compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Serge Vinçon

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, vous semble-t-il bien raisonnable que le Sénat siège dans sa configuration actuelle compte tenu du faible nombre de sénateurs présents ? Alors que nous allons discuter des amendements de Jean-Pierre Sueur dont vous connaissez la grande qualité, je m'interroge quant à la possibilité que lui offre le débat parlementaire de convaincre des absents. Elle paraît relativement limitée, et il me semble donc que nous ne pouvons pas effectuer normalement notre travail.

Je soumets simplement cette interrogation à votre sagacité, monsieur le président.

M. le président. Je m'interroge et je conclus en mon âme et conscience que le Sénat est en situation de délibérer valablement, monsieur Frimat.

3

SOUHAITS DE BIENVENUE À UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE DE SLOVÉNIE

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le très grand plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d'une délégation du Conseil national de Slovénie, conduite par M. Janez Susnik, Président de cette assemblée.

En ma qualité de président du groupe interparlementaire d'amitié France-Slovénie du Sénat, je suis particulièrement heureux d'accueillir cette délégation quelques semaines après l'adhésion de la Slovénie à l'Union européenne et au lendemain de l'accord sur le projet de Constitution européenne.

Au nom du Sénat de la République, je leur souhaite la bienvenue et je forme des voeux pour que leur séjour en France contribue à renforcer les liens d'amitié entre nos pays, ainsi que les relations entre le Sénat et le Conseil national de Slovénie. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

4

Art. additionnel avant le titre Ier ou avant l'art. 1er ou avant l'art. 5 A (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Art. additionnel avant le titre Ier ou avant l'art. 1er

Libertés et responsabilités locales

Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 269, 2003-2004), modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux libertés et responsabilités locales. [Rapport n° 369 (2003-2004) et avis n° 368 (2003-2004).]

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen des amendements tendant à insérer un article additionnel avant le titre Ier ou avant l'article 1er.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Art. additionnel avant le titre Ier

Article additionnel avant le titre Ier ou avant l'article 1er

M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 249, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Lagauche, Dauge, Marc, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger, Reiner, Todeschini, Courrière et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel rédigé comme suit :

Tout transfert de compétences à une collectivité territoriale entraîne l'attribution à cette collectivité des moyens financiers permettant l'exercice normal de la compétence transférée.

Ces moyens sont réévalués régulièrement afin de prendre en compte l'évolution du coût de l'exercice de la compétence.

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement prévoit que « tout transfert de compétences à une collectivité territoriale entraîne l'attribution à cette collectivité des moyens financiers permettant l'exercice normal de la compétence transférée ».

Le principe posé par la Constitution dans son article 72 est celui de la neutralité financière : l'Etat transfère aux collectivités territoriales les sommes qu'il affectait antérieurement à l'exercice de la compétence. Cela nous semble insuffisant et il conviendrait, à notre avis, d'aller au-delà.

Dans leur proposition de loi, le président du Sénat et le Premier ministre actuellement en exercice, ainsi que quelques autres éminentes personnalités, étaient allés beaucoup plus loin puisqu'ils avaient demandé que soient transférés les moyens « nécessaires » à l'exercice de la compétence.

Pour notre part, nous demandons simplement et modestement que soit garanti « l'exercice normal de la compétence ». Il s'agit donc d'un amendement qui va de façon modérée au-delà des obligations constitutionnelles ; il est malgré tout important dans la mesure où son dernier alinéa précise que « ces moyens sont réévalués régulièrement afin de prendre en compte l'évolution du coût de l'exercice de la compétence ».

C'est là un problème tout à fait majeur puisqu'il s'agit non pas de considérer uniquement le coût de la compétence au moment du transfert, mais de prendre en compte l'évolution de ce coût. On sait en effet parfaitement que les choses bougent, que les normes deviennent de plus en plus rigoureuses et que l'Etat peut imposer aux collectivités, et s'imposer parfois aussi à lui-même, des obligations d'un coût très important.

On a souvent reproché, avec parfois quelque injustice, à la première décentralisation d'avoir minoré le coût des bâtiments scolaires, lycées et collèges transférés. C'est partiellement vrai, mais cela est notamment dû au fait qu'il n'avait pas été tenu compte, en particulier dans les villes - mais il était difficile d'y parvenir -, de l'explosion démographique dans lesdits établissements.

Si notre amendement était retenu, ce facteur pourrait dorénavant être pris en considération.

M. le président. L'amendement n° 250, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Lagauche, Dauge, Marc, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger, Reiner, Todeschini, Courrière et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel rédigé comme suit :

Tout transfert de compétences à une collectivité territoriale entraîne l'attribution à cette collectivité des moyens financiers permettant l'exercice normal de la compétence transférée.

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement est un texte de repli pour le cas où, par malheur, l'amendement n° 249 ne serait pas retenu. Il se limite à prévoir que soit garanti l'exercice normal de la compétence sans prendre en compte l'évolution du coût de la compétence transférée.

M. le président. L'amendement n° 258, présenté par MM. Sueur, Frimat, Peyronnet, Lagauche, Dauge, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Pour assurer la sincérité et l'équité des compensations financières, toute mesure législative ou réglementaire ayant pour objet de transférer une charge assumée par une collectivité territoriale à une autre collectivité territoriale doit prévoir les modalités de compensation.

L'amendement n° 259, présenté par MM. Sueur, Frimat, Peyronnet, Lagauche, Dauge, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Pour assurer la sincérité et l'équité des compensations financières, celles-ci sont calculées sur la moyenne actualisée des dix exercices budgétaires précédant celui au cours duquel le projet de loi, support à la loi n° du relative aux libertés et aux responsabilités locales a été déposé sur le bureau de l'une ou l'autre des assemblées parlementaires.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte de l'amendement n° 258 me paraît tout à fait explicite.

Je voudrais néanmoins profiter de l'occasion qui m'est donnée ce matin pour apporter deux réponses, faute d'avoir pu le faire hier soir, puisque, comme vous devez vous le rappeler, monsieur le président, il a fallu lever la séance de façon tout à fait impromptue à vingt-trois heures trente pour une réunion de la commission, dont nous pensions qu'elle n'était pas prévue ou qu'elle n'aurait pas lieu.

Ma première réponse s'adresse à M. René Garrec, président de la commission des lois, qui nous a brossé un tableau extrêmement flatteur de la réforme de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, arguant que cette dernière, présentée par M. Devedjian lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2004, nous permettrait de disposer d'une dotation de péréquation en très forte augmentation.

Monsieur Garrec, connaissant votre sérieux, je pense que vous avez été abusé. Il s'agit en effet d'un simple changement « optique » : on a ajouté aux dotations de péréquation qui existent déjà dans la DGF toute une série d'éléments qui n'en font pas partie ; il en est ainsi, par exemple, de la compensation de la part salariale de la taxe professionnelle. Si l'on prend cette dernière là où elle est pour la mettre dans une autre « boîte » que l'on va appeler « péréquation », cette boîte va forcément grossir. Mais si vous mettez là cette dotation, elle ne sera plus ailleurs ! Par conséquent, il est clair pour tout le monde qu'il s'agit d'un tour de passe-passe.

Il en va de même quand vous ajoutez la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, ou du moins ce qu'il en reste - cette dotation a été si malmenée au fil du temps qu'elle se trouve en piteux état, même si elle représente encore une certaine somme -, sans oublier le fonds national de péréquation. Par conséquent, ce changement d' « architecture » pour reprendre la formule de M. le ministre - j'ignore s'il faut aller jusqu'à parler d'« architecture » quand il s'agit tout simplement de changer des dotations de cases - n'apporte pas un euro aux collectivités locales ! Je tenais à faire cette mise au point de manière que les choses soient claires pour tout le monde.

Monsieur le ministre, vous nous avez demandé, hier soir, pourquoi nous n'avions pas réalisé toutes les réformes dont nous parlons. (M. le ministre délégué acquiesce.) Cette appréciation m'a paru quelque peu sommaire !

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur. Mais bien réelle !

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous rappelle que, entre 1991 et 1993, sous le gouvernement de M. Michel Rocard, nous avons eu l'honneur de présenter devant le Sénat et devant l'Assemblée nationale le projet de loi relatif à l'administration territoriale de la République. Le texte avait été voté à une voix de majorité à l'Assemblée nationale. C'est dire si la suite du processus était précaire, bien plus que dans le cas présent. Toutefois, le texte a pu être voté, au prix d'un gros travail et de longues discussions, notamment au Sénat.

Cette loi a créé les communautés de communes et les communautés de ville, et a entraîné un changement institutionnel considérable. Nous avons en effet assisté, depuis dix ans, à une révolution tranquille, celle de l'intercommunalité, qui a été portée ensuite par la loi de 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale. La France compte aujourd'hui plus de 2 500 communautés à fiscalité propre. Plus des trois quarts, voire les quatre cinquièmes des Français sont concernés. De fait, c'est un nouveau paysage qui s'est mis en place.

S'agissant de la péréquation et des dotations, je vous rappelle, monsieur le ministre, que la gauche, lorsqu'elle était au gouvernement, a créé la dotation de développement rural, malheureusement devenue ensuite, après édulcoration, la dotation de solidarité rurale. La logique d'aménagement a alors cédé la place à une logique de saupoudrage consistant à distribuer des sommes entre 33 000 communes, dans les conditions que j'ai soulignées hier.

Par ailleurs, nous avons créé bien d'autres dotations.

Ainsi, nous avons fortement conforté - encore qu'insuffisamment - la dotation de solidarité urbaine. Nous avons créé les dotations de péréquation entre les départements, les régions, et même entre les communes de la région d'Ile-de-France. Le bilan était loin d'être négatif !

Je peux citer également d'autres textes, notamment les textes relatifs aux mandats locaux, à l'action culturelle des collectivités locales, et même le texte ayant trait aux opérations funéraires.

Il y aurait d'ailleurs beaucoup à dire sur ce dernier point. Aujourd'hui, avec le développement du système des contrats d'obsèques favorisant la tendance à la concentration autour d'une seule entreprise ou d'un groupe unique, nous risquons de voir resurgir le monopole des pompes funèbres dont la loi de 1993 prévoyait la suppression.

S'agissant de l'amendement n° 259, ce dernier a pour objet de garantir les ressources des collectivités territoriales. En effet, force est de constater que les crédits budgétaires pour 2004 diminuent dans certains domaines où des transferts sont proposés. Aussi, afin de garantir la sincérité et l'équité des compensations financières, il est proposé que la période de référence pour le calcul de la compensation soit antérieure à la discussion des nouveaux transferts de compétences.

M. le président. L'amendement n° 263, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Marc, Lagauche, Dauge, Godefroy, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Pour assurer la sincérité et l'équité des compensations financières, les transferts de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales prévus par la présente loi entreront en vigueur lorsque la commission consultative d'évaluation des charges mentionnée à l'article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales en aura évalué la charge financière, et lorsque la loi de finances, sur la base de cette évaluation, aura prévu les modalités précises de leur compensation par l'attribution de ressources supplémentaires et évolutives aux collectivités territoriales.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Sur cet amendement de pur bon sens et de simple logique, j'espère vivement recueillir l'avis favorable de la commission, et peut-être aussi celui du Gouvernement.

En effet, dès lors qu'une commission d'évaluation des charges existe et que les résultats de ses travaux doivent figurer dans la loi de finances, il n'est pas pertinent de prévoir la mise en oeuvre des transferts de compétences prévus par le présent projet de loi avant l'accomplissement du travail de cette commission et l'inscription de ses résultats dans la loi de finances.

Si l'amendement n° 263 n'était pas adopté - dans son esprit, sinon dans sa lettre -, la commission d'évaluation des charges perdrait naturellement beaucoup de sa signification.

M. le président. L'amendement n° 265, présenté par MM. Sueur, Frimat, Peyronnet, Marc, Lagauche, Dauge, Godefroy, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

En vertu du principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités territoriales, tout transfert de compétences ne peut intervenir qu'à l'issue d'une évaluation précise et exhaustive de leur coût par la commission d'évaluation des charges prévue à l'article L. 1614-3 du code général des collectivités territoriales.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est un amendement de repli par rapport à l'amendement précédent.

M. le président. L'amendement n° 257, présenté par MM. Sueur, Frimat, Peyronnet, Lagauche, Dauge, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Lorsque l'Etat transfère des crédits qui ont fait l'objet, dans le cadre du contrat de plan Etat-région, d'une contractualisation, il est effectué préalablement à tout transfert une évaluation contradictoire de l'exécution des engagements réciproques. Le cas échéant et dans des conditions déterminées par une loi de finances, une dotation spécifique compense les engagements non respectés.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est très important à nos yeux, puisqu'il vise les contrats de plan, sujet auquel vous êtes particulièrement sensible, monsieur le président, comme d'ailleurs un certain nombre d'entre nous.

L'évolution des contrats de plan nous inquiète, notamment celui de la région Centre, qui comportait un certain nombre d'engagements pour les universités.

Nous craignons que, de régulation en régulation, de décision de M. Sarkozy en décision de M. Sarkozy - c'est là un aspect de l'action de M. Sarkozy sur lequel on met peu l'accent, mais qui s'effectue avec opiniâtreté, semaine après semaine -, la parole de l'Etat qui est inscrite dans les contrats de plan ne se trouve bafouée. Nous voyons qu'elle se trouve mise en cause tous les jours. Bien des collectivités sont en difficulté parce qu'elles ne peuvent plus mettre en oeuvre les projets qu'elles ont prévus conjointement avec l'Etat.

Cet amendement vise donc à prendre en compte les cas de transfert de compétence concernant un objet inscrit dans un contrat de plan en cours d'exercice. Il nous paraît important à cet égard de faire clairement figurer dans la loi que l'Etat attribue aux collectivités concernées l'équivalent des sommes qu'il s'était engagé à verser au titre du contrat de plan.

Chacun comprend bien l'importance de cette disposition. En effet, dans la phase actuelle, nous risquons de voir les engagements de l'Etat anéantis au motif que les sommes concernées ont fait l'objet d'une régulation.

C'est un amendement inspiré par un souci de vigilance, et j'espère vivement que le Sénat l'adoptera, à la suite à mon argumentation. Je suis bien sûr prêt à entendre une argumentation contraire, mais je m'interroge vraiment sur les arguments qui pourraient être opposés à ces dispositions de pure équité, qui conduisent l'Etat à respecter son engagement, ce qui est bien le moins.

M. le président. L'amendement n° 264, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Marc, Lagauche, Dauge, Godefroy, Cazeau, Chabroux, Reiner, Mano, Bel, Domeizel, Mauroy, Krattinger, Courteau et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Pour assurer la sincérité et l'équité des compensations financières, une annexe au projet de loi de finances décrit et explique les modalités précises du calcul de la compensation du coût des compétences transférées inscrites dans le projet de loi de finances. Elle justifie le montant de la compensation. Elle fait apparaître le détail de l'ensemble des dépenses que l'Etat a consacré à l'exercice de ces compétences au cours des dix derniers exercices budgétaires.

La Cour des Comptes formule un avis motivé sur cette annexe. Il accompagne le projet de loi de finances.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit, là encore, d'un amendement de repli. Nous demandons que les chiffres concernant les modalités du calcul de l'évaluation des charges transférées soient inscrits en annexe au projet de loi de finances. Je vois mal comment on pourrait s'opposer à cette mesure d'information élémentaire des membres du Parlement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L'amendement n° 249 est satisfait par l'article 88 bis du projet de loi qui pose le principe selon lequel « toute création ou extension de compétence... est accompagnée des ressources nécessaires déterminées par la loi ».

En outre, les modalités de la compensation financière relèvent de la loi de finances.

Par conséquent, je demande à M. Sueur de retirer cet amendement. A défaut, j'émettrai, au nom de la commission, un avis défavorable.

L'amendement n° 250 est satisfait par la rédaction actuelle de l'article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales. Il est inutile de répéter ce qui est déjà écrit et M. Sueur pourrait donc utilement retirer cet amendement.

L'amendement n° 258 est également satisfait, et pour les mêmes raisons.

L'amendement n° 259 vise à prendre en compte, comme période de référence pour le calcul de la compensation, les dix exercices budgétaires antérieurs à la discussion des nouveaux transferts de compétences. Cet amendement avait déjà été déposé lors de la première lecture. Mais les deux assemblées se sont entendues pour retenir, avec l'accord du Gouvernement, les périodes de référence de trois ans pour le fonctionnement et de cinq ans pour l'investissement. Chacun a reconnu qu'il s'agissait là d'une répartition équilibrée. Il convient donc, me semble-t-il, de s'y tenir.

La commission invite par conséquent M. Sueur à retirer cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

L'amendement n° 263 est satisfait par le droit en vigueur et par les articles 88 et 126 du présent texte. Il n'est pas utile de multiplier les répétitions.

M. Jean Chérioux. Bis repetita non placent ! Vous devriez inscrire cela en lettres d'or pour M. Sueur ! Et pourtant, il est professeur !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 265, je rappelle que le Sénat a renforcé le rôle de la commission consultative d'évaluation des charges. Par conséquent, l'amendement est largement satisfait, et M. Sueur, en étant pleinement rassuré, pourrait le retirer.

Quant à l'amendement n° 257, les deux assemblées ont prévu le maintien des financements de l'Etat et des collectivités territoriales figurant dans les contrats de plan. Il s'agit des articles 19 et 88 du projet de loi. L'amendement est donc satisfait.

Enfin, pour ce qui est de l'amendement n° 264, je rappelle que le Sénat a renforcé le contrôle des élus locaux sur l'évaluation des charges transférées en transformant la commission consultative sur l'évaluation des charges en une formation restreinte du comité des finances locales, présidée par un élu et composée à parité de représentants de la catégorie des collectivités territoriales et des ministères concernés. Cette commission sera naturellement consultée sur le projet de décret fixant les modalités de calcul du droit à compensation.

Par conséquent, les auteurs de l'amendement sont satisfaits et devraient pouvoir retirer ce dernier, sans dommage. A défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur. J'ai pris connaissance très attentivement de chacun de ces amendements. Je ne voudrais pas être redondant par rapport à l'analyse détaillée qui vient d'être faite par M. le rapporteur, analyse que j'approuve, bien entendu.

En même temps, je souhaite la compléter sous la forme d'une petite boutade. En effet, puisque nous démarrons notre journée de travail, autant le faire avec le sourire. J'entendais le rapporteur employer, à plusieurs reprises, l'adjectif « satisfait », et ce à juste titre car chaque amendement a trouvé sa réponse, notamment dans les dispositions du projet de loi.

Mais si je devais aller au-delà, je dirais que le Gouvernement a tout prévu. En effet, la manière dont il a organisé les choses est telle que l'on pourrait employer l'expression « satisfait ou remboursé » ! (Sourires.)

A y regarder de près, la Constitution a bien fixé les choses : s'il apparaissait que telle ou telle décision de transfert de compétences n'était pas compensée par un transfert de ressources correspondantes, le Gouvernement se verrait naturellement censuré.

Mme Nicole Borvo. Par quoi ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. La Constitution prévoit en effet cette compensation à l'euro près.

Par conséquent, de ce point de vue, notre gouvernement a tout prévu, ce qui n'a peut-être pas toujours été le cas dans le passé, et c'est le moins que l'on puisse dire. Vous faisiez l'éloge, monsieur Sueur - et c'est tout à fait légitime -, de votre propre action au sein de ce ministère voilà quelques années. Reconnaissez avec moi qu'entre votre passage et le mien, si j'ose dire, il y a eu quelques dérives.

M. Jean-Pierre Sueur. Quelle fâcheuse discontinuité ! (Sourires.) C'est dommage pour nous deux, monsieur le ministre !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Absolument ! Nous aurions dû, à nous deux, couvrir le spectre !

Mais il a fallu entre-temps tout de même imposer aux collectivités locales le dispositif des 35 heures, ...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... mais aussi l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, et d'autres prestations non compensées. Je conçois que la relation de confiance entre les collectivités locales et l'Etat ait été durablement entamée !

Que vous exprimiez cette inquiétude, je le comprends, car vous êtes, ce faisant, tout à fait dans votre rôle. De son côté, le Gouvernement a bien entendu le message, il l'a même anticipé. C'est vrai pour le principe - la Constitution prévoit désormais un verrou qui n'existait pas auparavant -, c'est vrai aussi pour les modalités, avec, comme le rappelait fort justement M. le rapporteur, la commission consultative sur l'évaluation des charges, commission dont nous avons même modernisé le fonctionnement afin d'en renforcer l'efficacité et la transparence, sans oublier naturellement les durées de calcul, notamment les cinq ans de l'évaluation rétrospective.

Tout cela fait finalement un dispositif de nature, me semble-t-il, à rétablir les relations de confiance qui doivent exister, et qui existeront désormais, entre l'Etat et les collectivités locales. C'est, en tous les cas, le sens de notre débat qui doit, là aussi, conforter nos convictions.

En conclusion, j'invite le Sénat à rejeter ces différents amendements, sauf à ce que M. Sueur, convaincu par la double argumentation de la commission et du Gouvernement, ait l'intention de les retirer, ce qui serait une manière de poursuivre dans la logique d'un consensus dont je rêve sur un sujet aussi transversal que celui-ci. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Chérioux. M. Sueur n'arrive même pas à se convaincre lui-même !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 249.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je n'expliquerai mon vote que sur deux des huit amendements en discussion commune.

M. Jean-Pierre Sueur. Je vois que cela réjouis M. Chérioux. (Sourires.)

M. Jean Chérioux. Non, j'adore la répétition ! J'ai du mal à comprendre du premier coup...

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne vais pas me répéter, monsieur Chérioux, je vais indiquer à M. le ministre et à M. le rapporteur, premièrement, que nous maintenons tous nos amendements et, deuxièmement, que nous ne sommes pas emplis de la satisfaction qui semble les envahir.

En effet, il est tout de même très délicat de soutenir que ce texte suscite une intense satisfaction chez les élus locaux, sans parler du reste de nos concitoyens : nous en sommes même très loin !

Pour en revenir à cet amendement n° 249, pourquoi est-il si important ?

La Constitution prévoit que, lorsqu'il y a transfert de charges, l'Etat transfère à la collectivité les sommes que lui-même affectait à cette compétence. Mais nous savons très bien ce qui se passe toujours dans ces cas-là, et nous en avons l'expérience avec les lycées et les collèges.

Si le transfert des TOS, ces personnels techniciens, ouvriers et de service, a bien lieu, malgré tout ce que nous en avons dit hier, je puis vous assurer que, dès le lendemain du transfert, on se tournera vers les départements et vers les régions en faisant valoir qu'il manque un grand nombre de postes. Par conséquent, les départements et les régions devront forcément supporter des dépenses supplémentaires.

M. Robert Bret. Et augmenter les impôts !

M. Jean-Pierre Sueur. Cela vaudra en particulier aussi pour les équipements hospitaliers, dont nous avons dit hier à quel point ils étaient coûteux.

Il y a quand même plus qu'une nuance entre le fait pour l'Etat de verser ce qu'il consacre aujourd'hui à la compétence transférée, qui n'est que l'application de la Constitution, et le fait de verser ce qui correspond, à la date du transfert, à l'exercice normal de la compétence transférée. Pour beaucoup de collectivités qui connaissent des difficultés, qu'il s'agisse de communes, de départements ou de régions, ce n'est pas du tout indifférent.

Monsieur le ministre, si vous n'acceptez pas cet amendement, nous ne serons certes pas emplis de satisfaction !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo. Nous sommes à ce point opposés à l'économie générale de ces transferts que nous n'avons même pas déposé d'amendements, à l'inverse de nos collègues du groupe socialiste. Cela étant, monsieur le ministre, nous avons déjà eu beaucoup d'échanges avec vous (M. le ministre délégué opine), et vous nous avez assuré solennellement que, bien sûr, il y aurait péréquation et transfert des ressources équivalentes, parce que c'est inscrit dans la Constitution. Mais, comme mon collègue vient de le démontrer, ce qui est inscrit dans la Constitution ne l'est pas à l'euro près.

En plus, je ne vois pas ce qui peut vous gêner dans ces amendements : au contraire, ils ont le mérite de préciser le dispositif. En effet, lors de la discussion du projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, nous n'avons pas pu avoir de débat sur la péréquation ; on nous a renvoyés à plus tard. Cependant, depuis, les départements font l'expérience de ce qu'il en est du RMI, devenu RMA, et ils se rendent compte que les ressources transférées, qu'ils n'ont d'ailleurs pas encore perçues, ne correspondent pas, et je le déplore, à l'évolution que l'on peut qualifier de galopante du nombre des allocataires du RMI.

L'expérience aidant, chacun peut légitimement se demander comment l'Etat va respecter les engagements qu'il a pris de façon un peu générale et pas du tout explicite à l'occasion de la réforme constitutionnelle.

Mon groupe va donc voter ces amendements, tout particulièrement les amendements n°S 258, 263 et 265, dont on ne comprend pas qu'ils puissent gêner M. le ministre, sauf à ce que celui-ci ait une définition vraiment très personnelle du consensus : les dispositions prévues par ces amendements nous permettraient en effet de nous mettre éventuellement d'accord, si du moins tel est bien l'esprit qui préside à nos débats, sur le fait que tant l'évaluation que le transfert des ressources seront transparents et honnêtes.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ces amendements sont redondants !

Mme Nicole Borvo. Nos collègues du groupe socialiste ont bien raison de maintenir ces amendements. Il est inutile de chercher à nier l'inquiétude des élus locaux quant aux modalités du transfert des ressources ; tous les présidents de conseils généraux s'en sont émus. Voilà pourquoi nous devrions prendre des garanties en votant ce type de correctif.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 249.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 250.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 258.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 259.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 263.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 265.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 257.

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne peux pas laisser sans réponse les propos tenus tant par M. le rapporteur que par M. le ministre sur cet amendement n° 257. Nous dire, au sujet des contrats de plan, que tout est prévu, que tout se déroule pour le mieux, que le projet de loi dont nous discutons offre toutes les garanties nécessaires et que nous devons donc être pleinement satisfaits, cela confine au cynisme !

Mes chers collègues, je ne demande qu'à être démenti, mais quelle est la réalité aujourd'hui ? Dans de nombreuses régions, le désengagement de l'Etat par rapport aux chiffres inscrits dans les contrats de plan atteint plus du tiers de ce que l'Etat devait apporter aux régions à ce titre.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela se traduit dans bien des domaines - universités, routes - par des retards dans la réalisation de nombreuses infrastructures, voire par un désengagement, un renoncement pur et simple à des projets qui donc ne se feront pas. Or les contrats de plan, dont je rappelle qu'ils ont été créés par M. Michel Rocard et sous des gouvernements de gauche, sont, sinon la seule, du moins l'une des formes de planification qui donnent des résultats en France. En effet, quand l'Etat et les collectivités se sont engagés sur des chiffres pour une période de cinq ans, on peut espérer que cela se traduira réellement dans les faits. Très souvent, d'ailleurs, les engagements ont été tenus.

Aujourd'hui, la réalité est navrante : quelques chiquenaudes de M. Sarkozy à Bercy auront suffi à réduire à néant un tiers des engagements de l'Etat. Ce n'est pas respectueux des collectivités locales, et ce n'est bon ni pour le développement économique de notre pays ni pour la croissance.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, ce qui se passe aujourd'hui dans le pays devrait vous conduire à soutenir cet amendement qui tend à faire en sorte qu'à l'avenir, lorsque des compétences seront transférées pour des projets inscrits dans des contrats de plan, l'Etat dote les collectivités concernées des financements naguère inscrits à son débit dans les contrats de plan avec les régions.

Si nous ne prenons pas cette précaution, nous cédons à une conception très aventuriste, très peu prudente de cette réforme, contrairement à ce qu'exigerait une analyse réaliste de la situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui du fait de l'action de ce gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Eric Doligé, pour explication de vote.

M. Eric Doligé. Permettez que je prenne cinq minutes pour répondre à M. Sueur, que nous avons dû écouter pendant trois heures hier et encore près d'une heure ce matin.

Mme Nicole Borvo. C'est vraiment agréable à entendre !

M. Eric Doligé. D'autant que les trois sénateurs du Loiret sont aujourd'hui présents et qu'ils connaissent fort bien le contrat de plan de la région Centre et ses conséquences dans le Loiret.

J'entends ici des choses totalement surprenantes : tout allait pour le mieux avant, quand la gauche mettait en place les contrats de plan, et tout va mal aujourd'hui !

Mes chers collègues, sachez qu'il n'y a pas pire que la mise en route du contrat de plan entre l'Etat et la région Centre. Il suffit pour s'en convaincre de considérer les engagements qui ont été pris pour le réseau ferré : au départ estimés à 100, ils sont aujourd'hui valorisés à 170 et, sur ces 170, au bout de quatre ans, 3 % sont mis en oeuvre, par la faute de la région et non par la faute de l'Etat.

M. Jean-Pierre Sueur. Moi, je ne parle pas de la région, je parle de l'Etat !

M. Eric Doligé. En matière culturelle, nous en sommes aujourd'hui - au bout de quatre ans sur six années d'exécution - à 2 % et, dans tous les domaines, nous avons accumulé un retard considérable. Il faut dire que la région s'est fait un plaisir de contrecarrer la mise en oeuvre du contrat de plan pendant les années où elle pouvait le faire et qu'aujourd'hui elle a encore plus de plaisir à constater les gels. Des gels, il y en a, et pour cause : rien n'a été utilisé !

Le retard accumulé est tout à fait inédit en matière de contrat de plan, car la politique qui a été suivie a été tout autre que celle pour laquelle le contrat avait été signé à l'origine.

En matière économique, on en est encore au point zéro, et pour mon département, c'est encore moins, si je puis dire, car nous n'avons rien vu passer au titre du contrat de plan. Alors vraiment, quand j'entends porter aux nues ce qui a été fait avant, je ne peux m'empêcher de réagir !

Il est vrai que nous avons de quoi être prudents et que nous pouvons nourrir quelques inquiétudes par rapport à l'Etat en général, nous qui avons été si bien habitués à ce qu'il ne respecte pas sa parole ! Je vous rappelle que nous avions signé avec Mme Voynet un contrat de plan pour la Loire. Pendant cinq ans, Mme Voynet n'a rien fait et aucun des financements n'a été utilisé. L'Etat n'a pas honoré les engagements qu'il avait signés, il en a même pris le contre-pied.

Que vous vous exprimiez, c'est votre droit, mais il nous faut de temps en temps rétablir la vérité, monsieur Sueur ! Le Gouvernement a prévu un certain nombre de garde-fous qui me donnent toute confiance pour l'avenir. Mais, pour ce qui est du passé, regardez les chiffres, regardez les résultats!

M. Claude Estier. Et vous, regardez les résultats des élections !

M. Eric Doligé. Ne vous gargarisez pas du résultat que vous avez obtenu, encore faut-il qu'il soit confirmé ! Nous allons d'ailleurs redresser la situation !

Les électeurs ne peuvent pas être satisfaits lorsque nos collectivités sont obligées de faire appel à eux s'agissant, par exemple, de l'APA. Vous oubliez tout cela ! Eu égard au poids de l'organisation, il est tout de même sidérant de voir que la mise en place de l'APA a été effectuée en une heure : le dispositif a été effectif un 31 décembre à minuit pour être applicable le 1er janvier à une heure du matin !

M. Claude Estier. Vous allez faire la même chose pour l'assurance maladie au mois de juillet !

M. Eric Doligé. Les 35 heures, nous continuons aussi de les subir de plein fouet ! Et, s'agissant des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, un projet de loi de modernisation de la sécurité civile recadre heureusement les choses !

Sur tous ces dossiers, nous supportons aujourd'hui les erreurs que vous avez commises ! Progressivement, nous les rectifions, mais ce n'est pas facile parce que nous partons de tellement loin qu'il nous est particulièrement difficile de les remettre en ordre.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas l'amendement n° 257. En dépit de toutes les inexactitudes que M. Sueur proférera certainement dans cette enceinte - je m'y attends -, je ne reprendrai pas la parole. Si son intervention s'inscrit dans la même veine que celle qu'il vient de faire, sans doute bondirai-je sur mon siège...

M. Claude Estier. Restez calme !

M. Eric Doligé. Eh oui, cher collègue !

Il faut savoir ne pas caricaturer une situation ! Mes chers collègues, je pense que vous êtes plutôt en train de vous souvenir de vos erreurs et de les décrire. Vous vous repassez en quelque sorte le film d'il y a quelques années ! Je suis navré d'entendre tous ces propos.

Dans ces conditions, je ne peux pas voter cet amendement, pas plus que les suivants.

M. le président. La parole est à Mme Janine Rozier, pour explication de vote.

Mme Janine Rozier. Comme il a été question des trois sénateurs du Loiret, je me permets d'intervenir pour cautionner les propos du président Eric Doligé. Comme lui, je témoigne de la grande souffrance de la région Centre, s'agissant de tous les contrats de plan que M. Sueur a évoqués.

Par ailleurs, j'ai souffert, en d'autres temps et en d'autres lieux, du verbiage de M. Sueur...

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 257.

M. Bernard Frimat. Je vous prie tout d'abord de m'excuser de ne pas être du Loiret, puisque cette qualité semble être essentielle pour intervenir dans ce débat ! (Sourires.)

M. Eric Doligé. Il n'y a plus de place !

M. Bernard Frimat. Toutefois, au lieu de parler du Loiret et de la région Centre, si nous parlions du sujet qui nous occupe ? Les électeurs de la région Centre se sont exprimés, nous en prenons acte avec calme et sans bondir !

Essayons de relativiser la question qui est posée. Les contrats de plan ne datent ni du dernier gouvernement ni des gouvernements précédents. En réalité, il y a quelques générations de contrats de plan.

Les contrats de plan ont été mis en oeuvre, alors que, à l'échelon gouvernemental, six alternances se sont succédé. Voilà qui doit nous conduire, pour apprécier leur exécution, à faire preuve d'un certain relativisme.

Très souvent, nous le constatons, les contrats de plan ont été, pour le pouvoir en place, un moyen de reporter sur les collectivités un certain nombre de charges, mettant ainsi les crédits d'Etat à l'encan de la collectivité qui apportait son complément.

Par ailleurs, leur exécution - c'est une constante - a toujours connu des retards. Je ne dis pas ici qu'elle était en retard pour telle ou telle raison ; elles ont pratiquement toutes subi des retards.

Lorsque j'enseignais à l'université d'Alger, un secrétaire général du parti dominant avait eu une célèbre formule que je cite de mémoire : mesdames, messieurs, le plan quinquennal, nous le réaliserons, même s'il faut mettre dix ans ! Nous sommes ici dans la même veine. Les contrats de plan ont toujours accusé un certain retard.

J'en reviens à l'amendement n° 257. La géographie change et, à partir du moment où toute une série d'éléments faisant partie intégrante du contrat de plan sont transférés, il est légitime que nous nous interrogions sur le devenir des financements prévus dans le cadre du contrat et qui ne sont pas exécutés pendant la période contractuelle. Il y a changement de nature puisqu'il y a transfert.

Nous n'exigeons là rien d'extraordinaire avec l'amendement n° 257 ; il n'est nul besoin de se demander longuement si le contrat de plan Etat-Loire a été ou non respecté. Ce n'est pas vraiment notre problème, même si la question est très importante. Nous demandons tout simplement une évaluation contradictoire de l'exécution des engagements réciproques. Est-ce si difficile de l'accepter ? Que l'on se mette autour de la table, que l'on fasse le point et que l'on dise où l'on en est ! Cette mesure doit être relativement facile à mettre en place.

Dès lors, si les engagements ne sont pas respectés - et, en la matière, le libellé peut être différent, car nous faisons non pas un procès d'intention mais un constat -, et nous savons tous que certains engagements ne le seront pas, une dotation les compensera. Les dernières déclarations de M. de Robien en la matière sont d'ailleurs d'une très grande clarté : il a expliqué que, compte tenu du retard, les engagements seraient réalisés plus tard.

Selon nous, nous devons donc essayer de consolider les engagements qui ne sont pas respectés et de prévoir une dotation spécifique, afin de ne pas reprendre demain des crédits sur les sommes qui auront été transférées.

Cet amendement ne devrait pas nous diviser, car il n'est pas une critique spécifique de l'action que vous avez menée, mes chers collègues. Nous tirons simplement le constat d'une expérience de vingt ans en matière de contrats de plan.

En conséquence, je soutiens l'amendement de mon collègue Jean-Pierre Sueur, et ce pour deux raisons.

Tout d'abord, les deux sénateurs du Loiret appartenant à l'actuelle majorité seront heureux de constater que notre collègue Jean-Pierre Sueur n'est pas seul. (Sourires.)

Ensuite, sur le fond, il s'agit simplement d'un amendement de bon sens. Le président du Sénat aime les métaphores sportives. Dans une interview télévisée, il a célébré les deuxièmes mi-temps, ce dont nous nous réjouissons. Pour ma part, je souhaite simplement que vous ne soyez pas hors-jeu, mes chers collègues !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 257.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 264.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Doligé, je crains que vous ne vous trompiez quelque peu d'enceinte ! Nous ne sommes pas ici au conseil général du Loiret, qui est une assemblée tout à fait estimable, vous le savez bien.

Pour ma part, je regrette que vous sembliez poursuivre une campagne électorale qui est achevée. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Peyronnet. C'est évident ! (M. Jean Chérioux s'exclame.).

M. Bernard Frimat. Vous n'êtes pas du Loiret, monsieur Chérioux !

M. Jean-Pierre Sueur. J'ai parlé de l'ensemble des crédits de l'Etat pour l'ensemble des contrats de plan de France, qu'il s'agisse de la métropole ou de l'outre-mer. C'est cela le sujet. J'ai pris, c'est vrai, l'exemple de la région Centre.

M. Eric Doligé. Mauvais exemple !

M. Jean Chérioux. Il ne fallait pas le donner !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais, je le sais bien, quelques difficultés de compréhension, voire quelques divergences politiques, sont nées entre tel département appartenant à la région Centre et la région elle-même. Les électeurs ont voté et il se trouve que l'exécutif de la région est confirmé. Je pense qu'il serait maintenant sage que la région et les départements travaillent ensemble. Si je puis contribuer à ce que cela se passe au mieux, soyez-en certains, je le ferai très volontiers, mes chers collègues.

La question qui est ici posée concerne les crédits de l'Etat. Comme M. Frimat l'a excellemment indiqué, si l'on recense ce qui s'est passé au cours des six précédents gouvernements en matière de crédits de l'Etat, il y a beaucoup de choses à dire. Toutefois, lorsque nous déclarons aujourd'hui que les crédits sont gelés, ce n'est pas du tout pour engager une polémique.

Monsieur le président, vous connaissez d'ailleurs très bien ces questions et, nous le savons tous, vous les avez suivies de près. Cela nous permet d'ailleurs d'en parler en toute sérénité, même si vous, pour votre part, ne pouvez pas intervenir... Nous comprenons donc la difficulté qui est la vôtre, et ne croyez pas surtout pas que nous voulions susciter une polémique. On peut d'ailleurs reprocher des choses au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Nicolas Sarkozy, mais on ne peut pas lui reprocher de ne pas dire la vérité : lui-même a affirmé qu'il gelait ces crédits.

M. Jean-Pierre Sueur. M. de Robien et d'autres ministres le confirment, tout comme d'ailleurs les préfets dans les départements et dans les régions.

Aujourd'hui, quand j'affirme qu'un tiers des crédits de l'Etat au moins ne seront pas octroyés, je ne fais que répéter ce que dit le Gouvernement !

M. Roland Muzeau. Et la droite n'entend rien !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Doligé, madame Rozier, il me semble donc important, pour l'avenir, quel que soit le gouvernement, qu'il soit de gauche ou de droite - et nous espérons, pour notre part, qu'il sera de gauche -, de prévoir des mécanismes tels que si, avant l'échéance d'un contrat de plan, l'Etat transfère une compétence, il ne réponde pas qu'il n'a plus rien à verser. Cela participe d'une bonne gestion pour l'ensemble de la République. M. Chérioux souscrit d'ailleurs à mes propos, et j'en suis vraiment ravi ! (Sourires.)

M. Jean Chérioux. C'est de la télépathie, alors ! Vous êtes plus fort encore que je ne le pensais ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 264.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel avant le titre Ier ou avant l'art. 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Division additionnelle avant le titre Ier

Article additionnel avant le titre Ier

M. le président. L'amendement n° 256, présenté par MM. Peyronnet, Frimat, Sueur, Lagauche, Dauge, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

« La conférence nationale permanente de la décentralisation est présidée par le Premier ministre.

« Elle comprend des représentants du Parlement, dont les premiers vice-présidents, des représentants de l'Etat et des différentes catégories de collectivités territoriales et de groupements.

« Elle est consultée sur tous les projets de textes juridiques organisant des transferts de compétence entre l'Etat et les collectivités territoriales ou leurs groupements.

« Elle procède à une évaluation permanente, et au moins annuelle, du fonctionnement et des coûts des transferts effectués à la suite du vote de la loi constitutionnelle n° 2003276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République.

« Elle fait toute proposition en vue d'assurer un juste équilibre financier entre l'Etat et les diverses catégories de collectivités territoriales et de groupements et entre ces diverses catégories ellesmêmes.

« La Commission pour l'évaluation des charges transférées aux collectivités locales et le Comité des finances locales constituent des sections de la Conférence nationale permanente de la décentralisation.

« Aucune charge nouvelle résultant d'un accord national salarial, y compris les rémunérations accessoires, entre les partenaires sociaux et l'Etat ou résultant d'une décision gouvernementale pouvant l'un et l'autre entraîner des conséquences financières sur les budgets des collectivités territoriales et de leurs groupements ne peut être transférée sans l'accord de la Conférence nationale permanente de la décentralisation statuant à bulletins secrets et à la majorité des deux-tiers au moins des membres de la conférence.

Un décret en Conseil d'Etat prévoit les modalités de mise en oeuvre des dispositions du présent article.

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Nous proposons ici une piste qui a été lancée par la commission Mauroy.

Sans arrêt, on nous rétorque que la commission Mauroy a fait ceci ou cela, mais les sénateurs siégeant sur les travées de droite n'en retiennent que des aspects prétendument négatifs et l'on oublie que, dans tous les cas, les propositions étaient consensuelles, car elles résultaient d'un compromis.

En l'occurrence, l'amendement n° 256 vise à créer une conférence nationale permanente de la décentralisation, qui aurait un double objet.

Le mécanisme prévu serait tout d'abord plus précis que celui que vous avez mis en place, monsieur le ministre, à l'article 88 A du projet de loi, et qui a été amélioré, je le reconnais, par l'Assemblée nationale, à savoir l'évaluation du coût des transferts.

Le coût des transferts doit être évalué - j'insiste sur cet aspect des choses - dans la durée. A cet égard, s'agissant des amendements nos 249 et suivants tendant à insérer un article additionnel avant le titre Ier ou avant l'article 1er, je ne suis pas d'accord avec M. le rapporteur. Ces derniers ne sont pas satisfaits par le projet de loi. En effet, celui-ci ne prend pas en compte l'évolution des normes ni celle des charges imposées par les décisions d'Etat.

Avec cette conférence, il s'agit de tenir compte de l'évolution des charges des collectivités, y compris de celle qui ne résulterait pas forcément de décisions. J'ai pris tout à l'heure l'exemple d'une explosion démographique dans le monde de l'éducation.

Ensuite - c'est un fait tout aussi important -, nous constatons que, s'agissant des personnels, les collectivités locales sont absentes des discussions qui sont pourtant lourdes de conséquences pour elles.

Je pense aux discussions salariales nationales dans lesquelles les syndicats sont tout naturellement partie prenante face au ministre de la fonction publique, voire au Premier ministre.

Je pense également aux évolutions indiciaires ou indemnitaires, qui sont souvent réglées par des discussions au sein du ministère de l'intérieur ou de l'emploi et qui sont validées par des instances nationales dans lesquelles les collectivités locales ne sont pas du tout présentes.

Enfin, je pense également à l'évolution des normes, en matière desquelles on nous impose des règles très lourdes ; M. Doligé faisait tout à l'heure allusion aux SDIS. Le projet de loi relatif à la sécurité civile que nous avons examiné voilà une dizaine jours prévoit un mécanisme que nous pourrions intégrer dans ce dispositif.

Il s'agit de permettre aux collectivités locales d'être des partenaires à part entière, au même titre que les organisations syndicales, face au Gouvernement : ainsi, la discussion serait non plus bipartite, mais tripartite, et les collectivités locales seraient enfin entendues sur le plan national.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement avait déjà été déposé lors de la première lecture.

La commission des lois ayant proposé, dans un souci de simplification, dont je note qu'il avait été salué par les membres du groupe socialiste, la suppression de divers comités inutiles et coûteux - c'est d'ailleurs un effort auquel nous nous livrons tous -, il ne semble donc pas opportun de créer une nouvelle structure lourde et probablement inefficace.

Comme je l'ai indiqué précédemment, le Sénat a renforcé le contrôle des élus locaux sur l'évaluation des charges transférées en transformant la commission consultative sur l'évaluation des charges en une formation restreinte du comité des finances locales présidée par un élu local.

Nous avons là un dispositif équilibré, économe, qui évite le superflu. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 256.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. L'avis du Gouvernement est, cette fois, franchement défavorable.

Créer une instance qui viendrait coiffer deux instances qui existent déjà et qui sont, de plus, reconnues pour leur objectivité et leur compétence, à savoir le comité des finances locales et la commission consultative d'évaluation des charges, ne me paraît pas, honnêtement, être une bonne idée.

De plus, la commission consultative d'évaluation des charges a, comme le rappelait M. le rapporteur, été modernisée, en tout cas réformée, et est désormais présidée par un élu et non plus par un magistrat.

La procédure étant désormais claire, transparente, rien ne justifie donc la création de cette nouvelle instance.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Peyronnet. Sans être toutefois convaincu que j'emporterai votre adhésion, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je me permets d'insister sur le fait que les collectivités locales sont totalement absentes de discussions qui se solderont par des répercussions sur leur budget : elles ne sont pas le moins du monde consultées en ce qui concerne les évolutions salariales de la fonction publique ou les conventions collectives. Ces dernières - les présidents de conseils généraux ici présents le savent très bien - ont pourtant des répercussions très lourdes sur les budgets sociaux des collectivités locales, en particulier des départements.

Or, la prise de ces décisions leur échappe définitivement et complètement. Le ministre de la santé, par exemple, prend des mesures qui sont négociées directement avec les organisations syndicales, avant de s'imposer aux collectivités locales et d'avoir des répercussions financières sur leur budget.

Je regrette que cet aspect des choses ne soit pas pris en compte. Il faudra bien, un jour ou l'autre, qu'il le soit.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 256.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel avant le titre Ier
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Intitulé du titre Ier

Division additionnelle avant le titre Ier (suite)

M. le président. L'amendement n° 255, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Lagauche, Dauge, Marc, Reiner, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger et Todeschini, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un titre additionnel ainsi rédigé :

Titre ... : Dispositions tendant à assurer la transparence, le suivi, l'équité des transferts de compétence, à veiller à leur neutralité financière et à orienter leur compensation financière pour une plus grande égalité entre les territoires.

Cet amendement n'a plus d'objet.

TITRE Ier

LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, L'ORGANISATION TERRITORIALE DE L'ÉCONOMIE TOURISTIQUE ET LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Division additionnelle avant le titre Ier
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Art. additionnels avant l'art. 1er

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans l'intitulé de ce titre, remplacer les mots :

l'organisation territoriale de l'économie touristique

par les mots :

le tourisme.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Il s'agit simplement d'un amendement de nature rédactionnelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 17.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'intitulé du titre Ier est donc ainsi modifié.

Intitulé du titre Ier
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Art. 1er (début)

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 244, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Lagauche, Dauge, Marc, Godefroy, Domeizel, Mauroy, Mano, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger, Reiner, Todeschini, Courrière et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel rédigé comme suit :

L'Etat est le garant de l'égalité, de la solidarité, de l'aménagement équilibré du territoire.

Les compétences conférées par la loi aux collectivités territoriales ou dont celles-ci sont conduites à se doter au titre de l'expérimentation ne sauraient remettre en cause l'exercice par l'Etat, sur l'ensemble du territoire, des compétences qui sont les siennes conformément aux principes dont il est le garant.

 

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous avons beaucoup insisté, hier, sur les différences de conception, entre le Gouvernement et nous-mêmes, en ce qui concerne la décentralisation.

Nous craignons beaucoup - nous avons eu l'occasion de nous en expliquer - que l'on n'en arrive à une conception de la décentralisation selon laquelle l'Etat ne serait plus qu'une sorte d'Etat résiduel, dont les compétences ne seraient, par soustraction, que les compétences dont les collectivités territoriales ne se seraient pas dotées.

Cette conception d'un Etat minimal, d'un Etat à géométrie variable, n'est pas la nôtre.

Monsieur le ministre, permettez-moi de vous poser une nouvelle question à cet égard, une question à laquelle, depuis le début de ces débats sur la décentralisation, c'est-à-dire depuis près de deux ans, nous n'avons pas obtenu de réponse : quelles sont, selon vous, les compétences qui relèvent, en propre, de l'Etat ?

Il est tout à fait significatif que nous n'ayons jamais obtenu la moindre réponse à cette question. Il nous a d'ailleurs été dit que répondre à cette question reviendrait, en quelque sorte, à préjuger le débat, puisqu'il fallait attendre que les concertations aient été menées à leur terme et, surtout, que l'expérimentation ait porté tous ses fruits.

Nous, nous tenons à dire que si sont additionnées, premièrement, les dispositions de l'article 101 de ce projet de loi, aux termes desquelles toute région, tout département, peut transférer toute compétence à une intercommunalité, deuxièmement, les dispositions de l'expérimentation qui permettent, neuf années durant, à toute collectivité d'exercer toute compétence qui est celle d'une autre collectivité ou qui est celle de l'Etat, troisièmement, les trente conventions prévues dans ce projet de loi, qui visent à répartir de manière quelque peu aléatoire des compétences entre des collectivités ou entre l'Etat et les collectivités, et ce sans compter l'extrême enchevêtrement des dispositions relatives aux départements d'outre-mer, qui fait que nos collègues - j'ai cité hier M. Claude Lise - sont particulièrement préoccupés par cette complexité, il deviendra impossible de définir clairement ce qui ressortit à l'Etat.

C'est pourquoi il nous paraît absolument essentiel d'écrire dans le texte ceci : « Les compétences conférées par la loi aux collectivités territoriales ou dont celles-ci sont conduites à se doter au titre de l'expérimentation ne sauraient remettre en cause l'exercice par l'Etat, sur l'ensemble du territoire, des compétences qui sont les siennes, conformément aux principes dont il est le garant. »

Adopter cet amendement apporterait une solide garantie.

M. le président. L'amendement n° 248, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Lagauche, Dauge, Marc, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger, Reiner, Todeschini, Courrière et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel rédigé comme suit :

La mise en oeuvre par une collectivité territoriale de l'expérimentation, telle qu'elle est prévue par la loi, ne saurait se traduire par l'abandon de la part de l'Etat des compétences qui lui sont dévolues par la Constitution et par la loi.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement va exactement dans le même sens que le précédent, mais vise plus précisément le processus dit de l'expérimentation.

Il est ainsi libellé : « La mise en oeuvre par une collectivité territoriale de l'expérimentation, telle qu'elle est prévue par la loi, ne saurait se traduire par l'abandon de la part de l'Etat des compétences qui lui sont dévolues par la Constitution et par la loi. »

Pour résumer encore les choses, nous tenons à dire clairement que, pour nous, les compétences ne constituent pas un grand marché où chaque collectivité territoriale viendrait se servir et dans lequel, cela fait, il ne resterait, pour l'Etat, qu'une sorte de résidu, à savoir des compétences forcément à géométrie variable, forcément contraintes par les décisions des différentes collectivités locales ou des différentes catégories de collectivités locales.

Permettez-moi de me référer, monsieur le ministre, à Montesquieu, à Jean-Jacques Rousseau et à Tocqueville. Tous ces auteurs, dans leur diversité, seraient certainement très préoccupés à la lecture de la définition de l'Etat républicain inscrite en creux dans ce projet de loi, d'où la nécessité, selon nous, d'adopter l'amendement n° 248.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. L'amendement n° 244, s'il est sans doute intéressant, présente toutefois l'inconvénient d'être totalement dépourvu de portée normative.

D'une part, il est dommage d'alourdir les textes de loi de dispositions qui n'ont pas de portée normative ; d'autre part, les précisions proposées sont d'une évidence telle que point n'est besoin de les inscrire dans une loi. Cela me rappelle un peu les amendements déposés par M. Charasse sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la charte de l'environnement !

M. Jean-Pierre Sueur. Ils vous ont beaucoup marqué !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je les ai beaucoup appréciés ! J'adore l'humour : il est indispensable dans la vie !

M. Jean-Pierre Sueur. Voilà un point d'accord entre nous !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. C'est Oscar Wilde, si ma mémoire est bonne, qui disait que seul le superflu est indispensable ! (Sourires.)

L'amendement n° 248 est, lui aussi, dépourvu de portée normative. Il tend à apporter une précision quasiment inutile : nous sommes dans un Etat unitaire - cela n'a échappé à nul d'entre nous - et, en conséquence, l'Etat détient une compétence de droit commun sans qu'il soit besoin de se référer à la Constitution ou à la loi, alors qu'au contraire les collectivités locales détiennent leurs compétences de la loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je suis défavorable à ces amendements pour les mêmes raisons que celles que vient d'évoquer M. le rapporteur.

Il peut se trouver que, sur un certain nombre de sujets, nous soyons, les uns et les autres, amenés à enrichir nos différents arguments, mais, dans ce cas présent, ces amendements n'ont, ni l'un ni l'autre, de portée normative - vous pouvez tourner le problème dans tous les sens ! - et ils ne sont, à ce stade, que des déclarations de principe auxquelles, tous, nous ne pouvons être que favorables : comment imaginer que l'Etat renoncerait à ses compétences ? Que ne lui incomberait pas la mission de veiller à la solidarité des territoires ? Que les collectivités locales pourraient ainsi bénéficier de certaines compétences alors que l'Etat aurait abandonné les siennes ?

Sur ce point, nous sommes bien sur la même longueur d'onde. Nous sommes dans la même République, laquelle a pour mission d'assurer l'intérêt général et doit être organisée de façon que ses compétences soient exercées au service des Français.

Il n'y a donc pas lieu de retenir ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 244.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 248.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 245, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Lagauche, Dauge, Marc, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger, Reiner, Todeschini, Courrière et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel rédigé comme suit :

Toute compétence est strictement dévolue à l'Etat ou à une catégorie de collectivités territoriales.

L'amendement n° 246, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Lagauche, Dauge, Marc, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger, Reiner, Todeschini, Courrière et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel rédigé comme suit :

Toute compétence est strictement dévolue à l'Etat ou à une catégorie de collectivités territoriales, dans les limites fixées par les dispositions légales relatives à l'expérimentation.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens tout d'abord à remercier M. le rapporteur et M. le ministre : même s'ils ont considéré que les amendements nos 244 et 248 n'avaient pas de portée normative et étaient superfétatoires, comme l'a dit en latin notre collègue Jean Chérioux, ils ont reconnu approuver, finalement, l'objet de ces textes : leurs propos figureront au procès-verbal et constitueront donc un élément d'appréciation qui, pour l'histoire, ne manquera pas d'intérêt.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est beaucoup d'honneur ! Entrer dans l'histoire, c'est inespéré !

M. Jean-Pierre Sueur. Cela tempère notre déception de voir que, en dépit de nos argumentations, aucun de nos amendements n'est accepté. Il nous a même fallu assister à la chute du titre que nous avions prévu d'insérer avant l'article 1er.

Nous avions pensé que peut-être certains de nos amendements auraient pu en effet recueillir votre adhésion. Il n'en a rien été : aucun amendement, aucun paragraphe, aucun alinéa, aucune phrase, aucun mot, rien !

Vous connaissez ce vers, « les chants désespérés sont les chants les plus beaux ». Avec les amendements n°s 245 et 246, je vous propose une affirmation de principe, qui n'a pas de portée normative - je le précise d'emblée, cela vous facilitera la tâche (Sourires) - ...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous gagnons du temps !

M. Jean-Pierre Sueur. ... mais est pour nous essentielle.

A lire votre projet de loi, monsieur le ministre - nous l'avons fait plusieurs fois - ,et l'ensemble des textes relatifs à la décentralisation aujourd'hui en vigueur - cela prend beaucoup de temps... -, nous en saisissons la complexité, l'enchevêtrement et les chevauchements très nombreux. Nous n'y trouvons pas la lisibilité et la clarté pourtant si nécessaires à chaque citoyen pour qu'il puisse aimer la République. Pour cela en effet, encore faut-il y comprendre quelque chose !

Je mets au défi quiconque, je le répète, d'exposer dans un établissement scolaire l'économie générale du dispositif ainsi que ses dispositions particulières, tant tout est compliqué et alambiqué. C'est particulièrement vrai avec ce projet de loi.

Je me demande parfois ce qu'auraient pensé les éminents juristes qui nous contemplent, dans cet hémicycle, des paragraphes - j'allais dire, proustiens, mais ce serait faire injure à ce grand écrivain ! - qui composent ce projet de loi. Ils sont tellement difficiles à comprendre que cela défie les règles de la pédagogie comme celles de la clarté !

C'est la raison pour laquelle ces deux amendements visent à introduire une phrase simple, concise, mais d'une grande clarté : « Toute compétence est strictement dévolue à l'Etat ou à une catégorie de collectivités territoriales ».

Vous allez nous répondre que cela va de soi. Monsieur le ministre, relisez le texte du projet de loi : vous verrez que ce n'est pas du tout le cas !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. M. Sueur a lui-même donné par avance l'argumentation : ces deux amendements n'ont pas de portée normative.

Il n'est pas utile d'ajouter ce qui va de soi. L'explication qu'il a avancée ne m'a pas convaincu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il est toujours très intéressant, pour un encore jeune ministre, d'observer comment se construisent les amendements de l'opposition.

Il est possible de distinguer deux sortes d'amendements parmi tous ceux - et ils sont nombreux - qui ont été déposés, en particulier par vous, mesdames et messieurs les sénateurs du groupe socialiste : ceux dont vous avez le sentiment qu'ils correspondent vraiment à un problème de fond, pour lesquels il y a lieu de débattre, de discuter, car ce sont des amendements importants ; ceux qui sont ajoutés, en quelque sorte, pour faire du chiffre.

L'honnêteté m'oblige à vous dire, et Dieu sait si je suis nos débats avec beaucoup d'attention, que cet amendement appartient à cette dernière catégorie. Cela n'enlève rien à son charme, à son intérêt ou à la qualité de sa rédaction...

M. Jean-Pierre Sueur. C'est l'un des meilleurs !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. D'un point de vue rédactionnel, il est sans doute l'un des meilleurs, en effet ! Encore que l'appel désespéré à Proust m'ait laissé le sentiment que vous commenciez à douter de vous, monsieur Sueur !

M. Jean-Pierre Sueur. Pas du tout ! J'ai également fait référence aux statues !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En tout état de cause, et je ne m'attarderai pas davantage, car le débat est loin d'être achevé, ces amendements n'ont pas de portée normative. Il en est suffisamment de normatifs pour que nous nous consacrions à ceux-là. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Ce n'est pas Proust, mais Musset qui a parlé des « chants désespérés », qui « sont de purs sanglots ».

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Jean-Pierre Sueur a cité Proust !

M. Jean-Pierre Sueur. J'ai parlé des deux !

M. Bernard Frimat. Nous avons tous les deux raison ! C'est déjà un point d'accord ! (Sourires.)

Monsieur le rapporteur, l'amendement présenté par Jean-Pierre Sueur ne présente pas, dites-vous, de caractère normatif. Il me semble que vous avez lu hâtivement cet amendement. L'expression « toute compétence est strictement dévolue » signifie qu'une compétence pourra appartenir à une catégorie, non à une autre. Cette conception est plus verticale : il ne s'agit pas d'une compétence totalement enchevêtrée.

Je ne suis pas aussi convaincu que vous que cet amendement n'ait pas de caractère normatif. Mais vous êtes hostile à cette proposition uniquement parce qu'elle émane de nos travées ...

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Mais non !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 245.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 246.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 247, présenté par MM. Sueur, Peyronnet, Frimat, Lagauche, Dauge, Marc, Godefroy, Mauroy, Mano, Domeizel, Chabroux, Cazeau, Bel, Courteau, Krattinger, Reiner, Todeschini, Courrière et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel rédigé comme suit :

Aucun transfert de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales ne peut avoir pour effet d'accroître les inégalités financières entre ces collectivités.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement appartient à la même catégorie que les amendements précédents et vise à bien marquer la différence entre deux conceptions de la décentralisation. Là réside d'ailleurs le coeur du débat, monsieur le président, et nous ne pouvons guère en faire l'économie.

Selon votre conception, les compétences forment un marché à l'intérieur duquel les collectivités viennent se doter ; par voie de conséquence, l'Etat devient minimal ou résiduel. Cela s'appuie sur une vision libérale de la société, de l'économie et des institutions, en vertu de laquelle la somme des initiatives de chacun des acteurs - chacune des collectivités et l'Etat - produit spontanément le bien commun.

Nous respectons votre conception ; la nôtre est différente. Il faut une armature solide, comme l'avaient voulue François Mitterrand, Gaston Defferre et Pierre Mauroy, permettant de préciser clairement qui fait quoi, de définir strictement quelle compétence relève des collectivités ou de l'Etat, autrement dit, de donner lisibilité et clarté à l'édifice.

Cette conception-là est républicaine ; non pas que, à notre avis, la vôtre ne soit pas inscrite dans le cadre de la République ; mais il semble que, pour vous, plus le système est désorganisé, plus grande est la possibilité donnée à chacun de doter de toute compétence dans le désordre, mieux cela vaut.

J'en suis intimement persuadé : si Jean-Pierre Raffarin tient tellement à cette réforme, au point qu'il conduit chacun et chacune d'entre nous à être ici alors que nous connaissons bien les réticences qui s'expriment sur cette réforme dans tous les groupes politiques, et pas seulement dans ceux de l'opposition, c'est qu'il est animé - encore une fois, c'est tout à fait respectable - par une pensée profondément libérale. Selon lui, c'est finalement en défaisant l'édifice, en donnant à chacun l'opportunité de choisir ce qu'il veut, que les choses iront bien, que l'on pourra « desserrer le carcan », comme il dit, et libérer les initiatives.

Pour notre part, nous estimons cette conception libérale, voire ultralibérale, de la décentralisation, c'est-à-dire de la République et donc de l'Etat, incompatible avec le principe d'égalité. En effet, dans cette République aléatoire ou à géométrie variable, ce sont ceux qui ont le plus de moyens qui s'en sortiront le mieux.

C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de parler de péréquation, de justice, de fiscalité locale. Il est impossible d'en rester là. Il importe de graver sur le fronton de l'édifice, comme nous le proposons par le biais de cet amendement, qu'« aucun transfert de compétences de l'Etat aux collectivités territoriales ne peut avoir pour effet d'accroître les inégalités financières entre ces collectivités. »

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La question des transferts de compétences est distincte de celle de la péréquation. La réforme de la péréquation, je vous le rappelle, a été engagée dans la loi de finances pour 2004 et sera poursuivie à l'automne. Il nous faut déjà traiter suffisamment de sujets ici, ne mélangeons pas les genres.

Ce débat pourra être repris à l'occasion de l'examen d'un autre texte.

M. Jean-Pierre Sueur. Il faut attendre les feuilles d'automne ...

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les raisons que Jean-Pierre Schosteck vient d'indiquer et pour celles que j'ai moi-même longuement rappelées hier soir.

Nous sommes engagés dans un processus où chaque étape est importante et doit être étudiée sérieusement. La réforme des dotations et la mise en place d'une péréquation modernisée viendront en leur temps, à l'automne. J'espère que nous serons alors ensemble aussi constructifs que nous le sommes depuis le début de ce débat. Peut-être même pourrions-nous l'être encore plus !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous serons là à l'automne !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 247.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 436, présenté par Mmes Mathon et Borvo, M. Bret et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Un rapport est remis au Parlement dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi sur le bilan des lois de décentralisation.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. C'est un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck. Il s'agit d'une précision importante, qui vise à prévoir le dépôt d'un rapport du Gouvernement au Parlement dans les six mois suivant la promulgation de la loi. Or, comme l'entrée en vigueur de cette loi serait reportée au 1er janvier 2005, cela risque de n'être pas d'une grande utilité.

Les précédentes lois de décentralisation, je le rappelle, ont fait l'objet d'évaluations approfondies tant du Sénat, avec le rapport Mercier-Delevoye ou avec le rapport Mauroy de la commission pour l'avenir de la décentralisation, que du Conseil économique et social.

Il n'est donc peut-être pas indispensable d'en prévoir une de plus. La commission émet par conséquent un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 436.

(L'amendement n'est pas adopté.)

CHAPITRE Ier

Le développement économique

Articles additionnels avant l'article 1er (suite)

M. le président. L'amendement n° 438, présenté par Mmes Didier, Beaufils et Terrade, MM. Coquelle, Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Il est créé, dans chaque région, une commission régionale de contrôle des aides publiques chargée d'évaluer et de contrôler l'utilisation des aides au développement économique.

La commission régionale est composée de représentants de l'Etat, des organisations syndicales et d'employeurs représentatives, de personnalités qualifiées, d'élus représentants des collectivités territoriales.

Elle peut être saisie par tout élu local, représentant les services de l'Etat, comité d'entreprise ou, à défaut, délégué du personnel d'une entreprise sur toute question relative à la mise en oeuvre des aides publiques accordées au développement économique.

Le secrétariat de la commission régionale est assuré par le représentant de l'Etat dans la région.

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. La mobilisation de l'argent public en direction du développement économique local est, nous le savons, une questions clé que pose ce projet de loi.

En effet, une véritable connaissance de la réalité des flux financiers mobilisés pour accomplir ces missions s'avère plus que nécessaire.

En effet, qu'avons-nous, dans le paysage financier propre à l'aide au développement économique qui s'apparente au financement plus ou moins auxiliaire de la stratégie des entreprises elles-mêmes ?

Il y a d'abord les aides économiques locales, dont le titre Ier du projet de loi prévoit aujourd'hui la centralisation à l'échelon régional.

Force est d'ailleurs de constater qu'une part non négligeable de ces financements, aujourd'hui quelque peu éparpillés, s'est souvent révélée inefficace, car elle s'est avérée difficile à mobiliser ou trop modique pour jouer le moindre effet de levier.

C'est, par exemple, le cas du fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et internationales, le FISAC, ou de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, la TACA, dont les excédents importants ont été distraits de leur objet initial, sans que s'améliore réellement la situation des PME à vocation commerciale.

Il y a également, sous ces chapitres, les crédits ouverts au titre de l'aménagement du territoire, qu'il s'agisse des aides directes, ou de l'ensemble de la dépense fiscale, plus ou moins automatique, qui soutient a priori ces politiques d'aménagement.

Nous pensons explicitement tant au régime fiscal de l'article 44 sexies en termes d'impôt sur le revenu qu'à la faculté laissée aux collectivités locales de procéder à des exonérations temporaires de taxe professionnelle sous certaines conditions.

Mais l'action publique en direction du développement économique, c'est aussi, par exemple, les effets des exonérations de cotisations sociales, attribuées à concurrence de la politique salariale que mènent les entreprises. En effet, de longue date, priorité a été accordée à l'allégement des cotisations sociales concernant les bas salaires.

Il serait possible de poursuivre de manière relativement exhaustive l'analyse de laréalité de la dépense publique.

Au-delà de la controverse sur le contenu même et l'efficacité de cette dépense multiforme, il s'agit de faire en sorte que les élus locaux ne puissent plus ignorer les effets réels des décisions qu'ils seraient amenés à prendre.

Cet amendement vise donc à instituer, aux côtés de chaque conseil régional, une commission de contrôle des aides publiques aux entreprises. Je vous renvoie, pour sa composition, au texte même de l'amendement.

Certains y verront peut-être une résurgence de la défunte commission nationale de contrôle des fonds publics accordés aux entreprises créée en vertu de la loi du 4 janvier 2001.

Mais, au-delà des apparences, nous voulons que les élus régionaux puissent connaître les effets de leurs décisions.

On observera d'ailleurs que cette démarche de notre groupe est également liée au fait que nombre des conseils régionaux issus des élections du mois de mars dernier ont décidé de suivre avec la plus grande attention, la plus grande vigilance, la question de l'allocation de la ressource publique.

Adopter cet amendement permettrait donc tout simplement de donner valeur législative à ces initiatives pour le moins responsables, que nous ne pouvons qu'approuver, et de disposer de l'outil nécessaire pour assurer le contrôle des aides publiques.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons donc, mes chers collègues, à voter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Un amendement identique avait déjà été déposé lors de la première lecture de ce projet de loi. Les commissions régionales de contrôle des aides publiques aux entreprises ont été créées par la loi du 4 janvier 2001 qui a été abrogée par la loi de finances rectificative de 2002. Je ne pense pas utile de les rétablir, étant donné notre souci commun d'essayer d'alléger l'ensemble de ce dispositif et la pesanteur du bottin administratif.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.

M. Robert Bret. Je comprends l'argument de M. le rapporteur relatif à l'allégement du dispositif.

Dans nos départements, nous connaissons tous des entreprises qui, après avoir touché des aides publiques substantielles, se délocalisent vers d'autres départements, quand ce n'est pas à l'étranger, pour le plus grand profit, certainement, de leurs actionnaires mais au détriment du développement économique desdits départements, de notre pays et de l'emploi.

Ainsi, dans le département des Bouches-du-Rhône l'entreprise GEM-Plus, à la pointe de la technologie, a délocalisé en grande partie ses activités, nous laissant avec des chômeurs « sur les bras », après avoir reçu pendant des années des subventions accordées par le conseil régional, par les EPCI, par le département.

En cet instant, j'en appelle surtout à notre expérience à tous, mes chers collègues : nous devons être cohérents parce que les conseils régionaux ont besoin d'un outil permettant le contrôle des aides publiques.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.

Mme Hélène Luc. Pourrions-nous savoir ce que pensent les sénateurs de la majorité ? Une discussion telle que celle que nous menons concernant la décentralisation et comportant de graves dispositions ne peut pas continuer de cette façon ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Quand M. Robert Bret intervenait, j'ai constaté que M. le ministre ne l'avait pas écouté. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Ce matin, j'ai entendu un député socialiste préciser à la radio que les débats relatifs au statut d'EDF-GDF se sont déroulés de la même manière à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas une attitude démocratique !

En l'occurrence, est-ce ou n'est-ce pas un débat ? Monsieur le ministre, vous dites sans arrêt : « nous discutons, nous nous concertons ». Mais quel est l'avis de la majorité sénatoriale ?

M. Philippe Richert. On va voter ! Il n'y a aucun problème, vous verrez !

M. Jean Chérioux. Vous êtes très forte pour les faux débats !

Mme Hélène Luc. A la suite de mon explication de vote, j'espère que nos collègues de la majorité sénatoriale s'exprimeront.

Je veux maintenant abonder dans le sens des propos de M. Robert Bret relatifs aux commissions départementales et aux commissions régionales pour le développement économique.

Je veux vous donner l'exemple de la société Facom, bien connue, située à Villeneuve-le-Roi, qui produit des outils inégalés dans le monde entier.

M. Eric Doligé. Des faucilles et des marteaux !

Mme Hélène Luc. Le patron veut la délocaliser à Taïwan où sont fabriquées des clés qui coûtent un peu moins cher mais qui ne sont pas de qualité. Les ouvriers de l'entreprise qui les ont testées ont constaté qu'elles se cassaient si on les utilisait pour dévisser quelque chose de très dur.

Quelle est la raison de cette fragilité? Les ouvriers travaillant à Villeneuve-le-Roi se servent de forges froides alors que ceux de Taïwan ont recours à des forges chaudes.

Mes chers collègues, ce fait peut vous sembler un détail dans le cadre de cette discussion qui, prétendument, va décider des grands objectifs nationaux de la décentralisation. Mais nous ne discutons pas d'une véritable décentralisation. Nous examinons une déconcentration, un transfert de charges.

En ce qui concerne l'entreprise Facom, je me bats, au sein du conseil général du Val-de-Marne avec le préfet de ce département et M. Sarkozy pour qu'elle ne soit pas délocalisée. J'ai saisi le préfet du Val-de-Marne afin que soit consulté le comité de développement économique. Les commissions traitant du développement économique doivent pouvoir contrôler l'utilisation des aides accordées aux entreprises, et ce à l'échelon départemental.

Le conseil régional d'Ile-de-France a indiqué qu'il était prêt à apporter une aide non seulement technique mais également financière à l'entreprise Facom. Le conseil général du Val-de-Marne a précisé qu'il acceptait aussi de lui octroyer une aide financière. Cette société compte 248 emplois qu'il ne faut pas supprimer.

Je vous propose donc d'adopter l'amendement n° 438 qui tend à ce que les crédits que nous pouvons donner aux entreprises bénéficient effectivement à l'emploi et ne servent pas à aider des sociétés qui s'en vont ensuite ailleurs, comme nous l'avons vu à plusieurs reprises en Alsace ou dans d'autres départements. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 438.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme Hélène Luc. Je ne les ai pas convaincus ! Personne ne parle. Cela continue comme en première lecture !

M. le président. L'amendement n° 439, présenté par M. Muzeau, Mme Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 321-1 du code du travail est complété par treize alinéas ainsi rédigés :

« Est interdit le licenciement économique effectué alors que la société ou le groupe a réalisé des profits ou distribué des dividendes au cours du dernier exercice.

« L'examen de la situation de l'entreprise est réalisé alors par une commission constituée :

« - de représentants du personnel ;

« - de représentants de l'employeur ;

« - de l'inspection du travail ;

« - du commissaire aux comptes de l'entreprise ;

« - d'un magistrat de la juridiction commerciale du ressort ;

« - d'un représentant de la Banque de France ;

« - d'un membre de la commission décentralisée du contrôle de fonds publics ;

« - d'élus locaux ;

« Au terme d'un délai de six mois, un avis détermine les propositions nécessaires à la préservation de l'emploi.

« Cet avis est transmis à l'employeur, à l'autorité administrative, aux salariés, à leurs représentants ou au comité d'entreprise.

« Sera puni d'une amende de 7600 euros prononcés autant de fois qu'il y a de salariés concernés par l'infraction, l'employeur qui ne respecte pas cette interdiction. »

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avions déposé un amendement identique lors du débat en première lecture ici même.

Rien dans l'évolution de la situation de l'emploi ne nous autorise à renoncer à le représenter au suffrage du Sénat aujourd'hui.

Alors que nous allons aborder avec les premières dispositions de ce projet de loi l'action économique de la région, comment ne pas préciser que la lutte pour l'emploi constitue précisément l'un des éléments premiers du développement économique ?

Les plans de licenciement ne sont pas moins nombreux qu'à l'automne dernier, bien au contraire, malheureusement.

Comme je l'avais indiqué en première lecture, « ce qu'attendent les habitants de notre pays, c'est non la mise en concurrence des territoires en matière de développement économique, mais bien un sursaut national pour stopper l'augmentation du chômage et de la précarité. »

Ce n'est certainement pas le souci des auteurs du projet de loi, texte qui vise surtout à organiser de nouvelles aides aux entreprises sans, évidemment, prévoir le moindre contrôle de leur utilisation.

Lutter pour l'emploi, combattre pour le maintien de l'industrie et son retour c'est, selon nous, s'opposer résolument, par exemple, aux licenciements dits «boursiers». Ces derniers caractérisent le choix de l'argent contre l'épanouissement humain, de l'intérêt privé contre l'intérêt général.

C'est en ce sens que nous proposons l'instauration d'une commission nationale de contrôle de ces licenciements en posant le principe préalable de l'interdiction de ceux-ci.

Ce sont ces types de mesures que les Françaises et les Français attendent, comme ils l'ont signifié par leurs votes sanctions des 21 et 28 mars derniers. Ces votes sont peut-être à l'origine du silence qui règne sur les travées de la majorité sénatoriale!

Rappelons-le : les électeurs ont avant tout exprimé leur rejet du libéralisme agressif que symbolise l'actuel gouvernement, dont le MEDEF semble tirer les ficelles. Mais n'est-ce qu'une apparence ?

Ce que les électeurs ont manifesté, ce n'est certainement pas leur désir de la poursuite, aux forceps, d'une politique du tout libéral, dévastatrice, qui foule aux pieds des décennies de conquête du monde du travail.

Il suffirait, mes chers collègues, que vous preniez quelques instants de votre temps précieux pour lire, par exemple, un article publié aujourd'hui dans La Tribune, dans lequel le baron Seillière s'emporte à nouveau contre les 35 heures, contre le risque de voir supprimer des allégements de cotisations sociales au motif d'économies budgétaires prônées par M. Sarkozy. Bref, le MEDEF s'inquiète, le MEDEF réclame, le MEDEF exige. Et vous, membres de la majorité sénatoriale, vous êtes à ses ordres.

L'amendement n° 439 vise à bien replacer les responsabilités en matière de développement économique. Nous vous proposons de l'adopter par scrutin public.

Mme Hélène Luc. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Cet amendement, pour être intéressant, n'en est pas moins sans rapport avec l'objet du présent projet de loi. De surcroît, la commission est opposée au rétablissement d'une économie administrée qui nuirait à l'emploi plus qu'elle ne lui serait bénéfique. Par conséquent, elle émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, ne serait-ce que parce que le droit du travail prévoit des règles précises pour encadrer les licenciements économiques qui peuvent être dictés par des impératifs économiques, indépendamment du résultat de l'exercice précédent ou d'une éventuelle distribution de dividendes.

Ces derniers faits ne sauraient fonder une interdiction de procéder à des licenciements ni, a fortiori, justifier les sanctions proposées.

Monsieur Muzeau, votre démarche fait apparaître nos conceptions différentes de la politique économique. Chacun le sait : c'est l'un des points qui nous différencient.

Il est également important de rappeler que nous examinons un projet de loi qui vise à favoriser le développement économique, l'emploi et l'implantation d'entreprises. Un système dans lequel seraient introduites de nouvelles rigidités pourrait être très contre-productif même si, à court terme, il pourrait satisfaire telle ou telle attente immédiate. Il serait, me semble-t-il, très contraire à l'intérêt des salariés de notre pays.

Nous aurons sans doute d'autres occasions d'en débattre, mais il y a là, je crois, une divergence majeure entre nous. En tout état de cause, la mesure que vous proposez ne saurait avoir sa place dans un texte relatif à la décentralisation.

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.

M. Roland Muzeau. Je suis parfaitement d'accord avec ce que viennent d'indiquer tant M. le ministre que M. le rapporteur. Oui, cet amendement est contre-productif par rapport à la politique que vous menez. Il est radicalement opposé au choix que vous faites.

En revanche, il traduit la réalité du monde économique tel que nous le vivons et tel que, malheureusement, les salariés le subissent. Des milliers de licenciements interviennent dans des entreprises qui réalisent des profits. Nos concitoyens doivent savoir que, dans cet hémicycle comme à l'Assemblée nationale, des choix économiques politiques sont faits. Ils persistent à vouloir attribuer des allégements de charges, des économies d'impôts, des aides publiques diverses et variées. Demain, l'adoption de ce projet de loi ouvrirait la possibilité pour les territoires de faire jouer la concurrence entre eux, d'attirer des entreprises, de les délocaliser du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest, et encore plus loin s'il le faut.

Cet amendement relève parfaitement du débat qui retient notre attention, surtout celle de l'opposition, d'ailleurs ! (M. Jean-Pierre Sueur acquiesce.) Les élections sénatoriales ou d'autres sujets plus importants préoccupent peut-être davantage nos collègues. (M. Nicolas About s'exclame.)

En tout cas, je n'ai entendu personne sur vos travées, mes chers collègues, dire quoi que ce soit sur ce monde du travail qui souffre terriblement aujourd'hui et qui constate que les licenciements continuent d'augmenter.

Monsieur le ministre, quand vous parlez de désaccords profonds relatifs à l'économie administrée, j'en suis bien d'accord. D'une part, nous ne sommes pas pour une économie administrée. D'autre part, il faudrait peut-être que vous vous remémoriez les propos qu'a tenus M. Sarkozy voilà quelques jours. Votre collègue commençait en effet à découvrir les aspects inquiétants des allégements de charges, ce qui fait bondir le MEDEF, allégements de charges qui sont de l'ordre de plusieurs millions d'euros, qui ne cessent d'augmenter, d'allégements d'impôts qui sont faramineux.

Nicolas Sarkozy lui-même, qui n'est tout de même pas un adepte de l'économie administrée et qui, certes, à la place qui est la sienne, cherche à faire des économies budgétaires, disait : « Il faudra peut-être y regarder de plus près parce que ces économies, ces allégements de charges ne sont peut-être pas aussi productives en matière de protection de l'emploi ou de création d'emplois qu'on veut bien le dire ».

C'est la raison pour laquelle je vous invite à lire l'interview, dont je vous ai parlé voilà quelques instants, que le baron Ernest-Antoine Seillière a donné à La Tribune, et dans laquelle il organise sa défense, celle bien évidemment des boursicoteurs contre l'emploi.

L'amendement n° 439 a donc toute sa place dans le texte que nous examinons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 439.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 187 :

Nombre de votants230
Nombre de suffrages exprimés227
Majorité absolue des suffrages exprimés114
Pour l'adoption28
Contre 199

Le Sénat n'a pas adopté.

Art. additionnels avant l'art. 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales
Art. 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

I. - L'intitulé du titre Ier du livre V de la première partie est ainsi rédigé : « Développement économique ».

II. - L'article L. 1511-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1511-1. - La région est responsable du développement économique sur son territoire, sous réserve des missions incombant à l'Etat. Elle y coordonne les interventions économiques des collectivités territoriales et de leurs groupements. A cet effet, le conseil régional adopte un schéma régional de développement économique, après avoir organisé une concertation avec les autres collectivités territoriales et leurs groupements. Le schéma régional de développement économique prend en compte les orientations stratégiques découlant des conventions passées entre la région, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les autres acteurs économiques et sociaux du territoire concerné. Le schéma est communiqué au représentant de l'Etat dans la région.

« Le schéma régional de développement économique définit les orientations stratégiques de la région en matière économique. Il vise à promouvoir un développement économique équilibré de la région, à développer l'attractivité de son territoire et à prévenir les risques d'atteinte à l'équilibre économique de tout ou partie de la région.

« Les aides aux entreprises des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales situés sur le territoire de la région tiennent compte des orientations du schéma régional de développement économique.

« Le conseil régional établit un rapport relatif aux aides et régimes d'aides mis en oeuvre sur son territoire au cours de l'année civile, dans les conditions prévues au présent chapitre, par les collectivités territoriales et leurs groupements. A cette fin, ces collectivités et groupements transmettent, avant le 30 mars de chaque année, toutes les informations relatives aux aides et régimes d'aides mis en oeuvre dans leur ressort au titre de l'année civile précédente.

« Ce rapport est communiqué au représentant de l'Etat dans la région avant le 30 juin de l'année suivante et, sur leur demande, aux collectivités précitées. Les informations contenues dans ce rapport permettent à l'Etat de remplir ses obligations au regard du droit communautaire.

« Ce rapport présente les aides et régimes d'aides mis en oeuvre sur le territoire régional au cours de l'année civile et en évalue les conséquences économiques et sociales.

« En cas d'atteinte à l'équilibre économique de tout ou partie de la région, le président du conseil régional, de sa propre initiative ou saisi par le représentant de l'Etat dans la région, organise une concertation avec les présidents des conseils généraux, les maires et les présidents des groupements de collectivités territoriales intéressés, et inscrit la question à l'ordre du jour de la prochaine réunion du conseil régional ou de la commission permanente. Les avis et propositions des présidents de conseil général, des maires et des présidents des groupements de collectivités territoriales intéressés sont communiqués au cours de ce débat. »

III. - Après l'article L. 1511-1, il est inséré un article L. 1511-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1511-1-1. - L'Etat notifie à la Commission européenne les projets d'aides ou de régimes d'aides que les collectivités territoriales et leurs groupements souhaitent mettre en oeuvre.

« Toute collectivité territoriale, tout groupement de collectivités territoriales ayant accordé une aide à une entreprise est tenu de procéder sans délai à sa récupération si une décision de la Commission européenne ou un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes l'enjoint, à titre provisoire ou définitif. A défaut, après une mise en demeure restée sans effet dans un délai d'un mois à compter de sa notification, le représentant de l'Etat territorialement compétent y procède d'office par tout moyen.

« Les collectivités territoriales et leurs groupements supportent les conséquences financières des condamnations qui pourraient résulter pour l'Etat de l'exécution tardive ou incomplète des décisions de récupération. Cette charge est une dépense obligatoire au sens de l'article L. 1612-15.

« Les obligations résultant de la procédure prévue à l'article 88-1 du traité instituant la Communauté européenne et de la mise en oeuvre des règlements d'exemption pris en application de l'article 89 dudit traité s'imposent aux collectivités territoriales et à leurs groupements lorsqu'elles concernent leurs dispositifs d'aide aux entreprises. »

IV. - L'article L. 1511-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1511-2. - Sans préjudice des dispositions de l'article L. 1511-3, de l'article L. 1511-5, du titre V du livre II de la deuxième partie et du titre III du livre II de la troisième partie, le conseil régional définit le régime et décide de l'octroi des aides aux entreprises dans la région qui revêtent la forme de prestations de services, de subventions, de bonifications d'intérêt, de prêts et avances remboursables, à taux nul ou à des conditions plus favorables que celles du taux moyen des obligations.

« Les départements, les communes et leurs groupements ne peuvent participer au financement de ces aides que dans le cadre d'une convention passée avec la région. Toutefois, en cas d'accord de la région, la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales auteur du projet d'aide ou de régime d'aides peut le mettre en oeuvre. »

V. - L'article L. 1511-3 est ainsi modifié :

1° Les deux premiers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant des aides que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent attribuer, seuls ou conjointement, sous forme de subventions, de rabais sur le prix de vente, de location ou de location-vente de terrains nus ou aménagés ou de bâtiments neufs ou rénovés est calculé par référence aux conditions du marché, selon des règles de plafond et de zone déterminées par décret en Conseil d'Etat. Ces aides donnent lieu à l'établissement d'une convention et sont versées soit directement à l'entreprise bénéficiaire, soit au maître d'ouvrage, public ou privé, qui en fait alors bénéficier intégralement l'entreprise. » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

VI. - L'article L. 1511-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1511-5. - Lorsque, saisie par une autre collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales d'un projet d'aide ou de régime d'aides, la région n'a pas répondu dans un délai de deux mois ou a fait connaître son refus motivé d'intervenir, une convention peut être conclue entre l'Etat et la collectivité territoriale ou le groupement auteur du projet, pour compléter les aides ou régimes d'aides mentionnés aux articles L. 1511-2 et L. 1511-3. Le projet de convention puis, le cas échéant, une copie de la convention sont portés à la connaissance du président du conseil régional par le représentant de l'Etat dans la région. »

VII. - Le chapitre Ier du titre V du livre II de la deuxième partie, la section 1 du chapitre Ier du titre III du livre II de la troisième partie et la section 3 du chapitre III du titre V du livre II de la quatrième partie sont intitulés : « Aides économiques ».

VIII. - A l'article L. 2251-2, au premier alinéa de l'article L. 2251-3, à l'article L. 3231-2 et dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 3231-3, les mots : « directes et indirectes » sont supprimés.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, sur l'article.

M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, j'aimerais savoir de quel article 1er nous allons discuter.

Jusqu'ici, au cours de l'examen en première lecture de ce projet de loi, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, les ministres chargés du dossier ont, à l'appui de leur argumentation, fait de l'article 1er un article symbolique. Il était en effet pour eux l'image même de la clarification : il prévoyait de manière claire de confier aux régions la responsabilité du développement économique sur leur territoire. Vous mesurez l'importance de cet article puisque l'on y reprenait un substantif du titre même du projet de loi.

Ce texte a été voté au Sénat. Le début de l'article a été adopté dans les mêmes termes à l'Assemblée nationale. Nous avons sur cet article, et je l'ai expliqué hier à M. Copé, un certain nombre de points de divergence, s'agissant notamment de l'état de crise manifeste et des « risques d'atteinte à l'équilibre économique » de la région ; mais c'est un autre point de l'article.

Vous avez toujours dit, monsieur le ministre, que votre projet de loi était clair et que les régions avaient la responsabilité du développement économique sur leur territoire. (M. le ministre acquiesce.)

M. le rapporteur a confirmé sa position la semaine dernière devant la commission des lois, qui l'a d'ailleurs suivie. Puis hier soir, nous avons eu l'étonnement de voir apparaître un amendement, qui a d'ailleurs été rectifié dans la matinée et distribué, un amendement dont la rédaction est très fine et très précise, et qui ne vise ni plus ni moins qu'à retirer aux régions la responsabilité du développement économique. Il n'est plus question que d'un schéma qui, à titre expérimental,... On ne comprend plus très bien où est la clarification. Une chose était à peu près claire, c'était la question du développement économique des régions.

Nous en avons débattu hier en commission. M. le rapporteur a été soutenu par la majorité des membres de l'UMP de la commission des lois qui étaient présents et il a été décidé de s'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.

Monsieur le ministre, je tiens à vous manifester notre inquiétude et à vous interroger très directement : assistons-nous à un changement de position manifeste ? Après que le Gouvernement a arrêté une position, qu'il a été approuvé au Sénat comme à l'Assemblée par sa majorité, va-t-il changer de position ?

Finalement, la conclusion que vous tirez des récentes élections régionales est-elle qu'il faut être à l'écoute des électeurs, et donc enlever maintenant aux régions la responsabilité du développement économique sur leur territoire ? J'essaie d'aborder cette question sans souci polémique.

Puisque nous allons maintenant écouter la présentation d'une longue série d'amendements en discussion commune et que nous souhaitons tous que nos débats soient clairs, je pense qu'il est nécessaire que vous clarifiiez votre position sur ce point important.

Je sais que M. le rapporteur a obtenu de la commission qu'elle s'en remette à la sagesse de la Haute Assemblée et que cela ne préjuge en rien la position du Gouvernement. Nous avons l'habitude ici que les positions du rapporteur ne laissent en rien préjuger celles du Gouvernement... (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Nous aimerions toutefois avoir de votre part quelques éclaircissements, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je me réjouis que nous entrions désormais dans le vif du sujet. Nous avons consacré presque une journée entière - un après-midi, une soirée et la matinée - à des sujets passionnants, mais qui n'avaient qu'un rapport assez lointain avec le texte en discussion. Nous allons maintenant avoir un véritable débat de fond sur cette question, comme nous en avons eu un lors de l'examen en première lecture du projet de loi.

Dominique de Villepin et moi-même avons procédé à de nombreuses consultations durant ces deux mois. Nous aurons l'occasion de poursuivre le débat sur ce sujet à l'occasion de la présentation des différents amendements.

Je m'empresse d'ailleurs de dire qu'il n'y a dans ce domaine aucune volonté polémique. En ce qui me concerne, je n'interviendrai pas sur ce qui relèverait de la polémique. Nous sommes en effet ici pour travailler sur un sujet de fond qui nous engage collectivement.

J'ai lu l'ensemble des amendements qui seront présentés et qui vont maintenant faire l'objet d'un exposé détaillé. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils partent dans toutes les directions. Il nous appartiendra donc, à partir de ce que nous aurons entendu, de nous prononcer. Bien entendu, il va de soi que le Gouvernement vous fera connaître son sentiment sur chacun de ces amendements.

L'heure est probablement maintenant venue d'entrer dans le vif du sujet, d'écouter l'exposé de tous ces amendements, puis de se prononcer en conscience et avec la sagesse qui s'impose. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Sueur. Vous fuyez la discussion de manière remarquable !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ce n'est pas mon genre !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous fuyez, on le voit bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission et son rapporteur ne fuient pas plus la question que M. le ministre.

La navette doit servir à quelque chose. Vous réclamez une discussion, mais vous n'en acceptez pas les conséquences.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Non ! Monsieur Sueur, je vous ai écouté avec attention, ne m'interrompez pas !

Vous voulez une discussion,...

M. Robert Bret. Avec nos collègues de la majorité !

Mme Hélène Luc. On ne les entend toujours pas !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. mais les idées doivent alors avancer. Sinon, contentons-nous d'un vote global, puis rentrons chez nous, nous avons sûrement tous mieux à faire que de débattre à l'infini !

Nous pensons donc, je le répète avec une profonde conviction, que la discussion parlementaire doit servir à quelque chose. La navette sert à quelque chose, l'avis de l'autre assemblée ainsi que les amendements de nos collègues sont importants. Ou alors, il faut modifier notre règlement et considérer qu'aucun amendement n'est recevable. Dans ces conditions, nous gagnerions beaucoup de temps. Mais je ne pense pas que cela serait bénéfique.

La commission, je le répète, avait un avis lors de l'examen en première lecture du projet de loi. Elle a maintenu cet avis lorsque sa propre position a été examinée. Mais elle ne peut naturellement pas rester insensible aux arguments développés par nos collègues lorsqu'ils déposent des amendements.

Je sais que vous ne manquerez pas de citer des phrases de mon rapport, et permettez-moi donc de vous rappeler un extrait de sa page 52 : « L'examen en première lecture du présent article par le Sénat et l'Assemblée nationale a mis en lumière la crainte des départements, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale que le renforcement de la compétence des régions en matière de développement économique ne les prive de la possibilité de développer ou maintenir l'activité et les emplois sur leur territoire. »

J'ai essayé de me forger une idée honnêtement, ce qui me conduit à proposer à la commission de s'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée. En réalité, nous hésitons entre deux nécessités. J'ai bien entendu les débats qui ont eu lieu. Je rappelle que, lors de la première lecture, le 30 octobre dernier, M. Marc - vous le connaissez ? - ...

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. ... a dit notamment : « Certes, nous souscrivons à l'affirmation du pôle pilote de la région en matière de développement économique, mais, pour autant, l'exclusion des autres collectivités de l'élaboration du schéma de développement régional n'est pas justifié. » Il a ensuite ajouté : « Sous couvert de rationaliser le dispositif, ne risque-t-on pas de réduire la capacité d'action des collectivités et de leurs groupements en matière d'aide économique ? »

M. Gérard Collomb - vous le connaissez ? - ...

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. ... a déclaré : « Mais la rédaction actuelle du projet de loi nous amène à douter de la marge d'initiative réelle qui restera aux communes et aux groupements de communes. Nous pensons qu'on établit ainsi, malgré l'article 72 de la Constitution, une tutelle de la région sur les autres collectivités territoriales en matière de politique économique et que cet article est profondément inconstitutionnel. » Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'on s'interroge !

« Nous voulons, ajoutait M. Collomb, que soit conservé le droit d'initiative des villes et des agglomérations, de manière qu'elles puissent intervenir en matière économique. »

Mme Terrade, que vous connaissez aussi...

M. Robert Bret. Très bien !

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. ... et à qui vous pouvez faire confiance, regrettait quant à elle que l'« on place ainsi l'intervention dans le domaine de l'emploi des instances les plus proches du terrain sous la coupe de la région ».

Je pourrais poursuivre le florilège, mais ces quelques exemples suffisent pour justifier la position de sagesse de la commission : la question est importante, elle mérite un débat qui, je n'en doute pas, aura lieu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le rapporteur, vous avez bien voulu citer plusieurs de nos collègues. Pour ma part, je tiens à rappeler que nous avons été un certain nombre, dans cet hémicycle, à dire lors de la première lecture qu'une bonne coopération et une bonne collaboration entre les régions, les départements et les agglomérations en matière économique était essentielle.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Absolument !

M. Robert Bret. C'est essentiel !

M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens beaucoup à cette bonne coopération. Il serait très préjudiciable qu'il n'y ait pas de cohérence, d'une part, entre un département qui a beaucoup oeuvré dans le domaine économique - il en est un que je connais bien - et les agglomérations de ce département, et, d'autre part, entre ce département et la région.

Nous souhaitons tous cette nécessaire cohérence et, d'ailleurs, quelles que soient les rédactions proposées, toutes s'évertuent à associer région, départements et agglomérations.

Mais, monsieur le ministre, soyons tout à fait clairs. La rédaction adoptée en première lecture n'est pas en contradiction avec la nécessité de cohérence entre région, départements et agglomérations. Cette rédaction commence cependant par les termes : « La région est responsable du développement économique sur son territoire... »

En première lecture, il avait aussi été prévu que le schéma régional de développement économique serait mis en oeuvre sur l'initiative et sous la responsabilité de la région, en partenariat, bien entendu, avec les départements, les agglomérations et l'Etat.

Imaginez, monsieur le ministre, que soit adopté cet amendement déjà rectifié qui vise, premièrement, à supprimer la responsabilité économique de la région et, deuxièmement, au lieu d'attribuer l'initiative et la responsabilité du schéma régional de développement économique à la région, à prévoir que « l'Etat peut confier à la région » le soin d'élaborer ledit schéma « à titre expérimental ».

Nous avons vu avec quelle élégance vous fuyiez la question, monsieur le ministre, et c'est la raison pour laquelle j'y reviens : pourquoi votre position est-elle devenue à ce point différente de celle que votre gouvernement défendait en première lecture ?

Je ne juge pas les positions, je constate seulement l'évolution. Les rapports de première lecture de M. Schosteck et des rapporteurs à l'Assemblée nationale, les avis émis, les votes de la majorité, au Sénat et à l'Assemblée nationale, l'adoption « conforme » de nombreux paragraphes témoignent de l'accord qui existait en première lecture sur la responsabilité économique de la région et sur sa compétence propre pour élaborer, en coopération avec les autres collectivités, le schéma régional.

M. Robert Bret. Mais que s'est-il donc passé depuis ?

MM. Bernard Frimat et Jean-Claude Peyronnet. Oui, que s'est-il passé ?

M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, si ce qui était bon avant les élections régionales ne l'était plus désormais, nous assisterions à un événement politique d'une singulière ampleur !

Parce que vingt-deux régions sur vingt-trois ont maintenant l'exécutif que l'on sait, cet article 1er relatif au développement économique sur l'initiative des régions auquel était si profondément attaché M. Raffarin aurait tout d'un coup radicalement changé de nature ?

M. Bernard Frimat. Pris la main dans le sac !

M. Jean-Pierre Sueur. Ce serait véritablement un grand événement politique, car, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, cela signifierait non seulement que vous avez une conception à géométrie variable de l'Etat républicain mais aussi que vous prévoyez d'attribuer aux régions des compétences elles aussi à géométrie variable selon les résultats des élections !

M. le président. Monsieur Sueur, il vous faut conclure !

M. Jean-Pierre Sueur. On passerait donc d'une conception d'une certaine grandeur - même s'il y a des désaccords entre vous et nous - de la décentralisation à une conception parfaitement opportuniste. Ce sera ma conclusion, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, sur l'article.

Mme Nicole Borvo. Nous avons débattu hier en commission de cette question, et il serait en effet intéressant de connaître l'avis du Gouvernement.

Au-delà du changement d'orientation de la commission entre la première lecture et la deuxième lecture, alors que la cohérence et la simplification ont été largement invoquées pour justifier ce texte, c'est à un patchwork inextricable que nous allons aboutir puisque la compétence économique sera accordée, à titre expérimental, à certaines régions mais pas à d'autres.

On n'y comprend plus rien et, eu égard aux arguments précédemment avancés pour justifier ce texte, on voudrait bien savoir pourquoi, tout d'un coup, les régions sont dépossédées de cette compétence.

Même si M. le ministre a écouté tout un chacun, force est de constater que ce changement d'orientation met en danger l'économie générale du projet de loi !

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. le président. Je suis saisi de quarante et un amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 440, présenté par Mmes Mathon, Didier, Beaufils et Terrade, MM. Coquelle, Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Cet amendement de suppression participe de notre position de principe sur l'essentiel du texte qui nous est soumis puisque nous ne croyons pas au bien-fondé de ce transfert de compétences et de crédits de l'Etat en direction des collectivités territoriales, en l'occurrence des régions.

L'article 1er consacre en effet le rôle de chef de file de la région en tant qu'intervenant dans le domaine du développement économique.

Pour autant, la question du développement économique local est au coeur des préoccupations des élus locaux et on ne peut que regretter que la seule approche qui nous soit proposée consiste à transformer les élus régionaux en auxiliaires des politiques d'implantation des entreprises, dans le droit fil de la logique libérale qui sous-tend depuis de trop longues années toute initiative en ces matières.

L'argent des régions devrait en effet n'être qu'un appoint des ressources mobilisées pour les exonérations fiscales et pour les allégements de cotisations sociales. A cet égard, l'intervention de ma collègue Hélène Luc a constitué une belle démonstration.

Cependant, les établissements de crédit continuent de pratiquer à l'encontre des petites et moyennes entreprises une discrimination intensive dans l'affectation des prêts bancaires, entravant ainsi leur développement et empêchant par conséquent un maillage plus serré du territoire et des bassins d'emplois.

Vous savez, monsieur le ministre, que les petites et moyennes entreprises sont nombreuses dans notre pays et représentent des bassins d'emplois importants. Hélas ! elles sont souvent tenues à l'écart des aides publiques.

Les collectivités sont-elles donc contraintes de ne jouer qu'un rôle subalterne dans le déroulement des opérations ? C'est cet a priori que nous refusons.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)