compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Serge Vinçon
vice-président
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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Santé publique
Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 278, 2003-2004), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la politique de santé publique. [Rapport n° 372 (2003-2004).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir accepté d'examiner en deuxième lecture, avant la fin de la présente session parlementaire, ce projet de loi relatif à la politique de santé publique. Je remercie aussi votre commission des affaires sociales qui vient, une nouvelle fois, de faire un travail remarquable dont je tiens à féliciter le président, Nicolas About, et les rapporteurs, Francis Giraud et Jean-Louis Lorrain.
Ce texte, que les débats parlementaires ont contribué à enrichir, est en effet porteur d'enjeux fondamentaux pour l'évolution de notre système de santé, et je souhaite que nous puissions le mettre en application le plus rapidement possible.
Il s'agit d'abord de développer la politique de prévention. Vous le savez, la France dispose d'un système de soins curatifs parmi les meilleurs au monde. Cependant, notre pays présente, en termes d'indicateurs de santé, deux points faibles : une importante mortalité prématurée, c'est-à-dire beaucoup de décès survenant avant l'âge de soixante-cinq ans, et des inégalités de santé plus notables que dans d'autres pays entre les catégories de population, les sexes, ou encore les différentes régions.
Ces faiblesses dans notre performance de santé sont principalement liées à des maladies pour lesquelles il existe peu de traitements efficaces ; c'est donc vers la prévention qu'il faut se tourner si nous voulons améliorer la situation.
Il est en effet démontré que le recours préférentiel à des actions curatives atteint ses limites. Par exemple, seule une évolution des comportements de consommation concernant le tabac et l'alcool peut permettre de réduire significativement les quelque 100 000 décès par an qui, selon les spécialistes, leur sont imputables.
Ce projet de loi doit permettre à notre pays de se doter d'une organisation sanitaire rééquilibrée dans laquelle la prévention ne sera plus l'éternel parent pauvre et de mettre en oeuvre des politiques de santé publique adaptées à l'ensemble des risques sanitaires auxquels nos concitoyens peuvent être confrontés.
C'est à l'Etat que revient la responsabilité de piloter les programmes d'action qui permettront de répondre aux grands enjeux de santé publique. Le projet de loi clarifie cette responsabilité et définit les moyens d'action correspondants, notamment en cas de crise sanitaire grave, comme notre pays en connaît malheureusement de plus en plus fréquemment.
L'Etat assumera aussi son rôle, et c'est l'un des axes majeurs du projet de loi que vous examinez aujourd'hui en deuxième lecture. L'organisation de la sécurité sanitaire sera améliorée en définissant plus clairement les responsabilités des différents acteurs. Il en est ainsi de l'Institut de veille sanitaire, l'INVS, dont la mission de veille continue sur l'état de santé de la population est renforcée, en particulier vis-à-vis des populations fragilisées, et dont le rôle dans la vigilance sanitaire et la gestion des alertes est précisé. L'objectif du texte est aussi d'associer l'ensemble des acteurs de terrain au système de vigilance.
L'Etat, garant de la santé publique, doit conduire la politique de santé. Cette politique doit aussi pouvoir être évaluée. Dans ce domaine, le projet de loi que vous examinez est fondateur, car il présente en toute transparence un ensemble d'objectifs qui seront régulièrement évalués sous l'égide du Haut Conseil de la santé publique.
Le rapport annexé au projet de loi établit ainsi une centaine d'objectifs de santé publique, dont certains s'inscrivent dans une approche médicale classique, portant sur des maladies bien identifiées telles que le diabète ; d'autres, en revanche, correspondent à des approches différentes, portant sur certaines classes d'âge, notamment les adolescents, sur l'alimentation, ou encore sur les comportements à risques.
L'Etat a également fixé cinq grandes priorités sur lesquelles, vous le savez, nous avons déjà avancé : la lutte contre le cancer, la santé environnementale incluant, bien sûr, la santé au travail, la violence et les comportements à risques, les maladies rares et, enfin, la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques.
Le dépistage des cancers, quand les protocoles sont validés, doit pouvoir être généralisé. C'est l'un de mes objectifs dans le cadre du « plan cancer », tant il est clair que, dans la plupart des cas, un diagnostic précoce peut être synonyme de guérison.
La conception des programmes de dépistage, c'est-à-dire en particulier le choix des tests les plus appropriés, des tranches d'âge concernées, le rythme d'application des tests, doit être définie par des collèges scientifiques au niveau national voire international. Mais il a été montré que l'engagement des médecins généralistes dans les campagnes de dépistage constitue un facteur essentiel pour la participation des patients et le succès du dispositif. En matière de prévention, il ne suffit pas d'informer la population, il faut surtout convaincre chaque individu.
Dans le domaine des comportements à risques, nous avons réalisé récemment des progrès importants en matière de violence routière et de lutte contre le tabagisme. Nous avons le devoir essentiel de conforter ces acquis. Parallèlement, des mesures propres à réduire l'alcoolisme doivent être prises.
Notre population est également menacée par un accroissement régulier de l'obésité : en vingt ans, le nombre d'enfants en surpoids ou obèses a quasiment triplé. L'obésité entraîne des risques accrus pour l'hypertension, les maladies cardiovasculaires, le diabète, l'insuffisance rénale chronique et même certains cancers - cancers de l'utérus, du sein, du colon. Bien que la France soit actuellement moins touchée que certains pays nord-américains, je me sens, en tant que ministre de la santé et de la protection sociale, particulièrement concerné par les mesures que vous adopterez et qui seront susceptibles de renforcer l'efficacité du programme national nutrition-santé.
Agir sur les comportements, c'est développer l'éducation pour la santé, et ce, dès le plus jeune âge, comme l'a amplement souligné l'Académie de médecine. Dans cette perspective, le texte de loi positionne l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, l'INPES, comme centre de ressources pour concevoir et pour développer des programmes de prévention, d'information et de communication, bref d'éducation pour la santé.
Mais la prévention, mesdames, messieurs les sénateurs, ne peut pas être totalement efficace si elle n'est pas adaptée aux spécificités des individus auxquels elle s'adresse, si elle n'est pas directement « branchée » sur le cadre de vie de chacune et de chacun.
C'est en cela que l'organisation proposée par cette loi à l'échelle régionale revêt toute son importance. Ce sont les acteurs régionaux, regroupés au sein des groupements régionaux de santé publique, qui devront promouvoir des programmes de santé aptes à atteindre les objectifs de santé publique jugés prioritaires au niveau tant national que régional.
Par ailleurs, la prévention doit faire intégralement partie de la culture des professionnels de santé. Nous n'avons pas suffisamment développé la culture de santé publique à la faculté de médecine. Il ne s'agit pas de développer indépendamment la médecine de prévention et la médecine de soins. La médecine de ville sera donc associée au développement de la prévention et, à cet effet, le projet de loi propose de mettre en oeuvre des consultations de prévention.
Vous en conviendrez, les médecins, fort heureusement, pratiquent depuis longtemps la prévention, sans nécessairement se l'avouer et sans que l'assurance maladie reconnaisse la spécificité de ces actes ; le contrôle régulier de la tension artérielle en constitue un bon exemple.
M. Jacques Blanc. Eh oui !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Le rôle du médecin traitant est essentiel pour réaliser la synthèse nécessaire entre les recommandations de santé publique et le mode de vie propre à chaque individu, son histoire familiale et médicale. C'est le médecin traitant qui peut réellement convaincre son patient de se soumettre à un test de dépistage. C'est lui qui peut inciter au respect des calendriers établis pour les vaccinations ou pour les dépistages, sur la base, demain, des données inscrites dans le dossier médical personnel informatisé et obligatoire.
Ainsi, les réformes que nous entreprenons dans le cadre du projet de loi relatif à l'assurance maladie sont en parfaite cohérence avec notre volonté de donner à la prévention les moyens de porter ses fruits.
Le projet de loi que vous allez examiner permettra également de mettre en oeuvre des améliorations significatives dans le domaine de l'enseignement et de la recherche, particulièrement dans le champ de la santé publique. Ce texte contribuera aussi à rationaliser et à simplifier l'organisation de nos institutions, sur le plan tant national que régional.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous pourrons, j'en suis certain, être fiers de cette future loi, fruit d'un long travail gouvernemental et parlementaire. Elle permettra à notre pays de se doter d'une organisation sanitaire équilibrée et de fonder sur des objectifs transparents, régulièrement évalués et révisables, la politique de santé de notre pays.
Je veux, en terminant, avoir une pensée pour mon prédécesseur, M. Jean-François Mattei, qui nous a beaucoup aidés pour parvenir à un texte équilibré, lequel place, pour la première fois, la prévention au coeur de nos préoccupations de santé publique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Jacques Blanc. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Francis Giraud, rapporteur.
M. Francis Giraud, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la politique de santé publique est le résultat d'un long travail préparatoire, engagé dès l'automne 2002, sur l'initiative de Jean-François Mattei, qui nous avait alors annoncé son intention de présenter au Parlement une loi quinquennale de santé publique.
Dès l'origine, ce texte s'est inscrit dans un cadre de réforme plus vaste se rapportant à l'ensemble de notre système de santé et comportant, notamment, les nouvelles dispositions sanitaires du projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales, le plan « Hôpital 2007 », les lois de financement de la sécurité sociale et, bien sûr, le projet de loi relatif à l'assurance maladie, qui sera prochainement débattu ici.
Ambitieux dès l'origine, le présent projet de loi a accru son champ d'action au fil des travaux parlementaires, passant de 51 articles initiaux à 131 aujourd'hui.
Cette inflation s'explique par l'intégration successive des dispositions consécutives à la canicule et à celles qui sont relatives aux compétences de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, l'ONIAM, ainsi que par l'adjonction de diverses mesures relatives aux professions de santé, qu'il s'agisse des compétences des sages-femmes, de la formation continue ou de l'organisation de plusieurs ordres professionnels. En outre, en deuxième lecture, l'Assemblée nationale a ajouté 13 articles additionnels.
En revanche, les principales dispositions du projet de loi, notamment celles qui tiennent à la nouvelle architecture de la politique de santé, à la recherche et à la formation, n'ont pas fait l'objet de modifications importantes, preuve que nous sommes en train de parvenir à un équilibre cohérent.
Tels sont, mes chers collègues, les principaux éléments qu'il me semblait utile de récapituler au moment où le Sénat commence l'examen en deuxième lecture de ce texte.
Ce rappel achevé, je concentrerai mes propos autour de trois points qui méritent plus particulièrement notre attention : l'éducation à la santé, le développement de la qualité dans le système sanitaire et la recherche biomédicale.
L'ambition première du texte était d'inverser la tendance de notre système de soins à privilégier le recours aux soins curatifs, en négligeant la démarche préventive.
Son objectif est de réduire la mortalité prématurée, c'est-à-dire celle qui survient avant 65 ans, qui reste anormalement élevée en France en dépit de l'augmentation régulière de l'espérance de vie dans notre pays. Dans cette intention, le texte détaille des mesures d'importance inégale, comme la mise sous objectifs du système de santé ou le développement d'une politique de prévention associant plus étroitement la médecine de ville.
Au-delà des aspects médicaux de la politique de prévention, le projet de loi met en exergue la nécessité de promouvoir l'éducation à la santé afin de donner à chaque citoyen, tout au long de sa vie, les compétences pour préserver sa santé et sa qualité de vie, et les moyens à cet égard.
Habituellement évoquée dans le cadre de la lutte contre les pratiques à risque - tabagisme, alcoolisme, toxicomanie -, l'éducation à la santé a suscité de nombreux débats dans les deux assemblées, et elle s'est étendue à d'autres thèmes, notamment celui de la prévention et de la lutte contre l'obésité.
Le projet de loi y consacre désormais deux articles, dont l'objet est de réglementer la publicité des produits alimentaires et la présence de distributeurs automatiques dans les établissements scolaires.
On peut regretter que cette question ait été abordée de manière décousue. Je souhaite que, à l'occasion de l'examen des articles, nous puissions améliorer les dispositions relatives à la prévention des pratiques à risques, à la promotion, sous toutes ses formes, de l'éducation à la santé et, plus particulièrement, de l'éducation nutritionnelle.
Le deuxième élément que je souhaite développer devant vous, monsieur le ministre, mes chers collègues, concerne la démarche de qualité.
Le projet de loi relatif à la réforme de l'assurance maladie, que nous examinerons prochainement, s'attache à diffuser cette recherche de qualité dans l'ensemble du système de soins afin d'accompagner les mesures destinées à influer sur le comportement des assurés et des professionnels de santé.
Le projet de loi relatif à la politique de santé publique avait anticipé ce mouvement en proposant la définition d'une politique de recherche et de formation spécifiques.
La prévention n'est pas une discipline médicale en soi ; elle se définit plutôt comme une manière d'appréhender les questions de santé. Pour ce faire, elle doit disposer d'outils de recherche, de surveillance, de diagnostic et d'actions spécialisées.
Pour participer à ces actions de prévention, les professionnels doivent recevoir une formation adaptée que le projet de loi envisage de promouvoir de deux manières : d'une part, avec la création d'une école des hautes études en santé publique et, d'autre part, avec la réforme du dispositif de formation médicale continue.
L'école des hautes études en santé publique regroupera, au sein d'un réseau de santé publique, les établissements existants - l'Ecole nationale de la santé publique, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, ou INSERM, l'Institut Pasteur -, et développera des programmes de recherche en santé publique.
La refonte de la formation médicale continue traduit la même préoccupation et tient compte de l'échec relatif des précédents dispositifs. Les nouvelles dispositions se proposent donc de recentrer les objectifs de la formation médicale continue sur l'amélioration de la qualité des soins, notamment dans le domaine de la prévention.
Le dernier point essentiel sur lequel je souhaite appeler l'attention du Sénat concerne la révision de la loi « Huriet-Sérusclat » relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales.
Les travaux parlementaires ont été l'occasion de parfaire le dispositif initial. Ils se sont attachés à adapter les règles de consentement applicables aux personnes vulnérables participant à une recherche, à distinguer les procédures applicables aux recherches sur les soins courants et aux recherches biomédicales.
La discussion des amendements sera l'occasion de revenir sur ces questions, mais je voudrais dès à présent évoquer l'état d'esprit dans lequel a travaillé la commission.
La complexité du dispositif mis en place par la loi Huriet, garante de la sécurité des patients, est légitime pour les recherches innovantes ou pour toute expérimentation humaine comportant un risque. Mais il existe d'autres recherches biomédicales concernant des comparaisons de médicaments déjà commercialisés, des évaluations de stratégies diagnostiques ou thérapeutiques utilisées de manière routinière ou, encore, des études en épidémiologie clinique.
Pour ce type de recherche, sans risque supérieur à celui du soin habituel, le plus souvent sans risque pour l'intégrité physique de la personne, les contraintes classiques des recherches biomédicales peuvent s'avérer excessives, inappropriées, voire totalement dissuasives.
Or le maintien de ces recherches est absolument essentiel. Leur finalité est la progression des connaissances ; ces recherches ne sont pas destinées à permettre l'enregistrement de nouvelles molécules. Elles sont souvent menées à l'instigation des organismes publics, dans une optique d'amélioration de la qualité des soins ou de réduction des dépenses de santé.
Une voie « allégée » doit donc être trouvée pour ces recherches ; l'Assemblée nationale et le Sénat s'y sont attachés, et nous en reparlerons lors de la discussion des amendements.
Tels sont, mes chers collègues, les éléments principaux que je souhaitais porter à votre connaissance avant l'examen des articles.
Pour conclure, je rappellerai les apports très innovants de ce texte, qui clarifie le rôle de chacun des intervenants en matière de santé publique et développe un échelon régional de santé publique qui favorisera l'adaptation des priorités nationales aux particularités sanitaires locales.
Ces éléments me conduisent donc à vous proposer d'adopter ce projet de loi, sous réserve des amendements que la commission vous présentera. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 50 minutes ;
Groupe socialiste, 28 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 10 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l'esprit général de ce projet de loi que nous examinons en deuxième lecture. Je souhaite cependant aborder un point qui me semble très important : la gravité des conséquences sur la santé, notamment chez les plus jeunes, de l'évolution des consommations alimentaires.
Alors que les députés ont substantiellement renforcé les mesures introduites par le Sénat en première lecture afin de lutter contre cette dérive, je constate avec surprise que notre commission des affaires sociales propose d'amender les articles 14 A et 14 BA concernant la publicité de certains produits alimentaires et la présence de distributeurs de confiseries et de sodas dans les établissements scolaires.
La France compte 14,5 millions de personnes en surcharge pondérale, dont 5,3 millions sont obèses. Un enfant sur dix est obèse à l'âge de dix ans. Nous sommes confrontés à la menace d'une dégradation sanitaire.
Outre les risques de maladies cardio-vasculaires, de diabète, de cholestérol et parfois de certains cancers, l'obésité menace, à long terme, selon la médecine, d'entraîner une modification génétique de la population.
Une fois installée, l'obésité ne disparaît que très difficilement. Il y a donc un danger que les enfants obèses deviennent des adultes obèses qui, en raison de leur comportement alimentaire, entraînent dans cette voie toute leur famille et leur descendance.
L'avis, à juste titre indigné, du « comité nutrition » de la société française de pédiatrie nous incite à réagir et à prendre de véritables mesures. Les campagnes de prévention ne suffisent plus.
Les facteurs de l'obésité chez les jeunes sont connus : grignotage, barres chocolatées, sucreries, sodas, ... Il est donc essentiel de limiter, par tous les moyens, la prescription des produits alimentaires déséquilibrés en réduisant leur publicité et en interdisant l'installation de distributeurs dans les établissements scolaires.
L'influence de la publicité télévisée n'est plus à prouver. L'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, dans son rapport sur l'alimentation de demain, recommande l'interdiction de la publicité télévisuelle pour les produits alimentaires destinés aux mineurs de moins de quinze ans.
Les enfants sont la cible privilégiée des industriels et des publicitaires. La proportion de spots publicitaires sur les produits alimentaires destinés aux enfants est en moyenne de 62 % le mercredi, jour férié pour les enfants !
Les programmes publicitaires représentent 10 % des programmes regardés par les enfants de quatre à dix ans.
La moitié des publicités pour enfants concernent les produits sucrés et chocolatés, les bonbons et les boissons sucrées. Il est donc impératif de protéger les enfants, qui considèrent l'image comme un strict reflet de la réalité.
Les enfants constituent, je le répète, une cible : ils doivent être protégés de façon efficace et durable. Il est illusoire de croire que leur sens critique puisse les protéger.
Au-delà de la publicité télévisuelle, les incitations à la consommation de produits contribuant à une alimentation déséquilibrée sont très importantes en milieu scolaire, en raison de la présence de distributeurs dans l'enceinte des établissements.
Chaque jour, ce sont 100 000 produits et boissons qui sont ainsi écoulés dans les collèges et les lycées grâce à la présence de 10 000 distributeurs automatiques !
L'administration ne doit pas accepter, voire soutenir, la présence de ces distributeurs. Or en cinq ans, la consommation d'aliments déséquilibrés et de boissons enrichies en sucre a explosé.
Il est ainsi essentiel d'interdire la présence de ces distributeurs dans l'enceinte de l'école et de mettre un terme aux échanges marchands entre les professionnels de la distribution automatisée et les établissements. L'espace dédié à l'enseignement ne peut être ouvert au commerce, au détriment de la santé de nos enfants !
Mme Nicole Borvo. Parfaitement !
M. Aymeri de Montesquiou. C'est la raison pour laquelle le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a souhaité s'opposer aux propositions faites par la commission des affaires sociales aux articles 14 A et 14 BA. Nous demanderons un scrutin public sur ces amendements, s'ils n'étaient pas retirés.
Monsieur le ministre, vous avez hier soir exprimé la volonté d'écouter nos craintes comme celles de ceux qui se consacrent à la santé de nos enfants.
Je me réjouis du dépôt d'un amendement visant à interdire la présence de distributeurs en milieu scolaire.
Vous pourrez ainsi compter sur le soutien de l'ensemble des membres du groupe que je représente. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la politique de santé publique revient donc devant le Sénat, s'intercalant entre la discussion qui se déroule actuellement à l'Assemblée nationale et celle qui se tiendra dans quelques jours dans notre assemblée sur le projet de loi relatif à l'assurance maladie.
Nous aurions pu nous réjouir de cette conjonction si les deux textes avaient été harmonieusement complémentaires (Mme Nicole Borvo s'esclaffe.) et s'il s'était agi de rééquilibrer les soins et la prévention pour une santé de qualité.
Mme Nicole Borvo. Et ce n'est pas du tout le cas !
M. Gilbert Chabroux. Or on cherche en vain l'articulation entre ces deux textes : le calendrier parlementaire, monsieur le ministre, doit beaucoup tenir au hasard !
Mme Nicole Borvo. Ça, c'est sûr !
M. Gilbert Chabroux. L'histoire du texte que nous allons examiner mérite d'être rappelée brièvement.
Il y avait eu au départ l'annonce, par votre prédécesseur, au début de la législature, d'une grande loi de programmation quinquennale de santé publique, avec des objectifs ambitieux et un financement pluriannuel. Puis, il y a eu un changement de perspective, et le ministre a annoncé une loi d'orientation. La démarche pouvait encore revêtir une certaine force, à condition que soient bien définies les grandes orientations et qu'un plan de financement soit également prévu.
Aujourd'hui, nous sommes placés devant un texte qui conduit à la dispersion et qui prend davantage la forme d'un DMOS, un projet de loi portant diverses mesures d'ordre social.
Il compte cent un objectifs : est-ce le rôle d'une grande loi que d'énumérer autant d'objectifs sans les hiérarchiser ? Déterminer cent une priorités, n'est-ce pas, monsieur le ministre, aboutir à n'en déterminer aucune ?
De plus, les moyens nécessaires pour atteindre ces objectifs prioritaires, ou à tout le moins pour pouvoir agir efficacement en vue de les atteindre, ne sont pas chiffrés à une exception près, le plan cancer, qui est financé ! Mais c'est l'exception qui confirme la règle !
Monsieur le ministre, lorsque l'Assemblée nationale a examiné ce texte en deuxième lecture, vous preniez tout juste vos fonctions, puisque vous veniez d'être nommé quelques jours plus tôt. Vous n'avez donc pu faire les propositions qui auraient permis de réorienter le texte, de le centrer sur les priorités essentielles - nous avons cru comprendre que le nombre d'objectifs vous paraissait également trop élevé -, mais vous avez promis aux députés que vous apporteriez des réponses à leurs préoccupations lors de l'examen, par le Sénat, du texte en deuxième lecture.
Sur un certain nombre de questions, vous avez demandé que l'on vous accorde un peu de temps, afin de pourvoir prendre un légitime recul. Je serai amené, monsieur le ministre, à rappeler certains de vos engagements et à vous demander des réponses.
La question qui se pose est de savoir si cette deuxième lecture au Sénat sera utile et permettra d'améliorer sensiblement ce texte de loi.
M. Francis Giraud, rapporteur. Certainement !
M. Gilbert Chabroux. Les travaux de la commission n'ont pas permis de le faire, non que le rapporteur ait manqué de capacité ou d'envergure - bien au contraire, et je lui rends hommage (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Jean-Pierre Godefroy applaudit également.) -, ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Voilà au moins un propos de qualité !
M. Gilbert Chabroux. ...mais parce qu'il reste trop peu d'articles en discussion.
Je doute qu'aujourd'hui, même si vous aviez des propositions importantes à nous faire, vous puissiez en quelque sorte transfigurer le texte qui nous est présenté et lui donner du souffle,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il en est fort capable ! (Sourires)
M. Gilbert Chabroux. ... tant il a suscité jusqu'à présent un profond sentiment de déception, et ce jusque dans les rangs de la majorité.
M. Roland Muzeau. Ah oui !
M. Gilbert Chabroux. En effet, à l'Assemblée nationale, seul le groupe de l'UMP a voté en faveur de ce texte.
M. Roland Muzeau. Tout à fait : que les langues se délient !
M. Gilbert Chabroux. C'est tout dire !
M. Roland Muzeau. Même l'UDF n'y était pas favorable !
Mme Nicole Borvo. Il est dommage que, sur un texte relatif à la santé publique, il n'y ait pas eu de consensus !
M. Gilbert Chabroux. Le projet de loi de loi relatif à l'assurance maladie était pourtant l'occasion de revoir un certain nombre de dispositions, afin de parvenir à une meilleure articulation - j'y insiste - entre la prévention et les soins, à commencer par les dispositions relatives à l'architecture de la politique de santé publique sur le plan national, comme sur le plan régional.
Deux points sont particulièrement contestables dans cette nouvelle architecture : la remise en question de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, notamment ses articles consacrés à la démocratie sanitaire, et la création du groupement régional de santé publique, GRSP, placé sous l'autorité du préfet.
Il s'agit, en fait, d'une conception de l'organisation de la santé très centralisée et technocratique, qui laisse bien peu de place à l'ensemble des acteurs de santé - malades, professionnels, assurance maladie et collectivités territoriales - et qui risque de marginaliser les associations de terrain - notamment les observatoires régionaux de santé, les ORS.
Avec les GRSP, nous sommes aux antipodes des agences régionales de santé, les ARS, ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
M. Gilbert Chabroux. ... pourtant promises par le candidat Jacques Chirac en 2002, lors de la campagne pour les élections présidentielles. Il faut dire qu'il a fait beaucoup de promesses !
M. Roland Muzeau. Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent !
M. Paul Blanc. Charles Pasqua !
M. Gilbert Chabroux. Nous sommes également bien loin d'une régionalisation du système de santé et de la volonté affichée par Jean-Pierre Raffarin, en juillet 2002, de mettre en place « une nouvelle gouvernance du système de santé et d'assurance maladie, avec une régionalisation accrue, afin de favoriser une prise en charge plus cohérente et plus adaptée ».
M. Paul Blanc. Il n'est pas au PS !
M. Gilbert Chabroux. A un député de la majorité - Jean-Luc Préel - qui vous interrogeait sur cette question, monsieur le ministre, vous avez répondu en reprenant ses propos : « Concernant les ARS, l'ARH, est un début et il faudrait aller vers une deuxième étape, en regroupant autour des ARH, l'hôpital et l'ambulatoire ; ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh bien oui !
M. Gilbert Chabroux. ... vous voudriez y ajouter aussi la prévention et l'éducation à la santé, c'est une idée à creuser ».
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui, mais ce n'est pas la panacée !
M. Gilbert Chabroux. Avez-vous avancé dans votre réflexion ? Où en êtes-vous ? Quelles sont les réponses ?
Monsieur le ministre, le premier objectif d'une loi sur la santé publique devrait être de lutter contre les injustices de la santé. Il conviendrait donc de faire figurer dans ce texte les dispositions nécessaires pour assurer une meilleure répartition de l'offre de soins sur l'ensemble du territoire. A défaut, elles pourraient figurer dans le projet de loi relatif à l'assurance maladie.
Il est impératif que, dans l'un de ces textes au moins, soit pris en compte le problème des zones sous-médicalisées. Les « déserts médicaux » sont le problème le plus important et devraient constituer la première exigence d'un texte de santé publique.
M. Jean-Pierre Godefroy. Absolument !
M. Gilbert Chabroux. Il faut réduire les inégalités en matière de santé. L'espérance de vie n'est pas la même selon le milieu social et la profession exercée durant les années d'activité. Je n'étonnerai personne en disant qu'elle est plus faible pour un ouvrier que pour un cadre.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour un homme que pour une femme !
M. Gilbert Chabroux. Je ne citerai pas les statistiques, nous les connaissons tous !
Par ailleurs, à ces inégalités sociales s'ajoutent de fortes disparités géographiques que nous connaissons également et qui concernent de nombreux départements. On ne peut pas, sur un sujet si crucial, s'en remettre aux collectivités territoriales et aux mesures incitatives qu'elles pourraient mettre en oeuvre pour favoriser l'installation des professionnels de santé dans les zones désertifiées !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ne vouliez-vous pas la régionalisation ? Vous êtes un centralisateur, monsieur Chabroux !
M. Gilbert Chabroux. Il est inadmissible que cette incitation relève des collectivités territoriales et non de l'Etat !
En effet, ce sont souvent les collectivités les plus défavorisées, connaissant déjà la fermeture de services publics et de commerces de proximité, qui sont concernées par la pénurie des professionnels de santé.
Dans un système aussi étatisé que celui que vous voulez mettre en place, c'est le rôle de l'Etat que de garantir un accès universel et solidaire à des soins de qualité, fondé sur la prévention et sur l'amélioration de l'offre de soins.
L'organisation de l'offre de soins relève de la responsabilité directe de l'Etat : elle fait partie de ses missions régaliennes.
M. Paul Blanc. Merci à M. Ralite !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous voulez la régionalisation ou l'étatisation ? On n'y comprend plus rien !
M. Gilbert Chabroux. Les députés ont montré, tout récemment, la voie que doit suivre l'Etat : ils ont adopté vendredi dernier, à l'unanimité, un amendement au projet de loi relatif à l'assurance maladie, afin de corriger les inégalités territoriales et les « déserts médicaux », qui affectent notamment les zones rurales.
Aux termes de cet amendement, « l'Etat garantit un accès effectif à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire » et « les régimes d'assurance maladie veillent à l'exercice de ce droit en favorisant une bonne répartition de l'offre de soins ou en aidant à la création de maisons médicales ».
Nous avions demandé, en vain, à de nombreuses reprises, devant le Sénat,...
M. Jean Chérioux. A M. Hervé, à M. Evin, à M. Kouchner ...
M. Gilbert Chabroux. Nous l'avons demandé, redemandé !
M. Paul Blanc. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
M. Gilbert Chabroux. Nous avons insisté auprès de M. Jean-François Mattei, et nous insistons maintenant auprès de vous, monsieur le ministre. La situation s'est sensiblement aggravée depuis que la droite est au pouvoir ! (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme Sylvie Desmarescaux. Non !
M. Paul Blanc. C'est faux ! Il faut dix ans pour former un médecin !
M. Gilbert Chabroux. Nous en mesurons les conséquences, et nous demandons que des solutions soient apportées à ces difficultés dans les meilleurs délais !
Nous avions déjà posé la question lors de l'examen en première lecture de ce projet de loi relatif à la politique de santé publique. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Chérioux. Il était temps !
M. Gilbert Chabroux. Votre prédécesseur, monsieur le ministre, nous avait opposé une fin de non-recevoir et avait préféré s'en remettre à des incitations très vagues.
M. Jean Chérioux. Et M. Kouchner, alors ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le désert s'est fait en dix ans, pas en deux ans !
M. Gilbert Chabroux. Nous voudrions aller plus loin. Nous ne pouvons par conséquent que nous réjouir de cette avancée que constitue l'adoption d'un tel amendement par l'Assemblée nationale. Nous attendons qu'elle soit confirmée par le Sénat.
Mes chers collègues, les députés ont voté à l'unanimité : pourquoi les sénateurs n'en feraient-ils pas autant ? (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous ne sommes pas des godillots !
M. Gilbert Chabroux. Les politiques de santé publique, je le répète, sont d'abord justifiées par la volonté de lutter contre les inégalités.
Alcool, tabac, obésité, accidents du travail et maladies professionnelles touchent d'abord les plus défavorisés et expliquent en grande partie les inégalités devant la maladie.
Dans un texte comme celui dont nous débattons, il aurait fallu choisir quelques grandes priorités. Ainsi, le combat contre les comportements à risque doit être au coeur de la responsabilité de l'Etat dans un pays qui compte un taux important de mortalité « évitable ».
La politique de lutte contre le tabac devrait être accentuée par une amélioration de l'information sur ses dangers, même s'il y a eu, je le reconnais, de réels progrès avec Jean-François Mattei. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Vous voyez que nous ne sommes pas sectaires !
M. Gilbert Chabroux. La lutte contre l'alcoolisme, en revanche, est en panne. Elle devrait être relancée, et nous ferons des propositions à ce propos.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela baisse tout seul !
M. Gilbert Chabroux. Alors qu'elle subit des attaques inadmissibles sans que le Gouvernement ne réagisse, la loi Evin doit être maintenue dans sa totalité et mieux appliquée.
M. Paul Blanc. Roland Courteau n'est pas là ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Non, il n'est pas là !
M. Paul Blanc. C'est dommage !
M. Gilbert Chabroux. Ecoutez, je m'exprime au nom d'un groupe !
M. Paul Blanc. Dont fait partie Roland Courteau !
M. le président. Poursuivez, monsieur Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Ce que je dis transcende les clivages politiques. C'est du bon sens, me semble-t-il, surtout quand on sait que 60 000 morts sont causées par l'alcoolisme. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
L'exception française tenant à une mort prématurée du fait de l'alcoolisme doit être combattue. (Mme Anne-Marie Payet applaudit.)
La lutte contre toutes les toxicomanies, qu'il s'agisse de drogues illicites ou de drogues licites, y compris les psychotropes, doit être menée de la même manière, avec la même fermeté, sous la responsabilité du ministère de la santé.
Le secrétaire d'Etat à la santé a dit à l'Assemblée nationale que vous présenteriez « très prochainement un plan d'action à ce sujet », monsieur le ministre. Où en êtes-vous trois mois après ?
Mme Nicole Borvo. Ah !
M. Gilbert Chabroux. Une attention particulière devrait également être accordée, comme nous l'avons demandé en première lecture, à un sujet sensible, un peu tabou, dont on ne parle pas publiquement alors qu'il provoque 12 000 morts par an : je veux parler du problème du suicide, particulièrement chez les jeunes. Le taux de suicide des adolescents est en effet plus élevé en France que dans les autres pays européens.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous auriez également des propositions à faire sur ce sujet qui reflète la crise de la société. Pouvez-vous nous en faire part ?
Un autre sujet important est la lutte contre l'obésité. Aujourd'hui à peine amorcée, elle devrait être une priorité de notre santé publique. Des amendements ont été présentés au Sénat et à l'Assemblée nationale - et nous y avons pris notre part - qui visaient à améliorer la prévention de l'obésité chez les enfants. Certains ont été votés. Un certain nombre de nos collègues veulent maintenant revenir en arrière. J'espère que nous aurons un vrai débat sur ce sujet.
Nous souhaiterions que la majorité - s'agissant du Gouvernement, je ne sais pas encore ce qu'il en sera - cesse de faire preuve de frilosité et s'engage résolument à mettre en oeuvre des mesures réellement efficaces pour nous éviter d'être submergés par l'épidémie qui s'annonce. Nous avons noté avec beaucoup d'intérêt le dernier communiqué sur ce sujet de l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. Nous avons été sensibles au travail réalisé sur ce même thème par notre collègue Claude Saunier dans le cadre de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques.
S'agissant de l'obésité infantile, je note, monsieur le ministre, qu'il n'y a rien dans votre texte pour renforcer la médecine scolaire et augmenter le nombre, très insuffisant, de médecins scolaires pour assurer une visite annuelle. Dès lors, pouvons-nous savoir ce qu'il advient de l'idée émise à l'Assemblée nationale de faire appel, à titre transitoire, à des médecins de ville à qui seraient délégués certains dépistages jusqu'à ce que la situation soit rétablie ? Pour ce faire, nous demandons des effectifs supplémentaires. En attendant, ne pourrait-on mettre en place ce dispositif ?
L'Etat témoignerait ainsi de l'importance qu'il attache à la santé publique, notamment à celle des enfants et des adolescents. Vous avez dit, monsieur le ministre, que « cette idée est excellente » et que vous y travailleriez. A-t-elle des chances de se réaliser et quand ?
Pas plus qu'il n'aborde les problèmes de la santé scolaire, le texte que vous nous présentez ne prend en compte la santé au travail. Vous nous avez dit, lors d'une audition devant la commission des affaires sociales, que cela viendrait plus tard, à la fin de l'année.
M. Gilbert Chabroux. On dit maintenant l'année prochaine.
M. Gilbert Chabroux. La fin de l'année, soit.
Mais quel sens peut-on donner à une loi - qui devait être une grande loi de santé publique - si elle ne traite pas des relations santé-travail ainsi que des relations santé-environnement ? Selon l'IGAS, l'Inspection générale des affaires sociales, il y a urgence à « faire de la santé au travail un objet de politique de santé publique, et non une variable d'ajustement des relations sociales ». Il y a urgence à agir quand on sait que le nombre de maladies professionnelles ne cesse de s'accroître.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est en effet plus urgent que ne l'était la mise en place des 35 heures !
M. Gilbert Chabroux. L'INVS estime à plus de 10 000 le nombre de cancers d'origine professionnelle recensés chaque année, mais seuls 800 sont reconnus. Les médecins du travail estiment qu'un million de salariés seraient exposés à des risques cancérogènes. Le Premier ministre vient lui-même d'avancer des chiffres identiques.
Dans un tel contexte, très alarmant, il faudrait renforcer la médecine du travail qui souffre d'un manque de moyens et de reconnaissance. Il faudrait créer un véritable service public de santé au travail et valoriser les organismes d'hygiène et de sécurité.
M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
M. Gilbert Chabroux. De même, il n'y a rien dans le projet de loi quant à l'influence de l'environnement sur la santé. Vous allez nous renvoyer, monsieur le ministre, au plan présenté voilà quelques jours, plan qui est très décevant compte tenu des moyens budgétaires nettement insuffisants qui lui seront affectés.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Gilbert Chabroux. Mais la place de ces mesures n'est-elle pas dans la loi puisqu'il s'agit, je le répète, d'une loi de santé publique ?
M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui !
M. Gilbert Chabroux. Sinon, à quoi va servir cette loi ? Nous saurions ainsi, par exemple, quelles mesures le Gouvernement a réellement l'intention de prendre pour réduire les particules circulant dans l'air, en particulier celles qui proviennent des moteurs diesel. Est-il toujours question d'un « bonus-malus » pour encourager l'achat de voitures propres ?
Monsieur le ministre, voilà beaucoup de questions qui se posent, en deuxième comme en première lecture, à l'occasion de la discussion de ce texte relatif à la politique de santé publique. Elles portent sur des sujets importants : l'architecture de la politique de santé publique, particulièrement sur le plan régional, l'insuffisance de la démocratie sanitaire dans l'organisation que vous voulez mettre en place, la trop grande dispersion des objectifs et l'absence de moyens financiers, la médecine du travail, la médecine scolaire, la prise en compte des risques environnementaux, la lutte contre les comportements à risque.
Le groupe socialiste présentera une trentaine d'amendements qui paraissent tout à fait raisonnables et qui permettraient une réelle amélioration de ce texte. Nous attendrons avec intérêt vos réponses, monsieur le ministre, et les propositions que vous pourrez nous faire. Mais nous savons d'ores et déjà qu'il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)
M. Paul Blanc. Guillaume d'Orange !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme il est d'usage pour toute discussion en seconde lecture, je ne reviendrai pas sur l'économie générale de ce projet de loi, si ce n'est pour redire que notre groupe soutient la démarche engagée par ce texte. Il est en effet grand temps que nous passions d'un système de santé, certes performant mais tourné uniquement vers le curatif, à un système beaucoup plus centré sur la prévention, ce qui nous permettrait d'améliorer enfin un taux de mortalité prématurée dont le niveau est encore anormalement élevé dans notre pays.
A titre personnel, je soutiens d'autant plus cette démarche de prévention que, dans l'état actuel des choses, notre système présente aussi la caractéristique d'être fortement inégal. Inégalités sociales et inégalités régionales se combinent d'ailleurs le plus souvent. Je garde toujours présent à l'esprit l'écart d'espérance de vie entre un homme originaire de ma région, le Nord-Pas-de-Calais, et un autre né en Midi-Pyrénées : il est de cinq ans. Il y a là une injustice que nous ne devons avoir de cesse de combattre jusqu'à l'avoir fait disparaître.
Tout d'abord, je voudrais me féliciter du travail de la commission des affaires sociales et de ses rapporteurs, mes éminents collègues Francis Giraud et Jean-Louis Lorrain, qui ont su, dans la tradition de notre maison, repenser et réécrire certains articles pour les améliorer.
Ces articles s'appuyaient à l'évidence sur une démarche de santé publique, mais leur caractère un peu excessif rendait leur application sans aucun doute problématique. Je pense, en particulier, à l'article 14 BA interdisant les distributeurs de confiseries et de sodas dans les établissements scolaires. Compte tenu de l'âge de la population scolaire visée, il y avait fort à parier que la disparition de ces machines aurait fait la fortune de l'épicier ou du boulanger du coin de la rue.
M. François Autain. Eh alors, qu'y a-t-il de mal à cela ?
Mme Valérie Létard. Attendez un peu de savoir ce que j'ai à dire après ! Vous verrez ainsi que, plutôt que de sanctionner ou de supprimer, on peut aussi faire de l'éducation pour la santé et présenter des propositions alternatives et constructives.
Mme Valérie Létard. Pour bien connaître cette population, je pense qu'il faut prendre en considération ces éléments alternatifs.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme Valérie Létard. La solution retenue par la commission, délaissant l'interdiction au profit de la réflexion sur le contenu des distributeurs, se révèle, me semble-t-il, pragmatique et appropriée.
En ce qui concerne les dispositions qui font l'objet de la deuxième lecture, je souhaiterais formuler simplement deux remarques.
Ma première remarque portera sur une disposition qui a suscité de nombreux débats autour de la question de la nutrition et de l'augmentation inquiétante de l'obésité infantile. Il s'agit de l'article 14 A concernant la publicité télévisuelle pour des produits alimentaires contenant des additifs.
L'adoption de cet amendement insérant un article additionnel a été suscitée par l'observation d'un constat inquiétant. En effet, d'après les enquêtes ObEpi, alors que, dans les années quatre-vingt, les enfants âgés de deux à dix-sept ans touchés par l'obésité ne représentaient que 7 %, ils sont aujourd'hui près de 14 % concernés par l'excès de poids. Et cette tendance, si elle devait se poursuivre au rythme actuel, amènerait à un taux de prévalence de près de 25 % dans les années 2020.
Le phénomène est d'autant plus inquiétant que l'on a pu constater qu'environ deux tiers des enfants obèses le restent à l'âge adulte, cet état entraînant les nombreuses complications que l'on connaît : diabète, maladies cardio-vasculaires et bien d'autres. C'est la raison pour laquelle la prévention de l'obésité a, à juste titre, été inscrite dans les objectifs de santé publique listés en annexe de l'article 2.
La dernière enquête du CREDOC, le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, sur les comportements alimentaires des Français, qui vient d'être rendue publique, montre par ailleurs une évolution inquiétante des habitudes alimentaires de nos concitoyens.
A côté d'un discours très conscient sur la nécessité de « bien manger », les Français adoptent des pratiques alimentaires de plus en plus standardisées faisant appel à des aliments services qui permettent de gagner du temps.
L'enquête constate ainsi une « routinisation » de l'alimentation dans la semaine avec, en contrepartie, une augmentation inquiétante des compléments alimentaires. En trente ans, le délai moyen de préparation d'un dîner est passé d'une heure quinze à trente-quatre minutes. La durée du repas lui-même s'est réduite : 65 % des Français dînent devant leur télévision à vingt heures en trente-cinq minutes en moyenne. Ces pratiques traduisent un effritement de la convivialité autour du repas et, par là même, l'effritement de ce qui faisait la spécificité du modèle alimentaire français.
Ce constat inquiétant, couplé avec les expérimentations en matière de lutte contre l'obésité infantile dont j'ai eu connaissance, m'amène à penser que, au-delà de campagnes d'information nutritionnelle, c'est bien à ces comportements qu'il s'agit de s'attaquer. Comme le mentionne l'Agence française de sécurité des aliments dans l'un de ses avis, obésité et précarité sont étroitement liées. Se contenter d'instaurer une taxe et de diffuser des messages de sensibilisation se révèle particulièrement inapproprié pour ces populations.
M. Jean Chérioux. Très bien !
Mme Valérie Létard. Ce qu'il convient de faire, c'est de mettre en oeuvre des programmes d'éducation nutritionnelle sur des territoires ciblés, en associant en priorité les communes concernées et tous les acteurs pouvant promouvoir de nouveaux comportements alimentaires : les familles, les enseignants, les infirmières scolaires, les médecins généralistes, les associations .
Ces actions doivent s'inscrire dans la durée. Quand tel est le cas, leur efficacité n'est plus à démontrer. L'expérimentation entreprise à Fleurbaix, dans la commune de notre collègue Brigitte Bout, en témoigne. Je rappellerai d'ailleurs que, dans la commune de Fleurbaix où l'expérience dure depuis douze ans, le taux d'obésité infantile a été stabilisé, alors qu'il a triplé dans le même temps dans les communes avoisinantes et à l'échelon régional, ce qui laisse à réfléchir.
C'est la raison pour laquelle notre groupe a choisi de sous-amender l'amendement de la commission pour demander le fléchage des deux tiers de la taxe prévue à l'article 14 A vers des projets concrets d'éducation nutritionnelle sur des territoires ciblés.
Afin de promouvoir des comportements nutritionnels plus équilibrés, le groupe de l'Union centriste défendra également un amendement visant à mieux définir la profession de diététicien. Il nous semble en effet que, si le Gouvernement souhaite, dans un souci de santé publique, promouvoir des comportements plus vertueux en matière de nutrition et de lutte contre l'obésité, il serait logique que la pratique de cette profession soit mieux encadrée. C'est d'autant plus important que les premiers résultats de l'étude nationale sur le diabète, publiés le 29 juin dernier, mettent notamment l'accent sur les insuffisances de la prise en charge diététique. Selon cette étude, « seulement 5% des personnes diabétiques ont bénéficié d'un suivi diététique par un diététicien en 2001 ». Or on connaît toute l'importance de ce suivi, notamment pour la prise en charge des malades atteints d'un diabète de type 2.
Ma deuxième remarque porte sur un sujet qui peut paraître catégoriel, mais dont l'importance me semble largement dépasser la seule question d'un statut. Je souhaite, monsieur le ministre, vous interroger sur le devenir des médecins inspecteurs de santé publique.
Quand on prend connaissance du projet de loi qui nous est soumis, on est sensible à l'effort entrepris par le Gouvernement pour infléchir notre système de santé vers des comportements de prévention. Or, au niveau de l'Etat et de ses services déconcentrés, les médecins inspecteurs de santé comptent parmi les premiers acteurs pouvant utilement relayer ce nouvel axe de notre politique de santé publique. M. Chabroux parlait tout à l'heure de la santé-environnement ; les médecins inspecteurs de santé publique sont en charge de ces problèmes de veille sanitaire, des problèmes tels que celui que nous avons rencontré dans le Nord-Pas-de-Calais avec Noroxo. Autant dire que leur utilité n'est vraiment plus à justifier.
Pourtant, nul n'ignore les difficultés actuelles de recrutement de ce corps des médecins inspecteurs de santé publique, puisque, sur 460 postes, 160 ne sont pas pourvus. Malgré des missions essentielles, encore renforcées par le texte que nous allons voter, ce corps n'est pas suffisamment attractif et les médecins préfèrent se diriger vers d'autres spécialités. Si nous voulons être cohérents avec le dispositif que nous allons adopter, il faut impérativement revoir ce statut. Une solution dynamique consisterait à intégrer les médecins inspecteurs de santé publique dans le corps des praticiens hospitaliers. C'est l'objet de l'amendement que je soutiendrai au cours de la discussion des articles.
Lors de la discussion à l'Assemblée nationale, mon collègue et ami Jean-Luc Préel a déposé un amendement très voisin. Vous avez répondu que cette question pourrait avancer dans la mesure où les syndicats représentant les praticiens hospitaliers donneraient leur accord écrit à cette intégration.
Vous vous étiez engagé, je vous cite, « à ce que le Gouvernement en tire immédiatement les conclusions ». Or, j'ai ici la copie des courriers des principaux syndicats - l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers, la Coordination médicale hospitalière, le Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes des hôpitaux publics, la Confédération des hôpitaux généraux -, tous ont pris position pour une intégration dans le corps des praticiens hospitaliers.
Lors de la discussion de cet amendement en commission, j'ai été invitée à le retirer au motif qu'une réforme du statut des praticiens hospitaliers était programmée dans le cadre du projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit. Mais je ne peux me satisfaire de cette réponse, et cela d'autant plus qu'à la demande de l'intersyndicale des praticiens hospitaliers, vous avez accepté, monsieur le ministre, le retrait de cette mesure lors du débat à l'Assemblée nationale. Puisqu'il n'y aura pas de débat sur cette question à l'automne, je me permets d'insister sur l'importance qu'il y a à aborder cette question dans la discussion que nous allons avoir ensemble, et j'attends de savoir comment vous envisagez de la régler.
Pour le reste, et tout en regrettant, comme nous l'avions déjà fait en première lecture, que le dispositif proposé ne soit pas plutôt articulé autour d'une agence régionale de santé, le groupe de l'Union centriste adhère à votre préoccupation de faire désormais de la santé publique et des politiques de prévention une priorité majeure. C'est la raison pour laquelle, au-delà des différends que certains de ses membres pourront avoir sur des dispositions particulières, le groupe de l'Union centriste votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons une nouvelle fois de la politique de santé publique que nous voulons pour notre pays. Contrairement à ce que pense M. Chabroux, il s'agit là d'une démarche cohérente avec notre volonté de rendre plus efficace notre système de soins, réforme que l'Assemblée nationale examine depuis quelques jours en séance publique. Définir des objectifs de santé publique avec précision, amplifier les efforts d'éducation et développer la culture de la prévention permettront certainement de concentrer les moyens collectifs sur le traitement des pathologies les plus graves et d'optimiser ainsi les chances de guérison.
En plaçant pour la première fois la santé publique au coeur de nos débats, en définissant des priorités et des objectifs pour améliorer l'état sanitaire de notre population, le présent projet de loi engage notre pays à changer de vision et de comportement, à se doter d'une véritable culture de santé publique, trop souvent tournée vers le curatif, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre.
Les objectifs définis par le projet de loi illustrent les domaines qui doivent guider notre action. Certains sont plus importants que d'autres, mais aucun ne doit être négligé. J'apprécie tout particulièrement le rétablissement de l'objectif de lutte et de traitement des pathologies auditives, sur l'initiative de la commission des affaires sociales.
Améliorer l'état de santé de nos concitoyens, cela ne sera possible que grâce à une action volontariste et organisée, car la tâche est immense. En effet, si la nation garantit à tous, en particulier à l'enfant, à la mère et au vieux travailleur, la protection de leur santé, si nous partageons tous les valeurs républicaines de solidarité, d'accessibilité aux soins ou de refus des discriminations, et en dépit de l'effort consenti par la nation, la situation sanitaire de notre pays demeure insatisfaisante : si la santé des Français est d'un bon niveau, elle n'est pas en adéquation avec les moyens qui y sont consacrés.
Nous l'aurons compris, il s'agit donc d'un texte important, fondateur, qui devrait nous permettre d'acquérir la culture de santé publique dont nous avons besoin.
Tout d'abord, ce texte constitue la première étape dans la clarification des responsabilités.
L'actualité le confirme régulièrement, que ce soit à l'occasion de l'apparition ou de la propagation d'épidémies, ou face à des menaces telles que le bioterrorisme ou les catastrophes écologiques, nous nous tournons toujours davantage vers l'Etat pour répondre aux questions, trouver des solutions, combattre ces fléaux.
Il est donc affirmé par la loi que le pilotage de notre politique de santé publique relève de la responsabilité de l'Etat, qui doit veiller à la mise en oeuvre des priorités fixées avec la représentation nationale.
Ensuite, ce texte se donne des priorités claires : le cancer, les comportements à risque - tabac, alcool, drogues, obésité -, la prévention et la gestion des menaces sanitaires, l'amélioration de la santé environnementale, y compris la santé au travail, l'actualisation de l'encadrement des recherches biomédicales, l'amélioration de la formation des professionnels de santé et l'évolution d'un certain nombre de métiers.
Toutes ces mesures sont importantes et notre groupe les soutient.
Je n'entrerai pas dans le détail de l'ensemble des dispositions très variées adoptées dans ce texte à l'occasion de la navette. Je me livrerai simplement à quelques réflexions et je ferai diverses propositions sur certaines dispositions demeurant en discussion.
Le texte procède à la simplification du schéma général de fonctionnement de notre système de santé publique.
Son titre Ier définit le périmètre de la politique de santé publique, clarifie les responsabilités et simplifie le fonctionnement des instances impliquées. Le titre II porte sur les outils d'intervention de l'Etat.
Ces deux titres retouchent profondément une organisation qui, en l'absence de politique d'ensemble, est le résultat de réformes successives, s'imbriquant les unes dans les autres sans vision globale, et dont la prévention était le parent pauvre.
A l'échelon national, figure la conférence nationale de santé, à laquelle peuvent participer toutes les structures concernées. Le Haut conseil de la santé publique et le Comité national de la santé publique contribuent de leur côté à assurer la concertation, l'expertise et la coordination.
L'Etat, par l'intermédiaire du ministre, définit les objectifs de santé publique, en s'appuyant sur le Parlement. Il revient aux grandes agences nationales de mettre en oeuvre les décisions qui seront prises.
Le texte pose également le principe d'une organisation régionale, plus proche des problématiques de terrain. Il vise ainsi à mieux coordonner les interventions, la multiplicité des acteurs pouvant nuire à l'efficacité.
S'agissant de cette organisation, je me permets de faire remarquer, à l'instar de notre éminent rapporteur, que le regroupement, au sein du Haut conseil de la santé publique, des compétences auparavant confiées au Haut comité de la santé publique et au Conseil supérieur d'hygiène publique de France, présenté comme une mesure de coordination, soulève toutefois quelques questions.
Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales doit être remis prochainement au ministre de la santé et de la protection sociale sur ce sujet. En effet, certaines des compétences aujourd'hui attribuées au Haut conseil pourraient être transférées aux agences sanitaires à l'occasion d'un prochain aménagement de leurs compétences, notamment celles du Conseil supérieur d'hygiène publique de France. Ne serait-il pas judicieux d'attendre les conclusions de ce rapport pour opérer ce transfert ?
Par ailleurs, le projet de loi recentre notre politique de santé sur l'aspect préventif, point sur lequel vous avez vous-même insisté, monsieur le ministre.
Nous savons tous que notre pays est assez peu performant en la matière et qu'il reste beaucoup à faire. Ce projet de loi permet d'engager un processus positif pour l'avenir.
Certes, une politique de prévention ambitieuse n'est pas facile à mener, et il faudra la détermination de chacun pour influer sur les comportements et corriger les habitudes. La tâche est parfois ingrate et peut provoquer des mécontentements, mais il faut continuer sur cette voie. Je pense tout particulièrement à la lutte contre le tabac, la drogue, l'abus d'alcool et les mauvaises habitudes d'hygiène alimentaire.
Plusieurs mesures donneront lieu à un débat certainement fructueux.
Il s'agit tout d'abord de la question de l'autorisation ou non du maintien des distributeurs dans les lycées - notre collègue Aymeri de Montesquiou y a fait allusion tout à l'heure. Je crains qu'une interdiction pure et simple ne donne pas le résultat souhaité, à savoir une meilleure hygiène alimentaire des jeunes. Il est préférable, à mon avis, de trouver un moyen de réguler ce qui leur est proposé. La proposition de la commission a toute ma faveur en ce qu'elle prévoit que, dans chaque établissement, directeur, parents, responsables éducatifs, médecins scolaires se mettent d'accord pour que soient proposés aux enfants des aliments équilibrés sur le plan nutritionnel. (Mme Sylvie Desmarescaux applaudit.) Ainsi, les jeunes ne seront pas tentés de quitter l'établissement pour satisfaire leur petite faim. En outre, et ce n'est pas négligeable, les entreprises, pour qui les distributeurs placés dans les écoles peuvent représenter l'essentiel de l'activité, ne seront pas mises en difficulté. La contrepartie de ces emplois sauvegardés devra résider dans les efforts de ces entreprises pour proposer des aliments mieux équilibrés sur le plan nutritionnel. N'oublions pas que la prohibition n'a jamais été efficace, quel que soit le produit ou l'époque, et qu'il s'agit en réalité d'une éducation qui doit s'effectuer dès le plus jeune âge.
M. Roland Courteau. C'est vrai !
M. Paul Blanc. On ne pourra jamais empêcher un jeune qui le désire de consommer l'aliment de son choix. En revanche, la famille et l'école doivent pleinement jouer leur rôle éducatif en la matière pour parvenir à un résultat.
M. Roland Courteau. C'est exact !
M. Paul Blanc. Concernant les messages publicitaires, je considère que les objectifs poursuivis par cet article sont parfaitement louables. Comme je le disais voilà quelques instants, c'est par l'éducation et l'information que l'on peut agir. L'enjeu est de taille puisque l'obésité est un facteur de risque considérable de nombreuses maladies et, surtout, de leur aggravation. S'agissant des moyens, je fais confiance au Sénat pour aboutir à une rédaction équilibrée.
Je ferai simplement une remarque. Les messages de prévention ne devront pas, me semble-t-il, faire l'économie d'une information sur la nécessité d'une activité physique, complémentaire indispensable d'une bonne hygiène alimentaire.
S'agissant des fameux « prémix », comme toujours, les discussions sur la fiscalité de l'alcool déclenchent les passions. Peut-être serait il prudent d'attendre la prochaine loi de financement de la sécurité sociale...
M. Jean-Pierre Godefroy. Et pourquoi pas la suivante ?
M. Paul Blanc. ... au sein de laquelle une réflexion globale à propos de la fiscalité sur les alcools pourrait avoir lieu et permettre d'éclairer nos débats de manière constructive.
Cela ne m'empêche pas de réaffirmer que ces boissons alcoolisées présucrées me paraissent particulièrement nocives ; elles visent particulièrement la clientèle des jeunes, quoi qu'en disent certains, et doivent donc être traitées avec la plus grande rigueur.
M. Roland Courteau. Il faut les taxer !
M. Paul Blanc. Enfin, la lutte contre le cancer, dont le Président de la République a fait l'une des trois priorités du quinquennat, constitue bien évidemment l'un des axes majeurs de la politique de prévention que nous souhaitons voir menée, avec notamment la création d'un Institut national du cancer. Je connais votre engagement sur ce sujet, monsieur le ministre, avec la création d'un cancéropôle à Toulouse qui permet la collaboration des chercheurs du public et du privé sur un même site, ...
M. Jacques Blanc. Et pour tout le grand sud !
M. Paul Blanc. ... pour une plus grande efficacité, ce qui est une excellente chose.
En outre, ce texte réglemente la pratique de plusieurs professions, notamment celle des sages-femmes. Un amendement est proposé pour compléter l'organisation de l'ordre de la profession des masseurs-kinésithérapeutes. Plusieurs autres dispositions règlent des détails du statut des professionnels de santé.
Dans ce cadre, j'ai cosigné un amendement avec mon collègue Alain Gournac et les membres de mon groupe concernant la création d'un ordre des pédicures podologues, structure très attendue par ces professionnels.
C'est dans ce contexte que s'est inscrit le débat sur la réglementation de l'exercice des psychothérapeutes. Je voudrais réaffirmer à l'occasion de ce débat deux convictions.
Oui, il fallait légiférer afin de protéger les personnes, souvent fragiles, qui veulent suivre une psychothérapie ! D'autres pays, notamment européens, ont réglementé la psychothérapie sans déclencher les passions auxquelles nous avons assisté. Des dérives existent. Notre rôle de législateur était d'intervenir pour garantir aux personnes qui se tournent vers les psychothérapeutes que ces derniers disposent bien de la formation - théorique et pratique - requise.
Oui, il faut adopter un dispositif rigoureux et, dans le même temps, ouvert aux professionnels disposant non pas d'une formation universitaire mais d'autres types de formation de grande qualité qui apportent richesse à la profession et réconfort aux malades.
La commission, notamment son rapporteur, a beaucoup travaillé sur ce dossier depuis plusieurs mois. Je pense que nous parvenons aujourd'hui à une solution équilibrée prenant en considération les attentes de tous les professionnels sérieux et les besoins des usagers.
Concernant la recherche et la formation en santé, ce projet de loi contient des avancées majeures.
La nécessité d'une école des hautes études en santé publique est reconnue par tous au vu des faiblesses de notre dispositif français. Une fonction publique mieux formée et revalorisée ne peut que servir les objectifs de la politique de santé publique que nous souhaitons.
M. Roland Muzeau. C'est d'ailleurs pour cela que vous y mettez moins d'argent !
M. Paul Blanc. Par ailleurs, le dispositif d'encadrement des recherches biomédicales est actualisé, ce qui était très attendu par les chercheurs et les industriels. Nous devons garantir les droits de ceux qui participent à ces recherches dont bénéficieront les gens qui souffrent. Le projet de loi remplace le régime déclaratif par un régime d'autorisation. Il supprime la distinction entre les recherches sans bénéfice individuel direct et celles avec. Dans tous les cas, c'est en termes de bilan entre bénéfices espérés, d'une part, et risques encourus, d'autre part, qu'il faut raisonner. Le texte organise également la participation à la recherche des personnes en difficulté pour exprimer leur consentement.
Je souhaiterais tout particulièrement insister sur les comités de protection des personnes. Leur rôle est désormais renforcé puisqu'une recherche ne peut être envisagée sans un avis de leur part. Ils constituent une étape incontournable dans le processus d'autorisation d'une recherche biomédicale, y compris pour l'autorité qui accorde in fine cette autorisation.
Or, le texte adopté par l'Assemblée nationale n'est pas totalement satisfaisant. Tout d'abord, il retient une terminologie peu adaptée puisqu'il n'est plus fait mention dans leur nom du but de leur existence, à savoir la recherche. Par ailleurs, si les députés ont fort opportunément prévu que cet avis fasse l'objet d'un appel, il n'est pas satisfaisant que celui-ci consiste à soumettre le projet de recherche à l'avis d'un comité compétent dans une autre région. Afin d'assurer l'égalité de traitement sur tout le territoire national, il est nécessaire que ce recours soit exercé par la conférence nationale des comités.
En conclusion, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à remercier MM. les rapporteurs pour la qualité de leur travail qui a éclairé nos débats sur ce texte, lequel a été considérablement enrichi à chaque lecture. Ce projet de loi va permettre à notre pays de résoudre des problèmes à la fois essentiels et concrets. Il va ainsi nous aider à progresser vers une meilleure protection de notre santé. C'est une étape importante, historique, qui nous permet d'aborder dans les meilleures conditions la réforme de notre système de soins ! Chacun l'aura compris, le groupe de l'UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture le projet de loi relatif à la politique de santé publique, dont le nombre d'articles a grossi au cours de la navette parlementaire, à tel point que, aujourd'hui, soixante articles sont encore en discussion dans des conditions de débat déplorables que d'aucuns, y compris au sein de la majorité sénatoriale, condamnent.
Certes, sur de nombreuses questions, dont la réorganisation des politiques de santé publique, la rénovation du système de sécurité sanitaire, la formation des professionnels de santé ou l'évolution des métiers de la santé, un consensus existe au sein de la majorité de droite des deux assemblées.
En revanche, sur d'autres sujets non moins essentiels, tels que l'éducation à la santé, l'encadrement des recherches biomédicales ou l'usage du titre de psychothérapeute, des divergences de fond demeurent.
Pour autant, afin de respecter un calendrier imposé et de permettre ainsi au Chef de l'Etat d'afficher un résultat, en l'occurrence la mise en place de l'Institut national du cancer, avant la tenue à la rentrée des troisièmes états généraux des malades du cancer, le débat encore nécessaire est sacrifié et la majorité s'exécute.
Je tiens à redire ici la profonde insatisfaction des sénateurs communistes quant aux conditions dans lesquelles se déroulent nos travaux. Dans son allocution « d'entre deux sessions », le président du Sénat, M. Poncelet, notant le record de durée et d'intensité de la session ordinaire qui vient de s'achever, s'est demandé s'il fallait s'enorgueillir ou s'inquiéter du rythme intensif de travail auquel le Gouvernement soumet le Parlement.
Pour notre part, nous déplorons cette situation qui témoigne de la dérive de nos institutions, préjudiciable à la qualité du travail parlementaire, donc attentatoire au rôle du Parlement et à la place de l'opposition.
Non seulement la date limite de dépôt des amendements sur le texte relatif à la politique de santé publique a été fixé au début de la semaine, mais, en plus, il faudrait en un temps réduit, la nuit de surcroît, « viser » - et non examiner comme il se doit - les 133 amendements déposés.
Le nombre d'amendements et le besoin du rapporteur de procéder avant-hier à des auditions sur les thèmes de l'alcool et du foetus prouvent, si besoin était encore, que le projet de loi est perfectible.
D'ailleurs, le Gouvernement s'est autorisé des ajouts et des corrections en proposant 33 amendements.
En revanche, nous n'avons pas été en mesure de retravailler sérieusement le texte tel qu'il a été modifié par l'Assemblée nationale. En première lecture, le groupe communiste républicain et citoyen était à l'origine d'une soixantaine de propositions. Aujourd'hui, nous avons dû nous résoudre à intervenir uniquement dans la discussion générale. Pourtant, en l'état, ce projet de loi alibi, utile au Gouvernement pour ses effets d'annonces, ne nous convient absolument pas.
Sur un texte clé à plus d'un titre, notamment parce qu'il participe à la réforme générale de notre système de santé, nous n'avons pas le recul nécessaire pour mettre en perspective les dispositions qu'il contient avec d'autres textes encore en navette ou des rapports attendus.
Je pense évidemment aux travaux de l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, sur le réaménagement des compétences des différents organismes, agences intervenant dans le domaine sanitaire, justifiant que l'on attende pour regrouper au sein du Haut conseil de la santé publique les compétences actuellement confiées au Haut comité de la santé publique et au Conseil supérieur d'hygiène publique.
Je pense aussi au projet de loi relatif aux responsabilités locales accentuant la régionalisation des politiques sanitaires et faisant de la région un acteur à part entière de ce secteur.
Je pourrais également faire référence au projet de loi relatif à l'assurance maladie qui occupe actuellement les députés. Son silence sur la prévention alors que l'assurance maladie a quand même vocation à participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre des actions en ce domaine amène à s'interroger.
Le fait également qu'au détour seulement d'amendements ressurgisse le sujet des agences régionales de santé n'est pas non plus pour nous rassurer sur la cohérence de la démarche gouvernementale.
Même s'il avance masqué, en éparpillant çà et là des mesures sanitaires et médico-sociales - le plan canicule en est un bon exemple -, ce gouvernement poursuit des objectifs clairs : transformer en profondeur notre société, réduire a minima le champ de la protection sociale, laisser chacun se couvrir individuellement et faire aboutir, de façon insidieuse, la privatisation rampante.
Pour en revenir plus précisément au projet de loi, nous continuons globalement de penser que, malgré certaines améliorations sensibles dues aux députés, il ne saurait tenir lieu de grande loi de santé publique.
En effet, le Gouvernement n'a pas eu la volonté de lever les freins à la mise en oeuvre d'une véritable politique de prévention sur le long terme. Les moyens financiers et humains resteront sans commune mesure avec les ambitions affichées. Les besoins en médecins de santé publique, médecins du travail ou des services de santé scolaire contrarieront, à n'en pas douter, la réalisation des plus beaux objectifs.
Ensuite, il manque à la politique de santé publique du Gouvernement un volet essentiel : celui de la santé au travail.
Ce n'est pas un oubli de la part du Gouvernement puisqu'il connaît, comme nous, la réalité sociale et médicale de l'exposition des salariés aux risques professionnels ; 7 000 à 20 000 cancers sont suspectés aujourd'hui d'être d'origine professionnelle. Les maladies liées à l'amiante représentent 48 % du coût total des indemnités versées par le régime général.
C'est délibérément, monsieur le ministre, que le Gouvernement entend diluer la gestion des risques professionnels dans un ensemble plus vaste, avançant le thème de la santé environnementale pour mieux banaliser les spécificités du dispositif de santé au travail. Une nouvelle fois est ignoré le constat persistant des graves inégalités subies par les ouvriers notamment, dont l'état de santé et l'espérance de vie sont bien en deçà des autres catégories sociales.
Enfin, nous considérons que, sur le volet de la prévention, puissant vecteur de réduction des inégalités sociales de santé, comme sur l'éducation à la santé, le Gouvernement et sa majorité, non sans démagogie et contradictions, affichent des ambitions immédiatement contredites par les choix faits par ailleurs.
Je vous en donnerai un exemple. A l'origine, le projet de loi ne traitait absolument pas de la nutrition, qui est pourtant, de l'avis de tous, un déterminant majeur de la santé humaine. Nous avons bataillé pour introduire ce thème et poser en direction de l'industrie agroalimentaire un certain nombre d'obligations, notamment en termes d'information et d'étiquetage. Nous avons essuyé des refus.
Fort utilement, au sujet de la prévention de l'obésité, la navette parlementaire a permis au texte de s'enrichir. En l'occurrence, un article prévoit que soient interdits les distributeurs automatiques dans les établissements scolaires. Un autre est venu poser le principe d'une taxe sur la publicité ciblant les enfants.
Or, sur ces deux points justement, le rapporteur de la commission des affaires sociales envisage des modifications bienveillantes à l'égard de l'industrie agroalimentaire, mais allant complètement à l'encontre des impératifs de santé publique.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elles ne sont pas bienveillantes ; elles sont justes !
M. Roland Muzeau. Cela, nous le verrons dans les débats !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. Roland Muzeau. Dès à présent, je tiens à dire que les sénateurs communistes s'opposeront à ces concessions dangereuses dans un contexte d'augmentation de la prévalence du surpoids et de l'obésité estimée à 16 % pour les enfants en âge scolaire, comme l'a rappelé à tous les parlementaires l'organisation UFC-Que Choisir.
La problématique est semblable en matière de lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme. En mars dernier, un quotidien national donnait très opportunément le titre suivant à un article : « Vins et liqueurs : le Gouvernement parle double. » Là est effectivement le coeur du problème.
Nous verrons tout à l'heure, lors de l'examen de l'article sur les premix, que le poids des lobbies et les intérêts économiques viennent mettre à mal l'édiction ou le maintien de normes contraignantes à visée préventive.
M. Francis Giraud, rapporteur. Nous verrons bien...
M. Roland Muzeau. Mes chers collègues, on ne peut prétendre, d'un côté, vouloir atteindre un objectif chiffré de réduction de la consommation d'alcool en France et, de l'autre, être à l'initiative, à l'occasion du débat sur les territoires ruraux, de mesures visant à sortir le vin de la loi Evin !
Monsieur le rapporteur, sur le volet du texte qui tend à retoucher la loi HurietSérusclat, nous ne pouvons accepter les reculades préconisées favorisant l'opacité de la recherche et négligeant les droits des personnes entrant dans les protocoles.
Nous avons beaucoup dialogué avec ActUp, association membre du groupe interassociatif traitements et recherche thérapeutique, le TRT5. Celle-ci nous a appelés à la vigilance, craignant que le texte ne devienne, à la suite de son examen par le Sénat, plus restrictif qu'il ne l'était déjà, accréditant ainsi l'idée que « la loi se construit non pas avec, mais contre la société civile ».
Sur tous ces aspects - éducation alimentaire, alcool, tabac, recherches biomédicales -, je souhaite vraiment que le Sénat revienne à la raison. Quoi qu'il en soit, en l'état, nous ne pourrons pas voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Paul Blanc. Quelle surprise !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.
Mme Sylvie Desmarescaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc parvenus aujourd'hui à l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la politique de santé publique.
A l'inverse de mes collègues Gilbert Chabroux et Roland Muzeau, je dirai qu'il s'agit d'un texte fondamental, puisqu'il vise à régler des problèmes cruciaux en matière de santé des Français et qu'il constituera donc, pour les cinq années à venir, les fondations de la politique de santé publique.
Je profite de l'occasion qui m'est donnée de m'exprimer pour remercier et féliciter de la qualité de leur travail le président de la commission des affaires sociales, Nicolas About, et les deux rapporteurs, Francis Giraud et JeanLouis Lorrain. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Je me réjouis des avancées qui ont été réalisées dans deux domaines en particulier : la lutte contre l'obésité et la lutte contre l'alcoolisme.
Concernant l'obésité, il est utile, à ce stade, de rappeler quelques données scientifiques inquiétantes.
L'obésité en France a été multipliée par cinq en vingt ans. Elle concerne aujourd'hui 10 % des adultes et 16 % des enfants ; par ailleurs, près de 40 % des Français sont touchés par un problème de surpoids. Alors que la France avait encore, récemment, le taux d'obésité le plus bas d'Europe, elle risque, d'ici à 2020, de rattraper les Etats-Unis. Pour être clair, à cette date, un Français sur cinq sera obèse et la moitié de la population, dont un quart des enfants, souffrira d'une surcharge pondérale.
La lutte contre l'obésité est donc devenue, en quelques années, un objectif fondamental de santé publique. Le Parlement a largement apporté sa contribution en la matière : le Sénat a introduit en première lecture un article additionnel visant à assortir d'un message à caractère sanitaire les publicités télévisées en faveur de certains produits alimentaires ; en deuxième lecture, l'Assemblée nationale a introduit un article additionnel interdisant la présence de distributeurs automatiques de confiseries et de sodas dans les établissements scolaires.
Nous avons eu l'occasion de débattre en commission sur les modifications apportées par l'Assemblée nationale à l'article concernant la publicité et l'alimentation. En effet, le dispositif instauré par les députés, louable sur le fond, se heurte à de multiples interprétations de nature à paralyser sa mise en application.
L'adoption de l'amendement de la commission permettrait de résoudre ce problème.
Tout d'abord, il a pour objet d'élargir la diffusion des messages publicitaires à tous les programmes, et non plus seulement à ceux qui sont uniquement destinés à la jeunesse
Ensuite, il vise à définir la nature nutritionnelle des produits visés, à savoir les produits manufacturés avec ajout de sucres, de graisses, de sel ou d'édulcorants de synthèse.
Enfin, il tend à préciser que les annonceurs devront soit insérer un message à caractère sanitaire dans les spots publicitaires, soit s'acquitter d'une contribution destinée à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, qui se chargera d'établir et de diffuser les messages sanitaires appropriés.
Ces modifications favoriseront le développement de l'éducation nutritionnelle et permettront d'atténuer l'impact négatif de la publicité télévisée sur les habitudes de consommation de certains produits alimentaires.
M. Jean Chérioux. Très bien !
Mme Sylvie Desmarescaux. Nous avons également débattu de l'article interdisant les distributeurs automatiques de confiseries et de sodas dans les établissements scolaires.
Cette disposition part d'une bonne intention, dans la mesure où elle entend limiter la consommation par les jeunes des produits à forte teneur en sucres. Cependant, il ne me semble pas souhaitable d'intervenir de manière aussi drastique dans le fonctionnement des lycées et des collèges. En l'état actuel du droit, l'établissement peut refuser l'installation de distributeurs.
M. Francis Giraud, rapporteur. Tout à fait !
Mme Sylvie Desmarescaux. Laissons donc aux chefs d'établissement, aux parents d'élèves, aux enseignants et aux conseils d'administration le droit de décider des modalités propres à assurer la santé des élèves. Par ailleurs, une charte de bon usage des distributeurs de boissons et d'aliments en milieu scolaire est en cours d'élaboration par les services du ministère de l'éducation nationale, en liaison, bien évidemment, avec ceux du ministère de la santé.
C'est pourquoi je soutiendrai l'amendement de la commission, plus souple que celui de l'Assemblée nationale, qui subordonne la présence de distributeurs automatiques dans les établissements scolaires à la signature d'une charte des bonnes pratiques, ...
M. Paul Blanc. Voilà !
M. Jean Chérioux. Très bien !
Mme Sylvie Desmarescaux. ... et qui renvoie à un décret, monsieur le ministre, le soin d'interdire la vente de certains produits en fonction de leur composition nutritionnelle.
M. Paul Blanc. Très bien !
Mme Sylvie Desmarescaux. En outre, comment ne pas aborder devant vous les mesures polémiques relatives à la lutte contre l'alcoolisme ?
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a introduit deux articles additionnels portant sur la fiscalité applicable à certaines boissons alcoolisées, les fameux «premix ». Alors que le premier vise spécifiquement les mélanges de boissons alcoolisées, le second concerne les boissons alcoolisées contenant une teneur en sucre d'au moins cinquante grammes par litre.
Encore une fois, l'objectif de ces deux articles est partagé par tous, puisqu'il s'agit de restreindre la consommation d'alcool, en particulier chez les jeunes. Pour autant, le dispositif proposé par les députés, fondé sur le renforcement de la fiscalité de ces produits, est injuste, inefficace et incompatible avec le droit communautaire.
Ce dispositif est, d'abord, injuste, car il constitue une mesure isolée, ciblée sur les seuls premix, qui ne représentent que 0,3 % de la totalité de l'alcool consommé en France. (M. Roland Courteau s'exclame.) Or un sujet d'une telle importance ne doit pas être traité dans une approche par produits, mais doit s'inscrire dans un traitement global de la fiscalité de l'alcool, qui trouverait plus naturellement sa place dans le cadre de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale.
Ce dispositif est, ensuite, inefficace, car les fabricants parviennent à contourner les contraintes fiscales imposées à ces boissons alcoolisées. Pour preuve, une taxation spécifique applicable aux premix avait déjà été introduite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, mais ce dispositif fiscal a suscité la commercialisation de nouveaux produits échappant à la réglementation. De plus, la surtaxation de ces produits n'aura pour effet que de déporter les consommateurs vers d'autres types de boissons alcoolisées.
Ce dispositif est, enfin, inapplicable, car il est contraire au droit communautaire de la concurrence. Cette incompatibilité avec les règles du traité instituant la Communauté européenne avait déjà conduit le législateur français à abroger, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, la taxe spécifique aux bières fortes adoptée un an plus tôt.
C'est pourquoi il semble préférable de supprimer ces deux articles et de replacer l'examen de cette question dans le cadre d'une évolution globale de la fiscalité de l'alcool.
M. Paul Blanc. Très bien !
Mme Sylvie Desmarescaux. Enfin, j'ai tenu à m'associer aux amendements proposés par ma collègue Anne-Marie Payet qui concernent un aspect particulier de la lutte contre l'alcoolisme, oublié du projet de loi gouvernemental, à savoir la consommation d'alcool pendant la grossesse.
Les risques de malformation congénitale et le syndrome d'alcoolisation foetale sont, malheureusement, une réalité encore largement méconnue des femmes enceintes.
Ainsi, ces amendements visent à développer l'information autour des dangers liés à la consommation d'alcool pendant la grossesse, de manière à prévenir tout risque pour le foetus.
Il s'agit en particulier de sensibiliser les jeunes et les femmes enceintes par des interventions en milieu scolaire, par des campagnes de prévention, par des messages publicitaires à caractère sanitaire.
Par ailleurs, Mme Payet propose d'intégrer un enseignement spécifique consacré aux effets de l'alcool sur le foetus dans la formation de tous les professionnels de santé et des services médico-sociaux.
En conclusion, en tant qu'élu, mais surtout en tant que femme et mère de famille, je souhaite que nous soyons vigilants et que nous mettions tout en oeuvre pour éviter de nombreuses situations de handicap chez nos enfants. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite avant tout vous remercier de l'excellent climat qui a prévalu à notre discussion ce matin et vous féliciter de votre grande connaissance du sujet qui a déjà permis d'améliorer le texte en première lecture.
M. Giraud qui, avec M. About, connaît ce texte mieux que personne a notamment parlé d'éducation pour la santé. A cet égard, il ne faut pas se tromper : nous n'avons pas, dans notre pays, la culture de la santé publique, ni de l'épidémiologie, ni de la prévention, ni de l'économie de santé.
M. Francis Giraud, rapporteur. Tout à fait !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Tout cela est certainement dû au fait que les étudiants en médecine n'ont pratiquement aucun contact avec ces trois disciplines au cours de leurs études, sauf peut-être en cinquième et sixième années.
Par conséquent, à l'inverse des pays du nord de l'Europe, nous n'avons pas encore acquis une telle culture. Alors que nous sommes les premiers au monde en médecine curative et individuelle, nous sommes les derniers de la classe européenne en médecine préventive et communautaire.
M. Francis Giraud, rapporteur. Absolument !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Le présent projet de loi est le premier texte portant sur la santé publique depuis cent ans, ce qui mérite tout de même d'être souligné.
M. Paul Blanc. Eh oui !
M. Roland Muzeau. C'est bien de le dire !
M. Francis Giraud, rapporteur. Il a le mérite d'exister !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Il présente tout de même l'avantage de traiter de l'ensemble de la santé publique, sans occulter l'éducation pour la santé.
A ce sujet, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, tous les gouvernements, y compris ceux que vous souteniez, n'ont pas réellement développé une politique d'éducation pour la santé. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. Jean Chérioux. Hélas !
Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas une explication, monsieur le ministre !
M. François Autain. M. le ministre est sans pitié ! Quelle agressivité !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Aujourd'hui, comment les Françaises et les Français sont-ils majoritairement informés ? Par la télévision !
M. Roland Muzeau. Fermez la télé, achetez l'Humanité ! (Sourires.)
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Or, combien de secondes sont-elles réservées, à la télévision, à l'éducation pour la santé ? Zéro !
Mme Nicole Borvo. Vous allez changer ça, monsieur le ministre ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il le faut !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. La télévision publique, payée par la redevance, ne consacre pas une seconde à l'éducation pour la santé !
M. Paul Blanc. Supprimons la redevance !
Mme Nicole Borvo. De toute façon, la télévision publique ne fait pas de service public ; elle fait de l'audimat !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Cette situation n'est pas normale : le service public de télévision doit faire du service public ! (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo. On ne demande qu'à vous croire !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Je suis favorable à ce que, demain, les industriels indiquent sur toutes les étiquettes le pourcentage de graisses saturées, de graisses insaturées, de cholestérol, de sel et de sucre.
Mme Nicole Borvo. Il faut des moyens !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Le jour où les moyens seront mis à notre disposition, le jour où les télévisions joueront le jeu, ...
Mme Nicole Borvo. Y compris TF1 !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. ...nous achèterons des espaces publicitaires pour faire passer des messages sanitaires. Nous ne poserons aucune interdiction, mais les Françaises et les Français sauront, en leur âme et conscience, ce qu'il faut acheter et ce qu'il ne faut pas acheter.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, et M. Francis Giraud, rapporteur. Très bien !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. C'est cela, l'éducation pour la santé. Or, madame Borvo, quand vos amis étaient au pouvoir, ils n'ont rien fait dans ce domaine ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo. Oh là là !
M. François Autain. Vous n'avez encore rien fait non plus !
Mme Nicole Borvo. Nous verrons bien ce que vous ferez ! MM. Bouygues et Dassault vont faire de l'éducation à la santé, c'est sûr...
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. MM. Giraud, de Montesquiou, Chabroux, Mmes Létard et Desmarescaux ont soulevé le problème de l'obésité. Voilà un problème de santé publique majeur !
Mme Nicole Borvo. Le Gouvernement vient de le découvrir !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Mme Desmarescaux vient de le dire, le nombre d'enfants obèses âgés de moins de quinze ans a fortement augmenté depuis vingt ans.
Mme Nicole Borvo. Nous avons encore une petite marge par rapport aux Etats-Unis !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. La situation est comparable à celle qu'ont connue les Etats-Unis il y a une trentaine d'années. Le même phénomène se produit également depuis six ans en Russie.
M. Roland Muzeau. C'est le capitalisme ! (Sourires.)
M. Jean Chérioux. Avant, les Russes crevaient de faim !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le goulag, c'était mieux ?
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Dans les économies de marché, les personnes ne font plus d'exercice physique et préfèrent regarder la télévision plutôt que de faire du sport !
M. Francis Giraud, rapporteur. Eh oui !
M. Roland Muzeau. C'est à cause des programmes télévisés américains !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. En regardant la télévision, ils mangent des barres chocolatées et de la nourriture « fast food ».
Mme Nicole Borvo. Parce que les fast-foods, c'est moins cher !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Or ce n'est pas ce modèle de société que je veux pour mes enfants. Il est donc très important d'avoir un grand débat sur ce sujet.
L'augmentation de la surcharge pondérale est une épidémie comme une autre. Après tout, la surcharge pondérale ne serait pas inquiétante si elle n'entraînait pas de graves conséquences de santé publique.
Ces conséquences sont l'hypertension artérielle et le diabète, c'est-à-dire les deux principaux facteurs de risque pour la maladie coronarienne...
M. Paul Blanc. Et voilà !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. ...et, plus largement, pour les maladies cardiovasculaires. Il est donc de notre responsabilité d'agir.
S'agissant, tout d'abord, des distributeurs, il est vrai que le problème tient non pas à leur existence, mais aux produits qu'ils contiennent.
M. Paul Blanc. Exactement !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Par conséquent, je présenterai un amendement visant à supprimer les produits particulièrement sucrés dans les distributeurs de tous les établissements scolaires, qu'il s'agisse des écoles primaires, des collèges ou des lycées. Vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, ont montré que les clivages politiques étaient transcendés sur ce point.
S'agissant, ensuite, de la question importante de la publicité à la télévision, on peut certes toujours envisager des interdictions, mais il importe surtout, à mes yeux, d'essayer de se donner les moyens de mener une politique d'éducation pour la santé à la télévision.
Mme Nicole Borvo. TF1 !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Où trouver ces moyens ? L'idée nous est venue de demander aux industriels du secteur agroalimentaire de contribuer au financement de programmes d'éducation pour la santé. En particulier, l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, l'INPES, devra diffuser des messages à la télévision ou par le biais des radios, insérer des bandeaux dans la presse quotidienne régionale ou nationale.
Pour sa part, M. Chabroux a estimé que cent un objectifs ou zéro, c'était la même chose. Pas tout à fait ! Il y a cinq priorités de santé publique.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Certes, on ne peut pas estimer qu'il y a cent une priorités, mais il y a bien cent un objectifs, qui constituent une politique de santé publique.
En ce qui concerne la création d'agences régionales de santé publique, les ARS, nous ne souhaitons pas une étatisation du système.
Mme Nicole Borvo. On s'en doute !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Je pense qu'une meilleure coordination entre l'hôpital et la médecine de ville est nécessaire.
Mme Nicole Borvo. Paroles, paroles...
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. D'ailleurs, l'examen du projet de loi relatif à l'assurance maladie, que nous aborderons ensemble au cours de ce mois, si du moins les députés achèvent leurs travaux à temps,...
M. François Autain. Vous avez un doute ?
Mme Nicole Borvo. Nous avons tout le mois d'août !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. ...nous donnera l'occasion de revenir sur cette question. Puisqu'il y a un financement unique et puisque les malades sont les mêmes, il me paraît souhaitable que l'hôpital public et la médecine libérale ne s'ignorent pas.
L'idée est donc en effet d'aller vers la création d'agences régionales regroupant à la fois la médecine de ville et l'hôpital. Cependant, mettez-vous d'accord avec vos amis, monsieur Chabroux, car il ne m'a pas semblé, lors de la deuxième lecture de ce texte à l'Assemblée nationale, que M. Jean-Marie Le Guen était favorable à l'institution d'ARS ! Je n'ai pas compris cela !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils ne se parlent pas !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Mais si vous, vous êtes d'accord, tant mieux !
Par ailleurs, je souhaite tout comme vous que l'on lutte contre les injustices par le biais d'une meilleure répartition de l'offre de soins. A cette fin, j'ai relevé le numerus clausus pour les étudiants en médecine, en vue de le porter à 7 000 à l'horizon 2006.
M. Gilbert Chabroux. Il avait déjà été relevé auparavant !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. M. Bernard Kouchner s'était engagé dans cette voie, cela est exact. Nous allons passer de 5 300 à 7 000 à l'horizon 2006.
S'agissant en outre de la désertification médicale, certaines zones de notre territoire connaissent en effet une pénurie de médecins, libéraux et hospitaliers. C'est la raison pour laquelle il faut tout faire pour inciter à l'installation.
Cependant, l'incitation ne servirait à rien, avez-vous prétendu. Offrir aux médecins libéraux, d'une part, une incitation financière, à hauteur de 13 000 euros par le biais de l'assurance maladie et de 10 000 euros par celui de la réduction de leur produit fiscal, et proposer aux médecins hospitaliers, d'autre part, que deux années de pratique puissent compter pour cinq au titre de leur déroulement de carrière, cela ne suffirait pas, selon vous.
En réalité, le décret que M. Jean-François Mattei avait élaboré permet de définir quelles sont les zones médicalement désertifiées. Dans ces dernières, on peut accorder les incitations précitées, mais le dispositif a dû être revu par le ministère chargé des finances, car, désormais, plus aucune zone n'est éligible en France ! (M. le président de la commission des affaires sociales rit.)
Mme Nicole Borvo. On va vous les indiquer, les zones !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Je vais examiner une nouvelle fois ce décret et élargir la zone géographique concernée, afin d'être certain que le dispositif d'incitation pourra fonctionner. (Exclamations sur les travées du CRC.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. En ce qui concerne le suicide, il est vrai qu'il s'agit, avec les violences routières, de la première cause de mortalité chez les adolescents. Je parle bien des adolescents, et non pas des adolescentes, parce que ces dernières, à partir de seize, dix-sept, dix-huit ans ou dix-neuf ans, sont souvent suivies par les gynécologues médicaux - à l'existence desquels nous sommes tous attachés - pour cause de prescription d'oestroprogestatifs. Quant aux garçons, qui n'ont guère l'occasion, à cet âge, de fréquenter les cabinets médicaux, ils ne veulent jamais avouer leurs souffrances psychologiques ; ils les gardent pour eux.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement va ouvrir des maisons des adolescents. Autant la protection maternelle et infantile, ou PMI, fonctionne très bien, autant les choses se compliquent au-delà. L'adolescent n'est pas pris en charge dans notre pays, et c'est pourquoi nous allons créer des maisons des adolescents avec des psychiatres, des associations d'usagers et de malades.
Je terminerai ma réponse à M. Chabroux en indiquant que nous travaillons actuellement à la mise en oeuvre d'un contrat cadre qui a été signé entre le ministère de la santé et de la protection sociale et le ministère chargé du travail. Cela a déjà permis de mettre en place, avec l'Institut de veille sanitaire, un dispositif de suivi à long terme des risques cancérogènes en entreprise.
A cet égard, le plan santé-environnement prévoira une réduction des seuils d'exposition aux produits cancérogènes en entreprise, tout particulièrement pour le plomb et les poussières de bois. L'évaluation des risques sanitaires sera renforcée pour toutes les substances chimiques.
M. Roland Muzeau. Les éthers de glycol !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. S'agissant toujours des liens entre la santé et l'environnement, le plan national présenté par le Premier ministre le 21 juin dernier est très ambitieux. En termes budgétaires, il comporte un effort important, puisque le ministère chargé de la santé consacrera dès l'année prochaine 100 millions d'euros à sa mise en application. Cela permettra notamment de lutter contre la légionellose, les intoxications au monoxyde de carbone et le saturnisme, cette dernière pathologie présentant une dimension sociale, puisque ce sont les gens les plus modestes qui sont touchés.
Vous avez eu raison, madame Létard, de souligner qu'il existe des différences, en matière d'espérance de vie, entre les personnes à revenus modestes et les chômeurs de longue durée, d'une part, et les cadres supérieurs, d'autre part, mais surtout en fonction des territoires. Vous avez d'ailleurs comparé la situation du Nord-Pas-de-Calais à celle de la région Midi-Pyrénées, et il est vrai qu'il existe des disparités au regard des facteurs de risque, ainsi qu'en matière de réseaux de soin. Nous devons évidemment travailler à les combler.
En outre, vous avez longuement évoqué l'obésité, sur laquelle je me suis déjà exprimé. En matière d'éducation nutritionnelle, il est important de souligner, comme vous l'avez fait, que les actions doivent être menées à l'échelon des collectivités territoriales, à l'exemple de l'expérience qui a été conduite dans les communes de Fleurbaix et de Laventie. Dès le mois de septembre, un label du programme national nutrition-santé sera décerné aux villes respectant un cahier des charges rigoureux. Au cours de la discussion des articles, je suis prêt à étudier avec le président de la commission des affaires sociales et le rapporteur comment nous pourrions redistribuer, au profit du financement d'actions locales, une partie de l'argent qui sera apporté par les industriels de l'agroalimentaire. Nous n'avions pas eu cette idée, que je trouve excellente.
S'agissant des médecins inspecteurs de santé publique, on ne peut en effet vouloir développer une culture de santé publique dans ce pays sans s'occuper de leur situation. Nous devons les aider. Qu'ils deviennent praticiens hospitaliers ne me gêne pas. Sur ce point, je vois que vous êtes très bien renseignée, madame Létard, puisque, à l'Assemblée nationale, je m'étais demandé si les praticiens hospitaliers donneraient leur accord à une telle mesure. Leur intersyndicale ayant donné son approbation, je me conforme à cette position. Toutefois, cette question relève de l'échelon interministériel : je suis ministre de la santé et de la protection sociale ; or le ministre d'Etat chargé des finances a son mot à dire, ainsi que M. Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Je vais donc travailler sur ce dossier. La réflexion doit aboutir rapidement, afin qu'un prochain vecteur législatif puisse être utilisé. Je pense ici au projet de loi relatif aux différentes fonctions publiques qui est en cours de préparation ou à un amendement portant sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, lequel devrait être examiné en première lecture par le Sénat à la rentrée.
M. Paul Blanc a appelé de ses voeux, quant à lui, l'acquisition d'une culture de santé publique. Il a estimé qu'il revenait à l'Etat de définir la politique de santé publique, et je le remercie d'avoir tenu de tels propos : cela est en effet absolument fondamental.
Vous avez rejeté la prohibition des distributeurs, monsieur Blanc. Je suis d'accord avec vous, mais il me semble que l'éducation nationale doit aussi jouer un rôle de modèle, de référence. (M. Gérard César approuve.) Sur ce plan, j'établirai un parallèle avec l'hôpital : quand un malade y mange un repas très gras, on peut dire que l'institution donne le mauvais exemple. Par conséquent, l'éducation nationale doit être une référence en matière de nutrition, et il convient d'éviter de proposer des produits trop sucrés à l'école par le biais des distributeurs. En outre, je suis comme vous favorable à l'exercice physique, monsieur Blanc. Vous avez tout à fait raison sur ce point.
Je me suis moi aussi interrogé sur l'opportunité d'une fusion entre le Haut conseil de la santé publique et le Conseil supérieur d'hygiène publique de France. J'avais conditionné mon accord à cette fusion à une meilleure répartition des tâches entre le futur Haut conseil et les agences sanitaires. Certains transferts de missions à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, et à l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, l'AFSSE, ont pu être débattus et approuvés par les structures concernées. Ils font l'objet d'un amendement que présentera le Gouvernement. Je suis donc maintenant favorable à ce projet de fusion.
Par ailleurs, je ne laisserai pas M. Muzeau dire que nous souhaitons privatiser le système de santé. (Exclamations sur les travées du CRC.)
Mme Nicole Borvo. On le dira tout de même, monsieur le ministre !
M. Roland Muzeau. Vous n'avez pas le droit de l'avouer, mais c'est bien de cela dont il s'agit !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Cela est faux, nous sommes autant que vous, sinon davantage, attachés au système de santé publique. Nous ne voulons pas privatiser l'hôpital public.
Mme Nicole Borvo. Vous ne nous empêcherez pas de parler !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Cela vous arrangerait bien, mais non, je n'entends pas privatiser le système de santé publique !
M. Roland Muzeau. Vous n'avez pas le droit de le dire !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Cela étant, si l'on ne fait rien, si l'on laisse le déficit de l'assurance maladie enfler au rythme de 23 000 euros par minute, comme c'est le cas actuellement, le recours aux assureurs privés et la privatisation du système s'imposeront. Je ne le veux pas, et nous sommes d'accord, me semble-t-il, pour refuser la privatisation.
M. Roland Muzeau. Oui, mais vous allez le faire tout de même !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. En revanche, vous avez eu raison d'affirmer, monsieur Muzeau, que le texte s'est enrichi au fil du débat parlementaire. Sachez que je n'ai aucunement l'intention de revenir sur les dispositions de la loi Evin.
M. Roland Muzeau. On verra au cours du débat !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Vous avez souligné dans votre intervention la nécessité de faire évoluer nos institutions de santé, à l'échelon tant régional que national. Vous reconnaissez les avancées permises en ce sens par le projet de loi, mais vous les jugez insuffisantes. Je vous répondrai que les réformes ne peuvent se faire que pas à pas, en vous assurant que nous sommes disposés à améliorer encore le texte au fil de la discussion.
Enfin, madame Desmarescaux, j'ai senti en vous une envie d'aller de l'avant en matière d'éducation pour la santé. Je crois qu'il s'agit là d'un point fondamental : je l'ai évoqué en entamant mon propos, j'y reviens maintenant en guise de conclusion.
Vous avez également estimé que les actions doivent concerner l'ensemble du grand public, et non pas uniquement les jeunes. C'est là un élément important. Si nous voulons aujourd'hui progresser en matière d'éducation pour la santé, il convient en effet de ne pas stigmatiser certaines personnes en fonction de leur âge ou de leurs conduites addictives. C'est là un problème de société qui nous occupe, et il faut généraliser la portée des messages d'éducation pour la santé.
En ce qui concerne les premix, ces boissons sont conçues pour attirer les jeunes vers l'alcool. Elles ont déjà fait l'objet de vives réactions chez certains de nos voisins européens. Ainsi, en Suisse, leur taxation a augmenté de 300 % cette année ; en Ecosse, 4 000 débitants de boissons ont refusé de commercialiser les premix, jugeant leur vente contraire à leur éthique professionnelle.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Philippe Douste-Blazy, ministre. Je rappelle que la proportion de buveurs réguliers d'alcool est passée de 16 % en 2000 à 18 % en 2002 chez les garçons âgés de dix-sept à dix-neuf ans, après avoir connu une diminution entre 1993 et 1999. En outre, la proportion de garçons ayant connu plus de dix ivresses au cours de l'année écoulée a également augmenté durant cette période, passant de 9 % en 2000 à 10 % en 2002. (M. Roland Courteau s'exclame.)
Je suis heureux, madame Desmarescaux, que vos préoccupations quant aux comportements à risques, particulièrement dans le domaine alimentaire, rejoignent les nôtres. Je vous confirme que nous travaillons en étroite liaison avec l'éducation nationale pour développer la prévention et l'éducation pour la santé dans les établissements scolaires.
Tels sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les premiers éléments de réponse que je souhaitais vous apporter. Je me tiens à votre disposition pour enrichir ce texte en fonction de vos remarques. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
POLITIQUE DE SANTÉ PUBLIQUE
CHAPITRE Ier
Champ d'application et conditions d'élaboration
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 72, présenté par MM. Chabroux, Godefroy et d'Attilio, Mme Campion, MM. Cazeau, Domeizel, Krattinger, Labeyrie et Lagorsse, Mme Printz, M. Roujas, Mme San Vicente, MM. Vantomme, Vezinhet et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La santé est une priorité nationale. Le système de soins est conçu et organisé en fonction des besoins des usagers. Il contribue à l'égalité des chances. Il est l'expression de la solidarité nationale.
Le droit à la santé est garanti à chacun afin de lui permettre d'accéder sur l'ensemble du territoire à des soins de qualité.
Pour garantir ce droit, l'Etat définit les objectifs de santé publique en lien avec les professionnels de santé, les usagers et les gestionnaires du système d'assurance maladie. Il répartit les moyens et organise l'offre de soins de façon à assurer à chacun la protection de la santé.
Ces objectifs sont fondés sur la prévention et l'amélioration des soins, pour que chacun bénéficie des progrès de la médecine. Ils permettent de lutter contre les comportements à risque pour la santé.
La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Cet amendement vise à poser des principes forts sur lesquels nous devrions tous être d'accord, dont ceux du droit à la santé, laquelle est une priorité nationale, et de l'égalité d'accès à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire. Le système de soins doit être conçu et organisé en fonction des besoins des usagers, contribuer à l'égalité des chances et exprimer la solidarité nationale.
Il serait bon de réaffirmer ces principes. Ils sont peut-être sous-jacents mais cela irait mieux en les exprimant. Nous souhaitons que la santé soit au coeur de notre projet de société au même titre que l'éducation, par exemple. Il ne saurait y avoir de démocratie achevée sans que les inégalités premières devant la maladie, le vieillissement et la mort ne soient fortement combattues.
Ces principes doivent donc être soulignés, d'autant plus que, malgré les progrès accomplis, de fortes inégalités demeurent dans notre pays alors que l'espérance de vie y est l'une des plus élevées du monde.
En effet, la France est le pays d'Europe occidentale où les inégalités devant la mort sont les plus importantes. C'est contradictoire mais tout de même explicable.
Les hommes qui sont cadres ou qui exercent une profession libérale ont une espérance de vie, à 35 ans, de six ans et demi supérieure à celle des ouvriers.
Concrètement, sur huit ouvriers de 35 ans, deux mourront avant 65 ans, alors que seul un cadre sur dix connaîtra le même sort.
Il y a donc des inégalités sociales qui s'expliquent malheureusement, qu'il faut constater, prendre en compte, et auxquelles il faut remédier.
Il y a aussi les inégalités géographiques qui ont été évoquées. Elles sont tout aussi marquées. Mais, je n'insisterai pas et ne citerai pas de chiffres. Derrière les statistiques, il y a la réalité de vie parfois faite de solitude, d'abandon, de détresse, ou tout simplement de douleur et de maladie. L'épisode de la canicule de l'été 2003 a révélé que notre société restait démunie à l'égard des populations les plus fragiles.
C'est pourquoi je me permets d'insister : il faut réaffirmer les principes du droit à la santé, de l'égalité d'accès à la santé sur l'ensemble du territoire, de la prévention, de l'amélioration des soins, et surtout les mettre en oeuvre en y consacrant les moyens nécessaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Francis Giraud, rapporteur. Monsieur Chabroux, les notions que vous venez de développer sont connues et tout à fait intéressantes.
Toutefois, comme en première lecture, je vous rappellerai simplement que le droit évoqué est inscrit et reconnu dans la Constitution.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je tiens à formuler une explication alors qu'il est question de l'accès à la santé pour tous.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué la démographie médicale.
Dans certaines régions, dont la mienne, la situation est catastrophique. Nous n'arrivons plus à faire en sorte que des médecins s'installent chez nous et nous avons donc les plus grandes difficultés à répondre aux besoins de la population.
Vous avez en partie répondu à ma question, monsieur le ministre.
Il serait peut-être souhaitable que des dispositions telles que celles qui avaient été prises lors de la présentation par M. Kouchner de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dispositions concernant les zones prioritaires de santé comme il y avait des zones prioritaires d'éduction, soient appliquées. Nous en avions beaucoup discuté et avions retenu le principe. Pourtant, à l'heure actuelle, il n'y a pas de mesures concrètes, et celles que vous avez annoncées ne sont pas mises en oeuvre pour l'instant.
M. Paul Blanc. Cela ne servirait à rien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Peut-être cela ne servirait-il à rien, mais il faudra le démontrer.
Monsieur le ministre, j'attire votre attention sur le sujet de l'assurance maladie. Savez-vous que, dans des régions comme la mienne, on ne pourra bientôt plus trouver un médecin traitant ? Les médecins refusent des clients parce qu'ils en ont déjà suffisamment. Il n'y a pas assez de médecins !
Dans ma région, qui n'est tout de même pas une région complètement déshéritée, il est impossible de trouver un seul pédiatre exerçant son activité en libéral.
Dans les hôpitaux, à une certaine époque, il nous a fallu faire en sorte de trouver des anesthésistes, dans des conditions que vous connaissez aussi bien que moi sinon mieux. L'hôpital ne pouvait plus fonctionner. Nous avions trois de ces spécialistes alors que quatorze postes étaient ouverts. Cela s'est un peu arrangé, mais il faut véritablement que des situations de ce type soient prises en compte.
En ce qui concerne la médecine libérale notamment, pour savoir si les mesures sont suffisantes ou non, il faut déjà les mettre en oeuvre. Il faut que ces mesures soient actives. Il faut que la facilité de s'installer soit reconnue. Il faut effectivement donner des avantages, sinon on ne pourra pas apporter de réponses à la question.
Je ne souhaite pas forcer le trait mais, aujourd'hui, dans ma région, lorsque l'on cherche un médecin traitant, un médecin généraliste, on se heurte à la réflexion suivante du médecin : Non, je ne peux pas vous recevoir, j'ai déjà ma clientèle, allez voir ailleurs !
Mais il n'y a pas d'ailleurs, monsieur le ministre !
M. François Autain. Il y a les urgences !
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est pourquoi il faut véritablement prendre cette situation à bras le corps. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.
M. Paul Blanc. Voilà un discours que je ne peux plus tolérer aujourd'hui, et ce pour une raison très simple : on a l'air d'oublier que, pour former un médecin, il faut au moins dix ans.
Dans ces conditions, si aucun médecin ne s'installe aujourd'hui dans les zones défavorisées en particulier, c'est parce qu'il y a une pénurie de médecins, tout simplement.
M. François Autain. Qui en est responsable ?
M. Paul Blanc. Il fallait y penser beaucoup plus tôt ! Il fallait augmenter le numerus clausus voilà plusieurs années. Que ne l'avez-vous fait ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Mais les choses étant ce qu'elles sont...
M. Paul Blanc. Mon cher collègue, je ne vous ai pas interrompu, et je vous demanderai donc de me laisser parler !
On savait très bien que, dans les années 2004 à 2006,...
M. Jean-Pierre Sueur. On ne peut pas passer son temps à parler du passé...
M. Paul Blanc. ... un nombre considérable de médecins partiraient à la retraite. Aujourd'hui, naturellement, on ne peut pas les remplacer parce que trop peu ont été formés.
M. François Autain. Qu'est-ce qu'il a fait, Juppé ? Rien du tout !
M. Paul Blanc. Nous devons tous battre notre coulpe !
M. Jean-Pierre Sueur. Tous !
M. Paul Blanc. Il y a plus de vingt ans que nous aurions dû former d'autres médecins. Nous ne l'avons pas fait, et ce parce que nous n'avons pas augmenté le numerus clausus.
M. Jean-Pierre Sueur. Cessons de parler du passé !
M. Paul Blanc. Voilà la vérité et vous en portez une part de responsabilité autant que nous, si ce n'est plus ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Monsieur Blanc, vos interventions me stimulent parce que vous avez tout de même dit plusieurs contrevérités, en particulier en ce qui concerne la responsabilité de la pénurie de médecins que l'on connaît actuellement.
Si le gouvernement en place en 1996, soit dix ans avant 2006, année où la pénurie risque de se faire particulièrement sentir, n'avait pas opéré une réduction drastique à l'occasion de sa réforme, il n'y aurait pas de pénurie !
M. Paul Blanc. Et le gouvernement précédent ?
M. François Autain. En effet, on pensait à l'époque qu'en réduisant le nombre de prescripteurs on allait réduire les dépenses de la sécurité sociale. Or ce calcul s'est révélé complètement faux.
Bien sûr, le gouvernement actuel est obligé, comme l'a d'ailleurs fait celui auquel appartenait M. Kouchner, d'augmenter le numerus clausus. On s'est effectivement aperçu qu'il était complètement erroné de penser que la réduction du nombre de prescripteurs entraînerait celle des dépenses de la sécurité sociale.
Aujourd'hui, on se trouve donc dans une situation dont les gouvernements, en particulier celui de M. Juppé, sont largement responsables. Il faut rétablir la vérité et non dire que nous, qui soutenions à l'époque un gouvernement de gauche, avons la même responsabilité que vous. C'est tout à fait différent ! (M. Paul Blanc s'exclame.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures.)
M. le président. La séance est reprise.