation du service public de l'emploi. Cet ensemble de mesures est marqué par un effort de cohérence et un bon sens certain. Simplifier le système avec les maisons de l'emploi, créer des synergies locales, définir des objectifs précis est pertinent ; il faut que l'obligation de moyens soit accompagnée de l'obligation de résultats.

Il est normal que l'effort de la collectivité ait en contrepartie des engagements clairs de la part des bénéficiaires. Je crains toutefois que l'on ne demeure dans certains cas insuffisamment exigeants. En effet, parmi les demandeurs d'emploi, les situations sont très différentes : il y a bien sûr ceux - et ils sont hélas trop nombreux - pour lesquels l'accès à l'emploi est lointain et qu'il faut accompagner le mieux possible ; mais il y a aussi ceux qui sont immédiatement employables mais qui refusent les emplois proposés, cela est patent quand on voit les difficultés qu'ont les particuliers, bénéficiaires ou non d'avantages fiscaux, pour recruter des personnes travaillant à domicile, par exemple pour la garde d'enfants. Une plus grande exigence débloquerait certaines situations aberrantes. Cela montre aussi qu'il faut changer l'image des emplois de services aux personnes.

Incidemment, je veux attirer votre attention, monsieur le ministre, sur un problème concomitant : l'augmentation du SMIC, conséquence de l'imprévoyance dans l'application de l'ARTT. En soi, cette intention est excellente, mais elle aura des effets collatéraux sur les salaires immédiatement supérieurs, qu'il sera nécessaire d'augmenter. Nombre de petits employeurs sont concernés et certains envisagent de supprimer des emplois que leurs entreprises ne pourront plus financer. Il ne faudrait pas qu'une excellente intention se retourne contre les objectifs recherchés et génère à nouveau du chômage.

Vous comptez sur les collectivités locales pour le succès des mesures que vous présentez, et leur engagement est essentiel. Mais les collectivités, notamment les départements, s'inquiètent de la compensation des charges et de l'éventuelle application de l'article 72-2 de la Constitution. Elles le font à juste titre ; toutefois, l'attitude de certaines d'entre elles est ambiguë, sinon contradictoire.

En effet, que penser d'un département qui renâcle à répondre favorablement aux propositions de l'Etat en matière de lutte contre l'exclusion sous prétexte que c'est une charge trop lourde qui ne serait pas suffisamment compensée, mais qui, dans le même temps, propose la mise en place d'un RMI-jeunes pour les dix-huit - vingt-cinq ans de 300 à 420 euros par mois, pour une dépense annuelle prévisionnelle supérieure à 12 millions d'euros ? Les montants de ce revenu minimum d'inactivité - il faut bien l'appeler ainsi dans ce cas-là  - sont à comparer à la rémunération des apprentis  - cela n'est pas de nature à encourager l'apprentissage ; ils sont plusieurs fois supérieurs aux sommes allouées aux externes en médecine et en odontologie attachés aux CHU. Dès lors, comment ce département peut-il justifier son refus de collaborer à la politique de l'État ?

Que penser également de collectivités `qui proposent des ordinateurs gratuits, voire quelque autre facilité, aux élèves des collèges ou des lycées, ce qui n'a pour effet que de favoriser les familles aisées et nullement les familles défavorisées ? Peut-on, si on a les moyens de financer de telles mesures, raisonnablement refuser les sollicitations de l'Etat ?

L'objectif de ce projet est d'assurer la cohésion sociale, c'est-à-dire la cohésion nationale. On voit bien qu'il manque un lien entre l'individu et la nation à laquelle il appartient.

L'école n'est jamais parvenue à le créer vraiment et n'y parviendra pas. Le service militaire ayant été supprimé, il est probablement souhaitable d'étudier la mise en place d'un service national universel, masculin et féminin, afin de permettre, pendant quelque temps, le brassage social nécessaire à la cohésion nationale.

M. Paul Girod, rapporteur pour avis. Très bien !

M. André Lardeux. Cela aurait l'avantage de ne pas stigmatiser une population plutôt qu'une autre, puisque cela serait imposé à toutes les personnes d'une même classe d'âge.

Il ne serait pas inutile que tout jeune Français consacre une année de sa vie au service de la collectivité nationale, donc au service des autres, et les domaines dans lesquels ces jeunes pourraient agir sont très nombreux. Beaucoup d'entre eux pourraient ainsi acquérir de l'expérience et une formation, ce que permettait le service militaire à l'époque où il était en vigueur.

Dans le même ordre d'idée, cela faciliterait l'intégration des jeunes Français d'origine étrangère. L'immigration, qui est un problème à la fois national et européen, doit faire l'objet de toute notre attention. Nous aurons besoin de celle-ci dans les décennies qui viennent, du fait du « collapsus » démographique qui nous menace. Mais nous ne pouvons continuer à ouvrir ou à fermer nos frontières n'importe comment. Il nous faudra bien avoir, un jour, le courage de mettre en place une immigration choisie.

Les délais de recours, tels qu'ils existent actuellement pour le droit d'asile, sont intolérables et, par provocation, je me demande même si la Commission de recours des réfugiés est bien utile !

Il est également indispensable de maîtriser l'aide médicale d'Etat, faute de quoi le système ne tiendra pas très longtemps. Il en sera de même des finances des conseils généraux, qui voient exploser les aides aux enfants de ces familles étrangères en situation irrégulière.

S'agissant du logement, je serai bref, car d'autres collègues aborderont plus largement ce problème tout à l'heure.

II est légitime de mobiliser le parc privé locatif. Les mesures de solvabilisation sont souhaitables, mais il apparaît trop souvent que les petits bailleurs sont mal protégés contre les locataires indélicats et de mauvaise foi.

M. Alain Gournac, rapporteur. C'est vrai !

M. André Lardeux. Ces derniers ne sont pas si nombreux. Mais la médiatisation de tels événements fait beaucoup de dégâts et cette situation est de nature à décourager les bailleurs à louer leur logement. Il faudra donc veiller à ce qu'ils ne le soient pas, même dans le cas de personnes en difficulté.

Permettez-moi d'ajouter à mon propos un codicille concernant la fameuse lettre rectificative qui a été ajoutée au projet de loi et qui a provoqué un de ces psychodrames dont nous avons, nous Français, le secret ! Cela me donne l'occasion de saluer l'action de M. le ministre délégué aux relations du travail, qui n'a pas ménagé sa peine depuis qu'il est en fonction.

Les dispositions contenues dans les articles 37-1 à 37-8 ne méritent pas les criailleries que nous avons entendues. Il est nécessaire d'abroger les dispositions des articles 96, 97, 98, 100 et 106 de la loi du 17 janvier 2002, appelée - par antiphrase sans doute - « loi de modernisation sociale », et de rétablir les rédactions antérieures du code du travail. C'est une question de bon sens.

Les propositions concernant la « prévention des mutations économiques » incitent à une gestion prévisionnelle des emplois et à une anticipation des mutations, élargissent les possibilités de recours aux accords collectifs en matière de licenciements ; il n'y a là rien d'incohérent. Le délai d'un an pour contester un accord est raisonnable. Ce texte apporte de nouvelles garanties aux salariés en cas de licenciement économique ; cela a sa place naturelle dans un plan de cohésion sociale.

Le fait que l'on essaie de parer aux conséquences de la disparition d'entreprises dans un bassin d'emplois est une louable intention ; je m'interroge toutefois pour savoir si les entreprises concernées seront à même de répondre aux obligations fixées dans la loi.

Si rien, dans ce texte, ne justifie l'opprobre, il ne faudrait pas qu'il contribue à alourdir davantage le code du travail, dont le développement est tel que sa lecture est très difficile et son application encore plus. Je ne suis pas sûr qu'avec un tel maquis de dispositions il soit toujours aussi protecteur que le pensent les représentants des salariés. Il faudra bien, un jour, engager une remise à plat très large.

Le moment venu, il nous faudra aussi tirer « la substantifique moelle » du rapport Camdessus. S'il est trop récent pour servir de base à de nouvelles dispositions, il a le grand mérite de souligner nos faiblesses et de donner des pistes de réflexion et d'action.

Qu'on le veuille ou non, le problème qui est posé est celui de la compétitivité de « l'entreprise France », auquel il sera nécessaire d'apporter des réponses, car nous ne pourrons pas nous dérober indéfiniment ! A ce propos, certains font tellement référence au MEDEF que je me demande si cela ne cache pas quelque collusion secrète...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas impossible ! Ils n'existent pas l'un sans l'autre !

M. Jean-Luc Mélenchon. Comme vous avec le diable !

M. André Lardeux. L'insuffisance de la durée du travail - 1 453 heures annuelles, soit 12 % de moins que la moyenne européenne et 20 % de moins que les Etats-Unis - est l'une des causes majeures du recul de notre pays. Nous ne sommes qu'au 27e rang mondial pour la compétitivité, ce qui pèse dangereusement sur notre balance commerciale.

La conséquence de ce recul est que nous avons de moins en moins les moyens de nos ambitions sociales. Cela se traduit sur notre niveau de vie.

Au palmarès 2004 de l'indicateur de développement humain, l'IDH, qui n'est pas seulement un indicateur financier, loin s'en faut - les mêmes statistiques sont fournies par tous les organismes, notamment ceux de l'ONU -, nous ne sommes qu'au seizième rang mondial, alors que nous étions au premier rang voilà une vingtaine d'années ; en 2002, notre revenu national brut par habitant, calculé en dollar constant, nous place au dix-huitième rang mondial ou, exprimé en parité de pouvoir d'achat, au quinzième rang, ce qui est un peu mieux ! Cela représente tout de même 25 % de moins que les Etats-Unis et, surtout, 10 % de moins que l'Irlande !

Nous payons très cher les errements politiques des deux décennies passées et il est urgent de réagir. Ce texte en est un moyen. Il est donc indispensable qu'il soit mis en oeuvre et son succès est hautement souhaitable, car nous ne pourrons nous satisfaire de ce contraste de plus en plus fort entre une France ultra-protégée et une France fragilisée qui ne pourra peut-être pas supporter bien longtemps cette situation ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, sans logis, sans logement, sans toit, on est bien vite sans droits. C'est ainsi que l'on peut résumer la question du logement, telle qu'elle se trouve définie dans le présent projet de loi.

Venant après le vote de la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, qui comprenait, entre autres dispositions, la création d'une Agence nationale de rénovation urbaine, dont l'action demeure encore assez peu perceptible, le présent texte comporte un certain nombre d'articles - une quinzaine au total - destinés à apporter quelques mesures en la matière.

Le besoin en logements est particulièrement important dans notre pays. Il l'est d'autant plus qu'année après année le nombre de logements mis en chantier stagne à hauteur de 50 000 à 55 000 logements locatifs sociaux neufs, au regard des 120 000 qui seraient nécessaires.

Et ce n'est pas la véritable explosion des loyers du secteur privé qui a pu résoudre la question !

Les familles en demande de logement sont de moins en moins en situation de payer les loyers exorbitants imposés par la seule loi du marché locatif.

Les dispositions législatives diverses qui ont été prises, depuis 2002, pour favoriser l'investissement locatif privé n'ont pu que provoquer les effets de tension sur le marché du logement que nous connaissons aujourd'hui.

La seule notion de « marché du logement » est d'ailleurs en elle-même un problème, puisque nous sommes, pour notre part, d'abord et avant tout attachés au principe de droit au logement affirmé par la loi de 1989 sur les rapports locatifs, par la loi de 1990 tendant à la mise en oeuvre du droit au logement, et confirmé par la loi de solidarité et de renouvellement urbains de décembre 2000.

Le rapport pour avis de Dominique Braye est d'ailleurs éclairant de ce point de vue. Notre collègue n'écrit-il pas lui-même, dans l'exposé général, que « Cette augmentation du prix des loyers touche de plein fouet les ménages les plus modestes, plus particulièrement ceux qui sont logés dans le parc locatif privé, pour lesquels le taux d'effort brut - montant du loyer rapporté au revenu global - est passé de 31,7 % en 1988 à 50,8 % en 2002 ».

Le même rapport indique que ce sont, aujourd'hui, plus d'un million de ménages qui ont déposé une demande de logement auprès d'un organisme d'HLM.

C'est donc au regard de la tension particulièrement forte qui existe dans certaines régions du pays que l'on peut mesurer la pertinence ou la portée des mesures qui sont annoncées dans la loi de programmation.

Les dispositions du projet de loi portent à la fois sur la programmation du développement de l'offre locative, sur l'amélioration du suivi social des locataires en difficulté et sur la mobilisation du parc locatif privé.

On peut être séduit, a priori, par le contenu des articles de programmation.

Porter à 100 000 places la capacité des structures d'accueil et d'hébergement d'urgence, programmer la réalisation de 500 000 logements locatifs sociaux sur la durée de mise en oeuvre de la loi, favoriser le conventionnement et la maîtrise des loyers d'une part croissante du secteur privé sont autant d'objectifs en apparence ambitieux et pouvant rencontrer un large consensus.

De même, faire en sorte que soient mis en oeuvre les outils d'une meilleure prévention des contentieux locatifs peut rencontrer l'assentiment.

Hélas ! De plus près, les choses ne sont pas aussi simples.

Considérons la programmation de la construction de logements sociaux.

A l'article 41, ce sont 465 millions d'euros qui sont prévus pour réaliser les cent mille logements programmés en 2005. Le montant figure en toutes lettres dans le budget du logement, tel qu'il est prévu dans la loi de finances.

Mais, si l'on fait la somme des autorisations de programme 2004 et 2005, et si l'on compare le tout aux crédits de paiement finalement mobilisés, ce sont plus de 50 millions d'euros qui manquent à l'appel.

Cette apparente augmentation des crédits ouverts se double d'une réduction de 54 millions des crédits, gérés par l'Agence nationale de rénovation urbaine, l'ANRU, pour les grands projets urbains, et d'une réduction de 260 millions d'euros des crédits budgétaires destinés au financement du prêt à taux zéro, du fait de la transformation de ce prêt en crédit d'impôt.

En réalité, il n'y a donc qu'un redéploiement des sommes antérieurement utilisées, comme si l'on se contentait de faire du neuf avec du vieux. Et, comme cela n'a pas échappé aux responsables du secteur HLM ni aux associations de défense des locataires, les financements sont en réalité forts loin d'être bouclés.

Quid de la capacité des organismes d'HLM à mobiliser les fonds du 1 % employeur, leurs fonds propres, les concours des collectivités locales, dans un contexte où la loi sur les responsabilités locales a dévolu la gestion des aides à la construction aux collectivités locales ?

Comment va-t-on « faire la maille » pour assurer le montage des opérations, même s'il faut apprécier positivement l'exonération renforcée de taxe foncière sur les nouveaux logements ?

Tout se passe comme si la loi fixait un cadre dans lequel les collectivités locales, à concurrence de leurs moyens et des enveloppes budgétaires distribuées, mettraient en oeuvre les objectifs programmés. D'ici à ce que les élus locaux soient tenus pour responsables en cas d'échec de la réalisation des objectifs, il n'y a pas loin...

La question du logement dans notre pays appelle des solutions audacieuses. Votre enthousiasme, monsieur le ministre, ne suffira pas à masquer la timidité de vos propositions.

En liant financement du volet logement et objectifs, il apparaît clairement que rien n'est absolument garanti, alors que, pendant ce temps, nous verrons disparaître, par exemple, le prêt à taux zéro. Cela inquiète particulièrement l'Union sociale pour l'habitat.

Le Conseil économique et social ne dit pas autre chose quand il souligne : « Le Conseil économique et social regrette que le projet de loi ne soit pas à la hauteur de l'ambition du plan de cohésion sociale et conduise davantage à un rattrapage des retards qu'à la mise en oeuvre d'une nouvelle politique ».

La question du logement doit être abordée avec une volonté politique renforcée, donnant à la puissance publique un rôle clé dans la conduite des solutions, par des financements adaptés et, par-dessus tout, dans l'affirmation des droits des locataires et des demandeurs de logement.

Nous devrions faire de cette future loi une étape décisive dans l'affirmation du droit au logement, mais force est de constater que nous sommes encore loin de cet objectif. A l'instar des associations de locataires et des acteurs du logement social, nous craignons qu'elle ne conduise à une régression du droit au logement, alors qu'il existe aujourd'hui dans notre pays plus de 3 millions de citoyens mal logés.

C'est pourquoi le groupe CRC s'inscrira dans ce débat avec volontarisme et présentera un certain nombre d'amendements qui, selon nous, portent plus sûrement l'ambition que nous devons avoir pour répondre à ce besoin fondamental que constitue le droit au logement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous verrons !

M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. Monsieur le rapporteur du Conseil économique et social, j'ai plaisir à vous saluer et, à travers vous, l'institution que vous représentez, laquelle a toujours joué un rôle majeur dans la lutte contre l'exclusion.

Dans ce domaine, en effet, deux lois importantes sont venues concrétiser les réflexions du Conseil exprimées dans les rapports de Joseph Wresinski et de Geneviève de Gaulle-Anthonioz. Nul doute que l'adoption du présent projet de loi, qui fait suite à un autre rapport du Conseil économique et social, en l'occurrence le rapport de Didier Robert publié l'année dernière, marquera une étape importante dans la lutte contre l'exclusion.

La lutte contre la misère et l'exclusion, d'une part, et pour le progrès de la cohésion sociale, d'autre part, est d'une particulière gravité et touche le coeur même de nos sociétés et de notre avenir.

Certes, la misère est, hélas ! universelle et a toujours existé à des degrés d'extension plus ou moins larges. Sa réalité mondiale, aujourd'hui, est cependant particulièrement grave et lancinante.

Le Président de la République, devant l'assemblée générale des Nations unies, a récemment fait des propositions pour mieux armer le combat contre la misère au niveau mondial. Toutefois, la France, plus que tout autre pays, en raison même de sa devise et de sa fierté républicaine passée, ne peut qu'être plus touchée que toute autre nation par la perception de ce « chancre » qui la ronge et qui est comme une négation vivante de ce qu'elle prétend être et de ce qu'elle ne doit jamais renoncer à être.

Depuis bientôt vingt ans, des lois essentielles ont été votées pour endiguer les décrochages massifs de centaines de milliers et même, aujourd'hui, de millions de personnes qui vivent dans des conditions indignes.

En 1988, la loi portant création d'un revenu minimum d'insertion laissait espérer de « remettre en selle » environ 300 000 personnes susceptibles d'en bénéficier. Chacun sait que la vague des personnes concernées dépasse aujourd'hui le million et que la sortie même du régime de revenu minimum reste problématique.

La solution est-elle d'ailleurs à notre portée ? Il est permis d'en douter, depuis que des gouvernements s'efforcent de lutter contre ce mal aux allures endémiques qui « ronge » la société, avec des résultats qui ne sont pas toujours à la hauteur des attentes.

Au demeurant, si ce combat n'est pas constamment livré, sans désemparer, il est absolument certain que les scénarios les plus catastrophiques ravageront ce qu'il reste encore de cohésion sociale.

C'est dans ce contexte que nous est présenté le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

Ce texte se situe, d'emblée, comme l'une des phases essentielles du combat mené depuis près de vingt ans, auquel le Président de la République a voulu donner une nouvelle impulsion. Les qualités du texte que vous avez préparé, monsieur le ministre, avec vos collègues du « pôle social », ont été soulignées et considérées comme une source d'espoir par le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale que j'ai l'honneur de présider. Je n'insisterai pas sur ce point, sauf pour remercier Mme Nelly Olin du soutien et de l'énergie qu'elle apporte, avec toute son équipe, pour faciliter le travail de cette instance.

J'ajouterai quelques considérations plus personnelles.

Tout d'abord, au sujet des contrats aidés, certains savent que, voilà un an, j'ai remis au Premier ministre un rapport intitulé Pour un contrat d'accompagnement généralisé.

Je ne cacherai pas ma satisfaction de retrouver dans le projet qui nous est soumis non seulement la philosophie que j'avais discernée dans les expériences efficaces en matière d'insertion professionnelle et sociale, mais aussi des avancées significatives vers la simplification des outils disponibles pour ce combat.

Je n'ai jamais pensé que l'instrument unique et polyvalent en matière de contrat aidé était à portée de main. J'ai surtout souligné l'absolue nécessité de l'accompagnement. Certes, les contrats aidés eux-mêmes doivent être unifiés au maximum, dans un souci de simplification instrumentale, mais le paramétrage sera toujours variable en fonction des situations individuelles des bénéficiaires ou des acteurs qui seront appelés à mettre en oeuvre de tels contrats. C'est au plus près de la réalité du terrain que l'adaptation de ces contrats à chaque situation personnelle doit être effectué. A cet égard, l'accompagnement joue un rôle essentiel.

Nous avons besoin d'une ingénierie facilement maîtrisable et modulable, sinon la complexité et la rigidité deviennent elles-mêmes sources d'exclusion. Il faut que les acteurs, quels qu'ils soient, comprennent et maîtrisent facilement l'ensemble du dispositif et les outils mis à leur disposition, pour que l'essentiel de l'énergie dépensée dans la lutte contre l'exclusion ne soit pas consommé par la simple gestion des instruments.

A ce titre, le projet de loi marque un progrès incontestable, que le débat parlementaire pourrait, je le souhaite, encore améliorer grâce au travail de très grande qualité de nos rapporteurs.

Je voudrais ensuite insister sur la nécessité de donner la parole à ceux qui sont eux-mêmes les victimes de situations de misère et d'exclusion, et de la leur donner dans des conditions qui tiennent compte de la dissymétrie des positions entre ceux qui disposent d'une parcelle de pouvoir dans la société, ne serait-ce que par la sécurité de leur insertion sociale, et ceux qui n'ont rien et dont, pourtant, le besoin de reconnaissance sociale est équivalent à celui des premiers.

La cohésion sociale telle que nous la voulons est le résultat, non pas d'un simple processus technique, mais d'une relation vivante et permanente de réciprocité humaine. La vie sociale dans la justice et la paix partagées par tous peut seule qualifier une cohésion sociale digne de l'homme. Cet échange à travers lequel chacun donne et reçoit est la véritable finalité de notre ambition sociale.

C'est pourquoi je reprendrai ici la suggestion à laquelle le président du Sénat, Christian Poncelet, a bien voulu prêter une oreille attentive lors de la journée mondiale du refus de la misère qui s'est tenue au Sénat le 17 octobre, il y a tout juste dix jours. Nous avons connu, dans ce même hémicycle, un moment d'une particulière intensité avec le mouvement ATD-Quart Monde, lors d'une séance du « Sénat junior ».

Nous devons nous efforcer individuellement de chercher à partager un peu de la vie de ceux qui sont plongés dans ces situations d'exclusion, afin de recevoir d'eux l'enseignement qui nous fait défaut pour nous insérer nousmêmes dans une société conforme, non pas à des exigences techniques, mais à des exigences humaines.

A l'instar des stages d'immersion dans des entreprises ou des juridictions, la présidence du Sénat pourrait concevoir de nouvelles immersions dans une réalité qui nous est quotidiennement étrangère, afin que notre état d'esprit soit accessible à la compréhension profonde de ce qui est en cause dans la misère et l'exclusion.

Cette immersion doit pouvoir s'organiser au sein des réseaux d'associations et d'entreprises qui sont engagés dans ce combat moderne contre la négation de notre humanité.

Il apparaît clairement, en effet, que notre cohésion sociale repose pour beaucoup sur la diversité des acteurs et des rôles.

Les sociétés techniques sont très largement sélectives, et elles le seront certainement de plus en plus si on les laisse évoluer sans contrepoids. Une compétition acharnée y règne. Tant que leur performance est mesurée à travers des comptabilités de flux financiers, il est possible de mettre en lumière les succès, mais aussi de masquer les dégâts humains engendrés par le processus d'uniformisation issu de la globalisation de l'économie.

Mais c'est bien parce que ce « masque » commence à glisser et que les esprits les plus lucides nous ont alertés depuis des années sur le processus d'exclusion que nous avons pris aussitôt des initiatives et que, fort heureusement, nos économies ont encore un visage polymorphe.

En effet, la société doit et devra toujours pouvoir offrir une palette diversifiée de situations de participation à la vie économique et sociale, parce que nous n'avons pas, les uns et les autres, les mêmes exigences ni les mêmes performances face aux mécanismes implacables des processus techniques. C'est à cette exigence de diversité que répond, en partie, la sphère de l'économie solidaire.

Allons plus loin, et concevons que c'est toute une écologie humaine qui doit être désormais à l'ordre du jour de nos réflexions et de nos actions, dans une approche qui ne soit donc pas limitée à la nature animale et végétale. Le milieu humain a des exigences qui ne peuvent se satisfaire d'une organisation de la vie économique dictée par la seule compétitivité recherchée dans la production de biens d'équipements ou de consommation.

Les agences de développement éthique, qui commencent à apparaître, sont le signe du virage pris par une humanité qui ne veut pas s'enfermer dans une vision réductionniste de l'avenir. La perception des situations d'exclusion et la lutte que celles-ci appellent, nous préparent à la mise en oeuvre de solutions plus efficaces parce que moins génératrices elles-mêmes d'exclusion.

C'est dans cette perspective que nous devons écouter non seulement les demandes de ceux qui sont en situation d'exclusion, mais aussi les requêtes de ceux qui sont les principaux acteurs de ce combat, c'est-à-dire les associations, les entreprises et les services publics qui oeuvrent à tous les niveaux dans le combat pour l'insertion, notamment par l'activité économique et sociale.

Sachons reconnaître à ces acteurs la place qui leur revient dans les dispositifs prévus par ce grand texte de loi.

La valeur ajoutée que ces acteurs apportent à notre société est essentielle, car elle est humaine et pour cela, bien sûr, insaisissable par quelque comptabilité que ce soit.

C'est en définitive sur ces acteurs que repose la cohésion sociale au niveau de la réinsertion, tandis que le rôle primordial de la prévention incombe à la famille, à l'appareil éducatif et de formation professionnelle.

A nous de faire, par la cohérence de toute notre législation sur l'ensemble de ces plans, que notre cohésion sociale soit, non pas résiduelle, mais renaissante.

Ce projet de loi nous en offre l'occasion. Sachons la faire fructifier ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. Alain Gournac, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je rappelle aux membres de la commission des affaires sociales que nous nous réunirons dans notre salle de commission pendant la suspension de la séance.

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous affamez les commissaires ! (Sourires.)

Discussion générale (suite)
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Discussion générale (suite)

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RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, je souhaite revenir sur nos conditions de travail. (M. Alain Gournac, rapporteur, s'exclame.) Monsieur Gournac, je me dois de soulever les problèmes qui doivent être posés, tout en restant objectif, comme toujours.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement, sur ce texte important, nous force à travailler à un rythme soutenu, rythme que nous avons déjà connu la semaine dernière lors de l'examen du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Ainsi, à chaque suspension de séance, nous sommes contraints d'étudier les amendements avant de devoir regagner l'hémicycle pour la reprise de la séance. Monsieur le président de la commission, ce sera le cas ce soir, demain à l'heure du déjeuner,...

M. Alain Gournac, rapporteur. Et demain matin !

M. Jean-Pierre Godefroy. Absolument !

De telles conditions de travail ne me semblent pas tout à fait normales.

M. le président. Monsieur Godefroy, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Discussion générale (suite)

Cohésion sociale

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, complété par une lettre rectificative.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est dans un environnement économique incertain et un contexte social calamiteux que le Gouvernement présente aujourd'hui un projet de loi qui constitue un virage à 180 degrés et, donc, un aveu d'échec par rapport à la politique sociale menée depuis 2002 par le précédent ministre des affaires sociales, François Fillon.

A l'époque, nous avions dénoncé cette politique de « casse sociale » entreprise par le gouvernement Raffarin : force est de constater que nous avons été entendus par nos concitoyens au regard des résultats que nous avons obtenus aux élections régionales, cantonales et européennes.

Ce projet de loi se veut donc être celui du rachat, de la réconciliation avec l'opinion par la mise en oeuvre pluriannuelle des vingt programmes que vous-même, monsieur Borloo, avez annoncés le 30 juin 2004. Certaines mesures permettent d'avancer dans le sens de la justice sociale, tandis que d'autres sont totalement inacceptables, car elles reprennent les thèses du MEDEF et ouvrent la voie au libéralisme.

Quant au financement de ces mesures, il laisse de nombreux observateurs perplexes. Une enveloppe de 12 milliards d'euros sur cinq ans est annoncée, mais le budget qui pourrait y être consacré en 2005 ne dépasserait pas 1,146 milliard d'euros. Pour les années suivantes, des dotations de l'Etat sont prévues. En revanche, rien n'est indiqué sur la part à la charge des collectivités locales, notamment des régions, qui sont déjà victimes des gels de crédits d'Etat et des retards d'exécution des contrats de plan en ce qui concerne le financement des actions de formation professionnelle et d'apprentissage.

Des interrogations majeures demeurent. Quel sera le montant de la participation des collectivités locales et de l'Etat dans la mise en place des maisons de l'emploi ? Qu'en sera-t-il pour les contrats aidés du secteur non marchand ? Les réponses à ces questions importantes restent dissimulées.

Mes collègues du groupe socialiste auront l'occasion de revenir sur toutes ces questions, dans la discussion générale et lors de l'examen des amendements que nous avons déposés.

Mon intervention portera sur les mesures se rapportant à l'accès et au retour à l'emploi des jeunes, à l'apprentissage et à la réforme des contrats aidés.

L'insertion professionnelle des jeunes est particulièrement difficile, notamment dans notre pays où leur taux d'emploi est de 26 %, contre 56 % en moyenne dans l'Union européenne. Elle l'est d'autant plus que leur niveau de qualification est bas. Il était donc urgent de réagir. Dans cette optique, monsieur le ministre, vous nous proposez toute une série de mesures. Seront-elles efficaces ?

Il s'agit tout d'abord d'une modification à la marge du contrat jeune en entreprise, qui n'a pas donné les résultats annoncés en matière de création nette d'emplois.

Vous proposez ensuite, monsieur le ministre, une réforme du CIVIS, le contrat d'insertion dans la vie sociale, qui sera adapté aux jeunes sans qualification. L'objectif annoncé est d'accompagner, sur cinq ans, 800 000 jeunes vers l'emploi. Le Gouvernement s'efforce ainsi de rattraper son retard puisque, depuis la fin du programme TRACE - le trajet d'accès à l'emploi - rien n'avait été mis en oeuvre, si ce n'est le CIVIS, qui, dans sa version initiale, n'a connu aucun succès.

Au total, le Gouvernement rétablit un programme pour les jeunes en difficulté en se dégageant au maximum de son financement par le biais des contrats d'objectifs entre partenaires et du CIVIS, qui sera financé par les collectivités.

Monsieur le ministre, vous nous proposez ensuite une réforme de l'apprentissage qui s'inscrit dans le prolongement, d'une part, de la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social et, d'autre part, de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales. Mais les nouvelles mesures prévues sont loin d'être à la hauteur de nos attentes.

Concernant le statut et la rémunération, l'objectif est de valoriser l'apprentissage et de réduire sensiblement le nombre de ruptures de contrats, lequel reste très élevé dans certains secteurs, comme dans l'hôtellerie. Si nombre de ruptures sont liées aux problèmes d'adaptation de certains jeunes, il est cependant clair que des entreprises utilisent au mieux la législation, notamment la période d'essai, pour se doter, lors des périodes de forte activité, d'un personnel à faible coût dont elles se séparent ensuite sans formalité. Or aucune des actions envisagées dans votre texte, monsieur le ministre, ne permettra de mettre fin à ces abus.

Le projet de loi prévoit d'ajouter une quatrième dérogation à la limite d'âge pour l'accès à l'apprentissage, qui est fixée à vingt-cinq ans, « lorsque le contrat d'apprentissage est souscrit par une personne qui a un projet de création ou de reprise d'une entreprise dont la réalisation est subordonnée à l'obtention du diplôme ou titre sanctionnant la formation poursuivie ».

Cette disposition, qui garantit une passerelle vers l'emploi et une formation, est intéressante. Toutefois, le report de la limite d'âge doit rester une exception, car l'apprentissage ne doit pas s'écarter de sa vocation première de formation initiale. Il est vrai que, pour le Gouvernement, la tentation est forte d'occuper des personnes dans n'importe quel emploi. De là à étendre l'apprentissage aux adultes et à créer un effet d'aubaine sans précédent pour les entreprises, il n'y a qu'un pas. Nous veillerons à ce qu'il ne soit pas franchi.

Parmi les mesures réglementaires prévues, l'idée d'une personnalisation du parcours de formation de l'apprenti en fonction de son niveau initial peut être intéressante, sachant toutefois que, en pratique, les dérogations permettant cette individualisation sont déjà largement délivrées par les autorités académiques. Cette personnalisation demande néanmoins une évaluation préalable des compétences du jeune. Ces évaluations seront coûteuses, et il serait souhaitable de savoir qui en aura la charge.

Concernant la modernisation et le développement de l'apprentissage, votre principal objectif, monsieur le ministre, est d'augmenter significativement le nombre des apprentis pour le porter à 500 .000. Or, les deux tiers des employeurs d'apprentis ayant moins de dix salariés, l'apprentissage est incontestablement sous-représenté dans les grandes entreprises. Le but affiché est que le nombre d'apprentis dans les entreprises de plus de cent personnes représente 2 % de leur effectif.

Le Gouvernement souhaiterait faire de cet objectif une obligation réglementaire s'il n'était pas atteint dans les trois ans.

C'est, en réalité, une manière de remettre à plus tard la réponse au véritable problème du financement de l'apprentissage. Celui-ci est organisé sur l'idée totalement inexacte qu'il y a adéquation entre les besoins des CFA, les centres de formation d'apprentis, et les ressources de la taxe d'apprentissage. Or le système de libre affectation de la taxe encourage les entreprises industrielles qui sont redevables d'une taxe importante à verser celle-ci aux CFA industriels, qui ne forment qu'une petite minorité de jeunes et favorisent souvent la formation d'agents déjà qualifiés. Ce système laisse aux régions le soin de financer les CFA ne percevant qu'une faible taxe d'apprentissage, mais formant cependant la grande majorité des apprentis.

Loin d'être la réforme fondamentale et nécessaire que constituerait la fiscalisation de la taxe d'apprentissage et l'abandon du concept de libre affectation, le projet de loi ne constitue qu'un nouveau bricolage complexifiant encore le jeu des différents acteurs.

Ainsi, les entreprises embauchant des apprentis bénéficieront d'un crédit d'impôt de 1 600 euros par apprenti, montant qui sera porté à 2 200 euros pour un jeune sans qualification.

Parallèlement, le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi de finances pour 2005 une augmentation de 0,06 point de la taxe d'apprentissage, sous la forme d'une contribution spécifique au développement de l'apprentissage au profit des régions. Cela viendra progressivement remplacer la dotation de décentralisation apprentissage. Le taux global de la taxe d'apprentissage passera donc, en 2005, de 0,50 % à 0,56 % de la masse salariale brute. La hausse se poursuivra avec une augmentation de 0,12 % en 2006 et de 0,18 % en 2007, cette taxe atteignant finalement un taux de 0,68 % de la masse salariale brute. Il est donc prévu, non pas l'affectation de crédits supplémentaires affectés aux régions par l'Etat, mais l'instauration d'un système qui, si les prévisions de croissance d'effectifs ne sont pas atteintes, entraînerait une réduction de la dotation versée par l'Etat aux régions au titre de l'apprentissage.

On peut donc se demander si ce système de vases communicants sera décisif pour décider les entreprises à augmenter de manière significative leur nombre d'apprentis. Ce sera en tout cas l'occasion, pour l'Etat, de faire disparaître la dotation de décentralisation apprentissage.

Toutefois, si les entreprises se laissent convaincre, la multiplication du nombre d'apprentis risque, alors que les moyens pour le suivi et l'évaluation des maîtres d'apprentissage n'ont pas été prévus, d'avoir un effet pervers, à savoir l'exploitation des jeunes dans des emplois sous-payés, sans contrôle. De même, la capacité des CFA ne semble pas suffisante pour accueillir autant de jeunes. Il manque donc, dans votre projet de loi, monsieur le ministre, la programmation des moyens nécessaires à la réalisation de vos objectifs.

Enfin, le fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage, institué en vue de constituer un retour de l'Etat dans le financement de l'apprentissage, pourra également être un moyen, pour lui, de réduire les sommes affectées à la péréquation nationale de la taxe. Rien ne garantit dans les textes que les 10 % demeureront affectés. Ainsi, les régions qui choisiraient de ne pas s'engager dans des conventions avec les branches professionnelles et l'Etat s'exposeraient à voir leurs moyens financiers réduits.

J'en arrive à la réforme des contrats aidés. Monsieur le ministre, vous nous proposez de supprimer les articles relatifs aux SIFE, SAE, CIE et CES. S'agissant des SIFE et des SAE, il me semble important de préciser que ceux-ci étaient au nombre de 135 000 sous le gouvernement Jospin, avec une dotation budgétaire pour 2002 de 374 millions d'euros. L'essentiel de ce programme était consacré aux personnes en grande difficulté, comprenant une majorité d'allocataires du RMI et de l'ASS. En 2004, la dotation n'était plus que de 215 millions d'euros pour un nombre d'entrées prévu de 65 000. L'objectif est donc, depuis 2002, de supprimer cette formule et de la remplacer par le CIRMA. Ce nouveau dispositif est supposé permettre une utilisation immédiate par les employeurs des chômeurs de longue durée, sans aucune formation préalable.

C'est précisément cette absence de formation qui a justifié l'échec du RMA. On en compte que 1 500 dans toute la France. Les entreprises ont besoin de personnels immédiatement employables, la remise à niveau est donc indispensable. Même si le RMA devrait sortir un peu amélioré de ce texte, avec des cotisations retraite et chômage pour les bénéficiaires, il n'en demeure pas moins que ce dispositif aura des difficultés à fonctionner.

L'article relatif aux contrats emploi consolidé est non pas abrogé, mais remanié et sert de base au nouveau contrat d'accompagnement dans l'emploi, réservé au secteur non marchand. Il concerne les chômeurs qui rencontrent des difficultés sociales et professionnelles particulières d'accès à l'emploi. Cette définition des bénéficiaires est très large. Il n'y a, notamment, plus aucune mention d'une durée minimale de chômage, d'âge, ou de handicap.

Pour les allocataires de minima sociaux, il est prévu de créer un contrat d'avenir, qui remplace l'expression « contrat d'activité », dénoncée par le Conseil d'Etat pour sa connotation occupationnelle. Ce contrat est le pendant du CIRMA, qui est resserré sur le secteur marchand. Malgré l'usage du mot « contrat », les bénéficiaires du contrat d'avenir sont considérés non pas comme des salariés, mais comme des personnes en insertion. L'organisation de ce dispositif est confuse. Elle est partagée entre le maire de la commune de résidence de l'allocataire et le président du conseil général. Le maire, qui est à la fois l'employeur et celui qui doit mettre en oeuvre la convention réglant le contrat d'avenir, n'aura-t-il à conclure et à signer qu'avec lui-même ?

Un accompagnement dans l'emploi doit être mentionné dans cette convention, mais les actions de valorisation des acquis de l'expérience et les actions de formation sont facultatives, puisque la mention « en tant que de besoin » est utilisée. Celle-ci est singulièrement inappropriée car les personnes concernées ont forcément besoin d'une formation. Ion relève aussi, monsieur le ministre, une contradiction avec les annonces de votre plan en juin dernier, qui promettait une formation obligatoire pour tous les allocataires depuis six mois du RMI et de l'ASS.

De plus, les actions de formation et d'accompagnement « peuvent être menées pendant le temps de travail et en dehors de celui-ci ». Cela pose le problème de la rémunération des bénéficiaires du contrat. On peut se demander si une formation hors temps de travail non rémunérée sera motivante et réalisable, ou si l'on ne risque pas là d'obliger les personnes à recourir à des petits boulots de complément au noir.

En outre, nous déplorons la dégressivité de l'aide de l'Etat car elle comporte plusieurs risques : un effet d'aubaine pour certains employeurs qui se limiteront à l'embauche pour la première année, un risque de rupture dans le parcours des personnes et, surtout, un frein important au recrutement pour les associations, qui disposent souvent de faibles capacités financières.

Ces dernières nous ont d'ailleurs fait part de leurs craintes concernant notamment les chantiers d'insertion. L'équilibre financier de ces actions reste fragile et repose pour l'essentiel sur les financements publics qui prennent en charge la rémunération des personnels en insertion à travers les CES et l'encadrement technique au travers de subventions. Elles craignent que cet équilibre précaire ne soit bouleversé par les nouvelles dispositions.

Le financement des nouveaux contrats tel qu'il est annoncé aurait pour conséquence une diminution importante de la prise en charge par les pouvoirs publics de la rémunération des personnes en insertion. Cela se traduirait, selon leurs estimations, par la nécessité, pour chaque chantier d'insertion prenant en charge environ 15 personnes, de trouver un financement complémentaire oscillant entre 20 000 et 50 000 euros, ce qui paraît irréalisable.

La mise en place opérationnelle sur le terrain est aussi un sujet d'inquiétude du fait de la multiplication des instances de décision, de paiement et d'évaluation : communes, communautés de communes, territoires, pays, départements, régions, administrations déconcentrées de l'Etat, Europe... Monsieur le ministre, que pouvez-vous répondre aux associations, acteurs privilégiés de la lutte contre l'exclusion, pour apaiser leurs craintes ?

Pour conclure, les mesures annoncées en juin 2004 partaient d'un bon sentiment ; au final, ce n'est plus le cas. De nombreux points restent obscurs et flous, dans la mise en place des actions et, surtout, dans leur financement. Nous déplorons le renvoi massif à des décrets d'application.

Votre projet de loi fait la part belle aux employeurs, mais les demandeurs d'emploi, les chômeurs et les exclus sont stigmatisés. Où est la cohésion sociale ? Le mot « cohésion » signifie « propriété d'un ensemble dont toutes les "parties" sont intimement et logiquement liées ». Ici, ce n'est pas le cas. Aussi, nous ne pourrons voter votre texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy.

M. Jean-Paul Alduy. Mesdames, messieurs les ministres, la qualité des interventions de nos six rapporteurs me conduit à limiter mon intervention à la partie logement. Je tiens néanmoins à vous dire mon admiration pour avoir su, une fois encore, comme ce fut le cas pour la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, bousculer les habitudes et innover dans les méthodes d'intervention de l'Etat : d'une part, en changeant l'échelle des financements ; d'autre part, en sécurisant l'effort par une programmation précise sur quatre ans.

Vous vous êtes démarqués de vos prédécesseurs en évitant les lois d'intention, certes louables mais adossées à des procédures d'une complexité extrême et à des budgets aléatoires, et souvent même virtuels. Vous avez choisi la démarche de l'Etat stratège, qui agit sur tous les fronts de la cohésion sociale, même si, sur chacun de ces fronts, on choisit les actions qui peuvent permettre les vraies percées dans la lutte contre l'exclusion et la précarité, on choisit les points d'application de l'effort, ceux où il faut impérativement agir pour entraîner la société dans son ensemble.

La ville, hier territoire d'intégration, s'est aujourd'hui fragmentée ; la cohésion sociale de nos cités est partout fragilisée, souvent déjà brisée. Le programme d'action que vous nous proposez est notre dernière chance pour prouver qu'il existe une autre voie que le repli communautariste et ses violences : celle du droit au travail et à la formation, du droit au logement, celle de l'égalité des chances et de la fraternité.

Concernant le domaine du logement, pour bien comprendre la portée des dispositions de votre projet de loi, il faut les resituer dans le contexte des deux autres lois récentes : celle qui a créé l'Agence nationale pour la rénovation urbaine et la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales, qui prévoit la délégation de la compétence logement aux groupements de communes.

Lorsqu'on additionne ces trois lois, complémentaires, on prend la mesure de la formidable rupture dans la mise en oeuvre des politiques sociales de l'habitat qui va intervenir dans nos villes en 2005. Mesdames, messieurs les ministres, il va falloir que les préfets assurent localement le service après-vente de ces trois lois et coordonnent l'application de celles-ci.

L'ANRU, en rassemblant tous les partenaires de l'habitat social, devient l'outil d'un véritable « plan Marshall », pour reprendre l'expression que vous aimez employer, de remodelage, de réintégration économique, sociale, urbanistique des quartiers où se sont concentrés depuis plusieurs décennies la précarité et la misère, les intégrismes et les violences.

Les maires, un moment inquiets par la centralisation de la décision au niveau d'une agence nationale, ont compris aujourd'hui, et avec eux, vous le savez, monsieur le ministre, de plus en plus de régions et de départements, que cette concentration de moyens et des procédures était non seulement la condition nécessaire de l'efficacité, mais aussi une authentique mise en responsabilité des maires par la rapidité, la sécurité et l'impartialité des décisions.

Je regrette que Mme Demessine ne soit pas présente, car j'ai entendu tout à l'heure ses propos concernant l'ANRU. Je l'invite - je vous demande de transmettre l'invitation...

M. Guy Fischer. Je n'y manquerai pas !

M. Jean-Paul Alduy. ...- à venir me voir à l'ANRU pour lui permettre de prendre connaissance des chiffres. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Au moment où je vous parle, après quelques mois de fonctionnement, 1,7 milliard d'euros ont été engagés, qui correspondent à 7 milliards d'euros de travaux, et 400 millions d'euros de crédits de paiement. Avec M. Bartolone, c'était, dans les meilleures années, 50 millions d'euros. Alors, un peu de modestie dans les propos...

M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Oh oui !

M. Jean-Paul Alduy. ...et un peu plus d'objectivité.

M. Guy Fischer. Nous y reviendrons !

M. Jean-Paul Alduy. Je le répète : j'ai entendu tout à l'heure les propos de Mme Demessine, qui n'est pas présente, et je le regrette.

Mme Hélène Luc. Vous aurez l'occasion de la revoir !

M. Jean-Paul Alduy. Comme je l'ai dit, je l'invite à constater sur place les chiffres.

M. Jean-Pierre Bel. Pas d'agitation personnelle !

M. Jean-Paul Alduy. Dès aujourd'hui, à la lumière des projets présentés par les maires, toutes tendances politiques confondues, il apparaît qu'il faut amplifier l'action de l'ANRU et qu'il conviendra sans doute d'ajouter deux ou trois années, soit finalement 10 milliards d'euros supplémentaires d'investissements.

Je tiens également à souligner que les objectifs de construction de logements sociaux du plan de cohésion sociale s'ajoutent à ceux du programme de rénovation urbaine et ne le concurrencent pas. Les affirmations alarmistes formulées par la gauche à l'époque reçoivent aujourd'hui un démenti clair et définitif.

M. Guy Fischer. Définitif ?

M. Jean-Pierre Bel. Ce n'est jamais définitif !

Mme Hélène Luc. Le définitif, vous savez...

M. Jean-Paul Alduy. Mais les chiffres sont là, madame !

Avec la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales, il va être possible d'expérimenter et d'évaluer la capacité des groupements de communes à dynamiser la production de logements sociaux et sa répartition équilibrée sur le territoire. On peut penser qu'au terme des six années de délégation il sera possible de franchir l'étape de la décentralisation effective.

Mais, pour avancer dans cette réforme nécessaire et trop longtemps différée, il fallait, monsieur le ministre, ne pas déléguer la gestion de la pénurie, celle précisément des années 1999 et 2000 lorsque MM. Besson et Gayssot étaient ministres et où l'on construisait moins de 40 000 logements sociaux par an. Au contraire, avec votre plan, c'est une délégation fondée sur des objectifs ambitieux de construction, et donc sur une démarche de mobilisation, comme c'est d'ailleurs le cas pour l'ANRU, de tous les partenaires, non seulement les collectivités locales et les bailleurs sociaux, mais également les gestionnaires de ce que nous continuons d'appeler le « 1 % logement ».

De même, il faut redéfinir les moyens d'acquisition de réserves foncières. L'article 46 du projet de loi évoque la mise en place d'établissements publics fonciers collectant une taxe spéciale d'équipement assise sur le foncier bâti, la taxe d'habitation et la taxe professionnelle.

Pourquoi d'ailleurs imposer la création d'un établissement public foncier pour définir et percevoir cette taxe spéciale d'équipement et ne pas permettre aux groupements de communes de recevoir directement le produit de cette taxe afin de dynamiser les politiques foncières dont ils assument la vraie responsabilité dans les faits ? J'ai déposé un amendement en ce sens.

Ainsi, il faut s'en convaincre, la conjonction des trois lois créant l'agence nationale de rénovation urbaine, les conventions de délégation de la compétence logement aux groupements de communes, les schémas de cohésion territoriale, avec notamment les conventions avec les bailleurs sociaux, fera de 2005 une année de rupture avec les pratiques précédentes, ouvrant les voies d'une vraie reconquête, ville par ville, quartier par quartier, de la fraternité urbaine.

Ayant dit tout le bien que je pensais du volet « logement » de votre projet de loi, permettez-moi, monsieur le ministre, d'y trouver quelques points faibles...

M. Guy Fischer. Ah, tout de même !

M. Jean-Paul Alduy. ... qui pourront être corrigés, soit dans le cadre de ce texte, soit ultérieurement.

Tout d'abord, je considère qu'il manque dans ce plan les mesures susceptibles d'ouvrir les voies de l'accession à la propriété aux ménages à revenus modestes. J'ai compris que le futur prêt à taux zéro apporterait un début de réponse ; je crois personnellement que la voie de la location-accession est très efficace, mais qu'elle est insuffisamment ouverte. Pour combattre et réduire la ségrégation sociale qui fragmente nos villes, l'accession à la propriété doit cesser de s'éloigner comme un rêve irréalisable pour un nombre croissant de ménages à revenus modestes. La cohésion sociale, c'est certes un habitat pour tous, mais c'est aussi un avenir ouvrant la possibilité à tous d'accéder à la sécurité de la propriété de leur foyer.

L'autre lacune du volet « logement » concerne l'absence d'engagement en matière d'aides à la personne. Je rappelle que, lors des assises nationales du logement, une demande s'est fortement exprimée en faveur de l'indexation des barèmes des aides à la personne sur l'indice de référence de l'évolution des loyers. En effet, un décrochage accélérerait les impayés, les expulsions et bloquerait la modernisation et le développement du parc social privé, même si, sur ce point, je me réjouis de l'augmentation des dotations de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH. L'amélioration de l'efficacité de l'aide personnalisée au logement, l'APL, est un problème particulièrement difficile, je le sais, mais il faudra ouvrir ce chantier.

Enfin, mesdames, messieurs les ministres, j'aurais souhaité que le plan de cohésion sociale fasse écho à la demande, maintes fois rappelée, du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, pour que soit défini un calendrier de mise en place d'un droit au logement opposable.

Dès lors que l'Etat se propose de déléguer la compétence logement aux groupements de communes et aux départements et que le plan de cohésion sociale affiche l'ambition nationale de rattraper les retards en matière d'habitat des ménages modestes et pauvres en mobilisant le secteur public, comme le secteur privé, il me paraissait logique d'afficher l'objectif selon lequel, au terme des six années des conventions de délégation, les autorités politiques responsables du droit au logement et les voies de recours correspondante soient désignées. Je suis de ceux qui pensent que le temps est venu de franchir cette étape ; j'ose espérer que le bilan à mi-parcours du plan de cohésion sociale permettra cette avancée politique qui est, à mon avis, incontournable.

Pour conclure, monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je tiens à réaffirmer mon total soutien à un plan ambitieux, cohérent, sécurisé dans ses financements, qui nous permet d'approcher les deux objectifs essentiels à la reconquête de la cohésion sociale de nos cités : le droit au travail et le droit au logement.

Permettez-moi d'ajouter une dernière remarque très personnelle : sans ce plan-programme, les résultats et les acquis de l'agence nationale pour la rénovation urbaine auraient été provisoires et, réciproquement, sans l'ANRU, ce plan de cohésion sociale n'aurait que des résultats provisoires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l'heure où la reprise se fait attendre, le niveau du chômage continue, hélas ! de progresser. Depuis plus de dix ans, il flirte avec les 10 % de la population en âge de travailler. C'est deux fois plus qu'aux Etats-Unis, voire en Grande-Bretagne.

De plus, la caractéristique première du chômage français est d'être un chômage structurel, quasiment incompressible, c'est-à-dire qu'il semble dépendre, non pas du dynamisme de la demande, mais de la structure même de notre marché du travail et peut-être aussi - parce qu'il touche les jeunes plus que les autres - de l'inadaptation de notre système éducatif.

Or, chacun sait que l'inactivité d'une partie importante de la population en âge de travailler génère des inégalités, un « mal vivre », de l'exclusion, de l'insécurité, autant de phénomènes qui ne font que révéler un délitement social.

C'est pourquoi il nous paraissait urgent de faire du renforcement de la cohésion sociale une priorité nationale. Il nous paraissait tout aussi indispensable de mettre la politique de l'emploi au coeur de tout plan de lutte contre l'exclusion.

Par le présent projet de loi, c'est ce que vous proposez de faire, monsieur le ministre, et nous ne pouvons que vous en féliciter.

Le texte que vous nous présentez est un peu en deçà des déclarations qui le précédaient. Pour autant, il n'en demeure pas moins intéressant. Et, après tout, peut-on sérieusement vous blâmer d'avoir nourri de grandes ambitions ? Je ne le crois pas. Les arbitrages budgétaires vous ont été plutôt favorables, mais il faut toujours craindre les redoutables régulations budgétaires ultérieures !

Le volet « emploi » de votre projet de loi comporte plusieurs avancées significatives que nous entendons saluer.

Sur le plan des principes, il nous semble aborder la question du chômage sous un bon angle. Face à un chômage principalement structurel, il faut, en effet, mettre en oeuvre des réformes de fond, faute de quoi, la croissance continuera d'être pauvre en emplois. Aussi forte soit-elle, elle se heurtera à des obstacles insurmontables.

Sans réformes structurelles, le phénomène que nous avons connu en 2000 risque de se reproduire. A cette époque, alors que la croissance était très vive, le niveau du chômage n'a que très faiblement diminué.

Or, pour réformer en profondeur notre marché du travail, il faut former, accompagner, responsabiliser, assouplir. C'est précisément l'objet du texte que vous nous soumettez.

Pour ce qui concerne la formation, c'est à juste titre que vous mettez l'accent sur l'apprentissage. Nos sociétés sont allées en se complexifiant. Parce qu'une formation seulement théorique paraît souvent insuffisante de nos jours, l'apprentissage est, plus que jamais, une formule adaptée aux impératifs de notre temps. Elle l'est d'autant plus qu'une revalorisation du statut de l'apprenti permettra de diriger plus aisément les jeunes en difficulté d'insertion sur le marché du travail dans les filières en déficit de main -d'oeuvre.

Cependant, l'apprentissage ne doit pas concerner seulement les jeunes en difficulté ; il doit intéresser également tous ceux qui souhaitent exercer un métier manuel, dont la noblesse doit être remise à l'honneur. A cet égard, la création d'universités des métiers, à côté des centres de formation d'apprentis, les CFA, et des lycées professionnels, aurait pour mérite de donner une véritable perspective à cette filière.

Car c'est là un autre paradoxe français, et non des moindres : le chômage plafonne à un niveau très élevé, alors que des pans entiers d'activité sont en déficit d'actifs. Il existe dans notre pays des gisements d'emplois inexploités. La réforme de l'apprentissage aidera à remédier à ce paradoxe désastreux. En tant que résident proche de la Belgique, j'en vois personnellement la démonstration, avec les contrecoups qui se manifestent régulièrement.

Mais la formation seule ne suffira pas. Il faut aussi accompagner les demandeurs d'emploi dans leur parcours vers l'insertion sur le marché du travail. Chaque situation est unique et doit réclamer une attention particulière ainsi que la mise en oeuvre d'un projet individualisé.

Là réside, à notre avis, la grande force de votre projet de loi, monsieur le ministre. Il met en place les outils permettant à chaque demandeur d'emploi de bénéficier d'un accompagnement adapté à sa situation particulière et de concevoir un projet personnalisé d'accès à l'emploi.

Votre réforme du service public de l'emploi est emblématique de cette démarche. En particulier, les maisons départementales de l'emploi aideront les chômeurs à s'insérer grâce à la synergie qu'elles créeront entre les différents acteurs de la politique de l'emploi et à l'approche globale de la question qui en découlera.

J'émets néanmoins le souhait que ces maisons départementales de l'emploi se préoccupent des demandeurs d'emploi non seulement en milieu urbain, mais également dans les zones rurales qui connaissent, elles aussi, des difficultés grandissantes. Je ne doute pas que mon département serait probablement candidat à une expérimentation dans ce domaine.

Un aspect de votre texte nous tient cependant particulièrement à coeur : il s'agit des articles consacrés aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise. Si, du point de vue des demandeurs d'emploi, créer ou reprendre une entreprise devient une modalité plus attractive de réinsertion sur le marché du travail grâce à la loi, inciter les chômeurs à l'entreprenariat nous paraît également fondamental pour faire entrer notre économie dans un cercle vertueux de croissance.

En contrepartie de la mise en place d'un service public de l'emploi performant et humain, responsabiliser les demandeurs d'emploi nous semble aussi essentiel. Les chômeurs ont des droits qu'il faut protéger, mais aussi des devoirs qui en sont la contrepartie. La possibilité de prononcer des sanctions graduées en cas de non-respect de l'obligation de recherche nous semble une solution réaliste et de nature à mettre chacun face à ses propres responsabilités.

Enfin, notre marché du travail a certainement besoin d'une dose d'assouplissement. La libéralisation encadrée de la diffusion des offres et des demandes d'emploi et de l'activité de placement introduit une flexibilité salutaire.

Il en va de même des articles du texte consacrés au licenciement économique. Il n'est pas rare, en effet, que les entreprises qui souhaitent créer des emplois se tournent plus volontiers vers des contrats à durée déterminée, les CDD, ou la formule de l'intérim, afin de ne pas être confrontées à des procédures longues, difficiles et coûteuses en cas de retournement de conjoncture.

Comme vous l'avez compris, monsieur le ministre, nous jugeons votre texte de mobilisation sur l'emploi globalement satisfaisant, d'autant plus qu'il a été substantiellement amélioré par notre commission des affaires sociales, son président et ses rapporteurs auxquels je tiens à rendre un hommage tout particulier pour la grande qualité de leurs travaux.

Trois amendements proposés par la commission nous semblent très importants. En vertu du premier, les actes tendant à la reprise ou à la création d'une entreprise permettraient de remplir la condition de recherche d'un emploi. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement allant dans le même sens.

Toujours dans l'idée de favoriser l'entreprenariat, les deux autres amendements portent sur l'aide fiscale apportée aux tuteurs de chômeurs créateurs d'entreprise. Comme la commission, nous estimons nécessaire que cette aide puisse profiter aux membres de la famille s'ils apportent au chômeur repreneur d'entreprise une aide adéquate.

M. Roland Muzeau. Ben voyons !

M. Claude Biwer. En outre, l'institution d'une prime pour les accompagnateurs payant peu ou pas d'impôt sur le revenu nous semble conforme à l'équité.

Si nous approuvons globalement le texte que vous nous soumettez, nous considérons également qu'il est perfectible sur certains aspects. Aussi avons-nous déposé une série d'amendements afin de l'améliorer.

En particulier, nous pensons que les modalités juridiques de mise en oeuvre des maisons départementales de l'emploi mériteraient d'être assouplies. Ces maisons devraient pouvoir prendre la forme de conseils locaux pour l'emploi dépourvus de personnalité morale.

Par ailleurs, nous vous proposerons de donner une base législative aux chantiers et ateliers d'insertion, qui ont fait leurs preuves depuis leur création.

Enfin, il nous semble indispensable que l'Etat joue son rôle d'arbitre dans le dispositif du contrat d'avenir. C'est pourquoi nous vous proposerons de confier au préfet la présidence de la conférence de pilotage du dispositif.

Permettez-moi, enfin, d'attirer votre attention sur un point important qui figure parmi les mesures prises en faveur de l'égalité des chances : je veux parler de la majoration de 120 millions d'euros par an sur cinq ans de la dotation de solidarité urbaine, s'agissant notamment des villes comportant des zones urbaines sensibles.

On ne peut bien entendu qu'être favorable à cette démarche mais, là ou le bât blesse, c'est que ces dotations supplémentaires seront prélevées sur la masse globale de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, ou plus exactement sur les sommes résultant de la progression de la DGF. Ainsi, toutes les communes de France, grandes ou petites, riches ou pauvres, seront concernées.

Monsieur le ministre, on nous avait annoncé - ce point a souvent fait l'objet de questions que nous avons formulées dans cette enceinte - que ces sommes supplémentaires pourraient servir à assurer la péréquation. Or, que je sache, la péréquation n'intéresse pas que les communes urbaines, elle intéresse également les communes rurales, lesquelles attendaient beaucoup du nouveau dispositif, mais risquent d'être terriblement déçues.

Prenez garde que le mouvement de protestation contre la fermeture des services publics, qui commence à s'amplifier dans certains départements ruraux, ne soit pas décuplé, avec des annonces intempestives concernant la fiscalité locale, par une réforme de la DGF qui aggraverait les injustices actuelles.

Dans mon esprit, la « solidarité urbaine » devrait concerner, en priorité, les communes urbaines et ne devrait pas pénaliser les communes rurales, qui sont, d'ores et déjà, dans un état de pauvreté financière.

Je rappelle que, à l'heure actuelle, onze villes de plus de 200 000 habitants totalisant une population de 5 679 000 habitants perçoivent, au titre de la DGF, 1,613 milliard d'euros, soit beaucoup plus que les 27 371 communes de moins de 1 000 habitants, qui rassemblent pourtant plus de 9 746 000 habitants.

La seule Ville de Paris perçoit une DGF de 679 millions d'euros - près de 4,5 milliards de francs -, soit 300 euros par habitant contre, en moyenne, 184 euros par habitant pour toutes les autres communes. On comprend dès lors pourquoi la fiscalité est faible dans la capitale, comparée à celle de bien d'autres communes ; elle est, par exemple, quatre fois moins élevée à Paris qu'à Lille.

Je veux bien que l'on majore la DSU, la dotation de solidarité urbaine, mais, de grâce, prélevez cette majoration sur les villes et les villages qui sont financièrement aisés, voire sur les départements qui sont aussi bien portants financièrement, mais ne le faites pas sur les communes rurales qui ne disposent même pas de quoi entretenir correctement leur patrimoine, alors que certaines villes peuvent se permettre de dépenser des sommes importantes pour créer, par exemple, une plage artificielle ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Bel. L'exemple est mal choisi !

M. Claude Biwer. Vous n'aimez pas la mer ?

Mme Gisèle Printz. Mais si ! Justement !

M. Claude Biwer. Au-delà de ce projet de loi, nous attendons du Gouvernement des engagements fermes en matière de financement. Les collectivités locales auront à supporter des charges supplémentaires qui devront être intégralement compensées.

De plus, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale ne pourra être pleinement effectif que si les initiatives des uns et des autres ne sont pas annihilées par le jeu stérile des rapports de force locaux. Là encore, l'Etat devra encourager et accompagner toutes les initiatives.

Monsieur le ministre, les Français comprendraient mal qu'après les écarts naturels entre le plan et le projet se fassent jour de nouveaux décalages entre le texte voté par le Parlement et son application effective sur le terrain.

Sous le bénéfice de ces observations et des modifications proposées par nos commissions, je vous confirme que le groupe de l'Union centriste votera votre projet de loi, après, nous l'espérons, l'adoption d'un certain nombre d'amendements.

Je pense que les engagements de péréquation pris en réponse à certaines questions devront être réellement suivis d'effet. C'est aussi cela la solidarité nationale ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Monsieur le ministre, en quinze articles constituant le titre II de votre projet de loi, vous affichez une triple ambition : celle de répondre aux carences dans le domaine de l'accueil et de l'hébergement d'urgence, celle de contrer une crise d'austérité sans précédent dans le parc social locatif et celle de mobiliser le parc privé au bénéfice des ménages en attente d'un logement.

Ajouter à cet affichage une mobilisation médiatique préalable, réunissant le Président de la République, le Premier ministre et la majeure partie de son Gouvernement, et vous faites naître tout naturellement des espoirs au sein de toute la chaîne des acteurs de la filière logement : élus locaux, opérateurs publics et privés, associations de locataires ou gestionnaires d'une partie du parc d'hébergement.

Le scénario est donc bien en place, suscitant intérêt et attentes bien légitimes dans l'opinion publique où le logement constitue, avec l'emploi, un élément de stabilisation personnelle et sociale sur la base duquel s'édifie le parcours d'une vie et se construit la cellule familiale.

Si j'analyse le texte que vous nous soumettez, monsieur le ministre, le contexte dans lequel il a été élaboré et les réactions que nous avons constatées durant les auditions et que nous avons estimées utiles pour confronter nos points de vue, j'ai envie de faire référence à une image utilisée par un personnage contemporain, très contemporain d'ailleurs, et qui n'est généralement pas ma source d'inspiration : « La route est droite, mais la pente est raide. »

M. Jean-Luc Mélenchon. Et vice versa !

M. Thierry Repentin. La route, ce sont les quelques objectifs quantifiés, mis en exergue dans le projet de loi pour que l'on en retienne les chiffres essentiels : 500 000 logements sociaux d'ici à 2009, 100 000 places d'hébergement d'urgence et d'insertion à la même échéance, 100 000 logements à loyers maîtrisés dans le parc privé durant la même période.

La pente, c'est celle que vous devez gravir, monsieur le ministre, pour crédibiliser la volonté du Gouvernement d'agir sur ces trois segments de la chaîne du logement.

Pourquoi cette méfiance, me direz-vous ? Elle tient tout simplement aux décisions qui ont été prises sur ces trois segments, durant ces deux dernières années, et qui prennent l'exact contre-pied du texte que nous allons examiner.

Premièrement, en matière de logement d'urgence et d'insertion, des instructions ont été données aux préfets pour contingenter les aides au logement temporaire dont bénéficient les associations logeant à titre temporaire des personnes défavorisées.

Dans le projet de loi de finances pour 2005 est proposée la suppression des crédits de l'aide à la médiation locative versée aux organismes agréés et leur transfert aux départements. Les fonds de solidarité pour le logement, les FSL, ont également été transférés aux départements, dont la mission a d'ailleurs été étendue au financement des impayés des factures d'eau, de téléphone et d'électricité, sans pour autant qu'on ait donné plus de moyens aux conseils généraux qui, soit dit en passant, apprécient désormais librement les conditions d'attribution de ces fonds, des conditions différentes d'un département à l'autre.

Pour clôturer le tout, le contingent préfectoral qui permet de loger les personnes les plus fragilisées a été délégué au maire, sans obligation de résultat, et sans que le préfet soit obligé de se substituer au maire si les objectifs fixés en matière de logement des personnes défavorisées ne sont pas respectés.

Si l'on veut commencer à débattre du droit au logement opposable, il faut en parler.

Deuxièmement, s'agissant des moyens alloués au logement social et à leurs occupants, le constat est assez simple : diminution de l'effort budgétaire de l'Etat à travers les lois de finances -  moins 7 % en 2004 auxquels il convient d'ajouter une régulation budgétaire de 150 millions d'euros opérée en avril dernier -, transfert de l'effort au détriment des collectivités locales à travers la délégation conventionnelle permise par la loi du 13 août 2004.

Cette délégation conventionnelle renvoie au principe d'annuité budgétaire s'agissant de la participation de l'Etat, alors que les départements et les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, vont, de leur côté, prendre des engagements sur six ans. Je le dis avec d'autant plus d'amertume que j'ai été moi-même l'un de ceux qui, au sein de l'ADCF, l'Assemblée des communautés de France, se sont beaucoup battus pour que la délégation conventionnelle soit offerte aux EPCI.

Par ailleurs, on note également la non-revalorisation des aides au logement pour les six millions de ménages locataires, dans le parc public comme dans le parc privé.

Pour ce qui concerne le deuxième maillon essentiel de la chaîne du logement, à la lumière des « acquis » de votre gouvernement, monsieur le ministre, comment espérer un renversement complet de la logique d'intervention ?

Les opérateurs d'HLM envers qui l'Etat est aujourd'hui débiteur faute de crédits de paiement - 110 millions à Paris, de 450 millions à 600 millions suivant les sources pour l'ensemble de notre pays - et les ménages locataires dont le taux d'effort en matière de logement ne cesse d'augmenter peuvent-ils aujourd'hui attendre ce changement de politique ?

Troisièmement, qu'en est-il de la mobilisation du parc privé ?

Je dois admettre, au cours de ces dernières années, une certaine réussite qui profite essentiellement aux investisseurs. Partout, il est fait état de l'envolée des prix. De fait, ils explosent : plus 48 %, en trois ans, sur l'ensemble de la France ; le foncier devient un bien qui n'a plus de prix de référence. Il suffit d'ailleurs de lire le rapport de M. Braye : il cite des exemples très précis, notamment celui de la ville de Strasbourg qui a connu, en trois ans, une augmentation de plus de 60 % du prix du foncier.

Aujourd'hui, lorsque l'on a de l'argent, on n'achète plus un appartement, on n'investit plus dans la pierre, on déniche en réalité, avec la loi de Robien, une opportunité pour payer moins d'impôts.

Dans le même temps, les élus locaux sont, vous le savez, désemparés : ils se demandent comment ils pourront, demain, accueillir des personnes sans être ségrégatifs.

A l'inverse, pour le logement conventionné, le budget de l'ANAH, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, s'est allégé de 100 millions d'euros, restreignant par là même ses capacités d'intervention et de création de logements accessibles, dans le parc privé, au plus grand nombre de nos concitoyens.

La pente est donc raide pour redonner confiance, à l'aune de ce bilan que nous ne revendiquons pas, monsieur le ministre, mais aussi à l'aube du projet de loi que vous avez la charge de défendre. Nous souhaitons apporter nos contributions pour donner des outils, pour répondre aux questions de « fond » et de « fonds » qui se posent, et pour tenter de satisfaire certaines ambitions que vous avez esquissées, tant il nous semble que la question du logement doit être reconnue comme une grande cause nationale.

Concernant l'architecture du titre II, nous apprécierons, dans votre réponse, monsieur le ministre, votre souci de clarification pour que la représentation nationale puisse bien mesurer, s'agissant de votre objectif de créer 100 000 places d'hébergement d'urgence et d'insertion, ce qui se décompose entre effort budgétaire nouveau, redéploiements de crédits et appel à la solidarité locale, ou devrais-je dire, territoriale.

Nous serons également attentifs au sort que vous réserverez aux amendements que nous avons déposés pour réintroduire dans les dispositifs locaux - je pense que le président de l'ANRU sera content ! - l'Etat comme garant de la solidarité et de l'application de la loi.

La solidarité n'est malheureusement pas une donnée génétique, pas plus qu'elle n'est une vertu spontanée adossée au suffrage universel, et il est de la responsabilité de l'Etat de s'assurer que notre République est unique en la matière, et non pas divisée en autant de territoires qui la composent. Le partenariat privilégié avec les collectivités territoriales et le rappel républicain à un traitement égalitaire des populations sont indissociables. Sans doute ne vous surprendrai-je pas, mesdames, messieurs les ministres, en vous disant que le refus affiché d'assumer certaines responsabilités à l'égard de populations fragilisées peut constituer localement un viatique électoral.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail, et de la cohésion sociale. C'est vrai !

M. Thierry Repentin. A propos des dispositions relatives au parc locatif social, je ne peux passer sous silence - le Conseil économique et social et M. Girod l'ont évoquée - la sous-évaluation du coût budgétaire retenu en parallèle à l'objectif fixé de 500 000 logements, sauf à considérer comme acquise la double condition préalable, à savoir une aide à la pierre de l'ordre de 3 % à 4 % du coût de la réalisation apportée désormais par l'Etat et l'accompagnement croissant de partenaires extérieurs, les collectivités locales, l'Union d'économie sociale du logement, l'UESL, ou encore le mouvement d'HLM.

Vu le niveau d'aides si faible, peut-on encore considérer que la programmation du logement social relève de l'Etat ?

Ce secteur recouvre d'ailleurs des réalités très variées : le segment historique, c'est-à-dire celui qui est ouvert le plus largement à nos concitoyens, doit être privilégié. Nous vous suggérons donc plusieurs pistes, que Mme le rapporteur de la commission des affaires sociales a elle-même évoquées tout à l'heure.

D'abord, globalement, il faut consentir moins de prêts locatifs sociaux et plus de prêts locatifs aidés d'intégration et de prêts locatifs à usage social. Ensuite, il faut dynamiser les programmations sur les territoires qui, par le passé, ont choisi de ne pas toujours être solidaires, et ce en renforçant le dispositif de l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, si chère au Président de la République.

M. Guy Fischer. C'est ce que l'on dit !

M. Thierry Repentin. Cessons de comptabiliser les réalisations en prêts locatifs sociaux sur les communes concernées et favorisons leur contribution financière au bénéfice des établissements publics de coopération intercommunale ou des établissements publics fonciers locaux auxquels elles sont rattachées, en doublant le montant de leur solidarité.

A ce moment de mon intervention, je ne peux pas ne pas me faire également l'écho des associations de locataires, du mouvement HLM et, derrière eux, des 6 millions de ménages attributaires d'une allocation logement en vous interpellant sur le rattrapage du pouvoir solvabilisateur de cette prestation.

Je sais que la question est difficile et qu'elle ne relève pas de votre seule décision, monsieur le ministre, mais pouvez-vous garantir la revalorisation des APL dans une France où l'immobilier et les loyers flambent et après qu'il a été admis, la semaine dernière, une actualisation du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune pour tenir compte de l'évolution du coût de la vie ?

Dans le même ordre d'idées, allez-vous accepter de supprimer le délai de carence qui se traduit par le fait que, durant le premier mois de location, généralement celui pendant lequel l'effort financier est le plus lourd, on est injustement privé d'aide au logement ?

M. Guy Fischer. Voilà !

M. Thierry Repentin. Ce qui était possible avant 1996 peut sans doute le redevenir...

La mobilisation du parc privé doit, elle aussi, être un levier contribuant à une palette d'offres la plus diversifiée possible. Je me réjouis donc que l'ANAH retrouve une perspective budgétaire supplémentaire, de l'ordre de 70 millions d'euros, après les restrictions supérieures à 100 millions d'euros qu'elle a dû avaliser dans un passé récent.

Nous veillerons, en parfait accord avec vous, je l'espère, monsieur le ministre, à ce que les interventions de l'Agence se concentrent sur les logements vacants remis sur le marché à des niveaux de loyers conventionnés, le terme « réglementés » nous laissant craindre des dérives qui aboutiraient à exclure des ménages du fait de niveaux de loyers trop ségrégatifs. Pour rendre plus efficace le travail de l'ANAH, nous vous proposons d'ailleurs une meilleure transparence de la connaissance du parc des logements vacants en prévoyant un accès aux données des services des impôts.

Enfin, last but not least, pour que ce texte sur la cohésion sociale soit aussi celui de la cohérence sociale, nous devrons aborder, peut-être pour l'avenir, sans tabou, la question de la pertinence qu'il y a à maintenir, dans un cycle haut de l'immobilier, un dispositif qui contribue à la flambée des prix, à la flambée des loyers, à la flambée du foncier et, finalement, à la mobilisation des trop rares disponibilités budgétaires au détriment de la très large majorité de nos concitoyens. En clair, que faire du « de Robien » ?

M. Guy Fischer. Le supprimer !

M. Thierry Repentin. D'ailleurs, sur la question de la libération du foncier, le ministre qui a donné son nom à ce dispositif répondant, il y a quelques jours, à une question d'actualité à l'Assemblée nationale, indiquait avoir identifié dans le patrimoine de l'Etat près de 9 millions de mètres carrés pouvant être valorisés. Quels espoirs pouvez-vous nous donner que ces disponibilités foncières offrent des perspectives de créations de logements accessibles à tous et ne soient pas tout simplement valorisées au seul bénéfice de votre collègue ministre d'Etat installé à Bercy ?

Monsieur le ministre, après le logement, permettez-moi de dire un mot sur l'article 59. J'estime que l'orientation visant à reconcentrer l'effort budgétaire sur un nombre plus réduit de collectivités locales est fondée ; encore faut-il donner à ceux qui s'estiment lésés la garantie qu'ils bénéficieront eux-mêmes d'une progression de la dotation de solidarité urbaine et que l'on aura un système qui sécurise tout le monde dès lors que la progression de la dotation globale de fonctionnement ne serait pas à la hauteur de vos espérances.

Monsieur le ministre, je vous ai entendu à plusieurs occasions, dans plusieurs circonstances, manifester une vraie capacité d'entraînement. Ce soir, pour vous avoir écouté très attentivement, je dois dire que je vous ai trouvé un peu en deçà de ce que vous êtes habituellement. Je m'interroge : est-ce une simple petite baisse de forme ? Si c'est le cas, je souhaite qu'elle ne soit que passagère. (Sourires.)

M. Louis Souvet, rapporteur de la commission des affaires sociales. Merci docteur !

M. Thierry Repentin. Gardez-vous un peu de force combative pour les longs débats qui nous attendent ? Ou peut-être gardez-vous aussi de la disponibilité pour que vos services et vous-même étudiiez nos amendements d'une façon positive...

Je puis vous assurer, en tout état de cause, que le groupe auquel j'appartiens a, sur cette thématique, déposé une cinquantaine d'amendements dont aucun ne vise à faire de l'obstruction.

Vous avez fait référence, dans votre propos liminaire, à un pacte républicain. C'est aussi dans votre capacité à analyser ces amendements et à accepter ceux qui feront progresser votre cause que nous jugerons si vous souhaitez effectivement un pacte républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Monsieur le ministre, vous nous présentez aujourd'hui votre plan de cohésion sociale et je vous en félicite. Permettez-moi de vous dire cependant que la cohésion sociale ne concerne pas uniquement la mobilisation pour l'emploi, l'insertion professionnelle des jeunes ou encore les logements sociaux. Si la cohésion sociale doit exister quelque part, c'est bien dans l'entreprise, une entreprise dont vous parlez assez peu.

Or une entreprise ne peut se développer sans cohésion sociale, sans un consensus total entre tous ses acteurs - salariés, cadres, dirigeants, actionnaires - pour tendre vers un seul but : satisfaire les clients pour qu'ils achètent les produits de l'entreprise.

Sans cohésion sociale, il risque d'y avoir des conflits, des mécontentements, des démotivations, des grèves aussi, qui vont compromettre la production et la satisfaction des clients, donc l'emploi.

Mme Gisèle Printz. C'est honteux !

M. Serge Dassault. Or, pour obtenir cette cohésion sociale dans l'entreprise, vous oubliez cette idée magnifique du général de Gaulle : l'association capital-travail, autrement dit, la participation. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Jean Chérioux revient !

M. Serge Dassault. Cette participation, au départ uniquement financière, a été développée sous la forme d'une gestion participative destinée non seulement à associer les salariés aux résultats de l'entreprise, mais aussi à leur donner les informations nécessaires sur la marche de l'entreprise, bonnes ou mauvaises, à leur conférer des responsabilités qui les motivent, ...

Mme Dominique Voynet. Oh là là !

M. Serge Dassault. ... à leur donner la formation économique indispensable, tout en faisant preuve de la considération qui leur est due. Elle leur fait comprendre les mécanismes complexes de fonctionnement d'une entreprise et supprime l'esprit de lutte des classes.

M. Roland Muzeau. Ce n'est pas près d'arriver ! Comptez sur nous !

M. Robert Bret. Il prend ses désirs pour des réalités !

M. Serge Dassault. C'est pourquoi, monsieur le ministre, j'aurais souhaité que votre loi prévoie une généralisation de la participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés, avec une formation économique obligatoire de tous les salariés pour leur en faire comprendre le mécanisme.

Une large information fondant votre loi sur la nécessité de développer la motivation des salariés par la gestion participative serait une manière plus efficace de dynamiser les entreprises et de développer l'emploi.

Sur le plan de la formation, il faut aussi se rendre compte que la sacro-sainte loi sur l'obligation scolaire jusqu'à seize ans se traduit par l'obligation pour tous les élèves de suivre l'enseignement d'un collège unique, ce qui se révèle catastrophique car trop de jeunes sortent du collège sans qualification, deviennent des chômeurs, voire des délinquants, d'où les efforts qui sont faits pour les récupérer. Il serait plus sage de s'en occuper avant !

Il faut leur offrir la possibilité non pas forcément de sortir du système scolaire, mais de suivre des cours de préapprentissage leur permettant, à partir de quatorze ans,...

M. Jean-Pierre Godefroy. Pourquoi pas l'esclavage !

M. Roland Muzeau. Maintenant, nous savons qu'il y a pire qu'Alain Gournac ! (Sourires.)

M. Serge Dassault. ... de s'informer sur les métiers du commerce, de l'industrie et de l'artisanat qu'ils pourraient exercer plus tard.

Mme Raymonde Le Texier. Ils pourront aller travailler chez Dassault !

M. Serge Dassault. Après l'apprentissage, ils trouveront immédiatement du travail, car 400 000 emplois dans ces domaines ne sont pas pourvus. (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Si l'on constate que le système scolaire actuel fabrique des chômeurs, il faut en changer : on doit être persévérant, mais pas dans l'erreur !

Bravo, monsieur le ministre pour vos maisons de l'emploi et pour la disparition du monopole de l'ANPE qui, malgré ses mérites, ne saurait résoudre tous les problèmes qui se posent. Ces maisons qui, grâce à leur guichet unique, seront d'une efficacité accrue, permettront aux chômeurs de retrouver un travail plus rapidement et plus sûrement.

Concernant le logement social et la rénovation urbaine, vous connaissez l'importance de l'ANRU, que vous avez vous-même créée, et avec raison. Cette agence devrait disposer de moyens financiers nécessaires pour détruire des logements sociaux datant d'un autre âge et les reconstruire. Il ne sert à rien, en effet, de construire de nouveaux logements si l'on ne détruit pas ceux qui, à l'heure actuelle, condamnent nos quartiers à l'insécurité.

L'accession à la propriété, que vous voulez développer, est d'une importance capitale,...

M. Roland Muzeau. Capitale ?

M. Robert Bret. Le capital, il connaît !

M. Serge Dassault. ... une importance considérable. Je ne saurais trop vous encourager à y consacrer les crédits nécessaires, en particulier pour l'emprunt à taux zéro.

Permettez-moi de vous rappeler que, pour les logements sociaux, la suppression de l'obligation de garantie d'emprunt, très dangereuse pour les communes qui n'ont aucun moyen de l'assumer, serait indispensable. Par ailleurs, les maires devraient pouvoir disposer de la maîtrise totale de tous les logements sociaux construits dans leur commune, y compris des « logements 1 % » qui ne seraient pas attribués. Car si l'Etat fait construire des logements sociaux dans les communes, c'est bien d'abord pour y loger leurs habitants.

Enfin, monsieur le ministre, vous parlez de mobilisation pour l'emploi, mais encore faut-il qu'il y ait des emplois, c'est-à-dire des entreprises qui embauchent. Et il faut, pour qu'elles embauchent, qu'elles aient du travail, des commandes, mais il faut aussi qu'elles puissent débaucher si elles ont moins de travail ou pas assez ; sinon, elles feront faillite, et c'est l'ensemble des emplois qui disparaîtront.

M. Roland Muzeau. Et les bénéfices ? Parlons-en un peu !

M. Serge Dassault. Si elles ont besoin d'embaucher alors, elles le feront ailleurs, c'est-à-dire à l'étranger, en délocalisant, et des emplois en France seront perdus.

M. Roland Muzeau. La menace, maintenant !

M. Serge Dassault. Pour éviter ce blocage, il faudrait aboutir à la flexibilité du travail. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Roland Muzeau. Il n'y en a jamais eu autant, de flexibilité !

M. Serge Dassault. Il ne sert à rien de dépenser des sommes énormes pour faciliter la formation et payer des charges pour les salaires à la place des entreprises si la soupape de l'emploi reste fermée : il n'y aurait pas d'embauches quelles que soient les aides, car ce sont les pays où cette soupape est ouverte qui ont le moins de chômeurs, comme le Danemark ou les Etats-Unis.

La protection de l'emploi ne passe pas par l'impossibilité de licencier, bien au contraire, car les chefs d'entreprise n'ont pas d'autres motivations que de développer leur entreprise et d'embaucher du personnel. C'est une réalité dont il faut prendre conscience.

De plus, grâce aux maisons de l'emploi, les chômeurs retrouveront plus facilement et plus rapidement du travail.

M. Roland Muzeau. Mais oui, bien sûr !

M. Serge Dassault. Tout cela forme un tout. Ainsi, gestion participative, formation aux métiers, flexibilité de l'emploi, tout cela sera plus efficace et finalement ne coûtera pratiquement rien. N'est-ce pas une bonne solution ? (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et du RDSE.- Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Robert Bret. Quel atterrissage !

M. le président. La parole est à Mme Michèle San Vicente.

Mme Michèle San Vicente. Mon intervention s'adressera plus particulièrement à M. Daubresse : vous fixez comme objectif, monsieur le secrétaire d'Etat, la production sur cinq ans de 500 000 logements sociaux en plus du PNRU, le programme national de rénovation urbaine, qui est d'ores et déjà qualifié par votre ministère de succès. L'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, encensée par M. Alduy, aurait validé ou prévalidé soixante-quatorze dossiers nationaux.

Dans ma région, le Nord, la première convention a été signée voilà deux jours à Hem par vous-même, et cinq autres projets sont en passe de l'être. On ne peut que féliciter les heureux bénéficiaires du fait qu'être éligible à ce guichet unique découle encore du parcours du combattant pour tous les élus des petites communes et des communes moyennes.

En décembre 2003, critiquant l'instabilité permanente des financements d'Etat, la dispersion de ces mêmes financements sur onze lignes de crédits différentes et une mécanique aveugle et opaque d'autorisations de programmes médiatiques en l'absence de crédits de paiements tenus secrets, M. Borloo affirmait ceci, à propos de l'ANRU : « Aujourd'hui, la prise de conscience est générale ».

Rassembler les fonds disponibles au sein de ce guichet unique paraissait sans nul doute une bonne idée, excepté que l'annonce de la création de cette agence fut suivie de gels ou d'annulations de crédits : depuis 2003, les crédits destinés à la ville vont en diminuant autant en investissement qu'en fonctionnement, et vous ne pouvez le nier, monsieur le secrétaire d'Etat !

Dans mon agglomération, par exemple, la dotation globale a diminué de 30 % en deux ans et arrive de plus en plus tardivement : alors qu'auparavant 80 % des dotations commençaient à être attribuées dès le mois de mars, cette année, et ce à concurrence de 50 %, elles ont été versées en septembre, bien que certaines doivent impérativement être consommées en décembre.

Dans un contexte socio-économique dégradé - vous le savez bien, monsieur le secrétaire d'Etat ! -, certaines communes du bassin minier sont dans des situations financières difficiles. La plupart ayant une strate de population inférieure à 10 000 habitants, elles ne pourront prétendre ni à l'ANRU ni aux dérogations.

Quand M. Borloo déclare, dans une interview, « qu'il n'y a pas de solution, que le ministère de la ville ne sert à rien, qu'il s'agit tout au plus d'accompagner avec la plus grande habileté médiatique ce voile pudique qui cachait l'indifférence et l'impuissance », on ne peut qu'être étonné.

En effet, à part sa grande habileté médiatique, ses prédécesseurs avaient indubitablement la même ambition que lui : renforcer la cohésion sociale.

Monsieur le secrétaire d'Etat, abandonnez-vous les petites communes à leur sort en sacrifiant les politiques de la ville ?

Deuxième pilier du projet de loi, la politique du logement a connu, hélas ! les mêmes aléas : 14 % de crédits ont été paralysés ou annulés en deux ans.

Les inquiétudes des élus, comme celles des associations, sont au moins aussi fortes, voire supérieures, quant à l'avenir du financement public du logement social.

Ne consacrer des crédits qu'aux opérations de démolition et de reconstruction n'a jamais suffi à fédérer des habitants ! Les associations à l'image de la FNARS, la fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, engagée dans le maintien de la cohésion sociale des quartiers, protestent, dénonçant l'action d'un gouvernement qui délaisse l'accompagnement social et socio-professionnel des plus exclus en ne leur donnant plus les financements qui leur permettaient de mener à bien leurs missions. Est-ce ainsi que M. Borloo entend « rendre un grand hommage à celles qui ont inventé de nouveaux métiers », pour reprendre l'expression qu'il a utilisée tout à l'heure ?

Alors qu'elles demandaient une réforme de fond visant à maintenir la solvabilité des locataires et une amélioration de la couverture des charges réelles liées à l'habitat, on ne manque pas d'être étonné de découvrir un arrêté en date du 30 avril 2004 relatif au calcul de l'aide personnalisée au logement qui serait justifié non seulement par le coût de traitement des dossiers, mais aussi par le fait qu'il ne touche que 200 000 ménages. Désormais, il ne sera plus procédé au versement de l'APL pour tout montant inférieur à 24 euros.

En revanche, le délai de carence pour qu'une personne au chômage perçoive cette allocation n'a pas été abrogé. Le plan de cohésion sociale ayant pour objet de traiter les phénomènes d'exclusion dans leur globalité, la véritable cohérence n'eût-elle pas été de mettre en adéquation les intentions affichées ?

Le FSL, le fonds de solidarité pour le logement, sera transféré aux départements le 1er janvier 2005. Dans le Pas-de-Calais, peuplé de 1,5 million d'habitants, le conseil général consacre près de 70 % de son budget de fonctionnement à la solidarité. La mauvaise nouvelle est tombée hier : 36 500 personnes touchent désormais le RMI, soit une progression de 10 % en un seul semestre.

Dans l'acte II de la décentralisation, avait été prévu, en même temps que le transfert de cette charge, le transfert de recettes, sauf que les fonds disponibles en 2004 sont calculés par rapport au nombre de RMIstes de 2002, « plombant d'emblée les finances des départements », comme l'a expliqué Dominique Dupilet, président du conseil général du Pas-de-Calais.

Des premières mesures visant à la lutte contre l'insalubrité, au XIXe siècle, aux premières lois de décentralisation, en passant par la loi relative à la lutte contre les exclusions, la loi SRU ou la loi de modernisation sociale, le droit au logement a été reconnu comme un droit social.

Ce projet de loi avait été présenté comme une démarche inédite consistant à traiter ensemble les grands problèmes qui mettent en péril la cohésion de notre pays.

Tout à l'heure, M. Borloo a dit mettre en place les moyens humains financiers et opérationnels. Or, peu d'éléments prouvent ces engagements, et rien ne nous fait penser que la démarche soit inédite. Toutes les lois de gauche que le Gouvernement cherche à supprimer sont là pour prouver le contraire. Il est vrai que, tout à l'heure, il a fait allusion à la seule constitution de 1946.

Si ce projet de loi n'est pas amendé, nous voterons contre, comme l'a déjà indiqué tout à l'heure mon collègue Jean-Pierre Bel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est avec beaucoup d'espoir je suis venu au Sénat étudier ce projet de loi, un espoir que partagent les citoyennes et les citoyens que je reçois dans ma ville, laquelle compte près de 50 000 habitants qui, depuis de nombreuses années, savent que la tâche des élus est compliquée.

Nous n'avons pas en main tous les atouts du jeu. Ces derniers étant d'ordre intérieur, les élus nationaux, le Gouvernement ont leur mot à dire ; mais l'économie s'étant progressivement globalisée, une part importante des atouts nous échappe : ici, des délocalisations, là, des fermetures d'industries, des pans entiers de l'économie qui se reconvertissent ou s'écroulent ; c'est une recomposition du paysage social et économique de notre pays qui s'opère devant nous, et les plus faibles, donc les plus fragiles, restent sur le carreau.

Ce n'est pas seulement une génération qui est touchée ; nous en sommes maintenant à la deuxième génération de laissés-pour-compte,...

M. Jean-Paul Virapoullé. ... qui commencent à se sentir inutiles à notre société.

Le problème est grave : non seulement il est d'ordre économique et social, mais, de plus, il touche aussi à la citoyenneté.

Quand vous êtes RMIste et enfant de RMIstes, et que vous n'avez jamais vu vos parents se rendre à leur travail,...

M. Jean-Paul Virapoullé. ... vous vous posez la question de l'utilité de l'école, de l'utilité du maire que vous avez élu, de l'utilité de la citoyenneté que vous êtes censé avoir.

M. Roland Muzeau. Et de l'utilité du Gouvernement !

M. Jean-Paul Virapoullé. En fait, vous vous posez la question de l'utilité de tous les gouvernements successifs, et pas de celui-là uniquement.

Mme Hélène Luc. Celui d'aujourd'hui, quand même !

M. Jean-Paul Virapoullé. On fait le procès du gouvernement Raffarin I, Raffarin II, Raffarin III, mais ce n'est pas le problème, mes chers collègues !

Mme Hélène Luc. Si, c'est le problème aussi !

M. Jean-Paul Virapoullé. Je ne peux même pas dire que nous nous sommes trompés, parce que, lorsque le gouvernement Jospin a créé les emplois-jeunes,...

Mme Hélène Luc. Ce n'était pas mal, c'était même bien !

M. Jean-Paul Virapoullé. ... en tant que maire, j'en ai fait profiter ma population ; mais, quand ces dispositifs ont touché à leur terme, la déception a été au rendez-vous !

M. Alain Gournac, rapporteur. Eh oui !

M. Jean-Paul Virapoullé. Ceux qui ont pu être recasés grâce à leur réussite à un concours sont devenus, par exemple, instituteurs, mais les autres sont restés sur le carreau et ont constitué une nouvelle génération d'exclus !

Mme Hélène Luc. Beaucoup de jeunes ont trouvé un emploi et ont repris le goût du travail.

M. Jean-Paul Virapoullé. Reconnaissons donc que la tâche n'est pas facile, que des erreurs ont été commises dans tous les camps et que personne, ici, ni à gauche ni à droite, ne peut porter la Légion d'honneur de la réussite de l'intégration sociale ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Une fois qu'on a le courage de reconnaître cela, on peut commencer à discuter. Maire depuis 1968, je parle de mes échecs en connaissance de cause !

Devant l'immensité et la complexité de la tâche, je suis venu dire à M. Borloo et aux membres de son équipe ministérielle que nous allons les aider. En effet, ils ont au moins le mérite de vouloir essayer de relever le défi, de tenter l'impossible, de rendre cohérentes des actions qui étaient disparates, de remettre en place un ensemble qui fixe des repères aux jeunes, aux familles, à leurs parents, et de dire aux exclus : « Voici des rails, emboîtez-les et avançons ensemble ! »

Reconnaissons les uns et les autres que, à un gouvernement qui procède de la sorte, il y a lieu de prodiguer des encouragements plutôt que de faire un procès d'intention !

Alors, oui, je suis venu apporter un soutien, et même davantage encore : un témoignage, pour vous dire notre soif de réussir.

Ce matin même, le conseil général de la Réunion, sous la dynamique présidence de Mme Nassimah Dindar, a adopté la charte d'intégration sociale, espérant que le présent projet de loi, qui a servi de modèle à notre charte, aura, d'ici à un mois, été adopté et promulgué. Monsieur le ministre, nous vous invitons à venir signer cette charte sur place, parce que nous avons transcrit sur le plan local les moyens que la loi offre sur le plan national.

Lorsque nous verrons que des jeunes, après s'être engagés dans le contrat d'avenir, s'être dirigés soit vers l'emploi marchand, soit vers l'emploi non marchand, dans le domaine de l'économie sociale, après avoir suivi une formation, appris un métier, obtenu une qualification, définissent un vrai projet de vie, nous pourrons nous dire qu'en ce 27 octobre 2004 nous avons fait oeuvre utile.

Ce n'est pas un remède miracle. Qui a la naïveté de croire que le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale résoudra tous les maux, fera sortir les logements des banlieues, rendra la prospérité aux plus pauvres, etc. ? Personne !

M. Roland Muzeau. Non ! C'est sûr ! Personne n'y compte !

M. Jean-Paul Virapoullé. En revanche, nous avons là un moyen nouveau, un dispositif innovant, une bonne volonté politique manifeste qu'il faut soutenir et encourager. C'est ce que nous ferons.

J'évoquerai maintenant un dispositif qui nous intéresse, car il concerne l'école. Je voudrais vous interroger, monsieur le ministre, sur les plateformes et les équipes de réussite éducative.

Nous constatons qu'environ 20 % des élèves arrivent à la fin du cycle primaire en situation d'échec scolaire. Nous retrouvons ensuite ces élèves à la fin du collège, en troisième. Lors des réunions de parents d'élèves, beaucoup nous demandent d'aider leurs enfants. Qu'est-ce que cela signifie, sinon que ces enfants ont besoin de soutien scolaire ? En effet, ce que nous faisons avec nos enfants quand ils sortent de l'école, les familles les plus pauvres, qui sont elles-mêmes en difficulté, n'ont pas les moyens de le faire.

Ma question est donc la suivante : avec ces équipes et ces plateformes de réussite éducative, les moyens financiers programmés dans ce projet de loi nous permettront-ils de payer ce que nous faisons timidement actuellement avec la Caisse d'assurance maladie ?

Aujourd'hui, pour rémunérer des éducateurs, la mairie participe un peu et la CAF également. Nous travaillons ensemble, de façon ponctuelle. Pourra-t-on généraliser le soutien scolaire pour les enfants des familles défavorisées afin qu'ils entrent en sixième en sachant lire, écrire, compter et parler français ?

Avec les plateformes de réussite éducative, pourra-t-on, au collège, faire découvrir aux élèves le monde du travail, le monde de l'entreprise, et leur montrer que la qualification n'est pas un leurre politicien qui ne sert qu'à les occuper jusqu'à la fin de la classe de seconde, mais que c'est, au contraire, un moyen indispensable pour avoir ensuite un employeur, un revenu, un logement et une vie décente ?

Avec les plateformes de réussite éducative, pourra-t-on instaurer des stages d'initiation dans l'entreprise dès le collège, afin de faire découvrir le monde adulte à l'adolescent inquiet qui quitte le collège en se demandant souvent à quoi il va servir dans la société ?

Enfin, j'ai entendu des inquiétudes sur certaines travées de cette assemblée, plutôt sur celles de gauche d'ailleurs. Comme mes collègues, je m'interroge, mais pas de la même façon. J'ai connu l'époque - c'était les années soixante et soixante-dix - où la France était tellement riche qu'on nous invitait à présenter des projets, car il restait encore de l'argent dans les caisses. Il y avait toujours moins de projets que d'argent. Aujourd'hui, au contraire, au fur et à mesure de la globalisation de l'économie, une espèce de machine à créer de l'exclusion est à l'oeuvre dans les pays de l'Europe occidentale.

Vous allez dire que Jean-Paul Virapoullé est contre le libre-échange. Vous allez dire que Jean-Paul Virapoullé est pour le protectionnisme - mais pas « à la Le Pen », j'espère ! Une question se pose pourtant : ce raisonnement est-il juste ?

Pendant longtemps, on m'a dit de ne pas me tracasser : les Chinois feront nos vêtements, nos Nike par exemple ; les Indiens produiront du riz et fabriqueront des produits à faible valeur ajoutée.

Manque de chance, il nous faut revoir notre conception de la globalisation ! Aujourd'hui, la Chine produit 350 000 ingénieurs de haut niveau ; l'Inde fournit 350 000 mathématiciens et ingénieurs de très haut niveau.

M. Robert Bret. Et ils envoient des satellites !

M. Jean-Paul Virapoullé. Effectivement !

Pour une élite bien-pensante - il y en a à droite comme à gauche ; moi, heureusement, étant ignorant, j'en suis exclu ! (Sourires.) -, la haute valeur ajoutée était pour l'Occident et la basse valeur ajoutée, pour les pays émergents.

Moi, je suis un élu de terrain et je vis avec mes émotions, mes convictions, mes erreurs et ma passion. J'ai l'intuition qu'il y a un problème dans le raisonnement de l'élite ! Quand je vois les satellites chinois, voire brésiliens, demain les avions et les centrales nucléaires, je me dis que ces pays viendront nous concurrencer sur le terrain de la haute valeur ajoutée. Quand, par exemple, j'achète à la FNAC un Palm Pilot à mes enfants, je pense acheter européen ; quand je vois « Made in China », je me dis : « tiens, une nouvelle ville en France ! » (Rires.)

Ne vous leurrez pas ! Ce ne sont pas seulement des Nike et des survêtements Adidas qui seront fabriqués en Chine, mais des produits de haute technologie, des médicaments, etc.

M. Robert Bret. A quoi mène cette démonstration ?

M. Roland Muzeau. Donc, il faut arrêter de voter à droite !

M. Jean-Paul Virapoullé. ...je conclurai sur ce sujet, en disant que s'il est bon, mon cher ministre, de contribuer, par ce plan, à résoudre les problèmes internes de l'exclusion sociale, il faut que, à l'échelon du Gouvernement, dans notre combat pour l'Europe politique, cette dernière puisse se poser la question de savoir si on va continuer à vivre dans un monde sans frontières où le dumping social que pratiquent les pays émergents détruit la substance productive des anciens pays de l'Occident.

Si l'on ne se pose pas cette importante question, on ne résoudra pas le problème de la machine qui crée l'exclusion sociale dans notre pays et nous continuerons à vivre d'utopies.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de lutter contre les causes internes et je remercie tous ceux qui veulent construire la grande Europe et lui donner les moyens d'exister, non pas dans une économie de marché libérale, mais dans une économie de marché sociale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Robert Bret. Quelle démonstration !

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, pendant les cinq années de la législature précédente, la droite n'a jamais cessé de dénoncer ce qu'elle appelait alors dédaigneusement « le traitement social du chômage ». Elle n'a eu de cesse de fustiger ces dépenses qu'il convenait, d'après elle, au lieu de les affecter à des emplois jugés inutiles, d'injecter dans des entreprises qui n'auraient été empêchées d'embaucher que par une fiscalité écrasante. C'était simple et sans appel !

Dès leur arrivée au pouvoir, monsieur le ministre, vos prédécesseurs ont donc méthodiquement brisé les dispositifs installés par la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions de 1998, en particulier ceux qui concernaient les jeunes. Ils ont réduit les crédits affectés aux contrats emploi-solidarité, aux contrats emplois consolidés ou à la formation des chômeurs de longue durée. Ils ont fait disparaître le secrétariat d'Etat à l'économie solidaire, coupé les vivres à des centaines d'associations de solidarité, durci les conditions d'accès au logement pour les plus démunis, limité la possibilité pour certaines catégories d'étrangers de se soigner. Ils ont dilué les frontières entre contrats de longue et de courte durée, exposant de plus en plus de salariés à la précarité.

Puis, alors que les dégâts étaient faits, alors qu'il devenait clair qu'une absurde politique économique à contre-cycle, privilégiant la baisse des impôts pour les catégories les plus aisées, avait asphyxié une conjoncture déjà morose, le discours a changé : plus les chiffres de l'emploi se dégradaient, plus les dimanches noirs électoraux se succédaient, plus on a commencé à entendre une musique un peu différente.

Vous voilà aujourd'hui le chef d'orchestre de cette nouvelle partition, en train d'essayer de redonner une couleur sociale à une politique économique catastrophique, en train de tenter de faire contrepoint aux orientations de plus en plus outrageusement libérales de l'actuel ministre de l'économie, futur chef de votre majorité.

Vous voilà en train de défendre devant nous, dans l'urgence aujourd'hui, alors que vous avez traîné hier, des mesures dont certaines, sur le papier au moins, présentent d'étranges ressemblances avec celles que vos collègues jetaient aux orties ici même il y a quelques mois à peine.

Monsieur le ministre, la progression du chômage et l'inquiétante remontée de la très grande pauvreté en France, soulignées par à peu près tous les indicateurs dont nous disposons, auraient pu inciter la représentation nationale à un débat serein et presque consensuel sur ces sujets.

L'opposition aurait même pu vous soutenir dans la bataille incertaine que vous avez menée, et finalement perdue, auprès du Premier ministre, pour obtenir la garantie de vos crédits sous forme d'un fonds affecté, pour toute la durée de votre loi de programmation.

Or il se trouve que, au lieu de défendre un beau projet de loi à fort caractère interministériel, mobilisant tout le Gouvernement, comme le nécessiterait en effet la dégradation de la situation, vous venez nous proposer des solutions qui ont toutes les apparences du bricolage, sans cohérence avec les politiques de vos collègues, sans même un lien les unes avec les autres et dont certaines, vous le dites vous-même, n'ont de sens que par rapport à celles qui vont peut-être arriver.

Vous nous proposez dans la pratique un texte fragmenté, des financements incertains et, plus grave encore, des mesures qui fragilisent d'emblée les principaux acteurs chargés de les mettre en oeuvre.

Un texte fragmenté, d'abord. Nous savons tous ici qu'une politique de lutte contre l'exclusion, pour sortir les personnes des spirales infernales des accidents de la vie, n'a de sens que si elle emprunte deux directions : d'un côté, il faut des mesures destinées à faire en sorte que toute l'économie soit prête à les accueillir, pour faire émerger de nouvelles activités pérennes ; de l'autre, il faut des dispositions pour cumuler les enchaînements positifs d'insertion, pour attaquer les problèmes dans toutes leurs dimensions à la fois.

J'observe que votre texte ne dit pourtant rien sur le sujet si important des nouveaux gisements d'emplois, qu'il s'agisse d'environnement, de services aux personnes ou de transport public. Rien, alors que vous vous aventurez d'étrange façon sur les terres de votre collègue de l'éducation nationale dans la troisième partie de votre projet, sur les questions essentielles de la formation ou de la santé, renvoyées, elles, à d'autres échéances, à d'autres textes.

Des financements incertains, ensuite. Les colonnes de chiffres que vous alignez sont étonnantes, soit par leur imprécision, soit, au contraire, par leur impeccable symétrie en fausse fenêtre, comme si leur propos n'était que de paraître, de frapper les esprits.

Quand on connaît la difficulté qu'ont eue vos services à trouver un toit, en près d'un an, à une petite moitié des 500 familles que vous vous étiez engagé à reloger auprès de l'association Droit au logement ; quand on voit la différence entre les prévisions et la réalité, pour le revenu minimum d'activité ou le contrat d'insertion dans la vie sociale, entre les promesses et la réalité pour la destruction-reconstruction de logements dans les quartiers en rénovation, on ne peut qu'être sceptique.

Nous savons tous que le flou des montants, en ce qui concerne l'aide de l'Etat à tel ou tel dispositif de votre plan, et l'absence de toute précision concernant la répartition des charges entre l'Etat et les collectivités locales dissimulent mal le fait que, année après année, budget après budget, vous ou vos successeurs allez devoir remonter au créneau pour défendre votre plan contre les rapaces qui traquent les dépenses sociales, ces dernières ayant été, de façon presque systématique depuis deux ans, les premières variables d'ajustement.

Des mesures qui fragilisent d'emblée les acteurs principaux chargées de les mettre en oeuvre, enfin. Là où une cohérence des politiques publiques serait nécessaire à l'échelle du territoire, là où il faudrait un chef de file clairement identifié et respecté, votre projet de loi instaure une multiplicité de décideurs, voire, plus fâcheux encore, une concurrence entre des opérateurs appelés par ailleurs à coopérer entre eux.

C'est vrai en matière de logement, où la suppression du contingent préfectoral, le refus d'introduire un droit au logement opposable, la priorité accordée de fait aux logements intermédiaires vont contribuer à entretenir une situation dans laquelle les maires se défaussent les uns sur les autres de la responsabilité de construire des logements pour les plus défavorisés.

C'est vrai en matière d'apprentissage, où les fonds de l'alternance vont être sérieusement mis à mal par les dispositions nouvelles de votre projet de loi.

M. Jacques Blanc. Qu'avez-vous fait ? Vous étiez au Gouvernement et vous n'avez rien fait !

M. Alain Gournac, rapporteur. C'est incroyable !

Mme Dominique Voynet. Mais c'est en matière d'emploi qu'on le verra le plus clairement.

Vous poursuivez, en fait, sur la mauvaise pente de la segmentation absolue des différents marchés et flux de l'emploi.

M. Alain Gournac, rapporteur. Vous avez été ministre !

Mme Dominique Voynet. Il ne suffit pas de bâtir un lieu unique, en l'occurrence des maisons de l'emploi, pour mettre du liant dans un système.

M. Alain Gournac, rapporteur. Mémoire ! Mémoire !

Mme Dominique Voynet. Encore faut-il que l'intérêt des opérateurs converge, que chacun ait sa place et que ceux qui le coordonnent ne soient pas à la fois juge et partie.

Or, en libéralisant, comme personne ne l'avait fait avant vous, la gestion des flux d'emploi et de formation, en supprimant le monopole de prescription du service public de l'emploi, en autorisant les entreprises de travail temporaire à faire du placement, vous allez provoquer des mécanismes de concurrence et de rétention de l'information. Vous allez aussi générer des processus par lesquels chaque opérateur sélectionnera les publics les plus éloignés de ceux pour lesquels les dispositifs ont été conçus, fera du chiffre, tournera le dos aux partenariats nécessaires pour la réussite de toute l'opération.

Il était en outre inutile et démagogique...

M. Jacques Blanc. Démagogique ?

Mme Dominique Voynet. ...d'ajouter, par des dispositions « stigmatisantes », une nouvelle « couche d'opprobre » sur les chômeurs toujours « suspects de ne pas chercher du travail » et d'imposer à ceux qui sont les plus fragiles de reprendre à peu près n'importe quelle activité à n'importe quelle condition.

Il aurait été plus judicieux de reposer la question, maintes fois abandonnée, de la représentation des chômeurs dans tous les dispositifs qui les concernent. Il n'en est pas fait état dans votre plan.

Monsieur le ministre, pour toutes ces raisons, vous comprendrez que nous soyons extrêmement réticents à l'égard de ce projet de loi, qui ne semble pas être à la hauteur des enjeux.

Nous sommes d'autant plus réticents qu'à l'ultime minute, des amis à vous, sans doute bien intentionnés à votre endroit, ont cru utile de charger votre barque en intégrant à votre texte des éléments de dissensus qui n'avaient, pour le coup, rien à y faire, qui mobilisent tous les syndicats contre vous, et jettent sur l'ensemble de votre projet de loi une suspicion légitime. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac, rapporteur. Faux !

Mme Dominique Voynet. Croyez-vous que ce soit en facilitant les licenciements par petits paquets dans les PME ou en réduisant les prérogatives des comités d'entreprise que vous allez lutter contre l'exclusion ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Le mensonge n'est pas un argument !

Mme Dominique Voynet. Croyez-vous que des mesures bricolées à la hâte pour ne pas déplaire aux lobbies patronaux vont tenir lieu de politique de l'emploi ?

Dans ce domaine comme dans ceux que j'évoquais au début de mon intervention, la volonté de prendre systématiquement le contre-pied de ce qu'avait fait la gauche au pouvoir,...

M. Jacques Blanc. Elle n'a rien fait !

M. Jean-Pierre Bel. Laissez parler Mme Voynet ! Vous l'interrompez sans arrêt !

Mme Dominique Voynet. ...en l'espèce de la loi de modernisation sociale de 2002, montre que votre souci de l'intérêt général s'arrête là où commencent vos a priori idéologiques et vos intérêts partisans. C'est dommage ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'INSEE nous apprend que 3,5 millions de nos compatriotes vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit 6% d'entre eux. Dans la capitale, ce ne sont pas moins de 12% des Parisiens dont les revenus n'atteignent pas le seuil de 670 euros par mois. Cette proportion atteint même 32 % des 300 000 étrangers que compte Paris.

Après avoir évoqué ces chiffres autant spectaculaires que dramatiques, il ne me paraît ni incongru, ni déplacé dans cette enceinte de vous rappeler, mes chers collègues, que derrière le « Paris capitale » qui tantôt nous émerveille, tantôt nous agace, existe un « Paris ville » qui souffre et dont la réalité n'a rien de luxueux, ni de prestigieux.

Mon devoir est de vous alerter sur une situation qui devient très préoccupante et qui est souvent passée sous silence : ce « Paris ville » est sur la pente du déclin. Il perd jour après jour de sa substance, non pas, dans la plupart des cas, au profit de la province, ce qui aurait sa justification, mais au détriment de la compétitivité internationale de notre pays, tant Paris est aujourd'hui concurrencé par Londres ou par Francfort et, plus récemment, par les capitales d'Europe de l'Est, telle Varsovie.

Aussi, est-il salutaire que le Gouvernement s'atèle aujourd'hui au grand chantier de la cohésion sociale, dépassant une représentation surannée et fausse selon laquelle l'inscription de la fracture sociale dans l'espace se résumerait à quelques centaines de quartiers dûment répertoriés, comme si une soudaine poussée de ségrégation territoriale y avait rencontré l'exclusion, la misère et la déshérence à l'intérieur d'un paysage relativement homogène et continu.

Monsieur le ministre, vous avez rejeté cette lecture simpliste de la société en tournant votre politique vers les individus, car c'est en les prenant en considération que l'on transformera le territoire, et non l'inverse, et que l'on atténuera l'extraordinaire anxiété qui traverse la société française depuis plus d'une vingtaine d'années.

Alors que beaucoup considèrent encore que les déchirements de la ville affectent essentiellement une minorité d'exclus, s'impose l'idée selon laquelle les mécanismes de la ségrégation concernent toute la société, et non seulement ses franges, tous les territoires, et non seulement les quartiers sensibles, qui ne sont que le résultat le plus visible de la ségrégation urbaine.

Cette démonstration me permet d'affirmer, sans transition, que « Paris ville » doit prendre toute sa place dans cet engagement collectif pour qu'y soit brisé le cercle vicieux de l'exclusion, du chômage et des discriminations, car derrière les manifestations « Nuit Blanche » ou « Paris Plage », se profile un « Paris ghetto » où les journées sont noires et où, sous le sable, on cherche à cacher la misère...

M. Roland Muzeau. Qu'avez-vous fait pendant vingt-cinq ans ?

M. Philippe Goujon. Depuis trois ans, nous savons qui est au pouvoir à Paris !

Nous le reconnaissons : Paris a perdu 200 000 emplois en dix ans,...

M. Robert Bret. Il y avait les emplois fictifs !

M. Roland Muzeau. Tibéri !

M. Philippe Goujon. ...dont 40 000 l'an dernier, - et ce fait n'est pas imputable à M. Tibéri ! - conséquence mécanique du taux de croissance négatif que la ville a enregistré en 2003, situation unique comparée à celle de toutes les autres capitales européennes.

Du point de vue de la croissance de l'emploi, l'Ile-de-France n'occupe plus que la treizième place parmi les régions métropolitaines.

M. Robert Bret. C'est sûr, avec ce gouvernement !

Mme Hélène Luc. Vous avez chassé les salariés de Paris !

M. Philippe Goujon. Le développement économique n'est pas la priorité de la municipalité parisienne, je vous l'assure ! Et par sa faute, Paris risque aujourd'hui de manquer le train de la croissance retrouvée.

Ainsi, Paris, frappé par une augmentation du taux de chômage enregistré au sein de sa population de 2,6 % entre 2001 et 2003, voit celui-ci dépasser la moyenne nationale pour s'établir à 11,5 % de sa population active, plaçant tout juste la ville derrière la Seine-Saint-Denis, lanterne rouge de la région.

Les entreprises parisiennes se fragilisent : le rapport entre les défaillances et les créations d'entreprises a plus que doublé en un an pour s'établir à 24 % en 2002, ce qui révèle une précarité bien supérieure à la moyenne nationale de 14 %.

M. Robert Bret. Que fait le Gouvernement ?

M. Philippe Goujon. Enfin, Paris est touché dans son commerce et son artisanat. Ainsi, quand étaient créés 100 commerces en 1993, seuls 77 voyaient le jour en 2003. De plus, la fréquentation touristique a baissé de 10 %.

Nul ne peut nier que si cette profonde détérioration de l'économie parisienne relève, en partie, de la conjoncture,...

M. Robert Bret. De la politique du Gouvernement !

M. Philippe Goujon. ... elle dépend aussi de la politique menée par la mairie et par la région, qui n'ont de cesse d'entraver l'attractivité de Paris.

M. Roland Muzeau. Mais non !

M. Philippe Goujon. Ainsi, les entrepreneurs qui quittent Paris ou décident de ne pas s'y installer, citent, en premier lieu, les difficultés de circulation, la politique restrictive et dogmatique de la mairie dissuadant touristes et clients potentiels.

M. Robert Bret. Allez voir à Marseille !

M. Philippe Goujon. Même si ce n'est pas la seule cause, la disparition des commerces traditionnels livre alors des quartiers entiers à la monoactivité.

La volonté de la municipalité s'est traduite par la construction de 50 000 mètres carrés de bureaux à Paris alors que 450 000 mètres carrés ont été érigés dans les Hauts-de-Seine.

M. Roland Muzeau. C'est une intervention qui devrait être faite au Conseil de Paris et non dans cette enceinte !

M. Robert Bret. Il s'est trompé de texte !

M. Philippe Goujon. L'inadéquation de la formation à l'offre de travail aboutit à un taux de chômage de 20 % parmi les ouvriers, faute de qualification adaptée. A titre d'exemple, sur 73 000 postes offerts dans les secteurs de l'hôtellerie-restauration et de l'informatique au cours du premier semestre, 28 000 n'ont pas trouvé preneur !

L'incapacité française, désormais avérée, de parvenir à des créations d'emplois dans le cadre du déclin des activités secondaires et de la montée des services apparaît exacerbée dans la région-capitale.

Ce que l'industrie perd, les services ne le regagnent plus et ce que Paris, où tous les indicateurs sont au rouge, perd sous l'effet conjugué de la crise économique, des délocalisations d'activités et de l'inertie de la mairie centrale et de la région, la banlieue n'en récupère plus qu'une partie.

Résultat : aujourd'hui, l'Ile-de-France a perdu sa deuxième place en matière d'investissements étrangers au profit de la Catalogne.

M. Roland Muzeau. Et vous, vous avez perdu les élections !

M. Philippe Goujon. Il n'est plus possible d'en douter : Paris, qui souffre d'une chute préoccupante de l'activité économique, est en passe de devenir une ville-musée, en proie à une situation sociale dégradée.

Mme Hélène Luc. L'Imprimerie nationale devait quitter Paris depuis quinze ans et ce n'était pas la même mairie !

M. Philippe Goujon. La construction de logements y est en panne, ce qui justifie amplement l'application des mesures du plan de cohésion sociale.

M. Robert Bret. Vous l'avez tout de même lu !

M. Philippe Goujon. Mais oui !

Malgré les engagements de son maire, il est de plus en plus difficile de se loger à Paris. Jamais le nombre de mal-logés n'y a été aussi élevé. Le nombre de foyers parisiens inscrits au fichier des demandeurs de logements sociaux est passé de 93 000 à la fin de l'année 2000 à 103 000 à la fin du mois de juin dernier.

Jusqu'en 2001, chaque année, 2 500 familles étaient logées dans des logements neufs. Aujourd'hui, seulement 1 500 familles parisiennes voient leur situation locative réglée, soit 1 000 de moins que voilà trois ans, 4 000 de moins qu'il y a dix ans. On est ainsi revenu au nombre de logements construits avant que l'abbé Pierre ne lance son fameux appel !

La politique de mobilisation des logements privés vacants a échoué, le montant des loyers imposés par la ville étant beaucoup trop faible et le secteur privé ne construisant presque plus. J'en veux pour preuve deux chiffres : en 2002, les promoteurs privés ont construit 640 logements à Paris alors que, en 2003, ils en ont bâti 265.

De surcroît, les prix de l'immobilier ont augmenté de 35 % en trois ans pour atteindre un niveau inégalé. Quant aux loyers, le prix moyen du mètre carré était de 14 euros en 2001 ; il atteint aujourd'hui 20 euros.

Les familles, les jeunes et les commerçants quittent Paris pour les communes de la première et de la seconde couronne.

Pour les classes moyennes, la Ville de Paris n'a financé que 25 logements PLI, depuis le mois de mars 2001.

Si l'on se tourne vers le conseil régional, l'Ile-de-France, avec 3 logements construits pour 1 000 habitants, enregistre la plus mauvaise performance de toutes les régions françaises. Ainsi, 2003 a été l'année de la plus faible production depuis cinquante ans, moitié moins que de 1986 à 1989.

Alors oui, mesdames, messieurs les ministres, les efforts consentis par le Gouvernement en faveur de la cohésion sociale sont indispensables pour notre pays, pour notre région, pour notre ville.

En dehors du logement que je viens d'évoquer, permettez-moi d'insister sur deux attentes très fortes des Parisiens qui concernent l'emploi et l'égalité des chances.

Nous le savons tous : de trop nombreux jeunes âgés de 16 à 24 ans ne disposent d'aucune qualification et rencontrent des difficultés particulières d'accès à l'emploi. A Paris, le chômage des jeunes est encore plus élevé qu'ailleurs. Leur situation nécessite un accompagnement renforcé et personnalisé ; c'est tout le sens des mesures qui seront mises en oeuvre afin de mobiliser tous les acteurs de l'éducation et de l'insertion.

A cet égard, je présenterai un amendement à l'article 1er afin d'intégrer dans le premier cercle du service de l'emploi le réseau des missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes.

Il apparaît également souhaitable que l'organisation du droit à l'accompagnement personnalisé auprès des jeunes sans emploi relève de la compétence de l'Etat, les missions locales étant restées sous sa compétence et le CIVIS lui étant transféré. Tel est le sens de mon deuxième amendement qu'approuveront, je l'espère, Mme et MM. les rapporteurs dont je tiens à saluer la qualité du travail.

Dans le même esprit, monsieur le ministre, votre projet de loi engage la modernisation et le renforcement de l'apprentissage auquel onze articles sont consacrés. Le potentiel de développement de cette filière professionnelle est très important puisque près de 500 000 chefs d'entreprise, en particulier de très petites entreprises, partiront en retraite dans les quinze ans à venir. Leur remplacement représente un débouché sérieux pour les apprentis.

Ajoutons que l'apprentissage peut encore être orienté vers des métiers attractifs et innovants.

D'une part, il est indispensable de tenir compte des aspirations des jeunes et, d'autre part, de nouvelles activités requièrent des formations adaptées. Par exemple, le spectacle, les services haut de gamme, les métiers de la sécurité, du tourisme et de la culture sont largement présents à Paris et les besoins en main-d'oeuvre dans ces secteurs sont réels. Dès lors, on a du mal à comprendre pourquoi le conseil régional d'Ile-de-France ne soutient pas la création d'un CFA formant des techniciens du spectacle et de l'audiovisuel ou d'un CFA consacré aux métiers de la sécurité. Mais c'est, là encore, une question de volonté politique.

Alors que la région aurait dû se fixer un objectif de formation de 100 000 apprentis, en six ans, leur nombre n'est passé que de 58 000 à 65 000.

Les évaluations disponibles convergent toutes pour souligner que les investissements publics pour l'amélioration des conditions de développement des jeunes, et des jeunes les plus démunis, sont non seulement justes mais parmi les plus rentables qui puissent se concevoir.

Evoluer vers une société plus fluide suppose l'instauration de passerelles plus nombreuses et des aller-retour plus fréquents entre formation initiale et marché du travail, formation générale et formation professionnelle.

Une autre attente que suscite ce projet de loi concerne l'égalité des chances. Contrairement à bien des idées reçues, et je crois l'avoir démontré, Paris n'est donc pas seulement la ville de riches souvent décrite. Elle accueille aussi une population pauvre, nombreuse et, facteur aggravant, concentrée dans le nord-est. C'est ainsi que 40 % des populations concernées résident dans les XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements qui, entre autres, relèvent de la politique de la ville.

Que la région-capitale contribue au développement du territoire national, cela va de soi et ne choque personne, bien au contraire. L'Ile-de-France transfère 25 milliards d'euros vers les autres régions au titre des impôts et des prélèvements sociaux.

Mais si, jadis, la capitale était supposée capter les énergies et les richesses du pays, il existe aujourd'hui un déséquilibre en sens inverse : l'Ile-de-France produit 29 % du PIB et ne bénéficie que de 22 % des redistributions. En son sein, Paris fait figure de parent pauvre.

Dans ces conditions, et dans l'intérêt bien compris de notre pays, il est temps de s'interroger sur les dispositifs qui suscitent la fuite des emplois de Paris. Il faut pouvoir au contraire y réintroduire des activités de services, y attirer les sièges de filiales européennes de multinationales et leurs cadres étrangers. Il en va de l'intérêt national tant nous ne saurions, demain, tirer un quelconque bénéfice d'un « désert parisien » qui prendrait la place du « désert français » que l'on décrivait hier.

Permettre aux plus faibles d'engager le processus de reconstruction de soi et redonner à Paris sa motricité au bénéfice du pays tout entier sont, à l'évidence, des objectifs complémentaires.

Le plan d'envergure que vous nous proposez, monsieur le ministre, repose sur une démarche inédite qui consiste à agir simultanément sur tous les leviers pour restaurer la cohésion sociale, à rebours de l'approche cloisonnée et morcelée qui a longtemps prévalu, à rebours des discours illusoires sur une République d'autant plus idéalisée qu'elle est imaginaire dans les faits et où n'a pu être évité le développement d'une société de castes, où le vrai communautarisme est social.

Puisse ce plan nous faire prendre acte du profond déchirement intérieur de notre société et assurer la mise en oeuvre des principes politiques et des moyens qui permettront de la rassurer et de la recoudre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.

M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, compte du délai dont je dispose, je concentrerai mon intervention sur l'apprentissage, qui occupe une part importante de ce texte, ce qui n'a peut-être pas toujours été apprécié à sa juste valeur.

Vous avez vous-même souligné l'importance de ce volet du projet de loi, monsieur le ministre. Vous avez déclaré qu'il consacrerait une voie d'excellence qui existerait « enfin » ! Le mot « enfin » était de trop ! Je vous informe que cette voie existe déjà, mais je suis sûr que vous en êtes persuadé.

Cette voie regroupe la moitié de la jeunesse de France en âge d'être scolarisée dans l'enseignement secondaire, dans les filières professionnelles, technologiques et dans celles de l'apprentissage. Elle a permis à notre patrie d'être le deuxième pays du monde en termes de gains de productivité ; je le dis pour tous ceux de nos collègues qui éprouvent parfois une jouissance étrange à aligner les performances des autres en oubliant les nôtres. Elle a permis à notre patrie d'être la quatrième économie du monde, ce qui ne se conçoit, compte tenu de notre faible nombre, que par le talent et la qualification de la main-d'oeuvre française.

Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale contient donc un volet « apprentissage ». Soit. Beaucoup s'en réjouissent. Mais je m'interroge : que fait-il là ? Pourquoi une voie particulière de formation prend-elle place dans un projet de loi relatif à la cohésion sociale ?

Je le dis très solennellement, en espérant que d'autres sur ces travées le diront comme moi : il n'y a pas dans ce pays de voie de remédiation sociale. L'éducation est nationale. Elle vaut pour tous. Il n'existe pas de voie pédagogique pour les pauvres. Il n'y a pas de diplôme social ; il n'y a que des diplômes sanctionnant une qualification applicable partout.

Ce volet du texte, monsieur le ministre, présente des aspects tout à fait étranges.

J'ai d'abord noté un effet d'évaporation entre l'exposé des motifs et les articles du projet de loi. Vous annoncez en effet des dispositions qui ne figurent pas dans les articles. Il en est ainsi de l'amélioration de la rémunération des apprentis.

J'ai ensuite relevé une disposition quant à elle tout à fait volontaire. Mais chacun d'entre vous y a-t-il réellement réfléchi ? Avez-vous sérieusement l'intention, monsieur le ministre, d'obliger les entreprises de ce pays à embaucher 2 % de leur main-d'oeuvre sous forme d'apprentis ? Avez-vous sérieusement l'intention de demander à la régie Renault, par exemple, qui a embauché 40 000 personnes entre 1999 et 2004, d'engager 2 000 apprentis et de disposer de 2 000 maîtres d'apprentissage ? Vous vous trompez totalement ! Une entreprise n'est pas une école !

L'apprentissage fonctionne dans certains métiers, pour certains gestes professionnels. C'est pourquoi il est souvent si bien adapté à l'artisanat, mais si peu à la grande industrie, notamment dans les secteurs techniquement les plus avancés.

Vos dispositifs sont également répétitifs, monsieur le ministre. Ainsi, le dispositif que vous prévoyez concernant le doublement du nombre d'apprentis est semblable à celui qui figurait déjà - je le dis, car j'ai eu l'honneur de participer à ce débat -, dans la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle de 1993, dite « loi Giraud », comme l'est d'ailleurs l'exonération d'impôts pour les entreprises employant des apprentis. Ces mesures ont été abandonnées, sans que personne trouve à y redire, simplement parce qu'elles ne fonctionnaient pas.

Une telle vision idéologique conduit à survaloriser l'apprentissage plus qu'une approche pragmatique de la place qu'il peut occuper dans notre système d'éducation professionnelle.

M. Alain Gournac, rapporteur. C'est vrai !

M. Robert Bret. C'est bien vu !

M. Jean-Luc Mélenchon. J'ai également relevé quelques aspects un peu mystificateurs dans votre projet de loi, monsieur le ministre. Pensez-vous sérieusement que la relève des chefs d'entreprise, qui doit intervenir sous peu, sera assurée par les apprentis que l'on va embaucher maintenant ? Vous ne pouvez pas y croire !

M. Robert Bret. Ce n'est pas sérieux !

M. Jean-Luc Mélenchon. Chef d'entreprise, cela ne s'improvise pas, ...

M. Guy Fischer. Bien sûr !

M. Jean-Luc Mélenchon. ... surtout dans l'artisanat et dans l'industrie ! Pensez-vous sérieusement que, en étendant l'apprentissage aux personnes âgées de plus de vingt-cinq ans, vous trouverez des apprentis, alors que leur rémunération est, au début, inférieure au RMI ? Pensez-vous sérieusement que des contrats d'apprentissage de moins d'un an sont jouables ? Mais pour préparer quel diplôme ? Aucun diplôme ne s'acquiert en moins d'un an !

M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat. Si ! La mention complémentaire !

M. Jean-Luc Mélenchon. Je vous pose cette question, mais j'en connais la réponse : avec l'apprentissage, vous avez l'intention de préparer les certificats de qualification professionnelle, les CQP, ...

M. Guy Fischer. Validation des acquis de l'expérience !

M. Jean-Luc Mélenchon. ... que tous les ministres qui se sont occupés d'enseignement professionnel, qu'ils soient de droite ou de gauche, ont refusé de reconnaître au même niveau que les diplômes professionnels. Ce n'est donc pas une bonne idée, pratique et pragmatique.

Enfin, votre projet de loi induit un effet de confiscation. Peut-être me démontrerez-vous le contraire tout à l'heure. Mais tout de même, en faisant passer une partie du produit de la taxe d'apprentissage du barème au quota, ce sont 190 millions d'euros destinés à l'ensemble des formations professionnelles qui seront spécifiquement affectés aux CFA. Ce sont donc bien 190 millions que vous prenez aux lycées professionnels pour les donner aux CFA ! Comment comptez-vous procéder, monsieur le ministre pour que cette somme alimente la caisse de l'enseignement professionnel et technologique, qui regroupe le plus grand nombre de jeunes français ? C'est tout de même en dans cette filière que se trouve la masse des Français.

Mon analyse est la suivante : il s'agit là d'une logique de désengagement de l'Etat, comme je vais le démontrer, chiffres à l'appui.

Vous dites, monsieur le ministre, que vous voulez porter à 500 000 le nombre des apprentis. Ils sont aujourd'hui 350 000. Vous voulez donc en prendre 150 000 de plus dans une classe d'âge qui connaît un déclin démographique. Ces apprentis seraient normalement allés dans les sections d'enseignement professionnel ou technologique. C'est donc bien à l'enseignement scolaire que vous retirez ces effectifs. C'est d'ailleurs cohérent avec la fermeture décidée par M. Fillon, cette année même, d'un nombre considérable de sections d'enseignement professionnel, au motif que leurs effectifs étaient insuffisants.

M. Guy Fischer. C'est un démantèlement !

M. Jean-Luc Mélenchon. Cela prouve simplement qu'il ne les connaît pas. Il a surtout diminué de 40 % le nombre des enseignants recrutés, ce qui revient à prendre une option sur l'avenir.

Monsieur le ministre, vous vous trompez ! Le dispositif que prévoit le projet de loi n'est pas crédible. L'apprentissage n'est pas la voie royale que vous pensez.

M. Jacques Blanc. Mais si !

M. Jean-Luc Mélenchon. Il correspond à un type particulier de parcours qu'un jeune peut emprunter, à un modèle pédagogique précis, dont d'ailleurs les pédagogues discutent l'efficacité. Certes, force est de reconnaître que des résultats ont été obtenus, mais, monsieur le ministre, sachez que, depuis un quart de siècle, la tendance a été à la scolarisation. C'est si vrai que l'apprentissage lui-même, les CFA, sont de plus en plus tournés vers l'aspect scolaire, plus que vers ce que l'on appelle l'enseignement pratique.

Compte tenu des technologies de notre époque, le tour de main, l'apprentissage par le repérage du geste professionnel concernent un nombre de plus en plus faible de métiers, y compris dans l'artisanat. Le niveau technologique, qui s'élève sans cesse, requiert que les jeunes soient préparés par l'acquisition d'un nombre croissant de connaissances générales.

Il n'existe pas, contrairement à ce que j'ai lu dans certains rapports, de métiers qui ne requièrent que des aptitudes relationnelles personnelles. Cela n'existe pas ! L'exemple cité était celui de la vente. Mes chers collègues, allez dans n'importe quel établissement où l'on vend des ordinateurs et demandez-vous si vous vous contentez de vendeurs qui n'ont que des aptitudes relationnelles ! Non ! Ils ont aussi des connaissances abstraites. Celles-ci s'acquièrent, elles ne tombent pas du ciel, elles ne suintent pas des murs de l'entreprise. Tout jeune, toute personne est éducable. Et si l'on renonce à cette idée, on renonce alors tout simplement à croire en l'humanité elle-même.

Mesdames, messieurs les ministres, il n'y a pas de lien direct, observable entre l'apprentissage et l'acquisition d'un emploi. Il y a en revanche un lien direct entre la possession d'une qualification reconnue par un diplôme et le travail. Cela, c'est sûr. Et cela se vérifie dans les deux sens : si vous avez un diplôme, vous avez du travail ; si vous n'avez pas de diplôme, vous n'avez pas de travail.

J'ajoute que le système d'apprentissage de nos amis allemands, que tout le monde a admiré - tout ce que font les autres est toujours plus admirable que ce que nous faisons nous-mêmes - est en train de s'effondrer, car ils ont eu eux aussi à faire face à l'évolution des métiers, à la flexibilité de l'emploi. Ils se mettent aujourd'hui à payer les maîtres d'apprentissage.

Chez eux, la première insertion professionnelle est réussie parce qu'elle correspond à la reproduction de gestes professionnels observables, mais la seconde est toujours un échec. Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont ceux des nôtres qui procèdent à des analyses afin de rendre notre système le meilleur possible.

C'est une dépense inutile, monsieur le ministre. Vous allez augmenter de 40 % la taxe d'apprentissage, tant mieux ! Au passage, vous créez un organisme de collecte unique. Demandez aux fédérations artisanales si elles pensent que c'est une bonne idée ! Cela sent la centralisation, qui est toujours avantageuse pour les plus gros, mais se fait au détriment des plus petits. Or ce sont précisément les plus petits qui ont le plus besoin d'apprentis. Je vous le signale, monsieur le ministre, car vous serez à mon avis accueilli assez froidement sur ce sujet par ces fédérations patronales.

Vous êtes en train d'inventer l'eau chaude, monsieur le ministre. Le système public nous permet d'éduquer la masse de nos jeunes au plus haut niveau de performance technique. Aujourd'hui, on le constate, les transferts de technologie se font à partir des établissements publics. Le coût d'un apprenti du secteur public est inférieur de moitié à celui d'un apprenti d'un CFA, car le système public permet une mutualisation des moyens, contrairement aux CFA privés. Je ne les en rends pas responsables, je dis simplement que nous ne devons pas amplifier cette réalité !

Alors, que faudrait-il faire ? Peut-être me permettrez-vous quelques suggestions ? Après tout, je ne suis peut-être pas le plus mal placé pour en faire !

Il faudrait d'abord faire évoluer de façon significative le nombre de nos jeunes qui obtiennent le baccalauréat professionnel. Il ne faut donc pas renoncer à l'objectif des 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat. (Murmures sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.). Aujourd'hui, si cet objectif est atteint dans la filière générale, il ne l'est pas dans la filière professionnelle. Y renoncer, c'est renoncer à l'élévation du niveau de la classe ouvrière de ce pays.

M. Jacques Blanc. Ce n'est pas vrai !

Mme Hélène Luc. Il a raison !

M. Jean-Luc Mélenchon. C'est la vérité ! La vérité chiffrée ! Il suffit d'examiner les chiffres de l'éducation nationale. Notre pays ayant besoin d'une main-d'oeuvre de plus en plus qualifiée, les jeunes doivent être plus nombreux à avoir un baccalauréat professionnel.

Ensuite, un statut du jeune en formation est nécessaire. En effet, si l'apprentissage a du succès, mais il n'a pas que du succès, c'est notamment parce qu'il est rémunéré - rémunéré, pas rétribué, selon le terme du code du travail. Et si un quart des jeunes interrompent leur contrat d'apprentissage au cours des trois premiers mois de leur formation, c'est parce qu'ils ne sont pas traités comme ils espéraient l'être.

Si vous régliez le problème du statut social des jeunes des lycées professionnels, des sections technologiques, ils seraient plus nombreux à poursuivre leurs études jusqu'au baccalauréat. Pour l'instant, ils ne sont bloqués au niveau où ils sont que parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers de continuer. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Enfin, il faudrait, et c'est urgent, entreprendre la réforme pédagogique de l'apprentissage lui-même, d'abord pour valoriser le travail accompli, ensuite pour rectifier ce qui ne va pas. Et de nombreux points ne vont pas. J'ai eu à connaître que, par exemple, les programmes d'enseignement généraux n'avaient pas été réformés pendant plus de vingt ans ! N'était-ce pas un scandale ? Je les ai refaits.

Je sais que, aujourd'hui encore, le traitement des apprentis est inacceptable sur de nombreux points. Je n'en dirai pas davantage, car je ne veux pas être celui qui, d'une quelconque façon, désignera du doigt la part si brave, si courageuse de notre jeunesse et de ceux qui s'en occupent. Il s'agit de 350 000 de nos enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je dirai quelques mots sur la situation des jeunes et sur la situation sociale de notre pays pour montrer combien il est pertinent de la part du Gouvernement de concentrer ses efforts sur l'emploi, en particulier des jeunes. Notre problème majeur, comme celui de nombreux pays, car il n'est pas propre à la France, derrière les situations d'exclusion et de grande détresse, c'est le chômage.

Au début des années soixante-dix, le taux de pauvreté était de 15,7 % et concernait 2 500 000 personnes. Selon les dernières statistiques, il toucherait aujourd'hui 3 500 000, soit un peu plus de 6 % des ménages.

Au-delà de ce constat, qui a de quoi surprendre, il importe d'observer qu'en trente ans la pauvreté a largement changé de nature.

En 1970, 30 % des personnes âgées de plus de 65 ans étaient sous le seuil de pauvreté, alors qu'elles sont moins de 5 % actuellement. Aujourd'hui, ce sont les 15-25 ans qui sont les plus exposés. Dans le « noyau dur » des actifs les plus pauvres, ce sont les « petits » indépendants, petits agriculteurs ou femmes aides familiales à temps partiel par exemple, qui sont les plus touchés. Parmi les salariés les plus pauvres, on compte surtout des jeunes en contrat à durée déterminée non diplômés et vivant seuls, ainsi que des femmes à la tête d'une famille monoparentale, employées le plus fréquemment dans certaines industries ou dans les services aux particuliers.

Il est donc vrai que les jeunes de 15 à 24 ans sont les plus menacés par l'exclusion, la précarité et la pauvreté. Il était par conséquent urgent de prendre à bras-le-corps le problème des jeunes les plus éloignés de l'emploi.

Le danger premier est de laisser des milliers de jeunes sans qualification connaître les difficultés les plus lourdes face à l'insertion sociale et professionnelle.

Leur taux de chômage atteint 35 % alors qu'il est de 22 % pour l'ensemble des jeunes et de 9,8 % pour l'ensemble de la population. Qui plus est, la durée de chômage est encore plus longue pour les jeunes sans qualification puisqu'elle se situe entre un et deux ans contre 138 jours pour les jeunes diplômés et 225 jours pour l'ensemble des chômeurs, ce qui rend leur insertion professionnelle encore plus difficile.

On a beaucoup parlé de méthode et aussi donné beaucoup de leçons au Gouvernement, mais ce ne sont pas ceux qui ont proposé, il y a quelques années, les emplois jeunes qui ont réglé les problèmes. Je me souviens que le gouvernement Jospin avait promis 350 000 nouveaux emplois dans le secteur public ; dans les faits, ce sont 220 000 emplois dans le secteur non marchand qui ont effectivement été créés et seuls 30 % de ces emplois survivent à l'arrêt du subventionnement de l'Etat, qui était prévu, on oublie souvent de le dire, dans le dispositif Jospin puisqu'il s'agissait d'emplois mort-nés. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

C'est la vérité !

Conscient de cette situation, le Gouvernement lance un programme d'accompagnement de 800 000 jeunes vers l'emploi durable.

Les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation seront chargées prioritairement de repérer et d'aider ces jeunes afin de les accompagner jusqu'à l'emploi.

Peut-on critiquer les maisons pour l'emploi ? Je constate en tout cas que, dans mon département, les deux villes principales que sont Poitiers et Châtellerault ont formulé auprès du préfet leur souhait d'avoir une maison pour l'emploi.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Eh oui !

M. Alain Fouché. Ce n'est sans doute pas si mauvais signe puisque ces deux villes sont gérées par des maires socialistes !

M. Alain Gournac, rapporteur. Bizarre, bizarre !

M. Alain Fouché. Cela ne doit donc pas être si mal que cela !

Les 300 maisons pour l'emploi viendront utilement compléter le dispositif d'accompagnement et il sera largement fait appel aux contrats initiative emploi et aux nouveaux contrats d'accompagnement dans l'emploi.

Le contrat « jeune sans charge en entreprise » sera, quant à lui, amélioré, notamment par la modulation du soutien versé aux entreprises en fonction du niveau du jeune recruté.

Enfin, un référent unique, expérimenté, suivra chaque jeune sur tous les plans, qu'il s'agisse de la formation et de l'emploi, mais aussi du logement, des transports et de la santé.

Le volet « formation » est au coeur du dispositif puisque 75 millions d'euros en 2005, puis 100 millions d'euros ultérieurement, seront affectés au fonds d'insertion professionnelle.

Un autre programme dont vous prenez l'initiative, mesdames et messieurs les ministres, sera, quoi qu'on en dise, très salutaire : la redynamisation de l'apprentissage.

Vous entendez augmenter de 40 % le nombre des apprentis et le porter à 500 000 en 2009 alors que notre pays n'en forme aujourd'hui que 300 000. On peut critiquer les exemples des pays voisins, de l'Allemagne notamment, qui a pourtant compris depuis longtemps et qui est souvent citée comme modèle. Ainsi, on comptait en Allemagne, à la fin de l'année dernière, 1,6 million d'apprentis, soit quatre fois plus qu'en France ; environ 70 % des jeunes empruntent cette voie pour entrer sur le marché du travail...

Mme Michelle Demessine. C'est un échec patent !

M. Alain Fouché. ...et plus de 600 000 entreprises forment des apprentis dans tous les secteurs économiques.

L'apprentissage peut être et doit être un véritable « passeport pour l'emploi », comme le résume la dernière campagne lancée par le fonds national de promotion et de communication de l'artisanat, qui y croit beaucoup.

Cela étant dit, l'apprentissage est encore - on le voit aujourd'hui - mal considéré dans l'opinion et il importe de tout faire pour revaloriser son image.

Aussi, réhabiliter l'image, le statut social et financier de certains métiers dévalorisés et mal rémunérés s'impose-t-il. Ce qui a été fait pour certaines catégories professionnelles dont le statut a été considérablement revalorisé pourrait aussi être fait pour le bâtiment, les services de restauration, d'hôtellerie et de nettoyage, par exemple.

Au Danemark, les maçons sont aussi bien considérés et presque aussi bien payés que les médecins. Conclusion : on n'y manque pas de maçons et l'on n'y manque pas de médecins non plus !

M. Jacques Blanc. Ici, on manque et de maçons et de médecins !

M. Alain Fouché. Dans cet esprit, la volonté du Gouvernement de faire de l'apprenti un « étudiant des métiers » mérite d'être plus largement approuvée.

Faut-il rappeler ce paradoxe ? Dans notre pays, alors que l'on compte 2,5 millions de chômeurs, 400 000 postes ne sont pas pourvus, faute de candidats.

La priorité doit donc consister à réduire cet écart en valorisant, entre autres voies, l'apprentissage. L'Etat y consacrera, au total, 600 millions d'euros, notamment sous la forme de diverses incitations fiscales.

J'approuve aussi la création du fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage qui permettra d'adapter l'offre de formation, notamment en favorisant la création de campus des métiers, et d'améliorer la qualité des formations dispensées.

De la sorte, les organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage auront un rôle accru. La lisibilité de la taxe en sera améliorée, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

En un mot, mesdames, messieurs les ministres, le plan que vous nous présentez, assorti de près de 13 milliards d'euros sur cinq ans, est le plus ambitieux qui n'ait jamais existé pour une cohésion sociale enfin retrouvée.

Vous mettez fort justement l'accent sur le logement et l'égalité des chances, tout en mobilisant tous les efforts pour l'emploi, et, de cela, comme de nombreux Français, je vous remercie ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

MM. Robert Bret et Roland Muzeau. Attendez le résultat !

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Discussion générale (suite)

6

Déclaration de l'Urgence d'un projet de loi

M. le président. Monsieur le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Paris, le 27 octobre 2004,

« Monsieur le Président,

« J'ai l'honneur de vous confirmer la déclaration d'urgence du 15 septembre 2004, en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, tel qu'il a été complété par la lettre rectificative du 20 octobre 2004.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

« Signé : Jean-Pierre Raffarin »

Acte est donné de cette communication.

7

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Discussion générale (suite)

Cohésion sociale

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Nous reprenons la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, complété par une lettre rectificative.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Mes chers collègues, quand on entend certains anciens ministres du gouvernement Jospin, prenant peut-être la mesure de leur échec et voyant l'actuel gouvernement très fortement engagé dans un combat qui, M. Virapoullé l'a rappelé, n'est pas facile, ce qui devrait les conduire à faire preuve d'un peu de modestie au lieu de les faire sombrer dans une amnésie totale,...

M. Claude Domeizel. On pourrait en dire autant !

M. Jacques Blanc. ...on est en droit d'être triste !

L'échec des politiques antérieures, pour l'insertion des jeunes comme pour la cohésion sociale, est en effet patent. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Pendant cinq ans, le gouvernement Jospin n'a rien fait pour les exclus non plus que pour les handicapés : l'échec a été total.

Mme Raymonde Le Texier. C'est Jacques Blanc qui parle d'échec !

M. Jacques Blanc. Aussi, chers collègues de l'opposition, si vous tentez aujourd'hui de donner de ce gouvernement une image fausse et de faire accroire qu'il ne se préoccupe que de certaines catégories sociales, c'est pour faire oublier qu'il est le premier à avoir revalorisé le SMIC (Nouvelles protestations sur le mêmes travées.) et le premier aussi à proposer un plan d'ensemble en faveur de la cohésion sociale !

C'est pourquoi je veux dire ici que nous soutiendrons totalement les efforts qui sont engagés.

Ce plan ne comporte pas une mesure unique parce que chacun sait bien qu'aucune mesure ne pourrait à elle seule résoudre des problèmes aussi complexes. S'il y avait une réponse simple à ces difficultés, on l'aurait déjà trouvée !

M. Roland Muzeau. Ben tiens !

M. Jacques Blanc. C'est donc par petites touches, comme celles qui concernent, et je vais y revenir, la formation, l'apprentissage, l'insertion des jeunes, celles qui ont trait au logement, que notre ami Jean-Paul Alduy a évoquées avec talent, ou encore celles qui visent l'égalité des chances, qu'il faut procéder.

Alors, se jeter à la figure certaines insultes ou tenir certains propos, comme l'ont fait tout à l'heure à cette tribune d'anciens ministres, est indigne.

M. Bernard Frimat. C'est vous qui l'êtes !

M. Jacques Blanc. Au contraire, soyons tous capables de montrer que les politiques que nous sommes mesurent la réalité des problèmes.

Mme Gisèle Printz. Nous le faisons !

M. Jacques Blanc. Nous, nous avons mesuré la réalité des problèmes auxquels sont confrontés les handicapés, alors que, pendant des années, vous, vous n'avez rien fait, et c'est bien cela qui vous « embête », car nous démontrons ainsi que le gouvernement social est non pas le gouvernement socialiste mais le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin,...

M. Guy Fischer. On en reparlera !

Mme Hélène Luc. Comment osez-vous dire cela ?

M. Jacques Blanc. ... que nous soutenons comme nous soutenons ses membres ici présents !

Voilà la réalité, chers collègues de l'opposition ! Parce que nous avons pris conscience de la nécessité d'inventer des réponses nouvelles, d'adapter les attitudes, de créer des dynamiques, vous craignez maintenant que cela ne réussisse, mais les Françaises et les Français qui sont dans l'angoisse, eux, attendent au contraire de nous que nous soyons capables de nous rassembler autour de certaines de ces mesures !

M. Robert Bret. Il vous faudra les convaincre !

M. Jacques Blanc. S'agissant par exemple de l'apprentissage, j'ai cru être revenu à un temps dépassé quand j'ai entendu un ancien ministre chargé de la formation retomber dans la guerre stérile des écoles entre les lycées professionnels et les centres de formation par l'apprentissage, entre l'apprentissage et l'enseignement direct pour le bac professionnel.

Mme Hélène Luc. Il faut avoir des ambitions pour les jeunes !

M. Jacques Blanc. Oui, madame, et c'est parce que le Gouvernement a des ambitions que nous partageons que nous le soutenons totalement dans l'effort qu'il a entrepris pour revaloriser enfin cette voie de l'apprentissage qui doit permettre à des jeunes de réussir et de passer ensuite d'un niveau à un autre, car je rappelle que le gouvernement Chirac nous a fait voter, en son temps, un texte grâce auquel un jeune titulaire d'un certificat d'aptitude professionnelle peut devenir ingénieur.

Ainsi, un jeune qui choisit l'apprentissage peut « démarrer » avec un CAP et commencer à travailler chez un artisan ou dans une entreprise sans que son propre avenir soit bloqué : il pourra demain suivre un parcours de formation qui lui permettra de trouver un épanouissement.

Le grand mérite de l'apprentissage est d'offrir une vraie chance de réussite, à la fois par l'enseignement pratique et par l'enseignement théorique. Ce n'est pas une voie d'échec, mais, au contraire, une voie royale de succès.

Tous, dans chacune de nos régions, nous nous sommes mobilisés en faveur de l'apprentissage ; nous avons bien mesuré que c'était l'un des moyens de sortir d'une situation que l'on ne peut pas accepter, à savoir l'échec des jeunes, car c'est cela le véritable enjeu.

Lorsqu'on regarde ce qui se passe dans les autres pays, en Allemagne par exemple, ...

M. Roland Muzeau. Regardez aussi le taux de chômage !

M. Jacques Blanc. ...on constate que les jeunes y ont plus de facilités pour entrer dans la vie professionnelle. Demandons-nous pourquoi.

J'ajouterai, monsieur le ministre, que cette importante réforme, qui doit associer les maîtres d'apprentissage et les jeunes dans l'ensemble des secteurs professionnels, devrait peut-être aussi s'accompagner d'une réforme profonde des mentalités ainsi - j'ose le dire ici - que d'une modification de la situation pour les emplois les plus pénibles.

Je souhaiterais, pour ma part, que l'on invente un coefficient de pénibilité. Puisque nous venons de parler des maçons, sachez que leur métier est dur, peu valorisant...

Mme Hélène Luc. Et pas assez payé !

M. Jacques Blanc. ... et, effectivement, pas assez payé.

Mme Hélène Luc. Il ne suffit pas de le dire, il faut agir !

M. Jacques Blanc. Pour qu'il soit mieux payé, que faut-il faire ? Par un indice de pénibilité, il convient de diminuer les charges sur ces emplois les plus pénibles ...

M. Jacques Blanc. ... de manière à augmenter le salaire direct dont bénéficieraient ces salariés et à sortir de cette situation où les travaux les plus pénibles sont souvent les moins payés. Après, on s'étonne que les jeunes s'en détournent !

M. Roland Muzeau. Ben tiens !

M. Jacques Blanc. Il nous faut avoir l'audace d'accompagner ce réel effort que vous nous proposez d'une modification, sans doute fondamentale, en créant, à partir d'un indice de pénibilité, la possibilité pour les entreprises de mieux payer ceux qui travaillent sur des durées et dans des conditions matérielles, climatiques ou psychologiques particulièrement difficiles. Ce sont précisément ces filières qui offrent des emplois : on le sait bien dans le secteur du bâtiment, dans celui de la restauration, dans les services et même, aujourd'hui, dans le secteur agricole qui manque, lui aussi, de salariés.

Par conséquent, je me permets de suggérer d'étudier cette piste pour compléter la réforme capitale et positive qui nous est proposée concernant l'apprentissage.

Vous m'excuserez, mes chers collègues, de dire, au vu des comportements qui s'observent dans certaines régions - je ne citerai pas celle à laquelle je pense - qu'on ne peut pas être dépendants de décisions, d'attitudes inacceptables et partisanes de nature à bloquer les projets des CFA ou des centres d'apprentissage. Il convient donc de prévoir une soupape de sécurité permettant une contractualisation entre l'Etat et les porteurs de projets pour éviter qu'ils ne soient bloqués au seul motif qu'ils ne seraient pas de la bonne couleur politique ou qu'ils ne résideraient pas dans le bon département.

C'est triste, mais je me dois de tenir ce langage à cette tribune. Je proposerai d'ailleurs un amendement tendant à ce que l'on puisse échapper à ce danger.

Quant aux maisons de l'emploi, elles doivent être aussi conçues à partir de ce qui existe. Des expériences ont été réalisées en matière d'information sur la formation et d'accueil des jeunes et des moins jeunes pour leur offrir un parcours de formation débouchant sur un emploi. Il comprend des examens psychologiques qui ne se résument pas à un passage par un guichet banalisé, mais qui évaluent, à partir d'un bilan de compétences, la capacité à étudier. Il faut pouvoir offrir de tels bilans pour, à la fois, cerner les objectifs des jeunes ou des moins jeunes et leur proposer le parcours susceptible d'assurer leur réussite ce qui, vous m'excuserez de le dire, n'est pas très facile.

Il convient de tenir compte des expériences qui ont été conduites dans telle ou telle région : vous me pardonnerez de citer la mienne, mais on y avait créé des liaisons entreprise-formation qui permettaient de proposer ces parcours de formation à 40 000 personnes par an. Je pense que, ce faisant, nous étions un peu utiles. Une telle démarche n'est ni de droite ni de gauche ; elle consiste simplement à concilier pour ces jeunes une ambition forte et une analyse objective des réalités.

Nous avons donc mieux à faire que de nous intenter mutuellement des procès d'intention : nous devons saisir la chance que vous nous offrez, mesdames et messieurs les ministres, de nous mobiliser tous ensemble pour montrer que l'on peut, dans cette société, répondre aux vrais problèmes.

Si nous voulons sortir les jeunes de la désespérance et de l'angoisse, si nous voulons éviter les risques de dérapages extrémistes, nous devons leur prouver que nous sommes capables d'étudier les vraies situations et d'offrir de vraies réponses.

Nous y parviendrons non pas en adoptant des solutions « parkings » ou provisoires, mais en entraînant le monde de l'entreprise : ne créons pas une fausse querelle entre les chefs d'entreprise, qu'ils dirigent des entreprises artisanales, des grandes entreprises ou des PME, et tous ceux qui peuvent espérer devenir des acteurs de l'entreprise. C'est là où il faut sortir de l'idéologie !

Nous pouvons démontrer - c'est ce que vous nous proposez et nous vous soutiendrons - que l'on peut croire à l'entreprise, mais que cette confiance passe aussi par la conviction que l'entreprise est un ensemble, qu'elle peut être le lieu du bonheur et de la réussite, non seulement pour les jeunes ou les moins jeunes, mais aussi pour les personnes handicapées que nous, nous n'avons pas oubliées. En effet, c'est ce Gouvernement qui a apporté, enfin, une amélioration au grand projet voté en 1975, dont nous pouvons nous enorgueillir et dont le rapporteur que j'étais à l'époque tire, en tout cas, une très grande fierté.

Mme Hélène Luc. Il n'est pas encore financé !

M. Jacques Blanc. Alors, mes chers collègues, le social, il ne s'agit pas d'en parler : il faut, à chaque instant de la vie d'un individu, qu'il vive dans un département d'outre-mer, dans un département rural ou en ville, lui offrir le maximum de chances d'épanouissement et de réussite. C'est pour cela, mesdames, messieurs les ministres, que nous sommes mobilisés à vos côtés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord adresser mes remerciements aux commissions, au président de la commission des affaires sociales et aux rapporteurs et leur dire d'ores et déjà que, compte tenu de la qualité de leurs travaux, il est évident que le Gouvernement retiendra un certain nombre de leurs amendements.

Je remercierai également ceux des membres de l'opposition qui ont posé des questions, qui ont émis des critiques de nature à faire progresser le débat, qui ont attiré l'attention du Gouvernement sur certains points.

J'aurai aussi une pensée, si vous le permettez, pour mes collègues du Gouvernement du pôle social, car si je réponds seul à l'ensemble des préoccupations exprimées, vous aurez bien compris qu'il s'agit en réalité d'un travail collectif où chacun, en fonction de son âge, de son expérience, qu'il soit de Garges-lès-Gonesse, de Nancy, de Rambouillet, de la grande agglomération lilloise ou de Reims, s'est efforcé d'apporter des réponses rapidement, probablement imparfaitement, sur des sujets pratiques qui, finalement, sur toutes ces travées, donnent lieu à un accord.

Je ressens par ailleurs un sentiment de « redite » ou de « revoyure ». En effet, voilà un peu moins d'un an et demi, un 3 août, à une heure du matin, dans cette enceinte, j'ai présenté la loi de la deuxième chance, dite pour d'autres « de surendettement », qui était finalement une loi de confiance dans l'être humain : on peut être pris dans une spirale et avoir le droit de repartir dans la vie. Cette loi avait d'ailleurs fait l'objet d'un certain nombre d'amendements, s'est mise en place et est en vigueur aujourd'hui.

J'avais aussi présenté la loi de programmation pour la rénovation urbaine, qui avait une grande ambition et qui avait été assez spontanément soutenue sur certaines travées, ce qui est normal, alors que des interrogations se posaient sur d'autres : s'agirait-il vraiment d'une caisse de garantie des financements locaux ? Une espèce d'agence d'urbanisme ne finirait-elle pas par décider à la place des collectivités locales ? Les financements seraient-ils au rendez-vous ? Les conventions seraient-elles bien passées ? Le rythme serait-il soutenu ?

Bref, ce scepticisme, qui n'est pas propre à l'opposition, je vous rassure, est aujourd'hui partagé par la population française qui s'interroge sur son pays : en effet, si la France consacre apparemment des moyens financiers importants à la protection sociale, qui, parmi nous, ne connaît pas une victime d'un acte raciste, une victime d'un acte quotidien de violence imbécile, une victime d'un problème lié à la mobilité d'emploi, une victime d'un désastre économique dans un bassin où les licenciements ont été non prévus et non gérés, qui n'a pas connu des Rmistes, des titulaires de l'allocation de parent isolé - API - de l'allocation de solidarité spécifique - ASS - dont on ne sort ni rapidement, ni directement par l'emploi ?

Qui n'a pas, même si ce n'est pas dans sa propre circonscription, traversé des quartiers qui donnent le sentiment d'un réelle dégradation des conditions de vie quand on voit l'herbe envahir le pourtour des lampes, du service public, de l'école, du bâti, des logements vacants, alors même qu'une terrible pression s'exerce sur le logement conventionné, voire sur le logement tout court, dans ce pays ?

J'ai été très frappé par les échéances électorales, non que je me réjouisse de la défaite des «  mauvais », mais parce que voilà trois ans, le chef de file d'un gouvernement moralement respectable s'est retrouvé derrière le candidat de l'extrême droite. Ce gouvernement était, je le répète, respectable et respecté. Et voilà que quelques semestres plus tard, un autre gouvernement respectable, sans doute plein de défauts lui aussi, a subi un désastre électoral majeur. Je vais vous dire une chose : c'est un problème de fond de la France !

Peut-être les réponses que nous apportons ne sont-elles que partielles, peut-être ne sont-elles pas parfaites, peut-être méritent-elles d'être peaufinées, peut-être nous faudra-t-il mener un combat commun pour financer dans la durée ces opérations, peut-être devrons-nous amplifier certaines mesures, peut-être conviendra-t-il d'en retrancher quelques-unes à la lecture de l'expérience, mais je peux vous dire, du plus profond de moi, pour avoir vécu dans le bassin qui a connu le plus grand désastre économique et social d'Europe occidentale, que les capacités de redressement des points de fragilité de notre pays existent et qu'elles sont exploitables.

Permettez-moi d'ajouter qu'il est absolument indispensable de les mettre à profit pour lever tout malentendu avec ceux qui ont le sentiment de faire des efforts, de beaucoup travailler et qui, persuadés que des efforts majeurs ont été consentis pour les plus fragiles, ont le sentiment que tout ce qu'ils font est un peu inutile.

Une étude qualitative très intéressante a été réalisée sur le plan de cohésion sociale. Elle a pour titre : « un plan peut-être trop beau ! » Cela signifie que l'opinion est prête à y croire, mais qu'elle se demande s'il n'est pas déjà trop tard. C'est là la vraie question à laquelle vient se greffer une deuxième  interrogation : ce pôle de cohésion sociale aura-t-il, dans la durée, le poids politique suffisant pour confirmer, transformer, mettre en accord les propositions ?

Il est un troisième question : tout le monde va-t-il s'y mettre ? A cet égard je remercie Jean-Paul Virapoullé d'avoir souligné que personne ici ne peut porter la légion d'Honneur de la réussite de l'intégration sociale. J'ignore qui la méritera, mais, en tout cas, nous n'y arriverons pas seuls ! C'est évidemment grâce à l'action de tous, s'il y a un minimum d'accords sur un certain nombre de points, même s'il faut en faire évoluer quelques-uns, que nous parviendrons à instaurer cette cohésion sociale dans sa triple dimension la maison, le travail et l'éducation qui permet à chacun d'avoir un projet de vie et donc de tolérer les autres, de les aimer et de les respecter.

Telle est l'ambition de ce plan. Nous vous le présentons rapidement, pour ne pas laisser passer un budget, c'est vrai ! Il est vrai également que nous avons saisi les membres du Conseil économique et social dans l'urgence, un 31 juillet, alors qu'ils partaient en vacances, et je les remercie encore d'avoir accepté de les différer.

Permettez-moi, d'abord, de répondre brièvement aux différents rapporteurs.

En effet, monsieur Girod, le passage aux nouvelles nomenclatures rend la lecture difficile, mais je tiens à vous rassurer sur la cohérence d'ensemble du dispositif.

Nous avons recruté l'ancien numéro deux de la RATP pour mettre en cohérence les services de l'Etat, la présentation budgétaire et l'organisation pratique de ce plan. Nous avons déjà mobilisé les préfets, les inspecteurs d'académie, les directions départementales de l'équipement, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales, les DRASS, en vue de la mise en oeuvre de la fameuse LOFL, la loi organique relative aux lois de finances.

Je vous remercie, monsieur Girod, d'avoir rappelé qu'entre l'annonce du projet, le 30 juin dernier, et aujourd'hui, nous sommes allés non pas en deçà mais au-delà des chiffres annoncés, puisque 1 milliard d'euros sont venus s'ajouter au plan.

Nous sommes en mouvement. Le nouveau prêt à taux zéro, populaire et social, qui passe de 0,5 milliard d'euros à 1,4 milliard d'euros, n'était pas prévu dans le budget. Il s'agit d'une moindre recette pour l'Etat.

Il en va de même pour les soutiens et les exonérations en faveur des zones franches urbaines et des quartiers en difficulté, qui n'étaient pas inscrits en dépense et qui représentent environ 500 millions d'euros. Il en va encore de même pour le volet « apprentissage », dont les moyens globaux seront augmentés.

Bref, c'est bien un plan lourd et massif qui est proposé, mais il n'est pas « cher », me semble-t- il, eu égard à l'enjeu pour notre pays ; disant cela, j'espère rassurer ceux qui sont regardants quand il s'agit des dépenses publiques.

Monsieur Vanlerenberghe, j'aimerais vous rassurer vous aussi. Les décrets sont prêts pour le lancement des maisons de l'emploi ; nous avons déjà réuni de manière opérationnelle les services de l'Etat et tous les acteurs locaux, en respectant, comme un certain nombre d'orateurs l'ont dit, la réalité du terrain.

Nous ne voulons pas imposer les maisons de l'emploi, mais il est vrai que nous souhaitons y retrouver tous les partenaires sociaux et, dans une certaine mesure, l'aide sera octroyée en fonction du degré d'intégration de la prévision des besoins, notamment en formation, de l'ensemble des services de l'emploi.

Monsieur Delfau, vous avez souligné la nécessité de bien mobiliser les budgets. Je n'ai aucune inquiétude dans ce domaine. Sachez que le plan, si on doit le résumer, mobilise en gros 3 milliards d'euros de budget par an, auxquels s'ajoute l'équivalent d'une moitié de ce budget sous forme de moindre recette fiscale, c'est à dire en effort fiscal du pays, à l'exception de la première année, car le problème n'est pas le nombre de contrats d'avenir signés, mais bien le taux de sortie de ces contrats vers l'emploi durable.

Comme on veut absolument garantir une formation et non pas un surcroît de formation - je réponds ici à Mme Printz -, la formation est obligatoire avec l'emploi et le travail en équipe ; c'est le taux de formation qui est laissé à l'appréciation des référents et des tuteurs, pour qu'ils l'adaptent à chaque personne.

Monsieur Seillier, nous avons suivi les recommandations de votre rapport : les contrats aidés non marchands sont uniques, mais ils s'adapteront à chaque cas particulier, dans le cadre du dialogue entre les acteurs locaux et les services de l'Etat. La souplesse est donc intégrale - ce que vous souhaitiez - et la simplification totale. Nos partenaires, qui sont pris d'une sorte de vertige devant tant de souplesse, en viennent à se demander quelle est la consistance de ces contrats. Devra-t-on proposer un contrat type à titre de modèle avec possibilité de dérogation totale ? Nous aurons l'occasion d'en parler durant le débat à venir, mais nous avons déjà clairement répondu à l'interrogation soulevée dans votre rapport.

Madame Printz, vous avez posé de réelles questions concernant la participation des collectivités locales dans le plan. Ce dernier prévoit des actions, des opérations, des engagements sur la durée - cinq ans - et des financements de l'Etat, mais aucun transfert de charges vers les collectivités locales.

Il s'agit bien d'une offre faite aux acteurs locaux. Un effort national nous paraît en effet indispensable sur des points particuliers. Libre ensuite à certaines collectivités de décider d'abonder sur leur territoire le financement des actions engagées, comme le font, dans le cadre de la rénovation urbaine, les régions Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes et Alsace. Il s'agit d'enjeux urbains stratégiques pour ces territoires. Nous ne faisons que garantir des financements mis à la disposition de ces derniers. Il n'y a donc pas de logique de contrepartie ou de transfert de charges. J'espère vous avoir rassurée sur ce point.

Vous avez, madame Printz, parlé de « flou ». Je ne sais pas ce que cela veut dire. S'il s'agit des engagements financiers, ils sont précis, ligne par ligne et année après année. Ce qui pourrait paraître flou, c'est l'adaptation et la souplesse laissées à l'échelon local. Ce que je viens de dire concernant les contrats aidés non marchands vaut aussi pour les maisons de l'emploi. Des expériences, des mises en réseau, des synergies existent ; nous ne faisons qu'apporter une aide complémentaire pour que les acteurs locaux décident eux-mêmes quelle est la meilleure stratégie à adopter sur un bassin d'emploi donné.

Cela sera particulièrement vrai concernant les équipes de réussite éducative, ce qui m'amène à répondre à M. Virapoullé.

Les moyens dédiés aux équipes de réussite éducative sont libres d'affectation, dès lors qu'il s'agit d'aider nos enfants. Ces moyens peuvent être affectés au soutien scolaire et, si nécessaire, adaptés en fonction des cas signalés par les enseignants. Autour de ces projets de réussite éducative, le chef d'établissement, la maîtresse, la caisse d'allocations familiales, mais plus probablement le conseil général, bref, la collectivité locale de proximité de référence montera un établissement public local d'enseignement, une association, un groupement d'intérêt public ; peu importe la forme.

Par grand site, en général des zones urbaines sensibles, les ZUS, cette structure pourra investir au-delà de la dotation de l'Etat - elle s'élèvera à 500 000 euros par an, versés pendant cinq ans à titre expérimental et libres de toute affectation - et permettre de résoudre un drame familial, un problème de langue, un problème de santé publique, un problème strictement pédagogique.

De telles approches existent déjà dans d'autres pays. Elles existent aussi déjà en France ; je fais allusion à la Mission du possible, que vous pouvez visiter dans le XIXe arrondissement de Paris.

Bref, nous laissons à l'initiative locale le soin de décider de la façon de s'adapter à la réalité. Les dysfonctionnements de la société étant entrés dans les écoles, ce n'est pas seulement de soutien scolaire dont il s'agit, c'est aussi de tout ce qui va autour. C'est cet ensemble qui est proposé à la sagesse, à l'audace et à l'initiative locales.

Messieurs les rapporteurs, rassurez-vous, la personnalité morale des opérateurs - je pense notamment aux partenaires sociaux de l'UNEDIC - est totalement respectée. Il y avait deux solutions ; d'aucuns souhaitaient une fusion totale des opérateurs au sein de la maison de l'emploi, d'autres se contentaient de la situation actuelle où même l'informatique n'est pas commune, où beaucoup sont en back office, mais peu sont affectés à l'indispensable, c'est à dire à l'accueil, à la rédaction des curriculum vitae, à l'entretien des relations avec les entreprises, à la détection des nouveaux métiers, à l'accompagnement.

La maison de l'emploi doit être une maison des curiosités et non plus une maison administrative. Nous avons choisi de respecter les identités de chacun, mais de rendre obligatoire la synergie des moyens pour les dossiers techniques et, sur la base du volontariat, d'inciter les uns et les autres à s'y conformer.

Vous avez dit, monsieur Souvet, qu'il fallait « positiver » l'action d'apprentissage ; vous avez raison, et j'aurais l'occasion d'y revenir.

Un soin particulier doit être apporté à la recherche des publics les plus éloignés. Nos dispositifs s'adressent à des gens qui en sont tellement loin qu'on ne sait souvent même plus aller les rencontrer : il nous faudra donc faire des efforts particuliers pour les atteindre. C'est un des points que Laurent Hénart développera dans le courant du débat et qui est extrêmement important : renouer le contact avec une partie de cette jeunesse.

Madame Létard, vous vous étiez battue, avec M. Mercier, au sujet de la loi dite de la deuxième chance sur le surendettement. Nous vous suivrons sur l'intégration du logement, qui est en effet déterminant s'agissant du reste à vivre, ainsi que sur quelques autres points que vous avez soulignés.

Monsieur Gournac, vous avez insisté sur l'importance des congés de reclassement.

Tout le monde connaît la fracture qui existe entre salariés selon la taille de leur entreprise. Rentrer de vacances pour se voir annoncer une fermeture ou un licenciement, effectuer son préavis sans bénéficier d'un congé de conversion, se retrouver à l'ANPE, puis plus rien, c'est tomber dans un trou noir.

De telles situations ne sont plus acceptables. C'est pourquoi je ne suis pas mécontent que le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale prévoie cet élément qu'est le congé de conversion - ou de reclassement -, qui permet de découvrir de nouveaux métiers, d'avoir de nouvelles formations.

M. Hyest s'interrogeait sur la nouvelle organisation du service public de l'accueil des étrangers et des primo-arrivants, et sur l'application de l'article L. 122-12. Nous répondrons à son interrogation.

Monsieur Braye, Marc-Philippe Daubresse aura l'occasion de reparler des contrats d'agglomération et de la capacité des organismes HLM à prendre des participations dans des sociétés civiles immobilières.

Monsieur Lardeux, à travers cette idée d'un service civique national, moment particulier de brassage dans la vie d'un peuple, vous avez évoqué un sujet crucial. Nous travaillons avec Jacques Voisard à cet égard sur un projet civique d'utilisation optimale des journées de préparation nationale à la défense, ainsi qu'à un modèle de développement tel que vous l'avez à la Réunion sur le SMA, qui pourrait être étendu à l'ensemble du territoire national.

Vous avez aussi évoqué, à juste raison, la situation de la commission de recours des réfugiés, qui n'est pas acceptable. Je suis allé physiquement assister aux différentes réunions de cette commission ; le taux d'attente, invivable pour les populations et pour la République dans sa capacité d'accueil, n'avait pas été réduit en France, alors qu'il l'avait été chez nos voisins immédiats. Le décret d'août 2004 et les moyens qui sont affectés vont nous permettre de réduire enfin d'une manière significative ce délai qui est actuellement de 22 à 23 mois.

Mme Demessine me dit que la rénovation urbaine, qu'elle n'a pas critiquée par ailleurs, n'est pas assez perceptible. Elle connaît Vilvoord à Maubeuge, le Chemin-Vert à Boulogne, Douchy, et elle sait que les grues sont là, que l'on reconstruit, que l'on refait ces quartiers. Elle connaît M. Gérin, le maire de Vénissieux, et elle sait très bien que nous avançons rapidement.

Monsieur Alduy, vous présidez l'Agence nationale pour la rénovation urbaine qui, je le rappelle, est un outil qui a été créé par un vote du Sénat et de l'Assemblée nationale. Cet établissement public autonome, doté de la personnalité morale, est co-piloté de manière transparente et plurielle ; plurielle au sens politique, entre les politiques et les partenaires sociaux, mais aussi entre les grandes villes et les petites villes, entre les départements et les régions.

Seize mois après le vote d'un programme de réhabilitation dont nous avions estimé le montant, avec les organismes HLM, dans une fourchette allant de 25 milliards de francs à 30 milliards de francs, nous en sommes déjà à 6,8 milliards de francs de travaux engagés.

Et à ceux qui s'interrogent sur les résultats de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, je répondrai que le bilan pluriel, sur lequel il y a unanimité, est non seulement un bilan de succès mais qu'il faudrait de plus étendre un peu ce programme.

Cela me permet de répondre en même temps à Mme San Vicente, qui s'inquiète à juste titre.

Le programme de rénovation urbaine s'est d'abord attaqué aux très grandes cités qui cumulaient tous les handicaps. Il y en avait 163, c'est-à-dire un peu plus que les grands projets de ville et les opérations de renouvellement urbain, les GPV-ORU.

Le programme a ensuite porté sur les quartiers à forte densité urbaine confrontés à d'importantes difficultés. Il y en avait à peu près 500.

Bien que ne connaissant pas exactement les mêmes problèmes de densité et n'ayant pas à faire face à des difficultés apparentes aussi graves, certains tissus urbains ont pourtant besoin d'un coup de main de la solidarité nationale - c'est notamment le cas du bassin minier -, au-delà des crédits de droit commun et des efforts des uns et des autres. En effet, les souffrances individuelles y sont bien réelles.

Tel est précisément l'objet de l'article 6, qui est une dérogation aux principes généraux de l'Agence nationale de rénovation urbaine, l'ANRU. Mais, madame San Vicente, la réalité de notre pays fait qu'il existe de nombreux articles 6.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement proposera un amendement tendant à faire passer le programme de rénovation urbaine de 30 milliards à 40 milliards d'euros et à prévoir les moyens correspondant à cette augmentation des trois cinquièmes. Ainsi, les quartiers et les tissus urbains partiellement ou entièrement dégradés dont vous parlez pourront être intégrés dans le programme de rénovation urbaine.

Monsieur Alduy, vous vous êtes fait l'écho de l'ANRU et de sa nécessaire extension. Ayant déjà répondu à cette question, je n'y reviendrai pas.

S'agissant de l'article 6, je dirai que l'on peut effectivement réfléchir à l'affectation de cette taxe, plus exactement à la nature de son prélèvement. Parmi les voies d'accession populaire, il faut citer le nouveau PTZ, le prêt à taux zéro, qui n'est pas inscrit dans le texte de cohésion sociale. Sous sa forme législative, ce dernier n'est d'ailleurs pas l'alpha et l'oméga ; c'est un outil parmi d'autres.

En l'occurrence, on a besoin d'une partie législative, mais le dispositif retenu dans le projet de loi de finances est, grosso modo, 2,6 fois plus important et plus populaire pour des familles plus nombreuses.

Mais nous continuerons à avancer dans cette direction lors de l'examen du projet de loi « habitat pour tous » afin de développer l'accession et la location-accession à la propriété. Nous privilégierons un dispositif prévoyant des assurances-vie, indispensables en cas de rupture, de drame ou de chute.

Monsieur Biwer, vous avez évoqué l'apprentissage, les maisons de l'emploi en zones rurales, et vous avez parlé de la Belgique.

J'ai noté que votre département se proposait pour une expérimentation. Le fait qu'il y ait 350 ou 400 maisons de l'emploi ne pose pas de réelle difficulté budgétaire.

Je tiens néanmoins à préciser que vous avez raison, monsieur Biwer, au sujet de la DSU, qui vous tient particulièrement à coeur. Notre ambition n'était pas de procéder, dans ce texte, à la réforme de la fiscalité locale française. C'est un vaste et beau sujet, qui nécessite d'être examiné en profondeur.

Notre propos est assez simple et doit certainement être partagé par une majorité de sénateurs, sur quelques travées qu'ils siègent. Il existe des communes pauvres et des communes riches, il y en a des grandes, des rurales, des urbaines... Aucune justice fiscale ne prévaut dans tout cela et c'est ainsi.

Parmi ces communes, quelques-unes - très peu - commencent l'année avec moins 10 ou 12 millions d'euros de fonctionnement. Or c'est précisément là que vivent les familles les plus nombreuses. Il y a vingt ans, la famille nombreuse type comprenait cinq ou six enfants ; aujourd'hui, elle peut en compter de quatorze à dix-huit. C'est la réalité de notre pays.

Le comité des finances locales a simplement souhaité qu'un petit coup de main supplémentaire soit réservé pendant cinq ans aux quelques villes orphelines toute petites, celles où la taille du problème urbain est quasiment identique à celle de la ville. Je pense à Grigny, à Clichy-sous-Bois, à Montfermeil. Dans ces villes, les maires n'en peuvent plus ! Cette aide s'appliquerait à la petite marge du haut, car toutes les autres marges vont progresser.

Bien entendu, cela est facile aujourd'hui parce que nous sommes en période de croissance. Mais si, demain, ce n'était plus le cas, nous serions favorables à l'adoption d'un amendement instituant une clause de sauvegarde. Ainsi, les mesures prises en croissance seraient atténuées dans l'hypothèse où celle-ci serait moins forte. Nous pouvons vraiment parler de solidarité exceptionnelle pour villes en danger.

Monsieur Repentin, vous avez dit : « La route est droite et la pente est raide. » Je peux déjà vous remercier d'avoir reconnu que la route était droite ! (Sourires.) Il est tout de même préférable de savoir où l'on va, avec qui et comment.

Vos propos manifestent une grande compétence et ne me surprennent pas de la part d'un élu de la ville de M. Besson. Je ne prétends pas que tout procède de lui, mais je veux dire que cette ville a vécu une mutation urbaine tout à fait remarquable.

Permettez-moi de signaler que vous avez néanmoins commis une erreur d'appréciation, qui est peut-être la conséquence d'un manque d'information.

Sur les financements de la rénovation urbaine ou des logements, on ne peut pas vous laisser tenir de tels propos, monsieur Repentin, lorsque l'on sait objectivement que nous nous trouvons dans une situation où 100 % de ce qui est prélevé au titre du logement social dans ce pays est aujourd'hui réaffecté au logement social.

Et je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler que l'une des raisons pour lesquelles nous avons connu quelques années noires en matière de construction de logement social - avec le fameux record historique des 38 343, en 2000 -, est qu'une partie très significative du financement du logement social était repartie dans le budget général pour un montant supérieur à l'intégralité de l'aide à la pierre. Vous le savez pertinemment.

Vous savez également que ces pratiques sont aujourd'hui révolues et que 100 % de l'affectation sont liés. Lorsque vous citez des chiffres concernant les lignes de crédit logement, je vous demande simplement d'accepter d'intégrer le découplage entre les lignes ANRU et les lignes logement, ce qui vous permettra d'appréhender différemment les choses. Mais si vous additionnez l'ensemble de ce qui était affecté aux GPV-ORU aux lignes logement et que vous retranchez ce que le budget de l'Etat avait récupéré du 1 %, vous obtenez un résultat négatif.

Si nous prenons aujourd'hui en compte la rénovation urbaine, le 1 % réellement affecté au logement social et les lignes de crédit de l'Etat, nous sommes, vous le savez, sur des multiplicateurs de dix, quinze ou vingt. Les ordres de grandeur sont donc sans aucun rapport avec les précédents.

M. Bel a prononcé un discours à charge d'ordre général - il était dans son rôle - en évoquant des incertitudes de financement. Devrais-je lui rappeler- je l'ai déjà dit à cette tribune il y a dix-huit mois - qu'un milliard d'euros étaient prévus pour nos quartiers en 1998 et que seulement 68 millions d'euros sont arrivés ?

De grâce... Nous n'avons pas raison sur tout, mais, comme l'a excellemment dit M. Virapoullé au cours de ce débat républicain, aucun sénateur ne peut prétendre ne pas souffrir de ces situations désespérées liées au logement, à la non-sortie du RMI, aux problèmes majeurs de santé publique, dont il est le témoin dans sa permanence.

Je reconnais qu'il manque un volet « santé publique » dans ce plan de cohésion sociale, car nous n'avons pas eu les moyens d'effectuer un vrai travail en profondeur avec le ministère de la santé - qui était par ailleurs débordé - lors du débat sur l'assurance maladie.

Il faudra également prévoir, avec l'ensemble de nos partenaires, des maisons de la santé, comme au Canada. Nous y sommes, pour notre part, tout à fait déterminés.

Monsieur Repentin, j'en viens aux clés de répartition. Vous êtes bien trop expert pour ne pas savoir que les clés de répartition d'autorisations de programme sur crédits de paiement étaient très longues, c'est-à-dire 12 %, 22 %, 28 %. Or nous en sommes arrivés à des clés de répartition qui sont, pour les nouveaux programmes, quasiment de un pour un, afin de rattraper ce crédit fournisseur insupportable pour les offices et les sociétés anonymes d'HLM.

Nous partageons votre sentiment sur l'évolution de l'aide fiscale pour l'immobilier, qui est en partie inscrite dans la partie « déductions » de ce texte, sous réserve d'un certain nombre d'engagements sociaux. Mais il faudra aller plus loin et nous sommes prêts à examiner avec vous cette question lors de l'examen du projet de loi « habitat pour tous ».

S'il était nécessaire, à un moment donné, de donner un coup de fouet général à la construction, il faut aujourd'hui réserver les ressources financières et les moindres recettes de l'Etat à ce type de construction et d'accession.

M. Dassault parle de cohésion sociale dans l'entreprise. Il est vrai que les dysfonctionnements de la société sont entrés, après l'école, dans l'entreprise. A cet égard, je me félicite que le concept de diversité, permettant de mettre en place les moyens pour lutter contre la ségrégation à l'embauche, ait été retenu par 37 entreprises. Nous avons indiqué que nous saisirions le Parlement si ce grand mouvement de non-discrimination à l'embauche n'était pas réglé rapidement.

Monsieur Dassault, je suis d'accord avec vous, la participation est une grande idée et nous la reprenons à notre compte. Elle n'est pas inscrite dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, mais nous avons saisi de cette question la Commission nationale de la participation.

Monsieur Virapoullé, j'ai effectivement rencontré Mme Nassimah Dindar, présidente du conseil général de la Réunion. Celui-ci a décliné sur le terrain de manière exemplaire, comme d'autres régions et départements, le plan de cohésion sociale, qui est un plan territorial.

Il est évident que je viendrai sur place pour le signer. Je précise que des adaptations techniques particulières à ce plan s'imposent à la Réunion, en Guyane, à la Martinique et à la Guadeloupe, notamment en ce qui concerne la ligne budgétaire unique, la LBU.

Les financements sont globalement prévus, mais il faut les faire passer de ligne à ligne pour que nos amis réunionnais, guyanais, guadeloupéens et martiniquais soient complètement intégrés à ce grand mouvement, d'autant qu'ils connaissent des problèmes démographiques. Je citerai un exemple : à la Réunion, qui est une île volcanique où il y a peu d'espaces disponibles, les besoins en logements sont importants.

Madame Voynet, vous avez parlé du traitement social du chômage en nous expliquant un certain nombre de points. Je ne sais pas si nous avons tort sur tout, mais, franchement, comment pouvez-vous ne pas soutenir les contrats d'avenir plutôt que le RMI ?

Cela m'échappe. Je ne comprends pas comment vous ne pouvez pas soutenir l'accession sociale à la propriété ! Je ne comprends pas comment vous ne pouvez pas soutenir l'extension du programme de rénovation urbaine, les charmes de la diversité, la Haute autorité de lutte contre les discriminations, les équipes de réussite éducative. Je veux bien que nous ayons tort sur tout le reste, mais je ne vois pas comment vous pouvez continuer à rejeter, d'un revers de main, tous ces thèmes que les élus locaux connaissent particulièrement bien !

Monsieur Mélenchon, je partage votre avis sur l'excellence, et je ne sais pourquoi vous vous êtes emporté. Il est tout à fait clair qu'il n'existe pas de voie unique. J'en suis le premier convaincu ! Il faut soutenir les différentes formes d'enseignement, y compris par conséquent les lycées professionnels et techniques, bien évidemment... Mais permettez-moi de manifester mon désaccord, ou peut-être mon incompréhension, sur certains points.

Lorsque vous dites que Renault recrute 40 000 personnes et que le nombre d'apprentis s'élèvera à 2 000, je vous réponds que, compte tenu du taux de 2 %, le nombre des apprentis ne sera que de 800. Cette entreprise est parfaitement capable d'appliquer un tel taux ; PSA Peugeot-Citroën vient de le faire dans les mêmes proportions au cours des deux dernières années.

D'où vient ce taux de 2 %, monsieur Mélenchon ? Tout simplement de la constatation suivante, sur laquelle nous devrions être d'accord : ce sont les petites structures, les artisans, qui fournissent le grand flot des apprentis de ce pays. L'ironie du sort réside dans le fait que, parfois, les jeunes apprentis, formés, portés par des maîtres d'apprenti de petites structures, sont recrutés ensuite par les grandes entreprises. Il s'agit quand même là d'une situation paradoxale !

La grande masse des apprentis français provient du commerce, de l'artisanat et des petites structures. Les entreprises de plus de cent personnes font en effet une place aux apprentis inférieure à 0,6 % de leur effectif !

L'objectif de 2 % que nous avons annoncé, obligatoire dans trois ans si le dispositif conventionnel ne se mettait pas en place, nous permettrait d'atteindre les 500 000 apprentis, nombre qui n'est ni magique ni miraculeux : il correspond tout simplement à la stricte application d'un dispositif mis en oeuvre lors de la seule période de l'histoire où notre pays a connu un bond manifeste du nombre d'apprentis. Je fais référence à la loi Giraud, grâce à laquelle le nombre d'apprentis est passé de 247 000 à 354 000 environ.

Vous vous êtes interrogé sur la rémunération de l'apprenti, la revalorisation de l'image de la profession, cette capacité à aller de l'avant ; vous allez vous réjouir ! Ce projet de loi prévoit un dispositif plus ambitieux, plus lourd, avec, je vous le confirme, une augmentation de la rémunération des apprentis, laquelle sera fixée dans le cadre des accords salariaux qui vont être passés par les partenaires sociaux et intégralement compensés par le plan de cohésion sociale.

Par ailleurs, la question des tuteurs, des référents, des périodes interstitielles, c'est-à-dire celles pendant lesquelles les apprentis n'étaient plus rémunérés, autant de sujets que vous connaissez très bien, monsieur le sénateur, est réglée dans le détail du texte.

Enfin, le statut dont vous parlez, vous l'avez ! Il s'agit de la carte d'étudiant, de la carte logement, de l'université des métiers. Tout ce que vous évoquez à juste titre est aujourd'hui présent dans ce texte !

Il n'y a finalement que quelques points de désaccord entre nous, monsieur Mélenchon : je crois que les formations de l'alternance et de l'apprentissage, qui sont des formations d'excellence, permettront la reprise d'une partie des entreprises françaises. L'apprentissage a changé : plus de la moitié des apprentis sont titulaires d'un bac + 2.

M. Jean Bizet. Tout à fait !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je suis sûr que vous partagez notre véritable envie, au fond. Nous avons d'ailleurs saisi la conférence des grandes écoles afin qu'elles mettent en place des sections d'alternance et d'apprentissage en leur sein. En effet, il faut, comme en Allemagne, tirer ces formations vers le haut : j'ai ainsi eu le bonheur, un jour, de discuter avec le président pour le monde de la société Daimler-Chrysler, Juergen Schrempp, qui est un enfant de l'apprentissage allemand !

Chez nos amis allemands, le taux d'apprenti s'élève à 6 %, ce qui est très supérieur au taux que nous prévoyons ! Je rappelle que l'Allemagne est le pays de la communauté européenne où le taux de chômage des jeunes est le plus faible. Même si elle ne parvient pas à tout, l'Allemagne, dans ce domaine en tout cas, a donc largement réussi.

Monsieur Fouché, je vous remercie de vos propos sur l'apprentissage et sur le logement.

Monsieur Blanc, Gérard Larcher a ouvert avec les partenaires sociaux, de manière structurée et officielle, les débats sur la pénibilité et sur les seniors, qui peuvent d'ailleurs à certains égards être jumelés. Quant aux maisons de l'emploi, j'affirme que l'Etat restera le garant du bon fonctionnement de l'ensemble de ce plan de cohésion sociale.

Pour terminer, permettez-moi de vous dire ceci : il ne s'agit pas du plan Borloo ; il s'agit de proposer, sur les trois piliers fondamentaux de notre pays, un coup de rein de cinq ans, un rattrapage exceptionnel.

Très franchement, des maires de gauche, de droite, avec lesquels je discute ne tiendraient pas, s'ils étaient sénateurs, certains des propos que j'ai entendus ici ! Sachez simplement que l'Etat appliquera ce plan avec la plus grande rigueur républicaine et que les opinions négatives qui auraient été émises seront évidemment oubliées, en tout cas au titre de la fonction de l'Etat.

Nous avons besoin de nous réunir, de monter les contrats sociaux de territoire, d'agir comme nous le faisons pour la rénovation urbaine : avec des départements de gauche, des villes de droite, des régions d'une autre couleur...

Ce sont nos institutions républicaines qui doivent faire fonctionner l'ensemble de ce plan de cohésion sociale. Ainsi, si ce dernier, sur une étape ou un point particulier, doit évoluer ou être amplifié, sachez que les six membres du Gouvernement présents dans cet hémicycle sont à votre écoute et prêts à se battre avec vous pour cette grande cause républicaine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...

La discussion générale est close.

M. le président. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir répondu aussi précisément aux différents orateurs.

Mme Hélène Luc. Et M. Muzeau ?

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de programmation pour la cohésion sociale
Discussion générale (suite)

8

DÉPÔT D'UNe question orale avec débat

M. le président. J'informe le Sénat que j'ai été saisi de la question orale avec débat suivante :

M. Jean-Paul Emorine demande à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer quelles mesures sont envisagées par le Gouvernement en matière de service garanti dans les transports publics de voyageurs. Les engagements solennels et répétés du Président de la République, la publication, au mois de juillet, du rapport « Mandelkern » sur « la continuité du service public dans les transports terrestres de voyageurs », de même que la concertation engagée par le ministre chargé des transports, au mois de septembre, avec les partenaires sociaux, ont montré que les pouvoirs publics n'étaient nullement insensibles aux fortes attentes des usagers et, plus généralement, de tous les citoyens, en ce domaine.

Il s'agit maintenant de savoir si le Gouvernement entend soumettre au Parlement des dispositions de nature législative, s'il choisit au contraire de trancher par la voie réglementaire ou encore préfère s'en remettre à la négociation collective au sein des entreprises de transports publics pour dégager des solutions qui répondent aux attentes légitimes du public.

Conformément aux articles 79, 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement, et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

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DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'adhésion à la convention relative à la conservation et à la gestion des stocks de poissons grands migrateurs dans le Pacifique occidental et central (ensemble quatre annexes).

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 45, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'adhésion à l'accord sur la conservation des petits cétacés de la mer Baltique, de l'Atlantique du nord est et des mers d'Irlande et du Nord (ensemble une annexe).

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 46, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de Mmes Nicole Borvo, Eliane Assassi, Josiane Mathon, M. François Autain, Mme Marie-France Beaufils, MM. Pierre Biarnès, Michel Billout, Robert Bret, Yves Coquelle, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Robert Hue, Gérard Le Cam, Mme Hélène Luc, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar, Bernard Vera et Jean-François Voguet une proposition de loi relative à la présentation du rapport du Défenseur des enfants devant le Parlement.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 47, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

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TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Livre blanc concernant la révision du règlement (CEE) n° 4056/86 déterminant les modalités d'application des règles européennes de concurrence aux transports maritimes.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2733 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, y compris le financement du terrorisme.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2734 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil portant mesures d'exécution de la directive 77/388/CEE relative au système de taxe sur la valeur ajoutée.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2735 et distribué.

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Retrait d'un TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 26 octobre 2004, l'informant qu'une « lettre de la Commission européenne du 15 octobre 2004 relative à une demande de dérogation présentée par le Royaume du Danemark en date du 13 mai 2004, en application de l'article 27 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, relative aux taxes sur le chiffre d'affaires. Système commun de taxe sur la valeur ajoutée, assiette uniforme. » avait été transmise par erreur le 19 octobre 2004 alors que ce texte avait été déjà précédemment envoyé le 1er septembre 2004 (E-2677) et qu'il y avait lieu, en conséquence, de procéder au retrait du texte E-2721.

13

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Yann Gaillard un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la proposition de résolution (n° 28, 2004-2005) présentée en application de l'article 73 bis du règlement par M. Philippe Marini sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le contrôle légal des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les directives du Conseil 78/660/CEE et 83/349/CEE (n° E-2554).

Le rapport sera imprimé sous le n° 43 et distribué.

J'ai reçu de M. Jean Puech un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de la Convention internationale pour la protection des végétaux (ensemble une annexe), telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Rome par la vingt-neuvième session de la conférence de l'Organisation des Nation unies pour l'alimentation et l'agriculture (n° 241, 2003-2004).

Le rapport sera imprimé sous le n° 44 et distribué.

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ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 28 décembre 2004 :

A neuf heures trente :

1. Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi complété par une lettre rectificative (n° 445 rect. 2003-2004) de programmation pour la cohésion sociale.

Rapport (n° 32, 2004-2005) fait par M. Louis Souvet et Mme Valérie Létard, au nom de la commission des affaires sociales.

Rapport (n° 39, 2004-2005) fait par M. Alain Gournac, au nom de la commission des affaires sociales.

Avis (n° 33, 2004-2005) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Avis (n° 34, 2004-2005) de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.

Avis (n° 37, 2004-2005) de M. Paul Girod, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation

Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

À quinze heures et le soir :

2. Questions d'actualité au Gouvernement.

3. Suite de l'ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 28 octobre 2004, à zéro heure cinquante-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD